Eugénie Grandet
Par Honoré de Balzac
()
À propos de ce livre électronique
Honoré de Balzac
Honoré de Balzac (Tours, 1799-París, 1850) es uno de los novelistas más relevantes de la primera mitad del siglo XIX francés. Trabajador incansable y escritor prolífico por excelencia, elaboró un ciclo de varias decenas de novelas agrupadas bajo el título de La comedia humana, con la intención de reflejar y describir en detalle la sociedad de su tiempo. De su enorme obra destacamos La piel de zapa (1831), El médico de aldea (1833), Eugénie Grandet (1833), Papá Goriot (1834), César Birotteau (1837) o Las ilusiones perdidas (1837-1843).
Lié à Eugénie Grandet
Titres dans cette série (39)
Le contrat de mariage Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa paix du ménage Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa maison du Chat-qui-pelote Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe bal de Sceaux Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa bourse Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa vendetta Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa femme abandonnée Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne fille d’Ève Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMémoires de deux jeunes mariées Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne double famille Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa femme de trente ans Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationÉtude de femme Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa fausse maîtresse Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMadame Firmiani Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAlbert Savarus Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationModeste Mignon Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Grenadière Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUrsule Mirouët Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationAutre étude de femme Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationBéatrix Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationHonorine Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationEugénie Grandet Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUn début dans la vie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe curé de Tours Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPierrette Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationPierrette Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUn ménage de garçon Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationIllusions perdues Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL’illustre Gaudissart Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUrsule Mirouët Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Livres électroniques liés
Eugénie Grandet: Scènes de la vie de province Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe curé de village Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Comédie humaine. Volume I: Scènes de la vie privée. Tome I Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'Hôtel Carnavalet: Paris ou le Livre des cent-et-un Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'Éducation Sentimentale Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUne double famille Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Paysans: Scènes de la vie de campagne Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Paysans Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Coup de pouce: Un roman policier inspiré du conflit entre la France et la Prusse Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Testament de Grain-de-Sel Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Chevaliers du clair de lune Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCamille Desmoulins Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Père Goriot Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationValentine Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Le Père Goriot de Balzac - Incipit: Commentaire de texte Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL’Éducation Sentimentale (Dream Classics) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Comédie Humaine - Etudes de Moeurs: Livre Premier - Tome I Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Petits bourgeois: Scènes de la vie parisienne – Tome I Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'Illustration, No. 0028, 9 Septembre 1843 Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa muse du département Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Marquis de Fayolle Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationVoyage en Espagne: Tras los montes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe comte de Moret Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe rouge et le noir Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationUn Conte de deux villes Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes Amours de Paris: Tome II Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Bossu Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDisparu !: La Tresse blonde Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationL'Inconnue des archives Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLa Muse du département: Scènes de la vie de province Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Classiques pour vous
L'art d'aimer Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Orgueil et Préjugés - Edition illustrée: Pride and Prejudice Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/530 Livres En Francais Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Moby Dick Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Cyrano de Bergerac: Le chef-d'oeuvre d'Edmond Rostand en texte intégral Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Les fables de Jean de La Fontaine (livres 1-4) Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationDe la démocratie en Amérique - Édition intégrale Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationMadame Bovary (Édition Enrichie) (Golden Deer Classics) Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5La Légende du Roi Arthur - Version Intégrale: Tomes I, II, III, IV Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe Mystère Chrétien et les Mystères Antiques Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Le Petite Prince (Illustré) Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Les aides invisibles Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Le Joueur d'Échecs Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5La Peur Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Crime et Châtiment Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationOrgueil et Préjugés (Edition bilingue: français-anglais) Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5La maîtrise de soi-même par l'autosuggestion consciente Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Mahomet et les origines de l'islamisme Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5L'art de magnétiser Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5Les Trois Mousquetaires Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5La doctrine secrète des templiers Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Vaincre le Destin : l'Idéal, l'art de Réussir, le Bonheur. Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Discours sur la servitude volontaire Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Tous les Romans des Trois Mousquetaires Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes nuits blanches Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes malheurs de Sophie (Illustré) Évaluation : 5 sur 5 étoiles5/5Peines, tortures et supplices Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationCharmes Évaluation : 3 sur 5 étoiles3/5L'Ile Mysterieuse Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Les frères Karamazov Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
Avis sur Eugénie Grandet
0 notation0 avis
Aperçu du livre
Eugénie Grandet - Honoré de Balzac
Honoré de Balzac
Scènes de la vie de province
Eugénie Grandet
© 2023 Librorium Editions
ISBN : 9782385741013
En 1845, Balzac décida de réunir toute son œuvre sous le titre : La Comédie Humaine, titre qu’il emprunta peut-être à Vigny...
