Syldavie

pays imaginaire des Balkans, des Aventures de Tintin

La Syldavie (en syldave Zyldavja) est un pays imaginaire créé par Hergé pour Les Aventures de Tintin. Située en Europe du Sud-Est, dans les Balkans, la Syldavie apparaît dans le huitième album de la série, Le Sceptre d'Ottokar (1938), dont l'essentiel de l'intrigue se déroule dans cette contrée. La Syldavie est également un lieu de l'aventure dans Objectif Lune (1953) et On a marché sur la Lune (1954), et est évoquée dans L'Affaire Tournesol (1956).

Syldavie
Drapeau de la Syldavie
Univers de fiction
Présent dans lʼœuvre
Créateur
Éditeur
Casterman / Droits : Moulinsart
Première apparition
Autre apparition
Caractéristiques
Localisation
Devise
Eih bennek, eih blavek.Voir et modifier les données sur Wikidata
Régime politique
Capitale
Klow
Langue
Devise nationale
Eih bennek, eih blavek.
(En langue française : « Qui s’y frotte s’y pique » ou « J’y suis, j’y reste » (Hier ben ik, hier blijf ik), selon le dialecte brabantin de Bruxelles, dont la langue syldave s'inspire).
Hymne national
Syldave, réjouis-toi
Ce roi est notre roi,
Son sceptre en fait foi.

Pour créer la Syldavie, Hergé s'inspire de différents pays des Balkans et d'Europe centrale ou orientale, mêlant différentes influences, géographiques, historiques, linguistiques et culturelles. Envahi par les Slaves, les Turcs puis la Bordurie au Moyen Âge, le pays est ensuite libéré et unifié par le roi Ottokar IV au XIVe siècle. Dans les années 1930, la Syldavie est à nouveau menacée par la Bordurie, un État totalitaire frontalier, qui met en œuvre un plan pour voler le sceptre du roi et annexer le pays. En cela, Hergé s'inspire du contexte géopolitique européen tendu, marqué par les volontés expansionnistes de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste. Dans Le Sceptre d'Ottokar, la Syldavie est dépeinte, de façon assez romancée, comme une monarchie tranquille, hors de la modernité et marquée par la tradition. À l'inverse, dans Objectif Lune, le même pays est devenu une puissance industrielle, possédant un centre spatial lui permettant d'envoyer une fusée sur la Lune. Faisant partie du bloc de l'Ouest, sa rivalité avec la Bordurie s'inscrit dans le contexte de la guerre froide.

La Syldavie dans l'œuvre d'Hergé

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Apparitions dans la série

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La Syldavie apparaît dans le huitième album des Aventures de Tintin, Le Sceptre d'Ottokar, qui paraît dans les colonnes du Petit Vingtième à partir du [1]. Elle est aussi le théâtre principal ou partiel des événements survenant dans le diptyque lunaire, formé par Objectif Lune (seizième album, publié en 1953) et On a marché sur la Lune (dix-septième album, publié l'année suivante), tandis qu'elle n'apparaît qu'à travers les espions syldaves à la lutte avec les agents bordures dans L'Affaire Tournesol (1956).

La Syldavie est ainsi évoquée dès les premières planches du Sceptre d'Ottokar, alors que le professeur Nestor Halambique fait découvrir sa collection de sceaux à Tintin. Entre autres pièces de grande valeur, celle-ci renferme le sceau du roi Ottokar IV de Syldavie. Intrigué par une série d'évènements qui semblent tous rattachés à ce pays, Tintin décide finalement d'y accompagner le professeur. C'est dans l'avion qui les conduit en Syldavie que le lecteur en apprend plus sur cette petite monarchie d'« Europe orientale », par le biais d'une brochure touristique qu'Hergé insère sur trois planches. Le pays y est présenté comme fertile avec un sous-sol riche en minerais.

L'intrigue repose sur le vol du sceptre du roi Muskar XII orchestré par un groupe de conspirateurs à la solde de son puissant voisin, la Bordurie. La perte du sceptre menace directement le trône : selon une tradition séculaire, ce dernier doit se présenter sceptre en main le jour de la Saint-Wladimir, soit trois jours après le vol, sous peine de devoir abdiquer. Remontant la piste des voleurs, Tintin et Milou parviennent à déjouer les manœuvres des conspirateurs et rapportent à Klow, la capitale, le précieux insigne du pouvoir.

Tintin retrouve la Syldavie bien des années plus tard, après que le professeur Tournesol, apparu entre-temps dans la série, a été approché par les autorités syldaves pour participer à un programme d'exploration lunaire. Bien que mené dans le plus grand des secrets, ce programme intéresse des espions à la solde d'un pays étranger. Dans ce diptyque, le roi n'est pas cité. Seul son ancien aide de camp, le colonel Boris, qui avait pris part au complot, fait une apparition remarquée dans On a marché sur la Lune : c'est lui qui est placé par les espions étrangers au sein de la fusée pour tenter de la détourner, un moyen pour lui de prendre sa revanche sur Tintin. Les paysages syldaves sont assez peu mis en avant dans ce diptyque, à l'exception de la route qui va de l'aéroport au centre de recherches spatiales, de même que les montagnes qui dissimulent ce lieu hautement secret et sécurisé.

Dans l'album suivant, L'Affaire Tournesol, la Syldavie n'est que brièvement évoquée. Dans la première partie de l'aventure, des agents secrets syldaves tentent par tous les moyens d'empêcher leurs ennemis bordures d'enlever le professeur Tournesol, en vain. Ce dernier est alors l'inventeur d'une arme terrifiante, dont les conséquences seraient désastreuses pour l'humanité en cas d'utilisation détournée. Cette arme de destruction massive attire la convoitise de la dictature bordure. L'enlèvement ayant réussi, Tintin et le capitaine Haddock se rendent en Bordurie pour délivrer le professeur Tournesol, ce qu'ils réussissent en bénéficiant de l'aide ponctuelle de Bianca Castafiore. À la fin de l'album, ils parviennent à franchir la frontière borduro-syldave dans un char de l'armée bordure.

