Histoire du Royaume-Uni: Les Grands Articles d'Universalis
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Histoire du Royaume-Uni - Encyclopaedia Universalis
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ISBN : 9782852297630
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Histoire du Royaume-Uni
Introduction
L’espace géographique britannique n’a pas coïncidé, pendant longtemps, avec une réalité politique. Sans évoquer immédiatement les divisions tribales qui frappèrent un César, pourtant bien préparé par sa conquête de la Gaule à rencontrer des peuples séparés, on retiendra que seuls l’Angleterre et le pays de Galles réalisèrent leur unité au cours du Moyen Âge (bien que l’intégration totale soit le fait de Henri VIII Tudor) ; l’Écosse ne fut unie à sa voisine du Sud, au XVIIe siècle, que par ses souverains Stuarts, à titre personnel, ou le temps, fort bref, de la république cromwellienne : il faut attendre l’Acte d’union de 1707 pour voir naître un véritable royaume de Grande-Bretagne. Celui-ci ne constitue pas l’ensemble du « Royaume-Uni », dont la naissance définitive, en 1801, résulte du véritable coup de force légal de William Pitt, imposant au Parlement irlandais d’unir l’île d’Érin et la Grande-Bretagne : mariage forcé, constamment remis en question par la suite, modifié en 1921-1922 par la « partition » de l’Irlande, dont six comtés seulement, l’« Ulster », demeurent dans le Royaume-Uni. Depuis 1969, les événements ont remis sur le tapis, dans le feu des actions terroristes et de la répression, l’avenir de ce qui restait de l’Union et rendu moins théorique la perspective de voir « Royaume-Uni » et « Grande-Bretagne » coïncider réellement ! Le chemin paraît cependant encore long malgré la mise en marche récente d’un processus de normalisation de la vie publique en Ulster.
MediaRoyaume-Uni : drapeau. Royaume-Uni (1801). En 1606, trois ans après la réunion des couronnes d'Angleterre et d'Écosse sous le seul sceptre du roi Jacques Ier (Jacques VI d'Écosse), ce monarque décide, pour emblème de la nouvelle union britannique, de superposer la croix écossaise de Saint-André (sautoir blanc sur champ bleu) et la croix anglaise de Saint-Georges (rouge sur fond blanc). C'est en 1801, à l'annexion de l'Irlande par la Grande-Bretagne, que fut insérée la croix de Saint-Patrick d'Irlande (X rouge sur le sautoir blanc), ce qui aboutit au dessin final de l'Union Jack.
N.B. À noter que, l'Union Jack étant en fait une bannière royale, le Royaume-Uni est de ces rares pays à ne pas disposer officiellement de drapeau national à usage des citoyens ; l'Union Jack ne tient qu'officieusement lieu de drapeau d'État, et si les citoyens sont autorisés par le Parlement à le hisser, c'est exclusivement à terre.
La position mondiale de l’île a également connu des modifications fondamentales. Pendant longtemps, elle figure la pointe extrême du continent, face à des espaces océaniques hostiles et inconnus. Le « précieux rocher » a connu un destin étroitement européen jusqu’au début du XVIe siècle ; son entrée dans l’histoire a été déterminée par la conquête romaine ; son peuplement médiéval est lié à des invasions germaniques, scandinaves, normandes. Le royaume d’Angleterre, entre 1066 et la fin du XVe siècle, a été grand par ses prolongements continentaux et a servi de tremplin fréquent aux ambitions dynastiques de ses souverains sur la France voisine, que la titulature royale a d’ailleurs rangée au nombre des possessions anglaises de 1339 à 1802. Le siècle des Tudors, entre 1485 et 1603, porte la marque de la conquête par les Européens – les Espagnols et les Portugais surtout – d’espaces transatlantiques : le royaume devient alors une pointe avancée sur les routes nouvelles du commerce et de la colonisation ; ses souverains le comprennent et, dans un défi incessant aux prétentions ibériques, se lancent à leur tour vers le « grand large » ; confirmé au XVIIe siècle, à l’époque de la révolution et du premier Acte de navigation, ce choix dessine le destin nouveau d’une grande thalassocratie (empire des mers), d’une nouvelle Athènes aux dimensions du monde. Destin magnifique, affirmé à travers l’acquisition d’immenses territoires, aboutissant, à l’époque victorienne, et malgré la perte en cours de route des États-Unis, à la construction du plus vaste empire de l’histoire, « sur lequel le soleil ne se couche jamais » – un quart des terres émergées et de la population mondiale. Au lendemain de la Grande Guerre, accru des dépouilles allemandes et ottomanes, il culmine à 33 millions de kilomètres carrés et à un demi-milliard de sujets.
