Blyton Enid Histoires Du Bout Du Banc

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HISTOIRES
DU BOUT DU BANC
par Enid BLYTON
QUI est donc ce monsieur assis au bout du
banc dans le jardin? Pourquoi les enfants
accourent-ils vers lui ds qu'ils l'aperoivent ?
Parce
qu'il
connat
des
histoires
merveilleuses!
Celle de Gaspard qui a vol le pot de miel de
la mre Philomne et qui a t bien attrap! Celle
du pauvre petit cochon ros, si petit que personne
n'en voulait! Celle de l'cureuil Friquet qui venait
chiper les noix dans le compotier de la salle
manger! Celle de Benot qui tait si tourdi !...
Et bien d'autres encore ! Lorsque le
monsieur aux histoires arrive dans le jardin, tous
les enfants en oublient de jouer !

Ce livre porte le label MINIROSE, c'est--dire qu'il


intresse les enfants ds qu'ils savent lire, et qu'il peut
aussi bien leur tre lu haute voix.

DU MME AUTEUR
dans la mme srie
dans la Bibliothque Rose
1. Bonjour les Amis !
2. Histoire de la lune bleue
3. Histoires de la boite de couleurs
4. Histoires de la cabane outils
5. Histoires de la maison de poupes
6. Histoires de la pipe en terre
7. Histoires de la ruche miel
8. Histoires de la veille Horloge
9. Histoires des ciseaux d'argent
10.
Histoires des quatre Saisons
11.
Histoires des trois loups de mer
12.
Histoires du bout du banc
13.
Histoires du cheval bascule
14.
Histoires du coffre jouets
15.
Histoires du coin du feu
16.
Histoires du fauteuil bascule
17.
Histoires du grenier de grand-mre
18.
Histoires du marchand de sable
19.
Histoires du sac malices
20.
Histoires du sapin de nol

ENID BLYTON

HISTOIRES
DU BOUT DU BANC
ILLUSTRATIONS DE JEANNE HIVES

HACHETTE
312
4

TABLE

Prologue
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.

Je ne veux pas !
Le canard blanc de Michel
Le pot de miel magique
Une heureuse surprise
Un soir de pluie
Attention ! Taureau dangereux !
Pauvre petit cochon rose !
Qui est le voleur?
La petite souris en sucre
Quel tourdi !
La petite poule blanche
Le cerf-volant
Le chapeau de l'oncle Charles
Antoine et la pie

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PROLOGUE
QUATRE HEURES sonnent. Au moment
o retentit le dernier coup, un vieux monsieur
entre dans le parc public et s'assied sous un
arbre, au bout du banc. C'est sa place prfre.
Ds qu'il est assis, un grand remue-mnage
se fait dans les branches. On entend un bruit
d'ailes, des ppiements aigus. C'est que les
oiseaux du parc le connaissent bien, le vieux
monsieur! Ils savent qu'il leur apporte leur
goter. Une nue de moineaux, de pinsons, de
msanges s'abat autour du banc dont l'occupant
miette un gros morceau de pain.

La dernire miette disparue, les oiseaux


s'envolent. Dans les arbres, ils remercieront
d'une chanson leur gnreux ami.
Mais voici la sortie de l'cole. Une troupe
d'enfants turbulents vient remplacer moineaux,
pinsons et msanges. Ils fondent sur l'occupant
du bout du banc en rclamant grands cris des
histoires.
Il en sait de si belles, le vieux monsieur ! Et
il est toujours prt les raconter. Les petites
filles s'installent sur le banc, cte cte,
comme des hirondelles perches sur un fil
tlgraphique, les garons s'assoient par terre et
un monde merveilleux s'ouvre devant, eux.

1. JE NE VEUX PAS!

SOPHIE, qui avait huit ans, tait une


enfant gte. Sa mre, trop indulgente,
l'avait toujours laisse faire tout ce qu'elle
voulait.
Quand elle demandait Sophie de lui
rendre un service, la petite fille faisait la
moue, fronait les sourcils et rpondait
invariablement: Je ne veux pas !

Je suis trs occupe, dit un jour sa


mre. Je n'ai pas le temps d'aller mettre
cette lettre la bote. Vas-y ma place.
Je ne veux pas ! rpondit une fois
de plus Sophie.
Quand on prononce souvent de telles
paroles, on en prend l'habitude, et bientt
Sophie s'criait cent fois par jour : Je ne
veux pas !
Quelle enfant dsagrable !
murmuraient les gens. Elle est vraiment trop
gte!
Aprs s'tre efforce, sans rsultat, de
lui faire perdre cette mauvaise habitude, sa
mre lui parla trs svrement.
Sophie, dclara-t-elle, je n'aime pas
cette faon que tu as de rpondre toujours :
Je ne veux pas ! Essaie de t'en corriger!

Je ne veux pas ! rpliqua aussitt


Sophie.
Que faire d'une enfant pareille?
Un jour Sophie, qui se promenait dans
les champs, s'engagea dans un chemin
qu'elle ne connaissait pas. Aprs avoir
march quelques minutes, elle arriva devant
une maison de forme trange. Dans le jardin
se trouvait un puits, et une vieille femme
s'efforait de tirer un seau d'eau.
Viens donc m'aider, petite, dit-elle
Sophie.
Je ne veux pas ! rpondit aussitt
celle-ci.
La vieille femme frona les sourcils.
Non sans peine, elle sortit son seau du puits
et le posa sur la, margelle.
Je suis trs fatigue aujourd'hui. Tu

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pourrais le porter dans la maison, repritelle.


Je ne veux pas! rpondit, bien
entendu, Sophie.
Quelle vilaine enfant! s'cria la
vieille dame. On croirait que tu ne sais dire
que : Je ne veux pas ! Tu ne peux pas
essayer de prononcer d'autres paroles?
Je ne veux pas ! riposta Sophie.
Bien, trs bien ! dit la vieille femme.
Puisqu'il en est ainsi, rpte Je ne veux
pas! toute la journe. Tu en auras
peut-tre bientt assez !
Elle prit son seau, monta l'alle du
jardin, entra dans sa maisonnette et referma
la porte. Sophie resta seule, un peu effraye.
Elle avait remarqu que la vieille femme
avait d'tranges yeux verts... Si c'tait une
fe?

11

Elle s'en alla le plus vite qu'elle put et


retrouva bientt son chemin. En retournant
chez elle, elle rencontra Jeannette, sa
camarade d'cole.
Sophie, viens goter la maison,
proposa Jeannette. C'est le baptme de ma
poupe neuve. Maman a fait un gteau et
nous aurons des drages.
Je ne veux pas ! rpondit Sophie
sa grande surprise.
Elle aurait pourtant bien voulu accepter
l'invitation. Jeannette lui avait parl de cette
poupe neuve qui marchait et disait
maman . La promesse d'un bon goter ne
laissait pas Sophie indiffrente. De plus,
elle aimait beaucoup les drages.
Eh bien, reste chez toi ! rpliqua
Jeannette vexe. Tant pis pour toi !
Sophie continua sa route, fort
mcontente.

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Sa maman l'attendait devant la porte de


la maison.
Chrie! s'cria-t-elle ds qu'elle
l'aperut. Je viens de passer devant la
confiserie, et j'ai vu la vitrine des gros
berlingots rouges et blancs. Tu sais, ceux
que tu aimes tant. Voici l'argent. Prends-en
un sac.
Je ne veux pas ! rpondit Sophie.
Sa maman la regarda avec tonnement.
13

Sophie n'tait pas moins surprise. Elle


n'avait pas eu l'intention de refuser. Les
berlingots taient ses bonbons prfrs, et l
confiserie sentait si bon la vanille et le
caramel ! Elle voulait dire : Je veux bien !
Mais de nouveau sa langue avait rpt :
Je ne veux pas !
Si tu ne veux pas acheter des
berlingots, tu n'y es pas oblige, dclara sa
maman. Quelle enfant capricieuse tu es ! Je
vais donner l'argent Philippe, notre petit
voisin. Il sera bien content !
Sophie, les larmes aux yeux, monta sa
chambre. Dans l'escalier, elle croisa Marie,
la femme de mnage.
Je viens de faire une crme au
chocolat se lcher les doigts! annona
Marie. Venez la cuisine racler le fond de
la casserole.

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Sophie n'aurait pas demand mieux^


mais ainsi que vous le devinez, sa langue ne
put que rpondre : Je ne veux pas !
Moi qui croyais vous faire plaisir !
s'cria Marie vexe.
Et elle descendit l'escalier, avec des airs
de reine offense.
Pauvre Sophie! Quelle mauvaise journe
elle passa ! Tous ceux qu'elle connaissait
semblait-il,
avaient
quelque
chose
d'agrable lui offrir, et elle ne pouvait
rpondre que : Je ne veux pas !
Le soir venu, elle avait exaspr parents
et amis.
Va te coucher ! ordonna sa mre ds
que le dner fut termin. Monte tout de suite
ta chambre!
Je ne veux pas ! rpliqua Sophie.
Mais elle fut bien oblige d'obir.

15

Elle se coucha et elle pleurait, le visage


dans son oreiller, quand on frappa la
porte. Devinez qui entra ? La vieille femme
que la petite fille avait vue prs de son puits
et qu'elle avait refus d'aider.
Bonsoir ! commena-t-elle. Tu as eu
beaucoup d'ennuis avec ta langue, n'est-ce
pas ? Tu serais contente de changer un peu
de phrase? Tu aimerais parler poliment ?
Sophie ne rpondit pas. Elle savait que
si elle ouvrait la bouche, sa langue dirait :
Je ne veux pas ! Et elle souhaitait tre
gentille et polie. Elle le souhaitait de toutes
ses forces !
Eh bien, reprit la vieille dame, voil ce
que je te propose : tu auras le droit de
rpondre Je ne veux pas une seule fois
par jour. Le reste du temps, tu pourras

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donc accepter les bonnes choses qu'on


t'offre. Mais je t'avertis : si tu as le malheur
de rpondre Je ne veux pas, plus d'une
fois dans la journe, ta langue ne pourra
plus jamais dire autre chose !
Merci! s'cria Sophie. Je regrette
d'avoir t si impolie avec vous ! La
prochaine fois que quelqu'un me demandera
un service, je l'aiderai tout de suite!
C'est entendu ! dclara la vieille
dame en souriant. Au revoir ! Viens me voir
un de ces jours. J'espre que ta langue
trouvera me dire quelque chose de plus
aimable que : Je ne veux pas !
Ce ne fut pas sans peine que Sophie
perdit l'habitude d'tre impolie et insolente.
Mais elle savait ce qui l'attendait si elle
disait : Je ne veux pas ! plus d'une fois
par jour ! Aussi faisait-elle bien attention!

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Peut-tre maintenant ne risque-t-elle


plus rien.
Elle a plusieurs fois cherch retrouver
la maisonnette au puits; elle voudrait
annoncer la vieille dame aux yeux verts
qu'elle est corrige de ses vilains dfauts. Si
elle y arrive, nous lui demanderons le
chemin. En effet, Ginette aurait bien besoin
d'aller faire un petit tour l-bas. Je l'ai
entendue dire trois fois Je ne veux pas !
ce matin !

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2. LE CANARD BLANC DE MICHEL

MICHEL avait un canard vivant qui


n'appartenait qu' lui et qu'il nommait Titi.
Quand on le lui avait donn, ce n'tait
encore qu'un caneton jaune, et personne ne
s'tait dout qu'il changerait tout en
grandissant.
D'abord ce ne fut qu'un amour de petit

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oiseau jaune qui ppiait toute la journe.


Dans un coin du jardin, M. Martin, le papa
de Michel, lui avait fait un enclos avec un
abri pour y dormir. Michel n'oubliait jamais
de lui donner manger et de renouveler
l'eau du bol qui lui servait de baignoire.
Et tout coup, Titi se mit grandir. Au
mois d'aot, c'tait dj un canard de belle
taille. Des plumes d'un blanc de neige
avaient remplac son joli duvet jaune. Il ne
ppiait plus, mais lanait des coin-coin
sonores et joyeux.
Papa fut oblig d'agrandir l'enclos. A
mesure que les jours passaient, le canard
continuait grandir. Il ne pouvait plus
barboter dans le bol, ni mme dans la
cuvette que maman avait donne pour lui.
Papa, si nous creusions un petit tang

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pour Titi? demanda un jour Michel. Je


pourrais t'aider, tu sais !
Non, je ne creuserai pas d'tang pour
ce canard bruyant ! rpondit M. Martin. Il
est trop grand pour nous maintenant,
Michel. Il faudra le donner !
Donner mon canard ! s'cria Michel,
les larmes aux yeux. C'est impossible ! On
ne le soignerait pas bien, peut-tre ! Il ne
serait pas heureux!

Il est vraiment trop grand


maintenant! rpta M. Martin. Et il fait trop
de bruit avec ses coin-coin! Il rveille ta
petite sur.
Papa, si nous lui creusions un tang
rien que pour lui, il serait plus content et se
tiendrait plus tranquille, dclara Michel.
J'en suis sr, il fait coin-coin pour demander
de l'eau. Il a envie de barboter.

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Voyons, Michel si nous rapportions


Titi la fermire? proposa M. Martin. C'est
elle qui te l'a donn quand il n'tait encore
qu'un caneton. Elle acceptera srement de
l reprendre. Chez elle, il trouvera une
grande mare et des compagnons de jeu !
Michel n'insista pas. Il comprenait que
son papa tait bien dcid se dbarrasser
du canard et que ni larmes ni prires ne le
feraient changer d'avis. Mais il avait
beaucoup de chagrin. traversa lentement
le jardin pour aller avertir Titi.
Coin-coin ! cria gaiement celui-ci,
heureux de voir son ami.
Bonjour, rpliqua Michel. Mon
pauvre Titi, je suis bien malheureux! Tu vas
nous quitter ! Tu iras habiter la ferme, je
ne te verrai plus !

