Pompey Mansfield, né au début du XVIIIe siècle et décédé à une date inconnue, est une personnalité historique afro-américaine importante de la Nouvelle-Angleterre coloniale, connue sous le titre de « roi Pompey ». Ancien esclave originaire d'Afrique de l'Ouest, il devient l'un des premiers propriétaires fonciers noirs de la région et un leader respecté de la communauté noire.

Il incarne la résistance, la résilience et l'aspiration à la liberté des Afro-Américains sous le régime de l'esclavage. Son histoire, longtemps méconnue, est désormais mieux comprise grâce aux recherches archéologiques et historiques.

Contexte historique

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Durant les XVIIIe et XIXe siècles, une tradition se développe en Nouvelle-Angleterre puritaine : l'élection de dirigeants noirs, souvent appelés « gouverneurs noirs » ou « rois noirs »[1], parmi les esclaves et les Noirs libres[2]. Appuyées dès leurs origines par les hommes libres et par les « maîtres », ces élections annuelles, appelées Negro Election Day (« jour des élections Noires » en anglais), permettent aux communautés noires d'élire un fonctionnaire dont l'objectif est de servir d’intermédiaire dans les relations entre Blancs et Noirs[3]. Ce sera surtout pour elles l'occasion d'affirmer leur droit à l'autodétermination, même sous le joug de l'esclavage[4]. Dans ce cadre, les « maîtres » accordent à leurs esclaves un jour de congé pour profiter des festivités et se réjouir[5].

Pour Lorenzo Greene, professeur d'histoire ayant travaillé aux côtés de Carter Woodson, ces élections auraient été l'occasion de rendre la communauté noire plus docile grâce à une expérience politique[6].

Entre environ 1750 et 1850, la région américaine aurait compté au moins trente et un rois et gouverneurs noirs élus, dont la plupart étaient des esclaves[7].

Biographie

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Origines et esclavage

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D'origine princière supposée[8], Pompey[a] naît en Afrique de l'Ouest au début du XVIIIe siècle. Capturé et réduit en esclavage, il est déporté vers les colonies anglaises au terme du passage du milieu. Il est vendu à Daniel Mansfield II, un drapier du Massachusetts[b]. Pompey devient alors le sujet[c] de cette famille.

Émancipation et propriété foncière

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À la suite du décès de Daniel Mansfield en 1758, Pompey retrouve sa liberté[d] et commence à travailler en tant que couturier[9]. Puis en 1762, il devient propriétaire foncier, ce qui est rare pour un ancien esclave de l'époque : il achète un demi-hectare de terrain le long de la rivière Saugus, près de Lynn, grâce à un prêt d'Isaac Hower, un autre homme noir. Cette propriété devient un lieu important pour la communauté noire, notamment lors des festivités du « Negro Election Day », où se déroulent des célébrations vivantes et joyeuses, mêlant danses, chants, et traditions ouest-africaines[10]. Il l'aurait finalement cédée à la veuve de son donateur en 1787[11].

Roi et leader communautaire

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Pompey Mansfield serait le premier gouverneur noir élu du Massachusetts. Hôte du « Negro Election Day », sa maison accueille des Noirs libres et des esclaves, qui l'élisent roi chaque année pour les représenter auprès des propriétaires Blancs. Il devient à cette occasion le leader de la communauté noire de Nouvelle-Angleterre[12], avec un rôle de magistrat et de médiateur entre les communautés blanche et noire[13]. Le « roi Pompey » demeure une figure estimée des « journées d'élections Noires »[14], qui constitue alors les plus importantes de l'année pour ces populations, célébrées à travers de grandes festivités[15].

Héritage et découvertes archéologiques

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La vie de Pompey Mansfield reste en grande partie méconnue, les sources historiques étant rares et souvent postérieures à sa mort. Cependant, des recherches récentes, notamment des fouilles archéologiques près de la rivière Saugus, non loin du Saugus Iron Works National Historic Site (en), ont mis au jour les fondations d'une maison que les historiens attribuent à Pompey[16]. Ces découvertes renforcent l'idée que Pompey Mansfield a non seulement réussi à se libérer de l'esclavage, mais qu'il a également su construire une vie et un héritage durables pour lui-même et sa communauté[17].

