Le Roi Louis XIV et sa Cour (Premium Ebook)
Par Saint-Simon
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À propos de ce livre électronique
Saint-Simon fut souvent considéré comme l’un des plus grands écrivains de la langue française. Il fut contemporain de Louis XIV et ses Mémoires, écrites en vingt volumes, constituent un témoignage essentiel de ce que fut cette époque et nous offrent une plongée fascinante dans l’univers du Roi Soleil, le plus célèbre de tous les rois.
Les pages qui suivent sont issues d’une sélection effectuée au coeur de ces mémoires dont la teneur résume, sans avoir besoin de lire l’ensemble de l’oeuvre, l’atmosphère qui régnait à la Cour du Roi. On y entrevoit ainsi les relations qu’il entretenait avec les membres de sa famille, avec ses maîtresses, avec ses « bâtards », avec Madame de Maintenon ou bien encore avec ses ministres favoris. On y comprend aussi le rôle important que jouaient la religion et la politique.
Contenu :
- LOUIS XIV DANS SA JEUNESSE
- LE ROI DANS SA FAMILLE
- FASTE ET DEPENSES DU ROI
- POLITIQUE DE LOUIS XIV
- LOUIS XIV ET LA RELIGION
- LES MAITRESSES DU ROI
- MADAME DE MAINTENON
- LES BATARDS DU ROI
- LA FAMILLE ROYALE
- FAVORIS, MINISTRES ET PERSONNAGES PRINCIPAUX DE LA COUR DE LOUIS XIV
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Le Roi Louis XIV et sa Cour (Premium Ebook) - Saint-Simon
Le Roi Louis XIV et sa Cour
Louis de Rouvroy de Saint-Simon
Table des matières
Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon
Portrait de Louis XIV dans sa jeunesse.
Le Roi dans sa famille et dans ses particuliers
Faste et dépenses du Roi
Politique de Louis XIV
Louis XIV et la religion
LES MAITRESSES DU ROI
Mme. de la Vallière
Mme. de Montespan
Mlle de Fontange, Mme de Soubise, etc.
MADAME DE MAINTENON
LES BATARDS DU ROI
Mme la Princesse de Conti
M. le duc de Maine, fils de Mme de Montespan, et son frère, le comte de Toulouse
Mme la Duchesse et Mme la duchesse d’Orléans, fille de Mme de Montespan
Enfants du rois, non reconnus
LA FAMILLE ROYALE
Monsieur
Monseigneur
Tableau de la cour à la mort de Monseigneur
Le duc de Bourgogne
La duchesse de Bourgogne
FAVORIS, MINISTRES ET PERSONNAGES PRINCIPAUX DE LA COUR DE LOUIS XIV
Le duc de La Rochefoucauld
Le maréchal de Villeroy
Le maréchal de Luxembourg
Catinat
Vauban
M. de Vendôme
Villars
Louvois
Le père de La Chaise et le père Tellier
Fénelon
Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon
1675-1755
Considéré comme le plus grand écrivain de la langue française par de nombreux auteurs au rang desquels nous retrouvons d’illustres plumes comme Stendhal et Proust, le duc de Saint-Simon est réputé pour ses Mémoires. Contemporain de Louis XIV, il y décrit en vingt volumes et quelques dix-mille pages le quotidien de la cour, ses excentricités, ses frasques, ses moeurs et en décode le fonctionnement à l’aide d’un sens aigu de l’analyse. Se rapprochant en certains points du journalisme moderne, il atteint même parfois, tel un ethnologue, le degré de l’observation participante : rigoureuse, détaillée et quelque peu « objective », cette qualité restant néanmoins la plus discutable. Les mémoires de Saint-Simon sont ainsi un témoignage essentiel de ce que fut cette époque et nous offrent une plongée fascinante dans l’univers du Roi Soleil, le plus célèbre de tous les rois.
Les pages qui suivent sont issues d’une sélection effectuée au coeur de ces mémoires dont la teneur résume, sans avoir besoin de lire l’ensemble de l’oeuvre, l’atmosphère qui régnait à la Cour du Roi. On y entrevoit ainsi les relations qu’il entretenait avec les membres de sa famille, avec ses maîtresses, avec ses « bâtards », avec Madame de Maintenon ou bien encore avec ses ministres favoris. On y comprend aussi le rôle important que jouaient la religion et la politique.
