Un verger, rue du presbytère. Les fruits sont mûrs, mais celle qui s’en délectait n’est plus là pour les cueillir. Un ami les recueille pour elle, son regard tourné vers le passé. « Je ne sais, songe-t-il, sa peine mêlée à la douceur du soleil. Les sont celles vers lesquelles nous nous retournons en mesurant de façon rétrospective le bonheur qui les imprégnait. Le titre du douzième tome de « Dernier royaume », de Pascal Quignard, évoque l’amitié, exceptionnelle, entre un homme et une femme. Il renvoie également au cycle des saisons, à l’émerveillement suscité par la nature qui, chaque printemps, s’éveille. Une immuabilité qui ne parvient pas à arracher les hommes à leur linéarité, celle de l’Histoire telle qu’ils l’écrivent, celle d’une existence Rares sont ceux qui échappent à la course du temps, telle cette autre femme, dans un autre jardin, à une autre époque. Toute sa vie, Emily Dickinson refusa d’apprendre à lire l’heure. à la façon de la mer qui, se retirant, dessine des laisses entre ses flots et le sentier emprunté par les promeneurs. Des espaces solitaires ( jardins, cimetières, églises, musées étrusques et quais des ports à l’aube ) et désertés de tous sauf, peut-être, de ce bonheur que nous recherchons en oubliant celui d’être en vie.
Pascal Quignard Les Heures heureuses
Aug 24, 2023
8 minutes
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