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Savoir expert, savoirs ordinaires: qui dit vrai? Vrit et pouvoir chez Foucault
Louise Blais
Sociologie et socits, vol. 38, n 2, 2006, p. 151-163.

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URI: http://id.erudit.org/iderudit/016377ar
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Savoir expert, savoirs ordinaires :

qui dit vrai ?
Vrit et pouvoir chez Foucault

louise blais
cole de service social
Facult des sciences sociales
Universit dOttawa
43, rue Templeton
Ottawa (Ontario), K1N 6N5, Canada
Courriel : lblais@uottawa.ca

epuis trois ou quatre dcennies, on assiste la standardisation accrue des

grilles denqute et danalyse dans le domaine de la sant publique, dont notamment tout un assemblage de problmes sociaux ou personnels englob sous le vocable
de la sant mentale. Ce processus a t rendu possible grce un dispositif mthodologique et technologique capable dtendre les tudes des populations de plus en plus
vastes et de construire un systme de classication diagnostique de plus en plus diffrenci et raffin. Ainsi, par exemple, et la base de ces enqutes, le Diagnostic and
Statistical Manual (DSM), produit de lAmerican Psychiatric Association (APA), qui
sert dtalon de la sant mentale . Dsormais, peu de dimensions et paramtres de la
vie sont labri de la logique dune norme de la sant. Les problmes se multiplient
linni et de faon exponentielle, comme des clats de malaises rigs en diagnostics de
plus en plus varis qui alimentent linscurit et le sentiment dimpuissance individuelle et collective ; qui alimentent aussi, par consquent, tout un dispositif dintervention. Et quoi que prtende le discours dominant en ces temps de coupures , on
assiste moins au rtrcissement de ltat qu sa rorganisation profonde (la ringnierie ), sorte daggiornamento danciennes formes de protection collective dont
stait dot ltat-providence travers ses services publics (Castel, 1976 et 2003).

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La rduction de phnomnes normaux et de problmes sociaux complexes un

schma nosologique de plus en plus tendu dans ses diffrenciations internes et ses
applications externes tend aseptiser ce qui fabrique les problmes, contribuant ainsi
liminer dautres sens quils pourraient prendre dans la collectivit (Singleton, 1994).
La prgnance des savoirs experts ces dernires dcennies saccompagne dune dvalorisation des savoirs profanes, ces savoirs de tous les jours, ces rituels, ces connaissances,
ces croyances et ces pratiques qui sont, depuis toujours, essentiels lautonomie individuelle et collective. La relgation de ceux-ci un statut dinsigniance, au sens propre
et statistique, contribue largir le foss entre savoirs experts et savoirs ordinaires. Se
cre ainsi un dcalage entre lunivers technoprofessionnel et celui des usagers (patients,
malades, clients, populations), do une difcult fondamentale des institutions daide
et de soins dans les socits hyperplanies o des pratiques codies laissent peu de
place aux signications multiples, complexes, contradictoires des malaises et problmes
dans la socit.
Dun ct donc, ination du discours expert sur les risques, les besoins, les problmes ; de lautre, dcit de sens et de prise sur le monde. Dun ct, parcellisation
des connaissances, spcialisation des pratiques, professionnalisation des disciplines ;
de lautre, beaucoup de communication et dinformation1, peu de dbats. Intimit
publique, peuple muet ?
Dans Il faut dfendre la socit, Foucault arguera quen faisant jouer la lgitimation
politique dans la lgitimation scientique, le discours sur la lgitimit scientique a
pour effet de neutraliser la lgitimit politique. Cet affaiblissement du politique, dirat-il, se fait au profit dune socit de la norme. En merge une nouvelle figure du
contrle social en la personne de lvaluateur2 et des services publics orients vers la gestion de la norme ; une socit de la peur des marges quelle scrte et qui sous-tend
lappel des mesures de scurit toujours plus imposantes et envahissantes3. On comprendra alors pourquoi, pour Foucault, la critique des formes daccumulation du
savoir est au moins aussi importante que la critique de laccumulation du capital
(Foucault, 1994 : IV, p. 87-89).
Entre savoir expert et savoirs ordinaires, cest la rupture dans la chane de production de sens qui proccupe Foucault et cest pourquoi il nous convie un retour au
savoir des gens . Mais que veut dire, au juste, ce savoir des gens ? Quelle est sa pertinence ? Qui parle ? Qui dit vrai sur la ralit des choses ? Et surtout, face la puissance du savoir institutionnalis, formel, dominant, quelle peut tre sa force? Le savoir
1. Linformation ne donne pas a priori le pouvoir, bien au contraire. Dans le domaine de la sant, on peut
multiplier les exemples, du SRAS la grippe aviaire, en passant par lhypercholestrolmie ou lhypertension,
et bien dautres encore, dun trop-plein dinformation qui nourrit plutt une culture de la peur. Qui nourrit aussi, disait Illich vers la n de sa vie, une culture obsde par la sant (Illich, 1999).
2. Lvaluateur est, par dnition, formation et mandat, un expert dont les gures se trouvent dans
la personne du policier, du travailleur social, du psychologue, de linrmire, du mdecin, du chercheur, etc.
Au-del des qualits personnelles des divers intervenants, la fonction dvaluation est centrale la dnition
de leur tche, celle-ci tant elle-mme soumise des grilles de plus en plus standardises.
3. Voir Castel (2003) sur les drives conceptuelle et pratique de lidologie de linscurit sociale.