Enfin, Tintin et le Lac aux requins, dessin animé (1972) puis album scénarisés par Greg, est une aventure qui se déroule entièrement en Syldavie.

Géographie

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Géographie générale

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La Syldavie (en syldave, Zyldavja), « royaume du pélican noir », est un petit État d'Europe de l'Est dont la population est évaluée à 642 000 habitants, appelés les Syldaves, à la fin des années 1930[h 1]. Le pays se compose de deux grandes vallées, celle du fleuve Wladir et celle de son affluent le Moltus qui se rejoignent à Klow, la capitale, qui est aussi la plus grande ville du pays, avec 122 000 habitants à la même époque[h 1].

Le relief du pays est assez accidenté : les deux vallées fluviales sont bordées de larges plateaux couverts de forêts et entourées de hautes montagnes[h 1], le massif des Zmyhlpathes, riche en gisements d'uranium[h 2], dont l'un des sommets est le Zstopnohle[2]. La fin du nom est prise aux Carpathes (selon l'ancienne graphie, utilisée par exemple dans le roman de Jules Verne : Le Château des Carpathes) mais sa sonorité rappelle les myriapodes (« mille-pattes »). Le paysage montagneux dans lequel évolue le journaliste à la poursuite du sceptre, entre Syldavie et Bordurie, est similaire à ceux des Alpes dinariques (ou Dinarides), massif des Balkans occidentaux, de type karstique. D'ailleurs, les environs du lac de Skadar, sur la frontière entre l'Albanie et le Monténégro, abritent un Parc national abritant de nombreuses espèces d'animaux différents, dont l'emblématique pélican frisé[3].

Le pays est limitrophe de la Bordurie[h 1]. Il possède également une façade maritime, où se trouvent les villes portuaires de Dbrnouk, sur la côte sud[h 1], et Douma, qui assure une liaison régulière avec Marseille par hydravion[h 3].

Une des frontières communes des deux pays est le lac de barrage de Flachizjhaf, qui sert d'ailleurs de repaire au brigand Rastapopoulos dans Tintin et le Lac aux requins. Le nom de ce lac est inspiré de l’expression « Jef! de flech’is af » « Jef, la flèche est tombée ! » bien connue de l'époque d'Hergé, venue du monde des tramways[4] et signifiant que la flèche (moyen de captation du courant de traction du tram) est hors du fil (décâblée). Klow étant sur la route du lac, la police fluviale syldave basée à Klow peut s'y rendre facilement.

Des sources thermales sulfureuses jaillissent notamment à Klow, pour soigner les affections cardiaques, et à Kragoniedin, pour traiter les rhumatismes[h 1]. Parmi les autres villes du pays figurent notamment Istow, située à 55,9 km de Klow[h 4], Sbrodj[2], située dans le massif des Zmyhlpathes et qui abrite le centre spatial[h 2], Tesznik[2] à 85,8 km de Klow[h 5], Zlip[2],[h 6], Foghelpick, ancien village frontalier avec la Bordurie, évacué et englouti lors de la création du lac de barrage de Flachizjhaf, ou encore le village de Niedzdrow, situé dans la vallée du Wladir[h 1].

Ce pays offre "des zones non peuplées, désertiques et rocailleuses", idéales pour faire décoller une fusée[5]. Il a sa propre compagnie aérienne, la Syldair[5].

Klow (Клов)

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Klow est peuplée de 122 000 habitants (à la fin des années 1930). C'est une ville typique des Balkans jadis ottomans, avec ses minarets. Son nom est peut-être inspiré par Kiev ou Lviv en Ukraine (en polonais : Kijów et Lwów) ou encore Cluj en Roumanie[6]. Son apparence rappelle celle de plusieurs villes, dont Bitola, en Macédoine du Nord[3].

Elle fut fondée aux alentours de 1127 sur les ruines de la capitale turque de Syldavie (Zileheroum). Son nom qui signifie « ville reconquise » vient du syldave “kloho” (conquête) et de “ow” (ville). Ses sources thermales sont particulièrement réputées contre les affections cardiaques.

Politique

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Dans Le sceptre d'Ottokar, la Syldavie est une monarchie. Le peuple est très attaché à son roi et aux traditions, notamment au défilé annuel du souverain muni de son sceptre.

Le souverain, Muskar XII, est menacé un temps de perdre son trône et l'indépendance du royaume, devant les menées de son puissant voisin, la Bordurie, et du traître, le colonel Jorgen. Ce dernier, pour faire annexer le pays à la Bordurie, tente de profiter d'un inconvénient des traditions syldaves. Celles-ci stipulent que le roi doit être vu, le jour de la fête nationale, tenant en main le sceptre d'Ottokar IV. Une machination est menée pour voler le sceptre et forcer le roi à abdiquer, mais elle est mise en échec par Tintin. Muskar XII apparaît comme un roi bon et bienveillant et tient Tintin en grande estime pour avoir sauvé son règne.

Le chef du protocole de la cour est le baron Halmazout[7]. Le Ministre de l'Air est Schzlozitch.

Dans les albums ultérieurs où la Syldavie apparaît, le roi n'est plus mentionné. Tout lien entre Tintin et lui semble avoir disparu, comme si, dans l'intervalle, la monarchie avait été abolie.

Dans L'Affaire Tournesol par exemple, la réflexion de l'un des douaniers syldaves concernant « le régime » [dictatorial] bordure de Pleksy-Gladsz, peut laisser penser que la Syldavie n'est pas un régime autoritaire. Pourtant, dans cet album, des agents syldaves kidnappent Tournesol, comme si ce dernier n'avait pas dirigé le programme lunaire depuis la Syldavie et comme s'ils ignoraient les liens amicaux qui unissent Tintin et le roi. Ces agents ne semblent à aucun moment chercher à sauver Tournesol des griffes des Bordures, ni à collaborer avec Tintin et Haddock à cet effet. Il n'est donc pas possible de dire quelle est la nature du régime syldave dans cet album.

La Syldavie est dotée d'une police spéciale, la Zekrett Politzs (Zepo), chargée de la lutte contre le sabotage et l'espionnage.