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Coin-coin ! rpondit le canard en


donnant Michel un affectueux petit coup
de bec.
Le lendemain, Titi, enferm dans un
panier, fut emport la ferme. Michel
l'accompagna, le cur serr. Titi se
demandait ce qui lui arrivait. Mais quand il
vit les autres canards, il poussa des cris de
joie et s'lana vers la mare de sa dmarche
dandinante, si vite qu'il trbucha sur ses
pattes palmes.
Tu vois ! dit M. Martin tourn vers
Michel. Ton canard est content!
Je lui manquerai, j'en suis sr!
protesta Michel. Il ne sera pas
compltement heureux sans moi !
Allons donc ! riposta M. Martin en
riant, et il ramena Michel la maison.
Michel ne se trompait pas! Le
lendemain,

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Titi jeta un coup d'il autour de lai et


pensa : O est Michel? O est l'enclos qui
n'appartenait qu' moi? O est le jardin que
je connais si bien? Et surtout, o est
Michel?
Pour mieux rflchir, il s'installa au
soleil. Il aimait Michel et voulait le revoir.
Il le voulait absolument! Pour cela, il n'avait
qu'un moyen. Traversant la cour de la
ferme, il se glissa sous la barrire et
s'engagea dans le chemin, prt tout pour
retrouver Michel et son jardin.
Coin-coin ! faisait-il en se dandinant.
Coin-coin !
Il suivit jusqu'au bout le chemin et
atteignit enfin la maison des Martin.
Personne n'assista son arrive, Michel
tait l'cole, M. Martin son bureau.
Mme Martin avait abandonn un instant

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son repassage pour aller parler une


voisine. Brigitte, la petite sur de Michel,
ge de quelques mois, dormait dans sa
voiture sous un arbre du jardin.
Coin-Coin ! appela Titi qui se
faufila dans une brche de la haie.
Il regarda autour de lui, dans l'espoir de
voir Michel. Son ami n'tait pas l. Mais il
entendit un grand vacarme. Deux

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chevaux de la ferme montaient le


chemin au galop.
Quelqu'un, en sortant, avait oubli de
fermer la barrire, et les chevaux avaient
quitt la ferme. Heureux de leur libert, ils
jourent se poursuivre. Et voil que l'un
d'eux vit la grille que Mme Martin avait
laisse ouverte et entra dans le jardin. Le
canard comprit que le bb tait en danger.
Le cheval ne renverserait-il pas la petite
voiture? Quels dgts il faisait dj en
pitinant la jolie pelouse et les platesbandes de ptunias et de graniums!
Il n'y avait qu'une seule chose faire,
Titi le savait. Toujours quand il lanait de
trop bruyants coin-coin, Mme Martin se
penchait la fentre pour le gronder :
Chut ! Chut ! Tu vas rveiller le bb !
S'il pouvait attirer son attention, elle

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verrait le cheval qui galopait dans le


jardin et viendrait au secours de sa petite
fille. Bien entendu, Titi ne savait pas que
Mme Martin n'tait pas chez elle.
Il se mit crier de toutes ses forces. Si
vous l'aviez entendu!
Coin-coin! Coin-coin! COIN-COIN!
Mme Martin, du seuil de la maison
voisine, l'entendit.
Tiens ! s'cria-t-elle surprise. On dirait
notre canard. Mais c'est impossible ! Hier
mon mari l'a emport la ferme !
Coin-coin! Coin-coin! COIN-COIN!
criait dsesprment-Titi, comme le cheval
quittait la pelouse et se dirigeait tout droit
vers la petite voiture.
C'est srement notre canard!
s'exclama Mme Martin.
Elle rentra en courant chez elle pour se

27

rendre compte et elle vit le cheval en


libert dans le jardin.
II va renverser la voiture de
Brigitte ! cria-t-elle, il va renverser la
voiture !
Elle ramassa un bton, courut vers le
cheval et le poussa en direction de la grille.
Il partit au galop et retourna vers la ferme
o son compagnon l'avait dj prcd.
Mme Martin ferma la grille. Elle tait
ple de frayeur. Michel, qui revenait de
l'cole, demanda ce qui se passait.
Michel, expliqua sa mre, un des
chevaux de la ferme est entr dans le jardin
tout l'heure pendant que j'tais chez la
voisine. Une minute de plus et il renversait
la voiture de Brigitte.
Comment as-tu su qu'il tait l?

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interrogea Michel. Brigitte a pleur? Tu


l'as entendue?
Non, c'est ton canard qui m'a alerte,
rpliqua sa mre. Imagine un peu, Michel !
Il a d quitter la ferme et remonter le
chemin pour te retrouver. Quand il a vu le
cheval, il a voulu m'avertir. Il y a russi !
Mon bon Titi ! s'cria Michel qui
prit le canard blanc dans ses bras. Tu as
sauv ma petite sur ! Maman, je voudrais
bien garder mon canard! Tu vois, il ne peut
pas vivre sans moi. Il a quitt la ferme pour
me retrouver!
Il ne te quittera plus ! dclara
Mme Martin en caressant les belles plumes
blanches. Lorsqu'il saura que Titi m'a
avertie du danger, ton pre acceptera
srement de le garder !

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Mme Martin raconta son mari ce qui


s'tait pass. Devinez ce que M. Martin fait
cette semaine avec l'aide de Michel? Ils
creusent un joli petit bassin pour Titi qui,
bien sr, restera avec Michel. Le canard
sera content d'avoir un bassin pour lui tout
seul!
Coin-coin ! rpte-t-il sans cesse. Je
fais partie de la famille. Jamais je ne
quitterai Michel. Coin-coin-coin !

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3. LE POT DE MIEL MAGIQUE

UN SOIR, Gaspard traversait le village


pour rentrer chez lui quand il aperut de la
lumire dans la maison de Mre Philomne.
Il s'arrta afin de rflchir un moment.
Je vais m'approcher de la fentre
pour voir ce qui se passe l'intrieur.

31

Le grand-pre de Mre Philomne tait


sorcier. On dit qu'il lui a appris des
quantits de charmes magiques. Je verrai
peut-tre quelque chose d'intressant 1
Il monta l'alle du jardin sur la pointe
des pieds et s'approcha de la fentre.
Dans sa cuisine, Mre Philomne coupait
des tranches de pain qu'elle posait l'une
aprs l'autre sur la table.
C'est sans doute pour le dner de ses
enfants, pensa Gaspard en les comptant.
Une, deux, trois, quatre, cinq, six, sept! Oui,
elle a trois garons et quatre filles. Elle ne
leur donne que du pain sec pour leur dner ?
Pauvres petits !
Il suivait tous les gestes de Mre
Philomne. Il la vit prendre un petit pot bleu
orn de trois marguerites hanches et lui
parler comme s'il pouvait la comprendre.

32

Il suivait tous les gestes de Mre Philomne.

33

Donne-moi du miel jaune et doux !


Pour une fois rgalons-nous !
A la grande surprise de Gaspard, le pot
chappa la main de Mre Philomne, se
pencha au-dessus d'une tranche de pain et y
versa une paisse couche de miel dor. Puis
il passa la seconde et s'occupa ensuite de
la troisime.
Comment un si petit pot peut-il
contenir tant de miel ? se demanda Gaspard
au comble de l'tonnement. Quelles belles
tartines il laisse derrire lui! Ce miel a l'air
bien bon ! J'en ai l'eau la bouche !
Soudain Mre Philomne aperut
Gaspard derrire la vitre. Pendant que le
petit pot bleu orn de marguerites blanches
arrosait la dernire tranche de pain, elle
courut la fentre en criant d'un ton irrit.
Gaspard disparut aussitt. Il courut

34

chez lui de toute la vitesse de ses


jambes. Mre Philomne lui faisait peur!
Mais il ne pouvait oublier le
merveilleux pot bleu ! Quel bonheur
d'avoir, quand on en a envie, un miel si dor
et si pais ! Les enfants de Mre Philomne
avaient bien de la chance ! Souvent Gaspard
les voyait en train de mordre dans
d'normes tartines de miel. Il comprenait
pourquoi maintenant.
Le surlendemain, Gaspard se fit un gros
gteau de riz. Lorsqu'il le gota, il s'aperut
qu'il avait oubli d'y mettre du sucre.
Croyez-moi, un gteau de riz sans sucre, ce
n'est pas bon du tout !
Si je pouvais emprunter le pot bleu
aux marguerites blanches ! pensa Gaspard
avec envie. Je verserais du miel sur mon
gteau de riz, et ce serait le meilleur que

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j'aurais jamais mang ! Je me demande


si Mre Philomne me prterait son pot !
Au mme moment, quelqu'un passa
devant la porte de la maisonnette : c'tait
Mre Philomne en personne. Elle allait
rendre visite son amie Mre Jacotte.
Gaspard la suivit des yeux pendant qu'elle
descendait la rue du village. Une ide
naquit dans son esprit.
Je pourrais bien emprunter le pot bleu
pour quelques minutes, pensa-t-il. Personne
ne le saurait! Puisque c'est un pot magique,
le miel ne cessera jamais de couler. Si j'en
prends un peu, je ne ferai aucun tort Mre
Philomne !
II rflchit pendant un moment, les
yeux fixs sur son gteau sans sucre. Puis il
le mit dans le four pour le tenir au chaud et
sortit en courant.

36

Je vais vite prendre le pot bien avant


de-changer d'ide! pensa-t-il. Je recouvrirai
de miel mon gteau de riz, ensuite je
rapporterai aussitt le pot chez Mre
Philomne. Cours, Gaspard, cours !
II ne lui fallut pas longtemps pour
atteindre la maisonnette de Mre
Philomne. En partant, la propritaire avait
ferm la porte clef, mais une fentre tait
entrebille. Gaspard passa le bras
l'intrieur pour saisir sur l'tagre le petit
pot bleu. L! Il l'avait! Chose trange, le pot
tait vide!
Je vais marcher lentement, dcida
Gaspard. Si je courais, je pourrais tomber et
le casser !
Il cacha le pot sous sa veste et retourna
chez lui en prenant bien soin de ne pas
trbucher.

37

Son cur battait trs fort !


Il posa le pot sur la table et sortit le
gteau de riz du four.
Dans une minute.! tu seras dlicieux!
dit-il au gteau qu'il plaa au milieu de la
table.
Il prit le pot et lui parla d'un ton
solennel, ainsi que l'avait fait Mre
Philomne.

38

Donne-moi du miel jaune et doux !


Pour une fois rgalons-nous !
chantonna-t-il.
Le pot bleu chappa aussitt sa main
et se pencha sur le gteau. A la grande joie
de Gaspard, un flot de miel dor tomba sur
le riz sans sucre. Que ce serait bon!
L, l ! C'est suffisant ! Merci, petit
pot bleu ! s'cria enfin Gaspard. N'en verse
plus ! Sans cela le miel coulera sur la
table!
Le pot ne lcouta pas. Il continua
verser le miel dor qui maintenant dbordait
du plat.
Tu n'as pas entendu ? insista Gaspard.
Arrte-toi, pot bleu! Tu vas salir ma
nappe!
Mais le pot ne s'arrta pas. Toujours

39

pench, il continuait dverser des flots


de miel dor. Gaspard fut pris de colre. Il
voulut saisir le pot. Celui-ci se dplaa dans
les airs et le miel coula ailleurs.
Assez, pot bleu ! Ne remplis pas mon
fauteuil de miel ! hurla Gaspard. Regarde ce
que tu as fait ! Mon coussin est perdu ! Oh !
mon pauvre fauteuil ! Va-t'en de l !
II voulut de nouveau empoigner le pot,
ses efforts furent vains. Le pot fuyait les
doigts qui cherchaient le saisir et s'envola
au-dessus de la bassine o, dans une eau
savonneuse, trempait le linge de Gaspard.
Attention ! cria Gaspard effray. Pas
sur la lessive, je t'en prie ! Tu ne vois pas ce
que tu fais? Tu dois verser du miel sur des
tranches de pain, des tartes, des gteaux de
riz sans sucre, pas sur des

40

fauteuils et du linge ! Mchant pot


bleu! Attends que je t'attrape! Je te casserai
en deux !
II fit un bond. Le pot fut plus rapide
que lui et, cette fois, s'arrta au-dessus de la
carpette toute neuve.
Le miel pais et gluant continuait
couler. Au dsespoir, Gaspard essaya de
retirer sa carpette. Mais il se trouva bientt
au milieu d'une mare de miel qui
s'largissait sur le parquet.
L'inquitude de Gaspard croissait de
minute en minute. Que faire pour imposer
sa volont ce pot bleu ? Il fallait pourtant
mettre fin cette inondation !
J'ai une ide ! pensa Gaspard. O est
mon filet crevettes? Je vais m'en servir
pour attraper ce pot ! Quand je l'aurai, je le
casserai en mille morceaux! Oh! Ce miel !

41

C'est affreux de patauger dedans! On


dirait de la colle !
II se dirigea vers un coin de sa cuisine
et dcrocha son filet crevettes. Aussitt le
pot s'lana au-dessus de lui et versa du
miel sur sa tte et sa figure. C'tait horrible!
Furieux, Gaspard se mit crier de toutes ses
forces :
Je te briserai en mille morceaux ! Il
brandit son filet et manqua de peu

42

le but. Effray, le pot bleu s'loigna de


la porte et monta l'escalier en l'arrosant de
miel. Gaspard s'assit et fondit en larmes.
Que foire?
Soudain un trange glouglou se fit
entendre. Gaspard leva la tte. Un fleuve de
miel coulait le long de l'escalier. Il traversa
la cuisine, franchit la porte, descendit le
long de l'alle du jardin et envahit la rue.
Les passants s'arrtrent, frapps de stupeur.
Il ne fallut pas longtemps Mre
Philomne, qui venait de quitter son amie
Mre Jacotte, pour comprendre la raison de
cette inondation.
Gaspard s'est empar de mon pot bleu!
s'cria-t-elle. Le garnement! Je l'ai vu qui
m'piait derrire la vitre, l'autre soir,
pendant que je prparais les tartines

43

de mes enfants. Il avait bien mrit cette


leon!
Gaspard vit Mre Philomne et,
pataugeant dans le fleuve de miel, il se
dirigea vers la grille de son jardin.
Mre Philomne ! cria-t-il. Je suis trs
malheureux! Ce pot ne veut pas cesser de
verser du miel! Y a-t-il une formule
magique pour l'arrter?
Bien sr, rpondit Mre Philomne
Avant de voler un pot magique, il faut
connatre tous ses secrets, Gaspard.
Maintenant tu peux garder le pot bleu si tu
veux. J'en ai un autre beaucoup plus
grand. Tu dois tre dgot du miel, je
suppose?
Mre Philomne, je vous en supplie,
reprenez votre pot! implora Gaspard en
s'agenouillant au milieu du fleuve de miel.

44

Si vous acceptez, je ferai tout ce que


vous voudrez !
Bon ! Si tu promets de venir bcher
mon jardin pendant un an, de dsherber mes
carrs de carottes et d'arroser mes laitues,
j'ordonnerai au pot bleu de cesser de verser
du miel et je l'emporterai chez moi ,
dclara Mre Philomne.
Gaspard poussa un profond soupir. Il
dtestait le jardinage !
Je promets ! dit-il.- Ce sera pnible,
mais je le ferai!
Si tu manques ta promesse, je
renverrai le pot verser du miel sur ta tte !
annona Mre Philomne.
Tous ceux qui taient l clatrent de
rire.
Pot bleu, viens ici ! cria-t-elle.
Le pot sortit par une fentre du premier

45

tage et s'arrta au-dessus de Gaspard


qui fit un bond en arrire Mre Philomne
se mit chanter d'une voix forte : Petit pot
bleu, repose-toi ! Aprs le travail, c'est la
loi ! Le pot bleu aussitt fut vide, se
retourna pour montrer qu'il obissait et
s'envola en direction de la maisonnette o
se trouvait son tagre. Mre Philomne
savait qu'il regagnerait sa place habituelle.
Au revoir, Gaspard, dit-elle. Tu as un
grand nettoyage faire. Quand tu auras
fini, je crois que tu seras dgot du miel
pour longtemps !
Elle ne se trompait pas. Si vous voulez
faire fuir Gaspard, vous n'avez qu' lui ?
montrer un pot de miel !