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des gens, chez Foucault, est inextricablement li sa rexion sur la vrit et le pouvoir,
la vrit comme enjeu du/de pouvoir.
la verticale de la vrit
Foucault ne sintresse pas la vrit; pour lui, la vrit na pas dessence. Ce qui ne veut
pas dire quelle nexiste pas ; il rcuse mme lide selon laquelle la vrit serait toujours relative. Il sintresse plutt de savoir comment la vrit est produite, comment
elle peut se constituer dans un rapport de pouvoir (Foucault, 1994 : IV, p. 668-669).
Ce qui est gnralement admis concernant la maladie ou le crime ou la sexualit, par
exemple, et qui structure de manire variable dans le temps et lespace les rituels et
pratiques les concernant, cest aussi lhistoire du rapport que la vrit entretient avec le
pouvoir.
Dans Histoire de la folie, Foucault montrait comment la folie en tait venue tre
problmatise travers une pratique institutionnelle et un certain appareil de connaissances qui en a fait une maladie, et donc un problme pour la mdecine. La mdecine,
quil faut entendre comme dispositif, et non seulement comme profession, sera une
technique politique dintervention..., un savoir-pouvoir qui porte la fois sur le corps
et la population, sur lorganisme et sur les processus biologiques... (Foucault, 1997,
p. 225). Ce dispositif produit les effets disciplinaires et rgularisateurs qui structurent
la socit de normalisation. La psychiatrie (mais aussi bien la prison, la mdecine...) se
prsente alors comme savoir, pratique et institution analyser. En fait, lhistoire de la
psychiatrie sert Foucault de cl pour analyser le fonctionnement du pouvoir. Dans son
cours au Collge de France de 1974 intitul Le pouvoir psychiatrique, il dcortique, tel
un chirurgien, la manire dont la psychiatrie a pu asseoir son pouvoir en tablissant son
autorit sur la vrit de la folie (p. 234-265). La distinction quil y tablit entre vritvnement et vrit-dmonstration est dune grande valeur heuristique pour voir
luvre ce quil appelle la micromcanique du pouvoir .
La vrit-vnement, dit Foucault, est celle de la crise, de la maladie, une vritpreuve , un moment de combat o se dcident lvolution de la maladie, la vie ou
la mort, ou encore le passage ltat chronique (ibid., p. 242). La crise de la folie est
celle de la draison, lenvers ombrageux de la raison, l o se joue le travail de la raison.
Cette vrit-vnement, soutient Foucault, nest pas universelle. Mme si elle nest pas
forcment rare, cest une vrit disperse , de lordre de ce qui arrive (ibid., p. 236237), de lordre de limprvisible et qui, travers lhistoire des civilisations, a mobilis
des gestes, des pratiques et des rituels ne relevant pas de ce que lon appelle aujourdhui
le savoir scientique.
Cette position est intenable pour la rationalit scientifique selon laquelle, au
contraire, la vrit existe partout. On peut la trouver, la condition, bien sr, de possder les bons instruments pour la dcouvrir, les catgories ncessaires pour la penser
et le langage adquat pour la formuler en propositions (ibid., p. 236). Cest toute une
technologie de la dmonstration qui se met en place partir du xviiie sicle, soutient
Foucault, et qui sintensie tout au long du xxe sicle. La mthode de Foucault consiste

