Une Définition de La Géostratégie

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UNE DFINITION DE LA GOSTRATGIE

Martin Motte
... Enfin, par combinaison des lments modernes, sur terre, sur mer et dans lair,
natrait une stratgie nouvelle assez tendue dans lespace et assez rapide dans le temps
pour tre lchelle de leurs possibilits. Nul doute, dailleurs, que cette extension du
rayon daction de la force doie entraner un aste lar!issement des th"tres
dopration et, par suite, de profonds chan!ements dans la conduite politique du conflit.
#e deloppement de la !uerre mcanique, allant de pair aec celui de la !uerre
conomique, impliquera la mise en actiit de secteurs actuellement passifs sur la carte
du monde...
Charles de Gaulle
LA GOSTRATGIE : IMPOSTURE OU RALIT ?
tat des lieux
Il nexiste ce jour aucune dfinition satisfaisante de la gostratgie. Les travaux sur la
question oscillent entre deux tendances contradictoires : dune part, une description des
problmatiques gostratgiques assez allusive quant lessence du concept ; dautre
part, des formulations thoriques a priori qui ont linconvnient majeur dignorer
totalement les travaux des pres fondateurs de la gostratgie, les Mahan, Douhet, etc.
La premire mthode est notamment illustre par les recherches dHerv Coutau-Bgarie
ou de Paul Claval, qui soulignent les particularits doprations militaires conduites sur de
trs vastes thtres -interpntration croissante des forces terrestres, maritimes et
ariennes, problmes ns du tlescopage de leurs chelles spcifiques despace-temps
comme de leurs rgles propres, etc.
1
Franck Debi et ses collaborateurs insistent quant
eux sur la notion de $!lacis$ : pour la gostratgie, lespace ne se rduit pas au cadre
passif des combats, il est susceptible de retarder la progression de lennemi, donc de
garantir un pravis pour percer jour ses intentions et laborer une riposte.
Inversement, la gopolitique ne raisonne pas en termes de zones de glacis mais de zones
dinfluence
2
. A cette cole descriptive se rattachent encore les innombrables tudes de
cas prcisant la faon dont tel ou tel pays a compris et organis son environnement
stratgique. Il y a l de prcieux points de dpart, mais non un aboutissement thorique,
puisque montrer ce que fait la gostratgie ne dit pas explicitement ce quelle est.
On trouve aux antipodes lapproche dogmatique dYves Lacoste, pour qui la gostratgie
qualifie $les anta!onismes entre des %tats ou des forces politiques se considrant comme
absolument aderses$, par opposition la gopolitique entendue comme $discussions et
controerses entre citoyens dune mme nation ou habitants dun mme pays$
3
.
Distinction extrmement contestable, car les antagonismes intertatiques ne revtent
pas toujours une forme militaire ; lorsquils sexpriment en termes conomiques ou
diplomatiques, on ne peut plus parler de "stratgie" que par abus de langage. Cest bel et
bien de lutte arme que traitent les grands auteurs gostratgiques, non des multiples
formes de Guerre froide. Dautre part, lanalyse de la gopolitique comme "dbat
pacifique" laisse rveur. Elle tourne le dos la ralit historique de la discipline, certes
faite de recherches libres et contradictoires, mais portant systmatiquement sur des
rivalits intertatiques et relevant de cette logique daffrontement o lon prtendait
tantt discerner le critre de la gostratgie. Yves Lacoste est beaucoup plus convaincant
lorsquil restreint le qualificatif "gostratgique" aux conflits dans lesquels $tel dtroit, tel
passa!e, tel archipel, tel !isement ou tel espace ethnique$ nest plus la scne inerte
dune rivalit intertatique, mais son enjeu fondamental et son facteur dterminant
4
. On
en revient alors une approche descriptive du premier type : remarquons toutefois que
cest encore dsigner la gostratgie par son objet sans sattacher sa spcificit. A sen
tenir l, il ny aurait pas de gostratgie, mais seulement des zones gostratgiques,
susceptibles dtre conquises par les moyens ordinaires de la stratgie.
Faut-il dfii! la "#st!at"ie ?
La gostratgie ne constitue assurment pas un objet intellectuel clair. Si son tymologie
combine gographie et stratgie, la pondration respective des deux composantes est
malaise tablir : la gographie dtermine-t-elle intrinsquement la stratgie ou lui
impose-t-elle seulement un conditionnement extrinsque ? Pour corser la mise, lart
militaire na jamais ignor limportance du facteur gographique, dj voqu par Sun
Tzu il y a 2500 ans
5
; loriginalit de la gostratgie na donc rien dvident. Question
passablement embrouille et peut-tre oiseuse, car toute dmarche stratgique relve de
la pratique, non de la thorie. On voit alors poindre la tentation de jeter par dessus bord
les tentatives dlucidation formelle de la gostratgie, notion trop synthtique pour se
laisser rduire une essence claire. Elle ne constitue pas une science, mais tout au plus
une mthode de conduite des oprations " grande chelle", dont le sens commun
identifie sans peine les applications et dont lexacte dfinition, de ce fait, importe peu.
Malheureusement, lapproche empirique conduit une impasse : si la gostratgie se
rduit la stratgie "en plus grand", sans modification des problmatiques, elle nest
quun pseudo-concept. Or, en obscurcissant inutilement lanalyse, le pseudo-concept
hypothque du mme coup laction. Clausewitz a beaucoup rflchi sur ce point. Il na
jamais ni que la guerre ft un art plus quune science, mais il a abondamment dmontr
que lexercice correct de cet art suppose, en amont, un sain diagnostic de la situation.
Lorsque le diagnostic nest pas conduit avec la plus grande rigueur conceptuelle, le
gnral ne peut discerner la permanence des schmas stratgiques derrire lapparent
chaos des vnements et larme marche laveuglette. Le plus subtil des stratges
maritimes, Sir Julian Corbett, compltait lanalyse de Clausewitz en faisant valoir que la
clart des concepts est la condition sine qua non de la comprhension rciproque entre le
pouvoir politique et ses excutants militaires dune part, entre le gnral en chef et ses
subordonns de lautre : pour mener une action commune, encore faut-il parler le mme
langage
6
. La rflexion pistmologique sur le concept de gostratgie nest donc pas une
querelle byzantine ou un pur dbat nominaliste.
T!#is $%&#t$'ses su! la "#st!at"ie
Trois cas de figure peuvent expliquer lapparition dun nologisme. Tantt la nouveaut
du mot tient celle de lobjet : cest ce qui se produit couramment dans le domaine de
linnovation technologique. Le terme "automobile" par exemple nest aucunement
superftatoire, il devient ncessaire ds lors quest dpasse la contrainte de la traction
animale. Tantt, au contraire, le nologisme renvoi un objet prexistant, mais jusque-
l inconnu : ainsi Monsieur Jourdain faisait-il de la prose sans le savoir. La nouveaut du
mot rpond en ce cas la nouveaut de la prise de conscience. Tantt, enfin, le
nologisme sapplique un objet la fois prexistant et dj connu ; cest alors un pur
phnomne didologie, voire de mode. Il ny a plus de nains aux tats-Unis, mais des
"verticalement diffrents", ce qui ne change pas grand chose la taille des intresss.
Les mass-media ont gnralis lemploi de tels tours de passe-passe smantiques, o la
pdanterie de la langue le dispute lobscurit du sens ; do limprieuse ncessit de
passer tout nologisme au crible de la critique.
Appliqus au concept de gostratgie, ces trois cas de figure posent lalternative suivante
:
- le terme de gostratgie est li lapparition dune problmatique entirement
nouvelle, que lamiral Clrier dfinissait en 1955 comme le primat rcent de "lchelle
mondiale$ dans les calculs stratgiques
7
. De fait, ce concept a t utilis par les analystes
occidentaux dans le contexte de la rivalit Est-Ouest et sa rcente perce mdiatique
correspond au dsordre international de laprs-communisme. Dans les deux cas prvaut
la dimension plantaire.
- le terme de gostratgie dsigne la prise de conscience par les militaires, les
gographes et les historiens de la spcificit des oprations conduites $aux plus astes
dimensions, et aec la plus !rande arit de moyens daction$, selon lexpression
dAndr Vigari
8
. Mais ds lors que chaque poque, en fonction de ses moyens de
communications, possde ses propres "plus vastes dimensions", le spcialiste des luttes
plantaires du XXe sicle peut largir la mthode gostratgique ltude du pass. Cest
ce qua fait Edward Luttwak, un temps conseiller influent de la Maison blanche, dans #a
!rande strat!ie de lempire romain.
9
.
- dernire hypothse, on a affaire un concept parfaitement superflu. $#espace est lune
des cat!ories usuelles de la pense strat!ique$, souligne le gnral Poirier ; par
consquent le terme de gostratgie est $tautolo!ique$
10
. Sa vogue illustrerait seulement
linflation de nologismes dj voque. Mais on pourrait alors sattendre ce que les
premiers utilisateurs du terme soient issus des milieux mdiatiques : seule la gnalogie
historique du concept permet de trancher ce point.
Gal#"ie $ist#!i(ue du )#)e&t de "#st!at"ie
Lorigine de la gostratgie est longtemps reste obscure. Jusqu une date trs rcente,
on en tait rduit aux hypothses quant la datation du vocable : lanalyste amricain
Colin S. Gray en aurait revendiqu la paternit, mais le gnral Gallois laisse entendre
que lamiral Castex laurait utilis ds les annes 1940
11
. Peut-tre dailleurs est-il vain de
vouloir assigner au concept de gostratgie un dveloppement diachronique ; lhistoire
des ides offre, en effet, de nombreux exemples de dveloppements synchroniques. La
dmarche gostratgique a fort bien pu simposer des penseurs isols les uns des
autres mais confronts aux mmes problmes, ce qui constituerait un puissant argument
en faveur de son originalit.
Quoi quil en soit, bien avant Colin S. Gray, les pres fondateurs de la gopolitique
allemande avaient confusment pressenti la ncessit de la mthode gostratgique. Sils
nemploient pas le mot notre connaissance, ils subodorent le fait, "tournent autour du
pot". Ratzel sest beaucoup interrog sur les spcificits dune stratgie conduite
lchelle plantaire ; son adhsion la Ligue navale allemande le conduisit esquisser en
1900 une thorie compare de la puissance maritime et de la puissance continentale,
dmarche qui, pour le sens commun, tombe immdiatement sous la catgorie de
gostratgie
12
. Disciple de Ratzel, le gnral Haushofer parlait dans lentre-deux-guerres
de $!opolitique militaire$ propos de la future guerre mondiale par laquelle lAllemagne
briserait la paix de Versailles
13
. Mme intuition chez les marins allemands : lamiral
Scheer voquait en 1916 les $dsaanta!es de la situation !omilitaire de l&llema!ne$,
bloque au fond de la baie dHeligoland par la flotte britannique ; reprenant cette analyse
une dizaine dannes plus tard, lamiral Wegener proposait le concept de $situation
!o!raphico'strat!ique$ comme paramtre fondamental de la guerre navale
14
. Ladjectif
"gomilitaire" se retrouve aussi sous la plume de Hitler
15
. Or linfluence sur Hitler de
Rudolf Hess, disciple et ami intime de Haushofer, est incontestable : il lui servit de
secrtaire pour la rdaction de (ein )ampf durant sa dtention Landsberg, aprs
lchec du putsch de 1923. De l une certaine continuit entre Haushofer et Hitler, bien
que lex-caporal autodidacte ait dfigur la doctrine du gnral-universitaire
16
.
On peut toutefois remonter encore plus loin dans la gnalogie du concept. Comme vient
de le rvler le colonel Ferruccio Botti, le terme mme de gostratgie est antrieur aux
travaux de Ratzel et de ses pigones : il fut utilis ds 1846 par le gnral Giacomo
Durando, hros du *isor!imento puis ministre pimontais de la Guerre et des Affaires
trangres, dans son livre-manifeste +e la nationalit italienne, essai politico'militaire.
Pour Durando, la formation dune nationalit, entendue au sens naturaliste du
romantisme plus quau sens volontariste de la Rvolution, est toujours tributaire du
milieu gographique :
Jentends par nationalit lunion politique de populations associes naturellement par leur
situation gographique et artificiellement par la langue, les murs, les traditions, la
lgislation, les intrts matriels et moraux. Ces dernires conditions artificielles de la
Nationalit ne sont autres, selon moi, que la consquence ncessaire du lien de sociabilit
produit par lossature spcifique du sol !a situation ou posture gographique dtermine de
fa"on inaltrable le caractre gostratgique dun pa#s, et les Nationalits saffermissent
dautant mieux que ce caractre du sol sharmonise a$ec leurs traits sociaux et politiques
%&
.
Le propos, en tant que tel, nest gure original ; on en trouve les prmisses dans la thorie des
climats de Montesquieu et Herder na jamais dit autre chose, ni sa suite Fichte, Riehl ou
Frdric Mistral !lus surprenant est ladjecti" #gostratgique#, puisque la dmarche de
$urando, comme le remarque le colonel %otti, relve plut&t de la gopolitique ' cest du
dveloppement politique des peuples quil sagit ici, non de leur organisation militaire
$urando emploie dailleurs un autre terme, celui de #gotactique#, pour voquer lin"luence
de la gographie sur les questions militaires (oute"ois, un passage de la nationalit italienne
lie plus e)plicitement le concept de gostratgie lart militaire '
Jai employ le mot de gostratgie, que je crois indit ce jour, chaque fois quil ma
fallu envisager le terrain abstraitement, indpendamment de lemploi des forces
organises, mais naturellement en relation avec elles. Aussi parlais-je des conditions
gostratgiques, gotactiques de lItalie ou de lEspagne, lorsque jtudie abstraitement
lossature et la tessiture du sol ; et je parle de manuvres ou daxes stratgiques quand
je veux voquer telle opration militaire conduite sur certains points dtermins du
terrain. Je spare donc en thorie, pour plus de clart, deux donnes qui sont
troitement associes dans la pratique
18
.
*l n+ a, par consquent, nulle solution de continuit entre gopolitique et gostratgie dans
l,uvre de $urando -es thses sur lhumanit primitive ren"orcent encore la parent des
deu) notions !our lui, les premiers hommes ont essaim partir dun .erceau originel quil
nomme #no#au central' ou #centre protostratgique' et quil situe dans le /aucase, carre"our
de l0urope, de l1sie et de l1"rique via l0uphrate 2scnario dont le colonel %otti souligne
la similitude "rappante avec la thorie du (eartland, "ormule par Mac3inder en 4567
45
8 9r,
dans cette grandiose e)pansion, la con"rontation de lhomme avec le cadre ph+sique est
voque en termes militaires '
Jappelle dveloppement gostratgique des premires ethnies, peuples et nationalits le
systme instinctif de guerre, ou si lon prfre doccupation, par lequel ces ethnies se
frayrent un passage vers la conqute du monde - non en combattant des armes ou en
canonnant des forteresses, mais en bataillant contre les obstacles de la nature
20
.
Treize ans avant que Darwin ne publie #ori!ine des esp,ces, Durando a donc
allgrement saut le pas du darwinisme biologique au darwinisme social : quil soit livr
lespace inerte ou aux tribus ennemies, le combat prside seul aux destines de
lhomme. Dans un premier temps, la contrainte du milieu oriente la dispersion de
lhumanit primitive le long des grandes plaines, travers les cols, etc. ; dans un second
temps, elle individualise cette humanit et la constitue en nationalits distinctes ; dans
un troisime temps, les nationalits entrent en conflit les unes avec les autres pour
raliser leur $potentiel de dilatation ethno!raphique$, cest--dire atteindre leurs
$fronti,res naturelles$
21
. On comprend ds lors pourquoi, chez Durando, le terme de
gostratgie recouvre indiffremment la gopolitique et la gostratgie, les ethnies
allognes sapparentant selon lui un obstacle gographique parmi dautres. Sans doute
cette rduction du politique au militaire tient-elle au contexte du *isor!imento :
lpoque o crivait Durando, lunification politique de lItalie supposait lanantissement
des forces autrichiennes en Lombardie, Sud-Tyrol et Vntie.
La gnalogie historique de la gostratgie rvle donc que le terme est n dans les
parages immdiats de la gopolitique, sous la plume duniversitaires ou de grands
capitaines investis de lourdes responsabilits, non de journalistes effets. Mais cette
caution ne suffit pas tablir la validit conceptuelle de la gostratgie, dans la mesure
o celle de la gopolitique na rien dvident. Elle a, au contraire, fait lobjet de violents
dbats que lenqute sur la gostratgie ne saurait ignorer.
GOPOLITI*UE
De l+aat$',e - la !$a.ilitati#
$#a !opolitique est le spectre qui hante la !o!raphie humaine depuis plus dun si,cle -
lhorreur et le d!o.t quelle prooque sont encore perceptibles au/ourdhui$, crivait
Yves Lacoste dans un livre clbre, citant les diatribes de Roger Brunet contre "la ieille
et honteuse Geopolitik et ses miasmes dobscurantisme$
22
. Cest dire si linfluence,
dailleurs survalue, de Haushofer sur Hitler, ia Rudolf Hess, a lourdement pes sur le
destin dune cole de pense qui remonte en fait au XIXe sicle. Mais fallait-il jeter le
bb avec leau du bain, et ny a t-il pas une extraordinaire hypocrisie ignorer les
rapports vidents entre lexercice du pouvoir dtat et la gographie ? Yves Lacoste
soulignait, au contraire, que ces rapports prvalent depuis la nuit des temps ; ce sont les
gouvernants et les militaires qui cartographient le monde, dabord parce quils en ont
seuls les normes moyens financiers, ensuite parce quils sont les usagers naturels des
cartes. dtat-major
23
! Cassini ne se conoit gure sans Louis XIV et Vauban. Et la
matrise de lespace nest pas un attribut extrieur du pouvoir, mais un de ses lments
constitutifs ; dans un groupe de combat par exemple, cest parce quil sait lire la carte
que le grad exerce lautorit. Aussi la gographie emprunte-t-elle tout naturellement au
vocabulaire du pouvoir : $%tymolo!iquement une r!ion (cf. regere 0 dominer, r!ir1 est
une forme dor!anisation politique de lespace$
24
.
Au reste, aprs avoir quelque peu clips la gopolitique, la Guerre froide a fini par
restaurer sa prminence. Le clbre paradoxe aronien, $paix impossible, !uerre
improbable$
25
, rend bien compte de cette dialectique : la dissuasion nuclaire minimise
limportance du facteur gographique, dont les vecteurs ariens ignorent globalement les
contraintes. Mais dans le mme temps, la confrontation Est-Ouest se dplace vers la
priphrie du globe, o elle retrouve un caractre gographique appuy. La premire
dition du livre dYves Lacoste (1976) suit dailleurs de quatre ans son voyage au Nord-
Vit-nam et sa dnonciation de la "!uerre !o!raphique$ mene par les Amricains,
savoir linondation du territoire ennemi par le bombardement des digues du fleuve
Rouge
26
. Encore la gographie nest-elle cette date quun paramtre tactique dans une
stratgie surdtermine par lidologie ; dans la deuxime moiti des annes 1970 au
contraire, les conflits priphriques prennent leur autonomie par rapport la logique des
blocs : les guerres entre le Vit-nam et le Cambodge, entre lIran et lIrak relvent de
classiques rivalits territoriales. Do la rhabilitation de la gopolitique esquisse par
Yves Lacoste dans la seconde dition de son livre (1982). Depuis cette date,
leffondrement de lURSS et les querelles des tats successeurs rendent plus ncessaire
que jamais lapproche gopolitique, dsormais couramment voque par les mdias.
G#&#liti(ue et Geopolitik
La rhabilitation de la gopolitique ne sest pas faite sans heurts ; il a fallu lever
lhypothque des origines, liquider le passif national-socialiste. A cette fin, certains
auteurs ont cru pouvoir opposer 2eopoliti3 et gopolitique : la premire viserait
conqurir lespace, la seconde se bornerait amliorer sa gestion en analysant ses
rapports objectifs avec les phnomnes politiques. Assez pitre subterfuge dvelopp en
1977 par Colin S. Gray et repris en France par le gnral Gallois
27
, qui revient en fait
affirmer lexistence dune "mauvaise" gopolitique, lallemande, et dune "bonne", langlo-
saxonne ; or cette distinction nest ni neuve, ni surtout pertinente.
48 0lle nest pas neuve, puisquon la trouve dj che: des auteurs "ran;ais de lentre<deu)<
guerres, comme ladmet le gnral =allois -ous le titre )opolitique, >acques 1ncel avait
donn en 45?@ un petit #essai doctrinal de gographie politique' oA il e)cusait le
#pdantisme apparent du nologisme' par le souci de #ne point laisser accaparer ce terme
par le faux*semblant de la science allemande'
BC
Marc %loch, commentant louvrage
d1ncel, sinscrivait dans la mDme dmarche '
Nologisme daprs-guerre, la Geopolitik a t trop souent un instrument de
propa!ande. 4l ny a aucune raison cependant pour que, sous un nom ou un autre,
ltude des liaisons entre les faits couramment appels !o!raphiques et les faits
couramment appels politiques manque demeurer linstrument dune connaissance
parfaitement ob/ectie ' par l'mme, dailleurs, et ce prix, minemment utile
laction
56
.
2) Elle nest pas pertinente, car loin que lutilisation darguments gographiques des
fins expansionnistes caractrise la gopolitique allemande par opposition une
gopolitique anglo-saxonne "objective", les thoriciens allemands se sont rfrs des
auteurs anglo-saxons antrieurs, tel Mahan qui "dmontrait" ds 1890 la suzerainet
universelle de la puissance maritime pour promouvoir limprialisme amricain.
Haushofer cite Mahan parmi ses matres
30
; sa propre influence sur Hitler fut dailleurs
bien moindre que celle de Mahan sur Theodore Roosevelt. En remontant plus loin, on
pourrait reprer dautres exemples de gopolitique propagandiste, ainsi Richelieu lorsquil
attribue "#empire de la mer la 7rance pour laanta!euse situation de ses deux c8tes$,
ou Durando estimant que les tats tablis sur les plateaux sont appels dominer ceux
des basses plaines et des littoraux - ce qui confre au Pimont la primaut politique en
Italie
31
.
On ne saurait trop souligner enfin que la collusion de la gopolitique allemande avec le
nazisme se rduit une sinistre manipulation hitlrienne. Le rgime national-socialiste
utilisa Haushofer comme caution scientifique et le couvrit dhonneurs, mais il trahit
constamment sa doctrine. Croyant la solidarit raciale des Allemands et des Anglais,
Hitler rechercha jusquen 1939 lalliance de la Grande-Bretagne contre lURSS, bloc slave
donc "infrieur". Or, pour Haushofer, ces considrations racistes navaient aucun sens
32
.
La politique trangre du Reich ne pouvait ses yeux procder des brumes de
lidologie, mais uniquement de lanalyse gopolitique : en tant que puissances
continentales exclues de la scne internationale par limprialisme des puissances
maritimes, lAllemagne et lURSS devaient sunir contre lAngleterre. Aussi lopration
Barbarossa fut-elle pour Haushofer une terrible catastrophe, renouvelant lerreur dun
conflit sur deux fronts dont la Premire guerre mondiale avait dmontr le caractre
dsespr. Impliqu dans le complot de Stauffenberg, son fils fut assassin par la
Gestapo ; lui-mme se suicida en 1946. Le patriotisme, la fidlit envers Rudolf Hess et
une certaine vanit personnelle suffisent expliquer laveuglement du vieux gnral
envers le national-socialisme, mais cet aveuglement ne saurait discrditer la
gopolitique, puisque le Tribunal de Nuremberg a innocent Haushofer de toute
responsabilit dans les crimes nazis
33
.
Concluons : la prtendue distinction entre 2eopoliti3 et gopolitique est illgitime. Dans
son essence, la gopolitique est une. Cest cette essence que doit sattacher lanalyse,
non la coloration idologique que lui impriment les vicissitudes historiques et politiques.
La "#&#liti(ue )#,,e /isi# du ,#de
Parce quelle mobilise la science gographique au service de lart politique, la
gopolitique est un camlon. Il y a en effet contradiction entre le projet dune science
"objective" et son utilit pour la pratique politique, conditionne en dernire instance par
une vision du monde et une situation gographique particulires (aporie dont Marc Bloch
ne semble pas stre aperu). Cette part de subjectivit dfinit lessence de la
gopolitique par rapport la notion antrieure de gographie politique. Haushofer a
tabli une claire distinction entre les deux mthodes : la gographie politique envisage le
potentiel dmographique, conomique et militaire des nations dans ltat actuel de leurs
frontires, dmarche "statique et uniquement descriptie$ ; inversement la gopolitique
tudie la "force de transformation dynamique$ de ces nations, cest--dire quelle part du
bilan dress par la gographie politique pour tablir des prvisions politiques analogues
aux prvisions mtorologiques, et comme elles soumises caution
34
. Ainsi, comme
crivait lamiral Clrier, "#a !o!raphie politique deient !opolitique lorsquon
extrapole un peu ses comptences$
35
.
Cest bien l que le bt blesse : lextrapolation ouvre virtuellement la porte toutes les
rcuprations partisanes. La prvision nest jamais innocente ; formule par ltat,
vritable su/et de la gopolitique ( tout le moins son utilisateur privilgi), elle vhicule
ses craintes ou ses ambitions. Il suffit de choisir arbitrairement tel ou tel critre
gographique - relief, hydrographie, clivages linguistiques, zone dextension dun certain
type de mise en valeur agricole li une lointaine influence culturelle, etc.- et den
exagrer la porte pour "dmontrer" hors contexte les "droits" dun ltat annexer une
province trangre. Jacques Ancel dnonait juste titre ces gnralisations abusives,
cette indiffrence au dtail, ces fausses analogies et louches manipulations
cartographiques dont lcole gopolitique allemande de lentre-deux-guerres stait faite
une spcialit. Mais Yves Lacoste souligne que $les ar!umentations qui rfutent la
!opolitique hitlrienne sont aussi de la !opolitique$
36
. La gopolitique nazie transforme
la gographie en instrument dagression, celle de Jacques Ancel en instrument de
dfense nationale ; les deux relvent nanmoins dune mme pratique, la politique. Cest
donc lintention politique qui qualifie la gopolitique : la condamnation de la gopolitique
hitlrienne juge lhitlrisme, non lessence de la gopolitique. LHistoire, rappelait lamiral
Clrier, comporte elle aussi une part de subjectivit qui la rend parfois mystificatrice ;
personne ne conteste pour autant sa lgitimit
37
.
Sil nest pas de gopolitique objective, il y a par contre des degrs dans la part de
subjectivit qui sous-tend le discours gopolitique. Cette part de subjectivit tend
devenir prpondrante lors des priodes troubles : Richelieu crit laube tourmente de
labsolutisme classique, dans une France assige par les Habsbourg ; Durando participe
laccouchement de lItalie par le fer et par le feu ; Mahan conoit son uvre comme
une rponse la crise de vocation que les tats-Unis traversent aprs lachvement de la
conqute de lOuest ; Ratzel commence ses recherches sous Bismarck, lheure o
lAllemagne a cuv son unification et sinterroge sur son destin plantaire ; Haushofer,
ayant combattu sur les deux fronts en 1914-1918, est marqu dans sa chair par
lhumiliation du Trait de Versailles. Tous demandent la gographie une ligne directrice,
une raison ultime qui donne sens au chaos des vnements. Inversement, si la
dnonciation de la gopolitique allemande par Jacques Ancel peut se permettre une plus
grande objectivit, cest parce quelle voit le jour dans une France territorialement repue
et sre de son bon droit. Le contexte historique est donc dterminant : cest lui qui
confre la gopolitique son caractre expansionniste ou pacifique.
*l "aut aussi tenir compte du trou.le intellectuel n du changement dchelle spatiale qui
accompagne gnralement les grandes crises historiques Luni"ication politique de la France
a.solutiste, de l*talie gari.aldienne, de l1llemagne .imarc3ienne, le)tension des Etats<Fnis
jusquau !aci"ique modi"ient compltement leur perception du monde e)trieur Face ces
mutations, le pouvoir utilise de nouveau) mo+ens dapprhension de lespace ' la France
louis<quator:ienne #dcouvre# la cartographie avec Gau.an ; l*talie, les Etats<Fnis,
l1llemagne disposent en outre du chemin de "er, dont lin"luence capitale sur les processus
duni"ication a t dmontre par Friedrich List dans son +#stme national dconomie
politique 24C748
?C
0t comme lcrit Hves Lacoste '
La ralit apparat diffrente selon lchelle des cartes. Lopration intellectuelle quest le
changement dchelle transforme, parfois de faon radicale, la problmatique que lon
peut tablir et les raisonnements que lon peut former. Le changement dchelle
correspond un changement du niveau danalyse et devrait correspondre un
changement au niveau de la conceptualisation.
39
.
La gopolitique constitue une rponse ce dfi conceptuel. Mais en mme temps, les
nouveaux instruments de contrle de lespace dcuplent les tentations expansionnistes
en faisant miroiter la possibilit de lhgmonie mondiale. Les gopoliticiens allemands ne
voyaient dans lunit du Reich quune tape de la conqute mthodique du globe :
lAllemagne devait ensuite soumettre la (itteleuropa, la (itteleuropa lEurope, lEurope
lAfrique, cependant que les tats-Unis contrleraient les Amriques et le Japon lAsie ;
viendrait enfin lexplication finale entre ces trois superpuissances. Mahan nest pas loin
des mmes excs lorsquil attribue lempire universel la puissance maritime, assimile
aux tats-Unis. Ainsi livresse technologique renforce-t-elle la pulsion expansionniste des
jeunes nations. Dans une vieille nation comme la France au contraire, lanciennet du
contrle de lespace par un rseau routier millnaire prvient les dbordements de la
rflexion gopolitique - do la prudence et la modestie dun Jacques Ancel.
Objectivit et subjectivit ne caractrisent donc pas deux gopolitiques distinctes, mais
deux moments ncessaires de la gopolitique.
Ralit de lobjet "#&#liti(ue
Pourtant, quelque moment quon se place, la gopolitique prtend toujours
lobjectivit scientifique. Les dclarations des gopoliticiens allemands nont sur ce point
rien envier celles de Marc Bloch ou de Colin S. Gray, de sorte que leur drive
pangermaniste tient plus au climat de lAllemagne wilhelminienne et hitlrienne qu
leurs postulats pistmologiques. Comme la rappel Michel Korinman, Ratzel entendait
avant tout sortir la gographie du ghetto intellectuel o lavait cantonne lUniversit
allemande et lui restituer son caractre pratique de "technolo!ie spatiale du pouoir
d%tat$, sans prjuger de lidologie spcifique de cet tat
40
. Le cas de Haushofer est dans
une large mesure similaire : si le ressentiment contre les Allis a durci le caractre
partisan de sa gopolitique, il la dfinissait nanmoins comme ltude des $!randes
connexions itales de lhomme dau/ourdhui aec lespace dau/ourdhui$, visant
amliorer $linsertion de lindiidu dans son milieu naturel et la coordination des
phnom,nes reliant l%tat lespace$ pour le plus grand bien de lhumanit toute
entire
41
.
Remarquons dailleurs que la gopolitique expansionniste est systmatiquement
dterministe ; pour elle, les configurations spatiales prsident directement aux destines
des peuples. Or, mme sil nest pas toujours rest fidle ses principes, Haushofer ne
croyait pas au strict dterminisme gographique :$En raison de larbitraire qui caractrise
laction politique, dclarait-il en 1931, "la !opolitique ne pourra faire de dclaration tr,s
prcise que dans eniron 59 : des cas$
42
. Les grands conqurants, par exemple,
dconcertent le gopoliticien : chez Alexandre ou Napolon, la passion politique prime la
raison gographique. Une insatiable ambition les pousse ignorer les contraintes de
lespace, do la disproportion de lexpansion territoriale aux moyens rels qui finit par
causer leur perte
43
. Mais derrire ces accidents historiques, poursuivait Haushofer,
subsistent de grandes permanences qui constituent le champ propre de la gopolitique,
telle la lutte des nomades et des sdentaires expose ds 1377 par limmense historien
maghrbin Ibn Khaldoun, ou celle des puissances maritimes et des puissances
continentales dcrite par Mahan
44
. Il y a l une incontestable ralit, de tous temps
pressentie par les historiens. #a !o!raphie est le facteur principal de la diplomatie et de
la strat!ie$, disait Mackinder, $parce quelle est le plus constant$
45
.
Si la gopolitique nest pas une science, elle nest donc pas non plus une pure idologie :
cest encore le terme de mthode qui lui convient le mieux. Elle procde certes dune
vision du monde - plus ou moins subjective selon le contexte historique dans lequel
sinscrit le gopoliticien - mais porte sur un objet rellement existant, linterdpendance
de la gographie et de la politique.
La "#&#liti(ue est-elle t#u0#u!s /ala.le au0#u!d+$ui ?
Linfluence de la gographie sur la politique varie dune socit lautre : elle est fonction
du degr dvolution technologique et administrative, qui dfinit selon Ratzel la
*aumbe;<lti!un! ou capacit matriser lespace
46
. Le milieu exerce un implacable
dterminisme sur les peuples primitifs ;$#a rue priodique des nomades ers les terres
culties est une loi de la nature$, crit Ren Grousset
47
. A linverse, dans des socits
plus dveloppes, on observe une certaine indpendance vis--vis des contraintes
naturelles et les facteurs politiques quilibrent les facteurs gographiques : il ny a plus
dterminisme mais conditionnement. Or, avec lindustrialisation, ce conditionnement lui-
mme tend se diluer. La premire rvolution industrielle, celle de la machine vapeur,
rtrcit considrablement les distances terrestres et affranchit la navigation du rgime
des vents. La seconde voit lautomobile succder au chemin de fer, lavion abolir les
barrires montagneuses, llectricit transmettre linformation en temps rel. Encore ces
moyens de transport ou de communication supposent-ils des relais : lautonomie des
premiers modles dautomobiles et davions est faible, les cbles transocaniques
mergent de loin en loin, la porte des metteurs radiophoniques ne dpasse pas leur
hmisphre, etc. Mais avec la troisime rvolution industrielle, latome, le satellite,
llectronique pulvrisent toutes les limites imaginables et les socits les plus avances
saffranchissent globalement des contraintes gographiques. Si lespace demeure une
condition sine qua non de toute activit humaine, il cesse dtre un acteur de lHistoire et
tend devenir sa scne passive.
Lindiffrence croissante aux facteurs spatiaux sest dabord affirme dans le domaine des
techniques, mais ses effets sont alls bien au-del : on assiste aujourdhui une
vritable dterritorialisation des rapports socio-conomiques et politiques. A la recherche
des plus bas cots salariaux, les multinationales dplacent leurs usines par toute la
surface du globe avec dautant plus de facilit quinformatisation et tlcommunication
permettent le contrle distance des processus de production et de gestion. Ces
dlocalisations acclrent le dveloppement de continents autrefois misrables, comme
lAmrique du Sud ou lAsie ; par contrecoup les vieilles socits dveloppes de
lhmisphre Nord comptent de plus en plus de chmeurs et dexclus. Richesse et
pauvret ne caractrisent donc plus deux mondes gographiquement distincts, mais
tendent coexister dans toutes les socits du "village plantaire". Il y a plus :
lconomie se dmatrialise. La spculation simultane sur toutes les bourses, toutes les
valeurs et toutes les monnaies du monde dgage plus dargent (virtuel) que la production
de biens et la prestation de services. Dans lordre politique, les mouvements de
populations et la diffusion plantaire des mdias internationalisent des tensions jusque-l
rgionales : la question intgriste agite simultanment Paris, Alger et Sarajevo.
Lobjet de la gopolitique, linfluence du milieu gographique sur la politique, se trouve
de ce fait compltement remis en cause par lannihilation progressive des clivages
spatiaux. Simultanment, le sujet de la gopolitique, ltat territorial, est lui aussi
contest dans ses prrogatives politiques. Certaines multinationales sont beaucoup plus
riches, partant beaucoup plus puissantes que certains tats. Et lhomognisation des
modes de vie par la technique suscite en raction le durcissement des affiliations
identitaires ou religieuses au dtriment de laffiliation territoriale, phnomne dans lequel
Samuel P. Huntington voit lorigine de lactuel "=hoc des ciilisations$
48
; ds lors, les
frontires mentales priment les frontires gographiques. Paradoxalement, on na
jamais autant parl de gopolitique : gopolitique des minorits, des capitaux, de
linformation, des sectes, de la pollution, toutes ralits parfaitement volatiles et
dterritorialises ! Il sagit en fait dun glissement smantique autour du prfixe !o', qui
renvoyait jadis linfluence de la gographie sur la politique et qui dsigne maintenant
lchelle plantaire des phnomnes politiques, la notion dinterdpendance tablissant
un lien mthodologique entre les deux approches.
Labstraction despace est toutefois tempre par la permanence des reprsentations
spatiales dans la vie des peuples. Les bouleversements technologiques nont pu gommer
les habitudes sculaires de perception de lenvironnement extrieur. Nombre de
dirigeants agissent encore en fonction de ces reprsentations ; la survie de lOTAN aprs
la Guerre froide tient en partie la prgnance des schmas mackindriens et
spykmaniens dans les lites amricaines
49
, les interventions russes dans le Caucase
visent maintenir le glacis imprial cens protger les grandes steppes de la mre-
patrie, lislamisme distingue toujours trois ensembles plantaires, "maison de lIslam,
maison de la trve et maison de la guerre"
50
, etc. Do la redfinition de la gopolitique
comme "mthode !lobale danalyse des situations socio'politiques enisa!es en tant
quelles sont localises et des reprsentations habituelles qui les dcrivent"
51
. Elle garde
cet gard sa lgitimit, mais il ne sagit que dune gopolitique seconde apparente la
psychologie des peuples : aussi son autonomie comme discipline apparat-elle de plus en
plus problmatique.
1#)lusi#
Lenqute sur le concept de gopolitique a permis de dgager les acquis, mais aussi les
limites de cette mthode dinvestigation et de prvision :
1) Lobjet de la gopolitique, cest--dire le lien troit entre la science gographique et
lart politique, est une ralit fondamentale.
2) La prise de conscience de cette ralit est toujours une opration subjective portant la
marque de ltat ; aussi la gopolitique est-elle tendanciellement manipulatrice.
3) Cette prise de conscience est tributaire dun contexte prcis, celui du changement
dchelle spatiale li aux grands regroupements politiques, lessor de la cartographie et
des moyens de transport ; le changement dchelle modifie la fois la perception
gographique et la pratique politique.
4) Le lien entre gographie et politique nest pas constant, il tend stioler avec
labstraction despace qui caractrise les rvolutions industrielles ; la gopolitique y perd
sa spcificit intellectuelle et devient synonyme dapprhension globale des questions
mondiales.
Cest travers ces critres quil faut examiner la gostratgie, dans la mesure o, ne de
la gopolitique, elle en garde lempreinte indlbile.
LES FONDEMENTS DE LA GOSTRATGIE
La "#st!at"ie )#,,e chelle
Le rapport entre stratgie et gographie est-il ce point vident quil rende inutile le
concept de gostratgie, comme laffirme le gnral Poirier ? Les phnomnes de
changement dchelle mis en lumire propos de la gopolitique permettent de dpasser
cette objection. De mme que lart politique ne sexerce pas de la mme faon lchelle
de la commune et celle de la superpuissance, la stratgie dcouvre de nouveaux
problmes lorsquelle largit son champ daction, jusqu devenir proprement
gostratgie. Le raisonnement vaut dailleurs en sens inverse, cest--dire en descendant
vers les chelons infrieurs du combat. La configuration spatiale ny est pas moins
importante quaux chelons suprieurs : tel bosquet permet douvrir le feu couvert sur
la plaine avoisinante ; lennemi, dabord surpris, va se jeter dans un chemin creux ; il
faudra alors atteindre un mamelon pour pouvoir nouveau le mitrailler, etc. Il ne sagit
pourtant pas de stratgie, mais de tactique : rien nillustre mieux la diffrence
fondamentale des deux genres que la victoire strat!ique des tats-Unis en 1944-1945,
remporte sur une arme allemande tactiquement trs suprieure ses adversaires
52
. La
tactique opre lchelle topographique, avec pour paradigme essentiel lapplication des
feux, la liaison des armes et le corps--corps ; la stratgie se dploie lchelle
gographique, son paradigme tant la manuvre des forces en vue de la confrontation.
On peut donc postuler entre la gostratgie et la stratgie une diffrence analogue
celle qui existe entre la stratgie et la tactique, cest--dire une diffrence dchelle
entranant une diffrence de mthodes. Assignons la gostratgie lchelle
"macrogographique"
53
: encore faut-il prciser ce terme et dcouvrir son paradigme
spcifique.
Il est impossible de raisonner par dduction dans un domaine aussi malais. Lchelle
macrogographique nest pas susceptible dune dfinition a priori parce quelle est
fonction des moyens de transport et du volume des armes, cest--dire de leur capacit
occuper lespace, qui volue dune poque lautre comme la *aumbe;<lti!un! des
gopoliticiens. La dilatation gographique des zones doprations ne saurait ds lors
constituer un critre suffisant, pouvant tre stratgiquement compense par la dilatation
proportionnelle des effectifs et laccroissement de leur mobilit. Ainsi, dans la Premire
Guerre mondiale, lextension indite du thtre occidental entre mer du Nord et Suisse
nempche-t-elle pas la constitution dune ligne de front continue qui fonctionne
globalement comme une bataille napolonienne : quand lennemi frappe au centre
(Verdun), on lui fait lcher prise en contre-attaquant sur son aile droite (la Somme), etc.
Point nest ici besoin de parler de gostratgie ; il y a tout au plus "stratgie largie",
lampleur des moyens mis en uvre permettant le changement dchelle gographique
sans remettre en cause les rgles de la bataille frontale. Inversement, lchelle
macrogographique ne peut se dfinir que comme celle o> lespace, enisa! en relation
aec les conditions spcifiques de lpoque, chan!e la pratique strat!ique en pratique
!ostrat!ique.
La tautologie implicite de cette dfinition (o lchelle macrogographique renvoie
lapparition de la pratique gostratgique et celle-ci la conduite doprations lchelle
macrogographique) ne suffit pas la condamner, car on la retrouve tous les tages de
lart de la guerre : lchelon tactique se dfinit par lchelle topographique, laquelle na
pas de valeur absolue mais renvoie la porte tactique des armes ; la topographie
sassimile pour le hoplite son environnement immdiatement visible alors quelle inclut,
pour lartilleur moderne, tel point situ une dizaine de kilomtres et masqu par une
crte. Par essence relative, une chelle ne peut tre avre que dans ses effets
pratiques. Cest ce qui explique la primaut de lapproche descriptive dans les tudes sur
la gostratgie ; mais de mme que la description des phnomnes tactiques et
stratgiques a permis dinduire une dfinition de la stratgie et de la tactique, il doit tre
possible de dfinir in fine la gostratgie.
Effets de l+)$elle ,a)!#"#"!a&$i(ue
Reprenons lexemple de la Premire guerre mondiale. Loriginalit du front occidental en
1914-1918 rside moins dans son tendue que dans son enclavement gographique
entre la mer et un pays neutre, configuration interdisant les classiques manuvres de
dbordement par les ailes. Celles-ci ne peuvent plus tre entreprises que dans les
Balkans ou aux Dardanelles, cest--dire sur dautres fronts ia la mer. Au reste lalliance
de revers franco-russe imposait dentre de jeu deux fronts principaux ; les fronts
priphriques ne font que confirmer cette tendance. Mais la dispersion des zones
doprations modifie compltement les problmatiques stratgiques : en aot 1914,
Moltke le jeune doit compromettre loffensive lOuest en y prlevant des troupes quil
envoie arrter les Russes en Pologne ; durant lanne 1915, Joffre monte de sanglantes
offensives lOuest, non quelles servent grand chose en elles-mmes, mais pour
soulager les Russes enfoncs lEst. On voit donc se mettre en place un systme
dinterdpendance macrogographique fort complexe dans lequel les oprations
conduites sur un front donn affectent lensemble des autres fronts, fussent'ils
!o!raphiquement distincts entre eux. Les calculs dtat-major sen trouvent ddoubls
et doivent intgrer des contraintes logistiques indites, horaires ferroviaires, tonnage
marchand disponible, etc. pour transfrer les troupes dun front lautre, manuvre
infiniment plus complexe que le dplacement dunits entre deux secteurs dun mme
champ de bataille.
En outre ces chemins de fer, ces navires marchands, cette capacit logistique expriment
essentiellement le potentiel conomique des belligrants, situation nouvelle par rapport
lpoque o les armes vivaient sur le terrain : ce qui se dessine ici, cest le primat de
larri,re sur le front. Le rle de larrire crot dautant plus vite que la dilatation de la
stratgie dans lespace entrane galement son extension croissante dans le temps, do
lpuisement des stocks de guerre initiaux et la mobilisation de toutes les ressources
nationales pour continuer le conflit. Lorsque larrire national ne suffit plus, on se tourne
vers larrire international ; en 1915-1918, les Allis sapprovisionnent outre-Atlantique
et tentent dinterdire ce recours aux Empires centraux. Le blocus naval y gagne en
importance, mais lAllemagne rpond par la guerre sous-marine outrance et la mer
devient un enjeu dcisif. Alors intervient une nouvelle spcificit des oprations
lchelle macrogographique : comme la stratgie navale se dploie dans un lment
trop vaste, trop homogne et trop inhabitable pour permettre une confrontation statique,
la notion de front, d/ relatiise par le primat noueau de larri,re, tend sestomper
au bnfice de la notion plus aste de th"tre
54
. La guerre sur mer constitue un thtre
propre, ou plus exactement une juxtaposition de thtres ; outre la protection du trafic
national et la course au trafic ennemi, chaque flotte doit en effet dfendre ses ports,
relais, bases avances, et attaquer ceux de ladversaire. Cette volution se renforcera
durant la Seconde Guerre mondiale avec les progrs de larme arienne, dont H.G. Wells
annonait ds 1907 la principale caractristique : $les aronefs chan!ent la nature de la
!uerre, qui cesse dtre affaire de fronts pour deenir affaire de th"tres$
55
. Lavion est
capable dlargir les thtres dhostilits larrire ou dintercepter les lignes de
communication entre larrire et les armes ennemies, ce qui transpose la stratgie
terrestre le concept maritime de blocus
56
.
Pour reprendre le terme du gnral Poirier, il y a donc $dcloisonnement$ des divers
thtres terrestres, maritimes et ariens, qui restaient auparavant cantonns dans leur
sphre propre
57
. Linterdpendance de milieux ayant des chelles despace-temps trs
diffrentes nest pas le moindre des problmes macrogographiques : les forces
ariennes sont plus rapides que les forces maritimes, mais leur rayon daction est
moindre ; les forces maritimes priment les forces terrestres en rayon daction, mais les
effets du blocus naval sont plus lents que ceux des offensives terrestres, etc. Lchec de
la stratgie franco-britannique en 1939-1940 fournit un bon exemple de telles difficults.
Les Allis misaient sur ltranglement maritime de lconomie allemande, mais ce calcul
supposait une guerre de plusieurs annes alors que la ?litz3rie! terrestre ne mit que six
semaines semparer des ports franais. Autre volution fondamentale : la
gnralisation des stratgies conomiques entrane tt ou tard les neutres dans le conflit,
car leurs ressources deviennent un enjeu crucial pour les belligrants. Ainsi, la guerre au
commerce dans lAtlantique lsait trop les intrts des tats-Unis pour les laisser en
marge des deux conflits mondiaux. Le changement dchelle stratgique tend donc
entraner un changement dchelle politique, comme le notait le colonel de Gaulle dans
son (morandum de janvier 1940
58
. Et du mme coup apparaissent de nouveaux
thtres doprations, point qui semble bien constituer le trait le plus constant de
lchelle macrogographique. On peut ds lors risquer une dfinition prcise de la
gostratgie.
Dfiiti# et )$a,& d+a&&li)ati# de la "#st!at"ie
La gostratgie est ltude, la prparation ou le)cution doprations militaires lchelle
macrogographique, cest<<dire une dimension spatiale su""isante pour e)clure la
constitution dun thItre unique -on paradigme spci"ique est la coordination stratgique et
logistique des di""rents thItres, envisage dans sa relation au) divers milieu) ph+siques
comme au) con"igurations spatiales La coordination stratgique envisage le""et produit par
les oprations dun thItre donn sur les autres thItres ; la coordination logistique porte sur
le trans"ert des "orces entre thItres
Remarques :
48 La d"inition lve toute am.iguJt sur les di""rents genres de lart militaire, comme on le
voit dans le ta.leau suivant '
)$elle Pa!adi",e
Ta)ti(ue Topographie Feux, liaison des armes
St!at"ie Gographie Manuvre des armes
G#st!at"ie Macrogographie Coordination des thtres
2) Elle distingue un aspect thorique (la gostratgie comme tude des conflits lchelle
macrogographiques) et un aspect pratique (la mthode de prparation ou de conduite
doprations cette mme chelle). Les deux aspects nont pas la mme porte
historique. Toutes les priodes de lHistoire sont susceptibles de ltude gostratgique,
car on trouve des guerres sur plusieurs thtres dans lantiquit, au Moyen-Age, aux
temps modernes aussi bien qu lre industrielle. En revanche, lutilisation de concepts
gostratgiques dans la planification et le droulement des conflits se limite la priode
contemporaine : linstar de la gopolitique, elle suppose en effet une conscience
spatiale dveloppe, tributaire des rcents progrs de la cartographie et des moyens de
transport. Les grands conqurants dantan ont subi la contrainte de facteurs
!ostrat!iques, mais ils nont pas formul de !ostrat!ie digne de ce nom.
3) A dfaut dune claire doctrine daction gostratgique, certains tats du pass ont eu
de remarquables intuitions pr'!ostrat!iques grce auxquelles ils ne se sont pas
contents de subir le poids de lchelle macrogographique mais lont utilise leur
profit
59
. Ainsi lEmpire romain : sans mme voquer la menace parthe et les marches
arabiques, africaines ou bretonnes, Rome oprait contre la Germanie sur des thtres
fort loigns les uns des autres. Ds 12-9 av. J-C, tout en fixant les Germains par
ldification du limes rhnan, Drusus avait install des bases navales en Frise pour
dbarquer sur leurs arrires ia lEms, la Weser et lElbe. Ce plan fut mis en uvre par
Tibre quatre ans plus tard. Puis, en 6 ap. J-C, Tibre imagina une gigantesque offensive
prenant la Germanie en tenaille depuis le Rhin et le Danube (manuvre que la rvolte
inopine de la Pannonie empcha daboutir). En 16 de notre re, lopration amphibie de
Germanicus reprit le schma de Drusus : des troupes achemines jusqu lEms par la
flottille du Rhin attaquent revers les Germains
60
. Toute alliance de revers entre
galement dans le champ de la gostratgie. Quand Innocent III et Saint Louis mditent
de sallier aux Mongols contre lIslam (1245-1253), ils raisonnent leur insu en termes
gostratgiques.
61
4) La dfinition inclut la prparation des oprations, rpondant un critre de recherche
formul par Herv Coutau-Bgarie : "trouver une dfinition qui tmoigne de
llargissement de la gostratgie au temps de paix sans oublier quelle a dabord et
surtout son application dans la guerre"
62
. Lorsquen 1890 lAllemagne cde Zanzibar
lAngleterre en change dHeligoland, cette transaction relve de la gostratgie puisque
Heligoland contrle la "baie allemande", donc les possibilits de sorties navales et
dinterventions sur dautres thtres. L encore, on est conduit distinguer les facteurs
gostratgiques (position dune le, dun dtroit, etc.) de la mise en uvre de la
gostratgie comme mthode de guerre.
5) Cette mme distinction rend compte dentreprises militaires non'!ostrat!iques
portant sur des ob/ectifs !ostrat!iques. Linvasion du Kowet par Saddam Hussein,
opration des plus limites dans lespace et dans le temps, conduite sur un seul thtre
et sans grand tirement des lignes de communications, noffre spcificit aucune du point
de vue de la pratique gostratgique ; en revanche, son objectif tait gostratgique
dans la mesure o les dividendes du ptrole kowetien auraient permis le renforcement
du potentiel militaire irakien, donc sa capacit frapper un jour sur plusieurs thtres
la fois (Isral et les monarchies du Golfe par exemple). Lannexion du Kowet largissait
galement le dbouch de lIrak sur la mer, qui aurait pu constituer un tiers thtre
contre les mirats
63
. Inversement, il peut y avoir des !uerres !ostrat!iques pour des
en/eux non'!ostrat!iques. Linvasion de lURSS par Hitler, se dployant sur plusieurs
thtres (Baltique, plaines centrales, Caucase, gurilla sur les arrires de la @ehrmacht1,
relve de la pratique gostratgique alors que son mobile est fondamentalement
idologique.
6) Toute guerre maritime intresse la gostratgie, parce que la mer na pas de valeur
intrinsque mais constitue un "moyen de communication entre les %tats et entre ceux'ci
et leurs dpendances$
64
- cest--dire entre thtres. En consquence, la mer est
!ostrat!ique par essence, alors que la terre ne le devient que par accident, en fonction
de lchelle des oprations. Cest ce qui explique la prdominance des marins parmi les
pionniers de la gostratgie : Mahan, Scheer, Wegener, Castex, ou tout au moins
dauteurs particulirement attentifs au fait maritime, tels Ratzel et Corbett. Lair joue lui
aussi comme un thtre et un trait dunion entre thtres, mais seulement depuis
laviation stratgique et les transports long rayon daction. Aussi la Seconde Guerre
mondiale et les conflits ultrieurs, englobant les trois milieux terrestre, maritime et
arien, marquent-ils lapothose de la gostratgie (do la gnralisation du concept).
7) On objectera notre dfinition quelle semble exclure de lanalyse gostratgique les
oprations menes trs large chelle mais dans un seul milieu et sur un axe unique,
telle la route Kowno-Moscou dans la campagne de Napolon Ier en Russie, alors qu
lvidence le facteur macrogographique y a jou un rle trs important par les
contraintes logistiques quil a exerces. Parti avec une arme suprieure 600 000
hommes, Napolon naligne plus que 130 000 hommes Borodino
65
: outre les pertes de
la bataille de Smolensk, les nombreuses garnisons laisses en chemin pour assurer la
scurit des lignes de communication ont affaibli les effectifs en premire ligne. Nous
rpondrons que prcisment, dans de telles campagnes, larrire devient peu peu un
thtre part entire, soit quil en absorbe les moyens rels, soit quil fasse
effectivement lobjet dattaques secondaires de lennemi. La logistique napolonienne doit
compter avec les raids cosaques surgissant de la "terre brle" et sy vanouissant
comme par enchantement, de sorte que la notion de front nest plus dcisive. On doit
Lawrence dArabie la meilleure analyse de ces phnomnes : dans la steppe ou le dsert,
espaces dmesurs et homognes, "les oprations sont plus proches dune !uerre naale
que doprations terrestres ordinaires$
66
- en quoi il y a bien gostratgie, selon la
remarque n 6.
Su&!i#!it )#)e&tuelle de la "#st!at"ie su! la "#&#liti(ue
La guerre tant la continuation de la politique par dautres moyens, la gostratgie
constitue naturellement une province de la gopolitique. Dans bien des cas dailleurs, les
deux disciplines sont inextricablement confondues ; lchange susmentionn de Zanzibar
contre Heligoland, obtenu en temps de paix par les moyens de la diplomatie, est une
transaction gopolitique portant sur des positions gostratgiques. Nanmoins, lexamen
approfondi des concepts fait apparatre une plus grande consistance de la gostratgie.
Linfluence du facteur gographique sur les affaires politiques tend en effet se diluer
devant les progrs des moyens de transport et de communication (cf. supra ), alors
quelle reste une donne permanente et fondamentale de lart militaire : la guerre
suppose toujours un contact physique, donc territorialis.
Ce point mrite quelques prcisions. Certes, les technologies contemporaines ont
dtermin lapparition darmes indiffrentes au milieu, tels les missiles - do lon pourrait
htivement conclure au recul des contraintes spatiales en stratgie. Mais les missiles
nuclaires sont une arme de non-emploi et les missiles non-nuclaires nont jamais
gagn de guerre eux seuls. Il existe ce propos une dangereuse tendance
sillusionner sur la frappe distance de scurit, soit le tout-missile, tendance lie
labsurde concept d"option zro morts"
67
. En fait, la guerre du Golfe ne laisse aucun
doute sur les limites de tels systmes darmes : ils nont reprsent quune infime
proportion des tirs sur lIrak, assurant certes lindispensable neutralisation des centres
statiques de commandement ou de transmission mais ne pouvant anantir les forces
mobiles de lennemi, qui ont t dmanteles par de classiques bombardements
stratgiques et acheves par une offensive terrestre. De surcrot, ces missiles nont
quune porte limite et sont tirs depuis llment marin, en quoi ils relvent toujours de
la gostratgie.
Objecterait-on encore que les progrs des transports permettent le dplacement des
armes dans des milieux autrefois infranchissables et restreignent ainsi le poids des
donnes gographiques ? Le dsert, par exemple, a longtemps fait figure dobstacle
impermable ; Jacques Ancel y voyait une frontire gographique par excellence, alors
quil rfutait cette notion dans la plupart des cas
68
. Pour la mme raison, beaucoup
dmules de Mackinder traitaient lAfrique subsaharienne comme un espace insulaire, ne
pouvant tre efficacement reli au reste du monde que par mer
69
. Or lpope de la
colonne Leclerc de Brazzaville Tripoli a dmontr la victoire du moteur sur les
immensits dsertiques. Faux-semblant : cette victoire na t possible quau prix dune
adaptation rvolutionnaire de la pratique militaire. Les blinds sy effacent derrire le rle
croissant des camions et du corned-beef, dont Lawrence dArabie disait qu$il a modifi la
!uerre terrestre plus profondment que la poudre canon$
70
. Les moyens de lre
industrielle nlargissent donc les capacits de projection des forces quau prix dun
accroissement proportionnel des contraintes logistiques, expression fondamentale de
lchelle macrogographique. Argument plus dcisif encore, lextension du rayon daction
des armes favorise cette multiplication des thtres qui dfinit lessence mme de la
gostratgie.
Partant, gopolitique et gostratgie suivent une volution exactement inverse :
lvolution technologique amenuise la pertinence de lanalyse gopolitique alors quelle
renforce la pertinence de lanalyse gostratgique. Voil en quoi lon peut parler de
supriorit conceptuelle de la gostratgie.
La "#st!at"ie )#,,e t!i.ual de la "#&#liti(ue
Lhistoire du monde est le tribunal du monde, disait Hegel. Nous soutenons quant nous
que lobjectivit gostratgique est le tribunal de la subjectivit gopolitique. Parce
quelle concerne la guerre, "art tout dexcution", la premire mthode est plus concrte
que la seconde, souvent prompte aux mirages et emballements de lidologie : cest le
champ de bataille qui dmontre de facto la pertinence de tel ou tel chafaudage
gopolitique. La distinction propose par Franck Debi entre le traitement gopolitique de
lespace comme zone dinfluence et sa fonction militaire en gostratgie est ici fort
clairante, car linfluence, phnomne immatriel, est facilement mise mal par la
brutalit des armes. Les investissements massifs de la France en Russie, entre 1892 et
1914, nont pas survcu limpossibilit pratique dappuyer directement lalli oriental,
gostratgiquement isol par lentre en guerre de lEmpire ottoman et la fermeture des
Dtroits. On comprend ds lors pourquoi la gostratgie, initialement tributaire doptions
gopolitiques, peut dterminer en dernire instance un renversement cap pour cap de
ces options : tmoin le rapprochement franco-britannique de 1904, alors quen 1898 les
deux pays taient encore au bord de la guerre. En talant au grand jour lincapacit de la
marine franaise affronter la Nay, Fachoda a jou comme un rvlateur de la vanit
de nos prtentions sur lEgypte.
Il reste que de prtendus impratifs gostratgiques peuvent tre intgrs larsenal
rhtorique de la gopolitique. Ainsi, tout en reconnaissant que lAlsace-Lorraine ntait
nullement ncessaire lconomie du Reich, Ratzel justifiait son annexion en termes de
couverture militaire
71
- alors qu lvidence Bismarck la surtout envisage comme
catalyseur de lunit allemande. Mais prcisment, dans de tels cas, la gostratgie est
ravale au rang dargument de propagande : son objectivit propre est foule aux pieds
et se venge tt ou tard par la sanction des faits. LAlsace-Lorraine na cess dtre le
casus belli hypothquant lavenir de lAllemagne, lerreur fatale do sortit le "cauchemar
des coalitions" qui causa finalement la dfaite et la ruine du Reich. On ne peut donc
avancer la rcupration de la gostratgie par la gopolitique pour contester la plus
grande objectivit de la premire. Inversement, certains schmas gopolitiques dnoncs
comme imprialistes, oppressifs etc. se comprennent seulement par lexamen approfondi
de leur armature gostratgique. Lorsque le gographe marxiste Peter J. Taylor rduit
lanalyse mackindrienne et spykmanienne "un instrument idolo!ique utilis par les
responsables amricains en mati,re de politique tran!,re$ -schma dans lequel OTAN et
OTASE ne seraient que le paravent dintrts conomiques
72
-, il semble jeter aux
oubliettes le contexte gostratgique du durcissement diplomatique amricain en 1949-
1950 : lURSS venait de se doter de larme atomique, cartant a priori tout risque de
confrontation directe avec les tats-Unis ; ds lors, elle misait sur la conqute du
*imland par des conflits priphriques conventionnels, mthode illustre par la victoire
de Mao en Chine et lagression communiste en Core. Peter J. Taylor est par consquent
dans lerreur en affirmant que lre atomique dclasse les raisonnements mackindriens
sur laccroissement de la puissance continentale grce aux chemins de fer et
lautomobile : la logique de dissuasion a au contraire renforc cette tendance. Seule la
justesse de lanalyse gostratgique amricaine a pu rtablir lindispensable
"endiguement" face la stratgie sovitique de contournement.
E "uise de )#)lusi#
Nous ne prtendons aucunement faire de la gostratgie lultima ratio des relations
internationales, ni mme des problmes militaires. Elle ne constitue quun paramtre
statique de lanalyse, dont Herv Coutau-Bgarie a justement soulign quil doit tre mis
en balance avec les facteurs dynamiques - commencer par le rapport des forces
73
: la
gostratgie affecte certes la conduite des oprations militaires, elle les acclre ou les
ralentit, mais elle nassurera jamais le succs dun pays dsarm sur une
superpuissance. La victoire des Vietnamiens sur la France et les tats-Unis est
irrductible linfluence de la jungle ou de la distance ; elle tient aussi lpuisement
financier de la IVe Rpublique, la crise morale et politique de lAmrique des annes
1960-1970. Sur le champ de bataille, la dcision finale sest dailleurs joue par les
moyens de la grande guerre, non de la gurilla rurale (artillerie lourde Din-Bin-Phu,
chars dassaut Sagon).
Dans son clbre livre Naissance et dclin des !randes puissances, Paul Kennedy sest
attach dcrire la corrlation de la guerre et de lconomie : "Il nest pas douteux que,
dans une guerre prolonge pour lhgmonie entre grandes puissances, la victoire va
rgulirement au camp qui possde les structures de production les plus florissantes -
ou, comme disaient les capitaines espagnols, celui qui dtient le dernier escudo"
74
.
Cette approche relativise considrablement le poids des donnes gostratgiques.
Kennedy fait par exemple remarquer quun succs alli aux Dardanelles naurait pas
substantiellement amlior la situation de la Russie, parce que les Franco-britanniques
navaient en 1915 ni munitions lui expdier, ni bateaux pour charger son bl.
75
Nous
objecterons pourtant que les armes ne vivent pas seulement de munitions et de pain,
mais aussi despoir. Aussi limits queussent t ses effets pratiques, le dsenclavement
de la Russie et constitu un extraordinaire baume au cur des Allis. Les Empires
centraux le savaient bien, qui dfendirent pied pied Gallipoli. Ainsi, lors mme quelle
est objectivement marginalise par dautres facteurs, la gostratgie demeure lune des
ides directrices de la pratique stratgique.
POST-S1RIPTUM
La communication que lon vient de lire a soulev un dbat assez vif lors du colloque sur
la gostratgie. Que mes contradicteurs soient remercis pour leurs objections, qui mont
fourni loccasion dun retour fructueux sur mon travail et men ont rvl les lacunes.
Herv Coutau-Bgarie ayant bien voulu moffrir ce droit de rponse, je crois pouvoir
"affiner le tir" sur plusieurs questions fondamentales.
1) Atrat!ie et !ostrat!ie. Le gnral Poirier a contest la distinction stratgie-
gostratgie que semble suggrer mon tableau analytique, daprs lequel on pourrait
croire que la gostratgie est une autre stratgie. A trop insister sur les diffrences
dchelle, prcisait le gnral Poirier, on risque de perdre de vue lunit de la stratgie
comme "dialectique du mme et de lautre" dont lessence ne saurait tre affecte par
lextension spatiale des oprations. On peut cela rpondre que la question des neutres,
corollaire de lextension spatiale (cf. le Mmorandum de Gaulle de janvier 1940),
substitue au schma initial une "dialectique du mme, de lautre et du tiers $ aux rgles
spcifiques. Mais surtout, en tant quelle dpend de lchelle considre, ma distinction
tactique-stratgie-gostratgie relve de la pratique, non de la thorie. Elle ne renvoie
par consquent pas trois thories distinctes, mais trois modes dapplication dune
commune thorie, la "stratgie gnrale militaire" - pour reprendre les catgories du
gnral Poirier. Le malentendu vient de ce que jai nomm "stratgie" lchelle
intermdiaire entre tactique et gostratgie, formulation ambigu quil convient de
prciser en parlant de "stratgie oprationnelle $. Cette dernire formulation fait
apparatre la similitude entre la gostratgie et le concept anglo-saxon de 2rand
Atrate!y, dsignant prcisment lchelle suprieure la stratgie oprationnelle. Mais le
terme de gostratgie me semble devoir tre prfr, en ce quil insiste plus sur les
donnes macrogographiques conditionnant toute "grande stratgie". La 2rand Atrate!y
anglo-saxonne souffre dailleurs de lambigut qui en fait tantt un quivalent de la
"stratgie intgrale" du gnral Poirier (mise en uvre de lensemble des moyens de
puissance, militaires et non-militaires), tantt une catgorie essentiellement militaire
(voir Bruno Colson, #a culture strat!ique amricaine, op. cit., pp. 2 et 259).
2) Bhorie et pratique de la strat!ie. Le dbat ouvert par le gnral Poirier montre
comment soprent les clivages autour du concept de gostratgie. Si lon sintresse la
stratgie comme catgorie philosophique, on naccordera quune importance rduite aux
phnomnes dchelle. Inversement, lhistorien leur fera la part belle dans ltude de la
pratique militaire. Ce clivage se retrouve chez les matres de la stratgie tels qutudis
dans la confrence du gnral Duffour : Clausewitz, privilgiant la philosophie de la
guerre, dvalue la notion gostratgique de "cl du pays". Les "praticiens" au contraire,
von Blow, Jomini et lArchiduc Charles, se rapprochent plus de lintuition gostratgique.
Il serait vain dopposer les deux mthodes, puisquelles ne se situent pas sur le mme
plan. Elles sont complmentaires et non contradictoires : un clausewitzien mprisant la
gographie serait aussi impuissant vaincre quun gostratge ignorant la philosophie de
la guerre.
3) #a dfinition de la !ostrat!ie. Le gnral Poirier, lamiral Caron et le professeur
Quang ont contest le caractre trop formel et trop rducteur de ma dfinition. Le
gnral Poirier associe plus troitement que je ne le fais gopolitique et gostratgie,
allant jusqu voquer $la !opolitique'!ostrat!ie$ comme tude des "relations
interacties de chacun des acteurs aec chacun et aec tous$ en fonction de "deux
crit,res daluation 0 leurs sites et attributs !o!raphiques - leurs facteurs de puissance
et de ulnrabilit$ (#a crise des fondements, op. cit. p. 170). Mme tendance chez
lamiral Caron, pour qui "la !opolitiqueC!ostrat!ie re!roupent lensemble des donnes
denironnement susceptibles daffecter dans un sens faorable ou non laction des %tats$
(cf. sa communication au colloque). Ces approches prsentent deux obstacles majeurs :
- premirement, elles dissolvent la gostratgie dans la gopolitique, laquelle souffre
dun flou conceptuel croissant en raison de "labstraction despace" que jai voque (ici
matrialise par le fait que les "facteurs de puissance et de ulnrabilit$ sont de moins
en moins gographiques, comme dailleurs les "donnes denironnement$ puisque
lenvironnement naturel marque le pas devant un environnement humain de plus en plus
dterminant : finances, technologies, tlcommunications.).
- deuximement et surtout, elles ne tiennent pas compte du fait gostratgique, cest--
dire de lapparition au XIXe et XXe sicle, avec Durando, Scheer, Haushofer etc. dune
rflexion spcifiquement tourne vers les particularits oprationnelles des conflits
mens grande chelle. Explicitement militaire, cette rflexion se distingue de la
rflexion gopolitique qui englobe aussi les expressions non-militaires de la puissance (en
quoi on peut lidentifier la "stratgie intgrale"). Lassimilation gopolitique-
gostratgie, outre quelle est imprcise, me semble donc fort contestable dun point de
vue historique.
Jen viens aux objections du professeur Quang. Analysant dans sa communication le sens
de lespace chez les stratges vietnamiens, ce dernier a relativis limportance du
"facteur terrain" en stratgie, montrant que llment dcisif nest pas la gographie mais
le moment opportun, ou plus exactement la combinaison des deux : "le bon endroit au
bon moment$. Il me semble quil nest plus ici question de gostratgie, mais de
stratgie oprationnelle. A lchelle despace-temps retenue par le professeur Quang (qui
appuyait sa dmonstration sur la prise de Sagon en 1975), il va de soi que le sens du
moment opportun prime ou dtermine le choix du terrain. Mais une telle chelle
prcisment, les choses se jouent trop vite pour que les "tendances lourdes" de la
gographie puissent exercer leur plein effet. La gostratgie se dploie sur le moyen et le
long terme historique, non sur les quelques jours ou quelques semaines qui concluent
une guerre de trente ans : que la chute de Sagon soit due lhabile exploitation dun
instant propice, elle nen a pas moins t prpare par dinterminables oprations dans
lesquelles les constantes gographiques - jungle, arrire chinois, loignement de la
France et des tats-Unis - ont jou un rle capital.
4) #a !ostrat!ie comme coordination des th"tres. Ma dfinition se veut un condens
des intuitions fondatrices de la gostratgie. Elle na dautre a priori que la fidlit un
fait historique : lapparition dune pense gostratgique aux XIXe et XXe sicle. En lisant
la confrence du gnral Duffour, jai eu a posteriori la satisfaction de constater la
conformit de ma dfinition avec les formules dauteurs militaires que je navais pas pris
en compte :
- Lorsque lArchiduc Charles dcrit le "point strat!ique$ comme pouvant tre quitt
$dans plusieurs directions$, il sous-entend que ce point coordonne plusieurs thtres
potentiels doprations.
- Lorsque le gnral Duffour salue Moltke lAncien pour avoir compris que les moyens de
transports modernes permettent "une extension de la base doprations en lar!eur et en
profondeur qui substitue les zones aux li!nes doprations$, il pressent la dvaluation des
fronts par rapport aux thtres.
Cette distinction front-thtre ma t reproche par le gnral Poirier. De fait, elle est
parfois difficile prciser : on parle du "front russe" dans la Seconde Guerre mondiale
alors mme quon y peut discerner plusieurs thtres gographiquement distincts
(Leningrad, le centre, Stalingrad, le Caucase.). Si lon sappuie sur le critre de lunit
denjeu, donc de commandement, la guerre navale en Mditerrane en 1941-1942
constituerait un thtre unique ; mais si lon considre le critre de lunit des moyens,
Mditerrane occidentale et Mditerrane orientale apparaissent comme deux thtres
distincts puisque la Nay na pu que trs exceptionnellement faire passer ses units dun
bassin lautre. Aussi ne doit-on pas chercher donner un sens univoque aux termes de
front et de thtre, qui nont dautre sens dans ma dfinition que leur opposition, laquelle
traduit la souplesse et la fluidit gographique de la gostratgie par rapport aux
schmas plus linaires de la stratgie oprationnelle "classique". Peut-tre aurai-je d
parler de "zones" plutt que de "thtres", comme le fait le gnral Duffour analysant la
doctrine de Moltke lAncien. Dailleurs, lorsque je cite H. G. Wells opposant la fluidit de
la guerre arienne la linarit des fronts classiques, je force quelque peu
linterprtation en traduisant par "thtre" langlais area. "Thtre" ma sembl plus
directement intelligible. Mais le dbat reste ouvert
1
Voir Herv Coutau-Bgarie, "Quest-ce que la gostratgie ?, Atrat!iques 50, 1991 et
Paul Claval, 2opolitique et !ostrat!ie, Nathan-Universit, 1994.
2
Voir Franck Debi, Raphalle Ulrich et Henri Verdier, "A quoi sert la gostratgie ?,
Atrat!ique 50.
3
Yves Lacoste, "Gopolitique et gostratgie, Atrat!ique 50, p. 27 (voir dans le mme
volume la rfutation dHerv Coutau-Bgarie, dont nous nous sommes partiellement
inspirs).
4
4bid., p. 29.
5
Voir Sun Tzu, #art de la !uerre, Champs-Flammarion, 1978 ; en particulier les chapitres
X, "Le terrain et XI, "Les neuf sortes de terrain.
6
Voir Corbett, Drincipes de strat!ie maritime, FEDN-conomica, 1993, pp. 27-29.
Corbett illustre son propos par lchec de lamiral Rodney la Martinique, en 1780, quil
attribue lambigut des signaux utiliss par la *oyal Nay. Cet exemple ressortit la
tactique, mais peut tre largi une chelle beaucoup plus vaste : ainsi, dans la Seconde
guerre mondiale, lamiral Dnitz raisonnait-il lchelle plantaire l o Hitler tait
incapable de dpasser lchelle continentale : le terme de "stratgie navait pas la mme
signification pour lun et lautre, incomprhension aux consquences dsastreuses.
7
Pierre Clrier, 2opolitique et !ostrat!ie, coll. Que sais-je ?, 1955, p. 5.
8
Andr Vigari, 2ostrat!ie des ocans, Paradigme, 1990, p. 9. Dfinition salue par
Herv Coutau-Bgarie comme la plus adapte ce jour, mais qui nvite pas limpasse
dune pure description.
9
Economica, 1987.
10
Gnral Poirier, Postface aux Bransformations de la !uerre du gnral Colin, FEDN,
1979 ; cit par Herv Coutau-Bgarie dans "Quest-ce que la gostratgie ?, Atrat!ique
50, FEDN, 2e trim. 1991, pp. 10-11.
11
Pierre M. Gallois, 2opolitique, les oies de la puissance, Plon, 1990, p. 317.
12
Voir Friedrich Ratzel, #a !o!raphie politique, Fayard, 1987.
13
Karl Haushofer, +e la !opolitique, Fayard, 1986, p. 27. De mme, dans ses comptes-
rendus de la guerre du Pacifique, Haushofer voque des "faits gopolitiques dordre
militaire (p. 162).
14
Werner Rahn, "La rflexion stratgique dans la marine allemande de 1914 1945,
#olution de la pense naale II, FEDN, 1992, pp. 138 (Scheer) et 144 (Wegener).
15
(ein )ampf, cit par Derwent Whittlesey, "Haushofer et les gopoliticiens, E.M. Earle,
#es matres de la strat!ie, Champs-Flammarion, 1987, tome II, p. 147.
16
Voir la Prface de Jean Klein et lIntroduction de Hans-Adolf Jacobsen Haushofer, op.
cit.
17
Durando, +e la nationalit italienne, cit par F. Botti, "Il concetto di geostrategia e la
sua applicazione alla nazionalit italiana nelle teorie del general Giacomo Durando,
4nformazioni della difesa n 3/94, mai-juin 1994, p. 53.
18
4bid., p. 56.
19
Voir Mackinder, "Le pivot gographique de lHistoire et "Une nouvelle valuation du
pivot, Grard Chaliand, &ntholo!ie mondiale de la strat!ie, Laffont, 1990, pp. 1038-
1045.
20
4bid., p. 54.
21
4bid., p. 55.
22
Yves Lacoste, #a !o!raphie, Ea sert, dabord, faire la !uerre, Maspro, 2e dition,
1982, p. 205.
23
Herv Coutau-Bgarie faisait remarquer dans Atrat!ique 50, p. 8, que les
commerants et les industriels ont souvent prcd les militaires dans la dcouverte du
monde. Mais sans doute ne travaillaient-ils pas la mme chelle : commerants et
industriels ont dfrich le terrain, les grandes synthses tant ralises a posteriori par
les tats-majors. Lexemple-type de cet enchanement est la faon dont Venise a difi
sa puissance politique, diplomatique et militaire sur le savoir gographique accumul par
ses marchands.
24
Yves Lacoste, #a !o!raphie..., op. cit., p. 59.
25
Raymond Aron, Daix et !uerre entre les nations, Gallimard, 1951.
26
Yves Lacoste, #a !o!raphie..., op. cit., p. 13.
27
Pierre M. Gallois, 2opolitique..., op. cit., p. 13 ; voir aussi la citation de Colin S. Gray,
p. 35.
28
Jacques Ancel, 2opolitique, Delagrave, 1936, p. 5.
29
Marc Bloch cit par Pierre M. Gallois, op. cit., p. 29.
30
Karl Haushofer, +e la !opolitique, op. cit., p. 159.
31
Richelieu, Bestament politique, Complexe, 1990, p. 104 ; Durando cit par F. Botti, art.
cit., p. 56.
32
Bien que politiquement antismite, Haushofer rcusait tout dterminisme biologique :
sa propre pouse et plus proche collaboratrice tait dailleurs juive. Lantismitisme
politique de Haushofer est indissociable de son hostilit la Rpublique de Weimar,
rgime n du +i3tat de Versailles, dans lequel les Juifs de lEst avaient selon lui pris une
part trop importante ; attitude procdant de lanti-cosmopolitisme, non du racisme.
33
Sur cette tragique histoire, voir la Prface de Jean Klein et lIntroduction de Hans-Adolf
Jacobsen Haushofer, op. cit. On se dfiera par contre de linterprtation de Derwent
Whittlesey dans #es matres de la strat!ie, op. cit., dans la mesure o son article, crit
en pleine Seconde guerre mondiale, donc peu objectif, exagre linfluence de Haushofer
sur Hitler.
34
Haushofer, op. cit., p. 105. Ratzel se rclamait encore de la gographie politique, mais,
mort en 1904, il ignorait le terme de gopolitique, invent en 1916 par le gographe
sudois Kjelln.
35
Pierre Clrier, 2opolitique et !ostrat!ie, op. cit., p. 12.
36
Yves Lacoste, #a !o!raphie..., op. cit., p. 209.
37
Pierre Clrier, op. cit., p. 21.
38
Sur ce grand prcurseur de la gopolitique, voir E.M. Earle, "Adam Smith, Alexander
Hamilton, Friedrich List : les fondements conomiques de la puissance militaire, #es
matres de la strat!ie, op. cit., tome II et Pierre M. Gallois, 2opolitique, op. cit., chap.
9.
39
Yves Lacoste, #a !o!raphie..., op. cit., pp. 64-65.
40
Michel Korinman, Avant-propos Ratzel, #a !o!raphie politique, op. cit., p. 12.
41
Haushofer, op. cit., p. 25.
42
Haushofer, op. cit., p. 103.
43
Ce schma sapplique aussi Hitler, ce qui suffirait prouver quil nest pas un disciple
de Haushofer.
44
Sur Ibn Khaldoun, consulter Grard Chaliand, &ntholo!ie, op. cit., pp. 488-500. Sur
Mahan, voir notamment #es matres de la strat!ie, op. cit., tome II, pp. 155-192.
45
Halford J. Mackinder cit par Alexandre de Marenches, &tlas !opolitique, Stock, 1988,
p. 10.
46
Michel Korinman, Avant-propos Ratzel, op. cit., p. 12. Cette notion a t beaucoup
reproche Ratzel, dans la mesure o la propagande pangermaniste en a fait lapanage
des "races suprieures et la caution de leur expansionnisme. Mais expurge de cette
assimilation partisane, elle prsente un grand intrt heuristique.
47
Ren Grousset, ?ilan de lFistoire, Plon, 1946, p. 276.
48
Voir =ommentaire n 66, t 1994, o les thses de Huntington font lobjet dun dbat
trs complet.
49
Cest--dire la volont de garder le contrle du *imland, "ceinture marginale
sparant le Feartland eurasiatique des mers navigables et empchant ainsi que la
puissance continentale nlargisse son champ daction aux ocans (outre Mackinder dj
cit, voir Spykman in Chaliand, &ntholo!ie op. cit., pp. 1236-1243).
50
La "maison de lIslam est le monde islamique, la "maison de la guerre le monde non-
islamique propos en pture la prtendue guerre sainte ; entre les deux stend la
"maison de la trve, soit les marches non-musulmanes de lIslam, dont lautonomie est
provisoirement reconnue par ralisme tactique (voir Bernard Lewis, =omment l4slam a
dcouert lEurope, Gallimard, 1990, chap. 2).
51
Michel Foucher, 7ronts et fronti,res , Fayard, 1988, cit par Christian Daudel,
"Gographie, gopolitique et gostratgie, les termes de lchange, Atrat!ique 50, op.
cit., p. 42.
52
Les rglements tactiques de la @ehrmacht, procdant de la vision clausewitzienne de la
guerre comme art, insistaient sur lesprit dinitiative du combattant et sur ladaptation du
plan initial aux vicissitudes de la bataille ; linverse les rglements tactiques amricains,
inspirs par la thorie jominienne de la guerre comme science, nexigeaient du
combattant quune stricte excution du plan (voir Bruno Colson, #a culture strat!ique
amricaine, Economica, 1993, chap. XI).
53
Nous empruntons ce terme au colonel F. Botti, art. cit.
54
Sur les spcificits stratgiques de la mer, voir Herv Coutau-Bgarie, "Quelques
caractristiques de llment marin, *eue maritime n 433, 1er trimestre 1994.
55
H.G. Wells, Bhe ;ar in the air, Penguin, 1979, p. 8 (cette citation est en fait extraite de
la prface la rdition de 1921, mais elle synthtise lide-force du roman).
56
Voir par exemple, dans =roisade en Europe du gnral Eisenhower, Laffont, 1949, la
carte du "Blocus par laviation des forces allemandes de Normandie, p. 279.
57
Lucien Poirier, Postface aux Bransformations de la !uerre du gnral Colin, FEDN,
1979.
58
Cf. citation en exergue de notre texte.
59
Pour reprendre les catgories du gnral Poirier, ces tats eurent une conduite
implicitement gostratgique sans possder le concept explicite de gostratgie.
Lhistorien doit garder lesprit cette nuance et ne pas Gattribuer aux prcurseurs une
capacit dintriorisation et dexplication rationnelle de leurs propres actes, ou une
capacit de conceptualisation que ne pouait leur offrir la bote outils thoriques de
leur tempsH #eur inention praxolo!ique fut rarement assortie de la pense critique et
thorique constitue dont, bien plus tard, nous les crditons en utilisant nos propres
concepts (Lucien Poirier, #a crise des fondements, Economica, 1994, p. 87).
60
Voir J-P. Martin, #es proinces romaines dEurope centrale et occidentale, Sedes, 1990,
pp. 26-30 et 34-35 ; 2rosser atlas zur ;elt!eschichte, Westermann, 1988, carte 36 ;
Edward Luttwak, #a !rande strat!ie..., op. cit., carte p. 227.
61
Voir Ren Grousset, ?ilan de lFistoire, op. cit., p. 226.
62
Herv Coutau-Bgarie, "Quest-ce que la gostratgie ?, art. cit., p. 10.
63
Nous rejoignons sur ce point Yves Lacoste (Gopolitique et gostratgie, art. cit., p.
29), bien que nous rfutions son assimilation de la gostratgie la valeur
gostratgique de telle ou telle rgion.
64
Julian S. Corbett, cit par ric Grove, "La pense navale britannique depuis Colomb,
#olution de la pense naale 44, Economica, 1992. Les bancs de pche ou forages off'
shore confrent une valeur intrinsque certains espaces maritimes, mais cest
lexception qui confirme la rgle.
65
Chiffres proposs par l&tlas historique Perrin, 1991, p. 308.
66
T.E. Lawrence, 2urilla dans le dsert, Complexe, 1992, pp. 49-50.
67
Cette notion mdiatique vise rassurer les opinions occidentales, de plus en plus
rticentes lgard des ncessits de dfense. Mais le remde est pire que le mal,
puisquil lentretient : 18 tus ont ainsi suffi dterminer le retrait des 28 000 soldats
amricains de lintervention humanitaire *estore Fope en Somalie (mars 1994). Les
"gendarmes du monde dcrochent 0,06 % de pertes.
68
Voir Jacques Ancel, 2opolitique, op. cit., pp. 66-67.
69
Cest encore le cas de lamiral Clrier, 2opolitique et !ostrat!ie, op. cit., p. 100.
Cet auteur considre galement le Maghreb comme une le, alors quil est reli par des
routes littorales au Machrek : mais loptique retenue est spcifiquement franaise, cest-
-dire quelle privilgie laxe maritime Marseille-Alger, cette poque fondamental pour
la gostratgie franaise.
70
T.E. Lawrence, 2urilla dans le dsert, op. cit., p. 49.
71
Voir Michel Korinman, Avant-propos Friedrich Ratzel, #a !o!raphie politique, op. cit.,
p. 18.
72
Voir Franck Debi, "La gopolitique est-elle une science ? Un aspect de la gographie
politique de Peter Taylor, Atrat!iques 50, op. cit. Sur le rapport entre Mackinder,
Spykman et lOTAN-OTASE, cf. supra, note 50.
73
Voir Herv Coutau-Bgarie, "Quest-ce que la gostratgie ?, art. cit.
74
Paul Kennedy, Naissance et dclin des !randes puissances, Payot, 1992, p. 27.
75
4bid., p. 298
Lundi 3 novembre 2008
Voulez-vous des mots conflictuels ?
Voulez-vous des mots conflictuels sur la forme de conflit qu'est la guerre?
