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Adieu Rêves?
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Livre électronique505 pages5 heures

Adieu Rêves?

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À propos de ce livre électronique

L'héroïne principale du roman, Marie-Élise, a dans son ascendance deux princes daces provenus de Transylvanie qui entrainent des chevaliers Carpatins et Danubiens, et plusieurs patriotes, dans le but de défendre ce territoire martyrisé pendant des siècles.

           Un de ces braves r

LangueFrançais
Date de sortie2 déc. 2020
ISBN9781927538609
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    Aperçu du livre

    Adieu Rêves? - Domnita Georgesco-Moldoveanu

    Adieu rêves?

    (Maman)

    Domnita Georgesco-Moldoveanu

    Agora BooksTM

    Ottawa, Canada

    Adieu rêves?

    © 2020 par Domnita Georgesco-Moldoveanu

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite ou transmise sous aucune forme ni par aucun moyen électronique ou mécanique que ce soit, y compris la photocopie, l’enregistrement ou tout autre mode de stockage ou de consultation de l’information, sans en obtenir au préalable le consentement écrit d’ Agora Éditeurs.

    Les points de vue, opinions et perceptions de l’auteur du livre ci-inclus exprimés dans ce texte visent à soutenir une discussion sociale civile et créative au Canada et à l’étranger.

    On a pris soin de retrouver la propriété / la source de toutes les références faites dans ce texte. L’éditeur accueille toute information qui permettra une rectification dans les éditions ultérieures de toute référence ou crédit incorrect ou omis.

    Agora Éditeurs

    B.P. 24191

    300, chemin Eagleson

    Kanata, Ontario K2M 2C3 CANADA

    Agora Éditeurs est une marque commerciale de l’Agora Cosmopolite, une société à but non lucratif.

    ISBN 978-1-927538-60-9

    Imprimé au Canada

    Édition présentée par : Liliana Hoton

    Un emu remerciment à ma merveilleuse sœur Natalie, mon plus exigent et minutieux critique qui, avec les deux grandes amies Liliana Hoton et Mirela Barclay m’ont soutenue à cette publication dans les meilleures conditions.

    Domnita Georgesco-Moldoveanu

    Je remercie Dieu,

    ma famille, mon peuple de Roumanie,

    ceux qui m’ont soutenue.

    Je remercie la Grande France, ma deuxième patrie,

    …L’humanité entière…

    Motto :

    Vivez votre Conscience face à l’Absolu, vivez en véritable être humain responsable, c’est maintenant même que vous avez la chance de le faire.

    C’est moi,

    Mienne est l’âme de la Sainte Cène.

    …je suis l’idée du pain rompu,

    Mise à genoux,

    Crucifiée de peine

    Le rêve, l’espoir, l’amour, au lieu de clous…

    Table de matières

    Un mot au sujet de l’auteur et ses oeuvres

    Première partie

    Deuxième partie

    Troisième partie

    Un mot au sujet de l’auteur et ses oeuvres

    Née en Roumanie, Domnita Georgesco-Moldoveanu fait partie d’une famille nombreuse d’intellectuels. Ce milieu favorise chez elle la créativité. À trois ans, elle invente des jeux; à quatre ans–son premier conte, et à six ans–son premier poème. Depuis, elle n’arrêta plus d’imaginer des contes et c’est à l’école primaire qu’elle commencera véritablement à écrire. À quinze ans, Domnita publie sa première nouvelle. Elle fait des études de littérature à la faculté des lettres à l’Université de Bucarest. Elle a été assistante dans l’enseignement universitaire à la chaire d’Esthétique du Conservatoire de musique de Bucarest et chargée de cours de littérature roumaine à la faculté de cinématographie de Bucarest. En 1972, elle devient membre de l’Union des écrivains de la Roumanie. La même année, elle s’établit en France. Depuis, elle écrit uniquement en français (deux romans, des nouvelles, des réflexions, des notes, un journal, un roman en forme de journal, des scénarios de dessin animé).

    ŒUVRES EN ROUMAIN

    1955–Le puits de Floriette–prose, 77 pages (nouvelles pour les enfants de 9 à 13 ans). Premier grand succès, vendu dès qu’il est apparu sur le marché. Neuf petites histoires: des drames, parfois imprégnés d’humour, où les enfants sont de vrais héros.

