Guano

nom donné aux excréments des oiseaux marins et des chauves-souris

Le guano (/gwa.no/ ; provenant de l'espagnol : guano, du quechua : wanu) est tout d'abord un amas d'excréments d'oiseaux marins ou de chauves-souris qui a longtemps constitué l'habitat d'oiseaux marins qui venaient nicher dessus et pondaient leurs œufs à l'intérieur tel le manchot du Cap. Ce guano fut par la suite considéré comme une substance fertilisante et les humains ont décidé de l'utiliser en tant qu’engrais très efficace, en vertu de sa grande concentration en composés azotés. Les sols manquant de matières organiques peuvent alors être rendus bien plus productifs. Cependant, cet usage intensif du guano prélevé en trop grande quantité a eu un effet destructeur sur la nidification d'espèces d'oiseaux, les amenant quasiment au bord de l'extinction.

Composition

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Le nid du Fou varié est fait de guano.

Le guano est constitué principalement d’acide urique, de protéines, d'oxalate d'ammonium, de nitrate, de phosphate et de certains sels et impuretés. La concentration en azote a fait du guano au XIXe siècle une importante ressource stratégique.

Comparaison des teneurs en certains éléments chimiques dans le fumier de plusieurs mammifères[1]
Élément chimique Chauve-souris insectivore Vache Porc Brebis Cheval
Azote (en kg/tonne) 100 6 3 6 8
Phosphore (en kg/tonne) 30 4 5 4 3
Potassium (en kg/tonne) 20 6 6 12 9

Guano d'oiseaux marins

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Exploitation

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Ce dessin, publié en 1863, comporte cinq images montrant différentes facettes de l'exploitation du guano aux îles Chincha. De gauche à droite, de haut en bas :
A) Extraction à la main du guano ;
B) Quai servant au transbordage du guano ;
C) Île du centre, vue de l'île au nord ;
D) Déversoirs à guano ;
E) Hommes vidant un wagon de guano.

Le guano est récolté sur diverses îles du Pacifique, par exemple les îles Chincha, ou d’autres océans, comme l’île Juan de Nova. Ces îles ayant été habitées par les oiseaux marins pendant des siècles, le guano s'est accumulé, parfois sur plusieurs mètres d’épaisseur.

Le guano a été récolté par des compagnies privées ou publiques pendant des siècles sur les côtes du Pérou, sur les îles et les côtes rocheuses qui ne furent pas exploitées auparavant. Les Cormorans de Bougainville sont les plus gros producteurs de guano, et leurs excréments ont tendance à être plus riches en substances azotées que ceux des autres espèces d’oiseaux marins, d’autres espèces particulièrement productrices sur les côtes du Pérou étant par exemple les Pélicans péruviens.

Guerre du guano

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Des années 1820 aux années 1860, les îles Chincha, au Pérou, furent exploitées pour leur guano, engrais de première qualité à l'époque. Il était principalement exporté vers les États-Unis, la France et le Royaume-Uni. Pendant quelques décennies, le Pérou vit son activité économique augmenter considérablement[2]. Cette période de prospérité fut appelée au Pérou « l'ère guano ».

En 1863, l'Espagne tenta de s'emparer des îles Chincha. Le Pérou et le Chili unirent leurs forces et repoussèrent les forces navales espagnoles pendant la guerre hispano-sud-américaine, aussi connue sous le nom de « guerre du guano »[3]. La production des îles Chincha atteignait 600 000 tonnes par an à la fin des années 1860. Lorsque les gisements furent épuisés, environ 12,5 millions de tonnes en avaient été extraits[4],[5].

Dérives de l'exploitation du guano par le Pérou

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Entre 1840 et 1879, le guano du Pérou engendra d’énormes richesses, car le pays, propriétaire exclusif des dépôts de Guano détenait le monopole mondial de ce fertilisant. L'État concéda l'exploitation du guano à des exploitants mais garda le contrôle des échanges[6]. Plusieurs hommes d’affaires bâtirent d’immenses fortunes en exploitant ces richesses ; ce fut notamment le cas du Français Auguste Dreyfus, qui se trouva grâce au guano à la tête de l’une des plus grandes fortunes du monde.

En 1856, le Congrès des États-Unis adopta le Guano Islands Act, toujours en vigueur au XXIe siècle, qui autorise tout citoyen américain à réclamer, au nom des États-Unis, toute île inhabitée et non revendiquée susceptible de contenir du guano[7].

En 1863, des navires négriers péruviens vinrent enlever plus de 1 400 indigènes de l'île de Pâques, soit du tiers à près de la moitié de la population, pour les vendre comme esclaves et les faire travailler dans les mines de guano[8],[9],[10]. Sous la pression de la France, du Chili et du Royaume-Uni, les autorités péruviennes firent rapatrier une centaine de Pascuans, mais seuls une quinzaine d'entre eux parvinrent au terme du voyage, les autres ayant succombé à la tuberculose et à la variole[9],[11]. Celle-ci se propagea des survivants aux habitants de l’île qui avaient échappé aux esclavagistes ; en 1877, la population pascuane ne comptait plus que 111 personnes[8].

Exploitation du guano par la France

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Autour du début du XXe siècle, le guano a aussi été exploité sur l'île de Clipperton, possession française de l'océan Pacifique.[réf. nécessaire]

Guano de chauves-souris

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Le guano de chauves-souris est composé uniquement des restes de leurs proies (insectes et araignées) ; les crottes sont de la taille d'un grain de riz et très friables[12].

Son exploitation est attestée en France et en Sardaigne depuis le milieu du XIXe siècle[13].

