Alors que le championnat d'Europe des rallyes pour conducteurs fut créé en 1953, ce n'est que quinze ans plus tard, en 1968 qu'apparut le championnat d'Europe des rallyes pour marques (ERC), Ford devenant cette année-là le premier constructeur titré dans la discipline. En 1970, le championnat devint intercontinental et fut rebaptisé championnat international des rallyes pour marques (IRCM) en intégrant une épreuve africaine, le Safari, le Rallye du Maroc venant s'ajouter à son calendrier dès l'année suivante. Après l'annulation récente de la Coupe des Alpes, faute de participants, le calendrier 1972 ne comprend plus neuf manches (six en Europe, deux en Afrique et une en Amérique du Nord). Le barème d'attribution des points a été modifié cette année, correspondant à celui prévu pour le futur championnat du monde des rallyes qui sera mis en place en 1973. Les épreuves sont réservées aux catégories suivantes :
Alors que deux manches restent à disputer, la Scuderia Lancia, déjà victorieuse à trois reprises cette saison et possédant trente-deux points d'avance sur Fiat, est pratiquement assurée de remporter le championnat. Les deux marques faisant partie du même groupe, Fiat, qui avait officiellement engagé, a finalement jugé inutile d'effectuer le déplacement américain, renonçant à défendre ses dernières chances pour le titre 1972.
Créé en 1949, le Rallye Press on Regardless était à l'origine une épreuve continue, d'une durée de vingt-quatre heures, à travers routes et pistes du Michigan. Les vingt premières éditions furent disputées sous la forme de rallye de régularité et ce n'est qu'à partir de 1969 que les épreuves chronométrées furent introduites. L'édition 1972 s'inscrit pour la première fois dans le cadre d'un championnat international et autorise les véhicules à quatre roues motrices. Jusqu'alors, l'épreuve était presque exclusivement disputée par des équipages américains ou canadiens. S'étant imposé à trois reprises consécutives (en 1969, 1970 et 1971), le pilote local Scott Harvey y détient le record de victoires.
L'équipe italienne (qui participe au même moment au Tour de Corse avec sa nouvelle Lancia Stratos[5]) avait initialement engagé deux Fulvia HF pour Harry Källström/Gunnar Häggbom et Sergio Barbasio/John Davenport. Le forfait de Fiat assurant pratiquement le titre à Lancia, une seule voiture a finalement été préparée pour l'épreuve américaine, Källström étant finalement navigué par Davenport. Le coupé Fulvia est une traction à moteur V4 de 1584 cm3 développant, en version compétition, 158 chevaux. Il pèse 870 kg et est chassé de pneus Pirelli[1].
Fiat
Ses chances de remporter le championnat international étant dérisoires, le premier constructeur italien a renoncé, pour raisons économiques, à disputer l'épreuve. L'équipage Alcide Paganelli/Ninni Russo, qui devait disposer d'une 124 Spider, ne prendra donc pas le départ[3].
Datsun
Pacesetter, le concessionnaire Datsun de Rochester, a préparé trois 240 Z pour Tom Jones/Ralph Beckman, Karl Goering/Wayne Zitkus et Guy Vanier/Gilles Vanier. L'équipage privé Pierre Cayer/Robin Edwards s'aligne sur un modèle identique. Ces coupés à transmission classique ont un moteur six cylindres en ligne de 2393 cm3 d'une puissance de 150 chevaux et pèsent un peu plus d'une tonne. De nombreux indépendants participent sur des modèles de type Bluebird 1600SSS, notamment Randy Black/Tom Burgess et John Smiskol/Bernie Rekus. Parfois dénommées 510, ces berlines à transmission classique sont animées par un quatre cylindres de 1595 cm3 délivrant 105 chevaux[6].
Ford
John Buffum a récupéré deux Ford Escort de rallye accidentées, assemblant la moitié gauche de l'une et la moitié droite de l'autre ! Il a ensuite monté un nouveau moteur Cosworth BDA de 1798 cm3 (d'une puissance supérieure à 200 chevaux) et d'une boîte cinq vitesses ZF, disposant ainsi d'une Escort RS1600 groupe 2 techniquement identique aux modèles d'usine. Cette berline à transmission classique pèse un peu plus de 900 kg. Buffum est navigué par William Potvin[4].