    1956 – Le petit grillon–un best-seller, conte en vers de 32 pages, avec des belles illustrations. Neuf éditions (1956, 1959, 1965, 1967, 1970, 1997, 2009, 2007, 2018), en roumain et en traduction anglaise. Sa traduction en allemande a été commandée à la Foire internationale du livre de Leipzig après sa première édition. Souhaitant offrir un sourire aussi aux enfants qui parlent l’anglais, l’auteur a rendu possible que Le petit grillon soit aussi traduit en anglais. Il s’agit des péripéties d’un petit grillon violoniste qui, par orgueil, refuse l’invitation de petites « bêtes » et se retrouve seul face au grand vent qui lui vole son unique bien, le violon. Ce sont les amis qu’il avait méprisé qui l’aideront à le récupérer. Le poème est un message au sujet de l’amitié et l’harmonie sociale.

    1961–Quatre enfants dans la grande forêt – roman d’aventures, 216 pages, qui a attiré non seulement des enfants, mais aussi les adultes et les amoureux de chevaux. Paru en Roumain, puis traduit en Bulgare; épuisé dès le premier mois de sa parution. Dans un grand élevage de chevaux de course, des voleurs s’emparent d’un groupe de pur-sang et s’enfuient dans la forêt proche. Au cours de nombreux rebondissements, quatre enfants feront preuve d’initiative, de courage et d’humanité, et sortiront victorieux de l’aventure, ramenant avec eux les chevaux, sains et saufs.

    1973–La lyre aux étoiles (Chants des berceaux vides)–poésie; 125 pages; Poèmes préfacés à la deuxième édition (1997) par El. Folea, professeur de littérature roumaine à Bucarest:

    Traduction: « La création poétique de l’auteur est une marche majeure dans l’évolution de la poésie roumaine contemporaine: ses poèmes et son style marqueront la poésie du 8e décennie, du siècle passé à nos jours… L’art de Domnita est lumière, beauté et perfection. Par l’antithèse ombre-lumière exprimée dans des fantastiques images de relativité du temps et des distances abyssales, le poète-génie de ces poèmes devient elle-même un démiurge… Comme dans toute grande poésie, Domnita Georgesco-Moldoveanu a le don des métaphores uniques, des images complexes, picturales et à la fois musicales… Elle possède la dynamique intérieure du vocabulaire et réactualise des anciens mots, en créant des nouveaux aussi. »

    Première édition en 1973, avec la publication préalable de plusieurs de ses poèmes.

    2001 – Les contes des étoiles ou « Il y aurait une fois… » – contes, 274 pages; (Contract retiré auparavant par l’auteur en 1959 et remplacé par le roman d’aventures Quatre enfants dans la grande forêt, publié en 1961.

    Inscription au dos du recueil des contes:

    Traduction: « De vrai poèmes en prose enchanteurs, imprégnés de philosophie, d’éthique et d’esthétique, et d’une créativité débordante. Ces contes s’adressent à un large public: enfants, adolescents, adultes… Imagination pleine de charme, personnages d’une fraicheur surprenante, noblesse du message, aspirations héroïques, humour, intelligence, sagesse, humanisme… Ces contes pousseront à la méditation parents, éducateurs, et professeurs… »

    Ana-Maria Sireteanu, Directrice des émissions culturelles, Radio Bucarest, Roumanie.

    « L’auteur, par son grand talent de conteur, donne vie aux problèmes humains universels… Par de larges visions symboliques, elle sait nous rendre transparente une profonde sagesse nuancée d’aphorismes et de proverbes populaire. »

    Louis Kaiser, Paris, 1973, professeur à l’Université Perpignan, France

    ŒUVRES EN FRANÇAIS

    Coeur d’or (roman, 275 pages); première édition en 1987, retiré de la vente à cause des erreurs typographiques.

    Traduction: « Le roman convainc qu’à travers le sacrifice, on peut réaliser le beau et rendre l’homme meilleur… Tout ceci est un crescendo émotionnel de tourment et profonde sagesse, poésie et charme. »

    Louis Kaiser, Paris, 1973

    2007–Adieu rêves? (roman, 361 pages); raconte la vie meurtrie d’une femme tourmentée (la mère de l’auteur, mère de huit enfants), qui connaîtra le rêve, l’espoir et l’amour grâce aux grandes valeurs d’humanité et au milieu musical qui l’entourent. Raconté à la première personne, ce roman qui se déroule en Roumanie nous fait vivre l’occupation durant la Grande Guerre, la grippe espagnole et la crise financière de 1930. Ce roman est une quintessence musicale de beauté et de nobles réflexions.