FVE
Portrait de Louis XIV dans sa jeunesse.
Il ne faut point parler ici des premières années de Louis XIV. Roi presque en naissant, étouffé par la politique d'une mère qui voulait gouverner, plus encore par le vif intérêt d'un pernicieux ministre, qui hasarda mille fois l'État pour son unique grandeur, et asservi sous ce joug tant que vécut son premier ministre, c'est autant de retranché sur le règne de ce monarque. Toutefois il pointait sous ce joug. Il sentit l'amour, il comprenait l'oisiveté comme l'ennemie de la gloire; il avait essayé de faibles parties de main vers l'un et vers l'autre; il eut assez de sentiment pour se croire délivré à la mort de Mazarin, s'il n'eut pas assez de force pour se délivrer plus tôt. C'est même un des beaux endroits de sa vie, et dont le fruit a été du moins de prendre cette maxime, que rien n'a pu ébranler depuis, d'abhorrer tout premier ministre, et non moins tout ecclésiastique dans son conseil. Il en prit dès lois une autre, mais qu'il ne put soutenir avec la même fermeté, parce qu'il ne s'aperçut presque pas dans l'effet qu'elle lui échappât sans cesse, ce fut de gouverner par lui-même, qui fut la chose dont il se piqua le plus, dont on le loua et le flatta davantage, et qu'il exécuta le moins.
Né avec un esprit au-dessous du médiocre, mais un esprit capable de se former, de se limer, de se raffiner, d'emprunter d'autrui sans imitation et sans gêne, il profita infiniment d'avoir toute sa vie vécu avec les personnes du monde qui toutes en avaient le plus, et des plus différentes sortes, en hommes et en femmes de tout âge, de tout genre et de tous personnages. Il aima la gloire, il voulut l'ordre et la règle; il était né sage, modéré, secret, maître de ses mouvements et de sa langue; le croira-t-on, il était né bon et juste, et Dieu lui en avait donné assez pour être un bon roi, et peut-être même un assez grand roi. Tout le mal lui vint d'ailleurs. Sa première éducation fut tellement abandonnée, que personne n'osait approcher de son appartement. On lui a souvent ouï parler de ces temps avec amertume, jusque-là qu'il racontait qu'on le trouva un soir tombé dans le bassin du jardin du Palais-Royal à Paris, où la cour demeurait alors.
Dans la suite, sa dépendance fut extrême. À peine lui apprit-on à lire et à écrire, et il demeura tellement ignorant, que les choses les plus connues d'histoire, d'événements, de fortunes, de conduites, de naissance, de lois, il n'en sut jamais un mot. Il tomba, par ce défaut, et quelquefois en public, dans les absurdités les plus grossières.
Ses ministres, ses généraux, ses maîtresses, ses courtisans s'aperçurent, bientôt après qu'il fut le maître, de son faible plutôt que de son goût pour la gloire. Ils le louèrent à l'envi et le gâtèrent. Les louanges, disons mieux, la flatterie lui plaisait à tel point, que les plus grossières étaient bien reçues, les plus basses encore mieux savourées. Ce n'était que par là qu'on s'approchait de lui, et ceux qu'il aima n'en furent redevables qu'a heureusement rencontrer, et à ne se jamais lasser en ce genre. C'est ce qui donna tant d'autorité à ses ministres, par les occasions continuelles qu'ils avaient de l'encenser, surtout de lui attribuer toutes choses, et de les avoir apprises de lui. La souplesse, la bassesse, l'air admirant, dépendant, rampant, plus que tout l'air de néant sinon par lui, étaient les uniques voies de lui plaire. Pour peu qu'on s'en écartât, on n'y revenait plus, et c'est ce qui acheva la ruine de Louvois.
Ce poison ne fit que s'étendre. Il parvint jusqu'à un comble incroyable dans un prince qui n'était pas dépourvu d'esprit et qui avait de l'expérience. Lui-même, sans avoir ni voix ni musique, chantait dans ses particuliers les endroits les plus à sa louange des prologues des opéras. On l'y voyait baigné, et jusqu'à ses soupers publics au grand couvert, où il y avait quelquefois des violons, il chantonnait entre ses dents les mêmes louanges quand on jouait les airs qui étaient faits dessus.