Dodge
Basée à Ann Arbor, l'équipe Samida Racing a engagé trois Colt. Fabriquées par Mitsubishi, ces berlines compactes sont importées sous la marque Dodge et son dotées d'un moteur quatre cylindres de 1597 cm3 développant 100 chevaux[6]. L'une des trois voitures est aux mains du responsable de l'écurie, Tom Samida, navigué par Brian Fox. Les deux autres sont confiées aux équipages Paul MacLennan/Tom Grimshaw et Jim Doidge/Harry Ward.
Jeep
Fondée par Gene Henderson, l'écurie Competition Limited a engagé deux Jeep Wagoneer, des véhicules tout-terrain à transmission intégrale, catégorie pour la première fois autorisée au départ de cette épreuve. Pesant plus de 2200 kg, ils sont dotés d'un V8 spécialement préparé, d'une cylindrée de 5,3 litres, la puissance maximale étant de l'ordre de 235 chevaux. Leur différentiel inter-ponts Ferguson, à glissement limité, permet une utilisation permanente des quatre roues motrices, un atout important sur les pistes glissantes. Henderson est secondé par Ken Pogue, la deuxième voiture étant confiée à Erhard Dahm/Jim Callon[7].
Volvo
Le SCCAA Team Volvo aligne une berline deux portes 142 S pour James Walker/Terry Palmer. La marque suédoise est également représentée par l'équipage privé Dick Zwitzer/Gail McGuire, sur une berline quatre portes 164 E, à moteur six cylindres de trois litres.
Quelques équipages privés s'alignent sur des anciennes Corvair, à moteur arrière six cylindres. Parmi eux, Dean Walker et Jerry Rosegger disposent d'un modèle préparé par Yenko.
Les soixante-dix-sept concurrents s'élancent de Détroit le jeudi matin. La première épreuve chronométrée se dispute dans le parc de Belle Isle. Aux commandes de sa Ford Escort, John Buffum s'y montre le plus rapide , précédant d'une poignée de secondes la Lancia d'Harry Källström et la Datsun de Guy Vanier. Ce n'est qu'en fin d'après-midi qu'a lieu la spéciale suivante, au nord de la péninsule, après deux cents kilomètres de parcours de liaison. Källström et Buffum y font pratiquement jeu égal, l'Américain conservant le commandement de la course. Dans les secteurs suivants, Buffum creuse nettement l'écart sur ses adversaires, portant son avance à près de deux minutes aux abords de Grayling (Michigan). Toujours deuxième, Källström est désormais talonné par Gene Henderson, qui se montre très performant au volant de sa très lourde Jeep Wagoneer, dont il exploite parfaitement l'excellente motricité sur les parties boueuses. Vient ensuite le coupé Datsun de Tom Jones, qui précède de peu son coéquipier Guy Vanier. Après un excellent début de course, Dean Walker a déjà renoncé, le différentiel de sa Chevrolet Corvair ayant lâché. Källström hausse alors le rythme et va dominer les quatre épreuves suivantes, se rapprochant à une minute de son adversaire avant le regroupement du soir, à Mio. Sur les pistes de gravier, Henderson n'a pu tenir la cadence des deux premiers. Il conserve la troisième place mais accuse désormais plus de trois minutes de retard. Jones et Vanier sont à près de cinq minutes du leader, la Volvo de James Walker occupant la sixième place.
Après la pause repas, les équipages abordent le parcours nocturne, en direction de Saint-Ignace. Källström revient peu à peu sur la Ford ; peu après minuit, alors que cinquante-trois secondes séparent les deux favoris, Buffum manque un virage et effectue un tonneau, endommageant la direction de son Escort. Il parvient à repartir et à terminer la spéciale, ayant perdu une dizaine de minutes et plusieurs places. Källström est en tête, avec près de quatre minutes et demie d'avance sur Henderson et plus de sept sur les Datsun de Jones et Vanier. Sa voiture étant désormais difficile à contrôler, Buffum va sortir une nouvelle fois de la piste, heurtant un arbre. Le pilote américain reprend cependant la course, désormais en onzième position. Bien que retardé par une fuite au réservoir de carburant, Henderson se maintient en deuxième position mais c'est avec plus d'onze minutes de retard sur la Lancia qu'il achèvera l'étape. Troisième, Jones est quatre minutes plus loin, alors que son coéquipier Vanier a dû renoncer peu avant Saint-Ignace, une pierre ayant gravement endommagé un bras de suspension avant. C'est désormais Walker qui détient la quatrième place, à seulement quelques secondes de la Datsun, alors que Buffum est remonté en sixième position, derrière la Datsun de Karl Goering. Quarante-huit voitures restent encore en lice.