En 1845, quatre-vingt-sept ouvrages étaient finis sur quatre-vingt-onze, et Balzac croyait bien achever ce qui restait en cours d’exécution. Lorsqu’il mourut, on retrouva encore cinquante projets et ébauches plus ou moins avancés. « Vous ne figurez pas ce que c’est que La Comédie Humaine ; c’est plus vaste littérairement parlant que la cathédrale de Bourges architecturalement », écrit-il à Mme Carreaud.
Dans l’Avant-Propos de la gigantesque édition, Balzac définit son œuvre : La Comédie Humaine est la peinture de la société.
Expliquez-moi... Balzac.
À Maria.
Que votre nom, vous dont le portrait est le plus bel ornement de cet ouvrage, soit ici comme une branche de buis bénit, prise on ne sait à quel arbre, mais certainement sanctifiée par la religion et renouvelée, toujours verte, par des mains pieuses, pour protéger la maison.
De Balzac.
Il se trouve dans certaines provinces des maisons dont la vue inspire une mélancolie égale à celle que provoquent les cloîtres les plus sombres, les landes les plus ternes ou les ruines les plus tristes. Peut-être y a-t-il à la fois dans ces maisons et le silence du cloître et l’aridité des landes et les ossements des ruines. La vie et le mouvement y sont si tranquilles qu’un étranger les croirait inhabitées, s’il ne rencontrait tout à coup le regard pâle et froid d’une personne immobile dont la figure à demi monastique dépasse l’appui de la croisée, au bruit d’un pas inconnu. Ces principes de mélancolie existent dans la physionomie d’un logis situé à Saumur, au bout de la rue montueuse qui mène au château, par le haut de la ville. Cette rue, maintenant peu fréquentée, chaude en été, froide en hiver, obscure en quelques endroits, est remarquable par la sonorité de son petit pavé caillouteux, toujours propre et sec, par l’étroitesse de sa voie tortueuse, par la paix de ses maisons qui appartiennent à la vieille ville, et que dominent les remparts. Des habitations trois fois séculaires y sont encore solides quoique construites en bois, et leurs divers aspects contribuent à l’originalité qui recommande cette partie de Saumur à l’attention des antiquaires et des artistes. Il est difficile de passer devant ces maisons, sans admirer les énormes madriers dont les bouts sont taillés en figures bizarres et qui couronnent d’un bas-relief noir le rez-de-chaussée de la plupart d’entre elles. Ici, des pièces de bois transversales sont couvertes en ardoises et dessinent des lignes bleues sur les frêles murailles d’un logis terminé par un toit en colombage que les ans ont fait plier, dont les bardeaux pourris ont été tordus par l’action alternative de la pluie et du soleil. Là se présentent des appuis de fenêtre usés, noircis, dont les délicates sculptures se voient à peine, et qui semblent trop légers pour le pot d’argile brune d’où s’élancent les œillets ou les rosiers d’une pauvre ouvrière. Plus loin, c’est des portes garnies de clous énormes où le génie de nos ancêtres a tracé des hiéroglyphes domestiques dont le sens ne se retrouvera jamais. Tantôt un protestant y a signé sa foi, tantôt un ligueur y a maudit Henri IV. Quelque bourgeois y a gravé les insignes de sa noblesse de cloches, la gloire de son échevinage oublié. L’Histoire de France est là tout entière. À côté de la tremblante maison à pans hourdés où l’artisan a déifié son rabot, s’élève l’hôtel d’un gentilhomme où sur le plein-cintre de la porte en pierre se voient encore quelques vestiges de ses armes, brisées par les diverses révolutions qui depuis 1789 ont agité le pays. Dans cette rue, les rez-de-chaussée commerçants ne sont ni des boutiques ni des magasins, les amis du moyen-âge y retrouveraient l’ouvrouère de nos pères en toute sa naïve simplicité. Ces salles basses, qui n’ont ni devanture, ni montre, ni vitrages, sont profondes, obscures et sans ornements extérieurs ou intérieurs. Leur porte est ouverte en deux parties pleines, grossièrement ferrées, dont la supérieure se replie intérieurement, et dont l’inférieure armée d’une sonnette à ressort va et vient constamment. L’air et le jour arrivent à cette espèce d’antre humide, ou par le haut de