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Pirates ! 4 Soeurs de Sang
Pirates ! 4 Soeurs de Sang
Pirates ! 4 Soeurs de Sang
Livre électronique316 pages4 heures

Pirates ! 4 Soeurs de Sang

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À propos de ce livre électronique

Malgré ses doutes et ses hésitations,  Blandine Veyre a finalement choisi  de rester  en compagnie  des pirates, cependant à bord du navire la décision de rejoindre les Indes Occidentales a été votée à l'unanimité, ce qui ne manquera pas de l'éloigner définitivement de sa Méditerranée natale.

Tant bien que mal la jeune fille semble s'adapter à sa nouvelle vie; son habileté dans la réparation des voiles a  impressionné  la Brigantine  mais  désormais,  à la demande  de cette même  Capitaine,  elle devra peu à peu s'acquitter de tâches bien plus délicates, intenses, voire périlleuses, qui ne représentent pourtant que le lot quotidien de l'existence des brigands des mers…

 

« Je demeure toute seule les jambes et les poignets liés, je suis assise adossée à l'une des membrures de la coque et finalement cette position de repos me soulage; la vive douleur que je ressentais au milieu du ventre commence doucement à s'estomper. Je ferme les yeux en pensant à ces derniers évènements, à cet abordage particulièrement violent ; toute l'opération a duré une bonne partie de la journée et s'est terminée dans une totale abomination.

Puis j'ai été obligée de tuer un homme et je ne cesse de penser à cela…

J'ai beau essayer de me justifier, de me consoler, de me persuader que sans cette action, sans mon coup de feu ce soldat m'aurait asséné un fort coup d'épée et je serais sûrement morte dans d'atroces souffrances mais néanmoins je ne peux éviter de me tourmenter à cause de cette existence qui n'est plus, cette vie, ce souffle, ce regard que je lui ai enlevés à tout jamais… »

LangueFrançais
ÉditeurLuc Dragoni
Date de sortie5 juil. 2024
ISBN9798227989666
Pirates ! 4 Soeurs de Sang
Auteur

Luc Dragoni

Passionate about naval subjects, I wrote this novel about piracy, whose action takes place first in the Canary Islands and then in the West Indies. The story is mainly composed of two heroines, who sometimes will be opposed to each other and will eventually become friends and accomplices. Enjoy reading ^^

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    Pirates ! 4 Soeurs de Sang - Luc Dragoni

    ISBN : 979-8227989666

    Droits d'auteur enregistrés,

    CopyrightDepot.com sous le numéro 00061234-1

    Copyright © 2024, Luc Dragoni

    Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. L’auteur ou l’éditeur est seul propriétaire des droits et responsable du contenu de ce livre.

    Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayant droit ou ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée aux termes des articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Chères lectrices, chers lecteurs,

    Merci de votre présence.

    Vos critiques, vos commentaires, qu'ils soient élogieux ou défavorables, sont toujours les bienvenus !

    LucD.auteur@hotmail.com

    Chapitre I, Jeune Pirate

    Agonie

    « Buen Pasage »

    Pièces de Huit !

    Bart Roberts

    Usnan Alfaar

    Meridiano

    Garde Haute !

    Chapitre II – Arthémise

    Fraternité

    Souvenirs...

    La Rousse de Santa-Marta

    Monsieur De Saint Aloe

    Mauvais air

    Chapitre III – Violence

    La vigie

    Toile d’araignée

    Abordage !

    A fond de cale

    Chirurgie

    Chapitre IV - L’Alliance

    Blandine La Rouge

    Le Dragon

    Désillusion

    Une rencontre

    Vent de face

    Chapitre V - Deux sœurs

    Un Sloop flibustier

    Rouge sang

    Capitaine

    Solitude

    Epilogue

    Chapitre I, Jeune Pirate

    Agonie

    — Respire... respire abondamment ! Profite de ce léger courant d’air ! Cet air marin, cet air frais du large te fera du bien ! Oui, cet air si pur, ce parfum de l’océan que tu aimes tant ! Veux-tu que je t’aide à sortir de notre cabane ? Peut-être allongée sur la grève tu te sentirais mieux ?

    — Ma belle, c’est fini, terminé ! C’est la fin du voyage, tu le sais bien ! Epuisée je te dis ! Je tremble et en même temps je brûle en enfer... laisse-moi, laisse-moi mourir...