Les concurrents reprennent la piste le vendredi soir, après une journée de repos. Goering part en tonneaux dès le premier secteur chronométré et inaugure la liste des abandons de la soirée. Confortablement installé en tête, Källström se contente de gérer son avance sur Henderson, qui va se montrer le plus rapide dans presque toutes les épreuves chronométrées jusqu'au regroupement de Newberry. Très bien parti, Walker avait momentanément pris la troisième place, avant d'effectuer un tonneau. Sa Volvo est peu endommagée, mais il a perdu quelques minutes, permettant à Jones de reprendre l'avantage. Buffum est maintenant cinquième, devant la Jeep d'Erhard Dahm et la Dodge de Tom Samida.
Les concurrents repartent après deux heures de pause. Cannelures de colonne de direction endommagées, Buffum ne peut plus utiliser son volant. Il regagne lentement le point d'assistance en actionnant la barre avec une clef à molette, avant d'abandonner. Durant la nuit, Källström accentue régulièrement son avance sur Henderson. Une erreur de parcours va coûter quelques minutes supplémentaires de retard au pilote de la Jeep, et c'est avec un avantage de dix-huit minutes et demie que l'équipage de la Lancia s'apprête à boucler l'étape. Mais une défaillance du circuit de freinage, due à des projections de sable, va obliger le Suédois à lever le pied. Près de Manistique, il est surpris par un virage masqué par une crête. Il l'aborde en cinquième et, privé de freins, heurte le talus et effectue une série de tonneaux. Il parvient à repartir mais, radiateur percé et ventilateur hors d'usage, l'abandon est inévitable. Henderson se retrouve en tête, avec quatorze minutes d'avance sur Jones et vingt-sept sur Dahm. Dick Zwitzer (Volvo) et Tom Samida (Dodge) viennent ensuite, alors que Walker a perdu du terrain et rétrogradé en huitième position. Les équipages rallient Saint-Ignace en début de matinée, sans changement notable parmi les hommes de tête, Henderson se contentant désormais de gérer son avance, ménageant son moteur. Il ne reste plus que vingt-sept voitures en course.
Les équipages restant en lice repartent de Saint-Ignace le samedi soir, pour une dernière étape nocturne. Seulement cinq courtes épreuves spéciales sont prévues jusqu'au regroupement de Grayling. Dans la boue, les Jeep se montrent à leur avantage, Henderson et Dahm se partageant les meilleurs temps. Le classement général reste inchangé, Henderson ralliant le parc fermé avec près de quatorze minutes d'avance sur la Datsun de Jones.
Les équipages repartent au milieu de la nuit, après deux heures et demie de pause. Samida (qui occupait la cinquième place juste devant son coéquipier Jim Doidge) n'effectue que quelques kilomètres avant de renoncer, la barre de direction de sa Dodge ayant cédé. Ce sera le seul évènement notable avant l'arrivée à Alma, que les concurrents atteignent à l'aube du dimanche matin. Les pluies importantes ont totalement détrempé les pistes de la région et l'ultime épreuve chronométrée, prévue en fin de matinée, sera finalement annulée à la suite de l'enlisement de la Jeep du directeur de course[4] ! Henderson remporte sa troisième victoire dans cette épreuve, devant la Datsun de Jones. C'est la première fois qu'une voiture à quatre roues motrices s'impose à ce niveau de compétition. Vingt-et-un concurrents ont rallié l'arrivée.
attribution des points : 20, 15, 12, 10, 8, 6, 4, 3, 2, 1 respectivement aux dix premières marques de chaque épreuve (sans cumul, seule la voiture la mieux classée de chaque constructeur marque des points)[8].
sur dix épreuves qualificatives prévues pour le championnat international des marques 1972, neuf ont été maintenues au calendrier : devant se dérouler du 19 au 24 juin, la 32e édition de la Coupe des Alpes a été annulée, faute d'un nombre suffisant de participants[9].
↑Le championnat international des rallyes pour marques (IRCM) a succédé au championnat européen des rallyes pour marques (ERCM), créé en 1968.
↑John Davenport devait initialement être le copilote de Sergio Barbasio, sur la Lancia n°102. La Scuderia Lancia n'ayant finalement aligné qu'une seule voiture, Davenport a remplacé Gunnar Häggbom, copilote habituel d'Harry Källström.