De là ce désir de gloire qui l'arrachait par intervalles à l'amour; de là cette facilité à Louvois de l'engager en de grandes guerres, tantôt pour culbuter Colbert, tantôt pour se maintenir ou s'accroître, et de lui persuader en même temps qu'il était plus grand capitaine qu'aucun de ses généraux, et pour les projets et pour les exécutions, en quoi les généraux l'aidaient eux-mêmes pour plaire au roi. Je dis les Condé, les Turenne, et à plus forte raison tous ceux qui leur ont succédé. Il s'appropriait tout avec une facilité et une complaisance admirable en lui-même, et se croyait tel qu'ils le dépeignaient en lui parlant. De là ce goût de revues, qu'il poussa si loin, que ses ennemis l'appelaient « le roi des revues, » ce goût de sièges pour y montrer sa bravoure à bon marché, s'y faire retenir à force, étaler sa capacité, sa prévoyance, sa vigilance, ses fatigues, auxquelles son corps robuste et admirablement conformé était merveilleusement propre, sans souffrir de la faim, de la soif, du froid, du chaud, de la pluie, ni d'aucun mauvais temps. Il était sensible aussi à entendre admirer, le long des camps, son grand air et sa grande mine, son adresse à cheval et tous ses travaux. C'était de ses campagnes et de ses troupes qu'il entretenait le plus ses maîtresses, quelquefois ses courtisans. Il parlait bien, en bons termes, avec justesse; il faisait un conte mieux qu'homme du monde, et aussi bien un récit. Ses discours les plus communs n'étaient jamais dépourvus d'une naturelle et sensible majesté.
Son esprit, naturellement porté au petit, se plut en toutes sortes de détails. Il entra sans cesse dans les derniers sur les troupes: habillements, armements, évolutions, exercices, discipline, en un mot, toutes sortes de bas détails. Il ne s'en occupait pas moins sur ses bâtiments, sa maison civile, ses extraordinaires de bouche; il croyait toujours apprendre quelque chose à ceux qui en ces genres-là en savaient le plus, qui de leur part recevaient en novices des leçons qu'ils savaient par cœur il y avait longtemps. Ces pertes de temps, qui paraissaient au roi avec tout le mérite d'une application continuelle, étaient le triomphe de ses ministres, qui, avec un peu d'art et d'expérience à le tourner, faisaient venir comme de lui ce qu'ils voulaient eux-mêmes et qui conduisaient le grand selon leurs vues, et trop souvent selon leur intérêt, tandis qu'ils s'applaudissaient de le voir se noyer dans ces détails.
C'est donc avec grande raison qu'on doit déplorer avec larmes l'horreur d'une éducation uniquement dressée pour étouffer l'esprit et le cœur de ce prince, le poison abominable de la flatterie la plus insigne qui le déifia dans le sein même du christianisme, et la cruelle politique de ses ministres qui l'enferma, et qui pour leur grandeur, leur puissance et leur fortune l'enivrèrent de son autorité, de sa grandeur, de sa gloire jusqu'à le corrompre, et à étouffer en lui, sinon toute la bonté, l'équité, le désir de connaître la vérité que Dieu lui avait donné, au moins l'émoussèrent presque entièrement, et empêchèrent sans cesse qu'il fît aucun usage de ces vertus, dont son royaume et lui-même furent les victimes.
De ces sources étrangères et pestilentielles lui vint cet orgueil tel que ce n'est point trop de dire que, sans la crainte du diable que Dieu lui laissa jusque dans ses plus grands désordres, il se serait fait adorer et aurait trouvé des adorateurs; témoin entre autres ces monuments si outrés, pour en parler même sobrement: sa statue de la place des Victoires, et sa païenne dédicace où j'étais, où il prit un plaisir si exquis; et de cet orgueil tout le reste qui le perdit, dont on vient de voir tant d'effets funestes.