46

4 . UNE HEUREUSE SURPRISE

DPCHE-TOI, Christine! Nous allons


manquer notre train ! cria Jrme. Que faistu donc? '
Je montre Suzanne les leons que
nous avons apprendre, rpondit sa sur
Christine. Elle nest pas venue ce matin
parce qu'elle a un gros rhume. J'en ai pour
une minute !

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Il lui fallut plus de temps que cela pour


renseigner son amie Suzanne. Quand elle
eut fini, elle rejoignit Jrme, et tous deux
coururent la gare prendre le train qui,
aprs l'cole, les ramenait chez eux. Quand
ils arrivrent sur le quai, ils entendirent
un coup de sifflet, et la locomotive s'branla
en poussant de bruyants teuf! teuf!
Attendez-nous ! cria Jrme.
Le mcanicien ne les entendit mme
pas, et un porteur les retint comme ils
s'lanaient pour monter dans le dernier
wagon.
Voyons ! Pas d'imprudence ! dit-il.
Vous n'avez qu' attendre le prochain
train !
Mais il ne passe que dans deux
heures! gmit Christine. Papa avait pris

48

des billets pour la reprsentation que


donne le cirque ce soir ! Ils seront perdus !
Nous n'aurons jamais fini nos devoirs
temps !
Vous n'aviez qu' vous dpcher au lieu
de lambiner en route! rpliqua le porteur qui
en avait assez de voir des enfants arriver
la dernire minute.
Je n'ai pas lambin ! protesta
Christine. Nous sommes en retard parce que
j'ai aid une petite camarade.
Le porteur s'tait dj loign. Elle se
tourna vers son frre.
Qu'allons-nous faire? demanda-t-elle.
Rentrer pied ?
Nous y sommes bien obligs,
rpondit mlancoliquement Jrme. Et on
dit que les bonnes actions sont toujours
rcompenses! Nous manquons notre train
et

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nous ne pourrons pas aller au cirque ce


soir. Des bonnes actions, je n'en ferai pas de
sitt!
Moi non plus ! renchrit Christine
en refoulant ses larmes.
Quel ennui de retourner pied la
maison pour avoir rendu service une petite
amie !
Ils partirent. Le trajet tait trs long.
Plusieurs kilomtres ! Ils avaient faim aussi
et auraient attendre longtemps leur goter.
Prenons le chemin qui passe travers
champs, proposa Jrme. C'est plus court
que par la route et plus agrable. Consoletoi, Christine! Dimanche aprs-midi, nous
demanderons papa de nous emmener au
cirque.
Dimanche, c'est impossible! Nous

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allons chez nos grands-parents. C'est


l'anniversaire de grand-mre.
Ils s'engagrent dans le chemin qui
passait travers champs. Christine se sentit
bientt fatigue. Elle avait fait une grande
partie de ballon pendant la rcration et
beaucoup couru. Au bout d'un moment,
Jrme regarda la montre qu'il avait au
poignet.
Nous avons parcouru tout juste un.
kilomtre, dclara-t-il. Nous avons mis
vingt minutes. Ce n'est pas norme ! Tiens !
Tu entends ce bruit de moteur? C'est rare
qu'une voiture passe par ici.
Une camionnette ! Elle s'arrte ! Le
conducteur nous fait signe ! s'cria
Christine.
Ils s'approchrent de la cabine. Le
conducteur se pencha la portire.

51

J'ai voulu prendre un raccourci et je


me suis perdu, dit-il. Suis-je encore loin de
Granval? Il faut que je rejoigne le cirque
qui est en train de s'y installer. Je transporte
les singes.
C'est Granval que nous allons
aussi, rpondit Jrme. Nous avons
manqu notre train et nous sommes obligs
de retourner chez nous pied. C'est bien
ennuyeux parce que papa avait pris des
billets pour le cirque ce soir. Nous
arriverons trop tard. O sont-ils, vos singes?
Dans cette cage , rpondit le jeune
homme.
Les enfants jetrent un coup d'il dans
la camionnette. Ils virent trois petits singes,
effarouchs, blottis les uns contre les autres.
Ils n'aiment pas beaucoup les voyages,

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dclara le jeune homme. Quel


dommage que vous manquiez la
reprsentation ! Vous avez encore un long
chemin parcourir. Je m'appelle Pierre
Lambert. Le directeur du cirque est mon
oncle. J'aurais pu vous faire visiter tout et
vous montrer les clowns de prs.
Nous aurions t contents ! s'cria
Christine. Vos singes sont adorables ! Que
font-ils sur la piste?
Deux d'entre eux sont assis dans une
petite voiture trane par un chien et le
troisime sert de cocher. Ils aiment la vie
du cirque. Ce sont des espigles, mais les
voyages en camionnette ne sont pas de leur
got. Eh bien, il ne faut pas que je me mette
en retard !
Il se rassit devant le volant. Les enfants
suivaient tous ses gestes. Soudain il se

53

pencha de nouveau la portire et leur


cria :
J'ai une ide ! Si vous montiez avec
moi? Je vous emmnerais Granval. Il y a
la place pour vous deux, vous n'tes pas trs
gros !
Christine et Jrme restrent sans
voix.
Rentrer en camionnette avec le neveu du
directeur du cirque et trois singes ! Quelle
histoire raconter le lendemain leurs
camarades d'cole !
Jrme fut le premier recouvrer l'usage
de la parole.
Oh ! oui ! cria-t-il en courant vers la
camionnette.
Viens
vite,
Christine!
Dpche-toi !
Le jeune homme les aida monter. Les
singes poussaient de petits cris.

54

Ils s'ennuyaient dans leur cage et


auraient bien voulu courir dans l'herbe
verte.
Pierre Lambert tira sur le dmarreur et la
voiture s'branla. Christine saisit le bras de
son frre.
Nous serons bientt arrivs ! dclara le
conducteur.
Voici dj la ferme des Durand ! fit
remarquer Christine.
Que c'tait amusant de voyager dans une
camionnette du cirque au lieu de cheminer
lentement ! Les singes ne partageaient pas
la joie des enfants. Ils gmissaient de
frayeur. Le trajet ne fut pas long.
Nous voici arrivs ! s'cria Jrme en
apercevant les caravanes du cirque. Notre
maison est la premire du village.
- Mon oncle est l, il m'attend ! dit
Pierre Lambert.

55

La camionnette s'arrta. Un homme de


haute taille s'avana.
Tout s'est bien pass, Pierre ?
demanda-t-il. Tiens! Qui m'amnes-tu l?
Deux enfants qui m'ont indiqu le
chemin, rpondit le conducteur en mettant
pied terre. Comme ils avaient
manqu leur train, je les ai pris avec moi
pour leur pargner une longue marche et
leur permettre d'assister la reprsentation.
Ils sont tout prs de chez eux. A ce soir,
petits ! Je veillerai ce que vous ayez de
bonnes places, vos parents et vous,
ajouta-t-il. Comme je vous l'ai promis, je
vous ferai visiter le cirque, je vous
prsenterai aux clowns et aussi
Lotta, l'cuyre. Vous verrez les chiens
savants, l'lphant,
les
tigres,
tout,
absolument tout!

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C'est cela ! approuva son oncle, le


directeur du cirque. Retournez vite chez
vous, enfants, pour arriver l'heure, ce soir,
la reprsentation !
Jrme et Christine ne se le firent pas
dire deux fois. Ils coururent chez eux
toutes jambes et expliqurent leur mre ce
qui leur tait arriv.
Vous tes revenus en camionnette avec
le neveu du directeur du cirque! s'exclamat-elle. En voil une aventure !
Les enfants passrent une merveilleuse
soire. Pierre Lambert leur avait rserv de
bonnes places sur les gradins. Jrme et
Christine attendirent avec impatience le
dbut du spectacle.
Aprs la reprsentation, nous
visiterons le cirque, nous parlerons aux
clowns, Lotta l'cuyre. Nous verrons les
chiens

57

savants, les tigres, l'lphant ! Je crois


rver ! murmura Christine.
Un roulement de tambour! La
reprsentation commenait. Les beaux
chevaux arrivrent au galop sur la piste ; le
matre de mange, coiffe de son chapeau
haut de forme, s'avana en faisant claquer
son fouet. Il s'inclina d'un air solennel.
Dire que si Christine ne s'tait pas
attarde aider son amie Suzanne, Jrme
et elle n'auraient pas eu cette merveilleuse
aventure! C'est bien vrai que les bonnes
actions sont toujours rcompenses!

58

5. UN SOIR DE PLUIE

LE SOIR o les deux fes, Ppita et


Muguette, se prparaient pour aller au bal,
de gros nuages noirs couvraient le ciel.
Leurs robes neuves taient en ptales de
bouton d'or, elles portaient sur la tte une
couronne de pquerettes. Leur toilette
termine, elles ouvrirent la

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porte de leur maisonnette et sortirent.


Mais peine avaient-elles fait quelques
pas dehors que de grosses gouttes de Pluie
se mirent tomber.
Nos pauvres robes seront perdues !
s'cria Ppita.
Nous allons tre trempes. Demain
nous aurons un gros rhume. Nous
ternuerons, nos yeux seront rouges !
gmit
Muguette.
Elles se blottirent sous un buisson pour
attendre la fin de l'averse. Mais la pluie
tombait de plus en plus fort.
Au bout d'un moment, les deux fes
entendirent des voix.
Ce sont les jouets qui s'amusent dans
la salle de jeux de Nathalie, dclara Ppita.
Cela veut dire que tout le monde est couch.
Approchons-nous de la fentre.

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Demandons une serviette pour nous


scher.
Elles allrent frapper la vitre. Les
jouets les accueillirent avec des cris de joie.
Vous tes toutes mouilles ! fit
remarquer l'ours en peluche. Il pleut donc?
Bien sr! rpliqua Muguette. Vous ne
croyez pas que nous avons mis nos plus
belles toilettes pour prendre un bain!
Ce fut un clat de rire gnral. Le
polichinelle alla chercher des serviettesponges dans la maison de poupes. Les
deux fes se schrent.
Pourquoi avez-vous mis ces belles
robes en ptales de bouton d'or? demanda
Roselle, la poupe blonde. O allez-vous ?

61

Au bal, rpondit Ppita. Mais c'est


trs loin. Nous serons de nouveau trempes
ds que nous serons sorties d'ici. Quel
ennui! Roselle, tu n'aurais pas deux vieux
manteaux nous prter ?
Aprs avoir rflchi quelques secondes,
Roselle poussa un cri.
J'ai une ide ! Nous avons des
impermables avec des capuches, Anita, la
poupe brune, et moi. Nathalie les a trouvs
suspendus l'arbre de Nol. Nous les
portons quand nous sortons les jours de
pluie. Ils vous iraient trs bien. Vous avez
peu prs notre taille.
Prte-les-nous, tu seras bien
gentille! pria Ppita.
Roselle alla les chercher. Mais ils taient
suspendus trs haut sur des cintres. Aucun
jouet ne pouvait les atteindre.

62

Les deux fes d'un bond s'levrent dans


les airs et parvinrent les dcrocher. Elles
les enfilrent aussitt. Qu'ils leur allaient
bien ! L'un d'eux tait rouge et l'autre bleu.
Je ne sais pas si vous pouvez les
prendre sans avertir Nathalie, fit remarquer
l'ours en peluche. La maman de Nathalie
disait l'autre jour qu'il ne faut rien
emprunter sans permission. Et nous n'avons
pas demand notre petite maitresse.
Eh bien, allons tout de suite lui
parler! proposa Muguette.
Vous n'y pensez pas! s'cria l'ours.
Quelle surprise pour Nathalie si on la
rveillait en sursaut cette heure-ci!

Ne serait-ce pas une surprise


agrable ? interrogea Ppita.

63

Les jouets changrent des regards. Le


polichinelle hocha la tte.
Je crois que si, rpondit-il. Elle dit
toujours qu'elle aimerait bien que nous
soyons vivants. Qui va lui demander ?
Vous, Ppita et Muguette? Ou moi?
Allez-y, vous, les jouets 5 conseilla
Ppita.
Les poupes, Tours et le polichinelle
sortirent de la salle de jeux et traversrent le
corridor pour gagner la chambre de
Nathalie.
La
petite
fille
dormait
profondment dans son lit. Comment la
rveiller ? Avec sa patte, l'ours lui tapota la
main. Elle ne bougea pas. Alors le
polichinelle tira le drap. Nathalie ouvrit les
yeux.
Qui est l? interrogea-t-elle.
Elle s'assit et alluma sa lampe de chevet.
C'est un rve ! s'cria-t-elle. Mes
poupes,

64

C'est un rve! s'cria-t-elle.


65

mon ours en peluche, mon polichinelle


sur mon lit! Ce n'est pas possible!
- Tu ne rves pas ! affirma Fours. Nous
te rveillons pour te demander un service,
Nathalie. Deux fes, Ppita et Muguette,
vont au bal, il pleut verse. Elles
voudraient emprunter les impermables
capuche de Roselle et d'Anita. Nous
n'avons pas voulu les leur donner sans ta
permission. Veux-tu les leur prter?
- Bien sr ! s'cria Nathalie en sautant
du lit. J'aimerais voir ces fes. O sontelles?
Dans la salle de jeux 5 rpondit
l'ours.
Nathalie y courut, suivie des jouets. Elle
contempla avec admiration Muguette et
Ppita, dans leurs robes en ptales de
bouton d'or sous les impermables.

66

Que vous tes jolies ! s'cria la petite


fille. Qui sait si ce n'est pas un rve ! Voir
mes jouets vivants et deux fes en une seule
nuit ! C'est trop beau pour tre vrai ! Mais
oui, vous pouvez prendre les impermables!
Merci de nous les prter, rpliqua
Muguette. Maintenant il faut que nous
partions. Nous prendrons bien soin des

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manteaux et, notre retour, nous


suspendrons sur leurs cintres !
Elles s'envolrent par la fentre,
heureuses l'ide que leurs jolies robes ne
risquaient plus rien. Les jouets leur firent
des signes d'adieu. Nathalie retourna se
coucher et se rendormit aussitt.
Au premier chant du coq, Ppita et
Muguette revinrent aprs avoir dans toute
la nuit et ri de tout leur cur. La pluie avait
cess. Elles entrrent par la fentre que les
jouets avaient laisse ouverte et mirent les
impermables sur les cintres. Roselle et
Anita dormaient dans leurs petits lits. L'ours
en peluche et le polichinelle avaient
regagn le coffre aux jouets.
Je voudrais bien remercier Nathalie, fit
remarquer Muguette. Comment faire?

68

Je sais ! s'cria Ppita en apercevant


sur la table une bote de lettres en bois
dcoup. Composons le mot merci avec
ces lettres et posons-le sur la table. Nathalie
le verra tout l'heure quand elle sera leve.
Elle comprendra que nous sommes
reconnaissantes du service qu'elle nous a
rendu.
Elles prirent les lettres ncessaires pour
former le mot merci et les disposrent
sur la table. Cela fait, elles s'envolrent par
la fentre. Quand Nathalie vint chercher ses
jouets, elle fut trs surprise.
Regarde, maman ! s'cria-t-elle.
Quelqu'un a crit merci sur la table. Je
me demande qui !
Soudain elle poussa une exclamation de
joie.
Oh ! Je sais ! Bien sr ! Ce sont les

69

deux fes qui ont voulu me remercier.