la porte, ou par l’espace qui se trouve entre la voûte, le plancher et le petit mur à hauteur d’appui dans lequel s’encastrent de solides volets, ôtés le matin, remis et maintenus le soir avec des bandes de fer boulonnées. Ce mur sert à étaler les marchandises du négociant. Là, nul charlatanisme. Suivant la nature du commerce, les échantillons consistent en deux ou trois baquets pleins de sel et de morue, en quelques paquets de toile à voile, des cordages, du laiton pendu aux solives du plancher, des cercles le long des murs, ou quelques pièces de drap sur des rayons. Entrez. Une fille propre, pimpante de jeunesse, au blanc fichu, aux bras rouges quitte son tricot, appelle son père ou sa mère qui vient et vous vend à vos souhaits, flegmatiquement, complaisamment, arrogamment, selon son caractère, soit pour deux sous, soit pour vingt mille francs de marchandise. Vous verrez un marchand de merrain assis à sa porte et qui tourne ses pouces en causant avec un voisin, il ne possède en apparence que de mauvaises planches à bouteilles et deux ou trois paquets de lattes ; mais sur le port son chantier plein fournit tous les tonneliers de l’Anjou ; il sait, à une planche près, combien il peut de tonneaux si la récolte est bonne ; un coup de soleil l’enrichit, un temps de pluie le ruine : en une seule matinée, les poinçons valent onze francs ou tombent à six livres. Dans ce pays, comme en Touraine, les vicissitudes de l’atmosphère dominent la vie commerciale. Vignerons, propriétaires, marchands de bois, tonneliers, aubergistes, mariniers sont tous à l’affût d’un rayon de soleil ; ils tremblent en se couchant le soir d’apprendre le lendemain matin qu’il a gelé pendant la nuit ; ils redoutent la pluie, le vent, la sécheresse, et veulent de l’eau, du chaud, des nuages, à leur fantaisie. Il y a un duel constant entre le ciel et les intérêts terrestres. Le baromètre attriste, déride, égaie tour à tour les physionomies. D’un bout à l’autre de cette rue, l’ancienne Grand-rue de Saumur, ces mots : Voilà un temps d’or ! se chiffrent de porte en porte. Aussi chacun répond-il au voisin : Il pleut des louis, en sachant ce qu’un rayon de soleil, ce qu’une pluie opportune lui en apporte. Le samedi, vers midi, dans la belle saison, vous n’obtiendriez pas pour un sou de marchandise chez ces braves industriels. Chacun a sa vigne, sa closerie, et va passer deux jours à la campagne. Là, tout étant prévu, l’achat, la vente, le profit, les commerçants se trouvent avoir dix heures sur douze à employer en joyeuses parties, en observations, commentaires, espionnages continuels. Une ménagère n’achète pas une perdrix sans que les voisins ne demandent au mari si elle était cuite à point. Une jeune fille ne met pas la tête à sa fenêtre sans y être vue par tous les groupes inoccupés. Là donc les consciences sont à jour, de même que ces maisons impénétrables, noires et silencieuses n’ont point de mystères. La vie est presque toujours en plein air : chaque ménage s’assied à sa porte, y déjeune, y dîne, s’y dispute. Il ne passe personne dans la rue qui ne soit étudié. Aussi, jadis, quand un étranger arrivait dans une ville de province, était-il gaussé de porte en porte. De là les bons contes, de là le surnom de copieux donné aux habitants d’Angers qui excellaient à ces railleries urbaines. Les anciens hôtels de la vieille ville sont situés en haut de cette rue jadis habitée par les gentilshommes du pays. La maison pleine de mélancolie où se sont accomplis les événements de cette histoire était précisément un de ces logis, restes vénérables d’un siècle où les choses et les hommes avaient ce caractère de simplicité que les mœurs françaises perdent de jour en jour. Après avoir suivi les détours de ce chemin pittoresque dont les moindres accidents réveillent des souvenirs et dont l’effet général tend à plonger dans une sorte de rêverie machinale, vous apercevez un renfoncement assez sombre, au centre duquel est cachée la porte de la maison à monsieur Grandet. Il est impossible de comprendre la valeur de cette expression provinciale sans donner la biographie de monsieur Grandet.
