Le Fou de Dieu et le Rêveur d'Etoiles: Roman historique
Par Serge Revel
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À propos de ce livre électronique
Frère Anthelme, envoyé par Rome, traverse la Chartreuse accompagné de Vicenzo, un jeune novice, pour rejoindre le village de St André le Haut où Colin Massard vient d’achever un ouvrage « hérétique » qui doit bientôt être publié. Colin Massard, petit paysan qui a appris à lire et à écrire, l’art de l’imprimerie à Lyon, qui est parti étudier à Florence et Padoue, a lu Galilée et Bruno. Il a aussi appris à confectionner une lunette astronomique auprès des verriers de Murano. De retour dans son village avec la belle Aloise rencontrée en Italie, il observe le ciel, s’interroge et écrit…
Un roman qui nous plonge au début du XVIIe siècle, dans un monde bouleversé où l’inquisition finissante combat désespérément la Science qui pose tant de questions dérangeantes.
EXTRAIT
— J’y suis arrivé, Aloïse ! J’y suis arrivé ! Regarde comme tout est clair, comme tout est net !
— Tu vas partir toutes les nuits maintenant…
Il y a comme une triste inquiétude dans la voix d’Aloïse.
— Seulement quand elle sera claire… Bientôt je pourrai mieux comprendre tout ce qu’ont écrit Copernic, Galilée, Kepler…
Il comprendra et ira plus loin encore, jusqu’à se poser des questions sur la terre et les plantes, sur l’état et l’origine du monde, sur la création, sur Abraham, Dieu, Moïse, Jésus… sur la vérité des Écritures, ces questions qui le tarabustent depuis si longtemps ! Pendant tout l’été, il observe, chaque nuit ou presque, et parfois Aloïse l’accompagne. Jupiter et ses quatre satellites dont parlaient Galilée, Callisto, Europe, Ganymède et Io, cette découverte qu’il avait publiée dans le Sidereus Nuncius. Et Saturne avec son apparence étrange, comme si elle avait des oreilles, elle est là, bien visible ! Venus et ses phases, la lune, ses ombres et lumières, ses quartiers. Oui, tout s’explique grâce à l’hypothèse héliocentrique alors qu’il est impossible de le faire avec la géocentrique. C’est une nouvelle preuve de la vérité du système copernicien et Galilée avait raison. Il comprend tout maintenant et son excitation est à son comble. C’est bien la preuve qu’elle tourne, Aloïse ! Regarde, la surface change et revient tout aussi régulièrement ! Donc, elle tourne sur elle-même et tourne autour de la terre qui tourne sur elle-même et autour du soleil à la fois ! C’est une merveille, une merveille ! Il y a longtemps qu’on le sait, mais je le vois, moi, je le vois !
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né en 1946 à Chambéry, Serge Revel a été maître de conférences à l’Institut de la Communication Université Lumière-Lyon2. Depuis 1989, il est auteur, co-metteur en scène et responsable des Historiales (spectacle historique) de Rhône-Alpes. Son roman Les Frères Joseph, publié au Rouergue en 2013, a reçu en 2014 le prix Claude-Farrère des Écrivains Combattants
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Avis sur Le Fou de Dieu et le Rêveur d'Etoiles
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Aperçu du livre
Le Fou de Dieu et le Rêveur d'Etoiles - Serge Revel
Cet ouvrage a été composé par les Éditions Encre Rouge
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7, rue du 11 novembre – 66680 Canohes
Mail : contact.encrerouge@gmail.com
ISBN papier : 978-2-37789-258-7
ISBN Numérique : 978-2-37789-259-4
Serge Revel
Le Fou de Dieu
et
Le Rêveur d’Étoiles
Du même auteur
Poésie : Entre les temps d’ombre, Lyon 1987
Romans
Le vieux, la jeune fille et le capitaine, éditions Michalon, Paris, 1996
Le ministre, la grippe et le poulet, éditions Le chant de l’aube, 2007
Les frères Joseph, éditions du Rouergue, 2013, Prix Claude Farrère 2013 des écrivains combattants
Le maître à la gueule cassée, éditions du Rouergue, 2014
Les grandes évasions de Paul Métral, éditons du Rouergue, 2015
Les Frères Joseph, poche, Le Rouergue, 2016
Chemins de liberté, éditions du Rouergue, mai 2016
Le juge et le cuisinier, éditions du Hasard, 2018
Au sculpteur de rêves, éditions Encre Rouge, 2019
Dialogue avec mon mainate, éditions Encre Rouge, 2019
Essai :
Le bonheur est si délicatement fragile, CLC, 2002
— Frère Anthelme !