    2006 – Quatorze nouvelles (Les anciens du terroir m’ont raconté)–(nouvelles, 221 pages)

    « Les histoires de ce volume se passent dans la campagne roumaine, aux alentours espacés de la première guerre mondiale. À travers les qualités morales des adolescents et des jeunes roumains de la campagne, ces nouvelles mettent en valeurs les qualités universelles de la jeunesse: la pureté du cœur, la bonté, le courage et le stoïcisme qui vont jusqu’au sacrifice. Les nouvelles se présentent sous forme des histoires contées par les anciens d’un village, étant d’un dramatisme complexe, qui va du tragique jusqu’à l’humour, en pouvant atteindre le sens héroïque, parfois ironique. Chaque histoire courte présente un autre aspect de vie bouleversante, recouverte par l’air de simplicité. C’est une éternité aux profondes résonances de sanglot, même de rire; un portrait musical et à la fois pictural d’un coin du monde. C’est l’offrande vive, le souffle de la force de l’âme humaine, à rendre l’homme meilleur pour l’harmonie de la société. »

    2018 – Voyage à Lille (nouvelles posthumes) – une recueil des nouvelles marquée par la fraicheur des personnages et la pureté de leurs sentiments.

    ŒUVRES EN ANGLAIS

    2007 et 2018 Little Cricky – poème épique, 34 pages, Liliana Hoton et Miruna Nistor ont traduit Le Petit Grillon réussissant à rendre en anglais son vers musical avec fidélité et charme.

    ŒUVRES EN BULGARE

    1964 et 2014–Quatre enfants dans la grande forêt – roman d’aventures, 216 pages, paru en Roumain en 1963 et puis traduit en Bulgare.

    *

    J’aimerais remercier à Jeff Barclay, un précieux ami qui a aidé tout au long pendant la re-publication de certains des oeuvres de Domnita.

    Natalia Moldoveanu

    Première partie

    *

    *___*

    Serais-je encore sur la terre?

    ...Ou bien perdue ailleurs?

    J’avais dix-huit ans. Le sublime rêve de rendre l’Homme meilleur, par mon écrit. La flamme au cœur pour accomplir ce rêve.

    Au temps de la cruelle outrance, j’enfourchai le désespoir. Et sous les âges de l’âpreté, dans un mortel remous pour protéger mon Idéal, je cavalai vers nulle part. Durant que tout autour poussaient les crocs des ténèbres.

    Soudain, la géante rondeur d’un astre inconnu, à l’instar d’une épaule salvatrice, frôla silencieuse notre globe.

    D’une seule impulsion, je m’élance à cheval-de-feu parmi les grilles. Je m’envole en arc-en-ciel. J’y saute!... et me réveille... du cauchemar!

    Sur l’ancienne? Sur la nouvelle planète?

    Où est-ce que je bobine l’écheveau de mes jours, qui se dévide à mon premier abord improbable?

    Ou bien, les deux corps célestes ont-ils convergé?

    La forte affection pour mon pays natal, pour ma famille, pour maman, me donne toujours la certitude que je me trouve sur ma terre initiale.

    Pourtant, comme un météore accaparé par une autre constellation, je m’accorde au rythme d’un autre mouvement de lumière et m’enracine chaque jour davantage au centre d’un autre soleil. D’un royal peuple.

    Alors ma vie, ma souche?

    Alors maman?...

    ...Chuuut!...

    Écoutez l’écho de son soupir : il fend le bruit de dehors. Traverse les murs. Plane dans l’air. Me confine. Pénètre mes oreilles. Me blesse le cœur.

    L’entendez-vous?

    Vous n’entendez rien...

    Maintenant l’écho a péri. Les silences tombent en moi comme les neiges.

    Mais de loin, de très loin, derrière les farouches frontières, je perçois le soupir de maman. Il tourne aux pleurs. Aux sanglots.

    Maman frappe à des portes fermées. Fait secouer les gonds, cliqueter les cadenas.

    Sa détresse devient cris. Nuage de cris. Avalanche de nuages!