Monsieur Grandet jouissait à Saumur d’une réputation dont les causes et les effets ne seront pas entièrement compris par les personnes qui n’ont point, peu ou prou, vécu en province. Monsieur Grandet, encore nommé par certaines gens le père Grandet, mais le nombre de ces vieillards diminuait sensiblement, était en 1789 un maître-tonnelier fort à son aise, sachant lire, écrire et compter. Dès que la République française mit en vente, dans l’arrondissement de Saumur, les biens du clergé, le tonnelier, alors âgé de quarante ans, venait d’épouser la fille d’un riche marchand de planches. Grandet alla, muni de sa fortune liquide et de la dot, muni de deux mille louis d’or, au district, où, moyennant deux cents doubles louis offerts par son beau-père au farouche républicain qui surveillait la vente des domaines nationaux, il eut pour un morceau de pain, légalement, sinon légitimement, les plus beaux vignobles de l’arrondissement, une vieille abbaye et quelques métairies. Les habitants de Saumur étant peu révolutionnaires, le père Grandet passa pour un homme hardi, un républicain, un patriote, pour un esprit qui donnait dans les nouvelles idées, tandis que le tonnelier donnait tout bonnement dans les vignes. Il fut nommé membre de l’administration du district de Saumur, et son influence pacifique s’y fit sentir politiquement et commercialement. Politiquement, il protégea les ci-devant et empêcha de tout son pouvoir la vente des biens des émigrés ; commercialement, il fournit aux armées républicaines un ou deux milliers de pièces de vin blanc, et se fit payer en superbes prairies dépendant d’une communauté de femmes que l’on avait réservée pour un dernier lot. Sous le Consulat, le bonhomme Grandet devint maire, administra sagement, vendangea mieux encore ; sous l’Empire, il fut monsieur Grandet. Napoléon n’aimait pas les républicains : il remplaça monsieur Grandet, qui passait pour avoir porté le bonnet rouge, par un grand propriétaire, un homme à particule, un futur baron de l’Empire. Monsieur Grandet quitta les honneurs municipaux sans aucun regret. Il avait fait faire dans l’intérêt de la ville d’excellents chemins qui menaient à ses propriétés. Sa maison et ses biens, très avantageusement cadastrés, payaient des impôts modérés. Depuis le classement de ses différents clos, ses vignes, grâce à des soins constants, étaient devenues la tête du pays, mot technique en usage pour indiquer les vignobles qui produisent la première qualité de vin. Il aurait pu demander la croix de la Légion-d’Honneur. Cet événement eut lieu en 1806. Monsieur Grandet avait alors cinquante-sept ans, et sa femme environ trente-six. Une fille unique, fruit de leurs légitimes amours, était âgée de dix ans. Monsieur Grandet, que la Providence voulut sans doute consoler de sa disgrâce administrative, hérita successivement pendant cette année de madame de La Gaudinière, née de La Bertellière, mère de madame Grandet ; puis du vieux monsieur La Bertellière, père de la défunte ; et encore de madame Gentillet, grand-mère du côté maternel : trois successions dont l’importance ne fut connue de personne. L’avarice de ces trois vieillards était si passionnée que depuis longtemps ils entassaient leur argent pour pouvoir le contempler secrètement. Le vieux monsieur La Bertellière appelait un placement une prodigalité, trouvant de plus gros intérêts dans l’aspect de l’or que dans les bénéfices de l’usure. La ville de Saumur présuma donc la valeur des économies d’après les retenus des biens au soleil. Monsieur Grandet obtint alors le nouveau titre de noblesse que notre manie d’égalité n’effacera jamais : il devint le plus imposé de l’arrondissement. Il exploitait cent arpents de