En voil
Les guerres entretiennent la sant! des "eu"les comme les vents et les ouragans "r!servent les mers des
"!trufactions# $%E&EL'
L'arm!e ( la force des nations logiquement sacrifi!e la b)tise *umaine# $%#+E,-%./0,'
. l'*eure o1 2e "arle3 il 4 a cent mille fous de notre es"5ce couverts de c*a"eau63 qui tuent cent mille autres
animau6 couverts de turbans "our quelques tas de boue grands comme votre talon### 7l ne s'agit que de savoir
s'ils a""artiendront un certain *omme qu'on nomme ,ultan ou un autre qu'on nomme3 2e ne sais "ourquoi3
-!sar###0resque aucun de ces animau6 n'a 2amais vu l'animal "our lequel ils s'!gorgent# $V8L9.7:E3 Vue
"anoramique sur les guerres'#
La guerre nourrit les m;les vertus que la "ai6 !touffe# $V# +<:<=3 >8>>->8?@'
En "leine bataille3 en "r!sence de la mort3 et en semant la mort3 vous "ouvez avoir l';me en "ai63 absolument en
"ai6# $0ierre /EAE&8,3 "rofesseur de t*!ologie3 <niversit! "rotestante de 0aris'
.* la guerre il 4 a assez d'ann!es que nous l'attendions# Et c'!tait un rude cauc*emar Buand elle a !clat! sans
"arado6e3 quel soulagement# $:en! CEAD./7A3 Aos !motions "endant la guerre3 >?>E'
L'antimiltarisme et l'7nternationale que l'on "ro"age3 *!las3 im"un!ment3 abaissent les caract5res# $/gr -*arles
0.<L3 !v)que d'.gen'
La guerre a sa fum!e et sa flamme3 mais elle a aussi sa lumi5re### moi3 2e sais "ourquoi 2e me bats ( "our vivre
"lus fort et "lus *aut $%# de /8A9%E:L.A+3 /ors et vita3 >8?F->?G2'#
7l n'est "as vrai que la guerre d!grade l'*omme et obscurcisse l'*umanit! H au contraire3 elle l'illumine et l'e6alte et
nous savons tous avoir !t! meilleurs alors m)me que nos mains !taient lourdes de sang### $-*arles +EL-:87I3
aveugle de guerre3 L'!claireur de Aice et du ,ud-Est3 23 aoJt >?3F'
:egardez ces bras3 ces 2ambes3 ces cervelles sanglants et tous ces membres !"ars3 c'est le fruit d'une querelle
entre deu6 ministres ignorants# $V8L9.7:E'
Le nombre de "*rases de ce genre - qu'ils soient en faveur ou en d!faveur de la guerre - sont l!gions dans la
litt!rature dite g!n!rale comme dans les sermons d'Kglise ou les "am"*lets de tout genre#
7l n'est "as !tonnant que "our la guerre3 conflit Lde *aute intensit!L "ar e6cellence3 les mots em"lo4!s soient
souvent crus et violents# 9oute une !tude "s4c*osociale serait int!ressante r!aliser d'ailleurs sur ce t*5me# 7l
faut remarquer que de"uis les deu6 guerres mondiales3 les Lbons motsL militaristes ont cess! d'e6alter les es"rits
et sont "lutMt em"lo4!s soit dans le sens grinNant3 soit encore "lus "our en montrer la monstruosit!#
/ais si ces mots sont !crits dans cette rubrique /89, -8AOL7-9<EL, 3 c'est moins "our entraPner la r!fle6ion
$ce qu'ils n'em")c*ent "as m)me dans cette rubrique' que "our !taler avec une certaine com"laisance la
conflictualit! des "*rases3 qu'elles soient guerri5res ou non-guerri5res#
+ans d'autres registres3 sur d'autres t*5mes3 comme l'argent3 l'*onneur3 la religion3 la "olitique3 on trouvera
!norm!ment de mots conflictuels dans l'e6cellente com"ilation $quoique non regrou"!s "ar t*5mes' de Dean-
-laude L8EQ7A,R7 $:ecueil de bonnes et mauvaises "ens!es3 ,entences3 ma6imes3 anat*5mes et anecdotes3
auto-!dition3 200E3 dis"onible c*ez Dean--laude L8EQ7A,R73 2G rue 0aul OranNois .vet3 ?@000 -:E9E7L'# .vec
une "r!face $courte' de Dean-"ierre /8-R= et une quatri5me de couverture sign!e de /arc ,7LCE:,9E7A#
La r!bellion au /e6ique3 de -arlos /8A9E/.=8:
L'*eure des guerres r!volutionnaires3 contrairement ce que laissent entendre les m!dias dominants n'est "as
termin!e avec la c*ute de l'<nion ,ovi!tique# 7l n'est "lus au2ourd'*ui besoin de qualifier de mar6istes certaines
luttes tr5s violentes "our les discr!diter et les m)ler des terrorismes au6 intentions bien moins !manci"atrices#
Le livre de -arlos /8A9E/.=8:3 un des meilleur connaisseur du /e6ique d'au2ourd'*ui3 nous donne les
!l!ments "our com"rendre r!ellement la r!bellion du -*ia"as et du sous-commandant /arcos3 loin d'une
musique romantique tr5s "ris!e "ar certains m!dias# 0artant de la r!alit! "olitique d'au2ourd'*ui $le livre date de
200>'3 et remontant au6 conditions de la colonisation es"agnole qui a s"oli! tout un "eu"le sous couvert
d'!vang!lisation3 l'acad!micien me6icain3 en m)me tem"s 2ournaliste et !ditorialiste3 fait saisir les multi"les
facettes de conflits s!culaires# La culture indig5ne3 la construction d'une v!ritable d!mocratie3 la "ermanence des
luttes des "a4sans me6icains3 sont la toile de fond de la gu!rilla des montagnes#
+ans ce livre tr5s clair3 illustr! de cartes et de "*otogra"*ies "arlantes3 -arlos /8A9E/.=8: montre les en2eu6
qualifi! de basse intensit! "ar nombres de strat!gistes occidentau6# 0our lui3 l'ESLA $.rm!e Sa"atiste de
lib!ration nationale'3 v!ritable organisation de masse3 constitue une c*ance "our un futur /e6ique "acifi!3 la
d!mocratie r!elle et une 2ustice sociale v!ritable# Oace des dirigeants "articuli5rement "ervers $ca"ables de
signer des accords internationau6 sans les res"ecter' d'a""areils militaires et "oliciers qui militarisent une grande
"artie du "a4s3 les za"atistes affirment tou2ours la m)me r!solution#
<ne r!solution qui vient de loin si l'on se ref5re un autre ouvrage "aru au6 m)mes !ditions sur la :!volution
me6icaine $>?>E->?2E' o1 les m)mes effets d'in2ustices sociales et de d!n!gation culturelle avaient "roduits les
m)mes effets#
-arlos /8A9E/.=8:3 La :!bellion indig5ne du /e6ique3 Violence3 autonomie et *umanisme3 0resses de
l'<niversit! Laval3 Kditions ,4lle"ses3 collection L-o4oacanL3 200>3 >8? "ages# .vec une "r!face d'7gnacio
:./8AE9#
.dolfo &7LL=3 :!volution me6icaine3 >?>E->?2E3 <ne r!volution interrom"ue3 <ne guerre "a4sanne "our la terre
et le "ouvoir3 Kditions ,4lle"se3 collection L-o4oacanL3 >??F3 2?? "ages# 7l s'agit de la "remi5re traduction
franNaise d'un livre "aru d!2 "lus de vingt ans au"aravant au /e6ique en langue es"agnole et traduit en anglais#
8n lira3 entre autres3 avec int!r)t les deu6 "etits livres d'une trentaine de "ages c*acun3 L&uerre sociale au
&uerreroL3 tou2ours au6 Kditions ,4lle"se#
+iff!rents t4"es de strat!gie 8
,trat!gies mar6istes
+eu6 moments clairs e6istent dans les strat!gies revendiqu!es "ar des strat5ges et des strat!gistes mar6istes (
celui d'une strat!gie r!volutionnaire c*eval entre le I7I5me et le II5me si5cle et celui d'une strat!gie d'Etat
"endant et a"r5s la cr!ation d'Etats qui se "roclament mar6istes3 comme l'<nion ,ovi!tique et la :!"ublique
0o"ulaire de -*ine#
Les "rinci"au6 et d!cisifs conflits !tant entre classes sociales - ca"italistes et ouvri5resT"a4sannes - la strat!gie
r!volutionnaire vise em"lo4er tous les mo4ens "olitiques3 id!ologiques et militaires dont les classes domin!es
dis"osent# ,trat!gie de guerre totale au sens t*!orique3 on en trouve de !l!ments c*ez Rarl /.:I et Oriedric*
EA&EL, dont l'int!r)t "our les conflits arm!s de leur !"oque a !t! constant#
+ans LLa lutte des classes en OranceL3 Rarl /.:I fait le constat que la classe "oss!dante utilise l'Etat comme
'l'engin du -a"ital contre le 9ravailL# Bue ce soit dans les guerres d4nastiques ou dans les guerres nationale3
dans les guerres de d!fense ou de conqu)te3 le mouvement ouvrier ne "arvient "as mettre en oeuvre
l'occasion de la guerre franco-"russienne3 celle de >8G0->8G>3 l'alliance des ouvriers "our mettre fin la guerre#
+!23 en >8@83 Rarl /.:I r)vait d'un nouveau soul5vements "rol!tarien $nous sommes alors en "leine
r!volution industrielle en Euro"e continentale et les gr5ves comme de v!ritables insurrections ont lieu un "eu
"artout' en Orance3 qui d!clenc*erait une guerre euro"!enne3 "uis mondiale3 celle-l "rovoquant la victoire de la
r!volution sociale# $&eorges L.C7-.'#
:osa L<IE/C8<:&3 comme Dean D.<:E, gardent une vision de la guerre comme globalement n!faste
envers la classe ouvri5re3 mais LEA7AE3 ,9.L7AE et 9:89,R7 se font les c*antres d'une strat!gie
r!volutionnaire# &:./,-73 lui3 "oursuit la trans"osition ds strat!gies du "lan militaire au domaine de la lutte des
classes#7l "ro"ose un cou"le conce"tuel original avec la guerre de mouvement et la guerre de "osition# Le mot
d'ordre de front unique n'!tait3 selon lui3 rien d'autre que la transformation de la guerre de mouvement3 victorieuse
en :ussie3 en guerre de "osition3 seule ca"able de l'em"orter en 8ccident3 dans des conditions *istoriques
diff!rentes#
Buelle est3 en fait3 cette strat!gie r!volutionnaire? -laude +EL/.,3 dans son "etit livre LLa guerre
r!volutionnaireL en donne certains traits (
- *arceler les arri5res de l'ennemi $interru"tion de son ravitaillement et destruction de ses voies de
communication' H
- "ousser l'ennemi "ratiquer une "olitique d'occu"ation "lus dure3 de mani5re accroPtre l'*ostilit! de la
"o"ulation son !gard H
- lutter derri5re les lignes ennemies en qualit! d'au6iiaires de l'arm!e r!guli5re H
- "rocurer des renseignements H
- immobiliser des forces ennemies "ar des o"!rations de diversion H
- alimenter la "ro"agande officielle des sacrifices *!roiquesL 2ouit du soutien "o"ulaire H
- donner des "reuves tangibles du c*;timent r!serv! toute "ersonne qui collabore avec l'ennemi ou qui serait
tent! de le faire H
- mener une "ro"agande "ro-sovi!tique3 "ro-c*inoise "o"ulaire3 dans les r!gions occu"!es#
Les !l!ments tactiques se m)lent !troitement au6 !l!ments "urement "s4c*ologiques et "olitiques#
,elon entre autres Vo A&<=EA-&7.03 "ro"os de la guerre du "eu"le3 au6 affrontements entre deu6 formations
de combat de t4"e classique dis"osant de mo4ens industriels !quivalents se subsituent des guerres in!gales
diss4m!triques o""osant la "uissance industrielle une arm!e faible dont la survie r!side dans la dur!e3
v!ritable "assage de la gu!rilla la guerre de mouvement# $9rin* V.A 9%.8'#
7l n'e6iste "as de cor"us unifi! sur la strat!gie mar6iste r!volutionnaire3 ne serait-ce que "arce que la lutte des
classes est multiforme et c*angeante dans le tem"s# Et aussi "arce que "artie de >?>G3 les strat5ges
r!volutionnaires eu6-m)mes3 "our ce qui concerne la "artie occidentale3 qui avaient mis en oeuvre les tec*niques
insurrectionnelles et la d!moralisation des trou"es im"!riales russes comme franNaises et allemandes dans le
cadre d'un "ro2et de r!volution mondiale3 durent r!viser leur mani5re de faire# +ans la longue "!riode >?>G->?283
les dirigeants sovi!tiques sont "ass!s "ar "lusieurs "*ases - sur fond de luttes internes - "our arriver finalement
constituer une strat!gie d'Etat#
EdUard /ead E.:LE d!crit ce c*angement de strat!gie ( L.4ant obtenu la victoire dans $la' "remi5re "*ase de
la guerre civile en :ussie3 LEA7AE dut alors faire face l'invasion allemande# 7l ne fut 2amais question de
re"rendre les o"!rations militaires3 car l'arm!e russe !tait totalement d!moralis!e3 en "artie cause de la
"ro"agande r!volutionnaire qui avait !t! e6erc!e dans ses rangs "endant deu6 ans ou "lus et qu'il n'!tait "as
facile de retourner#L LEA7AE L!tait convaincu qu'on "ourrait livrer une guerre di"lomatique et "s4c*ologique
contre les "uissances centrales aussi bien que les .lli!s# .insi3 il "ourrait atteindre le double ob2ectif de d!fendre
la :ussie r!volutionnaire et de transformer la guerre internationale en une guerre civile euro"!enne#L 8n sait que
LEA7AE d!c*ante assez vite et que le re"li strat!gique s'im"ose3 que conclure la "ai6 avec l'.llemagne doit se
faire au "lus vite3 et qu'il faut r!organiser l'ensemble des forces arm!es# 7l reste un "artisan de la :eal"olitiV et la
"ai6 n'est "as une fin en soi3 au contraire3 il s'agit comme la guerre d'un mo4en "olitique et ses successeurs le
com"rendront bien3 usant de l'arme id!ologique de faNon constante l'int!rieur des "a4s ca"italistes#
La "!riode d'intervention !trang5re et de guerre civile fait office de grande Ecole de guerre "our l'<nion
,ovi!tique3 comme l'!crit EdUard /ead E.:LE# -'est d'elle que sort l'.rm!e :ouge# 9:89,R73 /iV*ail
O:8<ASE $>88F->?2F'3 ,ernion 97/8-%EAR8 $>8?F->?G0'3 Rlement V8:8-%7L8V $>88>->?E?' et ,9.L7AE3
avec d'anciens membres de l'arm!e im"!riale3 tels que /iV*ail 98<R%.9-%EV,R7 $>8?3->?3G' et Coris
-%.08-%A7R8V $>882->?@F' la mettent sur "ied et en font une v!ritable arm!e classique#
+ans cette guerre sans bataille d!cisive3 les dirigeants sovi!tiques durent c*anger com"l5tement de "osition ( de
d!sorganisateurs de l'ancienne arm!e3 il fallait devenir les organisateurs de la nouvelle3 c'est--dire d'une arm!e
disci"lin!e3 la d!mocratisation strictement limit!e $!lection des officiers su""rim!e'3 au6 r5glements s!v5res3
ceci sans abandonner totalement la strat!gie r!volutionnaire# derri5re les lignes ennemies# Les dirigeants
sovi!tiques sortent de la guerre civile avec une conce"tion com"liqu!e du rMle de la guerre dans la soci!t!# ,elon
eu63 l'attitude des Lclasses laborieusesL vis--vis de la guerre ne "eut )tre cat!gorique ( les batailles de la
"roduction comme la force des arm!es doivent garantir la victoire du "rol!tariat dans un monde o1 celui-ci est
encercl! "ar les "uissances ca"italistes# Le "acifisme3 la gr5ve g!n!rale constituent des armes au m)me titre
que la conqu)te de l'es"ace3 au service de cette victoire#
Dean -*risto"*e :8/E: tente d'!tablir l'!volution "artir de la re"rise "ar les dirigeants sovi!tiques de
l'e6"!rience de l'Em"ire des tsars3 auquel se m)le une conce"tion "articuli5re de l'es"ace# 7ls introduisent dans
l'art militaire une cat!gorie interm!diaire entre tactique et strat!gie qui leur sera longtem"s s"!cifique# La t;c*e
de l'art o"!ratif n'est "as3 la diff!rence de la strat!gie3 l'obtention de la victoire "olitique dans la guerre mais de
la victoire militaire sur l'ensemble d'un t*!;tre d'o"!rations regrou"ant "lusieurs fronts et non "lus un seul c*am"
de bataille tactique# ."r5s une !cli"se dans les ann!es >?F0 avec l'a""arition des armes nucl!aires de
destruction massive3 l'o"!ration en "rofondeur reviendra l'ordre du 2our "!riodiquement3 notamment dans les
ann!es >?80 $+ictionnaire de la strat!gie'#
7l est tou2ours difficile de d!m)ler la "art de la r!alit! de la conce"tion strat!gique et de l'id!ologie3 comme le
montre la lecture "ar e6em"le du livre du mar!c*al sovi!tique V + ,8R8L8V,R= $>8?G->?E8'3 L,trat!gie
militaire sovi!tiqueL# 8n 4 trouve la descri"tion d'une strat!gie d'Etat - notamment nucl!aire - avec des !l!ments
id!ologiques de lutte des classes a6!es sur la "ro"agande en faveur de la "ai6 mondiale# /ais de"uis la fin de la
,econde &uerre /ondiale3 il n'e6iste "lus v!ritablement de strat!gie mar6iste mais bien d'une strat!gie d'Etat de
grande "uissance# L'!volution est semblable cMt! c*inois et vietnamien3 quoiqu'avec un d!calage dans le tem"s
du la s"!cificit! de la situation asiatique $guerre de -or!e3 guerre du VietAam###'#
EdUard /ead E.:LE3 Les maitres de la strat!gie3 tome 23 Cibliot*5que Cerger-Levrault3 collection ,trat!gies3
>?82 $article La guerre selon les sovi!tiques' H 9*ierr4 de /8A9C:7.L et Dean RLE7A3 +ictionnaire de strat!gie3
0<O3 2000 $article ,trat!gie 9*!oriciens ,ovi!tiques de Dean -*risto"*e :8/E:' H &eorges L.C7-. et &!rard
CEA,<,,.A3 +ictionnaire -ritique du /ar6isme3 0<O3 collection Buadrige3 >??? $articles ,trat!gieT9actique de
Dean-OranNois -8:.LL83 &uerre de &eorges L.C7-.' H -laude +EL/.,3 La guerre r!volutionnaire3 0<O3
collection Bue sais-2e?3 >?F? H Vassili +anilovitc* ,8R8L8V,R=3 ,trat!gie militaire sovi!tique3 Editions L'%erne3
collection -lassiques de la strat!gie3 >?8@#
Enqu)ter sur la guerre3 !tudes dans LLe mouvement socialL
Enqu)ter sur la guerre constitue une des t;c*es assum!es "ar les bellig!rants lorsque les combats ont cess!#
8u "lutMt enqu)ter sur une guerre3 comme celles des balVans de >?>2->?>33 la "remi5re guerre mondiale de >@-
>8 ou celle du VietAam de >?E?->?G03 "our le massacre de /4 LaW# -ar les guerres sont souvent suivies
d'enqu)tes men!es "ar des tiers ou l'un des bellig!rants lui-m)me voulant com"tabiliser les "ertes *umaines et
mat!rielle3 "unir les cou"ables d!sign!s - souvent des vaincus - et r!"arer3 "our fi6er le montant des r!"arations
"our dommage de guerre au6 vaincus3 encore souvent3 sinon tou2ours#
-ela fait "enser la continuation de la guerre "ar d'autres mo4ens3 mais sans aller 2usque-l3 et en tout cas "as
dans les !tudes "ro"os!es dans ce num!ro de la revue LLe mouvement socialL3 il est utile de com"rendre
qu'avec la fin des *ostilit!s arm!es3 de multi"les d!marc*es "our !valuer une guerre ne sont "as seulement le
fait d'*istoriens im"artiau6 et d!sireu6 de com"rendre cette guerre#
L'*istoire entre deu6 "a4s ou deu6 contr!es3 ou deu6 "eu"les venant de cesser leur guerre se "oursuit travers
les trait!s et conventions ensuite sign!es "our 4 mettre fin officiellement de mani5re "lus ou moins d!finitive#
-'est souvent la m!moire de cette guerre qui se construit# Bue ce soit c*ez les vaincus ou c*ez les vainqueurs3
les leNons qu'ils en tirent sont !videmment influenc!es "ar la mani5re dont les enqu)tes sont men!es# +!gager
les res"onsabilit!s d'une guerre est souvent le fait des vainqueurs3 soit "our en d!gager les b!n!fices "our eu6-
m)mes3 soit "our !viter qu'elle ne recommence# ,i les "remi5res raisons de la d!marc*e de rec*erc*es des
res"onsabilit!s ont guid! les res"onsables "olitiques "endant longtem"s - c'!tait de bonne guerre $' - les
deu6i5mes raisons l'em"ortent au2ourd'*ui3 et ce sont des arm!es de 2uristes qui s'efforcent d'en d!terminer les
causes# .u2ourd'*ui3 "ar e6em"le le 9ribunal "!nal international $907=' utilise les donn!es d'enqu)te "roduites
"ar des 8rganisations Aon &ouvernementales des fins 2uridiques afin de traduire en 2ustice les Lcou"ablesL
d'atrocit!s commises en e6-=ougoslavie#
Ecrire l'*istoire d'une guerre3 ce n'est "as sim"lement faire Lacte de m!moireL3 ou !tablir les r!"arations au6
victimes3 c'est aussi constituer une "artie de la culture non seulement des "eu"les en cause3 mais3 l'*eure de la
mondialisation tous azimuts3 de l'ensemble de l'*umanit!#
-'est aussi le droit international qui se construit de cette mani5re# Aat*alie /87AE en !ditorial de ces !tudes
indiquent qu'Lils !tablissent un lien entre la "roduction des normes 2uridiques relatives au com"ortement des
arm!es et des forces d'occu"ation en tem"s de guerre et la mise en forme des r!cits sur la guerre qui ne sont
"as encore issu du travail de l'*istorien mais qui r!"ondent au6 "r!occu"ations des r5glements du conflit#L
L-om"rendre l'origine de la "roduction de ces enqu)tes et leurs attendus3 c'est aussi com"rendre tout ce qu'elles
n'englobent "as# Buelles sont les questions laiss!es de cMt!? Buels sont les t!moignages ignor!s ou rest!s
ine6"loit!s a"r5s avoir !t! collect!s? 0r!cis!ment "arce qu'elles ne corres"ondent "as une volont! de savoir
universelle mais "arce qu'elles "oursuivent un ob2ectif "r!cis3 dict! "ar la l!gislation en cours3 les investigations
ne "euvent ni ne veulent )tre e6*austivesL#
-'est dans cette "ers"ective que sont r!unis dans ce num!ro de d!but 2008 des articles aussi diff!rents que
Ll'enqu)te3 le d!lit3 la "reuve ( les Latrocit!sL balVaniques de >?>2->?>3 l'!"reuve du droit de la guerreL
$+zovinar REV8A7.A'3 L-om"ter les vivants et les morts ( l'!valuation des "ertes franNaises de >?>@->?>8L
$.ntoine 0:8,9'3 LLa commission d'enqu)te sovi!tique sur les crimes de guerre nazisL $Aat*alie /87AE' ou LLa
rumeur de 0inVville3 Les commissions d'enqu)te sur le massacre de /4 Lai $>?E?->?G0'L $:omain %<:E9' ou
encore LLa "reuve "ar les victimes# Cilans de guerre en Cosnie-%erz!govineL $7sabelle +EL0L.'# -e sont *uit
cas qui sont e6amin!s avec "r!cision et de nombreu6 c*iffres#
L'!diteur "r!sente ce num!ro de Le /ouvement social de la mani5re suivante ( L-omment se construit le bilan de
la guerre? . "artir de quels mat!riau6 !crit-on l'*istoire d'une guerre? L'ob2et de ce num!ro "orte sur un as"ect
essentiel de la fabrication du r!cit des guerres contem"oraines ( la constitution de bases documentaires3
accumul!es au cours de la guerre ou sa sortie3 dans la "ers"ective de son r5glement# -ette "roduction de
t!moignages3 orau6 ou !crits3 de donn!es c*iffr!es3 de "*otos3 de films3 contem"oraine des !v!nements3
s'e6"lique en bonne "artie du fait du d!velo""ement de conventions sur le droit de la guerre de"uis le I7Ie
si5cle3 qui im"liquent3 en cas de transgressions3 tout un arsenal de mesure contre le contrevenant3 du "aiement
de r!"arations au 2ugement des crimes de guerre3 crimes contre l'*umanit!3 etc#
-ette "ratique "artici"e donc d'une *istoire "lus g!n!rale de la guerre moderne3 qui allie des violences unoWes
"er"!tr!es contre les combattants et les "o"ulaitions civiles et l'antici"ation3 "arfois d5s le tout d!but du conflit3
d'un r!glement international codifi!# Oondamentale "our les "rotagnistesH elle est rarement !tudi!e en tant que
telle "ar les *istoriens3 qui utilisent ces mat!riau6 sans tou2ours en discuter les conditions de "roduction# Les
articles de ce num!ro3 travers diff!rents cas de figures issus des conflits du IIe si5cle3 d!montent les ob2ectifs
tr5s variables et souvent concurrents des organisations !tatiques3 commissions d'enqu)tes non
gouvernementales3 administrations3 qui ont "our t;c*e de documenter la violence faite au6 cor"s mais aussi au6
biens de ceu6 qui sont au centre de la "lu"art de ces enqu)tes ( les "o"ulations civiles#
Aat*alie /87AE3 c*arg!e de rec*erc*es au -A:,3 enseignante l'E%E,, $en 20>2->0>33 sur la Oormation
l'*istoire contem"oraine des mondes russes3 de l'Em"ire des 9sars l'<:,,3 L'univers des c*oses sovi!tiques3
La guerre l'Est - <:,,-Euro"e centrale3 de >?3? nos 2ours ( "roduction3 usage et reconfiguration des r!cits'3
"artici"e aussi l'!tude ,ortir de la guerre en :ussie $voir blog "assion-*istoire#net'#
Enqu)ter sur la guerre3 sous la direction de Aat*alie /87AE3 Le mouvement social3 Danvier-/ars 20083 num!ro
2223 La +!couverte# ,ite ( *tt"(TTmouvement-social#univ-"aris>#fr#
7l s'agit d'une revue trimestrielle fond!e "ar Dean /.79:8A en >?E03 "ubli!e "ar l'association LLe mouvement
socialL#
-om"l!t! le @ f!vrier 20>3
/ardi 28 octobre 2008
Le grand !c*iquier3 de SbignieU C:SES7A,R7
.u moment o1 sur les fronti5res occidentales de la :ussie d'au2ourd'*ui se m5nent des luttes o1 se m)lent
occu"ations militaires br5ves3 d!stabilisations de r!gimes "olitiques3 manoeuvres d'ordre !conomique3 le livre de
l'ancien conseiller en mati5res strat!giques du "r!sident am!ricain Dimm4 -.:9E: $de >?GG >?8>'3 e6"ert au
-enter for ,trategic and 7nternational ,tudies Qas*ington3 "ermet de se faire une id!e claire des en2eu6 dans
cette r!gion et comment les en2eu6 de cette r!gions rel5vent de la g!o"olitique mondiale# +u "oint de vue d'une
"artie de l'!lite nord-am!ricaine3 bien entendu# Ecrit en >??G3 ce livre n'a "as beaucou" vieilli et se lit avec encore
beaucou" d'int!r)t#
-omme l'!crit dans la "r!face &!rard -%.L7.A+3 SbignieU C:SES7A,R7 $n! en >?28' donne ici l'anal4se
"olitique et strat!gique la "lus rigoureuse du nouvel ordre mondial domin! "ar les Etats-<nis et des voies et
mo4ens "our que dure cette su"r!matie# L'ob2ectif clair de l'auteur est de formuler une "olitique g!ostrat!gique
co*!rente "our l'.m!rique sur le continent eurasien#
0our lui3 le conflit entre la :ussie et l'.m!rique se concentre sur la "!ri"*!rie du continent# LLe bloc sino-
sovi!tique3 qui domine la ma2eure "artie de la vaste Eurasie3 ne r!ussit 2amais en contrMler les franges
orientales et occidentales3 sur lesquelles l'.m!rique "arvient s'ancrer et se doter de bases solides# La
d!fense de ces t)tes de "ont continentales donne lieu des bras de fer successifs entre les deu6 adversaires#
Les "remiers !"isodes de tensions3 en "articulier le blocus de Cerlin sur le LfrontL ouest et la guerre de -or!e
l'Est3 sont ainsi les "remiers tests strat!giques ce qu'on allait a""eler la guerre froide#L
-artes l'a""ui3 anal4ses *istoriques d'am"leur "ort!es constamment l'es"rit3 le conseiller strat!gique montre
que3 m)me si la :ussie s'est vue am"ut!e d'im"ortants territoires de"uis la fin de l'<nion ,ovi!tique3 les donn!es
g!o"olitiques restent les m)mes# -onsid!rant l'em"ire am!ricain comme celui d'une *!g!monie d'un t4"e
nouveau3 fond! autant sur la culture que sur les instruments militaires3 son e6amen de l'!c*iquier eurasien
comme form! d'un es"ace central et de faNades 8uest3 ,ud et Est3 l'am5ne identifier cinq grandes questions
qu'il d!taille tout au long de son livre (
- Buel t4"e d'unit! euro"!enne a les faveurs de l'.m!rique et comme l'encourager?
- Buel "rofil la :ussie "ourrait-elle ado"ter qui "r!serve au mieu6 les int!r)ts am!ricains? -omment et 2usqu'
quel "oint l'.m!rique "eut-elle "eser dans ce "rocessus?
- +ans quelle mesure de nouveau6 LCalVansL "euvent-ils a""araitre au centre de l'Eurasie et comment l'.m!rique
"eut-elle minimiser les risques d'e6"losions?
- Buel rMle la -*ine doit-elle )tre encourag!e ado"ter en E6tr)me-orient et quelles en seraient les
cons!quences "our l'.m!rique3 mais aussi "our le Da"on?
- Buelles nouvelles coalitions sont susce"tibles de se former sur le continent3 lesquelles "ourraient menacer les
int!r)tes am!ricains3 et quels mo4ens recourir "our les "r!venir?
Le 2eu crois! des alliances $<nion Euro"!enne3 .lliance .tlantique' dans une strat!gie am!ricaine est de
"ermettre au moins la neutralisation de l'<Vraine3 qui avec la 0ologne3 l'.llemagne et la Orance3 devrait former
a"r5s 20>0 la colonne vert!brale de la s!curit! euro"!enne# /)me tendance l'Est "our "ermettre la -*ine de
mener une "olitique favorable au6 Ktats-unis# -'est court terme que SbignieU C:SES7A,R7 veut que l'on
"r!serve3 dans le langage un "eu Llangue de boisL3 qui refl5te bien des "r!su""os!s id!ologiques3 Lle "luralisme
g!o"olitique qui "r!vaut sur la carte d'EurasieL# 0ar le biais de manoeuvres "olitiques et de mani"ulations3 on
"ourra "r!venir l'!mergence d'une coalition *ostile qui "ourrait contester la su"r!matie des Etats-<nis $###'L#
-raignant une vie courte la mono"olarit! d'alors3 il "resse les res"onsables am!ricains de s'engager "lus
nettement "our Lfavoriser la stabilit! g!o"olitique internationale et faire renaPtre en 8ccident un sentiment
d'o"timisme *istorique#L L'auteur regrette3 et on "eut trouver cela *umoristique ou tragique3 que les Etats-<nis
n'ont "as Lr!ussi faire com"rendre le lien qui e6iste entre le besoin g!n!ralis! de mieu6 )tre et la sauvegarde
de la "osition centrale des Etats-<nis dans les relations internationales#L
7l termine son livre "ar le sou*ait de la naissance d'une structure de coo"!ration mondiale fond!e sur des r!alit!s
g!o"oltiques qui assumerait le "ouvoir de Lr!gentL mondial3 res"onsable de la stabilit! mondiale et de la "ai6#
8n ne "eut que constater une certaine naWvet! "romouvoir un encerclement de la :ussie et la "ai6 en m)me
tem"s3 une certaine naWvet! aussi "enser que la nature diff!rente de l'*!g!monie mondiale des Etats-<nis3 "ar
ra""ort au6 *!g!monies *istoriques romaines3 es"agnoles3 "ortugaises3 franNaises3 suffit 2ustifier la
"er"!tuation de sa "osition# 7l 4 a une certaine naWvet! aussi "enser qu'il e6iste une sorte de "ro"ri!t! sur la
"ai6 et la libert! des Etats-<nis qui ferait ad*!rer son "ro2et de domination interminable#
."r5s une dizaine d'ann!es3 l'ouvrage doit sans doute tout de m)me )tre actualis! sur certains "oints# +'une "art
les Etats-<nis n'ont "as du tout !volu! vers un "artage des res"onsabilit!s3 au moins 2usqu' l'arriv!e du
"r!sident actuel au "ouvoir ( l'invasion de l'7raV3 le re2et du "rotocole de R4oto sont autant de d!cisions
unilat!rales lourdes d'avenir# Bui ne vont "as dans le sens d'une cogestion - m)me sous *!g!monie encore
am!ricaine - des int!r)ts de la "lan5te# +e multi"les "Mles de "uissances !mergent $Cr!sil3 -*ine3 inde3 mais
aussi sans doute certains autres qui n'attirent ni les m!dias ni les anal4stes3 nous "ensons notamment l'.frique
du ,ud### ' et il est sans doute tro" tard "our a""liquer la di"lomatie que l'auteur "ro"ose### /ais l'auteur lui-m)me
en a bien conscience3 "uisqu'il fait "ublier une version actualis!e de ce livre3 sous le titre 9*e -*oice ( global
domination or global leaders*i"3 Casic CooVs3 en 200@# ,a t*!orie reste que l'am!lioration du monde et sa
stabilit! d!"endent du maintien de l'*!g!monie am!ricaine# 9oute "uissance concurrente est encore re"r!sent!e
comme une menace "our la stabilit! mondiale# -e qui n'e6clue "as les "rises de "osition contre Lla guerre contre
la terreurL men!e sous l'administration Cus*#
SbignieU C:SES7A,R7 est !galement l'auteur d'ouvrages im"ortants3 comme La r!volution tec*n!tronique
$CetUeen t*e 9Uo .ges ( .merica's :ole in t*e 9ec*netronic Era' $-almann-L!v43 >?G>' ou 0oUer and 0rinci"le (
memoirs of t*e Aational ,ecurit4 .dviser3 >?GG->?8> $AeU 4orV3 Oarrar ,trauss3 &irou63 >?83' ou &rand Oailure (
9*e Cirt* and +eat* of -ommunism in t*e 9Uentiet* -entur4 $AeU =orV3 -*arles ,cribner's ,ons3 >?8?'# <n de
ses derniers ouvrages s'intitule ,trategic Vision ( .merica and t*e crisis of &lobal 0oUer $Casic CooVs3 20>2'#
SbignieU C:SES7A,R73 Le grand !c*iquier3 L'.m!rique et le reste du monde3 %ac*ette litt!ratures3 collection
0luriel3 20003 2G3 "ages3 0r!face de &!rard -%.L7.A+3 9raduction de l'anglais de /ic*el CE,,7E:E et de
/ic*elle %E:0E-V8,L7A,R=3 de L9*e &rand -*essboardL3 >??G3 "ubli! c*ez CasicCooVs# . noter que Ca4ard
Editions l'avait "ubli! en >??G#
.ctualis! le >> Duillet 20>2
/ardi 28 octobre 2008
0uissance maritime et "uissance terrestre
,uivant leur "osition g!ogra"*ique3 deu6 grands Etats3 la &rande Cretagne et la Orance ont !labor! deu6
g!o"olitiques diff!rentes3 base maritime "our l'une3 base terrestre "our l'autre#
+e leur e6"!rience ont !t! tir!es des g!o"olitiques maritime et terrestre# +es g!ogra"*es et des militaires ont
fourni des 2ustifications et des raisonnements "ro"res renouveler des d!"loiements im"!riau6 sur de vastes
territoires#
0our l'amiral am!ricain .lfred /.%.A $>8@0->?>@'3 l'e6em"le de la &rande Cretagne est suivre3 en consid!rant
les Etats-<nis comme future "uissance dominante# il d!finit une doctrine maritime qui recommande de(
- s'associer avec la "uissance navale britannique "our le contrMle des mers H
- contenir l'.llemagne dans son rMle continental et de s'o""oser ses ambitions sur mer H
- mettre en "lace une d!fense coordonn!e des Euro"!ens et des .m!ricains destin!e faire !c*ec au6
ambitions aisatiques#
.lfred /.%.A "r!dit la domination mondiale des Etats-<nis gr;ce la maitrise strat!gique des oc!ans#
L'amiral %alford /.-R7A+E: $>8E>->?@G' consid5re l'Eurasie comme le centre du monde3 son coeur $*eartland'
autour du quel s'articule toutes les d4namiques g!o"olitiques du monde# -e "ivot de la "olitique mondiale que la
"uissance maritime ne "eut "as atteindre $ensemble tro" vaste'3 a lui-m)me "our centre la :ussie3 de m)me que
l'.llemagne occu"e la "osition strat!gique centrale en Euro"e#
%alford /.-R7A+E:3 notamment dans son livre Lle "ivot g!ogra"*ique de l'*istoireL de >?0@3 d!fend l'id!e que
l'ensemble des "*!nom5nes g!o"olitiques "eut s'e6"liquer "ar la lutte o""osant un "ivot central - *eartland - au6
croissants concentriques qui entourent celui-ci# LBui tient l'Euro"e orientale tient la terre centrale3 qui tient la terre
centrale domine l'Wle mondiale3 qui domine l'Ple mondiale domine le mondeL# -'est la *antise non seulement de
l'amiral3 mais aussi de beaucou" de strat5ges et de strat!gistes am!ricains de"uis la fin du I7I5me si5cle# Bue
les territoires de l'.llemagne et de la :ussie soient r!unis dans un m)me ensemble im"!rial3 et l'ensemble
am!ricain $suivant la doctrine du "r!sident am!ricain /onroe3 .m!rique du Aord et .m!rique du ,ud r!unis sous
une m)me *!g!monie' ne "ourra s'o""oser la domination du monde "ar le "ivot central eurasien#
.lors que "our %alford /.-R7A+E:3 l'id!al est la "rofondeur continentale3 "our Aic*olas Do*n ,0=R/.A $>8?3-
>?@3'3 au contraire3 c'est le continent riv! la mer3 le :imland3 la "artie occidentale de l'Euro"e qui est
"rimordiale dans les "ro2ets de domination du monde# Les deu6 t*!oriciens s'attac*ent d!finir la centralit! qui la
favorise3 et tous leurs successeurs3 quel que soit leur !cole3 la rec*erc*ent#
Rennet* Q.L9S $n! en >?2@' conNoit les relations internationales comme un s4st5me de forces antagonistes et
la "ai6 comme le "roduit de l'!quilibre di"lomatico-militaire de ces forces $.4meric -%.<0:.+E'# La bi"olarit!
est "r!f!rable la multi"olarit!3 "lus instable car "ro"ice au6 renvesements d'alliances entre "uissances
secondaires# +e mani5re g!n!rale d'ailleurs3 il distingue deu6 tendances "rinci"ales l'oeuvre dans les s4st5mes
d'alliance (
- une tendance centri"5te3 celle du ralliement la "uissance dominante3 locale ou mondiale H
- une tendance centrifuge3 qui consiste contrebalancer la "uissance dominante en s'alliant avec d'autres
"uissances "lus faibles# -ette attirance "ermet au6 "uissances mo4ennes d'e6ister#
SbignieU C:SES7A,R7 $n! en >?28'3 dans la lign!e de /.-R7A+E: et de ,0=R/.A3 "our qui les Etats-<nis ne
domineront le monde durablement qu' condition d'isoler la :ussie sur ses marc*es3 l'<Vraine3 la &!orgie en
"articulier3 "rMne une maitrise des zones occidentales3 m!ridionales et orientales de l'Eurasie3 autour du
*eartland3 avec comme outil l'.lliance .tlantique#
.vant m)me que la g!o"olitique ne naisse3 les diff!rentes ro4aut!s franNaises ont voulu construire une entit!
terrestre dot!e de fronti5res LnaturellesL d!fendables# -'est en tout cas la leNon qu'ont tir!e des g!ogra"*es tels
de Vidal de la CL.-%E $>8@F->?>8'# +omin!e "ar les conflits entre l'.llemagne et la Orance3 une g!o"olitique
terrestre comme celle d'.ndr! -%E:.+./E $>?G>->?@8' se construit contre le "angermanisme3 d!fendant "ar
e6em"le l'id!e de d!tac*er le "lus "ossible l'.utric*e-%ongrie de l'.llemagne#
-e qui fra""e dans les grands ouvrages de g!o"olitique3 c'est le "rimat acord! la maritinit!# -ela est dJ tout
sim"lement au fait que les deu6 tiers de la surface de notr "lan5te est constitu! d'eau# Et que le d!cou"agne des
deu6 ou trois grandes masses terrestres les font re"r!senter comme de vastes Ples bord!es d''oc!ans# 0our
devenir une "uissance martitime3 et une "uissance dominante tout court3 un Etat continental doit dis"oser d'une
ou de "lusieurs faNades maritimes# 7l doit trouver un !quilibre "ermanent entre sa "olitique continentale et sa
"olitique maritime# -*aque fois que la Orance a !t! oblig!e de favoriser l'une au d!triment de l'autre $faute de
ressources suffisantes "our tenir les deu6'3 elle s'est affaiblie# $+ictionnaire de g!o"olitique'#
<ne constante domine dans l'*istoire ( le c*oc 9erre-/er# +es guerres m!diques nos 2ours3 les grands Etats
s'efforcent de construire des em"ires3 soit maritimes3 soit terrestres3 "lus rarement les deu63 come l'em"ire
*asbourgeois du IV75me si5cle $.utric*e "lus es"agne'#
.4meric -%.<0:.+E3 &!o"olitique3 -onstantes et c*angements dans l'*istoire3 Elli"ses3 2003 H .4meric
-%.<0:.+E et OranNois 9%<.L3 +ictionnaire de g!o"olitique3 Elli"ses3 >???#
/ercredi 22 octobre 2008
&uerre - Et*ologie
8n ne trouve "as le mot &uerre dans les dictionnaires ou enc4clo"!dies de l'!t*ologie3 sans doute "arce que3 au
sens clauseUitzien du terme "ar e6em"le3 la guerre est "lutMt du ressort de l'es"5ce *umaine3 de l'animal
"olitique qu'est l'*umain#
9outefois3 outre le fait que l'!t*ologie s'int!resse aussi l'*omme3 le "r!dateur $en zoologie3 animal qui se nourri
de "roies' "oss5de des caract!ristiques guerri5res# 8n rencontre des com"ortements guerriers c*ez les insectes
"ar e6e"le3 qui agissent collectivement# 0our !viter toute confusion3 on se concentrera sur la "r!dation#
+ans le +ictionnaire du darUinisme et de l'!volution3 0atricV 98:9 !crit que la "r!dation est l'Lensemble des
mouvements qui s'ordonnent en vue de l'a""ro"riation "ar ca"ture et3 g!n!ralement3 de la consommation
alimentaire d'organismes vivants $"roies'# -e "rocessus com"ortemental caract!rise l'activit! de c*asse des
animau6 "r!dateurs - l'e6"ression s'!tant !tendue d'une mani5re discutable certains v!g!tau6# Elle im"lique
une agression conduisant la ca"ture de la "roie3 et se trouve sous-tendue en c*acune de ses manifestations
"ar des stimulus activants3 d!clenc*ant un com"ortement d'a""!tence suivi d'actes consommatoires# 8n sait "ar
ailleurs que les "roies ont souvent d!velo""! des com"ortements multi"les de r!action ada"tative au
com"ortement du "r!dateur $###'# -es com"ortements sont variables selon que l'animal-"roie b!n!ficie ou non de
ca"acit!s de camouflage $###'# L'animal-"roie reconnaPt fr!quemment son "r!dateur $###'#
En corr!lation de 0r!dation sont cit!s les mots .gression3 .gresivit!3 -om"!tition intra et inter-s"!cifique3
7nstincts#
-ollectivement ou individuellement3 les animau6 luttent "our l'e6istence# -ette lutte "our l'e6istence3 !crit le m)me
auteur Lest le ressort central de la t*!orie de la s!lection naturelle# Elle re"ose en "artie sur le fait que tous les
animau6 d!truisent la vie $animale ou v!g!tale' "our se nourrir3 se conserver et se re"roduire3 et que l'univers
vivant est le t*!;tre d'une incessante destruction d'organismesL# 0atricV 98:93 qui consacre quatre longues
"ages cette notion3 veut faire bien com"rendre que cette e6"ression de lutte "our la vie doit tenir com"te
d'!claircissements a""ort!s "ar -*arles +.:Q7A#
9rois !l!ments sont avoir tou2ours "r!sents l'es"rit (
- la notion de d!"endance ( la conscience "ermanente Ld'un r!seau de relations qui sont la fois de concurrence
et de co-ada"tation entre les organismes "artageant et constituant en m)me tem"s un certain milieu de vie
travers!e "ar une r!ci"rocit! constante d'actions et de r!actionsL#
- l'usage m!ta"*orique de cette e6"ression ( sous "eine de confusions conce"tuelles3 car Lsi en effet on "eut
em"lo4er dans son sens "ro"re l'e6"ression de lutte "our l'e6istence "our caract!riser l'affrontement "*4sique
direct de deu6 carnassiers autour d'une "roie conditionnant leur survie3 la m)me e6"ression vaudra encore dans
les limites de ce sens lorsqu'elle servira d!signer un ra""ort n'im"liquant "as cet affrontement direct3 mais
"r!servant la "ro6imit! des concurrents $###'3 tandis qu'elle deviendra m!ta"*orique lorsqu'elle d!signera un
ra""ort de concurrence m!diatis! "ar d'autres organismes $###' ou sim"lement a""ro6imative lorsqu'elle sera
c*arg!e de signifier un ra""ort tensionnel entre l'organisme et son milieu#L#
- l'as"ect global de la lutte l'em"orte sur sa r!alit! imm!diate ( la lutte entre animau6 s'o"5re "ar l'interm!diaire et
d!"end de la lutte entre d'autres animau63 dans un es"ace global donn!#
Enfin3 continue 0atricV 98:93 Lla lutte "our l'e6istence est c*ez +.:Q7A la cons!quence du conflit de trois
donn!es ma2eure (
- le tau6 !lev! d'accroissement s"ontan! de toute "o"ulation d'organismes H
- la limitation de l'es"ace ca"able de la contenir H
- les limites quantitatives des ressources qu'elle "eut tirer de son environnement#L
8n ne "eut qu')tre fra""! "ar le "eu d'!tudes sur les com"ortements "r!dateurs - autre que les as"ects
documentaires "arfois ant*ro"omor"*iques - en !t*ologie# Le centrage de l'!tude des com"ortements $instinctifs
ou !labor!s "ar l'environnement' sur les relations entre cong!n5res d'une m)me es"5ce3 d'un m)me grou"e3
notamment dans les !tudes sur l'agressivit!# -ela em")c*e d'avoir une vision claire sur les com"ortements
coordonn!s en vue de se nourrir et de se "rot!ger# 7l semble toutefois bien que les com"ortements entre
cong!n5res d'une m)me es"5ce soient com"l5tement diff!rents des com"ortements de "r!dation $du
com"ortement entre membres d'es"5ces diff!rentes'#
,i l'on suit Dean-Luc :EAR et V!ronique ,E:V.7, $L'!t*ologie'3 l'un des "robl5mes de cette disci"line est qu'il
e6iste Lun *iatus entre d'une "art les !t*ologistes qui se sont attac*!s des conduites de "lus en "lus
com"le6es3 tr5s souvent c*ez des organismes qui ne le sont "as moins $oiseau63 mammif5res###' et d'autre "art
les "*4siologistes qui !tudient c*ez des Lorganismes sim"lesL des "rocessus d!limit!s $int!gration de signau63
commande de mouvements3 modes de relations entre les deu6###'L# -e *iatus a une influence sur notre
com"r!*ension du "*!nom5ne guerre vu d'un "oint de vue !t*ologique3 qui int5gre l'es"5ce *umaine comme
su2et d'!tudes#
-ela laisse le c*am" libre une conce"tion "r!cise des com"ortements sous couvert de sociobiologie#
EdUard Q7L,8A d!finit ainsi le c*am" de la sociobiologie3 qui sera d!natur!e "ar beaucou" "ar la suite ( l'!tude
s4st!matique des fondements biologiques de toutes formes de com"ortement c*ez toutes sortes d'organismes
comme disci"line de rec*erc*es3 et non comme *4"ot*5se s"!cifique#
Le c*erc*eur est loin d'avoir la rage s"!culative de nombreu6 ade"tes de la sociobiologie ( la "lu"art des t4"es
de com"ortements agressifs3 !crit-il dans le c*a"itre .gression de LL'*umaine natureL3 Lentre re"r!sentants de la
m)me es"5ce r!"ondent des sur"o"ulations locales# Les animau6 utilisent l'agression comme une tec*nique
"ermettant de contrMler un certain nombre de n!cessit!s3 comme la nourriture et l'abri3 qui sont rares ou ont une
c*ance de le devenir ra"idement au cours du c4cle vital#
/enaces et attaques s'intensifient et deviennent "lus fr!quentes au fur et mesure que la "o"ulation alentour
devient "lus dense# -e com"ortement lui-m)me a "our r!sultat de "ousser les membres de la "o"ulation
conqu!rir de nouveau6 es"aces3 d'accroPtre le tau6 de mortalit! et de diminuer le tau6 de natalit!#L EdUard
Q7L,8A indique ensuite que l'es"5ce *umaine est loin d')tre la "lus violente dans les relations inter-s"!cifiques3
et cite les *45nes3 les lions et les singes langurs#
+es !tudes qui relient les a""orts de l'!t*ologie ceu6 de l'ant*ro"ologie comme celle de ,erge /8,-8V7-7 $La
soci!t! contre nature' questionnent les relations entre "r!dation3 c*asse et guerre# ,ans aller au fond de cette
r!fle6ion3 on "eut citer3 dans son c*a"itre sur Lles deu6 naissances de l'*ommeL3 certains !l!ments int!ressants (
L:e"renant les ressources secondaires des "rimates3 les *ommes se sont faits "r!dateurs# l'!quilibre atteint est
ce"endant "r!caire# Les causes qui ont fait surgir une activit! im"ortante cMt! de la cueillette continuent agir
et en "resser le d!velo""ement#L "our l'auteur toute une !volution m5ne l'es"5ce *umaine la c*asse3 activit!
!labor!e qui su""ose une autre relations vis--vis des autres es"5ces3 "lus agressive et "lus d!fensive# La
rec*erc*e des rec*erc*es li!e une e6"ansion d!mogra"*ique serait l'un des facteurs faisant de l'*omme un
c*asseur3 et dans un monde o1 coe6istent "lusieurs es"5ces *umaines $ou d'*ominid!s' a""arent!es3 la c*asse
aurait "u se muer en guerre# Loin de vouloir r!sumer l'!tude de ,erge /8,-8V7-73 sur laquelle nous
reviendrons en lecture crois!e avec d'autres3 dont celui "ortant sur Lla c*asse structuraleL de &!rard /EA+EL3 il
serait fructueu6 de rec*erc*er les filiations qui e6istent entre ces trois termes#
,ous la direction de 0atricV 98:93 +ictionnaire du darUinisme et de l'!volution3 3 volumes3 0<O3 >??E H Dean-Luc
:EA-R et V!ronique ,E:V.7,3 L'!t*ologie3 *istoire naturelle du com"ortement3 Editions du ,euil3 2002 H EdUard
Q7L,8A3 L'*umaine nature3 Essai de sociobiologie3 ,tocVT/onde ouvert3 >?G? H ,erge /8,-8V7-73 La soci!t!
contre nature3 <&E3 >0T>83 >?G2#
Lundi 20 octobre 2008
-ultures et conflits3 revue de ,ociologie "olitique de
l'international
<ne revue qui a maintenant "lus d'une quinzaine d'ann!es d'e6istence $n!e en >??0' traite des questions
sociologiques au sens large au niveau "lan!taire# .lors que g!n!ralement les revues qui traitent des relations
internationales se centrent sur les relations entre Etats ou encore !conomies3 celle-ci a le m!rite d'aborder de
mani5re transnationale et m)me transculturelle des questions telles que la 6!no"*obie de gouvernement
$num!ro de "rintem"s 2008' ou l'immigration3 ou encore les libert!s fondamentales#
9rimestrielle3 de 200 "ages environ3 anim!e "ar +idier C7&8 et Laurent C8AELL7 en tant que r!dacteurs en c*ef3
constitu!e d'une !qui"e tr5s large d'une vingtaine de r!dacteurs3 faisant a""el de mani5re constante des
collaborations e6t!rieures3 -ultures et -onflits entend aborder les Ldiff!rentes e6"ressions de la conflictualit!
dans toutes ses formesL# Elle "artage avec ce blog ce souci de bala4er toutes les disci"lines afin de mieu6 cerner
les origines3 les modalit!s et "arfois les solutions au6 multi"les conflits qui traversent notre !"oque# La revue
"ro"ose des articles souvent assez longs et !labor!s3 outils de r!fle6ion universitaire3 souvent de *aut niveau3 et
sans frilosit!s quant au6 o"inions e6"rim!es $nettement orient!es gauc*e'3 "renant "art de cette mani5re au
d!bat "olitique3 . noter "ar e6em"le le num!ro "aru en 2uin 2008 sur les Laltermondialismes oubli!sL#
. c*aque fois3 a"r5s un t*5me central3 des "ages *ors-t*5mes sont "ro"os!es3 de mani5re tr5s vari!e# -ultures
et -onflits est l'organise d'un L-entre d'Etudes sur les -onflitsL qui "ro"ose "ar ailleurs une collection de"uis
2anvier 200E3 d'ouvrages "ubli!s en franNais3 en anglais3 en es"agnol3 en italien### 7l collabore de cette mani5re de
faNon r!guli5re avec les revues .lternatives $anglaise de L4nne :E7AE:' et -onflitti globali $italienne'# ,ous
oublier que3 comme beaucou" d'autres revues3 elle organise de mani5re r!guli5re des -onf!rence-d!bats autour
d'un t*5me#
Le num!ro de "rintem"sT!t! 20>> $nX8>-82'3 de 2@0 "ages3 sur Le "assage "ar la violence en "olitique Linvite
e6"lorer les configurations sociales3 *istoriques et "olitiques afin de mieu6 com"rendre la violence "olitique3 en
refusant tout Le6ce"tionnalisme m!t*odologiqueL#L Le dossier s'ouvre sur le cas de l'.llemagne avec une
traduction in!dite d'un te6te de Aorbert EL7., sur le conflit g!n!rationnel comme mode d'e6"lication de la
violence "olitique# Les autres contributions traitent tour tour des violences s4ndicales $.ntoine :8&E:'3 du lien
entre des militants3 leur organisation et la violence3 travers des tra2ectoires collectives ou individuelles'
$Cen2amin &8<:7,,E3 ,t!"*anie +E-%ESELLE,3 Rarine L./.:-%E3 /arc /7LLE9###'# LLe "assage "ar la
violence en "olitique n'est "as le r!sultat d'un Ld4sfonctionnementL ni d'une Lsub2ectivit! "at*ologiqueL r!serv!e
des fanatiques3 des individus mani"ul!s ou frustr!s# 7l s'inscrit dans des configurations sociales qu'il faut !tudier
dans toute leur singularit!3 en faisant varier les niveau6 d'anal4se#L +ans ce num!ro3 les res"onsables de la
revue inaugure une nouvelle formule qui re"rend celle que les lecteurs d'7nternational0olitical ,ociolog4
connaissent bien# L7l s'agit de demander des coll5gues contem"orains afin de "ointer ce qui fait d!bat sur le
"lan intellectuel3 et qui n'a "as n!cessairement !t! !clair! dans les grands m!diaL .insi3 dans ce num!ro 3 la
question de :oms $comme "r!te6te ( luttes autour des droits et de l'autorit!'#
-ultures et -onflits3 ,ociologie 0olitique de l'7nternational3 Editions L'%armattan3 3@3 rue de /ont*olon3 C0 200E@3
GF@2> 0.:7, -E+EI 0?# .bonnement Librairie de L'%armattan3 >E3 rue des !coles3 GF00F 0.:7,# Le -entre
d'!tudes sur les conflitsT-ultures et -onflits se trouve l'universit! 0aris I Aanterre3 batiment O3 bureau F>F3 200
avenue de la :!"ublique3 ?200> A.A9E::E#
,ite ( UUU#conflits#org# 0r!sence au "ortail -airn#
L'art de la guerre "ar l'e6em"le3 de Or!d!ric EA-EL
0our qui veut se familiariser avec une certaine mani5re de raconter les batailles ou de lire la strat!gie sans
"longer dans tro" de lectures t*!oriques3 le livre de Or!d!ric EA-EL est tout fait indiqu!# 7l constitue une bonne
mise en a""!tit dans la connaissance de l'art de la guerre# Oaite de "etits te6tes se ra""ortant soit une bataille3
soit un t*!oricien3 un strat5ge ou un strat!giste3 cette introduction "arcours l'*istoire de >28E avant D!sus--*rist
$la bataille de Rades*' >?G3 "our "rendre la derni5re bataille trait!e $la guerre du =om Ri""our'#
8n "eut regretter des oublis et des restrictions3 mais cela fait "artie de la r5gle du 2eu que s'est !tablie l'auteur# La
s!lection des entr!es relatives au6 batailles Ls'est faite sur 3 crit5res "r!cis et relativement diff!rents ( leur
caract5re d!cisif au regard d'un conflit ou d'une !"oque3 leur dimension novatrice $em"loi de tactiques ou de
tec*niques nouvelles3 bilan sans "r!c!dent###'3 enfin leur valeur s4mbolique ou m4t*ique forte qui "ermit une
instrumentalisation des fins "olitiques#L
Or!d!ric EA-EL3 docteur en g!o"olotique3 consultant en risques-"a4s et enseignant l'7nstitut d'Etudes
0olitiques de :ennes3 et on le com"rend3 avoue bien que le c*oi6 des *ommes est "lus d!licat# 0rendre Louis I7
et %assan 7bn ,aba a"r5s avoir "ris -lauseUitz ou ,un 9se r!v5le bien une certaine "!dagogie et on ne saurait
l'en critiquer# L'ob2ectif est d'ouvrir l'es"rit avant tout3 "our de futures d!couvertes "lus a""rofondies H en tout cas3
c'est comme cela que 2e l'ai "ris#
."r5s c*aque article3 de nombreuses r!f!rences bibliogra"*ies "ermettent de commencer des a""roc*es "lus
!tendues#
. noter une "ostface de 2002 o1 l'auteur fait r!f!rence Lla gigantesque offensive terroriste du >> se"tembre
200>L "our en faire Lla soi6ante-cinqui5me case de l'!c*iquerL3 a"r5s les E@ entr!es qu'il nous "ro"ose ici#
Aous "ouvons lire de la "art de l'!diteur ( L,oi6ante-quatre strat5ges et batailles comme les soi6ante-quatre
cases d'un !c*iquier### +e :ams5s 77 la guerre du &olfe3 des ruses de -!sar et de I!no"*on au6 t*!ories
nucl!aires de Rissinger et de /ao3 de la l!gende de :onceveau6 celle de Valm43 la strat!gie a tou2ours !t!
"erNue et men!e la mani5re d'un art# -omment .le6andre le &rand vainquit-il quatre re"rises les
gigantesques arm!es de +arius? Buelle strat!gie "ermit au vieil !rudit c*iite %assan 7bn ,aba3 retranc*! dans un
nid d'aigle avec une "oign!e d'*ommes et de 2olies esclaves3 de "rovoquer lui seul l'effondrement du "lus
"uissant des em"ires de son !"oque? 0ourquoi3 au cours de la guerre de -ent .ns3 l'infanterie anglaise !crasa-t-
elle la redoutable c*evalerie franNaise? Bu'est-ce qui fit c*uter Aa"ol!on Cona"arte3 le vainqueur d'.usterlitz?
0our quelles raisons le ca"itaine de &aulle3 visionnaire de la guerre m!canis!e et annonciateur du catacl4sme3
fut-il n!glig! "ar l'!tat-ma2or franNais des ann!es >?303 mais lu3 com"ris et La""liqu!L avec succ5s "ar les
g!n!rau6 allemands au service de la d!mence *itl!rienne? 0ar quel "rodige 9sa*al3 arm!e "o"ulaire du
minuscule Etat d'7sraYl3 triom"*a-t-elle en quelques 2ours d'adversaires coalis!s et bien su"!rieur en nombre et
en mat!riel? -omment com"rendre enfin que les deu6 "lus grands t*!oriciens militaires de l'%istoire3 ,un 9se et
-lauseUitz3 aient !t! farouc*ement o""os!s la guerre? -artes et inde6 com"l5tent cet ouvrage qui offre une
contribution originale3 la fois sim"le et "r!cise3 la connaissance de la strat!gie#L
,ans "r!tendre donner toutes les r!"onses ces questions3 Or!d!ric EA-EL indique des faits qui "ermettent de
com"rendre leurs im"ortances d!cisives# la force de cet ouvrage r!side dans la ca"acit! de mettre en lumi5re de
mani5re s4nt*!tique les grands courants de "ens!e militaire et leurs a""lications ou non sur les c*am"s de
bataille# <n bon livre "our Ld!butantsL qui ne se "rend "as "our une sorte de L,trat!gie "our les nulsL###
Or!d!ric EA-EL3 n! en >?E?3 est !galement l'auteur de "lusieurs autres ouvrages3 dont certains "rovoquent la
"ol!mique3 car concernant le /o4en-8rient3 il seraient tro" orient!s en faveur de l'Etat ou des gouvernements
d'7sraYl $notamment de la "art de 0ascal C8A7O.-E dans Les intellectuels faussaires $Dean--laude
&.Q,EQ7-% Editeurs3 20>>'3 mais cela fait "artie bien entendu des conflits entre !coles rivales'# 7l a ainsi !crit
&!o"olitique de D!rusalem $Olammarion3 >??83 2008' H Le /o4en-orient entre guerre et "ai6# <ne &!o"olitique du
&olan $Olammarion3 >???' H &!o"olitique de l'."ocal4"se# La d!mocratie l'!"reuve de l'islamisme $Olammarion3
2002' H La &rande alliance# +e la 9c*!tc*!nie l'7raV3 un nouvel ordre mondiale $avec 8livier &<ES3
Olammarion3 2003'3 &!o"olitique d'7sraYl# +ictionnaire "our sortir des fantasmes $avec OranNois 9%<.L3 ,euil3
200@3 20>>' H &!o"olitique du sionisme $.rmand -olin3 200E3 200?' H -om"rendre la g!o"olitique $,euil3 20>>'#
Or!d!ric EA-EL3 L'art de la guerre "ar l'e6em"le3 ,trat5ges et batailles3 Olammarion collection -*am"s3 20023
3FF "ages# 0remi5re !dition en 2000#
+e la g!o"olitique3 de Rarl %.<,%8OE:
-es te6tes d'un des fondateurs de la g!o"olitique - il s'agit d'un recueil d'!crits de >?20 >?@F - indiquent la
fois certains fondements de cette alors r!cente disci"line et le conte6te dans lequel travaille le g!n!ral de brigade
"rofesseur#
0r!fac!s "ar Dean RLE7A $longuement' et introduits "ar %ans-.dolf D.-8C,EA $une non moins longue
biogra"*ie'3 les te6tes de Rarl %.<,%8OE: $>8E?->?@E' montrent quel "oint une LscienceL "eut )tre d!vi!e
des ob2ectifs de son auteur lorsqu'il "artage certains "r!su""os!s avec les dirigeants d'un Etat autoritaire et
im"ito4able# 7l s'agit de ? te6tes o1 trans"araPt3 m)me dans ceu6 qui font r!f!rence une situation "r!cise3 une
constante "rudence qui est la marque des vrais savants# 7ls abordent soit des questions t*!oriques g!n!rales $+e
la g!o"olitique3 la vie des fronti5res "olitiques###' soit des as"ects "r!cis $le bloc continental Euro"e -entrale-
Eurasie-Da"on' qui gardent encore au2ourd'*ui une certaine "ertinence#
-omme l'!crit Dean RLE7A3 LRarl %.<,%8OE: s'e6"rimait avec "rudence sur le caract5re scientifique de
l'entre"rise dans laquelle il !tait engag! et 2usqu' la fin de sa vie il s'est refus! "ublier un manuel de
g!o"olitique3 estimant que les rec*erc*es entre"rises et les r!sultats obtenus n'!taient que les "ierres d'attente
d'un !difice t*!orique futur# En outre3 il avait de la g!o"olitique une conce"tion d4namique et il ne voulait "as
entraver son essor "ar des !nonc!s dogmatiques qui auraient nui ses a""lications "ratiques#L# :!dig!e un
moment o1 la g!o"olitique est r!ellement remise l'*onneur3 "ass!e une "!riode o1 les strat!gistes ne uraient
que "ar la t*!orie des 2eu6 et les sc!narios de guerre nucl!aire - cette "r!face fait 2ustice de la "r!tendue
"artici"ation active de Rarl %.<,%8OE: l'entre"rise nazie3 tout en montrant3 comme le fait d'ailleurs %ans
.dolf D.-8C,EA dans l'Lesquisse biogra"*iqueL3 le conte6te d'!laboration de cette g!o"olitique allemande3 celui
d'une .llemagne vaincue et am"ut!e de territoires "eu"l!s d'.llemands#
L+e la g!o"olitiqueL $>?3>' traite dans un st4le "lutMt lourd $mais il est r!dig! l'origine "our la radio' d'as"ects
saillants ( L<n travail de g!o"olitique doit3 de "ar son essence3 )tre enti5rement ind!"endant de l'endroit de la
surface du globe o1 se trouve "ar *asard son auteur3 de la situation et du "arti de ce dernier#L
L7l faudrait donc d'abord a""orter la "reuve de l'e6actitude de quelques-uns de ces signes et avertissements
g!o"olitiques dans le "ass! et montrer ensuite comment on "eut "ercevoir des lignes directrices g!o"olitiques
dans le 2eu agit! ds forces "olitiques du "r!sent3 les identifier dans leur d!velo""ement et saisir leur direction
vers l'avenir - en laissant naturellement une certaine marge au6 diagnostics erron!s3 comme en m!t!orologie et
dans l'art m!dicalL#
LLa d!marcation entre les "uissances oc!aniques et les "uissances continentales dans leur grande diff!rence de
sensibilit! en ce qui concerne leurs s"*5res d'influence est "articuli5rement int!ressante du "oint de vue
g!o"olitique# L'Euro"e centrale "ar e6em"le commit une grave erreur de n'avoir "as com"ris le "assage des
Etats-<nis3 entre >8?2 et >8?83 de la situation d'un Etat continental largement autarcique celle d'une "uissance
industrielle et commerciale oc!anique et agressive3 comme le fit "ar e6em"le l'.ngleterre3 qui gr;ce au
g!o"oliticien Lord C:=-E conclut tem"s3 au "ri6 de grands sacrifices3 sa "ai6 culturo-"olitique avec le grand
Etat qui !tait sa fille et trouva ainsi son aide dans la guerre mondiale#L
L7l e6iste $###' des diff!rences consid!rables entre les bonnes et les mauvaises fronti5res3 entre les fronti5res
naturelles et celles em"runt!es la nature# +ans les tem"s anciens3 les fleuves aussi longtem"s qu'ils coulaient
encore avec de nombreu6 bras et un d!bit irr!gulier3 entre "rairies et fourr!s3 comme s!"aration# Le fleuve
d'au2ourd'*ui3 "ortant un trafic intense et "roduisant de l'!lectricit!3 comme le :*in3 unit bien "lus qu'il ne s!"are H
c'est "ourquoi il sera tou2ours une mauvaise fronti5re qui sera ressentie comme une "laie ouverte 2usqu'au
moment o1 toutes les barri5res et tous les obstacles tombent3 o1 tous les *abitants de m)me langage3 de "art et
d'autre de la fronti5re3 sont nouveau r!unis# -eci est une e6"!rience g!o"olitique v!rifi!e dans des milliers de
cas# ,eule une zone in*abit!e constitue une s!"aration de quelque dur!e# /ais absolument rien la surface de
la terre ne fournit de "rotection en tant qu'obstacle "urement "assif3 ni les mers3 ni les ceintures de d!serts3 ni les
c*aWnes de montagnes !lev!es3 ni les for)ts mar!cageuses H tout a d!2 !t! surmont! "ar des mouvements
migratoires des *ommes# 0ar contre la "rotection n'est assur!e que "ar un vigilant sentiment de la vie3 "ar une
organisation afraire3 oeuvre de bras vivants et travailleurs3 derri5re une fronti5re trac!e de la mani5re la "lus 2uste
"ossible3 re"osant des deu6 cMt!s sur un consentement mutuel3 et a4ant3 en cas de besoin3 un caract5re
militaire#L
LLe bloc continental Euro"e -entrale-Eurasie-Da"onL ( L7ncontestablement le "lus grand et le "lus im"ortant
c*angement dans la "olitique mondiale de notre tem"s est la formation d'un "uissant bloc continental englobant
l'Euro"e3 le Aord et l'Est de l'.sieL# :!dig! en >?@03 centr! sur Lles "ossibilit!s coloniales de la g!o"olitiqueL3 ce
te6te re"rend des consid!rations issues de l'e6"!rience "ro"re de l'auteur en E6tr)me-8rient et constitue une
v!ritable anal4se de la situation g!o"olitique de ce vaste ensemble# En relisant ce te6te3 on a "arfois l'im"ression
qu'il constitue un arc*!t4"e de certains te6tes que l'on retrouve actuellement dans certaines revues de
g!o"olitique3 m)me si ses conclusions sont loin d')tre v!rifi!es#
L."ologie de la g!o"olitique allemandeL de novembre >?@F fait "artie de la d!fense 2uridique que Rarl
%.<,%8OE: r!dige la demande des autorit!s alli!es enqu)tant sur les crimes nazis# il estime notamment qu'
"artir de >?383 %itler ne suit "lus ce qu'il estime une bonne strat!gie "our l'.llemagne# 7l fut d'ailleurs "ers!cut!
ainsi que sa famille vers la fin de l'.llemagne nazie# tr5s nettement3 il indique les ressemblances des buts et des
mo4ens des g!o"olitiques am!ricaine et allemande3 et s'inscrit dans la continuit! des r!fle6ions men!es "ar des
g!o"oliticiens anglo-sa6ons#
L-ontribution la g!o"olitique de l'E6tr)me-8rient' $>?20' est directement tir! de son e6"!rience di"lomatique
dans cette r!gion# L+ans ce cercle $des questions g!o"olitiques concernant l'.sie orientale' une "osition de
"uissance dominante revient au Da"on non "as tant cause des mo4ens dont il dis"ose et de sa volont! de
"uissance qu' cause du "oids naturel qui revient toute "ersonnalit! affirm!e3 la volont! ferme3 sans qu'elle 4
soit "our rien3 dans un monde d'int!r)ts en lutte3 de tensions forc!es et de formes de vie inco*!rentes# En m)me
tem"s !c*oit au Da"on la res"onsabilit! dont3 conscient d'une grande mission *istorique3 il se c*arge de son rMle
d'interm!diaire un endroit de la terre o1 le "lus grand 8c!an3 avec les "rofondeurs de "lus de >2 000 m5tres3
touc*e la "lus grande masse continentale de notre "lan5te#L
LLa vie des fronti5res "olitiquesL $>?30' "art de la constatation de la fragilit! des fronti5res# L<n "*!nom5ne vital
r!sultant d'un 2eu de forces tou2ours c*angeant comme la fronti5re "olitique3 ne "eut )tre "leinement saisi Lde
lega lataL "artir d'une loi fig!e3 "rise la lettre3 "artir d'une conce"tion LstatiqueL3 "artir d'un !tat d!2
n!cessairement vieilli d5s le moment m)me o1 il a !t! fi6!#L Rarl %.<,%8OE: dresse un tableau de la situation
des "eu"les "ar ra""ort leur territoire ( L$###' le d!s!quilibre entre la force d!fensive organique et l'envie
organique d'attaquer est "lus difficile faire com"rendre et "lus difficile e6"rimer sur une carte "olitico-
d!mogra"*ique# -ar il faut "rendre en com"te de nombreu6 s4m"tMmes scientifico-culturels3 des signes
artistiques valeur "olitique3 des e6"ressions de l'aZme "o"ulaire $mentalit!' de "art et d'autre de la fronti5re et il
est "resque im"ossible d'e6"rimer cela "ar de sim"les c*iffres# ,eul le don "r!cieu6 et rare de "ouvoir s'identifier
au6 deu6 entit!s qui luttent tou2ours ensemble3 et l';me com"liqu!e de la r!gion fronti5re elle-m)me3 "ermet de
s'e6"rimer "rudemment sur la vitalit! et les "ossibilit!s d'avenir de la zone fronti5re3 de la bordure frontali5re qui
n'est 2amais la ligne g!om!trique que le droit international et le droit "ublic tracent si volontiers mais est en m)me
tem"s une entit! avec un droit "ro"re l'e6istence#L
LL'es"ace vital allemandL $>?3>' dresse la situation 2ug!e catastro"*ique du sol du "eu"le allemand3 >2 ans
a"r5s la fin de la 0remi5re &uerre /ondiale# 8n est loin dans ce court te6te de la "*ras!ologie d'un L/ein
Ram"fL# l'auteur insiste sur l'!touffement de son "eu"le et s'a""uie m)me sur la grande "resse internationale qui
reconnaPt de grandes erreurs au 9rait! de Versailles de >?>8#
LLes bases g!ogra"*iques de la "olitique !trang5reL $>?2G' ( L$###' c'est la g!o"olitique avant tout qui doit cr!er
l'outil d'une "olitique !trang5re fructueuse3 qui doit !veiller un large !c*o dans le "eu"le tout entier3 "our que
naissent les forces qui la r!aliseront# dans le domaine - malgr! bien des es"rits !minents de c*ez nous3 qui ont
beaucou" "lus de disci"les l'!tranger3 dans les "a4s de langues anglaise3 franNaise et 2a"onaise que dans leur
"ro"re "a4s - les Critanniques et les OranNais "ar e6em"le nous ont !t! su"!rieurs "artir du tournant du si5cle#
ils ont !duqu! g!o"olitiquement aussi bien les e6!cutants de leur "olitique !trang5re que les masses qui devaient
leur donner dans les !lections le nombre de voi6 n!cessaires# +5s >?0> et >?0@ des g!o"oliticiens franNais et
anglais $-%E:.+./. et /.-R7A+E:' ont indiqu! dans des ouvrages - qui auraient dJ !veiller notre attention -
les lignes directrices suivre "our r!duire n!ant les &randes 0uissances de l'Euro"e continentales#L
LLe d!"lacement des forces "olitiques mondiales de"uis >?>@ et les fronts internationau6 des L0an-7d!esL
8b2ectifs long terme des &randes 0uissancesL $>?3>' d!"loie un des grands a""orts t*!oriques de Rarl
%.<,%8OE: ( les 0an-7d!es# <ne 0an-7d!e a "our ob2et l'unit! g!ogra"*ique3 et*nique ou civilisationnelle d'une
communaut! *umaine ( "an-euro"!isme3 "an-islamisme3 "an-germanisme### Le monde "eut )tre divis! en @
zones selon un a6e Aord-,ud3 c*aque zone !tant domin!e "ar une grande "uissance (
- l'.llemagne destin!e dominer la zone "an-euro"!enne incluant l'.frique
- les Etats-<nis destin!s dominer la zone "an-am!ricaine
- la :ussie destin!e dominer la zone "an-russe incluant l'.sie centrale et le sous-continent indien
- le 2a"on destin! dominer la zone "an-asiatique#
-es "an-7d!es "ermettent selon Rarl %.<,%8OE: de com"rendre les grands c*ocs g!o"olitiques de la "lan5te#
il souligne l'o""osition irr!ductible entre les g!o"olitiques russe et am!ricaine# ,elon lui3 le lib!ralisme mondialiste
am!ricain ne "ourrait )tre mis en !c*ec que "ar les "uissances de l'.6e3 l'.llemagne et le Da"on# $.4meric
-%.<0:.+E'
LLa g!o"olitique du "acte anti-RominternL $>?3?' vue favorablement est un "etit te6te qui souligne surtout Lla
n!cessit! d'une !ducation g!o"olitique $dont il donne l'e6em"le "ar ce 0acte' "our tous les soldats "olitiques des
"uissances de l'.6e3 en-deN et au-del des .l"esL# 7l montre la fragilit! de ce 0acte qui n'a rien d'un triangle de
fer3 tant "5sent les r!alit!s g!ogra"*iques#
+es anne6es3 form!es des corres"ondances de Rarl %.<,%8OE: renforcent les im"ressions qui se d!gagent
de ces ? te6tes ( n!cessit! d'a""rofondir les !l!ments de la g!o"olitique3 n!cessit! de l'!ducation des dirigeants
"olitiques et militaires comme des "eu"les sur les r!alit!s "*4siques et les continuit!s *istoriques induites "ar
elles3 n!cessit! de garder cette LscienceL de tout dogmatisme# 7l s'en d!gage une id!e "aneuro"!enne de toute
actualit!#
Rarl %.<,%8OE:3 +e la g!o"olitique3 Editions Oa4ard3 collection g!o"olitiques et strat!gies3 >?8E3 2E8 "ages#
9raduction de l'allemand "ar .ndr! /E=E:#
-e recueil est surtout le fruit d'une !tude monumentale de %ans-.dolf D.-8C,EA sur la vie et l'oeuvre de Rarl
%.<,%8OE:3 "arue en >?G?#
,ous la direction d'.4meric -%.0:.+E3 &!o"olitique3 -onstantes et c*angements dans l'*istoire3 Elli"ses3
2003#
Guerre Et Stratgie Arienne : La
Matrise De Lair Selon Giulio
Douhet7A9:8+<-978A
[ La Lguerre de >@L c\est ]^_ l\innovation de la tactique3 le brutal a""rentissage du caract5re de
modernit! de la guerre3 bref une "orte d\entr!e au vingti5me si5cle alors que les es"rits naWfs des
strat5ges de l\!"oque se cro4aient encore au di6-neuvi5me ` # -e constat que fait -arl 0e"in au
su2et de la &rande &uerre r!sume "arfaitement la mutation de l\ob2et militaire et strat!gique qui
s\o"5re durant cette "!riode# Le IIe si5cle a accouc*! du conce"t de guerre totale qui im"lique
l\!largissement des efforts de la guerre la totalit! de la "o"ulation3 et "lus seulement au6
combattants# Le front d!"end donc de l\arri5re qui fournit un travail de soutien notamment au
niveau du ravitaillement et de la "roductions d\armes#
-e"endant3 la &rande &uerre est marqu!e "ar la grande immobilit! des forces arm!es
terrestres# 9ro" *abitu!es au6 o"!rations militaires d\avanc!es ou de reculs en ligne3 les
strat5ges se *eurtent la "uissance de nouvelles tec*niques# En effet3 l\im"lication des
"o"ulations a acc!l!r! le "rogr5s tec*nique auquel n\ont "u ce"endant s\ada"ter les arm!es#
+ominique +avid indique cet !gard que [ la mobilisation sociale3 donc aussi industrielle3 a
"ermis l'instrument tec*nique de verrouiller les conce"ts o"!rationnels ( la combinaison des
armes tir ra"ide et de la couverture barbel!e d!bouc*e "rovisoirement sur l'absolu de la
d!fensive ( l'immobilit! ` #
-\est dans ce conte6te de "aral4sie que &iulio +ou*et s\interroge sur de nouvelles "ossibilit!s
strat!giques "ermettant de d!bloquer les o"!rations militaires# +ans cette o"tique3 il envisage
"lusieurs "ossibilit!s dont l\utilisation du bombardement a!rien# 0erNu comme un "ersonnage
sulfureu63 +ou*et a sans-cesse ca"t! l\attention de ses contem"orains en raison de la
d!termination et de l\ardeur "ar lesquelles il s\est em"lo4! d!fendre ses id!es# Entre >?>2 et
>?>F3 il est la t)te de l\a!ronautique militaire italienne qui ne tient "as une "lace ma2eure dans
l\arm!e####
Kerouac
l'crivain de la "Beat generation"
Kerouac redonna son envol la posie
amricaine leste en ces annes 50 d'une attitude esthtisante ou
d'exprimentations intempestives qui l'avaient peu peu coupe du public.
En reliant indissociablement sens des grands espaces et celui de la libert,
trait saillant et typique de la culture amricaine, il renouait avec la geste
du pote !alt !hitman "soucieux des valeurs pionnres et piques de son
pays l'poque o# celui$ci s'urbanise rapidement %in &'&e sicle(. )ue
retenir de son *uvre + ,es beatni-s, on %ait souvent des prcurseurs des
mouvements contre$culturels des annes .0 "dsobissance civile, comme
dirait /horeau, au moment de la guerre du 0ietnam, libration des m*urs,
etc( 1 ils n'auraient pas seulement produit un mouvement littraire, mais
aussi amen une prise de conscience de l'alination de l'homme dans le
monde moderne. 2n a pu soutenir, l3inverse, qu3ils en constituait le moment
le plus original en raison de la cristallisation, dans quelques lieux ne4$
yor-ais, d3une vie culturelle intense et, paralllement, d3un essaimage dans
des voyages. 5oyce 5ohnson, qui %ut la compagne de l3crivain 5ac- Kerouac,
%ormule ce type de 6ugement dans un roman, paru en 789:, qui %ait le
portrait des personnages principaux de la ;beat generation; et recompose
quelques atmosphres. <et ouvrage, intitul =ersonnages secondaires, pour
bien marquer le r>le qui %ut le sien et celui d3autres %emmes de la ?eat
generation, appara@t vivant et %iable parce que sans nostalgie ni ranc*ur.
Le 5 septembre 1957, le New York Times publie une recension qui deviendra
lgendaire : elle concerne le roman de Jack Kerouac On the Road. e livre ! est
d"ini comme un #vnement $istorique# et #une %uvre d&art aut$entique#, qui
mrite la #plus grande attention# et rev't la #plus $aute signi"ication#, ( une
poque o) *ustement nos attentions sont parpilles, nos sensibilits
estompes par les superlati"s de la mode, multiplis ( l&in"ini par l&esprit et la
puissance des mdias. Le livre de Kerouac deviendra cl+bre au titre de
#testament de la Beat generation#, tout comme La Fiesta de ,eming-a! avait
t le testament de la Lost generation.
Kerouac est mort en 19.9, le // mars. 0n ouvrage paru en 1912 au3 4tats50nis,
traduit en plusieurs langues europennes, celui de la "emme5crivain
amricaine Jo!ce Jo$nson, nous o""re des te3tes de premi+re main, du vcu en
direct. ar Jo!ce Jo$nson 6qui s&appelait 7lassmann ( l&poque8 a t l&amie et
l&amante de Kerouac pendant deu3 ans.
e livre est d&autant plus intressant qu&il traite d&un con"lit de gnration dans
l&9mrique des annes 5:. eci dit, en son temps, la Beat generation tait un
groupe de *eunes crivains et d&intellectuels amricains dont l&intr't et la
pertinence ont t tr+s vite reconnus et accepts : ce groupe tmoignait d&une
"ra;c$eur et d&une aut$enticit indniables, mais, $las, s&est "ig et $istoricis
"ort promptement. <utre Kerouac, ce mouvement littraire comptait dans ses
rangs des noms comme 9llen 7insberg, =illiam >urroug$s, ?eal assid!, 7ar!
@n!der autour desquels se "ormaient des cnacles ou des bandes de copains,
d&admirateurs et de compagnons occasionnels. @ur le plan artistique, ces
crivains ont lanc quelques nouvelles "ormes l!riques et narratives, comme
l&oral poetry. Als ont ouvert la littrature amricaine ( de nouveau3 t$+mes
*usqu&alors marginaliss, du moins en apparence. @ous leur impulsion, de
nouveau3 vocables apparaissent dans le langage quotidien des 9mricains : les
#kicks# dsignent les moments d&ent$ousiasme spontan B #diggins# veut dire :
comprendre spontanment l&autre. La Beat generation tait l&avant5garde de la
#gnration silencieuse#, soit celle d&apr+s la @econde 7uerre mondiale B elle
aurait sans doute pr"r 'tre la Lost generation mais on la considrait comme
passive et con"ormiste 6Corisson aussi ivre de posie et de puret re"usa de
s&en"ermer dans un personnage8. D3ceptionnellement, cette gnration
produisait des individualits "ortes ou des rebelles. 0ne question a""able de E.@.
Dliot convenait tragiquement ( cette gnration : #<serais5*e manger la
p'c$e F#. #?ous tions conscients, et nous en sou""rions, que nous n&osions pas,
dans la plupart des cas#.
Jo!ce Jo$nson, ne en 192., a dcrit en dtail sa propre biograp$ie : elle est
issue d&une "amille de la classe mo!enne ne-5!orkaise. Dlle en a eu asseG de la
pruderie, de la bigoterie, de la bonne conscience sans compromis de cette
"amille qui tait la sienne. Eouc$ant et maladroit, son p+re, sur son lit de mort,
prononce ces quelques mots : #?ous aurions dH aller ( Iaris#. Dlle se souvient
de l&e""et lectrisant qu&eut sur elle un article de *ournal en 195/, o) il tait
question des beatniks, d&e3citation, de sensation, d&impatience et d&e3tase. Dn
1955, elle quitte la maison "amiliale, sans avoir d&emploi convenable, sans
argent : elle travaille dans des maisons d&dition, elle crit un roman. Dlle "ait
la connaissance d&9llen 7insberg, puis, "inalement, de Jack Kerouac. Dlle
devient la petite amie du vagabond, qui n&tait pas encore cl+bre.
@i3 ans apr+s avoir t crit Jen 1951K, le manuscrit On the Road JSur la routeK
est en"in publi. Kerouac l&avait crit en deu3 semaines dans une ivresse de
crativit. e roman relate l&e3istence des tramps, qui vagabondent de la cLte
Dst ( la cLte <uest : derri+re un voile de "iction, on devine immdiatement le
mod+le beatnik. Kerouac renoue l( avec une tradition amricaine, qu&avait
incarne Jack London avant lui. Cais la Beat generation n&est pas une simple
copie de l&univers de Jack London. Muand Kerouac commence ses
prgrinations en 19N7, il lance sans dtours un a""ront au nouveau way of life,
tout de lu3e et d&abondance. 9pr+s les annes de "amine et de mis+re, apr+s la
grande dpression des annes 2:, les 9mricains pouvaient en"in *ouir de
l&e3istence B Kerouac, lui, vo!ait d*( que cette abondance menait
ine3orablement au nivellement.
Le re"us des normes, la "usion de la vie et de l&art, taient davantage qu&un *eu
est$tique : Kerouac et ses $omologues *ouaient ce *eu en courant un srieu3
risque. Jo!ce Jo$nson, quand elle quitte la maison, n&a pas la moindre
certitude et, un *our, elle se retrouvera tout en bas de l&c$elle, dans le monde
de la pauvret. Oes concierges m"iants la consid+rent comme une #pute#.
7ravir les escaliers de l&immeuble, c&est l&$orreur pour elle. Iour l&opinion
publique et pour les autorits, les beatniks sont le "erment de la criminalit et
de la subversion B ce re*et tait le pri3 ( pa!er pour l&indpendance, e3trieure
et intrieure. 0ne indpendance qu&ils avaient voulue.
Cais c&tait une danse sur le "il du couteau. P une de leur amie, dont les
ambitions artistiques avaient c$ou, la #libert# avait bien montr sa "ace de
Cduse : elle s&est alors *ete par la "en'tre, en laissant ce po+me : #pas
d&amourQ pas de pitiQ pas d&intelligenceQ pas de beautQ pas d&$umilitQ vingt5
sept ans, Ra su""it#.
e suicide tait la consquence e3tr'me d&un mode d&e3istence qui se voulait
inconditionn. Code d&e3istence qui tait la prmisse ma*eure de la vie
artistique et bo$+me que voulaient les beatniks. 9u3 !eu3 de leurs
contemporains et des gnrations suivantes, ce mode de vie "onde l&identit
beatnik qui, au*ourd&$ui encore, irrite ou "ascine. ertes, dans leur univers en
marge, il ! avait tout un rituel de groupe, beaucoup de super"icialit. <n
c$erc$ait ( se rendre important en *ouant les cradots. $eG les beatniks, seul
le no!au dur et aut$entique compte, ( encore une valeur pour notre r"le3ion
contemporaine. O&apr+s Jo!ce Jo$nson, Kerouac tait c$aotique, lunatique, il
tait un buveur bien sHr, mais il n&tait ni calculateur ni manipulateur et les
lamentations appelant la piti lui taient trang+res. Al voulait la gloire, pour
"aciliter son rapport au monde, ce qui s&est avr problmatique et erron, d+s
que la gloire est arrive.
Oans les annes 5:, les talkshows commencent ( se rpandre au3 4tats50nis,
avec un succ+s clatant : d+s lors, les mdias, "riands d&originalit ou de
scandales, ne tardent pas ( s&emparer du p$nom+ne beatnik, surtout apr+s les
articles du New York Times. Dt Kerouac, ( son tour, a t sollicit par les
mdias. Al a "ranc$i une "ronti+re dangereuse. Muand il s&est e""orc de "aire
comprendre et de rendre crdible les ressorts de sa crativit ( l&opinion
publique lie au3 mdias, Kerouac a avou qu&en vrit il c$erc$ait Oieu. Dn
disant cela, il a *et son talent est$tique et visionnaire en pSture ( la masse.
Ttre beatnik n&tait plus qu&une mode sans risque, que l&on pouvait s&ac$eter
sous la "orme de lunettes ou de pulls U &est donc ainsi qu&il "allait c$erc$er
Oieu, se sont dit tous les mdiocres U Dt en c$acun de nous sommeille un
$omme ou une "emme qui c$erc$e Oieu. @urtout mdiocrement.
&est donc au nom de sa propre rbellion, au nom des espoirs qui avaient
germs en elle dans les annes 5:, que Jo!ce Jo$nson critique au*ourd&$ui
toutes les rbellions qui ont suivi la sienne : #Les annes .: n&ont *amais
correspondu ( ce que *&attendais. Dlles m&ont dRue, malgr le "eu d&arti"ice
qu&elles taient. >on nombre de #grands moments# des annes .: n&ont *amais
t autre c$ose que des insu""isances. J&ai vu comment les $ippies ont pris la
succession des beatniks, comment les sociologues ont succd au3 po+tes...
&est sans ent$ousiasme que *&ai observ l&mergence des lifestyles. L&intensit
que nous avions connue s&est a""adie, elle n&a plus t qu&une &simple c$ose
disponible&, qu&on pouvait se "abriquer : on tait oblig de pratiquer une
&libert& pour laquelle il n&avait pas "allu se battre. L&e3tase n&tait plus qu&un
produit c$imique, l&oubli, on pouvait se le "aire prescrire sur ordonnance. La
rvolution tait dans l&air, mais elle n&est *amais venue et, si elle tait venue, il
n&! aurait plus eu de place pour un Kerouac#. D""ectivement, les soi3ante5
$uitards pro"essionnels d&au*ourd&$ui, que peuvent5ils "aire d&un Kerouac F Dt
un Kerouac, qu&aurait5il penser d&eu3 F
V"rence : Jo!ce Jo$nson, arten auf !eroua". #in Leben in der Beat
$eneration, Kunstmann, CWnc$en, 1997, /79 p. Er. "r. : %ersonnages
se"ondaires& Iaris, 0nion gnrale dXditions, 199..
a Thorsten Hinz, Nouvelles de Synergies Europennes n32, 1998.
(texte paru dans Junge Freiheit n41/1997)
*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*
Document supplmentaire :
5ac- Kerouac, le beatni- anticommuniste
Avec la parution de ;=ic; $ roman spontan et raliste sur le milieu noir
amricain des annes B0 $ aux ditions de la /able Conde, c'est maintenant
la quasi$totalit de l3*uvre de 5ac- Kerouac "78DD$78.8( qui est disponible
en %ranEais. Ftonnante %igure que Kerouac 1 prosateur talentueux, porte$
parole des beatni-s... et ractionnaire %ie%%.
Jack Kerouac, c&est l&inventeur de la beat generation. La publication en 1957
de son roman Sur la route allait impressionner durablement toute une "range
de la *eunesse amricaine et europenne. @on mot l&ordre : Y LSc$eG tout,
parteG sur les routes Z. 9vec lui, la Y vire "rntique Z, le Y stop Z prenaient
une dimension littraire.
Les crivains de la beat generation sont issus de la bo$+me de @an [rancisco.
<utre Kerouac, les plus intressants ont pour noms : 9llen 7insberg, =illiam
>urroug$s, 7regori orso et La-rence [erling$etti. Dnsemble, au cours des
annes 195:519.:, ils ont marquer pro"ondment la vie intellectuelle
amricaine. Leurs r"rences F Les auteurs du Y dcroc$age Z B ceu3 pour qui
la posie est une mani+re de vivre : =$itman, mais aussi >audelaire et
Vimbaud. Dt puis les st!listes. Jo!ce, et bien sHr line. 7insberg "ut si "rapp
par l&auteur du 'oyage au bout de la nuit, qu&il obtint, grSce ( Cic$el Co$rt, de
le rencontrer dans sa villa de Ceudon B et Kerouac, dans un (ahier de l)*erne
consacr au docteur Oestouc$es ne cac$a pas combien il avait t in"luenc par
celui5ci.
Iartisans d&une Y e3pression spontane Z nourrie de toutes les e3priences, les
Y beats Z re*oignent la dmarc$e de certains surralistes comme Cic$au3 ou
9ntonin 9rtaud. Dn e""et, le m!sticisme oriental, le r've, la drogue, sont des
t$+mes qu&ils a""ectionnent et au3quels il convient d&a*outer celui, t!piquement
amricain, du vagabondage.
Les crivains Y beats Z ne sont pas des politiques. Iourtant, certains d&entre
eu3 sont sans conteste $abits par une sensibilit de gauc$e ou plus
e3actement gauc$iste. &est le cas pour 7insberg, orso et [erling$etti 5 auteur
de Tyrannus Ni+, recueil de po+mes violemment $ostiles au prsident ?i3on.
Iour ne se rclamer d&aucun s!st+me ni d&aucune idologie prcise, ces Y
anarc$o5communistes Z n&en ont pas moins pris parti avec tapage contre leur
pa!s au moment de la guerre du \ietnam. Kerouac, lui, s&est tou*ours senti
spontanment ractionnaire. [ort g'ne, la critique "ranRaise s&est, dans un bel
ensemble, abstenue d&voquer ce "ait. 0ne bonne raison pour dcouvrir cette
"ace cac$e du Y roi des beats Z.
Le Y petit agneau Jsus Z
Jack Kerouac est n ( Lo-ell, dans le Cassac$usetts, en 19//, d&une "amille
cat$olique d&origine canadienne "ranRaise. L&ducation c$rtienne qu&il reRut
laissa en lui des traces pro"ondes. Oans 'isions de $,rard 619.28, son roman le
plus religieu3, Kerouac, le c$e" de "ile des Y beats Z, les entretient de la \ierge
Carie. Ou reste, il en voulut sans cesse ( l&crivain ?orman Cailer d&avoir
dblatr sur la mort de Oieu. @a passion pour le boudd$isme Gen ne lui "it
*amais renier sa "oi cat$olique. &est ainsi qu&il e3plique au po+te I$ilip =$alen
les consolations et la pai3 qu&il trouvait ( prier sainte E$r+se et Y le petit
agneau Jsus Z. Ilus d&une "ois, dans son balluc$on d&errant, il lui arrivait
d&emporter une >ible ou une image de ?otre5Oame de 7uadalupe pour laquelle
il avait la plus grande dvotion.
Eoute une *eunesse ent$ousiasme par la lecture de Sur la route tait loin de
s&imaginer que son auteur "aisait du stop au bord des autostrades un rosaire
autour du cou et une mdaille de saint $ristop$e, cousue amoureusement par
sa m+re, au revers de son sac ( dos. ar aussi surprenant que cela puisse
para;tre, Kerouac, entre deu3 vires "olles, revenait vivre c$eG sa maman 6Y
Cm+re Z8. 9u sortir d&incessantes nuits d&alcool, l&espoir lui revenait d&en"in
mener une vie apaise, entour d&une "emme et d&en"ants B il pensait avec
nostalgie ( ses idau3 d&ado5lescent : dcroc$er une bourse pour l&0niversit et
devenir c$ampion sporti" a"in d&atteindre ( la "ameuse "ormule mens sana in
"orpore sano.
9vec la religion, il est un autre point sur lequel Kerouac ne transige pas, le
patriotisme : Y Je suis pro5amricain 6...8. e pa!s a donn ( ma "amille
l&occasion de s&en sortir, plus ou moins, et *e ne vois aucune raison de
vilipender ledit pa!s Z.
Iartisan de Ccart$!
OXo) des prises de position qui stup"ieront 5 et consterneront 5 ses amis. Dn
pleine 7uerre "roide, il se dclare partisan convaincu de l&action rpressive du
snateur Ccart$! visant ( mettre $ors d&tat de nuire les personnalits
politiques et intellectuelles a!ant des s!mpat$ies communistes. Dn 195., lors
des lections prsidentielles 5 m'me s&il ne vote pas 5 il se prononce pour le
gnral Disen$o-er et contre le candidat progressiste 9dlai @tevenson. L&ultra5
conservatrice -ohn Bir"h So"iety F Al est pour U @&abonne5t5il ( une revue F Al
c$oisit la National Re.iew de =illiam >uckle!, considr par la gauc$e comme
un Y politicien "asciste Z 6en ralit un membre de l&aile droite du Iarti
rpublicain8.
ouvert d&insultes par la gauc$e radicale, son anticommunisme ne "it que
cro;tre. Oans son dernier livre \anit de OuluoG 619.18, il tient ( crire que Y le
mensonge est devenu prdominant dans le monde grSce, entre autres, ( la
propagande de la dialectique mar3iste et au3 tec$niques de l&Anternationale
communiste Z. Les dires rpts de Kerouac contre Y le lavage de cerveau
communiste Z "iniront par l&loigner de ses camarades 7insberg et [erling$etti.
[avoriser ou tolrer le communisme, qu&il d"inissait comme une "orme
sditieuse de la contestation, c&tait pour lui "aire preuve d&un libralisme
suicidaire. L&alcool ne l&amenait pas ( de plus tendres sentiments. Ieter
<rlo-sk! 5 po+te de son tat et Y ami Z de 7insberg 5 tmoigne : Y Al me
rabSc$ait sa $aine des communistes, m&assurant qu&il tait pr't ( monter dans
un arbre avec un "usil et ( descendre les communistes, s&il le "allait Z.
Kerouac n&a rien d&un doctrinaire U @on tat d&esprit dans le domaine politique
correspond ( celui de la Y ma*orit silencieuse Z. Ilus d&une "ois, il regrettait
que ses voisins le prennent pour un $urluberlu, alors qu&il ne dsirait 'tre...
qu&un bon patriote U C'me sur des probl+mes comme celui de la drogue, ses
vues ne laissent pas de surprendre : ainsi il tait convaincu que le L@O avait t
introduit par les @ovitiques au3 4tats 50nis dans le but de s&en prendre au
"ondement moral du pa!s.
Kerouac tait viscralement attac$ ( la banni+re toile : en visite c$eG des
amis, il s&aperRut que le divan tait recouvert d&un drapeau amricain B
aussitLt, il l&enleva, le plia soigneusement et le reposa avant de s&asseoir. Les
campagnes pro5vietcongs des Joan >aeG, Jane [onda et autres >ob O!lan le
mettaient $ors de lui B il a""irmait alors 'tre demeur un Y marine Z pr't (
partir incontinent pour le \ietnam.
Les anc'tres "ranRais
Iatriote amricain, Kerouac tait galement tr+s "ier de ses lointains anc'tres
"ranRais. &est vers 175: que le baron 9le3andre Lebris de Kerouac quitta sa
>retagne pour le anada o) une terre lui avait t attribue. @on livre Satori /
%aris 619..8 nous narre les tribulations de Jack parti dcouvrir, deu3 cent di3
ans plus tard, les traces de son ancienne "amille dont la devise tait : Y 9ime,
@ou""re, Eravaille Z. Iar5del( un vo!age "unambulesque, il dcouvre, un peu
na]vement mais non sans motion, ce pa!s o) Y les >retons taient contre les
rvolutionnaires, qui taient des at$es, qui tranc$aient les t'tes au nom de la
"raternit, tandis que les >retons avaient des raisons paternelles de rester
"id+les ( leur ancien mode de vie Z B cette remonte dans le temps lXam+ne (
a""irmer : Y Je ne suis pas boudd$iste, *e suis un cat$olique en p+lerinage sur
cette terre ancestrale qui s&est battue pour le cat$olicisme, ( di3 contre un, et
qui a pourtant "ini par gagner, car certes, ( l&aube, *e vais entendre sonner le
tocsin, les cloc$es vont sonner pour les morts Z. Oe ces liens c$arnels, Kerouac
en dduisit constamment que la [rance tait sa vritable patrie.
L&importance de se rattac$er ( un pass, ( un environnement n&a pas c$app (
Kerouac qui crit dans 'anit, de 0uluo1 : Y Iartout dans le monde les
intellectuels des villes vivent coups de la terre et de ceu3 qui la cultivent, et
ne sont en "in de compte que des insenss dpourvus de racines Z. Al va *usqu&(
s&en prendre ( Y toute cette ordure super"icielle des e3istentialistes, des
$ipsters et des bourgeois dcadents Z.
Kerouac a perptuellement essa! de se dmarquer de lXtou""ante tiquette
de p$ilosop$e des bas5"onds. 9pr+s avoir lu Sur la route, les gens voulaient (
tout pri3 que le mot Y beat Z ne signi"iSt qu&un Y dbordement de "rnsie
$!strique sans ob*et Z. Kerouac, au cours de divers entretiens, ne cesse de
proclamer que Y la beat generation ce n&tait pas les vo!ous, ni la canaille, les
durs, les *e5m&en5"outistes, ni les dracins Z. Iour lui, t$e Y beat Z dsignait
bien une route, mais la route de celui qui rec$erc$e la batitude Jdu latin
beatus : saintK, ( l&instar de saint [ranRois d&9ssise.
9vant de s&teindre Y reint et accabl d&ennui Z ( l&Sge de N7 ans, Kerouac,
$omme de tous les parado3es, avait galement tenu ( prciser : Y Je suis
artiste et conteur, un crivain dans la grande tradition narratrice "ranRaise, et
non le porte5parole d&un million de vo!ous Z.
a hilippe !il"ier, Le Choc du mois n # $a%ril 1988&.
Dans Satori Paris $19''&, (erouac )cou%re le co"nac et le "lorieu*
com+at )es ,houans
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EMPIRE
-./0-
onception d&organisation de la politique et de la souverainet con"orme ( des
principes organiques, conciliant ( la "ois la Iuissance uni"iante de la "onction
souveraine et la diversit vivante de la socit, de la culture, de l&conomie et de
l&espace. L&Dmpire tout ( la "ois transcende et garantit les diversits.
L&Dmpire est pour nous ( la "ois un m!t$e ( rgnrer et ( appliquer ( l& Durope ( partir
des e3emples macdonien, romain, germanique, et une p$ilosop$ie politique et
gopolitique. Cais nous n&entendons pas en "aire une utopie en la rduisant ( une
description institutionnelle ou ( un programme. ?otre vision impriale comporte 2
a3es :
18 L&Dmpire uni"ie autour de la "onction premi+re de toute socit quilibre, la
"onction de souverainet, ce qui rel+ve de l&essence du politique et de la conscience
$istorique, donc du destin B pour le reste, il prserve la diversit de toutes les autres
"onctions, des institutions, etc., qui n&ont pas d&incidence directe dans ces deu3
domaines. L&Dmpire "d+re mais n&$omognise pas, au contraire de la #?ation#.
/8 Dn deu3i+me lieu, son e3istence ne se *usti"ie que par la rec$erc$e de la puissance
et de la grandeur culturelles et $istoriques des peuples qu&il rassemble en une
communaut politique. Dn revanc$e, ce qui rel+ve du bien5'tre et du #social# regarde
les institutions propres des peuples mais pas l&instance impriale.
28 Dn troisi+me lieu, puiqu&il est, selon nous, par nature ouvert sur le monde, pr't ( !
*ouer un rLle ( la mesure de sa puissance et non e3clusi" des autres entits politiques
ou culturelles, l&Dmpire est universel mais non universaliste, car les peuples qui le
constituent, dans notre conception tout au moins, n&ont pas de vocation ( s&tendre (
toute la Eerre, ni territorialement ni et$niquement. Dn ce sens, l&Dmpire n&est pas
rpublicain, au sens "ranRais ou amricain, et se distingue du s!st+me occidental actuel
qui entend, au contraire, inclure et $omogniser tous les peuples. Dmpire ne signi"ie
pasimprialisme. L&Dmpire, selon notre conception, n&inclut et ne prend en c$arge le
destin que des seuls peuples qui peuvent, $istoriquement, et$niquement et
culturellement, se dire et se sentir parties de la m'me communaut. ?ous pensons que
ce #sentiment# est $istorialement "ond ( surgir en Durope, Dst et <uest unisQrunis.
0ne Durope dont les #nations54tats#, au sens des idologies actuellement dominantes,
ne nous paraissent pas lgitimes. Dn e""et, ( nos !eu3, seule une Durope impriale
structure par le maillage des rgions et$niques nous semble, ( terme, viable et donc
lgitime. ,istoriquement, la notion d&Dmpire a tou*ours eu contre elle, d&une part, le
pouvoir t$ocratique et le pouvoir marc$and 6l&un et l&autre "onci+rement
cosmopolites8, et d&autre part, le principe de l&4tat5?ation dont la logique est
"ondamentalement scessionniste, centralisatrice, $omognisante et rductrice, et
dont l&esprit tr+s #provincial# gn+re le c$auvinisme de b'te ( cornes. ette ide
impriale, nous voulons au*ourd&$ui la reprendre ( notre compte, en lui donnant le
sens de mouvement que lui con"rait d*( Coeller van den >ruck.
1 lire : Qu'est-ce qu'un empire $. 0ichar)ot& 2 L'ide d'Empire
$3)4&
La Notion d'Empire, de Rome nos
jours
(avec un appendice sur la "subsidiarit")
Oans la mmoire europenne, souvent con"use voire inconsciente, l&Dmpire
romain demeure la quintessence de l&ordre. Al appara;t comme une victoire sur
le c$aos, insparable de la pa+ romana. Le "ait d&avoir maintenu la pai3 (
l&intrieur des limes et d&avoir con"in la guerre sur des marc$es lointaines
6Iart$es, Caures, 7ermains, Oaces8 pendant plusieurs si+cles, pour notre
inconscient, est une preuve d&e3cellence. C'me s&il est di""icile de donner une
d"inition universelle du terme d&Dmpire ^ l&Dmpire romain n&tant pas
comparable ( l&Dmpire inca, l&Dmpire de 7engis K$an ( l&9utric$e5,ongrie des
,absbourgs ^ Caurice Ouverger s&est e""orc de souligner quelques
caractristiques des Dmpires qui se sont succd sur la sc+ne de l&$istoire 6dans
son introduction au livre du entre d&anal!se comparative des s!st+mes
politiques, Le "on"ept d)#mpire, I0[, 191:8 :
O&abord, comme l&avait d*( remarqu le linguiste "ranRais 7abriel 7rard en
1711, l&Dmpire est un Y 4tat vaste et compos de plusieurs peuples Z, par
opposition au ro!aume, poursuit Ouverger, moins tendu et reposant sur Y
l&unit de la nation dont il est "orm Z. Oe cette d"inition, nous pouvons
dduire, avec Ouverger, 2 lments :
a8 L&empire est monarc$ique, le pouvoir supr'me est assum par un seul
titulaire, dsign par voie d&$rdit et prsentant un caract+re sacr 6une
"onction sacerdotale8.
b8 L&tendue du territoire constitue un crit+re "ondamental des empires, sans
que l&on ne puisse donner de mesure prcise. La grandeur du territoire est ici
sub*ective.
c8 L&Dmpire est tou*ours compos de plusieurs peuples, sa grandeur territoriale
impliquant d&o""ice la diversit culturelle. @elon Karl =erner, Y un ro!aume,
c&est un pa!s B un empire, c&est un monde Z.
L&Dmpire, qui est donc un s!st+me politique comple3e qui met un terme au c$aos, et
rev't une dimension sacre prcisment parce qu&il gn+re l&ordre, a une dimension
militaire, comme nous allons le voir quand nous aborderons le cas du @aint5Dmpire
romain de la ?ation 7ermanique, mais aussi une dimension civile constructive : il n&! a
pas d&Dmpire sans organisation pratique de l&espace, sans rseau de routes 6les voies
romaines, indices concrets de l&imprialit de Vome8, les routes tant l&armature de
l&Dmpire, sans un commerce "luvial co$rent, sans amnagement des rivi+res,
creusement de puits, tablissement de canau3, vastes s!st+mes d&irrigation 64g!pte,
9ss!rie, >ab!lone, #l&$!draulisme# de =itt"ogel8. 9u _A_e si+cle, quand la ncessit de
rorganiser l&Durope se "ait sentir, quand surgit dans les dbats une demande d&Durope,
l&conomiste allemand [riedric$ List parle de rseau3 "erroviaires et de canau3 pour
souder le continent. Le grand espace, $ritier la]que et non sacr de l&Dmpire, rclame
aussi une organisation des voies de communication.
Y Oans tout ensemble imprial, l&organisation des peuples est aussi varie que
l&organisation de l&espace. Dlle oscille partout entre deu3 e3igences contraires et
complmentaires : celle de la diversit, celle de l&unit Z 6Ouverger, op. cit.8. Y Les
Ierses ont soumis plusieurs peuples, mais ils ont respect leurs particularits : leur
r+gne peut donc 'tre assimil ( un empire Z 6,egel8. Iar nature, les Dmpires sont donc
plurinationau3. Als runissent plusieurs et$nies, plusieurs communauts, plusieurs
cultures, autre"ois spares, tou*ours distinctes. Leur assemblage, au sein de la
structure impriale, peut prendre plusieurs "ormes. Iour maintenir cet ensemble
$trog+ne, il "aut que le pouvoir unitaire, celui du titulaire unique, apporte des
avantages au3 peuples englobs et que c$acun conserve son identit. Le pouvoir doit
donc ( la "ois centraliser et tolrer l&autonomie : centraliser pour viter la scession
des pouvoirs locau3 6"odau38 et tolrer l&autonomie pour maintenir langues, cultures
et m%urs des peuples, pour que ceu35ci ne se sentent pas opprims.
Al "aut en"in, a*oute Ouverger, que c$aque communaut et c$aque individu aient
conscience qu&ils gagnent ( demeurer dans l&ensemble imprial au lieu de vivre
sparment. ESc$e minemment di""icile qui souligne la "ragilit des di"ices
impriau3 : Vome a su maintenir un tel quilibre pendant des si+cles, d&o) la nostalgie
de cet ordre *usqu&( nos *ours. Les imper"ections de l&administration romaine ont t
certes "ort nombreuses, surtout en priode de dclin, mais ces d!s"onctionnements
taient pr"rables au c$aos. Les lites ont accept la centralisation et ont model
leur comportement sur celui du centre, les masses rurales ont conserv leurs m%urs
intactes pratiquement *usqu&( la rupture des agrgats rurau3, due ( la Vvolution
industrielle 6avec la parent$+se noire des proc+s de sorcelleries8.
