Andreï Amalrik

écrivain russe

Andreï Alexeïevitch Amalrik (en russe : Андрей Алексеевич Амальрик), né le à Moscou et décédé le à Guadalajara en Espagne, est un historien et écrivain soviétique. Dissident opposé à la dictature soviétique, il est connu pour avoir prédit la dislocation de l'URSS dans L’Union soviétique survivra-t-elle en 1984 ? (1970). Il fut également l’un des acteurs du mouvement démocratique soviétique.

Andreï Amalrik
Andreï Amalrik en 1976.
Biographie
Naissance
Décès
Sépulture
Nom dans la langue maternelle
Андрей Алексеевич АмальрикVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalité
Formation
Faculté d'histoire de l'université d'État de Moscou (en) (jusqu'en )Voir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Conjoint
Gjuzel Kavylevna Amalriková (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Œuvres principales
L'Union Soviétique existera-t-elle encore en 1984 ? (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
signature d'Andreï Amalrik
Signature
Vue de la sépulture.

Biographie

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Des étudiants manifestent à Amsterdam contre l'arrestation d'Amalrik en 1970.

Andreï Amalrik naît dans une famille d’intellectuels ayant des origines françaises. En 1960, ce fils et petit-fils d'historien s'engage dans des études d’histoire et intègre l’Université d'État de Moscou en 1962-1963. Brillant, mais refusant de suivre servilement l’histoire officielle (selon laquelle la Rus' de Kiev était un État russe ne devant quasiment rien à des influences étrangères), il soutient sa thèse sur les origines de l’État russe Les Normands et la Rus' de Kiev (russe : Норманны и Киевская Русь). Il y défend l’idée que les Varègues et Byzance y avaient initialement plus d’importance que les Slaves[1],[2]. Cela lui vaut d’être exclu de l’Université, espionné et interrogé par deux fois par le KGB. La carrière universitaire lui est dès lors fermée : catalogué comme « citoyen indigne de la confiance du peuple soviétique », il exerce des petits métiers (gardien de nuit, standardiste, homme de ménage, livreur, chauffagiste…) entrecoupés de périodes sans emploi, non rémunérées, qu’en URSS l’on n’appelle pas « chômage » , mais « vie antisociale et parasitaire », délit puni de déportation au Goulag. Il est condamné en 1965 à deux ans et demi camp de Sibérie pour « parasitisme », après avoir écrit des pièces de théâtre non conformes au « réalisme socialiste » et rencontré des artistes d’avant-garde dont sa future épouse Güzel Makudinova. Libéré au bout de seize mois, il écrit un livre sur sa détention, Voyage involontaire en Sibérie[3],[4],[5].

À l’issue de sa peine, il travaille comme correspondant indépendant pour l’agence de presse Novosti à Moscou et rédige, à partir de 1968, différents articles, toujours aussi critiques sur le régime soviétique. Entre autres, Le Procès des quatreПроцесс четырёх») co-écrit avec Pavel Litvinov, est consacré au procès des quatre personnage littéraires du samizdat : Alexandre Ginsburg, Iouri Galanskov, Alekseï Dobrovolski (ru) et Vera Lachkova (ru). Ces ouvrages clandestins parviennent par des voies détournées en Occident : Le procès des quatre est publié à Amsterdam par la Fondation Herzen en 1971, tandis que le recueil d’articles L’Union soviétique survivra-t-elle en 1984 ? est publié en France en 1970[3]. Il est renvoyé de son poste de journaliste pour avoir manifesté en faveur du Biafra[2].

Ces ouvrages surprennent par la précision de leurs informations sur la vie soviétique et choquent profondément la partie de la gauche qui voulait encore croire que l’URSS était, sinon « un paradis des travailleurs », du moins un système au « bilan globalement plus positif que celui du capitalisme »[6]. Amalrik y décrit les réalités du communisme vécu : une nomenklatura[7] profitant indument d’avantages dont le peuple est privé, une armée et surtout une police politique hypertrophiées, improductives et coûteuses, une bureaucratie figée, une classe moyenne trop peu développée et les faiblesses de la compétition avec l’Ouest[3]. Il choque en décrivant la société soviétique, théoriquement et officiellement égalitaire, pas des termes comme « classe des spécialistes », « classe moyenne » et « classes inférieures »[2]. Ce régime, selon lui, a depuis longtemps tourné le dos aux idéaux communistes et ne survit que par la coercition, de sorte que pour les peuples soviétiques, les identités nationales, les traditions ancestrales et les religions apparaissent comme les seuls repères porteurs d’espoir. Plus tard, dans plusieurs interviews, Amalrik estime que, face à « l’impasse du présent et au danger du retour au passé », l’étouffement du « printemps de Prague » et donc du « socialisme à visage humain » qui visait à établir les libertés fondamentales, la souveraineté populaire et un état de droit, prive le bloc communiste de sa dernière « alternative d’avenir » et que désormais, tout signe de libéralisation devra être analysé non comme un signe d’espoir et de réforme possible, mais comme un signe d’affaiblissement et de délitement.

 
Andreï Amalrik à l’arrivée aux Pays-Bas, en 1976, et son épouse Güzel (1942-2014), auteur de Mémoires d'une enfance tatare.

