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    Sarraute Enfance

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    Le document décrit une expérience intense de joie ressentie par la narratrice alors qu'elle était assise dans un jardin avec son père et une amie. Elle tente de trouver les mots justes pour décrire cette sensation d'extase et de plénitude liée à la beauté de son environnement.

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    Description originale:

    enfance

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    Pourquoi vouloir faire revivre cela, sans mots qui puissent parvenir capter, retenir ne serait-ce qu'encore quelques

    es instants ce qui m'est arriv... comme viennent aux petites bergres les visions clestes... mais ici aucune sainte apparition, pas de pieuse enfant... J'tais assise, encore au Luxembourg, sur un banc du jardin anglais, entre mon pre et la jeune femme qui m'avait fait danser dans la grande chambre claire de la rue Boissonade. Il y avait, pos sur le banc entre nous ou sur les genoux de l'un d'eux, un gros livre reli... il me semble que c'taient les Contes d'Andersen. Je venais d'en couter un passage ... je regardais les espaliers en fleurs le long du petit mur de briques roses, les arbres fleuris, la pelouse d'un vert tincelant jonche de pquerettes, de ptales blancs et roses, le ciel, bien sr, tait bleu, et l'air semblait vibrer lgrement... et ce moment-l, c'est venu... quelque chose d'unique... qui ne reviendra plus jamais de cette faon, une sensation d'une telle violence qu'encore maintenant, aprs tant de temps coul, quand, amoindrie, en partie efface elle me revient, j'prouve... mais quoi? quel mot peut s'en saisir? pas le mot tout dire bonheur , qui se prsente le premier, non, pas lui... flicit , exaltation , sont trop laids, qu'ils n'y touchent pas... et extase ...comme devant ce mot ce qui est l se rtracte... Joie , oui, peut-tre... ce petit mot modeste, tout simple, peut effleurer sans grand danger... mais il n'est pas capable de recueillir ce qui m'emplit, me dborde, s'pand, va se perdre, se fondre dans les briques roses, les espaliers en fleurs, la pelouse, les ptales roses et blancs, l'air qui vibre parcouru de tremblements peine perceptibles, d'ondes... des ondes de vie, de vie tout court, quel autre mot?... de vie l'tat pur, aucune menace sur elle, aucun mlange, elle atteint tout coup l'intensit la plus grande qu'elle puissejamais atteindre... jamais plus cette sorte d'intensit-l, pour rien, parce que c'est l, parce que je suis dans cela, dans le petit mur rose, les fleurs des espaliers, des arbres, la pelouse, l'air qui vibre ... je suis en eux sans rien de plus, rien qui ne soit eux, rien moi.

    Nathalie Sarraute, Enfance, Gallimard, 1983, p.64-65.

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