    — Ouvrez!…

    Laissez-moi sortir et prendre dans mes bras ma fille chérie! J’irai la voir par monts et par vaux! À pied. À la nage. Au-delà des fleuves, des mers et des terres!…

    En dépit de sa peine, les portes restent closes. Les gardes la repoussent. La brusquent.

    Chaînes de fer et féroces fauves se déchaînent.

    Ferrailles... et « fauvailles »!

    Maman s’évanouit d’épuisement. De mal d’aimer.

    Encore un soupir et sa vie s’évapore...

    Les appels de mes sœurs percent les lointaines frontières. Les docteurs, les infirmières accourent. Mes frères s’agenouillent, brisés.

    Que les cloches tintent! Que les cloches sonnent le glas pour maman!

    Petites églises, ermitages, monastères, cathédrales, tourmentez vos gros bourdons, plus fort, plus fou! Pleurez pluies, roulez vos lamentations et vos clameurs, cours d’eau!

    Vents et vagues de mer, jetez vos bras jusqu’au ciel! Hurlez! Mugissez! Rugissez!

    …Lilas fut cet instant du crépuscule, où maman, dépêtrée d’elle-même, franchit libre les frontières, fragile et délicate sur mon seuil mauve, au soir :

    — Enfin, j’ai pu venir te voir.

    — C’est vous, maman?

    — C’est moi...

    — Vraiment??...

    Elle s’approcha. Impalpable, mais réelle. Un souffle printanier m’effleura le front, les joues. Se glissa dans mon cœur. Me remplit la poitrine comme une caresse. Comme une ivresse. Comme un parfum infini...

    Ce parfum m’éleva, à la durée d’un perpétuel demain.

    Récit rêveur au lire d’un livre,

    Maman, crucifiée sur un zénith à vivre!

    Je pris ma plume, pour que sa présence me donne encore une fois la vie. Et que mes songes deviennent marée, comme ses mains d’antan, cousait et recousait les instants vrais de son éternité :

    *

    *___*

    Aimeras-tu, aimerez-vous , mes enfants chéris, comme au temps de vos frêles années, que je raconte?

    Réitérer des jours si éloignés, pendant que vous entamez l’avenir, ce sera vous faire évoluer sur deux existences.

    Et puis, la flèche de mon sort, ailée vers paradis, souvent est obliquée pour l’envers du ciel.

    Saura l’un de vous contenir la démesure et l’exprimer à sa façon?...

    ...Mon père était la Conscience d’être!

    Fils et petit-fils de Grands Giaours, héritier, par descendance paternelle de la couronne de Pierre, lui-même éleva au paroxysme de la spiritualité.

    Pourtant, mon père fut contraint à la vie d’exilé.

    L’hostilité l’assaillit de front quand il n’était qu’une petite tête blonde.

    ...L’enfant dut ceindre la marge du ciel et fut tenu à chausser les routes lointaines.

    Je me l’imagine des yeux, d’après ses propres récits:

    C’est son dernier jour d’enfance dans ces montagnes qui vont s’assombrir. C’est son dernier rire...

    Sa ville natale, au joli nom de jeune fille, se situe sur un plateau entouré de cimes. Hormis la Cité des empereurs, cette ville est consignée par les chroniques depuis les premiers nids humains au sud de Danube.

    À la sortie des classes, l’enfant aux boucles blondes se hâte de traverser la cour de la monumentale maison de son grand-père, Pop Pierre les Sauvegardeurs, prince de souche et prince de guerre.

    Par accoutumance, les écoliers, en folâtre essaim, le suivent tapageux pour parcourir avec lui ce corridor souterrain, jusqu’à l’onde au pied de la montagne.

    Là, au bout du tunnel, sous le ciel bleu, quelle exaltation!

    Ce petit prince est leur chef au jeu. Pour l’avenir, leur espoir!

    Avant qu’ils ne se retirent pour le laisser rentrer seul par le canyon réservé aux Sauvegardeurs, les écoliers le retiennent et feuillettent ensemble le calendrier de plus récentes annales, de vieilles traditions. Tous connaissent l’histoire. Cependant, ils s’en enquièrent encore, comme si ce benjamin ensoleillé leur verse à boire de l’assurance et de la foi.