Ouverger signale aussi l&une des "aiblesses de l&Dmpire, surtout si l&on sou$aite en
ractualiser les principes de pluralisme : la notion de "ermeture, s!mbolise
loquemment par la Curaille de $ine ou le Cur d&,adrien. L&Dmpire se conRoit comme
un ordre, entour d&un c$aos menaRant, niant par l( m'me que les autres puissent
possder eu35m'mes leur ordre ou qu&il ait quelque valeur. $aque empire s&a""irme
plus ou moins comme le monde essentiel, entour de mondes prip$riques rduits (
des quantits ngligeables. L&$gmonie universelle concerne seulement Y l&univers qui
vaut quelque c$ose Z. Ve*et dans les tn+bres e3trieures, le reste est une menace
dont il "aut se protger.
Oans la plupart des empires non europens, l&av+nement de l&empire quivaut au
remplacement des dieu3 locau3 par un dieu universel. Le mod+le romain "ait "igure
d&e3ception : il ne remplace pas les dieu3 locau3, il les int+gre dans son propre
pant$on. Le culte de l&imperator s&est dvelopp apr+s coup, comme mo!en d&tablir
une relative unit de cro!ance parmi les peuples divers dont les dieu3 entraient au
Iant$on dans un s!ncrtisme tolrant. ette Vpublique de divinits locales
n&impliquaient pas de croisades e3trieures puisque toutes les "ormes du sacr
pouvaient coe3ister.
Muand s&e""ondre l&Dmpire romain, surtout ( cause de sa dcadence, le territoire de
l&Dmpire est morcell, divis en de multiples ro!aumes germaniques 6[rancs, @u+bes,
=isigot$s, >urgondes, <strogot$s, 9lamans, >avarois, etc.8 qui s&unissent certes contre
les ,uns 6ennemi e3trieur8 mais "inissent par se combattre entre eu3, avant de
sombrer ( leur tour dans la dcadence 6les #rois "ainants#8 ou de s&vanouir sous la
domination islamique 6=isigot$s, \andales8. Oe la c$ute de Vome au \e si+cle (
l&av+nement des Caires du Ialais et de $arlemagne, l&Durope, du moins sa portion
occidentale, conna;t un nouveau c$aos, que le c$ristianisme seul s&av+re incapable de
ma;triser.
Oe l&Dmpire d&<ccident, "ace ( un Dmpire d&<rient moins durement trill, ne
demeurait intacte qu&une Romania italienne, rduite ( une partie seulement de la
pninsule. ette Vomania ne pouvait prtendre au statut d&Dmpire, vu son e3igWit B
territoriale et son e3tr'me "aiblesse militaire. [ace ( elle, l&Dmpire d&<rient, dsormais
#b!Gantin#, par"ois appel #grec# et un Regnum Fran"orum territorialement compact,
militairement puissant, pour lequel, d&ailleurs, la dignit impriale n&aurait pu 'tre
qu&un coli"ic$et inutile, un simple titre $onori"ique. P la Romania, il ne reste plus que
le prestige d"unt et pass de l&2rbs, la \ille initiale de l&$istoire impriale, la "i.itas
de l&origine qui s&est tendue ( l&Orbis romanus. Le cito!en romain dans l&Dmpire
signale son appartenance ( cet Orbis, tout en conservant sa natio 6natione Syrus,
natione $allus, natione $ermani"us, etc.8 et sa patria, appartenance ( telle ou telle
ville de l&ensemble constitu par l&Orbis. Cais la notion d&Dmpire reste lie ( une ville :
Vome ou >!Gance, si bien que les premiers rois germaniques 6<doacre, E$odoric8
apr+s la c$ute de Vome reconnaissent comme Dmpereur le monarque qui si+ge (
onstantinople.
@i la Romania italienne conservait s!mboliquement la \ille, Vome, s!mbole le plus
tangible de l&Dmpire, lgitimit concr+te, elle manquait singuli+rement d&assises
territoriales. [ace ( >!Gance, "ace ( la tentative de reconqu'te de Justinien, la
Vomania et Vome, pour restaurer leur clat, pour 'tre de nouveau les premi+res au
centre de l&<rbis, devaient tr+s naturellement tourner leur regard vers le roi des
[rancs 6et des Lombards qu&il venait de vaincre8, $arles. Cais les l+tes "rancs, "iers,
n&avaient pas envie de devenir de simples appendices d&une minuscule Romania
dpourvue de gloire militaire. Dntretemps, le Iape rompt avec l&Dmpereur d&<rient. Le
@aint5@i+ge, crit Iirenne, *usqu&alors orient vers onstantinople, se tourne
rsolument vers l&<ccident et, a"in, de reconqurir ( la c$rtient ses positions
perdues, commence ( organiser l&vanglisation des peuples &barbares& du continent.
L&ob*ecti" est clair : se donner ( l&<uest les bases d&une puissance, pour ne plus tomber
sous la coupe de l&Dmpereur d&<rient. Ilus tard, l&4glise ne voudra plus se trouver sous
la coupe d&un Dmpereur d&<ccident.
Le Regnum Fran"orum aurait par"aitement pu devenir un empire seul, sans Vome, mais
Vome ne pouvait plus redevenir un centre crdible sans la masse territoriale "ranque.
Oe l(, la ncessit de dplo!er une propagande "latteuse, dcrivant en latin, seule
langue administrative du Vegnum [rancorum 6! compris c$eG les notaires, les
refendarii civils et la]ques8, les [rancs comme le nouveau #peuple lu de Oieu#,
$arlemagne comme le #?ouveau onstantin# avant m'me qu&il ne soit couronn
o""iciellement Dmpereur 6d+s 771 par ,adrien Aer8, comme un #?ouveau Oavid# 6ce qui
laisse penser qu&une opposition e3istait ( l&poque entre les partisans de #l&idologie
davidique# et ceu3 de #l&idologie constantinienne#, plus romaine que #nationale#8.
9vant de devenir Dmpereur ( Vome et par la grSce du Iape, $arlemagne pouvait donc
se considrer comme un #nouveau Oavid#, gal de l&Dmpereur d&<rient. e qui ne
semblait poser aucun probl+me au3 nobles "rancs ou germaniques.
Oevenir Dmpereur de la Romania posait probl+me ( $arlemagne avant 1::, anne de
son couronnement. ertes, devenir Dmpereur romano5c$rtien tait intressant et
glorieu3 mais comment ! parvenir quand la base e""ective du pouvoir est "ranque et
germanique. Les sources nous renseignent sur l&volution : $arlemagne n&est pas
3mperator Romanorum mais Romanum imperium gubernans 4ui est per miseri"ordiam
0ei re+ Fran"orum et Langobardorum. @a nouvelle dignit ne devait absolument pas
entamer ou restreindre l&clat du ro!aume des [rancs, son titre de Re+ Fran"orum
demeurant l&essentiel. 9i35la5$apelle, imite de >!Gance mais perRue comme #9nti5
onstantinople#, reste la capitale relle de l&Dmpire.
Cais l&4glise pense que l&Dmpereur est comme la lune : il ne reRoit sa lumi+re que du
#vrai# empereur, le Iape. P la suite de $arlemagne, se cre un parti de l&unit, qui
veut surmonter l&obstacle de la dualit "ranco5romaine. Louis le Iieu3, successeur de
son p+re, sera surnomm ,ludo-icus imperator augustus, sans qu&on ne parle plus de
[rancs ou de Vomains. L&Dmpire est un et comprend l&9llemagne, l&9utric$e, la @uisse,
la [rance et les 4tats du >nlu3 actuels. Cais, le droit "ranc ne connaissait pas le droit
de primogniture : ( la mort de Louis le Iieu3, l&Dmpire est partag entre ses
descendants en dpit du titre imprial port par Lot$aire Aer seul. @uivent plusieurs
dcennies de dclin, au bout desquels s&a""irment deu3 ro!aumes, celui de l&<uest, qui
deviendra la [rance, et celui de l&Dst, qui deviendra le @aint5Dmpire ou, plus tard, la
sp$+re d&in"luence allemande en Durope.
,arcele par les peuples e3trieures, par l&avance des @laves non convertis en
direction de l&Dlbe 6apr+s l&limination des @a3ons par $arlemagne en 71/ et la
dispersion des survivants dans l&Dmpire, comme en tmoignent les @asseville,
@assenagues, @ac$sen$ausen, etc.8, les raids saraGins et scandinaves, les assauts des
,ongrois, l&Durope retombe dans le c$aos. Al "aut la poigne d&un 9rnoul" de arint$ie
pour rtablir un semblant d&ordre. Al est nomm Dmpereur. Cais il "audra attendre la
victoire du roi sa3on <t$on Aer en 955 contre les ,ongrois, pour retrouver une
magni"icence impriale et une pai3 relative. Le / "vrier 9./, en la >asilique @aint5
Iierre de Vome, le souverain germanique, plus prcisment sa3on 6et non plus "ranc8,
<t$on Aer, est couronn empereur par le Iape. L&Dmpire n&est plus peppinide5
carolingien5"ranc mais allemand et sa3on. Al devient le #@aint5Dmpire#.
Dn 911 en e""et, la couronne impriale a c$app ( la descendance de $arlemagne
pour passer au3 @a3ons 6est5ce une vengeance pour =erden F8, ,enri Aer l&<iseleur
6919592.8, puis <t$on 692.59728. omme $arlemagne, <t$on est un c$e" de guerre
victorieu3, lu et couronn pour d"endre l&%cum+ne par l&pe. L&Dmpereur, en ce
sens, est l&avou de la $rtient, son protecteur. Ilus que $arlemagne, <t$on
incarne le caract+re militaire de la dignit impriale. Al dominera la papaut et
subordonnera enti+rement l&lection papale ( l&aval de l&Dmpereur. ertaines sources
mentionnent d&ailleurs que le Iape n&a "ait qu&entriner un "ait accompli : les soldats
qui venaient d&emporter la dcision ( Lec$"eld contre les ,ongrois avaient proclam
leur c$e" Dmpereur, dans le droit "il des traditions de la 7ermanie antique, en se
r"rant au #c$arisme victorieu3# 6*eil8 qui "onde et sancti"ie le pouvoir supr'me.
Dn $issant ce c$e" sa3on ( la dignit impriale, le Iape op+re le "ameuse translatio
3mperii ad $ermanos 6et non plus ad Fran"os8. L&Dmpereur devra 'tre de race
germanique et non plus seulement d&et$nie "ranque. 0n #peuple imprial# se c$arge
d+s lors de la politique, laissant intactes les identits des autres : le r+gne des
ot$oniens largira l&%cum+ne "rancQeuropen ( la Iologne et ( la ,ongrie 6>assin
danubien ^ Vo!aume des 9vars8. Les ot$oniens dominent vritablement la Iapaut,
nomment les v'ques comme simples administrateurs des provinces d&Dmpire. Cais le
pouvoir de ces #rois allemands#, t$oriquement titulaires de la dignit impriale, va
s&estomper tr+s vite : <t$on AA et <t$on AAA acc+dent au trLne trop *eunes, sans avoir
t vritablement "orms ni par l&cole ni par la vie ou la guerre.
<t$on AA, manipul par le Iape, engage le combat avec les @araGins en Atalie du @ud et
subit une cuisante d"aite ( otrone en 91/. @on "ils <t$on AAA commence mal : il veut
galement restaurer un pouvoir militaire en Cditerrane qu&il est incapable de tenir,
"aute de "lotte. Cais il nomme un Iape allemand, 7rgoire \, qui prira empoisonn
par les Vomains qui ne veulent qu&un Iape italien. <t$on AAA ne se laisse pas intimider B
le Iape suivant est galement allemand : 7erbert d&9urillac 69laman d&9lsace8 qui coi""e
la tiare sous le nom de @!lvestre AA. Les barons et les v'ques allemands "inissent pas
lui re"user troupes et crdits et le c$roniqueur E$ietmar de Cerseburg pose ce
*ugement sv+re sur le *eune empereur idaliste : Y Iar *eu en"antin, il tenta de
restaurer Vome dans la gloire de sa digniti de *adis Z. <t$on AAA voulait "i3er sa
rsidence ( Vome et avait pris le titre de Ser.us 5postolorum 6Dsclave des 9pLtres8.
Les #rois allemands# ne p+seront plus tr+s lourd devant l&4glise apr+s l&an 1::/, dans la
"oule des croisades, par la contre5o""ensive t$ocratique, o) les Iapes vont s&en$ardir
et contester au3 Dmpereurs le droit de nommer les v'ques, donc de gouverner leurs
terres par des $ommes de leur c$oi3. 7rgoire \AA impose le 0i"tatus %apae, par
lequel, entre moultes autres c$oses, le roi n&est plus perRu que comme 'i"arius 0ei, !
compris le #Ve3 Eeutonicorum# auquel revient prioritairement le titre d&Dmpereur. La
querelle des Anvestitures commence pour le mal$eur de l&Durope, avec la menace
d&e3communication adresse ( ,enri A\ 6consomme en 1:7.8. Les vassau3 de
l&Dmpereur sont encourags ( la dsobissance, de m'me que les villes bourgeoises 6les
#ligues lombardes#8, ce qui vide de substance politique tout le centre de l&Durope, de
>r'me ( Carseille, de ,ambourg ( Vome et de OantGig ( \enise.
Iar ailleurs, les croisades e3pdient au loin les lments les plus d!namiques de la
c$evalerie, l&Anquisition traque toute dviance intellectuelle et les sectes commencent
( prosprer, promouvant un dualisme radical 6oncile des $rtiques de @t. [li3 de
araman, 11.78 et un idal de pauvret mis en quation avec une Y compltude de
l&Sme Z 6\audois8. Dn acceptant l&$umiliation de anossa 61:778, l&Dmpereur ,enri A\
sauve certes son Dmpire mais provisoirement : il met un terme ( la "urie vengeresse du
Iape romain qui a soudo! les princes rebelles. Cort e3communi, on lui re"use une
spulture, mais le simple peuple le reconnait comme son c$e", l&enterre et rpend sur
sa pauvre tombe des graines de bl, s!mbole de ressurection dans la tradition
pa!sanneQpa]enne des 7ermains : la cause de l&Dmpereur apparaissait donc plus *uste
au3 $umbles qu&au3 puissants.
[rdric Aer >arberousse tente de redresser la barre, d&abord en aidant le Iape contre
le peuple de Vome rvolt et les ?ormands du @ud. L&Dmpereur ne mate que les
Vomains. Al s&ensuivra si3 campagnes en Atalie et le grand sc$isme, sans qu&aucune
solution ne soit apporte. @on petit5"ils [rdric AA ,o$enstau"en, sorte de surdou,
tr+s tLt orp$elin de p+re et de m+re, virtuose des tec$niques de combat, intellectuel
"orm ( toutes les disciplines, dot de la bosse des langues vivantes et mortes, se verra
re"user d&abord la dignit impriale par l&autocrate Annocent AAA : Y &est au 7uel"e que
revient la ouronne car aucun Iape ne peut aimer un @tau"er U Z e que le Iape craint
par5dessus tout c&est l&union des Oeu35@iciles 6Atalie du @ud8 et l&Dmpire germano5
italien, union qui coincerait les 4tats ponti"icau3 entre deu3 entits gopolitiques
domines par une seule autorit. [rdric AA a d&autres plans, avant m'me de devenir
Dmpereur : au dpart de la @icile, reconstituer, avec l&appui d&une c$evalerie
allemande, espagnole et normande, l&%cum+ne romano5mditerranen.
@on pro*et tait de dgager la Cditerrane de la tutelle musulmane, d&ouvrir le
commerce et l&industrie en les couplant ( l&atelier r$nan5germanique. &est la raison
de ses croisades, qui sont purement gopolitiques et non religieuses : la c$rtient doit
demeurer, l&islam galement, ainsi que les autres religions, pour autant qu&elles
apportent des clairages nouveau3 ( la connaissance. Dn ce sens, [rdric AA redevient
#romain#, par un tolrance ob*ective, ne c$erc$ant que la rentabilit pragmatique, qui
n&e3clut pas le respect pieu3 des valeurs religieuses : cet Dmpereur qui ne cesse de
$anter les grands esprits 6>rion, >enoist5Cc$in, Kantoro-icG, de @te"ano, ,orst, etc.8
est proti"orme, esprit libre et d"enseur du dogme c$rtien, souverain "odal en
9llemagne et prince despotique en @icile B il rceptionne tout en sa personne,
s!nt$tise et met au service de son pro*et politique. Oans la conception $irarc$ique
des 'tres et des "ins terrestres que se "aisait [rdric AA, l&Dmpire constituait le
sommet, l&e3emple impassable pour tous les autres ordres in"rieurs de la nature. Oe
m'me, l&Dmpereur, galement au sommet de cette $irarc$ie par la vertu de sa
titulature, doit 'tre un e3emple pour tous les princes du monde, non pas en vertu de
son $rdit, mais de sa supriorit intellectuelle, de sa connaissance ou de ses
connaissances.
Les vertus impriales sont *ustice, vrit, misricorde et constance :
La *ustice, "ondement m'me de l&4tat, constitue la vertu essentielle du
souverain. Dlle est le re"let de la "idlit du souverain envers Oieu, ( qui il doit
rendre compte des talents qu&il a reRus. ette *ustice n&est pas purement idale,
immobile et dsincarne 6mtap$!sique au mauvais sens du terme8 : pour
[rdric AA, elle doit 'tre ( l&image du Oieu incarn 6donc c$rtien8 c&est5(5dire
oprante. Oieu permet au glaive de l&Dmpereur, du c$e" de guerre, de vaincre
parce qu&il veut lui donner l&occasion de "aire descendre la *ustice idale dans le
monde. La col+re de l&Dmpereur, dans cette optique, est noble et "conde,
comme celle du lion, terrible pour les ennemis de la *ustice, clmente pour les
pauvres et les vaincus.
La constance, autre vertu cardinale de l&Dmpereur, re"l+te la "idlit ( l&ordre
naturel de Oieu, au3 lois de l&univers qui sont ternelles.
La "idlit est la vertu des su*ets comme la *ustice est la vertu principale de
l&Dmpereur. L&Dmpereur obit ( Oieu en incarnant la *ustice, les su*ets obissent
( l&Dmpereur pour lui permettre de raliser cette *ustice. Eoute rbellion envers
l&Dmpereur est assimile ( de la #superstition#, car elle n&est pas seulement une
rvolte contre Oieu et contre l&Dmpereur mais aussi contre la nature m'me du
monde, contre l&essence de la nature, contre les lois de la conscience.
La notion de misricorde nous renvoie ( l&amiti qui a unit [rdric AA ( @aint5
[ranRois d&9ssise. [rdric ne s&oppose pas ( la c$rtient et ( la papaut, en
tant qu&institutions. Dlles doivent subsister. Cais les Iapes ont re"us de donner
( l&Dmpereur ce qui revient ( l&Dmpereur. Als ont abandonn leur magist+re
spirituel qui est de dispenser de la misricorde. [ranRois d&9ssise et les "r+res
mineurs, en "aisant v%u de pauvret, contrairement au3 Iapes simoniaques,
rtablissent la vrit c$rtienne et la misricorde, en acceptant $umblement
l&ordre du monde. Lors de leur rencontre en 9pulie, [rdric AA dira au
#Ioverello# : Y [ranRois, avec toi se trouve le vrai Oieu et son \erbe dans ta
bouc$e est vrai, en toi il a dvoil sa grandeur et sa puissance Z. L&4glise
poss+de dans ce sens un rLle social, caritati", non politique, qui contribue (
prserver, dans son #crneau#, l&ordre du monde, l&$armonie, la stabilit. Le
#pc$ originel# dans l&optique non5con"ormiste de [rdric AA est d+s lors
l&absence de lois, l&arbitraire, l&incapacit ( &t$iciser& la vie publique par
"ringale irraisonne de pouvoir, de possession.
L&Dmpereur, donc le politique, est galement responsable du savoir, de la di""usion de
la #vrit# : en crant l&universit de ?aples, en "ondant la "acult de mdecine de
@alerne, [rdric AA a""irme l&indpendance de l&Dmpire en mati+re d&ducation et de
connaissance. ela ne lui "ut pas pardonn 6destin de ses en"ants8.
L&c$ec du redressement de [rdric AA a sanctionn encore davantage le c$aos en
Durope centrale. L&Dmpire qui est potentiellement "acteur d&ordre n&a plus pu l&'tre
pleinement. e qui a conduit ( la catastrop$e de 1.N1, o) le morcellement et la
division a t savamment entretenue par les puissances voisines, en premier lieu par la
[rance de Louis _A\. Les autonomies, apanages de la conception impriale, du moins
en t$orie, disparaissent compl+tement sous les coups de boutoir du centralisme ro!al
"ranRais ou espagnol. Le #droit de rsistance#, $ritage germanique et "ondement rel
des droits de l&$omme, est progressivement $ouspill $ors des consciences pour 'tre
remplac par une t$orie *usnaturaliste et abstraite des droits de l&$omme, qui est
tou*ours en vigueur au*ourd&$ui.
Eoute notion d&Dmpire au*ourd&$ui doit reposer sur les quatre vertus de [rdric AA
,o$enstau"en : *ustice, vrit, misricorde et constance. L&ide de *ustice doit se
concrtiser au*ourd&$ui par la notion de subsidiarit, donnant ( c$aque catgorie de
cito!ens, ( c$aque communaut religieuse ou culturelle, pro"essionnelle ou autre, le
droit ( l&autonomie, a"in de ne pas mutiler un pan du rel. La notion de vrit passe
par une revalorisation de la #connaissance#, de la #sapience# et d&un respect des lois
naturelles. La misricorde passe par une c$arte sociale e3emplaire pour le reste de la
plan+te. La notion de constance doit nous conduire vers une "usion du savoir
scienti"ique et de la vision politique, de la connaissance et de la pratique politicienne
quotidienne.
?ul ne nous indique mieu3 les pistes ( suivre que @igrid ,unke, dans sa persepective
#unitarienne# et europo5centre : a""irmer l&identit europenne, c&est dvelopper
une religiosit unitaire dans son "onds, pol!morp$e dans ses mani"estations B contre
l&ancrage dans nos esprits du m!t$e biblique du pc$ originel, elle nous demande de
rtudier la t$ologie de Ilagius, l&ennemi irlandais d&9ugustin. L&Durope, c&est une
perception de la nature comme pip$anie du divin : de @cot Drig+ne ( 7iordano >runo
et ( 7%t$e. L&Durope, c&est galement une m!stique du devenir et de l&action :
d&,raclite, ( Ca;tre Dck$art et ( [ic$te. L&Durope, c&est une vision du cosmos o) l&on
constate l&ingalit "actuelle de ce qui est gal en dignit ainsi qu&une in"inie pluralit
de centres, comme nous l&enseigne ?icolas de ues.
@ur ces bases p$ilosop$iques se dgageront une nouvelle ant$ropologie, une nouvelle
vision de l&$omme, impliquant la responsabilit 6le principe #responsabilit#8 pour
l&autre, pour l&cos!st+me, parce que l&$omme n&est plus un pc$eur mais un
collaborateur de Oieu et un miles imperii, un soldat de l&Dmpire. Le travail n&est plus
maldiction ou alination mais bndiction et octroi d&un surplus de sens au monde. La
tec$nique est service ( l&$omme, ( autrui.
Iar ailleurs, le principe de #subsidiarit#, tant voqu dans l&Durope actuelle mais si
peu mis en pratique, renoue avec un respect imprial des entits locales, des
spci"icits multiples que rec+le le monde vaste et diversi"i. Le Iro". $antal Cillon5
Oelsol constate que le retour de cette ide est due ( 2 "acteurs :
1. La construction de l&Durope, espace vaste et multiculturel, qui doit "orcment
trouver un mode de gestion qui tiennent compte de cette diversit tout en
permettant d&articuler l&ensemble $armonieusement. Les recettes ro!ales5
centralistes et *acobines s&avrant obsol+tes.
. La c$ute du totalitarisme communiste a montr l&inanit des #s!st+mes#
monolit$iques.
!. Le c$Lmage remet en cause le providentialisme d&4tat ( l&<uest, en raison de
l&appauvrissement du secteur public et du d"icit de cito!ennet. Y Erop
secouru, l&en"ant demeure immature B priv d&aide, il va devenir une brute ou
un idiot Z.
La construction de l&Durope et le ressac ou l&e""ondrement des mod+les conventionnels
de notre apr+s5guerre ncessite de revitaliser une #cito!ennet d&action#, o) l&on
retrouve la notion de l&$omme coauteur de la cration divine et l&ide de
responsabilit. Eel est le "ondement ant$ropologique de la subsidiarit, ce qui a pour
corollaire : la con"iance dans la capacit des acteurs sociau3 et dans leur souci de
l&intr't gnral B l&intuition selon laquelle l&autorit n&est pas dtentrice par nature de
la comptence absolue quant ( la quali"ication et quant ( la ralisation de l&intr't
gnral.
Cais, a*oute . Cillon5Oelsol, l&av+nement d&une Durope subsidiaire passe par une
condition sociologique primordiale : la volont d&autonomie et d&initiative des acteurs
sociau3, ce qui suppose que ceu35ci n&aient pas t pralablement briss par le
totalitarisme ou in"antiliss par un 4tat paternel 6solidarit solitaire par le biais de la
"iscalit B red"inition du partage des tSc$es8. ?otre tSc$e dans ce d"i $istorique,
donner $armonie ( un grand espace pluriculturel, passe par une revalorisation des
valeurs que nous avons voques ici en vrac au sein de structures associatives,
prparant une cito!ennet nouvelle et active, une milice sapientiale.
0o+ert 5teuc6ers $con7rence prononce 8 la tri+une )u 9,ercle
Hlios9, :le-)e-;rance, 199#&.
*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*-*
"ur le #mod$le imprial% pour l&Europe de demain
b Rponse de Robert "teuc'ers un tudiant dans le cadre d&un mmoire
de (in d&tude (mai 1))*).
6 #n "e 4ui "on"erne la "onstru"tion europ,enne& 5lain de Benoist affirme
pr,f,rer le mod7le imp,rial "omme mode de "onstru"tion politi4ue. #t .ous&
m8me& animateur de 9Synergies europ,ennes: ;
Con option est galement `imprialea. Cais
il "aut sXentendre sur le mot. Les termes `imperiuma, `empirea, `impriala
rev'tent dans le langage quotidien des acceptions tr+s di""rentes et par"ois
contradictoires. Je tiens tout de suite ( dire que, pour moi, le terme `empirea
ne signi"ie nullement ce mi3te de militarisme et dXidologie conqurante que
lXon trouve dans les p$ases dcadentes de la Vpublique romaine et dans le
csarisme qui les a suivies, dans lXempire $ellnistique dX9le3andre, dans le
bonapartisme napolonien ou dans lX$itlrisme. 9insi que dans lXimprialisme
conomique de lX9ngleterre victorienne ou des 4tats50nis apr+s 19N5.
Iour moi, lXempire idal est un espace vaste et multiet$niqueQmulticulturel, de
dimensions continentales 6p. e3. lXDurope8, o) r+gne, en droit constitutionnel,
le principe de subsidiarit, donnant ( c$aque entit territoriale, ( c$aque
communaut linguistique ou et$nique, ( c$aque classe sociale ou corps de
mtier, ( c$aque strate organise de la socit 6ordre des mdecins, des
arc$itectes, des p$armaciens, etc., universits8, la libert de sXauto5
administrer en toute autonomie, sans subir des interventions de lXinstance
$irarc$ique la plus leve ou dXune instance tablie dans une capitale
lointaine.
La subsidiarit valorise la pro3imit et lXidentit des gouvernants et des
gouverns. La t$orie de la subsidiarit a t nonce par des auteurs comme
9lt$usius, 7ierke, Vie$l, etc. 6c". ?d@D nb178. La t$orie de la subsidiarit est
une option politique tr+s prsente dans lXespace gograp$ique de lXDurope
cat$olique et baroque 6de la [landre ( la >avi+re, lXAtalie du ?ord, la ,ongrie,
lX9utric$e et la roatie8. Dlle est un $ritage du @aint5Dmpire mdival et
baroque.
Oeu3 di""icults surgissent quand on manipule les notions dXempire et de
subsidiarit dans lXorbite des nouvelles droites "rancop$ones.
Iremi+rement, Iaris et la [rance ne "ont pas partie des espaces cat$oliques et
baroques que *e viens de mentionner. LXide dXun empire bienveillant,
garantissant le rapproc$ement s!stmatique des gouvernants et des gouverns,
! est trang+re et ! rencontre la plupart du temps une incompr$ension
inquitante, bien que de tr+s brillants universitaires "ranRais aient abord avec
brio cette question 69le3andre Carc, 7u! ,raud, $antal Cillon5Oelsol,
@tp$ane Iierr5aps, etc. c". NdS# nb17 c nb/98. es auteurs constituent pour
nous des r"rences essentielles.
Dn dpit de ses e""orts mritoires, de >enoist nXa pas pu dissiper lXambigu]t
e3istant entre la notion impriale, romaine et germanique du @aint5Dmpire et la
notion militariste et bonapartiste dominante en [rance. Xest une ambiguit et
une contradiction de plus dans la ?O "ranRaise. 9lain de >enoist a tou*ours
vivement regrett le dsintr't en [rance pour cette notion bienveillante de
lXempire, mais a cart de son entourage tous les $ommes qui la d"endaient
pour sXentourer de personnages biGarres qui ne comprenaient strictement rien
du tout ( cette vision impriale, pluraliste et plastique de la politique ou qui sX!
opposait carrment avec une rage et une obstination "roces 6I$ilippe de @aint5
Vobert8.
Dn >elgique, o) la logique "draliste travaille le monde politique depuis des
dcennies, la logique de la subsidiarit et de la reprsentation de la so"ietas
"i.ilis dans tous ses aspects 6s!ndicats, mutuelles, associations pro"essionnelles8
doit prsider toute rorientation idologique. La logique de la subsidiarit et du
"dralisme sont prsentes, bien que de "aRon inco$rente et dsordonne,
dans la culture politique et dans les r"le3es populaires : elles doivent
dbouc$er sur un corpus t$orique co$rent puis sur une pratique politique
co$rente, appele ( corriger les e""ets pervers et les d!s"onctionnements qui
rendent problmatique la bonne marc$e de notre socit 6"dralisme
incomplet, survivances de structures incompatibles avec un "dralisme
co$rent, emprise des partis sur les corps intermdiaires de la socit,
surplombage des dcisions par les tats5ma*ors des partis, drives ma"ieuses de
la partitocratie, .er1uiling< pillarisation, etc.8.
Oans le conte3te belge, "lamand comme -allon, ainsi que dans tous les
conte3tes issus du @aint5Dmpire, la reprise mcanique, pure et simple du dbat
"ranRais est impossible : lXgalitarisme5nivelleur a "ait moins de ravage en
>elgique 6et dans le reste du @aint5Dmpire8 quXen [rance, les di""rences qui
innervent la socit ont subsist et se sont organises, $las le plus souvent
selon des sc$mas inopportuns. ette organisation des corps intermdaires est
une bonne c$ose en soi : ce quXil "aut corriger, cXest leurs vices de
"onctionnement. Eelle doit 'tre la tSc$e politique ma*eure. La notion dXgalit
des pairs 6et tous les cito!ens sont pairs devant le droit et devant leurs droits et
leurs devoirs constitutionnels8 ne saurait 'tre battue en br+c$e par un discours
purement idologique, o) lXon absolutise lXattitude anti5galitaire, *usquX(
lXabsurde.
Oeu3i+mement, a""irmer lXide impriale contre les autres mod+les de
constitutions ou dX4tats implique un travail au niveau du droit. 0ne option
politique de ce t!pe implique de proposer des mod+les susceptibles de
"onctionner dans le consensus et sans $eurts. Oe tels mod+les e3istent
"orcment dans la ralit ou ont e3ist dans lX$istoire, car proposer des
mod+les ine3istants ou purement construits participerait dXune dmarc$e
utopique. Al nX! a nulle trace dXun tel travail dans lX$istoire de la `nouvelle
droitea parisienne. 0ne des raisons de la rupture entre le 7VDD ^ instance qui
a incarn les premi+res p$ases de lXe3istence de la ?O en [rance ^ et
`@!nergies Duropennesa ^ qui entend proposer des mod+les co$rents pour
tous les pa!s dXDurope ( lX$eure de lXuni"ication europenne ^ rside
prcisment dans lXabsence de modlisations concrtisables de la part du
7VDD, o) ces mati+res ont t s!stmatiquement dlaisses au pro"it de
nbuleu3 engouements est$tiques sans grande consistance. P terme, lX0D
devra ( lXvidence se doter dXune constitution co$rente reposant sur les
principes de droit qui rgissent
a8 la con"dration $elvtique,
b8 les constitutions "drales allemandes, autric$iennes et belges,
c8 les structures de reprsentation des minorits et$niques 6Oanois au
@c$les-ig, @orabes en Lusace, @lov+nes en arint$ie, 9llemands en =allonie
orientale, etc.8, qui devront 'tre gnralises dans toute lXDurope,
d8 la conception espagnole dXun 4tat as!mtrique de communauts autonomes,
e8 les principes t$oriques qui se pro"ilent derri+re la devolution britannique
64cosse, Ia!s de 7alles8,
"8 les rec$erc$es des "dralistes europens 6Carc, ,raud, CacOougall,
Ieeters, etc.8, que ceu35ci se soient situs ( droite ou ( gauc$e sur lXc$iquier
politique 6nous avons le souci de m'ler troitement les applications
traditionnelles du principe de subsidiarit et les pro*ets militants et prospecti"s
du "ilon proud$onien de la gauc$e europenne8.
ertes, lXe3pos de ces doctrines *uridiques et constitutionnelles ne suscite pas
les ent$ousiasmes du grand public. ?anmoins, on ne peut pas "aire lXimpasse
sur la question du droit constitutionnel de la "uture Durope, quand on prtend
tudier les ressorts de la civilisation europenne dans le but de la sauver dXun
certain nau"rage. Je pense quXil "aut marteler et rpter ( intervalles rguliers
les argumentaires "dralistes et subsidiaristes et montrer lXe3cellence des
mod+les constitutionnels que *e viens de mentionner par rapport ( ceu3 qui ont
cru bon de se dbarrasser des `organismes s!mbiotiquesa et des `corps
intermdairesa 6c". >odin8 de la so"ietas "i.ilis 69lt$usius B c". ?d@D nb178 pour
construire "brilement une version ou une autre de la `it gomtriquea
67usdor"8. 9u seuil du AAAe millnaire, le retour ( des "ormes dXorganismes
s!mbiotiques, respectueu3 des mille et une possibilits de lX$omme, nXest
possible que par une gnralisation des mod+les "dralistes, qui rapproc$ent
les gouvernants des gouverns.
Le discours un peu vague sur la `socit civilea, que lXon entend depuis quatre
ou cinq ans en [rance, restera vague et con"us sXil nXest pas ta! par un pro*et
"draliste. Al nX! a pas dXorganisation co$rente et consensuelle de la socit
civile sans lXadoption dXun mod+le "dral, si possible bas sur des traditions
locales ou tir dXune continuit prcise, ( la "ois *uridique et $istorique 6droits
coutumiers locau3, "ormes $istoriques de reprsentation, etc.8. <n ne peut pas,
dXun cLt, rclamer la d"ense de la socit civile, et plaider de lXautre pour le
maintien dXun mod+le *acobin ou gomtrique de lX4tat. 0ne telle dmarc$e est
gnralement une escroquerie de la gauc$e.
Cais on ne peut pas davantage parler des rgionalismes en limitant ceu35ci (
leurs dimensions culturelles et est$tiques 6ou en *ouant au3 `transgresseursa
et en nXapplaudissant que les seules violences civiles ou terroristes des Gones (
risques en Durope8 ou ne suggrant aucun mod+le *uridique qui permette de
sauver globalement 6politiquement, conomiquement, culturellement, etc.8 les
di""rences qui composent et innervent lXDurope.
La revendication `imprialea nXest pas srieuse si elle nXest pas assortie dXun plaido!er
pour une constitution "draliste comple3e, co$rente, ta!e et plongeant ses
racines dans lX$istoire. P la droite "ranRaise dXen tirer les conclusions, cXest5(5dire de
sXa""irmer pour ce quXelle est et pour ce quXelle veut d"endre : ou bien la so"ietas
"i.ilis avec toutes ses di""rences s!mbiotiquement organises ou bien les institutions
drives de la Vvolution "ranRaise et du ode ?apolon, ou bien 'tre une dmocratie
relle et vivante de "acture vieille5europenne ou bien 'tre un `rvolutionarisme
institutionalisa 6et donc non "ondamentalement dmocratique8d
L'empire et nous
Discours inaugural de Matre Jure Vuic!
secrtaire "oliti#ue du Mou$e%ent &Miner$e' corres"ondant de &S(nergies
Euro"ennes' en )roatie
L&Dmpire est avant tout une essence spirituelle, une sublime nuance ancre dans
l&$onneur et qui s&a""irme dans le st!le et l&allure. Al est le kalidoscope de nos "acults
oniriques et l&e3pression de nos potentialits virtuelles. L&ide d&Dmpire implique une
rintgration ontologique pour c$aque individu, des valeurs aristocratiques qui "urent
l&pine dorsale de l&$istoire.
L&essence impriale invite ( la rconciliation avec soi5m'me, au3 retrouvailles avec son
"ond originel. &est pourquoi il conviendra pour c$acun de nous d&e3purger les rsidus
d&une ducation prop$!lactique, pour librer et accro;tre son propre c$amp de vision
et se pro*eter $ors de soi5m'me vers l&$oriGon in"ini. La libration de nos Smes passera
par le re*et inconditionnel de toute "orme de cintisme ambiant pour adopter les
d!namiques constantes, c$arnelles et naturelles de notre dualit intrins+que, "aite de
corps et d&esprit, d&Ttre et de mati+re. 9insi restituer l&intgralit de l&'tre imprial
pour l&immerger dans nos Smes supposera de mettre en mouvement en c$aque lieu, (
c$aque instant, ses attributs sacrs qui sont capacit d&appr$ension, d&intgration, de
captation, d&amour, d&ouverture et de conqu'te. L&imprialit consiste ( dpasser les
crispations nationalitaires triques et ( re"user de se plier ( toutes les "ormes
d&idolStries contemporaines, pour rtablir et reconstruire comme les arcs5boutants
d&une cat$drale, le lien d&allgeance imprial, seul ( m'me de consumer les
contradictions in$rentes ( la nature $umaine, et de "drer organiquement des
et$nies, des peuples et des nations di""rents de par leurs coutumes, leur $istoire et
leur religion. L&Dmpire se "era le rceptacle des disparits naturelles et le garant de
leur mancipation. 9u5del( du constructivisme des idologies abstraites qui rduisirent
les peuples europens durant des si+cles ( la servilit, l&Dmpire nous invite ( renouer
avec le langage tellurique du sol, des vastes steppes, des tendues de "or'ts vierges,
des contres dsertiques, des glacis immaculs et de recourir au ressort $umain de
l&inaccessible, de la polarit et de l&absolu, seuls antidotes emp'c$ant la sclrose de
l&esprit $umain.
La pense impriale est une ligne intrieure qui relie les perspectives obliques des
Smes vagabondes vers la centralit. Dlle est cette muraille inaccessible ( l&e3istence
dsincarne. Dlle est en quelque sorte l&incarnation du \erbe ternel. L&Dmpire est
cette puissance motrice qui comble les espaces, il est cet $Lte indsirable qui surgit de
nulle part, ( l&minente dignit de l&p$m+re et qui, pourtant, comme un "luide
d&vocation, dploie sa "orce dans la permanence. L&Dmpire s&insurge contre la barbarie
moderne et odieuse de l&argent, pour rappeler ( l&ordre la sainte barbarie de nos
anc'tres, "ille a;ne des dterminismes naturels et $istoriques. Ienser en termes de
puissance et d&e3pansion est le propre de l&imprialit qui nous renvoie sans cesse (
l&$istoire universelle. La volont de puissance est ( elle seule volont impriale.
4laborer et promouvoir une grande politique impriale ne pourra se concevoir que sur
la base de grands espaces.
L&Durope dsarme, livre au3 convoitises et au3 pillages des t$alassocraties anglo5
sa3onnes, repue de ric$esses per"ides et alinantes, demeure dans l&ombre d&elle5
m'me, dans les tn+bres, dans un monde c$tonien qu&elle s&est amnag au c%ur d&une
*ungle "brile de consumrisme. L&Durope est dpossde de son Sme, elle reste
atteinte d&une calvitie impressionnante, d&une sur"ace d&ivoire, qu&elle ne reconqu+rera
qu&au pri3 d&une rappropriation de l&ide de puissance et d&imprialit. L&Durope
avance ( vitesse d&escargot sur les parois c$ancres d&un monde aiguis o) r+gne la
"urie collective. Dlle retrouvera la libert de disposer de ses ressources et de
l&ensemble de ses "orces par la construction d&un bloc continental eurasiatique "drant
les diverses nations europennes constitues, dbouc$ant s!mtriquement sur la Cer
du ?ord, la Cer >altique, la Cditerrane et l&<can Andien. Iour ce "aire, il
conviendra de s&a""ranc$ir des coquilles $e3agonales pusillanimes et troites et de
briser les carcans des 4tats5?ations qui asp$!3ient les communauts naturelles, et
nient les potentialits individuelles.
9spirer ( la puissance, c&est redonner au3 peuples europens leur place dans l&$istoire
universelle. Iuissance et domination s&e3cluent, la premi+re impliquant une
responsabilit, un sens du devoir inn et une ad$sion volontaire, la seconde se
"ondant sur la simple "orce coercitive, voue ( une c$ute certaine. L&espace
dterminant le destin des peuples dans leur tendue, leurs ressources et leur
con"iguration, interpelle leur vocation $istorique dans le monde. Jordis von Lo$ausen
crivit que le propre destin des peuples $istoriques est leur capacit ( accder ( la
puissance. Les peuples europens auront5ils ce courageF ?ul ne le sait. Cais l&avenir
appartient ( cette nation europenne5Iimont qui aura la volont politique de trouver
prise sur un sol salvateur, de "onder la `,eimata pour les gnrations "utures et
repousser tou*ours plus loin ses Limes, ses "ronts e3pansi"s et ses t'tes de pont
d"ensives, pour raliser cette unit de destin dans l&universel. 9lors rena;tra de ses
cendres comme le I$ni3 m!t$ique, l&Dmpire rgnr, "loril+ge de notre conversion
spirituelle. Y &est lui qui rompt la c$a;ne sur les ruines de l&<rdre B il c$asse au bercail
les gars qu&il "ouette vers le droit de tou*ours o) 7rand redevient 7rand, Ca;tre
redevient Ca;tre et la V+gle, la V+gle B "i3ant l&Dmbl+me vrai au drapeau de son peuple,
sous l&orage, au3 signau3 d&$onneur de l&aube, il guide la troupe de ses preu3 vers les
%uvres du *our, du *our lucide, o) se bStit le ?ouveau V+gne Z 6@te"an 7eorge8.
Jure \0JA.
?ation et nationalisme, Dmpire et imprialisme,
dvolution et grand espace
Cesdames, Cesdemoiselles, Cessieurs, $ers
amis et camarades,
Le t$+me de notre colloque d&au*ourd&$ui est ( la "ois intemporel et actuel.
9ctuel parce que le monde est tou*ours, envers et contre les espoirs des
utopistes cosmopolites, un pluri.ersum de nations, et parce que nous
replongerons tout ( l&$eure ( pieds *oints dans l&actualit internationale,
marque par le con"lit, donc par la pluralit antagonistes des valeurs et des
"aits nationau3.
Antemporel parce que nous abordons des questions que toutes les gnrations,
les unes apr+s les autres, remettent inlassablement sur le tapis. Dn traitant de
la nation et du nationalisme, de l&Dmpire et de l&imprialisme, nous touc$ons
au3 questions essentielles du politique, donc au3 questions essentielles de
l&'tre5$omme, puisqu&9ristote d*( d"inissait l&$omme comme un 1oon
politikon, comme un 'tre ancr dans une polis, dans une cit, dans une nation.
9ncrage ncessaire, ancrage incontournable mais ancrage risqu car
prcisment il accorde tout ( la "ois pro"ondeur, sens de la dure et quilibre
mais provoque aussi l&en"ermement, l&auto5satis"action, l&installation, la
strilit.
Oevant le retour en Durope de l&Dst et de l&<uest d&un discours se proclamant
nationaliste, il est imprati" de comprendre ce double visage que peut prendre
le nationalisme, de voir en lui cet avantage et ce risque, cette assurance que
procure l&enracinement et ce drapage qui le "ait c$avirer dans l&en"ermement.
Muant ( la notion d&empire, elle a dsign au Co!en ege le Rei"h centre5
europen, sorte d&agence qui apaisait les con"lits entre les diverses et$nies et
les multiples corps qui le composait B puis elle a dsign, sous >onaparte, le
militarisme qui tentait d&imposer partout en Durope des mod+les
constitutionnels marqus par l&individualisme bourgeois, qui mconnaissaient
les logiques agrgatrices et communautaires des corps de mtier, des Y
rpubliques villageoises Z et des pa!s c$arnels B ensuite, elle a dsign
l&imprialisme marc$and et t$alassocratique de l&9ngleterre, qui visait
l&e3ploitation de colonies par des groupes d&actionnaires, re"usant le travail
parce que, lecteurs de la >ible, ils vo!aient en lui une maldiction divine B leur
aisance, leur oisivit, ils la tiraient des spculations boursi+res.
ette con"usion smantique, qui vaut pour le terme Y nation Z comme pour le
terme YempireZ, il importe que nous la dissipions. Mue nous clari"ions le dbat.
&est notre tSc$e car, volontairement, nous parions pour le long terme et nous
re"usons de descendre directement dans l&ar+ne politicienne qui nous "orce
tou*ours au3 pires compromis. @i nous ne red"inissons pas nous5m'mes les
concepts, si nous ne di""usons pas nos red"initions par le biais de nos stratgies
ditoriales, personne ne le "era ( notre place. Dt la con"usion qui r+gne
au*ourd&$ui persistera. Dlle persistera dans le c$aos et de ce c$aos rien de
co$rent ne sortira.
ommenRons par d"inir la nation, en nous rappelant ce qu&9ristote nous
enseignait ( propos du Goon politikon ancr dans sa cit. Le politique, qui est
l&activit t$orique surplombant toutes les autres activits de l&$omme en leur
con"rant un sens, prend tou*ours et partout son envol au dpart d&un lieu qui
est destin. P partir de ce lieu se cre une socialit particuli+re, ta!e par des
institutions bien adaptes ( ce pa!sage prcis, "orcment di""rentes des
institutions en vigueur dans d&autres lieu3. ?ous avons donc a""aire ( une
socialit institutionnalise qui procure ( sa communaut porteuse autonomie et
quilibre, lui assure un "onctionnement optimal et un ra!onnement ma3imal
dans son environnement. Le ra!onnement largit l&assise de la socialit, cre le
peuple, puis la nation. Cais cette nation, produit d&une volution partie de
l&et$nos originel, se diversi"ie ( outrance au cours de l&volution $istorique. Dn
bout de course, nous avons tou*ours a""aire ( des nations ( dimensions
multiples, qui se dploient sur un "ond $istorique soumis ( tous les alas du
temps. Eoute conception valide de la nation passe par une prise en compte de
cette multidimensionalit et de ce devenir. Le peuple est donc une diversit
sociologique qu&il "aut organiser, notamment par le truc$ement de l&4tat.
L&4tat organise un peuple et le $isse au rang de nation. L&4tat est pro*et, plan :
il est, vis5(5vis de la concrtude nation, comme l&bauc$e de l&arc$itecte par
rapport au bStiment construit, comme la "orme par rapport ( la mati+re
travaille. e qui implique que l&4tat n&a pas d&ob*et s&il n&! a pas, au pralable,
la concrtude nation. Eoutes les idologies statolStriques qui prtendent
e3clure, amoindrir, *uguler, rduire la concrtude, la mati+re qu&est la nation,
sont des sottises t$oriques. Le peuple prc+de l&4tat mais sans la "orme 4tat, il
ne devient pas nation, il n&est pas organis et sombre rapidement dans
l&ine3istence $istorique, avant de dispara;tre de la sc+ne de l&$istoire. L&4tat au
service de la concrtude peuple, de la populit gnratrice d&institutions
spci"iques, n&est pas un concept abstrait mais un concept ncessaire, un
concept qui est pro*et et plan, un pro*et grSce auquel les lites du peuple
a""rontent les ncessits vitales. L&4tat ^ avec ma*uscule ^ organise la totalit
du peuple comme l&tat ^ sans ma*uscule ^ organise telle ou telle strate de la
socit et lui con"+re du sens.
Cais il est des 4tats qui ne sont pas a priori au service du peuple : Oans son
cl+bre ouvrage sur la d"inition du peuple 60as eigentli"he 'olk, 192/8, Ca3
,ildebert >oe$m nous a parl des approc$es monistes du concept 4tat, des
approc$es monistes qui re"usent de tenir compte de l&autonomie ncessaires
des sp$+res sociales. es 4tats capotent rapidement dans l&abstraction et la
coercition strile parce qu&ils re"usent de se ressourcer en permanence dans la
socialit populaire, dans la Y populit Z 6'olkheit8, de se moduler sur les
ncessits rencontres par les corps sociau3. ette "orme d&4tat coupe du
peuple appara;t vers la "in du Co!en ege. Dlle provoque une rupture
catastrop$ique. L&4tat se ren"orce et la socialit se recroqueville. L&4tat veut se
$isser au5dessus du temps et de l&espace. Le pro*et d&4tat absolu s&accompagne
d&une contestation qui bauc$e des utopies, situes gnralement sur des ;les,
elles aussi en de$ors du temps et de l&espace. O+s que l&4tat s&isole de la
socialit, il ne l&organise plus, il ne la met plus en "orme. Al rprime des
autonomies et s&appauvrit du m'me coup. Muand clate la rvolution, comme
en [rance en 1719, nous n&assistons pas ( un retour au3 autonomies sociales
d!namisantes mais ( un simple c$angement de personnel ( la direction de la
mac$ine 4tat. Les parvenus remplacent les "aisands au gouvernail du bateau.
&est ( ce moment $istorique5l(, quand la nation concr+te a priclit, que nous
vo!ons merger le nationalisme pervers que nous dnonRons. Le discours des
parvenus est nationaliste mais leur but n&est pas la sauvegarde ou la
restauration de la nation et de ses autonomies ncessaires, de ses autonomies
qui lui permettent de ra!onner et de briller de mille "eu3, de ses autonomies
qui ont une d!namique propre qu&aucun dcret ne peut rgenter sans la
meurtrir dangereusement. L&ob*ecti" du pouvoir est dsormais de "aire
triomp$er une idologie qui re"use de reconna;tre les limites spatio5temporelles
in$rentes ( tout "ait de monde, donc ( toute nation. 0ne nation est par
d"inition limite ( un cadre prcis. \ouloir agir en de$ors de ce cadre est une
prtention voue ( l&c$ec ou gnratrice de c$aos et d&$orreurs, de guerres
interminables, de guerre civile universelle.
Les rvolutionnaires "ranRais se sont servis de la nation "ranRaise pour "aire
triomp$er les prceptes de l&idologie des Lumi+res. e "ut l&c$ec. Les
nationau35socialistes allemands se sont servis de la nation allemande pour "aire
triomp$er l&idal racial nordiciste, alors que les individus de race nordique sont
parpills sur l&ensemble de la plan+te et ne constituent donc pas une
concrtude pratique car toute concrtude pratique, organisable, est
concentre sur un espace restreint. Les ultramontains espagnols se sont servis
des peuples ibriques pour "aire triomp$er les actions du \atican sur la plan+te.
Les banquiers britanniques se sont servis des nergies des peuples anglais,
cossais, gallois et irlandais pour "aire triomp$er le libre5c$angisme et
permettre au3 boursicotiers de vivre sans travailler et sans agir concr+tement
en s&abstra!ant de toutes les limites propres au3 c$oses de ce monde. Les
*suites polonais ont utilis les nergies de leur peuple pour "aire triomp$er un
messianisme qui servait les desseins de l&Dglise.
e drapage de l&tatisme, puis du nationalisme qui est un tatisme au service
d&une abstraction p$ilosop$ique, d&une p$ilosop$ade dsincarne, a conduit au3
a""rontements et au3 $orreurs de la guerre de rime, de la guerre de 117:, de
la guerre des >oers, des guerres balkaniques et de la guerre de 191N. Vsultat
qui condamne les nationalismes qui n&ont pas organis leur peuple au plein sens
du terme et n&ont "ait que les mobiliser pour des c$im+res idologiques ou des
aventures colonialistes. Anversment, cet c$ec des nationalismes du discours
et non de l&action concr+te r$abilite les idau3 nationau3 qui ont c$oisi l&auto5
centrage, qui ont c$oisi de peau"iner une socialit adapte ( son cadre spatio5
temporel, qui ont privilgi la rentabilisation de ce cadre en re"usant le recours
"acile au lointain qu&tait le colonialisme.
Iour sortir de l&impasse o) nous ont conduit les "olies nationalistes bellog+nes,
il "aut oprer ( la "ois un retour au3 socialits spatio5temporellement
dtermines et il "aut penser un englobant plus vaste, un conteneur plus
spacieu3 de socialits diverses.
Le @aint5Dmpire du Co!en ege a t un conteneur de ce t!pe. Dn langage
moderne, on peut dire qu&il a t, avant son dclin, "drati" et agrgateur,
qu&il a emp'c$ que des corps tatiques "erms ne s&installent au c%ur de notre
continent. La disparition de cette instance politique et sacre ( la suite de la
"atale calamit des guerres de religion a provoqu le c$aos en Durope, a clat
l&%koum+ne europen mdival. @a restauration est donc un postulat de la
raison pratique.
P la suite des discours nationalistes "allacieu3, il "aut rorganiser le s!st+me des
4tats europens en vitant *ustement que les peuples soient mobiliss pour des
pro*ets utopiques irralisables, qu&ils soient isols du conte3te continental pour
'tre mieu3 prpars par leurs "ausses lites au3 a""rontements avec leurs
voisins. Al "aut donc rorganiser le continent en ramenant les peuples ( leurs
*ustes mesures. e retour des limites incontournables doit s&accompagner d&une
dconstruction des en"ermements stato5nationau3, o) les peuples ont t
prcisment en"erms pour ! 'tre duqus selon les principes de telle ou telle
c$im+re universaliste.
Le retour d&une instance comparable au @aint5Dmpire mais rpondant au3
imprati"s de notre si+cle est un vieu3 sou$ait. onstantin [rantG, le cl+bre
p$ilosop$e et politologue allemand du _A_e si+cle, parlait d&une Ycommunaut
des peuples du couc$antZ, organise selon un "dralisme agrgateur, reposant
sur des principes diamtralement di""rent de ceu3 de la rvolution "ranRaise,
destructrice des tissus sociau3 concrets par e3c+s de libralisme conomique et
de militarisme bonapartiste.
7uillaume de Colinari, conomiste "ranRais, rclamait ( la "in du _A_e si+cle la
construction d&un Y marc$ commun Z incluant l&9llemagne, l&9utric$e5,ongrie,
la [rance, la ,ollande, la >elgique, le Oanemark et la @uisse. Al a soumis ses
pro*ets au3 autorits "ranRaises et ( >ismarck. Lu*o >rentano envisage ( la
m'me poque une union conomique entre l&9utric$e5,ongrie et les nouveau3
4tats balkaniques. L&industriel autric$ien 9le3ander von IeeG, par un pro*et
d&uni"ication organique de l&Durope, entend rpondre au3 pro*ets amricains de
construire l&0nion panamricaine, qui vincera l&Durope d&9mrique latine et
amorcera un processus d&Y amricanisation universelle Z.
7ustav @c$moller a""irme que toute politique conomique europenne
sainement comprise ne peut en aucun cas s&enliser dans les aventures
coloniales, qui dispersent les nergies, mais doit se replier sur sa base
continentale et procder ( grande c$elle ( une Y colonisation intrieure Z.
Jfck$ et Vo$rbac$ t$orisent en"in un pro*et de grande envergure :
l&organisation conomique de l&Durope selon un a3e diagonal Cer du ?ordQ7ol"e
Iersique. L&ob*ecti" de la t$orie et de la pratique conomiques devait 'tre,
pour ces deu3 conomistes des vingt premi+res annes de notre si+cle,
d&organiser cette ligne, partant de l&embouc$ure du V$in ( Votterdam pour
s&lancer, via le Cain et le Oanube, vers la Cer ?oire et le >osp$ore, puis, par
c$emin de "er, ( travers l&9natolie et la @!rie, la Csopotamie et le villa!at de
>assora$, aboutir au 7ol"e Iersique. \ous le constateG, on retombe ( pieds
*oints dans l&actualit. Cais, ce pro*et de Jfck$ et de Vo$rbac$, qu&a5t5il ( voir
avec le t$+me de notre colloque F Mue nous enseigne5t5il quant au nationalisme
ou ( l&imprialisme F
>eaucoup de c$oses. Dn laborant leurs pro*ets d&organisation continentale en
Gones germanique, balkanique et turque, les puissances centrales de 191N
rvaluaient le rLle de l&4tat agrgateur et annonRaient, par la voi3 du
p$ilosop$e Ceinecke, que l&+re des spculations politiques racisantes tait
termine et qu&il convenait dsormais de "aire la s!nt$+se entre le
cosmopolitisme du _\AAAe si+cle et le nationalisme du _A_e si+cle dans une
nouvelle "orme d&4tat qui serait simultanment supranationale et attentive au3
et$nies qu&elle englobe. L&Dntente, porteuse des idau3 progressistes de l&+re
des Lumi+res, veut, elle, re"aire la carte de l&Durope sur base des nationalits,
ce qui a "ait surgir, apr+s \ersailles, une Y Gone critique Z entre les "ronti+res
linguistiques allemande et russe.
?ous dcouvrons l( la cle" du probl+me qui nous proccupe au*ourd&$ui : les
puissances porteuses des idau3 des Lumi+res sont prcisment celles qui ont
encourag l&apparition de petits 4tats nationau3 "erms sur eu35m'mes,
agressi"s et *alou3 de leurs prrogatives. 0niversalisme et petit5nationalisme
marc$ent la main dans la main. Iourquoi F Iarce que l&entit politique
imprialiste par e3cellence, l&9ngleterre, a intr't ( "ragmenter la diagonale qui
s&lance de Votterdam au3 plages du Ko-eit. Dn "ragmentant cette diagonale,
l&9ngleterre et les 4tats50nis de =ilson brisent la s!nergie grande5continentale
europenne et ottomane de \ienne au >osp$ore et de la "ronti+re turque au3
rives du 7ol"e Iersique.
<r depuis la c$ute de eaucescu en dcembre 1919, tout le cours du Oanube
est libre, dverrouill. Dn 199/, les autorits allemandes inaugureront en"in le
canal Cain5Oanube, permettant au3 pousseurs d&emmener leurs cargaisons
lourdes de onstantGa, port roumain de la Cer ?oire, ( Votterdam. 0n oloduc
suivant le m'me trac va permettre d&ac$eminer du ptrole irakien *usqu&au
c%ur industriel de la vieille Durope. \oil( les raisons gopolitiques relles de la
guerre dclenc$e par >us$ en *anvier dernier. ar voici ce que se sont tr+s
probablement dit les strat+ges des $autes sp$+res de =as$ington :
Y @i l&Durope est reconstitue dans son a3e central V$in5Cain5Oanube, elle aura
tr+s bientLt la possibilit de reprendre pied en Eurquie, o) la prsence
amricaine s&av+rera de moins en moins ncessaire vu la dliquescence du bloc
sovitique et les troubles qui secouent le aucase B si l&Durope reprend pied en
Eurquie, elle reprendra pied en Csopotamie. Dlle organisera l&Arak la]que et
bn"iciera de son ptrole. @i l&Arak s&empare du Ko-eit et le garde, c&est
l&Durope qui "inira par en tirer pro"it. La diagonale sera reconstitue non plus
seulement de Votterdam ( onstantGa mais du >osp$ore ( Ko-eit5it!. La
Eurquie, avec l&appui europen, redeviendra avec l&Arak, pLle arabe, la
gardienne du bon ordre au Iroc$e5<rient. Les 4tats50nis, en p$ase de
rcession, seront e3clus de cette s!nergie, qui dbordera rapidement en 0V@@,
surtout en 0kraine, pa!s capable de redevenir, avec un petit coup de pouce, un
grenier ( bl europen auto5su""isant.
9lors, adieu les ac$ats massi"s de bl et de crales au3 4tats50nis U ette
s!nergie dbordera *usqu&en Ande et en Andonsie, marc$s de 1:: millions et
de 1/: millions d&Smes, pour aboutir en 9ustralie et en ?ouvelle5glande. 0n
grand mouvement d&uni"ication eurasienne verrait le *our, "aisant du m'me
coup dc$oir les 4tats50nis, en mauvaise posture "inanci+re, au rang d&une
puissance de second rang, condamne au dclin. Les 4tats50nis ne seraient plus
un pLle d&attraction pour les cerveau3 du monde et on risquerait bien de voir
s&e""ectuer une migration en sens inverse : les 9siatiques d&9mrique, qui sont
les meilleurs tudiants d&<utre59tlantique, retourneraient au Japon ou en $ine
B les Duro59mricains s&en iraient "aire carri+re en 9llemagne ou en Atalie du
?ord ou en @u+de. omment viter cela F Dn reprenant ( notre compte la vieille
stratgie britannique de "ragmentation de la diagonale U Dt o) "aut5il la
"ragmenter ( moindres "rais F Dn Arak, pa!s a""aibli par sa longue guerre contre
l&Aran, pa!s dtenteur de rserves ptroli+res utiles ( l&Durope Z.
La stratgie anglo5amricaine de 1919, visant la "ragmentation des >alkans et
du Iroc$e5<rient arabe et pro*etant la partition de la Eurquie en plusieurs
lambeau3, et la stratgie de >us$ qui entend diviser l&Arak en trois rpubliques
distinctes et antagonistes, sont rigoureusement de m'me essence.
L&universalisme libral5capitaliste, avatar des Lumi+res, instrumentalise le
petit5nationalisme de "ermeture pour arriver ( asseoir son $gmonie.
9u seuil du __e si+cle comme au seuil du __Ae, la necessit d&largir les
$oriGons politiques au3 dimensions continentales ont t et demeurent
ncessaires. 9u dbut de notre si+cle, l&imprati" d&largissement tait dict par
l&conomie. Al tait quantitati". 9u*ourd&$ui, il est encore dict par l&conomie
et par les tec$niques de communications mais il est dict aussi par l&cologie,
par la ncessit d&un mieu35vivre. Al est donc aussi qualitati". L&irruption au
cours de la derni+re dcennie des cooprations interrgionales non seulement
dans le cadre de la DD mais entre des 4tats appartenant ( des regroupements
di""rents ou rgis par des s!st+mes socio5conomiques antagonistes, ont
signi"i l&obsolescence des "ronti+res stato5nationales actuelles.
Les nergies irradies ( partir de diverses rgions dbordent le cadre dsormais
e3igu des 4tats5?ations. Les pa!s riverains de l&9driatique et ceu3 qui "orment,
derri+re la belle ville de Erieste, leur hinterland traditionnel, ont organis de
concert les s!nergies qu&ils suscitent. Dn e""et, l&Atalie, au nom de la structure
stato5nationale ne par la double action de avour et de 7aribaldi, doit5elle
renonc au3 possibles qu&avaient *adis concrtis l&lan vnitien vers la
Cditerrane orientale F La @arre, la Lorraine et le Lu3embourg coop+rent (
l&c$elon rgional. Oemain, l&a3e >arcelone5Carseille5Eurin5Cilan "d+rera les
nergies des atalans, des Languedociens, des IrovenRau3, des Iimontais et
des Lombards, en dpit des derniers nostalgiques qui veulent tout rgenter au
dpart de Cadrid, Iaris ou Vome. es cooprations interrgionales sont
inluctables.
@ur le plan de la politologie, arl @c$mitt nous a e3pliqu que le 7rand Dspace,
la dimension continentale, allait devenir l&instance qui remplacera l&Y ordre
concret Z tabli par l&4tat depuis I$ilippe le >el, I$ilippe AA d&Dspagne, [ranRois
A, Vic$elieu ou Louis _A\. e remplacement est invitable apr+s les gigantesques
mutations de l&+re tec$no5industrielle. @c$mitt constate que l&conomie a
c$ang d&c$elle et que dans le cadre de l&4tat, "igure politique de la
modernit, les e3plosions s!nergtiques vers la puissance ou la crativit ne
sont plus possibles. Le maintien de l&4tat, de l&4tat5?ation repli sur lui5m'me,
vid de l&intrieur par tout un ventail de tiraillements de nature pol!cratique,
ne permet plus une mobilisation $olarc$ique du peuple qu&il n&administre plus
que comme un appareil purement instrumental. @a dcadence et son e3igWit
appellent une autre dimension, non obsol+te celle5l( : celle du 7rand Dspace.
@i le 7rand Dspace est la seule "igure viable de la post5modernit, c&est parce
qu&on ne peut plus se contenter de l&$oriGon rgional de la patrie c$arnelle ou
de l&$oriGon supra5rgional de l&4tat5?ation moderne. L&$oriGon de l&avenir est
continental mais diversi"i. Iour pouvoir survivre, le 7rand Dspace doit 'tre
innerv par plusieurs logiques de "onctionnement, penses simultanment, et
'tre anim par plusieurs stratgies vitales concomitantes. ette pluralit, qui
n&e3clut nullement la con"lictualit, l&agonalit, est prcisment ce que veulent
mettre en e3ergue les di""rentes coles de la post5modernit.
ette post5modernit du 7rand Dspace, anim par une pluralit de logiques de
"onctionnement, condamne du m'me coup les monologiques du pass moderne,
les monologiques de ce passatisme qu&est devenue la modernit. Cais elle
condamne aussi la logique $omognisante de l&imprialisme commercial et
gangstriste des 4tats50nis et la monologique "rileuse des gardiens du vieil
ordre stato5national.
Iour organiser le 7rand Dspace, de Votterdam ( onstantGa ou le long de toute
la diagonale qui traverse l&Durope et le Iroc$e5<rient de la Cer du ?ord au
Ko-eit, il "aut au moins une double logique. O&abord une logique dont un volet
rclame la dvolution, le recentrage des nergies populaires europennes sur
des territoires plus rduits, parce que ces territoires ne seront alors plus
contraints de ne dialoguer qu&avec une seule capitale mais auront la possibilit
de multiplier leurs relations interrgionales. Dnsuite une logique qui vise
l&addition ma3imale d&nergies en Durope, sur le pourtour de la Cditerrane et
au Iroc$e5<rient.
L&ad$sion ( la nation, en tant qu&et$nie, demeure possible. Le dpassement de
cet $oriGon restreint aussi, dans des limites largies, celles du 7rand Dspace.
L&ennemi est dsign : il a deu3 visages selon les circonstances B il est tantLt
universalisteQmondialiste, tantLt petit5nationaliste. Al est tou*ours l&ennemi de
l&instance que arl @c$mitt appelait de ses v%u3.
Mue "aire F D$ bien, il "aut :
1. Dncourager les logiques de dvolution au sein des 4tats5?ations
. 9ccepter la pluralit des modes d&organisation sociale en Durope et re"user la
mise au pas gnralise que veut nous imposer l&Durope de 1992
!. Vecomposer la diagonale brise par les 9mricains
+. <rganiser nos socits de "aRons ( ce que nos nergies et nos capitau3 soient
tou*ours auto5centrs, ( quelqu&c$elon du territoire que ce soit
,. Ioursuivre la lutte sur le terrain mtapolitique en s&attaquant au3 logiques de la
dsincarnation, avatars de l&idologie des Lumi+res.
Iour conclure, *e lance mon appel traditionnel au3 cerveau3 $ardis et
audacieu3, ( ceu3 qui se sentent capables de s&arrac$er au3 torpeurs de la so"t5
idologie, au3 sductions des penses abstraites qui mconnaissent limites et
enracinements. P tous ceu35l(, notre mouvement de pense ne demande
qu&une c$ose : travailler ( la di""usion de toutes les ides qui transgressent les
en"ermements intellectuels, le pr't5(5penser.
Je vous remercie.
Vobert @teuckers, ommunication au __A\e olloque du 7VDD, Iaris, le /N
mars 1991.
L&empire dXDurope : la problmatique Amperiale et la
construction Duropenne
G H'Europe aspire l'Empire I "5ean$Houis Jeuerbach(
IV<L47<Ch?D@
Muiconque conna;t l&$istoire, sait que les empires ont *ou un rLle essentiel
dans l&volution de l&$umanit. Dntre 5: et /:: ap. J, en e""et, quatre empires
englobaient l&ensemble du monde civilis : Vome, les Iart$es 9rsacides, le
Kouc$an et l&4tat des ,an orientau3 "ormaient un c$apelet ininterrompu de la
7rande5>retagne ( la Cer de $ine, autour et autour duquel ne vivaient que des
barbares.
9insi un $istorien tel que Eo!nbee, dans sa $rande 5.enture de l)*umanit,,
voulait montrer comment nous sommes peu ( peu passs d&une +re des
civilisations locales 6qui taient le plus souvent des empires8 ( un ensemble
universel, comment l&%koum+ne a "ini par recouvrir la terre enti+re. Al
prsente d&abord les premi+res civilisations, isoles et presque sans contact
entre elles. Dnsuite, il montre comment les empires, en e3pansion, se
touc$+rent et donc s&in"luenc+rent mutuellement. Le processus prit de
l&ampleur *usqu&au3 Eemps Codernes au cours desquels toutes les civilisations
"urent relies. L&Dmpire "ut donc le principal agent de di""usion des civilisations
618.
Le sociologue et $istorien =allerstein, pour sa part, oppose, sur un autre plan,
les empires, uni"is politiquement, au3 #conomies mondes# qui surplombent un
ensemble d&4tats de "orces diverses, telle la Cditerrane du \AAe au AAe si+cle
av. J avant son uni"ication par Vome ou celui, postrieur mais qui couvrait le
m'me espace, auquel [ernand >raudel consacra son ma;tre ouvrage 6_A\e5_\Ae
ap. J8. 9vant les Eemps Codernes, la plupart des conomies mondes se
mu+rent soit en empires, soit "urent p$agoc!tes par l&un d&eu3. 9u contraire,
le capitalisme, aboutissement des ,"onomies<mondes, se maintient depuis 5
si+cles parce qu&il s&tend sur la presque totalit du globe : il Y se "onde sur la
prise en c$arge constante des pertes conomiques par des entits politiques,
tandis que le pro"it conomique est distribu ( des intr'ts #privs# Z 6/8. Le
capitalisme surplombe tous les empires e3istants. C'me l&0V@@, qui tentait de
s&! soustraire, devait en tenir compte. Al en concluait que seule l&instauration
d&un empire universel socialiste pourrait mettre "in au capitalisme.
Le terme d&empire descend du mot latin imperium 6l&autorit de
commandement militaire, "Ht5ce par coercition que compltait la potestas,
l&autorit par la "orce des valeurs8. L&empereur cumulait un certain nombre de
pouvoirs auparavant e3ercs par di""rents magistrats 6les consuls, censeurs,
tribuns, et le grand ponti"e8 et octro!s ( titre viager. Al tait proclam
imperator par les soldats 6le peuple en armes8. ontrairement ( l&imperium
proconsulaire, celui de l&empereur tait illimit dans le temps et l&espace et
n&tait subordonn ( nul autre. @on pouvoir s&appu!ait sur sa client+le, sa
"ortune personnelle, le serment d&allgeance et son auctoritas 6sa prminence
morale8 628.
Iar la suite, lorsque l&$gmonie europenne s&tendit sur l&ensemble du globe,
nous attribuSmes le nom d&empire ( un certain nombre d&4tats, contemporains
ou passs, qui prsentaient des ressemblances avec ce que nous avions connu,
( la mani+re des 7recs qui donn+rent au3 dieu3 trangers des noms issus de
leur pant$on, quitte ( commettre quelques imprcisions. O+s lors, certains
auteurs distinguent deu3 sortes d&empires : la ligne europenne qui descend
du principat et les #trangers#. Dn "ait, on pourrait galement concevoir une
ligne c$inoise, une ligne des empires msopotamiens etc...
Cais, dlaissant les "ormes singuli+res, nous aborderons la "igure de l&Dmpire en
tant qu&arc$t!pe qui appara;t sans cesse sous des aspects renouvels depuis
l&aube de l&,istoire 6N8.
EiI<L<7AD
omme l&$istorien du droit Jo$n 7ilissen, nous distinguons deu3 acceptions du
terme Dmpire : stri"to sensu, il s&agit d&une "orme de gouvernement domin par
la "igure d&un autocrate arborant le titre d&empereur ou un autre quivalent
6p$araon, grand k$an, roi des rois...8 B lato sensu, l&Dmpire dsigne
mtap$oriquement tout tat vaste et puissant quel que soit son mode de
gouvernement. omme nombre d&empires stri"to sensu n&ont pas mrit en
permanence au cours de leur dure "ormelle le titre de grande puissance, il
convient de diviser ces 4tats en 2 catgories :
- les empires lato sensu ou grandes puissances B
- les empires stri"to sensu qui "urent ( un moment ou ( un autre de leur
$istoire des grandes puissances B
- les empires stri"to sensu qui demeur+rent ou devinrent des 4tats petits ou
mo!ens.
Dn consquence, nous considrerons par e3. que la Vome rpublicaine entra
dans la premi+re catgorie apr+s la seconde guerre punique et passa dans la
deu3i+me sous 9uguste. Muant ( l&empire d&<ccident "inissant, il appartenait au
troisi+me groupe.
P la di""rence entre empires stri"to sensu et lato sensu se surimpose un
classement par t!pes dont le nombre et la nature des catgories varient d&un
auteur ( l&autre. Muoique la t!pologie des empires nous apparaisse secondaire,
nous nous sommes livrs ( un *eu logique. Iour notre part, nous procdons par
une srie d&antinomies : nous opposons les empires terriens ou continentau3
au3 empires maritimes B les empires centraliss au3 plus lSc$es B les empires de
longue dure, souvent lis ( une d!nastie ou une ( une succession de
d!nasties B au3 empires p$m+res qui sont le plus souvent l&%uvre de grands
conqurants. Al en rsulte 1 associations possibles qui dessinent asseG
prcisment les caractristiques des di""rentes sortes d&empires :
- 18 terrestreQcentralisQp$m+re. D3. : ?apolon Aer
- /8 terrestreQcentralisQdurable. D3. : Vome du >as5Dmpire
- 28 terrestreQdcentralisQp$m+re. D3. : de conqu'te
- N8 terrestreQdcentralisQdurable. D3. : l&9kkad de @argon 65 /2N:8, la Vome
du ,aut Dmpire
- 58 maritimeQcentralisQp$m+re. D3. : le Japon au __e si+cle
- .8 maritimeQcentralisQdurable. D3. : 9t$+nes 65 N795N:N8
- 78 maritimeQdcentralisQp$m+re. D3. : empire de Knut le 7rand 61:125
1:228
- 18 maritimeQdcentralisQdurable. D3. : empires espagnols et portugais
Iour plus de prcision, nous ad*oignons au3 classes prcdentes / sous5
catgories. Iarmi les empires de conqu'te, il nous semble qu&il "aut distinguer
ceu3 qui "urent "onds par des peuples nomades. Oe m'me, nous sparerons les
empires "odau3, comme celui des Ilantagenet, des #terrestres dcentraliss
durables#. e classement n&e""ace pas l&idios!ncrasie des empires, mais il
permet d&entrevoir au travers de brumes "oisonnantes de l&vnementiel les
contours imprcis d&une "igure prenne.
?9A@@9?D
Les empires se "orment le plus souvent sur le mod+le "antasm d&un de leurs
prdcesseurs. L&arc$t!pe se reproduit dans l&$istoire selon le mouvement que
@pengler nommait la pseudomorphose. Iour les Duropens, la notion d&Dmpire
voque ncessairement le principat romain. Ou principat dcoule, comme une
rivi+re *aillissant des montagnes, un cours ponctu d&empires 6romain,
b!Gantin, carolingien, @DV?7, les deu3 empires bonapartistes, les tsars B on
pourrait galement reprendre comme e3emple la succession des empires
c$inois8 658.
L&imprialisme est ( la "ois un caract+re permanent de l&empire et la condition
ncessaire de sa naissance. Al se mani"este sous deu3 "ormes. La plus courante,
et de loin, est la puissance martiale, brutale. 0n peuple impose sa domination (
ses voisins. Cais, d&autres empires se sont "orms plus paci"iquement par une
sorte de s!noecisme, tel celui de $arles Muint qui est plus le rsultat d&une
longue t$orie d&alliances matrimoniales que de conqu'tes.
4videmment, la volont de domination ne se ralise pas sans une supriorit,
qu&elle soit tec$nologique, organisationnelle, dmograp$ique, morale ou autre.
Cais ces instruments dpendent ( leur tour en partie de l&nergie qui les anime.
L&$omme invente pour asservir ses congn+res ou la ?ature. Cais si la volont
de puissance ne le dominait pas lui5m'me, il ne crerait point. Oonc,
l&imprialisme engendre les mo!ens de sa propre ralisation.
C'me lorsque l&Dmpire se constitue par association libre, les volonts de
puissance et d&e3tension n&en demeurent pas moins les prmices ncessaires :
les $ommes se regroupent pour se protger mais surtout pour dominer. La
prsence d&un pril "avorise galement la "ormation ou le maintien de l&Dmpire.
Les peuples s&allient pour combattre un ennemi commun, mais surtout, il incite
les anciens empires ( maintenir et ren"orcer leur co$sion. Dn dsignant son
ennemi, qui sera par"ois un autre empire, il se d"init ngativement, il nomme
ce qu&il ne dsire pas devenir, il re"use que l&autre intervienne dans son
domaine. @oulignons que, contrairement au $rossraum sc$mittien, l&Dmpire ne
se contente pas de re"ouler les interventions des puissances e3trieures : il
s&a""irme lui5m'me prdateur U
@ouvent le nom de l&Dmpire est attac$ ( celui de son "ondateur. Al s&agit le plus
souvent d&4tats dont les limites "urent tailles ( coup d&pes. Leurs noms
voquent de "antastiques mais br+ves popes. Oe grandes "igures mergent
aussi de l&$istoire des empires qui se sont "orms plus lentement ou qui
n&taient pas des monocraties. Dn e""et, pour perdurer, l&Dmpire doit constituer
une lite de gouvernement qui assure la continuit de sa politique.
Les empires sont souvent "orms par des peuples qui ont atteint un moment de
#puissance biologique#. ette e3pression quelque peu romantique recouvre et
e3prime une con*onction e3traordinaire et comple3e d&lments qui "irent qu&(
un moment, durant l&instant d&une gnration, un peuple s&est trouv dou
d&une grande "orce d&e3pansion. 0ne partie de ces causes sont ob*ectivables :
une "orte dmograp$ie, une tec$nologie suprieure, des institutions adaptes (
la situation... mais l&essentiel est sub*ecti" et indicible : l&nergie, la "oi dans la
destine, la conviction d&une supriorit raciale, culturelle ou religieuse. &est
ainsi que l&on vit le petit peuple macdonien conqurir l&immense empire perse
ou quelques centaines de conquistadors abattre les nations Ancas et Ca!as.
Le besoin d&e3pansion conomique appara;t ( notre sens secondaire, car il
dcoule de la volont de dominer dont l&conomique n&est qu&un aspect. eu3
qui ne veulent qu&amasser des ric$esses se dtournent de l&Dmpire et
investissent leurs e""orts dans l&conomie monde. Vappelons nanmoins que les
empires continentau3 rec$erc$ent l&autarcie ou du moins l&indpendance,
tandis que les puissances maritimes dveloppent le libre c$ange. Oans les deu3
cas, il s&agit nanmoins d&organismes politiquesB au contraire, l&conomie monde
est conomique, elle ne vise pas ( gouverner mais ( pro"iter.
DCIAVD DE 4E9E
L&Dmpire et l&4tat sont "r+res mais ne sont pas *umeau3. L&4tat comme l&Dmpire
tablissent une nette distinction entre l&intrieur et l&e3trieur, ils dlimitent
leurs territoires par des "ronti+res et ne tol+rent aucune ingrence de
puissances trang+res. @i l&4tat est une %uvre de la Vaison, l&Dmpire est le
rsultat de l&,istoire. L&4tat centralisateur combat toutes les sp$+res
concurrentes : les liberts locales, les pouvoirs personnels, "odau3 ou
con"essionnels. Al tablit une Loi unique, valable en tous lieu3 qu&il contrLle.
Iour l&4tat, la lgalit prime la lgitimit. 9lors que les querelles de lgitimit
entrave le "onctionnement normal de l&Dmpire, elles ne g'nent pas la
bureaucratie de l&4tat qui "onctionne sur le mode lgal. L&Dmpire di""+re de
l&4tat sur deu3 autres points essentiels : d&une part, il ne combat les privil+ges
et les coutumes que dans la mesure ou ils menaceraient son intgrit, s&il
tablit un droit public uni"orme, il laisse au3 peuples le c$oi3 de leur droit
priv B d&autre part, l&Dmpire, contrairement ( l&4tat, accepte que son autorit
varie en intensit d&une contre ( l&autre 6.8.
9ctuellement, le mod+le tatique est surann et ce pour un ensemble de
raisons :
le m!t$e de l&4tat se meurt, il n&est plus anim par la "oi des rvolutionnaires de
1719 et de leurs successeurs du _A_e si+cle
l&4tat s&miette, les sp$+res de pouvoir et d&intr't se multiplient
de ce "ait, le contrLle du politique n&appartient plus ( l&4tat, mais bien, (
l&e3trieur, au3 organismes internationau3, au3 "orces capitalistes et au3
grandes puissances B ( l&intrieur, au3 partis, au3 groupes de pressionB par l( il
perd sa raison d&'tre
l&4tat, dans ce monde sans con"ins, est devenu une entit trop petite 678.
L&Dmpire, par d"inition, ne reconna;t aucune autorit suprieure. C'me dans
le domaine religieu3, il rsiste au clerg comme le "irent les gibelins. Dn e""et,
l&Dmpire participe aussi du sacr, quand l&empereur n&est pas lui5m'me dieu U
<n attribue ( Louis _A\ le mot : Y L&4tat, c&est moi U Z, un empereur
dclarerait : Y Oieu, c&est moi U Z L&Dmpire ne tol+re aucune ingrence de
puissances trang+res, qu&elles "ussent temporelles ou spirituelles, dans ses
a""aires internes ou sa sp$+re d&in"luence 6les interventions des 0@9 ( 7renade
ou au Ianama poursuivent cette logique8. Cais ce re"us de la soumission ( une
autorit suprieure ou m'me gale ne su""it pas ( lgitimer la souverainet. Dn
e""et, comme l&crivait Julien [reund dans son ma;tre5ouvrage : Y est
politiquement souveraine non point l&instance qui en principe n&est
subordonne ( aucune volont suprieure, mais celle qui se "ait volont
absolue par domination de la concurrence Z. Dn toutes circonstances, m'mes
les plus dsespres, l&Dmpire prtend ( la prpotence.
0?A\DV@9LA@CD DE A\ALA@9EA<?
Al vise l&$gmonie locale voire l&universalisme. 0n empire sain veut tendre
sans cesse sa domination et son in"luence. La volont d&e3tension se mani"este
de deu3 mani+res : soit l&empire contrLle un ensemble gograp$ique vaste mais
limit, soit il tend ( l&universel. Je nommerais cette derni+re catgorie #les
empires messianiques#, car l&ide de conqu'te mondiale est d&origine
c$rtienne.
Dn e""et, ce "ut l&cole sto]que qui dveloppa l&ide de l&universalisme de Vome,
mais les p$ilosop$es la concevaient comme #l&ensemble de la communaut
$umaine qui participe ( la Vaison# 6%koum+ne8, par opposition au monde
barbare. Dn ce sens restreint, l&empire romain tait bien universel. L&ide "ut
ren"orce par le c$ristianisme. 9u A\e si+cle, il ! avait identit entre les
civilisations romaine et c$rtienne. Oieu protgeait l&Dmpire. Ieu sensible (
l&universalisme romain, les barbares "urent plus rcepti"s ( l&gard de
l&universalisme c$rtien. 9u Co!en5ege, la coe3istence de l&empire b!Gantin et
d&un empire d&<ccident constituait la ngation m'me du principe
d&universalisme romain. Oe plus, les possessions de $arlemagne n&englob+rent
*amais l&ensemble des terres c$rtiennes, en revanc$e le @aint Dmpire Vomain
de la ?ation germanique dbordait les limites du d"unt empire romain.
L&universalisme c$rtien, compris comme #l&ensemble des 4tats cro!ants#,
n&avait pas d&unit institutionnelle. Muant au3 empires c$rtiens aucun n&tait
ancr ( Vome. La "orce de l&ide impriale rsidait dans le caract+re sacr que
con"rait l&institution, mais le sacre tait octro! par l&4glise, alors
qu&auparavant l&Dmpire tait sacr en soi 618. ?anmoins, m'me s&il 6pr8tend (
l&universalit, l&Dmpire est tou*ours li ( un lieu. omme tout ordre *uridique, il
est situ. L&Dmpire, avant d&'tre une ide, est un territoire. @a propension (
tracer des "ronti+res en est la marque vidente et visible 698.
Oe surcro;t, l&e3tension de l&Dmpire est corrlative ( celle d&une civilisation.
?onobstant les peuples nomades qui, s&ils n&taient pas porteurs d&une
civilisation ^ bien qu&ils dtinssent une culture ^ "urent nanmoins les mdia
entre des civilisations dont les "ronti+res n&taient pas mito!ennes : ainsi,
l&empire de 7engis K$an relia l&Durope c$rtienne, l&<rient, l&Ande et la $ine.
L&Dmpire plus qu&un 4tat est un tat d&esprit. Al se conRoit comme un espace
d&ordre et de raison entour par les barbares. L&imperium permet la conqu'te,
tandis que la potestas assure la conservation des territoires acquis. @i l&Dmpire
impose le plus souvent son emprise par la puissance, il ne se perptue qu&en
incarnant une civilisation. Al se construit autour d&un m!t$e. Iar l( m'me, il
"onde son identit et celles de ses peuples. 9insi na;t bientLt une communaut
de culture et de destin 61:8.
L&Dmpire, qui comprend une multiplicit d&et$nies, est gouvern par une caste
qui ne dpend pas du local. @a bureaucratie est non $rditaire. &est pourquoi
le souverain s&entourait souvent d&eunuques privs de descendance ou
d&a""ranc$is enti+rement dvous ( leur ma;tre. C'me les empires "odau3
tent+rent de crer une lite de gouvernement non $rditaire : les premiers
"ie"s "odau3 et les timars turcs ne relevaient pas du patrimoine "amilial, mais
taient concds par le souverain en c$ange de services B dans l&empire
carolingien, le serment vassalique 6un lien personnel8 ren"orRait l&allgeance (
l&4tat 6plus abstrait8 sans s&! substituer 6118. ette lite de gouvernement sera
la porteuse de la civilisation impriale.
Dn"in, soulignons que le s!st+me imprial se concilie di""icilement avec la
dmocratie, surtout parlementaire. ?anmoins, l&Dmpire n&est pas
ncessairement une monocratie, une concentration des pouvoirs su""it
6oligarc$ie, aristocratie, ...8.
D@I9D DE O0V4D
Les dimensions de l&Dmpire sont di""iciles ( valuer. Jean E$iriart remarquait
que la taille minimale variait selon les poques. Les plus grands se traversaient
en N: ( .: *ours de vo!age. Le mode de transport dtermine alors la grandeur
6les messagers de l&empire ,an atteignaient les con"ins de l&empire en .
semaines, les marins de $arles Muint quelques semaines pour aller au3
9mriques8. O+s lors, minimum et ma3imum sont impossibles ( "i3er : les
conqu'tes mongoles et les possessions de $arlemagne portent le nom
d&empire. Als semblerait donc qu&il su"";t d&'tre un 4tat plus grand que les autres
( une poque et dans une aire donne pour mriter le titre d&empire.
Ou "ait de sa taille, l&Dmpire regroupe des peuplades diverses, ce qui incite le
gouvernement au respect des particularits rgionales et ( la tolrance
religieuse 6la perscution des c$rtiens est due ( leur intransigeance et leur
arrogance qui menaRaient l&ordre imprial8. Cais, par un processus naturel, les
cultures locales se d"orcent peu ( peu au pro"it d&une civilisation impriale
minente. L&Dmpire a besoin de s&tendre, mais il doit maintenir une certaine
$omognit : il englobe une multiplicit de peuples, mais ceu35ci doivent
partager le plus grand nombre de valeurs communes : idologiques, religieuses,
institutionnelles ou linguistiques...
4videmment, une unit religieuse, linguistique ou culturelle peut compenser en
partie l&aspect composite de l&Dmpire. La culture impriale appartient souvent (
^ et est cre par ^ une lite de gouvernement 6culture romaine,
con"ucisme...8. Al e3iste au sein de l&Dmpire une tension perptuelle entre les
et$nies et l&4tat central. L&Dmpire survit tant qu&il maintient sa co$sion, la
rgion tant qu&elle maintient son identit.
La notion de dure appara;t encore plus di""icile ( cerner. Dn e""et, d&une part
l&Dmpire se veut ternelB d&autre part, nombre d&empires se sont e""ondrs
quelques annes apr+s leur naissance. Al s&agit particuli+rement des empires
constitus par de grands c$e"s de guerre et des peuples nomades 69le3andre,
7engis K$an, Eamerlan, 9ttila... 8. La dure, en soi, n&a donc gu+re
d&importance, elle est plus la marque d&une russite qu&une caractristique
propre ( l&Dmpire. ?anmoins, les lustres dterminent / grands t!pes
d&empires : ceu3 qui n&ont pas eu le temps de se structurer et les autres.
ertains parleront d&empires avorts, mais leur nombre et leur in"luence dans
l&,istoire nous retiennent de les carter.
C<VE OD L&DCIAVD
O&apr+s =allerstein, la centralisation "ait ( la "ois sa "orce et sa "aiblesse, car
d&une part elle permet d&attirer l&e3cdent de ric$esse vers le centre, mais
d&autre part elle induit une certaine rigidit, un conservatisme qui peut aller
*usqu&au re"us de l&volution tec$nologique. L&appareil bureaucratique, lorsqu&il
se sclrose, absorbe une trop grande part des sommes rcoltes, le
gouvernement perd alors la marge de man%uvre qui lui est ncessaire pour
raliser ses ob*ecti"s politiques et stratgiques 61/8.
Iour 7ilissen au contraire, les causes de la dcadence de l&Dmpire sont ( peu
pr+s les m'mes que celles qui prsident ( leur "ormation. Dn premier, il place
le Y recul de l&agressivit Z, ou, si l&on pr"+re, de l&imprialisme. 0ne suite de
d"aites militaires rsultant d&un recul relati" de la tec$nologie, de dissensions
internes, de dsordres administrati"s ou de l&incapacit des c$e"s de guerre,
conduisent l&Dmpire vers sa "in. L&Dmpire mature tend par nature ( demeurer
sur la d"ensive. 9lors, les con"lits internes prennent souvent le pas sur les
guerres avec l&e3trieur.
Oans le cas des empires "orms par rapides conqu'tes, c&est souvent la
mgalomanie du c$e" qui entra;ne leur ruine B lorsque l&ambition dpasse les
mo!ens. L&e3emple d&9le3andre le 7rand est t!pique. @on p+re, I$ilippe, se
serait probablement born ( la conqu'te de l&9natolie, de la @!rie et peut5'tre
de l&4g!pte, mais il n&aurait pas pntr plus avant dans le c%ur de l&empire
ac$nmide. e "aisant, son empire aurait t moins labile B il aurait compens
en dure ce qu&il perdait en espace. Cais, de "ait, sans cette grande aventure,
la culture $ellnistique n&aurait pas atteint le bassin de l&Andus.
L&Dmpire sou""re aussi souvent des guerres de succession. @oit l&4tat en sort
a""aibli, soit les $ritiers se partagent les territoires 6$arlemagne8. Oe plus,
aucune d!nastie n&c$appe ( la dgnrescence gntique. ertains 4tats
pratiquent d&autres modes de succession, mais ils n&arrivent pas tou*ours (
renouveler l&lite dirigeante.
Les peuples soumis se rvoltent, soit parce qu&ils craignent que leur culture ne
soit radique au pro"it de la civilisation impriale ou de celle du peuple
dominant dans l&Dmpire, soit parce que l&entretien de l&4tat central devient trop
lourd par rapport au3 services qu&il rend 6maintien de l&ordre, *ustice,
in"rastructure...8. L&Dmpire peut 'tre ressenti comme #et$nicide#. L&9utric$e5
,ongrie et l&empire ottoman n&ont pas russi l&assimilation des diverses
nationalits qui les composaient, c$acune des et$nies revendiqua la cration
d&un 4tat5nation. Les empires coloniau3 se sont dsagrgs parce que la
Ctropole les e3ploitait sans gu+re de contre5partie 6indpendance des 4tats5
0nis8.
Ourant sa p$ase descendante, l&Dmpire se "odalise souvent, mais ce n&est pas
tou*ours un signe de dcadence B on a en e""et connu des empire "odau3.
Lorsque le peuple dominateur s&a""aiblit, sa position privilgie est conteste B
s&il s&accroc$e ( ses avantages alors qu&il n&est plus capable de remplir ses
obligations, l&Dmpire se dsagrgera. Cais, dans nombre d&empires, une certaine
assimilation a!ant t ralise, l&et$nie dominante peut 'tre remplace par une
et$nie concurrente ou par une caste cosmopolite enti+rement dvoue ( la
cause de l&4tat "dral.
Les dsordres dans l&administration sont souvent voqus comme cause de
dcadence de l&Dmpire, mais il nous semble qu&il s&agit plutLt de la consquence
des points prcdents. Iareillement, le dclin conomique s&e3plique le plus
souvent par un recul tec$nologique, des troubles intrieurs, une mauvaise
gestion, un manque de d!namisme et souvent une bipolarisation de la socit
en une masse de ser"s laborieu3 et quelques grands propritaires, avec pour
consquence la disparition des $ommes libres qui "ournissaient les
contribuables et les recrues pour l&arme.
D0V<ID
L&Durope 6128 a tou*ours t divise linguistiquement et politiquement, mais
elle partage un $ritage culturel commun : les civilisations grco5latine puis
c$rtienne. Le gograp$e Iieter @ae!, qui a contribu ( l&ouvrage collecti"
consacr au3 grands m!t$es de l&$istoire belge sous la direction d&9nne Corelli ,
re"use ( l&Durope le titre de continent. Al conteste galement que l&Durope soit
un espace culturel uni"i, car une culture supranationale resterait ( crer.
?anmoins, il dc+le quatre mobiles $istoriques qui ont "avoris l&mergence
d&une conscience supranationale : la d"ense contre les Eurcs 6motivation qui
pourrait revenir au premier plan sous la "orme du "ondamentalisme islamique8,
la domination d&une puissance sur les autres 6le respect de l&quilibre
europen8, le maintien de la pai3, et le besoin d&un largissement du marc$
6qui est insu""isant en soi pour "orger une ide europenne8. L&auteur conclut :
Y La d"inition de celui5ci Jl&esprit europenK a vari en "onction des ralits
que les auteurs avaient sous les !eu3 et n&a aucune prennit. Ias plus que
n&ont de continuit dans le temps les diverses d"initions de l&Durope $istorique
et gograp$ique Z 61N8. P l&appui de sa t$+se, il propose une srie de cartes qui
dessinent les di""rentes "ormes que l&Durope a pu prendre au cours de son
$istoire. Oe "ait, selon les poques envisages ou les auteurs c$oisis, l&Durope
c$ange considrablement de taille et de "orme : tantLt elle se rduit au monde
de la 7r+ce classique, tantLt elle s&tend au monde c$rtien ou englobe la
civilisation celte... Iar ces remarques, monsieur @ae! esp+re emp'c$er qu&un
m!t$e europen ne se substitue au m!t$e national, car il est
vraisemblablement adepte de l&universalisme. @a contribution clLture d&ailleurs
l&ouvrage dirig par 9nne Corelli, ce qui n&est pas innocent 6158.
ertains ne semblent pas vouloir comprendre que l&Durope et l&Dmpire sont des
concepts d!namiques, qui ne poss+dent donc pas de limites d"initivement
arr'tes. P la mutabilit de l&Durope dans l&espace, nous opposons la
permanence de l&ide d&Dmpire dans le temps. Oepuis la dposition de Vomulus
9ugustule, Dmpire et Durope ne co]ncident plus. ?otre continent recouvrera sa
puissance lorsqu&il aura ( nouveau ralis l&adquation entre son territoire et sa
civilisation.
Y L&Dmpire n&est pas une dmocratie Z geindront d&autres bonnes Smes... Dn
e""et, comme le remarquaient d*( les p$ilosop$es des Lumi+res et les grands
*uristes du _\AAe si+cle, la dmocratie ne convient qu&au3 petits 4tats. ela
n&emp'c$e pas qu&elle puisse e3ister au sein de l&Dmpire, au niveau local. ?ous
concevons aisment, au centre, un 4tat puissant, aristocratique 6au sens
t!mologique8 qui se c$argerait de la politique trang+re, de l&arme, des
grandes orientations conomiques... et, ( la prip$rie, des rgions qui
e3erceraient les comptences d&enseignement, de culture et assureraient
l&administration locale. Oe plus, comme l&crivait Jean E$iriart, Y La libert
6relle et non pas "ormelle8 est directement proportionnelle ( la puissance de
sa patrie Z. Les cito!ens d&une nation asservie sont des ser"s, quelque soit son
mode de gouvernementB ils ne sont pas "rancs si une puissance e3trieure leur
impose une mani+re de penser et d&agir.
?<@ D??DCA@
Oemandons5nous plutLt, en de$ors de toute considration morale, si l&Durope
poss+de les mo!ens de la grandeur. Dn gros, nous pouvons avancer que les
lments dterminants sont la "orce militaire, le potentiel industriel ou la
ric$esse, la population et la super"icie. Muand on l&envisage comme un
ensemble co$rent, l&Durope dtient ces lments. @euls deu3 autres pLles
*ouissent d&avantages comparables : les 4tats50nis et le Japon 61.8 6et encore
manque5t5il ( ce dernier la super"icie8. La DA est $ors course pour longtemps et
la $ine n&a pas encore atteint un degr de dveloppement su""isant, mais, dans
l&avenir, il "audra sans doute compter avec ces deu3 acteurs de second plan.