Un cri dans le silence, le grand silence. La neige commence à tomber, légère, tourbillonnante. L’homme marche à longues enjambées. Il est si grand, silhouette de géant maigre à peine visible dans les floconnements qui brouillent toute vue. Le jeune garçon qui l’accompagne peine à le suivre. Ils portent tous deux, accroché aux épaules, un sac de cuir lourdement chargé.
— Frère Anthelme, il y a tant d’heures qu’on marche ! Arrêtez-vous, je vous en prie !
Les mots s’étouffent. Sur l’étroit sentier qui serpente au pied du mont Granier, la bise se met à souffler, glaciale, et les flocons balayés, soulevés par rafales, ne tombent plus mais courent à l’horizontale, giflent les visages. Le jeune novice remonte son écharpe de laine grise et la tient serrée sur sa bouche et son nez. Il respire avec peine et avance à l’aveugle, le visage brûlé par les piqures glacées. Il n’en peut plus. S’arrêter, oh oui, s’arrêter ne serait-ce qu’un instant. Ils sont partis à la nuit de Chambéry, du couvent des Franciscains où Vicenzo était novice depuis près de deux années. Frère Anthelme y était arrivé la veille et avait demandé au père supérieur de lui adjoindre un jeune garçon sachant lire et écrire. Vicenzo avait immédiatement accepté. Sortir enfin de ce couvent, de cette cellule d’où il tentait de s’échapper par de vaines prières et ses travaux de copiste. Voyager, rencontrer du monde, s’ouvrir aux autres, parler avec les autres… Comme il regrettait son enfance à Milan et ses trois années de vie à Carpentras où son père avait établi un nouveau commerce. Il aurait voulu être poète, artiste, coureur de rues et de village comme ce Luigi Cappa qui faisait rire tout Milan en imitant une abeille butineuse. Bzzz… Bzzz… Elle butinait tout ce qu’elle trouvait, cette abeille aux yeux rieurs. Il approchait son long nez de papier de toutes les jolies filles, petites catins au sourire canaille, le plongeait entre les seins provoquants. Elles riaient et la foule avec elles. Et lui en rajoutait, bzzz… bzzz… Mais il butinait aussi des hommes, des animaux, des fleurs et des livres… Il sortait d’une besace en peau de chèvre un ouvrage puis un autre. Il l’ouvrait cérémonieusement après avoir fait taire la foule et il déclamait des textes de Dante et des contes de Boccace. Vicenzo le regardait et l’écoutait comme s’il était le messie. Il s’était fait prêter des ouvrages, avait lu Pétrarque, Dante et Boccace, s’était promis de devenir poète… et amoureux. Mais son oncle, le cardinal Carnelli, vieil homme sec et autoritaire, avait rappelé à ses parents qu’ils avaient promis, à sa naissance, de lui confier l’enfant lorsqu’il serait en âge d’adolescence. Il fallait un homme de Dieu dans la famille ! À quinze ans, il était donc devenu novice, envoyé dans le diocèse de Chambéry pour se plonger dans la foi et la solitude, mais il recherchait tout ce qui ressemblait à la vie. C’est pourquoi lorsque frère Anthelme a demandé un compagnon de route, il a si vite accepté. S’il avait su… S’il avait su aussi que l’hiver allait arriver si tôt, en ce début du mois de novembre ! D’ordinaire, malgré le froid, les jours sont souvent beaux en cette fin d’automne.
Au petit matin, ils ont grimpé le chemin caillouteux qui conduit au col du Granier. Il doit être maintenant midi ou une heure. Mais quand s’arrêtera-t-il ? Où coucheront-ils ? Il n’a donc aucune pitié ! Frère Anthelme, mais attendez-moi !