vignes, qui, dans les années plantureuses, lui donnaient sept à huit cents poinçons de vin. Il possédait treize métairies, une vieille abbaye, où, par économie, il avait muré les croisées, les ogives, les vitraux, ce qui les conserva ; et cent vingt-sept arpents de prairies où croissaient et grossissaient trois mille peupliers plantés en 1793. Enfin la maison dans laquelle il demeurait était la sienne. Ainsi établissait-on sa fortune visible. Quant à ses capitaux, deux seules personnes pouvaient vaguement en présumer l’importance : l’une était monsieur Cruchot, notaire chargé des placements usuraires de monsieur Grandet ; l’autre, monsieur des Grassins, le plus riche banquier de Saumur, aux bénéfices duquel le vigneron participait à sa convenance et secrètement. Quoique le vieux Cruchot et monsieur des Grassins possédassent cette profonde discrétion qui engendre en province la confiance et la fortune, ils témoignaient publiquement à monsieur Grandet un si grand respect que les observateurs pouvaient mesurer l’étendue des capitaux de l’ancien maire d’après la portée de l’obséquieuse considération dont il était l’objet. Il n’y avait dans Saumur personne qui ne fût persuadé que monsieur Grandet n’eût un trésor particulier, une cachette pleine de louis, et ne se donnât nuitamment les ineffables jouissances que procure la vue d’une grande masse d’or. Les avaricieux en avaient une sorte de certitude en voyant les yeux du bonhomme, auxquels le métal jaune semblait avoir communiqué ses teintes. Le regard d’un homme accoutumé à tirer de ses capitaux un intérêt énorme contracte nécessairement, comme celui du voluptueux, du joueur ou du courtisan, certaines habitudes indéfinissables, des mouvements furtifs, avides, mystérieux qui n’échappent point à ses coreligionnaires. Ce langage secret forme en quelque sorte la franc-maçonnerie des passions. Monsieur Grandet inspirait donc l’estime respectueuse à laquelle avait droit un homme qui ne devait jamais rien à personne, qui, vieux tonnelier, vieux vigneron, devinait avec la précision d’un astronome quand il fallait fabriquer pour sa récolte mille poinçons ou seulement cinq cents ; qui ne manquait pas une seule spéculation, avait toujours des tonneaux à vendre alors que le tonneau valait plus cher que la denrée à recueillir, pouvait mettre sa vendange dans ses celliers et attendre le moment de livrer son poinçon à deux cents francs quand les petits propriétaires donnaient le leur à cinq louis. Sa fameuse récolte de 1811, sagement serrée, lentement vendue, lui avait rapporté plus de deux cent quarante mille livres. Financièrement parlant, monsieur Grandet tenait du tigre et du boa : il savait se coucher, se blottir, envisager longtemps sa proie, sauter dessus ; puis il ouvrait la gueule de sa bourse, y engloutissait une charge d’écus, et se couchait tranquillement, comme le serpent qui digère, impassible, froid, méthodique. Personne ne le voyait passer sans éprouver un sentiment d’admiration mélangé de respect et de terreur. Chacun dans Saumur n’avait-il pas senti le déchirement poli de ses griffes d’acier ? à celui-ci maître Cruchot avait procuré l’argent nécessaire à l’achat d’un domaine, mais à onze pour cent ; à celui-là monsieur des Grassins avait escompté des traites, mais avec un effroyable prélèvement d’intérêts. Il s’écoulait peu de jours sans que le nom de monsieur Grandet fût prononcé soit au marché, soit pendant les soirées dans les conversations de la ville. Pour quelques personnes, la fortune du vieux vigneron était l’objet d’un orgueil patriotique. Aussi plus d’un négociant, plus d’un aubergiste disait-il aux étrangers avec un certain contentement : « Monsieur, nous avons ici deux ou trois maisons