J'ai cru que je rvais la nuit dernire quand
mes jouets m'ont rveille. Ils me priaient
de prter les impermables de Roselle et
d'Anita deux petites fes qui allaient au
bal. Mais ce n'tait pas un rve! Les rves
ne disent pas merci, n'est-ce pas?
- Je ne crois pas, rpondit sa maman. Tu
as parl tes jouets et deux fes au milieu
de la nuit, Nathalie? C'est une bien belle
aventure !

70

6. ATTENTION!
TAUREAU DANGEREUX!

REGARDE cet arbre couvert de


pommes rouges! dit Alain qui, par-dessus
la haie, examinait le pr du fermier
Mathieu.
Jacques leva la tte.
Escaladons la clture, proposa Alain.

71

Nous en cueillerons quelques-unes.


Personne ne nous verra.
La clture est trop haute, protesta
Jacques. Et puis, ces pommes ne nous
appartiennent pas, ce serait un vol !
Mais Alain courait le long de la clture,
cherchant un moyen de s'introduire dans le
pr. Il trouva une troite brche.
Viens ! cria-t-il. Faufilons-nous par
l!
Non ! rpliqua Jacques en montrant
un grand criteau clou un tronc d'arbre.
Lis ce qui est crit : Attention ! Taureau
dangereux !
Par la brche, Alain jeta un coup d'il
dans le pr. On n'y voyait aucun animal, pas
mme un mouton. Il clata de rire.
Le fermier a mis cet criteau pour que
personne ne vole ses pommes ! dclara-t-il.
Tu vois bien qu'il n'y a pas de

72

taureau ! Je vais passer par cette brche


et je grimperai l'arbre pour cueillir des
pommes. J'en remplirai mes poches. Viens,
Jacques !
Non ! rpta Jacques. Ce serait un
vol ! Si le fermier arrive, gare toi !
Je serai dans l'arbre, il ne me verra
pas ! expliqua Alain.
Quelques secondes plus tard, il avait
travers la clture et se trouvait dans le pr.
Il courut l'arbre, grimpa d'une branche
l'autre et se mit en devoir de remplir ses
poches de belles pommes rouges.
Soudain des pas rsonnrent dans le
chemin. Quelqu'un venait, c'tait le fermier
Mathieu qui conduisait son taureau.
Jacques, effray, s'enfuit. Le fermier
ouvrit la barrire et fit entrer le taureau

73

dans le pr. Poussant un long


meuglement, le taureau promena autour de
lui un regard irrit. Le fermier referma la
barrire et s'en alla en sifflant.
Alain entendit le claquement de la
barrire. Il jeta un coup d'il entre les
feuilles de l'arbre dans lequel il tait perch
et vit le taureau se prcipiter dans le pr.
Son cur battit grands coups.
Le taureau ! L'criteau n'tait pas destin

74

effrayer les voleurs de pommes.


C'tait bien un avertissement !
Que faire prsent ? se demanda
Alain affol. Je n'ose pas descendre. Le
taureau me verrait. Avec ses cornes il me
jetterait en l'air!
Le taureau poussa un nouveau
meuglement. La frayeur d'Alain redoubla.
Puis il pensa Jacques. Jacques l'aiderait.
Jacques ! cria-t-il de toutes ses forces.
Jacques !
Jacques s'approcha de la barrire,
tremblant de tous ses membres.
Tu vas m'aider, n'est-ce pas ? implora
Alain. Cherche attirer l'attention du
taureau pendant que je descends de l'arbre
et que je sors du pr !
- J'essaierai , promit Jacques.
Il fit semblant d'escalader la barrire.

75

Le taureau le vit, meugla et fona dans


sa direction. Alain se laissa glisser le long
de l'arbre et courut vers la clture du ct
oppos. La brche par laquelle il tait entr
se trouvait trop loin. Hlas ! il y avait l des
fils de fer barbels ! Quand il eut travers la
clture son pull-over tait tout dchir. Que
dirait sa mre?
Elle le gronda trs fort.
Qu'as-tu fait encore ? Regarde ton
pull-over! Il t'en faut un neuf. Tu le paieras
de ta poche. Cela cote cher, un pull-over!
Tu ne pourras pas acheter le ballon de
football dont tu as tant envie ! - Oh !
Maman ! gmit Alain.
Si tu n'tais pas parti cet aprs-midi
sans me dire o tu allais, reprt sa mre, tu
aurais eu une bonne surprise. Mme
Mathieu, la femme du fermier, est

76

venue te chercher pour l'aider cueillir


ses pommes. Elle t'en aurait donn un plein
panier !
Quel dommage ! C'est amusant la
cueillette des pommes! Et un plein panier
de beaux fruits rouges ! De quoi se rgaler
sans risques!
Je te le disais que c'est mal de voler,
dclara Jacques. Te voil puni ! C'est bien
fait pour toi !
En effet, il le mritait, n'est-ce pas?

77

7. PAUVRE PETIT COCHON ROSE!


MRE GERTRUDE possdait un cochon
gras et ros. Elle se passionnait pour la
sorcellerie niais n'tait gure savante dans
cet art et, le plus souvent, ne russissait pas
ses sortilges.
Le cochon s'appelait Prosper. Mre
Gertrude le faisait venir dans sa cuisine

78

pour l'aider prparer ses charmes.


Elle n'avait pas de chat noir aux yeux verts
comme toutes les autres sorcires, n'tant
pas assez riche pour en acheter un, car les
marchands les faisaient payer trs cher. Elle
se servait donc de Prosper, le cochon ros.
Prosper dtestait la magie. Une drle
d'odeur se rpandait dans la cuisine; au
moment o l'on s'y attendait le moins, des
nuages de fume jaune ou verte flottaient,
ou bien des flammes rouges jaillissaient
sans qu'on st d'o elles venaient. Quand
Mre Gertrude l'appelait, il cherchait donc
se cacher, mais n'y arrivait jamais. Elle le
trouvait toujours. Il tait trop gras pour
dcouvrir un trou o se dissimuler.
Un jour, Mre Gertrude le poussa de
force dans la cuisine. Elle voulait
exprimenter

79

une recette de gteaux la crme


qu'elle avait lue dans son gros livre de
magie. Mre Gertrude, qui tait gourmande,
en avait l'eau la bouche. Mais il fallait
commencer par tracer un cercle avec de la
craie autour de Prosper, puis prononcer de
longues formules magiques.
Prosper savait que sa matresse ne lui
donnerait pas une miette des gteaux. Il se
tenait au milieu du cercle, gras, renfrogn et
malheureux. Mre Gertrude, de l'autre ct
de la raie blanche trace la craie, sa
baguette magique dans une main, son gros
livre dans l'autre, se mit dbiter un flot de
mots d'une voix solennelle.
Quelques minutes plus tard, une
vingtaine de choux la crme sentant bon
la vanille firent leur apparition dans le
cercle.
Allch par leur odeur, Prosper aurait

80

bien voulu approcher son groin ros de


l'un d'eux, mais il n'osait pas bouger.
Mre Gertrude posait sa baguette et son
livre, et se prparait prendre une assiette
dans son buffet pour y mettre les gteaux,
quand on frappa la porte.
Ah ! Le boucher ! s'cria Mre
Gertrude.
Elle alla ouvrir, laissant Prosper et les
choux dans la cuisine au milieu du cercle.
La tentation tait trop forte pour le
cochon ros. Ds que Mre Gertrude eut
tourn les talons, il dvora un chou. Que
c'tait bon ! Il en mangea un second, puis
un troisime, puis un quatrime. Quand
Mre Gertrude revint, les gteaux,
lexception de deux, avaient disparu.
Alors Prosper remarqua une chose
vraiment trange ! La sorcire, pendant sa

81

courte absence, s'tait transforme en


gante ! Le cochon stupfait jeta un regard
autour de lui et poussa un grognement de
surprise. Chaises et tables taient devenues
aussi d'une taille gigantesque !
La sorcire avait mlang deux recettes
voisines dans le livre : celle des gteaux et
une autre qui avait pour but de rapetisser
choses et gens. Prosper, qui avait dvor
dix-huit gteaux, tait devenu tout petit.
Chaque chou avait rduit considrablement
sa taille !
Mre Gertrude le regarda avec
tonnement et, dans sa colre, tapa du pied.
Je me suis trompe de charrue, et toi,
glouton, tu as mang presque tous les
gteaux magiques ! Vilain ! Attends un peu!
Je vais faire un autre charme pour que tu
reprennes ta taille normale !

82

Ensuite tu recevras une vole de coups


de bton !
Effray, Prosper sortit d'un bond du
cercle magique et courut dans un coin.
Mre Gertrude se mit sa poursuite. Le
cochon fit alors une dcouverte :
maintenant qu'il tait tout petit, il lui tait
beaucoup plus facile de se cacher ! Il se
faufila dans un trou de souris et ne bougea
plus. Mre Gertrude chercha sous les
chaises, partout, mais ne put le trouver.
Prosper s'enfona un peu plus dans le
trou et se heurta un corps chaud et doux.
Eh bien, dit une voix flte. Qui est
l?
Prosper, quand il se fut accoutum
l'obscurit, vit devant lui une petite souris
grise aux yeux noirs.

83

J'espre que je ne te drange pas, ditil poliment. Vois-tu, j'essaie de me cacher.


Ma matresse, Mre Gertrude, veut me
donner des coups de bton!
- La mchante ! s'cria la souris
compatissante. Je suis dsole ! Mais cela
ne m'tonne pas d'elle, elle a le cur si dur !
Jamais elle ne laisse une miette de biscuit
pour mes enfants ou pour moi. Pourquoi ne
t'en vas-tu pas bien loin d'ici?
C'est une ide !
rpliqua
Prosper enchant. Pourquoi retournerais-je
auprs de cette sorcire? Dis, souris, il y a
une chose que j'oublie : je suis trop petit !
Qui, part Mre Gertrude, peut me rendre
ma taille normale?

Personne, reconnut la souris.


Pourquoi tiens-tu tant tre gros et grand ?
C'est plus joli d'tre petit. J'ai t petite

84

toute ma vie et je m'en trouve trs bien.


On se cache facilement et on se faufile o
Ton veut. A ta place, cochon, je resterais
petit.
Aprs rflexion, Prosper conclut que la
souris avait raison. Ce serait trs commode
d'tre petit.
Mais o vais-je habiter? demanda-t-il
la souris. Il faut que j'appartienne
quelqu'un.

85

Viens avec moi, proposa la souris. Je


te conduirai jusqu'au bout de mon trou. Il
s'achve par un tunnel qui dbouche dans
une ferme. Tu prieras la fermire de te
garder. Elle est trs bonne pour les animaux.
Je pense qu'elle te recueillera dans sa ferme.

Prosper suivit la gentille petite souris le


long du tunnel. Enfin le tunnel dboucha
dans une cour de ferme. La souris sortit la
tte pour jeter un coup d'il autour d'elle.
Non, aucun chat ne rdait par l !
Voici la femme du fermier, chuchota-telle. Tu la vois? Elle jette du grain ses
poules. Va lui parler !
Prosper remercia la souris, lui dit au
revoir et trottina vers la fermire. Pour
attirer son attention, il poussa des
grognements. Soudain elle l'aperut au
milieu de

86

ses poules, si petit que les poussins euxmmes le dpassaient de la tte.


Veux-tu m'accepter dans ta ferme ?
demanda-t-il. J'ai quitt ma matresse. Je
cherche une nouvelle maison.
La fermire secoua la tte en riant.
Que tu es drle et mignon ! rpliqua-telle. Mais que veux-tu que je fasse de toi ?
Tu es trop petit. Les autres cochons ne
feraient qu'une bouche de toi. Cherche
ailleurs un logis.
Prosper partit, le cur serr. O aller
maintenant? Courant droit devant lui, il
arriva au flanc d'une colline o des
moutons, qui lui parurent gros comme des
lphants, paissaient l'herbe verte.
J'aimerais habiter ici, sur cette colline,
pensa Prosper. Elle est bien expose au
soleil. Les moutons ne feraient pas attention

87

moi. Je vais demander au berger la


permission de rester.
II se dirigea vers le berger qui, assis sur
l'herbe, examinait le ciel pour y lire le
temps qu'il ferait le lendemain.
Veux-tu de moi ? interrogea Prosper.
J'ai t oblig de quitter ma maison. Je suis
un vrai cochon malgr ma petite taille.
Pour rire plus son aise, le berger rejeta
la tte en arrire.
Qui voudrait d'un animal aussi
minuscule? s'exclama-t-il. Tu ne peux servir
rien ! Mes chiens, qui ont des dents
pointues, risqueraient de te faire mal. Pars
vite, n'attends pas qu'ils t'aient vu !
Le pauvre cochon ros se dpcha de
s'enfuir. De temps en temps, il se retournait
pour voir si les chiens ne le poursuivaient
pas.

88

Il rencontra enfin une gardeuse d'oies


qui menait son troupeau au pr. Il
s'approcha d'elle et mordilla le lacet de son
soulier.
Accepte-moi ! supplia-t-il. Permetsmoi de vivre avec tes oies !
La fillette le regarda. Elle n'en croyait
pas ses yeux.
A quoi me servirais-tu ? demanda-telle. Qui a besoin d'un cochon petit comme
toi ?
Les oies aperurent Prosper et se
rassemblrent autour de lui avec des
sifflements qui n'annonaient rien de bon.
Effray, il s'esquiva entre leurs pattes jaunes
et s'enfuit aussi vite qu'il le put.
Il resta cach toute la journe, redoutant
les chats, les chiens, les oies. La nuit venue,
il se remit en route et arriva

89

devant une grande maison. Se glissant


sous la porte, il entra. La premire pice
dans laquelle il pntra tait une salle de
jeu. Il vit des poupes assises dans de petits
fauteuils, des soldats, un cerf-volant, des
automobiles, un chemin de fer lectrique,
un ours en peluche, des ballons et, dans un
coin, une belle arche de No.
Tous les jouets furent surpris de voir le
petit cochon ros.
Tu es un animal mcanique ? demanda
la plus grande poupe.
Non, je suis un vrai cochon, mais trs
petit , rpondit Prosper.
Il raconta ses aventures. Les jouets le
plaignirent. Les animaux sortirent de l'arche
de No pour le regarder. Il y avait deux
lphants, deux ours, deux lions, deux
tigres, deux poulets, un cheval et

90

une jument, un canard et une cane... en


un mot, deux spcimens de chaque espce !
Non, pas tout fait! Il n'y avait qu'un
seul cochon, un petit cochon noir. Il courut
Prosper et l'examina des pieds la tte.
Tiens ! s'cria-t-il. Je croyais que tu
tais le second cochon de l'arche de No.
Un soir, les enfants ont oubli de le remettre
sa place. Il est rest sur le tapis. Le
lendemain matin, quand la femme de
mnage est venue nettoyer, elle a balay le
petit cochon avec les morceaux de papier et
la poussire. Nous ne l'avons plus revu.
Nous pensons qu'il a t jet la
poubelle, conclut tristement la plus grande
poupe. Il nous manque beaucoup. Tu lui
ressembles. Il tait ros comme toi.