Il lui faut boire, manger quelque chose ! Ce diable d’homme qu’il a accepté d’accompagner ne connaît ni la faim ni la soif. De quel bois est-il fait ? Ils n’ont avalé qu’un brouet de légumes et un bout de tomme, un repas si léger que son corps l’a depuis longtemps oublié. Pour tromper sa faim, le jeune Vicenzo a tout essayé : compter ses pas, réciter des Ave, des Pater, reconstituer mot après mot la première page du manuscrit sur lequel il travaillait encore la semaine dernière… Rien à faire, la faim est trop forte ! Ses jambes flageolent, le froid le pénètre. Et cette montagne sinistre qui l’enferme et le regarde ! L’angoisse commence à le saisir. Sur sa gauche, il perçoit vaguement la masse grise et blanche du mont Granier, sur sa droite, des rochers noirs et menaçants. Mon Dieu, ayez pitié de moi ! Dites-lui de s’arrêter, qu’il est inhumain, que c’est un tortionnaire ! La pitié, il ne la connaît pas ! Que le diable l’emporte ! Non, ne lui dites pas ça, mon Dieu, il m’en voudrait ! Dites-lui… Non, donnez-lui la faim, ça, vous le pouvez ! Une bonne fringale qui lui coupe les jambes, qui l’oblige à s’arrêter au moins quelques instants ! Une fringale comme la mienne, pas plus, juste de quoi lui donner une terrible envie de manger. Mais il est capable de ne pas écouter son estomac, c’est même sûr ! Alors, effrayez-le ! Un loup, un ours sur le chemin… Une meute… Il n’aura même pas peur, j’en suis sûr ! C’est une brute, mon Dieu, un être sans cœur… Non, je n’ai rien dit, mon Dieu, rien ! Pardonnez-moi ! C’est la faim qui me fait dire du mal de ce saint homme ! Est-ce qu’on est un saint quand on traite les autres comme il le fait ? Même les bandits peuvent avoir pitié de leurs victimes. Pas lui. A-t-il seulement un cœur ? Je ne sais même pas s’il vous aime, mon Dieu ! S’il vous aimait un tant soit peu, il penserait à moi qui suis votre créature… Tant pis, je m’arrête… Il n’a qu’à m’attendre !
Vicenzo pose le sac dont les bretelles lui déchirent les épaules, défait le nœud de la lanière en cuir, sort un morceau de pain dur et un bout de fromage moisi. Et une pomme, une belle pomme rouge. Comme c’est bon, mon Dieu ! Frère Anthelme n’est plus qu’une ombre qui disparaît au loin. Il m’attendra, il est bien obligé ! Vicenzo pense à la robe, au scapulaire et au capuce de frère Anthelme qu’il porte dans son sac. S’il les veut, il n’a qu’à ralentir ! C’est bien fait pour lui ! Et s’il me perd, il se présentera dans cette vieille robe de bure qui lui donne l’allure d’un mendiant… On refusera de le recevoir… Bien fait, bien fait !
Colin regarde le liseré de ciel clair vers l’est, du côté des sommets de Chartreuse. Il a retrouvé cette habitude d’enfance, ce regard porté chaque matin sur les montagnes si proches et si effrayantes, si belles parfois lorsque le soleil couchant teinte de rose les falaises enneigées. On dit que là-bas, les hommes vivent avec les loups et les ours, qu’il y fait si froid l’hiver que les nouveau-nés ne survivent jamais parce qu’ils gèlent dans leur berceau, que leurs petits corps raides attendent le printemps sur les toits, à l’abri des bêtes, pour être mis en terre. On dit aussi que dans un désert de pierre et de sapins noirs, des moines ont construit une immense cathédrale et qu’ils y vivent dans le silence le plus absolu, qu’il leur est interdit de parler sous peine de flammes éternelles. On dit aussi qu’on extrait dans des grottes profondes et mystérieuses du minerai d’argent et de fer et que les rares curieux qui ont osé franchir les frontières du désert sont prisonniers au plus profond des galeries où ils travaillent sans jamais revoir le jour. Mais on dit tant de choses, les rumeurs populaires sont si follement porteuses de grandes peurs…
La lumière s’est levée depuis un moment sur la Chartreuse. Le soleil encore caché souligne et découpe les sommets d’un bleu nuit. Colin se retourne. À l’ouest, du côté de la grande plaine qui conduit à Lyon, un ciel gris, d’un gris qu’il connaît bien et qu’il aime et redoute à la fois, celui qui annonce la neige. Les anciens du village ont dit hier qu’il faut se préparer à une grande tempête, à de longs jours blancs. Ils savent. Ils disent toujours vrai. Les quelques flocons de la veille n’ont pas interrompu son travail. Mais là, s’il neige vraiment… Il se hâte sur le chemin qui conduit au mont de Velanne, le point culminant, à moins d’une demi-lieue du village. Il y a construit, sur quelques arpents de bois appartenant à son père, une cabane après avoir coupé les jeunes châtaigniers. Une chance que le père ait possédé ce bois tout en haut de la colline. Il y a dressé aussi une tour avec les baliveaux les plus droits, une tour qui lui permet de s’élever un peu vers le ciel, au-dessus des arbres.
