Doctrine Dieu Homme

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Thologie Systmatique 3.03/3.

04
2012-2013
Notes de cours
La doctrine de Dieu
Cration et anthropologie
3.03 Doctrine de Dieu (Flavien Pardigon / Michel Cochat)
La connaissance de Dieu implique une relation personnelle. Le personnalisme de la Rformation. Le
nom et les attributs et de Dieu ont connus dans lalliance. Exemple : lamour et la justice. La
doctrine biblique de la Trinit.
3.04 Dieu et lhomme (Flavien Pardigon / James Eglinton)
Le plan de Dieu, la prdestination et la providence. Luvre de Dieu dans la cration, la cration de
lhomme, la chute et la doctrine du pch. La cration maintenue cause de la grce commune.

Ce polycopi est destin lusage des tudiants de la Facult et non une distribution
non-autorise par photocopie ou internet

A. La doctrine de Dieu
Introduction

I.

Lincomprhensibilit de Dieu

II.

Les noms de Dieu

11

III.

Noms et attributs de Dieu

14

IV.

LEtre de Dieu et ses attributs

18

V.

La doctrine biblique de la Trinit

30

VI.

Trinit immanente et conomique: discussion thologique des personnes

35

VII.

Les relations trinitaires

43

VIII.

La Trinit et la vie de lhomme

50

IX.

Les actes de Dieu

53

X.

La doctrine biblique de llection

57

XI.

Llection et luniversalisme du salut

82

XII.

La cration

90

B. La doctrine de lhomme
Introduction

101

Origine de lhomme

103

II

La nature de lhomme

108

III

Etat originel de lhomme

114

IV

La chute, rvolution contre Dieu

121

Le problme du pch

125

VI

La solidarit dans le pch

134

VII

Le pch et la libert humaine

143

VIII

Le problme du mal

145

IX

Limage de Dieu dans la thologie moderne

163

Introduction
Connatre Dieu, cest tre en alliance avec lui. Tous les hommes ont conscience de lexistence de
Dieu que ce soit de faon positive ou ngative, car Dieu est en alliance avec lhumanit entire. Tous les
membres de celle-ci nobservent pas lalliance de Dieu; ce faisant, ils se rebellent contre lui. Mais Dieu
rachte son peuple, il se rvle dans lEcriture, il grave sa loi sur les curs par luvre de son Esprit.
Le peuple de Dieu le connat par lEcriture ; il connat le seul vrai Dieu, Pre, Fils et Saint-Esprit. Il
connat son caractre et les attributs qui expriment ce caractre. Etant en alliance avec lui, son peuple sait
que les questions concernant Dieu doivent tre tudies selon lEcriture. Dieu ne se rvle pas pour satisfaire
notre curiosit (Jr 9.23s; 1 Co 1.30s). La vocation chrtienne est de faire honorer en tout la doctrine de Dieu
(Tt 2.10) afin dannoncer ses vertus (1 P 2.9 ; 2 P 1.3).
Ltude de la doctrine de Dieu na pas pour objet dtablir une liste de faits relatifs Dieu, mais de
mettre en rapport avec le Seigneur de lalliance. Nous voulons connatre Dieu pour le servir. Mais qui
cherchons-nous connatre? Dieu nous dpasse tellement; nous parlons de celui qui est incomprhensible.
Tel est le Dieu que nous cherchons connatre. Avant de parler de Dieu, il faut voquer son
incomprhensibilit.
Ce cours traite de la doctrine biblique de Dieu. Il ne porte pas sur la question de Dieu telle que les
philosophes la posent. Le Dieu dAbraham est celui qui nous intresse , non celui des philosophes. Ce Dieu
est absolu et personnel, incomprhensible et, cependant, connu.
La philosophie, qui na pas de point de dpart biblique, tend absolutiser un de ces aspects au
dtriment de lautre. Ainsi le Dieu du disme est absolu, mais ne sintresse pas nous personnellement; le
Dieu du panthisme est accessible lhomme, mais non absolu dans sa transcendance. Laspect transcendant
de Dieu est masqu par sa manifestation, ou limage personnelle prend le pas sur la transcendance. Dans les
deux cas, le mystre de Dieu se trouve mouss, car Dieu est la fois absolu et connu. Le mystre, cest que
nous connaissons Dieu comme lincomprhensible. Cette connaissance est au cur de la thologie rforme
et revt deux caractres:
Elle saccorde avec les limites de nos formulations humaines. Lhrsie dans lEglise et en dehors
delle surgit ds quon veut dire trop sur Dieu afin de le mettre notre porte. En parlant de Dieu, nous
devons veiller ne pas aller au-del de ce que Dieu nous rvle de lui.
Elle stimule ladoration de ce Dieu si grand, en mditant sur ce que nous savons de lui. Cette
connaissance du Dieu incomprhensible, cest la vie ternelle (Jn 17.3).
Mais comment lhomme peut-il dire quoi que ce soit au sujet de Dieu qui est infiniment lev audessus de sa crature? Notre recherche biblique commence avec cette question.