91

Je suis trs malheureux sans lui,


reprit le cochon noir de l'arche de No. Tu
ne voudrais pas, petit cochon vivant,
devenir un jouet et habiter avec nous dans
l'arche? Nous nous amusons beaucoup, les
enfants jouent souvent avec nous et nous
racontent toutes sortes d'histoires. Tu
n'aurais plus d'inquitudes avoir et tu
serais entour d'amis.
Vous imaginez la joie de Prosper! Il
frotta son groin contre celui du petit cochon
noir et se hta d'accepter.
Bien sr je resterai avec vous tous!
s'cria-t-il. Que je suis content d'tre petit !
Je ne souhaite plus retrouver ma taille
normale. Que ce sera agrable de vivre au
milieu de tant d'animaux! Mais, petit
cochon noir, tu es sr que les lions et les
tigres ne me mangeront pas?

92

Ne crains rien, rpondit le cochon


noir. Ils ne sont pas vivants. Tu feras
semblant d'tre comme eux quand les
enfants joueront avec nous.
Ce sera facile ! dclara Prosper. Il
monta dans l'arche avec les autres et
s'installa pour dormir. Il se rjouissait
d'avoir trouv une demeure si agrable.
L'arche tait chaude et confortable, les
autres animaux taient gentils et gais. Il
n'avait jamais t si heureux!
Mais le lendemain, quand les enfants,
Thierry et Caroline, vinrent jouer avec les
animaux de l'arche, quelle surprise pour
eux!
Regarde, Thierry ! Un autre petit
cochon la place de celui que nous avons
perdu ! s'cria Caroline en saisissant
Prosper. Qu'il est mignon ! Et il a l'air si
vrai !

93

Je me demande qui l'a mis dans l'arche.


Personne ne le savait. Ni le papa, ni la
maman, ni Emilie, la femme de mnage.
Personne du tout. Ils taient tous bien
tonns.
Prosper est encore dans l'arche de No.
J'aimerais raconter Thierry et Caroline
toutes ses aventures. Mais ils ne les
croiraient pas!

94

8. QUI EST LE VOLEUR?


QUI A PRIS des noix dans le compotier
sur le buffet? demanda Mme Marchand.
Ce n'est pas moi, rpondit Stphane,
son petit garon.
Moi non plus ! s'cria Laurence, sa

95

petite fille. Tu nous crois, n'est-ce pas,


maman?
Pourtant quelqu'un les a prises,
dclara Mme Marchand. Et je sais o elles
ont t manges.
O donc ? interrogrent les deux
enfants.
Dans le jardin, prs de la balanoire.
Le voleur en a laiss les coquilles. Vous
pouvez prendre des noix, mais pas sans
demander la permission.
Tu penses que nous les avons
emportes l-bas pour les manger en
cachette ? demanda Laurence. Je t'assure
que non, maman ! Tu ne nous crois pas ?
Mme Marchand, intrigue et soucieuse,
regarda les deux enfants.
Si, je vous crois, dit-elle enfin. Mais
c'est vraiment bizarre ! Avec papa, il n'y

96

a que nous quatre dans la maison.


Jeanne, la femme de mnage, est l'honntet
mme.
Elle sortit de la salle manger, les
sourcils froncs. Les enfants se regardrent
consterns.
Jamais de la vie nous ne prendrions
des noix sans permission ! s'cria Stphane.
Pas plus qu'autre chose, renchrit Laurence.
Maman sait bien qu'elle peut avoir
confiance en nous. Tout de mme, cette
disparition des noix, c'est bizarre!
Quelqu'un les prend et les emporte dans le
jardin ! Est-ce que ce ne serait pas JeanLouis, notre petit voisin? Il est si farceur !
C'est possible! approuva Stphane.
Pourtant il nous rend toujours nos balles
quand elles tombent dans son jardin, mais il

97

poursuit notre chat et il rpond sa


mre. Je l'ai entendu!
C'est peut-tre Jean-Louis, dclara
Laurence. Je voudrais bien le surprendre. Si
nous nous cachions derrire un meuble?
Nous verrions bien si quelqu'un entre par la
porte-fentre!
C'est la seule faon de connatre la
vrit, approuva Stphane. Allons d'abord
la balanoire pour voir s'il y a beaucoup de
coquilles de noix.
Ils allrent donc dans le jardin. Ainsi
que l'avait dit Mme Marchand, de
nombreuses coquilles de noix taient
parpilles sur le gazon autour de la
balanoire.
Le voleur apporte les noix ici, les
casse entre deux pierres et probablement
s'assied sur la balanoire pour les manger,

98

fit remarquer Stphane. C'est sans doute


le petit voisin !
Ils taient si mcontents que, lorsque
Jean-Louis les interpella de l'autre ct de
la haie et leur demanda de venir faire une
partie de ballon avec lui, ils refusrent tout
net et retournrent la maison, la grande
surprise de Jean-Louis.
Comptons les noix pour savoir si on
en prend encore, proposa Stphane.
Seulement quinze. Maman nous a demand
de faire quelques commissions. Allons-y ! A
notre retour nous nous cacherons pour
guetter le voleur !
Ils partirent chargs de paniers
provisions et les rapportrent pleins. Mme
Marchand fut satisfaite.
Prenez une pomme chacun, dit-elle.
Les plus rouges de la corbeille,

99

Ils entrrent dans la salle manger pour


choisir leurs pommes.
Je vais compter les noix , dclara
Stphane.
Quand il leut fait, il leva des yeux
surpris vers Laurence.
Quatorze! Une seule a disparu! Le
voleur est venu pendant que nous tions
chez lpicier. Cachons-nous derrire ce

100

grand fauteuil haut dossier et


attendons. Pendant ce temps, nous
mangerons nos pommes.
Ils se blottirent derrire le fauteuil, en
mordant dans leurs pommes juteuses.
La mienne est dlicieuse ! chuchota
Laurence.
La mienne aussi, rpliqua Stphane.
Mais je ne suis pas trs Taise. Si tu
entends du bruit, Laurence, donne-moi un
coup de coude.
Ils continurent croquer les pommes,
l'oreille tendue. Qui franchirait la portefentre ouverte sur le jardin? Personne ne
venait. Soudain Laurence donna un violent
coup de coude son frre. Stphane
sursauta.
Quelqu'un touche au compotier ,
chuchota Laurence.

101

En effet les noix s'entrechoquaient. Qui


tait-ce?
Stphane
couta
plus
attentivement encore, mais aucun bruit de
pas n'arriva ses oreilles. Alors il se
redressa d'un bond et cria :
Qui est l?
II n'y avait personne. Au comble de
l'tonnement, Stphane courut au buffet
pour compter les noix.
Laurence ! Il ne reste plus que treize
noix! s'cria-t-il. Une autre a disparu
pendant que nous tions derrire le fauteuil.
Pourtant nous n'avons entendu ni entrer ni
sortir le voleur !
C'est bizarre ! dit Laurence. Il a
vraiment le pied lger ! Il reviendra peuttre puisqu'il ne prend qu'une noix la fois.
Si c'est Jean-Louis, nous nous jetterons sur
lui en appelant maman.

102

Ils se dissimulrent encore derrire le


fauteuil et finirent leurs pommes. Soudain
Laurence donna de nouveau un coup de
coude Stphane. Elle avait entendu un
lger bruit du ct du buffet. Le voleur tait
revenu !
Les deux enfants quittrent en mme
temps leur cachette en criant :
Au voleur ! Au voleur !
Un petit corps roux, rapide comme
l'clair, traversa la salle manger et disparut
dans le jardin.
Tu as vu? Qu'est-ce que c'tait? On
aurait dit un oiseau qui s'envolait ! Tu ne
crois pas que c'tait un lutin ?
Laurence avait clat de rire. Elle s'assit
sur le fauteuil pour pouffer son aise.
Stphane la saisit par les paules et la
secoua.

103

Qu'est-ce que c'tait? Le voleur?


Bien sr5 rpondit Laurence qui
riait toujours. Dire que nous n'avions pas
devin ! Nous connaissons mme son nom.
Dis-le-moi tout de suite ! s'cria
Stphane en colre.
C'est Friquet, le petit cureuil roux qui
habite le bois au fond du jardin. Tu sais qu'il
raffole des noisettes. Il s'est sans doute
approch de la fentre et il a eu envie des
noix. Si nous sortons dans le jardin, je
suppose que nous le verrons perch sur la
balanoire en train de grignoter celle qu'il a
vole.
Nous n'avons pas pens lui, fit
remarquer Stphane. Je suis content que ce
soit Friquet. Allons avertir maman ! Mme
Marchand rit beaucoup aussi. Laurence et
Stphane sortirent dans le jardin,

104

mais Friquet n'y tait plus. Ils entendirent


Jean-Louis qui sifflait dans son jardin.
Demandons-lui de venir jouer avec
nous, proposa Stphane. J'ai honte de l'avoir
accus injustement.
Ils appelrent Jean-Louis.
Je croyais que vous ne vouliez plus
vous amuser avec moi , dit-il.
Ils jourent cache-cache dans le bois.
Un petit cureuil roux, perch en haut d'un
arbre, les regardait en grignotant une grosse
noix. Oui, vous avez devin, c'tait Friquet
et sa noix vole !

105

9. LA PETITE SOURIS EN SUCRE


CATHERINE avait trouv dans les
branches de l'arbre de Nol une petite souris
en sucre ros, si jolie qu'elle n'avait pas
voulu la manger, et l'avait
c arrache des mains de son petit frre. La
souris avait deux yeux, deux oreilles, une
longue queue rose en ruban.

106

Je la garderai avec mes jouets, dit


Catherine sa maman. Je l'appellerai Tina.
Je n'imaginais pas qu'une souris pouvait tre
si jolie! Je suis sre que c'est la plus jolie du
monde entier!
En entendant ces mots, Tina fut pntre
du sentiment de son importance. Perche
sur le rebord de la fentre au milieu des
autres jouets, elle prenait de grands airs.
Elle tait la souris la plus jolie du monde
entier ! Rien que cela !
Les autres jouets la trouvaient
charmante. Bleuette, la poupe blonde,
avait envie de la prendre dans ses bras.
L'ours en peluche, le polichinelle ne
demandaient qu' jouer avec elle.
Mais la souris en sucre les regardait
avec mpris. Elle avait une trs haute ide
d'elle-mme et restait l'cart.

107

Laisse-moi tranquille ! dit-elle l'ours


qui essayait de la caresser. Je ne suis pas un
chien !
Garde tes bonbons ! disait-elle au
polichinelle qui voulait partager avec elle
ses pastilles la menthe. Je ne les aime
pas!
Ne me touche pas ! disait-elle
Bleuette qui lui tendait les bras. Pour qui
me prends-tu? Je ne suis pas une souris
comme les autres ! Catherine n'imaginait
pas qu'une souris pouvait tre si jolie!
Les jouets s'irritrent des grands airs que
prenait Tina. Ils ne lui adressrent plus la
parole. Elle ne fut pas contente. Elle voulait
leur parler et leur faire remarquer qu'elle
tait plus belle et plus intelligente qu'eux.
Elle voulait aussi qu'ils lui fassent des
compliments

108

Quand personne ne s'occupa plus d'elle,


Tina, furieuse, joua ses compagnons
toutes sortes de mauvais tours. Un jour,
elle attendit que l'ours en peluche ft perch
au bord de la table. Brusquement elle le
poussa par-derrire de son petit museau
pointu. Le pauvre ours tomba la tte la
premire. Il tait trop gros pour se relever
tout seul, il resta donc allong par terre,
trs malheureux, tandis que le rire
moqueur de Tina rsonnait au-dessus de lui.
La souris en sucre ros s'attaquait aussi
Bleuette. Quand la poupe dormait, les
yeux ferms, elle dnouait les lacets de ses
souliers et dboutonnait sa robe. A son
rveil, Bleuette se trouvait moiti
dshabille.
Quand je m'tends sur mon lit pour

109

ma sieste, mes lacets sont nous, mes


boutons dans les boutonnires, disait-elle.
Et puis j'ouvre les yeux et tout est dfait.
Tina, si c'est toi, je finirai par te punir !
Le plus mauvais tour de Tina, ce fut le
polichinelle qui en fut la victime. Sous son
grand chapeau, il avait d'pais cheveux
noirs dont il tait trs fier. Un jour,
Catherine, qui voulait essayer de faire un
gteau dans sa petite cuisinire, avait
emprunt sa maman un sac de farine et
l'avait pos sur la table. Tina plongea les
pattes dans le sac et profita d'un moment o
le polichinelle avait enlev son chapeau
pour lui jeter de la farine sur la tte. Le
polichinelle eut les cheveux tout blancs. Les
jouets le regardrent avec tonnement.

110

Comme tu as vieilli tout d'un coup !


s'cria Bleuette.
Oui, tu es devenu un trs vieux
polichinelle ! renchrit l'ours en peluche.
La souris en sucre ne put s'empcher de
rire. Les jouets levrent la tte.
C'est encore cette peste de Tina! cria le
polichinelle. Attends que je t'attrape ! Je
vais te fourrer dans le sac de farine !
Tina ne l'attendit pas. Elle courut se
cacher dans la bote de cubes et n'en sortit
que lorsque la colre du polichinelle fut
calme.
Mais les jouets, aprs s'tre consults,
dcidrent que dsormais ils tiendraient
Tina l'cart. La nuit, quand Catherine et
son frre taient couchs, ils faisaient le
tour de la salle de jeux. La petite

111

souris en sucre aimait trottiner derrire


eux en admirant au passage la maison de
poupes, l'picerie, le grand cheval
bascule.
Quelquefois les jouets sortaient mme
dans le jardin quand la porte-fentre restait
entrebille. C'tait leur promenade
prfre. Ou bien si la porte du corridor
tait ouverte, ils allaient jeter un coup d'il
dans la grande cuisine aux cuivres
tincelants.
Tina n'eut plus la permission de les
accompagner. Les jouets attendaient pour
partir qu'elle ft endormie. Quand elle s'en
aperut, elle fut prise de fureur et se promit
que, la prochaine fois, elle les suivrait
malgr eux.
Le lendemain soir, il pleuvait. Les jouets
avaient grande envie de se promener

112

dans le jardin. Bleuette avait trenner


un joli petit parapluie rouge, l'ours en
peluche et le polichinelle n'avaient pas
encore eu l'occasion de mettre leurs
impermables neufs. Catherine les avait
achets avec l'argent que sa grand-mre lui
avait donn pour son anniversaire.
Je viens aussi ! dclara Tina qui avait
fait semblant de dormir et ouvrit
brusquement les yeux.
Non! rpliqua Bleuette. Il pleut.
Les souris en sucre craignent l'eau.
Ce n'est pas vrai ! riposta
Tina. Puisque vous sortez sous la pluie, je
peux bien venir aussi!
Ce n'est pas pareil ! reprit Bleuette.
J'ai toujours entendu dire que les souris en
sucre ne devaient pas tre mouilles. Je ne
sais pas pourquoi. Ne sois pas

113

imprudente, Tina ! Nous ne voulons pas


de toi. De plus c'est dangereux pour toi de
sortir sous la pluie, j'en suis sre!
Je viens quand mme ! affirma
Tina.
Et elle passa par la porte-fentre derrire
Bleuette, qui avait ouvert son parapluie
rouge, et l'ours en peluche et le polichinelle
qui avaient relev le capuchon de leurs
impermables. Ils essayrent de la chasser,
mais elle ne voulut rien entendre. Elle se
montra plus insupportable que jamais. Elle
pina Bleuette et sauta dans une flaque
d'eau pour clabousser l'ours en peluche des
pieds la tte. Quelle vilaine petite souris
en sucre !
Il pleuvait verse. Protge par son
parapluie, Bleuette n'tait pas mouille.