Économie, culture et traditions

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Le sous-sol syldave est riche en minerais de toutes sortes[h 1], notamment en uranium[h 2]. Les plaines sont très fertiles, ce qui favorise la culture du blé, du bois de chauffage, ainsi que l'élevage des chevaux. Ces produits sont exportés, au même titre que l'eau minérale de Klow[h 1], même si le pays produit également un vin rouge, le szprädj[h 7].

La capitale, Klow, compte les principaux monuments historiques ou culturels du pays. Le Palais royal est le lieu de résidence du roi de Syldavie[h 8]. Il abrite notamment la Galerie des Fêtes, où sont donnés des spectacles[h 9], ou la salle du Trône, dans laquelle se déroulent les cérémonies de remise des distinctions honorifiques le jour de la saint Wladimir[h 10]. Le Kursaal de Klow est une salle de spectacle où sont donnés des opéras et où se produisent de grandes célébrités, comme la cantatrice Bianca Castafiore[h 11]. La ville compte également un Musée d'Histoire naturelle qui renferme des collections de fossiles, parmi lesquels un squelette de diplodocus gigantibus[h 12].

Le château Kropow est une forteresse située à l'écart de la ville. Le Trésor royal est conservé dans une salle qui jouxte celle des Archives nationales, au centre de la Tour Carrée du château[h 13].

Le szlaszeck est un plat typique syldave, à base de viande et accompagné de champignons[h 14]. La blouchtika est une danse traditionnelle syldave, popularisée dans le long métrage d'animation Tintin et le Lac aux requins. Les violonistes syldaves sont également renommés[h 1]. Enfin, le khôr est la monnaie syldave[h 7].

La Syldavie a sa langue propre, le syldave. Cette langue est créée en même temps que le pays par Hergé. Il cherche à lui donner une apparence slave, en utilisant des terminaisons rappelant le polonais ou le russe comme les suffixes -sz, -cz, -itsch ou -ow[8]. Toutefois, le syldave est une langue germanique, dont l'essentiel du vocabulaire provient du Brusseleer[9], dialecte flamand parlé à Bruxelles (plus particulièrement le marollien, parlé dans le quartier Bruxellois des Marolles[10] et langue de la grand-mère maternelle d'Hergé)[11]. Certains aspects de la grammaire sont empruntés à l'allemand, et une partie du vocabulaire provient également du wallon et du français[8].

Hergé s'est inspiré du marollien pour construire la langue des Arumbayas, ainsi qu'une bonne partie des noms propres pour les besoins de ses histoires. Voici quelques exemples :

Syldave Néerlandais Allemand Russe Français
werkhven werken Werken raboty travaux
wertzragh vertragen verspäten zamyedlyat' ralentir
kzommet komen kommen prittí venir
döszt dorst Durst jajda soif
ihn in in v dans

Dans Le Sceptre d'Ottokar, la devise du pays est Eih bennek, eih blavek, dont la traduction est réputée être « Qui s'y frotte s'y pique ». L'expression est surtout à rapprocher du marollien, ou du néerlandais Hier ben ik, hier blijf ik, signifiant en réalité « J'y suis, j'y reste » (ou littéralement, dans l'ordre des mots en néerlandais « Ici suis-je, ici resté-je »)[10].

Histoire

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La miniature de la bataille de Zileheroum reproduite dans la brochure touristique lue par Tintin semble inspirée par les miniatures persanes du XVe siècle[12]. D'ailleurs, la miniature de la brochure date de la même époque.

La Syldavie est peuplée de tribus nomades, dont l'origine inconnue, jusqu'au VIe siècle, date à laquelle elle est conquise par les Slaves[h 1]. Au Xe siècle, son territoire est envahi par les Turcs qui refoulent les Slaves dans les montagnes et occupent la plaine[h 1]. En 1127, le chef slave Hveghi mène une révolte : à la tête d'une troupe de volontaires, il s'empare des villages turcs isolés avant de se rendre maître d'une grande partie du territoire syldave. Ses troupes défont l'armée turque lors de la bataille de Zileheroum, la capitale[h 1].

Hveghi est alors élu roi sous le nom de Muskar. Après avoir rebaptisé la capitale sous le nom de Klow[h 1], il assure à son pays une période de paix et de prospérité jusqu'à sa mort en 1168. Son fils aîné lui succède sous le nom de Muskar II, mais son pouvoir est affaibli. Envahie de nouveau, la Syldavie est annexée par la Bordurie en 1195[h 15].

En 1275, le baron Almazout chasse les occupants et devient roi deux ans plus tard sous le nom d'Ottokar Ier, mais les seigneurs qui l'ont aidé dans sa reconquête le contraignent à leur accorder une charte copiée sur la Magna Carta de Jean sans Terre : c'est le début de la féodalité en Syldavie[h 15]. Après sa mort en 1298, ses successeurs ne peuvent empêcher les seigneurs de renforcer leur puissance et de fortifier leurs châteaux. Ce n'est que sous le règne d'Ottokar IV, monté sur le trône en 1360, que le pays est réellement unifié. En conflit avec le baron Staszrvich, qui revendiquait son trône, le roi assène un coup de sceptre à son rival. Il déclare alors qu'à compter de ce jour, le roi doit se présenter chaque année devant la foule, muni de son sceptre, lors de la fête nationale, le jour de la Saint Wladimir[h 15].

Dans les années 1930, le roi Muskar XII, descendant d'Ottokar IV, est mis en difficulté par Müsstler, chef du parti « La Garde d'Acier », qui organise un complot afin de subtiliser le sceptre et de contraindre le roi à abdiquer, préparant ainsi l'annexion du pays à la Bordurie. Avec le soutien de Tintin, le complot est finalement déjoué.

Dans la seconde moitié du XXe siècle, le gouvernement syldave entreprend la construction d'un Centre de recherches atomiques à Sbrodj, après la découverte d'un riche gisement d'uranium dans le massif des Zmyhlpathes[h 2]. C'est de là qu'est lancée la fusée lunaire X-FLR 6 conçue et pilotée par le professeur Tournesol[h 16].

Syldavie et monde réel : des inspirations multiples

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Inspirations littéraires et culturelles

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Un extrait du Prisonnier de Zenda, d'Anthony Hope, pionnier de la romance ruritanienne.