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dgager les mcanismes par lesquels la vrit-vnement fut parasite, colonise, par
la vrit-dmonstration, la vrit-foudre, par la vrit-ciel , dira-t-il (ibid., p. 247248). En tant que pratique et institution, et comme dispositif comprenant de nombreuses professions, la psychiatrie a pour fonction de faire disparatre la crise, den
neutraliser la vrit-foudre et ce, dira-t-il, de trois manires.
Dabord, la crise, et la vrit quelle recle, seront mises hors jeu dans le processus
de linterrogatoire qui permettra dpingler (diagnostiquer) lindividu son identit
sociale de malade mental. Ce processus servira en fait ofcialiser une position que le
milieu lui avait pralablement assigne (ibid., p. 30 et 234 ; Foucault, 1994 : IV, p. 656667). Cest dans ce sens quil faut apprcier lafrmation de Foucault selon laquelle
[l]a folie nexiste que dans une socit, elle nexiste pas en dehors des formes de la
sensibilit qui lisolent et des formes de rpulsion qui lexcluent et la capturent
(Foucault, 1994 : I, p. 169). La psychiatrisation ne vient pas... exclusivement den haut.
Ce nest pas un phnomne de surcodage externe. [...] cest la base mme que lon peut
commencer dceler un vritable mcanisme dappel la psychiatrie , cest--dire la
famille (Foucault, 1999, p. 279)4.
On pourra encore neutraliser la crise, ce moment de vrit-foudre, dira-t-il, en
ayant recours lanatomie pathologique pour montrer que la vrit de la crise nest
pas l o le fou dit quelle est, mais dans ses nerfs, son cerveau, ses gnes (Foucault,
2003, p. 249). Aujourdhui, plus encore qu lpoque non trs lointaine o Foucault
faisait cours sur ces questions, la situation sest aggrave. En effet, la prgnance du
paradigme neurobiologique a pour consquence de centrer le regard sur les processus
physiologiques du corps, au dtriment des mots, du rcit, de lhistoire, de la trajectoire
du sujet (individuel ou collectif) en situation de crise.
Enn, argue Foucault, la vrit de la crise disparatra dans le rapport tabli par le
savoir psychiatrique entre folie, crime et dangerosit, en montrant que tout fou est
un criminel possible, et source dinscurit. Cest dans ce terreau que nat une culture
et des pratiques de la peur du fou , du diffrent, de lautre comme menace ou risque.
Le point o fonctionne le pouvoir psychiatrique, afrme Foucault, est celui de la dcision entre folie et non-folie, normalit et anormalit, le mdecin (et le dispositif qui
lentoure) tant larbitre entre ralit et non-ralit (ibid., p. 250-251).
de la norme et de la cration de lanormal
Foucault sintressera lhistoire de la psychiatrisation de lanormal et le fonctionnement spcique des normes modernes propres au biopouvoir (Foucault, 1994 : I, p. 7479). Lanormal, dira-t-il, est un grand domaine dingrence (ibid., p. 127) : Entre la
4. Outre les interactionnistes anglo-saxons de la mme poque avec qui on peut dire que, sur ce point,
Foucault entretient une certaine parent, cette position est aussi soutenue par McDougall (1978), Aulagnier
et dautres pour qui la psychiatrie est le dpositaire qui lon cone des problmes que le milieu na pu ou
su assumer. Aulagnier apportera quand mme une nuance cette ide, ce qui permettra dviter le risque
quelle entrane dun victim blaming de la famille, en rappelant que la famille peut elle-mme tre pige
dans un contrat social vici davance (Castoriadis-Aulagnier, 1981, p. 191).

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description des normes et rgles sociales et lanalyse mdicale des anomalies, la psychiatrie sera essentiellement la science et la technique des anormaux, des individus
anormaux et des conduites anormales (ibid., p. 151).
Toute socit, rappelle Foucault (1994: III, p. 477-499), possde ses propres normes
et contraintes. Mais les normes des socits modernes sont particulirement dangereuses parce que, par lextension des procdures politiques de lenqute de type policier sur le comportement des gens, la manire dont ils vivent, la manire dont ils
pensent, dont ils font lamour... (Foucault, 2003, p. 246), les pratiques du biopouvoir
dnissent lavance ce qui est normal ou sain. Ainsi, cest grce lapparition dune
mdecine statistique, une mdecine des grands nombres, et llaboration de mesures
denqute5 de la sant pouvant porter, en principe et la limite, sur tous les individus,
que la surveillance gnrale et ladministration des populations sont possibles, la
population comme problme... la fois scientique et politique, comme problme biologique et comme problme de pouvoir (Foucault, 1997, p. 216-219). Or, plus une
socit de la norme multiplie et rafne les catgories du normal, plus elle cre des marginaux. Pour certains, plus fragiles dans leur intgrit psychique, physique et sociale, la
marge peut savrer un lieu de chute vers la d-liaison relationnelle et institutionnelle
(Castel, 1995 et 2003).
Mais les marges sont aussi porteuses de crativit dans les rapports sociaux. Lide
nest donc pas de viser llimination des marges sociales, soit par des politiques dintgration trop autoritaires et intrusives, ou encore par abandon ou enfermement. Sans
marges, il ny a pas de socit, sinon totalitaire. Une socit se mesure aussi la place,
au traitement, aux espaces de libert quelle cre, ou laisse crer, pour les individus et
groupes qui, par choix, destin ou accident, se trouvent dans ses marges. Lidentit des
exclus, des marginaux, des anormaux, dira Carnevale (2005, p. 161), vient de techniques particulires de pouvoir. Sintresser aux failles de ces dispositifs veut dire imaginer des espaces de libert venir o les exclus ne seraient plus tels, ou bien ils ne
seraient plus les mmes.
savoirs profanes et savoirs ensabls
Depuis Marcel Mauss, et tout au long du xxe sicle, des voix ensables, pour emprunter lexpression de Foucault, ont clair les enjeux sociaux, culturels, voire civilisationnels, de la mdicalisation et de la psychobiologisation du langage contemporain pour
parler de ce qui relve du social, des conditions du vivre-ensemble, des manires dont
les individus font lien, de leur rapport la maladie, la souffrance, la mort et laudel. Devant les situations limites, celles qui dstabilisent et dsorganisent la
5. Sappuyant sur des indicateurs psychobiologiques (taux de naissances, de morbidit et de mortalit,
et lvaluation des comportements, des penses et des attitudes, etc.) que lon mettra en lien avec des facteurs
environnementaux et conomiques, ces pratiques du biopouvoir permettent les prvisions, les estimations
statistiques, les mesures globales, grce des techniques dobservation de plus en plus rafnes (par ex. lpidmiologie, les programmes de Connaissances et surveillance en sant publique et lusage gnralis du
DSM).