114

Le polichinelle et lours en peluche se


pavanaient, fiers de leurs impermables.
L'ours en peluche ne voyait rien devant lui
parce que son capuchon avait gliss sur son
nez, mais peu lui importait ! En revanche,
les gouttes tombaient floc, floc, floc!
sur la souris en sucre qui n'avait ni
parapluie ni impermable. D'abord elle
trouva que c'tait plutt amusant. Mais
bientt cela devint dsagrable. Elle poussa
de petits cris.
Les jouets se retournrent pour la
regarder.
Qu'a donc Tina? demanda Bleuette
avec inquitude. Elle rapetisse !
Je ne vois plus ses yeux ! s'cria le
polichinelle.
- Ses pattes ont disparu ! fit remarquer
l'ours en peluche.

115

Je ne me sens pas bien du tout!


gmit Tina d'une voix faible. Caresse-moi,
Bleuette ! Prends-moi dans tes bras,
Polichinelle ! Dis-moi quelque chose de
gentil, ours en peluche ! Soyez bons pour
moi, je vous en supplie !
Les jouets avaient bon cur. Ils
s'lancrent pour prendre la souris en sucre
et la rconforter, mais ils ne purent la saisir.
Elle devenait de plus en plus petite !
Bientt elle avait compltement
disparu. Les jouets se regardrent,
consterns.
O est-elle ? demanda Bleuette. Il
faut vite la rapporter l maison. Mais je ne
la vois plus !
Tina, o es-tu? cria l'ours en
peluche.
Tina ne rpondit plus. Elle ne
rpondrait plus jamais. La pluie avait fondu
la

116

petite souris en sucre espigle et


vaniteuse. Quel malheur !
Seule sa queue restait ! Bleuette la
rapporta tristement dans la salle de jeux et
la posa sur la table. Le lendemain,
Catherine Fy trouva, mais Tina n'tait pas
l.
Quelqu'un Fa mange ! cria Catherine
en larmes; Qui a mang ma jolie petite
souris en sucre ros ?
C'est la pluie, chuchota Bleuette. La
pluie Fa mange, Catherine. Quel
dommage!

117

10. QUEL TOURDI!


LES GENS s'criaient toujours: Oh!
Benot ! en regardant Benot d'un air
constern. Il tait si tourdi! Un jour il
enfila deux pull-overs l'un sur l'autre, le
bleu et le rouge. Sa mre chercha toute la
matine le rouge qu'elle voulait laver.
Benot les avait tous les deux sur

118

lui et, pendant la classe, il se demandait


pourquoi il avait si chaud !
Un autre jour, l'instituteur lui ordonna
de tailler les crayons. Benot rassembla tous
les porte-plume et tailla le bout en pointe.
Et quand il reut la mission d'arroser les
plantes vertes, il prit par erreur le pot de lait
et versa du lait dans les vases de fougres et
d'azales.
C'tait un tourdi. Aussi les gens
s'criaient-ils: Oh! Benot! sur tous les
tons, avec surprise, avec colre et, lorsqu'il
s'agissait de ses parents, avec tristesse,
Benot, M, ne s'affligeait pas du tout de
ses maladresses causes par l'tourderie. Il
regardait les gens, disait: Pardon, mais ne
cherchait pas se corriger de son dfaut.

119

Un jour l'instituteur organisa une sortie


pour ses lves.
Demain nous ferons une grande
promenade, dclara le bon M/Brun* 0 fait si
beau en ce moment! Apportez un repas
froid, un costume de bain, une serviette,
l'argent pour l'autobus.
Les garons poussrent des cris, de
joie. Benot tait peut-tre le plus content de
tous, car il nageait trs bien. Il aimait se
baigner.
Je vais vous donner beaucoup de
travail prparer chez vous ce soir, puisque
demain vous manquerez l'cole. Je suis sr
que personne ne s'en plaindra, annona M.
Brun.
Oh ! non, monsieur ! s'crirent
tous les enfants.
Ils se mirent relever ce qu'ils auraient

120

faire le soir la maison. M. Brun


crivt des problmes au tableau, et ils les
copirent en prenant bien soin de ne pas se
tromper de chiffres. Il y avait aussi un
exercice de grammaire et une longue posie
qu'il faudrait apprendre par cur.
Avez-vous tout inscrit dans votre
cahier? demanda M. Brun. Bien. Ne
l'oubliez pas : ceux qui ne feront pas leurs
devoirs ne participeront pas la promenade.
Je suis content de vous faire plaisir, j'attends
en retour un travail parfait.
Nous nous appliquerons, monsieur !
promirent les enfants.
Tous taient bien dcids tenir parole,
Benot comme les autres, mais il avait
oubli son cahier et copi les problmes et
le reste des devoirs sur une feuille de papier
donne par un voisin complaisant.
Est-ce que lun d'entre vous passe
devant la maison de M. Duval? demanda

121

M. Brun quand la cloche sonna. J'ai un


mot lui envoyer.
Moi, monsieur, rpondit Benot.
Je suis le seul. Les autres prennent la
direction oppose. Je prendrai votre
lettre.
Merci, Benot , dit M. Brun. Benot
mit l'enveloppe dans une poche,

122

la feuille o il avait copi les sujets de


devoirs dans l'autre, et retourna chez lui. Il
avait l'intention de bien s'appliquer. Ses
problmes, son exercice de grammaire
seraient sans faute, il rpterait cent fois sa
posie s'il le fallait pour la rciter d'un trait.
Il montrerait ainsi M. Brun combien il
tait heureux de ce jour de cong!
Benot arriva devant la maison de M.
Duval. Il sonna. Personne ne rpondit. Mais
dans le vestibule un chien aboya.
M. Duval n'a pas l'air d'tre chez lui
, pensa Benot.
Il sonna encore, puis frappa. Le chien
dans la maison devint fou de rage.
Aboie tant que tu veux ! lui cria
Benot. J'apporte seulement une lettre ton
matre.

123

Personne n'ouvrt. Le chien tait seul


dans la maison.
Toujours tourdi, Benot ne vit pas la
bote aux lettres et glissa le message sous la
porte. Puis il retourna chez lui, press de se
mettre au travail. En gotant, il raconta sa
mre la dcision de M. Brun. La dernire
bouche avale, il plongea la main dans sa
poche pour prendre la liste des devoirs et en
retira... la lettre destine M. Duval.
Que faisait-elle l? Pourtant il l'avait
glisse sous la porte ! Benot chercha sa
feuille de papier. Il ne la trouva pas.
Maman ! Maman ! J'ai mis ma liste
de devoirs sous la porte de M. Duval au lieu
de la lettre que M. Brun m'a donne !
gmit-il. Que vais-je faire ? Il faut que

124

tout soit fini ce soir. Demain c'est la


promenade.
- Oh! Benot! soupira sa mre pour la
millime fois. Oh ! Benot !
Elle le regarda avec consternation. Ne
deviendrait-il donc jamais raisonnable?
Tu n'as qu' retourner chez M. Duval,
conseilla-t-elle. Il est peut-tre rentr. Tu lui
remettras sa lettre. En change il te rendra
ta feuille.
Oui, j'y vais tout de suite, approuva
Benot consol. Il doit tre de retour.
II courut chez M. Duval. Il sonna,
frappa sans recevoir d'autre rponse que les
aboiements furieux du chien.
M. Duval n'est pas rentr, pensa le
pauvre Benot. Il faut que je l'attende.
II s'assit devant la porte et attendit le
retour de M. Duval. Le temps passa.

125

Benot tait fatigu, il s'inquitait de plus en plus.


126

M. Duval ne revenait toujours


pas !
L'horloge de la mairie sonna six coups.
Puis sept. Benot avait froid, il tait fatigu,
il s'inquitait de plus en plus. Oh !
Monsieur Duval, dpchez-vous !
Enfin quelques minutes avant la demie
de sept heures, M. Duval tourna le coin de
la rue. Il fut surpris de voir Benot assis
devant sa maison.
Monsieur Duval ! s'cria Benot. M.
Brun m'a donn une lettre pour vous. Par
erreur, j'ai gliss sous votre porte la feuille
de papier o j'ai copi les devoirs que j'ai
faire pour demain. J'attends votre retour
pour que vous ouvriez la porte et que vous
me la rendiez.
Oh! Benot! Que feras-tu encore?
demanda M, Duval qui se mit rire.
Il ouvrt la porte. Benot fit un bond

127

pour reprendre sa feuille de papier. Le


chien, un tout jeune chien, se prcipita sur
lui en aboyant.
A bas, Pipo, bas ! ordonna
svrement M. Duval.
Mais une grande dception attendait le
pauvre Benot. Pipo avait mis en pices la
feuille de papier. Il l'avait mordille et
mchonne. Benot ne pouvait plus lire un
mot de ce qu'il avait crit quelques heures
plus tt.
Fondant en larmes, il retourna chez lui.
Sa mre s'inquitait, car la nuit tait
tombe. Il s'engouffra dans la maison et,
entre deux sanglots, raconta sa mre ce
qui s'tait pass.
Maman, je vais courir chez Pierre ou
chez Jean-Luc pour copier ce qu'ils ont crit
sur leurs cahiers.

128

- C'est trop tard maintenant, rpliqua


sa mre. Tu aurais d y penser plus tt. Je
vais crire un mot M. Brun pour lui
expliquer ce qui est arriv.
En lisant le mot, M. Brun frona les
sourcils et secoua la tte.
Je regrette, Benot, dclara-t-il, mais
j'ai dit que ceux qui n'auraient pas fait leurs
devoirs ne participeraient pas la

129

promenade. Je ne reviendrai pas sur ma


parole. Tu n'as qu' t'en prendre ton
tourderie. C'est un dfaut aussi grand que
la paresse. Tu resteras en classe faire tes
devoirs
pendant
que
nous
nous
promnerons !
Oh ! Monsieur ! protesta Benot, les
larmes aux yeux.
Oh ! Benot ! dit M. Brun. Dpchetoi de commencer ton travail. Quand tu
auras fini, seulement quand tu auras fini, tu
pourras prendre l'autobus pour nous
rejoindre. La plage o nous allons n'est pas
trs loin. Et tche d'tre moins tourdi
l'avenir!

Je vous le promets, monsieur,


rpliqua Benot en s'asseyant devant
son pupitre. Comment y arriver?
Prte attention ce que tu fais,

130

rpondt l'instituteur. C'est une question


de volont. Au revoir. Peut-tre tout
l'heure.
Pendant deux heures, Benot travailla
sans lever la tte. Quand il eut tout fini, il
courut prendre l'autobus et rejoignit ses
camarades. Il arriva juste temps pour se
baigner.
Il
n'avait
pas
manqu
compltement la partie de plaisir, mais il
avait reu tout de mme une bonne leon !
II faut absolument que je me corrige
de mon tourderie ! rsolut Benot.

131

11. LA PETITE POULE BLANCHE


UN JOUR, une petite poule blanche
arriva dans le jardin de Bernard et de
Raymond. Ils poussrent des cris de joie.
Nous chercherons qui elle appartient
et si nous ne trouvons pas son

132

propritaire, nous la garderons , dcida


Bernard.
Ils demandrent tous les habitants du
village s'ils avaient perdu une petite poule
blanche. Tous rpondirent que non. Bernard
et Raymond la gardrent donc.
Nous lui ferons un joli petit poulailler
dans une grande caisse, dclara Bernard.
Dans un coin, nous disposerons un
nid en foin pour qu'elle y ponde ses
ufs, ajouta Raymond.
Et nous l'appellerons Blanchette,
reprit Bernard.
Jamais de la vie ! protesta Raymond.
La chvre du voisin porte ce nom.
Alors
appelons-la
BlancheNeige, proposa Bernard.
Ils l'appelrent donc Blanche-Neige et

133

lui lancrent des poignes de grain. Elle


accourut en caquetant et fit un excellent
djeuner. Puis elle entra dans la caisse que
Bernard et Raymond avaient dispose pour
elle et se coucha dans le nid de foin.
Elle va pondre un uf, fit remarquer
Bernard avec satisfaction.
Je le mangerai midi ! s'cria
Raymond.
Non, c'est moi qui m'en rgalerai ce
soir ! riposta Bernard.
La poule caqueta et s'envola de la caisse.
Elle laissait au milieu du nid le plus joli uf
blanc que l'on puisse imaginer. Les deux
garons furent enchants. Bernard le prit.
L'uf tait lisse et tide dans sa main.
Merci, Blanche-Neige ! s'cria-t-il.
Merci beaucoup !

134

Tous les deux contemplrent l'uf avec


ravissement.
Raymond, cette poule nous portera
bonheur ! dclara Bernard. Si elle pond un
uf tous les jours, nous en aurons bientt
assez pour en vendre. Nous en vendrons
trois par semaine et nous en garderons
quatre pour nous. Que ferons-nous de
l'argent?
Nous le mettrons dans notre tirelire et
nous attendrons d'en avoir assez pour
acheter un petit cochon.
- C'est une bonne ide ! approuva
Bernard. J'ai toujours eu envie d'avoir un
cochon ros et dodu. C'est dcid ! Nous
achterons un cochon.
- Nous le soignerons bien. Il deviendra
norme, nous le revendrons trs cher!
s'cria Raymond. Que nous serons riches !

135

Comment l'appellerons-nous, Bernard?


Barnab, rpondit Bernard. C'est
un nom qui convient trs bien un
cochon. Que ferons-nous de l'argent qu'il
nous rapportera?
Nous achterons une vache rousse
que nous appellerons Roussette. Nous la
trairons tous les jours et nous vendrons le
lait. Il faudra que nous achetions une
seconde tirelire. Peut-tre une troisime.
Que ferons-nous de tout cet argent?
Nous commanderons des costumes
neufs !
Nous ferons construire une maison
qui aura cent fentres et soixante
chemines !
- Moi, j'aurai une voiture et un cheval!
dclara Bernard. Je me promnerai dans les
rues, je ferai claquer mon fouet.