Le guano de chauves-souris contient parfois des champignons microscopiques pouvant transmettre l'histoplasmose aux humains[14]. Leur nettoyage doit se faire uniquement à l'eau (pas de balais ni d'aspirateur) afin d'éviter de respirer la poussière formée par les excréments en séchant[15].

Utilisation

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Une des qualités de cet engrais provient du subtil mélange entre l’acidité des excréments et le sol calcaire (basique). Cet engrais est accepté dans le cahier des charges de l’agriculture biologique.

Le guano contient 16 % d'azote. Il est intéressant pour les sols froids et dont le réchauffement est tardif. Sa minéralisation est rapide et peut attirer des coprophages appelés guanobies.

Avec une teneur en azote et en cendres presque aussi importante que celle des fientes de poulet, le guano de chauves-souris peut remplacer un engrais ammoniacal ; son acidité et sa faible teneur en calcium peuvent être compensées par un apport de chaux éteinte[13].

Notes et références

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  1. François Prud'homme, Les chauves-souris ont-elles peur de la lumière ? : 100 clés pour comprendre les chauves-souris, Éditions Quae, (ISBN 978-2-7592-1970-4, ISSN 2261-3188, lire en ligne), p. 164.
  2. Hager 2008, p. 31-34.
  3. Hager 2008, p. 34-35.
  4. Smil 2001, p. 42.
  5. Selon Jeffreys 2008, p. 51, c'est plutôt 20 Mt.
  6. Lucie Bullick, Pouvoir militaire et société au Pérou aux XIXe et XXe siècles, publications de la Sorbonne, 1999, 350 p. p. 30 et suiv.
  7. Hager 2008, p. 33.
  8. a et b Hugo Coniez, Les Grandes Énigmes de l'Histoire pour les Nuls, Edi8, 2016, 432 p., « Un terrible choc des civilisations ».
  9. a et b Lorena Bettocchi, « Chasse d'esclaves et missions catholiques à l'île de Pâques (1800-1869) », sur www.rongo-rongo.com (consulté le ).
  10. Jared Diamond, Collapse. How Societies Chose to Fail or Succeed, Viking, New York, 2005, publié en français en 2006, sous le titre Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie.[réf. incomplète]
  11. « La civilisation de l’île de Pâques détruite par des négriers », site Escapades et évasions, 27 août 2015.
  12. Sophie Declercq, « Distinguer une crotte de chauves-souris d'une crotte de « souris/rat » » [PDF], Pôle protection faune sauvage, Mission faune et bâti, sur Picaride Nature, (consulté le ).
  13. a et b « Le Guano de chauve souris est un bon engrais ! », sur Commission de protection des eaux, du patrimoine, de l'environnement, du sous-sol et des chiroptères, (consulté le ).
  14. « Prévenir les problèmes de santé causés par les chauves-souris », sur www.quebec.ca (consulté le )
  15. « Nettoyage d’un milieu contaminé par des excréments de chauves-souris », sur www.quebec.ca (consulté le )

Voir aussi

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Bibliographie

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  : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

  • (en) Paul Gootenberg, Imagining development : economic ideas in Peru's "fictitious prosperity" of guano, 1840-1880, University of California Press, Berkeley, 1993, 243 p. (ISBN 0-520-08290-7)
  • (es) Heraclio Bonilla, Guano y burguesía en el Perú, Instituto de Estudios Peruanos, Lima, 1984 (2e éd.), 172 p.
  • (es) Antonio Raimondi, Informes y polémicas sobre el guano y el salitre (Perú, 1854-1877) (compilation, introduction et notice biographique de Luis Felipe Villacorta), Fondo Editorial Universidad Nacional Mayor de San Marcos, Lima ; COFIDE, San Isidro, 2003, 256 p. (ISBN 9972-46228-5)
  • (fr) Eugène Chevreul, « Communications sur le guano du Pérou », G. Masson, Paris, 1874, 39 p. (extraits des Comptes rendus des Séances de l'Académie des Sciences, 1873, tomes 76 et 77)
  • (fr) J.-C. Crussard, Principes d'agriculture rationnelle, Appendice : Étude sur les guanos naturels en général et sur le guano du Pérou en particulier, Aug. Goin, Paris ; imp. Gustave de Lamarzelle, Vannes, 1864, 38 p.
  • (pt) Dante Martins Teixeira et Jorge Bruno Nacinovic, O Guano de aves marinhas no Brasil, Museu Nacional, Rio de Janeiro, 2002, 66 p.
  • (en) Thomas Hager, The Alchemy of Air : A Jewish Genius, a Doomed Tycoon, and the Scientific Discovery That Fed the World but Fueled the Rise of Hitler, New York, Harmony Books, , 336 p. (ISBN 978-0-307-35178-4).  
  • (en) Diarmuid Jeffreys, Hell's Cartel : IG Farben and the Making of Hitler's War Machine, Metropolitan Books, , 496 p. (ISBN 978-0805078138).  
  • (en) Vaclav Smil, Enriching the Earth : Fritz Haber, Carl Bosch, and the Transformation of World Food Production, The MIT Press, , 358 p. (ISBN 978-0-262-69313-4).  
  • T. Dutoit & F. Leboulenger, « Guano de chauves-souris et agriculture : nouvelles données », Petit Lérot, Groupe mammalogique normand, vol. 39,‎ , p. 20-21.

Filmographie

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  • Pérou : les forçats du guano, reportage de Ramon Gutiérrez et Nejma Berder, diffusé dans l'émission Thalassa (France 3) en 2004