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conscience, la personnalit, voire la vie elle-mme, l o la nature sociale rejoint...

la nature biologique , il ne suft pas, disait Mauss, de considrer le psychique ou le
psycho-organique/biologique ; il faut considrer le social6, sans quoi on ne fait de ces
tats limites quaffaire dhpitaux et dun dispositif dinterventions techniques, la
gangue qui sape les solidarits collectives (Mauss, 1950 ; 1993, p. 329).
La charge est grave et heurtera encore, des dcennies plus tard, bien des sensibilits providentialistes et bienveillantes. Elle est dautant plus difcile penser quelle
risque daccommoder les chantres du noconservatisme rgnant pour qui ltatprovidence et son dispositif sont dmanteler. Il ne faut pourtant pas sy mprendre.
Foucault rappelle en effet quil ny a pas eu de socit la fois plus disciplinaire et plus
assurantielle que celle projete par les nazis (Foucault, 1997, p. 231-233). En fait,
Foucault lance un avertissement quand il soutient que le socialisme doit poser le problme du microfonctionnement du pouvoir, le biopouvoir, sans quoi il risque de rinvestir les mmes mcanismes de pouvoir mis en place par ltat capitaliste ou industriel.
Pour Foucault, la subordination du savoir des gens au savoir institutionnalis est
la face cache des processus de mise en dpendance dont tmoignent tant de programmes dintgration et qui scrtent, sui generis, marges et exclusions. Savrant
incapable de prendre en compte la demande dautonomie des gens face des dangers
et des situations qui seraient de nature infrioriser ou assujettir lindividu en tant
que sujet (Foucault, 1994 : IV, p. 370), le savoir expert, dira Foucault, minorise le
sujet parlant, le sujet dexprience et de savoir (Foucault, 1997, p. 12-13).
Chez Foucault, les savoirs profanes, ordinaires, sont des savoirs locaux qui ont
t ensabls , ensevelis ; cela de deux faons. Ensabls parce que ce sont, dune
part, des savoirs assujettis, disqualifis par la hirarchie des connaissances et des
sciences : [...] toute une srie de savoirs qui se trouvaient disqualis comme savoirs
non conceptuels, comme savoirs insufsamment labors : savoirs nafs, savoirs hirarchiquement infrieurs, savoirs en dessous du niveau de la connaissance ou de la
scientificit requise (ibid., p. 9). Ensabls aussi, dautre part, parce quil sagit des
savoirs ensevelis de lrudition que Foucault dnira ainsi: [...] ces blocs de savoirs historiques qui taient prsents et masqus lintrieur des ensembles fonctionnels et
systmatiques, et que la critique a pu faire rapparatre par les moyens... de lrudition (ibid., p. 8).
Faire merger le savoir des gens pose la question de la parole : qui parle, et avec
quelle parole ? Qui est le sujet parlant, demande Foucault ? Qui dit vrai ? Quelle ralit
est la vraie ? Le fait davoir raison dans lordre du savoir historique, bref : dire la vrit
de lhistoire, cest par l-mme occuper une position stratgique dcisive , dira-t-il
(ibid., p. 152).
La question de la force dun savoir est capitale dans largumentaire de Foucault.
Tout seul, en effet, le savoir des gens risque dtre recod ou recolonis par un dis-