    — Mais non, ce n’est pas terminé, des crises comme celle-là tu en as déjà eues et puis ensuite ça passe, ça se calme et tout redevient normal.

    — Touche-moi ! Ne sens-tu pas comme je suis chaude ? C’est le feu de l’enfer qui brûle en moi ! C’est le Diable en personne qui me rappelle à lui ! Pour mieux me posséder et enfin me consumer...

    — Mais ne dis donc pas de bêtises ! Le Diable, s’il existe, alors il se moque bien de nous, il ne nous connait même pas et Dieu non plus d’ailleurs ! Ils n’ont que faire de nos existences !

    — Non, tu sais bien, le Diable il est en moi. J’ai pris du plaisir à piller, à massacrer ; ça m’a toujours amusé de faire souffrir les autres ! Même toi, ma petite Blandine, au commencement je te considérais comme une proie, comme un simple jouet entre mes griffes !

    — Oui, je sais, je m’en suis bien rendue compte ! Mais j’ai pu survivre aisément à tout cela et néanmoins tu m’as appris beaucoup de choses. Finalement, sans toi, que serais-je devenue ? Quant à ta méchanceté et ta cruauté légendaires, elles ne sont que la conséquence de l’injustice et des malheurs que tu as subis dans ton jeune temps et qui t’ont marquée à tout jamais. Si ces horribles évènements ne s’étaient pas produits, tu serais aujourd’hui la belle,  riche et admirée Vicomtesse De Lomvast et d’ailleurs nous ne nous serions jamais rencontrées !   

    — Oui, mon vrai nom, mes parents, mon Vicomte de père, et Khaaly... où sont-ils ? Je veux les voir une dernière fois avant de m’endormir pour toujours !

    — Ne pense pas à tes parents, cela te fait souffrir ! Quant à Khaaly elle n’est pas là, tu sais bien où elle se trouve... avec le Dragon, ton ancien Capitaine, et maintenant grâce à nous elle est libre et heureuse !

    — Comment ? Où sont-ils ? Je ne comprends pas. Et mon équipage ? Convoque-moi l’équipage ! Je veux leur parler, conduis-moi sur la dunette, vite !

    — Calme-toi ! Tu fais monter ta fièvre. Nous ne vivons plus à bord de notre navire, et ce depuis longtemps ! Nous sommes à terre, sur cette petite île que nous aimons tant. Regarde ! Tu es allongée sur cette bonne paillasse à l’intérieur de notre petite cabane... mais ce linge sur ton front est brûlant ! Laisse-moi le mouiller d’eau fraîche.

    — Du Rhum ! Donne-moi mon Rhum et mouille ce linge avec tout le Rhum ! Tu ne sais pas, il faut que je te raconte...

    — Oui, dis-moi tout ce que tu veux, je t’écoute ; mais cela te fatigue de parler, tu devrais te laisser aller et puis t’endormir...

    — C’était la première fois, à bord de la Frégate « Le Havre De Grâce », le Capitaine m’en avait fait goûter... c’était tellement bon, j’ai avalé ma salive durant toute la nuit. Le Rhum, c’est lui qui m’a aidé à vivre... donne m’en, donne m’en vite !

    — Chaude comme tu es, ce ne serait pas bon, ça ne servirait à rien, uniquement à faire monter ta fièvre !

    — Tu ne sais rien, tu ne comprends rien !

    — Tu as raison, je ne comprends jamais rien, mais arrête de parler et respire, n’oublie surtout pas de respirer. Essaie de fermer les yeux et ne pense plus à rien. C’est bien toi qui m’a appris à tout oublier du passé, d’un passé qui nous a fait souffrir et qui nous a meurtries au plus profond de nous-mêmes... alors cesse là tous ces souvenirs !

    — Je veux ma belle velue, je la veux sur ma poitrine ! Va me la chercher, dépêche-toi ! Je ne veux pas mourir sans elle, ni sans toi... je vous veux toutes les deux auprès de moi, vas-y !

    — Oui attends, mais je ne sais pas où elle se cache...

    Depuis le temps j’ai appris à ne plus craindre cette grosse araignée, bien que je ne l’aie jamais touchée ou approchée de trop près. Au début elle était rousse puis elle a mué plusieurs fois, passant d’une couleur châtain à un brun sombre, et maintenant elle est de nouveau entièrement rousse comme les longs cheveux d’Arthémise.

