Crise politique belge de 2007-2011
La crise politique belge de 2007-2011 désigne une période de tensions communautaires et d'instabilité politique en Belgique, provoquée par des opinions divergentes sur les réformes de l'État et sur l'existence persistance de la circonscription électorale controversée de Bruxelles-Hal-Vilvorde (BHV). Les partis flamands sont généralement partisans d'une régionalisation et d'une communautarisation accrues des compétences ainsi que d'une scission de BHV tandis que les partis francophones soutiennent davantage le statu quo.
Après les élections législatives fédérales de 2010, les sujets de la dette publique, de la réduction des déficits et des réformes socioéconomiques ont été de nouveaux sujets de tensions, la majeure partie des partis flamands privilégiant des coupes dans les dépenses publiques afin de faire des économies budgétaires tandis que les propositions des partis francophones comprenaient des augmentations significatives de la fiscalité.
La crise s'est achevée en décembre 2011 avec la prestation de serment du gouvernement Di Rupo qui est parvenu à un accord sur la scission de BHV ainsi que sur des politiques visant à lutter contre la récession économique[1]. Le clivage linguistique du pays, depuis longtemps source de tensions politiques, a joué un rôle majeur dans cette crise[2]. La menace de la scission de la Belgique a été récurrente durant ces quatre années, notamment avec la montée en puissance du nationalisme flamand.
La crise a éclaté à l'été 2007 à la suite de la victoire électorale du cartel CD&V/N-VA, qui soutenait une large réforme de l'état et la scission immédiate de BHV. Après 194 jours de négociations souvent tendues, un nouveau gouvernement a finalement pu être formé. En décembre 2008, une nouvelle crise éclate à la suite de l'affaire Fortis, déstabilisant le pays et amenant à la démission du Premier ministre Yves Leterme. Le nouveau gouvernement dirigé par Herman Van Rompuy a permis une brève période de stabilité, mais qui a été interrompue lorsque Van Rompuy démissionne pour devenir le premier Président du Conseil européen. Le gouvernement Leterme II qui lui succède tombe en avril 2010 à la suite du manque de progrès sur la question de BHV.
Des élections anticipées ont lieu en juin 2010, conduisant à une victoire en Flandre de la N-VA, parti conservateur et séparatiste, tandis que le PS, favorable à l'unité de la Belgique, a gagné du côté francophone. Les divergences majeures entre les deux gagnants des élections sur les questions communautaires et socioéconomiques ont conduit les négociations à durer plus de 541 jours, battant ainsi le record mondial de durée nécessaire à la formation d'un gouvernement tenu jusqu'alors par l'Irak[3]. Le 13 septembre 2011, il est annonce qu'Yves Leterme souhaite postuler comme secrétaire général de l'OCDE en 2012, bien qu'il semble alors peu probable qu'il puisse quitter son poste de Premier ministre en affaires courantes avant la fin de l'année[4]. Cependant, un nouveau gouvernement prête serment le 6 décembre 2011 avec Elio Di Rupo à sa tête.
Les élections fédérales de 2007 et leurs conséquences
modifierÉlections fédérales
modifierDu côté flamand, le cartel électoral unissant le CD&V et la N-VA a gagné de nombreuses voix par rapport aux élections de 2003. La liste CD&V/N-VA était dirigée par Yves Leterme et est devenue la plus grande formation politique de Belgique, ce qui l'a par conséquent conduit à diriger les discussions pour former un nouveau gouvernement. Pendant la campagne, le cartel a insisté lourdement sur la nécessité d'une profonde réforme de l'État.
Du côté francophone, le MR a réussi à prendre la première place longuement détenue par le PS, même si ce dernier reste malgré tout puissant.
Négociations gouvernementales
modifierAprès les élections, une coalition rassemblant les démocrates chrétiens et les libéraux a été envisagée. La nécessité d'une nouvelle réforme de l'État n'étant pas perçue de la même manière des deux côtés de la frontière linguistique, il a fallu 196 jours de discussions aux partis pour former un gouvernement intérimaire. Il s'agissait alors du record belge de durée de formation de gouvernement.