Colin se hâte. Il y a du monde sur le chemin, dans tous les bois. C’est l’époque des coupes, du ramassage des branches mortes qui chauffent si bien les fours à pain, c’est le temps de fagoter pour l’hiver prochain. La neige va bientôt tomber. Il faut se dépêcher. Le bruit des cognées, dès l’aube, des mulets que l’on charge, quelques cris d’enfants. Il ne fait pas vraiment froid. Les hommes regardent passer Colin Massard. Que va-t-il donc faire là-haut ? Qu’a-t-il imaginé ? Tout ce bois gaspillé pour construire cette étrange tour… Et cette cabane ? Ils le regardent avec ce mélange d’inquiétude, d’interrogations, de craintes qu’on lit dans leurs yeux, dans leurs gestes, mais aussi d’admiration. Colin est devenu savant, il est instruit, il sait tant et tant de choses et pourtant il est resté un peu le même, aussi doux, aussi rêveur. Et l’on dit qu’il écrit, qu’il a même écrit un horrifique livre contre Dieu et ses saints…Mais on dit tellement de choses ! On dit aussi qu’il lit dans le ciel, qu’il connait le secret des étoiles et de l’origine des mondes…
Colin revenu, cet enfant déjà étrange qui posait trop de questions qui les mettaient mal à l’aise puisqu’ils ne savaient répondre tout comme le père Gauthier. Tu blasphèmes, petit ! Dieu a dit… Dieu a fait… Colin revenu savant, si changé, si différent ! Et qui est vraiment cette jolie jeune femme qu’il a ramenée ? Et cette enfant au visage si sombre ? La mère a-t-elle forniqué avec le Diable ? Mais c’est surtout cette tour de plus de vingt pieds de haut qui les interroge. À quelles étranges manigances sert-elle ? C’est un sortilège diabolique et certains se signent au passage de Colin ou baissent la tête pour ne pas croiser son regard. Ils n’osent s’approcher de cette tour qu’ils viennent tous regarder de loin. C’est pour mieux voir le ciel et les étoiles, leur a dit Colin. À quoi bon ? Comme si on ne les voyait pas aussi bien d’en bas !
— Faut pas dire du mal du Colin ! C’est un p’tit gars de chez nous !
— Et pis, il sait plein de choses qu’on peut même pas imaginer !
— Mais pourquoi qu’il est revenu ?
— S’il est si savant, pourquoi qu’il est pas à la grande ville ?
— Le père Massard ne dit donc rien ?
Il est aussi pauvre qu’eux et trime dur. Comme il a travaillé, lui et sa pauvre femme quand Colin leur aîné est parti, a quitté le village, dix ans plus tôt, à peine âgé de quatorze ans, en pleine force de l’âge. Parti sur un coup de tête, de folie, car il était un peu fou le Colin qui posait tant de questions inutiles. A-t-on idée de poser, à cet âge, des questions sur tout et sur rien ! C’était sûrement le malin qui le possédait déjà ! Ou Dieu… P’t’être que Dieu l’a choisi parmi nous ? Allez savoir !
En marchant, Colin sent peser les regards sur lui. Il sait qu’il inquiète, qu’il interroge, qu’on le déteste et l’admire à la fois, qu’on voudrait savoir. Il sourit. C’est vrai qu’il n’est pas comme les autres du village… Depuis qu’il sait parler, il interroge. Tout enfant, il était déjà curieux de tout. Il en a posé des questions ! À tous ! Il savait à peine parler que ses premiers mots interrogeaient. Et les pourquoi ? Et les comment ? Et les c’est quoi ? De ses yeux, avec ses mots, il questionnait, s’intéressant à tout. Et pou’quoi les feuilles elles tombent, et pou’quoi y pleut et pou’quoi y fait nuit et pou’quoi on meurt… Il avait compris très vite qu’il fallait s’adresser aux plus vieux qui savaient un peu, à celui surtout qu’on disait sorcier, le père Jérôme, un prêtre défroqué qui avait trouvé refuge dans la forêt où il cueillait des simples qui