Le Roi dans sa famille et dans ses particuliers
Jamais homme si naturellement poli, ni d'une politesse si fort mesurée, si fort par degrés, ni qui distinguât mieux l'âge, le mérite, le rang, et dans ses réponses quand elles passaient le « Je verrai, » et dans ses manières. Exact aux heures qu'il donnait pour toute sa journée; une précision nette et courte dans ses ordres. Si dans les vilains temps d'hiver qu'il ne pouvait aller dehors, qu'il passait chez Mme de Maintenon un quart d'heure plus tôt qu'il n'en avait donné l'ordre, ce qui ne lui arrivait guère, et que le capitaine des gardes en quartier ne s'y trouvât pas, il ne manquait point de lui dire après que c'était sa faute à lui d'avoir prévenu l'heure, non celle des capitaines des gardes de l'avoir manquée. Aussi, avec cette règle, qui ne manquait jamais, était-il servi avec la dernière exactitude, et elle était d'une commodité infinie pour les courtisans.
Il traitait bien ses valets, surtout les intérieurs. C'était parmi eux qu'il se sentait le plus à son aise, et qu'il se communiquait le plus familièrement, surtout aux principaux. Leur amitié et leur aversion a souvent eu de grands effets. Ils étaient sans cesse à portée de rendre de bons et de mauvais offices; aussi faisaient-ils souvenir de ces puissants affranchis des empereurs romains, à qui le sénat et les grands de l'empire faisaient leur cour, et ployaient sous eux avec bassesse. Ceux-ci, dans tout ce règne, ne furent ni moins comptés ni moins courtisés. Les ministres même les plus puissants les ménageaient ouvertement; et les princes du sang, jusqu'aux bâtards, sans parler de tout ce qui est inférieur, en usaient de même. Les charges des premiers gentilshommes de la chambre furent plus qu'obscurcies par les premiers valets de chambre, et les grandes charges ne se soutinrent que dans la mesure que les valets de leur dépendance ou les petits officiers très subalternes approchaient nécessairement plus ou moins du roi. L'insolence aussi était grande dans la plupart d'eux, et telle qu'il fallait savoir l'éviter, ou la supporter avec patience.
Il voyageait toujours son carrosse plein de femmes: ses maîtresses, après ses bâtardes, ses belles-filles, quelquefois Madame, et des dames quand il y avait place. Ce n'était que pour les rendez-vous de chasse, les voyages de Fontainebleau, de Chantilly, de Compiègne, et les vrais voyages, que cela était ainsi. Pour aller tirer, se promener, ou pour aller coucher à Marly ou à Meudon, il allait seul dans une calèche. Il se déliait des conversations que ses grands officiers auraient pu tenir devant lui dans son carrosse; et on prétendait que le vieux Charost, qui prenait volontiers ces temps-là pour dire bien des choses, lui avait fait prendre ce parti, il y avait plus de quarante ans. Il convenait aussi aux ministres qui, sans cela, auraient eu de quoi être inquiets tous les jours, et à la clôture exacte qu'en leur faveur lui-même s'était prescrite, et à laquelle il fut si exactement fidèle. Pour les femmes, ou maîtresses d'abord, ou filles ensuite, et le peu de dames qui pouvaient y trouver place, outre que cela ne se pouvait empêcher, les occasions en étaient restreintes à une grande rareté, et le babil fort peu à craindre.
Dans ce carrosse, lors des voyages, il y avait toujours beaucoup de toutes sortes de choses à manger: viandes, pâtisseries, fruits. On n'avait pas sitôt fait un quart de lieue que le roi demandait si on ne voulait pas manger. Lui jamais ne goûtait à rien entre ses repas, non pas même à aucun fruit, mais il s'amusait à voir manger, et manger à crever. Il fallait avoir faim, être gaies, et manger avec appétit et de bonne grâce, autrement il ne le trouvait pas bon, et le montrait même aigrement. On faisait la mignonne, on voulait faire la délicate, être du bel air, et cela n'empêchait pas que les mêmes dames ou princesses qui soupaient avec d'autres à sa table le même jour, ne fussent obligées, sous les mêmes peines, d'y faire aussi bonne contenance que si elles n'avaient mangé de la journée. Avec cela, d'aucuns besoins il n'en fallait point parler, outre que pour des femmes ils auraient été très embarrassants avec les détachements de la maison du roi, et les gardes du corps devant et derrière le carrosse, et les officiers et les écuyers aux portières, qui faisaient une poussière qui dévorait tout ce qui était dans le carrosse. Le roi, qui aimait l'air, en voulait toutes les glaces baissées, et aurait trouvé fort mauvais que quelque dame eût tiré le rideau contre le soleil, le vent ou le froid. Il ne fallait seulement pas s'en apercevoir, ni d'aucune autre sorte d'incommodité, et le roi allait toujours extrêmement vite, avec des relais le plus ordinairement. Se trouver mal était un démérite à n'y plus revenir.