Le Sceptre d'Ottokar s'inscrit dans la tradition de la romance ruritanienne, un genre littéraire très en vogue au tournant du XXe siècle qui met en scène de petits États germaniques ou balkaniques et qui sont autant de monarchies d'opérette pouvant évoquer les micro-États, nés des décombres du Saint-Empire, qui précèdent la construction de l'unité allemande[13]. La première évocation de ce genre littéraire date de 1894 et du roman Le Prisonnier de Zenda d'Anthony Hope, dont l'action se déroule en Ruritanie. En France, Pierre Benoit rencontre un grand succès avec son roman Koenigsmark en 1918[14], mais la bande dessinée n'est pas en reste : après Hergé et son Sceptre d'Ottokar, Franquin envoie ses héros Spirou et Fantasio au Bretzelburg, au sein d'un album dont l'intrigue rappelle à bien des égards celle du Sceptre[15].

Par ailleurs, l'ambiance et les décors fastueux de la cour de Muskar XII évoquent ceux de La Veuve joyeuse, une opérette autrichienne composée par Franz Lehár au début du XXe siècle et adaptée au cinéma par Erich von Stroheim en 1925 puis Ernst Lubitsch en 1934[16], tandis que l'atmosphère de conspiration qui entoure la Syldavie se réfère au recueil de reportages d'Albert Londres, Les Comitadjis ou le terrorisme dans les Balkans, publié en 1932[17].

Pour K. E. Fleming, La Syldavie apparaît comme un archétype des Balkans, reposant sur le stéréotypes que tous les pays de cette région seraient plus ou moins interchangeables et partageraient des traits culturels, historiques, politiques et ethniques[18]. Le pays se rapproche ainsi de la Herzoslovaquie inventée par Agatha Christie dans Le Secret de Chimneys (1925)[18].

Références historiques

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L'arrivée des unités blindées allemandes à Vienne lors de l'Anschluss en mars 1938.

L'écriture du Sceptre d'Ottokar est fortement influencée par le contexte géopolitique européen de la fin des années 1930, marqué par les volontés expansionnistes de l'Allemagne nazie et de l'Italie fasciste. Hergé reconnaît lui-même avoir voulu faire le récit d'un « Anschluss raté »[19],[20]. Comme l'explique Benoît Peeters, quand Hergé commence à rédiger son scénario, « les signes annonciateurs du second conflit mondial sont […] innombrables. Et ce sont eux que l'auteur va prendre comme point de départ de sa fiction »[21]. Hergé choisit donc de placer son récit en phase « avec l'Histoire en train de se faire », comme il l'avait déjà fait pour Le Lotus Bleu quelques années plus tôt, un album qui s'appuie notamment sur les tensions entre Chinois et Japonais à l'époque de l'invasion de la Mandchourie[22].

 
Benito Mussolini et Adolf Hitler.

Hergé multiplie donc les références historiques dans son récit et ce n'est pas un hasard si le complice des Bordures, l'instigateur du complot, est dénommé Müsstler. Son patronyme est un mot-valise construit sur les noms des dictateurs italien et allemand Benito Mussolini et Adolf Hitler[19] mais il fait également écho aux dirigeants fascistes britannique Oswald Mosley et néerlandais Anton Mussert[23]. Quant à son parti la Garde d'acier, qui regroupe l'ensemble des conspirateurs syldaves, c'est une copie de la Garde de fer, un mouvement fasciste et nationaliste roumain des années 1930[24].

Dans une lettre à son éditeur datée du , Hergé le presse de publier l'album dans les meilleurs délais, en expliquant : « La Syldavie, c'est l'Albanie. Il se prépare une annexion en règle. Si l'on veut profiter du bénéfice de cette actualité, c'est le moment ou jamais[25]. »

Architecture et paysages

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Les villages et paysages syldaves sont inspirés de ceux des Balkans au début du XXe siècle.

Dans la 7e planche du Sceptre d'Ottokar, Tintin apprend en lisant une encyclopédie que la Syldavie est un État de la péninsule des Balkans[h 17]. Pour en composer les décors, Hergé sur une riche documentation iconographique qui rassemble des éléments disparates et venus de toute l'Europe, si bien que son pays imaginaire peut être défini comme « un subtil cocktail européen »[26]. La vue dessinée par Hergé du village de Niedzdrow, dans la vallée du Waldir, présente un village entouré de montagnes et coiffé d'un minaret. Elle semble avoir pour modèle une photographie de la ville bosnienne de Mostar[26]. De même, les forêts dessinées dans l'album sont typiques de celles des Balkans[27].

 
Le palais royal de Bruxelles inspire celui de Klow.

À l'inverse, les éléments du décor de la capitale, Klow, sont inspirés des monarchies d'Europe de l'Ouest. Ainsi, le Palais royal de Klow reprend l'allure générale de celui de Bruxelles[28], tandis que le roi se déplace dans un carrosse qui ressemble trait pour trait à celui utilisé par le roi du Royaume-Uni George V lors de son jubilé d'argent en 1935[29].

Le château de Kropow, qui renferme le trésor syldave, est une forteresse médiévale inspirée de deux châteaux réels. Entourée de douves, elle reprend l'allure générale du château de Kalmar, en Suède, de même que sa tour d'angle polygonale surmontée d'un toit à lanterne. Les tours rondes, massives, qui encadrent l'entrée du château, sont celles de la forteresse d'Olavinlinna, l'un des principaux monuments historiques finlandais[30]. Les fresques qui décorent les murs de la salle du trésor de Kropow sont très nettement inspirées des fresques byzantines de la basilique Saint-Vital de Ravenne, datant du VIe siècle[26].