I. Lincomprhensibilit de Dieu
A. Le mot
Incomprhensibilit est un mot classique de la thologie chrtienne, driv du latin
incomprehensibilis, correspondant au mot biblique en mispar (rpsom Nya) utilis seulement dans le Psaume
147.5 propos de Dieu.
Dans la thologie rforme, le mot est utilis dans deux sens:
Pour se rfrer limmensit de Dieu (1 R 8.27): laspect mtaphysique.
Pour indiquer que Dieu net pas comprhensible par nous. Cet aspect pistmologique a deux sens:
Nous ne pouvons pas avoir une perception intelligente, entire de Dieu, parce que Dieu et son
conseil nous dpassent, et quils ne nous sont pas totalement rvls. Impossible donc de saisir la porte
totale des actions de Dieu. Aussi Calvin parle-t-il de la volont de Dieu, qui est secrte, incomprhensible.
Le plus souvent, incomprhensible veut dire que nous ne pouvons pas comprendre Dieu
compltement. Nous sommes limits dans notre comprhension et notre connaissance son sujet. Tel est le
sens du terme incomprhensible . Dieu nest pas incomprhensible comme lagnosticisme ou le
scepticisme le pense. La connaissance que nous avons de Dieu nous enseigne que Dieu est incomprhensible
par ses crature qui, dans la foi, acceptent les limites de leur connaissance. Etre en alliance avec Dieu, cest
reconnatre quil nous dpasse et quil est incomprhensible dans son tre, sa volont et ses uvres.
B. Lenseignement biblique
LEcriture, en nonant des constatations positives au sujet de la personne de Dieu, reconnat que ses
perfections sont incomprhensibles pour lhomme. Aucune limite ne peut tre fixe la grandeur des

perfections divines, aucune dmarche intellectuelle nest susceptible dliminer lincomprhensibilit de


notre connaissance de Dieu :
Exemple des Psaumes 145.3 Sa grandeur est insondable et 147.5 Son intelligence na pas de
limite. Ces expressions indiquent, de faon positive, la grandeur et la gloire de Dieu (cf. Ps 147.1-5a). Cest
en considrant cette gloire que nous pouvons comprendre que Dieu est insondable et quil na pas de limites.
Lincomprhensibilit de sa grandeur est un aspect de la gloire de Dieu.
Psaume 139.7. Dans ce passage, David parle de lomniprsence divine. LEsprit crateur ne se limite
pas la ralit cre. David peroit la profondeur du mystre de Dieu. Il comprend que Dieu le dpasse dans
sa gloire et que lhomme ne peut pas pntrer le mystre de lincomprhensibilit.
Romains 11.33-36. Que veut dire Paul quand il utilise lexpression voies insondables de Dieu? Il
ne dcrit pas le conseil de Dieu, mais son plan concernant Isral, sa volont quil ralise dans lhistoire pour
accomplir le salut de son peuple. Tout Isral sera sauv: tel est le thme de ce chapitre. Ici,
lincomprhensibilit divine se place dans le contexte de la rvlation mme de la gloire de Dieu et de son
conseil. Cest prcisment dans la rvlation de Dieu que nous comprenons quil est incomprhensible. Cest
pourquoi, il est impossible de parler de lincomprhensibilit divine en dehors de la foi en la rvlation.
Rsum
Dans la rvlation, nous reconnaissons que cest Dieu lincomprhensible qui se rvle nous. Dieu
est, la fois, insondable et personnel quand il se rvle de cette faon. Ainsi, dans la rvlation biblique, le
caractre absolu de Dieu et son unit sont maintenus cte cte. Dans des systmes de pense autre que le
thisme biblique, une de ces caractres se trouve mis en relief au dtriment de lautre. Ainsi le disme
maintient laspect absolu, mais nglige lunit personnelle de Dieu. Dans le polythisme, labsolu est aboli
en faveur de reprsentations visibles de la divinit.
C. Dveloppement de la doctrine
1. Dfinition
Lincomprhensibilit de Dieu nous enseigne que nous ne pouvons pas connatre Dieu de faon
complte. Linfinit de Dieu chappe notre comprhension. Nous ne pouvons pas connatre Dieu comme
lui-mme se connat. Son auto-connaissance est proportionne son tre, sa gloire, son conseil. Elle est
sans borne, car Dieu lui-mme est sans borne. La connaissance que Dieu possde de lui-mme est donc
unique et exclusive. Notre connaissance du Dieu Crateur et transcendant est toujours craturelle et
dpendante; elle est nanmoins relle. Voir Calvin, Institution I.10.3 : les attributs de Dieu ne nous donnent
pas une description de Dieu en lui-mme, mais celle de ce quil est envers nous. Plus loin, Calvin dit, en
III.2.6, que nous ne devons pas nous occuper de savoir comment est Dieu ne soi, mais de ce quil est envers
nous. Notre dsir de connatre Dieu est vou lchec si nous cherchons connatre Dieu dans les
profondeurs de son Etre ou dans la profondeur de lEtre (Tillich!). Nous connaissons Dieu dans la mesure o
il lui plat de se manifester nous.
2. Lincomprhensibilit et les attributs de Dieu
Lincomprhensibilit nest pas un attribut spcifique de lEtre et de lauto-connaissance de Dieu
(comme sa saintet et son amour). Dieu nest pas incomprhensible pour lui-mme et les personnes de la
Trinit ne sont pas incomprhensibles les unes pour les autres. Lincomprhensibilit nest pas un attribut de
Dieu. Son Etre est sans limite, tant purement Etre, il est infiniment intelligible et donc seulement
comprhensible une intelligence infinie.
En 1 Corinthiens 2.10s, nous lisons que la connaissance de lEsprit na pas de bornes; Dieu nest pas
incomprhensible pour lui-mme. Cette incomprhensibilit nest pas un aspect de lEtre de Dieu. Elle ne
dcrit pas Dieu lui-mme, mais Dieu tel quil est dans ses rapports avec nous, ses cratures. Cest la divinit
de Dieu qui le rend incomprhensible pour notre perception limite.
Il faut aussi distinguer entre lincomprhensibilit divine et notre incomprhension de la ralit
cre, celle-ci drivant de notre incapacit connatre fond mme la ralit finie. Dans un sens,
lincomprhensibilit est galement un attribut de la cration.
Comment distinguer ces deux sortes dincomprhensibilit? Question importante, car si nous ne les
distinguons pas, nous considrons comme quivalents le mystre de Dieu et celui de la ralit. Le
panthisme spinoziste nest plus loin. En fait, lincomprhensibilit de Dieu est absolue tandis que celle que
nous avons de la cration est relative, tant donn notre intelligence humaine. Pourtant il y a un lien entre
lincomprhensibilit divine et celle de la ralit finie, car la cration est luvre de Dieu. Elle na pas de
sens propre en dehors de Dieu et, comme la crature, elle rvle linfinitude et la divinit de lArtisan. Pour