Influence sur les droits civiques

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Les élections noires auxquelles Pompey Mansfield participe sont bien plus que des imitations des élections blanches : elles sont une première affirmation des droits civiques pour les Noirs. Des revendications plus larges pour les droits des Noirs suivront :

Bibliographie

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  • (en) Kabria Baumgartner et Elizabeth Duclos-Orsello, African Americans in Essex County, Massachusetts : an annotated guide, 173 p. (lire en ligne)

Notes et références

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  1. A l'époque, il était d'usage de donner le nom du propriétaire à son esclave. A sa naissance donc, son patronyme n'était composé que de son prénom.
  2. En , le Massachusetts est encore une colonie britannique. Cette province devient indépendante le jour du traité de Paris de 1783, qui soumet la Grande-Bretagne à reconnaître l'indépendance des jeunes États-Unis d'Amérique.
  3. Du verbe assujettir, signifiant « maintenir quelqu'un sous sa domination. » - Dictionnaire de l'Académie française.
  4. (en) Son affranchissement n'apparaît pas dans son testament de 1757. « Ce n'est pas mentionné dans le testament et nous n'avons pas trouvé de documents d'affranchissement », explique Kabria Baumgartner, historienne de l'Université Northeastern. Mais elle souligne que les documents d'affranchissement sont rares à trouver., Cyrus Moulton, « Pompey was elected a Colonial-era 'king.' Did researchers find the foundation of his home outside Boston? », sur Northeastern Global News, 10 juin 2024 (consulté le 21 août 2024)
  5. En pratique, l'esclavage au Massachusetts a continué d'exister jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, alors rebaptisé servitude sous contrat (à ce sujet, voir l'affichage de l'acte de servitude pour Dick Morey).

Références

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  1. (en-US) Dan_nehs, « Black Kings and Governors of New England », sur New England Historical Society, (consulté le )
  2. (en) « Archaeologists Uncovered the Lost Homestead of a Forgotten King, Buried for 260 Years », sur Popular Mechanics, (consulté le )
  3. (en) John K. Thornton, Africa and Africans in the making of the Atlantic world, 1400-1680, New-York, Cambridge University Press, coll. « Studies in comparative world history », (ISBN 978-0-521-39233-4 et 978-0-521-39864-0, lire en ligne), p. 218-221
  4. (en) Cyrus Moulton, « Pompey was elected a Colonial-era 'king.' Did researchers find the foundation of his home outside Boston? », sur Northeastern Global News, (consulté le )
  5. (en) Paul Finkelman, Encyclopedia of African American history, 1619-1895: from the colonial period to the age of Frederick Douglass, Oxford University Press, (ISBN 978-0-19-516777-1, OCLC ocm62430770, lire en ligne), « Festivals. North. page 3. »
  6. (en) Lorenzo J. Greene, The Negro in Colonial New England, 1620-1776 (thèse de doctorat en histoire), université Columbia, (lire en ligne), p. 328
  7. (en) William Dillon Piersen, Black Yankees: The Development of an Afro-American Subculture in Eighteenth-century New England, Amherst, University of Massachusetts Press, , 237 p. (lire en ligne)
  8. (en) Alonzo Lewis, The History of Lynn: Including Nahant, Boston, (lire en ligne), p. 218
  9. (en-US) Rochelle Sport, « Object spotlight: A family story behind Black Election Day and a… », sur Peabody Essex Museum (consulté le )
  10. (en) Smithsonian Magazine et Eli Wizevich, « Archaeologists May Have Found Home Built by One of New England’s First Black Property Owners », sur Smithsonian Magazine (consulté le )
  11. Mathilde Ragot, « Sur les traces de Pompey, élu "gouverneur noir" durant l'époque coloniale américaine », sur Geo.fr, (consulté le )
  12. (en) « UNH Researchers Help Unearth What is Believed to be King Pompey Homestead », sur UNH Today, (consulté le )
  13. (en-US) « Connecticut's Black Governors », sur Museum of Connecticut History, (consulté le )
  14. « The Unmasking of Negro Election Day and the Black Vote, Salem United | salemma », sur www.salemma.gov (consulté le )
  15. Melvin Wade, « "Shining in Borrowed Plumage": Affirmation of Community in the Black Coronation Festivals of New England (c. 1750-c. 1850) », Western Folklore, vol. 40, no 3,‎ , p. 211–231 (ISSN 0043-373X, DOI 10.2307/1499693, lire en ligne, consulté le )
  16. (en) Aristos Georgiou Science et Health Reporter, « Long-lost home of 'King Pompey' may have been found in New England », sur Newsweek, (consulté le )
  17. Laurie Henry, « Découverte de la maison perdue de King Pompey, leader afro-américain au cœur de la Nouvelle-Angleterre coloniale », sur Science et vie, (consulté le )
  18. (en) Massachusetts Historical Society, « The Legal End of Slavery in Massachusetts » (consulté le )