Guerrier (1753)
Le Guerrier est l'un des nombreux vaisseaux de ligne de 74 canons de la Marine royale française mis en chantier pendant la vague de construction qui sépare la fin de guerre de Succession d'Autriche (1748) du début de la guerre de Sept Ans (1756)[3]. Il participe à trois guerres navales : celles de de la guerre de Sept Ans, de l'Indépendance américaine, de la Révolution française, au cours de laquelle il est détruit.
Guerrier | |
Le Guerrier à la Bataille de Minorque, en 1756 | |
Type | Vaisseau de ligne |
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Histoire | |
A servi dans | Marine royale française |
Commanditaire | Toulon |
Commandé | |
Quille posée | [1] |
Lancement | |
Armé | |
Équipage | |
Équipage | 740 hommes[2] |
Caractéristiques techniques | |
Longueur | 53,6 m |
Maître-bau | 14,0 m |
Tirant d'eau | 6,6 m |
Déplacement | 1 500 t |
Propulsion | Voile |
Caractéristiques militaires | |
Armement | 74 canons |
Pavillon | France |
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Caractéristiques générales
modifierLe Guerrier est un vaisseau de force de 74 canons lancé selon les normes définies dans les années 1740 par les constructeurs français pour obtenir un bon rapport coût/manœuvrabilité/armement et pouvoir tenir tête à la marine anglaise qui dispose de beaucoup plus de vaisseaux depuis la fin des guerres de Louis XIV[4]. Sans être standardisé, le Guerrier, partage les caractéristiques communes de tous les « 74 canons » construits à des dizaines d’exemplaires jusqu’au début du XIXe siècle et qui évoluent en fonction des progrès techniques de construction de l’époque, et de la volonté des responsables navals d’exploiter au mieux cette catégorie de navire de guerre[5].
Comme pour tous les vaisseaux de guerre de l’époque, sa coque est en chêne. Son gréement, (mâts et vergues) est en pin[6]. Il est aussi utilisé de l’orme, du tilleul, du peuplier et du noyer pour les affûts des canons, les sculptures des gaillards et les menuiseries intérieures[6]. Les cordages (80 tonnes) et les voiles (à peu près 2 500 m2) sont en chanvre[6]. Un deuxième jeu de voiles de secours est stocké en soute. Prévu pour pouvoir opérer pendant des semaines très loin de ses bases européennes s’il le faut, ses capacités de transport sont considérables[5]. Il emporte pour trois mois de consommation d’eau, complétée par six mois de vin[7], auxquels s'ajoutent cinq à six mois de vivres, soit plusieurs dizaines de tonnes de biscuits, farine, légumes secs et frais, viande et poisson salé, fromage, huile, vinaigre, sel, sans compter du bétail sur pied qui est abattu au fur et à mesure de la campagne[8].
Sur son pont inférieur, sont installés 28 canons de 36 livres (les plus gros calibres en service dans la flotte à cette époque) et 30 canons de 18 livres sur son pont supérieur. En outre, 16 canons de 8 livres sont répartis sur les gaillards. Cette artillerie en fer pèse 215 tonnes[6]. Pour l’approvisionner au combat, le vaisseau embarque près de 6 000 boulets pesant au total 67 tonnes[9]. S’y ajoutent des boulets ramés, chaînés et beaucoup de mitraille (8 tonnes)[6]. La réserve en munitions est aussi constituée de 20 tonnes de poudre noire, stockée sous forme de gargousses ou en vrac dans les profondeurs du vaisseau[10]. En moyenne, chaque canon dispose de 50 à 60 boulets[11].
Campagnes
modifierGuerre de Sept Ans
modifierEn 1756, au début de la guerre de Sept Ans, le vaisseau fait partie de l'escadre de La Galissonière chargée de couvrir le débarquement sur Minorque et prend part à la bataille qui s'ensuit avec la flotte anglaise venue secourir l'île. Au cours de ce combat victorieux, il est commandé par Villars de la Brosse. En 1759, il quitte Toulon dans l'escadre de La Clue chargée de rejoindre Brest pour contrer une tentative de débarquement en Angleterre et participe à la désastreuse bataille de Lagos durant laquelle il s'enfuit sans combattre.
Guerre d'indépendance américaine
modifierPendant la guerre d'Amérique, il est placé sous les ordres de Bougainville et intégré aux forces de d'Estaing. Bougainville voit la Méditerranée pour la première fois: dans son journal de bord, il se plaint d'avoir un navire trop ancien avec un équipage novice, composé en grande partie de marins de rivière, et, ne parlant pas le provençal, il a souvent besoin d'un interprète pour se faire comprendre. Le départ de Toulon se fait au tout début de la guerre, en secret pour déjouer l'espionnage anglais: l'escadre sort le et c'est seulement en mer que les capitaines ouvrent leurs instructions et apprennent qu'ils se rendent en Amérique. Entre Hyères et Antibes, ils embarquent Silas Deane, envoyé américain du Congrès continental. L'état sanitaire est médiocre et le vaisseau perd 7 hommes avant d'avoir quitté la Méditerranée. D'Estaing passe beaucoup de temps en mer à commander des manœuvres pour exercer ses forces assez hétéroclites, de sorte qu'un navire marchand anglais, les apercevant dans l'Atlantique, a le temps de donner l'alerte à la flotte de l'amiral Richard Howe qui les attend dans la baie de la Delaware[12]. Le Guerrier prend part à la bataille de Rhode Island en , puis à la bataille de la Grenade le ainsi qu'au siège de Savannah en septembre-octobre 1779. Rentré en Europe, il prend part, en , à l'une des nombreuses missions d'escorte des bâtiments marchands. En compagnie de trois flûtes, il accompagne un convoi de 60 navires de commerce qui arrivent sans pertes aux Antilles en octobre[13]. Revenu en Méditerranée, il est engagé dans le siège de Minorque (en) en . En , il participe à l'un des derniers engagements navals de la guerre, la bataille du cap Spartel, en tentant d’intercepter une escadre anglaise venant de ravitailler Gibraltar.