6. Dans ce passage, Mauss parlera du social comme tant la croise du physique, du psychologique et
du moral.

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cours scientique unitaire et totalisant. Il ne sagit pas, soutient encore Foucault (ibid.,
p. 8-9), de retours positivistes une forme de science plus attentive ou plus exacte .
Lenjeu ne rside donc pas dans le rafnement du systme de codage ni dans une nouvelle codication, comme en tmoigne, par exemple, lhistoire du DSM qui a vu quadrupler le nombre de catgories diagnostiques depuis sa premire publication en 1952
pour couvrir une symptomatologie extrmement varie et de plus en plus lgre.
La position de Foucault ne doit pourtant pas se confondre avec un quelconque
rejet new age ou populiste de la science : il nest pas question, en effet, dun refus du
savoir dominant et ofciel, ni de ses contenus, de ses mthodes ou de ses concepts
scientiques. En fait, Foucault cherche dmocratiser le savoir en contrant les effets
de pouvoir centralisateur lis linstitution et au fonctionnement du discours scientique organis lintrieur de nos socits. Cest dans ce sens quil faut comprendre
son appel l insurrection des savoirs, une anti-science (Foucault, 1997, p. 4-207).
Cest donc dans le couplage entre les savoirs ensevelis de lrudition et les savoirs
disqualis par la hirarchie des connaissances que loge le savoir des gens . Foucault
fait jouer des savoirs locaux, disqualis, non lgitims, contre linstance thorique
unitaire... qui tend recoder, hirarchiser, ordonner, au nom dune connaissance
vraie. Et cest prcisment dans ce couplage que le savoir des gens peut avoir une
force critique face aux discours scientifiques totalisants. Contre la pense unique,
Foucault cherche faire lever la tyrannie des discours englobants (ibid., p. 9-10),
faire clater ce que tout le monde sait dj mais qui ne se dit plus (Gros, 2002, p. 166),
faire merger ce que lon savait dj, mais quon ne savait plus que lon savait.
Capsules en exergue : le sujet qui nest pas et la vrit crue...
Provenant de sources diverses mission de radio, milieux psychiatriques, entrevues
de recherches (Blais et Mulligan-Roy, 1998 ; Blais, 2002) , et retenues ici par association libre, quelques capsules permettent dillustrer le dcalage qui sintroduit entre
savoir expert et savoir des gens et la discontinuit dans la chane de production de sens
qui en dcoule (Blais, 2005).
la radio de Radio-Canada, dimanche 19 mars 2006, mission sur la science, Les
Annes lumire :
Un jeune, sidentiant comme schizophrne, raconte llment dclencheur de la crise
qui la men la psychiatrie (bien quil dise avoir t un enfant diffrent , ayant eu
quelques difficults lcole, avoir entendu des voix sans que cela ne le drange outre
mesure) : un vol main arme et violent pendant son travail la pompe dans une stationservice (il est tudiant au cgep). Il craque. Les voix se font plus insistantes, drangeantes ;
il ne dort plus, sa scolarit est un chec...
On interroge les psychiatres qui le suivent la clinique des jeunes dans un programme
se voulant novateur. Ils en parlent dans un tout autre langage ; il est question dhippo7. Larchologie chez Foucault est une mthode danalyse des discursivits locales. La gnalogie est la
tactique qui fait jouer (bricoler) les savoirs assujettis pour restituer le projet densemble (ibid., p. 11).

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campe, de srotonine, de drglement des neurotransmetteurs, gnralement pendant la

grossesse de la mre (encore elle) d une maladie de nature virale ou bactrienne.
****
Runion clinique dans un dpartement de psychiatrie :
Une jeune femme de 17 ans est admise en tat de psychose fulgurante. Dune fragilit
extrme, un dedans qui se donne voir comme morcel, clat, implos; des paroles dcousues, la plupart incomprhensibles, des sons qui steindront dans lindicible. Au l des
heures et des jours, dans le dsordre et la rptition, des mots se dgagent et frappent limaginaire de celle qui tmoigne : couteau , attache au bureau , pieds nus , neige ,
jai 14 ans (en rponse la question protocolaire des formulaires dadmission)...
Cest la mre qui ventuellement compltera les phrases dans ce qui deviendra son
propre aveu sur une histoire douloureuse qui se passe en famille. Le pre, de profession
librale, ce qui ne correspond pas aux strotypes courants pour ce genre de chose, viole sa
llette depuis quelle a 14 ans elle peut bien dire quelle na que 14 ans, la vie stant
quelque part arrte l. Elle aura tent la fuite (les deux frres ayant russi la leur), dans
la neige, pour tre ramene et attache un bureau de bois massif. Elle ne faisait pas plus
que 45 kilos, daucuns diraient anorexique. La mre, dans sa peur de son imprvisiblement violent de mari, garde le couteau de cuisine sous loreiller du lit conjugal... Stonnerat-on de leffet de cassure que tant de violence risquait un jour de provoquer ?
Quelques jours aprs ladmission, les psychiatres rendront leur jugement, par lentremise du rsident en chef. Il dcrit tous les symptmes observs en fonction des critres diagnostiques ofciels, comportementaux, cognitifs, physiques, en prenant soin dindiquer
leur dure et leur gravit.... Il explique ce qui est dfectueux chez cette jeune femme, dsormais schizophrne, en psychose profonde, au pronostic sans grand espoir, pour laquelle les
neuroleptiques puissants se prsentent comme traitement de choix, gardant en rserve le
recours une srie dlectrochocs. Pas une seule rfrence lhistoire de la jeune femme.
la question qui lui est pose concernant cette histoire fragmente, de la part de cette
histoire tragique et ce contexte lourd dans la gense dune souffrance indicible, si ce nest
que par le protolangage de la psychose, il bascule un bref instant dans le doute, ses repres
momentanment secous, pour aussitt retrouver sa stature et rpondre avec la certitude
de son savoir et de limmensit du pouvoir symbolique et institutionnel sur lequel repose
ce savoir : a na rien voir.
****
Entrevues de recherche avec des personnes psychiatrises :
Une crise, cest 5 ou 6 affaires en mme temps, ou une chose avec beaucoup de ramications. Le systme aime les solutions faciles, rapides. Ils disent : Ton problme cest quil
y a trop de problmes, on peut pas arranger a ; cest trop. Cest comme si on disait quil
ny a pas despoir. Jai appris que quand tu fais un dlire, tu le dis pas. Tu le laisses passer...
Aujourdhui, quand je suis malade, je le dis personne. Jai appris tre trs discrte, puis
me taire...
****
... y a personne qui va croire a ; cest toujours notre parole contre la leur.