comprendre vraiment un aspect de la ralit cre, il convient de percevoir le rapport qui existe entre cet
aspect et son crateur. Et comme cette connaissance nest accessible qu celui qui est infini,le sens de la
ralit finie nous reste en partie voil. Lincomprhensibilit de la ralit cre provient de celle de Dieu luimme. Lincomprhensibilit divine est originelle, celle de la cration est drive, secondaire.
Dieu

COMPRHENSION SANS
LIMITES
COMPRHENSION
LIMITE, DRIVE
SECONDAIRE

COSMOS
homme

3. Lincomprhensibilit de Dieu est absolue


Elle ne disparat pas avec laccroissement de notre connaissance. Dieu nest pas plus ou moins
comprhensible en fonction de limportance de notre connaissance. Son incomprhensibilit demeure
toujours pour la comprhension cre. On peut mme dire que plus nous connaissons Dieu, plus nous
cernons mieux ce quil faut entendre par son incomprhensibilit. Notre perception de celle-ci devient plus
intelligente, car nous contemplons son mystre (Rm 11.33-36). Ce que Dieu a rvl est un mystre.
Laptre Paul a reu la rvlation du Seigneur et, avec cette connaissance, il se rend compte de
linsondabilit divine.
4. Lincomprhensibilit et la rvlation
Dieu est incomprhensible non seulement dans son Etre, mais aussi dans ses jugements et ses actes.
Incomprhensible ne veut pas dire que Dieu soit totalement inaccessible, et que nous ne puissions
pas le connatre, ni que Dieu nait pas la capacit de se rvler.
Dieu sest rvl comme celui qui est insondable dans son Etre et ses actes, et pour cette raison, nous
dpasse toujours, mme dans sa rvlation.
Plus nous connatrons Dieu, plus nous connatrons et reconnatrons que son secret est
impntrable. La doctrine qui exalte le plus le mystre de Dieu est celle qui se rapproche le plus de la
vrit. (Emil Brunner)
D. Discussion sur les consquences thologiques de cette doctrine
1. Incomprhensibilit ne veut pas dire inconnu
La thologie chrtienne a toujours insist sur lincomprhensibilit divine. La thologie et la
philosophie rcentes ont affirm que Dieu, est, non seulement incomprhensible, mais galement
inconnaissable. Il serait insens de parler de Dieu comme le catchisme le fait. Dieu serait au-del de notre
exprience humaine. Aucune affirmation objective ne pourrait tre faite son sujet. Dieu serait inconnu.
Lide de Dieu serait un concept pratique ou thique et non un concept thorique. Le concept de Dieu serait
donc une frontire entre lhomme et Dieu :
Connaissances thoriques
humaines (la raison)