    Bon, tout d’abord il faut la trouver et ensuite... comment vais-je m’y prendre ? Habituellement, elle aime demeurer tapie dans l’obscurité, sous notre petit buffet. Avec une bête comme ça chez nous, aucune souris ou autre bestiole n’a jamais osé venir chaparder quoi que ce soit à l’intérieur de notre garde-manger !

    Ça y est, je la vois, elle est bien là ! Immobile et sournoise, comme toujours ! Une branche assez large fera l’affaire, je vais en chercher une à l’extérieur. Avec tous ces bois morts flottés et échoués sur la plage je n’ai aucun mal à trouver un morceau qui convienne. J’aimerais bien rester dehors et profiter de cette belle fin d’après-midi mais mon amie attend, et même si elle est en partie inconsciente, je dois me hâter afin de la satisfaire car malheureusement je crains que les derniers instants de sa vie ne soient déjà arrivés. Je reviens vite à l’intérieur, mais à présent j’entends ma pirate qui respire extrêmement fort, à tel point que cela l’oblige à tousser et à cracher. L’araignée est toujours au même endroit. Avec ma branche je tapote doucement le plancher en bois juste devant sa masse hirsute ; je sais que la Brigantine, lorsqu’elle ne saisissait pas sa bête à pleine main, procédait ainsi pour la faire monter sur son épaule, mais elle tapotait avec ses doigts et non pas avec un bâton, ce que je n’oserais jamais faire ! 

    — Allez réveille-toi paresseuse, ta maîtresse t’attend ! Monte sur cette branche, je vais t’emmener jusqu’à elle.

    Au bout d’un certain temps qui m’a paru plutôt long et grâce à mon infinie patience, l’araignée rousse s’est enfin décidée ; elle monte lentement sur le bout de ma branche en agitant alternativement ses longues pattes velues.

    — Je dois reconnaître que tu es tout de même un bel animal. Ma Capitaine Pirate avait bien su te choisir.

    Voilà, deux toises à parcourir avec ce bout de bois et si elle ne descend pas... ça y est, je la pose sur sa poitrine.

    — Arthémise ? Elle est là, sur ta poitrine, comme tu me l’as demandé. Ouvre les yeux, je t’en prie !

    Mais elle ne respire même plus, elle qui soufflait si fort il y a  tout juste un instant ; je lui donne quelques petites claques sur les joues, sans m’arrêter de l’appeler...

    — Oui, oui, pourquoi me frappes-tu ? Et puis où sommes-nous ?

    — Je ne te frappe pas, j’avais peur que tu aies cessé de respirer ! Nous sommes dans notre cabane, sur notre petite île. Soulève un peu ta tête, viens, appuie là contre ce sac. Regarde, ta belle velue comme tu la nommes, elle est là, sur toi, je te l’ai apportée.

    — Ah merci, c’est gentil ! Je veux mourir avec toi à mes côtés, tout près de moi, et elle aussi, sur mon ventre.

    — Qui parle de mourir ? Repose-toi ; le jour décline, bientôt il fera nuit. Nous allons dormir tranquillement et demain matin tout ira mieux...

    Ma Brigantine ne dit plus rien, elle respire posément et son araignée demeure immobile. Je sens que tout doucement l’épuisement me gagne car sa maladie, sa fièvre et ses divagations durent déjà depuis plusieurs jours, et devoir l’assister en permanence est devenu vraiment éprouvant ; cette dernière journée a été particulièrement harassante, même lors des pires abordages que nous avons pu réaliser, ma peur et mon émotion n’ont jamais été aussi intenses ! Maintenant ce que je crains par-dessus tout c’est que mon amie m’abandonne, c’est qu’elle s’en aille définitivement vers ce monde obscur dont personne ne revient jamais...

    Je m’allonge à côté d’elle et je prends sa main dans la mienne ; elle est brûlante et toute moite. Je me dis que demain sera un autre jour, peut-être un peu plus gai ou bien terriblement maussade. Je ferme les yeux et je ne pense plus à rien...

    Les premiers rayons de notre bon soleil des tropiques viennent lentement éclairer le mur en panneaux de bois situé juste derrière nos têtes. Insensiblement je ressens cette lumière encore blafarde et cette ambiance qui peu à peu se réchauffe. Je regarde autour de moi, je suis reposée, j’ai bien dormi. La grande lassitude qui hier au soir m’avait soudain assaillie s’en est allée. Je tiens toujours la main d’Arthémise et je remarque qu’elle n’est plus chaude du tout ! J’ai même l’impression qu’elle est un peu froide ; je suis heureuse, c’est bon signe ! A présent je suis sûre qu’elle va mieux. Je lâche sa main, je m’assoie et je commence à m’étirer, puis je me tourne vers elle et je regarde dans sa direction. L’araignée rousse, sa belle velue, n’est plus sur son ventre, elle a dû s’en aller durant la nuit...

