Plov
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Le plov (se prononce /plɔf/), palov ou osh est un plat des peuples d'Asie centrale : Kazakhs, Kirghizes, Ouzbeks, Tadjiks et Turkmènes[1] avec des dimensions culturelle, sociale et politique qui sont l'objet de travaux anthropologiques[2].
Ce riz pilaf à base de riz sauté dans l'huile ou la graisse de queue de mouton[3] est enrichi de légumes (oignon, pois chiche, carotte, ail), de viande (mouton, bœuf, porc, volaille), d'aromates (cumin, coriandre, curcuma) et décoré d'œufs durs. Il a de multiples déclinaisons mais aussi une valeur unificatrice symbole de partage, et appartient à la fois à la cuisine cérémonielle de fête et à la cuisine quotidienne[2].
Dénomination
modifierIl s'appelle osh ou ach chez certains turcophones, osh en ouzbek[4] et Оши палов, оши палав, пилав (Oşi palov, oşi palav, pilav) en tadjik, ach racine turque[5] signifie la nourriture, faim, cuisine ач уи (ach uî) en kirghiz[2]. Nicolas Komaroff écrit (1976) à propos d'un mariage turkmène : « Ensuite on servait un repas (ash) constitué par du riz pilaf (plov) préparé spécialement pour la circonstance »[6].
Плов (plov) et Пловы (plovy) sont des mots russes[7] du persan پلو (pilau) pour riz, avec Палау (Palaw) en kazakh, پولۇ (polo) en ouïgour, Палоо (Палоо) en kirghize.
Pour les repas de fête, il porte les noms de palov en ouzbek et de oshi palov en tadjik.
Origine et diffusion
modifierC'est le plat le plus typiquement centrasiatique écrivent C. Urbain et H. Bissot[2].
Son origine est débattue : le pulav indien aurait suivi de la route de la soie jusqu'en Asie centrale, pour devenir plov[8], il proviendrait de Perse selon l'historienne russe Anya von Bremzen (de Perse et de l'empire Ottoman selon Jeremy MacVeigh[9]), elle explique que le livre des aliments savoureux et sains soviétique dans sa version 1939 qui fait autorité en fait un plat du Caucase (et non ouzbek comme chacun le pense aujourd'hui). Cette édition donne 30 recettes d'Azerbaïdjan et un plov sucré de Guria en Géorgie. Dans l'édition 1952, le plov ouzbek apparait après le plov géorgien. L'auteure y voit la politique soviétique de promotion des cuisines de la République non russe la plus populaire à cette époque[10].
L'Asie centrale est un carrefour, la technique de cuisson du plov centre-asiatique remonterait aux années 1880, le persan pilav écrit S. D. Sharma (qui le qualifie de super-aliment culturel) a probablement une étymologie turque mais la méthode de cuisson viendrait du monde indien. Elle est mentionnée avec cette origine dans une source arabe médiévale et ce serait assez tardivement avec la dynastie Kadjar que la recette apparait en Iran[11].
Les cuisines voisines, russe, afghane, mongole, chinoise (ouïgours) et caucasiennes (Arménie Փլավ (P’lav), Azerbaïdjan, Géorgie ფლავი (plavi) et Caucase du Nord) et au-delà se l'ont progressivement approprié. En 1945, Staline (géorgien d'origine) a servi du plov de caille à Churchill et Roosevelt à Yalta[10].
Le site russianfood donne (2022) 700 recettes de plov et pilaf[12], il existe toute une littérature avec les variantes de plov[13],[14],[15]. Les migrants ouzbèkes[16] sont pour beaucoup dans la multiplication des restaurants de plov à Moscou[10] qui ont fait la fortune de l'oligarque Arkady Novikov[17],[10].
Patrimoine culturel immatériel
modifierDepuis 2016, la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l'UNESCO compte le palov d'Ouzbékistan, comme plat traditionnel commun à toutes ses communautés rurales et urbaines[18] et l'oshi palav ou osh du Tadjikistan [19], plat comparable, dont il existe 200 versions Оши як ба як, Палави токи, Оши девзира, Бедонапалав (Oşi jak ʙa jak, Palavi toki, Oşi devzira, Bedonapalav.) dans le patrimoine culturel tadjike[20].
Préparation
modifierLe plov se cuisine dans une sorte de lourde marmite en fonte avec couvercle, le Kazan ou qazan qui peut être mise sur un feu de bois par les nomades. Les femmes ouzbèkes cuisinent habituellement, mais ce sont les hommes qui cuisinent le plov géant des festins (oshpaz)[21].