Guerres de la Révolution
modifierEn 1789, le Guerrier stationne dans l'escadre de Toulon. En 1793, il échappe à la destruction qui frappe de nombreux navires lorsque les Anglais, lors du siège de Toulon, évacuent la ville sous le feu de l'artillerie républicaine. En 1798, le Guerrier est retiré du service depuis deux ans car très ancien[14]. Cependant, du fait de la pénurie de navires pour escorter le transport des troupes, il est incorporé à la flotte d'invasion du général Bonaparte qui part pour la campagne d’Égypte. Cette flotte commandée par le vice-amiral Brueys s'empare de Malte, puis débarque l'armée de Bonaparte à Alexandrie le , avant de stationner dans la rade d'Aboukir, dans l'attente du retour de l'armée débarquée. C'est là qu'elle est débusquée, le 1er août, par Nelson qui passe aussitôt à l'attaque.
Lors de la bataille d'Aboukir, le Guerrier est le chef de file de la ligne des 13 vaisseaux à l'ancre. Il est donc le premier vaisseau à subir l'attaque de l'escadre de Nelson. Pris en tenaille par les vaisseaux ennemis qui le canonnent à bout portant de façon croisée, avec des défenses affaiblies du fait d'un équipage sous-numéraire (en partie à terre pour ravitailler), dévasté, une grande partie de son équipage hors de combat, il tient plus d'une heure avant d'être contraint d'amener son pavillon. Jugé trop endommagé par les Anglais, ceux-ci préfèrent le brûler sur place[réf. souhaitée].
Notes et références
modifier- Dans Vaisseaux de ligne français de 1682 à 1780, « 2. Du deuxième rang », Ronald Deschênes donne 1750 comme année de construction.
- Le ratio habituel, sur tous les types de vaisseau de guerre au XVIIIe siècle est d'en moyenne 10 hommes par canon, quelle que soit la fonction de chacun à bord. C'est ainsi qu'un 100 canons emporte 1 000 hommes d'équipage, un 80 canons 800 hommes, un 74 canons 740, un 64 canons 640, etc. L'état-major est en sus. Cet effectif réglementaire peut cependant varier considérablement en cas d'épidémie, de perte au combat ou de manque de matelots à l'embarquement. Acerra et Zysberg 1997, p. 220.
- Villiers 2015, p. 126.
- Meyer et Acerra 1994, p. 90-91.
- Jacques Gay dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1486-1487 et Jean Meyer dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1031-1034.
- Acerra et Zysberg 1997, p. 107 à 119.
- 210 000 litres d’eau douce. 101 000 litres de vin rouge, à raison d’un litre par jour et par homme. Le vin complète largement l’eau qui est croupie dans les barriques au bout de quelques semaines. Jacques Gay dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1486-1487
- Des moutons (six par mois pour 100 hommes), volailles (une poule par mois pour sept hommes, avec aussi des dindes, des pigeons, des canards), Jacques Gay dans Vergé-Franceschi 2002, p. 1486-1487.
- Dans le détail : 2 240 projectiles de 36 livres-poids, 2 400 de 18 livres et 1 280 de 8 livres. Acerra et Zysberg 1997, p. 216.
- En moyenne : un quart de la poudre est mise en gargousse à l’avance pour les besoins de la batterie basse, celle des plus gros canons au calibre de 36 livres, et un tiers pour les pièces du second pont et des gaillards. Acerra et Zysberg 1997, p. 216
- Acerra et Zysberg 1997, p. 48
- R. de Kérallain, Bougainville à l'escadre du Cte d'Estaing, guerre d'Amérique, 1778-1779. In: Journal de la Société des Américanistes. Tome 19, 1927. p. 158-206.
- Villiers 2015, p. 198.
- La Campagne d’Égypte, de François-Guy Hourtoulle, Napoleon.org
Voir aussi
modifierSources et bibliographie
modifier: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Michel Vergé-Franceschi (dir.), Dictionnaire d'Histoire maritime, éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins »,
- Jean Meyer et Martine Acerra, Histoire de la marine française : des origines à nos jours, Rennes, Ouest-France, , 427 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7373-1129-2, BNF 35734655)
- Martine Acerra et André Zysberg, L'essor des marines de guerre européennes : vers 1680-1790, Paris, SEDES, coll. « Regards sur l'histoire » (no 119), , 298 p. [détail de l’édition] (ISBN 2-7181-9515-0, BNF 36697883)
- Patrick Villiers, La France sur mer : De Louis XIII à Napoléon Ier, Paris, Fayard, coll. « Pluriel », , 286 p. (ISBN 978-2-8185-0437-6).
- Georges Lacour-Gayet, La Marine militaire de la France sous le règne de Louis XV, Honoré Champion éditeur, 1902, édition revue et augmentée en 1910 (lire en ligne)
- Jean-Michel Roche, Dictionnaire des bâtiments de la flotte de guerre française de Colbert à nos jours, t. 1 (1671-1870), (ISBN 978-2-9525917-0-6, OCLC 165892922)