    Enfin, grâce à la lumière du jour  qui augmente doucement, je découvre le visage de mon amie. C’est très étrange, ses yeux sont grand ouverts ; peut-être est-elle déjà réveillée ou bien a-t-elle dormi ainsi les yeux ouverts ? Mais non c’est impossible, tout le monde dort toujours les yeux fermés !

    — Arthémise, m’entends-tu ? As-tu bien dormi ?

    Dans la pièce la clarté s’intensifie et soudain je m’aperçois qu’elle est terriblement pâle ; son front et ses joues sont blêmes, presque aussi blancs que la toile sur laquelle elle est allongée.

    — Arthémise ?

    Je pose ma main sur son visage, il est tout froid, presque glacé ! Pourtant l’ambiance de ce jour qui se lève est plutôt tiède... je saisis ses épaules, je la secoue, je me mets à crier, à l’appeler sans cesse, mais elle ne répond pas, elle ne bouge plus, elle demeure inerte. Même si cela me coûte et me peine, il faut bien que je me rende à l’évidence... Arthémise n’est plus ; son existence aventureuse vient de se terminer, la vie l’a définitivement quittée.

    Je reste là, prostrée, en train de la regarder... nonchalamment je caresse ses longs cheveux roux. Comme elle est belle ! Dans cette lumière du matin, sereinement allongée sur sa couche, elle ressemble à une princesse du temps jadis, à une déesse majestueuse ; ses grands yeux verts dénotent une expression d’absence et de vide mais aussi un sentiment de plénitude et de lointain, tout comme lorsqu’elle observait l’immensité des cieux ou le grand océan. Son visage est calme, détendu ; juste avant de mourir, elle a dû faiblement se réveiller et tenter de regarder intensément dans le noir profond de notre petite cabane, essayer de distinguer ce qui pouvait une dernière fois lui rappeler le monde des vivants... elle n’a émis aucune parole, aucun son, et puis elle s’en est allée, silencieusement, discrètement... et moi qui dormait à côté d’elle, je ne me suis rendue compte de rien !

    J’aime prendre le temps d’admirer ses yeux verts, si grands, si purs, ses yeux qui au commencement m’ont tellement terrifiée, ce regard que je trouvais tantôt dur et cruel, sans pitié ni compassion,  tantôt moqueur et sournois avec cette expression permanente de haine et de mépris, puis ce même regard que bien plus tard, tout doucement, au fil du temps et de nos aventures, j’ai fini par comprendre et apprécier, pour finalement découvrir dans sa profondeur bienveillance et  amitié.

    — Vois-tu ma Brigantine, nous sommes devenues complices, associées, sœurs de sang et nous le resterons à jamais car moi je ne t’oublierai pas ; désormais tu vis en moi, je sais que tu m’accompagneras partout où j’irai, je suis sûre que tes paroles sauront me guider, tout comme les voix de ceux que j’ai tant aimés et dont j’ai perçu l’influence et la protection au cours de l’ensemble de mon existence...

    Il faut bien que je me décide. Maintenant le soleil s’est entièrement levé. Je ne peux rester ainsi à te regarder indéfiniment... je pose ma main sur ton front, puis lentement je la laisse descendre vers ton visage... mes doigts se posent sur tes paupières, je pousse légèrement vers le bas, encore un peu plus, avec une grande douceur... voilà, tes yeux se sont fermés à tout jamais. Je ne pourrai plu les voir, les admirer, seuls mes souvenirs me permettront encore de les apercevoir.

    A présent il faut que je sorte. Je dois respirer l’air pur du matin, humer tous ces parfums que l’océan m’apporte. Je veux marcher le long de cette plage sur laquelle nous aimions tant flâner en observant l’horizon. Je ne ressens ni fatigue ni chagrin ; je perçois simplement qu’un certain vide a commencé à m’envahir... alors il m’est nécessaire de contempler le spectacle de la nature afin de me ressourcer et de me raccrocher à tout ce qui est vivant, même si ce que je peux voir est incapable de parler ou de m’entendre.