Dans L’Union soviétique survivra-t-elle en 1984 ?, Amalrik prévoyait la désintégration de l’Union soviétique en raison des inégalités sociales et de deux risques : le séparatisme des nations non-russes de l’Union, et les tensions avec la République populaire de Chine. Les médias occidentaux réagissent d’abord avec scepticisme à cet essai d’Amalrik : beaucoup affirment qu’il n’est qu’un pion du KGB. C’est seulement sa deuxième déportation qui lève les soupçons[8]. Alors qu’Amalrik prévoyait un effondrement de l’URSS entre 1980 et 1985, il concède des années plus tard avoir sous-estimé la résistance du Kremlin et surestimé les capacités militaires chinoises ; cependant, le calendrier mis à part, ses prédictions se révèlent bien plus réalistes que les analyses des soviétologues : la guerre froide est perdue en raison de l’obsolescence et de l’inefficacité des technologies et de l’économie soviétiques, les inégalités sociales se creusent avec l’émergence des oligarques, la dislocation de l'URSS se produit, les dissidents démocrates n’accèdent pas au pouvoir et les responsables occidentaux, craignant une remise en cause de l’équilibre mondial, préfèrent dialoguer avec les dirigeants issus de la nomenklatura, jugés plus réalistes[5].

La publication de son livre en Occident vaut à Amalrik une condamnation de trois ans au Goulag, dans la Kolyma, située dans l'oblast de Magadan dans l'Extrême-Orient russe. Le dernier jour de sa peine, le , un nouveau dossier est ouvert contre lui et en , on ajoute encore trois ans à sa condamnation. Toutefois, quatre mois plus tard, la condamnation est adoucie, en raison de la pétition du PEN club international et de la grève de la faim entamée par l’écrivain, en deux ans de relégation près de la localité Talaïa, toujours dans la Kolyma, mais hors des camps. Il est libéré en [9].

Rentré à Moscou, Andreï Amalrik, qui clame son intention de reprendre ses critiques écrites « tant qu’elles seront nécessaires », mais qui est désormais répertorié par Amnesty International et connu à l’étranger, est expulsé d’URSS en juillet 1976, vers les Pays-Bas. Il y réside dans une famille d’origine française. Son travail littéraire continue et comprend notamment un livre de mémoires Les Notes d’un dissident (« Записки диссидента »).

Il meurt le des suites d’un accident de voiture survenu quelques mois plus tôt près de Guadalajara en Espagne, alors qu’il se rendait à Madrid pour assister à une conférence afin d’y exiger l’application des accords d'Helsinki. Ses proches pensent que la perte de contrôle du véhicule a pu être sciemment provoquée selon des procédures de sabotage automobile employées par les agents du KGB pour se « débarrasser des gêneurs », mais cela ne peut être démontré. Son épouse ainsi que les deux dissidents Viktor Feinburg et Vladimir Borisov, qui se trouvaient dans la voiture, n’ont pas été blessés[5],[1].

Andreï Amalrik est enterré au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois[10].

La mort l’empêche certes de poursuivre son travail, mais le relais avait déjà été pris par l’anthropologue français Emmanuel Todd en 1976 dans son livre La Chute finale, et par l’historienne Hélène Carrère d'Encausse dans L'Empire éclaté paru en 1978, prédisant eux aussi la dislocation de l'URSS qui se produit en 1991, sept ans après la date du titre de son livre, mais selon le processus qu’Amalrik avait anticipé à partir de ses analyses.

Ouvrages

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  • Andreï Amalrik, L'Union soviétique survivra-t-elle en 1984 ?..., Paris, Fayard, (OCLC 462991990)
  • Andreï Amalrik, Les quatorze amants de l'affreuse Mary-Ann et autres pièce courtes, Gallimard 1970 et 1974
  • Andréï Amalrik, Voyage involontaire en Sibérie, Gallimard, coll. Témoins, 1970 (ISBN 2070267563)
  • Andréï Amalrik, Raspoutine, ouvrage inachevé, Seuil 1982 (ISBN 2-02-006089-2)

Notes et références

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  1. a et b B.F., « L'historien soviétique dissident André Amalrik trouve la mort dans un accident de voiture en Espagne », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  2. a b et c André Fontaine, « Andreï Amalrik : L'UNION SOVIÉTIQUE SURVIVRA-T-ELLE EN 1984 ? », sur lemonde.fr, (consulté le ).
  3. a b et c Pascal Cauchy, « Les scénarios imaginés pour la fin de l'URSS », La Nouvelle Revue d'histoire, n°80 de septembre - octobre 2015, p. 46-47
  4. « Andreï Amalrik », sur rts.ch, (consulté le ).
  5. a b et c (en) Dusko Doder, « Andrei Amalrik Dies », sur washingtonpost.com, .
  6. Expression de Georges Marchais et thèse centrale du livre de Jean Elleinstein Histoire de l’URSS en 4 tomes : La conquête du pouvoir 1917-1921 (Paris, Éditions Sociales, collection Notre temps, 1972, 215 p.) ; Le socialisme dans un seul pays (Paris, Éd. Sociales, 1973, 313 p.) ; L'URSS en guerre 1939-1946 (Paris, Éd. Sociales, 1974, 236 p.) et surtout L'URSS contemporaine (Paris, Éd. Sociales, 1975, 323 p.)
  7. Le terme nomenklatura n’est pas lancé par Amalrik mais par son contemporain Mikhaïl Voslenski.
  8. (en) Michael Johnson, « The Story of an Essay », sur nytimes.com, (consulté le ).
  9. (en) Thinley Kalsang Bhutia et Kathleen Kuiper, « Andrey Alekseyevich Amalrik », sur britannica.com.
  10. 241 notices sur les 5220 tombes que compte le cimetière, en 2 volumes / 2 langues : Amis de Ste Geneviève des Bois et ses environs, La Nécropole russe de Sainte-Geneviève-des-Bois, t. 1, Evry, Vulcano Communication, (ISBN 978-2-9524786-1-8) et traduit en russe par Anastasia de Seauve : Общество друзей истории Сент-Женевьев-де-Буа и его окрестностей, пер. с франц. Анастасия де Сов, Русский некрополь Сент-Женевьев-де-Буа, t. 2, Evry, Vulcano Communication,‎ .

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