    — Est-ce que votre grand-père de prince a élevé l’église de là-haut après la victoire sur les oppresseurs?

    — Le sultan a sorti un firman : Pop Pierre les Sauvegardeurs surnommé le Giaour, ce grand danger pour la Porte-Ottomane, qu’il soit tué où qu’il soit trouvé... Dites! Avez-vous lu le firman?

    — C’est pour cela que sa Sainteté lui a conseillé d’habiller le froc. Et de construire ce tunnel pour s’y reprendre à chaque attaque inattendue.

    — Votre père, Stojan Pierre, est son fils aîné, appelé aussi Grand Giaour, né avant que son père soit prêtre!

    — C’est votre père qui continue à frapper toujours notre monnaie. Nous montrez-vous le machin?

    Avec un joyeux rire, le fils et petit-fils d’une illustre souche, ressort de son paragraphe historique, et se détache du groupe. Il entame le sentier d’en marge d’eau en descente.

    La suite enfantine répand des étincelles sur l’onde avec ses bonds, ses pirouettes, les saluts de la main et autant de vœux.

    Le soleil même agrippe le prince dans un tourbillon de lumière, comme pour ajourner son destin.

    Malgré tout, le nimbe du prince échappe aux bons auspices et dégringole dans les arcanes de la fatalité.

    L’enfant « s’attient » au ruisseau en chute vers leur manoir qui est planté comme un joyau sur le versant boisé.

    Soudain, il aperçoit, de l’autre côté du manoir, tout en aval et très loin encore, un attroupement pédestre et à cheval remontant le torrent de pierre en pierre.

    Fougueux, il rentre et gravit, ou plutôt escalade les marches, pour donner l’alerte.

    Et voilà que son père, Stojan Pierre, fils aîné du Grand Giaour Pop Pierre les Sauvegardeurs, est debout à la fenêtre de la chambre d’en haut.

    L’homme a le maintien statuaire. Le visage austère. Dans ses yeux bruns, tout le tourment et la vertu d’un grand chef, soupesant, mais défiant le danger.

    À ses côtés, graves, les deux fils aînés. Leur mère avec les deux filles, blondes comme les étoiles, s’y attachent muettes.

    À travers les vitres, il observe la multitude vindicative qui s’avance dans le défilé montant. Il murmure aux fils aînés :

    — Pour m’empêcher l’assaut contre leur joug, ils m’ont harcelé sans cesse. Craignent-ils que notre affranchissement approche, pour arriver en si grand nombre?

    Son regard se tourne adouci vers les femmes qui lui embrassent les mains :

    — Vous allez descendre le petit par l’ogive qui s’ouvre sur la forêt. Le fidèle Ion y est vigile à chaque attaque ottomane. C’est lui seul qui a le repère du trésor. Ion va faire appeler l’autre petit, Stojan, qui s’attarde au lycée, pour les sauver de représailles. Notre postérité ne doit et ne peut tomber aux rangs des janissaires!

    ...Ensuite, vous mes bien-aimées... Glissez-vous dans l’antre dont vous avez le triste usage. Non, ne pleurez pas. Les larmes n’ont jamais été les mots de nos chroniques!

    Puis, le Grand Giaour se précipite. Il étreint le benjamin sur sa poitrine, et lui confie les secrets dessous des choses :

    — Tu sais que nos ancêtres Pierre et Assan sont deux princes daces issus de la Transylvanie. Tu sais qu’il y a sept siècles ils sont venus en aide aux Roumains du sud du Danube. Qu’ils ont fondé ici l’empire roumaino-bulgar...

    — Oui Père.

    — Tiens ces précieuses reliques : trois inscriptions en or et en cuivre du temps de Décéné; un papyrus romain; la liasse de lettres, rangées d’avant Jésus-Christ. Ensuite les ententes de notre lignée avec les voïvodes du nord du Danube. Une correspondance tout au long de siècles. Ces armoiries en plus.

    — Oui Père.

    — Tu auras aussi la garde exceptionnelle de la myrrhe que j’ai sous ma protection. L’un des sceaux. Si un jour vous libérez le pays, tu vas régner avec ton frère Stojan, comme Pierre et Assan.

    — Comme Pierre et Assan...

    — Mais ne laissez personne vous désunir!

    — Personne!

    — Surtout, restez dans les confins de cet empire, aussi ravagé qu’il soit!