Verhofstadt III
modifierLe 17 décembre 2007, Albert II demande au Premier ministre sortant Guy Verhofstadt de former un gouvernement intérimaire qui démissionnerait le 23 mars 2008 avant qu'Yves Leterme ne prenne le relais. L'incertitude politique a cependant été accrue lorsqu'Yves Leterme a été hospitalisé en février 2008[5]. Bien qu'étant resté plusieurs jours à l'hôpital, il était cependant apparu assez vite que sa santé ne l'empêcherait pas d'assumer ses fonctions.
Un premier accord préliminaire a été obtenu le 25 février 2008. Celui-ci stipulait que certaines compétences liées à l'industrie et au logement seraient transférées du fédéral aux régions. Des mesures seraient également prises afin de renforcer la coopération interrégionale[6].
Leterme I
modifierUn accord officiel de coalition a été signé le 18 mars 2008. Yves Leterme prête serment le 20 mars 2008. Cependant, le 14 juillet 2008, après l'échec de mois de négociations sur les réformes constitutionnelles et BHV, Leterme donne la démission de son gouvernement à Albert II. Après une série de consultations, le Roi refuse cependant la démission du gouvernement. Le Palais royal annonce alors que le Roi a demandé aux deux ministres d'État francophones François-Xavier de Donnea (MR) et Raymond Langendries (cdH) ainsi qu'au ministre-président de la Communauté germanophone, Karl-Heinz Lambertz (SP), d'établir un rapport sur la manière de lancer des discussions sur des réformes institutionnelles[7],[8]. Ces derniers font leur rapport au Roi le 19 septembre 2008 et en révèlent une page afin de forcer les partis à rester à la table des négociations. Quelques heures plus tard à peine, Didier Reynders crée une crise politique au sein du gouvernement flamand après avoir tenu des déclarations controversées. Le 21 septembre 2008, la N-VA retire son soutien du gouvernement fédéral en déclarant que les 15 mois de négociations n'étaient pas parvenus à obtenir de réforme de l'État, plongeant à nouveau le pays dans la crise. Sous pression des socialistes et des libéraux présents au sein de la coalition, Geert Bourgeois, seul ministre N-VA du gouvernement flamand, démissionne.
Le 19 décembre 2008, Leterme donne à nouveau la démission de son gouvernement à Albert II, qui l'accepte le 22 décembre. Cette démission a été donnée à la suite de la divulgation de tentatives du gouvernement d'influencer le verdict de l'affaire Fortis.
Van Rompuy
modifierAprès la démission de Leterme et de son gouvernement, Albert II consulte plusieurs chefs de partis et hommes politiques. Il demande alors à Wilfried Martens, ancien Premier ministre belge dans les années 1980 et 1990 et alors président du Parti Populaire Européen, de consulter les différents partis politiques et de préparer le terrain à un nouveau gouvernement d'urgence[9]. Le consensus général est qu'un gouvernement devrait tenir jusqu'aux élections régionales et européennes de juin 2009 ou, si possible, jusqu'aux prochaines élections fédérales de 2011. Le 28 décembre, Albert II demande à Herman Van Rompuy de former un nouveau gouvernement qui rassemblerait les partis alors au pouvoir. Le gouvernement Van Rompuy prête serment le 30 décembre 2008.
Herman Van Rompuy démissionne cependant en novembre 2009, celui-ci devant prendre la tête du Conseil européen
Leterme II
modifierAprès la démission de Van Rompuy, Yves Leterme le remplace. Cependant, quelques mois plus tard à peine, son gouvernement tombe sur la question de BHV.
Élections fédérales de 2010 et leurs conséquences
modifierÉlections fédérales
modifierDes élections anticipées se sont tenues le 13 juin 2010. La N-VA devient alors le premier parti flamand tandis que le PS redevient le premier parti francophone. À la Chambre, les deux partis détiennent à eux deux le tiers des sièges et sont presque à égalité, la N-VA détenant 27 sièges et le PS 26 ; le reste des sièges sont quant à eux détenus par dix autres partis. Pendant 541 jours, aucun accord n'a pu être obtenu entre les différents partis et le gouvernement Leterme II assurait quant à lui les affaires courantes. Le 6 décembre 2011, le gouvernement Di Rupo prête enfin serment.