L&Dmpire europen, au sens lato sensu, s&inscrirait logiquement dans la ligne
romaine. Ilusieurs menaces l&incitent ( se "ormer : les barbares 6178
musulmans, les barbares mercantiles, et ses deu3 pLles concurrents. &est
seulement en nommant ses ennemis que l&Durope recouvrera son destin. Les
intgristes musulmans ne constituent pas encore un danger srieu3 au point de
vue militaire, mais ils reprsentent un "acteur de troubles sur la "aRade sud de
l&Durope et ( l&intrieur m'me de ses "ronti+res. Vappelons que les mouvements
islamistes sont en partie "inancs par les 4tats50nis, notre autre ennemi. Iar
#barbares mercantiles#, nous dsignons les spculateurs internationau3, ceu3
qui *ouent ( l&conomie casino, contre lesquels l&Durope devra se protger.
Le Japon a accru son poids en s&associant au sein de l&9@D?9 au3 #petits dragons
asiatiques#. Cais l&ensemble manque de co$sion politique. <n trouve ainsi
parmi les membres de l&9@D?9 le \iet5?am e35communiste, qui, e""ra! par le
rarmement c$inois, se c$erc$e des allis. Les petits pa!s membres se sont
dvelopps plus vite que le Japon qui a ainsi perdu sa prminence absolue au
sein de l&9@D?9. Al est probable que le Japon tentera d&tendre son in"luence
vers les steppes russes qui regorgent de mati+res premi+res. Al entamera alors
une course avec l&Durope et peut5'tre la $ine dont l&attitude sera
dterminante pour l&quilibre de la rgion. \a5t5elle concurrencer le Japon ou
s&allier avec lui F
Les 4tats50nis prsentent des caractristiques singuli+res : ils ne se sont pas
constitus au dpart d&un groupe de communauts $istoriques, mais ( partir
d&un magma d&individus venus des quatre coins du monde. Leur culture rsulte
de la s!ncr+se de valeurs importes. ette culture est considre comme un
ob*et commercial, un mo!en de "aire en sorte que l&autre "inisse par leur
ressembler en ac$etant leurs produits. 9lors que l&Dmpire c$erc$e la
distinction, les 4tats5unis visent l&assimilation. @a stratgie se con"ond avec
celle de l&conomie5monde.
?<EVD I9@@4 DE ?<EVD 9\D?AV
L&Dmpire est le mo!en de surmonter la nation et la rgion. Al est le seul m!t$e
capable de "orger un patriotisme europen. Cais, trop de rgionalistes veulent
crer de mini54tats5nations. Iourtant, le __Ae si+cle sera l&+re des grands
ensembles. Cais, l&4tat5nation dsire l&galit, l&uni"ormit, la centralisation. Al
tablit une loi unique sur l&ensemble de son territoire. 9u contraire, l&Dmpire ne
poss+de pas une autorit gale dans toutes ses contres. ertaines rgions
peuvent bn"icier de statuts particuliers, transitoires ou d"initi"s. 9insi, dans
l&empire romain, le droit romain se superposait au3 droits locau3 sans les
liminer. >ien sHr, le droit public tait uni"i, mais en mati+res prives, le
cito!en recourait selon les cas au droit romain ou au droit local. Les us et
coutumes des diverses et$nies taient ainsi prservs. L&e3istence de statuts
intermdiaires "acilite l&intgration de nouveau3 pa!s : certains, qui auraient
re"us une intgration immdiate, accepteraient nanmoins une procdure plus
douce qui mnagerait une priode d&adaptation. Muant ( la rsolution des
con"lits et$niques par l&Dmpire, elle est un devoir et une ncessit. Oans un
mod+le imprial, la question de l&intervention arme en iougoslavie ne se
serait pas pose. Mue cette rgion soit en bordure de l&Dmpire ou ( l&intrieur,
ses lgions auraient marc$ immdiatement.
?ous assistons ( un p$nom+ne nouveau : un ensemble d&4tats5nations tentent
de s&unir. Cais l&idologie librale pousse vers l&Durope minimale, la
con"dration B or l&Dmpire a besoin d&un centre uni"icateur, agrgateur, d&un
no!au massi".
L&e3emple de l&9utric$e5,ongrie nous intresse au premier c$e", car il se
rapproc$e par divers aspects de la situation europenne. O&abord par son
processus de "ormation : il s&est constitu par agrgation paci"ique d&un
ensemble de principauts au "ur et ( mesure des $ritages de la "amille
,absbourg. Cais il a clat sous la pression des diverses et$nies qui, in"estes
par l&idologie librale, rclamaient la constitution d&4tats5nations. Ourant
quelques diGaines d&annes, l&9utric$e5,ongrie "ut m'me un 4tat bicp$ale. La
isleit$anie et la Eransleit$anie partageaient un souverain commun intronis
deu3 "ois. Cais les deu3 parties de l&Dmpire se gouvernaient selon une logique
d&4tat contradictoire avec la notion d&Dmpire. Al ne s&agissait pas d&un ensemble
d&et$nies in"ods ( l&empereur, mais d&une con"dration de deu3 4tats, eu35
m'mes peu $omog+nes. Oans l&un dominaient les 9llemands, dans l&autre les
,ongrois, mais c$acun comprenait de nombreu3 peuples minoritaires. Les
9llemands leur accordaient l&autodtermination, mais eu35m'mes ne
disposaient pas d&4tat propre, tandis que les ,ongrois en possdaient un qui
regroupait d&autres et$nies dont les droits ( l&autonomie n&taient pas reconnus.
Dn "ait, l&Dmpire aurait tr+s bien pu se perptuer apr+s la premi+re guerre
mondiale si les allis n&en avaient dcid autrement. L&instauration d&une pa3
austria aurait emp'c$ nombre de guerres balkaniques. ?ous pa!ons encore
actuellement les traits de \ersailles et de @aint57ermain qui ont divis
l&Durope 6118.
La construction europenne passe ncessairement par la destruction des
anciens 4tats5nations. Oeu3 processus sont envisageables B le premier, dou3,
consisterait en la dvolution progressive de leurs comptences vers l&Durope et
les rgions B la seconde, brutale, pourrait survenir si nos politiciens persv+rent
dans leur aveuglement : l&clatement pi+ce par pi+ce de la ommunaut,
comme l&e35Ec$coscolovaquie.
Mui bStira cette Durope F Dn ce domaine, nos $ommes politiques se rv+lent,
comme souvent, aussi gnreu3 en paroles qu&avares en actes. ?ous
connaissons une caste de "onctionnaires europens, mais la plupart rclame
plus un 7rand Carc$ qu&une Durope politique, une ,"onomie<monde plutLt
qu&un empire U Oe plus, la volont de reconna;tre l&ennemi n&e3iste pas encore.
?e comptons pas non plus sur le corps lectoral. Les $ommes se m"ient
naturellement du c$angement et de l&inconnu. Eant qu&ils conserverons quelque
espoir dans le s!st+me actuel, tant qu&ils ne discerneront pas les causes
pro"ondes de la crise et tant qu&ils craindront de perdre les maigres revenus que
l&4tat leur assure encore, ils ne se rvolteront pas. Iourtant, ils ne d"endront
pas non plus ce s!st+me dont ils sont mcontents. La rvolte ouverte tant,
dans leurs esprits, e3clue, certains e3priment leur dsapprobation par le vote.
Cais, parmi les m'mes, vous en trouvereG peu qui accepteront de signer la liste
de prsentation de candidats d&une petite liste contestataire ou
rvolutionnaire. @euls dans le secret et l&anon!mat de l&isoloir, ils osent dvoiler
leur sentiment. Cal$eureusement, un rsultat statistique n&a *amais modi"i le
cours de l&,istoire. Oe surcro;t, au*ourd&$ui, la plupart des gens ne connaissent
de l&Durope que des r+glements contraignants, les dlocalisations et les
regroupements d&entreprises, ainsi que les #plans de convergences budgtaires#
en vue de crer la monnaie unique. Vien qui ne soul+ve l&ent$ousiasme des
"oules.
Dn "ait, l&Durope ne se ralisera qu&au bord du gou""re, lorsqu&elle appara;tra
comme le dernier recours. Dlle sera une %uvre de l&,istoire et non de la raison.
Cais auparavant, un parti, un ordre europen devra se constituer, car le
moment venu, les vnements se prcipiteront ( une telle vitesse qu&aucun
groupe ne disposera du temps ncessaire ( sa structuration. La rvolution
"ranRaise o""re un bon e3emple de la drive vers le c$aos. 0n petit groupe
rsolu et bien organis peut remporter de grands succ+s, d&autant plus qu&une
ma*orit sans cesse croissante de la population est apat$ique. [ourbissons donc
nos armes en attendant que survienne le moment propice.
a [rdric KA@EDV@
j notes :
1- TOYNBEE (A)! La grande aventure de l'humanit! "a#ot! 1994 (1er $d an%&aise
197')! ('( p
) - *A++E,-TE.N (.)! Capitalisme et conomie-monde (1460-1640)! "aris! 19/0! t .! p
111
1 - 2A345E- et -36E.7 (2o8n)! ome et l'intgration de l'!mpire! "aris! 199) ()9 $d)!
p )9-17 et :i:&io%rap8ie p ;;..-;;< (n)4' = 1)))
4 - +e pr$sent arti>&e doit :eau>oup = ?.+.--EN (2o8n)! Les "rands !mpires # La notion
d'empire dans l'histoire universelle! Bruxe&&es! $d de &a +i:rairie en>#>&op$di@ue! 1971! p
7(9-//( (,e>uei& de &a -o>i$t$ 2ean Bodin pour &A8istoire >oBparatiCe des institutions!
;;;.) @ui est &a >on>&usion et &a s#nt89se dAun >o&&o@ue or%anis$ par &a BDBe so>i$t$ en
1971 On trouCera aussi de noB:reuses resseB:&an>es entre &Aid$e dAEBpire et &e
>on>ept "rossraum $&a:or$ par 3ar& ->8Bitt E FE5E,BA36 (2ean-+ouis)! G +a t8$orie
du "rossraum >8eH 3ar& ->8Bitt I dans Comple$io oppositorum% &'er Carl (chmitt! $d
6e&But8 4uarits>8! Ber&in! 19/'! p 401-41/ N$anBoins! si tout eBpire poss9de un
"rossraum! &e "rossraum ne se >onJond pas aCe> &AEBpire! &e "rossraum d$:orde &es
Jronti9res de &AEBpire
( - ,eBar@ue dAA&ain BesanKon &ors dAun >o&&o@ue E Le concept d'empire! dir Mauri>e
7uCer%er! "5F! 19/0! p 4/)-4/1 (3entre dAana&#se >oBparatiCe des s#st9Bes
po&iti@ues)
F,E5N7 (2u&ien)! L'essence du politi)ue! "aris! 19/' (19re $d 19'()! p ((/ s@
' - FE5E,BA36 (2+)! op >it! p 404 L T6.,.A,T (2)! La grande nation europenne #
L'!urope unitaire% *+inition du communautarisme europen! -+! 19'4! passiB
7 - F,E5N7 (2)! op >it! p 1)9
/ - FO+M (,)! L'ide d'empire en ,ccident # *u -e au ./-e si0cles! "aris! 19(1! )(1 p
(3o&& 8istori@ue)
9 - 2+ FE5E,BA36 $>rit = >e propos E G 5n "rossraum doit en eJJet dAa:ord se tai&&er
un espa>e () J$d$rateur I! op >it! p 40'-407 -ur &a notion de Jronti9re dans &Nesprit
des ,oBains! on >onsu&tera *6.TTAOE, (3,)! Frontiers o+ the oman !mpire% 1
(ocial and !conomic (tud2! Ba&tiBore-&ondres! 1994! ;<.-140 p et Fronti0res d3!mpire%
4ature et signi+ications des +ronti0res romaines! A>tes de &a ta:&e ronde internationa&e de
NeBours! 199)! NeBours! 1991! 1(7 p (M$Boires du Mus$e de &a pr$8istoire dN.&e-de-
Fran>e! ()
10 - G +AEBpire est (i>i) = &a Jois une >oBBunaut$ de >u&ture et une >oBBunaut$ de
destin I! T6.,.A,T (2)! La grande nation # L'!urope unitaire% *+inition du
communautarisme national europen! Bruxe&&es! Ma>8iaCe&! 199) (19 $d)! (nouCe&&e)
t89se 14
11 - *E,NE, (OF)! +AEBpire >aro&in%ien et &e -aint EBpire! dans Le concept
d'!mpire! dir M 7uCer%er! "aris! 19/0! p 1(1-19/
1) - *A++E,-TE.N! op >it! p 19-)0
11 - <oir aussi +O6A5-EN (?a& 2 Con)! eich !uropa (+AEBpire europ$en)! paru dans
4ation !uropa! Bai-Puin 19/1 L tradu>tion et $dition JranKaise E -A5<E5, (Y)! Jean
5hiriart et le national-communautarisme-europen! 38ar&eroi! Ma>8iaCe&! 19/4! p )11-
))9
14 - -AEY ("ieter)! +es Jronti9res! &Aan>iennet$ et &a nature de &AEurope! dans Les grands
m2thes de l'histoire de 6elgi)ue7 de Flandre et de 8allonie! dir A More&&i! Bruxe&&es!
E<O! 199(! p )91-10/
1( - .deB! p 107-10/
1' - Nous aCons d$P= eu par ai&&eurs &No>>asion de >riti@uer &NouCra%e >o&&e>tiJ diri%$ par
A More&&i E O.-TE,- (F)! G Q propos des R%rands B#t8es de &N8istoire de Be&%i@ueR
dNAnne More&&i +N8istoire Banipu&$e I dans 4ation !urope n '! 199'! p )1-)(
17 - O.-TE,- (F)! G +AEurope dans &e Bonde tripo&aire I! -ouloir n1 N- (A- 114/11/)!
1994! p 4(-(1 RBar:areR au sens $tran%er = &AEBpire et = sa >iCi&isation
1/ - BE6A, (")! L'1utriche-9ongrie7 ide d'avenir # permanences gopoliti)ues de
l'!urope centrale et 'al:ani)ue! "aris! 1991! 1/7 p (+e Bon -ens) L FE2TS (FranKois)!
e)uiem pour un empire d+unt # histoire de la destruction de l'1utriche-9ongrie! s&!
19//! 41' p
5<0 =-5 0>./55-5
5/0/T<-==-5 D- =?-./0-
Le probl+me de l&empire, dans son acception la plus $aute, est celui d&une
organisation supranationale telle que l&unit n&agisse pas dans le sens d&une
destruction et d&un nivellement de la multiplicit et$nique et culturelle qu&elle
englobe. 9insi pos, le probl+me de l&empire admet deu3 grands t!pes de
solution : si la premi+re est d&ordre =uridi4ue, la seconde est d&ordre spirituel.
Iour la premi+re, l&unit de l&empire est celle d&une simple organisation
politico5administrative, d&une loi gnrale d&ordre, au sens le plus empirique du
terme. Oans cette $!pot$+se, les qualits, les cultures et les traditions
spci"iques des divers peuples runis au sein de l&empire ne sont pas lses, du
simple "ait que vis5(5vis d&elles, ce dernier demeure indi""rent et tranger. Aci,
la seule c$ose qui importe ( l&empire, c&est la simple organisation politico5
administrative de pair avec la pure souverainet *uridique. L&empire se
comporte, ( l&gard des peuples, e3actement comme l&4tat agnostique libral se
comportait vis5(5vis des particuliers, au3quels il laissait "aire ce qu&ils voulaient,
sous rserve que certaines lois gnrales "ussent respectes.
P l&poque moderne, un e3emple caractristique d&empire ainsi conRu nous est
donn par l&empire britannique. ertains ont voulu 6>r!ce par e3.8 tablir une
analogie sur de semblables crit+res, entre l&empire britannique et celui de la
Vome antique. C'me c$eG nous, des $istoriens n&ont pas manqu de tomber
dans la m'me erreur, consistant ( considrer dans l&empire romain son seul
aspect *uridique et politique, et ( ngliger ^ ou ( tenir pour accessoire ^ toute
prmisse d&ordre suprieur, qu&elle soit spirituelle ou religieuse.
Al n&en est pas moins vrai qu&avec Vome se pro"ile, d*( une organisation
impriale du se"ond type, correspondant en d&autres termes, ( la seconde
solution. Dt celle5ci veut que l&unit soit dtermine par quelque c$ose de
spirituellement plus minent que le particularisme de tout ce qui c$eG les
peuples, se trouve conditionn par l&lment et$nique et naturaliste.
Oans la Vome antique, on eut une ralit de ce genre ( double titre. Eout
d&abord, en vertu de la prsence d&un t!pe unique et d&un idal unique
correspondant au civis romanus, lequel n&tait nullement, comme d&aucuns
l&imaginent, une pure "ormule *uridique, mais une ralit t$ique, un mod+le
$umain a!ant une valeur supranationale. Dn second lieu, Vome posa, ( titre de
point de r"rence transcendant, le "ulte imp,rial. Le %anth,on romain on le
sait, accueillait les s!mboles de toutes les "ois et de toutes les traditions
et$nico5spirituelles des races soumises ( Vome, que celle5ci respectait et
par"ois protgeait. Cais cette $ospitalit et cette protection avaient pour
prsuppos et pour condition une #"idlit# 6fides8 d&ordre suprieur. 9u5dessus
des s!mboles religieu3 rassembls dans le %anth,on, trLnait le s!mbole de
l&Dmpereur, conRu comme numen& comme 'tre divin : celui5ci incarnait l&unit
m'me, transcendante et spirituelle, de l&empire, car l&empire de la tradition
romaine tait conRu moins comme une %uvre simplement $umaine que comme
celle des "orces d&en $aut. La "idlit ( ce s!mbole tait la condition premi+re.
O+s lors qu&avait eu lieu le serment de "idlit sous la "orme d&un rite sacr,
toute "oi ou tradition particuli+re des peuples soumis ^ dans la mesure o) elle
ne lsait ni n&o""ensait l&t$ique et la loi gnrale romaines ^ tait accepte et
respecte.
Xest en ces termes que la Vome antique s&o""re ( nous comme un e3emple
d&organisation impriale a!ant une valeur ternelle et universelle. Dn e""et, il
su""it de substituer au3 "ormes, conditionnes par le temps, d&une solution
comme celle5ci, d&autres "ormes pour bala!er toute apparence d&anac$ronisme
^ et pour prendre conscience que quiconque voudrait au*ourd&$ui aborder le
probl+me d&un empire spirituel ne saurait envisager d&autres perspectives.
e qui serait e""ectivement beaucoup plus #anac$ronique#, de nos *ours,
consisterait ( envisager une organisation supranationale "onde sur l&a""irmation
d&une ide religieuse particuli+re, "Ht5elle c$rtienne. ?ul ne peut
raisonnablement considrer comme actuelle, ( l&$eure qu&il est, l&ide de
revenir ( un empire de t!pe espagnol, ultracat$olique et inquisitorial comme
celui de $arles Muint. Cais m'me si l&on e3clut cette "orme e3tr'me bien que
co$rente, d&autres "ormules, plus vagues et plus #intellectuelles#, d&unit
supranationale "onde unilatralement sur lu religion n&en montrent pas moins,
( l&anal!se, le m'me d"aut. Oans le cadre d&un vaste ensemble tel que
l&empire, on ne peut laisser de cLt le "ait qu&e3istent de nombreuses traditions
religieuses, la plupart du temps d&une dignit et d&une lvation spirituelle
comparables. @i l&empire recourait ( la violence pour raliser son unit, en la
"ondant sur l&a""irmation et la reconnaissance d&une religion au dtriment des
autres, il est bien clair que nous nous trouverions con"ronts ( une
mani"estation de sectarisme plutLt qu&( un universalisme spirituel.
L&e3emple imprial qui se pro"ile avec le "ascisme semble, du reste, indiquer
d*( un dpassement de cette perspective. Dn e""et, dans l&empire "asciste, le
cat$olicisme reprsente la religion nationale du peuple italien, tandis que
l&empire se dclare simultanment protecteur de l&Aslam, et qu&il a reconnu et
respecte la religion copte galement. Mu&est5ce que cela signi"ie, sinon qu&avec
le "ascisme s&a""irme l&e3igence d&un point de r"rence qui, d*(, se situe par5
del( celui propre ( une "oi religieuse particuli+re F ?ous disons #par5del(# et
non pas #en de$ors de#, car il convient de garder ( l&esprit que le "ascisme
poss+de galement une t$ique, une spiritualit, un t!pe $umain, une
aspiration ( traduire en termes de volont dominatrice le sens d&une ralit
permanente et universelle. Al ne peut donc s&agir, dans ce cadre, d&un simple
respect, indi""rent et agnostique, sur le mod+le de la premi+re des deu3
solutions que nous voquions au dpart, mais bien du principe d&une ralisation
d&ordre suprieur et #romain#.
eci reconnu, le probl+me gnral des prmisses spirituelles de l&empire
consiste ( d"inir le principe en "onction duquel on peut simultanment
reconna;tre et dpasser toute "oi religieuse particuli+re des nations qui le
constituent. Eel est le point "ondamental. L&empire au sens vrai, en "ait, ne
peut e3ister que s&il est anim par une "erveur spirituelle, une "oi, quelque
c$ose qui puise au3 m'mes sources spirituelles que celles dont la religion tire
sa raison d&'tre. @i cela "ait d"aut, on n&aura *amais qu&une cration "orge par
la violence ^ #l&imprialisme# ^, simple superstructure mcanique et sans Sme.
&est pourquoi il est ncessaire de capter ^ si l&on peut dire ^ les "orces m'mes
qui agissent au sein des "ois religieuses sans que celles5ci s&en trouvent le moins
du monde lses, mais au contraire intgres et sublimes. <r, une voie e3iste
pour ! parvenir : elle nous est d,.oil,e par la "on"eption selon la4uelle toute
tradition spirituelle et toute religion ne repr,sentent 4ue l)e+pression
parti"uli7re d)un "ontenu uni4ue& ant,rieur et sup,rieur / "ha"une de ses
di.erses e+pressions. @avoir remonter *usqu&( ce contenu unique et, pour ainsi
dire, supertraditionnel, signi"ierait galement disposer d&une base solide pour
"onder une unit qui ne dtruise pas, mais int+gre toute "oi particuli+re,
d"inissant ainsi une #"idlit# impriale, par r"rence, prcisment, ( ce
contenu d&ordre suprieur. Trans"ender, selon l&t!mologie latine, signi"ie
#dpasser en montant# : toute lXessence du probl+me est contenue dans ce mot.
Limitons5nous, pour lXinstant ( ces grandes lignes gnrales : elles nous
serviront de point de dpart dans un proc$ain article pour des considrations
qui mettront davantage en lumi+re la conception dveloppe dans ces
colonnes.
a @ulius -%ola in Essais Politiques, ar)As. Te*te )e 193B.
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I,&!ialis,e
-noncer l'imprialisme
Iarler de l&imprialisme n&est pas une
c$ose "acile. Le su*et est tr+s vaste. Le mot recouvre plusieurs acceptions, son
utilisation sert souvent des ob*ecti"s tr+s di""rents. Oe plus, il a t galvaud,
utilis ( trop mauvais escient par l&idologie soi3ante5$uitarde, au*ourd&$ui en
totale dliquescence, considre par ses sectataires d&$ier comme une
s!mpat$ique vieillerie.
Le 7ol"e : rptition d&un vieu3 scnario
Iourtant, les vnements actuels, en l&occurrence l&a""aire du 7ol"e Iersique, le
con"lit irako5amricain, remettent sur le tapis la question irrsolue et re"oule
de l&imprialisme. Le procd utilis par >us$ contre @addam ,ussein rappelle
"urieusement, ( ceu3 qui savent s&en souvenir, la question d&<rient qui a
proccup l&Durope ( la veille de la Iremi+re 7uerre mondiale. P cette poque,
l&alliance entre l&9llemagne de 7uillaume AA et l&Dmpire ottoman "ondait une
continuit territoriale, gopolitique et gostratgique d&,ligoland en Cer du
?ord ( l&embouc$ure de l&Dup$rate sur les rives du 7ol"e Iersique. et tat de
c$oses tait inacceptable pour les t$oriciens de l&Dmpire britannique, car pas
une puissance, ( leurs !eu3, ne pouvait occuper des points stratgiques
importants dans l&<can Andien. La prsence germano5turque dans le 7ol"e
constituait une menace pour les Andes, cle" de voHte de l&Dmpire.
9pr+s avoir dpec l&Dmpire ottoman vaincu en m'me temps que l&9llemagne et
l&9utric$e5,ongrie, les >ritanniques, anims par la m'me logique, re"usent
l&unit arabe, pourtant promise ( un La-rence d&9rabie, "avorisent
l&implantation des premi+res colonies sionistes en Ialestine et crent en 19//
le Ko-e]t ( l&embouc$ure de l&Dup$rate, condamnant de la sorte le *eune 4tat
irakien ( dpendre de Londres pour le commerce international. Oans l&optique
britannique, aucun 4tat ne pouvait prendre le relais de la Eurquie ottomane au
"ond du 7ol"e, "Ht5il une toute petite puissance comme l&Arak.
ette vieille stratgie qui consiste ( emp'c$er un hinterland de bn"icier des
"acilits de ses propres cLtes avait d*( t applique en Durope en 1.N1, lors
des traits de =estp$alie : quand la ,ollande est dtac$e du Veic$ et contrLle
les embouc$ures du V$in, de la Ceuse et de l&Dscaut, condamnant l&9llemagne (
ne pas avoir de destin au5del( des mers. La @u+de, elle, occupe les
embouc$ures de la =eser et de l&Dlbe, et *ugule ainsi toute initiative qui
prendrait le relais de la ,anse.
9u*ourd&$ui, c&est e3actement, *e le rp+te, la m'me logique qui est ( l&%uvre :
l&Arak, quasi autonome sur le plan alimentaire ^ ce qui est une grande victoire
du rgime baat$iste ^ disposant de ressources importantes en mati+res
premi+res, essentiellement du ptrole, tait oblig de passer sous toutes les
"ormes de "ourc$es caudines que lui imposait le Ko-e]t, cette cration
arti"icielle des bureau3 londoniens. Les 17 millions d&Arakiens taient oblig de
pa!er un tribut constant au3 1::.::: Ko-e]tiens, tous, en leur personne, relais
des grands trusts britanniques e3ploitant le ptrole. Oes relais qui, de surcro;t,
investissaient toutes leurs plus5values ( Londres ou ( ?e- iork, Ltant ainsi (
leur propre peuple des capitau3 qui auraient pu servir ( des travau3 d&irrigation
( grande c$elle, ( la cration d&universits et d&coles tec$niques, ( donner un
travail valorisant au surplus dmograp$ique arabe, ce qui aurait permis
d&ordonner et de normer les "lu3 migratoires.
ette logique comple3e, ( vitesses multiples, avec ses "acettes gostratgique,
"inanci+re, militaire, cette logique que l&on a nomm #imprialiste#, est
prcisment cette logique qui "avorise le parasitisme ( grande c$elle, le
parasitisme des petits rentiers oisi"s qui vivaient des dividendes de l&Dmpire
$ier, et qui vivent au*ourd&$ui des dividendes du Eiers5Conde ou des capitau3
ko-e]tiens ou saoudiens, investis dans les banques occidentales.
O"inir et dnoncer l&imprialisme
ar l&imprialisme n&est pas le colonialisme qui, t!mologiquement, signi"ie
d"ric$age de terres vierges ou rentabilisation de terres arides. Le colonialisme
peut 'tre intrieur, non agressi", comme pendant l&+re agronomique en [rance
au _A_e si+cle, dans les Gones sablonneuses et les landes d&9llemagne du ?ord,
dans les polders $ollandais gagns sur la mer, etc.
ar l&imprialisme ne proc+de pas d&une conscience identitaire nationale B ses
mani"estations se quali"ient par un mot que l&on a oubli au*ourd&$ui mais que
les polmistes du dbut de notre si+cle n&$sitaient *amais ( emplo!er : le
*ingo]sme. 0n mlange de clinquant, de tintamare triomp$aliste et de sadisme.
&est la cloc$ette "olklorique pour *usti"ier le massacre d&indig+nes rcalcitrants
dans des colonies lointaines, des indig+nes qui par leur e3istence m'me
pourraient "aire diminuer les dividendes. IenseG : ils doivent se nourir, les
bougres... ka coHte c$er... ka "ait c$uter les cours en bourse... Mu&on se rapelle
les ipa!es ou les Ca$distes ou les >oers... <u les Arakiens qui rclament une
cLte5part au3 sheiks du Ko-e]t pour avoir pa! le lourd impLt du sang pendant
la guerre qui les opposait ( l&Aran.
Jingo]stes sont les dclamations ron"lantes de la propagande amricaine.
omme taient *ingo]stes les manc$ettes des "euilles londoniennes quand les
soldats kak$is parquaient les "emmes et les en"ants boers dans des mouroirs
sinistres entours de barbels qu&on n&appelait pas encore camps de
concentration... L&ob*et de ce crime : les mines d&or du Eransvaal B l&ob*et du
blocus du 7ol"e : le ptrole de Cossoul.
Le *ingo]sme, ersatG imprialiste du r"le3e identitaire
Le *ingo]sme, crivait un polmiste britannique du nom
de ,obson en 19:/, Y c&est uniquement la convoitise non ennoblie par un
e""ort, un risque ou un sacri"ice personnel quelconque, du spectateur qui se
dlecte des dangers, des sou""rances et de l&e3termination de ses "r+res, qu&il
ne connait pas, mais dont il sou$aite ardemment l&anantissement, dans un
acc+s de $aine et de vengeance aveugle et arti"iciellement provoqu. Le
*ingo]ste est enti+rement absorb par le risque et la col+re aveugle de la lutte.
La di""icult et la monotonie pesante d&une marc$e, les longues priodes
d&attente, les dures privations, l&accablement d&une longue campagne, ne *ouent
aucun rLle dans son imagination. Les moments qui ennoblissent la guerre, le
beau sentiment de la camaraderie que dveloppe le danger commun, les "ruits
de la discipline et de l&abngation, le respect de la personne de l&ennemi dont
on doit reconna;tre le courage, et dans lequel on reconna;t peu ( peu un
$omme, son semblable, tous ces moments qui attnuent la ralit de la guerre,
sont des sentiments absolument inaccessibles au *ingo]ste....
Al est tout ( "ait vident que la volont du *ingo]ste spectateur est un "acteur
tr+s srieu3 de l&imprialisme. La "ausse dramatisation tant de la guerre que de
toute la politique d&e3pansion imprialiste en vue de dvelopper cette passion
dans les larges masses occupe une place importante dans l&art des vritables
organisateurs des e3ploits imprialistes : les petits groupes d&$ommes d&a""aire
et d&$ommes politiques qui savent ce qu&ils veulent et comment l&obtenir.
9veugl par l&aurole vraie ou "ausse de l&$ro]sme militaire et les brillantes
prtentions ( l&di"ication d&empires, le *ingo]sme devient l&Sme d&un
patriotisme particulier que l&on peut pousser ( n&importe quelle "olie ou (
n&importe quel crime Z. \oil( ce que nous disait ,obson en 19:/ et que Lnine
a consign soigneusement dans ses ca$iers sur l&imprialisme 6a$ier #kappa#8.
La con*onction de la pratique imprialiste et de l&$!strie *ingo]ste prpare
l&+re du parasitisme gnralis. itons une nouvelle "ois ,obson .ia Lnine : Y
0ne grande partie de l&Durope occidentale pourrait alors prendre l&apparence et
le caract+re qu&ont maintenant certaines parties des pa!s qui la composent : le
@ud de l&9ngleterre, la Viviera, les rgions d&Atalie et de @uisse les plus
"rquentes des touristes et peuples de gens ric$es : ( savoir une poigne de
ric$es aristocrates recevant des dividendes et des pensions du lointain <rient, (
laquelle viennent s&a*outer un groupe de plus en plus nombreu3 d&emplo!s
pro"essionnels et de commerRants et un nombre plus importants de
domestiques et d&ouvriers occups dans les transports et dans l&industrie
travaillant ( la "inition des produits manu"acturs. Muant au3 principales
branc$es de l&industrie, elles dispara;traient et la grande masse des produits
alimentaires et semi5ouvrs a""luerait d&9sie et d&9"rique comme un tribut Z.
Iaroles prop$tiques... ( l&$eure o) l&Durope ne *ouit pas d&une pleine
indpendance alimentaire et o) un grand nombre d&ob*et de consommation
nous viennent de Ea]-an, de @ingapour ou de $ine.
?ous retrouvons une anal!se similaire dans une tude rcente, sur
l&imprialisme "ranRais cette "ois, due ( la plume de J. Carseille. e pro"esseur
contemporain, ( la suite d&une tude minutieuse des c$i""res, dmontre que
l&aventure imprialiste "ranRaise a t un "rein ( l&essor, au dveloppement et (
la modernisation du capitalisme "ranRais mtropolitain. Dn d&autres termes, si la
[rance a au*ourd&$ui plus de probl+mes que l&9llemagne dans le *eu de la
concurrence internationale, c&est parce qu&elle a trop investi dans son empire
*adis et n&a pas mis, ( l&instar de sa voisine germanique, sur les nergies
nationales autoc$tones. Iour J. Carseille, au contraire, la dcolonisation, dans
les annes soi3ante, "avorise l&closion d&une industrie "ranRaise par"aitement
apte ( la concurrence.
L&$istorien conservateur britannique Iaul Jo$nson parle, pour sa part, d&hubris
JdmesureK et de n,m,sis JvengeanceK quand il voque le lent dclin de
l&empire britannique, tout en citant >ismarck qui a eu cette parole tranc$e :
#Les colonies n&ont pas plus d&utilit pour nous qu&une "ourrure pour un comte
polonais qui n&a pas de c$emise#. Jo$nson rappelle galement les ravages de la
Vvolution industrielle en 7rande5>retagne : les masses pa!sannes cossaises et
irlandaises ont t contraintes de travailler dans les industries ou d&migrer en
9mrique ou en 9ustralie. La 7rande5>retagne perdait de la sorte son
pa!sannat, socle de la nation.
P la m'me poque, les castes dirigeantes allemandes imposent des tari"s
douaniers pour protger le pa!sannat a"in qu&il ne soit pas contraint de partir
en 9mrique : Y l&agriculture doit nous "ournir des soldats et l&industrie doit
pa!er pour qu&il en soit ainsi Z. et a3iome de la politique allemande, partag
par les autres grandes puissances europennes, demeure la base de la politique
agricole de la DD : prserver une pa!sannerie europenne par de lourds
prl+vements dans les secteurs industriel et des services. Le regard que nous
venons de *eter sur l&$istoire permet de comprendre la logique des ngociations
scabreuses du 79EE qui viennent de se drouler ( >ru3elles, dont l&en*eu n&est
rien moins que la subsistance conomique de 5:l du pa!sannat europen, soit
/,5 millions de "amilles.
L&imprialisme : une logique de "uite et une logique parasitaire
L&imprialisme est une logique qui privilgie les pro"its immdiats au dtriment
des investissements ( long terme. Al est une logique de l&argent "acile, de la
*ouissance $doniste non une logique de travail et de discipline intrieure.
L&Dmpire britannique s&est e""ondr, nous e3plique Jo$nson, et l&9ngleterre est
devenue un pa!s pauvre parce que ses lites ont t obnubiles par la vie "acile
du rentier, de celui qui manipule $abilement les tec$niques boursi+res,
obnubils par le clinquant des aventures militaires impriales, par le *ingo]sme,
par les discussions sans ob*et des parlements de =estminster au lieu de
s&investir dans les sciences et les tec$niques, la c$imie ou la construction de
mac$ines, ( la mode allemande, et de rationaliser ainsi les processus de
production. onclusion : la logique de l&imprialisme est une logique de "uite
devant les ralits.
Logique de "uite qu&un des plus grand livre de la dcennie 1: a bien mis en
e3ergue. Je veu3 parler de l&ouvrage du pro"esseur Iaul Kenned!, The Rise and
Fall of the $reat %owers JNaissan"e et d,"lin des grandes puissan"esK, digne
$ritier du cl+bre 0,"lin de l)O""ident d&<s-ald @pengler. Kenned! souligne le
danger de l&imperial o.erstret"h Jsure+pansion imp,rialeK, de la surtension
impriale, qui "ait que la dispersion ubiquitaire de la puissance d&une nation sur
l&ensemble de la plan+te, provoque ( mo!en ou long terme des dsquilibres
budgtaires terriblement "ragilisants, si bien que l&empire d&$ier n&est plus qu&un
gringalet au*ourd&$ui. 9nal!se qui s&applique tant ( l&Dmpire britannique qu&au
rseau imprialiste amricain de notre apr+s5guerre.
<r, Voosevelt avait annonc avec "racas que le __e si+cle serait le #si+cle
amricain#, en "ait un si+cle domin par une idologie o) se m'lent
imprialisme conomique, messianisme la]que, universalisme 6one<worldisme8
et *ingo]sme. La *usti"ication morale de cet imprialisme o""ensi", de t!pe
nouveau, rside dans l&absolue certitude que l&9mrique, et l&9mrique seule,
est l&incarnation du bien en ce monde. Iour l&9dministration Voosevelt, les
institutions amricaines doivent 'tre e3portes partout dans le monde, a"in de
l&clairer, sans, bien sHr, que l&on prenne la peine de voir si cette transposition
peut ou non "onctionner dans n&importe quel conte3te.
9vec l&instrument du dollar, l&9mrique doit uni"ier le monde, s&attac$er le
monde comme un appendice : tel tait l&ob*ecti" du Ilan Cars$all. Muant au3
rcalcitrants, qui re"useraient cette batitude, le "eu de l&en"er doit les
"rapper : sous l&aspect des bombes au p$osp$ore de ,ambourg ou de Oresde, du
"eu atomique d&,iros$ima ou de ?agasaki, du napalm et des d"oliants du
\ietnam, des tapis de bombe de Ianama, et des "oudres dont on menace
actuellement @addam ,ussein.
@elon l&un des p+res "ondateurs de la sociologie moderne, le Feldmars"hall<
Leutnant autric$ien 7ustav VatGen$o"er 611N/519:N8, la barbarie se distingue
par une consommation e""rene qui engloutit plus qu&elle ne produit B la
civilisation, elle, se mesure au "ait que la production dpasse tou*ours la
consommation, par respect pour la Eerre5m+re et par souci de construire
quelque c$ose de durable pour les gnrations "utures. La socit amricaine
prsente tous les s!mptLmes de la barbarie selon VatGen$o"er. La "olie du
crdit, la spirale des intr'ts qui en dcoule, le gaspillage $ont des
ressources et des nergies, montrent bien qu&il ! a $!pertrop$ie de la
consommation dans la socit amricaine, donc dsquilibre permanent donc
barbarie.
Le Regnum grand5europen ( bStir
ette absence d&t$ique de la responsabilit, de souci du
salut public, montre que l&imprialisme, sous toutes ses "ormes, est
radicalement antinomique par rapport ( notre ide impriale. Iour nous, quand
nous utilisons le terme #empire# dans un sens positi", nous nous r"rons au
Rei"h mdival, au Regnum %kumnique europen ou, plutLt, au3 t$ories
modernes qui en rcapitulent l&esprit, comme celles d&un onstantin [rantG au
_A_e si+cle ou celles, audacieuses et contemporaines d&un Vein$old
<berlerc$er.
?otre notion d&empire n&est pas inspir de la Vome impriale d*( dcadente,
o) les provinces taient livres ( des proconsuls pillards, alors que la Vome
rpublicaine reste une source vive d&inspiration pour toute la pense politique
europenne. ?otre notion d&empire ne s&inspire pas de l&aventure
napolonienne, car, dans le sillage de la 7rande 9rme, s&instaure en Durope un
droit rvolutionnaire bourgeois et individualiste, $ostile au3 corporations et (
toutes les "ormes d&associations pro"essionnelles, d&enracinement local et
conomique.
?otre notion d&empire ne s&inspire pas non plus du mod+le britannique, car
celui5ci est conomiquement e3ploitateur et "avorise le parasitisme de petits
rentiers improducti"s. Dt quand nous parlons d&empire, nous n&voquons pas,
bien sHr, *&ai t asseG e3plicite ( ce su*et, le mod+le politique amricain que
Va!mond 9ron appelait la #rpublique impriale#.
L&Durope, si elle veut survivre, est appele ( devenir un bloc soud par le
destin, comme arl @c$mitt et Karl ,aus$o"er l&avaient prdit : un grand espace
soustrait ( toutes les ingrences e3trieures et, en m'me temps, un grand
espace qui s&abstient, dans la mesure du possible, de s&immiscer dans les
a""aires des autres grands espaces de la plan+te. D3actement dans le sens de la
vritable Ooctrine de Conroe, labore pour un espace donn, rigoureusement
circonscrit par la gograp$ie. D""ectivement, la Ooctrine de Conroe n&a pas t
conRue pour 'tre tendue au monde entier, comme l&ont "ait, par tapes
successives, les prsidents amricains E$odore Voosevelt, =ilson et [ranklin
Oelano Voosevelt.
Dn se revendiquant de la Ooctrine de Conroe, nous e3plique arl @c$mitt, ces 2
prsidents se rclamaient d&une t$+se prcise, nonce au dpart pour un
espace donn, mais l&appliquaient tous aGimuts, sans aucune restriction d&ordre
gograp$ique, ce qui est une contradiction ma*eure et une inconsquence.
ontradiction et inconsquence sur lesquelles reposent la puissance amricaine
dans le monde depuis 1917. Dn pratique, ce monopole de proclamer des
doctrines de non5ingrence doit 'tre rserv au3 4tats50nis : personne ne peut
intervenir en 9mrique mais l&9mrique peut intervenir partout. Eel est le sens
de la "ameuse Ooctrine de @timson, proclame en 192/, qui a""irme que les
4tats50nis seuls sont en droit de reconna;tre ou de ne pas reconna;tre telle ou
telle modi"ication de "ronti+re dans le monde. Dt nous voil( revenu ( l&a""aire
irako5ko-e]tienne... Dt au3 pourparlers du 79EE ( >ru3elles, o) les 4tats50nis
tentent par "orcing d&imposer leur vision de l&organisation agricole du globe.
Le 7rand Dspace doit rela!er l&4tat5?ation
Le danger que rec+le l&interventionnisme tous aGimuts des 4tats50nis et leur
volont de dicter les conditions conomiques de toutes les rgions du globe,
rend imprieuse, au*ourd&$ui, une r"le3ion sur les notions sc$mittiennes et
$aus$o"riennes du 7rand Dspace, du Regnum europen, pr"iguration d&une
alternative plantaire au one<worldisme en vogue depuis Voosevelt. Le 7rand
Dspace est l&instance qui doit englober et dpasser l&4tat5?ation issu de la
Vvolution "ranRaise. @on av+nement, en Durope et en D3tr'me5<rient, a t
retard par la victoire amricaine de 19N5. Cais malgr ce retard, sa
pertinence n&en est pas pour autant caduque.
9u sein du Regnum, les nations, les nationalits, les et$nies, les identits, les
patries c$arnelles sont ( la "ois prserves, dpasses et englobes. Le Regnum
grand5europen ne pourra pas imiter le Regnum sovitique au*ourd&$ui en
pleine liqu"action : ce Regnum sovitique ^ m'me si, sur le papier, il
prvo!ait le respect de toutes les di""rences ^ est rest un cocktail e3plosi" de
peuples unis de "orce, par une idologie communiste peu sduisante.
Le Regnum doit rassembler des nations ou des nationalits, soit des su*ets rels
et non "ormels du droit des gens, dans un pro*et commun, appu! par un
mod+le constitutionnel prcis, con*ugant l&ide gaullienne d&un
parlementarisme ( vitesses multiples, avec les partis, les pro"essions et les
rgions, ( l&ide "drale suisse et allemande, laissant au3 L>nder ou au3
cantons une large autonomie en diverses mati+res. @ans oublier une c$arte
sociale prvo!ant la participation et l&intressement.
L&Durope avance certes vers une #dvolution# gnrale : en Dspagne, en
Ec$coslovaquie, en >elgique, en 9llemagne, en 7rande5>retagne, les instances
de l&4tat central dl+guent au3 rgions une partie de leurs anciens pouvoirs,
selon le principe dit de subsidiarit, c&est5(5dire tout ce qui peut 'tre dvolu,
doit 'tre dvolu. Cais est5ce su""isant F Muel rLle devons5nous *ouer, nous les
inclassables, dans la "oule de cette tendance F ?otre rLle est de ne pas laisser
cette dvolution s&oprer sans r"orme de la reprsentation et sans volet social
d&inspiration participationniste. ?otre rLle est de traquer sans relSc$e
l&in"luence n"aste des vieilles ides vermoulues qu&ont in*ectes les partis
idologico5centrs dans le tissu social.
9sseoir cette notion saine, populiste, ancre, enracine, du Regnum, c&est
"avoriser le retour du rel, de la concrtude, du c$arnel dans l&ar+ne politique,
dans les res publi"ae, et barrer plus sHrement la route au3 ingrences de toutes
natures portes par des pro*ets irrels et irralisables, qui, comme par $asard,
sont tous d&inspiration universalistes, comme l&imprialisme amricain, qui sont
tous sans ancrage, comme les bn"iciaires de dividendes de la vieille
9ngleterre impriale.
Dn conclusion, *e vous invite ( lutter contre les discours mdiatiques qui
embra!ent s!stmatiquement sur la propagande *ingo]ste venue de =as$ington,
capitale d&un pa!s en "aillite et qui n&a, par consquence, plus aucune leRon (
nous donner. Je vous invite ( complter les invitables dvolutions
europennes par des programmes sociau3 participationnistes, en revendiquant
sans cesse une r"orme des parlements dans le sens gaullien, en engageant un
!ulturkampf sans compromis contre les reliquats des vieilles penses et des
vieilles pratiques partisanes. e qui trbuc$e, il "aut l&abattre, disait ?ietGsc$e
en voquant les vieu3 di"ices p$ilosop$iques qui ne pouvaient plus prendre le
rel ( bras le corps. P l&aube du __Ae si+cle, c&est, *e crois, une citation qu&il
convient de mditer.
Je vous remercie.
a *o+ert Steuc,ers! Vouloir n-./012 ! 34425 $inter%ention au colloCue )?Espace
Nouveau, aris, 8 )c. 199D&
La machinepropagandisteamricaineFreedomHouse
Lorganisation &6reedo% 7ouse' est0elle $rita+le%ent une organisation
ind"endante! consacrant ses e88orts 9 la "ro%otion dune $raie d%ocratie et
dune li+ert authenti#ue : ;lus #ue a%ais! le doute est "er%is <
Vcemment, lX<?7 amricaine Freedom *ouse a clbr son 7:+me
anniversaire. Oans le monde, on connait surtout cette `Caison de la Liberta
pour son rapport annuel sur les progr+s de la dmocratie et de la libert de la
presse dans le monde. Oans lXunivers mdiatique occidental, cette Freedom
*ouse est tr+s souvent cite, sous prte3te quXelle serait indpendante. e qui,
en revanc$e, est nettement moins connu, ou est plutLt sciemment tu, cXest que
la Freedom *ouse reRoit environ 1:l de son budget, de mani+re directe ou
indirecte, dXinstances amricaines o""icielles. Les quelque 11 milliards de
dollars, dont a bn"ici cette "ondation au cours de lXanne /:11, proviennent
en grosse partie du minist+re amricain des 9""aires trang+res, de lXautorit
0@ sXoccupant dXaide au dveloppement 6lX0@9AO8 ou de la ?DO 6National
#ndowment for 0emo"ra"y8 qui nXest autre que le `bras civila des services
secrets, en dXautres mots de la A9.
Al nous para;t ncessaire de *eter un regard rtrospecti" sur lX$istoire de cette
"ondation et sur le conte3te de sa cration. Vapidement, on sXaperRoit quXil
nXest nullement question dXindpendance par rapport ( lX4tat amricain. e "ut
surtout lXpouse du Irsident amricain de lXpoque, Dleanor Voosevelt, qui
prsida ( sa naissance pendant lXautomne 19N1. Dn coulisses, cXtait
videmment son mari qui tirait toutes les "icelles. LXob*ecti" de la "ondation, au
moment de sa cration, nXtait pas tant la di""usion plantaire de la
`dmocratie libralea selon le mod+le amricain, mais la cration, par
propagande s!stmatique, de toutes les conditions ncessaires pour "aire
participer directement les 4tats50nis ( la seconde guerre mondiale. La Freedom
*ouse ne dissimule nullement cette intention de dpart et, sur son site de
lXinternet, son mergence est *usti"ie par la ncessit `apr+s la "usion entre /
groupes "onds avec le soutien tacite du Irsident Voosevelt, dXobtenir
lXassentiment public ( une participation des 4tats50nis ( la guerre, ( une
poque o) les pr*ugs isolationnistes donnaient le tona. La propagande
belliciste a donc t une caractristique constante de la Freedom *ouse,
*usquX( date tr+s rcente. <n a ainsi pu constater quXen mars /::2 la Freedom
*ouse a soutenu, avec toutes la virulence voulue, la guerre amricaine contre
lXArak, contraire au droit des gens. 0ne dclaration lXatteste : Y Ou plus pro"ond
de notre c%ur, nous esprons que ces e""orts de guerre, o) les "orces
amricaines seront impliques, se drouleront au mieu3 et que la t!rannie de
@addam ,ussein tombera en coHtant le minimum en vies $umaines Z.
La qualit des membres du conseil de supervision de la Freedom *ouse nous
permet aussi de dgager une image signi"icative de la nature intrins+que de
lX<?7 : dXapr+s elle, ce conseil comprendrait Y des dirigeants dXentreprises et
de s!ndicats, dXanciens "onctionnaires gouvernementau3, des universitaires,
des crivains et des *ournalistes Z. ependant, parmi les anciens membres de
ce conseil de supervision, on trouve une proportion, suprieure ( la mo!enne,
de "aucons no5conservateurs comme Oonald Vums"eld, Iaul =ol"o-itG ou
Jeanne Kirkpatrick. es 2 personnalits, tout comme un des nouveau3 membres
de ce conseil de supervision, Kennet$ 9delman, taient tous des partisans
virulents de lXattaque contre lXArak.
9pr+s la victoire des allis occidentau3 en 19N5 et au dbut de la 7uerre
[roide, la Freedom *ouse sXest mue en un instrument de la politique
amricaine dXendiguement de lX0nion @ovitique. Le premier ob*ecti" tait
surtout de lier durablement les petites puissances dXDurope occidentale (
=as$ington. Y Xest pour cette raison que la Freedom *ouse a soutenu tr+s
activement lXalliance atlantique de notre apr+s5guerre ainsi que des stratgies
et des institutions comme le Ilan Cars$all ou lX<E9? Z. 9pr+s que les 4tats50nis
aient pu aligner comme ils le voulaient leurs `partenairesa dXDurope
occidentale, les e""orts de la [reedom ,ouse se sont "ocaliss sur la lutte contre
les 4tats mar3isants du Eiers Conde B apr+s la "in de la 7uerre [roide et
lXe""ondrement de lX0nion @ovitique, la Freedom *ouse est revenue en
Durope, pour en "aire son t$Stre dXintervention principal. Al sXagissait surtout,
dans un premier temps, de lier au3 structures euro5atlantiques les anciens 4tats
communistes dXDurope centrale et orientale. <u pour sXe3primer dXune autre
mani+re : les anciens satellites de lX0nion @ovitique devaient "aire de
=as$ington leur nouveau centre de gravitation.
Iour "aire dXune pierre / coups, la premi+re antenne e3trieure de la Freedom
*ouse est installe en 1992 en 0kraine, sous prte3te de Y travailler (
lXorganisation dXlections libres et *ustes et de ren"orcer la socit civile Z.
OXautres antennes sont installes ailleurs en Durope dans les annes suivantes,
notamment en @erbie et en ,ongrie. Cais cXest lX0kraine qui recevra la priorit
dans les e""orts de la Freedom *ouse. Iourquoi F Iarce que lX4tat
territorialement le plus vaste dXDurope est, dXune part, le pa!s par o) transite
le gaG naturel russe : il rev't d+s lors une importance stratgique cruciale B
dXautre part, la ma;trise de lX0kraine, si elle devenait "ait avr, constituerait
une avance capitale dans le pro*et amricain dXa""aiblir d"initivement la
Vussie. Iar consquence, la Freedom *ouse, pour raliser ces ob*ecti"s, a
soutenu la `rvolution orangea ( Kiev en /::NQ/::5, partiellement avec le
soutien de la [ondation Open So"iety du spculateur en bourse 7eorges @mrms.
Oans ce conte3te, Von Iaul, membre du ongr+s ( =as$ington, critiquait la
politique suivie en dcembre /::N, en soulignant que lXargent amricain
`servait surtout ( soutenir un seul candidat, au dtriment des autresa. Von Iaul
dsignait ainsi le vainqueur des lections de lXpoque, \ictor iouc$tc$enko,
"id+le vassal de =as$ington qui entendait "aire entrer lX0kraine dans lX<E9?.
Von Iaul a encore t plus prcis quand il a dnonc lXimmi3tion patente des
4tats50nis dans le processus lectoral ukrainien : Y ?ous savons que le
gouvernement amricain, via lX0@9AO, a octro! des millions de dollars
provenant de lXorganisation I90A 6%oland<5meri"a<2kraine (ooperation
3nitiati.e8, laquelle est administre par la Freedom *ouse. @uite ( cela,
lXorganisation I90A a rparti les subsides gouvernementau3 amricains parmi
dXinnombrables <?7 ukrainiennes Z.
La Freeedom *ouse nXa pas cac$ sa satis"action pendant la prsidence de
iouc$tc$enko ( Kiev mais a c$ang radicalement dXattitude lorsque son rival de
longue date, \ictor ianoukovitc$, a t lu c$e" de lX4tat au dbut de lXanne
/:1:. ianoukovitc$ a opr un nouvau rapproc$ement russo5ukrainien en
commenRant par renouveler le bail pour les ports de rime o) mouille la "lotte
russe de la Cer ?oire. Le bail, accord au3 navires de guerre russes, est
prolong *usquXen /:N1. omme ianoukovitc$ ne veut pas entendre parler
dXune in"odation de son pa!s au3 structures euro5atlantistes, la Freedom
*ouse a "ait descendre la cote de lX0kraine : de `pa!s librea, elle est devenue
`pa!s partiellement librea. Oe plus, la Freedom *ouse dclare que r+gnent en
0kraine `des abus de pouvoira comme on nXen avait plus vu depuis /::N.
Oans le collimateur des `di""useurs de dmocratiea tablis ( =as$ington se
trouve aussi dsormais la ,ongrie. La raison de placer la nation $ongroise dans
le collimateur de =as$ington rside principalement dans la politique du
Iremier Cinistre \iktor <rb(n, qui entend ne d"endre que les seuls intr'ts de
la ,ongrie. Oe plus, le parti [idesG au pouvoir dispose de su""isamment de
si+ges, pour la premi+re "ois dans la ,ongrie post5communiste, pour permettre
( <rb(n de nationaliser les caisses prives de pension et de "aire rena;tre la
tradition de la `ouronne sacrea, "ondement du `cadre constitutionnel pr5
modernea de la ,ongrie.
La ,ongrie appartient ( cette catgorie de `pa!s en transitiona, comme par
ailleurs lX0kraine et dXautres pa!s de lXancienne Gone communiste, o) il sXagit
de "aire triomp$er lXin"luence amricaine et de lXancrer d"initivement.
LXobstacle ma*eur ( ce pro*et est videmment la Vussie, car, premi+rement, ce
grand pa!s est dirig de mani+re autoritaire par \ladimir Ioutine et Oimitri
Cedvedev, ce qui g+ne le travail de la Freeedom *ouse et dXautres "ondations
amricaines in"luentes B deu3i+mement, la Vussie e3erce une in"luence sur ses
voisins immdiats, ce qui est *ug `nuisiblea ( =as$ington. Vaison pour laquelle
une collaboratrice en vue de la Freedom *ouse, Jenni"er =indsor, dclare, tr+s
srieusement, que, Y de "ait, la dmocratie a c$ou dans bon nombre de pa!s
a!ant appartenu ( lX0nion @ovitique et que cet c$ec est dH partiellement (
lXe3emple russe dXun autoritarisme en p$ase ascendante Z. \oil( pourquoi cette
dame rclame : Y Les 4tats50nis et lXDurope doivent "orcer la Vussie ( *ouer un
rLle constructi" dans le soutien au3 modes de comportement politiques
dmocratiques, tant ( lXintrieur de la [dration russe elle5m'me quX(
lXtranger Z.
La pression qui sXe3erce au*ourdX$ui sur Coscou ne se *usti"ie pas, en "in de
compte, par un souci de dmocratie ou de droits de lX$omme, qui tenaillerait
les personnalits politiques et conomiques amricaines et euro5atlantistes,
mais bien plutLt par des intr'ts conomiques et commerciau3 sonnants et
trbuc$ants. La Vussie, en e""et, comme c$acun le sait, est immensment ric$e
en mati+res premi+res, tout comme lXAran 6celui du @$a$ $ier comme celui
dX9$madined*ad au*ourdX$ui8 est ric$e en ptrole et en gaG naturel ou comme
la $ine qui ne cesse de cro;tre sur le plan conomique. es 2 pa!s sont de nos
*ours les cibles privilgies du so"t po-er amricain en action. <utre leurs
mati+res premi+res ou leurs atouts industriels, ils ont un point commun : ils
re"usent de suivre les in*onctions des cercles politiques amricains et de =all
@treet et nXadoptent pas la marc$e quXon tente de leur dicter en politique
comme en conomie.
=ernhard >o%aschit?! zur Zeit n-@ABC2335
D du %E%e auteur : La %ain in$isi+le des Ftats0Gnis 5
La stratgie amricaine et l'Europe : l'Eurasie
reste l'Ennemi
H Anal(se : =runo )olson! La stratgie amricaine et l'Europe, Econo%ica!
34415
Al est des auteurs que l&on dcouvre trop tardivement 6cXest ce que *Xai pens
en lisant rcemment Le serpent / plume de O. ,. La-rence8. Dn gopolitique,
*&ai ressenti une impression semblable en dcouvrant >runo olson ( travers son
dernier ouvrage : La strat,gie am,ri"aine et l)#urope. olson n&en est pourtant
pas ( son premier coup d&essai U ?ea "ulpa U Le su*et abord dans cet essai n&est
pas nouveau. Iaul5Carie de la 7orce, dans un article du ?onde 0iplomati4ue&
l&avait abord. Cais, obligation du genre, avec moins de pro"ondeur. olson lui5
m'me avait voqu la problmatique dans un ouvrage 6/e r"rence, note 18.
Mue nous dit olson F Mue, depuis 5: ans, la politique internationale des 4tats5
0nis est reste inc$ange. Mue l&endiguement des Dnnemis comme des 9llis est
rest une priorit. Mue cette stratgie appara;t clairement dans le nouveau
concept de `stratgie nationale de scurita. Mue cette derni+re, conRue
comme une stratgie intgrale o) intr'ts militaires, conomiques et culturels
sont intimement lis, est particuli+rement mise en %uvre en Durope,
entra;nant par l( m'me un a""aiblissement politique de cette derni+re.
Iour les Duropens, qui ne voient en l&9mrique qu&une grande dmocratie
apportant la pai3 au monde entier 6simples cito!ens abrutis de E\, se
passionnant pour les galipettes de linton o) l&anniversaire de Lad! Oi, mais
aussi et surtout dcideurs politiques non moins abrutis8, l&ouvrage de >runo
olson devrait 'tre une manne et les sortir de leur lt$argie et de leur
anglisme. 0n ouvrage dcapant et mettant au clair la eltans"hauung
amricaine vis5(5vis du continent europen.
Oans un rapide avant5propos, ,erv outeau5>garie 6prsident de l&Anstitut de
stratgie compare, gopolitologue de renom et grand connaisseur de l&%uvre
de 7eorges OumGil8 6/8, e3pose la dmarc$e de olson : la politique trang+re
amricaine est d&une remarquable co$rence. Y @tratgie intgrale Z, elle
s&organise autour de 2 a3es : stratgie gnrale conomique, stratgie militaire
et stratgie gnrale culturelle. &est ce que les 9mricains appellent
au*ourd&$ui la `stratgie nationale de scurita. CHrement pense et prcde
d&une r"le3ion s!stmatique, olson dmontre que cette logique implacable ne
suppose aucune organisation politique totalitaire.
Constats aprs la Seconde Guerre mondiale
Iartant d&un constat que, depuis 19N5, Y la stratgie ne se situe plus
uniquement dans la guerre Z mais que s&! est substitue une stratgie dite Y
totale ou intgrale Z o) se "ondent l&conomique, le culturel et le militaire,
olson e3amine l&attitude des 0@9 vis5(5vis de l&Durope occidentale 6tout en
prcisant que tLt au tard c&est toute la masse eurasiatique qui sera concerne.
Les 9mricains ne "ont d&ailleurs aucune di""rence entre l&Durope et l&Durasie8.
Cais olson va encore plus loin. Y 9u5del( des paroles lni"iantes sur la
solidarit transatlantique... Z, son but est de dpister les implications politiques
de la stratgie amricaine en utilisant le crit+re `9mi5Dnnemia labor par arl
@c$mitt. L&on notera ici qu&avec olson nous sommes en terrain ami. Mue son
e3pos, au5del( de la simple dmonstration, se veut engag et sert directement
notre dmarc$e gopolitique d&indpendance du grand espace eurasiatique
auquel nous aspirons.
Le dbat conceptuel de l'aprs-guerre froide ou comment rester une puissance
hgmonique
olson prend 1919 comme anne c$arni+re de cette "in de __e si+cle. Iour
beaucoup, elle reprsente en e""et une "racture. ?ous5m'mes avons lou le
`printemps des peuplesa J1919K et soulign la c$ance qui s&o""rait alors au3
Duropens. Oi3 annes viennent de passer, que d&occasions rates U Iendant ce
temps d&autres puissances ne sont pas restes inactives. 9insi les 4tats50nis
n&ont *amais cess d&laborer des concepts stratgiques dont le plus connu est
celui de `nouvel ordre mondiala. P bien ! regarder, ce concept n&introduisait
aucun c$angement "ondamental : les D0 continuaient ( se penser comme
`conscience des dmocratiesa. &est par une "uite en mars 199/ 6parution dans
le New York Times d&une version du 0efen"e %lanning $uidan"e du Ientagone8
que l&interprtation du nouveau concept tait dvoile : les 4tats50nis doivent
garder leur statut de superpuissance unique et l&Durope et le Japon devront
'tre emp'c$s de porter ombrage ( cette domination.
L&9mrique, puissance unipolaire, *usti"ierait alors sa prsence pour grer
l&interdpendance transnationale. &est5(5dire, par l&intermdiaire du 79EE, du
[CA, du Erait de non proli"ration nuclaire, de l&9gence internationale de
l&nergie atomique, grer et assurer le leadership mondial et 'tre le `grand
arrangeura 6comme la 7rande5>retagne au _A_e8. P noter que le concept
d&unipolarit implique la reconnaissance, au centre du s!st+me mondial, d&une
con"dration occidentale o) des abandons progressi"s de souverainet seraient
prvus. L&ob*ecti" "inal, tou*ours prsent, tant d&arriver ( un marc$ commun
mondial. =attenberg 6vice5prsident de Radio Free #urope et de Radio Liberty@
rsumait bien la problmatique : Y un monde unipolaire, c&est une bonne ide,
si l&9mrique est rellement le seul pLle Z. M[O U L&imprialisme amricain se
dvoilait bien pour ce qu&il tait : un imprialisme ternellement prdateur.
olson bat alors en br+c$e l&Y isolationnisme amricain Z : les 4tats50nis sont
incapables Y d&avoir une politique trang+re sans avoir un rLle Z. [onds sur
des principes universels, ils ne peuvent abandonner leur vocation universaliste
sans se renier eu35m'mes. L&9mrique a tou*ours eu besoin d&une dimension
morale dans sa politique trang+re. Cais plutLt que de sacri"ier ( un
internationalisme global, les 4tats50nis semblent maintenant pr"rer un Y
nouvel internationalisme, pragmatique et slecti" Z, prservant leur capacit (
agir unilatralement et "aisant *ouer les mcanismes de la scurit collective.
La t$alassocratie amricaine veut 'tre reconnue pour ce qu&elle est 6insulaire,
maritime et commerRante8, donc aspirant ( une Y amricano5occidentalisation
du monde Z, mais elle n&interviendra plus que dans les rgions o) ses intr'ts
seront directement menacs.
La stratgie nationale de scurit
Oatant de "vrier 1995, la stratgie nationale des D0 s&organise autour de 2 a3es
:
ren"orcer la scurit des D0 en dissuadant tout agresseur B
promouvoir la prosprit intrieure en ouvrant les marc$s e3trieurs B
encourager la dmocratie dans le monde.
L&intr't et la "orce de cette stratgie rside dans l&imbrication des 2
dimensions militaire, conomiques et culturelle et la totale con"usion entre Y
les politiques intrieure et e3trieure Z. @i la dmocratie doit s&tendre c&est
avant tout pour des raisons commerciales. La stratgie amricaine assimile
dsormais intr'ts conomiques et intr'ts de scurit. La prosprit
conomique est devenue le principal ob*ecti" de cette stratgie. Dtendre le Y
ro!aume du libre5c$ange Z : la parousie dans l&c$ange commercial U P noter
que l&9miral Ca$an avait d*( a""irm que le binLme guerre5commerce tait
gage de puissance. Ocidment, les 9mricains "ont preuve d&une irrductible
continuit dans leur stratgie. La culture elle5m'me est incorpore ( cette
stratgie, et notamment l&in"ormation. Les D0 ont bien compris la "orce qu&elle
reprsente. Ca;tres de cette `puissance doucea 6soft power8 et du `parapluie
de l&in"ormationa, les D0 n&ont plus aucune peine ( Y attirer et persuader Z. La
culture populaire, dont nous subissons quotidiennement l&in"luence, constitue
sans aucun doute un vecteur idal de domination. Dt ce n&est pas ( nous que
l&on apprendra qu&un peuple est vaincu lorsqu&il adopte volontairement le
vocabulaire de l&tranger.
Vis--vis de l'Europe : particularits rgionales d'une stratgie globale
Oveloppant pour c$aque rgion du monde une stratgie, les D0 ont ( l&gard
de l&Durope 6( laquelle est tou*ours associe l&Durasie8 une attitude claire :
stabilit et conomie. Oans leur esprit, cela suppose une Durope dmocratique,
intgre et cooprante. &est ici qu&intervient l&<E9?, qui a tou*ours t, dans
l&esprit des 9mricains, plus qu&une rponse transitoire ( une menace
temporelle. Ilusieurs tSc$es 6non o""iciellement avoues8 lui ont t
attribues :
emp'c$er que le continent soit domin par une puissance ou une combinaison
de puissances $ostiles au3 4tats50nis B
disposer de partenaires prosp+res ouverts au3 ides, au3 produits et au3
investissements amricains B
"ormer une communaut de valeurs qui s&tend le plus loin possible en Durope B
veiller ( ce que l&Durope ne retombe pas dans des dc$irements qui
ncessiteraient des dpenses e3traordinaires.
Ourant ces derni+res annes, plus que *amais, l&<E9? a t `au c%ur de la
stratgie europennea. Eemprons l&optimisme de ceu3 qui voudraient ! voir
une "orme d&altruisme. Les initiatives prises, admission de nouveau3 membres
6nouveau sou""le8, coopration <E9?QVussie, Iartenariat pour la pai3,
intgration de l&0D, ne vont que dans un sens : d"ense des intr'ts des D0. Le
concept d&identit europenne ne serait5il alors rien d&autre qu&une concession
de "aRade F 628. <utre que l&<E9? supervise tou*ours l&utilisation de toutes les
in"rastructures, elle est aussi une "ormidable mac$ine ( "abriquer des militaires
et des diplomates europens Y stratgiquement corrects Z. <n ne soulignera
*amais combien la Y socialisation des lites europennes par un rseau
d&accoutumances tec$nique Z issue de la lourde et sduisante mac$ine
amricano5otanienne aura dcrbr et dracin nos dcideurs. ?otons qu&en
Durope centrale et orientale les m'mes pratiques se mettent en place dans le
laisser5"aire et l&attentisme le plus complet.
?e nous berRons pas d&illusion. Eoutes les ouvertures concdes ne se "eront
*amais au dtriment de l&<E9?. Dn dcembre 1995 "ut sign ( Cadrid le `?ouvel
9genda Eransatlantiquea 6?9E8 : tait ra""irme l&indivisibilit de la scurit
transatlantique dont l&<E9? est la pi+ce ma;tresse. L&Durope est avant tout
considre comme une Gone d&e3pansion commerciale 6c&est d&ailleurs pour cela
que les D0 pr"+rent la ommission Duropenne au onseil qui incarne
l&approc$e de Jean Connet8. Oans la m'me optique, l&largissement ( l&Dst n&est
invoqu que dans une optique strictement conomique, sans souci des
consquences de dilution de l&Durope politique. Oans ce processus, l&9llemagne
est devenue un relais des intr'ts stratgiques usa]ques en Durope.
Oans ce *eu stratgico5conomique, olson montre l&interpntration des
conomies amricaines et europennes. Le pouvoir des marc$s "inanciers
mondiau3 voluant au5del( des banques centrales et des gouvernements, les
acteurs non5gouvernementau3 6$ommes d&a""aires8, tout en pntrant les
socits civiles trang+res, ont un rLle de plus en plus important. L( encore les
D0 ont su e3ploiter cette convergence des stratgies conomiques et
culturelles.
[ondamentalement, les D0 r'vent d&un grand accord de libre5c$ange
transatlantique 6E9[E9 8, et m'me d&un pro*et plus vaste, celui d&une 0nion
atlantique dote 6au point o) l&on en est pourquoi pas U8 d&un Iarlement
atlantique. olson, lucide et raliste, conclut : Y la russite d&un tel pro*et,
so!ons clairs, Lterait toute raison d&'tre ( l&0D Z. L&on peut se demander si nous
n&en sommes pas d*( l( U
Les fondements de la stratgie intgrale des tats-Unis en Europe
La gopolitique amricaine ne peut 'tre comprise sans la restituer dans son
$istoire. <utre que le processus de mondialisation a t mis en place d+s les
annes N: 6mais des la crise de 19/9 A&Durope tait considre comme un
dbouc$ vital pour les produits amricains8, la stratgie amricaine a des
"ondements bien plus enracins.
H Oes "ondements diplomatiques : marqus par l&e3prience coloniale d&avant
l&indpendance et par les discours "ondateurs d&un 7eorges =as$ington, d&un
E$omas Je""erson ou dXun James Conroe, les D0 ont tou*ours eu une attitude
ambivalente d&amour et de re*et vis5(5vis de l&Durope. La volont de
reconstruire ailleurs une sorte de Jrusalem cleste guide les 9mricains. ette
ambivalence se retrouve ( travers leur vision du pro*et de construction
europenne. @&il "ut soutenu, c&est parce qu&il tait d&ordre conomique et visait
l&instauration d&un grand marc$ euro5amricain, mais d+s qu&il s&agit d&voquer
une "orce politique autonome, le bSt blesse. O&o), en sous5main, un travail de
sape continue 6id est : pousser la 7rande5>retagne ( entrer dans la D, "reiner
l&9llemagne dans sa coopration avec la [rance, casser l&a3e Iaris5>erlin dont on
sait qu&il est le no!au d&une puissance paneuropenne8. Cais les dcideurs
europens eu35m'mes ne sont5ils pas les premiers `collabosa de l&ordre
amricain F ?&ont5ils pas, en 19N9, quasiment `supplia les 9mricains de leur
venir en aide U
H Oes "ondements gopolitiques : lorsqu&en "vrier 1995 l&administration linton
d"init sa stratgie nationale de scurit et son application ( cinq rgions du
monde, l&Durope est associe ( l&Durasie. ette r"rence ( l&Durasie et la
crainte de sa domination par une puissance $gmonique marquait le retour de
la gopolitique en 9mrique. 0n retour qui ne "aisait que con"irmer l&arrive de
gograp$es au sein m'me du gouvernement amricain au cours de la seconde
guerre mondiale 6suivant en cela lXe3emple allemand, mais sous une "orme
encore plus structure8. Oepuis lors, les "ondements de la gopolitique usa]que
restent inc$angs : Y emp'c$er lXmergence de toute superpuissance rivale en
Durope occidentale, en 9sie ou sur le territoire de l&e350nion sovitique Z.
D3traordinaire continuit alors que nombreu3 sont ceu3 qui consid+rent que
l&9mrique n&a pas de gopolitique structure U
H Oes "ondements conomiques : depuis 19N5, les D0 sont obsds par lXide de
maintenir une conomie globale ouverte. Oans cette optique, les D0 ont lanc
le plan Cars$all 6permettant ainsi au3 Duropens de continuer ( ac$eter `made
in 9mericaa8, entretenu une e3agration des menaces a"in de *usti"ier un Y
ke!nsianisme militaire Z et maintenu leur leadership a"in de contrLler le
s!st+me et emp'c$er tout 9utre d&acqurir les capacits d&une protection
autonome.
H Oes "ondements culturels : lgalisme, moralisme, G+le missionnaire, la
politique trang+re amricaine s&est tou*ours drape du manteau de la
colombe. ela n&a *amais emp'c$ le ralisme bas sur la gopolitique et les
intr'ts conomiques o) l&t$ique de la conviction 6c". lXlargissement de
l&<tan8 s&est tou*ours substitue ( l&t$ique de la responsabilit sans
considration des consquences 6N8.
Conclusion
L&ouvrage de olson claire "ormidablement la gopolitique et la
eltans"hauung amricaine. Iuissance t$alassocratique, l&9mrique, a d"ini
une Y stratgie nationale de scurit Z dans laquelle la stratgie militaire,
no!au dur, n&e3clut ni l&conomique ni le culturel. ette imbrication n&est pas
perRue par les Duropens qui pr"+rent le statu 4uo ( l&aventure du politique et
du stratgique. ette attitude ne peut que r*ouir les D0 qui vacuent le
politique dans leurs relations avec l&9utre 6not. avec l&Durope8 mais qui pour
leur part agissent en acteur politique ( part enti+re.
L&Durope est en guerre. Oans un ouvrage tou*ours d&actualit, le 7nral Lucien
Ioirier voquait le concept de `stratgie intgralea : une nation doit dsormais
agir en strat+ge intgral, s&envisager comme une entreprise politico5stratgique
658. ?os dirigeants n&ont pas "ait un pas depuis ce temps. Le regrett Jean au
crivait :
Y &est de ma;tres de volont que nous avons besoin. 9ttendons leur venue mais
telle est l&angoisse : une volont, Ra se "ond dans le bronGe et *e n&aperRois,
encombrant les ateliers de nos dmocraties, que des gSc$eurs de plStre en
train de si""loter l&air des droits de l&$omme et de mouler des masques de
carnaval Z.
ela ne doit pas nous emp'c$er d&esprer 6il ! a tou*ours des raisons d&esprer8
et de r'ver. V'ver ( une Respubli"ae europeae possdant une `stratgie
totalea, anti5imprialiste, anti5colonialiste et a!ant comme ob*ecti"
l&indpendance politique, militaire et culturelle de notre grand espace
europen. L&3mperium reste notre pro*et. 0n pro*et que nous devons irriguer
non seulement de notre pense gopolitique mais aussi de notre vision du sacr
sans laquelle aucune renaissance aut$entique ne sera possible.
Lucien 6a$re! an$ier 34445
T Notes E
$1& Le !iers-"onde dans la pense stratgique E ensuite : Europe #
repenser les $lliances, tous )eu* chez -conomica.
$2& "ythes et %ieu& des 'ndo-Europens chez ;lammarion, coll. )e
poche, et, chez -conomica, L()uvre de *eorges %um+il -
,atalo"ue raisonn.
$3& 4ien Cue nous puissions "alement souscrire 8 cette thAse,
nous pensons cepen)ant Cue tout a+an)on )e la part )es >tats-
<nis est de ,acto une a%ance pour les -uropens. ThAse 7ra"ile
Cui met surtout en a%ant la passi%it )sarmante )e nos
)ci)eurs. = -urope se 7erait non pas 8 cause mais en )pit )es
-uropens. 3u-)el8, les -uropens ne restent pas inacti7s mais
leur %olont )Faction nFapparaGt pas comme une %i)ence H
$I& >thiCue )e con%iction et thiCue )e responsa+ilit : la
7ormulation )es concepts est )e .a* Je+er.
$#& Les voies de la stratgie- ;aKar).
L'Empire du Bien frappe encore !
Entretien a$ec le sociologue italien *o+erto Gia%%anco 9 "ro"os du
8onda%entalis%e a%ricain
,es =eaux$Couges aux communistes, et des communistes aux Arabes, la
lutte outrance ;contre le dmon;, c'est$$dire contre l'ennemi du 6our,
est une constante de l'histoire amricaine. ,ans cet entretien, le sociologue
Coberto Kiammanco explique nos collgues de la revue Elementi le pourquoi
du %ondamentalisme amricain, ce mlange de racisme, de moralisme, de
nationalisme aux e%%ets dvastateurs. "=ropos recueillis par Andrea
/omasini(
La souverainet! fictive de l'8A< ( en t*!orie3 c'est le gendarme du monde# En
"ratique3 ce sont les Ktats-unis3 "uissance qui d!cide d!sormais3 l'instar de =a*v!3
o1 est le Cien et o1 est le /al#
8-8-8-8-8-8-8-8-8-8
Eraversons les lieu3 cl+bres de l&$istoire des Andiens, parcourons les valles
au3quelles ils ont donn leur nom B "ranc$issons les "leuves qui portent encore
le nom des tribus mais o) les $uttes ou les tipis du village d&origine ont "ait
place ( la maison de #l&$omme civilis#... &est l(, raconte un vieillard, que se
tenait le grand conseil des Aroquois. Dt *e lui ai demand : que sont devenus les
Andiens F #Les Andiens#, m&a rpondu mon $Lte, #ils s&en sont all mais ils ne se
sentent pas bien, l(5bas, au5del( des grands lacs B c&est une race en voie
d&e3tinction B ils ne sont pas "aits pour la civilisation, qui les tue#. &est ainsi
que, dans Auin1e =ours dans le d,sert am,ri"ain, Eocqueville dcrivait la
situation en 1121 B l&aristocrate normand avait t impressionn par l&ampleur
des e3pulsions, par l&limination du peuple indien de l&$istoire, par leur
e3termination et par leurs restes, devenus super"lus dans le cadre de
l&9mrique naissante. 4coutons encore sa voie prop$tique : #9u milieu de cette
socit qui est comme gele par la moralit et la p$ilant$ropie, on rencontre
l&insensibilit la plus compl+te quand il s&agit des indig+nes amricains, une
sorte d&go]sme sourd et implacable#. [ace ( sa stupeur, des cito!ens
amricains lui ont rpondu : #e monde nous appartient... Oieu, qui a re"us (
ses premiers $abitants la "acult de se civiliser, les a d+s le dpart destin (
une destruction invitable. Les vrais propritaires de ce continent sont ceu3
qui ont su pro"iter de ses ric$esses#.
La conviction de dtenir la mission de "onder la Jrusalem nouvelle au c%ur du
dsert pour combattre le dmon dans toutes ses mani"estations, un dmon qui
prend ( c$aque coup le visage de l&ennemi du *our, est une constante de
l&$istoire amricaine. Iour 7eorge =as$ington, #les 4tats50nis sont une nouvelle
Jrusalem dsigne par la Irovidence pour 'tre le t$Stre o) l&$omme doit se
consacrer ( sa vritable dimension, o) la science, la libert, la "licit et la
gloire devront se rpandre dans la pai3#. Je""erson, quant ( lui, a""irmait le
caract+re de #nation universelle qui poursuit des idau3 universellement
valables#. #Les 4tats50nis, crit Jo$n 9dams, sont une rpublique pure et
vertueuse, dont le destin est de gouverner le globe et d&introduire la per"ection
dans l&$omme#.
L&imaginaire au pouvoir
Als sont ra""irms avec "orce au*ourd&$ui, ces idau3, qui se concrtisent dans
le principe qui est ( la base de la prtention des 4tats50nis ( mener seuls des
guerres *ustes ^ prtention qui a tr+s naturellement pour consquence de
ds$umaniser les con"lits parce qu&elle en "ait des oppositions absolues entre le
bien et le mal. Iendant l&+re Veagan, nous avons assist ( une restructuration
de l&imaginaire religieu3 collecti", grSce ( une orc$estration multi5mdiatique
tr+s e""icace B cette restructuration a eu pour moteurs les tlprdicateurs.
L&9mrique mo!enne, rassure, s&est recroqueville sur sa propre identit
conservatrice et patriotarde, par le biais d&une rnovationQractivation par la
tec$nologie de ses leitmoti.e traditionnels : le salut individuel, la ?ation qui
sert les desseins de Oieu, le millnarisme.
9insi, cent ans apr+s le massacre "inal des Ieau35Vouges ( =ounded Knee, au
lendemain du *our o) l&on a dclar la 7uerre du 7ol"e termine, il est bien
possible que ,oll!-ood, la "abrique productrice d&imaginaire collecti" au3 4tats5
0nis, se nourrissant rtrospectivement de l&et$nocide des Andiens qu&il est de
bon ton de condamner dans les salons o) l&on cause, en revienne ( ce genre de
-esterns rcompenss par des pluies d&oscars, -esterns qui sont les produits
t!piques, bien "icels, de l&9mrique de gauc$e, de la liberal 5meri"a, qui
s&insurge contre les atrocits militaristes, qui agite le drapeau de l&$umanisme,
qui pleure ou "ait semblant de pleurer le massacre des Andiens et qui, pour
compenser, "abrique de la pellicule o) il ! a un bon $ros qui veut arr'ter tout
Ra, mais un bon $ros qui est blanc, comme les cratures qui peuplent les
salons de gauc$e o) l&on a des tats d&Sme.
Voberto 7iammanco, qui enseigne la mt$odologie des sciences sociales (
l&0niversit de Cic$igan, a tou*ours concentr son attention sur les probl+mes
des minorits et sur leur imaginaire pour tudier le rapport qu&elles
entretiennent avec la socit dominante. 9pr+s avoir publi de nombreuses
tudes sur le mouvement des ?oirs amricains et sur la condition des Ieau35
Vouges, il s&est proccup du "ondamentalisme islamique. @es tudes sur les
dimensions socio5ps!c$ologiques propres au3 minorits sous pression, "ace au3
"ormes varies d&intervention du pouvoir e3terne, ont t s!stmatises dans
son dernier livre, publi c$eG l&diteur Iellicani, L)immaginario al potere.
Religione& media e politi"a nell)5meri"a reaganiana 6L)imaginaire au pou.oir.
Religion& m,dias et politi4ue dans l)5m,ri4ue reaganienne8. ?ous avons pens
que le Iro"esseur 7iammanco tait l&interlocuteur le plus apte ( commenter
cette ra""irmation du rLle des 4tats50nis comme gendarme plantaire, dont la
prmisse est le "ondamentalisme amricain. 69.E.8.
8-8-8-8-8-8-8-8-8-8
M. : ?ous assistons ( un regain d&intr't pour la culture des Andiens : ces
derniers *ours, nous avons pu lire dans la presse que le directeur du National
?useum of the 5meri"an 3ndians a dcid de restituer #tous les restes
"unraires, les ob*ets de culte et de crmonie, les relie"s $umains# au3 tribus
indiennes qui en "eraient la demande...
V7 : L&e3propriation des restes "unraires, dont ont
t victimes les Andiens, est l&un des tr+s nombreu3 et terribles e""ets dus au
racisme de la tradition amricaine, racisme dont on parle tr+s peu en Atalie. Le
concept de race anglo5sa3onne, qui prend "orme vers la "in du _\AAAe si+cle, a
t l&ob*et de tr+s nombreuses tudes, notamment sur le rapport entre cette
race et la notion de ?anifest destiny, l&ide selon laquelle la race anglo5
sa3onne, en vertu de son gnie, est divine d&un point de vue religieu3 et
investie d&une mission. Iuisqu&elle est la race capable de trans"ormer la nature
en commerce et donc en dveloppement, en progr+s, elle e3erce une
domination libratrice sur le monde B et pour conserver ce caract+re, cette
identit religieuseQraciale, elle doit absorber les autres races, et, sur le plan
pratique, "aire d&elles, de leurs rsidus, des instruments du progr+s. @ur cette
vision religieuse racise, repose galement l&t$ique du capitalisme, mise en
vidence par Ca3 =eber B t$ique qui trouve une correspondance au niveau
biologique : la race anglo5sa3onne en vient ( 'tre d"inie, dans la tradition
amricaine, comme vritablement suprieure et comme directrice de
l&ensemble de la race blanc$e. 9u moment o) cette vision a t codi"ie, bien
avant le naGisme, elle impliquait d*( l&e3tinction des populations autoc$tones
d&9mrique. ?iant de "aRon absolue toute possibilit de dveloppement
autonome, elle postule l&insertion et l&absorption dans la culture dominante,
provoquant, en m'me temps, au sein des minorits, la conscience d&'tre
condamnes ( la disparition. Eels sont les prsupposs qui ont pouss le
gouvernement des 4tats50nis ( autoriser le Bureau of 3ndian 5ffairs& institution
anime par des conceptions ant$ropologiques marques par la science
positiviste et classi"icatrice, ( e3$umer les cadavres des Andiens et ( rpartir les
corps et les ossements au3 universits et au3 muses, a"in de dmontrer, (
l&aide de l&ant$ropomtrie et des t$ories positivistes du _A_e, que les Ieau35
Vouges taient des #sauvages#, bien di""rents de la race blanc$e. @ous prte3te
d&ob*ectivit, on tudiait les Andiens comme s&il s&tait agi d&une esp+ce animale
nomade : raison pour laquelle on se permettait d&e3$umer leurs morts. ela,
c&tait une des c$oses les plus atroces qu&on pouvait leur in"liger, vu
l&importance du culte des morts dans la culture des 9mrindiens B c&tait une
multilation supplmentaire de leur Sme, qui s&a*outait ( toutes les autres
reRues, sur un mode sans doute moins sanguinaire mais d&autant plus subtil,
d&autant plus destructeur d&identit.
Les lus et les da,s
?ous sommes en plein dans le racisme en acteU Oans le racisme comme
ngation de la di""rence. P tel point qu&il n&est plus possible d&! c$apper...
?ous avons a""aire ( un n%ud ine3tricable o) se m'lent la notion de manifest
destiny, le "ondamentalisme et le racisme pur et brut...
&est e3act U 9u5del( de ce qui les di""rencie, les glises "ondamentalistes sont
toutes blanc$es par tradition, prsicment parce qu&elles sont toutes bases sur
une conception prcise de la religion personnelle, laquelle implique une sorte
de prdestination : seuls ceu3 qui ont t lus, qui sont les #saints#, sont en
mesure de pratiquer cette religiosit individualiste, de vivre ce processus dit de
#renaissance dans le $rist#, dont la prmisse est cette sensation d&appartenir (
un groupe lu, prdestin. Le mcanisme de la prdestination "ait que ces
glises ne sont ouvertes que du cLt de l&individu, c&est5(5dire qu&en ralit
elles demeurent absolument "ermes et totalement intolrantes.
Le mot #"ondamentalisme# a des origines rcentes et drive du nom d&une
collection de livres, les Fundamentals, "inance ( partir de la premi+re
dcennie de notre si+cle par un groupe d&industriels amricains pour indiquer
au bon peuple quels sont les principes "ondamentau3 de la "oi qu&il "aut
accepter si l&on veut "aire partie des lus. Iar dessus tout, nous trouvons la
prop$tie, laquelle implique d*( une division entre ceu3 qui seront sauvs et
ceu3 qui ne le seront pas. <n pense tout de suite au concept de rapt, d&'tre
ravi dans le $rist, lequel est plac ( mi5c$emin entre le ciel et la terre, d&'tre
sauvs des tribulations et des errements qui surviendront apr+s le
dclenc$ement de la bataille "inale d&9rmageddon, ce lieu m!t$ique o) se
droulera la con"rontation "inale entre le bien et le mal apr+s la seconde venue
du $rist.
es cro!ances, nous pourrions les envisager avec curiosit, si leur valeur
s!mbolique n&avait pas une importance capitale : la signi"ication du #rapt# est
proprement celle de la prdestination, de l&lection : dans le cas prcis des
9mricains de souc$e anglo5sa3onne, c&est tout une race, tout un groupe de
"id+les qui sont c$oisis et les autres ne le sont pas, les autres sont tous damns.
Oosto]evski "ait dire ( l&un de ses personnages : Y Mu&importe que l&un soit sauv
quand tous les autres sont damns Z. L&crivain russe nonce la t$orie
contraire.
Dn gnral, on ne parle des risques du "ondamentalisme qu&en voquant le
Eiers5Conde. \ous 'tes l&un des rares intellectuels ( parler du "ondamentalisme
amricain, en vous r"rant e3plicitement au3 racines de l&$istoire des 4tats5
0nis. P notre poque, comment les instances religieuses ont5elles brusquement
rencontr la modernisation, ont "usionn avec elle F
Iour comprendre quel est le discours que "ait la droite politico5religieuse, la
droite de la ?oral ?a=ority du Vvrend Jerr! [al-ell, *e voudrais d&abord
esquisser un bre" cadre $istorique. Les annes .: ont constitu une csure
asseG nette ( cause de la vague de contestation *uvnile. Al s&est agi d&une sorte
de parricide, d&une rvolte des nouvelles gnrations contre le con"ormisme, la
platitude et l&$omognisation de la socit amricaine, de l&9mrique
mo!enne. ette rvolte a t t$orise au moment culminant de la protestation
*uvnile, dans le mouvement des tudiants contre la guerre du \ietnam, dans la
contestation des ?oirs, c$eG les Andiens B c&tait en 19.1 quand les lections ont
port ?i3on au pouvoir avec une ma*orit *amais vue qu&il russira ( obtenir
une nouvelle "ois en 197/. Oans cette p$ase de l&$istoire amricaine, on a vu
clairement qu&il e3istait / pa!s, / cultures : d&une part, le monde universitaire
de la contestation, les minorits, le "minisme B d&autre part, l&9mrique
mo!enne qui resserrait les rangs et en revenait au3 vieilles positions
conservatrices. P ce moment, e3tr'mement important, ?i3on reprsentait d*(
la ?oral ?a=ority, que l&on appelait encore Silent ?a=ority.
Cais la classe ouvri+re, elle aussi, s&est range derri+re ?i3on...
<ui. ?ous avons assist, au3 4tats50nis, ( des p$nom+nes incro!ables : *&ai vu,
de mes !eu3 vu, et *&ai p$otograp$i des pancartes sur lesquelles il tait
inscrit : #Oavantage de bombes sur le \ietnam U Oavantage d&$eures
supplmentaires U#. Muand eut lieu l&occupation de la (olumbia 2ni.ersity, les
ouvriers de la ville sont arrivs casqus et arms de bStons pour "rapper les
tudiants : sans le moindre alibi idologique, uniquement pour #d"endre# leur
boulot contre la #subversion#. <n mesure ainsi ( quel point la contestation
terrorisait et scandalisait la classe mo!enne.
9u*ourd&$ui, Jerr! [al-ell a dissous la ?oral ?a=ority B il a mis la cle" sous le
paillasson, parce qu&elle n&a plus la moindre utilit. Dn e""et, elle a dmarr
dans une condition de marginalisation et elle a "ini par atteindre tous les
ob*ecti"s qu&elle s&tait "i3s. 9u*ourd&$ui, les membres de la ?oral ?a=ority
sont au gouvernement, ils dtiennent entre leurs mains une bonne partie des
leviers de dcision dans le pa!s. Leur programme, leurs probl+mes sont le
programme et les probl+mes de la nation. ?e avec la volont d&liminer les
terreurs suscites par la culture de la contestation *uvnile, la ?oral ?a=ority a
di""us dans l&imaginaire de la classe mo!enne toutes les valeurs patriotiques
qui peuvent co]ncider avec les valeurs religieuses, dans le sens o) elle a
rpandu l&image d&une nation guide par Oieu, d&une nation qui a une mission (
accomplir.
Mdias et )#sesus
Ieut5on parler, dans cette optique, d&un e""et rassurant du nationalisme F
ertainement. ?ous en avons la preuve au*ourd&$ui. 9vec l&norme crise qui
svit actuellement au3 4tats50nis, avec le dclin social, avec 25 millions de
cito!ens qui vivent en5dessous du niveau de pauvret, avec un nombre de
c$Lmeurs impossible ( dterminer, avec la crise inou]e de l&industrie
manu"acturi+re, avec tous ces probl+mes insurmontables, la guerre du 7ol"e
co]ncide brusquement avec l&e3plosion de patriotisme U o]ncidence qui procure
l&e""et rassurant : nous avons notre identit et c&est grSce ( elle que nous avons
vaincu U
Dn somme, il s&agit d&une opration de re.i.al F
<ui. Dt sa "onction est celle d&une rsurrection. Re.i.al signi"ie revitalisation
des vieilles valeurs que l&on "ait ressusciter dans les "ormes que nous
rencontrons au*ourd&$ui. Dt toutes sont des valeurs de l&imaginaire
suprmatiste.
9lors, en "ait, il ne reste qu&une seule question : quel est le mauvais du *our F
<ui. L&e3emple de la 7uerre [roide nous montre bien comment ce s!st+me a
"onctionn : l&0nion @ovitique a servi de contre5mod+le au seul niveau de
l&imaginaire ^ et *e parle de l&imaginaire de la classe mo!enne, de l&9mrique
mo!enne ^ mais ne s&est *amais traduit en "ormes politiques concr+tes : c&est5(5
dire que le communisme n&a *amais t un mouvement politique contre lequel
cette 9mrique mo!enne a dH se mesurer, contre lequel elle a dH combattre.
?on, c&tait tout simplement #le mal# U &est ce qui e3plique l&e3traordinaire
succ+s de Veagan qui, au moment o) la crise secouait vigoureusement les
rgimes de l&Dst, parlait tout bonnement du communisme comme de #l&Dmpire
du Cal#. Dt c&est ainsi qu&il a motiv sa demande d&augmenter les budgets
militaires. ette mobilisation de l&imaginaire a donn le signal d&un re.i.al :
#nous sommes, disaient les 9mricains ( la suite de leur Irsident, partis
combattre l&Dmpire du Cal#.
Iendant la 7uerre du 7ol"e, @addam a "ait appel au "ondamentalisme arabe,
en s&en servant comme d&un instrument, car il est la]c. >us$ a galement "ait
appel au "ondamentalisme, mais en tant directement impliqu dans le *eu de
cette "orce politique, ( cause de l&amiti qui le lie ( Jerr! [al-ell, le "ondateur
de la #Coral Ca*orit!#, mouvement autour duquel s&est condense la New
Religious<%oliti"al Right. 9insi, dans son discours, >us$ a parl du mal absolu,
de l&ennemi absolu pour pouvoir lgitimer le rLle de gendarme plantaire que
voulaient *ouer les 4tats50nis. Dt ensuite F
D3actement. #.il, le #Cal# : c&est ainsi que >us$ a d"ini @addam ,ussein. &est
un concept t$ologique, "ondamentalement calviniste. &est l&utilisation de ce
concept qui oppose les 9mricains, dans un contentieu3 tou*ours latent, au
Iape et au \atican, un contentieu3 qui appara;t bien clairement quand le @aint5
@i+ge, notamment ( l&occasion du #petit concile# de mars, note que l&<?0 ne
trouve co$sion que lorsqu&il s&agit de s&attaquer au3 9rabes et que cette
e3clusive "ait, en ralit, que l&<?0 n&e3iste plus. Dt tandis que le Iape
prononce des discours qui sont, dans un certain sens, purement politiques, les
9mricains "ont des discours relevant de l&imaginaire U Le discours du State of
2nion du 2: *anvier de cette anne tait volontairement un appel (
l&imaginaire, e3actement comme ceu3 que lanRait Veagan B dans ces appels, les
probl+mes concrets n&e3istent plus, l&unique "ait qui est mis en vidence, c&est
qu&il "aut vaincre #parce que nous sommes les meilleurs#. P ce propos, il ! avait
une p$rase impressionnante dans le discours State of 2nion, celle5ci : Y ?ous
sommes l&unique nation morale du monde qui puisse rsoudre ces probl+mes Z
6the only moral nation8. Le pouvoir amricain utilise ces instruments, que nous
quali"ierons de politico5culturels ou de socio5ps!c$ologiques, pour obtenir un
consensus que nous, Duropens, ne comprenons pas et que nous attribuons ( la
manipulation, au bombardement mdiatique.
Oans le "ondamentalisme islamique, nous trouvons une superposition de
di""rentes strates sociales, politiques et religieuses. Muant au "ondamentalisme
amricain, quelles marges de di""renciation laisse5t5il ( ces di""rentes
strates F
Le "ondamentalisme est bien di""rent des "ormes e3tr'mes de la politique que
nous avons connues ( la "in des annes 7:. Al est n ( une poque o) ces strates
commencent ( s&organiser politiquement, soit comme une raction contre le
mouvement de contestation des *eunes, soit comme une rponse au3 mutations
sociologiques qui traversent le pa!s. P partir des annes 5: et .:, un processus
de modernisation a commenc dans le sud, qui devient le c%ur des activits
productrices des 4tats50nis, notamment par le "ait que c&est dans cette rgion
que se "i3ent les grandes concentrations de l&industrie militaire, laquelle
reprsente, l(5bas, une donne conomique de tr+s $aute importance. Iar le
biais de cette nouvelle ralit, na;t une classe mo!enne au3 revenus nettement
plus levs, qui e3ige davantage de respect social. Dt comme les glises
"ondamentalistes ont un caract+re populiste, s&adressent ( des gens au niveau
socio5culturel asseG bas, elles devaient "orcment se proccuper de ces
mutations sociales, les appr$ender et les coloniser : c&est ainsi qu&a dbut
l&organisation socio5politique d&une rgion, sous l&enseigne d&une idologie (
"ortes connotations conservatrices.
Dn 9mrique, le lien qui unit "ondamentalisme et politique, grSce (
l&intervention massive des mdias, semble renverser compl+tement le rapport
au rel. Muels sont, d+s lors, les marges d&intervention sociale qu&o""re ce culte
millnariste F
Al a mis ( l&ordre du *our des t$+mes essentiellement religieu3, par e3. la lutte
contre l&avortement, qui est une raction contre le mouvement "ministe.
L&avortement est l&un des t$+mes de "ond : c&est l( que se *ouent les rapports
entre les se3es, les rapports de contrLle social, le #redimensionnement# de la
"emme et son retour au3 rLles subalternes B ensuite, entre aussi en *eu le
concept de supriorit de la race blanc$e, moins implique par le drame de
l&avortement que les autres races, o) la dissolution de la "amille est plus rapide.
?ous avons galement la lutte pour rintroduire la pri+re dans les coles, pour
replacer et l&ide de nation et la politique sous la "igure de Oieu et pour relier
l&idal millnariste ( la conception d&une mission assigne au pa!s. @ur les
crans de la tlvision amricaine, les tl5vanglistes, parlent pratiquement
toute la *ourne de la #Irop$tie# qui est en train de se raliser. Als disent qu&il
ne sera pas question d&interprter ou d&valuer des donnes politiques quand
sonnera l&$eure de la bataille d&9rmageddon et que le $rist reviendra pour
sceller la "in des temps. Cais eu3, les tlprdicateurs, savent quelle est la voie
du salut et que ceu3 qui les suivront, seront sauvs. Oans l&imaginaire
amricain, cette dimension d&$!perralit ou de mtaralit est dsormais
solidement ancre. e qui importe, ce n&est pas de savoir ce qui est vrai ou ce
qui n&est pas vrai, mais de participer, de se *oindre ( ceu3 qui croient...