Le déclin contemporain, la décolonisation, pratiquement achevée vers 1964, malgré la survivance jusqu’en 1979 de l’épineuse question rhodésienne et jusqu’en 1997 de la souveraineté sur Hong Kong, ont amené la Grande-Bretagne à reconsidérer totalement son rôle mondial. Soudain dégrisés, ses dirigeants ont cessé de contempler avec dédain l’amenuisement qu’aurait constitué, pendant longtemps à leurs yeux, l’immersion dans une entité européenne. En adhérant au Marché commun le 1er janvier 1973, en confirmant ce choix lors du référendum de 1975, le Royaume-Uni a commencé à accomplir un étonnant retour historique vers le continent ; le « grand large » devenait chaque jour davantage nostalgie, mythe et souvenir exaltant, et, sans être renié, valant même bien des avantages sur les terres de l’ex-empire, pesait de moins en moins au regard des intérêts économiques ou stratégiques. « Porte-avions » de l’Alliance atlantique, ce rôle étant contesté d’ailleurs par de larges fractions de l’opinion publique, la Grande-Bretagne est devenue un pion majeur d’une stratégie continentale ; elle n’est plus l’orgueilleuse métropole des flottes qui en firent la maîtresse des mers et l’un des principaux arbitres du monde.
Par son peuplement, la Grande-Bretagne a été un creuset et non pas le lieu de développement d’une « race » quelconque : l’emploi du mot, à la fin du XIXe siècle, au temps de l’impérialisme et du chauvinisme exacerbé, correspond presque toujours à l’affirmation d’une supériorité culturelle et linguistique, rarement à celle d’une différenciation physique ; il faut attendre l’influence d’idéologies extérieures et le flamboiement fort bref du fascisme des années 1930 pour entendre un parti organisé affirmer l’existence d’une race nordique dont le peuple anglais aurait constitué une branche honorable ! Aux Celtes primitifs, repoussés dès la conquête romaine, mais aussi dans les temps ultérieurs, vers les refuges gallois, écossais et irlandais, s’ajoutent des vagues successives et plus ou moins massives d’immigrants. Aux Germains, Angles, Saxons et Jutes succèdent surtout des Scandinaves, avant qu’au XIe siècle la conquête normande importe davantage des élites peu nombreuses que des groupes numériquement considérables. Ouverte sur l’extérieur, l’Angleterre reçoit, dans le cours des siècles suivants, des individus et des groupes originaires du continent européen ; terre de refuge à l’époque moderne, elle accueille des huguenots français pendant les guerres de Religion comme après la révocation de l’édit de Nantes, et des milliers de nobles et de prêtres émigrés au temps de la Révolution française ; réadmettant les juifs, chassés en 1290, sous la république de Cromwell, elle reçoit des colonies de marchands et de financiers en provenance d’Amsterdam ou du Portugal et de l’Espagne ; ouverte à bien des réfugiés politiques pendant le XIXe siècle (Allemands, Italiens, Français), elle connaît aussi, à la fin de l’époque victorienne et dans la décennie suivante, l’arrivée et l’établissement de nombreux immigrants originaires de l’Empire des tsars, dont une centaine de milliers de juifs chassés par les pogromes ; dans l’entre-deux-guerres, malgré des pratiques restrictives, ses frontières demeurent entrouvertes aux victimes de l’oppression raciale et politique sur le continent ; elle conserve aussi sur son sol quelque cent mille Polonais qui refusent, après 1945, de rentrer dans leur pays devenu communiste et, dans l’euphorie du plein-emploi, s’ouvre largement, dans les années 1950 