    Je prends mes deux pistolets à triple canons, ma rapière et mon gourdin ; depuis le temps, j’ai appris à porter toutes ces armes sans me fatiguer grâce aux  bandoulières en cuir qui prennent appui sur mes épaules et se croisent en dessous de ma poitrine. Habituellement cette terre sur laquelle nous avions choisi de vivre est déserte mais nul ne sait qui d’aventure peut faire escale en ce lieu...  

    Tranquillement j’ai entrepris de faire le tour de notre petite île et cela m’occupera bien toute la matinée ; ainsi je pourrai penser à ma situation et réfléchir posément à ce que je vais devoir faire. Je serai de retour à la cabane, avec Arthémise nous l’appelions « le Repaire », lorsque le soleil aura largement dépassé son zénith ; j’espère qu’à ce moment-là mes idées seront bien en place et que j’aurai enfin trouvé comment rendre un digne honneur à celle qui n’est plus, un dernier hommage à ma Capitaine.

    Quelle aurait été ta préférence ? Nous n’en avons jamais parlé ! Nous étions bien trop insouciantes pour nous en préoccuper ! Et dans mon propre cas, suis-je au moins capable de dire quel type de funérailles me conviendrait le mieux ? Peu à peu trois différentes façons de procéder me viennent à l’esprit.

    Tout d’abord la plus classique, celle que ma religion m’a enseigné, une tradition qui permet de revenir quelquefois au même endroit afin de se remémorer du bon vieux temps et de nos aventures passées puis aussi de pouvoir déposer divers objets sans importance que seuls toi et moi connaissions et aimions bien, ou également de décorer ce lieu de quelques fleurs et pourquoi pas d’une flasque de ton Rhum préféré... dès mon retour, il me suffit de creuser un trou suffisamment long et profond dans la terre douce et meuble située juste derrière notre cabane et de te laisser glisser au creux de cette dernière demeure, enveloppée dans ton linceul de toile.

    Ensuite, convenant sans doute mieux à ton existence de femme Pirate, je pourrais aussi, comme nous l’avons maintes fois pratiqué pour nos hommes morts au combat, t’enrouler dans un tissu de lin, t’emmener à l’aide de notre modeste chaloupe jusqu’à quelques encablures de la côte et puis t’offrir à cet océan sur lequel tu as passé la plus grande partie de ta vie. Ton corps flotterait durant un certain temps puis lentement commencerait à s’enfoncer entre deux eaux et pour finir sombrerait irrémédiablement vers les noires profondeurs...

    Enfin, une idée beaucoup plus prestigieuse me vient également à l’esprit ; tu ne t’en occupais que très peu, car à la compagnie des canons tu préférais celle des voiles et des grands mâts, mais tu aimais tout de même le feu, celui que la poudre génère, celui des boulets chauffés au rouge lorsqu’ils enflamment les navires ennemis, celui des pistolets et des mousquets qui déversent leurs salves lors des abordages, et dans tes derniers instants tu parlais aussi du feu de l’enfer à l’intérieur duquel tu croyais commencer à te consumer... évidemment tu adorais aussi le Rhum ; ce merveilleux breuvage, dont je n’ai d’ailleurs eu  jusqu’à présent qu’un usage assez modéré, tu l’avais découvert durant tes jeunes années lorsqu’en compagnie de tes parents tu étais venue vivre aux Indes Occidentales sur une île située du reste non loin d’ici. Ensuite, ton père, le bien nommé Vicomte De Lomvast, suivant les conseils de celui qui allait devenir ton futur Capitaine et qui se faisait appeler « le Dragon », se mit à produire cette eau de vie en quantité acceptable ce qui permit à la jeune fille que tu étais, Arthémise De Lomvast, de toujours bien connaître cette ambiance et ces parfums issus des produits fabriqués à partir de la culture de la canne à sucre ; mais à cette époque-là tu n’avais jamais été autorisée à en déguster ne serait-ce qu’une seule goutte ! Néanmoins, quand tu devins une femme Pirate, tu commenças peu à peu à boire de ce breuvage et au fil du temps tu l’apprécias à tel point que cette boisson sucrée mais fortement alcoolisée ne provoquait en toi aucune ivresse ; en effet tu considérais ton Rhum comme une espèce de sirop ou comme un nectar particulièrement raffiné. Et des barriques de Rhum, sur cette île, nous en avons à profusion ! Elles sont bien cachées, non loin de notre cabane, dans l’obscurité et la fraîcheur de la petite cave que nous avions découverte lors de notre arrivée et dont l’entrée est dérobée au milieu de buissons touffus et dissimulée sous de nombreux feuillages. Oui, je pense que toi, la Brigantine, tu aimerais ce genre de funérailles... enveloppée à l’intérieur de l’une de tes voiles, pourquoi pas cette voile arrière qui porte le même nom que la terrible Capitaine que tu étais, cette fameuse voile Brigantine, copieusement arrosée de Rhum bien chaud, et ensuite enflammée dans un dernier feu d’au revoir et dans un grand brasier d’adieu !