    ...Franchir le Danube à l’envers et retourner au nord, au pays des Carpates, ce serait vous enclaver dans l’épopée de tous les Roumains aux racines au milieu et aux entours de leurs montagnes. Tu es l’effigie vivante qui pourra soit maintenir notre lignée de Pierre ici, soit la refermer dans un cercle, et la parapher à jamais... dans une archive!...

    — Je suis l’effigie vivante...

    — De l’histoire! compléta son père.

    Encore une forte embrassade. Encore un regard de feu comme une estampille sur le cœur de l’enfant.

    — Allons-y faire front! s’adresse enfin le Grand Giaour à ses premiers fils. Notre sang va crier : liberté!

    Et le benjamin sursaute et s’accroche aux fenêtres jusqu’à ce que dehors, les héroïques défenseurs, les sabres comme les éclairs, s’écroulent sous les centaines de coups féroces.

    En larmes est la petite tête blonde. Ses rêves naissants s’émiettent en larmes. Il y a dans son regard la secousse du choc, le douloureux acquis, le grand serment de foi pour l’avenir. Les sœurs doivent l’arracher des vitres pour le sortir par l’ogive latérale dans la forêt.

    Je couvrirai toujours sous mes paupières son dernier rire. La scène où le Giaour lui transmit reliques et sceau. Et la sainte myrrhe. Le très cher sang qui noyait l’herbe devant la porte et qu’il devait fuir.

    Combien de temps ces enfants délurés surent-ils retenir les pleurs devant les fidèles qui les dévisageaient? Combien de fois ces petits pèlerins évoquèrent les magnifiques tombés sous les yatagans?

    Ion avait rallié plusieurs descendants des branches majeures et cadettes et les hommes de confiance pour accompagner les deux héritiers avec les richesses consignées.

    Ce fut dans les montagnes que pendant la nuit, sa Sainteté, ami de la lignée, serait venu hâtif pour oindre les deux frères.

    La petite tête blonde faisait douze ans. Son frère Stojan venait d’en avoir treize.

    Durant la pérégrination, à la couchée autour du feu, Stojan serrait la main du plus jeune. Et le plus jeune haussait le front, courageux, pour ne pas infléchir la hardiesse de son aîné.

    Envers et contre cette force d’âme, l’automne les bouscula. Le vent froid dénuda les abris feuillus. Les oppresseurs pourchassaient les fuyants.

    Aussi, des révoltés, de même que bon nombre de persécutés, venaient chaque jour s’y adjoindre. Le rassemblement ne trouva plus de tanière.

    En vain, les enfants s’opposèrent à la traversée du fleuve. Sous la forte pression de l’affluence humaine, ils furent forcés à suivre l’étoile Polaire vers le nord du Danube et, contrairement au conseil du Grand Giaour, franchirent les confins de l’empire qui fut.

    Les héritiers de Pierre et Assan retrouvèrent la terre roumaine d’où les deux ancêtres descendirent sept cents ans auparavant.

    Depuis, le frère Stojan serrait plus fort la main de l’autre. Parfois, ses yeux devenaient verts sombre, pareils aux mystérieux étangs qui auraient englouti toutes les lumières de la vie.

    Pressentait-il que l’ennemi le frapperait en premier?

    Graduellement, la plupart des compagnons se dispersèrent. Constellèrent les courants d’eau par le biais desquels les anciens descendirent au sud. Peut-être certains d’entre eux se reliaient à ces endroits par le fil généalogique? D’autres rentrèrent chez eux, en Transylvanie.

    Les augustes enfants firent un arrêt provisoire à Moulin-aux-Violettes, un lieu entouré de forêts, ouvert comme l’œil de l’intelligence. Ensuite, ils temporisèrent, émerveillés par les autochtones–le cœur sur la main.

    Ainsi grandirent-ils, chaperonnés par l’anonymat et quelques fidèles serviteurs!...

    Les deux rêvaient d’un empire, unis dans un grand Idéal de beauté...

    Mais les amis, sinon sûrement les ennemis, poussèrent Stojan au mariage précoce. L’immense forêt roumaine sépara les frères. Les traces de Stojan furent couvertes par les feuilles mortes. Ressurgirent peut-être dans les chaînes impérissables.