et jusqu’en 1962, à une immigration dite de couleur : Indiens, Pakistanais, Asiatiques, Antillais, en provenance du Commonwealth, et dont le flot montant inquiète au point de provoquer des mesures discriminatoires contre la poursuite du mouvement ; alimentée encore par l’intégration de quelques groupements persécutés dans certains pays nouvellement indépendants d’Afrique. Cette immigration se traduit, au recensement de 1991, par l’enregistrement de plus de trois millions de citoyens sous la rubrique « minorités ethniques », soit 5,5 p. 100 de la population, et cela renforce des craintes anciennes d’une « négrification » de la Grande-Bretagne. On tiendra compte aussi du flux permanent de citoyens des deux Irlandes, repérable dès le XVIe siècle, accéléré après la grande famine de 1846-1847, jamais tari, même après la proclamation de la totale indépendance de la république d’Irlande en 1949. Et on ajoutera les retours, parfois après des générations, d’émigrés ou de fils d’émigrés britanniques, partis peupler le vaste monde et dont la sortie par millions de la Grande-Bretagne, au cours des XIXe et XXe siècles, a évité une congestion totale de l’île, mais aussi contribué au vieillissement relatif de sa population.
Monarchie solide, la Grande-Bretagne passe pour le modèle des démocraties et la « mère des Parlements ». Le système monarchique britannique n’a pas toujours été original, même si certains veulent voir dans les coutumes politiques saxonnes l’amorce d’un système de monarchie élective appuyée sur une assemblée représentative. De la féodalité à la modernité, la transition a été cependant favorisée par le développement, rapide entre la fin du XIIIe siècle et le milieu du XIVe, d’une institution parlementaire où se distinguent bientôt les deux Chambres, Lords et Communes. Menacée d’extinction à plus d’une reprise, l’institution survit, en partie grâce à la gravité des questions dynastiques et religieuses au XVIe siècle ; elle trouve les ressorts de son ancrage au cours des deux révolutions du XVIIIe siècle qui aboutissent à la Déclaration des droits de 1689 et à l’accentuation d’une séparation des pouvoirs. Le Parlement, admiré par l’Europe des Lumières, est un modèle assez douteux pour que des réformes s’imposent pendant tout le XIXe siècle et jusqu’à la grande loi de 1911 qui établit décisivement la supériorité des Communes sur la Chambre haute ; quant à la démocratie, elle s’impose très progressivement, le suffrage universel des hommes instauré en 1918 seulement, celui des femmes, en germe à la même date, réalisé dix ans plus tard ; le régime est devenu « parlementaire » au sens juridique du mot, c’est-à-dire fondé sur la responsabilité collective du cabinet devant le Parlement, en 1841. Définis par John Locke en 1690, les droits « naturels » de l’homme sont le fondement de la légitimité politique. Aucune rigidité n’empêche l’évolution d’un système qui s’est encore adapté à de nouvelles exigences démocratiques depuis 1945. Pays moderne et libre, la Grande-Bretagne est un cas rare : elle ne possède pas de Constitution écrite, mais définit son régime par une série de lois que l’histoire a harmonisées... ou rendues caduques.
Terre de chrétienté, la Grande-Bretagne a en fait connu deux grandes périodes d’évangélisation : aux IVe et Ve siècles par des missionnaires venus de Gaule et d’Italie, parfois originaires des îles Britanniques, comme saint Patrick ; à partir de 597 et de la mission de saint Augustin, après la catastrophe de l’invasion germanique. Rattachée à