Le roi et son sceptre

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Plusieurs spécialistes de l'œuvre d'Hergé, comme Pierre Assouline ou Philippe Goddin, relèvent la ressemblance physique entre le personnage du roi Muskar XII et le souverain Zog Ier qui a régné sur l'Albanie de 1928 à 1939, avant l'annexion de cette dernière par l'Italie. En réalité, la Syldavie n'est pas la copie d'un seul État et Hergé emprunte à plusieurs pays réels pour composer le sien. Yves Horeau estime ainsi que « les uniformes, les casquettes et les moustaches [du roi] sont communs à trop de jeunes souverains ou prétendants d'avant-guerre » pour que l'on puisse confirmer une quelconque inspiration particulière. Il cite ainsi le cas d'Otto de Habsbourg, fils de l'empereur d'Autriche Charles Ier, dont une photographie prise en grande tenue à Bruxelles en 1932 se rapproche du portrait de Muskar II inséré par Hergé dans la brochure touristique consultée par Tintin dans l'avion qui le conduit en Syldavie. Il avance également le nom de Boris III, roi de Bulgarie, tandis que Tristan Savin évoque Alexandre Ier de Yougoslavie ou Alphonse XIII, roi d'Espagne[31].

Traducteur des Aventures de Tintin en roumain, Dodo Niță pense qu'Alexandru Ioan Cuza, prince souverain de Roumanie dans la seconde moitié du XIXe siècle, aurait lui aussi pu servir de référence[32]. Enfin, Yves Horeau rappelle la ressemblance entre Muskar XII et l'acteur Ronald Colman qui interprète le rôle du roi Rudolf V de Ruritanie dans Le Prisonnier de Zenda, un film de 1937 dont l'intrigue est similaire à celle du Sceptre d'Ottokar[31].

De même, les symboles de la monarchie syldave peuvent être rapprochés de plusieurs pays. Le sceptre d'Ottokar rappelle celui faisant partie de la panoplie des huissiers ministériels de la Pologne avant la Seconde Guerre mondiale, adapté à partir d'une photographie de presse conservée dans les archives d'Hergé[29]. Les armoiries syldaves rappellent celles du Monténégro, l'aigle à deux têtes monténégrin cédant la place au pélican syldave[33], tout comme son drapeau, composé d'un pélican noir sur fond jaune, est proche du drapeau albanais, composé d'un aigle bicéphale noir sur fond rouge[31]. Dans son essai Tintin en Roumanie, le critique Dodo Niță relève une ressemblance avec ce même drapeau, mais également avec la bannière du Saint-Empire ou le drapeau de Flandre, dont le drapeau syldave emprunte les couleurs jaune et noir. Il suppose que le pélican peut être une référence à la Brasserie du Pélican dont l'enseigne est visible dans les rues ou les bars de Bruxelles[34].

Au-delà des Balkans, des pays d'Europe centrale ont pu servir de sources d'inspiration pour l'auteur : le pélican syldave peut aussi être vu comme un rappel de l'aigle bicéphale des Habsbourg, de même que la Syldavie emprunte le nom de ses premiers souverains à deux rois de Bohême au XIIIe siècle, Ottokar Ier et Ottokar II[35].

Inspirations linguistiques

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Le nom « Syldavie » est formé de trois syllabes que l'on retrouve dans les toponymes « Transylvanie » et « Moldavie »[10].

Bien que francophone, Hergé grandit dans un milieu linguistique non homogène et le marollien, parlé par sa grand-mère, le marque durablement, au point d'influencer son écriture. Comme il l'avait fait avec la langue des Arumbayas dans L'Oreille cassée, il s'appuie sur ce dialecte pour donner corps au syldave, une langue de construction germanique slavisée par l'ajout de consonnes[10], tout en empruntant quelques traits particuliers du wallon. Le dialogue dans Le Sceptre d'Ottokar entre deux paysans qui aperçoivent Tintin chutant d'un avion offre un bel exemple de la présence cryptée de ces deux dialectes[36]. Hergé leur emprunte des mots et expressions qu'il transforme pour leur conférer une sonorité slave[37]. Ainsi, montrant le parachute dans le ciel, le premier paysan dit au second « Zrälùkz », dans lequel on retrouve le wallon « rëlouke » qui signifie regarde. Son camarade lui répond « czesztot on klebcz », qui peut s'interpréter comme « c'est un chien », une contraction d'élément wallon (« c'èstot on » qui signifie « c'était un ») et d'argot (« clebs »)[38]. De la même manière, dans la suite du dialogue, la phrase « czesztot wzryzkar nietz on waghabontz ! » révèle le texte dialectal 't Es toch zieker niet een vagabond qui signifie « Ce n'est quand même pas un vagabond ! »[10].

La devise syldave « Eih bennek, eih blavek », traduite par « Qui s'y frotte s'y pique », est formulée dans une variété dialectale du néerlandais Hier ben ik, hier blijf ik, elle-même tirée de l'allemand Hier bin Ich, hier bleibe Ich, qui signifie littéralement « J'y suis, j'y reste »[39].

Analyse

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Débats sur la localisation de la Syldavie

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Depuis la première apparition de ce pays imaginaire dans l'œuvre d'Hergé, la localisation exacte de la Syldavie reste un mystère. Les informations apportées par l'auteur lui-même au sein des différents albums sont parfois contradictoires et alimentent le débat qui règne chez les spécialistes des Aventures de Tintin. Selon Jacques Hiron, « Hergé a tout mélangé, avec talent, pour donner à la fois une impression de réel et une sensation de dépaysement »[19].

Dans Le Sceptre d'Ottokar, Tintin découvre en lisant une encyclopédie que la Syldavie est « un des États de la péninsule des Balkans »[40]. Quelques planches plus tard, dans la brochure touristique que consulte Tintin dans l'avion qui le conduit en Syldavie, il est indiqué qu'il s'agit d'un petit pays de l'Europe orientale, envahi au cours de l'histoire par les Slaves et conquis par les Turcs[41]. L'iconographie de cette planche révèle à son tour nombre de détails : les minarets indiquent une présence musulmane, tandis que les inscriptions en alphabet cyrillique sur les panneaux routiers confirment que la Syldavie est une terre slave. La représentation d'un « pêcheur de la côte sud » indique que la Syldavie possède également une façade maritime[19]. Dans une lettre adressée à un lecteur en , Hergé explique qu'il s'est inspiré « des pays que l'on appelait naguère balkaniques, Serbie, Albanie, Monténégro, etc.[19] »

Pour autant, l'écrivain Yves Horeau affirme que le décollage de la fusée qui conduit Tintin et ses amis vers la Lune, représenté dans la 61e planche d'Objectif Lune, s'effectue depuis une zone située au croisement des frontières de la Slovaquie, de la Hongrie, de l'Ukraine et de la Roumanie, soit plus au nord que la péninsule des Balkans[19].

