Secret en Ré: Le mystère de la maison bleue
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DU COLLECTIF
« L’Atelier des écrivains » est un collectif d’auteurs qui a rédigé, "le temps d’un week-end", un roman dont l’action se situe sur l’île de Ré. Le premier atelier organisé à Sainte-Marie-de-Ré a permis l’écriture collégiale de " Mystère en Ré", "L’inconnu de l’estran ". Il ne fait pas de doute que cette première production de « L’Atelier des écrivains » sur Ré la Blanche sera suivie de bien d’autres qui apporteront, aux auteurs qui y participeront, l’immense plaisir de la création partagée.
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Aperçu du livre
Secret en Ré - L’Atelier des écrivains
NORA
L’héritière
Je mets la clé dans la serrure de la maison. La porte s’ouvre.
J’ai émigré au Canada, il y a trente ans. Je viens d’hériter de la maison de mon père, dans les hauts de La Flotte-en-Ré, au 10 rue des Coins Jaloux. Je n’ai pas pu assister à ses obsèques qui ont eu lieu voilà bientôt trois mois et cela m’a beaucoup peinée ; les enfants, le travail, la distance et puis j’étais bien malade quand cela est arrivé, une grosse grippe qui n’en finissait pas et m’avait réellement affaiblie.
Ouf, je suis enfin en France, là, sur le terrain de mon enfance. Toronto-Paris par avion, Paris-La Rochelle par le train et La Rochelle-La Flotte en bus, plus le décalage horaire, on ne voyage plus à cinquante ans comme à vingt. Heureusement que j’ai dormi à Paris hier soir, ce qui me permet d’être si tôt sur l’île, ce matin.
Ces parfums d’embruns salés, l’air du large, les odeurs épicées des immortelles des sables appelées aussi Hélicrysum Italicum et de résine des pins, tout me rappelle mes jeunes années lorsque j’enfourchais ma bicyclette rouge pour aller au collège, le nez au vent ; je m’extasiais déjà de ces maisons blanches aux volets verts, posées autour de l’océan, comme des morceaux de sucre. J’aimais aussi les dégradés de couleurs de la mer, par temps nuageux avec quelques trouées éparses de soleil : taches virant du bleu marine au vert, du turquoise au sable doré et les vagues ourlées d’écume blanche venant lécher la plage.
J’habitais alors un vrai petit paradis… et étais pleine d’insouciance.
C’est la fin de l’été et quelques voiles à l’horizon virevoltent comme des danseuses.
J’entre dans le vestibule et marque un temps d’arrêt.
Un grand miroir magnifique à l’encadrement ouvragé et doré à la feuille d’or me renvoie mon image. Je suis triste. Mon père ne sera plus jamais là, à mes côtés. Mes épaules se chargent soudain d’un poids. J’ai froid dans cette pénombre. Finies les effusions de joie lorsque je voyais Papa et ses embrassades affectueuses et discussions interminables. Je me sens coupable. J’aurais dû venir le voir plus souvent. Et ce vide, ce silence, cette immobilité, de tout ce qui se trouve là, dans la fraîcheur d’une maison qui a fermé ses volets, me sont insupportables. Il n’y a plus cette musique de jazz que Papa adorait, ces senteurs de son parfum préféré. Je suis là, plantée droite comme un if, entourée de fantômes au milieu de l’absence, l’éternelle absence. Je sens mes larmes couler, mes mains trembler puis tout mon corps sangloter. Il y a là toute sa vie, ses vêtements, son empreinte sur toute chose.
Nous étions très proches ; d’autant plus proches que je n’ai jamais connu ma mère. Il était très affectueux et délicat avec moi. J’ai été son enfant chérie, très choyée même si au fond de mon cœur, je portais ce lourd secret de ne rien savoir de ma mère. Comment était-ce possible ?
Papa était antiquaire brocanteur et avait gardé les plus belles pièces pour lui, comme le miroir positionné dans l’entrée, à côté du porte-manteau perroquet et d’un vieux porte-parapluie en zinc.
Il venait me voir tous les deux ans à Toronto et s’amusait beaucoup avec mes enfants. Pourquoi ne suis-je pas retournée en France plus souvent ? Il aurait été tellement heureux de nous voir ! Lui qui avait été orphelin de père et mère et n’avait pas de famille sauf ses amis, qui remplaçaient ce manque viscéral, et moi, sa fille. Mais, nous les enfants, sommes parfois égoïstes quand on trouve le bonheur ailleurs. On oublie vite le temps que nos parents nous ont consacré ! Il faut avoir vieilli soi-même pour réaliser tout cela.
Des grands-parents, je n’en ai pas eu. Je n’ai pas connu le bonheur d’une famille, allant à la plage l’été, avec papi et mamie et toute une marmaille endiablée avec tout l’attirail que les enfants emportent avec eux. Moi, j’allais à la plage de l’Arnérault, méduses aux pieds, pour pouvoir jouer dans l’eau en évitant de me blesser sur une coquille d’huître ou de moule, enfoncée dans le sable et laissant apparaître juste son bout, tranchant comme un rasoir. On se baignait jusque vers dix-sept heures. Puis on se séchait rapidement pour enfiler le short et le T-shirt, remettre les sandalettes et nous marchions jusque sur le port.
Papa et moi nous arrêtions chez le glacier où je prenais mon éternel cornet chocolat/vanille que je léchais en évitant que la crème glacée ne coule sur mes doigts. Tranquillement, nous nous dirigions vers la maison bleue.
Là, il fallait rentrer se dessaler sous la douche du jardin ; que c’était agréable ! C’était le plus souvent le tuyau d’arrosage qui servait de douche. Le premier qui l’utilisait avait la chance de bénéficier d’un peu d’eau tiédie par le soleil, puis arrivait une eau plus glacée ! Je restais sécher dehors.
Mon père avait beaucoup d’amis dans le voisinage chez qui nous passions parfois la soirée. J’adorais aller regarder la télévision chez Jozef qui habitait en face de chez nous. Papa n’en voulait pas à la maison car il pensait que ça allait me détourner de mon travail scolaire, alors chez Jozef, c’était la fête !
Quelques années plus tard, vers mes seize ans, nous faisions un billard avec Roger, le voisin de Jozef, qui me regardait d’un peu trop près. Il aimait bien les femmes. C’était un séducteur né. Que l’on ait seize ans ou plus, ses yeux étincelaient instantanément à la vue d’une femme ou d’une jeune fille. Son regard ardent s’accompagnait aussitôt d’un compliment qui me faisait rougir de gêne. Papa le semonçait en disant :
— Roger, arrête un peu ton charme ! Nora n’a que seize ans, alors !
Roger se mettait aussitôt à rigoler.
— Paul, je ne fais pas de mal !
Puis en se tournant vers