    Quand, à seize ans, le cadet tenta de s’engager dans la guerre d’Indépendance commencée en 1877, son volontariat fut refusé.

    …Et sans retard, les gens lui firent connaître Fleurile, ma mère. Un visage rose, aux traits de déesse. La discrétion lui donnait l’air d’une simple fleur qui poussait avec le blé, avec les arbres; sous le cadran solaire, à la charte immuable des saisons.

    Elle vivait sur son terroir, en harmonie avec la nature et soumise à la divinité.

    Mère se maintenait sereine et sensée. Je ne vis ma mère sangloter, ni en colère. Ni rire aux éclats.

    Il paraissait que tout en accompagnant l’aïeule et sa propre mère aux accouchements, les femmes s’attachèrent à son sourire de chauds arômes. Entraînèrent Fleurile à leur prêter main-bénie.

    Le mystère de la vie devint peu à peu pour ma mère sa raison d’être. En bref, elle ressentit l’investiture divine en tant que protectrice de la naissance.

    Père était le démiurge, à transmuer vers son zénith la vie.

    — Fleurile, aurait dit Père, ne croyez-vous pas que notre destinée, même secrète, ait besoin de convenance et de disponibilité? Abandonnez cet humble travail.

    Les yeux penchés avec pudeur, Mère sut rétorquer :

    — Si Celui-que-vous-êtes se donne la peine d’ennoblir l’Homme, je pourrais lui amener à parfaire l’innocence de chez-nous...

    Rien de plus merveilleux que ce mariage, où le rêve de mon père poussait libre. Rien de plus néfaste, pour que ce rêve ne s’accomplisse jamais!

    *

    *___*

    Un matin d ’ avril , Mère, en deuil, comme une pâle corolle issue d’un calice noir, me conduisit toute propre à la porte du jardin, à l’arrière de notre cour. J’étais habillée d’une longue robe de soie blanche paysanne. Mes ondulations châtaines ruisselaient sagement sur mon dos.

    Père m’attendait, majestueux. Dans son regard, l’immensité verte, lumineuse, des ondes immortelles.

    — À douze ans, cette enfant me paraît trop jeune pour une telle tâche, murmura Mère.

    Ensuite, elle baissa mes paupières.

    — C’est l’onction! souligna Père.

    Elle ne répondit rien. Mais les traits de son visage furent animés d’un sourire de détachement. Et je saisis, dès ce tendre âge, que pour Mère tout était passager. Les violences hivernales, comme les âpres sécheresses, les inondations, les tremblements de terre, les éclipses, les invasions rendaient pour elle si éphémère, même illusoire, une telle cérémonie! La seule qui devait être sauvée était la vie de l’Homme, suivie avec générosité par Mère depuis la venue au monde. À part qu’en hiver, elle avait perdu ses deux jumeaux, après la première fille bien-aimée.

    — Allons-y, Marie-Élise! Tu vivras!

    Ma mère s’effaça pour broder, autant que ses aïeules, qui marquèrent sur les tissures la liaison cyclique des générations.

    Père me prit par la main.

    Le verger fleurissant, épanoui pour notre accueil, pencha jusqu’à la terre l’éclat des branches. Remua fort et nous voila de ses pétales.

    Je me sentis à côté du tout jeune prince aux boucles blondes, couronné dans un lieu lointain, avec son frère.

    Un exubérant survol, une danse, m’orientait tout au fond de l’ouche. Là où notre clairière passait outre l’orée, afin « d’irrompre » dans la vieille forêt, comme un rire de libération.

    Dans ce clair sauvage de hautes fleurs, Père abandonna un brocart sur un tronc renversé.

    — Ce sera ton trône fictif... plaisanta-t-il.

    Puis Père sortit d’une corbeille dissimulée dans l’herbe quelques joyaux qu’il me demanda d’accrocher dans mes cheveux, à mes oreilles, aux poignets, au cou. J’émaillai ma collerette de fibules. Une des minuscules agrafes arrivait de la profonde antiquité!

    Parée comme une icône, je m’élevai sur le tronc supposé grand siège.

    Depuis mes années d’innocence première, je connaissais l’histoire de mon père. Et je prenais tout pour un jeu avec son enfance. Néanmoins, Père me donna un conseil d’âge mûr :

    — Ne crains jamais ta montée, mais ta descente! 

    ...Maintenant, tiens-toi droite.

