Antisionisme juif
L'antisionisme juif est aussi vieux que le sionisme lui-même et a bénéficié d'un large soutien au sein de la communauté juive jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. La communauté juive n'est pas un groupe monolithique unique et les réponses varient selon les groupes juifs. L’une des principales divisions est celle entre les juifs laïcs et les juifs religieux. Les raisons de l'opposition laïque au mouvement sioniste sont très différentes de celles des Juifs Haredi. L’opposition à un État juif a évolué au fil du temps et a adopté un large éventail de positions religieuses, éthiques et politiques.
La légitimité des opinions antisionistes a été contestée jusqu'à nos jours, y compris récemment par l'émergence d'une sémantique controversée reliant antisionisme et antisémitisme.
Histoire
modifierIl existe une longue tradition d’antisionisme juif qui s’oppose au projet sioniste depuis ses origines.
Antisionisme religieux
modifierCertains courants religieux orthodoxes se sont opposés dès la fin du XIXe siècle à la création d'un Etat national juif sur la terre d'Israël pour des raisons religieuses, l'avènement sur Terre du royaume d'Israël ne pouvant se faire à leurs yeux qu'avec l'avènement du Messie. Gershom Scholem l'explique dans son livre de souvenirs (De Berlin à Jérusalem : souvenirs de jeunesse (traduction Sabine Bollack), Éditions Albin Michel, 1984).
Certains penseurs et religieux émettent encore de nos jours une opinion similaire :
« La Promesse de la Terre, selon les rabbins, doit s’accomplir par le Messie, miraculeusement et surnaturellement, sans armes et sans guerre, avec l’accord de toutes les nations intéressées » - Emmanuel LEVYNE Revue TSEDEK nov. 68.
Antisionisme laïc
modifierLes bundistes, les autonomistes, le judaïsme réformé et l'Agoudat Israël considéraient la logique et les ambitions territoriales du sionisme comme erronées.
Yevsektsiya, la section juive du Parti communiste de l'Union soviétique, a pris pour cible le mouvement sioniste et a réussi à fermer ses bureaux et à interdire la littérature sioniste. Cependant, les responsables soviétiques eux-mêmes désapprouvaient souvent son zèle antisioniste[1].
Les Juifs italiens partisans du Fascisme (qui n'est à la base pas antisémite) étaient fortement antisionistes car ils adhéraient pleinement au nationalisme italien et ne juraient allégeance qu'à l'Italie[2]. Ils ne se considéraient pas comme une ethnie à part mais comme des Italiens ethniques de religion juive.
Après la Seconde Guerre mondiale et la création d'Israël
modifierEn mai 1942, avant la révélation complète de l'Holocauste, le programme Biltmore (en), qui énonce la position sioniste officielle concernant le but du mouvement sioniste, a proclamé une rupture fondamentale avec la politique sioniste traditionnelle d'une « patrie » avec son exigence « que la Palestine soit établie en tant que Commonwealth juif »[3]. L'opposition à la position ferme et sans équivoque du sionisme officiel a poussé certains sionistes éminents partisans du binationalisme en Palestine, Judah Leon Magnes, Martin Buber, Ernst Simon et Henrietta Szold, à créer leur propre parti, Ihud (en) (Unification), qui prônait une fédération arabo-juive en Palestine. L’opposition au programme Biltmore a également conduit à la création du American Council for Judaism (en), Conseil américain pour le judaïsme, initialement antiosioniste[3].
En France
modifierDans la France contemporaine, l’antisionisme juif est un positionnement porté par l’UJFP et le collectif Tsedek![4]
Opposition
modifierLes antisionistes juifs sont critiqués par les sionistes qui les accusent notamment d'avoir intériorisé l'antisémitisme. Cette critique commune est largement considérée comme abusive par nombre d'intellectuels juifs[5].
Références
modifier- (pt) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en portugais intitulé « Judaísmo antissionista » (voir la liste des auteurs).