Iro"esseur, nous vous remercions de nous avoir accord cet entretien.
a Vouloir n-/20/C ! 34435 Uentretien paru dans !lementi n1V
"our@uoi Jaut-i& Dtre anti-aB$ri>ain W
j 1. Iarce que l&9mrique est l&ennemi gopolitique :
Muand l&9mrique a proclam la Ooctrine de Conroe en 11/2, elle sou$aitait
c$asser les puissances europennes $ors du ?ouveau Conde et les remplacer en
9mrique latine. &tait de bonne guerre. Cais elle n&a pas poursuivi cette
politique de domination de l&$misp$+re occidental, o) un nord dvelopp
entendait organiser un sud moins dvelopp. An"id+le ( la Ooctrine de Conroe,
elle n&a cess d&intervenir en D3tr'me5<rient et en Durope, pour emp'c$er les
processus d&uni"ication continentale ( l&%uvre dans ces rgions du monde.
O&isolationniste, l&9mrique est devenue interventionniste, mondialiste,
globaliste. Dlle a cass les a3es de dveloppement nord5sud, crant en c$a;ne
des con"lits est5ouest. <r toutes les oppositions est5ouest de l&$istoire gn+rent
des con"lits insolubles, des guerres civiles au sein des units civilisationnelles.
Iour nous, l&avenir rside a8 dans une collaboration nord5sud eura"ricaine, o) la
Vussie est partie intgrante de l&Durope et o) les "lu3 migratoires s&coulent
vers le sud, et b8 dans une s!nergie paci"ique nippo5centre o) les "lu3
migratoires et culturels s&coulent galement vers le sud, sans inter"rences
amricaines.
j /. Iarce que l&9mrique est l&ennemi intrieur :
L&9mrique est en nous, parce que le parti amricain dtermine la gestion de
nos 4tats et in"lue leur diplomatie. L&9mrique parie tou*ours sur les strates
sociales corruptibles pour installer son pouvoir. &tait vident au @ud5\ietnam
comme ce l&est depuis tou*ours en 9mrique latine. Cais, ( regarder de pr+s,
cette r+gle ne vaut5elle pas pour l&Durope aussi F Lutter contre l&9mrique
signi"ie lutter contre les strates sociales qui $issent l&conomisme au rang de
valeur cardinale, oubliant que les r+gles de la politique ncessitent d&autres
vertus, non matrielles, et que la #plus5value de lgitimit# repose sur la
mmoire $istorique et non sur le prsentisme de la *ouissance. Le parti
amricain regroupe ceu3 qui ont perdu le sens de l&4tat, du devoir politique,
pour poursuivre des ob*ecti"s lucrati"s, tou*ours a3s sur le court terme. P ces
politiques ( court terme, nous opposons le long terme de la mmoire
$istorique.
j 2. Iarce que l&9mrique est l&ennemi culturel :
Les 4tats50nis v$iculent une culture purement individualiste et dpourvue de
racines plurisculaires voire plurimillnaires. et individualisme et cette
absence de mmoire ont un e""et dissolvant sur les cultures prip$riques, ne
disposant pas d&emble d&un #marc$# de /5: millions de consommateurs. @ur
l&ensemble de la plan+te, la culture lgue par les anc'tres "ait peu ( peu place
( une culture arti"icielle, construite ( l&aide d&a""ects ps!c$ologiques, de
lambeau3 de m!t$e, de "iction minable, colls bout ( bout. ette culture
arti"icielle n&est pas arrive en Durope et en 9sie de mani+re "ortuite : elle ! a
t sciemment gre""e. Vappellons que la [rance a t mise au pied du mur en
19N1 : ou elle acceptait sans restriction l&importation massive de produits
culturels et cinmatograp$iques amricains ou elle tait ra!e de la liste des
bn"iciaires du Ilan Cars$all. L&9mrique, en tant que puissance dominante,
pratique l&et$nocide culturel B quand les peuples auront perdu leur mmoire, ils
seront arc$i5mHrs, c&est5(5dire su""isamment pourris, pour accepter le super5
ersatG o""ert par =as$ington. Cais cette radication ( l&c$elle plantaire des
mmoires rec+le le danger de l&uni"ormit : elle Lte quantit de potentialits (
l&$umanit, quantit d&alternatives, qui auront t gommes irrmdiablement.
j N. Iarce que l&9mrique est l&ennemi du genre $umain :
L&9mrique a rintroduit dans la pratique politique et diplomatique la notion
d&#ennemi absolu#, c&est5(5dire d&un ennemi qu&il ne s&agit plus seulement de
vaincre mais d&e3terminer. Eous les peuples de la plan+te peuvent devenir, au
gr des circonstances, ennemis de l&9mrique. Als risquent l&e3termination, (
l&instar des populations amrindiennes, liquides par des couvertures vroles,
de l&alcool "relate, les balles de la cavalerie, etc. Le _\AAAe si+cle et l&Durope du
_A_e, rgie par la Ientarc$ie 6[rance, 9ngleterre, Irusse, 9utric$e, Vussie8,
avaient tent d&$umaniser la guerre, de traiter correctement les prisonniers, de
soigner les blesss, de mettre les populations civiles ( l&abri des con"lits.
L&irruption de l&9mrique dans les con"lits du monde, surtout ( partir de la
derni+re guerre mondiale, a conduit ( la destruction massive d&ob*ecti"s civils
6Oresde, ,iros$ima, ,ano], villages vietnamiens, Ianama8, au pilonnage de
colonnes en retraite 6Ko-eitQArak8, au meurtre collecti" des prisonniers de
guerre 6les #morts pour raisons diverses#, dont a parl l&$istorien canadien
James >acque8. ette ds$umanisation de la guerre drive en droite ligne de
l&idologie messianique amricaine : quand une personne, un pouvoir ou une
puissance politique croit dtenir la \rit 0ltime, elle ne tol+re plus la moindre
dviation idologique, la moindre entorse ( sa volont. Dt elle "rappe.
ruellement. @ans gard pour autrui. Iarce qu&il incarne le Oiable. 9u3 guerres
messianiques, rintroduites par les 4tats50nis, nous entendons substituer un
nouveau =us publi"um qui redonnera ( la guerre une dimension moins absolue.
j 5. Mue "aire F
P l&$eure o) le capitalisme amricain semble triomp$er, o) il est de "ait la
derni+re idologie conomique en lice, des lGardes strient d*( l&di"ice. 9u
sein de l&conomie5monde capitaliste, des contradictions apparaissentB ses pLles
accusent des divergences entre eu3 parce que des mmoires culturellement
dtermines les agissent en dpit de l&arasement que =as$ington avait voulu.
Ancontournable demeure la solidit des communauts *aponaises et de l&pargne
allemande, soit autant de signes que les peuples non5amricains, m'me
largement amricaniss, ont le sens de la dure et ne se contentent pas de
*ouir de l&instant. Mu&ils privilgient le long terme et ne s&abandonnent pas
enti+rement ( l&indi.idual "hoi"e, indice conomique de l&5meri"an ay of
Life. Dt que ce pari pour le long terme, amorc depuis plusieurs dcennies
d*(, en dpit de Veagan et de E$atc$er, engrange dsormais de "ormidables
succ+s. L&ducation *aponaise, le tau3 d&pargne nippon, scandinave et
germanique, la "ormation des apprentis allemands en tous domaines, la plus5
value que donnent tous les enracinements, battent ( platte couture la
permissivit amricaine, l&conomie base sur le crdit, l&absence
d&investissements pour la "ormation du personnel, l&absence de racines
stabilisantes. Les 4tats50nis battent de l&aile parce que leurs coliers
demeurent analp$ab+tes, ne ma;trisent m'me plus un anglais simpli"i, parce
que leurs mnages dpensent plus qu&ils ne gagnent, parce que l&angoisse de
vivre, dH ( l&absence de racines solides, conduit ( la to3icomanie. Les
rodomontades de Ianama ou du 7ol"e n&! c$angeront rien.
?ous Duropens devons adopter le mod+le r$nan du capitalisme 6comme nous
l&en*oint Cic$el 9lbert dans (apitalisme "ontre "apitalisme@& car ce mod+le,
malgr ses insu""isances, porte quand m'me en lui la volont de parier sur
l&ducation, d&investir dans la rec$erc$e et dans la "ormation, parce qu&il lie le
pass au "utur grSce ( l&pargne de ses cito!ens. Dn germe, cette "orme
incompl+te de capitalisme gn+rera la puissance, prcisment parce qu&elle
conserve des "ormes qui ne sont pas librales : rigueur de l&enseignement et de
la "ormation, qui ne sont possibles que si l&on ne se laisse pas aveugler par le
pro"it ( court terme, tare du libralisme.
oncr+tement, lutter contre l&amricanisme au*ourd&$ui, c&est soutenir toutes
les politiques qui visent le ren"orcement de l&pargne des mnages,
l&investissement massi" dans la rec$erc$e et dans l&ducation, l&euro5centrage
de nos nergies. ar alors nous aurons les armes qu&il "audra pour contenir les
"olies amricaines au5del( de l&9tlantique. Dt pour laisser, l(5bas o) le soleil se
couc$e, l&anomalie $istorique amricaine imploser, lentement mais sHrement.
a *o+ert Steuc,ers! 34435
Imprialisme et droit international : le point de vue de Carl Schmitt
Le t$+me de lXimprialisme est
intrins+quement associ au droit international dans la pense de arl @c$mitt 618 , en
raison de la conception politique ^ #dcisionniste# puis, apr+s 1922, #dXordre concret#
^ du droit que prLne le #*uriste engag# 6/8 ( lXaune de son nationalisme. et
imprialisme, de mani+re signi"icative, constante et partiale, est tou*ours un
imprialisme tranger sur ou contre lX9llemagne ^ il nXest *amais question dX
#imprialisme allemand#... ?on content dXanal!ser et de dnoncer les "ormes modernes
de domination, contrLle et intervention dveloppes par les puissances occidentales
6notamment les 4tats50nis, ou encore la [rance en V$nanie8 pour asseoir leur
$gmonie, le *uriste voit dans lXimprialisme 6anti5allemand8 des vainqueurs de 1911
le "acteur principal e3pliquant lXvolution discriminatoire et universaliste du droit des
gens, du Erait de \ersailles et du pacte de la @O? au pacte >riand5Kellog et au
Jugement de ?uremberg. e droit, dirig contre le Veic$ et mis au service de la
garantie du statu 4uo, sert de *usti"ication au s!st+me #=eimar57en+ve5\ersailles# 628
instaur apr+s 191151919, puis, par analogie, au s!st+me >onn5?uremberg5Iotsdam
tabli apr+s 19N5519N9, double institution en droit international et en droit interne de
#lXimprialisme occidental# puis de #lXimprialisme DstQ<uest# contre lX9llemagne
#vritable# 6#prussienne#8 ^ le libralisme allemand tant dnonc comme
lXintercesseur de la domination trang+re quand le nationalisme allemand est prsent
comme un mouvement de #rsistance# 6N8.
. @c$mitt est un *uriste qui a une conception #politique#, et non pas #*uridique#, du
droit : pour lui, on ne peut saisir le sens des concepts *uridiques quXen lucidant leur
dimension politique, cXest5(5dire polmique 658. ela vaut tout particuli+rement pour
le droit international, dont la structure nXest pas assure par une logique #verticale#,
celle du mod+le $irarc$ique et centralis de lX4tat et de son droit interne, mais par
une logique #$oriGontale# correspondant ( un monde anarc$ique de su*ets galement
souverains, dans le cadre dXune pluralit ^ et non dXune unit ^ politique 6.8.
onsquemment, lX%uvre sc$mittienne est en prise sur la situation internationale
concr+te, alors m'me quXelle ambitionne une r"le3ion t$orique, et, tenant compte
de la situation 6go8politique de lX9llemagne apr+s 1919, elle rel+ve dXun #nationalisme
en acte# 678. Les 4tats se trouvant dans un #tat de nature# ^ ce qui nXe3clut pas
lXe3istence dXune communaut de droit des gens 618 ^, lXessentiel porte sur la
puissance, le pouvoir de dcision et la ncessit dX'tre rellement souverain, cXest5(5
dire indpendant de lXtranger, dtenteur du *us belli et des mo!ens militaires sans
lesquels ce =us est illusoire. Iar consquent, soit le Veic$ garde sa volont dXe3istence
politique, soit il se laisse dmoraliser et il sera lXob*et de la politique internationale,
car ce sont tou*ours des 4tats qui, au nom du droit, de lX$umanit ou de la pai3,
luttent contre dXautres 4tats.
Irenant position sur les grandes questions au centre du droit des gens et de la
politique mondiale durant lXentre5deu35guerres, le *uriste, en termes #dcisionnistes#
puis #dXordre concret#, se "ait militant de la cause allemande : il re"use la souverainet
diminue du Veic$ puis il soutient la destruction du diktat, il appelle ( une coalition
europenne contre lX0V@@ puis il se tourne contre les puissances maritimes anglo5
sa3onnes, tout en con"rontant son argumentation ( celle des auteurs de lX<uest ou de
lX4cole de \ienne, ou encore Ca3 ,uber, @c$Wc$ing et =e$berg dont lXenseignement,
dit5il, correspond ( une t$orie du droit international qui a entrin, avec le statu
4uo, les mt$odes discriminatoires et les ambitions universalistes de lXimprialisme
occidental.
9pr+s 1919, la critique de =eimar par le *uriste cat$olique antilibral et antimar3iste
passe par la critique des consquences du diktat de \ersailles et du statu 4uo garanti
par la Ligue de 7en+ve. @es crits sont ceu3 dXun opposant ^ renomm ^ au rgime
-eimarien, attaqu et condamn pour 'tre n de la d"aite et de la rvolution de
1911, pour se r"rer ( des mod+les prLns par les ennemis du Veic$ 6idologie
-ilsonienne ou dmocratie parlementaire8, et parce quXil constitue lXune des pi+ces du
s!st+me de domination occidental 6les 9llis prconisent la "dralisation et la
parlementarisation de lX9llemagne, dsarme, pour la maintenir en tat dXin"riorit8.
. @c$mitt dnonce ( peu pr+s toutes les initiatives de la diplomatie de la Vpublique,
de Locarno au3 pro*ets dXunion europenne en passant par lXentre ( la @ocit des
nations, lXad$sion au pacte >riand5Kellog et le plan ioung, parce que, de son point de
vue, elles entrinent le statut politico5territorial et *uridico5"inancier de 1919,
partagent #l&illusion# de la #*uridicisation# de la politique intertatique et pousent les
nouvelles tendances du droit international gouvernes par un paci"isme o""iciel au
service de lXimprialisme dguis des vainqueurs.
Dn revanc$e, devenu lXun des c$e"s de "ile de la doctrine allemande apr+s 1922, il "ait
sien le combat du rgime national5socialiste pour lXabolition du Erait de \ersailles,
#lXgalit des droits# ^ cXest5(5dire la restauration de la souverainet militaire du Veic$
6rarmement, rtablissement du service militaire obligatoire, remilitarisation de la
V$nanie8 ^ et la runion de tous les 9llemands dans un m'me 4tat, et contre le
s!st+me de pro$ibition de la guerre et de scurit collective institu par la Ligue de
7en+ve et les puissances occidentales envers lX9llemagne, dsigne comme #agresseur#
parce quXelle rcuse le statu 4uo.
9pr+s les #preuves# de 19N5519N9 698, le nationalisme #impnitent# 61:8 du *uriste ^
qui lXavait amen ( soutenir #lXordre nouveau# instaur en Durope entre 19N: et 19NN
6118 ^ ne peut plus sXe3primer ouvertement dans le conte3te d"avorable de la
Vpublique "drale ^ dXo) le recours ( #lXart dXcrire# 61/8 par un #vaincu# 6128
solitaire qui pourrait se $eurter ( la censure des autorits en vertu des articles 129 et
11 de la Loi "ondamentale 61N8. La critique de >onn et de ?uremberg nXen est pas
moins incisive, *ointe ( la dnonciation de lXanantissement de la Irusse et de la
division dXune 9llemagne #aline# 6158. Dlle passe, dXune part, par la rcusation voile
de lXide de la #culpabilit allemande#, dXautre part, par lXnonciation implicite dXune
t$+se sur la catastrop$e europenne de la premi+re moiti du __e si+cle.
LXide de la #culpabilit allemande#, intriorise par la Vpublique ^ la #responsabilit
devant Oieu et les $ommes#, inscrite dans le prambule de la $rundgeset1, tant, pour
reprendre le propos de Karl Jaspers 61.8, le "ondement moral et *uridique de la V[9 ^
proc+de de la double imputation ( lX9llemagne de la responsabilit de la guerre et du
caract+re criminel du national5socialisme 6caract+re tendu ( des pans entiers de la
socit, de la culture et de lX$istoire germaniques8 B elle sXest traduite initialement par
#l&arrestation automatique#, lXinternement et la privation des droits des membres du
parti naGi, de la "onction publique et de lXarme B elle constitue en"in la source de
lXinterdiction "aite au3 9llemands dX'tre une #nation normale#, souveraine, rattac$e (
son pass.
Le re"us de cette disquali"ication morale, qui "ait lXa""aire des grandes puissances, se
con*ugue avec la critique de lXvolution du droit international et lXloge du droit des
gens classique bas sur des concepts non discriminatoires de guerre et dXennemi 6en
195:8, et avec la tentative de r$abiliter lXarme allemande con"ronte au3 partisans
dans lXDurope occupe et sur le "ront russe 6en 19.28. %rimo, . @c$mitt e3plique les
proportions gigantesques que prit le second con"lit mondial et, plus gnralement, le
caract+re dramatique de la priode 191N519N9, par la criminalisation de la guerre et
de lXennemi de 1919 ( 19N., qui e3acerbe les con"lits et prcipite la ruine de fa"to du
=us in bello 6telle est la relation entre la guerre #*uste#, qui discrimine les belligrants,
et la guerre #totale#, lgitime par la mise $ors la loi de lXadversaire8 6178, se"undo,
par la stratgie de rvolution mondiale, matrice de la #guerre civile internationale# et
de la guerre de partisans, vecteur de lXascension au3 e3tr'mes de la violence en raison
de la suppression de la distinction entre civils et militaires 6pierre angulaire du =us in
bello8. >re", ce sont les imprialismes #universels# 6renvo!s dos5(5dos8 de lX<uest et
de lXDst ^ sXidenti"iant ( lX$umanit et au #sens de lX$istoire#, ne voulant pas
reconna;tre sur un m'me plan moral et *uridique leurs ennemis disquali"is,
prtendant monopoliser la dcision sur le caract+re *uste ou in*uste des con"lits ^ qui
ont dc$a;n lX$ostilit absolue et la guerre totale.
es imprialismes, scells par le droit international, sont dXautant plus avrs que,
pour . @c$mitt et ses disciples, rtrospectivement, les guerres mondiales livres par
les 9llis, la premi+re au nom du #droit des peuples ( disposer dXeu35m'mes# 6droit
dont les 9llemands ne devaient pas bn"icier8, la seconde au nom de #lXanti"ascisme#,
ont eu pour ob*ecti" de dtruire lX9llemagne en tant que puissance, plus prcisment
de dtruire #lX4tat militaire prussien# ^ no!au du Veic$. La @econde 7uerre mondiale
et le deu3i+me apr+s5guerre "urent ainsi une radicalisation de la Iremi+re 7uerre
mondiale et du premier apr+s5guerre, cependant que la guerre "roide entre lXDst et
lX<uest apr+s 19N. reproduisait, ( plus grande c$elle, lXtat de #pai35guerre#
postrieur ( 1919 entre les 9llis et lX9llemagne 6118.
18 Dn 1911, [ranRais et >ritanniques avaient obtenu du prsident =ilson que
lXarmistice ne serait conclu quXavec un gouvernement dmocratique e3cluant le Kaiser
et les c$e"s militaires du Veic$, bre", apr+s une rvolution. O+s 19N2, les 9llis ne
reconnaissent plus de *ure le gouvernement allemand et e3igent une capitulation
inconditionnelle, puis, en 19N5, ils stipulent que la signature dXun ventuel trait de
pai3 passe par la liquidation de lXancien rgime, la #dnaGi"ication# et lXtablissement
dXun nouveau rgime dmocratique et "dral, bre", apr+s une autre rvolution, issue
elle aussi dXune d"aite militaire.
/8 9pr+s lXarmistice de Vet$ondes, le blocus, comme acte dX$ostilit et mo!en de
coercition, avait t maintenu par les 9llis pendant lX$iver 1919. 9pr+s la reddition
de Veims, la ligne de dmarcation entre la guerre et la pai3 est place ( la "in et non
au dbut de la priode dXoccupation, laquelle reprsenta, de lXaveu des 9llis, une
continuation de leur e""ort de guerre, qui ne prit "in quXavec la re"onte compl+te de
lX4tat allemand 6( c$aque "ois, les $ostilits ont donc t poursuivies apr+s la cessation
de la belligrance, brouillant la distinction entre guerre et pai38.
28 Dn 1919, le Veic$, en tant que puissance vaincue et dclare coupable, nXavait pas
t admis ( la on"rence de la Iai3 rserve au3 seuls vainqueurs. Dn 19N5519N9, il
nX! a m'me pas de trait de pai3 car lX9llemagne, qui nXe3iste plus en tant quX4tat du
"ait de sa capitulation et de sa debellatio, est soumise ( une administration
internationale 6quadripartite8 6198, et la guerre "roide sXest installe entre les anciens
allis, parall+lement ( la conservation des mesures de "orce et dX$ostilit contre les
9llemands 6comme en 19198.
N8 Dn 1919, lX9llemagne avait dH avaliser lXaccusation selon laquelle elle avait
dclenc$ et poursuivi une guerre dXagression, verser ( ce titre dXnormes rparations
^ sous peine de sanctions ^, mettre sous contrLle international les c$emins de "er du
Veic$ et la >anque du Veic$, et elle nXavait c$app que de *ustesse ( la livraison des
#criminels de guerre# que les 9llis se rservaient le droit de *uger 6( commencer par
7uillaume AA, ,indenburg et Ludendor""8. Dn 19N5519N., le Eribunal de ?uremberg,
ralisant ce qui tait virtuellement contenu dans les articles //7 et /2: du Erait de
\ersailles, entrine la criminalisation du AAAe Veic$ et sa liquidation *udiciaire, qui
sXaccompagne, avec le versement de nouvelles rparations, de la culpabilisation
collective du peuple allemand et de lXinterdiction "aite ( lX9llemagne de redevenir un
#4tat normal#.
58 Dn 1919, le Veic$ avait perdu 6outre lX9lsace5Lorraine, Dupen5Calmd!, le nord du
@c$les-ig5,olstein, le Lu3embourg, dtac$ de lXunion douani+re allemande, et la
@arre, administre par la @O?8 la Irusse occidentale, la Iosnanie, la ,aute @ilsie et
Cemel B OantGig avait t rig en #4tat libre# et le #corridor# polonais isolait la Irusse
orientale du reste de lX9llemagne, cependant que lXtat5ma*or et lX9cadmie de
7uerre, sanctuaires du #militarisme prussien#, taient supprims et interdits par les
9llis. P partir de 19N5, lX9llemagne perd lXensemble des territoires ( lXest de lX<der5
?eisse et la Irusse est dissoute 6en 19N78, mo!en radical de "aire dispara;tre le
berceau du #militarisme allemand# et dXanantir lXaristocratie prussienne.
.8 Dn 1919, apr+s la dislocation de lXDmpire des ,absbourg, lX9utric$e 6qui perdait la
@t!rie mridionale, une partie du E!rol et du >urgenland, ainsi que les 9llemands de
>o$'me et de Coravie8 avait t spare du Veic$ par les traits de \ersailles et de
@aint57ermain. 9pr+s 19N5, la m'me vocation est assigne ( lX4tat autric$ien, divis
6comme \ienne8 en quatre Gones dXoccupation apr+s lXannulation de lX9nsc$luss de
1921 puis neutralis, celle dXemp'c$er la constitution dXune 7rande 9llemagne.
78 Dn 1919, des millions dX9llemands avaient t spars de la m+re patrie et
trans"orms en minorits dans les nouveau3 4tats centre5europens issus du
dmembrement des empires russe, austro5$ongrois et allemand. 9pr+s 19N5, les
populations germaniques ^ du moins celles qui nXtaient pas d*( devenues des
r"ugis "u!ant lXavance et les e3actions de lX9rme rouge durant la derni+re p$ase de
la guerre ^ sont s!stmatiquement c$asses de Irusse, de Iosnanie, de Iomranie et
de @ilsie 6ad*uges ( la Iologne et ( lX0V@@8, des @ud+tes 6qui reviennent ( la
Ec$coslovaquie8, ou encore du >anat et de Erans!lvanie, tandis que les 9llemands de
la \olga 6#peuple puni#, avec dXautres, par @taline8 sont dports en @ibrie et au
KaGak$stan. es e3pulsions massives et "orces, qui ont touc$ 1. millions de
personnes, *ointes ( lXe3ode constant des 9llemands de la Gone sovitique puis de la
VO9 vers lX<uest, consomment lXe""ondrement complet du 0euts"htum ( lXDst.
18 Dn 1919, la V$nanie avait t occupe et dmilitarise, le Veic$ dsarm, ses
"orti"ications dmanteles, ses "leuves internationaliss, son arme rduite ( 1::.:::
$ommes et son industrie de d"ense drastiquement restreinte. Dn 19N5, toute
lX9llemagne est occupe, dmilitarise et dsarme, puis divise en / 4tats
antagonistes, lXun arrim ( la coalition occidentale, lXautre rattac$ au bloc sovitique,
/ 4tats ( la souverainet diplomatique et militaire limite o) stationnaient des
contingents trangers et dont les "orces armes reconstitues "urent intgres, lXune (
lX<E9?, lXautre au Iacte de \arsovie, cXest5(5dire soumises, lXune ( un commandement
amricain, lXautre ( un commandement russe.
98 Dn 191151919, les 9llis avaient provoqu, ou du moins contribu ( provoquer, la
c$ute de la monarc$ie des ,o$enGollern et e3ig la constitution dX #un gouvernement
dmocratique et reprsentati" ( >erlin#, embr!on de la "uture Vpublique de =eimar,
dont la constitution resta lie au Erait de \ersailles ^ ( ses clauses morales,
"inanci+res, territoriales et militaires ^ par son article 1715/. Dn 19N5519N9, les 9llis
entreprennent eu35m'mes la rvolution, ( savoir la suppression du militarisme et du
national5socialisme, la rducation du peuple allemand et la cration dXune Vpublique
"drale, dmocratique, parlementaire et *uridictionnelle 6( lX<uest8, la Vpublique de
>onn, laquelle, sous le contrLle des puissances de tutelle, ancrera lX9llemagne 6en
position subordonne8 ( lX<ccident 6( travers lXad$sion au plan Cars$all, ( lX<E9?, (
lX0D<, ( la D9, ( la DD et ( la DD98, et dont la #Loi [ondamentale# 6/:8, notamment
lXarticle 129, maintiendra les liens avec la lgislation dXoccupation.
Les "ormes de lXimprialisme en droit international
LXanal!se critique de la situation de la V$nanie occupe et dmilitarise apr+s 1919
et, plus encore, celle de lXimprialisme amricain, de la doctrine Conroe ( la doctrine
@timson, permettent ( . @c$mitt de montrer pleinement lXinstrumentalisation
politique du droit t!pique de lXimprialisme occidental et de son s!st+me
#universaliste# de *usti"ications.
98 Les premiers te3tes du #*uriste5nationaliste# consacrs au droit international portent
sur la situation nvralgique de la V$nanie, situation qui retient son attention de
mani+re continue de 19/N ( 192. et dont il suit tous les dveloppements : trait de
Locarno 619/58, protocole de la @O? sur lXouverture des ngociations portant sur
lXvacuation des provinces r$nanes 619/18, accords de La ,a!e 619/98, rtablissement
de la souverainet militaire du Veic$ en rponse au pacte dXassistance mutuelle
"ranco5sovitique 6192.8. Xest ( *uste titre que . @c$mitt se concentre sur lXvolution
du statut de la V$nanie, question au c%ur de la politique internationale ( lXpoque :
la dmilitarisation de la rive gauc$e du V$in "orme la cle" de voHte de lXordre europen
tabli par la [rance apr+s 1919 car elle garantit la suprmatie de Iaris sur >erlin B
aussi la remilitarisation de mars 192. marque5t5elle le tournant de lX$istoire de
lXentre5deu35guerres.
Oans ses te3tes, le *uriste dnonce les man%uvres tendant ( sparer de lX9llemagne
dsarme et contrLle les provinces r$nanes occupes et dmilitarises, et ( les
trans"ormer en #ob*et de politique internationale#.
La V$nanie, avec son statut territorial distinct relevant du droit international et non
plus du droit interne allemand, c$appe ( la souverainet du Veic$ : cXest une
commission internationale compose de reprsentants des gouvernements allis et
prside par un [ranRais 6la ,AEV8 qui dcide des questions de scurit, dXordre
public et dXtat dXe3ception ( lXouest du V$in 6elle peut ! dcrter lXtat de si+ge8 B
cXest donc elle qui dtient la souverainet relle sur lXespace le plus industrialis de
lX9llemagne. Le statut politico5*uridique des provinces de lX<uest, substitut ( la
constitution dXun 4tat r$nan spar du Veic$ ( laquelle Iaris nXa pu procder par
suite du re"us anglo5amricain, quivaut ( la suppression de toute possibilit de
d"ense, ( la cration dXun glacis entre la [rance et lX9llemagne au3 dpens de cette
derni+re, qui sacri"ie ( un con"lit ventuel 1N millions dX9llemands pris en otages.
La dmilitarisation de la V$nanie ^ partie du s!st+me gnral des restrictions et
amputations de la souverainet allemande ^ est conRue, avec le dsarmement du
Veic$, comme une garantie de la pai3, et elle est elle5m'me garantie par les
stipulations des traits de \ersailles et de Locarno, qui consid+rent toute in"raction (
cette dmilitarisation #comme un trouble contre la pai3# et comme un #acte $ostile#
contre c$acune des /7 puissances signataires du trait de 1919. es stipulations ont un
sens politique prcis : tandis quXune occupation de la V$ur par lXarme "ranRaise peut
'tre quali"ie de #mesure paci"ique#, lX9llemagne peut 'tre dsigne comme agresseur
^ et donc sanctionne ^ pour nXimporte quel moti", car lXinterdiction des #mesures de
mobilisation# peut "aire lXob*et dXinterprtations illimites de la part des puissances
occidentales. Iar consquent, le simulacre du s!st+me de prvention et de pro$ibition
de la guerre, avec ses #"ictions *uridiques# qui dtruisent lX$onn'tet du droit des gens,
"onctionne contre lX9llemagne, dsarme et dmilitarise, mais prsume agresseur.
>8 La critique sc$mittienne des "ormes amricaines dX$gmonie, notamment lXarticle
B'Clkerre"htli"he Formen des modernen 3mperialismusB 6/18, marque le point
culminant de lXapproc$e 6#dcisionniste#8 associant droit international et imprialisme
6//8.
Eoute politique dXe3pansion doit trouver une *usti"ication : il ne sXagit pas l(
simplement dXun #masque idologique# mais de lXillustration de cette vrit quXil nX! a
pas de pratique internationale sans discours lgitimant.
JusquXau _A_e si+cle, le droit des gens reposait sur la distinction entre les peuples
europens5c$rtiens et les autres B en dcoulaient certaines notions spci"iques : les
privil+ges consulaires, le rgime dXe3emption des *uridictions trang+res,
lXe3traterritorialit des Duropens. ette distinction sXest scularise dans la
distinction entre peuples civiliss, ( demi civiliss et non civiliss, qui a t ( la base
des concepts et mt$odes de lXimprialisme europen au tournant du si+cle.
LXarticle // du pacte de la @O? est ( la "ois le mod+le et la s!nt$+se de la *usti"ication
o""erte par lXide de #civilisation# ( cet imprialisme : au3 colonies et au3 protectorats
sXa*outent dsormais les mandats.
LXimprialisme amricain, lui, a dpass ce stade, car il a pour principe et spci"icit
de sparer lXconomie et la politique, ce qui a valu ( lXe3pansion amricaine de passer
pour #paci"ique#, parce quX #conomique# et donc #apolitique#, si bien quXil nX! aurait
pas, ( proprement parler, dX #imprialisme# amricain. . @c$mitt rcuse, bien
videmment, cette interprtation : BlDimp,rialisme am,ri"ain est un imp,rialisme
,"onomi4ue E il ne "esse pas pour autant dD8tre un imp,rialismeB 6/28, car les intr'ts
du capitalisme mondial anglo5sa3on vident de leur substance les principes
dXautodtermination, dXindpendance et de souverainet nationales. La dmarc$e
consistant ( *ouer lXantit$+se conomieQpolitique nXest quXune mani+re antipolitique
de dguiser le caract+re politique de p$nom+nes conomiques.
Les 4tats50nis ont ainsi dvelopp des concepts et mt$odes spci"iques de domination
internationale : le nouveau clivage politique quXils ont instaur est celui qui oppose les
cranciers et les dbiteurs, division ^ politique, et pas seulement "inanci+re ^ qui
sXimpose au premier c$e" ( #l&4tat de rparations# menac de #sanctions# quXest
lX9llemagne ^ soumise ( lXe3torsion internationale de son produit national. La question
des dettes, dommages de guerre et rparations, levier politique ma*eur, tait
troitement lie ( lXoccupation militaire de la V$nanie *usquX( lXadoption du plan
ioung B celui sXest e""orc de #dpolitiser# ladite question, permettant au3 9mricains,
apr+s quXils eurent *ou un rLle dterminant durant la guerre mondiale puis ( la
on"rence de la Iai3, de se muer en arbitres des "inances de lXDurope, position
devenue la matrice de la nouvelle direction politique donne au droit des gens.
LXessentiel de lXargumentation amricaine, en droit international et en politique
trang+re, sXarticule autour de la doctrine Conroe B sX! a*outent / mo!ens
spci"iques : lXaccord dXintervention et la reconnaissance des gouvernements B en"in,
le pacte Kellog et la doctrine @timson marquent le dernier stade de lXimprialisme
moderne.
18 ,istoriquement, la doctrine Conroe, selon . @c$mitt 6/N8, est dXabord un principe
dXviction des puissances europennes qui garantit le rgime rpublicain des 4tats du
continent amricain, ensuite un instrument dX$gmonie et dXingrence des 4tats50nis
dans lX$misp$+re occidental, en"in un principe dXintervention imprialiste dans le
monde entier.
ette doctrine est capable de *usti"ier les politiques les plus opposes ^ cXest en son
nom que =as$ington a dXabord re"us de sXengager dans le con"lit europen, ce qui nXa
pas emp'c$ lXentre en guerre contre lX9llemagne en 1917, quitte ( signer un trait
de pai3 spar avec le Veic$ en 19/1 ^, car le gouvernement amricain a le monopole
de sa d"inition, de lXinterprtation et de lXapplication, puisquXelle constitue une
dclaration unilatrale dXun prsident amricain. ette dclaration nXen a pas moins
une e3traordinaire porte internationale, car les 4tats50nis sont parvenus ( "aire
reconna;tre par tous les 4tats du monde, ainsi que par la @O?, une doctrine dont
lXinterprtation est leur a""aire e3clusive, de sorte quXon ne peut rien e3iger dXeu3 qui
lui soit contraire, tandis quXils peuvent e3iger ( tout moment son respect, dont ils sont
les seuls ( dcider quel contenu lui donner.
9pparemment absents de la Ligue de 7en+ve ^ dont ils ont impos la "ondation ^, les
4tats50nis sont e""ectivement prsents, dXune "aRon indirecte mais e""icace, par le
biais de la doctrine Conroe dont le primat sur le Iacte de 1919 est reconnu dans
lXarticle /1 et qui met le continent amricain ( lXabri de toute ingrence e3trieure 6!
compris de la @ocit8, et par le biais des 4tats latino5amricains membres de la Ligue,
rputs #souverains# mais dont la politique trang+re est en ralit contrLle par
=as$ington. 9utrement dit, les dcisions de la @O? sur lXDurope ou lX9sie sont
in"luencs par les 4tats de lX$misp$+re occidental ^ 4tats prsents ( 7en+ve 6en
192/, Ianama si+ge m'me au onseil U8, alors que la puissance qui les contrLle en est
absente ^, tandis que la @O?, elle, ne peut e3ercer aucune in"luence sur les a""aires
amricaines puisquXelle sXest plie ( ladite doctrine. ette combinaison dXabsence
o""icielle et de prsence e""ective des 4tats50nis en Durope est particuli+rement
"rappante dans le domaine des "inances o) il nX! a pas dXaccord pass entre
lX9llemagne et les 9llis sans la prsence dcisive dXun #cito!en amricain# ^ non pas
dXun reprsentant o""iciel du gouvernement de la Caison blanc$e. Al en va de m'me
lors de la constatation dXun manquement au3 obligations de rparations de la part du
Veic$, cXest5(5dire lors de la prise de sanctions ventuelles : est encore prsent un
#cito!en amricain#.
/8 P partir de la doctrine Conroe, sXorganisent ( la "ois lX$gmonie continentale et
lXe3pansion mondiale, car les 4tats50nis sont en passe de devenir, en 192/, lXarbitre
international. Oe ces / directions dcoulent des p$nom+nes et des reclassements
spci"iques en droit des gens, ainsi que de nouvelles mt$odes de domination :
lXaccord dXintervention et la reconnaissance des gouvernements.
a8 @ur la base de lXgalit *uridique "ormelle des 4tats, se pro"ilent des "ormes indites
de contrLle et dXintervention, car il nX! a pas dXimprialisme sans $gmonie et donc
sans ingrence dans les a""aires dX4tats dpendants. es nouvelles mt$odes, qui
assurent les avantages dXune anne3ion sans ses coHts politiques et qui sont compatibles
avec les prescriptions du droit international 6lequel interdit la conqu'te militaire mais
pas lXe3ploitation conomique8, trouvent leur point de s!stmatisation dans #lXaccord
dXintervention# invent par les 4tats50nis. et accord permet ( un 4tat 6les 4tats50nis
en lXoccurrence8 dXintervenir de *ure, dans des conditions et avec des mo!ens
spci"iques, dans les a""aires dXun autre 4tat 6les 4tats dX9mrique centrale et des
ara]bes en lXoccurrence8, t$oriquement souverain mais rellement contrLl par le
biais de clauses restrictives qui donnent ( la puissance trang+re, et ( elle seule, le
droit de dcider si les conditions de lXintervention sont runies 6troubles ( la scurit
et ( lXordre public, inobservation des traits internationau3, menaces sur la libert et
la proprit des trangers, etc.8 B lX4tat qui a la "acult dXintervenir, en cas
dXe3ception ( lXordre quXil a tabli, est de fa"to souverain, pas celui qui est lXob*et de
lXintervention.
b8 P cLt de ce genre dXaccord, =as$ington dispose dXun autre mo!en t!pique de
contrLle et dXingrence, ( savoir un concept spci"ique de reconnaissance ou de non5
reconnaissance, bientLt tendu ( lXensemble du globe. Les 4tats50nis nXentendent
reconna;tre que les gouvernements #lgau3# en 9mrique latine, ( lXe3clusion des
gouvernement #illgau3# ou #rvolutionnaires# B cela signi"ie concr+tement quXils
dcident du caract+re licite ou illicite des 6instables8 rgimes latino5amricains dont ils
dterminent le destin politique.
28 OXapr+s . @c$mitt, le pacte Kellog et la doctrine @timson ont acquis pour le monde
entier une "onction analogue ( celle de la doctrine Conroe pour le continent amricain
: celle de *usti"ier lXimprialisme 6conomique8 des 4tats50nis et ses mt$odes
dXintervention.
Le pacte de 19/1 est le point dXorgue dXune volution qui pro"ite ( =as$ington au
dtriment de 7en+ve, car #le pouvoir de dcider de la pai3 du monde, le gouvernement
amricain lXa con"isqu ( la @ocit des nations par le pacte >riand5Kellog# 6/58. Dn
e""et, la solennelle condamnation de la guerre en tant #quXinstrument de politique
nationale#, adopte par presque tous les 4tats du monde, ! compris des 4tats non
membres de la @O? comme lX0V@@, nXa que lXapparence dXune proscription gnrale,
car le pacte autorise implicitement, a "ontrario, les guerres menes ( des "ins de
politique internationale 6imprialiste8, et il en reste ( une conception de la
belligrance comme emploi direct de la "orce arme, ( lXe3clusion des autres mo!ens
de coercition ou de subversion. Iassant dXun plan bilatral "ranco5amricain ( un plan
multilatral, la renonciation ( la guerre, ne reposant plus sur lXamiti relle des
cosignataires, devient dXautant plus alatoire que c$aque 4tat dtermine
souverainement lXe3istence ou non dXune agression et dcide des mesures coercitives (
prendre, quXaucune modalit de c$angement paci"ique nXest envisage, que les
rserves et interprtations gouvernementales a*outes au pacte ^ la rserve de la
lgitime d"ense, la rserve britannique de la scurit des communications de
lXDmpire, la rserve amricaine de la doctrine Conroe ou la rserve selon laquelle
#toute action contre la proprit ou la personne dXun cito!en amricain est un acte
dX$ostilit# ^ vident de tout sens la condamnation "ormelle de la guerre. 3n fine, au
lieu de mettre celle5ci #$ors5la5loi#, le pacte de 19/1 invite les 4tats ( lgitimer leur
emploi de la "orce ou ( mener une guerre de fa"to sans dclaration "ormelle, ou
encore ( engager des $ostilits non militaires.
La doctrine de 192/, qui visait initialement les actions du Japon en $ine, donne au3
4tats50nis le droit de reconna;tre ou de ne pas reconna;tre, partout dans le monde, les
c$angements politiques ou territoriau3, et, partant, le droit dXintervenir ou de ne pas
intervenir dans le monde entier. ette ligne politique #universaliste#, associe ( un
pacte Kellog ouvert ( toutes les interprtations, se rv+le "ondamentalement
imprialiste, conduisant lX9mrique ( participer ( toute action collective destine (
punir un 4tat agresseur. omme le dclarera @timson en 19N1, la Eerre, en raison du
progr+s tec$nique, est devenue plus petite, trop petite pour admettre des s!st+mes
politiques opposs, trop petite pour que les 4tats50nis nXaient pas ( emplo!er la "orce
en 9sie, en Durope ou en 9"rique, contre des rgimes #illgau3# ou #rvolutionnaires# :
la doctrine du secrtaire dX4tat amricain, credo du pan5interventionnisme amricain
au plan mondial, aboutit ainsi ( universaliser les con"lits au nom de lXunit du genre
$umain. La c$arte des ?ations unies signe en 19N/ succ+de ( la doctrine rvise en
19N1 : elle est, en quelque sorte, la c$arte du monde unipolaire amricanocentr.
N8 Ilus dterminant encore que lXimprialisme conomique, appara;t lXimprialisme
culturel et linguistique, cXest5(5dire lXemprise sur les mots et les concepts.
LXessentiel dans les notions cruciales du droit et de la politique, cXest de savoir qui
dtient la cl de leur d"inition, interprtation et application B ce qui est dcisi", et qui
est lXe3pression de la vraie puissance, cXest la "acult de d"inir soi5m'me le contenu
de ces notions cls. Oans lXimprialisme dXenvergure $istorique, et notamment
amricain, ce qui importe nXest pas tant le potentiel conomique ou militaire que la
capacit dXimposer au3 peuples domins, et de leur "aire accepter et adopter, des
conceptions #$gmoniques# 6/.8 du droit et de la politique.
[ace ( cette capacit, la "aiblesse de lX9llemagne para;t immense : le peuple allemand,
soumis au3 #suggestions morales# des puissances occidentales emmenes par =ilson
6puis Voosevelt8, a "ini par douter de son bon droit et par voir sa propre cause ( travers
le regard de ses ennemis. ontre cette abdication morale, *uridique et intellectuelle,
. @c$mitt appelle ( une prise de conscience du caract+re minemment politique du
#*uridisme# et du #moralisme# qui inspire le droit international moderne.
Dn conclusion, lXimprialisme amricain, du point de vue de ses ob*ecti"s et de ses
mo!ens, est le nec plus ultra de lXimprialisme libral, "ond sur la morale et
lXconomie 6/78 : il tire sa *usti"ication de lXidologie du <ne =orld et de la
#p$ilosop$ie de lX$istoire# qui lui est associe, ( savoir la "oi dans le progr+s dXune
$umanit civilise 6dont lX9mrique serait la tutrice8 B il utilise, de mani+re privilgie,
des instruments de pression et de coercition conomiques et "inanciers qui lXautorisent
( pro$iber lXusage de la "orce arme au service dXintr'ts conomiques et "inanciers.
La criminalisation de la guerre, du pacte Kellog au Eribunal de ?uremberg, "ait partie
des mt$odes de cet imprialisme, souligne le *uriste allemand, dXabord parce que, en
lXabsence de modalit de pea"eful "hange, elle entrine le statu 4uo au bn"ice des
possdants et permet dXassimiler lXadversaire ( un coupable pour avoir rompu ou
perturb la pai3, cXest5(5dire le statu 4uo, "Ht5il in*uste 6au regard du principe des
nationalits ou du droit des peuples8 B ensuite parce que la dcision sur la pai3, la
scurit, et le caract+re licite ou illicite de la guerre, appartient au3 grandes
puissances gardiennes de lXordre mondial B en"in parce que lXemploi de la "orce peut
'tre lgitim par la distinction entre agression et lgitime d"ense, guerre et action
collective, guerre *uste et in*uste, et par lXlaboration dXune terminologie paci"iste o)
il nXest plus question de #guerre#, mais de #sanctions#, de #police internationale#, de
#maintien de la pai3#, autant dXoprations #internationales# lgalises et censment
*ustes que m+nent les puissances imprialistes, et notamment les4tats50nis 6/18.
LX4volution universaliste et discriminatoire du droit international,
stade supr'me de lXimprialisme
9pr+s 1911, les 9llis, principalement la [rance, entendent conserver une pai3
durement gagne par lXtablissement dXun rseau dXalliances collectives et, via la @O?,
dXun s!st+me international de garanties, dXobligations et de sanctions qui discrimine
lXagresseur.
e paci"isme o""icialis, tourn contre toute rvision qui sXappuierait sur la "orce
arme, . @c$mitt et la droite allemande le dnoncent comme un paci"isme de
vainqueurs, un imprialisme masqu. La lutte contre cet imprialisme passe donc par
la mise en cause radicale des institutions universalistes ^ et vice5versa ^ car ces
institutions, places au service des grandes puissances, sont des instruments de
lgitimation du statu 4uo, puis, apr+s 1921 ^ ( cette date, lXordre tabli ( \ersailles a
disparu ^, des instruments de lgitimation de la guerre collective que les dmocraties
occidentales menacent de livrer ( lXAtalie "asciste et ( lX9llemagne nationale5socialiste.
La critique adresse ( la @O?, ( la IJA 6/98 ou au s!st+me de scurit collective et de
pro$ibition de lXagression est ainsi une attaque dirige contre les puissances de lX<uest
qui, en prLnant la pai3 et en proscrivant la guerre, d"endent en ralit le statut
*uridique issu des diktat de 1919519/:, con"orme ( leurs propres intr'ts. Dlle marque
aussi la rcusation dXune utilisation des concepts de droit et de pai3 qui disquali"ie
lX9llemagne et qui lgitime la domination de la [rance, de la 7rande5>retagne ou des
4tats50nis, car le #r+gne du droit# invoqu par Iaris, Londres ou =as$ington nXest en
"in de compte quXune validation des traits en vigueur ou bien le r+gne des puissances
qui savent en appeler ( ce droit, qui le d"inissent, lXinterpr+tent et lXappliquent.
Les nouvelles tendances du droit international, du pacte de la @O? au pacte >riand5
Kellog et au3 conventions de Londres de 1922 ^ tendances qui trouveront leur
conclusion ( ?uremberg en 19N. ^ aboutissent ( trans"ormer la politique mondiale en
#police mondiale# ou en #action collective# contre lXagresseur disquali"i. <r, qui est
lXagresseur et qui est lXennemi dsign ^ et criminalis ^ au plan international F celui
qui re"use le statu 4uo, cXest5(5dire lX9llemagne, tou*ours implicitement vise dans les
accords et traits internationau3. Justi"iant la #guerre totale# contre le pea"e breaker
mis #$ors la loi#, lXvolution vers un concept discriminatoire de guerre et dXennemi,
sapant le droit de la neutralit et le =us in bello, marque la dogmatisation en droit
international dXun imprialisme arriv au stade supr'me de lXuniversalisme.
98 Le vainqueur c$erc$e tou*ours ( donner ( la situation politique acquise apr+s la
victoire la garantie de la lgitimit : lXappel au primat du droit a ce sens politique
prcis. \ersailles le con"irme : les ides de la @ocit des nations sur le maintien de la
pai3, la *uridiction internationale ou la scurit collective visent ( lgitimer le statut
de lXDurope instaur par les traits de 1919519/:.
<r, ce statut lgalis ( 7en+ve, souligne . @c$mitt, nXinstaure ni la pai3 ni la *ustice,
dXabord parce quXil a gnralis un tat intermdiaire de #pai35guerre# en "aisant de la
pai3 #une continuation de la guerre par dXautres mo!ens#, ensuite parce quXil nXest pas
con"orme ( la structure et au "ondement du droit des gens, cXest5(5dire ( lXgalit
souveraine des 4tats, en"in parce quXil ne respecte pas le principe du droit des peuples
( lXautodtermination 6au nom duquel sXest pourtant droule la guerre et di"ie la
@O?, mais aboutirait ( lX9nsc$luss, ( la rcupration du #corridor# polonais et ( la
dislocation de la Ec$coslovaquie8. Calgr la primaut quXil accorde au politique, le
*uriste allemand attac$e une grande importance ( lXide dXun ordre *uridique, un ordre
que lXon tienne pour #normal et *uste#, la reconnaissance dXun principe de lgitimit
6le principe des nationalits8 servant de crit+re de validation au droit des gens, cXest5(5
dire ( la garantie aussi bien quX( la rvision de l&uti possidetis.
Cais ce souci sXaccompagne, de mani+re privilgie, dXune anal!se critique des
dguisements *uridiques de la politique trang+re des puissances occidentales :
principalement lXinstitution de la @O? et ce qui sX! rattac$e, mais aussi la
multiplication des #commissions internationales# 6sur la V$nanie, le dsarmement ou
les rparations8 qui donnent lXillusion de la dpolitisation et pr'tent des "ormes
#lgales# ( la domination.
18 La @O? nXest pas un #super54tat# reproduisant le sc$ma de la distinction des
pouvoirs 6onseil, 9ssemble, our permanente de *ustice internationale, @ecrtariat8,
et les obligations quXelle cre ne sont pas lXe""et dXune contrainte *uridique
supranationale, car la #@ocit des nations# ne dsigne pas un s!st+me politico5
*uridique indpendant des 4tats membres et dtenant une souverainet supra5tatique
propre, ce dont le *uriste allemand se "licite.
La Ligue de 7en+ve nXabolit pas plus les 4tats quXelle nXlimine les guerres puisquXelle
en lgitime certaines et en sanctionne dXautres 6tout comme le pacte >riand5Kellog8.
Dlle est toute"ois plus quXune simple con"rence diplomatique "lanque dXun bureau
international 6le @ecrtariat8, car la r+gle "ondamentale du droit contractuel selon
lequel un trait ne produit pas dXe""ets ( lXgard de ceu3 qui nX! ont pas pris part, ne
sXapplique pas ( la @ocit. Les membres permanents du onseil de la Ligue,
principalement la [rance et la 7rande5>retagne, peuvent obliger les autres 4tats,
membres ou non membres, ( les suivre dans les guerres quXils livreront puisque leurs
dcisions sXimposent, ! compris au3 4tats trangers 6art. 17518, cependant que ces
m'mes membres permanents ne peuvent 'tre contraints ( la guerre par une autre
volont que la leur, en vertu de la r+gle de lXunanimit au sein du onseil qui donne un
droit de veto au3 grandes puissances 6art. 5518. Le ovenant consacre donc lXingalit
des 4tats ^ alors que lXgalit des 4tats est un principe "ondamental du droit des gens
^, en ce sens que tous les 4tats sont obligs dXappliquer les dcisions du onseil tandis
que les grandes puissances ont le pouvoir dXimposer au3 autres 4tats des mesures quXil
est impossible de leur imposer ( elles5m'mes.
Iar lXentremise de la @O?, les puissances victorieuses de 1911 disposent ainsi de
mo!ens dXintervention et de contrLle lgitims, ainsi que du monopole *uridique de la
dsignation de lXennemi au plan international, ce qui leur permet dXentra;ner le reste
du globe dans lXorbite de leurs intr'ts imprialistes. LXad$sion de lX9llemagne (
lXinstitution de 7en+ve en 19/. nXa pas modi"i leurs privil+ges, ni la distinction
entrine en 1919 entre vainqueurs et vaincus, arms et dsarms, contrLleurs et
contrLls, cranciers et dbiteurs, distinction ren"orce par la menace des sanctions
de la part des 4tats garantissant la scurit contre les 4tats virtuellement agresseurs.
Dn e""et, le Veic$ ^ dsarm, contrLl, tributaire, donc plac dans une situation de
fa"to ingale ^ nXa pu utiliser ni les modalits dXintervention rserves au3 puissances
du onseil 6art. 118 ni les modalits de rvision paci"ique de lXarticle 19 6rendues
inapplicables par lX$ostilit des tenants du statu 4uo, not. la [rance8.
/8 ontinuation de lXDntente, la @O? est un instrument de lgitimation du statu 4uo
post5\ersailles, a""irme . @c$mitt.
LXarticle 1: du Iacte garantit lXintgrit territoriale et lXindpendance politique des
4tats membres contre lXagression ou la menace dXagression B il garantit essentiellement
l&uti possidetis =uris contre toute modi"ication par la "orce arme, autrement dit, il
abolit le droit de conqu'te, sans pour autant interdire toute rvision 6les c$angements
sont possibles, ils doivent seulement ne pas 'tre le rsultat dXune conqu'te militaire B
inversement, la guerre reste possible, elle doit seulement ne pas 'tre le mo!en dXune
modi"ication territoriale8. 9pparemment, cet article ne contient donc pas une garantie
pure et simple du statu 4uo, mais une protection contre toute modi"ication par la
"orce, protection qui semble bn"icier ( une 9llemagne dsarme ^ m'me si tombent
sous la garantie de lXarticle les clauses territoriales des traits de 1919519/:. Le
danger vritable pour le Veic$ ne rside pas dans lXe3clusion des mo!ens militaires ^
lX9llemagne dsarme ne peut songer ( les emplo!er ^, mais dans la lgitimation du
statu 4uo quXentra;ne lXad$sion du Veic$ ( la @O?. Dn e""et, lXadmission et lXentre
dans la Ligue impliquent un postulat de normalit, de con"ormit au droit et de
lgitimit de l&uti possidetis de c$acun des membres de lXordre politico5*uridique
garanti par la Ligue.
Ilus la @O? voudra proscrire lXusage de la "orce, plus elle devra envisager de mettre au
point des procdures de c$angement ^ et pas seulement de r+glement ^ paci"ique. <r,
le droit international est de nature nettement statique : il est orient vers le maintien
de l&uti possidetis entrin *uridiquement, non pas vers le pea"eful c$ange. i a5t5il
dans le Iacte des dispositions qui permettent une modi"ication paisible de lXtat des
c$oses F LXarticle 11 donne au onseil de larges possibilits dXintervention, il ne
permet pas de c$anger le statu 4uo B il parle au contraire en "aveur de la lgitimit de
ce statu 4uo puisque cXest celui qui tente de le modi"ier qui passe pour un
#perturbateur#. LXarticle 19 con"+re ( lX9ssemble la "acult dXinviter les membres de
la @ocit ( procder ( un e3amen des traits devenus inapplicables ou dont le
maintien mettrait la pai3 en pril B la dcision du onseil et de lX9ssemble doit 'tre
unanime, se pose donc le probl+me de lXe3istence ou de lXabsence du droit de veto de
lX4tat concern par la rvision, celui5ci pouvant soit bloquer toute dcision, soit, sXil ne
trouve aucun appui au onseil ou ( lX9ssemble, se voir partiellement ou totalement
anne3 sous la "orme de #l&invitation# de lXarticle 19 B cet article *oue, lui aussi, en
"aveur du statu 4uo, puisque cXest le tenant de la rvision qui est considr comme un
"auteur de trouble, et puisquXil e3clut de la rvision les traits d*( e3cuts, dXo)
lXimpossibilit de demander la modi"ication des clauses territoriales pour cause
dXinapplicabilit, d+s lors que ces clauses sont par nature e3cutes immdiatement,
crant une situation irrvocable et d"initive.
28 La #*uridicisation# croissante des procdures de r+glement des con"lits
internationau3, avec la cration de la IJA et les pro*ets visant ( rendre la *uridiction
ou lXarbitrage obligatoires, va galement dans le sens de la lgitimation du statu 4uo.
OXapr+s les #*uristes5paci"istes# @c$ucking et =e$berg, la our de *ustice ne doit pas
seulement protger le droit devenu positi" ^ cXest5(5dire pos dans les traits ^, elle
doit aider le droit #*uste# ( percer, sans lXusage de la "orce. Dn admettant que les 4tats
souscrivent ( la c$arge de comptence obligatoire, sur quel autre "ondement que l&uti
possidetis le *uge, sans sortir de sa "onction *udiciaire et m'me en statuant e+ F4uo
et bono, pourrait5il rendre un verdict, demande . @c$mitt F L&uti possidetis est la base
et la r"rence du droit international positi" et du r+glement des di""rends
internationau3 B or, le statut politico5territorial de lXDurope, cXest celui qui a t "i3
par les diktat de 1919519/:. Eoute dcision de *ustice a pour r"rence une situation
prtablie et suppose normale B la tendance ( la #*uridicisation# aboutit ainsi ( ce que
l&uti possidetis est considr comme le "ondement du droit : on ne se demande plus si
le statu 4uo est *uste, on en dduit quXil est "ond en droit ^ parce quXil est inscrit
dans les traits ^ et quXil est le "ondement du droit.
Le tribunal saisi dXun litige statue selon le droit positi" en vigueur : cXest ( un nouveau
beati possidentes quXaboutit le #r+gne du droit# 6du *uge8 au plan international. L&uti
possidetis =uris bn"icie tou*ours ( celui contre qui est rclame une rvision B le
possdant consid+re invitablement la revendication dXune modi"ication comme tant
illgale et illgitime, car le #droit# est assimil ( la possession B la consquence est que
celui qui veut c$anger les c$oses passe ncessairement pour lXagresseur. Dn lXabsence
de possibilit e""ective de pea"eful c$ange, le #r+gne du droit# 6le trans"ert de la
dcision ( une our internationale8 nXest donc quXune garantie de la lgitimation du
statu 4uo au bn"ice de lXimprialisme satis"ait des puissances victorieuses.
N8 Dn lXabsence dXun principe de lgitimit respect et de modalits de rvision
appliques, le droit international ne marque que la tentative de prenniser un statu
4uo "i3 ( tel ou tel moment, arbitrairement c$oisi, de lX$istoire mondiale ^ en
lXoccurrence le /1 *uin 1919. Cais pourquoi lX$istoire devrait5elle sXarr'ter ce *our l(
et pourquoi le rapport des "orces tabli devrait5il 'tre du #droit# F Oans un s!st+me
normati" qui est au service de la garantie de l&uti possidetis, poursuit . @c$mitt, les
prsomptions relatives ( la d"inition de lXagression et ( la dtermination de
lXagresseur, lies ( la mise en %uvre des sanctions prvues ( lXarticle 1. du pacte de la
@O? puis "i3es dans les conventions de Londres2:, sont invitablement diriges contre
celui qui veut modi"ier lXtat des c$oses.
Iar consquent, la cration dXun s!st+me de prvention et de pro$ibition de la guerre
sXav+re une entreprise #pernicieuse#, puisquXen lXabsence de modalits de pea"eful
c$ange, lXinterdiction de lXagression revient ( un interdi"tum uti possidetis ren"orc
par lXinstitution de la scurit collective. elle5ci rel+ve de lXide de contraindre les
4tats au maintien de la pai3, au besoin par la "orce, cXest5(5dire par des sanctions
internationales B tenant ( la "ois de lXassistance mutuelle 6obligatoire8 et de la
rpression pnale ^ cXest pourquoi elle est lie ( la criminalisation de la guerre en
droit des gens ^, elle propose une garantie de lXintgrit territoriale et de
lXindpendance politique des 4tats au mo!en du principe de lXindivisibilit de la pai3 ^
la rupture de la pai3 en un endroit quelconque a""ecte lXensemble de la communaut
internationale ^ et du principe de la supriorit collective des "orces du statu 4uo,
cXest5(5dire tous les 4tats contre lXagresseur.
Dn tant que trait de scurit collective 6rela! par les autres #pactes collecti"s#
inspirs par la diplomatie "ranRaise8, le (o.enant o""re au3 grandes puissances ^ qui
dcident sXil ! a agression et qui est lXagresseur ^ ( la "ois une #super5garantie# de l& uti
possidetis, ainsi que le droit de sXingrer dans les litiges mettant en cause les autres
4tats et la "acult dXobliger ces derniers ( les suivre dans les propres con"lits quXelles
m+neront. Dn outre, seule lXagression caractrise, militaire, tant condamne, (
lXe3clusion des mo!ens de pression et de coercition conomiques ou ( lXe3clusion des
pratiques dXingrence et de subversion, qui permettent de menacer les 4tats sans
violer les "ronti+res, la d"inition de lXagression lie ( la mise en %uvre de lXaction
collective se tient au service de lXimprialisme conomique 6occidental8 ou de la
stratgie rvolutionnaire 6sovitique8.
>8 JusquXen 1927, . @c$mitt et la doctrine allemande sXopposent au s!st+me de
\ersailles en a""irmant les principes de la souverainet, de lX$onneur et de lXgalit
des 4tats. 9pr+s cette date, la lutte contre la Ligue de 7en+ve et contre lXintroduction
dXun concept discriminatoire de guerre par les puissances de lX<uest, e3ige un autre
t!pe dXargumentation que lXancienne t$orie des #droits "ondamentau3 des 4tats# B elle
implique de se placer sur un nouveau terrain, celui de la problmatique du bellum
=ustum, problmatique que dveloppera encore le *uriste apr+s ^ et contre ^
?uremberg.
Dn 192151929, il sXagit de rpondre ( ce ( quoi le Veic$ semble con"ront, cXest5(5dire
au3 tentatives occidentales de sXarroger, via la @O?, le monopole de la dcision sur le
droit ou le non5droit de la guerre, avec e""et international obligatoire, et, par
consquent, de pouvoir discriminer les 4tats qui sont dans leur tort et ceu3 qui sont
dans leur droit. Dn e""et, la doctrine21 de droit international labore ( 7en+ve, Iaris,
Londres ou =as$ington tend ( substituer ( lXancien concept non discriminatoire de
guerre du droit des gens europen classique 62/8, / concepts opposs : lXaction arme
devient, du cLt con"orme au droit 6du cLt des 9llis8, #lgitime d"ense# ou
#supplance de la police#, #action collective# ou #police internationale#, et, du cLt
contraire au droit 6du cLt de lX93e8, #agression# ou #crime international#. Xest une
domination mondiale, universaliste et discriminatoire ^ que seule une guerre
mondiale, universaliste et discriminatoire, pourrait raliser ^ que les puissances
occidentales revendiquent, selon . @c$mitt, ( travers la prtention de dterminer si
telle guerre est licite ou illicite, si tel belligrant est dans son droit ou dans son tort,
prtention qui e3acerbe lX$ostilit, et qui va ( lXencontre aussi bien de lXgale
souverainet des 4tats et du *us belli traditionnel que de lXgalit morale et *uridique
des belligrants.
Le Eribunal de ?uremberg, comblant la lacune entre lXillgalit de la guerre
dXagression, la responsabilit des 4tats et la pnalisation individuelle des auteurs de la
guerre, ac$+vera lXvolution universaliste et discriminatoire du droit des gens. 9pr+s le
proc+s des dirigeants du AAAe Veic$, il sXagira pour le *uriste ^ en passant sous silence la
guerre de conqu'te allemande et le *udocide ^ de disculper lX9llemagne, dXaccuser
les 9llis dXavoir dc$a;n la #guerre totale# au nom de la #guerre *uste#, de dnoncer
la mutation du droit des gens en m'me temps que le caract+re non "ond en droit
positi" du ECA.
18 Le droit international "aRonn par les intr'ts des vainqueurs de 1911, lorsquXil
condamne lXagression, vise ( rprimer les atteintes ( lXintgrit territoriale et (
lXindpendance politique des 4tats : il ne rec$erc$e pas si ces atteintes se "ondent sur
un titre *uridique, car cXest l&uti possidetis =uris quXil entend garantir. LorsquXil sXagit
de dsigner lXagresseur en vertu de lXarticle 1. du pacte de la @O?, le onseil ^ cXest5
(5dire le coll+ge des grandes puissances qui dcident ^ ne sXintresse quX( /
questions : ! a5t5il tat de guerre F si oui, ce recours ( la guerre a5t5il eu lieu
contrairement au3 articles 1/, 12, 15 ou 17 relati"s au3 procdures de r+glement
paci"ique des di""rends F Al sXabstient donc volontairement, souligne . @c$mitt, de
toute considration sur les causes de la guerre ou sur le bien "ond des revendications
de #lXagresseur#, pour ne sXattac$er quX( lXinobservation desdites procdures et (
lXattaque militaire en premier, au "ranc$issement des "ronti+res.
Le crit+re utilis pour distinguer la guerre licite de la guerre illicite est donc purement
"ormel, il vacue lXarri+re5plan $istorique du con"lit, cXest5(5dire ses causes globales,
ob*ectives et matrielles, bre", il ne se proccupe pas de la "ausa belli, de son
caract+re *uste ou in*uste sur le "ond. LXillgitimit de lXagression et de lXagresseur ne
rside pas dans lXin*ustice de la cause, mais dans le #crime# de lXattaque militaire en
premier, du "ranc$issement en premier des "ronti+res, bre", dans la violation de la pai3
^ du statu 4uo ^ en tant que telle. Mue la guerre soit *uste ou in*uste du point de vue
du "ond ou de la cause, en "onction dXun principe substantiel de lgitimit, importe
peu, lXessentiel est que tout recours ( la "orce arme est illgal et rprim, dans les
conditions prvues par le droit en vigueur. LXintention implicite du *uriste allemand est
de montrer que la guerre #dXagression#, au sens *uridico5"ormel de lXattaque en
premier, nXest pas ncessairement une guerre #in*uste#, au vrai sens politico5matriel
de la cause sous5entendu : lX9llemagne nXaurait pas "orcment livr une guerre
#in*uste# en 1929519N5.
Dn"in, identi"ier lXagresseur ( celui qui attaque en premier peut 'tre "allacieu3 :
primo, lXattaque militaire peut constituer la seule rponse ( des actes dX$ostilit ou (
des tentatives de coercition non5militaires B se"undo, e3iger dXun 4tat quXil attende
a"in de ne pas attaquer le premier peut donner ( son ennemi un grand avantage
militaire B tertio, la dtermination de lXagresseur ne dpendant pas du "ond de la
question, il devient possible de pousser un adversaire de bonne "oi ( commettre un
acte dXagression a"in de dclenc$er contre lui la mise en %uvre de la scurit
collective, ou encore de procder ( une lgitime d"ense simule, cXest5(5dire
provoquer avec prmditation lXattaque de lXadversaire pour pouvoir ensuite *usti"ier
lXusage de la "orce en invoquant la lgitime d"ense.
/8 La pro$ibition de lXagression, au "il des conventions internationales conclues de
1919 ( 1922, tait un mo!en dguis de garantir l&uti possidetis, rp+te . @c$mitt
apr+s la guerre, car elle aboutissait immanquablement au rsultat suivant : tout 4tat
qui prendrait les armes pour briser les c$a;nes de \ersailles, de @aint57ermain, de
Erianon ou de @+vres, serait inluctablement condamn m'me si sa cause tait *uste.
@ans considration de la *ustice ou de lXin*ustice du statu 4uo, sans modalits e""icaces
de c$angement paci"ique et en lXabsence de r+glement *uridictionnel obligatoire des
con"lits ^ si tant est quXils soient susceptibles dXune dcision *udiciaire et que celle5ci
ne se borne pas ( consacrer l&uti possidetis ^, la renonciation ( la guerre revient (
entriner le statu 4uo, "Ht5il in*uste, et "init donc par rendre invitable 6sau"
dissuasion militaire8 lXusage de la "orce.
omment concilier les tenants du statu 4uo et ceu3 qui entendent rviser les traits F
Muelle *ustice peuvent esprer les vaincus F omment viter que toute modi"ication
des c$oses ne sXop+re par la "orce et par une #violation du droit# 6assimil ( la
possession8 F Xest pour remdier au $iatus entre le caract+re statique 6orient vers la
prservation de la pai38 et le caract+re d!namique du droit 6orient vers la ralisation
dXun principe de *ustice8, cXest5(5dire pour remdier ( la #tension# entre lXe3igence du
maintien du statu 4uo entrin et lXe3igence de sa modi"ication, quXa t mis en avant
le t$+me du pea"eful c$ange durant lXentre5deu35guerres, mais les normes qui
permettraient une rvision restent ( lXtat rudimentaire 6art. 19 du pacte de la @O?,
clause rebus si" stantibus, art. 1N de la c$arte de lX<?08.
LXtat du droit international permet ( un 4tat de re*eter impunment les rclamations
*usti"ies dXun autre 4tat, ( la simple condition que sa rsistance illgitime ^ son abus
de droit ^ ne se trans"orme pas en agression caractrise et nXautorise donc pas un
recours ( la lgitime d"ense ou ( des sanctions collectives. LXinterdiction de lXusage
de la "orce ne sXaccompagnant pas de procdures de rvision paci"ique ni de
lXobligation du pourvoi devant une *uridiction internationale en cas de litige, cette
interdiction risque dXautant plus dX'tre viole quXun 4tat qui sXestime ls a moins de
possibilit dXarriver ( un r+glement amiable B et sXil viole ladite interdiction, tous les
autres 4tats auront lXobligation de sanctionner un 4tat qui aura vu dans les armes sa
derni+re c$ance dXobtenir satis"action U LorsquXun 4tat dtenant un titre lgitime ne
peut contraindre son adversaire ( une modi"ication paci"ique ou ( un r+glement
*uridictionnel, cXest conduire ( un vritable dni de *ustice, au pro"it du possdant,
que de lXobliger en toute $!pot$+se ( e3clure lXusage de la "orce pour d"endre son
bon droit.
28 Le tournant rvolutionnaire du droit des gens de 1919 ( 19N. a pour consquence la
criminalisation de lXennemi, p$nom+ne 6dmenti, sinon de fa"to au moins de =ure par
lXautonomie ra""irme du =us in bello apr+s 19N98 sur lequel le *uriste allemand
insiste particuli+rement, avec lXarri+re5pense de mettre en accusation les 9llis. La
guerre devenant une #opration de police#, lXadversaire 6lX9llemagne8 nXest plus un
ennemi reconnu sur un m'me plan moral et *uridique, mais un criminel. LXintention
politique de cette disquali"ication est de *usti"ier le recours ( un usage e3tr'me de la
"orce contre cet adversaire ^ le *uste peut emplo!er tous les mo!ens contre lXin*uste,
telle est la relation spci"ique entre la guerre *uste et la guerre totale ^ et dXe3iger de
lui une capitulation inconditionnelle qui le mette ( la merci de ses vainqueurs en
lXinterdisant de participer au3 con"rences de pai3 ^ on ne ngocie pas avec un
criminel, on lXe3cute, si bien que le diktat, accompagn dXun rgime de sanctions,
devient lXe3pression m'me du nouveau droit, selon 7eorges @celle 6228.
Le point de vue sc$mittien =us "ontra bellum aboutit ( une ngation virtuelle du =us in
bello 6conceptuellement subordonn au =us ad bellum8 62N8, puisquXil sXagit de punir un
agresseur5coupable en lui livrant une guerre sans merci *usquX( la reddition sans
condition, dXo) la monte au3 e3tr'mes du con"lit rendu ine3piable par la non5
reconnaissance des belligrants. LXidologie $umanitaire ne constitue pas seulement le
discours lgitimant de lXimprialisme occidental, elle a un ddoublement
discriminatoire qui a pour rsultat lXanantissement des ennemis ^ criminaliss ^ de
cette idologie 6258. onsquence parado3ale de lXinterdiction de la guerre au nom des
idau3 de lXuniversalisme et du paci"isme : ils intensi"ient et internationalisent les
con"lits 6mens contre lXagresseur au nom de la pai3, de la civilisation ou du droit8 au
lieu de les dsamorcer et de les circonscrire.
ette volution du sens de la guerre vers lX$ostilit absolue sXe""ectue parall+lement (
lXaccroissement des mo!ens de destruction et ( la globalisation du theatrum belli.
@eule la disquali"ication morale et *uridique de lXennemi permet de lgitimer
lXapplication dXune violence aussi radicale que, par e3., les bombardements ariens 6a
"ortiori atomiques8 sur les villes : la trans"ormation de la belligrance en #opration de
police internationale# contre des #criminels# *usti"ie les mt$odes 6anglo5sa3onnes8 de
la poli"e bombing 62.8.
N8 9utre consquence tendancielle de la mutation du droit des gens selon . @c$mitt :
la #guerre civile internationale#. La criminalisation de la guerre conduit ( disloquer
lXunit de lX4tat en une population 6#innocente#, m'me si elle subit la guerre totale8 et
un gouvernement 6#coupable#, dont les membres devront 'tre poursuivis, avec les
c$e"s militaires et les $auts "onctionnaires, devant une our de *ustice internationale8,
de mani+re que la premi+re se dsolidarise du second. 9u "ur et ( mesure quXune
guerre se donne comme une #opration de police# contre une violation du droit et de la
pai3, elle se "ait passer pour une #action pnale# dirige non pas contre le peuple,
mais, de "aRon rvolutionnaire, contre le gouvernement de lX4tat. e t!pe de guerre
idologique, mtamorp$osant la guerre intertatique en guerre civile internationale,
trans"orme le con"lit politique en e3cution pnale contre des $ors5la5loi 6278.
a Da$id )GMIJ! Stratgique n-./! @B34415
Auteur not5 de Carl Schmitt - Biographie politique et intellectuelle5
K ?otes :
1. @ur la biograp$ie et, surtout, lX%uvre de cet auteur, c". ma t$+se de doctorat
en droit public et anal!se politique : La pens,e de (arl S"hmitt GHIII<HJIK@
6L!on AAA, 199.8 en 5 parties : >iograp$ie politique et intellectuelle, I$ilosop$ie
du droit, Oroit constitutionnel, E$orie de lX4tat et science politique, Oroit
international, >ibliograp$ie et table des mati+res, qui donne les r"rences
compl+tes au3 nombreu3 crits de . @c$mitt.
/. @elon lXe3pression dX<. >eaud, pr". ( la Th,orie de la (onstitution& I0[,
1992, p. 5, trad. de 'erfassungslehre 619/18.
2. Eitre de son recueil de 2. te3tes : %ositionen und Begriffe JIu>K im !ampf
mit eimar, 7en", \ersailles, 19/251929, ,ambourg, ,anseatisc$e
\erlagsanstalt, 19N:, 2// p.
N. . @c$mitt appartient en cela ( la #Vvolution conservatrice# allemande et il
en est m'me le p$ilosop$e du droit et le *uriste.
5. Le droit constitutionnel et le droit international sont des droits politiques,
"aisant lXob*et de politiques *uridiques et le politique est caractris par le
degr dXintensit dXune relation dX$ostilit 6la "ameuse distinction ami5ennemi8.
". La notion de politi4ue, almann5Lv!, coll. #Libert de lXesprit#, 197/, 221
p., pr". J. [reund 6trad. de 0er Begriff des %olitis"hen. Te+t .on HJLM mit
einem 'orwort und drei (orollarien, 19.2 B on trouve dans le m'me volume
Th,orie du partisan& trad. de Theorie des %artisanen..., 19.28.
.. Dn rcusant lXabandon du concept de souverainet de lX4tat et lXanalogie
entre le droit interne et le droit international, ce sont les "ondements du
#nouveau droit international#, celui de @celle, Iolitis, \erdress ou Kelsen, que .
@c$mitt entend r"uter.
7. @elon une autre e3pression dX<. >eaud, pr". cit., p. 1:1.
1. ommunaut issue de la *u3taposition et de la parent de civilisation des
4tats, partageant un droit international, notamment priv, #commun# ^ et non
pas #supranational# ^, qui #oblige# ^ mais ne #prime# pas ^ les droits internes.
9. Le *uriste est arr't par les 9mricains 6qui con"isquent sa bibliot$+que8,
intern, interrog ( ?uremberg, rvoqu de lX0niversit allemande, mis ( la
retraite dXo""ice avec interdiction dXenseigner et de publier 6*usquXen 19N98.
1:. Iour reprendre lXe3pression de Jacques Vovan ( propos dXDrnst von @alomon
dans la pr". ( Le 4uestionnaire, Iaris, ?V[ 7allimard, 191/, p. A_.
11. . @c$mitt sXtait "ait le t$oricien du 'olksgruppenre"ht, du
$rossraumordnung et du Rei"h en droit international.
1/. ". <. >eaud, pr". pp. 9N595, 112. ette #criture entre les lignes#,
consistant en quelque sorte ( dire tout bas ce quXon pense tout $aut, permet
dXc$apper au3 contraintes idologiques et institutionnelles qui p+sent sur un
intellectuel tenu en suspicion.
12. Xest ainsi quXil quali"ie Eocqueville dans un te3te inclus dans son volume
autobiograp$ique D3 captivitate salus... ologne, 7reven, 195: :
#,istoriograp$ie e3istentielle : 9le3is de Eocqueville#, Ou politique. BL,galit, et
l,gitimit,B et autres essais, Iuiseau3, Iard+s, 199: 6recueil de 15 te3tes parus
entre 1919 et 195/8, p. /12.
1N. es / articles #constitutionnalisent# la loi #pour la libration du national5
socialisme et du militarisme# et le pouvoir de la our de Karlsru$e de prononcer
la dc$ance des droits "ondamentau3 des personnes qui en abuseraient pour
combattre lXordre libral5dmocratique.
15. ". la correspondance entre . @c$mitt et Julien [reund dans les annes
19.:, partiellement publie dans la broc$ure S"hmittiana 333, d. par I.
Eommissen, >ru3elles, 1991, pp. 225.2.
1.. La "ulpabilit, allemande, Cinuit, 19N5, p. 1/5.
17. ontre cette t$+se de la liaison subordonne du =us in bello au =us ad
bellum, quXelle serve ( condamner lXvolution discriminatoire du =us ad bellum
6. @c$mitt8 ou, au contraire, ( *usti"ier lXvolution discriminatoire du =us in
bello 64uin"y right8, c". ,enri Ce!ro-itG, Le prin"ipe de lD,galit, des
bellig,rants, Iaris, Idone, 197:, qui ra""irme lXautonomie des / branc$es du
droit de la guerre, autonomie reconnue par le droit positi", la *urisprudence et
la ma*orit de la doctrine.
11. Iour . @c$mitt, la situation de #pai35guerre# nXappara;t pas seulement avec
la guerre "roide entre lXDst et lX<uest apr+s 19N. mais d+s 1919, la [rance
poursuivant les $ostilits contre une 9llemagne encore trop "orte, puis en 1921,
au moment de la crise des @ud+tes, et ( nouveau en 1929519N1, avec le con"lit
latent entre le Veic$ et les 4tats50nis 6qui masquaient leur engagement derri+re
une neutralit "allacieuse8.
19. @ur cette question, c". Cic$el \irall!, LDadministration internationale de
lD5llemagne du I mai HJNK au MN a.ril HJNO, Idone, 19N1.
/:. Le peuple allemand, surveill par les puissances occupantes, ne sXtant pas
donn librement et souverainement son statut politico5*uridique en 19N9, les
constituants ont dlibrment c$oisi lXe3pression #Loi [ondamentale# ( la place
de #constitution# 6arl @c$mitt, sous le pseudon!me #Or ,austein#, le rappelle (
mots couverts dans lXarticle Y Oas 7rundgesetG der >undesrepublik Z, 0as
#isenbahner, AA, 9, septembre 19N9, pp. 19N51958.
/1. Iaru en 192/, trad. in 0u politi4ue..., op. cit., #Les "ormes de
lXimprialisme en droit international moderne#, pp. 1151::.
//. @ur le regard que pose . @c$mitt sur lX9mrique, c". 7.L. 0lmen, Y
9merican Amperialism and Anternational La- : . @c$mitt on t$e 0@ in =orld
9""airs Z, Telos nb 7/, pp. N2572.
/2. #Les "ormes de lXimprialisme en droit international moderne#, ibid., p. 1/.
/N. @ur les di""rentes interprtations sc$mittiennes de la doctrine, c". 0ie
!ernfrage des 'Clkerbundes& >erlin, [. OWmmler, 19/., pp. 7/57N B Y Les
"ormes de lXimprialisme en droit international moderne Z, ibid., pp. 1/51N B Y
7rand espace contre universalisme... Z, in 0u politi4ue..., ibid., pp. 1/7512.
6trad. de #7rossraum gegen 0niversalismus...#, 19298.
/5. Y Les "ormes de lXimprialisme en droit international moderne Z, ibid., p.
9..
/.. 9u sens de 7ramsci, lX$gmonie, cXest la domination consentie.
/7. @elon . @c$mitt, la pense librale, critique ( lXgard du politique et de
lX4tat de la religion et de lX4glise, se meut de mani+re caractristique entre les
pLles de la morale et de lXconomie.
/1. ". 0ie !ernfrage des 'Clkerbundes, ibid., pp. 7/57. B Y La @ocit des
nations et lXDurope Z, in 0u politi4ue..., ibid., pp. 195/9, pp. //5/. 6trad. de Y
Oer \mlkerbund und Duropa Z, 19/18 B Al custode della costituGione, Cilan,
7iu""r, coll. #ivilt( del Oiritto#, 1911, /NN p., pr". 9. aracciolo, p. 1.2 6trad.
de Oer ,Wter der \er"assung, 19218 B Y Les formes de lDimp,rialisme en droit
international moderne Z, pp. 1151:: B La notion de politi4ue, op. cit., pp. 925
1:/, 1/751/1, >erlin, Junker 0. Ounn$aupt, 192N, pp. 25/1 B #l nomos de la
tierra en el dere"ho de gentes del =us publi"um europaeum, Cadrid, entro de
estudios constitucionales, coll. #Dstudios internacionales#, 1979, NN2 p., pp.
21152/1, N:15N:. 6trad. de 0er Nomos der #rde im 'Clkerre"ht des -us
%ubli"um #uropaeum, 195:8 B Y LXunit du monde Z A et AA, in 0u politi4ue...,
ibid., pp. //55/2., /275/N9, //7 et /29.
/9. our permanente de *ustice internationale.
2:. Le te3te, inspir par la dlgation sovitique conduite par Litvino"", qui est
pass dans lX9cte pour la d"inition de lXagression adopt les 2, N et 5 *uillet
1922 ( Londres, a t repris et prcis dans la rsolution 221N de lX9ssemble
gnrale des ?ations5unies du 1N dcembre 197N.
21. JusquXen 1929, lXvolution vers un concept discriminatoire de guerre est
plus une volution #doctrinale# que #positive#, dXo) la di""icult de "onder le
Eribunal militaire international 6de ?uremberg8 au regard du principe nullum
"rimen& nulla poena sine lege.
2/. e concept signi"ie / c$oses : primo, c$aque 4tat souverain, dtenteur du
=us belli a" pa"is 6du droit de "aire la guerre ou de rester neutre8 dcide de la
licit ou de lXillicit de la guerre 6galit des droits en mati+re de =us ad
bellum8 B se"undo, les ennemis, cXest5(5dire les 4tats belligrants, se
reconnaissent de part et dXautre sur un m'me plan moral et *uridique 6concept
de guerre #entre ennemis galement *ustes#, inter hostes ae4ualiter =usti ( la
base de lXgalit des droits en mati+re de =us in bello8.
22. LXminent *uriste "ranRais est lXun de ceu3 qui poussent au plus loin la
logique normative de la criminalisation de la guerre en droit international, du
=us ad bellum au =us in bello B aussi est5il lXun des principau3 adversaires de .
@c$mitt B c". not. son %r,"is de droit des gens P %rin"ipes et syst,mati4ue,
@ire!, / vol., 19225192N, et #Muelques r"le3ions sur lXabolition de la
comptence de guerre#, Re.ue g,n,rale de droit international publi", 195N,
pp. 55//.
2N. Le =us in bello, cXest5(5dire la rglementation de la conduite de la guerre, et
donc sa limitation au mo!en des distinctions entre civils et militaires, neutres et
belligrants, ennemis et criminels, tire sa *usti"ication et dpend de la
reconnaissance mutuelle par les belligrants de leur galit morale et *uridique
et de leur gal =us ad bellum, car si c$aque partie a""irme dtenir seule une
*uste cause ( lXe3clusion de lXautre, elle aura tendance ( sXarroger tous les
droits et prtendra que son ennemi nXen a aucun, en dpit du principe ritr
de lXautonomie du =us in bello.
25. omme lXcrit . @c$mitt, Y le "ait de sXattribuer ce nom dX$umanit, de
lXinvoquer et de le monopoliser, ne saurait que mani"ester une prtention
e""ra!ante ( re"user ( lXennemi sa qualit dX'tre $umain, ( le "aire dclarer
$ors la loi et $ors lX$umanit Z 6La notion de politi4ue, ibid., pp. 91599 B c".
aussi p. 77, et Th,orie du partisan, op. cit., p. 2/.8.
2.. . @c$mitt a e3amin et dnonc la guerre arienne anglo5amricaine que
lX9llemagne a subi 6#l nomos de la tierra...., pp. /5, N115N/18 ainsi que la
logique de lXarme nuclaire 6Th,orie du partisan, ibid., pp. 2:9521:8.
27. ". Y 0as neue 'ae Neutris Z 619218 in Iu>, ibid., pp. /515/5N B Y
\mlkerrec$tlic$e ?eutralitft und vmlkisc$e Eotalitft Z 619218 in ibid., pp. /555
/.: B Y Oie =endung Gum diskriminierenden Kriegsbegri"" Z, in Terre et mer,
Lab!rint$e, 1915, pp. /155/ B Y ?eutralit et neutralisations Z, in 0u
politi4ue..., ibid., pp. 11551/: 6trad. de #?eutralitft und ?eutralisierungen#,
1929, #l nomos de la tierra..., ibid., pp. 12:512/, 17N519., 25252.2 et N/.5
N/1.
***
K ,e l'annexion au contr>le 1 nouvelle stratgie de domination
Ha vieille mthode europenne continentale de l3annexion politique, telle qu3elle s3est
prsente par ex. avec le combat pour l3Alsace$Horraine, est du point de vue de la
politique mondiale moderne devenue une chose passablement dmode. L l3poque de
l3imprialisme, d3autres %ormes de domination sont apparues qui vitent une
soumission politique ouverte, laissent se perptuer l3existence tatique du pays qu3il
s3agit de dominer, et crent mMme, quand c3est ncessaire, un nouvel Ftat
indpendant dont on proclame expressment la libert et la souverainet, de sorte
que se produit en apparence le contraire de ce que l3on pourrait quali%ier
d3abaissement d3un peuple au rang d3ob6et de la politique trangre. NOP
Qais ce qui est caractristique, c3est le dveloppement d3une %orme 6uridique de
domination qui consiste dans la combinaison d3un droit d3occupation et d3un droit
d3intervention. He droit d3intervention signi%ie que l3Ftat intervenant dcide de
certaines notions indtermines, mais %ondamentales pour l3existence politique d3un
autre Ftat, comme la protection des intrMts trangers, la protection de
l3indpendance, l3ordre public et la scurit, l3observance des conventions
internationales, etc. )uant aux droits d3intervention, il %aut tou6ours prendre en
considration que, du %ait mMme de l3indtermination de toutes ces notions, la
puissance dominante dcide en %ait son gr et garde ainsi en main l3existence
politique de l3Ftat contr>l. NOP
=our comprendre la signi%ication de ces mthodes nouvelles en vitant l3annexion
politique ouverte ou le rattachement, nous devons tout d3abord nous demander quel
est l3intrMt qui empMche l3annexion par la puissance rgnante. H3intrMt le plus
vident est extrMmement clair et simple 1 il %aut empMcher que la population du
territoire domin puisse acqurir la nationalit de l3Ftat dominant. <et intrMt de
maintenir l3cart de nouveaux citoyens 6ugs indsirables montre combien la
situation a chang au cours du &'&e sicle. ,ans l3ancienne politique europenne, on
pensait gnralement qu3un accroissement de population quivalait un surcro@t de
puissance. <3tait encore le cas l3poque de la politique de cabinet et des
gouvernements absolutistes. Qais une <onstitution dmocratique contraint les Ftats
la prudence pour ce qui est d3un accroissement de population, car on ne peut
naturellement pas con%rer les mMmes droits civiques n3importe quelle population.
,ans les Ftats purement nationaux ou ns du principe de nationalit, des
populations de nationalit trangre ne sont le plus souvent pas du tout souhaites.
<3est un degr beaucoup plus %ort encore que cette tendance se protger des
trangers se mani%este dans un Ftat imprialiste. <ar un tel Ftat veut dominer
conomiquement le monde, mais videmment pas intresser les autres aux gains de
cette domination. ,3autres raisons encore viennent s3a6outer pour %aire appara@tre
une annexion politique ouverte comme dsavantageuse. Relon la doctrine de droit
international dite de la succession des Ftats, qui a trait aux principes observer
pour le changement de domination tatique sur un territoire, il %aut en e%%et, pour
l3acquisition d3un territoire, non seulement que la population du territoire acquis
obtienne la nationalit de l3Ftat acqureur, mais galement que cet Ftat assume
nombre d3engagements de son prdcesseur, prenne en charge tout ou partie de la
dette publique, etc. 'ci aussi, le %ait d3viter l3annexion politique a l3avantage,
6uridiquement parlant, que les consquences en termes de droit de succession des
Ftats sont ludes. L la place d3une telle succession, on a donc cr le systme des
droits d3intervention.
Ha consquence de cette mthode est que des mots comme G indpendance I, G
libert I, G autodtermination I, G souverainet I, perdent leur sens traditionnel.
He pouvoir politique de l3Ftat contr>l est plus ou moins sap. 'l n3a plus la
possibilit de dcider par lui$mMme de son destin politique en cas de con%lit crucial.
'l ne peut plus disposer de ses richesses conomiques. )ue le droit d3intervention
de l3tranger ne soit exerc qu3exceptionnellement, si tout va bien, n3a pas
d3importance. <e qui est dcisi%, c3est que l3Ftat domin ou contr>l ne trouve plus
la norme dterminante de son agir politique dans sa propre existence, mais dans les
intrMts et dans la dcision d3un tranger. H3tranger intervient, quand cela lui
appara@t con%orme son propre intrMt politique, pour maintenir ce qu3il considre
Mtre l3ordre et la scurit, la protection des intrMts trangers et de la proprit
prive "c3est$$dire de son capital %inancier(, le respect des conventions
internationales, etc. <3est lui qui dcide de ces concepts indtermins sur lesquels
repose son droit d3intervention, et c3est pourquoi il tire de leur indtermination un
pouvoir illimit. He droit d3autodtermination d3un peuple perd de cette %aEon sa
substance. H3tranger dispose de ce qui l3intresse et dtermine ce qu3est l3G ordre
I S ce qui ne l3intresse pas, le reste, il l3abandonne volontiers au peuple domin
sous des noms comme souverainet et libert. NOP
<es mthodes modernes, qui vitent le terme de domination et pr%rent celui de
contr>le, se distinguent en un point %ondamental de l3annexion politique au sens
ancien. H3annex tait nagure incorpor travers l3annexion politique. <elle$ci n3a
certes pas Mtre d%endue comme un idal, mais cela avait au moins l3avantage de
la %ranchise et de la visibilit. He vainqueur prenait galement en charge, avec le
pays et sa population, une responsabilit politique et une reprsentation. He
territoire annex avait mMme la possibilit de devenir partie intgrante du nouvel
Ftat, de %usionner avec lui et d3chapper par ce moyen la situation avilissante de
simple ob6et. /out cela est absent des mthodes modernes. H3Ftat contr>leur
s3assure de tous les avantages militaires et conomiques d3une annexion sans avoir
en supporter les charges. ?aty, un 6uriste anglais, exprime de la %aEon suivante une
consquence particulirement intressante de ces mthodes modernes 1 la
population des territoires ainsi contr>ls ne doit disposer ni de vritables droits
civiques, ni de la protection dont 6ouissent les trangers et les non$nationaux. <e
qui se prsente comme autorit tatique l3intrieur du pays contr>l est ainsi plus
ou moins dpendant de la dcision de l3tranger et n3est qu3une %aEade de sa
domination, rendue invisible par un systme d3accords.
<arl Rchmitt, Ha Chnanie, ob6et de politique internationale "78D5(
X 'solationisme et pan$interventionnisme
H3essentiel rside dans les consquences de cette attitude d3isolement par
rapport au reste du monde. Ha prtention amricaine de %ormer un monde
nouveau et non corrompu tait tolrable pour les autres aussi longtemps
qu3elle restait associe un isolement consquent. Tne ligne globale qui
divise le monde de manire binaire en termes de bien et de mal est une ligne
%onde sur des valeurs morales. )uand elle ne se limite pas strictement la
d%ense et l3auto$isolement, elle devient une provocation politique
permanente pour l3autre partie de la plante. <e n3est pas un simple
problme de consquence logique ou de pure logique conceptuelle, pas plus
qu3un problme de convenance ou d3opportunit ou un thme de discussion
6uridique sur la question de savoir si la ,octrine de Qonroe est un principe
6uridique "un legal principle( ou une maxime politique. Ha question rellement
pose est un dilemme politique auquel personne, ni l3auteur de la ligne
d3isolement ni le reste du monde, ne peut se soustraire. Ha ligne d3auto$
isolement se trans%orme trs prcisment en son contraire ds l3instant o#
l3on en %ait une ligne de discrimination ou de disquali%ication du reste du
monde. Ha raison en tant que la neutralit 6uridique internationale qui
correspond cette ligne d3auto$isolement est dans le droit international
europen de &0'''e et &'&e sicles. )uand la neutralit absolue, qui est
essentielle l3auto$isolement, vient %aire d%aut, l3isolation se trans%orme
en un principe d3intervention illimite qui embrasse sans distinction la /erre
entire. He gouvernement des Ftats$Tnis s3rige alors en 6uge de la /erre
entire et s3arroge le droit de s3immiscer dans les a%%aires de tous les
peuples et de tous les espaces. H3attitude d%ensive caractristique de
l3auto$isolement se trans%orme, d3une manire qui %ait appara@tre toutes ses
contradictions internes, en un pan$interventionnisme tendu l3in%ini, sans
aucune limitation spatiale.
<arl Rchmitt, <hangement de structure du droit international "78B:(
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2545642557
RAT9EL
;0/-D0/,H 03TL-=
$18II-19DI&
3nthropo"o"raphie et "o"raphie politiCue
7ograp$e allemand 611NN519:N8, mais aussi naturaliste, *ournaliste, vo!ageur, [.
VatGel prsenta une t$+se sur l&migration c$inoise avant d&enseigner ( Cunic$ 6117.8
puis ( LeipGig 6111.8. Al a contribu ( Y rtablir dans la gograp$ie l&lment $umain
dont les titres semblaient oublis et ( reconstituer l&unit de la gograp$ie sur la base
de la nature et de la vie Z 6\idal de la >lac$e8 Jpar e3. pour lui, la connaissance des
immigrants puritains tait plus importante que celle du relie" pour Y comprendre Z la
?ouvelle59ngleterreK. Dn et$nologie, il marque la priode de la transition de
l&evolutionisme au di""usionisme dont ses travau3 sont reconnus comme pionniers, not.
en "ondant une nouvelle discipline scienti"ique : l&ant$ropogograp$ie. @es spci"icits
mt$odologiques ont consist dans une vision compr$ensive de l&$omme et du "ait
culturel qui sont tou*ours en conte3te dans des environnements particuliers. VatGel a
"ormul les concepts de Y Gones culturelles Z et de Y cercles culturels Z qui, dans une
certaine mesure, peuvent se rapporter au3 concepts subsquents au3 catgories de Y
secteurs et$nograp$iques $istoriques Z et de Y t!pes conomico5culturels Z. Al "ut un
t$oricien de l&espace et du lieu B on lui reproc$era plus tard une image trop passive
des socits : Y un peuple doit vivre sur le sol qu&il a reRu du sort, il doit ! mourir, en
subir la loi Z. ?onobstant l&instrumentalisation idologique par le national5socialisme du
concept d&espa"e .ital dans un sens e3pansionniste, VatGel n&en reste pas moins l&un
des "ondateurs de la gopolitique.
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G#"!a&$e le :5 a#;t 3<== - >a!ls!u$e? F!ied!i)$ Rat@el
d/el#&&e lA$!ita"e des "#"!a&$es alle,ads du BIBe si')le
C1a!l Ritte!? R#.e!t Daas)$? Fe!diad /# Ri)$t$#fe? Alf!ed
>i!)$$#ff? T$e#.ald Fis)$e! et F!ied!i)$ Fa.!iE &uis 0ette les .ases
de la "#&#liti(ue ,#de!e C>0elle? Ma)Fide!? Gaus$#fe!? Maull?
S&%F,a? et)HEH O lui d#it le fa,eux )#)e&t de Lebensraum
Ces&a)e /italE (ui )#ait!a ,aites ite!&!tati#s au )#u!s des
/e,ets du BBe si')leH Le &#it de d&a!t des tudes
"#"!a&$i(ues de Rat@el est .i#l#"i(ue? das u )ad!e
eti'!e,et d#,i? - lA&#(ue? &a! Da!Ii et s# dis)i&le
alle,ad E!st Gae)FelH E effet? Rat@el a dAa.#!d tudi la
&$a!,a)ie et la @##l#"ieH S# tude des &eu&les? et des te!!it#i!es
(uAils #))u&et? est iflue)e &a! les ides /#luti#istes de
Da!Ii su! la ,i"!ati# des es&')esH 1#!!es&#dat de la
Koelnische Zeitung e A,!i(ue e 3<7:? Rat@el a)(uie!t Out!e-
Atlati(ue les .ases e,&i!i(ues et &!ati(ues de ses d,a!)$es
ult!ieu!esH E #.se!/at le te!!it#i!e a,!i)ai? i,,ese et e
/#ie de !eta.ilisati#? situ et!e deux #)as (uAil s+a&&!Jte -
d#,ie!? Rat@el ti!e t#ute ue s!ie de leK#s &#liti(uesH S#
tude su! la 1$ie et les ,i"!ati#s )$i#ises CDie chinesische
Auswanderung? 3<76E d,#t!e les iteti#s &a)ifi(ues de la
"#"!a&$ie &#liti(ue de Rat@elH La )#l#isati# it!ieu!e de la
1$ie? ex&li(ue-t-il ad,i!atif? sAest faite &a! lAa"!i)ultu!e et le
)#,,e!)e # &a! la "ue!!e : )Aest )e ,#d'le (ue d#i/et sui/!e
les &eu&les ex&asifs et e!"i(ues? &a!,i les(uels le &eu&le
alle,adH De 3<7L - 3<<6? il esei"e - lAUi/e!sit Te)$i(ue de
Mui)$? &uis de 3<<6 - 3M5=? - lAUi/e!sit de Lei&@i"H
LANu/!e de Rat@el est ue tetati/e de d&asse! ue "#"!a&$ie
&u!e,et )#,&ilat#i!e et de f#!"e!? - lAusa"e des di&l#,ates et
des ,ilitai!es? ue Ote)$#l#"ie s&atialeO? &#!te &a! u Oses de
lAes&a)eO CRaumsinnEH E s)$,atisat (uel(ue &eu? il est &#ssi.le
de !su,e! lANu/!e de Rat@el e 6 &#its ,a0eu!s :
3H Les tats s#t des #!"ais,es /i/ats? (ui aisset? /i/et?