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Jeanne dArc
Puisque vous ne mavez pas crue, vous maurez cuite.
pouvoir et domination
Le pouvoir nest pas, pour Foucault, un mal ; il ne se rduit pas linterdit, la loi
(Gros, 2002). Dans ses derniers travaux, Foucault introduira une distinction entre
pouvoir et domination, les plaant en opposition lun avec lautre. Ainsi, arguera-t-il
(Foucault, 1997, p. 150) que ...le pouvoir ce nest pas une proprit, ce nest pas une
puissance ; le pouvoir, ce nest jamais quune relation que lon peut, et ne doit, tudier
quen fonction des termes entre lesquels cette relation joue . Le pouvoir circule, il est
mobile, rversible, toujours dans un rapport de rciprocit autrui, une relation, un
change. La domination, en revanche, est verticale, rigide, hirarchique, sens unique,
une force externe qui se manifeste et simpose par la rpression ou le contrle (Foucault,
1994 : III, p. 368 ; 1994 : IV, p. 710-711). Cette distinction est capitale dans la mesure o,
pour Foucault, le pouvoir est essentiel lexistence du sujet individuel ou collectif,
sa capacit dlaborer sa propre subjectivit (Adorno, 2002, p. 48) ; sa perte signie
assujettissement.
Foucault propose une analyse non conomique du pouvoir (Foucault, 1997, p. 15),
il suggre de ltudier du ct de son intention, de voir comment les choses se passent...
au ras de la procdure dassujettissement des corps et des comportements (ibid.,
p. 26). Il sintresse non plus simplement lexploitation conomique et ltat, mais
lensemble des relations de domination dissmines dans le corps social. Il propose
une analyse ascendante du pouvoir partir des mcanismes innitsimaux, les mcanismes dexclusion, lappareillage de surveillance, la mdicalisation de la sexualit, de
la folie, de la dlinquance (ibid., p. 27-29). Le pouvoir est donc saisir ses extrmits,
l o il devient capillaire dans ses formes et ses institutions, l o il dborde les
rgles de droit qui lorganisent et le dlimitent , o il prend corps dans des techniques
et se donne des instruments dintervention matriels (ibid., p. 25-30). Foucault veut
orienter la recherche et lanalyse sur le pouvoir du ct des oprateurs matriels, des
formes dassujettissement, des dispositifs de savoir, plutt que du ct des appareils
dtat et des idologies qui les accompagnent8.
8. Sylvie Morel reprend cette dmarche de Foucault en montrant comment les politiques dintgration se fondent sur des pratiques de rciprocit qui se matrialisent travers le contrat. Toutefois, entre les
deux parties, bnciaire ou prestataire et ltat et son dlgu, il y a une relation juridiquement ingalitaire. En labsence dun contre-pouvoir organis, suggre lauteure, toute vellit dinstaurer des pratiques et
politiques contractuelles est en fait un simulacre. La relation assistancielle est dtermine unilatralement, en
loccurrence par ltat et son dlgu. En tant quagents chargs de lapplication et de la mise en uvre des
politiques de ltat en regard de groupes et individus vulnrables (psychiatriss, assistes sociales monoparentales, etc.), les intervenants sociaux, soutient Morel, disposent dune autorit dlgue et dun pouvoir discrtionnaire rel. En effet, lobissance aux prescriptions des travailleuses sociales, des gestionnaires de cas ou
autres intervenants est requise de la part des prestataires de services ou de bnces. Leurs pratiques doivent
donc tre examines en soi, car cest partir de ces pratiques que la loi dpasse son cadre formel, pour sincarner dans la ralit . Cest l o le projet politique dominant se matrialise (Morel, 2000).