    Parvenue à un détour de ce long chemin, je me suis assise sur une roche plate. Il faut que je réfléchisse à tout cela. Quelle solution adopter et finalement quelles funérailles choisir ? Mais lorsque j’observe cet horizon lointain si net et si limpide, car non encore envahi par la quasi quotidienne brume de chaleur, je ne peux m’empêcher de me remémorer certains évènements de notre vie commune, les faits les plus marquants, ceux que je ne pourrai jamais oublier...

    Je ferme les yeux et soudain j’ai l’impression de revivre ce terrible moment d’angoisse quand encore très jeune je crus ma dernière heure arrivée, lorsqu’en compagnie de l’Ours nous débarquâmes sur l’île abritant le petit port de Santa Cruz afin d’essayer de vendre nos marchandises au meilleur prix. Je ne peux me retenir de rire ! Il faut dire qu’à ce moment-là je me voyais déjà pendue au bout d’une corde...

    « Buen Pasage »

    L’escouade n’est plus qu’à une vingtaine de pas et soudain le Commandant des gardes coiffé de son superbe tricorne à dorures s’adresse à l’Ours de sa voix forte :

    — Buenos días señor, Capitán del reino de Francia ! Bienvenido aqui en Santa Cruz !

    Quelle surprise ! L’Ours et moi échangeons un bref regard et nos pirates sont stupéfaits ! Ces gens-là, bien qu’ils soient des soldats en armes, ne nous veulent aucun mal, bien au contraire, ils sont venus jusqu’ici pour nous souhaiter le bonjour et nous accueillir dans leur cité ! En outre le Commandant des gardes parle cette langue du royaume d’Espagne assez posément et ainsi elle semble assez facile à comprendre...

    L’Ours, toujours aussi futé, et tout en regardant certains de nos pirates qui s’empressent de traduire ce qui vient d’être dit, répond à peu près la même phrase :

    — Buenos Dias Messieurs, et merci ! Quel beau port vous avez là !

    — ¿ Usted viene para comerciar aquí Capitán ?

    Aussitôt, les pirates interprètent du mieux qu’ils peuvent tout ce qui est dit et l’Ours engage donc la conversation avec le « Guarda Mayor » :

    — Oui Commandant, et nous avons de très belles marchandises à vendre aux négociants de cette agréable ville !

    — Señor Capitán, primero usted debe visitar al Oficial Real, para pagar las cuotas de entrada !

    — Rendre visite à l’Officier Royal pour payer un droit d’entrée ? Mais notre navire n’est pas à l’intérieur du port, il mouille au large !

    L’un des pirates s’apprête à répéter cette phrase en langue espagnole et je préfère intervenir :

    — S’il vous plait, ne traduisez pas ceci ! L’Ours, mieux vaut ne pas trop discuter, la Brigantine nous a confié des caisses pleines de Piastres afin que nous puissions acquitter nos droits de passage sans encombre, et enfin pouvoir rencontrer les commerçants et les courtiers au plus vite !

    — Oui Mademoiselle, vous avez raison, ne nous faisons pas remarquer...

    Aussitôt, accompagnés de seulement trois pirates, ceux qui s’expriment le mieux dans la langue de ce pays, nous emboitons le pas aux soldats qui nous conduisent directement vers un coquet manoir situé au sommet une petite butte donnant sur le port, puis nous sommes invités à entrer à l’intérieur d’un vaste bureau dans lequel un homme fort élégant, arborant perruque et redingote, et appartenant sans doute à la noblesse locale, nous invite à nous assoir, nous offre quelques rafraichissements et commence à nous poser quelques questions, toujours poliment mais avec une certaine fermeté. Celui-ci n’a pas besoin d’utiliser les services de nos intermédiaires car il s’adresse à nous dans un français certes approximatif mais à peu près compréhensible.

    — Entonces, Señor Capitán,

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