- (en) Colin Shindler, Israel and the European Left: Between Solidarity and Delegitimization, Bloomsbury Publishing USA, , 31-32 p. (lire en ligne)
- G. Valabrega, Prima notizie su "La Nostra Bandiera". in Id., Ebrei, fascismo, sionismo. Urbino, Argalia, 1974, pp. 41–57
- « American Jewish Year Book Vol 45 », 1943–1944, p. 206-214
- « Reportage France - Des juifs de France contre la politique de Netanyahu », sur RFI, (consulté le )
- (en) W. M. L. Finlay, « Pathologizing dissent: Identity politics, Zionism and the self‐hating Jew », British Journal of Social Psychology, vol. 44, no 2, , p. 201–222 (ISSN 0144-6665 et 2044-8309, DOI 10.1348/014466604X17894, lire en ligne, consulté le )
Bibliographie
modifier- Emmanuel Lévyne, Judaïsme contre sionisme, Éditions de l'Échelle du Temple, coll. « Collection Judaïsmes », (ISBN 978-2-492335-03-7)
- Béatrice Orès, Michèle Sibony et Sonia Fayman, Antisionisme, une histoire juive, Éditions Syllepse, (ISBN 979-10-399-0153-6)
- Yakov Rabkin, Au nom de la Torah : Une histoire de l'opposition juive au sionisme, Presses de l'Université Laval, , 274 p. (ISBN 978-2-7637-8024-5, lire en ligne). Voir l'entretien de l'auteur au sujet de ce livre, : Rabkin Yakov M, « L'opposition juive au sionisme », Revue internationale et stratégique, 2004/4 (No 56), p. 17-23. DOI : 10.3917/ris.056.0017, lire en ligne
- David Landy, Jewish Identity and Palestinian Rights: Diaspora Jewish Opposition to Israel, (Identité juive et droits palestiniens : opposition juive de la diaspora à Israël), Londres / New York: Zed Books, 2011.
- Seth Farber, Radicals, Rabbis, and Peacemakers: Conversations with Jewish Critics of Israel (Radicaux, rabbins et artisans de paix : conversations avec des critiques juifs d’Israël), Common Courage Press, 2005, lire en ligne
- Thomas A. Kolsky, «Diaspora Anti-Zionism», M. Avrum Ehrlich , Encyclopedia of the Jewish Diaspora: Origins, Experiences, and Culture, Volume 2, p.333-340, lire en ligne
- Thomas A. Kolsky, Jews against Zionism (en) : : The American Council for Judaism, 1942-1948 (Juifs contre le sionisme : le Conseil américain pour le judaïsme), Temple University, 2007.
- Charles Glass (en), «Jews against Zion: Israeli Jewish Anti-Zionism», Journal of Palestine Studies, Vol. 5 No. 1-2, Autumn, 1975 - Winter, 1976; pp. 56-81, lire en ligne.
- Balthaser, Benjamin. "When Anti-Zionism Was Jewish: Jewish Racial Subjectivity and the Anti-Imperialist Literary Left from the Great Depression to the Cold War." American Quarterly, vol. 72 no. 2, 2020, p. 449-470, lire en ligne
- Keren-Kratz, Menachem. "Va-yo'el Moshe: The Most Anti-Zionist and Anti-Israeli Jewish Text in Modern Times." Jewish Quarterly Review, vol. 113 no. 3, 2023, p. 479-505, lire en ligne
- (en) Menachem Keren-Kratz, « Rabbi Yoel Teitelbaum— the Satmar Rebbe — and the Rise of Anti-Zionism in American Orthodoxy », Contemporary Jewry, vol. 37, no 3, , p. 457–479 (ISSN 1876-5165, DOI 10.1007/s12397-017-9204-y, lire en ligne, consulté le )
- (en) Jack Ross, Rabbi Outcast: Elmer Berger and American Jewish Anti-Zionism, Potomac Books, Inc., (ISBN 978-1-59797-697-8, lire en ligne)
- (en-US) Nathaniel Flakin, « A Brief History of Anti-Zionist Jews », sur Left Voice, (consulté le )
- Menachem Keren-Kratz, «Satmar and Neturei Karta: Jews Against Zionism», Modern Judaism - A Journal of Jewish Ideas and Experience, Volume 43, Issue 1, February 2023, Pages 52–76, https://doi.org/10.1093/mj/kjac023
- (en) Daniel Boyarin, The no-state solution: a Jewish manifesto, Yale University Press, (ISBN 978-0-300-25128-9)
- Judith Butler (trad. Gildas Le Dem), Vers la cohabitation: judéité et critique du sionisme, Paris, Fayard, coll. « À venir », (ISBN 978-2-213-67224-3)