Négociateurs de la formation
modifierPendant les 541 jours de négociations, de nombreuses personnalités ont échoué à obtenir un accord jusqu'à ce qu'Elio Di Rupo y parvienne. En voici la liste :
- Bart De Wever (président de la N-VA) en tant qu'informateur : 17 juin 2010 - 8 juillet 2010
- Elio Di Rupo (président du PS) en tant que préformateur : 9 juillet 2010 - 3 septembre 2010
- Danny Pieters (N-VA, président du Sénat) et André Flahaut (PS, président de la Chambre) en tant que médiateurs : 4 septembre 2010 - 5 octobre 2010
- Bart De Wever en tant que clarificateur : 8 octobre 2010 - 18 octobre 2010
- Johan Vande Lanotte (ancien président du sp.a) en tant que médiateur : 21 octobre 2010 - 26 janvier 2011
- Didier Reynders (président du MR) en tant qu'informateur : 2 février 2011 - 1er mars 2011
- Wouter Beke (président du CD&V) en tant que négociateur : 2 mars 2011 - 12 mai 2011
- Elio Di Rupo en tant que formateur : 16 mai 2011 - 6 décembre 2011
Spéculations sur la possible scission de la Belgique
modifierFin juillet 2011, tandis que la formation gouvernementale pataugeait depuis plus d'un an, les dirigeants du Rassemblement wallon (parti régionaliste n'ayant aucun siège au Parlement) ont rencontré des représentants de l'UMP, parti du Président français Nicolas Sarkozy alors en fonction, ainsi que du PS français. Ces discussions ont conclu que, dans l'éventualité d'une scission de la Belgique, la Wallonie deviendrait la 28e région de France. Un sondage du quotidien français Le Figaro annonçait qu'environ 50% des Wallons et 66% des Français étaient favorables à ce plan[10].
Le ministre belge du Climat et de l'Énergie, Paul Magnette, a également suggéré la possibilité d'intégrer la Wallonie à l'Allemagne à la place de la France si la crise belge dégénérait. Bien que les habitants des cantons de l'Est soient germanophones, la majeure partie des Wallons sont francophones. Est alors apparue la possibilité que, dans le cas d'un rattachement de la Wallonie à la France, la Communauté germanophone serait quant à elle rattachée à l'Allemagne[11].
Références
modifier- (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « 2007–11 Belgian political crisis » (voir la liste des auteurs).
- (en-US) « The Complete Expat Guide to Belgium | Expatica », sur Expat Guide to Belgium | Expatica (consulté le )
- (en-GB) Deutsche Welle (www.dw.com), « Belgian Political Crisis and Talk of Linguistic Divisions Continue | DW | 02.10.2007 », sur DW.COM (consulté le )
- (en-GB) Bruno Waterfield, « Belgium breaks Iraq's 249-day record without a government », The Daily Telegraph, (ISSN 0307-1235, lire en ligne, consulté le )
- (en) « Belgian officials play down crisis, as caretaker PM opts to go », sur EUobserver (consulté le )
- « Leterme hospitalisé à Louvain - lesoir.be », sur www.lesoir.be, (version du sur Internet Archive)
- « 'Wise men' strike devolution deal - People's Daily Online », sur en.people.cn (consulté le )
- « deredactie.be - Crisis in de Wetstraat », sur www.deredactie.be, (version du sur Internet Archive)
- (en-GB) « Belgian PM's resignation rejected », BBC News, (lire en ligne, consulté le )
- « Wilfried Martens, l'" explorateur " à la recherche d'une sortie de crise », Lesoir.be (consulté le )
- « Better no concessions to Flanders 67% Walloons find », Belgium Watch, (consulté le )
- « Gedankenspiele: Belgischer Minister würde Wallonie an Deutschland angliedern », Spiegel Online, (lire en ligne, consulté le )
Liens externes
modifier- (Néerlandais) Panorama des médiateurs et formateurs, deredactie.be
- Le Premier ministre belge offre sa démission à la BBC
- Site internet fortisgate.wordpress.com sur la crise liée à l'affaire Fortis