Dodo Niță assimile la Syldavie à la Roumanie. Pour étayer sa thèse, il s'appuie notamment sur les toponymes inventés par Hergé : le nom Syldavie viendrait de la contraction des noms de deux régions roumaines, la Transylvanie et la Moldavie, de même que les montagnes syldaves, dénommées Zmyhlpathes, font directement référence aux Carpates. Il avance également la présence d'éléments naturels, comme le pélican, reproduit sur le blason d'Ottokar et recensé à l'état sauvage dans le delta du Danube, ou l'uranium, utilisé pour propulser la fusée dans Objectif Lune, mais aussi des éléments historiques : la « garde d'acier » créée par Hergé pour regrouper les conspirateurs syldaves dans Le Sceptre d'Ottokar, serait inspirée de la Garde de fer, un parti fasciste roumain des années 1930[42],[43]. Pour autant, cette thèse est réfutée par de nombreux spécialistes : d'une part, les Roumains ne sont pas slaves et n'utilisent pas l'alphabet cyrillique, d'autre part la Roumanie ne se situe pas dans les Balkans[43].

De son côté, Yves Hamet affirme que la Syldavie serait directement inspirée du Monténégro. Plusieurs indices géographiques semblent coïncider, notamment la situation du Monténégro dans la péninsule des Balkans ou la présence d'une façade maritime. Par ailleurs, il révèle des similitudes entre les armoiries des deux pays, l'aigle monténégrin étant remplacé par un pélican dans le blason syldave. Par ailleurs, l'histoire de la Syldavie se confond avec celle du Monténégro lorsque celui-ci connut l'occupation ottomane. De même, dans les carnets de travail d'Hergé, datés de 1937, il apparaît que l'auteur avait prévu de donner le nom « Karamellovitch » au prince de son royaume imaginaire, ce qui serait une référence directe au roi de Serbie Pierre Ier Karađorđević qui annexe le Monténégro à la fin de la Première Guerre mondiale[43].

D'autres thèses situent la Syldavie en Albanie, en Autriche, en Tchéquie ou en Pologne, mais en s'appuyant principalement sur des critères historiques ou culturels plutôt que géographiques[44].

La monarchie syldave

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Un royaume enraciné dans ses traditions

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Quand Hergé crée la Syldavie en 1938 dans Le Sceptre d'Ottokar, le pays apparaît, selon l'expression de l'essayiste Jean-Marie Apostolidès, « une enclave médiévale au milieu de la modernité » qui a échappé à l'industrialisation[45]. Des villages, comme Zlip, ne possèdent aucune route goudronnée, et l'électricité n'est pas acheminée partout. Les paysans, qui ont gardé leurs costumes traditionnels, « vivent au rythme de leurs bœufs, paisiblement »[45]. De même, dans la ville de Klow, la capitale, « les signes de la modernité s'intègrent au cadre traditionnel ». Le château médiéval de Kropow est au cœur de la capitale, « comme l'organe qui lui imprime la vie », mais le roi n'y habite pas, lui préférant un palais plus fonctionnel et à l'architecture néo-classique[45].

Si la monarchie syldave semble avoir échappé au XXe siècle, et relève du « conte de fée », il n'en est pourtant plus question lors du retour de Tintin en Syldavie dans Objectif Lune. Si l'ancien aide de camp du roi, le colonel Boris, vient prendre sa revanche sur Tintin sous les traits du colonel Jorgen, Muskar XII en est absent, sans qu'il soit possible d'affirmer que la Syldavie est toujours une monarchie[46], et l'image du centre de recherches atomiques de Sbrodj, édifice ultra-moderne, contraste avec l'image donnée par le pays dans Le Sceptre d'Ottokar[47].

Une exaltation de la monarchie ?

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Comme d'autres souverains présents dans la série, le roi Muskar XII est présenté comme un bon monarque, soucieux du bien-être de son peuple[48]. L'essayiste Jean-Marie Apostolidès pense d'ailleurs qu'à travers la figure du roi, le dessinateur « met en scène une passion, au sens christique du mot », dans la mesure où le souverain se montre « prêt à se sacrifier pour le peuple dont il est le père »[49]. Ainsi, la disparition du sceptre peut représenter la mort symbolique du roi, tandis que son retour à l'aube du troisième jour apparaît comme une résurrection[49].

Pour Benoît Peeters, spécialiste de l'œuvre d'Hergé, « plus encore qu'un album antifasciste, Le Sceptre d'Ottokar propose une exaltation de la monarchie constitutionnelle à la belge ». Il y voit « une métaphore de la Belgique menacée dans son neutralisme » par l'invasion allemande en 1940 et relève également « une prémonition de [la] « question royale » qui allait secouer [le pays] après la guerre »[50]. En faisant de son héros le défenseur d'un trône multiséculaire, Hergé témoigne de son propre attachement à la monarchie belge en des temps où elle se trouve elle aussi menacée, par la volonté expansionniste de l'Allemagne d'une part, et par la montée du mouvement rexiste, dont la fascisation progresse au cours des années 1930, ou des mouvements ultra-nationalistes flamands, la Ligue nationale flamande et le Verdinaso, d'autre part[20]. La royauté est ainsi montrée comme un système garant de la stabilité politique du pays, tout en conférant au récit une dimension de conte de fées essentielle dans une œuvre pour la jeunesse[48].

Hergé tient pourtant à contredire cette théorie en mettant en avant la neutralité de son personnage. Dans une lettre adressée à Jean-Paul Chemin en 1973, il explique : « Tintin n'est pas le défenseur de l'ordre établi, mais le défenseur de la justice, le protecteur de la veuve et de l'orphelin. S'il vole au secours du roi de Syldavie, ce n'est pas pour sauver le régime monarchique, c'est pour empêcher une injustice : le mal, ici, aux yeux de Tintin, est le rapt du sceptre[51]. » Cela n'empêche pas l'essayiste Frédéric Rouvillois de présenter Tintin comme « un jeune royaliste décomplexé »[52].