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Le pouvoir est un thme qui traverse toute luvre de Foucault, et qui a pris plus
de texture et de densit au l du temps. Du pouvoir comme domination caractrisant
la priode dHistoire de la folie et de Naissance de la clinique, Foucault en viendra, avec
Le souci de soi, poser le pouvoir contre la domination, on la vu. Cette volution est
profondment imbrique dans sa conception, galement mouvante, concernant le
sujet : la mort de lhomme dabord annonce par Foucault, il opposera par la suite
le souci de soi comme constitutif du sujet libre, capable de refuser ou daccepter les
normes et rgles qui en font un sujet social et juridique. Le pouvoir nest alors pas que
force unidimensionnelle et externe de soumission ; il est force interne permettant de
structurer les rapports entre sujets libres.
Si le pouvoir produit de lassujettissement, il produit aussi de la rsistance. Pouvoir
et rsistances saffrontent (Foucault, 1997, p. 254) dans des luttes quil faut analyser.
Do limportance dtudier le pouvoir ses extrmits, dans sa capillarit, l o il y a
rsistance (ibid., p. 25, 30) ; l o se manifeste la socit civile. Le pouvoir est aussi productif ; il cre et vient du bas. Rsistance-obstacle ou rsistance-cration, la rsistance
invente autre chose. Cest pourquoi Foucault attribuait de limportance lart, mais
aussi aux mouvements sociaux des psychiatriss, des prisonniers, des gais, non pas
pour des raisons dordre identitaire, mais pour saisir ce que ces mouvements sociaux
contiennent de propositions pour r-instituer la socit9 .
sujet assujetti et sujet agissant
La distinction tablie par Foucault entre pouvoir et domination est essentielle une
comprhension de lmergence du sujet libre. Elle est, de ce fait, porteuse doutils
conceptuels permettant de repenser les pratiques sociales. Car cest bien le sujet, et non
pas le pouvoir, soutiendra-t-il, qui constitue le thme gnral de ses recherches
(Foucault, 1994 : IV, p. 223). Foucault placera dos dos deux conceptions du sujet : le
sujet comme objet de connaissance, donc de surveillance et de contrle; le sujet comme
sujet connaissant et agissant. Il y a deux sens, dira-t-il, au mot sujet : sujet soumis
lautre par le contrle et la dpendance, et sujet attach sa propre identit par la
conscience ou la connaissance de soi. Dans les deux cas, ce mot suggre une forme de
pouvoir qui subjugue et assujettit (ibid., p. 227). Comment alors sexerce la libert ; le
sujet libre peut-il tre pens ?
Foucault introduira la notion du souci de soi comme critre du sujet libre et
connaissant et comme condition de son pouvoir, une thique du souci de soi comme
pratique de la libert (ibid., p. 708-729). Ainsi, Foucault propose une vision du pouvoir
qui est ancre, non pas dans le consentement, les normes ou la violence, ce qui constituerait la domination, mais comme force interne permettant de structurer les relations
entre sujets libres. Le souci de soi chez Foucault est toujours question de relation
autrui; il signie le souci pour autrui: se soucier de soi, son me plus que son corps, cest
9. Cette perspective se trouve dans quelques expriences menes au Qubec et au Canada, et qui ont t
analyses dans diverses recherches (Corin et al., 1996 ; Lamoureux, 1994 ; Church, 1995 et 1996 ; parmi
dautres).