/ieillisset et ,eu!etH
2H La )!#issa)e des tats e tat (uA#!"ais,es est dte!,ie -
lAa/a)eH Le "#"!a&$e et lA$#,,e dAtat #t d#) &#u! tP)$e de
d)#u/!i! et de d)!i!e les l#is te!elles (ui !"isset )ette
)!#issa)eH
:H Le &a%sa"e $ist#!i(ue et "#"!a&$i(ue ,a!(ue les $#,,es? les
!ess#!tissats dAu tatH
=H La #ti# dA Oes&a)e /italO CLebensraumE est )et!aleH
LH LA#&&#siti# et!e O&uissa)es )#tietalesO et O&uissa)es
,a!iti,esO !e/Jt ue i,&#!ta)e de &!e,ie! &la das les
!elati#s et!e les &eu&les C)fH Das Meer als uelle der
!oelkergr"#e? 3M55EH
6H La O"#"!a&$ie &#liti(ueO !e)'le ue di,esi# su.0e)ti/e (ue
Rat@el a&&elle le Oses de lAes&a)eO CRaumsinnE et OlAe!"ie
/italeO CLebensenergieEH
Rat@el ,eu!t le M a#;t 3M5= - A,,e!ladH
5nthropogeographie
D's s# it!#du)ti# - )et #u/!a"e ,a0eu! C3<<2? 2',e dH 3<<ME?
Rat@el &#se ue d)la!ati# de &!i)i&e : la /ie est uit C)Aest sa
&!#fessi# de f#i ,#isteE et il % a uit des f#!)es /itales? )e (ui
&e!,et de &a!le! de .i#"#"!a&$ieH Rat@el se !f'!e esuite -
&lusieu!s auteu!s (ui #t tudi lAiflue)e des )#diti#s
atu!elles su! lA/#luti# de lA$u,ait : M#tes(uieu a/e)
L$esprit des lois C37=<E? Q#ltai!e a/e) s# %ssai sur les m&urs et
l$esprit des nations C37L6E? Ruff# a/e) s# 'istoire naturelle de
l$homme C37=ME? >at? Rei$#ld F#!ste!? Pallas? EHAHSH
9i,,e!,a? Ge!de! et? .ie s;!? 1a!l Ritte!? sas #u.lie! lAide
dAe/i!#e,et )$e@ La,a!(ue? 1#,te et TaieH 1#,,e lAa/ait
d0- d,#t! Gu,e? la atu!e exe!)e des iflue)es di/e!ses su!
les $#,,es : des iflue)es su! le )#!&s #u lAes&!it de )$a(ue
idi/idu? i)ide)es a))l!ates #u !eta!dat!i)es su! lAex&asi#
s&atiale des &#&ulati#s? i)ide)es su! la st!u)tu!e s#)ialeH De la
,ulti&li)it de )es iflue)es et i)ide)es? # &eut ddui!e la
/a!ia.ilit des &eu&les? d#t les (ualits a)(uises de,eu!et?
,J,e e )as de ,i"!ati# #u de t!as&latati#H
Du fait de )es iflue)es ,ulti&les dues aux )#diti#s atu!elles?
.# #,.!e de &eu&les s#t &#l%t%&i(ues Cmehrt(pischEH T#ut
&eu&le )#te,&#!ai? &#u!suit Rat@el? est le &!#duit dAu ,ixa"e
dte!,i et!e deux #u &lusieu!s f!a",ets de &eu&le? )e (ui
sA#.se!/e su!t#ut )$e@ les &eu&les de ,a!)$ads et de ,a!isH Les
&eu&les # ,ixs s#t ,##t#es? i,,#.iles et e &!#"!esset
&as? ex&li(ue Rat@el? )#,,e )e fut le )as das lA"%&te a)ieeH
*uat aux &eu&les .i-t%&i(ues? ils s#t ista.les )a!? )$e@ eux? il
A% a 0a,ais d#,iati# dfiiti/e dAu t%&e su! lAaut!eH 1e!tais
,ixa"es !a)iaux &eu/et d#e! de .#s !sultats das le
&!#)essus dAa))ultu!ati# dAu te!!it#i!e : le ,ixa"e et!e Idies
et T!a&&eu!s eu!#&es Cf!aKais et a"laisE a &e!,is ue .#e
ex&l#itati# des te!!it#i!es /#isis de la Raie de Guds# au 1aada
T le ,ixa"e des Idies a/e) des es)la/es #i!s au Mexi(ue a
&e!,is de ,ett!e e Nu/!e les &lateaux se)s et les @#es
f#!esti'!es $u,ides de lAA,!i(ue )et!aleH
Le "acteur `sol#
Le fa)teu! s#l 0#ue u !Ule de &!e,ie! &la das la &#liti(ueH O e
&eut &ese! i lAtat i la s#)it sas s#lH Les s#)i#l#"ues (ui
&eset lA$#,,e )#,,e dta)$ de la Te!!e s#t das lAe!!eu! T la
)ellule &!e,i'!e de t#ute s#)it? s#it la fa,ille ,##"a,e a/e)
ses efats? /it dAu s#l (uAelle )ulti/e et su! le(uel elle )$asseH La
)!#issa)e d,#"!a&$i(ue &#stule la !eta.ilisati# de t#u0#u!s
&lus de s#l et &!#/#(ue la diff!e)iati# et!e les di/e!ses
)#,&#sates dAue s#)it? &a!)e (uAil % a i"alit des s#lsH Les
fa,illes fiisset &a! f#!,e! u !seau de !elati#s lies - u s#l?
(ui se!a su))essi/e,et le )la C)ippeE &uis lAtatH
Rat@el ex&li)ite esuite les ,t$#des de lAat$!#&#"#"!a&$ie?
s)ie)e des)!i&ti/e (ui &!#)'de &a! )lassifi)ati#? idu)ti# et
historischer *mblick C!e"a!d &a#!a,i(ue su! lA$ist#i!eEH 1ette
at$!#&#"#"!a&$ie a des li,ites : elle Aa&&!#f#dit &as
)essai!e,et les l,ets de la "#"!a&$ie &$%si(ue T elle Aest
d#) &as t#ute la "#"!a&$ieH
Cobilit et patries originelles
LAat$!#&#"#"!a&$ie e"l#.e lA$ist#i!e? e tat (ue ,#u/e,et
$ist#!i(ueH Les &eu&les % s#t &e!Kus das leu! ,#.ilitH La
,#.ilit est ue )a!a)t!isti(ue de t#us les &eu&les? % )#,&!is
)eux (ui s#t a&&a!e,,et les ,#is ,#.ilesH 1ette affi!,ati#
!at@eliee de la ,#.ilit des &eu&les sA#&&#se - la !e)$e!)$e
)#te,&#!aie des *rsit+e C&at!ies #!i"iellesEH P#u! Rat@el? il A%
a &as de lieu #!i"iel (ui au!ait t e (uel(ue s#!te u &a!adis
idetitai!e? #V le &eu&le /i/ait das la &aixH LA#.0et de
lAat$!#&#"#"!a&$ie Aest d#) &as de d)!i!e des s#ls
id&ede,,et des ,#u/e,ets (ui % su!/ieet? ,ais
dAtudie! le !a&&#!t et!e )e s#l et les l,ets ,#u/ats (ui sA%
d&l#ietH DA#V? das )ette #&ti(ue (ui &!i/il"ie le ,#u/e,et? le
te!!it#i!e dAu &eu&le est &e!Ku )#,,e aussi ,#u/at (ue le
&eu&le lui-,J,eH
La ,#.ilit est le f!uit de la )!#issa)e d,#"!a&$i(ue (ui exi"e
dAa.#!d du &eu&le la )#l#isati# it!ieu!e? )Aest---di!e
lAex&l#itati# s%st,ati(ue de s# te!!it#i!e &a! itesifi)ati# de
la )ultu!e? )e (ui !ef#!)e et it!i#!ise de &lus e &lus le lie
,at!iel? affe)tif et &s%)$i(ue au s#lH *uad il % a &uise,et des
!ess#u!)es et )!#issa)e iite!!#,&ue? la ,#.ilit sAext!i#!ise
&a! ,i"!ati#? ass#!tie dAu )$a"e,et de )a!a)t'!e Caisi? le
Tu!) est diff!et e Asie Mieu!e et das lAAltaW #u su! les .#!ds
de la 1as&ieeEH Les &!i#des dAa&aise,et e si"ifiet i !e&#s
dfiitif i ,#!t $ist#!i(ueH Rat@el si"ale aussi les ,i"!ati#s
s&i!ituelles? )#,,e )elle de lA"%&te ati(ue (ui is&i!e les
)ultu!es dAAsie Mieu!e et de 1$%&!eH
Eribus pntrantes et tribus pntres
Au stade iitial &!i,itif? les &eu&les s#t &etits et !&a!tis de faK#
)lai!se,e su! le te!!it#i!e? dA#V? et!e les @#es $a.ites?
su.sistet des es&a)es i#))u&s #V &eu/et? le )as )$at?
sAit!#dui!e des l,ets all#"'esH Les Idies dAA,!i(ue
taiet &eu #,.!eux et !&a!tis su! dAi,,eses te!!it#i!es? )e
(ui a fa/#!is la )#l#isati# de s#u)$e eu!#&ee? &t!at
das les @#es laisses e f!i)$eH Les s#)its &!i,iti/es "a!det
"!ale,et la ,#iti du s#l i#))u& e !se!/eH Elles e
)#,&tet &as .eau)#u& de !ess#!tissats et )eux-)i s#t ,#.iles
et e !estet &as l#"te,&s fixs su! u s#lH 1ette ,#.ilit des
s#)its &!i,iti/es &#se &!#.l',e das les tudes &!$ist#!i(ues?
)#,,e le ,#t!e lAtude de *uat!efa"es su! les Gua!ai? #V des
t!i.us &t!ates se 0uxta&#set - des t!i.us &t!es? ,Jlat
de la s#!te des &#&ulati#s $t!#"'es su! u ,J,e te!!it#i!eH
Au stade su&!ieu!? lAat$!#&#"#"!a&$ie de Rat@el )#state u
!a&&#!t &lus )#,&lexe au s#l T )elui-)i est &lus f#!te,et
!eta.ilis? la &#&ulati# % est &lus a)!eH Il % a e #ut!e
dis&a!iti# &!#"!essi/e des es&a)es /ides et!e les
a""l#,!ati#s? aussi !udi,etai!es s#iet-ellesH Das )e
)#texte? la ,#.ilit a)(uie!t ue di,esi# #u/elle : )elle du
!erkehr C)i!)ulati#EH Rat@el se !ed )#,&te (ue le !erkehr
sA#.se!/e d0- )$e@ les A.#!i"'es aust!alies #u les Es(ui,aux
,ais sas &!#/#(ue! ue a))l!ati# de lA$ist#i!e et des
)#,,ui)ati#s &a! la )#st!u)ti# de !#utes du!a.lesH
?omadisme et communication
Les t%&es de ,#u/e,ets de &eu&le s#t /a!is : ,#u/e,et
it!ieu!? ,i"!ati#s i)#s)ietes? ,i"!ati#s ds#!d#es?
"ue!!es? fuites de/at des e/a$isseu!s? ,#u/e,ets &assifs?
#,adis,e? )#l#isati#? et)H Les !flexi#s de Rat@el su! le
#,adis,e s#t dAue "!ade &e!tie)eH Le #,adis,e? fait des
&eu&les de &asteu!s )#t!aits dAe!!e! (uad la )!#issa)e de
leu!s t!#u&eaux lAexi"e? &#stule ue #!"aisati# "ue!!i'!e
&e!,aeteH Les !ess#!tissats de )es &eu&les de &asteu!s s#t
t#u0#u!s &!Jts - aff!#te! le &i!e et )#,&eset leu! ista.ilit
te!!it#!iale &a! ue $i!a!)$isati# st!i)te de leu!s s#)itsH Leu!s
a&&#!ts )ultu!els s#t ,#destes ,ais ils uisset les &eu&les &a!
leu! ses de la dis)i&lie et se f#t aisi /e)teu!s dAides?
)#,,ui)ateu!sH
La sdeta!isati# ,a!(ue lAa!!Jt de la ,#.ilit de t%&e #,adeH
1#,,e)e al#!s lA'!e de la )#l#isati# )#s)ieteH Les
,i"!ati#s e s#t &lus di)tes &a! des fa)teu!s )#,,e la
!a!fa)ti# des &Ptu!es #u lAa))!#isse,et des t!#u&eaux ,ais &a!
la disside)e !eli"ieuse #u id#l#"i(ue Cles dissidets !eli"ieux
a"lais (ui se fixet e A,!i(ueE? #V &!d#,iet les l,ets
0eues et ,as)ulisH
Das )ette #&ti(ue sdetai!e? la )!#issa)e du &eu&le d#it Jt!e
)aalise et di!i"e &a! lAtatH LAtat d#it /eille! - dis&#se! de
suffisa,,et de s#l &#u! "a!ati! la )!#issa)e et la &e!,ae)e
dAu &eu&leH La &e!te de s#l e)le)$e u &!#)essus de !e)ulH
LA$ist#i!e #us ,#t!e (uAil % a eu des &e!)e&ti#s /astes de
lAes&a)e et des &e!)e&ti#s !duites de lAes&a)eH Les R#,ais #t
/#lu dAu es&a)e !duit das le Latiu, - ue )#)e&ti# de
lA,rbis? )a! leu!s eff#!ts taiet &#!ts &a! ue )#)e&ti# /aste de
lAes&a)eH Les G!e)s? e !e/a)$e? a/aiet ue )#)e&ti# t!#ite
de lAes&a)e? /isat - &!se!/e! leu! s&)ifi)it e /itat
lA&a!&ille,et su! u te!!it#i!e t!#& /asteH Ue telle )#)e&ti# de
lAes&a)e se !e&'!e "ale,et )$e@ les &eu&les $a.itus - u
)#s%st',e ,#ta"eux #u f#!estie!H P#u! eux? il % a !is(ue
dA)late,et sAils d.#!det su! la &laie? te!!it#i!e de atu!e
f#)i'!e,et diff!ete? &lus #u/e!t au !erkehrH
ncum+ne en croissance constante
Das le se)#d /#lu,e de s# Anthropogeographie? Rat@el dfiit
)e (uAil eted &a! N)u,'e Xdu "!e) oikoumen- : ese,.le de la
te!!e $a.ite C)#ueEY? s#it la @#e $a.ite &a! les $u,ais su!
la &la'te Te!!eH Au )#u!s de lA$ist#i!e? lAN)u,'e !duit des
A)ies sAest a))!u sas )esse &#u! )#u/!i! .ietUt lAese,.le de
la su!fa)e du "l#.e? faisat dis&a!aZt!e les @#es a-N)u,i(ues?
% )#,&!is les de!i'!es Zles i$a.ites des O)as Idie et
Pa)ifi(ueH La )#(uJte eu!#&ee de lAA,!i(ue a fait (ue #us
#us s#,,es $a.itus - &e!)e/#i! lAA,!i(ue )#,,e u Ext!J,e-
O))idet? al#!s (ue lAA,!i(ue &!-)#l#,.iee i"#!ait la
,aZt!ise du fe!? - lAista! des )ultu!es &#l%sieesH 1Aest la
!ais# de lAeff#d!e,et des )i/ilisati#s a,!idieesH Das
)ette &e!s&e)ti/e? lAA,!i(ue tait u Ext!J,e-O!iet de lAes&a)e
&a)ifi(ueH
Rat@el exa,ie esuite le !a&&#!t et!e la desit de la &#&ulati#
et le i/eau de )ultu!eH La desit fai.le? )lai!se,e? est idi)e
dAu i/eau )i/ilisati#el .as T la desit f#!te? elle? est idi)e
dAu a)!a"e? dAu e!a)ie,et de l#"ue du!e? d#) dAu
i/eau )i/ilisati#el le/H LAeff#d!e,et dAue desit idi(ue
u !e)ulH Les &eu&les - i/eau )i/ilisati#el .as )'det
"!ale,et le te!!ai - la )i/ilisati# C- lA&#(ue de Rat@el?
idetifie - lAEu!#&eEH 1Aest ue )#s(ue)e de lAla!"isse,et de
lAN)u,'e et de lAeu!#&aisati# de la &la'teH 1e &!#)essus
sAa))#,&a"e de dest!u)ti#s de &eu&les &a! /i#le)e? ,ixa"es et
)#fis)ati# de te!!esH
Les &eu&les - i/eau )i/ilisati#el .as sAaut#-diss#l/et? sAaut#-
dt!uiset? #ta,,et - )ause de )e!taies &!ati(ues )ultu!elles
et )ultuelles )#,,e le )ai.alis,e? lAifati)ide !ituel? les
)ast!ati#s &#u! ,#tifs !eli"ieux? lAite!di)ti# &#u! les fe,,es et
les efats de )#s#,,e! )e!tais ali,ets !i)$es? et)H Les
,##t$is,es? fa)teu!s de &!#"!s? #t ,is fi - )es &!ati(ues?
sel# Rat@elH
Les deux /#lu,es de lAAnthropogeographie de Rat@el? #ut!e les
!flexi#s su! lA$#,,e (ue #us a/#s ,ises e exe!"ue i)i?
)#tieet de /astes )$a&it!es t!aitat de "#"!a&$ie &$%si(ueH
#thnologie
Das le )$a&it!e it!#du)tif - )e /#lu,ieux #u/!a"e
C!oelkerkunde? : /#lH? 3<<L4<<? 2 /#lH !e/us et )#!!i"s 3<M=E?
Rat@el dfiit la tP)$e de sa !oelkerkunde Cet$#l#"ieE : &!#u/e!
la )#$si# de lA$u,ait? lAuit fiale du "e!e $u,aiH 1elui-)i
Aest &as di/is e etits C!a)ialesE disti)tes? s&a!es &a! des
f#sss isu!,#ta.les ,ais au )#t!ai!e !elies et!e elles &a! des
Odiff!e)es de de"!sOH LA#.0et de la !oelkerkunde est d#)
dAtudie! les &assa"es? les &asse!elles? et!e )es di/e!ses etits
et de ,#t!e! la )#$si# ite!e (ui leu! est s#us-0a)eteH P#u!
Rat@el? lA$u,ait )#stitue u t#ut f#!, de di/e!sits et
!asse,.l e u N)u,'eH Au sei de )et N)u,'e /i/et? e
,a!"e? les .atur/oelker? &lus d&edats de la atu!e (ue les
Kultur/oelkerH
La diff!e)e et!e .atur/olk et Kultur/olk e !side &as das le
de"! de )i/ilisati# ,ais .ie &lutUt das le t%&e de !a&&#!t - la
atu!eH La )ultu!e est aff!a)$isse,et des &esateu!s
atu!elles : elle e dta)$e &as dfiiti/e,et et )#,&l'te,et
lA$#,,e de la atu!e ,ais istau!e et!e eux des lies &lus
di/e!sifis et )#,&lexes? ,#is i,,diats d#) ,#is f!a"ilisatsH
P#u! Rat@el? la )ultu!e est la s#,,e de t#us les a)(uis )ultu!els
d#s - u ,#,et &!)is de lA$ist#i!eH Il dfiit esuite le
la"a"e )#,,e u d# "!al de lA$u,ait? )#,,e u
&$#,'e &!#&!e - lAese,.le des !a)es $u,aies? )#,,e u
!eflet de la /ie e ,utati# )#stateH Sa !oelkerkunde )#tiet
t#ute ue s!ie dAit!essates s&)ulati#s su! les la"ues? leu!
aissa)e? leu! )!#issa)e et leu! d)li? su! les ,#ts f#ssiles? les
diale)tes? les !a&&#!ts et!e la la"ue et le i/eau de )ultu!e? et)H
LXorigine de la "amille
LA#u/!a"e )#tiet "ale,et dAi&#!tates !flexi#s su! lA#!i"ie
de la fa,ille et de la s#)it (ue lA# )#,&a!e!a utile,et aux
s&)ulati#s de s# &#(ue? )elles de Ra)$#fe? M#!"a? Ma!x et
E"elsH P#u! Rat@el? la fa,ille est le &#it de d&a!t de t#ute /ie
s#)iale et &#liti(ueH La &#l%"a,ie su!/iet (uad il % a &lus de
fe,,es (ue dA$#,,es C- la suite de "ue!!es &a! exe,&leE? la
&#l%ad!ie? (uad il % a da/ata"e dAes)la/es ,as)ulis (ue
f,iis das ue s#)itH Le ,at!ia!)at t!#u/e s# #!i"ie das
les ,a!ia"es de "!#u&e #V seule la ,ate!it &#u/ait Jt!e
dte!,ie a/e) )e!titudeH LAex#"a,ie et lAel'/e,et des
fe,,es s#t t!aites a/e) ue "ale &!)isi#H Rat@el ifi!,e les
&!#&#s de Ma!x e d,#t!at (uAil A% a &as de &eu&le
)#,,uiste - lAtat &u! ,ais suffisa,,et de O)#,,uis,eO
das les .atur/oelker &#u! (ue )ela )#stitue u f!ei - leu!
eu!#&aisati# aisi (uAu fa)teu! dAid#le)e (ui e,&J)$e leu!
e/#l )##,i(ueH
Das s# )$a&it!e su! lAtat? Rat@el !a&&elle (ue t#us les &eu&les
/i/et ese!!s das des lies &#liti(ues &lus #u ,#is lP)$es #u
st!i)tsH Les tats se d/el#&&et &a! la d#u.le a)ti# des
)ulti/ateu!s et des &asteu!sH Das les s#)its &!i,iti/es #V il % a
des st!ates de &J)$eu!s? les (ualits !e(uises &#u! di!i"e! des
es(uifs !udi,etai!es se ,uet e (ualits &#liti(ues : lAtat?
aussi e,.!%#ai!e s#it-il? se di!i"e )#,,e u .Pteau #u ue
fl#tille de .a!(uettesH Les )ulti/ateu!s? (ui Nu/!et da/ata"e e
s#litai!es? ,#t!et ue &!#&esi# ,#is "!ade - )!e! des
tatsH Mais la )#tiuit de leu!s Nu/!es? a))#,&lies a/e)
&atie)e? la &!#xi,it de leu!s fe!,es? )!et u tissu de
s#u/ei!s et u !seau dAit!Jts )#,,us? dte!,is &a! le s#l
(uAils #))u&etH Si les &eu&les de )ulti/ateu!s tedet - )!e! des
tats ais? les &eu&les de &asteu!s et de #,ades )#st!uiset
t!'s !a&ide,et des tats "i"ates(ues? uis &a! la dis)i&lie
a)(uise au )#u!s des t!as$u,a)es de t!#u&eauxH La fa,ille
&at!ia!)ale des &eu&les de &asteu!s a))use d0- )ette )#$si#
(ue les )i!)#sta)es t!as&#se!#t das les !#ua"es de lA/etuel
tat #u e,&i!eH Les &eu&les de )$asseu!s )$#isisset le &lus f#!t
)#,,e )$ef? tadis (ue les &eu&les &ast#!aux? le &lus a)ie? )elui
(ui )#se!/e u ,axi,u, de s#u/ei!sH De l-? les teda)es -
lA#li"a!)$ie ,ilitai!e #u - la "!#t#)!atieH Das les tats
sdeta!iss? les !sidus de #,adis,e s#t !ef#uls aux
f!#ti'!es? das des @#es ta,&# t!asf#!,es e te!!it#i!es de
)$asse #u e !se!/e de te!!es - )#l#ise!H
Rat@el &#u!suit ses !flexi#s et$#l#"i(ues e /#(uat la "ue!!e
(ui? das les s#)its &!i,iti/es? est ,#is sa"late ,ais &lus
l#"ue (ue les "ue!!es eu!#&ees et d#t lA#.0e)tif est
lAexte!,iati# dfiiti/e de lAad/e!sai!eH LAtat ti!e lA$#,,e de
s# is#le,et if)#dH
Le "!#s des deux /#lu,es de la !oelkerkunde est )#stitu de
)$a&it!es t!aitat ue - ue )$a)ue des !a)es et s#us-!a)es de
lA$u,aitH
$,ographie politi4ue
Ou/!a"e le &lus )#u de Rat@el? 0olitische Geographie C3<M7E se
)#,&#se de euf &a!tiesH La &!e,i'!e tudie les !a&&#!ts et!e le
s#l et lAtatH P#u! Rat@el? lAtat est u #!"ais,e li - u s#l
Cbodenst1ndigE? - u te!!eau &!)isH 1e !a&&#!t #!"ai(ue &e!,et
de &a!le! de O.i#"#"!a&$ieOH Das )ette &e!s&e)ti/e
.i#"#"!a&$i(ue? t#ut tat est ue &a!)elle de lA$u,ait lie - u
s#l d#? le(uel est la ,ati'!e (ui lui d#e assiseH Sas s#l?
i,&#ssi.le de &ese! lA$#,,e? d#) de &ese! lAtatH Das la
f#ule? Rat@el d#e ue dfiiti# du &eu&le C!olkE : )Aest u
!e"!#u&e,et $u,ai s#ud &#liti(ue,et et )#stitu de
"!#u&es et dAidi/idus (ui e s#t &as )essai!e,et a&&a!ets
su! les &las et$i(ue et li"uisti(ue ,ais a)!s das u s#l
)#,,uH 1Aest d#) lAes&a)e CRaumE (ui fait le &eu&leH LAtat se
d/el#&&e e d&l#%at les )a!a)t!isti(ues de s# s#lH Les
)a!a)t'!es de lAtat &!#)'det d#) de la )#0u"ais# des
)a!a)t!isti(ues du &eu&le C#u des &eu&lesE (ui lAai,eCtE et du
s#l (ui le &#!teH
Iolitique territoriale et politique non territoriale
[ &a!ti! de )es dfiiti#s? Rat@el disti"ue ue O&#liti(ue
te!!it#!ialeO et ue &#liti(ue O# te!!it#!ialeOH La O&#liti(ue
te!!it#!ialeO /ise - a)(u!i! du s#l et - le !eta.ilise!H La O&#liti(ue
# te!!it#!ialeO? &!ati(ue &a! les &uissa)es st!i)te,et
)#,,e!)iales? e /ise (ue lAex&l#itati# &u!e et si,&le sas
&e!s&e)ti/e su! le l#" te!,eH Sas s#u)i du s#)le? )ette O&#liti(ue
# te!!it#!ialeO de,eu!e &$,'!eH Le s#l )#stitue "ale,et
lAe0eu des )#flits s#)iaux it!ieu!s : - )ause de la !&a!titi#
i"ale des te!!es #u - )ause des diff!etes faK#s dAet!e/#i!
s# ex&l#itati#H
Rat@el? esuite? tudie les O&uissa)es sas s#lO Clandlose
M1chteE? les O&eu&les sas s#lO Clandlose !oelkerE et les
Ote!!it#i!es sas &eu&leO C/olklose L1nderEH Les &uissa)es sas
s#l )$e!)$et u s#l #V sAa)!e! : elles s#t s#u/et des
&uissa)es s&i!ituelles e (uJte dAu te!!it#i!e - ,#dele! sel#
leu!s )#)e&ti#s C)alifat? &#tifi)at )at$#li(ue !#,ai? t$#)!atie
ti.taieEH Les &eu&les sas s#l !el'/et de deux )at"#!ies :
- 3E les &eu&les e $#!de? (ui s#t f#dateu!s dAtat &a!)e (uAils
)$e!)$et - se fixe!?
- 2E les &eu&les e dias&#!a CDuifs? T@i"aesE (ui e f#det &as dAtatH
Les &uissa)es sas s#l et les &eu&les sas s#l sAass#)iet (uel(ue
f#is )#,,e das les )as du )alifat (ui utiliset les e!"ies du
&eu&le seld0#u)ide #u de la &a&aut )at$#li(ue-!#,aie (ui &!ed
les N#!,ads - s# se!/i)eH Rat@el disti"ue esuite la &#ssessi#
du s#l de la d#,iati# du s#lH P#ssde! u s#l e si"ifie &as le
d#,ie!H D#,ie! u s#l si"ifie sA% a)!e! t#u0#u!s da/ata"e?
sA% e!a)ie! C%inwur+elungE &a! le t!a/ail a"!i)#leH
9ncrage et enracinement
1ette #ti# !at@liee dAa)!a"e et dAe!a)ie,et )#duit -
ue dfiiti# de la )ultu!e )#,,e ,aZt!ise du s#l &a! essa!ta"e?
ass')$e,et des ,a!ais? &a! le t!a/ail let et &atiet de &lusieu!s
"!ati#s? &a! la )$a!!ueH La )#(uJte idale est d#) la
)#(uJte &a)ifi(ue &a! lACa"!iE)ultu!eH Les st!ates s#)i#l#"i(ues
s#t dte!,ies elles aussi &a! le !a&&#!t au s#lH Les $i!a!)$ies
s#)iales d)#ulet dAue !&a!titi# i"ale des te!!esH LA#.0e)tif
de t#ut tat sai est de li,ite! les /etes de te!!es? lAaliati# du
s#l? &a! $!ita"e #u dis&e!si# et de /ise! aisi ue s#!te dA"alit
et!e les &ai!sH 1et idal /ieil-eu!#&e est !e/eu - la su!fa)e e
A!"etie CR#t#s? Gau)$#sE? aux tats-Uis et )$e@ les S(uatte!s
dAAust!alieH
Das ses )$a&it!es su! les !a&&#!ts s#l4tat? Rat@el aal%se le
#,adis,e et lA#&&#siti# et!e &asteu!s et )ulti/ateu!sH La @#e
(ui sAted du D#u!dai - lAA,#u! est d#,ie &a! le #,adis,e
du dse!t et de la ste&&eH Les &eu&les #,ades &!ati(uet
lA)##,ie de la !a@@ia CRaubwirtscha2tE et sA#!"aiset "!P)e - la
dis)i&lie ,ilitai!e !i"#u!euse de leu!s O)#l#es /#latesOH Mais
)ette dis)i&lie et )ette !i"ueu! s#t &$,'!es )a! "!ades
"as&illeuses dAe!"ies /itales (ui e s#t &as t#u!es /e!s la
!eta.ilisati# dAu s#lH La sdeta!it des )ulti/ateu!s est
/e)t!i)e dAaffai.lisse,et ,#!al ,ais )#s#lide la )ultu!eH Rat@el
d)!it les (ualits ,#!ales su&!ieu!es du #,ade? dues - sa
O&u!et !a)ialeO CRd#uis? M#"#ls? >i!"$i@esE et - sa fidlit - la
&a!#le d#e? et les #&&#set - la )#!!u&ti# des sdetai!es et
sdeta!iss u!.aisH Mais? e ,J,e te,&s? il affi!,e la
su&!i#!it )##,i(ue du sdetai!e )ulti/ateu! (ui )#(uie!t
lete,et le s#l e f!i)$e #V e!!e le #,ade Cle 1$i#is )#t!e le
M#"#l? le Russe )#t!e les &eu&les tu!)s dAAsie )et!ale? lAA"l#-
1elte )#t!e lAA,!idieEH Les sdetai!es fixet la )ultu!e?
t!e,&li /e!s les "!ades !alisati#s $u,aiesH
Das sa se)#de &a!tie? Rat@el tudie les ,#u/e,ets $ist#!i(ues
et la )!#issa)e de lAtatH Les ,#u/e,ets $ist#!i(ues s#t &#u!
lui les ,#u/e,ets des $#,,es su! la Te!!e? ,#u/e,ets (ui
#.isset - u ese,.le de l#is T aal%se! )es ,#u/e,ets et
,ett!e )es l#is e exe!"ue? tel est lA#.0et de
OlAat$!#&#"#"!a&$ieOH LA$ist#i!e? )#,,e la /ie? est ,#u/e,et?
est lAese,.le des ,#u/e,ets et )#t!e-,#u/e,ets sus)its
&a! lA$#,,eH Pa!,i )es ,#u/e,ets? la "ue!!e est le ,#%e le
&lus /i#let : elle est &#!te &a! lAl,et &!i,itif? /i!il? /#l#tai!e
et d#,iateu! de lA$u,ait? d#t lAa)ti# est "!ale,et
&$,'!e? )#t!ai!e,et aux /aleu!s f,iies de &aix? (ui s#t
)#se!/ates et )#st!u)ti/es? )#s#lidat!i)es des a)(uis
Ca"!iE)ultu!elsH
La guerre : modalits diverses
La "ue!!e )#aZt &lusieu!s ,#dalits : la "ue!!e dAai$ilati#
C!ernichtungskriegE est la &lus &!i,iti/e et la &lus iutile )a! elle
se .#!e - dt!ui!e sas !ie )#st!ui!eH La "ue!!e de !a@@ia
CRaubkriegE dt!uit ,#is ,ais e )#st!uit !ie # &lusH La
"ue!!e de )#(uJte .!ute C%roberungskriegE e dt!uit !ie ,ais
e !s#ud au)u &!#.l',e dA#!d!e Ca"!iE)ultu!elH Aux %eux de
Rat@el? t#ut ,#u/e,et? "ue!!ie! #u #? Aest &#sitif (ue sAil
a))!#Zt la /aleu! du s#lH LA$ist#i!e &!#)'de &a! diff!e)iati#
CDi22eren+ierungEH La diff!e)iati# est lAese,.le des ,ulti&les
fa)teu!s (ui )#)#u!et - a))!#Zt!e la /aleu! du s#l? - d/el#&&e!
ses /i!tualitsH Pa! )e &!#)essus de diff!e)iati#? le ,#de se
)#,&lexifie sas )esseH La di/isi# du t!a/ail est ue fa)ette du
&!#)essus "!al de diff!e)iati#? f!uit de la sdeta!isati#H
Rat@el tudie esuite les &$#,'es de )#(uJte et de
)#l#isati#H
La colonisation intrieure
*uad u &eu&le )#aZt u a))!#isse,et d,#"!a&$i(ue
i,&#!tat? le .es#i de te!!es #u/elles su!"itH SAe)le)$e al#!s?
e ue &$ase &!e,i'!e? le &!#)essus de O)#l#isati# it!ieu!eO?
#V le &eu&le e )!#issa)e !eta.ilise s# es&a)e /ital - #ut!a)eH
1Aest u &!#)essus (ue lA$ist#!ie &eut #.se!/e! e 1$ie et e
Alle,a"e? a/e) les df!i)$a"es du M#%e \"e et la ,ise e Nu/!e
des /alles al&ies au BIIe si')leH LAistallati# de )#l#s s#ua.es
et sax#s e T!ass%l/aie !el'/e du ,J,e &!#0et de O)#l#isati#
it!ieu!eO aisi (ue la &#liti(ue de OlA'!e a"!##,i(ueO? a,#!)e
e F!a)e /e!s 3<L5H *uad la O)#l#isati# it!ieu!eO atteit ses
li,ites? le &eu&le e )!#issa)e d#it se !s#ud!e - &!ati(ue! la
O)#l#isati# ext!ieu!eO? e !e)#u!at - la "ue!!e #u - la
)#(uJte C&a)ifi(ue das le )as )$i#is #u das le )as alle,ad e
T!ass%l/aie et e P#saieEH Le &eu&le d.#!de aisi de s#
.aturgebiet iitialH Rat@el &!#)'de esuite - ue )lassifi)ati#
dida)ti(ue des diff!ets t%&es de )#l#isati#H Les )#l#ies de
&eu&le,et !ef#ulet les aut#)$t#es et !eta.iliset la te!!e
CUSA? Tas,aieE T les )#l#ies de &latati# #u dAex&l#itati#
,ii'!e utiliset la ,ai-dANu/!e idi"'e T les )#l#ies
)#,,e!)iales #u dAex&l#itati# "!ale laisset ita)tes les
st!u)tu!es s#)iales aut#)$t#es T les )#l#ies de )#(uJtes se
.#!et - #))u&e! les )et!es e!/eux u!.aisH Das les )#l#ies
de t!a&&eu!s C1aadaE? les a/etu!ie!s se ,Jlet aux idi"'es et
)!et &a! ,ixa"e u t%&e $u,ai #u/eauH Le d/el#&&e,et
des )#l#ies )#duit - ue eu!#&aisati# de la Te!!eH LA$!#Ws,e
&a)ifi(ue? # ,ilitai!e? des )#l#s &!#/#(ue u !a0euisse,et
des es&!its? % )#,&!is e ,t!#&#leH
[ la fi de sa se)#de &a!tie? Rat@el t!aite du te!!it#i!e de lAtat
C)taatsgebietE et du te!!it#i!e atu!el C.aturgebietE? de leu!
st!u)tu!e it!ieu!e et de leu!s !a&&#!ts !)i&!#(uesH 1es !a&&#!ts
)!'et la s&$'!e de la )#,,uaut )ultu!elle (ui &eut sAted!e
au-del- de lAtat? au i/eau de lAN)u,'eH U N)u,'e de )e t%&e
!e&#se su! lAad$si# - u s%st',e de d!#it &u.li)? tel (uAil existait
- la fi du BIBe si')le e Eu!#&e? a/e) ue extesi# f#!,elle - la
Tu!(uie de&uis le 1#"!'s de Pa!is e 3<L6 et ue extesi# de
fait au Da&# et - la 1$ieH La /isi# !at@liee du d/el#&&e,et
de lA$u,ait &a!t dAue dfiiti# du .aturgebiet? d!i/e de 1a!l
Ritte!H Au d&a!t dAu .aturgebiet &!)is? u &eu&le t!a/aille et
d#e )#$si# - u te!!it#i!eH [ u ,#,et d#? il d.#!de de
s# .aturgebiet iitial et eta,e u &!#)essus de )#l#isati#
ext!ieu!H
Das la t!#isi',e &a!tie de 0olitische Geographie? Rat@el tudie la
)!#issa)e s&atiale des tats? # seule,et e s#uli"at
lAi,&a)t des fa)teu!s "#"!a&$i(ues ,ais e A#,ettat &as
dA/#(ue! les fa)teu!s dA#!d!e !eli"ieux et la d%a,i(ue des ides
ati#alesH Il % ex&li(ue (ue les tats s#t &etits aux stades
)ultu!els if!ieu!s C/illa"es-tats de 355 $a.itats e Ide?
&etites Zles &#l%siees di/ises e etits &#liti(ues !i/alesE et
"!adisset au fu! et - ,esu!e (ue la )ultu!e sAa,&lifieH
1$!##l#"i(ue,et? ex&li(ue Rat@el? la )!#issa)e de lAtat suit la
)!#issa)e dAaut!es fa)teu!s? )##,i(ues et4#u !eli"ieuxH Les
ides !eli"ieuses et &$il#s#&$i(ues t!as)edet les f!#ti'!es et
fa/#!iset les !e"!#u&e,ets $u,aisH
entre et prip$rie des %cum+nes
La (uat!i',e &a!tie de lA#u/!a"e t!aite de la situati# des tats e
"!al? de leu! &#siti# su! la &la'teH Rat@el /#(ue aussi das
)es )$a&it!es le !Ule des fa)teu!s )li,ati(uesH *uad il t!aite des
N)u,'es? il ,et e /ide)e les diff!e)es et!e le )et!e
C3nnenlageE et les &!i&$!iesH LAAlle,a"e? a/e) (uel(ues aut!es
ati#s? #))u&e le )et!e de lAN)u,'e eu!#&eH 1ette &#siti#
exi"e la s#lidit des a)!a"es &#liti(ues? al#!s (ue les @#es
&!i&$!i(ues des N)u,'es &eu/et se satisfai!e de lies
&#liti(ues &lus lP)$es? de )#st!u)ti#s &#liti(ues &lus f!a"iles
Cad,iist!ati# !usse de la @#e du fleu/e A,#u! et de la ]aF#utie
#u ad,iist!ati# .!itai(ue des te!!it#i!es du N#!d-Ouest
)aadieEH Les )et!es des N)u,'es s#t des,et &eu&lsH
Les &!i&$!ies #t des &#&ulati#s )lai!se,esH
La )i(ui',e &a!tie de 0olitische Geographie t!aite de lAes&a)e
CRaumE &!#&!e,et ditH Rat@el a.#!de la #ti# dAes&a)e? le
Raumsinn Cses de lAes&a)eE? das lAes&!it des &eu&les et tudie
lAi,&a)t de lAl,et s&atial das la "!adeu! $ist#!i(ueH 1elle-)i
&!#)'de de la /isi# (uA#t les $#,,es dAtat de lAes&a)e : )ette
/isi# &eut Jt!e la!"e #u t!#ite ,ais d#it t#u0#u!s /ise! -
/al#!ise! les &#ssi.les (ue !e)'le le s#lH La "ue!!e est lA)#le de
lAes&a)e? )a! elle )#f!#te des ,asses $u,aies - la !alit
te!!it#!ialeH La s&)ifi)it des &eu&les sAa&e!K#it et se ,esu!e -
leu! faK# de ,aZt!ise! lAes&a)eH Rat@el ,et esuite t#ute ue
s!ie de !flexi#s su! les tats - es&a)es !duits? d#t les /illes-
tats? et su! la desit des &#&ulati#s (ui? sel# les
)i!)#sta)es? &eut sAa/!e! f#!)e #u fai.lesseH
T!'s it!essates s#t ses s&)ulati#s su! lAesse)e de la
)i!)ulati# C!erkehrEH La )i!)ulati# ite!&elle t!#is fa)teu!s
s&atiaux : deux lieux "#"!a&$i(ues? le lieu de d&a!t et le lieu de
destiati#? et le )$e,i &a!)#u!uH S# esse)e est &a!
)#s(uet )#diti#e &a! la "#"!a&$ieH La )i!)ulati# est ue
f#!,e &a!ti)uli'!e du ,#u/e,et $ist#!i(ue? )!at!i)e dA$a!,#ie
et a))l!at!i)e de lA$ist#i!eH La )i!)ulati# est )#diti# &!ala.le
de la )!#issa)e de lAtatH
La sixi',e &a!tie de 0olitische Geographie t!aite des f!#ti'!es?
&!#duits des ,#u/e,ets $ist#!i(ues et ex&!essi#s du t%&e de
,#u/e,et (ui leu! a d# aissa)eH LA#.0e)tif des $#,,es
dAtat d#it Jt!e de si,&lifie! le t!a) des f!#ti'!es? de d#e! -
leu! te!!it#i!e ue ,#!&$#l#"ie si,&le? )e (ui fa)ilite la dfese
te!!it#!iale et f!#tali'!eH
La se&ti',e &a!tie de lA#u/!a"e t!aite des )Utes? des Zles et des
&!es(uAZlesH La $uiti',e de la ,e!? des l,ets s&i!ituels ai,at
les t$alass#)!aties? des ,#tifs )#tietaux et #)ai(ues (ui #t
fa/#!is le d/el#&&e,et des &uissa)es ,a!iti,es : t#utes ides
(ue lA# !et!#u/e!a das Das Meer als uelle der !oelkergroe#e
C3M55EH La eu/i',e &a!tie t!aite de la &$%si##,ie des &laies et
des ,#ta"esH
La mer "omme sour"e de grandeur des peuples
Das Meer als uelle der !oelkergroe#e C3M55E : &etit #u/!a"e
)#)is (ui a.#!de la ,e!? s# i,,esit et s# uif#!,itH Rat@el
% d)!it les ,e!s &!i&$!i(ues et it!ieu!es? les ,e!s fe!,es?
les dt!#its? les fiist'!es et les &!es(uAZlesH LA#u/!a"e #us !/'le
esuite lAesse)e de la t$alass#)!atie et des &eu&les ,a!isH La
,e!? ex&li(ue Rat@el? est /#ie? )$e,i? elle est &assi/it ,ais Aest
t#utef#is 0a,ais eti'!e,et s#u,ise T elle est &u!e atu!e? la
&lus &u!e atu!e - la(uelle lA$#,,e est )#f!#tH DA#V les
&eu&les ,a!is? (ui f#t fa)e - )ette i,,esit l,etai!e?
)#aisset ,ieux le ,#de et t#utes les /#ies (ui % ,'etH Ils
a))!#isset )#sid!a.le,et lA$#!i@# &#liti(ue &a! leu! 4eitblick
C!e"a!d (ui &#!te su! le l#itaiEH 1Atait le )as des Alle,ads de la
Gase? des G!e)s dAAt$'es et des Italies de QeiseH La ,e! )!e
les &uissa)es ,#diales &!)is,et &a!)e (uAelle est la /#ie (ui
,'e &a!t#utH Elle est d#) &#!teuse de &!#"!'sH Rat@el e dduit
la diff!e)e et!e &eu&les ,a!is et &eu&les (ui #t !e#) - la
,e! )#,,e les "%&ties et les 1$i#isH 1es de!ie!s #t eu ue
$ist#i!e l#"ue ,ais uif#!,e? sas )#t!adi)ti#s fe!tilisatesH
Rat@el d)!it )es )i/ilisati#s # ,a!ies )#,,e des
'albkulturen Cde,i-)ultu!esE aux(uelles ,a(ue u l,et
d%a,isatH Le seul l,et d%a,isat (uAelles #t )#u? )Aest
la ,ea)e des &eu&les de &asteu!s #,ades dAau-del- de leu!s
f!#ti'!es? $#stiles - t#ute f#!,e de )ultu!e et &!ati(uat la "ue!!e
de !a@@iaH
[ragilit de la t$alassocratie pure
Rat@el d)!it esuite )e (uAil eted &a! Ot$alass#)!atie &u!eOH Ue
t$alass#)!atie &u!e est ue &uissa)e (ui e &e!K#it &as #u &lus
(ue la ,e! est /#ie? )$e,i? et # &as s#u!)e de &uissa)eH Si u
&eu&le d#,ie la ,e! #ut!a)i'!e,et? e "li"eat t#ute aut!e
fa)teu! de &uissa)e? )Aest? e .#ut de )#u!se? la ,e! (ui fii!a &a!
le d#,ie!H 1e &!#)essus &!#/iet du fait (ue la &uissa)e de la
t$alass#)!atie e !e&#se &lus su! u s#l ,ais fl#tte su! les eaux :
ue te,&Jte &eut % ,ett!e fi du 0#u! au lede,ai ClAA!,ada du
R#i dAEs&a"e e 3L<<EH La &uissa)e ,a!iti,e? )#,,e #us le
,#t!e le d/el#&&e,et de lAE,&i!e .!itai(ue? )!#Zt t!'s /ite
,ais e "li"eat lAa)(uisiti# de te!!it#i!esH Les &uissa)es
litt#!ales #u isulai!es )#sid'!et (ue la &#ssessi# de s#l est u
$adi)a&H Les &uissa)es te!!est!es? &a! )#t!e? sAa))!#isset t!'s
lete,et ,ais dAautat &lus s;!e,etH LAexe,&le dAAt$'es
,#t!e )lai!e,et (ue les te!!it#i!es u!.ais - f#!te desit
d&edet ali,etai!e,et des "!eie!s - .l et des /astes @#es
dtet!i)es de ,ati'!es &!e,i'!es idis&esa.les - la /ieH Les
!se!/es dAAt$'es se situaiet das la @#e &#ti(ue et la f#!)e
de la )it "!e)(ue !sidait das sa ,aZt!ise ,a!iti,e des /#ies
dAa))'s au P#tH *uad P$ili&&e de Ma)d#ie )#u&e )es /#ies
dAa))'s? At$'es lui t#,.e et!e les ,aisH La f!a"ilit des
t$alass#)!aties !side das le fait (ue lAl#i"e,et? la dista)e?
d#i/et t#u0#u!s Jt!e su!,#tsH T#ute t$alass#)!atie su))#,.e
au ,##&#lis,e? (ui /ise lAli,iati# des )#)u!!etsH Telle a t
la &#liti(ue a"laiseH Mais? das lA$ist#i!e? 0a,ais ue seule
&uissa)e Aa !'" sas &a!ta"e su! lAese,.le des te!!es
)#uesH
La ,e!? res nullius? e )#ait i t!aits i f!#ti'!esH Les t!aits
(ui /iset - !"le,ete! le &a!ta"e des eaux #u - e,&J)$e! la
)i!)ulati# des a/i!es dAue &uissa)e &!)ise das )e!taies
@#es ,a!iti,es e s#t 0a,ais de l#"ue du!e : la &uissa)e
,#tate est f#!),et tete dAe #ut!e&asse! les )lauses et de
.Pti! s# ,##&#le ,a!iti,eH La ,aZt!ise des ,e!s &e!,et de
tei! l#"te,&s de/at t#ut ad/e!sai!e (ui e les d#,ie &as :
,aits exe,&les $ist#!i(ues le &!#u/et? #ta,,et )elui de
Qeise (ui tiet tJte - lAE,&i!e Ott#,a et )elui de lAA"lete!!e
(ui fiit &a! /ai)!e Na&#l#H Mieux : les "ue!!es et!e
&uissa)es )#tietales fa/#!iset le d/el#&&e,et de la
&uissa)e ,a!iti,e (ui &!ed le te,&s de )#t!Ule! les /#ies
#)ai(ues et le )#,,e!)e ,#dialH Les tats isulai!es s#t
&!destis - de/ei! des t$alass#)!aties &uissatesH Les tats
&isulai!es #u litt#!aux )#u!et t#u0#u!s le !is(ue dAJt!e .ala%s
&a! la &uissa)e te!!est!e de leu! hinterland Cla Gase? la
G#llade? le Dae,a!FEH 1et tat de )$#se ex&li(ue le f#!,ida.le
d/el#&&e,et de lAA"lete!!e et la !a&ide as)esi# du Da&#H
LAi!!u&ti# du Da&# et de sa fl#tte su! la s)'e ,#diale &!#u/e
(uAil % a ,ulti&li)ati# )#state des &uissa)es ,a!iti,es d#)
dis&a!iti# du ,##&#le de la &uissa)e d#,iate? )e (ui
si"ifie? - lA&#(ue de Rat@el? !e)ul de lAE,&i!e .!itai(ueH Les
&uissa)es )#tietales &u!es? )#,,e lAE,&i!e de 1$a!le,a"e
#u le Rei)$ ,di/al alle,ad? s#t ds#!,ais des s#u/ei!s de
lA$ist#i!eH F!aKais et Alle,ads se s#t )#stitu des fl#ttes et?
&!/#it Rat@el? &lusieu!s &a%s dAA,!i(ue latie sui/!#t? a/at
lAAust!alie et lAAf!i(ue du SudH La "!ade &uissa)e de lAa/ei!
)#,.ie!a d's l#!s &uissa)e te!!est!e et &uissa)e ,a!iti,eH Il
e &#u!!a &lus % a/#i! disti)ti# a.s#lue et!e &uissa)e
)#tietale et &uissa)e ,a!iti,eH
La Terre et la 'ie
Die %rde und das Leben C3M53E : )et #u/!a"e e deux "!#s
/#lu,es de Rat@el )#stitue le ,auel de .ase de la "#"!a&$ie
&#liti(ueH Das les &!e,ie!s )$a&it!es? lAauteu! a.#!de la
&!$ist#i!e et lA$ist#i!e des )#aissa)es "#"!a&$i(ues? (ui se
s#t la.#!es su! .ase de !)its de /#%a"e? des s#u!)es "!e)(ues
et !#,aies? des !a&&#!ts des ,issi#ai!es? des d)#u/e!tes des
P#!tu"ais? de 1#l#,.? et)H Au BIBe si')le? la "#"!a&$ie est
!ede/eue ue s)ie)e "!P)e aux t!a/aux de Gu,.#ldt et de
Ritte!H Rat@el das )es deux /#lu,es t!aite su))essi/e,et de la
te!!e et de s# e/i!#e,et Cle s%st',e s#lai!eE? de la
/ul)a#l#"ie et de lA)#!)e te!!est!e? des )#tiets et des #)as?
des )Utes Cf0#!ds? deltas? la"ues? et)HE? de la "#l#"ie? des
ite,&!ies et des !#si#s? des f#!,es du s#l? de lA$%d!#"!a&$ie
Ca/e) tude des &!#&!its )$i,i(ues et &$%si(ues des eaux
d#u)es et ,a!ies et !flexi#s su! la si"ifi)ati# $ist#!i(ue de la
,e! et de la lutte des $#,,es )#t!e elleE? de lAai! et du )li,at
Ciflue)e de la te,&!atu!e su! le )#!&s et lAP,e de lA$#,,eEH
Das la &a!tie )#sa)!e - la .i#"#"!a&$ie? Rat@el? .i#l#"iste de
f#!,ati#? isiste su! lAuit de la /ie Ca&&!#)$e # dualisteE? su!
le d/el#&&e,et des ,ati'!es #!"ai(ues Ciflue)e de Gae)FelE?
su! lA#!"aisati# des s#)its .#tai(ues et ai,ales? su! la lutte
&#u! la #u!!itu!e? a/at de #us d#e! ue dfiiti# du
Lebensraum? le(uel &eut Jt!e /aste #u li,it? ,ais est t#u0#u!s
#.0et de )#flit et iflue)e les #!"ais,esH Dis&#se! de /astes
es&a)es est ue assu!a)e de su!/ieH *uat - la &a!tie )#sa)!e -
lAat$!#&#"#"!a&$ie? elle )#tiet des !flexi#s "!ales su!
lA$u,ait? su! ses #!i"ies? su! les !a)es (ui la )#stituet et su!
les ,la"es et!e )es !a)esH Rat@el )#state (uAil % a !e)#t!e
)#fli)tuelle et!e les di/e!ses !a)es de lA$u,ait de&uis (ue
lAeu!#&aisati# du ,#de sAest a))l!e et a,&lifieH Rat@el e
se fait &as lAa&Ut!e dAue t$#!ie de la &u!et !a)iale et esti,e (ue
les )#flits ite!!a)iaux sAa&aise!#t a/e) le te,&sH Il !it'!e ses
t$'ses (uat au !a&&#!t de lA$#,,e - la Te!!e? - la )i!)ulati#
)#,,e ,eilleu!e ex&!essi# du ,#u/e,et $ist#!i(ue? - la
)ultu!e d#t la .ase est lAa"!i)ultu!e CAckerbauEH
?ation et nationalit
Das les )$a&it!es ddis au &eu&le et - lAtat? il !&'te sa
dfiiti# du &eu&le )#,,e )#,,uaut dA$a.itat : il d,#t!e
(uAil A% a &as de &eu&le sas tat et (ue )elui-)i est aussi a)ie
(ue la fa,ille et la s#)itH A&!'s a/#i! #&! ue disti)ti#
et!e? dAue &a!t? les &eu&les (ui di!i"et et f#det des tats et?
dAaut!e &a!t? les &eu&les (ui #.isset? et a/#i! !fl)$i ue
#u/elle f#is su! le &$#,'e de la "ue!!e? Rat@el s#uli"e la
diff!e)e et!e Oati#O et Oati#alitOH La ati# est u &eu&le
id&edat &#liti(ue,et #u )a&a.le dAassu,e! s#
id&eda)eH La ati#alit est ue &a!tie dAu &eu&le ,ais ue
&a!tie (ui est &#liti(ue,et d&edateH Aisi? les Lit$uaies et
les Sl#/'es e s#t &as des ati#s ,ais des ati#alitsH Les
P#l#ais et les I!ladais s#t des ati#s e de/ei!? )a&a.les?
sel# Rat@el? dAassu,e! &leie,et leu! id&eda)e &#liti(ueH
La ati# Aest &lus u )#)e&t dA#!d!e "al#"i(ue? #us
ex&li(ue-t-ilH 1Atait /!ai au stade de lAtat-/illa"e? #V t#us les
$a.itats des)edaiet dAu a)Jt!e )#,,u et taiet lis &a! le
sa"H Dfii! la ati# sel# la "al#"ie Aest &#ssi.le (ue su!
u es&a)e !duitH La "ue!!e et la )i!)ulati# !duiset - at les
&u!ets !a)ialesH Les "!ads es&a)es s#t &a! dfiiti#
$t!#"'es su! le &la et$i(ue et )ette &lu!alit est ue f#!)eH
Rat@el e /eut &#u! &!eu/e lAiflue)e f)#date de lAl,et
"e!,ai(ue das les &a%s !#,as? de lAl,et sla/e e P!usse et
des l,ets 0uifs et alle,ads e RussieH
a R#.e!t Steu)Fe!s? !ouloir ^M #u/elle s!ie? &!ite,&s 3MM7H
- RIRLIOGRAPGIE :
a _u/!es de Rat@el :
&nthropo!eo!raphische ?eitr<!e, intro. de F. Ratzel, Leipzig, 1895.
&us (exi3o. *eises3izzen aus den Iahren JKLM und JKL9, Breslau, 1878.
?eitr<!e zur 2eo!raphie des mittleren +eutschland, intro. de Fr. Ratzel,
Leipzig, 1899.
?ilder aus dem )rie!e mit 7ran3reich, Wiesbaden, 1908.
+ie chinesische &us;anderun!. Ein ?eitra! zur )ultur' und
Fandels!eo!raphie, Breslau, 1876.
+eutschland. EinfNhrun! in die Feimat3unde, Leipzig, 1898 (6me d.,
Berlin, 1932).
+ie Erde, in 5M !emeinerst<ndlichen Oortr<!en Nber all!emeine
Erd3unde. Ein !eo!raphisches #esebuch, Stuttgart, 1881 (4me d.,
1921).
+ie Erde und das #eben. Eine er!leichende Erd3unde, 2 vol., Leipzig &
Vienne, 1901/02.
2lNc3inseln und Br<ume. 2esammelte &ufs<tze aus den 2renzboten,
Leipzig, 1905.
2rundzN!e der Ooel3er3unde, Leipzig & Vienne, 1895.
Bhe Fistory of (an3ind, tr. angl. A.J. Butler, Londres, 1896/98.
)leine Achriften. choix de textes et intro. par Hans Helmolt, 2 vol., Munich
et Berlin, 1906.
+er #ebensraum. Eine bio!raphische Atudie, Tbingen, 1901.
+as (eer als Puelle der Ooel3er!roeQe. Eine politisch'!eo!raphische
Atudie, Munich, 1900 (2me d. 1911).
Dolitische 2eo!raphie, Munich & Leipzig, 1897 (3me d. revue et
complte par E. Oberhummer, 1923). Tr. fr. : 2o!raphie politique, d.
Economica, 1988.
*aum und Reit in 2eo!raphie und 2eolo!ie, intro. de Paul Barth, Leipzig,
1907.
Aein und @erden der or!anischen @elt. Eine popul<re
Achoepfun!s!eschichte, Leipzig, 1869 (2me d., 1877).
Le sol5 la socit et l$6tat in revue #Sanne sociolo!ique, 1898-1899.
At<dte' und )ulturbilder aus Nordameri3a, vol. I et vol. II, Leipzig, 1876.
Tber Naturschilderun!, Munich & Berlin, 1904 (2me d. 1906).
+ie Oereini!ten Ataaten on Nordameri3a, vol. I : Dhysi3alische
2eo!raphie und Naturchara3ter, vol. II : )ultur!eo!raphie der Oereini!ten
Ataaten on Nordameri3a unter besonderer ?erNc3sichti!un! der
;irtschaftlichen Oerh<ltnisse, Munich, 1878/80 (2me d., 1893).
Ooel3er3unde, vol. I : +ie Naturoel3er &fri3as, vol. II : +ie Naturoel3er
Uzeaniens, &meri3as und &siens, vol. III : +ie )ulturoel3er der &lten und
Neuen @elt, Leipzig, 1885/88, (2me d. entirement revue et corrige en
2 volumes, 1894-95).
+ie Oor!eschichte des europ<ischen (enschen, Munich, 1874.
@anderta!e eines Naturforschers, vol. I : Roolo!ische ?riefe om
(ittelmeer. ?riefe aus ANditalien, vol. II : Achilderun!en aus
AiebenbNr!en und den &lpen, Leipzig, 1873-74.
@ider die *eichsnoer!ler. Ein @ort zur )olonialfra!e aus @<hler3reisen,
Munich, 1884.
a At$#l#"ies de textes de Rat@el :
Erdenmacht und Ooel3erschic3sal, textes choisis de Fr. Ratzels, intro. et
appareil critique de K. Haushofer, Stuttgart, Krner, 1937.
Friedrich Ratzel, #a !o!raphie politique. #es concepts fondamentaux.
Textes choisis et traduits par Franois Ewald. Avant-propos de M.
Korinman, Fayard, 1987.
a Textes su! Rat@el :
Viktor Hantzsch, 7. *atzel, in ?io!raphisches Iahrbuch und deutscher
Ne3rolo!, intro. A. Bettelheim, vol. IX, 1904, Berlin, G. Reimer, 1906.
M. Korinman, 7. *atzel, ). Faushofer, $Dolitische Uzeano!raphie$, in
Frodote n32, janv.-mars 1984.
%urope 7etween 0olitical Geograph( and Geopolitics . Un the
=entenary of *atzels V Dolitische 2eo!raphie W, Rome, Societ Geografica
Italiana, 2001, 918 p.
H Du!F$ei,? )#,&te-!edu dA Anthropogographie paru dans
#S&nne Aociolo!ique, 1899.
a N#,.!euses !f!e)es - Rat@el das :
J. Brunhes et C. Vallaux, #a !o!raphie de lShistoire. 2o!raphie de la paix
et de la !uerre sur terre et sur mer, Alcan, 1921.
M. Korinman, Puand lS&llema!ne pensait le monde. 2randeur et
dcadence dSune !opolitique, Fayard, 1990.
A. Grabowsky, *aum, Ataat und 2eschichte. 2rundle!un! der 2eopoliti3,
C. Heymanns Verlag, Kln/Berlin, 1960.
a [ li!e :
Les 2ondements de la gopoliti8ue (M. Leibig)
Les grands concepteurs de la gopoliti8ue (Denis Touret)
1#texte &#liti)#-)ultu!el du te,&s de Rat@el (Col. Alain Litzellmann)
6lise Reclus5 gographicit et bien/eillante gopoliti8ue (Y.
Lacoste)
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3745642557
DAAu@i#
FIUME O MORTE !
"UJiume ou la mort VW(
[ &!#&#s dAu /#lu,e )#lle)tif su! Ga.!iele DAAu@i#
T ,e>ension E 6ans-5&ri>8 ?uB:re>8t! Friedri>8 Oitt&er! Bern8ard -ie%ert (6rs%)! *er
*ichter als ;ommandant # *'1nnun<io ero'ert Fiume! *i&8e&B FinY <er&a%! MZn>8en!
199'! 140 p
7abriele d&9nnunGio 611.2519218, au temps de la
`>elle 4poquea, tait le seul po+te italien connu dans le monde entier. 9pr+s la
Iremi+re 7uerre mondiale, sa gloire est devenue plutLt `musalea, sans doute parce
qu&il l&a lui5m'me voulu. Al devint ainsi `Irince de Contenevosoa. 0n institut d&4tat
dita ses %uvres compl+tes en N9 volumes. @urtout, il trans"orma la \illa argnacco,
sur les rives du Lac de 7arde, en un mausole tout ( "ait particulier 63l 'ittoriale degli
3taliani8 qui, apr+s la @econde 7uerre mondiale, a attir plus de touristes que ses livres
de lecteurs. Dn 9llemagne, d&9nnunGio a dH 'tre tir de l&oubli en 1911 par lXditeur
non5con"ormiste de Cunic$, Catt$es c @eitG, et par un volume de la cl+bre collection
de monograp$ies `rororoa. 9u*ourd&$ui, coup de t$Stre, un volume collecti" rdig
par des p$ilosop$es et des p$ilologues nous con"irme que le grand `dcadenta a sans
doute t le `dernier po+te5souverain de l&$istoirea. P quel autre crivain pourrait5on
donner ce titre F
Le `mod+le de [iumea pour toute l&Atalie
La ville et le port adriatique de [iume 6en croate Ri=eka, en allemand Sankt<'eit am
Flaum8 tait peuple ( 5:l d&Ataliens ( l&poque. Les con"rences parisiennes des
vainqueurs de la Iremi+re 7uerre mondiale avaient russi ( "aire de cette cit une
pomme de discorde entre l&Atalie et la nouvelle iougoslavie. Le Erait secret de
Londres, qui envisageait de rcompenser largement l&Atalie pour son entre en guerre
en lui octro!ant des territoires dans les >alkans, en 9"rique et en Durope centrale,
n&avait pas voqu [iume. Le Irsident =ilson n&avait pas envie dXabandonner ( l&Atalie
l&Astrie et la Oalmatie. 9pr+s l&e""ondrement de l&9utric$e5,ongrie, une assemble
populaire proclame ( [iume le rattac$ement ( l&Atalie. Oes troupes envo!es par
plusieurs nations allies prennent position dans la ville. Oes soldats et des civils italiens
abattent une douGaine de soldats "ranRais issus de rgiments coloniau3 annamites
6\ietnam8.
9ussitLt le onseil Anteralli ordonne le repli du rgiment de grenadiers sardes, seule
troupe italienne prsente dans la cit. e rgiment se retire ( Vonc$i pr+s de Erieste.
L(, quelques o""iciers demandent au $ros de guerre d&9nnunGio de les ramener (
[iume. Le 1/ septembre 1919, d&9nnunGio pn+tre dans la ville ( la t'te d&un corps
"ranc. Le soir m'me, le `omandoa, avec le po+te comme `omandante in capoa,
prend le contrLle de la ville. Les 9nglais et les 9mricains se retirent. O&9nnunGio
attend en vain l&arrive de `combattants, d&arditi, de volontaires et de "uturistesa pour
transporter le `mod+le de [iumea dans toute l&Atalie.
Oes "estivits et des c$orgrap$ies de masse, des actions et des coups de "orce
s!mboliques rendent [iume cl+bre. O&9nnunGio voulait m'me dbaptiser la ville et la
nommer Olo"austa 6de `$olocaustea, dans le sens premier de `sacri"ice par le "eua8.
@ur le plan de la politique trang+re, le commandement de [iume annonce dans son
programme l&alliance de la nouvelle entit politique avec tous les peuples opprims,
surtout avec les adversaires du ro!aume grand5serbe et !ougoslave. L&entit tatique
prend le nom de Reggen1a 3taliana del (arnaro et se donne une constitution
absolument non conventionnelle, la (arta del (arnaro. @on mot d&ordre est annonc
d&emble : Y Si spiritus pro nobis& 4uis "ontra nos ; Z 6@i l&esprit est avec nous, qui est
contre nous F8. Le Iremier ministre italien de l&poque tait 7iovanni 7iolitti, Sg de
71 ans. @ous son gide, l&Atalie et la nouvelle iougoslavie s&unissent par le Erait de
Vapallo. 9vant qu&il ne soit rati"i, le $ros de la guerre arienne, 7uido Keller, *ette
sur le parlement de Vome un pot de c$ambre, rempli de navets et accompagn d&un
message sur les vnements. Vien n&! "it. L&Atalie attaque [iume par terre et par mer.
&est le `?ool de @anga 63l Natale di Sangue8. Le rgime de d&9nnunGio prend "in, apr+s
quinGe mois d&e3istence.
O&9nnunGio et la guerre conventionnelle
Le volume collecti" qui vient de para;tre
en 9llemagne n&est pas simplement une $istoire de [iume sous le `omandantea. La
proccupation des auteurs a t bien davantage d&e3pliquer les vnements de [iume
( la lumi+re des nouvelles "ormes `non5conventionnellesa de guerre et de propagande,
nes de la Iremi+re 7uerre mondiale 6par `non5conventionnela, on entend ici le non
respect de la sparation entre combattants et non combattants, entre guerre et pai38.
Oans les nouvelles tec$nologies de la vitesse 6l&avion, la vedette lance5torpilles, les
troupes d&assaut8, dans les mdias 6le cinma8 et l&art de la propagande, d&9nnunGio
tait d&une "aRon ou d&une autre impliqu. <u en tait carrment lXinitiateur. Dn tant
qu&aviateur, que commandant de vedettes lance5torpilles, qu&orateur et $arangueur, le
$ros de la Iremi+re 7uerre mondiale, couvert de dcorations, lev au grade de
lieutenant5colonel, dcidait lui5m'me des missions qu&il allait accomplir. Le p$ilologue
@iegert, dans sa contribution 6L)ombra della ma""hina alata8, tudie la reno.atio
imperii voulue par d&9nnunGio ( la lumi+re de l&$istoire de la guerre arienne entre
19:9 et 19N:, depuis la *ourne du vol arien de >rescia *usqu&( la mort de >albo.
Oomination des airs et tapis de bombes
La domination des airs, selon les t$ories du 7nral 7iulio Oou$et, paral!sait
l&adversaire en dtruisant sa logistique. Oou$et ne connaissait pas la di""rence entre
l&arme et la population civile, la guerre arienne rduisant tous les traits ( des
`c$i""ons de papier sans valeura. <u, comme le "ormulait @ir 9rt$ur ,arris,
commandant des "lottes de bombardiers britanniques pendant la @econde 7uerre
mondiale, dans son ouvrage de 19N7, Bomber Offensi.e :
Y Dn droit international, on peut tou*ours argumenter pro et "ontra, mais quand on
met en %uvre l&arme arienne, alors il n&! a plus du tout de droit intemational Z.
@iegert crit : Y e que l&on appelle la target area bombing "onde une nouvelle poque
de l&$istoire de lXTtre. Oes c$oses comme les $umains ne sont plus du tout les ob*ets
d&une intentio re"ta, mais les contenus contingents d&un espace standardis ( dtruire
sur lesquels circulent des ob*ecti"s alatoires Z. Iendant la guerre, d&9nnunGio a
survol \ienne, sur laquelle il a lanc des tracts o) il tait crit qu&ils auraient pu 'tre
des bombes. ette action con"irmait la possibilit d&une guerre arienne ( outrance et
constituait une opration de propagande destine ( "rapper l&imagination des \iennois.
Iendant la @econde 7uerre mondiale galement, les sociologues a""ects au Strategi"
Bombing Sur.ey du Ientagone n&ont pas seulement considr les tapis de bombes
J"arpet bombingK sur les villes allemandes comme un simple mo!en de paral!ser
l&e""ort de guerre de l&ennemi mais comme un premier pas vers la rducation de la
population du Veic$ : ainsi, un pas de plus tait "ranc$i dans le processus d&e""acement
des di""rences entre guerre et pai3. Ilus gnralement, les t$ories de la guerre
arienne c$eG d&9nnunGio et c$eG Oou$et, puis c$eG les praticiens anglo5sa3ons du
bombardement des villes ( outrance, permettent de lever les "ronti+res, de lancer des
oprations sur l&espace tout entier sans tenir compte d&aucune barri+re. L&4tat national
classique devient ainsi caduc et doit en bout de course 'tre remplac par une "orme
no5impriale, par une reno.atio imperii sur le modle de [iume.
Oans d&autres contributions de ce volume, notamment celle de [riedric$ Kittler sur les
5rditi 6les `tmrairesa8, version italienne de Sturmtruppen allemandes 6dont JWnger
"it partie8 de la Iremi+re 7uerre mondiale ou celle de ,ans 0lric$ 7umbrec$t sur les
redentori della .ittoria 6les `sauveurs de la victoirea8 nous am+nent ( porter des
r"le3ions non $abituelles sur l&$istoire des ides au __e si+cle. Le volume contient
galement une c$ronologie de la `guerre pour [iumea et quelques r"le3ions sur la
guerre arienne telle que la concevaient d&9nnunGio et 7uido Keller. Dn"in, des te3tes
sur la constitution de [iume et sur le statut de son `arme de librationa.
LudLig Veit! Nouvelles e S!nergies Europennes n-M20M3 ! 34415 $te*te paru
)ans Criticon, n1#2M199'&
H Dn "ranRais sur le su*et :
En 1919! &e po9te ita&ien ?a:rie&e 7NAnnunHio! = &a tDte dNune
troupe de Peunes an>iens >oB:attants [ &es arditi [! sNeBpare! sur &a >\te adriati@ue! de
&a Ci&&e de FiuBe pour Baintenir son ratta>8eBent = &A.ta&ie "endant p&us dNun an!
FiuBe Ca deCenir une petite >ontre-so>i$t$ exp$riBenta&e! expriBant sa s#Bpat8ie pour
&a Peune r$Co&ution soCi$ti@ue et &es peup&es >o&onis$s! nouant des >onta>ts aCe> &es
Bi&ieux anar>8istes]
Portrait de Gabriele d'Annunzio
Al avait le teint brouill des grands nerveu3,
les !eu3 bleuStres, d&un aGur pro"ond et embrum, voil de quelque lointain
r've, la corne et l&iris lg+rement en saillie entre les paupi+res glabres,
comme les !eu3 des bustes antiques ^ d*(. Les l+vres d&un gris mauve, comme
des l+vres de marbre ^ d*( ^ d&un marbre *adis teint, dont la nuance
purpurine se serait e""ace. Les dents mauvaises. Cais qu&importaient ces
couleurs de la "ace et de l&mail dentaire U La couleur est la c$ose p$m+re,
comme l&tait cette nuance roussStre du poil sur l&arcade sourcili+re, sous le
neG, ( la pointe du menton. Dt qu&importait, de m'me, ce corps petit et muscl,
avec son torse long, ses *ambes courtes U Oe ces proportions sans grSce le po+te
s&accommodait, sac$ant bien que sa gloire "uture concentrait tout l&intr't de
son $umaine apparence dans le buste, promis ^ d*( ^ ( l&ternit. <r, la t'te
tait admirable par la "orme et par les volumes, par tout ce qui ressortit ( la
statuaire. Al n&est pas *usqu&( cette compl+te calvitie qui ne parHt par avance un
dpouillement volontaire de toute simulation et de tout accident. Y Ca clart
"rontale Z, comme l&appelait le ma;tre, avec ce mlange d&orgueil et de
sarcasme qui, dans sa bouc$e, prenait le ton d&un d"i, d&une raillerie adresse
au3 circonstances, au3 biGarreries de la nature, au3 d"aillances d&un dieu
distrait. Dt la main aussi ^ la main qui caresse et qui tient la plume 6et l&pe8 ^
la main qui est volupt et qui est esprit 6et "iert8, la main tait belle : petite,
"minine, cisele, imprieuse, a!ant cette "orce de ddain que le plus $autain
visage ne peut e3primer et que, seule, une belle main re"l+te avec tranquillit.
9u petit doigt, deu3 bagues d&or, c$acune orne d&une meraude caboc$on. J&ai
lu que, sur le lit "un+bre, le doigt ne portait plus que deu3 minces anneau3 nus,
sans aucune pierre prcieuse. Al ! a tout un s!mbole de grandeur et de
renoncement dans cette disparition des meraudes.
@ur le ciel noir de l&poque, la mort de 7abriele d&9nnunGio a *et, durant
quelques *ours, les supr'mes clarts de la "use qui s&teint ou du mtore qui
rentre dans la nuit. 9stre ou bouquet d&arti"ice F L( est la question. ertes, la
"in d&un tel $omme ne pouvait passer inaperRue. Dlle devait blouir encore, les
puissances du "eu tant les caractristiques m'mes de l&Sme qui prenait cong
de nous. Cais *e ne puis m&emp'c$er de noter combien "ut bre" ce dernier
blouissement, combien la ncrologie 6en maints articles o) il "aut voir un signe
des temps et le re"let des modes c$anges8 "ut prompte ( diminuer, (
`minimisera, comme on dit dans un a""reu3 *argon, l&importance de ce brusque
dpart,
Ce tromp5*e F Cais il me semble que, en Atalie m'me, c&est avec quelque
prcipitation que "urent rendus ( la $aute renomme du d"unt les $onneurs
qu&on lui devait, ou qu&on ne pouvait lui re"user. Oans quelques semaines, la
`\oie triomp$alea ouvrira sa vaste perspective devant le c$ar de C. ,itler. @es
dalles toutes neuves retentiront sous les mart+lements sourds de ce `pas
romaina qui "ait sa rentre dans Vome apr+s un bien long dtour. Cais le c$ar
"un+bre du po+te n&aura pas suivi la nouvelle avenue. @ans doute parce qu&il !
aurait eu antinomie ( ce que les gloires du pass empruntassent les routes de
l&avenir. Oans une petite glise de campagne, un simple cercueil de no!er cir a
reRu l&absoute rituelle. Dt la dpouille du $ros "ut in$ume dans la terre de
cette m'me colline o) il avait vcu retir durant les seiGe ou di35sept derni+res
annes de sa vie.
9insi va le si+cle, ainsi vont les destins des $ommes et des 4tats, et les cieu3,
un instant dc$irs par le supr'me clair de la "lamme que le vent a sou""le,
les cieu3 sont redevenus ce qu&ils taient : un amoncellement de nuages
sombres.
Muel grand vide, pourtant, ce mort laisse apr+s soi U e vide, on ne le mesure
pas encore. <u bien disons, pour ceu3 qui pensent que la vie est un
renouvellement incessant o) nul vide ne se creuse qui ne soit aussitLt combl,
o) ce qui s&en va est aussitLt remplac 6"Ht5ce par son contraire, ce qui est le
cas le plus "rquent8, disons pour ceu35l( que la mort de 7abriele d&9nnunGio
constitue un grand vnement, et point seulement dans l&,istoire de la
Littrature universelle, mais dans l&,istoire universelle tout court, l&,istoire de
l&,umanit.
&est toute une conception du monde qui s&e""ace avec cette clatante "igure.
Dt *&entends bien que cette conception tait depuis longtemps d*( dpasse,
dmode, prime 6comme disent les gnrations nouvelles, avec ce lu3e
d&e3pressions mprisantes qu&elles ont tou*ours ( l&gard des gens et des c$oses
qui les ont prcdes8. Cais 7abriele d&9nnunGio, *usqu&( ce soir du 1er mars o)
la mort l&a "rapp ( sa table de travail, tait le plus illustre `survivanta d&une
poque vanouie, le reprsentant le plus magni"ique et le plus accompli d&un
certain ordre de grandeur. Lui disparu, c&est tout un pan de la civilisation qui
s&e""ondre ou, si l&on veut, c&est tout un dcor qui dispara;t comme dans une
trappe.
Al a commenc par le culte de l&9mour et de la >eaut. Al ne s&agissait pas, dans
son esprit, compreneG bien, de deu3 religions spares, a!ant c$acune leur
ob*et distinct, mais d&une religion unique a!ant un double ob*et sur un seul
autel. Les e3igences des sens le tourmentaient, et ses aventures "urent
nombreuses, mais il n&eHt point donn satis"action ( ses instincts s&il ne les eHt
associs ^ du moins en pense, car l&imagination du po+te supple par"ois au3
ralits ^ ( la poursuite d&une "orme belle. O&autre part, la d"inition selon
laquelle la beaut serait Y une promesse de bon$eur Z correspond e3actement
( la mani+re de sentir qu&il eut dans sa *eunesse, et sa *eunesse se prolongea
longtemps, comme on sait, *usque dans son vieil Sge. Al ne distinguait point
alors la >eaut de la \olupt. ertes, il ne ravalait pas son idole ( n&'tre qu&un
instrument du plaisir, mais il considrait l&e3tase amoureuse, les paradis
p$!siques, comme un accroissement de la >eaut, laquelle ne pouvait, selon
lui, atteindre son point de per"ection et, si *e puis dire, culminer que dans le
dlire sensuel.
Cais ici encore, gardeG5vous d&une quivoque U ?&alleG pas con"ondre cette
c$asse ardente avec la morne dpravation. O+s l&instant que l&amour est requis,
ou que l&Sme aspire ( lui, le voluptueu3 cesse d&'tre en"erm dans le cercle de
la dbauc$e. e qu&il c$erc$e dans les voies de la sensualit, c&est une vasion,
un mo!en de se surpasser soi5m'me, c&est une issue vers le sublime. La >eaut,
au3 !eu3 de 7abriele d&9nnunGio, "ut donc tou*ours une sorte de pr'tresse qui a
pour sacerdoce l&initiation au3 m!st+res, et le plus grand m!st+re de la vie,
peut5'tre son unique but, pense le po+te ( cette poque, c&est l&9mour.
Oe plus, comme cet artiste du verbe tait en m'me temps tr+s rudit en
mati+re d&art, toutes les tentatives que les peintres, les sculpteurs, les
or"+vres, les mailleurs, les tailleurs d&ivoire et autres servants de la >eaut
avaient "aites en tous les si+cles et tous les pa!s pour saisir et "i3er quelque
aspect particulier, p$m+re de l&ternelle idole, il les connaissait. 9u3 "igures
voques par sa propre imagination, laquelle ne cessait d&inventer des "ormes
et des s!mboles, s&a*outait un peuple de souvenirs. Al tait environn d&images
r'ves, mais aussi d&une multitude d&images rencontres par lui dans tous les
muses d&Durope. Dntre les cratures de son esprit et les visages des portraits,
des statues, des mdailles, s&tablissaient de perptuels c$anges. Al se crait,
entre les deu3 plans, tout un *eu de r"rences et d&allusions. Le danger eHt t
qu&une mmoire si "id+le n&tou""St, sous ses apports constants, le *aillissement
spontan de l&imagination cratrice. Cais la Iosie, c$eG 7abriele d&9nnunGio,
n&avait rien ( craindre de Cnmos!ne. ombien de "ois la Cuse annunGiesque
n&a5t5elle pas prouv, en souriant, ( sa redoutable compagne, qu&elle aurait pu
se passer d&elle U 0ne "lamme e3traordinaire maintenait ( la temprature
voulue le creuset o) s&oprait la "usion magique.
Oans le domaine du vers notamment, o) il e3cella tout *eune, 6son premier
recueil, %rimo .ere, contient les po+mes crits en 1179 et 111:, entre seiGe et
di35sept ans8, 9nnunGio poss+de le double don sans lequel il n&est pas de grand
po+te : l&alliance de l&image neuve et de la sonorit B il est plastique et musical.
Vomancier, il a, par les illustrations qu&il a donnes du culte `9mour et
>eauta, impos ( toute une poque sa vue personnelle du monde, la m!stique
sensualiste d&un paganisme nouveau. Al est ( l&origine d&un certain romanesque
l!rique, tout ( l&oppos de l&cole naturaliste, qui, elle, a bien souvent cac$,
cultiv comme un vice, sous le couvert de la rec$erc$e du \rai, un amour
monstrueu3, assidu, ac$arn de la Laideur. Al a cr une atmosp$+re
d&enc$antement qui n&appartient qu&( lui, dtourn le _A_e si+cle "inissant des
spectacles amers, des talages complaisants de la bassesse $umaine et de la
platitude. Al nous a induits en des r'veries "astueuses B il nous a rendu les cls
des *ardins orns, des palais au "ond des parcs B il a peupl nos songes de
"ascinantes "igures de "emmes, restaur les loisirs $eureu3 ou ravags par des
passions aristocratiques.
Dt sans doute, il a pu entrer quelque na]vet dans ces vocations, de m'me
qu&il ! eut quelque bric5(5brac dans l&e3istence de l&auteur lorsqu&il voulut, pour
son propre compte, mettre sa vie en accord avec ce lu3e imaginaire.
Cais on aurait tort de limiter au goHt du pittoresque et du bibelot ce v%u
pro"ond d&un c%ur "ervent. ?&oublions pas que, dans les romans de 7abriele
d&9nnunGio, la Cort est tou*ours prsente, accoude au3 terrasses avec les
amoureu3 ou, solitaire, *ouant de la $arpe, en attendant son $eure, dans le
boudoir voisin de la c$ambre ( couc$er. Le culte `9mour et >eauta ne peut
'tre sinc+re, pratiqu avec "oi, et ne peut mener loin sans que s&! glissent
l&odeur attristante des roses e""euilles, la saveur de la lie au "ond du verre,
tout ce qui prsage, annonce, rv+le les approc$es de la visiteuse voile.
Dnsuite il ! a entre l&est$tique et l&t$ique de secrets passages. Le culte du
>eau ne su""irait point ( "aire accder une Sme ( la saintet. Le >eau ne se
con"ond pas avec le >on. Mue de "ois n&est5il pas son contraire U Cais il est rare
que quelqu&un de bien dtermin ( "aire du culte de la >eaut sa raison de
vivre, ne soit pas port vers ce qui est noble et vers ce qui est grand. ette
ascension est patente dans l&%uvre et le caract+re de 7abriele d&9nnunGio.
ompare ( son %uvre romanesque, son %uvre dramatique "rappe d*( par un
certain caract+re d&austrit. Les passions ! r+gnent encore en ma;tresses, mais
il ne s&agit plus uniquement ici de la passion amoureuse et de l&e3altation de la
>eaut. e sont tous les tragiques de la vie qui se donnent rendeG5vous en ces
drames tranges. La volont de transposer le rel dans le l!risme, de l&intgrer
( la posie, voil( ce qui cre l&unit entre ces drames divers, ainsi que le lien
entre ce t$Stre et les romans qui l&ont prcd.
LM Le danger est lNa)e de la vie su.lime O, ,nnales politiques et littraires nP4Q65
2B@R6?R454@8S
Les Lettres "ranRaises garderont une
reconnaissance particuli+re ( ce grand po+te italien, ce merveilleu3 gnie
bilingue, qui sut couler ses sentiments, ses r'ves lgendaires, la vibration de sa
l!re pique et sacre dans notre `dou3 parlera. Lui5m'me s&est dpeint tel qu&il
"ut en sa premi+re *eunesse, attenti" au3 leRons de ceu3 qu&il nomme ses deu3
ma;tres en mati+re de langage : l&Atalien Drnesto Conaci et le [ranRais 7aston
Iaris. Al a cont comment, ( la veille de la 7rande 7uerre, e3il sur notre sol,
entre le cap de 7rave et l&9dour, il se plaisait ( reconna;tre, au cours de ses
promenades ( c$eval, le long des gr+ves, dans le large d"erlement de la $oule
atlantique, la grande c$evelure glauque de la "e Corgane, divinit bien"aisante
des 7aules. <r, Y en cet automne lointain des Landes Z, le po+te crivait le
?artyre de saint S,bastien, ce po+me "ranRais, unique dans notre littrature,
o) les sources communes de notre langue et de la langue italienne retrouvent
par"ois leur surgeon primiti", comme deu3 s%urs *umelles, ( certaines $eures,
et quoique depuis longtemps spares, sentent palpiter encore au "ond de leur
subconscient le souvenir du tendre emm'lement qu&elles avaient dans le sein
maternel.
e "ranRais potique de 7abriele d&9nnunGio est Y en de$ors de tout Z peut5
'tre, $ors du courant, $ors du temps coul. Cais quelle tonnante merveille U
?ourri au3 allgories et s!mboles du Roman de la Rose, au3 truculences et
trivialits magni"iques de nos vieu3 "abliau3, il est, avec cela, aussi loign que
possible de l&arc$a]sme pdantesque, aussi embaum, aussi "rais qu&un parterre
de "leurs ( l&aurore.
\int la guerre. <n sait ce que la [rance doit ( 7abriele d&9nnunGio. Oans la
lettre "ameuse que le po+te crivit ( Caurice >arr+s, le *our o) l&Atalie se rangea
au3 cLts des 9llis, il est une p$rase superbe que *e nXai *amais pu relire sans
'tre parcouru de ce "risson qui se transmet de l&Sme au corps lorsque retentit
dans l&air la voi3 de l&$ro]sme : Y ... le vert et le bleu de nos drapeau3
con"ondent leurs couleurs dans le soir qui tombe Z.
0ne vie nouvelle commenRait alors pour le grand crivain. Dlle devait 'tre
courte et "lambo!ante. @i3 annes ( peine, avant la retraite au bord du lac, sur
la colline U Cais, ( partir de ce mois de mai 1915, o) il quitta son appartement
parisien pour regagner son pa!s, qu&il allait entra;ner dans la guerre, quel
c$angement c$eG cet $omme qui, moins d&un an auparavant, souriait, au milieu
d&un cercle de "emmes, dans les t$Stres et les salons de Iaris.
Iourtant, du premier *our o) son destin le requiert d&agir, il est pr't, arm
c$evalier en lui5m'me, et par lui5m'me, et sur l&$eure U Oe la religion `9mour
et >eauta, sans transition apparente 6mais les transitions, il les avait sans
doute vcues dans son c%ur, durant ses mditations solitaires sous les pins
brHlants d&9rcac$on8, il passe, non seulement au culte des ,ros, mais ( la
pratique de l&$ro]sme, non seulement ( la `c$anson de gestea, mais ( la
`gestea elle5m'me. Al n&est plus le troubadour qui s&e3alte ( clbrer les
e3ploits des Voland, des <livier, des Venaud. Al est l&gal des preu3. Dt un *our,
il les surpasse. Al s&est lanc dans le ciel, suivi de ses compagnons monts sur
des monstres ails. Al lib+re [iume, comme Ierse dlivra 9ndrom+de, et il la
rend ( sa patrie.
6ranNois ;orch! eOtrait de La "evue Belge! 34C2034M25
Na+riele )?3nnunzio :
O -ntre la lumiAre )?HomAre et l?om+re )e
Dante P
G En quelque sorte, un dialogue d'esprit, une provocation, un appel... I
Jriedrich XietYsche
? en 11.2, ( Iescara, sur les rivages de l&9driatique,
O&9nnunGio sera le plus glorieu3 des *eunes po+tes de son temps. @on premier
recueil J%rimo 'ereK para;t en 1179, inspir des Odes Barbares de arducci.
Oans L)#nfant de .olupt, J3l %ia"ere, 1119K, son premier roman, qu&il publie (
l&Sge de /N ans, l&audace immoraliste a""irme le principe d&une guerre sans
merci ( la mdiocrit. $antre des ardeurs des sens et de l&Antellect, O&9nnunGio
entre dans la voie ro!ale de l&9rt dont l&ambition est de "onder une civilisation
neuve et in"iniment ancienne.
Le parado3e n&est qu&apparent. e qui c$appe ( la logique aristotlicienne
re*oint une logique nietGsc$enne, toute "lambo!ante du $eurt des contraires.
@i l&on discerne les in"luences de ,u!smans, de >audelaire, de 7autier, de
[laubert ou de Caeterlinck, il n&en "aut pas moins lire les romans, tels que
Triomphe de la ?ort ou Le Feu, comme de vibrants $ommages au
pressentiment nietGsc$en du @ur$omme.
Al n&est point rare que les toutes premi+res in"luences d&un auteur tmoignent
d&une compr$ension plus pro"onde que les savants travau3 qui s&ensuivent. Le
premier livre consacr ( ?ietGsc$e 6celui de Oaniel ,alv! publi en 19:98 est
aussi celui qui d&emble vite les msinterprtations o) s&embrouilleront des
gnrations de commentateurs. L&crivain O&9nnunGio, ( l&instar d&<scar =ilde
ou de ,ugues Vebell, demeurera plus proc$e de la pense de ?ietGsc$e ^ alors
m'me qu&il ignore certains aspects de l&%uvre ^ que beaucoup de spcialistes,
prcisment car il inscrit l&%uvre dans sa propre destine potique au lieu d&en
"aire un ob*et d&tudes mt$odiques.
<n mesure mal ( quel point la rigueur mt$odique nuit ( l&e3actitude de la
pense. Le rigorisme du s!st+me e3plicati" dont usent les universitaires
obscurcit leur entendement au3 nuances plus subtiles, au3 clats bre"s, au3
beau3 silences. Y Les grandes id,es .iennent sur des pattes de "olombe Z
crivait ?ietGsc$e qui recommandait aussi ( son ami Ieter 7ast un art de lire
bien oubli des adeptes des `mt$odes critiquesa : Y Lors4ue l)e+emplaire
d)9urore .ous arri.era en mains& alle1 a.e" "elui<"i au Lido& lise1 le "omme un
tout et essaye1 de .ous en faire un tout& ")est</<dire un ,tat passionnel Z.
L&in"luence de ?ietGsc$e sur O&9nnunGio, pour n&'tre pas d&ordre scolaire ou
scolastique, n&en est pas pour autant super"icielle. O&9nnunGio ne c$erc$e point
( con"ormer son point de vue ( celui de ?ietGsc$e sur telle ou telle question
d&$istoriograp$ie p$ilosop$ique, il s&e3alte, plus simplement, d&une rencontre.
O&9nnunGio est `nietGsc$ena comme le sera plus tard gorba le 7rec. Iar les
amours glorieuses, les combats, les d"is de toutes sortes, O&annunGio poursuit
le @onge ensoleill d&une invitation au vo!age victorieuse de la mlancolie
baudelairienne.
L&enl+vement de la *eune duc$esse de 7allese, que O&9nnunGio pouse en 1112
est du m'me e3cellent aloi que les pi+ces de l)3nterme11o di Rime& qui "ont
scandale aupr+s des bien5pensants. L&%uvre enti+re de O&9nnunGio, si vaste, si
gnreuse, sera d&ailleurs "rappe d&un interdit piscopal dont la moderne
suspicion, la]que et progressiste est l&e3acte continuatrice. Ieu importe qu&ils
puisent leurs prte3tes dans le Oogme ou dans le `@ens de l&,istoirea, les clercs
demeurent inpuisablement moralisateurs.
9u5del( des polmiques de circonstance, nous lisons au*ourd&$ui l&%uvre de
O&9nnunGio comme un rituel magique, d&inspiration prsocratique, destin (
veiller de son immobilit dormante cette Qme odyss,enne, principe de la
spiritualit europenne en ses aventures et crations. La vie et l&%uvre,
disions5nous, obissent ( la m'me logique nietGsc$enne, ^ au sens o) la
logique, dsentrave de ses applications subalternes, redevient preuve du
Logos, conqu'te d&une souverainet intrieure et non plus soumission au
rationalisme. Iar l&alternance des "ormes br+ves et de l&ampleur musicale du
c$ant, ?ietGsc$e d*ouait l&emprise que la pense s!stmatique tend ( e3ercer
sur l&Antellect.
Oe m'me, O&9nnunGio, en alternant "ormes t$Strales, romanesques et
potiques, en multipliant les modes de ralisation d&une posie qui est , selon le
mot de Vimbaud, Y en avant de l&action Z va d*ouer les complots de
l&appesantissement et du consentement au3 "ormes in"rieures du destin, que
l&on nomme $abitude ou rsignation.
e que O&9nnunGio re"use dans la pense s!stmatique, ce n&est point tant la
volont de puissance qu&elle mani"este que le dterminisme auquel elle nous
soumet. 9lors qu&une certaine morale `c$rtiennea ^ ou prtendue telle ^ n&en
"init plus de donner des lettres de noblesse ( ce qui, en nous, consent ( la
pesanteur, la morale dXannunGienne incite au3 ruptures, au3 arrac$ements, au3
audaces qui nous sauveront de la drliction et de l&oubli. Le dterminisme est
un ni$ilisme. La `liberta qu&il nous con"+re est, selon le mot de >lo! Y "elle du
"hien mort "oulant au fil du fleu.e Z.
ette "aRon dXannunGienne de "aire sienne la dmarc$e de ?ietGsc$e par une
mditation sur le dpassement du ni$ilisme appara;t rtrospectivement comme
in"iniment plus "conde que l&tude, ( laquelle les universitaires "ranRais nous
ont $abitus, de `l&anti5platonismea nietGsc$en, lequel se rduit, en
l&occurrence, ( n&'tre que le "aire valoir t$orique d&une sorte de matrialisme
dar-iniste, comble de cette superstition `scienti"iquea que l&%uvre de
?ietGsc$e prcisment rcuse :
Y (e 4ui me surprend le plus lors4ue =e passe en re.ue les grandes destin,es
de l)humanit,& ")est d)a.oir tou=ours sous les yeu+ le "ontraire de "e 4ue
.oient ou .eulent .oir au=ourd)hui 0arwin et son ,"ole. #u+ "onstatent la
s,le"tion en fa.eur des 8tres plus forts et mieu+ .enus& le progr7s de l)esp7"e.
?ais ")est pr,"is,ment le "ontraire 4ui saute au+ yeu+ P la suppression des "as
heureu+& l)inutilit, des types mieu+ .enus& la domination in,.itable des types
moyens et m8me de "eu+ 4ui sont au<dessous de la moyenne... Les plus forts et
les plus heureu+ sont faibles lors4u)ils ont "ontre eu+ les instin"ts de
troupeau+ organis,s& la pusallinimit, des faibles et le grand nombre. Z
JFragments posthumes, regroups sous le titre La 'olont, de puissan"e, p2/N,
tr. "r. ,enri 9lbertK
Le @ur$omme que O&9nnunGio e3alte n&est pas davantage l&aboutissement d&une
volution que le "ruit ultime d&un dterminisme $eureu3. Al est l&e3ception
magni"ique ( la loi de l&esp+ce. Les $ros du Triomphe de la ?ort ou du Feu
sont des e3ceptions magni"iques. ,ommes di""rencis, selon le mot d&Dvola, la
vie leur est plus di""icile, plus intense et plus inquitante qu&elle ne l&est au
mdiocre. Le $ros et le po+te luttent contre ce qui est, par nature, plus "ort
qu&eu3. Leur art instaure une lgitimit nouvelle contre les prodigieuses "orces
adverses de l&tat de "ait. Le $ros est celui qui comprend l&tat de "ait sans !
consentir. @on bon$eur est dans son dessein. ette puissance cratrice ^ qui
est une ivresse ^, s&oppose au3 instincts du troupeau, ( la morale de l&$omme
bnin et utile.
Les livres de O&9nnunGio sont l&loge des $autes "lammes des ivresses.
O&9nnunGio s&enivre de dsir, de vitesse, de musique et de courage car l&ivresse
est la seule arme dont nous disposions contre le ni$ilisme. Le mouvement
tourno!ant de la p$rase voque la solennit, les lumi+res de \enise la nuit,
l&c$ange d&un regard ou la vitesse p$!sique du pilote d&une mac$ine 6encore
pare, alors, des prestiges m!t$ologiques de la nouveaut8. e qui, au3 natures
bnignes, para;t outrance devient *uste accord si l&on se $ausse ( ces autres
tats de conscience qui "urent de tous temps la principale source d&inspiration
des po+tes. [illes de geus et de Cnmos!ne, c&est5(5dire du [eu et de la
Cmoire, les Cuses ,liconiennes, amies d&,siode, veillent en nous le
ressouvenir de la ra"e d)or dont les penses s&appro"ondissent dans les
transparences pures de l&4t$er U
Y 'eut<on, ^ crit ?ietGsc$e ^, la preu.e la plus ,"latante 4ui d,montre
=us4u)oR .a la for"e transfiguratri"e de l)i.resse ; S L)amour fournit "ette
preu.e& "e 4u)on appelle l)amour dans tous les langages& dans tous les silen"es
du monde. L)i.resse s)a""ommode de la r,alit, / tel point 4ue dans la
"ons"ien"e de "elui 4ui aime la "ause est effa",e et 4ue 4uel4ue "hose d)autre
semble se trou.er / la pla"e de "elle<"i& S un s"intillement et un ,"lat de tous
les miroirs magi4ues de (ir",... Z JFragments posthumes p21, 111151119, t.