    Après un regard circonspect, il posa ses yeux tout près, sur une marge touffue. Ion, l’homme de confiance qui surveillait l’endroit, s’éclipsa dans un bosquet.

    Ce fut de cet abri qu’un prélat tout blanchi se détacha, prestant et accoutré de vêtements sacerdotaux.

    Les mèches de ses cheveux s’enlisaient vers la nuque.

    Par-dessus les orbites aux yeux profonds, ses sourcils ployés. Sur sa poitrine, la barbe déployée.

    Presqu’interdite, je m’interrogeai :

    S’il ne s’agit pas d’un simple jeu, Père, est-il si important que cet évêque vienne à la dérobée à sa rencontre?

    Après avoir agréé la bénédiction, Père me présenta :

    — Notre ange, Marie-Élise, qui a compris notre dessein. À la mort des jumeaux, malgré la crainte qu’ils soient empoisonnés, c’est d’elle-même que cette merveilleuse enfant s’est remise entre nos mains.

    Je fis la révérence. Le prélat tendit ses doigts que j’embrassai respectueuse, mais avec mon air candide, je réussis à soutenir son regard transperceur.

    — En vérité, déclara l’évêque d’une voix aux résonances inégales, notre princesse Marie-Élise a de fins traits d’ange rose. Mais son noble front n’attend que la couronne, et dans ses yeux bruns, ardents comme ceux du dernier prince Giaour, c’est le souffle du Très Haut qui palpite.

    Les mouvements du prélat devenaient par la suite solennels et mesurés. Dans une succession précise, accompagnée de prières, il alluma un cierge. Fit brûler des grains aromatiques pour m’encenser.

    Père esquissa une génuflexion. D’une fine écharpe, il dévoila une miniature de flacon bleuâtre et l’offrit en contemplant les cieux.

    Le prélat prit avec précaution la minuscule amphore à myrrhe. Les doigts trempés dans son baume, il fit le signe de la croix sur mon front. Me toucha les tempes, la nuque. Apposa la main entière sur le sommet de ma tête, comme un sceau. Une fois. Deux fois. Trois.

    Je discernais les plus appuyées des paroles pendant l’imposition des mains :

    — Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

    ...Marie-Élise, fille bénie de Paraschève Pierre les Sauvegardeurs, possesseur de nos saintes reliques...

    Je te sanctifie par l’onction…

    Père sortit de son sein et déplia d’une longue et luisante gaze l’unique diadème préservé de père en fils aîné.

    Le soleil surgit au-dessus des arbres et flamboya dans ce nimbe.

    Soudain, mon souffle s’arrête.

    Avec les yeux blessés d’éclats, je sens comme dans un rituel ésotérique le diadème alourdir ma tête, la délicate frappe d’un précieux bâtonnet qui glisse dans ma main. Je m’entends répéter :

    — Je promets... Je le jure...

    Le prélat achève :

    — Que cette consécration de mille neuf cent un dure jusqu’à l’accomplissement de notre rêve qui marchera comme l’archange devant Dieu...

    Étourdie par cette ambiance de conte, par mes serments chimériques, par le poids de tous les joyaux, je chancelle. Je m’accroupis sur mon piédestal improvisé pour m’asseoir.

    Mais Père m’incite avec force :

    — Debout, auguste enfant, debout! Tu dois rester droite, même quand le monde entier s’agenouille. Regarde en face et domine la forêt pour qu’un jour tu oses tenir les rennes d’un monde spirituel.

    — Tu es ointe!

    Relève-toi!

    Et dans cet ordre je perçois une sollicitation.

    Les fragiles feuilles frémissent alors.

    Elles se mettent ensuite à flotter, à bruire. Il y a un ramage, un tumulte, qui vient du fond du bois ; du tréfonds des temps :

    — ... lève-toi!…

    — ... lève-toi!

    — ... lève-toi!

    Et je me suis levée...

    *

    *___*

    Le soir, la pluie cinglait dru nos fenêtres . Strangulé par les branches d’arbres, le vent poussait de minces cris.

    À l’intérieur, sous la clarté d’une simple lampe à gaz, Père gardait son expression de grand chef qui attendrait son heure propice.

    Il prit sa plume.

    J’avais souvent épié ses écrits secrètement gardés.

    À l’invitation de Père, je lus

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