millionnaires ; mais, quant à monsieur Grandet, il ne connaît pas lui-même sa fortune ! » En 1816 les plus habiles calculateurs de Saumur estimaient les biens territoriaux du bonhomme à près de quatre millions ; mais, comme terme moyen, il avait dû tirer par an, depuis 1793 jusqu’en 1817, cent mille francs de ses propriétés, il était présumable qu’il possédait en argent une somme presque égale à celle de ses biens-fonds. Aussi, lorsqu’après une partie de boston, on quelque entretien sur les vignes, on venait à parler de monsieur Grandet, les gens capables disaient-ils : – Le père Grandet ?... le père Grandet doit avoir cinq à six millions. – Vous êtes plus habile que je ne le suis, je n’ai jamais pu savoir le total, répondaient monsieur Cruchot ou monsieur des Grassins s’ils entendaient le propos. Quelque Parisien parlait-il des Rotschild ou de monsieur Laffitte, les gens de Saumur demandaient s’ils étaient aussi riches que monsieur Grandet. Si le Parisien leur jetait en souriant une dédaigneuse affirmation, ils se regardaient en hochant la tête d’un air d’incrédulité. Une si grande fortune couvrait d’un manteau d’or toutes les actions de cet homme. Si d’abord quelques particularités de sa vie donnèrent prise au ridicule et à la moquerie, la moquerie et le ridicule s’étaient usés. En ses moindres actes, monsieur Grandet avait pour lui l’autorité de la chose jugée. Sa parole, son vêtement, ses gestes, le clignement de ses yeux faisaient loi dans le pays, où chacun, après l’avoir étudié comme un naturaliste étudie les effets de l’instinct chez les animaux, avait pu reconnaître la profonde et muette sagesse de ses plus légers mouvements. – L’hiver sera rude, disait-on, le père Grandet a mis ses gants fourrés : il faut vendanger. – Le père Grandet prend beaucoup de merrain, il y aura du vin cette année. Monsieur Grandet n’achetait jamais ni viande ni pain. Ses fermiers lui apportaient par semaine une provision suffisante de chapons, de poulets, d’œufs, de beurre et de blé de rente. Il possédait un moulin dont le locataire devait, en sus du bail, venir chercher une certaine quantité de grains et lui en rapporter le son et la farine. La grande Nanon, son unique servante, quoiqu’elle ne fût plus jeune, boulangeait elle-même tous les samedis le pain de la maison. Monsieur Grandet s’était arrangé avec les maraîchers, ses locataires, pour qu’ils le fournissent de légumes. Quant aux fruits, il en récoltait une telle quantité qu’il en faisait vendre une grande partie au marché. Son bois de chauffage était coupé dans ses haies ou pris dans les vieilles truisses à moitié pourries qu’il enlevait au bord de ses champs, et ses fermiers le lui charroyaient en ville tout débité, le rangeaient par complaisance dans son bûcher et recevaient ses remerciements. Ses seules dépenses connues étaient le pain bénit, la toilette de sa femme, celle de sa fille, et le paiement de leurs chaises à l’église ; la lumière, les gages de la grande Nanon, l’étamage de ses casseroles ; l’acquittement des impositions, les réparations de ses bâtiments et les frais de ses exploitations. Il avait six cents arpents de bois récemment achetés qu’il faisait surveiller par le garde d’un voisin, auquel il promettait une indemnité. Depuis cette acquisition seulement, il mangeait du gibier. Les manières de cet homme étaient fort simples. Il parlait peu. Généralement il exprimait ses idées par de petites phrases sentencieuses et dites d’une voix douce. Depuis la Révolution, époque à laquelle il attira les regards, le bonhomme bégayait d’une manière fatigante aussitôt qu’il avait à discourir longuement ou à soutenir une discussion. Ce bredouillement, l’incohérence de ses paroles, le flux de