Le fonds de cuisson (zirvak)
modifierDans un premier temps, il est préparé le fond ou zirvak[22] qui servira à la cuisson du riz. Des oignons sont colorés pour teinter le riz, une viande ou mélange de viandes (bœuf, mouton, volaille, on trouve aussi la viande de cheval[23] et de porc[24], les turkmènes font du palov au poisson, esturgeon, hareng[25]) sont cuits recouverts de carottes en julienne (la couleur des carottes fait l'objet de choix locaux), le tout dans une sérieuse quantité d'huile neutre ou de graisse animale[26] (ce plat est très gras, 200 ou 250 g d'huile pour 1 kg de riz, le riz ne risque pas de coller[27]). Le tout est mouillé d'eau à hauteur et des têtes d'ail entières sont posées à la surface. La cuisson à couvert dure environ 1 h, voire davantage avec des pois chiches[28]. Les épices usuelles sont le cumin et l'ail, parfois du curcuma et ou du poivron rouge[26],[29]. Chez les Azéris, gingembre et graine de sésame[30], safran/lentilles dans le plov d'Ashgara[31].
Le riz
modifierLes amateurs privilégient un riz Devzira[32], riz rose-rouge à grain moyen à court, ou barakat (à Boukhara) produit dans la vallée du Ferghana[33]. Sinon un grain long de type Basmati. Le riz lavé à 3 eaux, puis essuyé à sec[34], doit tremper dans de l'eau tiède chaude (60 °C 140 °F) et salée[29].
Le riz peut être cuit à la friture (huile, oignon, viande), à l'eau (huile, oignon, viande + sel, carottes, riz, eau) ou à la vapeur. Le riz est posé sur le zirvak (sauf variante locale où il n'est pas mélangé, la cuisson doit respecter les couches successives viande, légumes, riz) mouillé à nouveau avec 1 cm d'eau au-dessus de la surface du riz, percé de cheminées et cuit avec un couvercle légèrement entrouvert[35] ou bien couvercle surélevé par un linge[36].
La marmite doit reposer une vingtaine de minutes après cuisson[23].
Le rituel
modifierLe dossier de candidature Ouzbek devant l'UNESCO donne toutes les occasions de cuisiner le plov et de se réunir autour de lui : mariage, anniversaire, circoncision, obsèque, fêtes, jour férié et les événements), mais aussi dans la vie de tous les jours (au moins un ou deux jours par semaine)[37].
Lydia Bach écrit « Selon l'usage immémorial, les ouzbèkes, retroussant leurs larges manches, le mangent avec les doigts, puisant à même le plat. C'est, paraît-il, meilleur ainsi. Pour l'apprécier vraiment, affirment les gourmets asiatiques, le goût et l'odorat ne suffisent pas, il faut en avoir aussi une sensation tactile »[38]. « La politesse exige qu'on se bourre de nourriture ; on m'excite sans relâche à manger, et si j'y mets quelque hésitation, Souleiman, de sa main, choisit les morceaux les plus gros pour les porter à ma bouche. Repu, gorgé, c’est à peine si je respire, et des plats continuent à se succéder avec une profusion désespérante. Mais quand, pour terminer dignement ce repas pantagruélique, on nous présente, dans des coupes chinoises, du thé avec de la graisse de mouton délayée, je me sens à bout de forces » (Henri Moser, 1885)[39].
La transmission des recettes et des savoirs faire promeut selon les dossiers déposés à l'UNESCO « des valeurs telles que la solidarité et l’unité, et perpétuent des traditions locales qui font partie intégrante de l’identité culturelle de la communauté »[40].
Les principales variantes
modifierLe riz pilaf se décline en de multiples variantes, les plov, palov, etc. sont des pilafs largement enrichis de légumes, viandes, fruits secs qui deviennent des plats complets alors que le pilaf n'est souvent qu'une garniture.
Bakhsh
modifierLes juifs de Boukhara cuisinaient le Бахш - плов бахш (ʙaxş ou plov ʙaxş) bakhsh, pilaf bakhsh (bukhori Бахш, Бахш палав, Ошпалави бахш - tadjik. Бахш палав (Baxş palav), ouzbèke Khalta palau). Bakhsh ou khalta signifie sac. La cuisson (longue, Jamie Oliver le cuit 75 min[41]) se fait dans un sac en toile plongé dans un chaudron avec de l'huile. Dans cette recette les carottes sont remplacées par des légumes verts et de la coriandre (d'où le nom de pilaf vert)[42] et la viande est du foie.