136

Les gens
ouvriront de
grands
yeux !
Oh! non! s'cria Raymond. Pas un
cheval et une voiture, Bernard ! C'est
trop vieux jeu! Nous aurons une belle auto
rouge avec des roues jaunes et un klaxon
qui fera clong ! clong ! En l'entendant, les
gens se dpcheront de monter sur le
trottoir !
Tout le monde a une auto !
protesta Bernard. Je veux quelque chose de
plus original. Je veux un cheval et une
voiture. Mon cheval, je l'appellerai Hector.
Quand il galopera dans les rues, ses sabots
feront jaillir des tincelles sur la chausse.
Non, Bernard ! Je te dis que nous
achterons une auto ! Tu ne veux pas
entendre son klaxon, qui dispersera devant
nous tous les passants?
Non, je ne veux pas! Moi aussi, je

137

disperserai les gens devant moi avec


mon cheval et ma voiture. Je fouetterai
Hector, il galopera comme le vent. Et si je
te vois venir, Raymond, je fondrai sur toi.
Pour ne pas tre renvers, tu seras oblig de
sauter sur le trottoir.
Vraiment? cria Raymond. Eh bien,
je vais te dire une chose, Bernard : quand
j'aurai ma voiture, je me promnerai dans
les rues de la ville et, lorsque je te verrai, je
donnerai des coups de klaxon si bruyants
que, de frayeur, tu laisseras tomber ton sac
provisions. Pan! Je te heurterai et poum,
patapoum !
tu
rouleras
dans
le
ruisseau!
Mchant
garon !
cria
Bernard, indign. Si tu me fais tomber, je
galoperai droit sur toi et mon cheval
t'enverra d'une seule ruade jusque dans la
lune!

138

Non! Je ne lui en laisserai pas le


temps ! riposta Raymond, Regarde ! Je
fonce dans mon auto rouge aux roues jaunes
! Gare devant !
Faisant semblant d'tre en auto, le
garon irrit se prcipita vers Bernard en
imitant le bruit d'un klaxon : clong ! clong !
Gare-toi aussi ! riposta Bernard qui
feignit d'tre cheval.
Il se jeta contre Raymond. Tous deux se
heurtrent violemment. Bernard tomba.
Il se releva, tremblant de rage. Il avait
encore l'uf dans la main et crut tenir une
pierre. Il visa Raymond, mais manqua le
but. L'uf fendit les airs et atteignit
Blanche-Neige qui, effraye, assistait la
querelle.

139

Pan ! L'uf s'crasa sur son bec. Il se


cassa. Le jaune et le blanc ruisselrent
jusqu' terre. La poule poussa un
gloussement de colre.
Puisque c'est comme cela que vous
traitez mon bel uf blanc, je ne resterai pas
avec vous ! Adieu ! dit-elle dans son
langage.
Dployant ses jolies ailes blanches, elle
s'envola par-dessus la haie. Surpris et
affols, Bernard et Raymond la suivirent
des yeux.
Reviens, Blanche-Neige ! Reviens !
cria Bernard, de grosses larmes coulant sur
ses joues.
Notre petite poule blanche est
partie... et avec elle Barnab notre cochon,
Roussette notre vache, Hector notre cheval,
notre voiture et notre belle auto

140

rouge aux roues jaunes ! gmit


Raymond.
Et notre bel uf est cass! Je
regrette d'avoir t si stupide! dit Bernard
en sanglotant. Pardonne-moi!
Nous n'avons rien nous reprocher
l'un l'autre, j'ai t aussi stupide que toi!
rpliqua Raymond.
Pourquoi nous
sommes-nous
conduits
ainsi ?
La
prochaine fois qu'une petite poule blanche
viendra dans notre jardin, nous serons
plus raisonnables !
Mais jusqu' prsent, aucune autre
poule blanche n'est encore venue dans leur
jardin. Vous voyez, Bernard et Raymond,
que c'est trs mal de se quereller !

141

12. LE CERF-VOLANT
QUAND le cerf-volant fit son
apparition dans la salle de jeux, les autres
jouets forent trs intrigus.
Ce n'est pas une poupe, fit
remarquer Zzette, la poupe aux
boucles blondes.

142

Ni un ours, renchrit Tours


en peluche.
Ni une locomotive, ajouta le train
lectrique.
C'est un jouet trs bizarre , conclut
le cheval bascule en jetant un coup
d'il dans le placard o le cerf-volant ne
faisait pas un mouvement. II n'a pas de
jambes, il ne pourra pas courir avec nous. D
ne peut mme pas rouler comme un ballon.
Il a une queue, mais elle ne remue
pas , fit remarquer le chien ros qui tait
trs fier de sa queue parce qu'elle s'agitait
lorsqu'on le remontait.
Tous regardrent la longue queue du
cerf-volant. Elle tait faite de morceaux de
papier tortills, attachs une longue
ficelle.

143

Soudain le cerf-volant se mit parler


d'une voix saccade et sifflante.
Je suis un cerf-volant. Je n'ose pas
remuer la queue parce que j'ai peur qu'elle
ne s'embrouille, expliqua-t-il. C'est si long
pour la dmler !
Il parle ! s'cria Zzette. Sors de ton
placard, viens jouer avec nous, cerf-volant !
Non, merci, rpondit-il. Ainsi que
l'a dit le cheval bascule, je n'ai pas de
jambes, je ne peux donc pas marcher. Je
prfre rester tranquillement ici.
Le cerf-volant resta donc sur l'tagre
du placard. Les jouets se moquaient de lui.
Ils le bousculaient. Ils nouaient et
dnouaient sa ficelle. Le pauvre cerf-volant
tait trs malheureux!
Ne faites pas cela! disait-il. Un jour,
peut-tre, j'aurai besoin de ma ficelle!

144

Allons donc ! Pourquoi ? s'cria


l'ours en peluche. A quoi peut servir un
cerf-volant? A rien, autant que je puisse en
juger. Tu ne bouges pas de ton placard,
paresseux !
Et Fours, par taquinerie, embrouillait
de plus en plus la ficelle. Le cerf-volant, qui
n'avait ni bras ni jambes pour se dfendre,
tait bien oblig de le laisser faire.
Mais la petite autruche blanche de
l'arche de No avait trs bon cur. Elle vnt
dnouer les nuds de la ficelle. Bientt le
cerf-volant et l'autruche taient grands amis.
O est l'autre autruche ? demanda le
cerf-volant. Je croyais qu'il y avait toujours
deux animaux de chaque espce dans une
arche de No.

145

- Nous tions bien deux, rpondit la


petite autruche blanche, mais le papa des
enfants, sans le vouloir, a march sur ma
compagne. Elle a t casse. Maintenant je
suis la seule autruche de l'arche. Je
m'ennuie beaucoup, je n'ai personne qui
parler.
Viens me trouver quand tu seras

146

triste, proposa le cerf-volant. Je


t'couterai toujours avec plaisir.
L'autruche et le cerf-volant avaient
donc de longues conversations ensemble.
Les jouets se moquaient d'eux.
Je ne vois pas ce qui peut te plaire
dans ce cerf-volant stupide! dit un jour
Tours en peluche l'autruche.
Et moi je me demande ce qui peut
plaire au cerf-volant dans cette petite
autruche de bois ! dclara Zzette en
secouant ses boucles blondes.
Un aprs-midi, le vent se leva, chassant
du ciel bleu les nuages blancs et secouant
les branches des arbres. Marc, qui
appartenait une partie des jouets, arriva en
courant dans la salle de jeux.
O est mon cerf-volant ? O est mon
cerf-volant? s'cria-t-il. C'est le temps

147

rv pour lui. Cerf-volant, cerfvolant, o es-tu ?


Aprs avoir cherch dans tous les
coins, il ouvrit le placard et en sortit le cerfvolant.
Viens ! lui dit-il. Le vent t'attend !
Sa sur Valrie vint le rejoindre.
Tu as trouv ton cerf-volant, Marc ?
demanda-t-elle. Nous ne nous en sommes
encore jamais servis. Je vais sortir mes
jouets dans le jardin pour assister son
vol.
Elle prit dans ses bras Zzette, l'ours en
peluche, le polichinelle et mme la petite
autruche blanche et elle suivit son frre
dans le jardin. Les jouets taient au comble
de l'tonnement. Pourquoi venait-il
chercher le cerf-volant ? Pourquoi ce grand
vent tait-il le temps rv

148

pour lui ? Ils n'y comprenaient


rien.
Valrie alla chercher les autres jouets et
les installa tous sur la pelouse. Marc se mit
en devoir de dnouer la ficelle attache au
cerf-volant.
Le vent se jeta sur eux, prt tout
emporter. Marc lana en l'air le cerf-volant
qui s'leva de plus en plus haut, mesure
que le petit garon droulait la ficelle. Il
frmissait et se balanait comme un tre
vivant. C'tait merveilleux voir !
II vole admirablement, n'est-ce pas,
Valrie? s'cria Marc satisfait. C'est le plus
beau cerf-volant du monde ! Regarde ! J'ai
de la peine le retenir tant il tire sur sa
ficelle. Je cros qu'il voudrait s'chapper !
Tiens-le bien ! conseilla Valrie. Si
nous le perdions, ce serait dommage !
Qui sait o le vent l'emporterait?
Tiens-le bien !

149

Tous les jouets regardaient, tonns et


merveills. Etait-ce vraiment le mme
cerf-volant qui ne bougeait pas de son
placard et dont ils s'taient si souvent
moqus ? Le cerf-volant qui n'avait pas de
jambes et ne pouvait pas jouer avec eux?
C'tait incroyable. Il montait de plus en

150

plus haut dans les airs et planait


majestueusement. Quel beau spectacle !
Aurait-on pu croire que ce cerf-volant
pouvait voler de cette faon? demanda
Zzette.
- Moi, j'en serais incapable, c'est
certain, s'cria Tours en peluche.
Il est beaucoup plus habile que nous
, reconnut le polichinelle.
La petite autruche blanche tait fire de
son ami. Elle fixait sur lui ses yeux noirs.
Elle se demandait s'il irait se heurter aux
nuages qui couraient si vite dans le ciel.
Enfin le vent s'apaisa et le cerf-volant
retomba sur le sol. Il resta immobile sur le
gazon de la pelouse. Marc entendit sa mre
qui l'appelait et se tourna vers Valrie.

151

C'est l'heure du goter. Viens !


Tous les deux coururent vers la maison.
Au mme moment, le vent se remit
souffler. Le cerf-volant se souleva
lgrement.
Petite autruche ! cria-t-il. Accrochetoi moi! Je te donnerai le baptme de l'air!
Tu as t si gentille ! Il faut que tu saches
comme c'est dlicieux de monter vers le
ciel!
Les autruches ne volent pas, elles
peuvent seulement courir ! protesta l'ours
en peluche.
Il tait jaloux. Il aurait tant aim voler
avec le cerf-volant!
Eh bien, moi, je vais voler ! dclara
la petite autruche blanche.
Elle s'accrocha la queue du cerfvolant. Il y eut un grand coup de vent.

152

Le cerf-volant s'leva joyeusement


dans les airs en emportant la petite autruche
un peu effraye, mais plus heureuse qu'elle
ne Pavait jamais t.
Le cerf-volant va s'en aller trs loin,
il ne pourra plus revenir. Les enfants ne
seront pas contents ! fit remarquer l'ours
en peluche.
Il se trompait. Marc avait eu la
prcaution d'enrouler l'extrmit de la
ficelle autour d'une branche d'arbre. Arriv
trs haut, le cerf-volant fut oblig de
s'arrter et de planer dans le ciel puisqu'il
tait retenu en bas.
Marc et Valrie revinrent, leurs tartines
la main.
Tiens ! s'cria Marc. Mon cerf-volant
s'est envol tout seul. Qu'il est adroit et
intelligent !

153

Il tira sur la ficelle pour le ramener


terre et poussa un cri de surprise.
Valrie ! Regarde ! L'autruche de ton
arche de No s'est envole avec le cerfvolant ! C'est bizarre, n'est-ce pas ?
Le soir, quand le cerf-volant eut repris
sa place sur l'tagre du placard, les jouets
s'approchrent de lui. Ils avaient honte
d'eux.
Cerf-volant, tu as t merveilleux
aujourd'hui ! commena Zzette.
Je regrette d'avoir embrouill
ta ficelle, continua l'ours en peluche. Je ne
savais pas qu'elle t'tait si utile.
N'en parlons plus ! rpliqua le
cerf-volant avec gnrosit. Je sais que je
suis laid et que j'ai l'air bte quand je suis
immobile, mais lorsque je monte vers le
ciel, c'est diffrent !

154

Donne aux autres aussi le baptme


de l'air la prochaine fois, proposa la petite
autruche blanche, heureuse de voir les
jouets rconcilis avec son ami.
C'est entendu ! promit le
cerf-volant.
Il tiendra parole, j'en suis sr. Je me
demande si Zzette, la poupe aux boucles
blondes, n'aura pas peur quand elle sera
emporte dans les airs !

155

13. LE CHAPEAU
DE L'ONCLE CHARLES
LA PLAGE tait trs anime cet t l,
Eric y passait ses vacances avec sa mre,
Mme Marchand. Des bandes d'en-fonts
construisaient des forteresses, se baignaient,
pchaient des crevettes. Ils s'amusaient
beaucoup.
Le matin, dix heures, oncle Charles

156

venait
les
rejoindre.
On
le
reconnaissait de loin; alors que tous les
autres messieurs taient tte nue, il portait
un beau chapeau en vraie paille de Panama
auquel il tenait beaucoup.
En ralit, ce n'tait pas l'oncle d'Eric
ni d'aucun des enfants qui jouaient sur la
plage, mais tous rappelaient oncle Charles.
Et il se conduisait comme le meilleur
des oncles : il rassemblait autour de lui les
garons et les filles, leur racontait des
histoires et leur apprenait des exercices de
gymnastique. Puis il les faisait dfiler
devant lui sur le sable. Enfin il organisait
des courses.
C'tait les courses que les enfants
aimaient le mieux parce que Fonde Charles
distribuait des prix aux vainqueurs, des
croquettes de chocolat, un sac

157

Il organisait des courses.

158

de bonbons, ou bien un petit bateau ou


une pelle neuve. Aussi filles et garons
couraient-ils vers lui, heureux d'obir tous
ses ordres, quand il descendait sur la plage,
coiff de son beau panama.
Tous, except Eric. Il tait timide. Bien
entendu, beaucoup d'autres enfants sont
timides, mais lorsqu'ils voient que leurs
camarades s'amusent de tout leur cur, ils
se dpchent de se joindre eux. Eric restait
seul.
Eric, tu es un petit sot ! lui disait sa
mre tous les matins. Pourquoi ne vas-tu
pas avec les autres enfants faire des
exercices de gymnastique et prendre part
aux courses? Cela te ferait beaucoup de
bien.
Je n'aime pas les choses qui me font
du bien, rpondait Eric.
Mais si! protestait Mme Marchand.