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aussi se soucier des affaires de la cit. Se soucier de soi, cest aussi soccuper des autres :
[Q]uon ne puisse pas soccuper de soi sans laide dun autre est un principe gnralement admis (ibid., p. 356-358). Un lien se noue entre le souci de soi et lactivit politique (ibid., p. 792).
Sujets assujettis ou sujets agissants: cela dcoulera de leur place dans lordre du discours, et donc du pouvoir. Ceux qui ont t vaincus sont ceux qui par dnition on
a retir la parole (Foucault, 1994 : III, p. 390-391). Non pas quils soient muets, mais
plutt quon leur a impos une langue trangre, cest--dire la langue du pouvoir
(Carnavale, 2005, p. 142). Le sujet qui nest pas est l, enseveli dans un langage et des
pratiques de plus en plus techniques et bureaucratiques. Le sujet qui nest pas est l,
dans la crise, dans lordinaire, dans lurgence, le dbordement, le chaos ; cest la parole
crue qui pose problme pour la rationalit technocratique ; une parole invalide et
rendue muette par lhgmonie des savoirs experts. Le sujet qui nest pas est celui
dont on parle beaucoup, mais que lon nentend pas (Rancire, 1996).
conclusion
Quil sagisse du sujet individuel ou collectif, on ne pense pas, on ne se reprsente pas
de la mme faon ltre du besoin et ltre anim par le dsir de vivre. Lun est de lordre
de la passivit et de la prise en charge ; lautre de lordre de la capacit dlaborer sa
propre subjectivit. Qui est le sujet parlant ? Celui qui prend position dans le dbat,
qui est dun ct ou dun autre (Foucault, 1997, p. 45-47). condition, bien sr,
quil y ait dbat, ou plutt, et linstar dHannah Arendt, les espaces de dissensions
pour pouvoir dbattre.
Seul, le savoir des gens est impuissant. Seul, le savoir expert, technocratique, lui, est
dangereux. Lhgmonie de ses codes dsignant le langage adquat pour nommer la
ralit et formuler des propositions a pour effet dinvalider dautres sens, dautres vrits, sur ladite ralit. En multipliant les diagnostics pour pathologiser un ensemble
toujours plus tendu de comportements, dattitudes et daffects, en individualisant des
situations problmes, la socit se prsente comme un agrgat dindividus, comme
populations risque, voire dangereuses. Vu de cette manire, on peut arguer que le
savoir expert a pour fonction de neutraliser les tensions, tout comme la psychiatrie
celle de faire disparatre la crise. Do lexigence du couplage propos par Foucault
entre savoirs ordinaires et savoirs rudits pour mettre en lumire les tensions, donc les
rsistances, qui traversent et fondent la socit civile. Devant les vnements qui peuvent
se produire, ce dont nous avons besoin pour en garder la matrise, cest du discours :
Lquipement dont nous avons besoin pour faire face lavenir, cest un quipement
de discours vrais (Foucault, 1994 : IV, p. 359).
rsum
La prgnance du savoir expert et la standardisation accrue des grilles denqute et danalyse
dans le domaine de la sant publique, par exemple, dont celui de la sant mentale, est une pice
centrale dans lorganisation technocratique des socits actuelles. Au sortir de la machine

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broyer des donnes sensibles, cest un portrait sanitaris qui merge pour plutt marquer un
ensemble de plus en plus tendu de manques, de risques et de problmes, toujours plus
individualiss, voire biologiss. Luvre de Michel Foucault, notamment son analyse du savoir
psychiatrique, montre comment ce processus a pour effet dinvalider dautres savoirs, dautres
sens donner des ralits humaines et sociales, et daseptiser ce qui fabrique les problmes,
contribuant ainsi laffaiblissement du politique. Son uvre est riche denseignement pour voir
le microfonctionnement du pouvoir travers linvalidation des savoirs ordinaires ; elle lest aussi
pour voir les conditions dmergence de savoirs ordinaires, non pas tant comme vrit, mais
comme contre-pouvoir au savoir dominant.

abstract
The importance of expert knowledge and increased standardization of polling and analyses
techniques in the realm, for example, of public health including that of mental health, is a major
factor in the technocratic organization of present-day societies. From treatment of the relevant
data emerges a sanitized portrait marking an ever wider set of increasingly individualized, even
biologized shortcomings, risks and problems. The work of Michel Foucault, especially his analysis
of psychiatric knowledge, shows how this process results in invalidating other elds of knowledge
or other meanings attributable to human and social realities, and to obfuscate the real causes of
the problems, thus contributing to the weakening of the political sphere. His work is a richly
instructive not only for understanding the micro-functioning of power through the invalidation
of ordinary knowledge, but also for grasping the conditions for the emergence of ordinary
knowledge, not so much as truth but as a counterweight to dominant knowledge.

resumen
La imposicin del conocimiento de los expertos y la mayor standardizacin de los cuestionarios
de investigacin y de anlisis en el mbito de la Salud Pblica, por ejemplo, como el de la salud
mental, es una pieza central en la organizacin tecncrata de las sociedades actuales. Al sacar
de la mquina procesadora datos sensibles, es un retrato sanitarizado que surge ms bien
para sealar un conjunto cada vez ms amplio de faltas, riesgos y problemas, cada vez ms
individualizados, o incluso biologizados. La obra de Michel Foucault, en particular, su anlisis del
conocimiento psiquitrico, muestra cmo este proceso tiene como efecto invalidar otros
conocimientos, otros sentidos que se le dan a las realidades humanas y sociales, y de eliminar
la causa de los problemas, contribuyendo as al debilitamiento de lo poltico. Su obra es rica de
enseanza para ver el micro funcionamiento del poder a travs de la anulacin de los
conocimientos ordinarios ; lo es tambin para ver las condiciones de aparicin de conocimientos
ordinarios, no tanto como verdad, sino como contra poder al conocimiento dominante.

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