Biryani
modifierCe plat, proche de plov a été diffusé par les Moghols dans tout leur empire, en Inde il se fait avec ou sans viande, épicé ou très épicé[43] avec un mélange d'épice spécial le biryani masala [44]. La cuisson se fait aussi par couches (riz, légumes, viande, etc.)[45], c'est un plat central ou unique[46].
Plovs ouzbèkes
modifierLe plov de Tachkent aurait des légumes découpés en duxelles, celui de Boukhara au poulet, le plov de Samarcande aux pois chiches[47]. À la mode ouzbèke, il est courant de servir avec le plov une salade de tomates et d'oignons doux et du thé vert.
Paella
modifierCe riz au gras mouillé d'un bouillon, garni de légumes, viandes ou crustacés, épicé au safran est cuit à découvert. Selon Susan Whitfield, la paella est une version du plov[48]. Pourtant, chez l'Anonyme Andalou qui rapporte la cuisine locale médiévale, autant il est vrai que la cuisson du riz au gras est fréquente, autant celui-ci prend une forme d'une bouillie dans sa version orientale, qui n'a rien à voir avec un plov[49].
Anthologie
modifier- Proverbe Tadjike[19]
« Si tu manges une seule fois l’Osh d’autrui, tu lui devras le respect pendant 40 ans »
- Proverbe ouzbèke[50]
« Les pauvres mangent du plov, les riches ne mangent que du plov »
- Tania Visirova, Du Caucase aux Folies-Bergère. Paris Mazarine (1980)[51]
« Le bey mangeait avec nous, sans ses femmes. On nous servit du vin de grenade avec le fameux plov : un mélange de riz au safran, de raisins, d'abricots secs et de gingembre. Maman, enthousiasmée, demanda la recette et on nous emmena dans la partie du palais où se trouvaient les femmes. (La recette de Tabriz, obtenue en 1912, fait encore la joie de certaines réunions amicales chez moi.) »
Références
modifier- (ru) « 1000 рецептов кухни Средней Азии и Казахстана - bukinist.de », sur bukinist.de (consulté le )
- Charlotte Urbain et Hugues Bissot, « Le plov dans tous ses États. Constitution d'une diaspora autour d'un plat d'Asie centrale », Diasporas. Histoire et sociétés, vol. 7, no 1, , p. 42–55 (lire en ligne, consulté le )
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- Dominique Auzias et Jean-Paul Labourdette, OUZBÉKISTAN 2021/2022 Petit Futé, Petit Futé, (ISBN 978-2-305-03468-3, lire en ligne)
- Heinrich Julius Klaproth, Memoires relatifs a l'Asie contenant des recherches historiques, geographiques et philologiques sur les peuples de l'Orient etc, Dondey-Dupre, (lire en ligne), p. 138
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- (en) Gil Marks, Encyclopedia of Jewish Food, HMH, (ISBN 978-0-544-18631-6, lire en ligne)
- (en) Jeremy MacVeigh, International Cuisine, Cengage Learning, (ISBN 978-1-111-79970-0, lire en ligne)
- (en) « How Plov, a Central Asian Staple, Became a Russian Favorite | Eurasianet », sur eurasianet.org (consulté le )
- (en) S. D. Sharma, Rice: Origin, Antiquity and History, CRC Press, (ISBN 978-1-4398-4056-6, lire en ligne), p. 315
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- 1000 рецептов кухни Средней Азии (lire en ligne)
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- (de) Isa Ducke et Natascha Thoma, Usbekistan : [von der sowjetisch geprägten Metropole Taschkent nach Samarkand, Buchara und Chiwa mit ihren Moscheen, Medresen und Mausoleen ... : Entdeckungsreisen entlang der Seidenstrasse], Dumont Reiseverlag, (ISBN 978-3-7701-7739-4, lire en ligne), p. 64
- Tania (1908- ) Auteur du texte Visirova, Du Caucase aux Folies-Bergère / Tania Visirova ; [propos recueillis par] Maria Craipeau, (lire en ligne), p. 20
Voir aussi
modifierArticles connexes
modifier- Riz pilaf
- Somsa
- Biryani
- Cuisine ouzbèke, cuisine tadjike, cuisine kirghize, cuisine ouïghoure, cuisine kazakhe, cuisine turkmène