_A\ <K
ette persistante mmoire du monde grec, ( travers les %uvres de ?ietGsc$e et
de O&9nnunGio nous donne l&ide de cette "onnaissan"e eni.r,e que "ut, peut5
'tre, la toute premi+re $ermneutique $omrique dont les %uvres $las
disparurent avec la bibliot$+que d&9le3andrie. L&eme est tout ce qui nous
importe. Cais est5elle l&otage de quelque rglementation morale dicte par
des envieu3 ou bien le pressentiment d&un accord pro"ond avec l&eme du monde
F
Y 3l s)entend, ^ crit ?ietGsc$e ^, 4ue seuls les hommes les plus rares et les
mieu+ .enus arri.ent au+ =oies humaines les plus hautes et les plus alti7res&
alors 4ue l)e+isten"e ",l7bre sa propre transfiguration P et "ela aussi
seulement apr7s 4ue leurs an"8tres ont men, une longue .ie pr,paratoire en
.ue de "e but 4u)ils ignoraient m8me. 5lors une ri"hesse d,bordante de for"es
multiples& et la puissan"e la plus agile d)une .olont, libre et d)un "r,dit
sou.erains habitent affe"tueusement "he1 un m8me homme E l)esprit se sent
alors / l)aise et "he1 lui dans les sens& tout aussi bien 4ue les sens sont / l)aise
et "he1 eu+ dans l)esprit Z JLa 'olont, de puissan"e, A\, p N1/K.
Mue nous importerait une eme qui ne serait point le principe du bon$eur le plus
grand, le plus intense et le plus pro"ond F 4voquant 7%t$e, ?ietGsc$e prcise :
Y 3l est probable 4ue "he1 de pareils hommes parfaits& et bien .enus& les =eu+
les plus sensuels sont transfigur,s par une i.resse des symboles propres /
l)intelle"tualit, la plus haute Z.
La connaissance $eureuse, enivre, telle est la voie lue de l&Sme od!ssenne.
?ous donnons ce nom d&Sme od!ssenne, et nous ! reviendrons, ( ce dessein
secret qui est le c%ur lucide et immmorial des %uvres qui nous guident, et
dont, ( notre tour, nous "erons des romans et des po+mes. ette eme est
l&aurore borale de notre mmoire. 0n $ommage ( ?ietGsc$e et ( O&9nnunGio a
pour nous le sens d&une "idlit ( cette tradition qui "ait de nous ( la "ois des
$ritiers et des hommes libres. Caurras souligne avec pertinence que Y le .rai
"ara"t7re de toute "i.ilisation "onsiste dans un fait et un seul fait& tr7s
frappant et tr7s g,n,ral. L)indi.idu 4ui .ient au monde dans une "i.ilisation
trou.e in"omparablement da.antage 4u)il n)apporte Z J?es id,es politi4ues&
c$. AAA, Y Mu&est5ce que la civilisation F ZK.
4crivain "ranRais, *e dois tout ( cet imm,morial pri.il7ge de la fran"hise, qui
n&est lui5m'me que la conqu'te d&autres individus, galement libres. Eoute
vritable civilisation accomplit ce mouvement circulaire de renouvellement o)
l&individu ni la communaut ne sont les "inalits du Iolitique. 0n c$ange
s&tablit, qui est sans fin, car en perptuel recommencement, ( l&e3emple du
c!cle des saisons.
La p$ilosop$ie et la p$ilologie nous enseignent qu&il n&est point de mouvement,
ni de renouvellement sans Sme. L&eme elle5m'me n&a point de "in, car elle n&a
point de limites, tant le principe, l&lan, la lg+ret du don, le rire des dieu3.
0n monde sans Sme est un monde o) les individus ne savent plus recevoir ni
donner. L&individualisme radical est absurde car l&individu qui ne veut plus 'tre
responsable de rien se rduit lui5m'me ( n&'tre qu&une unit quantitative, ^
cela m'me ( quoi tendrait ( le contraindre un collectivisme e3cessi". <r, l&Sme
od!ssenne est ce qui nous anime dans l&%uvre plus vaste d&une civilisation. @i
cette eme "ait d"aut, ou plutLt si nous "aisons d"aut ( cette Sme, la tradition
ne se renouvelle plus: ce qui nous laisse comprendre pourquoi nos temps
pro"ans sont ( la "ois si individualistes et si uni"ormisateurs. La libert
nietGsc$enne qu&e3igent les $ros des romans de OXannunGio n&est autre que la
libert suprieure de servir magni"iquement la Eradition. e pourquoi, surtout
en des poques clricales et bourgeoises, il importe de bousculer quelque peu
les morales et les moralisateurs.
L&Sme od!ssenne nomme cette qu'te d&une connaissance qui re"use de se
$eurter ( des "inalits sommaires. <d!ssenne est l&eme de l&interpr,tation
infinie& S que nulle e3plication `totalea ne saurait *amais satis"aire car la
"inalit du `touta est tou*ours un crime contre l&esprit d&aventure, ainsi que
nous incite ( le croire le Laus 'itae :
Y #ntre la lumi7re d)*om7re
et l)ombre de 0ante
semblaient vivre et r'ver
en discordante concorde
ces *eunes $ros de la pense
balancs entre le certitude
et le m!st+re, entre l&acte prsent
et l&acte "utur... Z
\ictorieuse de la lassitude qui veut nous soumettre au3 convictions
unilatrales, l&Sme od!ssenne, dont vivent et r'vent les Y =eunes h,ros de la
pens,e Z, nous requiert comme un appel divin, une "ulgurance de l&Antellect
pur, ( la lisi+re des c$oses connues ou inconnues.
a Luc0Pli$ier dQAlgange! Intentions A in : Le c!gne noir n- 35
K Liens :
?artyre de Saint S,bastien 619118 de laude Oebuss!, musique de sc+ne sur le
m!st+re en cinq actes de 7abriele O&9nnunGio.
9nt$ologie %o7mes dDamour et de gloire 6a$iers de lX,Ltel de 7alli""et8.
\illa Saint<0omini4ue Jp$oto 1 5p$oto /K dans le $ameau du Coulleau 6station
balnaire mondaine ( la >elle 4poque8 rattac$ ( 9rcac$on dont la rsidence du
\ittoriale, sur le lac de 7arde, sera la rplique dmesure. @ur la place du
marc$ on peut retrouver un buste de l&crivain.
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3645642557
Sittf#"el
Karl A. Wittfogel :
socits orientales, socits hydrauliques et despotisme oriental
T ACertisseBent E >ette tr9s :r9Ce introdu>tion = *ittJo%e& est &oin dADtre ex8austiCe E&&e
nA$puise nu&&eBent &a ri>8esse de >ette ^uCre! 8$&as trop peu >onnue
Iourquoi nous penc$er au*ourd&$ui sur la biograp$ie, l&%uvre
et le conte3te de Karl 9ugust =itt"ogel F Erois raisons ma*eures nous ont
pousss ( parler de K. 9. =itt"ogel dans le cadre de cette $uiti+me universit
d&t de Synergies #urop,ennes, qui, comme les universits prcdentes,
entend rouvrir le dossier de nombreu3 auteurs oublis ou trop rarement
voqus dans le crneau culturel que nous nous sommes assign.
La premi+re de ces raisons, c&est que K. 9. =itt"ogel est un grand sociologue
germano5amricain, ( qui l&on doit des concepts importants comme ceu3 de Y
socit orientale Z, de Y socit $!draulique Z et de Y despotisme oriental Z.
La deu3i+me raison qui nous pousse ( le redcouvrir et ( l&tudier, c&est le
double environnement culturel dont il est issu : d&une part, le mouvement de
*eunesse des ander.Cgel, d&autre part, le mouvement communiste allemand
naissant, l&0@IO, puis la KIO, pour aboutir, dans ce milieu mar3iste, dans la
"ameuse Ligue anti<imp,rialiste, espace de transition entre communistes du
parti et mouvance nationale5rvolutionnaire, en rvolte contre l&<uest.
La troisi+me raison, en"in, est d&ordre t$orique et p$ilosop$ique. =itt"ogel est
un $omme qui compl+te Car3 d&une mani+re originale et "conde, comme nous
allons le voir. =itt"ogel met en e3ergue certaines sources importantes de la
pense de Car3, qui sont aussi les sources vives de notre propre dmarc$e
politique :
j le relativisme culturel de ,erder,
j la pense ancre dans le temps, l&espace, le climat, le donn et$nique de
Contesquieu,
j la gograp$ie de arl Vitter, p+re de la cartograp$ie moderne 6c". V.
@teuckers, entre `arl Vittera, in #n"y"lop,die des Tu.res philosophi4ues,
I0[, 199/ B 5u+ sour"es de la g,opoliti4ue allemande P la .ision de (arl Ritter,
in : 'ouloir, nb95nouvelle srie, 19978.
=itt"ogel a*oute une touc$e rationaliste, propre des Lumi+res "ranRaises, ( ce
triple corpus, en voquant souvent le matrialisme de d&,olbac$ et d&,elvtius.
L&ob*ecti" premier de =itt"ogel est de mettre l&accent sur l&$istoricit des
p$nom+nes, de tous les p$nom+nes, de "aRon ( les dgager de la cangue des
corpus "igs, qui sont tou*ours les signes d&un blocage mental et les raisons
d&une inertie politique conduisant au dclin.
Dn ce sens, =itt"ogel perRoit le mar3isme, son option p$ilosop$ique, politique
et rvolutionnaire, comme un instrument qui va contribuer ( `dcoincera les
p$nom+nes, ( les dgager des corsets conceptuels trop "igs et trop troits qui
les soustraient au temps. =itt"ogel, apparemment, ne s&aperRoit pas que le
mar3isme lui5m'me s&est rigidi"i en dogmes, d+s l&inclusion de la sociale5
dmocratie dans le pa!sage politique allemand avant 191N. Le *eune =itt"ogel,
contrairement au3 nationau35rvolutionnaires disciples de @orel 6! compris en
9llemagne8, ne retient pas la leRon de Voberto Cic$els, t$oricien socialiste
dissident, critique de la trans"ormation de la @IO en une oligarc$ie politique
"erme. Cic$els ironisait cruellement sur la 'erbon1ung, la 'erkalkung et la
'erbUrgerli"hung du socialisme, d*( avant que n&clate la Iremi+re 7uerre
mondiale 6ces termes polmiques allemands signi"ient, rappelons5le :
bonGi"ication, c&est5(5dire, domination progressive des `bonGesa,
artriosclrose et embourgeoisement8.
0n intr't rel pour la gopolitique
=itt"ogel r$abilite compl+tement le rLle de la gograp$ie dans la pense
politique. @a source principale d&inspiration, ( ce niveau, est Contesquieu, qui
s&est penc$ sur l&importance du climat. =itt"ogel voque aussi le sol, socle
d&une production agricole prcise, di""rentes selon le lieu et la population qui
l&occupe. =itt"ogel n&vacue pas les "acteurs et$niques voire raciau3, en citant
notamment ,ippol!te Eaine 6et on sait, depuis les travau3 de geev @tern$ell, le
rLle important de Eaine dans l&closion et la consolidation de la `droite
rvolutionnairea "ranRaise8. =itt"ogel s&intresse d+s lors ( la gopolitique de
son temps : il cite tour ( tour Vic$t$o"en, K*elln, VatGel, ,aus$o"er, et, pour
"aire pendant ( ces penseurs de l&espace classs plutLt dans le camp
`rvolutionnaire5conservateura, il voque souvent l&9mricaine Dllen @emple et
l&9nglais J. [. ,orrabin, tous / d&obdience socialiste. ,orrabin se dclare
disciple du gograp$e "ranRais anarc$isant, Dlise Veclus, tout comme un autre
rnovateur actuel de la pense gopolitique, ives Lacoste, qui drive ses
propres intuitions de la gograp$ie vivante de Veclus.
\oici donc les raisons `scienti"iquesa qui doivent nous conduire ( une relecture
des crits de =itt"ogel. Cais, ( part ces raisons `scienti"iquesa, il ! a des
raisons tr+s actuelles de ressortir les ouvrages de cet ancien ander.ogel pass
au communisme allemand.
Ca;trise de l&eau et `socits $!drauliquesa
@es r"le3ions sur les Y socits $!drauliques Z nous rappellent, de "aRon tr+s
raliste, que le politique prend son envol par la ma;trise de l&eau : acquisition
d&eau potable, irrigation permettant des cultures rguli+res, soustraites au3
caprices de la nature, utilisation des voies "luviales pour permettre le transport
de grandes quantits de marc$andises. La ma;trise de l&eau est une donne
propre ( toutes les socits organises, "ussent5elles les plus modestes. Dlle
implique toute"ois une discipline collective, par"ois coercitive, que l&on peut
assimiler, notamment avec le *eune =itt"ogel, ( l&autoritarisme politique.
La naissance des 4tats et des empires, comme la $ine 6=itt"ogel se pro"ile
surtout comme un grand sinologue8, l&4g!pte ou la Csopotamie, prouve la
pertinence des t$+ses de =itt"ogel. Cais celui5ci n&est pas seulement un
$istorien des grandes puissances $!drauliques du pass, il ose "aire des
comparaisons et ramener sa t$orie dans le prsent. Al trace ainsi un parall+le
entre ces grands empires de l&9ntiquit et les / grandes puissances de son
poque, l&0V@@ et les 4tats50nis. O+s l&av+nement de @taline, l&0V@@ amorce de
grands travau3 `$!drauliquesa : creusement de canau3, liaisons entre les
grands "leuves 6par e3. le Oon et la \olga8, barrages, irrigations, etc. 7rSce (
ces travau3, l&0V@@ acquiert le statut de superpuissance et la Vussie actuelle, en
dpit du ressac pouvantable qu&elle subit au*ourd&$ui par l&application des
t$+ses de >GreGinski, pourrait ractiver ces atouts. Le stalinisme a t
disciplinaire, coerciti" ou autoritaire : c&est, selon >urn$am, la version russe et
sovitique de Y l&+re des directeurs Z, propre des annes qui ont
immdiatement suivi la Iremi+re 7uerre mondiale, tant en 0V@@ que dans
d&autres pa!s occidentau3, europens ou amricains.
Dntre 19/: et 19N:, les 4tats50nis aussi connaissent une p$ase importante de
dveloppement $!draulique, par les grands travau3 de ma;trise du cours du
Cississipi. Dlle implique de mettre provisoirement entre parent$+ses les
pratiques usuelles du libralisme politique classique. L&opposition rpublicaine
parlera d+s lors du `csarismea de Voosevelt, version amricaine de `l&+re des
directeursa.
L&+re des directeurs
Dn Durope, malgr les versions italienne 6"asciste8 et allemande 6nationale5
socialiste8 de `l&+re des directeursa, une $armonisation $!draulique du
continent n&a pas t possible. L&9llemagne nationale5socialiste tente toute"ois
d&ac$ever les consignes contenues dans le `Eestament politiquea de [rdric AA
de Irusse, crit en 175/. La Irusse s&tait donn une co$rence conomique en
reliant par canau3, l&Dlbe, la @pree et l&<der, bn"iciant de la sorte d&un port
dans la Cer du ?ord 6,ambourg8 et d&un port dans la Cer >altique 6@tettin8. Al
restait ( relier l&Dlbe ( la =eser, et la =eser au V$in. Dn tant qu&e3pression
allemande de Y l&+re des directeurs Z, selon >urn$am, le national5socialisme
ralise ces travau3, notamment grSce ( l&apport de main5d&%uvre que procure
le `service du travail obligatoirea 6Rei"hsarbeitsdienst8. La liaison entre
Votterdam ou 9nvers 6via la anal 9lbert inaugur en 19/18 et >erlin puis
[ranc"ort sur l&<der devient par"aitement envisageable, bien qu&elle soit encore
insu""isamment parac$eve ( l&poque. Dn dpit de la d"aite du Eroisi+me
Veic$, les travau3 seront termins par les autorits nerlandaises, belges et
ouest5allemandes dans l&apr+s5guerre, avec la restriction que le Videau de "er
bloque cette s!nergie "luviale ( $auteur de la "ronti+re sur l&Dlbe, comme il
bloquait l&art+re danubienne au @ud, entre l&9utric$e et la ,ongrie. La
runi"ication allemande d&octobre 199: rtablit la communication et permet
m'me une pro*ection vers la \istule, donnant ainsi indirectement une "aRade
atlantique ( la Iologne, sans devoir contourner l&arc$ipel danois.
Le pro*et d&une $armonisation des "leuves et des canau3 est tr+s ancien en
Durope : $arlemagne d*( voulait relier le Cain au Oanube. [rdric AA de
Irusse, au _\AAAe si+cle, constatait que les "leuves de la grande plaine nord5
allemande taient parall+les. Iar consquent, que les voies de communication
suivaient une orientation sud5nord, grosso modo des 9lpes ( la Cer du ?ord ou
( la >altique, mais que les liens est5ouest taient moins dvelopps,
condamnant l&ensemble gograp$ique germanique ( la division politique,
impulsant sur cet espace une logique tou*ours centri"uge. Oans son Eestament
politique, que *e viens de citer, [rdric AA crit que la solution est de creuser
des canau3 reliant les "leuves entre eu3, selon un a3e est5ouest. Oe cette
mani+re, le territoire prussien 6nord5allemand8 recevrait arti"iciellement une
co$rence que la nature ne lui avait pas donne. Le grand arc$itecte de ce
pro*et sera [riedric$ List, un conomiste du _A_e si+cle. Dt il e3portera ses
conceptions : au3 4tats50nis o) il labore plusieurs pro*ets de canau3, en
[rance et en >elgique, o) il sugg+re ( Lopold A, lors d&une audience
particuli+re, le creusement du anal du entre 6entre la @ambre mosane et la
,aine scaldienne8, la cration d&une voie d&eau ( grand gabarit entre 9nvers et
Li+ge 6ce sera le "utur anal 9lbert, ouvert en 19/1 seulement8,
l&appro"ondissement de la liaison >ru3elles59nvers et l&ouverture du anal
>ru3elles5$arleroi. @ans de tels travau3, la >elgique n&aurait pas t viable
pendant plus de / dcennies. Dlle sou""rait en miniature du m'me $andicap que
la plaine nord5allemande, administre par la Irusse. La con"iguration de ses
rivi+res, parall+les, imposait .olens nolens une logique centri"uge.
9u*ourd&$ui, l&9llemagne, immdiatement apr+s sa runi"ication, et sous l&gide
du $ancelier Ko$l, ralise le pro*et de $arlemagne, vieu3 de mille ans : la
liaison CainQOanube, ouvrant une voie d&eau partant de la Cer du ?ord et
aboutissant ( la Cer ?oire et au aucase, ric$e en ptrole. J&ai d*(
su""isamment voqu la problmatique de la liaison CainQOanube pour ne pas !
revenir ici.
Iolitique $!draulique et destin "luvial des nations
9ucune uni"ication allemande au dpart de la Irusse n&aurait t possible sans
le creusement de canau3, sans une politique `$!drauliquea. omme
au*ourd&$ui aucune "orme d&imprialit europenne n&est possible sans une
politique `$!drauliquea, a3e sur le cours du V$in, du Cain et du Oanube.
Iolitique $!draulique qui doit 'tre paule, bien videmment, par d&autres
grands travau3 ou pro*ets en mati+re de communications 6satellites, "lottes
rapides d&aroglisseurs ou de navires ( e""et de sur"ace, trains ( grande vitesse,
etc.8.
9u dbut des annes 2:, les gopolitologues allemands ,ennig et Kmr$olG
avaient bien mis en e3ergue le destin "luvial des grandes nations europennes :
/ destins $eureu3, ceu3 de la [rance et de la Vussie, dont l&agencement des
bassins "luviau3, implique une logique centrip+te 6et non centri"uge8, un destin
mal$eureu3, celui de l&9llemagne, dont l&uni"ication politique a t retarde
parce que l&agencement de ses bassins "luviau3 tait di""rents, avec des
"leuves et des rivi+res parall+les, isolant les valles les unes des autres et
in"lc$issant les rapports culturels et commerciau3 vers des directions c$aque
"ois di""rentes 6c". V. ,ennig c L. Kmr$olG, Flu.ialit, et destin des Vtats, in :
'ouloir nb9, 19978.
Oeu3i+me raison ma*eure de revenir ( =itt"ogel raisonner une "ois de plus en
termes de politique $!draulique ou d&Y $!dropolitique Z : la rar"action de l&eau
potable partout dans le monde. ette rar"action provoque des con"lits, qui
deviendront de plus en plus aigus. 9insi, le Eurquie, par sa politique de
construire des barrages dans la rgion du Eaurus oriental, retient les eau3 du
Eigre et de l&Dup$rate, au dtriment des rgions en aval, la @!rie et la
Csopotamie 6donc l&Arak8. L&eau retenue a""aiblit les / pa!s arabes et les
soumet ( la volont de la Eurquie. 0ne partie de cette eau est dsormais
vendue ( Asraol, qui vit une pnurie c$ronique, $!pot$quant m'me son
e3istence ( long terme, vu que les immigrants *ui"s vivent selon un mode
occidental, grand consommateur d&eau, alors que les masses arabo5
palestiniennes, plus parcimonieuses dans leur consommation, voient leurs
rserves diminuer considrablement, augmentant ipso fa"to leur dsarroi et
leur angoisse. e qui conduit au3 a""rontements. e *eu de l&eau dans une
rgion $autement e3plosive comme le Co!en5<rient est videmment bellog+ne
( terme.
L&eau au Eibet, au >rsil et au ongo
La volont c$inoise de s&accroc$er au Eibet s&e3pliquer par la prsence sur ce
territoire ^ le Ilateau du Eibet ^ des sources des principau3 "leuves c$inois et
indoc$inois, produits des "ontes des neiges de l&,imala!a, comme le ,oang ,o,
le iang ts, le @alouen, le Cekong, le Esang Io. Les / principau3 "leuves
indiens, l&Andus et le 7ange, prennent galement leurs sources dans le massi"
$imala!en. Iour la $ine, qui est une puissance $!draulique, ne de la ma;trise
des "leuves, comme nous allons le voir, la domination sur le territoire des
sources est un imprati" catgorique, dont pStit videmment la culture
tibtaine, dont l&originalit est essentielle. L&$istoire de l&9mrique du @ud a t
tout enti+re dtermine par la volont du >rsil de ma;triser le bassin
amaGonien dans sa totalit. Lors de l&mergence de cet 4tat, le plus tendu du
continent, une querelle l&a oppos ( ses voisins pour la domination de tout le
cours de la Ilata. Le ga]reQongo est potentiellement une puissance
$!draulique. Le "leuve poss+de un tel dbit qu&il constitue pour l&$umanit
enti+re une rserve prcieuse que l&avenir sera contraint de mnager.
=itt"ogel : ander.ogel, communisme, 4cole de [ranc"ort
Vevenons ( la personne de =itt"ogel. Mui est5il F Al est n ( LWneburg dans une
"amille d&instituteurs protestants, a!ant un grand sens de la culture et vouant
un vritable culte au3 livres. Er+s *eune, =itt"ogel s&initie ( de nombreuses
lectures, varies et instructives. K. 9. =itt"ogel, pendant son adolescence, est
une Sme cultive et rebelle, en rvolte contre les pesanteurs de son poque
6dnonces notamment par la sociologie de @immel, que nous avons aborde
lors de notre 0niversit d&t en 19918. @a culture et sa rvolte le conduisent (
"rquenter le =andervogel, le mouvement de *eunesse n pr+s de >erlin en
119. sous l&impulsion de Karl [isc$er. Al ne suivra cependant pas l&engouement
patriotique de ses compagnons en 191N. Al ne s&engagera pas dans les troupes
d&assaut, comme celles qui se "eront $ac$er ( Langemarck en [landre
occidentale. =itt"ogel volue vers le paci"isme et vers un engagement social et
politique ( gauc$e. Dn 1915, il s&inscrit ( l&universit, en "rquente plusieurs
pour ! suivre des cours de gograp$ie, de sociologie, de p$ilosop$ie et de
sinologie. Iendant les annes 191., 1917 et 1911, il ad$+re au mar3isme
politique, mais non pas ( la @IO sociale5dmocrate, qu&il *uge trop modre et
trop compromise avec le pouvoir, mais ( l&0@IO, anime par Vosa Lu3emburg,
puis ( la KIO. Al s&intresse de pr+s au3 agissements de Karl Vadek, agent de
Lnine et du !omintern en 9llemagne. ette "rquentation le conduira ( la
"ameuse Ligue anti<imp,rialiste, prLnant une alliance entre la $ine, l&0V@@ et
l&9llemagne, les peuples coloniss en rvolte, dont l&Ande, et quelques "orces
rebelles de l&<uest. ette Ligue avait galement attir quelques "igures classes
par 9rmin Co$ler dans la mouvance de la R,.olution "onser.atri"e, dont
?iekisc$ et JWnger. =itt"ogel suit aussi les travau3 de l&4cole de [ranc"ort, d+s
son inauguration en 19/. 63nstitut fUr So1ialfors"hung8. Dn 1922, quand la
?@O9I d&9dol" ,itler prend le pouvoir, il migre au3 4tats50nis.
Oans ce double conte3te, universitaire et politique, comment la pense de
=itt"ogel va5t5elle se cristalliser et se "ormer F Dlle repose surtout sur une
lecture attentive de Karl Car3 et de Ca3 =eber, o) =itt"ogel dcouvre une
opposition entre l&<ccident et l&<rient. Le mod+le par e3cellence de l&<ccident
est l&9ngleterre manc$esterienne. Le mod+le de dveloppement oriental
paradigmatique est le mod+le c$inois. @inologue, =itt"ogel va appro"ondir les
t$+ses mar3iennes et -eberiennes sur le `mode de production asiatiquea. Al en
dduit que la $ine 6mais aussi l&4g!pte et la Csopotamie antiques8 sont
`despotiquesa 6pour "aire "ace e""icacement au3 ncessits naturelles8 et
`$!drauliquesa. e mod+le asiatique constitue pour lui, dans un premier
temps, un `contre5mod+lea non bourgeois. =itt"ogel, en quelque sorte
`mao]stea avant la lettre, se donne pour mission de "aire conna;tre au3
Duropens la $ine orientale et non bourgeoise.
@ocits $!drauliques q socits totalitaires F
Ilus tard, cet engouement pour la $ine va se muer en critique. =itt"ogel est
anti5stalinien et, dans cette optique, @taline est perRu comme un despote
asiatique. Cais il crit "inalement peu de c$oses sur les grands travau3
$!drauliques de @ibrie et d&9sie centrale, e3cuts pendant l&+re stalinienne.
Dn 1921, il "ait para;tre au3 4tats50nis The Theory of Oriental So"iety, o) il
pose clairement l&quation, socit $!draulique q despotisme q totalitarisme.
0n an plus tard, cette quation se ren"orce dans sa pense, au moment o)
,itler et @taline signent le pacte germano5sovitique. Oans cette t$+se, un peu
propagandiste, =itt"ogel coagule ses sentiments anti5$itlriens et anti5
staliniens. e m'me ouvrage, peau"in, repara;t en 1957, sous le titre de
Oriental 0espotism P 5 (omparati.e Study of Total %ower. ,itler et @taline ont
disparu de la sc+ne, la 7uerre de ore est termine, Cacc$art! a cess de
svir et la guerre "roide n&est plus aussi tendue. 9pr+s 19N5, =itt"ogel re*oint
les rangs de l&anti5communisme amricain, dcrit @taline comme un agent de la
Y restauration asiatique Z et prsente les 4tats50nis comme une socit
$!draulique mais non despotique B ( ce titre, ils sont un mod+le pour le monde.
omment l&ancien tudiant de la gauc$e allemande en est5il arriv l( F
omment en est5il arriv ( cette position "inalement asseG contradictoire F @ans
doute a5t5il t rcupr par certains services de diversion, recrutant d&anciens
militants de la gauc$e allemande, bons connaisseurs du !omintern, des
structures communistes et des mt$odes de travail sovitiques dans les pa!s
d&9sie.
P partir de 1952, =itt"ogel devient au3 4tats50nis un $istorien attitr de la
ma;trise des "leuves. Al est pro"esseur ( la (olumbia 2ni.ersity, puis, ( partir de
19.., enseigne l&$istoire de la $ine ( =as$ington. @on %uvre comporte
d&intressants dveloppements scienti"iques mais non politiques.
0ne t$orie de la civilisation
=itt"ogel nonce, ( travers l&ensemble de son %uvre, une t$orie de la
civilisation, de l&mergence des civilisations. Iour lui, comme auparavant pour
,obbes, c&est la peur qui gn+re le politique, l&4tat, le "ommonwealth, l&appel (
l&autorit 6qui "ait les lois 5 au"toritas non .eritas fa"it legem8. Cais cette peur
n&est pas la crainte de l&invasion e3trieure comme c$eG ,obbes, n
prmaturment parce que sa m+re craignait le dbarquement des troupes
espagnoles de la 7rande 9rmada. La peur qui motive les $ommes et les induit (
crer des structures politiques solides et durables est la peur panique et
angoiss des inondations et de la sc$eresse, des inondations qui noient les
rcoltes et de la sc$eresse qui condamne ( la "amine. ette peur tire l&$omme
de sa lt$argie, elle le "orce ( cooprer avec ses semblables qui appartiennent
( d&autres clans et le contraint ( accepter l&autorit de ceu3 qui sont capables
tec$niquement de ma;triser les "leuves, de canaliser les eau3 6pour l&irrigation
ou le transport8, d&irriguer. La peur des caprices de l&eau "ait accepter la "igure
du `7rand 9d*udicateura. La $ine antique, civilisation $!draulique, invente le
terme `@$iu lia, qui signi"ie `ma;trise des eau3a. La discipline civilisationnelle
na;t de cette peur. La naissance des grands 4tats et des Dmpires a presque
tou*ours une motivation $!draulique. @i l&eau ne coule pas selon un r!t$me
rgulier et prvisible, disaient les sages c$inois de l&9ntiquit, nous avons le
c$aos, voire la guerre civile, le pouvoir a le m'me rLle que le barrage.
Ou point de vue p$ilosop$ique et ant$ropologique, =itt"ogel se montre l(
disciple de Contesquieu et de arl Vitter. Al anal!se l&interaction entre l&$omme
et la nature et, rciproquement, entre la nature et l&$omme. L&tude de cette
interaction "onde le vritable matrialisme intellectuel, politique et $istorique,
tel que Car3 l&avait compris personnellement, au contraire de bon nombre de
ses disciples. La gopolitique est une discipline qui s&occupe de ces interactions.
&est sans doute pour cette raison que =itt"ogel a t le seul ( l&avoir aborde
dans le cadre de l&4cole de [ranc"ort. Dst5ce un $ritage de son ascendance
pa!sanne, de ses origines rurales, est5ce une in"luence du ander.ogel et du
discours de Lud-ig Klages, vritable te3te "ondateur de l&cologie moderne,
prononc sur le sommet du ,o$er Ceirner en 1912, au solstice d&t F 0ne
anal!se plus "ouille du pass de =itt"ogel nous l&apprendra sans doute un *our.
Dn 19/1, cet intr't matrialiste et mar3iste pour la gopolitique se concrtise
dans un ouvrage intitul $eopolitik& geographis"her ?aterialismus und
?ar+ismus.
L&e3emple des Andiens Iueblo, guni et ,opi
=itt"ogel met donc en e3ergue une question ant$ropologique "ondamentale. La
ma;trise des eau3 "onde l&4tat. Cais comment na;t cette irrigation, base des
4tats, des empires et des aires civilisationnelles F Le premier stade est celui de
l&tang o) vont s&abreuver les animau3 domestiques. Le clan qui l&utilise doit en
garder les abords, en mnager l&cos!st+me. 4ventuellement creuser des
c$enau3 pour irriguer des plantations. 9u3 4tats50nis, =itt"ogel compulse les
tudes sur les Andiens Iueblo, guni et ,opi qui montrent tr+s bien la
'olkswerdung Jle `devenir5peupleaK de ces et$nies amridiennes au dpart
d&une ma;trise des eau3 de leur territoire. es tudes dmontrent que des clans
pars parviennent, ( un certain moment de leur $istoire, ( ma;triser ( leur
c$elle les eau3 courantes et stagnantes, les sources et les nappes p$ratiques
de leur territoire, tout en gardant une dimension vernaculaire.
Oans le bassin du Vio 7rande del ?orte, les clans s&associent, "orment des tribus
qui, ensemble, deviennent peuples. e devenir s&accompagne tou*ours d&un
s!st+me de d"ense, de plus en plus labor, contre ceu3 qui veulent
bouleverser l&ordre irrigateur, couper les approvisionnements ou en pro"iter
indHment.
Eravau3 d&irrigation et corve
La $ine, e3plique alors =itt"ogel, a connu au3 aurores de son $istoire une
volution similaire ( celle que les et$nologues ont pu observer c$eG les
9mrindiens du bassin du Vio 7rande del ?orte. 9u dpart, la $ine prsente
une mosa]que parse de tribus, de villages, de clans autonomes 6elle ! retombe
par"ois, comme dans les priodes o) r+gnent, ( l&c$elon provincial, voire
vernaculaire, les c$e"s de guerre, les warlords8. L&uni"ication des micro5entits
c$inoises se "era sous l&gide d&une lite tec$nicienne qui va grer les grands
"leuves. Iour le premier =itt"ogel libertaire, comme pour le dernier =itt"ogel
anti5communiste, l&av+nement progressi" de cette lite ( des cLts ngati"s, car
elle implique la mobilisation par coercition de tous les bras disponibles pour les
grands travau3 de nature $!draulique. Oans les concentrations de masse, la
promiscuit des ouvriers recruts provoque des pidmies, comme la prsence
d&un ver qui ira *usqu&( a""ecter 9:l de la population c$inoise. e *ugement
ngati" sur la mobilisation des "orces de travail, =itt"ogel le dduit de sa
lecture d&un sociologue "ranRais du _A_e si+cle, Julien >arois, spcialiste de
l&$istoire de la corve.
Iour le =itt"ogel des annes /: et 2:, qui accepte le communisme, cette
mobilisation a des aspects positi"s car elle permet le dveloppement des
sciences : l&astronomie, les mat$matiques, l&arc$itecture, la gograp$ie 6ives
Lacoste en parle dans ses travau3 sur les premiers cartograp$es des armes
impriales c$inoises8. =itt"ogel tudie galement les aspects m!t$ologiques de
cette ma;trise des eau3 : les "igures d&<siris et d&,api en 4g!pte, divinits du
?il, que la "igure de ?inurta en Csopotamie et que la divinisation du 7ange en
Ande. Dn Durope, il ! a abondance d&eau et les "leuves sont plus paisibles qu&en
$ine, d&o) les "ormes d&$!draulisme politique sont moins despotiques. La
dmocratie optimale s&installe tou*ours l( o) il ! a abondance "acile d&eau,
comme en @uisse par e3.
ivilisation c$inoise, civilisation de grands travau3
Vevenons ( la corve 6et au3 t$+ses de Julien >arois, appro"ondies par
=itt"ogel8. La corve est d&abord impose pour les travau3 d&irrigation, puis
pour les barrages, ensuite pour les routes, les "orti"ications 6Curaille de $ine8,
en"in pour les bStiments de prestige 6p!ramides et Gigourats8. La $ine "ait ainsi
creuser ses premiers canau3 ( partir de 511 avant J.. L&closion et le maintien
de la civilisation c$inoise antique drive d&une ma;trise du [leuve Jaune 6,uang
,o8 ou plutLt d&une lutte contre ses cruels caprices. e "leuve a tu des millions
d&$ommes et les rcentes inondations en $ine ne sont qu&un pisode de plus
dans l&$istoire pouvantable de ses crues et dcrues.
Les tudes de =itt"ogel sur la civilisation c$inoise, civilisation de grands
travau3, qui ont d&abord t $!drauliques, l&ont amen ( poser la question : la
$ine est5elle intrins+quement despotique ou non F La rponse de =itt"ogel est
mitige, quoique le =itt"ogel communiste des annes /: 6qui ne critique pas
encore le totalitarisme8 a eu tendance ( rpondre `nona, tandis que le
=itt"ogel anti5totalitaire, anti5naGi et anti5communiste rpondrait plutLt `ouia
et verrait en cette $ine `$!drauliquea la matrice des s!st+mes politiques
coerciti"s ultrieurs. Oans sa pense, la $ine oscille toute"ois entre
con"ucianisme et tao]sme. Le con"ucianisme implique une discipline sv+re,
tandis que le tao]sme 6avec le Tao Te !ing de Lao Eseu8, prconise au3
gouvernants `d&'tre comme l&eaua, souples et insinuants. onclusion de
=itt"ogel, par la prsence de ce tao]sme, la $ine se montre "inalement moins
centralise, donc moins despotique, que l&4g!pte ou les entits tatiques
msopotamiennes.
Les travau3 de la `Eennessee \alle! 9ut$orit!a
Oans les annes 2:, o) les simpli"ications militantes tenaient le $aut du pav, on aurait
pu crer "acilement une dic$otomie propagandiste sur base des travau3 de =itt"ogel,
en posant l&quation : socits $!drauliques q socits totalitaires tandis que les
socits non $!drauliques auraient t par d"inition considres comme
dmocratiques et librales. =itt"ogel constatera, peu apr+s avoir dbarqu au3 4tats5
0nis, destination de son e3il, qu&un grand pro*et $!draulique tait en train d&! 'tre
ralis, sous l&gide de la Tennessee 'alley 5uthority. Les 4tats50nis, c$ampions de
l&idal dmocratique de "acture librale, taient eu3 aussi une puissance $!draulique.
Jusqu&alors les 4tats50nis n&avaient t qu&une puissance incompl+te. Als taient
devenus `bi5ocaniquesa 6avec "aRade sur l&9tlantique et le Iaci"ique8 vers la moiti du
_A_e si+cle. La liaison transcontinentale par c$emin de "er avait englouti des "ortunes
colossales pour un rsultat mitig. 9vant la Iremi+re 7uerre mondiale, les 4tats50nis
taient "ortement endetts et tout laissait croire ( leur dclin inluctable. 9pr+s 1911,
les 4tats europens, surtout la [rance et l&9ngleterre, taient leurs dbiteurs. Cais la
ncessit s&imposait de mieu3 organiser le territoire amricain : pour cela il "allait
amnager le bassin du Cississipi. 0ne bonne partie des gains engrangs pendant la
Iremi+re 7uerre mondiale "urent destins au pro*et $!draulique de la Tennessee
'alley 5uthority.
Les annes de 19/: ( 19N: ont t pour les 4tats50nis / dcennies de grands
travau3 d&amnagement, o) les principes du libralisme dmocratique pur ont
t lg+rement battus en br+c$e. >urn$am parle d&une Y +re des directeurs Z,
o) le dcisionnisme des dcideurs prend le pas sur les discussions
parlementaires de l&+re librale classique, tant en Durope, avec le "ascisme et le
national5socialisme, qu&en 0V@@, avec les plani"ications staliniennes, ou qu&au3
4tats50nis. La-rence Oennis rclame, ( la m'me poque, un isolationnisme
continental, pan5amricain, qui se donnerait pour but d&organiser
rigoureusement le continent en suivant, pour ce "aire, une logique autoritaire.
Cais Oennis, contrairement ( Voosevelt, veut une autarcie continentale sans la
guerre, sans interventions $ors de l&espace amricain. Les opposants librau3 (
Voosevelt stigmatisent le `csarisme rooseveltiena, qui ne russit que
partiellement son pro*et de r5amnagement complet du territoire, les
traditions librales classiques *ouant le rLle de "rein, alors qu&en Durope
occidentale et en 0V@@, ces "reins avaient t bala!s, permettant un
despotisme capable d&asseoir vite la modernit tec$nique et industrielle, de
c$anger d&c$elle. Iarce que les institutions librales amricaines sont plus
solides et rendent impossible un despotisme absolu ( la @taline ou une dictature
( la ,itler, Voosevelt doit donc susciter une `in*ection de con*oncturea, pour
obtenir les "onds ncessaires ( l&ac$+vement de cet ensemble de macro5pro*ets.
Vaison pour laquelle il prpare tr+s tLt les guerres contre l&9llemagne et le
Japon. L&ob*ecti" intrieur de cette double guerre e3trieure a donc t de
"inancer l&irrigation d"initive du ?iddle est et de l&<uest.
L&irrigation nord5amricaine "ait des 4tats50nis le grenier ( bl du
monde
La dmocratie amricaine, selon les opposants ( Voosevelt, est donc une
dmocratie dguise, qui met au pas le ongr+s et la our @upr'me et *ugule
l&opposition populiste. 9vec Voosevelt merge la mga5mac$ine, collusion entre
le pouvoir et les grands trusts industriels, dnonce par Le-is Cum"ord, puis,
plus tard en Durope, par l&cologiste et dissident est5allemand Vudol" >a$ro.
Cais ces entorses au "onctionnement libral traditionnel de la dmocratie
amricaine a permis la politique des grands travau3, dont les 4tats50nis avaient
besoin pour consolider leur base nationale, r,4uisit indispensable ( leur
politique mondialiste 6disaient5ils du temps de Voosevelt8, globaliste 6disent5ils
au*ourd&$ui8. L&irrigation amricaine, surtout dans le bassin du Cississippi, la
construction de barrages dans l&<uest, ont permis au3 4tats50nis d&'tre le
grenier ( bl de l&$umanit et d&assurer ainsi leur domination sur l&Durope, l&e35
0V@@ 6et, partant, la Vussie actuelle8 et l&9"rique, que guettent tou*ours
d&atroces "amines. Je rappelle souvent la parole d&Dagleburger : Y Food is the
best weapon in our arsenal Z 6L&alimentation est la meilleure arme de notre
arsenal8. Eoutes les querelles euro5amricaines autour des politiques agricoles
drivent d&une volont amricaine de conserver coHte que coHte le leadership
en ce domaine et de limiter, autant que possible, l&autonomie alimentaire
europenne. La guerre du so*a, sans doute les crises de la vac$e "olle, la
querelle des pStes, l&imposition de normes, la tentative de submerger l&Durope
sous des "lots d&immigrs qui mangent ses rserves, etc sont autant d&aspects de
cette guerre euro5amricaine qui a commenc avec Voosevelt, culmin avec la
@econde 7uerre mondiale U et qui est loin d&'tre termine.
onnaissant par"aitement la puissance que con"+re une bonne ma;trise des
voies "luviales, les 4tats50nis ^ que arl @c$mitt nommait les Y retardateurs de
l&$istoire Z ^ c$erc$ent ( "reiner, enra!er ou saboter la ma;trise c$eG les autres
des voies "luviales. ?ous avons assist ainsi ( une manipulation des milieu3
cologistes et `souverainistesa "ranRais, tendance sociale5dmocrate ou no5
gaulliste, pour "reiner la liaison entre les bassins du V$in, du V$Lne et du
Oanube. ?ous avons ensuite assist, impuissants, cervels par les discours
mdiatiques qui ne sont que les c$os de ??, donc du Ientagone et de ses
services de diversion, au bombardement des ponts du Oanube ( >elgrade et (
?ovi @ad, sous prte3te de punir un certain Cilosevic. Jupiter rend aveugles et
"ous, ceu3 qu&il veut perdre.
*o+ert Steuc,ers! Nouvelles e S!nergies Europennes n-@/! C222#
(interCention = &a <...e 5niCersit$ dA$t$ de _-#ner%ies Europ$ennes`! ?rope&&o de
?aCirate! $t$ )000)
X Bi:&io%rap8ie E
1. NarK =. <lmen, !he Science o, Society. !o/ard an 0nderstanding
o, the Li,e and 1or2 o, 3arl $ugust 1itt,ogel, .outon u+lishers,
The Ha"ueMarisMQeR Sor6, 19B8.
. (arl 3. Jitt7o"el, 4riental %espotism. $ Comparative Study o,
!otal Po/er, Sale <ni%. ress, 19#B. -n 7ranTais : Le %espotisme
oriental- tude comparative du pouvoir total, .inuit, 19'I.
!. Donal) Jorster, 1ater- $ridity and the *ro/th o, the $merican
1est, intro)uction to 5ivers o, Empire # 1ater- $ridity and the
*ro/th o, the $merican 1est, U*7or) <ni%. ress, U*7or)MQeR
Sor6, 198# $p. 19-'1&.
K Libre opinion sur =itt"ogel 6l&%uvre ne se rduit pas ( une interprtation
rapide, en l&occurence les commentaires d&une srie de documentaires sur la
$ine du "leuve Jaune, mais la notion de `socit $!drauliquea ncessite
certes une meilleure $istoricisation, ce que les tudes, not. dans le c$amp des
tudes environnementales, prennent en compte8 : Y e discours Jorientaliste
europenK mergea pour la premi+re "ois dans les crits de p$ilosop$es euro5
centriques occidentau3 au3 _\AAAe et _A_e si+cles, tels que ,erder, ,egel et
surtout Car3, qui dvelopp+rent le t$+me du despotisme oriental en partant du
niveau p$ilosop$ique pour aller vers une anal!se plus $istorico5matrialiste,
celle du mode de production asiatique. Oans notre si+cle, il "ut encore labor
par K. 9. =itt"ogel dans son livre in"luent Oriental 0espotism. 5 (omparati.e
Study of Total %ower 619578, dans lequel il se concentre sur le despotisme
c$inois du point de vue du dterminisme environnemental. Le c%ur de
l&argument de =itt"ogel est que la monte de la civilisation c$inoise s&est
"onde sur le contrLle de l&approvisionnement en eau dans la grande plaine
semi5aride de la $ine du ?ord, eau provenant de la valle du "leuve Jaune.
Iarce que l&eau n&tait pas naturellement disponible au bon moment et au bon
endroit, une autorit centrale devint ncessaire pour assurer sa distribution par
la gestion d&un s!st+me de voies d&eau d&irrigation. eci entra;na le
dveloppement d&une bureaucratie centrale et d&un gouvernement despotique.
Le probl+me de ce discours est qu&il traite la $ine 6et d&autres civilisations
anciennes8 comme un corps $omog+ne, malgr des variations rgionales et la
nature c$angeante du pouvoir de l&4tat au cours de sa longue $istoire. Dn outre,
ce discours consid+re les 4tats orientau3 comme arrirs et barbares en
contraste s!mbolique avec les 4tats qui s&auto5proclament avancs et
dmocratiques, et "ournit des *usti"ications morales et politiques ( ces derniers
pour raliser leur e3pansion imprialiste au nom d&une mission illuministe.
C'me un gant intellectuel comme Car3, qui critiqua sans rserve
l&imprialisme occidental ( l&<uest, avait un avis apparemment ambivalent sur
l&invasion de la $ine par les puissances occidentales. Dn un sens large, c&est
encore un e3emple de ce que Dd-ard @aid appelle l&orientalisme. 6...8 Je
sugg+re que ce doit 'tre la notion de despotisme qui a sduit les intellectuels
c$inois dans le livre de =itt"ogel. La macro5tude de =itt"ogel o""re une vue
d&ensemble simpliste, mais puissante, de l&$istoire longue et complique de la
$ine. Dlle paraissait "aite sur mesure pour l&ambiance et le conte3te socio5
politiques des intellectuels c$inois dans les annes 191: Z 6Vevue 5lliage nb/N5
/5, 199.8.
K 0n en*eu ma*eur du __Ae si+cle : Y La ma;trise de l&eau a souvent t le point
de dpart du politique. Oans son ouvrage cl+bre, Le 0espotisme oriental. 2ne
,tude "omparati.e du pou.oir total, K. 9. =itt"ogel montre que la naissance
des grands 4tats et des Dmpires a t, de mani+re "rquente, une motivation
$!draulique. L( o) l&coulement des eau3 est irrgulier, o) les "leuves sont
dangereu3 parce qu&instables 6$ine, Csopotamie, 4g!pte8, s&installe, par
ncessit, un rgime despotique. Iar contre, quand il ! a abondance d&eau,
comme en Durope, o) les "leuves sont plus paisibles, la dmocratie s&tablit plus
aisment. [luvialit, organisation politique et prosprit semblent bien en
interaction. O*(, l&$istorien romain @trabon le notait au su*et de la 7aule.
>eaucoup plus tard, en 19/1, le gopolitologue allemand Drnst <bst montrait
que les dispositi"s "luviau3 de la [rance et de la Vussie avaient t bien plus
"avorables ( l&unit de ces / 4tats que ne l&avait t celui de l&9llemagne. <n
peut montrer aussi que, comme dans la $ine antique, la politique des canau3 a
t un instrument essentiel de l&intgration territoriale sous la monarc$ie
"ranRaise. 9u*ourd&$ui, o) l&on s&alarme de la rar"action de l&eau potable dans
le monde, la ressource aqui"+re est de plus en plus prsente comme l&en*eu de
"uturs con"lits. Eoute"ois, ( l&c$elle des grands bassins "luviau3, des
cooprations internationales se prcisent ou se mettent en place, en particulier
quand les amnagements sont dlibrment conRus dans une politique
d&intgration rgionale 6pro*et ,idrovia dans le Cercosur8. <u quand tout en
"avorisant cette derni+re, ils correspondent ( des pro*ets de d,.eloppement
durable, en associant plusieurs ob*ecti"s : navigation, production d&lectricit,
lutte contre les inondations, irrigation, protection de l&envionnement. e qui,
d&ailleurs, ne va pas tou*ours de soi et provoque des dbats intenses Z 67.
Oussou!, #au et espa"e politi4ue8.
K P noter : Karl =itt"ogel, qui nXapprciait pas la pr"ace de l&dition "ranRaise
619.N8 de son livre par Iierre \idal5?aquet, demanda que lXdition soit mise au
pilon... Dlle est reproduite, accompagne de quelques e3plications, dans I.
\idal5?aquet, La d,mo"ratie gre"4ue .ue dDailleurs 6[lam., 199:8. La catgorie
de `despotisme orientala ! est *uge comme trop e3tensive.
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SOR1ELLERIE
"orci$res et sorcelleries . une
/uestion ouverte
Le mot allemand dsignant les sorcires, (exen, correspond au v ht all haga-ussa
2contract en ha-issa8, au mo+en<ht all hexde, lNalmanique hagseh -elon >aco.
=rimm 2.eutsche /#thologie , 4C?T8, ces termes sNapparentent au norrois hagr, qui a le
sens du latin sagus 2sage, avis8
Iarler au*ourd&$ui des sorci+res peut para;tre curieu3, sinon inutile. Cais un
e3amen plus attenti" du probl+me ^ car il s&agit vritablement d&un probl+me ^
nous rv+le que la question de l&essence et de la signi"ication de la sorcellerie
est tou*ours une question enti+rement ouverte. 0ne nouvelle prise en
considration peut nous aider ( mieu3 comprendre certains mcanismes et
certaines situations d&au*ourd&$ui.
@i l&on nous dit que la sorcellerie implique un rapport de l&$omme au sacr,
alors nous assistons au*ourd&$ui ( une rec$erc$e du sacr, mais une rec$erc$e
dsespre voire distordue du sacr c$eG l&$omme : en e""et, sectes et cnacles
proli"+rent, se disant par"ois carrment satanistes. Irosp+rent galement
prop$+tes, prdicateurs et vo!ants qui accumulent les rites et compilent les
traditions, qu&ils revoient et corrigent de "aRons varies.
Dn somme, puisque le sacr est une e3igence inconturnable c$eG l&$omme ^
nous oserions m'me dire qu&elle est une `"onctiona de l&$omme ^ si la raison le
c$asse par la porte, il reviendra par la "en'tre de l&inconscient. Cais ce retour,
il le "era en mauvais tat, ( la drobe, si bien qu&il sera mconnaissable : c&est
alors qu&interviennent sans retard tous ceu3 qui veulent l&e3ploiter, le tordre et
le retordre ( leur bon usage 618.
Ioints de vue
Cais revenons au3 sorci+res : les approc$es modernes du probl+me sont multiples,
mais tou*ours rductrices et *amais e3$austives. Iarmi les principales approc$es, nous
pouvons distinguer :
a8 une approc$e idologico5conomique 6Jules Cic$elet8,
b8 une approc$e ps!c$ologique 69ldous ,u3le!8,
c8 une approc$e $istorique 6Vobert Candrou8,
d8 une approc$e ant$ropologique 6Cargaret Curra!, ,ug$ Erevor5Voper8,
e8 une approc$e sociologique 6Iiero amporesi8,
"8 une approc$e politologique 67iorgio 7alli8.
Iassons5les bri+vement en revue.
UUU
K 9. L&approc$e idologico5conomique :
L&$istorien "ranRais Jules Cic$elet 617915117N8 nous o""re une interprtation
vritablement $umaniste du p$nom+ne, en adquation avec ses ides librales et
anti5clricales qui ne l&ont pourtant *amais emp'c$ de dvelopper une vision de la vie
et de l&$istoire compntre d&une religiosit quasi m!stique. Oans son tr+s cl+bre La
sor"i7re 611./8, Cic$elet reste "id+le ( son re*et de tout dterminisme et ( son
principe Y de la "orce vive de l&$umanit qui se cre Z : il e3amine la sorcellerie ( la
lumi+re des pro"ondes mutations sociales qui travaillent l&Durope ( l&poque du
"odalisme et, plus tard, apr+s la V"orme, il rep+re la sorci+re potentielle c$eG la
"emme pa!sanne d&abord, puis c$eG la "emme du peuple, qui s&oppose d&une certaine
"aRon au3 castes sociales plus leves. 9u _\Ae si+cle, quand s&croulent les autorits
spirituelles 6le 7rand @c$isme8 et temporelles 6la Vvolution anglaise8, l&union entre les
$umbles et les ds$rits se mue en un pacte de rvolte, articul sur / plans : sur le
plan terrestre, c&est la *acquerie contre les seigneurs B sur le plan cleste, c&est le
sabbat contre Oieu 6/8. Al nous "aut souligner un autre mrite de Cic$elet : celui d&avoir
repr dans le mouvement sorcier 628 l&importance de la mdecine alternative,
c$erc$ant ( contester le savoir o""iciel. ette mdecine alternative est une
composante importante de la culture sorci+re.
K >. L&approc$e ps!c$ologique :
L&crivain anglais 9ldous ,u3le! 6119N519.28 a""ronte un pisode particulier de
l&$istoire de la sorcellerie, celui des possds de Loudun 6dont s&tait galement
proccup Cic$elet8. Oans son essai Les diables de Loudun 6dont le rgisseur
Ken Vussell a tir le "ilm qui "it scandale S Les 0iables S et "ut interprt par
\anessa Vedgrave et <liver Veed8, ,u3le! voque l&un des vnments les plus
cl+bres dans l&$istoire des `possessions dmoniaquesa : le cas des s%urs
ursulines de Loudun, dans la premi+re moiti du _\AAAe si+cle. L&a""aire s&est
termine tragiquement ^ ce qui tait prvisible ^ en 1.2N quand le `pr'tre5
sorciera 0rbain 7randier a t tortur puis condamn au bHc$er.
L&interprtation de ,u3le! s&oriente dans le sens de la ps!c$ologie se3uelle tout
en restant dans l&orbite du matrialisme des Lumi+res, idologie certes
suggestive mais limite. Dn e""et, ,u3le! dit que Y la se3ualit lmentaire, au
niveau o) on en *ouit pour elle5m'me et o) on la dtac$e de l&amour, "ut un
*our une desse, que l&on n&adorait pas seulement comme le principe de la
"condit, mais comme une mani"estation de la diversit radicale, immanente
en tout 'tre $umain. Dn t$orie, la se3ualit lmentaire a cess d&'tre une
desse depuis longtemps. Cais en pratique, elle peut encore se vanter d&avoir
une arme innombrable de sectataires Z 6N8.
K . L&approc$e $istorique :
0n autre grand $istorien "ranRais, Vobert Candrou, dont la
"ormation est marque pro"ondment par l&idologie des Lumi+res, s&est born (
reconstruire avec prcision le p$nom+ne, sur la seule base de documents
o""iciels en sa possession. 4videmment, cela ne l&a pas aid ( conna;tre le
mouvement sorcier de l&intrieur, ni surtout ( dpasser les barri+res qu&avait
riges la culture o""icielle autour de la vritable signi"ication de ce p$nom+ne
religieu3 en Durope. 6P propos des Lumi+res, nous aurons l&occasion de revenir
sur les rapports particuliers entre ce courant de pense et la sorcellerie8.
K O. L&approc$e ant$ropologique :
Les ant$ropologues amricains Cargaret Curra! et ,ug$ Erevor5Voper nous
o""rent / interprtations du probl+me tr+s di""rentes : selon C. Curra!, les
mani"estations de la sorcellerie ne sont pas autre c$ose que des survivances,
certes mutiles et vides de leur signi"ication, de l&antique culte de Oiane 6et
d&autres divinits analogues ou superposes sur son culte8. omme le dit 7alli, Y
l&argument central de l&%uvre de C. Curra! est de dire que la socit
c$rtienne des lites coe3istait avec la survivance, au niveau populaire, de
traditions et de cultes prc$rtiens, dont certains taient d&origine tr+s
ancienne 6...8. C. Curra! a d"ini comme &culte de Oiane& ce qu&elle nous
prsentait comme la religion des sorci+res 6qui adoraient le &dieu cornu&8. Dlle a
ensuite d"ini comme &cavalcade de Oiane& le galop des sorci+res dans les airs,
auquel se r"+re le premier document important qui dnonce la sorcellerie,
c&est5(5dire le (anon epis"opi Z 658.
@elon Erevor5Voper, au contraire, les sorci+res ont $rit en pratique du rLle
"ondamental du `bouc missairea, auquel aucune communaut d&appartenance
ne peut renoncer. Le bou" ,missaire a un rLle d&ordre "onctionnel pour assurer
le maintien de l&ordre constitu 6comme nous allons le voir plus loin8. ette
t$+se avait d*( t nonce par \oltaire, elle s&est gnralise apr+s 19N5, Y (
la suite sans doute d&une comparaison possible avec une autre grande
perscution rcente, celle des Jui"s par le naGisme Z 6.8. Al "aut retenir le
conclusion ( laquelle arrive Erevor5Voper, pour qui la nouvelle culture
dominante, rationaliste et scienti"ique, a eu un tel impact qu&elle a modi"i
radicalement l&attitude de l&$omme "ace ( la nature ainsi que ses rapports avec
elle. Erevor5Voper observe galement que Y les grandes c$asses au3 sorci+res
en Durope ont eu leurs principau3 "o!ers dans les 9lpes et dans les Gones de
collines avoisinantes, dans le Jura et dans les \osges, dans les I!rnes et dans
les territoires ( c$eval sur l&Dspagne et la [rance. Dnsuite : la @uisse, la
[ranc$e5omt, la @avoie, l&9lsace, la Lorraine, la \alteline, le E!rol, la
>avi+re, les v'c$s de l&Atalie du ?ord, le >arn, la ?avarre et la atalogne Z
678. Iratiquement toutes les aires gograp$iques cites par Erevor5Voper "urent
le berceau ou le re"uge d&$rsies et de rvoltes pa!sannes : nous venons aussi
de le signaler dans notre paragrap$e consacr ( l&approc$e de la sorcellerie
c$eG Cic$elet 6c". plus $aut8. Cic$elet soulignait les rapports troits unissant
ces p$nom+nes.
K D. L&approc$e sociologique :
L&Atalien Iiero amporesi, sociologue spcialis dans les probl+mes de
l&alimentation, a avanc l&$!pot$+se suivante, rductrice mais intressante : il
nous e3plique que la sorcellerie, le paranormal et les visions "antastiques
pourraient bien 'tre le rsultats d&une alimentation insu""isante et
dsquilibre, pauvres en lments nutriti"s mais tr+s ric$e en e3citants et en
$allucinog+nes tels les c$ampignons, par e3., que l&on a tou*ours considr
comme tant la `viande du pauvrea. <n sait aussi que l&ingestion de
c$ampignons, m'me par"aitement comestibles et ino""ensi"s, m'me en des
quantits peu importantes, provoque immanquablement des sommeils agits et
des r'ves biGarres. La t$+se d&une into3ication de ce t!pe ^ qui n&est pas
originale ni e3clusive dans le c$e" de amporesi ^ serait corrobore par les
dpositions "aites au cours des proc+s de sorcellerie, qui mentionnent des
onguents et des potions ( base de belladonne et de *usquiame, toutes / des
stup"iants naturels. P cet argument, arlo 7inGburg, spcialiste italien
renomm d&ant$ropologie et de "olklore, oppose une certaine rserve : Y les
dmonises de @alem, comme on l&a d*( dit en avanRant des arguments "aibles,
auraient t en ralit victimes d&une into3ication par du seigle ergot Z 618.
K [. L&approc$e politologique :
L&Atalien 7iorgio 7alli, cl+bre politologue et spcialiste des opinions politiques,
dans O""idente misterioso < Ba""anti& gnosti"i& streghe P i .inti della storia e
la lora eredit/ 698, sugg+re que la sorcellerie a t perscute parce qu&elle
constituait une source de menaces pour l&ordre tabli, car elle c$ariait des
lments rotico5libertaires capables de porter de graves pr*udices ( la
socit europenne, civilise et c$ristianise. 7alli va plus loin : la tragdie de
l&e3termination des sorci+res Y est ( l&origine de la dmocratie reprsentative.
omme il n&! a pas eu de rbellion des sorci+res dans l&empire russe 6...8, il nous
est possible d&avancer une $!pot$+se. elle5ci : il n&! a pas eu de rapport d"i5
rponse en Vussie 6rbellion des sorci+res qs saut qualitati" de la culture
rationaliste B e3plosion des tensions qs contrLle des tensions par le biais de la
reprsentation8, c&est pourquoi il n&! a pas eu de dveloppement d&une culture
politique en Vussie conduisant ( l&closion d&institutions dmocratiques5
reprsentatives Z 61:8.
>rian I. Levack mrite une mention spciale, parce que, dans son e3cellent
ouvrage The it"hhunt in #arly ?odern #urope 619178, Y il c$erc$e ( e3pliquer
pourquoi la grande c$asse au3 sorci+res a eu lieu en Durope. Dnsuite il nous
e3plique pourquoi elle a atteint son apoge vers la "in du _\Ae si+cle et au
dbut du _\AAe, pourquoi elle "ut cruelle dans certains pa!s plutLt que dans
d&autres et, en"in, pourquoi le p$nom+ne s&est puis 6...8 La c$asse au3
sorci+res en Durope n&a pas t un p$nom+ne $istorique unique mais la
rsultante de milliers de proc+s singuliers qui ont t organiss pendant plus de
2:: ans, de l&4cosse ( la Erans!lvanie et de l&Dspagne ( la [inlande 6...8 et qui
trouvent leur origine dans diverses circonstances $istoriques, lesquelles
re"l+tent galement des cro!ances sorci+res, particuli+res au3 di""rentes
rgions du continent 6...8. La c$asse au3 sorci+res "ut une entreprise
e3tr'mement comple3e 6...8 qui implique autant les classes cultives que les
gens du commun. Iendant un temps, elle "ut le re"let et des ides populaires et
des ides des lites en mati+re de sorcellerie. Dlle a des dimensions tant
religieuses que sociales et a t conditionne par une varit de "acteurs
politiques et *uridiques. <n ne sera pas surpris, de ce "ait, que les e3plications
univoques du p$nom+ne ont t singuli+rement non convainquantes, sinon
enti+rement "ausses Z 6pr". ( l&d. italienne de l&ouvrage cit, pp. \AA5\AAA8.
UUU
0ne vision globale
Eoutes ces interprtations se valent, ont une valeur quivalente, ont t
ta!es par des observations et des tudes attentives et quali"ies. Cais, bien
qu&elles soient di""rentes les unes des autres, elles ont toutes une c$ose en
commun : elles p+c$ent par rductionnisme et tentent de rduire l&ampleur
d&une ralit pourtant si vaste et si comple3e : car telle "ut la sorcellerie dans
l&Durope du mo!en5Sge et de l&+re moderne. P nos !eu3, pourtant, cette
sorcellerie n&est qu&une des "acettes possibles d&une prisme qui reste
enti+rement ( d"inir.
?ous allons d&abord c$erc$er ( voir comment c$acune des $!pot$+ses,
avances ci5dessus, pourrait 'tre lue dans un cadre plus gnral : celui des
rapports entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel, entre it des $ommes et
it de Oieu 6118.
omme nous pouvons le noter, *usqu&au _A\e si+cle, c&est5(5dire *usqu&( la
naissance des 4tats nationau3 et au dclin de cette instance europenne
qu&tait le @aint5Dmpire romain de la ?ation 7ermanique, il n&! avait
apparemment pas de "ractures insolubles entre l&4tat et l&4glise : mis ( part
l&pisode de la querelle des investitures 61/8, qui a certes t tr+s grave, le
tissu social de l&poque est encore su""isamment lastique pour absorber les
invitables contre5coups provoqus par l&a""rontement entre les / grands
pouvoirs complmentaires que se partageaient le sort des peuples.
Dnsuite, en plein _A\e si+cle, une srie de blocages s&instaurent. O*( en 12:1,
le curialiste Dgidio Vomano, p$ilosop$e et t$ologien, publie son Trait, sur le
pou.oir de l)Vglise& et ! soutient la suprmatie du Iape sur les Irinces. Dn
12:/, le Iape >oni"ace \AAA proclame la suprmatie de la papaut sur les
pouvoirs temporels, en proclamant la >ulle 2nam San"tam. Dn 12:2, le Voi de
[rance I$ilippe le >el rpond par l&outrage d&9nagni, ( la suite duquel meurt
>oni"ace \AAA. >eno;t _A lui succ+de pendant une br+ve priode, mais meurt
opportunment en 12:N. Ammdiatement apr+s son dc+s, la papaut revient (
l&arc$ev'que de >ordeau3, persona grata aupr+s de la monarc$ie "ranRaise. Al
reste en [rance, m'me apr+s avoir accd ( la dignit ponti"icale. 9pr+s lui,
c&est au tour de lment \, pur [ranRais, qui, $omme pratique, ne dmnage
pas ( Vome et installe ( 9vignon le si+ge de la Iapaut. ommence alors la dite
`captivit avignonaisea qui durera *usqu&en 1277 6( l&e3ception d&une br+ve
parent$+se entre 12./ et 127:, sous 0rbain \8. Osormais, l&autorit impriale
est remise en question et, en 121N, deu3 empereurs sont lus simultanment :
Louis le >avarois et [rdric d&9ugsbourg, qui s&a""rontent pendant 1 annes.
9vec "orces e3communications et dpositions rciproques, le Iape et
l&Dmpereur continuent ( s&a""ronter, *usqu&en 1271, o) un anti5Iape "ranRais
6lment \AA8 est lu et s&oppose au ponti"e lgitime 0rbain \A. Le 7rand
@c$isme d&<ccident a commenc.
L&ennemi ob*ecti"
Le 7rand @c$isme d&<ccident est une priode calamiteuse pour la papaut :
l&autorit du vicaire du $rist sur la Eerre est lourdement remise en question B
plus personne ne prend rellement au srieu3 ses menaces d&e3communication
ou ses e3communications e""ectives. Les tensions sociales s&e3acerbent au point
que les populations se proccupent davantage de la mis+re matrielle en ce
monde que de la spiritualit de l&autre monde. Les rois et les empereurs
pr"+rent s&a""ronter pour des questions de pouvoir plutLt que pour des r+gles
de "oi. L&di"ice cat$olique est en pril : il "audra attendre 1N17 pour que
s&amorcent les premi+res tentatives de rgler le 7rand @c$isme. ette anne5l(
s&ac$+ve le oncile de onstance, qui obtient / rsultats : l&lection de Cartin \
et la proclamation de la lutte contre les $rsies. e n&est pas un $asard.
Vetournons au _AAAe si+cle : les premi+res annes de cette poque sont ric$es en
proccupations pour Annocent AAA 6128, oblig de combattre de nombreu3
ennemis, ( l&intrieur et ( l&e3trieur de l&4glise romaine. Le @aint5@pulcre est
encore au3 mains des `An"id+lesa et, en 1/:/, le Iape appelle ( une nouvelle
croisade 6la quatri+me8 pour en "inir avec ces incertitudes en terre de
Ialestine. Iendant ce temps, en 7ermanie, le 7ibelin I$ilippe de @ouabe et le
7uel"e <t$on de >runs-ick se disputent le trLne. Cais en 1/:1, le @ouabe est
assassin et le 7uel"e devient Dmpereur. Le premier geste pos par le nouveau
souverain, en 1/:9, est un dsastre : par le Iacte de @pire 6@pe!er8, <t$on A\
ose revendiquer des droits sur tous les territoires de la Iapaut et sur la @icile.
9u m'me moment, en <mbrie, un pr'tre encore inconnu, un certain [ranRois,
nati" d&9ssise, donne ( un groupe de ses disciples les premi+res r+gles de son
<rdre B en [rance, les 9lbigeois osent d"ier le pouvoir de Vome. Cais Annocent
AAA ne se laisse pas dmonter : il s&in"orme sur ce [ranRois, qui semble 'tre sur la
voie de l&$rsie, et, pour ne laisser aucune quivoque, ordonne le lancement
d&une croisade contre les $rtiques de [rance. Dn 1/1:, il e3communie <t$on
et lui oppose son pupille [rdric de @ouabe 6le "utur Dmpereur [rdric AA8,
d*( Voi de @icile. Le Iape reRoit ensuite [ranRois d&9ssise et accepte
verbalement les r+gles "ranciscaines. Dn 1/15, il convoque le oncile du Latran
A\, o) il condamne o""iciellement les at$ares et les \audois 61N8. Al meurt en
1/1..
Le bras de "er entre l&4glise de Vome et les `$rtiquesa continue *usqu&en
1//9, quand le Voi de [rance Louis A_ 6@aint5Louis8, par le Erait de
Ceau3QIaris, au cours d&une crmonie solenelle le *eudi saint 1/ avril, oblige
le omte Va!mond de Eoulouse ( "aire pnitence publiquement, sanctionnant
de la sorte la reddition inconditionnelle des `$rtiquesa et la victoire de Vome
et de la [rance, sa `"ille privilgiea. Les at$ares rsistent encore dans les
campagnes pendant quelques annes. Dn 1/21, le Iape 7rgoire A_ institue
l&Anquisition Japr+s une lente maturation, cette institution piscopale est o""iciellement dote
d&une "onction rpressive pour dans un premier temps contrebalancer la violence arbitraire des
princes qui consid+rent l&$rsie, en recrudescence depuis le milieu du _AAe si+cle, comme
crime de l+se5ma*est : c". L)3n4uisition, JI Oedieu, er", 1917K et la con"ie au3 <rdres
mendiants, en particulier au3 Oominicains. Dn 1/2/, l&Anquisition dispose de
tribunau3 spciau3 J1/22 en [ranceK.
L&anne suivante, en 1/22, 7rgoire A_ dicte la premi+re bulle de l&$istoire
contre les sorci+res, la 'o+ in Roma. Dn 1/5N, les tribunau3 spciau3 de
l&Anquisition reRoivent l&autorisation de "aire usage de la torture au cours des
interrogatoires. Dn 12:7, l&Anquisition ordonne la capture, la torture et l&envoi
au bHc$er de l&$rtique [ra Oolcino B avec lui, meurent tous ses disciples et sa
compagne, Carg$erita de Erente. P la m'me poque, l&4glise commence (
s&intresser un peu trop au3 Eempliers : en 1211, depuis 9vignon, le Iape
lment \ convoque le oncile de \ienne qui se penc$e e3plicitement sur le
probl+me de l&<rdre guerrier et se conclut par sa dissolution. Al est accus
d&$rsie. L&immense patrimoine des Eempliers "init dans les caisses vides de la
ouronne "ranRaise. Muelques annes plus tard, en 12/., tou*ours depuis
9vignon, Jean __AA lance une bulle contre la sorcellerie, la bulle dite Super
illius spe"ula. Y &est *ustement lui qui a lanc cette bulle, alors qu&il
s&intressait lui5m'me au3 pratiques magiques, apr+s avoir c$oisi le nom du
premier pape mort assassin 6Jean \AAA, 11/8 et du premier pape lu ( l&Sge de
11 ans et dont la vie tait si dissolue qu&elle s&est termine pendant qu&il "aisait
l&amour 6Jean _AA, 9.N8 Z 6158. ette bulle de Jean __AA prouve que l&4glise se
proccupait et s&inquitait de la vitalit d&une culture alternative, di""rente,
de celle, o""icielle, de l&4glise.
@i nous comparons les vnements et les dates, il apparait vident qu&entre le
_AAAe et le _A\e si+cles, l&4glise de Vome, apparemment monolit$ique, dresse
comme une tour si solide qu&elle semble ne *amais devoir crouler, est en ralit
travaille par les prodromes de la grande crise qui e3plosera avec le oncile de
Erente : la puissance temporelle de l&4glise cro;t mais n&est pas ta!e par
ailleurs par une croissance quivalente d&ad$sions spirituelles. Les "roces
rpressions qu&organise l&4glise ne sont pas des preuves de sa "orce, loin s&en
"aut, mais, au contraire, des preuves de sa "aiblesse pro"onde : elle additionne
les rprouvs 6Eempliers, sorci+res, $rtiques8 et les *ette tous dans le m'me
c$audron, tant les masses sont crdules et na]ves. elles5ci sont appeles (
e3crer publiquement ces rprouvs, ( alimenter le "eu des bHc$ers et a
accepter les nouveau3 instruments du pouvoir.
Dn termes moins potiques mais plus sociologiques, c&est l&poque o)
l&institution cat$olique se sert des dviances minoritaires pour obtenir /
rsultats tr+s importants pour elle, permettant sa propre survie et sa propre
e3pansion : ren"orcer sa co$sion interne en agitant le mirage d&un unique
grand ennemi e3trieur ^ @atan et ses adeptes ^ et dmonter sa propre et
terrible puissance, pour intimider tous ceu3 qui seraient ventuellement mal
intentionns ( son gard.
Muestions et rponses 6possibles8
ette stratgie a port ses "ruits. Al nous reste ( poser quelques questions, N en
particuler, qui ( notre avis sont pertinentes et sont "ortement lies entre elles,
contrairement ( ce qu&une lecture trop super"icielle pourrait le "aire accroire :
1. Iourquoi la sorcellerie a5t5elle t un p$nom+ne "minin pour une tr+s large
part F
. Iourquoi les sorci+res ont5elles tou*ours t mises en relation avec le monde de
la nature et avec les animau3 F
!. Iourquoi, pratiquement partout o) elle s&est mani"este, la sorcellerie s&est5elle
superpose au3 $rsies pour "inir par co]ncider avec elles F
+. Muel "ut le rLle de la pense des Lumi+res dans la c$asse au3 sorci+res F
?aturellement, nous n&avons pas la prtention, ici, de donner des rponses
compl+tes et e3$austives : nous voulons *eter le "erment du doute dans les
esprits a"in qu&ils se mettent ( rviser le p$nom+ne tout entier de la
sorcellerie.
1 c / : @orcellerie, "minit, nature et animau3.
Oans cet e3pos, nous *oignons les / premi+res questions en une seule parce
qu&elles sont conne3es. e que nous allons dmontrer. omme nous l&avions
d*( not, les mouvements "ministes se sont d*( prononcs avec une duret
e3tr'me et des accents dconcertants sur la `"minita de la sorcellerie 61.8.
es mouvements "ministes ont vu dans la c$asse au3 sorci+res une n5i+me
mani"estation de la prvarication masculine millnaire.
L&interprtation "ministe du p$nom+ne est *uste sur un
"ait : les statistiques rcentes, englobant tous les pa!s europens, indiquent Y
que sur le total des personnes *uges 6environ 1::.:::8, les "emmes sont pr+s
de 12 l Z. La dnonciation mac$iste des sorci+res la plus cl+bre est le ?alleus
malefi"arum 6Le ?arteau des sor"i7res, rdig par / dominicains allemands,
,einric$ Anstitor et Jacob @prenger en 1N1., ndlr8 qui "ut imprim 1N "ois de
suite *usqu&en 15/1, puis 15 "ois de 15/1 ( 157., en utilisant bien dans son
titre la "orme "minine de malefi"arum et non la "orme masculine de
malefi"orum 6178. Al nous reste ( comprendre pourquoi les rapports entre les
se3es, ( un certain point de l&$istoire de l&$umanit, taient devenus si
con"lictuels, aussi radicau3 et vidents.
Iremi+re c$ose ( noter : dans les cultures non c$rtiennes, il n&! a pas de
dic$otomie comme bienQ$omme ^ malQ"emme, du moins sous une "orme aussi
nette et irrductible. ?ous pensons, en termes actuels, au3 diverses cultures
que nous ont rvles les et$nologues, o) appara;t et se pro"ile tr+s nettement
la "igure e3clusivement masculine du tri"kster& c&est5(5dire du "ilou et du
tra;tre 6en un certain sens, c&est aussi le rLle que *oue Loki dans la m!t$ologie
germanique8. Dn"in, pour ne citer que des e3emples classiques, songeons au3
innombrables divinits "minines qui animent les religions prc$rtiennes d&un
bout ( l&autre de l&Durasie. Dn somme, cette vision manic$ienne des se3es, de
leur non5complmentarit et de leur opposition irrductible semble driver en
droite ligne de la eltans"hauung *udo5c$rtienne. ?ous savions que le
c$ristianisme des origines 6118, ( la suite du message personnel de Jsus 6la
bonne @amaritaine, Carie5Cadeleine qui s&amende, la "emme adult+re sauve
de la lapidation, etc.8, rserve au3 "emmes une position tout ( "ait respectable,
du moins *usqu&( la rvision opre par @aWl de Earse 6@aint5Iaul8 6198. ette
rvision s&est rvle par la suite plus "ondamentale dans les dveloppements
"uturs que le prdication solitaire et courageuse de Jsus en terre de Ialestine.
9vec @aWl de Earse, au contraire, la "emme cesse d&e3ister en tant que telle :
dans les crits de cet apLtre, apparaissent certes des pouses, des "illes, des
veuves, mais toutes sont d"inies par rapport ( l&$omme. e n&est que dans la
%remi7re #pitre / Timoth,e qu&appara;t un paragrap$e ddi au Y
comportement des "emmes Z 6/, 95158 : elles doivent Y 'tre v'tues avec
dignit, pares avec modestie et pudeur Z, et elles doivent couter Y
l&instruction JreligieuseK en silence, pleinement soumises Z B ensuite, les
"emmes ne sont pas autorises Y ( enseigner et ( donner des lois ( l&$omme Z,
mais rester en pai3. Oans la tradition *udo5c$rtienne, c&est Y 9dam qui a t
"aRonn le premier par Oieu et puis seulement hve B ce ne "ut pas 9dam qui "ut
sduit, mais ce "ut la "emme qui, sduite, se rendit coupable de la
transgression. Eoute"ois la "emme sera sauve par l&preuve de la maternit,
ensuite elle persv+rera par la "oi, la c$arit et la saintet, dans la discrtion Z.
<n voit tr+s nettement se pro"iler l&unique et seul pc$ originel de la "emme :
avoir souill, pour avoir succomb ( la tentation de @atan, l&Sme immortelle de
l&$omme. e pc$ est pratiquement impossible ( e3pier 6sinon par le
truc$ement d&une maternit si possible di""icile et douloureuse8. Al est detin (
devenir une ine""aRable marque d&in"Smie, pour les si+cles des si+cles et pour
toutes les gnrations ( venir. Les I+res de l&4glise 6et nous rappellerons
surtout les crits d&9ugustin d&,ippone8 n&ont eu de cesse de stigmatiser la
"emme et ses "autes avec une "rocit qui trouvera une application concr+te
lors des interrogatoires Gls des inquisiteurs 6/:8.
La maternit comme voie de salut est donc la seule issue qui restait ( la "emme.
e n&est donc pas un $asard si l&<ccident c$ristianis n&a reconnu que / voies de
ralisation pour la "emme : 'tre m+re ou 'tre nonne. Cais attention : 'tre
m+re, oui, mais seulement dans les liens bnis du mariage B si tel n&tait pas le
cas, la "emme tait montre du doigt, anat$mise pour son `dvergondagea.
Oe plus, il "allait 'tre m+re dans la douleur, avec $umiliation, en niant
compl+tement sa propre "minit : nous avons a""aire l( ( un processus
d&e3clusion qui marque encore pro"ondment de larges segments de la
mentalit "minine.
e n&est pas un $asard non plus si l&iconograp$ie traditionnelle reprsentant des
sorci+res leur donne une t!pologie bien distincte : ce sont de vieilles "emmes
ou des "uries, tou*ours striles et non plus m+res, d&une part 6/18, d&autre part,
la *eune "ille en "leurs, belle parce que *eune et ric$e de potentialits
inquitantes parce qu&elle n&est pas en"ore m+re 6//8. ?aturellement la @ainte5
Anquisition n&a pas "ait dans le subtil et s&est penc$e sur les cas de "emmes de
tous Sges : ( @alem, une en"ant de N ans est *ete en prison 6/28 et, en 1515,
deu3 villages des environs de Er+ves "inissent par ne plus compter c$acun qu&un
seul $abitant de se3e "minin : toutes les autres "emmes ont t emprisonnes
ou *uges pour sorcellerie 6/N8.
Vevenons au c$ristianisme des origines, plus e3actement au paulinisme.
Iourquoi un tel ac$arnement ( l&encontre du se3e "aible F L&9ncien Eestament
ne "ourmille5t5il pas de "igures $ro]ques "minines et de "emmes prsentes
sous un *our tr+s positi" F Er+s probablement, l&norme importance attribue
par les religions prc$rtiennes au3 cultes "minins peut nous "ournir une cle"
de lecture : la survivance intacte et massive de ces cultes dans les Gones rurales
^ c&est5(5dire paWennes dans le sens o) paWen a d&abord signi"i pa!san Jpaganus
en latin : campagnardK ^ et l&quation vidente `"emme q "condita,
e3pliquent pourquoi l&4glise s&est proccupe pro"ondment de cette "orce du
se3e "minin : *ustement, du "ait que que cette religiosit pa]enne, tellurique
et "minisante conservait intacts des liens avec le pass, la nouvelle religion
d&inspiration paulinienne devait l&liminer ( tout pri3 6/58.
Iassons au3 liens qui unissent la "emme et la nature. e n&est un m!st+re pour
personne que la "emme est constitutionnellement plus proc$e de la nature que
l&$omme : la "emme est elle5m'me nature, dans le bien comme dans le mal.
Oepuis tou*ours, la "emme s&occupent des malades et des "aibles, elle participe
au3 m!st+res de la vie et de la mort, elle connait les plantes et les animau3 :
Y L&antique identit de la nature comme m+re nourrici+re lie l&$istoire des
"emmes ( l&$istoire de l&environnement et des c$angements cologiques. Le
terre "minine est centrale dans la cosmologie organique, battue en br+c$e par
la rvolution scienti"ique et par l&av+nement d&une culture oriente sur le
marc$, qui sont ( l&origine de l&Durope moderne Z 6/.8.
Le rLle de la "emme est inalinable et ne peut se substituer ( l&$istoire de
l&$omme, de l&$umanit au quotidien :
Y La magie des $umbles "onctions "minines est l&art "minin d&apprendre par
analogie les "hoses 4ui ne peu.ent se "omprendre et de les rendres aptes ( la
vie. es magies se rv+lent par les trans"ormations p$!siologiques qui, dues au3
menstruations qui "orment, et en partie trans"orment : elles sont perRues
commet de secr+tes initiations "minines. Dnsuite, elles se mani"estent sous
"orme de "onctions ou d&obligations maternelles, comme "aire le mnage, "aire
sa toilette, nourrir la "amille, toutes activits que l&on s!mbolise par des
r!t$mes et des reprsentations vgtales 6le c!cle agraire annuel est ( la base
du m!t$e de la vierge et de l&en"ant divin qui nait, meurt et ressuscite au cours
de l&anne8. Dn "in de compte, il e3iste un r!t$me europen tout ( la "ois
agricole et "esti" qui constitue la trame pro"onde de cette culture, qui est (
l&origine e3clusivement pa!sanne 6...8. Eout comme leurs coll+gues du pass, les
rudits modernes ont oubli les "emmes. ,eureusement, les desses, les "es,
les m+res locales, places sur un trLne ou classes sous les rubriques `religiona
ou `superstitiona, ne cessent d&'tre cites. Dlles m&ont permis de retrouve une
"orme "minine arc$t!pale : la vierge m+re, desse de la vgtation et de la
"condit Z 6/78.
Dt, parado3alement, c&est *ustement ce prcieu3 courant de magie du savoir et
du "aire qui est devenu "ardeau au cours des si+cles au lieu de rester un
bagage. Dt cela s&observe tant sur le plan culturel que sur le plan social B les
catgories mentales *udo5c$rtiennes laissent un signe indlbile :
Y La nature comme dsolation, comme lment important dans la tradition
$bra]que5c$rtienne, tait un lment central dans les interprtations vtro5
testamentaires o) le dsert est le pa!sage arc$t!pal 6...8 L&e3pulsion $ors du
paradis terrestre vers un pa!sage incultivable et dsol "ait l&quation entre le
dsert et le mal, introduit dans le monde quand hve a cd ( la tentation du
serpent 6...8. Iar contraste avec la tradition grecque, qui tend ( souligner la
bienveillance de la nature, la tradition $bra]que voit celle5ci comme un espace
qui doit 'tre vaincu et soumis Z 6/18.
9vec la pntration de plus en plus pro"onde de la mentalit c$rtienne dans le
tissu social europen, au dbut de l&+re moderne, on a vu merger et s&a""irmer
l&image d&une nature comme Y espace dsordonn et c$aotique qu&il "aut
soumettre et contrLler 6...8 B la nature sauvage est incontrLlable et a t
associe ( la "emme. Eant l&image de la nature que celle de la "emme poss+dent
/ "aces distinctes. Le n!mp$e vierge o""re la pai3 et la srnit, la terre5m+re
o""re la nourriture et la "ertilit, mais la nature apporte aussi des pidmies,
des putr"actions et des temp'tes. Oe la m'me "aRon, la "emme sera soit vierge
soit sorci+re 6...8. La sorci+re, s!mbole de la violence de la nature, suscite des
temp'tes, cause des maladies, dtruit les rcoltes, emp'c$e la procration et
tue les en"ants en bas Sge. Dnsuite, la "emme est dsordonne, comme la
nature est c$aotique, donc elle doit 'tre soumise et contrLle. Iarall+lement,
le vieil ordre organique dela nature dans le cosmos, dans la socit et dans
l&intriorit du moi a cd s!mboliquement le pas ( un dsordre provoqu par
les dcouvertes de la `nouvelle sciencea, par les bouleversements sociau3 de la
V"orme et par le dc$a;nement des passions animales et se3uelles des gens.
Oans c$acun de ces trois domaines, le s!mbolisme et les activits "minines
sont signi"icati"s Z 6/98.
Le cadre est pratiquement complet : pour ce qui concerne la "amiliarit des
sorci+res avec le diable et les animau3, rappelons que le terme strega 6sorci+re
en italien8 drive du grec sti+ 6gniti" : strigXs B accusati", striga B latin, sti+8,
qui, ( son tour, drive d&une racine5onomatope indo5europenne Ystreig, que
l&on retrouve par e3. dans le verbe latin stridere : ce terme indique, tant en
grec qu&en latin, le cri des oiseau3 nocturnes et des rapaces en gnral.
9*outons que l&animal sacr de Iallas 9t$na est la c$ouette, assimile ( tous
les rapaces nocturnes et porteuse de valeurs ngatives, d+s le dclin du
paganisme antique. Al "aut se rappeler que toutes les religions pr5c$rtiennes
connaissaient des animau3 totmiques. Le pant$on de l&Durope germanique
n&c$appe pas ( la r+gle. Al a t le plus durement "rapp par la c$ristianisation
"orce au cours du \AAAe si+cle. Oans ce pant$on, la desse [re!a se dplace
dans un c$ar tir par des c$ats. <r le c$at, considr comme l&animal par
e3cellence des sorci+res, "ut pour cette raison victime pendant des si+cles de
perscutions odieuses et "roces.
Dn ultime instance, rappelons en quelques mots que la position o""icielle de
l&4glise "ace au Oiable est la suivante : @atan table sur l&aspect animal de
l&$omme 6pour cette raison, il se mani"este ( l&$omme sous la "orme d&animau38
62:8. Le cercle est boucl.
K 28 ?ous avons vu que les "aits et les
condamnations relati"s au3 diverses $rsies et ( la sorcellerie se rp+tent
rguli+rement dans les m'mes moments et les m'mes lieu3. Iour 'tre prcis,
ce n&est pas, ob*ectivement parlant, les $rsies et la sorcellerie qui se
superposent et se con"ondent : ce sont au contraire les accusations qui
s&entrem'lent et surtout les rapports qu&en donne l&4glise. 9insi, l&4glise assimile
volontiers $rsie et sorcellerie, de "aRon telle qu&il n&a plus t possible de les
distinguer : pour conditionner la population ( vouloir anantir les sorci+res, on
accuse celles5ci d&'tre des $rtiques et, pour obtenir l&limination des
$rsies, on accuse les $rtiques de commerce avec @atan et de pratiques
magiques, au point que Y l&on se trouve con"ront ( une succession de
campagnes visant une e3termination de masse et terrorisant des populations
enti+res. <n doit en dduire que ces campagnes voulaient en "ait dtruire les
personnes qui taient les opratrices bien"aisantes de la magie blanc$e, et
qu&on tentait de soustraire au3 massacres indistincts que voulaient perptrer
les perscuteurs Z 6218.
Eentons de clari"ier la question en prsentant quelques e3emples pars : (
propos des at$ares, certains observateurs ont soutenu que leur nom avait un
rapport t!mologique avec le mot "atus& et qu&ils taient donc des $rtiques Y
adorateurs de cet animal diabolique qu&tait le c$at au Co!en ege 6du reste, on
accusait cet animal de commettre les pires nuisances et de pratiquer la
sorcellerie8 Z 62/8. 9lain de L&Asle 6ou : de Lille8, p$ilosop$e et docteur, qui a
vcu au _AAe si+cle, rdige 0e fide "atholi"a "ontra haereti"os 60e la foi
"atholi4ue "ontre les h,r,ti4ues8. Oans ce te3te, il donne comme t!mologie
"antaisiste de (athare Jdu grec "atharos : purK le terme "atus& Y parce qu&on dit
qu&ils baisent le derc$e d&un c$at, "orme animale sous laquelle leur appara;t
Luci"er Z 6228. La pratique du `baiser in"Smea sur les parties postrieures d&un
c$at, d&un bouc ou de @atan lui5m'me a t galement attribue plus tard au3
Eempliers, prcisment ( l&poque o) ils tombent en disgrSce. <n attribue
galement des pratiques se3uelles contre nature au3 sorci+res, au3 $rtiques
et au3 Eempliers. Al ne s&agissait pas tant de dnoncer la "rnsie se3uelle des
rprouvs, o) la promiscuit 6qu&on leur attribuait nanmoins8. [rnsie et
promiscuit ne sont pas considres comme des traits caractristiques de ces
minorits `dviantesa, mais, dans une socit se3op$obique comme la socit
c$rtienne du Co!en ege, la morale se3uelle tait devenue pratiquement la
seule morale possible 62N8. Oe ce "ait, l&accusation la plus in"Smante et la plus
rellement criminalisante reposait sur la transgression se3uelle. Oans le Co!en
ege c$rtien, on n&oublie pas l&antique ressentiment ( l&endroit des coutumes
pa]ennes, depuis tou*ours ta3es d&immoralit.
Cais il "aut a*outer que les $rsies c$rtiennes ont poursuivi gnralement les
m'mes ob*ecti"s que l&ort$odo3ie c$rtienne :
Y les deu3 "ilons voulaient tourner le dos au monde pervers, avancer vers
l&immatriel en "u!ant le mal, le c$arnel : cette perspective n&tait pas
di""rente de celle du mouvement monastique, sau" qu&elle re"usait de s&inscrire
dans le cadre de l&4glise 6...8. Le mal reposait dans la se3ualit, tant pour les
uns que pour les autres, et le mariage, que les $rtiques condamnaient de
mani+re encore plus radicale, leur inspirait le m'me dgoHt 6...8. Les
$rtiques taient persuads que l&tat matrimonial emp'c$ait de s&envoler
vers la lumi+re. Als se prparaient au retour du $rist et imaginaient pouvoir
abolir toute "orme de se3ualit. Oans un tel esprit, certains $ommes ont
accueilli aupr+s d&eu3 des "emmes en les traitant en gales et en prtendant
vivre avec elles, unis seulement par la "aritas& qui, au paradis, unit les 'tres
clestes dans une puret absolue, comme s&ils taient "r+res et s%urs. ette
perspective "ut sans doute celle qui causa le plus grand scandale, car elle
$eurtait de "ront la pierre angulaire de la socit 6...8. @urtout, les dtracteurs
de l&$rsie ta3aient d&$!pocrisie le re"us de l&union se3uelle au milieu d&une
telle promiscuit 6...8. Als pensaient qu&il s&agit d&une imposture et que ces &purs&
s&abandonnaient en ralit au stupre. Loin des regards indiscrets, dans
l&obscurit des bois, site o) peut se dplo!er la "rie, apanage des "emmes, l(
se pratique la communaut se3uelle Z 6258.
?otons le retour de la "or't, lieu numineu3 et magique par e3cellence, central
dans les religions prc$rtiennes. Iour cette raison, la "or't est crainte et $a]e
par le c$ristianisme, qui s&est principalement proccup de dboiser et de
cultiver, pour c$asser des arbres et des cours d&eau les dangereu3 dmons du
paganisme : la culture devait rdimer la nature.
K N8 \iennent ensuite les rapports entre p$ilosop$ie des Lumi+res et
sorcellerie, autre point nodal ( a""ronter, non encore rsolu. ?ous nous
limiterons ( le traiter en ses points principau3, vu l&ampleur et la comple3it de
cette t$matique.
@ur le plan purement t$orique, on pourrait penser que la p$ilosop$ie des
Lumi+res bala!erait les superstitions obscures et les bigoteries passistes, a
arr't la lutte contre les sorci+res et a mis un terme une "ois pour toutes au3
malentendus et au3 d"ormations. Al n&en est rien. Dn pratique, c&est au si+cle
des Lumi+res que la controverse sur la sorcellerie a atteint des sommets asseG
levs : le . avril 17/N, dans une @icile momentanment sous domination
autric$ienne 6apr+s les Eraits d&0trec$t de 1712 et de Vastatt de 171N8, [r+re
Vomualdo et @%ur 7ertrude meurent sur un bHc$er, pigones mal$eureu3 de
l&$rsie quitiste5moliniste 62.8. La derni+re sorci+re, @%ur Caria Venata est
brHle en 9llemagne le /1 *uin 17N9, date c$arge de sous5entendus pa]ens B
Dmmanuel Kant a /5 ans et 7ott$old Dp$ra]m Lessing, /: ans. La m'me anne,
l&Atalien 7irolamo Eartarotti 617:.517.18 crit 0el "ongresso notturno delle
Lammie, ouvrage dans lequel il "ulmine contre les proc+s de sorcellerie.
@cipione Ca""ei lui rpond dans 5rte magi"a dileguata, ce qui donne lieu ( une
Spre polmique sur la ralit des p$nom+nes magiques et de la sorcellerie.
Coins de di3 annes apr+s, en 1751, l&#n"y"lop,die de Oiderot et de d&9lembert
est traduite en Atalie et imprime ( Lucca. Dn 17.N, le Cilanais esare >eccaria
617215179N8 crit 0ei delitti e delle pene, courageu3 pamp$let qui, selon la
tradition, a annonc le dclin, mais non la disparition, de la peine de mort. Cais
les c$i""res dmentent tout optimisme : avant 17.N, les e3cutions dans la
seule ville de Cilan ne dpassaient pas le c$i""re de 1/ par an B apr+s 17.N, et
pour 'tre prcis, en 17.5, on compte ( Cilan /2 personnes pendues,
dcapites, strangules, etc.
Cais le plus parado3al de tous a t Jean >odin, `grand penseur politique de
l&4tat modernea, mais, en m'me temps, rdacteur d&un manuel destin ( la
*ustice et visant la torture et l&e3termination des sorci+res : 0,monomanie des
sor"iers.
Dn ralit, il n&est gu+re di""icile de comprendre les raisons avances par
l&idologie des Lumi+res contre la magie et la sorcellerie : beaucoup de
c$erc$eurs reconnaissent au*ourd&$ui, bien qu&avec peine encore, que le
s!st+me mental collecti" de cette poque a dvelopp de mani+re anormale ses
propres d"enses contre tout "ait ou toute personnalit qui c$appe au3 r+gles
de la raison. 0n si+cle avait pass depuis que Iascal avait crit que Y le c%ur a
ses raisons que la raison ne comprend pas Z : parado3alement, le rationalisme
`mtap$!sicisea Jou absolutiseK la `raisona, il la rend idale 6au sens
platonique8 et omnipotente, il identi"ie ses adversaires ( la sauvagerie, la
barbarie et la "olie 6298. Al propose certes d&ouvrir une +re nouvelle de lumi+re
et de clart, en opposition au3 `si+cles sombresa qui ont oppress et abruti
l&$umanit Jle t$+me de l&obscurantisme ^ maintenir un peuple dans l&ignorance
crasse pour mieu3 le dominer ^ attribu ( tort au Co!en ege date de cette
priodeK .
L&idologie des Lumi+res ^ indpendemment des causes et des ralits
ob*ectives propres ( des p$nom+nes semblables ^ stigmatise la magie et la
sorcellerie en dcrtant qu&elles sont le produit t!pique d&une certaine
mentalit obscure et irrationnelle. Al *uge donc logique de c$erc$er ( vacuer,
m'me, s&il le "aut, d&une "aRon radicale, les quivoques et les superstitions,
n"astes pour ses propres victimes. Ou reste, les personnes accuses de
sorcellerie ou de pratiques magiques sont soit des `"omentatricesa de
superstitions stupides soit des malades irrcuprables : dans les / cas, il "aut les
liminer. La mentalit des Lumi+res va de pair avec la rvolution scienti"ique et
avec la naissance des tec$nologies. omme on peut le remarquer, tous les
vnements qui sanctionnent la "racture ingurissable entre la nature et la
culture ou l&orientation ant$ropocentrique du monde 6dont les origines se
situent dans l&ancien Eestament8, la conviction pro"onde que la nature n&est
qu&un *eu de mcanismes que l&$omme peut dmonter et remonter selon son
bon plaisir 6N:8. ?ous portons encore les traces de cette mentalit.