Postérité

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La Syldavie dans les arts et la culture populaire

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Le restaurant syldave Klow, situé à Bruxelles dans Le Sceptre d'Ottokar, de même que son patron Kroïszvitch[53], font une apparation dans la dix-neuvième planche de La Machination Voronov, le quatorzième album de la série Blake et Mortimer, scénarisé par Yves Sente et dessiné par André Juillard d'après les personnages créés par Edgar P. Jacobs[54],[55],[56]. Le restaurateur syldave bénéficie d'un autre clin d'œil dans la bande dessinée : dans le cinquième tome de la série Lou !, Laser Ninja, le professeur de syldave de la mère de l'héroïne est son sosie[57]. De même, l'acteur et réalisateur Bruno Podalydès, grand admirateur des Aventures de Tintin, y fait référence dans son film Dieu seul me voit (Versailles-Chantiers), en 1998 : le héros emmène une amie dans un restaurant syldave qui est la parfaite reconstitution du Klow du Sceptre d'Ottokar, avec le même serveur moustachu au gilet à carreaux[58].

En 2013, dans Ducobu, élève modèle !, le dix-neuvième tome de la série belge de bande dessinée L'Élève Ducobu, le personnage principal cite un prétendu proverbe syldave à l'une de ses camarades de classe : « À voler trop haut, l'aigle rend jaloux le coq »[59].

Sur le plan musical, le pianiste et compositeur Pascal Comelade consacre en 1994 un album entier aux Danses et chants de Syldavie[60]. En 2009, Les Voleurs de swing enregistrent l'album Anarchie en Syldavie[61].

En 1992, des chefs d’unités des Scouts unitaires de France (SUF) organisent, sous le nom de Fêtes de la Saint-Wladimir, des camps de Pâques de grande ampleur réunissant plus de 500 scouts. Les thèmes de jeu sont repris de la Syldavie et des Aventures de Tintin. D'autres éditions ont lieu par la suite[62].

La Syldavie dans l'actualité contemporaine

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Le , le journal en ligne Rue89 publie un article sur un prétendu conflit entre la Syldavie et la Bordurie. Il s'agit en fait d'une parodie de celui publié dans Le Monde par le philosophe Bernard-Henri Lévy sur le conflit armé opposant alors la Géorgie et la Russie à propos de la province séparatiste d'Ossétie du Sud[63].

Le professeur de droit public Olivier Jouanjan a consacré plusieurs articles au système constitutionnel syldave[64].

En , le magazine britannique the Economist a publié une carte fantaisiste (une carte de l'Europe re-dessinée de manière, selon eux, à ce qu'elle puisse sortir de la crise). Il fait apparaître la Syldavie et la Bordurie sur les territoires libérés par le déplacement de certains autres pays ; mais, contrairement à ce qui se passe dans les ouvrages d'Hergé, ici les deux pays n'ont pas de frontière commune[65].

Un hors-série GEO datant de 2015[66] consacre un chapitre à ce pays. En premier lieu, différentes hypothèses sont présentées afin d'en déterminer l'emplacement. Ensuite, une carte le représentant est montrée, établie en croisant les informations livrées dans les différentes aventures de Tintin où il apparaît, y compris Tintin et le lac aux requins[67].

Le , dans la salle Victor-Hugo de l'Assemblée nationale à Paris, le Club des parlementaires tintinophiles, fondé par l'ancien ministre Dominique Bussereau et présidé par le député Serge Grouard, organise un colloque intitulé « Tintin et la poudrière borduro-syldave ». À cette occasion, plusieurs orateurs comme les anciens ministres André Santini et Hubert Védrine, l'ambassadeur d'Allemagne Reinhard Schäfers, ou encore le député Louis Giscard d'Estaing expriment leurs vues de manière humoristique et parodique sur cette crise internationale[68],[69].

Par ailleurs, le roi Muskar XII est parfois mis en scène pour des événements publics ou culturels. Ainsi, en 2000, un homme interprète son rôle pour présider le gala Castafiore organisé par l'association des Pélicans noirs au Grand-Théâtre de Bordeaux[70]. De même en 2010, dans la même ville, un Muskar XII de composition prononce un discours lors de l'inauguration de l'Esplanade du professeur Tournesol, au côté du maire Alain Juppé[71],[70]. En 2012, le faux roi est à nouveau présent lors de l'interprétation de l'hymne national syldave créé par l'Opéra de Bordeaux[72].