J'ai ouï conter à la duchesse de Chevreuse, que le roi a toujours fort aimée et distinguée, et qu'il a, tant qu'elle l'a pu, voulu avoir toujours dans ses voyages et dans ses particuliers, qu'allant dans son carrosse avec lui de Versailles à Fontainebleau, il lui prit au bout de deux lieues un de ces besoins pressants auxquels on ne croit pas pouvoir résister. Le voyage était tout de suite, et le roi arrêta en chemin, pour dîner sans sortir de son carrosse. Ces besoins, qui redoublaient à tous moments, ne se faisaient pas sentir à propos, comme à cette dînée, où elle eût pu descendre un moment dans la maison vis-à-vis. Mais le repas, si ménagé qu'elle le pût faire, redoubla l'extrémité de son état. Prête par moments à être forcée de l'avouer et de mettre pied à terre, prête aussi très souvent à perdre connaissance, son courage la soutint jusqu'à Fontainebleau où elle se trouva à bout. En mettant pied à terre, elle vit le duc de Beauvilliers, arrivé de la veille avec les enfants de France, à la portière du roi. Au lieu de monter à sa suite, elle prit le duc par le bras, et lui dit qu'elle allait mourir si elle ne se soulageait. Ils traversèrent un bout de la cour Ovale, et entrèrent dans la chapelle de cette cour, qui heureusement se trouva ouverte, et où on disait des messes tous les matins. La nécessité n'a point de loi; Mme de Chevreuse se soulagea pleinement dans cette chapelle, derrière le duc de Beauvilliers qui en tenait la porte. Je rapporte cette misère pour montrer quelle était la gêne qu'éprouvait journellement ce qui approchait le roi avec le plus de faveur et de privance, car c'était alors l'apogée de celle de la duchesse de Chevreuse. Ces choses qui semblent des riens, et qui sont des riens en effet, caractérisent trop pour les omettre. Le roi avait quelquefois des besoins, et ne se contraignait pas de mettre pied à terre. Alors les dames ne bougeaient de carrosse.
Mme de Maintenon, qui craignait fort l'air et bien d'autres incommodités, ne put gagner là-dessus aucun privilège. Tout ce qu'elle obtint, sous prétexte de modestie et d'autres raisons, fut de voyager à part, de la manière que je l'ai rapporté; mais, en quelque état qu'elle fût, il fallait marcher, et suivre à point nommé, et se trouver arrivée et rangée avant que le roi entrât chez elle. Elle fit bien des voyages à Marly dans un état à ne pas faire marcher une servante. Elle en fit un à Fontainebleau qu'on ne savait pas véritablement si elle ne mourrait pas en chemin. En quelque état qu'elle fût, le roi allait chez elle à son heure ordinaire, et y faisait ce qu'il avait projeté; tout au plus elle était dans son lit, plusieurs fois y suant la fièvre à grosses gouttes. Le roi qui, comme on l'a dit, aimait l'air, et qui craignait le chaud dans les chambres, s'étonnait en arrivant de trouver tout fermé, et faisait ouvrir les fenêtres, et n'en rabattait rien, quoiqu'il la vît dans cet état, et jusqu'à dix heures qu'il s'en allait souper, et sans considération pour la fraîcheur de la nuit. S'il devait y avoir musique, la fièvre, le mal de tête n'empêchait rien; et cent bougies dans les yeux. Ainsi le roi allait toujours son train, sans lui demander jamais si elle n'en était point incommodée.
Mme la duchesse de Bourgogne