Dn outre, nous savons que `le dsir de raisona, qui s&est dc$a;n au si+cle des
Lumi+res et a culmin dans les massacres de 1792 6ndt : application de la
tactique meurtri+re de la `dpopulationa, soit de l&limination des personnes
qui re"usaient de se laisser encadrer dans des sc$mas politiques abstraits8 a
connu quelques e3c+s spectaculaires : nous songeons au culte de la Oesse
Vaison, qui a tent de remplacer en tout et pour tout les cultes cat$oliques
traditionnels. <n comprendra d+s lors pourquoi l&idologie des Lumi+res a perRu
dans les pratiques magiques des mani"estations de pure irrationalit, s&opposant
"ondamentalement au dsir rationaliste et scientiste de "aire place nette et
d&liminer tout se qui c$appait ( l&emprise de l&intellect `lucidea.
@i nous voulions tout ( la "ois nous montrer malins et simplistes, nous pourrions
dire que la bont et la vrit de l&idologie des Lumi+res sont devenues les
dogmes "ondateurs de la civilisation occidentale : il est dsormais impossible et
inou] d&oser soutenir que l&idologie des Lumi+res a t une idologie comme
tant d&autres, dans le bien comme dans le mal, ou bien d&avancer l&$!pot$+se
que l&idologie des Lumi+res perscute et oppresse galement les minorits,
voire de prtendre retrouver le bois dont on "ait les potences dans les pages de
l&#n"y"lop,die...
?aturellement, nous n&avons pas voulu proposer une tude e3$austive de la
t$matique de la sorcellerie, mais, rptons5le, nous esprons avoir contribu (
"aire c$anger les perspectives de nos contemporains et auditeurs sur une
question encore insu""isamment inconnue, "conde de rec$erc$es "utures. 6278.
?ous avons donc d&un cLt, un penseur ouvert et tolrant en mati+res
religieuses, un prcurseur de l&conomie politique, un anal!ste prcis de la
socit de son temps, et, de l&autre, le perscuteur dc$a;n et cruel d&$ommes
et de "emmes na]"s mais certainement innocents. L&$istoriograp$ie a eu
beaucoup de di""icults pour concilier les / "acettes si di""rentes de la m'me
personne, recourant au3 interprtations les plus disparates et les plus
"antaisistes, constuites sur des manipulations des dates biograp$iques 6218.
Alessandra )olla! re$ue Vouloir n-3@CB3@A ! 344/5
(3onJ$ren>e pronon>$e &ors de &a .9re uniCersit$ dA$t$ de &a FA3E! "roCen>e! 1991)
K ?otes :
618 ?otons au passage que la ma*eure partie de ces cultes, qui sont tous
discutables, proviennent de l&<ccident le plus tec$nologis et notamment des
4tats50nis. &est surtout de ali"ornie, d&o) nous viennent tant d&autres modes,
qu&arrivent dans le \ieu3 Conde des mots d&ordre p$m+res mais vaguement
inquitants. 9nal!ser le p$nom+ne du New 5ge mriterait plus d&une tude,
car en lui se re*oignent l&astrologie et l&cologisme, le paci"isme mi+vre et
l&coumnisme ( bon marc$, le millnarisme et le messianisme, l&<rient et
l&<ccident, en une sorte de s!ncrtisme plantaire qui ne serait plus seulement
spirituel mais idologique, une sorte de `mondialisme de l&esprita.
6/8 ". 9. >esanRon, Y Le premier livre de La Sor"i7re Z, in 5nnales nbN c
5Q19.9. it dans 7. 7alli, O""idente misterioso. ba""anti& gnosti"i& streghe P i
.inti della storia e la loro eredit/& ViGGoli, Cilano, 1917, p. /:1.
628 7. 7alli, dans sa t$+se, pose la sorcellerie comme une aut$entique Y culture
rebelle Z ( l&tablissement intellectuel et politique, mais destine ( succomber
"ace ( l&avance irrsistible de la pense rationaliste et scienti"ique : en ce sens,
et en adoptant des catgories sociologiques, la sorcellerie constitue un
`mouvementa "ace au3 institutions.
6N8 9. ,u3le!, Les diables de Loudun. it par 7. 7alli, op. cit., p. //N.
658 7. 7alli, op. cit., pp. 15.5151.
6.8 3bidem, p. 117.
678 ,. Erevor5Voper, %rotestantismo e trasforma1ione so"iale& 19.9, p. 171.
it par 7. 7alli, op. cit., p. 1995/::.
618 I. >o!er c @. ?issenbaum, La "itt/ indemoniata. Salem e le origini so"iali di
une "a""ia alle streghe, Dinaudi, Eorino, 191.. Antro. de . 7inGburg, pp. A_5_.
698 ". note nb/.
61:8 7. 7alli, op. cit., p. /11. ?ous ne connaissons pas dans les dtails la
dmarc$e qu&a suivie 7alli pour aboutir ( une telle "ormulation de la
problmatique. Velevons toute"ois qu&( notre avis la di""rence "ondamentale
entre l&Durope 6occidentale8 et la Vussie est que cette derni+re n&a rien connu
de semblable ( notre civilisation et ( l&4glise cat$olique de Vome, "acteurs qui,
semble5t5il, ont leur importance pour *usti"ier une di""rence d&ordre pocal.
6118 Irenons 9ugustin d&,ippone 6\e s.8, lv ( la saintet par l&4glise et I+re
de celle5ci, dont l&%uvre a gnr cette dic$otomie entre l&'tre c$rtien et
l&'tre cito!en, qui a conditionn une bonne partie de la civilisation occidentale.
Ienson ( Cartin Lut$er, au protestantisme et ( ce qu&en dit Ca3 =eber dans son
ouvrage devenu un classique de la politologie, L)Vthi4ue protestante et l)esprit
du "apitalisme 619//8.
61/8 Vapportons5nous au3 vnements de ce demi5si+cle, marqu par la querelle
des investitures, qui s&est dclenc$e quand le Iape 7rgoire \AA, dans le cadre
d&une r"orme gnrale des m%urs ecclsiastiques, dclare dans son 0i"tatus
papae que les nominations d&v'ques e""ectues par des la]cs sont illicites, donc
galement celles qui ont t e""ectues par l&Dmpereur, ( l&poque, ,enri A\,
issu de la maison de [ranconie. ette querelle a atteint son apoge par
l&$umiliation de anossa, o) l&Dmpereur a t e3communi. La querelle des
investitures est alors devenue une vritable guerre qui se terminera en 11//,
avec le Erait de =orms, o) le Iape et l&Dmpereur signent un compromis. Dn
ralit, la rivalit entre ces / grands pouvoirs de la civilisation mdivale a
continu, de mani+re plus ou moins larve.
6128 7iovanni Lotario, de la ligne des comtes de @egni, devient Iape en 1191. Al
a t le tuteur du *eune [rdric AA, tout en tant un partisan dcid de la
suprmatie papale sur toute autorit la]que. P sa mort en 1/1., ,onor AAA
prend sa succession et conduit ( terme toutes les dmarc$es de son
prdcesseur. Al e3terminera les 9lbigeois, couronnera l&Dmpereur [rdric AA et
approuvera les r+gles des [ranciscains et des Oominicains.
61N8 9vant lui, 9le3andre AAA avait d*( pens en 1179 ( condamner l&$rsie
cat$are lors du oncile du Latran AAA.
6158 7. 7alli, op. cit., p. 1.7.
61.8 Y dans le second apr+s5guerre 6...8, l&$istoriograp$ie sur les sorci+res a
acquis davantage de relie", sans doute ( titre de comparaison avec une autre
grande perscution contemporaine, celle des *ui"s par le naGisme 6...8 Le
mouvement "ministe 6...8 a parl de l&e3termination de si3 millions de
sorci+res, c$i""re identique ( celui des victimes de l&$olocauste, selon les
donnes de dpart 6depuis cette question du nombre des victimes, tant dans le
cas des sorci+res que dans celui des *ui"s, a donn lieu ( d&Spres polmiques,
qui sont loin d&'tre termines8 Z 67. 7alli, op. cit., p. 1178.
6178 . Cerc$ant, La morte della natura. 0onne& e"ologia e ri.olu1ione
s"ientifi"a. 0alla natura "ome organismo alla Natura "ome ma""hina& 7arGanti,
Cilano, 1911, pp. 1175111. D3cellent te3te, mises ( part quelques imprcisions.
6118 Iour dire vrai, et en dpit de cro!ances communes, l&4glise des origines Y
n&est rien d&autre, au dpart, qu&une secte *uive parmi tant d&autres sectes
*uives Z, C. @imon et 9. >eno;t, $iudaismo e "ristianesimo, LaterGa, >ari, 1915,
p. 57.
6198 Y Iaul, appel aussi @aWl, est n ( Earse en ilicie 6...8 de parents
$bra]ques, de la tribu de >en*amin, il tait p$arisien et cito!en romain 6...8
9rdent p$arisien, il se distinguait par sa $aine et son animosit ( l&encontre du
c$ristianisme naissant B il avait gard les v'tements de ceu3 qui avaient lapid
4tienne et il perscutait les $rtiens galement en de$ors de Ialestine 6...8
Cais Jsus l&a attendu sur la route de Oamas et a trans"orm l&ardent
perscuteur en un apLtre Gl Z, @ainte >ible des ditions Iaoline 6Vome8.
6/:8 ". D. $iaramonte, 7. [reGGa et @. EoGGi, 0onne sen1a Rinas"imento&
Dlut$era, Cilano, 1991.
6/18 3bidem, p.19/ : Y Les veuves, les vieilles "emmes, les "aibles et les malades
sont dsormais 6...8 dvalorises : l&absence d&auto5su""isance conomique, la
pauvret, est un mauvais signe tout comme l&Sge avanc quand `l&impureta
n&est plus limine ( c$aque c!cle lunaire, rendant `empoisonnea la personne
et son regard. Al s&agit de personnes dsarmes et $umbles, au statut incertain,
mais d&autant plus dangereuses qu&elles peuvent 'tre victimes du dmon parce
qu&elles sont "acilement manipulables et disposes ( sceller un pacte. <n
commence par les regarder avec suspicion... Z.
6//8 Le cas de @alem est ( ce titre e3emplaire. Iarmi
les divers "acteurs qui ont contribu au dc$a;nement des vnements, il "aut
rappeler la ps!c$opat$ologie de l&adolescence : Y des "illettes ou des
adolescentes ont de "ait, par leurs $istoires, dc$a;ner involontairement les
perscutions Z 6>o!er et ?issenbaum, op. cit., p. A_8.
6/28 Y Le /2 mars Oorcas 7ood, "illette de N ans, "ille de @ara$ 7ood, d*(
incrimine pour sorcellerie, a t amene ( la prison de >oston, o) elle est
reste enc$a;ne pendant 9 mois 611 ans apr+s, le p+re dclara : `Dlle tait
alors responsable de rien, montrant peu de discernement dans le contrLle de
soia8 Z, 3bid., p. ..
6/N8 . Cerc$ant, op. cit., p. 117.
6/58 Vappelons ici le cas de >Giers, ville reste cl+bre pour le massacre
sanguinaire de ses $abitants, perptr en 1/:9 sous les ordres de l&4glise de
Vome. >Giers se situe au5dessus d&une colline au sommet de laquelle se dresse
la cat$drale, rase au sol en 1/:9, en m'me temps que l&on massacrait tous les
$abitants qui s&! taient r"ugis pour "uir la violence des croiss. Dlle a t
reconstruite vers les milieu du si+cle. L&di"ice a t rig sur les restes d&un
temple pa]en comme souvent durant la c$rtient. 0n dpliant e3plicati" pour
les touristes, disponible au*ourd&$ui dans cet di"ice religieu3, prtend que le
site sacr rec+le les restes d&un @aint59p$rodisio, qui n&a probablement *amais
e3ist... Dn ralit, le site sacr tait ddi ( une divinit "minine de la
"condit, assimile ( 9p$rodite. P ce titre, elle a attir doublement l&attention
des vanglistes.
6/.8 . Cerc$ant, op. cit., p. 2/.
6/78 J. >onnet, La terra delle donne e le sue magie. (reare& trasformare&
"ustodire. Le radi"i millenarie dei gesti 4uotidiani del mondo tradi1ionale
femminile, Ved ed., omo, 1991, p. 11. Dn "ranRais : La terre des femmes et
ses magies, V. La""ont, 1911.
6/18 . Cerc$ant, op. cit., p. 179.
6/98 3bid., p. 175.
62:8 ?otons que l&aspect du Oiable dans l&iconograp$ie c$rtienne reprend celui
du Oieu Ian : Y 6...8 le grand Oieu Ian meurt quand le $rist devient le
souverain absolu. Les lgendes t$ologiennes les dcrivent comme les opposs
irrconciliables, et le con"lit dure encore au*ourd&$ui, car la "igure du Oiable
n&est rien d&autre que celle de Ian, vu ( travers l&imagination c$rtienne. La
mort de l&un signi"ie la vie de l&autre, en un contraste que nous percevons de
mani+re vivante dans les iconograp$ies respectives 6...8 : l&une des "igures est
dans la grotte, l&autre sur le mont B l&une *oue de la musique, l&autre dtient la
Iarole B Ian a des pattes velues, des pieds caprins et e3$ibe un p$allus B Jsus a
les *ambes casses, les pieds percs et ne montre aucun organe gnital Z, James
,illman, Saggio su %an 6#ssai sur %an8, 9delp$i, Cilan, 1977, p. 11.
6218 7. 7alli, op. cit., p. 199.
62/8 9nne >renon, Le .rai .isage du "atharisme, d. Loubati+res, Iortet5sur5
7aronne, 1911, p. 152.
6228 4. 7ilson, La filosofia nel ?edie.o. 0alle origini patristi"he alla fine del
Z3' se"olo, La ?uova Atalia, 1971, pp. 27/5272.
62N8 Y Ieu ( peu s&est enracine l&ide obsessionnelle de dire que le se3e
quivalait au mal, comme le re"l+tent tant d&interdits 6...8 les pou3 taient
continuellement e3$orts ( l&abstinence et menacs, en cas de transgression, de
mettre au monde des monstres ou, au moins, des en"ants tars. Al "allait qu&ils
restent spars l&un de l&autre, non seulement pendant la *ourne, comme c&est
naturel, mais aussi durant les nuits qui prcdaient les dimanc$es et les *ours
de "'te 6...8, le mercredi et le vendredi par pnitence et pendant tout le
car'me, soit pendant les N: *ournes qui prc+dent ISques, la nuit de la @ainte5
roi3 en septembre et le ?uit de ?ool. Le mari ne pouvait pas approc$er sa
"emme pendant le c!cle menstruel ni pendant les 2 mois prcdant
l&accouc$ement ni pendant les N: *ours apr+s la naissance du bb. Les *eunes
pou3 devaient rester c$astes pendant les 2 premi+res nuits qui suivaient leurs
noces, pour apprendre ( se contrLler. Dn"in, les pou3 qui, par dcision
commune, se vouaient ( la c$astet absolue constituaient naturellement le
couple idal Z, 7. Oub!, Le "he.alier& la femme et le pr8tre. Le mariage dans
la Fran"e m,di,.ale, ,ac$ette, 1911.
6258 3bid., pp. 9.597.
62.8 Le quitisme, considr tour ( tour comme une $rsie ou comme une
doctrine m!stique, est galement connu sous le nom de molinisme, du nom de
son "ondateur, l&Dspagnol Ciguel de Colinos. ? ( Cuniesa en 1./1, il s&tablit (
Vome et, en 1.75, il publie le $uide Spirituel, considr comme la premi+re
%uvre quitiste, sugg+rant de rec$erc$er la pai3 intrieure par le truc$ement
de la passivit totale et l&abandon de l&Sme ( la volont divine, sans besoin de
pratique religieuse. La doctrine de Colinos a t condamne comme $rtiques
en 1.17. Colinos a ensuite t arr't et *et en prison, o) il meurt en 1.9.. Le
quitismeQmolinisme a ensuite t di""us en [rance par Cadame 7u!on 61.N15
17178 et par Cadame de Caintenon, qui a "ait de son cole de @aint5!r, une
`maison quitistea. [nelon 61.51517158 apprciait le quitisme au point de
s&en "aire le d"enseur, ce qui le conduisit ( rompre avec >ossuet et ( terminer
sa vie en disgrSce.
6278 7. 7alli, op. cit., p. /:..
6218 3bid. : Y 6...8 l&origine *uda]que, l&in"luence de l&occultisme et de la abbale,
l&opportunisme qui l&a "ait passer par ambition du calvinisme ( la Ligue
at$olique et "inalement au parti des &politiques& 6...8, `l&obnubilationa
contemporaine Z.
6298 Cic$el [oucault a dmontr avec asseG de clart que la dnomination de
maladie mentale, c&est5(5dire sa classi"ication et son catgorisation dans des
catgories ( la "ois prcise et didactique sinon t$rapeutiques, a reprsent de
"ait le meilleur mo!en pour la con*urer, pour l&loigner de l&ordre des c$oses
`normalesa et pour la marginaliser. 9u "ond, il s&agit tout bonnement d&un
e3orcisme, mais la]cis.
6N:8 L&essai de . Cerc$ant va galement dans cette direction. Al sugg+re de
revoir dans cette optique les contributions de personnages aussi "ondamentau3
de l&$istoire des sciences, comme >acon, ,arve!, ?e-ton et LeibniG. ?ous est
rappell une dclaration intressante de >acon, pour qui Y les mt$odes grSce
au3quelles on peut dcouvrir les secrets de la nature sont les m'mes que ceu3
que l&on utilise pour investiguer les secrets de la sorcellerie dans le cadre de
l&Anquisition Z 6op. cit., p. //18 JY Cerc$ant 6191:8, voquant lXpoque de
[rancis >acon, a parl dXune `mort de la naturea. Dlle voulait dire que la
rvolution scienti"ique avait dtruit une ide de la ?ature propre ( la
Venaissance. Oans le monde de >acon, lX$omme sXtait distanci de la nature,
elle tait devenue quelque c$ose quXil "allait dominer. Ieut5'tre "audrait5il
parler plutLt de la naissance de la ?ature, voire dXune nouvelle conception de la
?ature impersonnelle, la nLtre Z, Aan ,ackingK.
pi9>es-Pointes E
Les dlires de la chasse aux
sorcires
)Qest un %(stRre trou+lant #ue lQ"id%ie de +Schers oT lQon 8era "rir des
%illiers de su""oses sorciRres du UVe au UVIIe siRcles5 >entati$e
dQeO"lication5
LFne sorcire sur un .Vcher au WG*e sicle (a.leau de lNpoque romantique, vers 4C@6S
0ne importante e3position du tr+s acti" muse
$istorique du Ialatinat ( @pire a rcemment "ait le point sur ce que "ut la
c$asse au3 sorci+res, une question dont l&tude a beaucoup progress depuis /
dcennies. <n estime qu&en Durope, N:.::: ( .:.::: personnes ont t mises (
mort par le "eu ( l&poque moderne sur accusation de sorcellerie. La moiti des
victimes taient de langue allemande et pr+s de 1: [ taient des "emmes.
Loin d&'tre une spci"icit du Co!en ege qui s&en est occup asseG peu, les
perscutions contre de supposes sorci+res ne dbutent vraiment qu&au _\e
si+cle. Dn 1N1., para;t ( @trasbourg le ?alleus malefi"arum, un ouvrage de
dmonologie conRu par des inquisiteurs, dont l&in"luence sera dterminante. La
c$asse au3 sorci+res s&intensi"ie au cours de la Venaissance et de la V"orme,
atteignant son apoge vers 1./: pour diminuer par la suite. Les perscutions
disparaissent en Irusse en 171N et le dernier supplice par le "eu en [rance a
lieu en 1711. Les / derniers bHc$ers d&Durope "lambent en Iologne en 1792.
L&e3position de @pire apporte d&autres rvlations. <n apprend ainsi que
l&Anquisition romaine, espagnole et portugaise s&est relativement peu intresse
au3 prtendues sorci+res. Le Iarlement de Iaris non plus. L( o) l&4tat est "ort,
les *uges locau3 suivent leur $irarc$ie. &est galement le cas dans les
territoires que les papes contrLlent en Atalie. Lut$er et alvin sont en revanc$e
d&acti"s acteurs de la dnonciation des prsumes sorci+res. @eul le monde
ort$odo3e para;t relativement immunis.
L&arc "lambo!ant des bHc$ers court de l&4cosse ( la @uisse par les Ia!s5>as et le
V$in. &est l( une longue ligne de "ractures con"essionnelles o) les con"lits sont
intenses et la guerre quasi permanente sous prte3te de religion. La c$asse au3
sorci+res, rsultat d&angoisses nombreuses, ! proli"+re. Les arc$ives "ont tat
de 2 millions de personnes menes devant les tribunau3 sculiers sous la
pression populaire. Les $ommes de loi qui mprisent les `superstitionsa de
rustres, tel Jean >odin, auteur d&une 0,monomanie des sor"iers 615178, !
*ouent un rLle souvent plus n"aste que les gens d&4glise.
Les con"lits religieu3 du temps a""olent les contemporains que $antent les
menaces de subversion. >eaucoup croient identi"ier les complices du Calin qui
sait, c&est alors l&vidence, nuire au3 $ommes, au3 b'tes et au3 "ruits de la
terre. Le dbut du `petit Sge glaciairea avec ses mauvaises rcoltes, ses $ivers
e3tr'mes et ses ts pourris semble alors attester mille mal"ices.
Les intenses inquitudes qui travaillent les esprits se mani"estent tout
particuli+rement dans le @aint5Dmpire, divis en pr+s de 2:: 4tats traumatiss
par les con"lits religieu3. Les bHc$ers ! "eront pr+s de /5.::: victimes. 9lors
que certains pa!s protestants c$appent totalement ( la c$asse au3 sorci+res
comme le =urtemberg, d&autres au contraire, comme la E$uringe, s&!
distinguent tristement. Ou cLt cat$olique, m'me absence de co$rence. @i les
principauts piscopales de >amberg, de ologne et de =urtGbourg traquent le
dmon avec un G+le e""ro!able, la >avi+re ou les 4tats allemands des ,absbourg
restent relativement modrs. L&4cosse et les pa!s nordiques sont les plus
ac$arns du cLt protestant, ainsi que la Lorraine ducale et certains cantons
suisses du cLt cat$olique. La perscution e3iste donc dans les / religions. La
sorci+re incarne toutes les dpravations morales et, dans un souci de
puri"ication de la socit, les adversaires s&ac$arnent ( radiquer ce qu&ils
perRoivent comme un "lau.
Les liens entre l&essor de la modernit et la sorcellerie ont t bien mis en
valeur par l&e3position de @pire. elle5ci a pos la question5cl du rLle du
nouveau mdium qu&est l&imprimerie. Dn e""et, le monde rural entame son
acculturation ( l&crit d+s le _\e si+cle. Oes [landres au3 9lpes se mani"este
une avance en "aveur de la lecture. L&invention de 7utenberg accl+re
l&o""ensive par l&crit mais aussi par l&image. 9lmanac$s, placards, libelles et
autres "euilles volantes se multiplient prcisment apr+s 15::. 0n si+cle plus
tard, estampes et gravures circulent en Durope par millions. Dlles dcrivent
avec "orce dtails tous les m"aits des prsumes sorci+res et alimentent ainsi
les ps!c$oses collectives.
Loin des campagnes, beaucoup d&usages tranges et superstitieu3 se
maintiennent et se dveloppent au5del( du _\e si+cle. <n poursuit en e""et de
prtendues sorci+res *usque sur les trLnes 69nn >ole!n en 9ngleterre8 ou ( cLt
6Lonora 7aliga] en [rance8. Oans les cabinets des princes et des savants, on
voit d&tranges ob*ets : d"enses de licorne, veau3 bicp$ales, corau3, %u"s
d&autruc$e, monstres de toutes sortes. Als co$abitent avec les astrolabes et les
nouveau3 globes terrestres. <) s&arr'te la `superstitiona, c&est5(5dire
l&ensemble des coutumes rustiques re*etes par les clercs F L&e3position de
@pire a prsent ainsi une tr+s trange collection de bGoards, concrtions
trouves dans l&estomac de certains ruminants. 9cquis dans les deu3 Andes au
pri3 de di3 "ois leur poids en or et monts en amulettes, ils sont ports par de
grands personnages. <n voit ainsi celui du duc d&9lbe, gouverneur gnral des
Ia!s5>as, ou celui du cardinal de Vic$elieu... omme la plupart des ob*ets
prsents, ils tmoignent d&ine3tricables contradictions entre "oi religieuse et
soi" de savoir, science et crdulit, curiosit et peurs irrationnelles, progr+s
des connaissances et attente de la "in des temps.
Al ne "ait pas de doute que les r"ormes protestante et cat$olique, engages sur
le prilleu3 c$emin d&une rationalisation de la "oi, ont soudain dvoil la
persistance d&un paganisme populaire assimil ( des superstitions. <nt5elles
c$erc$ ( draciner une Y sagesse paWenne transmise par des femmes Z F 9u
_A_e si+cle, l&$istoriograp$ie romantique et nationale l&interprtera souvent
ainsi. Les "r+res 7rimm et nombre d&$istoriens allemands verront dans l&4glise
romaine l&actrice principale des perscutions. Oe nombreuses tudes seront
ensuite ralises en 9llemagne sous le AAAe Veic$. Cais les naGis eu35m'mes
taient diviss sur l&interprtation de l&$istoire de la sorcellerie. Iour les uns,
les sorci+res avaient t des "emmes porteuses d&une religiosit germanique.
Iour les autres, elles ne reprsentaient que des parasites sociau3 que l&on avait
bien "ait d&liminer. Dn marge de ces polmiques l&5hnenerbe 6organe de
rec$erc$es de la @@8 rassembla 2:.::: dossiers qui constituent au*ourd&$ui l&une
des principales sources de documentation pour tout travail sur la c$asse au3
sorci+res en Durope.
j ,istorisc$es Cuseum der I"alG, @pe!er. atalogue en allemand 6Cinerva
\erlag8. Ee3tes pour la visite en "ranRais. Jusqu&au 12 *uin /:1:.
---.museum.spe!er.de
>ric .ousson-=estan", La Nouvelle 5evue d'6istoire nI8, mai-
Vuin 2D1D.
K 7istoire de la sorcellerie
A"rRs les tra$auO de *o+ert Mandrou! Jean Delu%eau ou
*o+ert Muche%+led! on "eut dsor%ais se re"orter 9 lQou$rage de s(nthRse de
)olette Arnould5 ;u+liant la $ersion aug%ente et actualise dQun "re%ier
tra$ail! ce "ro8esseur de "hiloso"hie entrane le lecteur loin des lieuO
co%%uns et o88re un large ta+leau de lQtrange histoire de la %agie et de la
sorcellerie en Euro"e de"uis lQAnti#uit us#uQau UUe siRcle5 Elle re%onte les
siRcles us#uQauO ade"tes conte%"orains du satanis%e5 )ar la %agie! sinon la
sorcellerie! est de tous les Vges5 )e"endant! du "aganis%e au christianis%e!
une %odi8ication i%"ortante sQest "roduite! oT %agie! religion et su"erstition
ont $u leurs ra""orts se %odi8ier! tandis #ue la sorcellerie "renait le $isage
8%inin de la sorciRre5 Mais #uels liens ( a0t0il entre la sorcellerie et le dia+le!
dont la 8igure sQi%"ose 9 la 8in du Mo(en Wge : Ainsi #ue le re%ar#ue )5
Arnould! le ia#le n'est pas tout le christianisme, comme l'a it Voltaire, mais
il en est partie intgrante, puisque eu$ ogmes %onamentau$ lui sont lis &
ogme u pch originel et, par voie e consquence, ogme e la remption
5 Malgr son %essage de consolation! "oursuit )5 Arnould! le )hrist est sans
"iti "our le "cheur i%"nitent $ou 9 la %ournaise arente, au$ pleurs et
au$ grincements e ents X"ara+ole du 8ilet! Matthieu! UIII! @10A2Y5 De son
cZt! lQA"ocal("se dcrit lQheure terri+le du Juge%ent dernier et les
sou88rances ternelles rser$es auO ade"tes de Satan5 )Qest au cours du
Mo(en Wge #ue les clercs "rEtent au dia+le un $isage! tandis #ue la "eur du
Juge%ent dernier sQa%"li8ie "our a+outir auO scRnes hallucinantes "eintes "ar
JrZ%e =osch5 )es terreurs sont rela(es "ar la dnonciation des hrsies
contre les#uelles inter$iendront les in#uisiteurs5 6our%illant dQeOe%"les
$i$ants! le li$re de )5 Arnould 8ournit des cls "our "ntrer dans le %onde
touours renou$el des "eurs collecti$es5
D )olette Arnould! 'istoire e la sorcellerie! >allandier ! C224! collection >eOto!
@4A "5! indeO5
SORCELLERIE ET CLTRE !O!L"IRE
@abbat, dmons grimaRants, mal"ices,
envoHtements, vols nocturnes sur des balais, danses avec des boucs... 9utant
d&images qui, dans notre imaginaire, s&appliquent spontanment ( la sorcellerie
europenne, et que nous avons tendance ( situer dans les priodes obscures du
Co!en ege, avant l&mergence de la Venaissance et de la raison. 0n e3amen
attenti" du r!t$me des proc+s de sorcellerie, de l&volution des t$+mes dmo5
niaques, in"irme cependant cette vision d&une Durope c$rtienne engonce
dans les terreurs de l&en"er et de @atan, avant que n&apparaisse l&optimisme d&un
_\Ae si+cle plus `raisonnablea, renouant avec la science et l&9ntiquit. Ilusieurs
ouvrages rcents consacrs au su*et permettent d&ailleurs d&en renouveler
l&interprtation en "onction des rec$erc$es de ce qu&il est convenu d&appeler
l&et$no5$istoire : la `sorcelleriea re*oint ici l&$istoire plus vaste des mentalits,
et concerne directement notre patrimoine culturel.
Dssentiellement gurisseuse, ( l&origine, la sorci+re mdivale procure des
recettes protgeant contre les maladies, ( base de plantes prop$!lactiques
6cueillies gnralement la nuit de la @aint5Jean8, d&eau bnite, de "ormules
obscures destines ( vincer le mal. 6Oormir envelopp d&une toile asperge
d&eau bnite prot+ge, par e3., d&un sortil+ge ou d&une maladie8. Dlle peut aussi
procurer la ric$esse : Y ellui qui souvent bsnist le soleil, la lune et les
estoilles, ses biens lui multiplieront au double Z, lit5on dans l&V.angile des
4uenouilles, recueil d&crits anon!mes dits ( >ruges en 1N75. La sorci+re
rep+re les signes "astes et n"astes pour les rcoltes, les b'tes, la vie des gens :
Y Muand quelqu&un se met en c$emin et un li+vre lui vient au devant, c&est tr+s
mauvais signe Z. L&on a recours ( ses services pour ramener les maris volages ou
supprimer les maris g'nants. @a "onction est d&ailleurs ambivalente au sein de la
communaut : t$aumaturge, elle est crainte pour les contacts qu&elle entretient
avec les "orces obscures, avec le sacr que l&on s&e""orce de contenir ( la
prip$rie du village B elle peut 'tre mal"ique ( l&occasion, la nuit surtout. Oes
rites permettent de se protger des sorci+res nocturnes en mettant, par e3.,
au3 N coins du lit N croi3 de paille cueillie la nuit de la @aint5Jean.
Cais cette crainte n&est que l&envers du respect dont on entoure la sorci+re,
dans un monde qui n&est pas encore domin par une vision manic$enne
opposant le >ien au Cal. <n ne note d&ailleurs ( l&poque aucune mention de
@atan. Eout au plus une vocation de diables "amiliers s&intgrant dans l&univers
quotidien des pa!sans. Oans le comt de [oi3, au _AAAe si+cle, Le Vo! Ladurie
6?ontaillou& .illage o""itan& 7allimard, 19758 rel+ve l&abondance des dmons
au3 cols, au3 carre"ours B ils sont en relation avec les Smes des revenants, au
m'me titre que le `messager des Smesa, ce spcialiste dans le village des
rapports avec l&au5del(. Y Les diables circulent tout autour des gens, sans "aire
de mani+res Z, note Le Vo! Ladurie. Al "aut mettre l&accent sur la multiplicit de
ces diables populaires, a""ubls de noms savoureu3, en Lorraine et dans le Jura,
comme Vobin, 7reppin, Iricasset. Oans le Jura, les diables rev'tent d&ailleurs
les couleurs vertes, bleues, *aunes des divinits locales B bien"aisants (
l&occasion, on peut leur prsenter des o""randes. Dn plein _\Ae si+cle, 1: noms
di""rents persistent pour dsigner dans le district d&9*oie, de l&v'c$ de >Sle,
un diable rest "id+le ( son ambivalence mdivale 6J. Oelumeau, La peur en
O""ident, Ioc$e5Iluriel, 19718.
L&attitude de l&4glise pendant les premiers si+cles du Co!en ege Y "ace ( des
masses demeures largement pa]ennes Z 6J. Oelumeau, op. cit.8 est domine
par une rserve pragmatique ( l&gard du probl+me de la sorcellerie. ?e sont
voques pour 'tre condamnes que les c$evauc$es et assembles nocturnes.
Eout en assimilant ces derni+res ( des relents de paganisme, >urc$ard, v'que
de =orms, leur dnie d&ailleurs, au _Ae si+cle, toute ralit. e sont des conseils
de modration qu&envoient au3 autorits europennes les ponti"es : en 92.,
une lettre de Lon \AA ( un arc$ev'que allemand stipule de laisser en vie les Y
magiciens Z a"in qu&ils puissent "aire pnitence B 7rgoire \AA conseille au roi du
Oanemark de ne pas perscuter les "emmes accuses, ( tort, de provoquer
temp'tes et pidmies.
9vec le dveloppement des $rsies cat$are et albigeoise et la volont des
ordres mendiants de mener ( bien la c$ristianisation de l&Durope, apparaissent
les premiers signes rels de durcissement. Oes bulles ponti"icales d&abord : celle
de 7rgoire A_, en 1/21, qui nomme un inquisiteur en 9llemagne, auteur des
premiers bHc$ers dans la valle du V$in B celle de Jean __AA, Super illius
spe"ula, qui assimile pour la premi+re "ois sorcellerie et $rsie, activant ainsi
les poursuites ^ on commence alors ( parler d&une secte adorant Luci"er, avec
dbordements se3uels et pro"anation de l&$ostie ^, celle en"in d&Annocent '333&
Summis desiderantes affe"tibus, qui villipende, en 1N1N, les m"aits des
sorci+res en ,aute59llemagne. Oans le m'me temps naissent les proc+s de
sorcellerie, o) l&on voit s&laborer l&image d&une Y anti54glise nocturne qui adore
@atan, renie le $rist Z 6J. Oelumeau, op. cit.8.
Le terme de `sabbata, pour dsigner les assembles sacril+ges des membres de
cette 4glise du diable, "ait son apparition dans les proc+s intents en 122:512N:
( des sorci+res toulousaines. O&autres proc+s voient le *our ( arcassonne et
Eoulouse en 1N1/, dans les 9lpes "ranRaises et suisses, dans le Jura en 1N2:, (
9rras en 1N59, en ,aute59llemagne ( la "in du _\e si+cle. 9u Ia!s basque, les
proc+s de la province de 7uiGpuGcoa en 1N.., d&9mboto en >isca!e en 15::, de
?avarre en 15/7, "ont sensation 6J >aro*a, Les sor"i7res et leur monde, 7al.,
197/8. Dntre temps, le ?alleus malefi"orum, dit ( @trasbourg en 1N1., est
devenu l&outil de travail indispensable ( la rpression, l&ouvrage de r"rence
apprci des *uges. nuvre de / dominicains allemands, ,enri Anstitoris et Jacob
@prenger, ce Y marteau des sorci+res Z a""irme avec "orce la ralit du sabbat
et des actes mal"iques, et insiste tout particuli+rement sur le rLle des "emmes
en ce domaine.
e que Iierre $aunu nomme le Y satanisme "lambo!ant Z 6Sur la fin des
sor"iers au Z'33e si7"le, in 5nnales \ V"onomie& so"i,t,& "i.ilisation& *uil.5aoHt
19.98 culmine dans les annes 15.:51.2:. L&Durope des sorciers comprend
l&9llemagne 6celle du @ud5<uest surtout8, la @uisse actuelle, les Ia!s5>as
espagnols, l&9ngleterre 6l&Dsse3 tout particuli+rement8, la [rance en"in
6I!rnes et Lorraine, puis >ourgogne, $ampagne, [ranc$e5omt et
Languedoc, en"in ?ormandie, >arn et 7u!enne8. Dn revanc$e, les proc+s
seront rares dans l&Durope mditerranenne, en Dspagne notamment 6sau" au
Ia!s basque8 et en Atalie. Les "ranges nordiques de l&Durope seront galement
relativement pargnes, malgr une pousse de l&pidmie vers le Oanemark,
l&4cosse, puis la @u+de vers 1..:.
P cette "lambe de proc+s correspond l&apoge des parutions de traits de
dmonologie, %uvres d&rudits connus et qui, grSce ( l&imprimerie, connaissent
un impact dbordant largement le cercle restreint des ecclsiastiques et des
lgistes. Iar des `"euilles volantesa proposes par les colporteurs, les t$+mes
sataniques atteignent les masses rurales elles5m'mes. Le diable est ( la mode,
pourrait5on dire, et particuli+rement en 9llemagne. @ucc+s constant pour le
?alleus qui dpasse, c$i""re norme pour l&poque, les 2:.::: e3emplaires en
1..:. <n le trouve dans toutes les principales villes r$nanes, mais aussi (
\enise et ( Iaris. Dn tout, on ne conna;t pas moins de 2N5 titres consacrs au
su*et durant la priode critique des proc+s. Muelques traits de dmonologie
mergent plus particuli+rement de cet ocan de littrature consacre ( @atan.
Dn 151:, Jean >odin, *uriste et politologue cl+bre, "ait para;tre un ouvrage
intitul 0e la d,monomanie des sor"iers, en grande partie pour rpondre (
Jean =ier, mdecin d&origine r$nane, qui avait ni l&e3istence du sabbat et
propos un traitement mdical des sorci+res victimes du dmon. L&ouvrage de
Jean >odin connut un succ+s remarquable. <r, il lance un appel impito!able (
la rpression, apr+s avoir trac un tableau dtaill des Y quinGe crime des
sorci+res Z 6J >aro*a, op. cit.8, dont il "ait le Cal absolu ( vincer de la terre.
,enri >oguet, grand *uge au comt de >ourgogne, produit en 1.:/ un 0is"ours
e+,"rable des sor"iers, o) l&viction du crime de sorcellerie appara;t comme le
premier devoir d&un 4tat. ?icolas Vm! "ait prir un millier de personnes en
Lorraine de 157. ( 1591, apr+s quoi il crit ( son tour un trait de
dmonologie, "ruit de son e3prience de *uge impito!able. es ouvrages sont
l&%uvre de *uristes la]cs. Ou cLt ecclsiastique, celui du *suite "lamand Oel
Vio conna;t, lui aussi, un succ+s immdiat. @on 0is4uisitionum magi"arum libri
se+, paru en 1.11, est en e""et traduit en "ranRais, puis en allemand quelques
annes plus tard. <r, tous ces auteurs appartiennent ( l&lite intellectuelle de
leur temps : Oel Vio parle 9 langues et s&est "ait remarquer par une dition de
@en+que B >oguet a produit une tude latine des coutumes de >ourgogne B on
conna;t l&rudition et le talent politique d&un Jean >odin. &est donc bien la
culture savante de cette poque qui s&e3prime dans ces traits de dmonologie
et c&est bien elle, nous le verrons, qui a "org l&image de @atan.
Oans les annes 1.7:, on assiste au re"lu3 des proc+s de sorcellerie. La
sorcellerie rprime n&appara;t plus que dans les a""aires d&empoisonnement,
d&escroquerie, de ruine de "amilles. Les `"ausses sorci+res5devineressesa, qui
abusent de la crdulit de leurs clients, "ont leur apparition. Le crime de
sorcellerie devient alors un dlit ordinaire puni d&une simple peine
d&en"ermement. L&+re des bHc$ers est termine. Cais il reste ( e3pliquer la
"ormidable vague des proc+s de sorcelleries au3 _\Ae et _\AAe si+cles, et
l&engagement d&minents savants, *uristes et lettrs, dans le vaste processus
d&limination du mal satanique.
L&Durope est en crise, et cette crise est d&abord religieuse. <n serait tent
d&tablir une corrlation entre les guerres de religion qui svissent en Durope et
l&apoge des proc+s de sorcellerie. Muelques tudes locales interdisent
toute"ois une gnralisation trop $Stive. 9insi le canton de ?eu"c$Stel c$appe5
t5il au3 guerres de religion, mais non ( l&pidmie de sorcellerie entre 1.1: et
1.7:. Dn revanc$e, les crits de Lut$er et de alvin ont largement contribu (
la vulgarisation des t$+mes sataniques : Y @atan regarde le "er comme de la
paille et il ne redoute aucune "orce terrestre Z, dclare Lut$er.
L&Durope traverse galement une crise conomique et sociale, dans le monde
rural en particulier. ,ausse des pri3, disettes, trans"ormation pro"onde des
structures communautaires traditionnelles dveloppent au sein m'me du village
des tensions insoutenables. Oans son tude consacre ( l&9ngleterre, 9lan
Cac"arlane 6it"h"raft in Tudor and Stuart #ngland& 197:8 note l&mergence
en Dsse3, au moment o) "leurit la sorcellerie, d&un groupe de pa!sans Y plus
pauvres dont les liens avec leurs voisins un peu plus ric$es devenaient plus
tnus Z. Le mouvement des en"losures JclLturageK, la "in de l&conomie
traditionnelle du `manoira ne "ont que prcipiter cette pauprisation d&une
partie de la masse rurale, et, avec le dbut du capitalisme agraire, clatent les
liens de solidarit villageoise lors m'me que les structures dmograp$iques
dstabilises "ont de l&Durope un monde `trop pleina o) la terre devient plus
rare. 9ppauvrissement con*oncturel des masses pa!sannes, mais aussi
e""ritement de la conscience de l&intr't collecti".
Vobert Cuc$embled 6Les derniers b]"hers. 2n .illage de Flandre et ses sor"iers
sous Louis Z3', Vamsa!, 19118 constate le m'me p$nom+ne dans certains
villages du ?ord de la [rance, non dans ceu3 o), comme en tle5de5[rance, la
domination d&une minorit de gros "ermiers `coqs de villagea est d*(
nettement assure sur la masse pa!sanne, mais, bien au contraire, dans ceu3
o) la disparit des communau3, condition ncessaire d&acc+s ( la modernit
conomique, accentue l&accaparement de la ric$esse par les plus puissants des
`laboureursa. La sorci+re devient peut5'tre alors le bouc5missaire de tensions
e3acerbes, dans le cadre d&une lutte pour le pouvoir au sein m'me du village.
Oans les proc+s, les tmoins5accusateurs sont en gnral des $ommes
appartenant ( la $irarc$ie villageoise, plus aiss que les accuss. e sont
souvent des `laboureursa 6possdant au moins un train de c$arrue et des
c$evau38 qui accusent les `sorci+resa 6elles sont souvent vac$+res
communales8, leur reproc$ant prcisment d&attenter ( leurs biens 6vac$es,
c$evau3 morts, rcoltes mauvaises, etc.8. omme si, par, le sacri"ice de la
sorci+re, le village se ressoudait, tout en se rac$etant de n&avoir pas respect
les coutumes d&entraide traditionnelles 6la sorci+re est cense s&'tre venge
d&un don re"us8.
@i ce sc$ma s&applique di""icilement dans des rgions conomiquement en
retard comme les montagnes, il a le mrite de souligner le pro"ond malaise
immergeant la socit rurale : une crise de con"iance dans l&e""icacit de ses
mo!ens traditionnels d&action sur le monde ^ la sorcellerie au sens populaire ^
"ace au3 mal$eurs du temps, des tensions par"ois e3acerbes, am+nent (
davantage de pessimisme, ( une rceptivit accrue au mod+le d&e3plication
dmoniaque divulgu par les sermons et l&imprimerie. Le malaise et la
rec$erc$e de son rem+de ^ le proc+s ^ pourraient e3pliquer que certains
villages soient alls au devant du dsir des *uges dans l&e3termination des
sorci+res, bien qu&une partie ou la totalit des "rais de procdure "ussent ( la
c$arge de la communaut villageoise. 0n e3emple : le 7 novembre 1.11, le
ma!eur, N c$evins et / $ommes de "ie" du village de Oec$!, pr+s de Oouai,
crivent ( l&abb de @aint59mand parce qu&ils dsirent "aire poursuivre les
sorci+res du lieu, proposant de pa!er N: "lorins carolus par bannissement ou
e3cution 6V. Cuc$embled, (ulture populaire et "ulture des ,lites& [lam.,
1971, p. 21.8. L&accusation peut donc venir `du basa, sans intervention
pralable des autorits civiles ou religieuses.
la mise en pla"e du ^ th,Qtre de Satan _
Lci<dessous ' ? sorcires .rVles vives, estampe issue dNun pamphlet germanique, 4TTT Les
WG*e et le WG**e sicles, et non le Mo+en<Xge ta) dNo.scurantiste au (emps des Lumires,
correspondent la grande poque de la Ychasse au) sorciresZ M -atan sort du sein .rVlant de
la sorcire [uelque peur que lon ait de lui, il "aut avouer que, sans lui, on "Vt mort de
monotonie O, >ules Michelet, !a +orcire 24C@B8S
rise politique en"in. L&mergence de
l&4tat moderne s&accompagne au _\Ae si+cle d&une volont accrue de contrLle
des rgions loignes des centres de dcision. Dn [rance notamment, V.
Cuc$embled montre la concordance des Gones ma3imales de proc+s avec les
rgions les plus e3centres politiquement. @i l&on e3cepte la >retagne, qui
c$appe ( l&pidmie diabolique, ce sont les Y provinces les plus tardivement
conquises, les plus particularistes, les plus rticentes ( l&gard de la
centralisation absolutiste qui sont les plus touc$es Z ^ celles prcisment qui
"urent par"ois, comme le >arn et la 7u!enne, les terres d&lection du
protestantisme. Dn ce cas, Y le sorcier accumule sur sa t'te les crimes d&$rsie
et de rsistance passive ou violente au3 dcisions des $irarc$ies Z 6V.
Cuc$embled, op. cit.8.
9utre e3emple, celui du ?ord, o) le m'me auteur remarque que les / priodes
aiguos de rpression correspondent ( une volont de reprise en main politique,
sous l&action de l&Dspagne en 151:51.2:, sous celle de Louis _A\ en 1.5:51.1:.
Dn ?avarre, l&pidmie de sorcellerie co]ncide, en 15/7, avec l&anne3ion de la
rgion au ro!aume de $arles Aer B ici, ce sont les partisans des anciens rois de
?avarre, les 9gramontais, qu&on a voulu vincer 6J >aro*a, op. cit.8. Le cas du
Ia!s basque, en"in, est rvlateur. Dn 1.:9, Iierre de Lancre, conseiller au
Iarlement de >ordeau3, est dtac$ par ,enri A\ dans le Labourd pour en
e3tirper la sorcellerie. e "in lettr, qui a crit / ouvrages remarqus de
dmonologie, ragit de mani+re signi"icative contre le particularisme basque.
La langue incompr$ensible et inclassable devient suspecte et Y langue du
diable Z. Les coutumes locales sont ta3es de perversion : des "emmes e3erRant
en l&absence de leurs maris, marins5p'c$eurs, les plus $autes responsabilits
sociales, ne peuvent qu&'tre des victimes toutes dsignes pour les dmons. Le
clerg local n&c$appe pas ( la vindicte du magistrat bordelais : les curs sont
poursuivis pour leur amour irraisonn de la pelote basque. Y Les Labourdans
n&aiment ni leur patrie ni leurs "emmes, ni leurs en"ants, ils ne sont ni [ranRais
ni Dspagnols, et leurs coutumes ne peuvent donc pas 'tre prcises Z, conclut
Iierre de Lancre 6Tableau de l)in"onstan"e des mau.ais anges et d,mons, 1, /,
in J >aro*a, op. cit.8. &est dans la spci"icit basque en derni+re anal!se qu&il
enracine le sabbat, en re"usant la di""rence au sein du monde qui se veut
davantage ma;tre des corps et des esprits. ?ous touc$ons ici l&essentiel du
su*et : une lutte entre / conceptions du monde opposant l&4tat moderne et
l&4glise plus muscle de la ontre5V"orme au3 coutumes et cro!ances
traditionnelles, la culture crite ( la culture orale, la culture savante ( la
culture populaire. Dn d"initive, il s&agit bien d&une Y guerre culturelle Z.
Dn parlant d&une Y mentalit obsidionale Z, Jean Oelumeau 6op. cit.8 rsume la
Y peur Z qui saisit, au moment o) clatent partout les proc+s de sorcellerie, les
lites intellectuelles, la]ques ou ecclsiastiques, de l&Durope de la Venaissance.
0ne culture qui se sent menace, "ace au ma;tre du monde, @atan ^ @atan dont
on attend l&assaut supr'me, car la Iarousie, pense5t5on, est proc$e. Y L&ennemi
sait dans sa rage qu&il n&a plus que peu de temps Z, peut5on lire dans le ?alleus.
Dt les auteurs d&a*outer : il Y "ait donc pousser dans le c$amp du @eigneur une
perversion $rtique surprenante Z ^ la sorcellerie. \oici les sorci+res
assimiles au3 suppLts de l&9ntc$rist, dont l&$umaniste @bastien >rant
annonce galement la venue proc$aine. @atan, le diable t$ologique, ne peut
'tre que mal"ique et bien qu&en t$orie il soit soumis ( Oieu, ses pouvoirs sont
en pratique illimits en ce monde. Y Irince du monde Z, il m+ne la danse. Y
?ous sommes corps et biens assu*ettis au diable Z, dclare Lut$er. Les dmons,
que les traits de dmonologie tentent de recenser, sont par ailleurs
innombrables : Jean =ier en distingue 7.N:..1/7, assu*ettis ( 79 princes
soumis eu35m'mes ( Luci"er 60e praestigiis daemonum& 15.N8.
[aisons ( ce propos une remarque : c&est pour mieu3 recenser le nombre des
dmons que le mat$maticien cossais ?apier conRut le logarit$me 6D. Eodd,
2ne histoire de la peur en O""ident& in Le ?onde, /5 octobre 19718 U Oe quoi
battre en br+c$e l&image simpliste d&une Venaissance uni"ormment engage
dans la voie optimiste d&un progr+s des connaissances... La `peura qui secoue
l&Durope de cette poque se traduit aussi par l&abondance de la reprsentation
des `transisa 618 sur les tombes, par la multiplication des danses macabres : 1:
au3 _\e et _\Ae si+cles, une centaine seulement pour les 2 si+cles postrieurs
6cit par Jean Oelumeau, Le pessimisme de la Renaissan"e, in Le ?onde& 1er
"vrier 19118. &est prcisment en Atalie et en Dspagne, pa!s les moins a""ects
par l&pidmie de sorcellerie que ces reprsentations sont les plus rares. La
peur de la mort, la peur de la Iarousie convergent donc vers @atan et les
sorci+res. <r, il ! a urgence : Y les sorciers marc$ent par milliers, multipliant
en terre, tout ainsi que les c$enilles en nos *ardins Z, a""irme Jean >odin. Al
"aut donc agir vite, et avec "orce.
9pr+s avoir dsign l&ennemi et son alli ^ la sorci+re ^, on peut mettre en
place la procdure d&e3termination B le Y t$Stre de @atan Z, selon l&$eureuse
e3pression de Cuc$embled 6Les derniers b]"hers, op. cit.8, peut "onctionner.
4tat absolutiste et 4glise post5tridentine ! trouvent leur compte : il s&agit bien
l( d&un acte politique masquant une Y stratgie de domination Z. La mise en
sc+ne de la sorcellerie savante des *uges est en "ait bStie sur un mod+le unique,
dont la monotone rptition devient signi"icative. P la base, une `rumeura, pas
vraiment spontane puisque le strot!pe savant de la sorci+re a t largement
v$icul par les sermons ou la lecture publique de l&acte d&accusation lors de
l&e3cution de l&accuse. Iuis c&est la rec$erc$e de la preuve, du pacte pass
avec @atan. Oans ce domaine, les pa!sans sont partisans d&une mt$ode
rappelant l&ordalie mdivale, l&preuve de l&eau. @i la sorci+re "lotte apr+s
avoir t immerge, c&est qu&elle est protge par le diable. Cais la procdure
savante dterminera plutLt sur le corps de l&accuse la `marquea du dmon,
c&est5(5dire un endroit insensible au3 piqHres, que le `piqueura se doit de
localiser. L&audition des tmoins est suivie de l&interrogatoire de l&accuse, avec
ou sans utilisation de la torture. Le rsultat est en gnral garanti : l&accuse
"init par avouer tous les crimes qu&on lui reproc$e.
&est l( qu&intervient l&lment essentiel du proc+s : la persuasion des =uges.
9lors que tmoins et accuse parlent de tout autre c$ose 6b'tes mortes, vac$es
striles, maladies, rcoltes gSc$es8, les *uges dplacent le discours vers @atan
et le sabbat. <n persuade l&accuse de son appartenance ( une antireligion,
l&4glise du diable, par une mise en sc+ne impressionnante, et surtout grSce ( la
subtilit de questions5t!pes tires des manuels de dmonologie, qui sugg+rent
en "ait la rponse. Les *uges, dtenteurs de cette arme culturelle qu&est l&crit B
ont en "ace d&eu3, la plupart du temps, des illettrs, ne parlant pas tou*ours la
m'me langue qu&eu3, puisque beaucoup s&e3priment dans ce qu&il est convenu
d&appeler le patois. Les *uges rencontrent par"ois c$eG l&accuse une certaine
m"iance, comme celle qu&e3prime Cadeleine Oesnas, 71 ans, qui reproc$e au
papier d&'tre Y si dou3 Z qu&on peut ! crire ce que l&on veut 6/8. Cais c&est la
soumission ( la persuasion dominatrice des *uges qui est la r+gle.
0n e3emple : en 1599, Ve!ne Ierc$eval, veuve d&Dstienne >illot, est accuse de
sorcellerie ( >aGuel 6pr+s de ambrai8. <n lui reproc$e la mort d&une vac$e, la
naissance d&un veau monstrueu3, la mort de sa petite "ille, l&envoHtement d&un
mnage de notables. Cais aucune trace de sabbat, ni m'me du diable. Cise ( la
torture, presse de questions, elle avoue avoir agi avec une Y poudre Z
mal"ique, don du diable qu&elle a connu c$arnellement, et avoir galement
particip au3 danses du sabbat 6V. Cuc$embled, (ulture populaire et "ulture
des ,lites, op. cit., p. 2:/8. La dmonologie savante des *uges s&est donc
impose, centre autour des runions sabbatiques. Oel Vio en "ournit une
description minutieuse dans son trait : Y Les sorci+res, apr+s s&'tre enduites
d&onguents, ont coutume d&aller au sabbat en c$evauc$ant un balai, boucs ou
c$iens. Dlles arrivent au *eu... o) le dmon prside la runion, sous la "orme
d&un bouc ou d&un c$ien. Dlles s&approc$ent de lui pour l&adorer... Dt pour que le
crime soit plus grand, elles imitent le sacri"ice de la messe. Muand elles com5
munient, elles gardent l&$ostie et l&o""rent au dmon, tous les assistants la
"oulant ensuite au3 pieds Z. >anquets 6sans sel8, danses, accouplements se3uels
6par"ois avec des dmons8, compl+tent le tableau B les sorci+res se sparent
apr+s avoir obtenu une graisse ou une poudre destines ( leurs mal"ices.
L/i<dessous ' .Vcher 0n rprimant avec "rocit la sorcellerie, l\Eglise de la /ontre<R"orme
vise M normaliser O les comportements et "aire dispara]tre les survivances quivoques du
Mpaganisme chrtienO Forte de lNappui des lites et de lEtat, elle "a;onne la culture populaire
en M Eglise du dia.le O pour mieu) assurer la conquDte mentale du monde rural (ous les
mo+ens sont .ons pour mener .ien cette entrepriseS
Les `aveu3a de l&accuse sont suivis de
l&e3cution publique 628. rmonie sociale, elle se veut e3emplaire,
puri"icatrice pour la communaut tout enti+re. ?ous atteignons ici l&acm du
`ps!c$odrame collecti"a que constitue le proc+s de sorcellerie. Al est clos par
un sacri"ice rituel, "inalement admis par la sorci+re elle5m'me et qui Y cl+bre
le triomp$e d&un c$ristianisme rgnr et conqurant Z 6V. Cuc$embled, Les
derniers b]"hers, op. cit.8, vainqueur de @atan et de sa secte mal"ique.
4coutons la sentence de Cadeleine 9llard, demeurant ( [ourmies, accuse en
1.79 d&avoir "rquent les sabbats et enduit de graisse diabolique les pommes
d&une voisine. Dlle "ut Y condamn ( estre dlivr entre les mains de
l&e3cuteur de $aulte *ustice, pour estre par lu! conduite au devant de l&glise
et l(, ( genou3, en c$emise, la corde au col, tenant une torc$e ardente du
poids de / livres, dire et dclarer que tmrairement et mesc$amment 6suit la
liste des crimes8, qu&elle demandait pardon ( Oieu, au Vo! et ( la *ustice, et de
ce "ait d&estre trangle ( un potteau et ( mesure de tous son corps brHl et ses
cendres *ettes au vent Z 6V. Cuc$embled, (ulture populaire et "ulture des
,lites, op. cit., p. /998. Les te3tes eu35m'mes du proc+s taient par"ois *ets
dans le "eu, de mani+re ( purger la terre de toute trace d&impuret diabolique.
L/i<dessous ' la Ychaudire du dia.leZ vue par lNimagination populaire M La sorcellerie
populaire, que craignent les rurau), nNa rien voir avec le satanisme que recherchent les
magistrats O 2Ro.ert Muchem.led8S
[ace au terrorisme intellectuel des
*uges se trouvent les accuss et, dans une large mesure, les tmoins. ?ous
avons dit qu&ils parlent spontanment un langage di""rent, celui de la
`sorcellerie populairea, avant la manipulation des rponses par le Y
questionnement oblique des accusateurs, ( travers le miroir d"ormant de la
culture savante Z. ette sorcellerie5l( ne di""+re gu+re de celle qui est voque
dans l&V.angile des 4uenouilles& tude et$nograp$ique involontaire des
coutumes picardes au _\e si+cle que nous avons d*( cite. Vappelons qu&il
s&agit de rites destins ( c$asser le mal 6ou ( le provoquer8, ( *eter des
passerelles entre le visible et le sacr : Y celui qui aura les "i+vres tierces, et il
porte son col en un sac de soie de billets magiques, sans doute il gurira Z B Y
pour 'stre quite de poirions 6verrues8 il "aut prendre du "il que "emme a "il
tandis qu&elle couc$e d&en"ant et en lier les poirions B incontinent ils c$erront
6tomberont8 Z. ?os sorci+res pratiquent une Y conomie du surnaturel Z, o) le
corps appara;t comme un microcosme reli au macrocosme qu&est l&univers. 0ne
pense magique, donc, dirige la plupart du temps vers des activits
protectrices et t$aumaturges. Cais celui qui gurit un mal peut dans le m'me
temps l&envo!er, ambivalence 6que l&on retrouve c$eG de nombreu3 saints
gurisseurs populaires8 qui n&est pas sans rappeler celle de certains dieu3
antiques 6N8. &est en "ait l&ensemble de ces pratiques, bn"iques ou non, qui
sont condamnes, parce qu&manant d&une m'me vision non c$rtienne du
monde. Y eu3 qui retournent au3 devins pour retrouver leurs biens temporelG
ou pour estre guri de quelques maladies Z sont assimils par un prdicateur de
>t$une au _\Ae si+cle ( de mauvais c$rtiens, car Y les devins sont ennemis de
Oieu et serviteurs du diable Z.
L/i<dessous ' les amours dia.oliques 2Flrich Molitor et 9la^s Magnus, (istoria de gentibus
septentrionalibus, 4TTT8S
L&accusation d&idolStrie est proc$e. 9u nom du
monot$isme e3clusi", le recours au3 saints gurisseurs eu3m'mes est interdit :
Y Eout cela est de""endu en cest article qui est au premier commandement :
non habebis deus alienos "oram me Z. P travers les proc+s de sorcellerie, c&est
un pan "ondamental de la culture populaire que l&4glise entend e3tirper des
mentalits, ( un moment o) la conqu'te spirituelle des campagnes est ( l&ordre
du *our. L&4glise de la ontre5V"orme n&entend plus se contenter ( bon compte
de con"ormismes de sur"ace. L&ort$opra3ie doit cder la place ( une religion
intrieure, ( une "oi vcue par c$aque individu. 9rme du catc$isme imprim,
l&4glise post5tridentine entend normaliser les comportements. Les dits contre
les c$ansons, les kermesses villageoises, les danses 6notons que la danse est un
lment central du sabbat8, la "rquentation des tavernes pendant les o""ices
religieu3, se multiplient. L&attitude m'me devant la mort a c$ang. 9insi, en
1599, une sorci+re, Veine Ierc$eval, est accuse d&avoir ri lors d&un
enterrement. 4tudiant l&volution de la "'te populaire en Languedoc 6V.
Cuc$embled, (ulture populaire et "ulture des ,lites, op. cit. B c". aussi :
*istoire de la Fran"e rurale& @euil, AA, p. 2:18, O. [abure conclut que Y la
ontre5V"orme abat sur le moindre village sa c$ape de plomb Z. Y @ous la
$oulette des prlats 6..8 l&4glise d&une "aRon tr+s mt$odique.. lutte pied ( pied
contre les "ormes d&e3pression populaire Z. 9""rontements donc entre /
cultures opposes. Lutte ingale, o) l&4glise, "orte de l&appui des lites et de
l&4tat, construit l&4glise du Oiable pour mieu3 assurer la conqu'te mentale du
monde rural.
Vobert Cuc$embled met prcisment en vidence la concordance entre les
grands moments de la volont de c$ristianisation des campagnes et la "lambe
des bHc$ers de sorci+res. La premi+re pousse correspond ( la dcouverte d&un
Y ocan de superstition Z, la violence du $eurt entre les idau3 c$rtiens
rgnrs et la vieille culture populaire rurale e3pliquant la multiplication des
proc+s de sorcellerie de 151: ( 1.1: 658. Iuis, au dbut du _\AAe si+cle, des
pr'tres 6.8 mieu3 "orms et plus nombreu3, e3asprs par la rsistance passive
du monde rural 6saint \incent de Iaul notera avec amertume la retombe des
masses dans l&erreur apr+s le dpart des missionnaires8, accentuent la
rpression.
Oans cette lutte entre l&oral et l&crit, entre la culture populaire et un
c$ristianisme devenu plus agressi", la `sorci+rea assure en d"initive malgr
elle la transition des campagnes vers la `modernita. Dlle se trouve d&ailleurs
re*ete par une partie de sa culture d&origine, car la multiplication des coles
paroissiales 6l&alp$abtisation est un mo!en de lutte contre les `superstitionsa8
dtac$e dans le village une "raction de pa!sans, des $ommes aiss en gnral,
plus ouverts ( la culture crite ngatrice du mental traditionnel. @acri"ie ( la
"ois par sa civilisation d&origine et par celle des lites, crite et cat$olique, la
sorci+re devient le s!mbole vivant des `superstitions populairesa contre
lesquelles luttent les agents du pouvoir ro!al et les missionnaires. Iour raliser
la soumission des Smes et des corps, pour acculturer les campagnes, il importe
de re"ouler les cro!ances et les pratiques magiques. La ontre5V"orme sera
avant tout une Y progressive imposition ( toute une socit de la mani+re dont
les clercs pensaient le licite et l&illicite 6..8 le c$rtien et le diabolique Z. \aste
travail de censure et d&acculturation impose.
La "in de la rpression, vers 1.1:, s&claire mieu3 ( la lumi+re de cette guerre
culturelle, et met en vidence les carences de la t$+se de Vobert Candrou.
elui5ci e3plique l&arr't des bHc$ers par une volution mentale des lites de la
$aute magistrature, se $aussant ( une Y conception plus raisonne de
l&e3istence Z, annonciatrice des Lumi+res. ontre les Y dlires de l&imaginaire Z,
qui engendrent erreurs et peurs ( la "ois, ces milieu3 clairs auraient accd (
une srnit nouvelle. Dn "ait, outre qu&elle re*ette la culture populaire du cLt
des `dliresa et de l&ombre, cette interprtation a le d"aut de ne pas mettre
en vidence l&inutilit de @atan 678 et des proc+s ( la "in du _\AA e si+cle. La
rpression des sorci+res cesse parce que les reclassements sociau3 et mentau3
sont "aits. L&acculturation russie ne rclame plus de bouc5missaire.
L/i<dessous ' +tigma diaboli, peinture anticlricale de /lovis (rouille La sorcire, comme
incarnation du "minin, mo.ilise toute une "antasmatique rpressive Mais elle reprsente
aussi toute une culture M $positaire de la mdecine, crit Roland %arthes, la sorcire
possde tous les caractres dNun principe mIle ' elle est une essence et elle est un acte
dNouverture -on nom "minin ne doit pas garer ' plus que "emme, elle est matrone, cNest<<
dire se)e superlati" et complet, runissant le pouvoir mIle et le pouvoir "emelle O 2/ichelet
par lui*mme8S
Les remarques prcdentes
permettent de mieu3 saisir la sociologie de la sorci+re. &est d&abord une "emme
61/ l des accuss en [rance du ?ord selon Cuc$embled8, souvent vieille
6mo!enne d&Sge de .: ans8. Iourquoi cette primaut crasante de l&lment
"minin dans les proc+s de sorcellerie F ?otons d&abord l&$ritage t$ologique
d&une c$ristianisation diabolisant la "emme, suppLt de @atan 6J. Oelumeau, op.
cit., p. 2918. Y Eu es la porte du diable, c&est toi qui a touc$ l&arbre de @atan et
qui la premi+re a viol la loi divine Z : cette condamnation sans appel de
Eertullien assimile la "emme, hve ternelle, au pc$, ( la c$ute originelle.
E$omas d&9quin insiste, quant ( lui, sur Y l&imbcillit Z de la nature "minine,
'tre dbile et "aible 6Y le mSle est plus par"ait par sa raison et plus "ort en
vertu Z8 B la "emme est donc plus encline ( cder au3 sductions du dmon.
Iopularise par les clercs 6Y "emme per"ide, "emme "tide, "emme in"ecte, elle
est le trLne de @atan, la pudeur lui est ( c$arge Z, crivait au _AAe si+cle un
moine de lun!, >ernard de Corlas8, cette diabolisation de la "emme enva$it
aussi le monde la]c ( travers les sermons des "ranciscains et des dominicains.
&est au _\Ae si+cle toute"ois que le discours sur la "emme se prcise. nuvre de
t$ologiens, de mdecins et de lgistes, l&image d&une "emme pervertie et sans
"orce se divulgue par l&imprimerie. Y Ambecille Z selon Oel Vio, tente par
@atan, la "emme appara;t comme un mSle impar"ait pour les sommits
mdicales que sont Jean =ier ou 9mbroise Iar B son in"riorit p$!siologique
l&e3pose ( toutes les "aiblesses 6entendons ( toutes les sductions de @atan8. Les
lgistes s&entendent pour lui reconna;tre moins de raison, ( cause notamment
de sa nature Y $umide et visqueuse Z 6Y l&$umide s&esmeut aisment Z a""irme
Iierre de Lancre8 618. Iour Jean >odin, qui distingue les 7 d"auts
"ondamentau3 de la "emme, celle5ci est l&e3pression de la Y "orce de la cupidit
bestiale, la porte de l&en"er, la "l+c$e de @atan Z. 9utant d&a""irmations qui ne
devaient pas porter les *uges ( une clmence e3cessive envers les sorci+res.
O&autres raisons e3pliquent la prdominance des "emmes dans les rangs des
accuss. Allettres pour la plupart, celles5ci participent en priorit ( la
conservation et ( la transmission de la culture orale traditionnelle. Oans un
c$apitre intitul Y Iaroles de "emmes Z, Cuc$embled 6Les derniers b]"hers, op.
cit.8 montre, dans un village de [landre, la spci"icit de l&espace "minin,
centr autour du "o!er, mais aussi autour des principau3 rites de passage ^
naissance, mariage, mort ^ o) interviennent souvent les rites magiques. Les
connaissances traditionnelles qui s&! rattac$ent sont transmises de m+re ( "ille
dans le cercle restreint des "emmes et sont souvent cac$es au3 $ommes.
D3clus d&une partie de l&$ritage oral, ces derniers sont par ailleurs, dans ce
village, / "ois plus alp$abtiss que les "emmes ^ en voie de rupture donc avec
leur civilisation d&origine.
La m'me remarque est "aite par Le Vo! Ladurie en terre occitane : l&cart
culturel entre $ommes et "emmes est introduit au _\Ae si+cle par l&cole
paroissiale B les "illes deviennent ainsi Y les conservatrices5nes d&une culture
non scolaire et sauvage, de plus en plus suspectes au3 mSles, dornavant
dgrossis et alp$abtiss Z 6?ontaillou& .illage o""itan, op. cit.8. L&Sge lev de
la plupart des sorci+res ne "ait que con"irmer leur relation au monde oral
traditionnel B appartenant ( une gnration moins touc$e par la ontre5
V"orme, elles sont soupRonnes de perptuer les t$+mes du mental pa!san
dans les veilles ou les conseils au3 *eunes 698. Veliques anac$roniques d&un
monde condamn, car suspect de paganisme, concurrentes ob*ectives des
pr'tres, elles se devaient de dispara;tre pour mieu3 assurer les nouvelles
normes culturelles.
toute une topographie religieuse et politi4ue
[emme, la sorci+re est aussi pa!sanne. @i l&on e3cepte les cas marginau3 de
sorci+res urbaines, comme les streghe italiennes ou la lestine de [ernando
de Vo*as 6plus proc$es des entremetteuses vnales que des sorci+res8, la
sorcellerie est un p$nom+ne rural, l&manation d&un monde moins contrLl et
moins c$ristianis que celui des villes 6J >aro*a, op. cit.8. Dlle n&est pas
cependant qu&un p$nom+ne des "ranges agricoles, des rgions "oresti+res ou
montagneuses recules comme le Ia!s basque, le [rioul ou le Vouergue : la
population disperse en $ameau3 n&! "rquente gu+re l&glise B c&est une Y
sorcellerie des angles morts Z 6Le Vo! Ladurie, %aysans du Languedo"& [lam.,
19.98. Les plaines, l&Durope dveloppe sont galement touc$es. ar elles
sont aussi le conservatoire des traditions combattues par la nouvelle culture.
La t$+se de Cic$elet 6La sor"i7re, 11./8
est reste cl+bre. [ille de la mis+re et du dsespoir, isole par Y l&$orreur
commune Z, la sorci+re serait la marginale par e3cellence, con"ine ( la
prip$rie du terroir, Y au3 lieu3 impossibles, dans les "or'ts de ronces, sur la
lande o) l&pine, le c$ardon emm'ls ne permettent pas le passage Z. Ir'tresse
et "iance du diable, la sorci+re trouverait dans les runions nocturnes relles
du sabbat, ngatrices de l&ordre social qu&elle ab$orre, une compensation ( ses
"rustrations quotidiennes. ette t$+se d&une sorci+re `dviantea, marginale et
rvolte, est in"irme par les rec$erc$es $istoriques rcentes. ertes, les accu5
ses appartiennent ( un niveau social moins lev que leurs accusateurs. Cais
pauvret ne signi"ie pas mis+re. Les pauvres du village, les vagabonds, les vrais
marginau3 de l&errance peuvent aisment 'tre bannis de la communaut (
laquelle ils n&appartiennent pas vraiment B ce sont prcisment les seuls ( ne
pas "igurer au3 proc+s. La sorci+re, en revanc$e, est `sociologiquement
normalea B elle est intgre, m'me ( un niveau in"rieur, au village et ( son
rseau de relations. 0n e3emple : ( >ouvignies, parmi les N "emmes brHles en
1.79 pour sorcellerie, "igure Ironne 7oguillon, marie ( un pa!san pauvre,
mais pourvu du titre Y d&$omme de "ie" Z 6V. Cuc$embled, Les derniers
b]"hers, op. cit.8. ?anmoins, la sorci+re est gnralement plus vulnrable
socialement. \ieille, souvent veuve, elle est prive ( ce titre d&une protection
indispensable B moins Y contrLle par le *eu des client+les Z, elle se trouve plus
"ragile dans une socit largement domine par les alliances et les con"lits
entre "amilles.
Ieut5on voir dans la sorci+re une Y dviante se3uelle Z F L&accusation "igure
dans certains proc+s 6une certaine ?isette est accuse en 1572 d&en 'tre ( son
quatri+me mari U8. @urtout, les aveu3 e3torqus insistent sur la copulation avec
@atan, dans le cadre des orgies nocturnes. Ilus qu&une ralit, ces vocations
sont l&e3pression de la rpression engage par la ontre5V"orme dans des
campagnes o) une relative libert des m%urs persistait avant 155:. Dn
diabolisant la se3ualit, on la rendait coupable B c&est l&une des "acettes de
cette `c$ape de plomba qui s&abat sur les villageois et leur culture.
Ias de rvolte consciente, donc. Eout au plus une volont d&inversion, une
reprise du t$+me du `monde ( l&enversa, si "rquent dans la culture populaire,
comme en tmoigne ce rcit d&un adolescent5sorcier au Labourd, voquant, en
1.:9, une messe noire ( laquelle il aurait assist : Y Le cur "aisait l&lvation
montrant une $ostie noire estant lev en l&air les pieds contremont et la t'te
renverse an bas devant le diable Z. O&autres a""irment que les pr'tres du
Labourd cl+brent la messe noire `( reboursa 61:8. e t$+me du monde (
l&envers se retrouve dans les "'tes des "ous, les `messes5"arcesa du Cidi
mditerranen, qui inversent rellement, mais pour un *our seulement, les
ralits $irarc$iques. Anversion m!t$ique d&un monde qu&on ne rcuse pas
vraiment : les @aturnales supposent le retour ( l&ordre social.
Y Muand se dcidera5t5on ( promener s!stmatiquement sur l&Durope enti+re un
regard et$nograp$ique F La civilisation traditionnelle qui ac$+ve de mourir sous
nos !eu3 mrite autant d&attention que la culture des Oogons Z, rappelle "ort
*ustement Iierre $aunu. Les rec$erc$es $istoriques rcentes vont largement
dans le sens de ce plaido!er de $aunu pour une et$nograp$ie europenne. e
qu&il est convenu d&appeler `l&$istoire des mentalitsa "ait largement appel au3
apports de l&et$no5$istoire. La `sorcellerie populairea, ( laquelle il "aut rendre
Y son caract+re plein et dru de s+ve idologique aut$entiquement campagnarde
Z 6Le Vo! Ladurie, %aysans du Languedo", op. cit.8, poss+de une logique
interne totalement di""rente de celle de la culture savante : elle propose une
autre vision co$rente du monde, $rite dans une large mesure de cro!ances
prc$rtiennes.
Les liens avec des rites de "ertilit manant du
paganisme ont t largement mis en vidence. Dntendons5nous : il ne s&agit pas
de prouver l&e3istence d&un culte organis, autour d&une divinit prcise de la
vgtation, qu&un animal ou un $omme incarnerait lors de runions relles
d&une secte quelconque. Cic$elet, tenant de la ralit du sabbat, cro!ait en
l&e3istence d&une secte avec un @atan qui reprsenterait l&antique >acc$us et
Iriape. Cargaret Curra! 6The it"h<(ult in estern #uropa, <3"ord, 19/18 a
tent de prouver la ralit d&un culte de `Janusa ou Oianus, divinit connue de
la vgtation. Ilus rcemment, J. Vussel 6it"h"raft in the ?iddle 5ge, 197/8
soutenait encore la ralit des danses orgiaques au sein de runions
clandestines autour d&un 'tre s!mbolisant @atan. Dn ralit, il appara;t
clairement au*ourd&$ui que le `sabbata est une invention de la dmonologie des
*uges. Dn revanc$e, l&on peut reconna;tre un paganisme di""us, plus vcu que
pens, dans la mentalit populaire. Oes te3tes, des tmoignages, voire des
lments actuels du "olklore europen le prouvent amplement.
9u _Ae si+cle, le (anon epis"opi a""irme que Y certaines "emmes criminelles,
suppLts de @atan et sduites par ses miracles et ses visions, croient et
pro"essent qu&elles c$evauc$ent certains animau3 et traversent l&espace en
compagnie de Oiane ou ,rodiade Z. 9u Ia!s basque, en >isca!e, Cari, la
prsidente des sorci+res d&9mboto est cense vivre au sommet des montagnes :
on l&appelle la `Oame d&9mbotoa 6118. 9u _\AAe si+cle, on poss+de une
a""irmation de l&9llemand 7odelmann, selon qui les sorci+res sortent la nuit de
=alpurgis, "ormant ce qu&il nomme das w]tende *eer 6J >aro*a, op. cit.8. <n
reconna;t ici l&un des t$+mes ma*eurs de la m!t$ologie germanique, celui de la
`$asse sauvagea. Oes tmoignages plus nets encore in"irment la vision d&une
Durope prcocement c$ristianise. Dn plein _\AAe si+cle, des *suites envo!s
en mission en Atalie du @ud dcouvrent avec $orreur que les pa!sans pro"essent
l&e3istence de cent, voire de mille dieu3. Oans l&9ngleterre de la m'me poque,
le puritain >a3ter s&aperRoit que plusieurs de ses ouailles croient que le $rist
est le soleil, le @aint Dsprit, la lune. Dn plein _\AAAe si+cle, le pape >enoit _A\ se
voit oblig d&interdire en terre ponti"icale des Lupercales et des >acc$anales
*uges indcentes. Oes rites bacc$iques ont aussi t mis en vidence dans le
CeGGogiorno actuel par des $istoriens italiens.
LLa nature mDme de la M sorcellerie O continue diviser les spcialistes -i lNe)istence relle
du M sa..at O ne peut plus Dtre srieusement soutenue aujourdNhui, la survivance, che: les
sorcires, de certains lments de cultes paJens ne peut pas non plus Dtre mise en doute $ans
!es batailles nocturnes, /arlo =in:.urg critique la thse de _orman /olin, selon qui la
sorcellerie nNaurait t quNM une projection des angoisses des juges O 0n pa+s germanique
notamment, la M /hasse sauvage O est lNhritire du m+the dN9dhinn<`otan /i<dessous ' les M
"emmes sages O de la religion gauloise 2Muse de Met:8 ' la "ois jeteuses de sort et
thaumaturgesS
e sont toute"ois les / tudes de arlo
7inGburg 6Les batailles no"turnes P sor"ellerie et rituels agraires en Frioul&
\erdier, 191:, et Le fromage et les .ers \ L)uni.ers d)un meunier du Z'3e
si7"le& [lam., 191:8, consacres au [rioul des annes 157551.5:, qui montrent
le mieu3, ( partir des proc+s de l&Anquisition d&0dine, des traits originau3 de la
culture populaire, les uns lis ( des rites de "ertilit qui seront diaboliss par
les *uges, les autres o""rant une vritable vision du monde irrductible ( la
cosmogonie o""icielle. L&auteur insiste sur la marginalit du [rioul, pa!s
montagneu3 et aust+re, o) de nombreu3 villages restent isols l&$iver par la
neige ou la pluie. <n ! accuse la *eunesse de ne pas "rquenter souvent le culte
dominical. Eoute"ois, la pro3imit de \enise en "ait aussi un monde ouvert sur
l&crit. &est un carre"our, en"in, o) traditions slaves et germaniques se m'lent,
particuli+rement dans les cro!ances des benandanti 6`ceu3 qui partent pour le
biena8. ?s `coi""sa 6la t'te recouverte de la membrane amniotique8, dirigs
par un capitaine, les benandanti dclarent aller en esprit la nuit livrer bataille
avec des branc$es de "enouil contre sorciers et sorci+res arms de tiges de
sorg$o.
Oe ce combat qui se tient au3 `Muatre tempsa 6*ours de *eHne imposs par
l&4glise ( c$aque saison8 dpendent les rcoltes ( venir. Y @i nous sommes
vainqueurs, c&est une anne d&abondance B si nous sommes vaincus, c&est une
anne de disette. EantLt nous combattons pour le "roment et les autres grains,
tantLt pour les menues rcoltes, tantLt pour les vins B ainsi en N "ois, nous
combattons pour tous les "ruits de la terre B de ceu3 qui sont gagns par les
benandanti& la rcolte cette anne5l( est abondante Z, dclare Coduco,
benandante interrog par l&inquisiteur 6. 7inGburg, Les batailles no"turnes,
op. cit.8. Muant au3 "emmes, elles sortent galement en esprit au3 `Muatre
tempsa pour voir les morts en leurs processions nocturnes. ette derni+re
cro!ance est rattac$e par 7inGburg au3 c$evauc$es nocturnes germaniques,
o) [rau ,olle, Ierc$ta, Oiane ou ,olda, m+nent la troupe des morts prmaturs
( travers les rues du village. &est encore une "ois le t$+me de la ilde -agd S
et l&auteur rappelle la condamnation de ces cro!ances par le prdicateur 7eiler
von Ka!sersberg, qui, dans l&ouvrage 0ie #meis, stigmatise les sorci+res et les
"emmes qui se rendent au3 `Muatre tempsa aupr+s de Fraw Fenus et
participent la nuit de ?ool ( la $asse sauvage. 9u retour de leurs *eu3
nocturnes, nos benandanti "minines se restaurent d&eau claire dans les
maisons, sinon elles "ont tourner le vin dans les caves : o""randes propriatoires
lies au3 morts et ( ceu3 qui sont $abilits ( entrer en contact avec eu3 61/8.
Le combat agraire des benandanti masculins semble avoir $rit de certains
traits de la m!t$ologie indo5europenne, notamment ceu3 relati"s au3
anciennes `con"rries masculinesa. Al rsulterait de la rinterprtation d&un rite
de "ertilit plus ancien, avec a""rontement de / bandes de *eunes gens
personni"iant les dmons bn"iques et mal"iques, la priode des `Muatre
tempsa provenant elle5m'me d&un ancien calendrier agraire tardivement
anne3 au calendrier c$rtien 6128. e t$+me du combat bn"ique pour les
rcoltes se retrouve en Lit$uanie, dans un proc+s intent en 1.9/ ( un loup5
garou 67inGburg, Batailles no"turnes, op. cit.8. elui5ci, qui s&intitule `c$ien de
Oieua, combat aussi pour le bien puisque, trois "ois l&an, il lutte en en"er, avec
d&autres l!cant$ropes, contre le diable et les sorciers, et ram+ne sur terre le
btail et le bl vols par les "orces du mal. Oe l&action de ces loup5garous
dpend l&abondance des rcoltes ( venir.
&est ( partir de 1./: que les benandanti se voient `diabolissa par les *uges.
Les t$+mes $abituels du sabbat, de l&inversion des crmonies ecclsiastiques,
de la pro"anation de l&$ostie apparaissent peu ( peu ( travers l&interrogatoire
suggesti" des *uges : surprenantes, scandaleuses, parce que n&entrant pas dans
la grille de l&ort$odo3ie cat$olique, les cro!ances des benandanti n&ont pas Y
droit de cit parmi les sc$mas t$ologiques, doctrinau3, dmonologiques de la
culture dominante Z 6. 7inGburg, Batailles no"turnes, op. cit.8. La `sorcellerie
diaboliquea ^ rassurante en un sens ^ va en prendre le relais. ?os benandanti
"rioulans se muent trop tard en `sorciersa pour "inir sur les bHc$ers, mais, (
cette date, le m!t$e populaire s&est d*( dsagrg 61N8.
9u [rioul tou*ours, le proc+s du meunier Oomenico @candella, dit Cenocc$io,
rserve bien des surprises. ?ous sortons ici du cadre strict de la sorcellerie,
mais notre meunier, reconnu coupable d&$rsie, s&inscrit dans le m'me sc$ma
d&une lutte entre culture ort$odo3e savante et culture populaire. 9lp$abtis,
et m'me a!ant lu des ouvrages savants, Cenocc$io n&en poss+de pas moins une
`grille de lecturea qui se rattac$e troitement ( la culture et au3 traditions
orales 6158. Al a""irme obstinment une cosmogonie bien singuli+re. @elon lui, le
monde "ut cr ( partir du c$aos originel B puis Y ce volume peu ( peu "it une
masse, comme le "ait le "romage dans le lait et les vers ! apparurent, et ce
"urent des anges 6...8 9u nombre de ces anges, il ! avait aussi Oieu, cr lui
aussi de cette masse... Z Dt Cenocc$io d&a*outer : Y L&air est Oieu 6...8 la terre
est notre m+re 6..8 Eout ce qui se voit est Oieu, et nous sommes des dieu3 Z 6.
7inGburg, Le fromage et les .ers, op. cit.8.
Iour e3pliquer une cosmogonie aussi singuli+re en son temps, 7inGburg renvoie
( des m!t$es anciens, ( une tradition millnaire, transmise par voie orale, de
gnration en gnration 61.8. 9illeurs, "aisant du "eu l&lment primordial 6Y le
"eu est partout comme Oieu Z8, notre meunier retrouve le cosmos des anciens
p$ilosop$es grecs, en vritable Y ,raclite pa!san Z. P travers les discours de
Cenocc$io a""leurent donc ( la sur"ace Y une couc$e encore insonde de
cro!ances populaires et d&obscures m!t$ologies pa!sannes Z 6ibid., p. 918, une
religion ou le sacr baigne le monde, rtive au3 dogmes, pro"ondment
prc$rtienne. &est cette vision di""rente du monde que nous avons vue
pourc$asse par l&lite ecclsiastique de la ontre5V"orme, dcide ( e3tirper,
par l&invention tardive de la peur de @atan et la dsignation de ses allis, ces
cro!ances non con"ormes. Cenocc$io, comme les sorci+res, "init sur un bHc$er.
Iar del( les bHc$ers, une nouvelle topograp$ie religieuse et politique s&est en
d"initive mise en place. Les liens $oriGontau3 et organiques des solidarits
pa!sannes, la vision ambivalente et non dualiste du monde, ont "ait place ( une
conception c$rtienne manic$enne, ( une relation verticale de c$aque
individu avec un Oieu transcendant 6le sacr tant vacu en "ait de l&univers
quotidien8 et avec un 4tat plus e3igeant : l&v'que et l&intendant ro!al contre
les `oublis de l&$istoirea. Cettre en vidence les manipulations de la culture
savante, "aire merger de l&ombre des pans de la culture populaire, n&est5ce pas
en derni+re anal!se Y prendre acte d&une mutilation $istorique dont, en un
certain sens, nous sommes nous5m'mes les victimes Z 6ibid.8 F Veprenant ( son
compte une citation de =alter >en*amin, arlo 7inGburg conclut : Y @eule
l&$umanit rac$ete, c&est5(5dire libre, a droit ( la totalit de son pass Z.
MichRle Gourlaouen! Nouvelle (cole n-M4! 34/C5
1grge d'histoire7 docteur en ethnologie europenne7 =ich0le "ourlaouen prpare une
th0se d'histoire des mentalits sur > La notion de ?pa2s@ dans la France d'1ncien rgime
A%
K >ibliograp$ie :
Les sor"i7res et leur monde, J >aro*a 67al., 197/8 B
La peur en O""ident, Jean Oelumeau 6Ioc$e5Iluriel, 19718 B
de arlo 7inGburg : Les batailles no"turnes P sor"ellerie et rituels agraires en
Frioul 6\erdier, 191:8 et Le fromage et les .ers \ L)uni.ers d)un meunier du
Z'3e si7"le 6[lam., 191:8 B
de Dmmanuel Le Vo!5Ladurie : ?ontaillou& .illage o""itan 67al., 19758 et %ay<
sans du Languedo" 6[lam., 19.98 B
?agistrats et sor"iers en Fran"e au Z'33e si7"le, Vobert Candrou, @euil, 191: B
de Vobert Cuc$embled : (ulture populaire et "ulture des ,lites 6[lam., 19718,
La sor"i7re au .illage& Z'e<Z'333e si7"les 67al., 19798, Les derniers b]"hers P 2n
.illage de Flandre et ses sor"i7res sous Louis Z3' 6Vamsa!, 19118 B
The it"h<(ult in estern #uropa , Cargaret Curra! 6<3"ord, 19/18 B
it"h"raft in the ?iddle 5ge, J. Vussel, 197/.
K ?otes :
618 Le transi est une sculpture reprsentant un cadavre nu, quelques instants
apr+s la mort.
6/8 V. Cuc$embled in La sor"i7re au .illage : Y 9ct dict que l&on dict tout ce que
l&on veult... disant que le papier est douce et qu&on ! met ce que l&on veult Z.
628 @i elle n&a pas avou, la sorci+re est gnralement bannie 6ce qui quivaut (
une mort di""re dans une socit o) tout repose encore sur l&appartenance au
groupe social8.
6N8 9pollon envoie la peste par les "l+c$es qu&il dcoc$e, mais en gurit aussi les
mortels dans ses sanctuaires.
658 Y Les cimeti+res deviennent de plus en plus des lieu3 polics et silencieu3...
Les *eu3, les repas et les rites qui s&! pratiquaient vers la "in du Co!en ege ont
disparu B la coupure entre sacr et pro"ane est impose Z 6V. Cuc$embled,
(ulture populaire..., op. cit.8.
6.8 9vant le concile de Erente 615.N8, l&absentisme tait la r+gle, d&o) un
encadrement rduit des masses rurales 6une enqu'te rv+le par ailleurs qu&en
>avi+re, N l seulement des pr'tres ne vivaient pas en concubinage ( l&poque
du concile8. Oornavant, les curs sont tenus de rsider dans la paroisse.
678 Vappelons cependant que, le 15 novembre 197/, Iaul \A a ra""irm avec
"orce l&e3istence de @atan : Y Al est l&ennemi numro un, le tentateur par
e3cellence. elui qui re"use de reconna;tre l&e3istence du dmon sort du cadre
de l&enseignement biblique et ecclsiastique Z 6cit par V. Cuc$embled, La
sor"i7re au .illage, op. cit.8. ommentaire de Cuc$embled : Y Al est vrai que
l&absence du diable annonce peut 'tre aussi celle de Oieu... Oe ce "ait, la mise
en garde ponti"icale prend le sens d&un e""ort apologtique et d&un apostolat
dont les accents ne sont pas sans rappeler ceu3 des $ommes de la ontre5
V"orme Z.
618 @elon 9ristote, le c$aud vaut plus que le "roid, et le sec plus que l&$umide.
<r, dit 9mbroise Iar : Y La "emme a tou*ours moins de c$aleur que l&$omme...
Les parties spermatiques d&icelle sont plus "roides et plus molles et moins s+c$es
que celles de l&$omme Z. @es action ne sont donc pas Y tant par"aictes en elle
qu&en l&$omme Z 6cit par J. Oelumeau, La peur en O""ident, op. cit., pp. 2915
NN98.
698 Oans une rponse ( un questionnaire arc$ipiscopal de 1.17, un cur
nomme ainsi les veilles : Y les bureau3 du diable Z. Iarce que s&! rencontrent
*eunes gens et *eunes "illes et Y m'sme des *oueurs de violons Z, mais aussi
parce que s&! perptuent les Y superstitions suspectes Z. Le `sabbata est en
partie une version diabolise de la veille 6V. Cuc$embled, (ulture popu<
laire...& op. cit., p. /.58.
61:8 it par Le Vo! Ladurie 6%aysans du Languedo", op. cit.8. L&auteur donne
l&e3emple de la "'te des "ous au3 ordeliers d&9ntibes : livres saints renverss et
lus ( rebours, ornements sacerdotau3 mis ( l&envers... Dn 151:, le tragique
carnaval de Vomans 6o) le *eu d&inversion tourna ( la rvolte relle8 se termine
par la pendaison ( l&envers du meneur.
6118 ". >aro*a, op. cit., p. 77 et c$ap. A\ : Y La desse des sorci+res Z. Dn plein
_\e si+cle, le Ia!s basque passait pour 'tre le `pa!s des 7entilsa.
61/8 L&auteur souligne que le / novembre, les morts sont censs, en Atalie,
traverser le village et entrer dans leurs anciennes maisons B boissons et
nourritures ! sont disposes ( leur intention.
6128 7inGburg rapproc$e les combats des benandanti de ceu3 de l&$iver et de
l&t, courants dans les rites d&Durope septentrionale et centrale.
61N8 <n assiste m'me ( un dtournement des anciens rites, comme en tmoigne
cette dclaration d&un benandante& Cic$el @oppe, en 1.N9 : Y J&appelais @atan
le plus souvent en tenant une branc$e de "enouil Z 6Batailles no"turnes, op.
cit., p. 1./8.
6158 ". . 7inGburg, Le fromage et les .ers, op. cit. Le statut du meunier est
ambigu : plus ric$e que les pa!sans, il est aussi le point de rencontre des
c$anges d&ides 6le moulin est un lieu essentiel de la sociabilit rurale8.
61.8 Oans les vdas, l&origine du cosmos est e3plique par la coagulation ^
semblable ( du lait ^ des eau3 de la mer originelle, battue par les dieu3
crateurs. $eG les Kalmouks, on trouve qu&Y au commencement, ce monde
n&tait rien... et l&eau de la mer "ut battue comme l&cume et se coagula comme
un "romage, duquel ensuite naquirent une multitude de vers, et ces vers
devinrent des $ommes, parmi lesquels Oieu tait le plus puissant Z.
K Les ,erbes Cagiques
La connaissance des e""ets t$rapeut$iques et des pouvoirs tranges des
plantes remonte trs probablement au3 origines de l&$umanit 6si la >ible "ait
vivre 9dam et Dve dans le *ardin d&4den, ce n&est pas le "ruit du pur $asard...8.
9u Co!en ege, l&univers vgtal, loin de "ournir seulement des lments
indispensables ( l&alimentation des $ommes et des animau3, est au centre d&un
s!st+me relationnel comple3e entre environnement et socit. <mniprsente
dans la vie quotidienne, divinatoires, consolatrices, protectrices, gurisseuses,
mal"iques..., des centaines d&esp+ces alimentant un savoir empirique
millnaire ou des superstitions tenaces, entrent dans la composition d&onguents,
de potions, de p$iltres... I$armacope et magie s&entrem'lent
ine3tricablement. La preuve par $uit.
j Le Oatura : 7are ( cette solanace au3 "leurs en "orme de trompette U Dlle
entre dans la composition d&onguents destins ( provoquer des transes, des
$allucinations et des sensations de lvitation 6la scopolamine contenue dans
cette plante to3ique, comme on le sait au*ourd&$ui, "ait perdre la volont et la
mmoire des "aits postrieurs ( la prise8 U 4galement considr comme
ap$rodisaique, la datura pourrait 'tre ( l&origine des visions "antastiques
grouillant de boucs et de dmons lubriques dont les proc+s de sorcellerie "ont
grand cas.
j Le Cillepertuis : Centionn dans les crits de Oioscoride 6un mdecin grec des
armes de ?ron8, 7alien, Iline l&9ncien, ,ippocrate et Iarcelse, le
millepertuis, alias `l&$erbe de @aint5Jeana 6la lgende voulant que cette simple
soit ne du sang de @aint5Jean5>aptiste8 est surtout utilis au Co!en ege pour
soulager les embarras digesti"s, traiter les brHlures, les probl+mes urinaires, les
douleurs menstruelles, l&anmie... ueilli au matin de la @aint5Jean, au plus "ort
des in"luences solaires, il passe galement pour repousser l&esprit des tn+bres
et gurir les possds.
j La @auge : Sal.ia 6*e sauve8. @on nom latin en dit long sur le crdit dont elle
*ouit depuis les temps les plus reculs. Oans la p$armacope mdivale, la
sauge est la plante reine des convalescents. Dlle combat les sueurs, le manque
d&apptit, la dpression p$!sique et morale... Ers en vogue ( l&4cole de @alerne
6l&cole de mdecine la plus importante du Co!en ege8 on dit de cette labiace
que `si son usage ne rend pas l)homme immortel& ")est 4u)il n)y a point de
rem7de "ontre la morta.
j La Candragore : L&une des `armesa les plus redoutes de l&arsenal magique, (
manier avec d&in"inies prcautions, comme la belladone. Vpute cro;tre au
pied des gibets o) le sperme des pendus innocents la "conde, cette esp+ce de
solanace 6dont la racine bi"ide, qui peut atteindre .: cm de long voque par sa
"orme les *ambes d&un corps $umain8 pousse un cri terri"iant quand on veut
l&arrac$er et ceu3 qui c$erc$ent ( s&en emparer son "oudro!s U Calgr son
e3crable image de marque, la mandragore met par"ois ses pouvoirs au service
du >ien et assure prosprit et "ertilit. P la Venaissance, ses alcalo]des seront
utiliss comme anest$siques par 9mbroise Iar.
j La Jusquiame : 0ne multitude de lgendes et de cro!ances s&attac$ent ( cette
cousine velue, visqueuse, narcotique et calmante de la m!st+rieuse
mandragore. 9(eu+ 4ui en mangent sortent hors du sens& pensent 4u)on les
fouette par tout le "orps& b,gayant de la .oi+& bramant "omme des Qnes et
hennissant ainsi 4ue des "he.au+a, commente au _Ae si+cle le mdecin et
p$ilosop$e perse 9vicenne. Cal"ique, la *usquiame "ait partie des plantes
entrant dans la prparation des breuvages et pommades qui emm+nent les
sorci+res au sabbat. >ien que dangereuse, les `c$irurgiensa utilisent toute"ois
ses graines pour calmer les rages de dents.
j L&9nglique : >aptise la `racine des angesa par le mdecin suisse Iaracelse
61N92515N18, cette ombli"+re est pare de toutes les vertus : un cataplasme de
ses "leurs "ra;c$es bouillies ou macres dans de l&$uile, dit5on, neutralise les
venins, sa poudre ingre dans une boisson apaise les troubles de l&estomac, les
diarr$es, les tou3, les grippes et les r$umes.
j L&,ellbore : 9?a "omm7re& il faut .ous purger a.e" 4uatre grains
d)h,ll,boresa, dit le li+vre ( l&insense tortue qui prtend se mesurer ( lui dans
la [able de La [ontaine. Muali"u de "tide en raison de l&odeur repoussante
qu&elle dgage quand on la touc$e, l&$ellbore, alias `$erbe au3 "ousa, passe
pour soigner les drangements crbrau3. et usage perdurera *usqu&au _A_e
si+cle.
j L&9rmoise : onnue depuis l&9ntiquit pour ses proprits emmnagogues
6"acilitant les rgles8, l&armoise, au Co!en ege, a la rputation d&loigner les
dangers qui menacent le pauvre monde. `(elui 4ui porte tou=ours sur lui de
"ette herbe ne "raint point le mau.ais esprit& ni le poison& ni le feu et rien ne
peut lui nuirea, crit au _AAAe si+cle la savant et t$ologien 9lbert le 7rand.
ette plante $erbace entre aussi dans la composition des p$iltres destins (
`dnouer l&aiguillettea, un mal"ice qui "rappe d&impuissance les *eunes pou3

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