159

Ne me dis pas le contraire ! Les


bonnes tranches de rti te font du bien et tu
les aimes. Tu raffoles des oranges qui sont
pleines de vitamines. Va trouver oncle
Charles. Tu arriveras peut-tre le premier
la course et tu gagneras un tui de
croquettes de chocolat.
Je ne veux pas, rpliqua Eric. Mes
jambes ne sont pas rapides. J'arriverais le
dernier.
Comment peux-tu savoir si
tes jambes sont lentes ou rapides, tu
n'as jamais pris part des courses ! fit
remarquer sa mre. Tu es peut-tre capable
de courir plus vite que les autres !
Je n'aime pas courir, persista Eric.
J'aime mieux rester assis prs de toi.
Tu es un vrai bb ! s'cria sa
mre, exaspre. Je suis trs fche contre
toi!

160

Tu deviens grand pourtant! II est


temps que tu te conduises comme un garon
de ton ge!
Mais ses reproches ne servaient rien.
ric ne se dcidait pas se joindre la
bande joyeuse. Oncle Charles lui-mme,
malgr ses efforts, ne put le convaincre.
Viens ! disait-il en lui tendant la
main. Tu es le seul enfant de la plage qui ne
prend pas part nos jeux. J'aimerais te voir
courir sur le sable. Je suis sr que tu
dpasserais tous les autres.
Non, je serais le dernier, dclara
ric. Cela m'ennuierait beaucoup.
Il faut bien que quelqu'un soit
dernier, fit observer oncle Charles. Ce n'est
pas toujours le mme. Viens !
Eric secouait nergiquement la tte. Sa
mre et oncle Charles cessrent d'insister

161

et le laissrent tranquille, mais quand il


voyait dans les mains des vainqueurs des
sacs de bonbons ou des petits bateaux
voiles, Eric ne pouvait s'empcher de
regretter d'tre si timide.
Un aprs-midi, le vent se mit
brusquement souffler. Un vent violent !
La mer tait si mauvaise qu'on ne pouvait se
baigner. De grosses vagues couronnes
d'cume blanche s'abattirent sur la plage.
C'tait trs beau voir.
Le vent bouriffait les cheveux des
enfants, il emporta un grand ballon qui
roula sur le sable. Deux garons eurent
beaucoup de peine le suivre et le
rattraper. Les bateaux de pche se htrent
de rentrer au port, leurs voiles gonfles.
Oncle Charles, assis sur le sable, lisait
un livre. Les enfants ne faisaient pas

162

attention lui car la plupart d'entre eux


taient occups btir un chteau fort. Eric,
lui, remarqua sa prsence et le regarda un
moment. Il pensa que son visage souriant et
gai exprimait la bont.
Comme d'habitude, oncle Charles
portait son beau panama. Le vent joua un
moment avec le ruban, puis dcida que ce
serait amusant de s'emparer du chapeau. Il
se prcipita sur oncle Charles et souleva le
panama qui tomba sur le sable. Eric suivit
des yeux cette petite scne.
Le vent saisit de nouveau le chapeau et
le fit rouler rapidement sur le sable.
Mme Marchand le vit. Elle appela son
fils.
Eric, cours aprs le panama ! Il va se

163

jeter dans la mer. Vite ! Oncle Charles est si


gentil, tu peux au moins faire cela pour
lui!
Eric se leva d'un bond. Il s'lana la
poursuite du chapeau. D'autres enfants
dlaissrent leur chteau fort pour se mettre
courir eux aussi.
Vite ! Encore plus vite ! cria oncle
Charles. Rattrapez mon panama! Ne le
laissez pas rouler dans la mer !
164

Les enfants n'avaient pas besoin


d'encouragements.
C'est une course entre le chapeau et
nous ! s'exclama l'un d'eux.
Eric courait de toute la vitesse de ses
jambes. Il voulait absolument rattraper le
panama pour le rapporter en triomphe son
propritaire. Oncle Charles tenait tant son
chapeau et il tait si gentil! ric serait
content de lui rendre ce service.

165

Enfin il ne fut plus qu' tin pas du


chapeau. Il se jeta sur lui et Je saisis juste au
moment o les vagues allaient l'atteindre.
Les autres enfants le rejoignirent. Que tu
cours vite! s'crirent-ils. Plus vite que
nous! Tu as gagn la course contre le
chapeau !
Eric, bout de souffle, ne put rpliquer.
Il se dirigea lentement vers oncle Charles,
le chapeau la main.
Je te remercie, dit oncle Charles. Je te
remercie mille fois. Il y a longtemps que j'ai
ce chapeau et j'y tiens beaucoup. Quelles
bonnes jambes tu as ! Tu as gagn cette
course, tu mrites de recevoir un prix !
Et sans laisser Eric le temps de
protester, il lui mit dans la main un tui de
croquettes de chocolat.

166

Merci, dit Eric. J'aime beaucoup le


chocolat.
Il courut sa mre pour lui offrir une
croquette. Mme Marchand le regarda avec
orgueil.
Eric, tu es vraiment trs bon la
course ! dclara-t-elle. Je suis fire de toi.
Quel dommage que tu ne veuilles pas lutter
avec les autres !
Le lendemain, lorsque oncle Charles
descendit sur la plage et rassembla les
enfants, Eric fut un des premiers rpondre
son appel. La veille, dans son lit, avant de
s'endormir, il avait rflchi et s'tait promis
de se conduire en grand garon.
J'ai t stupide! avait-il pens. J'avais
peur d'tre moins rapide que les autres! Tant
pis si je suis le dernier ! Ce sera plus
amusant que de rester seul dans mon coin !

167

Aprs tout, je crois que je peux courir


aussi vite que les autres !
A la grande surprise de Mme Marchand,
il se joignit ses camarades et prit part la
course. Il n'arriva pas le premier parce qu'il
luttait contre des garons plus gs que lui.
Mais il ne fat pas le dernier. Il tait
troisime,
C'est trs bien ! dclara oncle Charles.
Voici un bateau pour le premier, du chocolat
pour le second, un sac de bonbons pour le
troisime. Bravo, Eric! Je suis content que
mon chapeau t'ait appris que tu avais de
bonnes jambes !
Oui, c'est un vieux panama qui a guri
ric de sa timidit.

168

14. ANTOINE ET LA PIE


son anniversaire, Antoine avait
reu de son oncle un beau livre plein de
photographies en couleurs qui montraient
toutes sortes d'oiseaux, leurs nids et leurs
ufs.
Regarde comme c'est joli! fit
remarquer Antoine sa cousine Martine. Tu
vois
POUR

169

cette photographie des ufs d'une


fauvette? Ils sont aussi bleus quelle ciel. J'ai
envie de chercher un nid de fauvette pour
prendre les ufs.
Oh ! non ! Ne fais pas cela ! protesta
Martine. Ge n'est pas bien de prendre les
ufs dans un nid d'oiseau. Tu sais que tu ne
dois pas le faire !
Antoine n'couta pas Martine. C'tait le
printemps, la plupart des oiseaux
construisaient leurs nids. Antoine les voyait
voleter dans le jardin, transportant dans leur
bec des brins de paille ou des morceaux de
feuille.
Je vais chercher un nid de fauvette, je
prendrai les ufs, dcida-t-il. Je les mettrai
dans une bote garnie d'ouate. Personne ne
le saura .
Il trouva facilement un nid de fauvette

170

cach dans une haie d'aubpine qui


bordait un petit chemin. Antoine repra un
oiseau qui voletait au-dessus du buisson
C'tait lheure du djeuner, mais il revint
l'aprs-midi et s'avana sur la pointe des
pieds.
Il carta la branche jusqu'au cur de la
haie. D'abord il ne vt rien, tant le pre et la
mre oiseau avaient bien dissimul leur
demeure au milieu des feuilles vertes.
Enfin il l'aperut, et dans le nid la mre
fauvette couvait ses ufs pour les tenir au
chaud. Elle fixa sur Antoine ses yeux vifs,
mais ne bougea pas.
Envole-toi! Envole-toi! ordonna
Antoine.
Tout en parlant, il secouait les branches,
ce qui tait vraiment trs vilain de sa part.
Le petit oiseau brun eut peur.

171

Il quitta son nid pour se percher sur un


arbre voisin d'o il guetta avec anxit les
gestes dAntoine.
Le nid contenait quatre jolis ufs bleus.
Le jeune garon n'eut pas la charit d'en
laisser un ou deux. Il les prit tous.
La mre oiseau tait en proie une vive
inquitude. Aprs le dpart d'Antoine, elle
retourna son nid et le regardai tristement.
Qu'taient devenus ses jolis ufs qu'elle
aimait tant? Ils avaient disparu. Dans son
dsespoir, elle entonna une petite chanson
triste pour annoncer aux autres oiseaux le
grand malheur qui la frappait.
Antoine emporta les ufs la maison.
Qu'ils taient jolis dans la bote sur un fond
d'ouate blanche! Si jolis qu'il eut envie de
les prendre pour modles et de

172

les dessiner. Il dessinait et peignait trs


bien.
O est mon porte-mine d'argent?
pensa-t-il. Ce sera facile de reprsenter ces
ufs. Je vais d'abord dessiner un nid et je
mettrai les ufs dedans.
Il se mit au travail. Il tenait beaucoup
son porte-mine d'argent qu'il avait gagn
l'cole un concours de dessin.

173

Aucun autre enfant de son ge n'en avait


un pareil. En classe, quand il le sortait de sa
poche, Antoine avait le sentiment de sa
supriorit.
Ce fut ensuite un nid de rouge-gorge
qu'il dcouvrit. Il tait bti par terre sous un
buisson dans le jardin d'Antoine. Il
contenait aussi quatre ufs. Antoine les prit
tous. La mre rouge-gorge poussa des cris
de fureur, mais elle ne put l'en empcher.
Elle tait trs malheureuse et s'envola en se
promettant de ne plus construire de nid et
de ne plus chanter dans le jardin d'Antoine.
Le jeune garon continua collectionner
des ufs d'oiseaux. Il ne l'avoua qu'
Martine. Il voulait les lui montrer, mais elle
refusa.
C'est mchant! dit-elle. Tu rends les

174

oiseaux trs malheureux. Je ne t'aime


plus !
Un jour, Antoine en se promenant se
dirigea du ct d'un vieux chteau en ruine.
Il entendit des cris d'oiseaux et leva la tte.
Que de pies ! se dit-il. Il doit y avoir
des nids dans la vieille tour. Si je montais
l-haut, je trouverais des ufs !
Antoine, qui tait trs leste et trs fort en
gymnastique, n'eut pas beaucoup de peine
grimper en haut de la tour. Les points
d'appui pour ses pieds ne manquaient pas, et
il s'accrochait aux broussailles qui
poussaient entre les vieilles pierres. Bientt
il aperut dans un trou un grand nid fait de
brindilles.
A l'intrieur, juste la porte de la main
d'Antoine, il y avait trois ufs.

175

J'ai de la chance! pensa-t-il en


avanant le bras pour les prendre*
Il redescendit, les ufs dans sa poche,
retourna en courant la maison et prit ne
bote assez grande pour y mettre les ufs. Il
possdait maintenant une belle collection !
Chaque fois qu'il trouvait un nid, il prenait
tous les ufs, sans en laisser un seul pour la
mre oiseau, il ne pensait pas son
dsespoir d'tre ainsi dpouille,
Le lendemain, Antoine, assis dans sa
chambre prs de la fentre ouverte,
dessinait une carte de France pour son
professeur de gographie. Bien entendu, il
se servait du beau porte-mine d'argent qu'il
aimait.
Il se leva pour aller prendre sa rgle et
plaa le porte-mine sur le rebord de la
fentre. A ce moment un gros oiseau noir
traversa le jardin

176

C'tait une pie. Elle aperut le portemine


qui brillait au soleil. Aussitt elle se posa
sur le rebord de la fentre. Elle aimait les
objets brillants!
Elle prit le porte-mine dans son bec. H
tait lourd, mais la pie est un oiseau
vigoureux. Antoine se retourna quand il
entendit le bruit des ailes.

177

Il vit la pie saisir son beau portemine,


s'envoler en l'emportant dans son bec et
devenir de plus en plus petite, tandis qu'elle
se dirigeait vers la tour du vieux chteau en
ruine o elle avait son nid.
Mchante pie ! s'cria Antoine. Tu as
vol mon porte-mine ! Reviens ! Reviens
vite !
Mais la pie ne revint pas. Elle mit le
porte-mine dans son nid o elle avait dj
un morceau de papier d'argent et un d
tincelant vol une petite fille. Dsormais
le porte-mine tait son plus beau trsor.
Antoine avait un grand chagrin. Il se mit
pleurer. Les larmes ruisselaient sur ses
joues. Il se lamentait encore lorsque
Martine entra dans sa chambre.

178

Cette pie est une voleuse ! gmit


Antoine. Elle a pris ce que j'avais de plus
prcieux, mon beau porte-mine d'argent !
Martine regarda son petit cousin sans
rien dire.
Tu ne me plains pas ? demanda
Antoine en essuyant ses larmes. Tu sais
pourtant combien j'aimais mon portemine !
Je l'avais gagn dans un concours. Tu n'es
pas fche qu'il ait disparu? C'est une
mchante pie qui est venue le prendre !
Pas plus mchante que toi! dclara
enfin Martine. Aprs tout, Antoine9 la pie a
fait exactement ce que tu fais toi-mme. Tu
prends les ufs des oiseaux, elle a pris ton
porte-mine !
Je tenais mon porte-mine ! s'cria
Antoine.

179

Les oiseaux tiennent leurs ufs, fit


remarquer Martine. Ils ne les couveraient
pas si longtemps, ils n'auraient pas l'air si
heureux s'ils ne les aimaient pas. La
fauvette, le rouge-gorge, la pie et les autres
dont
tu as pris les ufs
ont eu
certainement beaucoup de chagrin.
Mon porte-mine tait en argent. Il
avait srement cot trs cher, protesta
Antoine.
Les ufs contiennent quelque chose
de vivant, il en sort des oisillons qui sont
heureux de vivre et chantent dans les
arbres. Et leur mre les aime autant que
t'aime ta maman.
Martine, tu n'es pas gentille !
Je suis si malheureux ! gmit Antoine.
C'est ta faute ! Tu as t puni
! dclara Martine. La pie a t mchante
de voler ton porte-mine, mais toi tu l'as
t de prendre des ufs dans les nids.
180

Encore plus ! La pie ne sait pas que c'est


mal de voler, toi tu le sais trs bien!
Tu as raison, Martine ! reconnut le
pauvre Antoine en pleurant. Je ne prendrai
plus d'ufs dans les nids, je te le promets !
Ne pleure pas ! s'cria Martine. Si tu
tiens ta promesse, je casserai ma tirelire
pour t'acheter un porte-mine neuf.
Non, garde tes sous! protesta
Antoine. Qui sait si la pie ne me rapportera
pas mon porte-mine ?
Elle ne l'a pas fait et le garde
prcieusement dans son nid. Pauvre Antoine
! La punition est dure, mais il l'avait bien
mrite, n'est-ce pas?

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Enid Blyton

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