Références

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  • Renvoi aux albums d'Hergé :
  1. a b c d e f g h i j k l m et n Le Sceptre d'Ottokar, planche 19.
  2. a b c et d Objectif Lune, planche 9.
  3. Le Sceptre d'Ottokar, planche 61.
  4. Le Sceptre d'Ottokar, planche 57.
  5. Objectif Lune, planche 4.
  6. Le Sceptre d'Ottokar, planche 28.
  7. a et b Le Sceptre d'Ottokar, planche 5.
  8. Le Sceptre d'Ottokar, planche 35.
  9. Le Sceptre d'Ottokar, planche 36.
  10. Le Sceptre d'Ottokar, planche 59.
  11. Le Sceptre d'Ottokar, planche 29.
  12. Le Sceptre d'Ottokar, planche 34.
  13. Le Sceptre d'Ottokar, planches 30-31.
  14. Le Sceptre d'Ottokar, planche 5-6.
  15. a b et c Le Sceptre d'Ottokar, planche 21.
  16. Objectif Lune, planches 15, 56-61.
  17. Le Sceptre d'Ottokar, planche 7.
  • Autres références :
  1. Farr 2001, p. 81.
  2. a b c et d Mozgovine 1992, p. 273-275.
  3. a et b Jean Rolin, « Tintin, Grand voyageur du siècle : Balkans, où est passée la Syldavie », GEO,‎
  4. « “Jef, de flech es af !” », La Dernière Heure/Les Sports,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  5. a et b Leconte, p. 101.
  6. Dodo Niță, Tintin en Roumanie, éd. MJM, Craiova 2003 et 2007
  7. Cf. Les bijoux de la Castafiore, p. 28.
  8. a et b (en) Yens Wahlgren, The Universal Translator: Everything you need to know about 139 languages that don't really exist, The History Press, (ISBN 978-0-7509-9592-4, lire en ligne), p. 28-29
  9. David Glomot, Petit guide des villes et des pays imaginaires, Humensis, (ISBN 978-2-7465-2686-0, lire en ligne), p. 15
  10. a b c d et e Rainier Grutman, « « Eih bennek, eih blavek » : l’inscription du bruxellois dans Le sceptre d’Ottokar », Études françaises, Les Presses de l'Université de Montréal, vol. 46, no 2 « Hergé reporter : Tintin en contexte »,‎ , p. 83-99 (ISSN 0014-2085 et 1492-1405, DOI 10.7202/044536ar, lire en ligne)
  11. « Le Syldave d'Hergé », sur www.zompist.com (consulté le )
  12. Kauffer 2011, p. 82-87
  13. Aurélien Bellanger, « L'Europe est le seul continent qui ne peut exister vraiment qu'à l'état de fiction », France Culture, (consulté le ).
  14. Pascal Dayez-Burgeon, « Kœnigsmark : les recettes d'un best-seller », L'Histoire, no 454,‎ , p. 22-23 (lire en ligne).
  15. Sophie Joubert, « QRN sur Bretzelburg le totalitarisme aux deux visages », L'Humanité,‎ (lire en ligne).
  16. Assouline 1996, p. 215.
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  19. a b c d e et f Savin 2015, p. 96-97.
  20. a et b Marc Angenot, « Basil Zaharoff et la guerre du Chaco : la tintinisation de la géopolitique des années 1930 », Études françaises, vol. 46, no 2,‎ , p. 47-63 (lire en ligne).
  21. Peeters 1983, p. 62.
  22. Assouline 1996, p. 211, 214.
  23. Peeters 2006, p. 151.
  24. Pierre Assouline, « Le siècle de Tintin grand reporter », l'Histoire, no 317,‎ , p. 6 (lire en ligne).
  25. Assouline 1996, p. 218.
  26. a b et c Tintin à la découverte des grandes civilisations, p. 86.
  27. Pascal Robert, « Paysage et logistique dans les aventures de Tintin », dans Julia Bonaccorsi et Sarah Cordonnier (dir.), Territoires. Enquête communicationnelle., Éditions des Archives contemporaines, 2019a, p. 183-198.
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  29. a et b Tintin à la découverte des grandes civilisations, p. 84.
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  38. Luc Courtois (dir.) et Sofia Lamaitre (dir.), L'imaginaire wallon dans la bande dessinée : Petit tour de Wallonie en 80 cases, Louvain-la-Neuve, Fondation Wallonne, (lire en ligne [PDF]), p. 17.
  39. Farr 2001, p. 86.
  40. Ottokar 1947, planche 7.
  41. Ottokar 1947, planche 19.
  42. « La Syldavie du « Sceptre d'Ottokar » de Tintin ne serait autre que la Roumanie », Le Monde,‎ .
  43. a b et c Savin 2015, p. 99.
  44. Savin 2015, p. 101-102.
  45. a b et c Apostolidès 2006, p. 155.
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  48. a et b Pierre Skilling, Mort aux tyrans ! : Tintin, les enfants, la politique, Québec, Nota bene, coll. « Études culturelles », , 191 p. (ISBN 978-2895180777).
  49. a et b Apostolidès 2006, p. 165.
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  55. Pierre Georis, « La machination Mortimer », sur revue-democratie.be (consulté le ).
  56. Yves Sente (scénariste) et André Juillard (illustrateur), La Machination Voronov, Bruxelles, Éditions Blake et Mortimer, (1re éd. 2000) (ISBN 9782870970577).
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  58. Antoine Duplan, « Tintin au pays des Zubrowes », sur letemps.ch, Le Temps, (consulté le ).
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  61. « Fiche de l'album Anarchie en Syldavie », sur discogs.com (consulté le ).
  62. Grand rassemblement scout « Les Fêtes de la Saint Wladimir » - Dossier Mécénat, Scouts unitaires de France, , 11 p. (lire en ligne).
  63. (fr) Zineb Dryef, « Choses vues dans la Syldavie en guerre », sur Rue89, (consulté le ).
  64. O. Jouanjan, "Courte notation sur une métaphore fondatrice du droit syldave" in Mélanges Pierre Moor, Berne, Staempfli, 2005, p. 85-94 ; "Sur le Conseil supérieur de la Constitution syldave", in Mélanges Michel Troper, Paris, Economica 2006 ; "Le Carnet de notes de Sigismond Pnine" in Université : la grande illusion, Paris, L’esprit des péninsules, 2007. Voir Olivier Jouanjan, « Iurisfictio », (consulté le ).
  65. Carte de The Economist
  66. « Tintin : Les arts et les civilisations vus par le héros d'Hergé », GEO, hors série,‎ , p. 92 à 105 (ISBN 2810415641)
  67. Carte visible sur ce lien : http://moserm.free.fr/moulinsart/syldavie.html
  68. Pierre Assouline, « A l'Assemblée, les tintinophiles font un sacré tintouin », Le Monde,‎ .
  69. Daniel Hoffamnn, « Mardi, députés et diplomates ont (vraiment) joué à Tintin », Le Nouvel Observateur,‎ .
  70. a et b Jean-Claude Chemin, « L'esplanade du professeur Tournesol inaugurée en présence du roi Muskar XII », sur Les 7 Soleils, (consulté le ).
  71. Étienne Latry, « Tryphon Tournesol à l'honneur », sur Sud Ouest, (consulté le ).
  72. Daniel Couvreur, « Tintin à l’opéra : « Réjouis-toi Syldave ! » », sur Le Soir, (consulté le ).

Voir aussi

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Article connexe

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Liens externes

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Bibliographie

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  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Albums des Aventures de Tintin

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Ouvrages sur Hergé et son œuvre

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