ide morale de Dieu


(foi subjective)

le Dieu absolu
inconnu

La pense moderne na rien dire sur un Dieu absolu. Elle peut seulement aborder la notion de Dieu
comme une hypothse morale. La foi est lacceptation irrationnelle de ce dont rien ne peut tre affirm de
faon rationnelle. Ainsi, dans inconnaissabilit de Dieu, si la transcendance divine reste affirme, laspect
personnel est clips. Le mystre de la thologie courante est donc diffrent du mystre du Dieu biblique.
Cest le mystre de linconnaissable et non le mystre du Dieu connu comme incomprhensible. Dieu est
connu comme inconnu. Ce mystre est irrationnel. Nous pouvons dire avec Herman Bavinck que cet
agnosticisme a quatre caractres:
a) La connaissance humaine est, par nature, relative. Rien dans lunivers ne se tient par lui-mme. Le
sujet et lobjet sont interdpendants. Tout ce qui est absolu est tranger cette connaissance.
b) Le caractre inadquat de notre connaissance de Dieu est radicalis. Lide de Dieu est
transcendante et ne peut tre de caractre thorique.
c) Etant absolu, Dieu ne peut tre personnel. Personnalit et conscience sont des attributs qui se
trouvent en lhomme. Elles ne peuvent tre penses en dehors de limites de la finitude. Lhomme limit par
lespace-temps ne peut pntrer le monde des ralits non visibles. Cest ainsi que, dans la pense de Tillich

ou dans la Process Theology, la personnalit divine est nie.


d) La connaissance de labsolu est impossible car la notion dabsolu implique une absence de
relations.
Cet agnosticisme pousse la religion chrtienne dans deux directions diffrentes:
Dieu pens comme surhomme , personnel, mais non absolu, suprieur mais non transcendant.
Dieu comme absolu impersonnel, un point zro sans contenu.
La premire direction correspond sans doute au ralisme pratique de la religion populaire. La
seconde caractrise lidalisme de Hegel et de ses disciples thologiens, o labsolu a besoin du relatif pour
exister et pour tre connu. Do laffirmation que lon formule souvent, savoir que Dieu contient une
temporalit ou que Dieu est en devenir avec le processus historique. Cette notion est fondamentale dans
certaines prsentations de la thologie de la libration.
Dans ces exotismesthologiques, le Dieu de lEcriture a fait place un autre dieu.
2. Les attributs communicables et incommunicables de Dieu
Les attributs de Dieu sont classs selon quils existent ou non chez les hommes, les premeiers qui
sont parfaits en Dieu contrastent avec les attributs divins qui nont aucun quivalent dans la nature humaine,
tels que limmutabilit, lternit ou la simplicit de Dieu.
Pourtant, les premiers attributs, dits communicables ne nous sont pas, pour autant,
comprhensibles. Il nous est impossible de comprendre Dieu, mme dans un de ses caractres, comme la
vrit, lamour ou la fidlit; ceux-ci sont tout aussi incomprhensibles, pour nous, que son ternit ou son
asit.
Cette pense permet de formuler une antinomie au sujet de lincomprhensibilit de Dieu, qui
correspond la vrit biblique: Dieu est incomprhensible, mystrieux, non pas parce quil est inconnu, mais
pour la raison inverse. Il est comprhensible pour nous dans sa rvlation. Cest, par elle, que Dieu se
manifeste comme lincomprhensible. Il est connu comme le Dieu dont la science nous dpasse (Ps
139.6,17) ; ce Dieu ternel est celui qui est galement personnel et qui me connat avant mme le dbut de
ma vie (v.1,13,16). Dans la thologie chrtienne, lincomprhensibilit de Dieu suppose sa rvlation dans
tous ses aspects. Sans cette rvlation de la vraie nature de Dieu, il ny a aucune possibilit de connatre Dieu
comme lincomprhensible (Es 40.18,25ss).
3. La thologie ngative et la connaissance de Dieu
Une distinction a t faite entre deux formes daffirmation thologique au sujet de Dieu:
La thologie positive affirme quelque chose propos de Dieu. ce qui est absolu en Dieu est lobjet
dune constatation positive, telle que Dieu est ternel ou Dieu est omniprsent , etc. il y a l une
affirmation dun aspect de la ralit divine.
La thologie ngative, en revanche, appartient non au domaine des attributs absolus de Dieu, mais
concerne ses caractres personnels. Des expressions typiques des rapports humains et appartenant
lexistence finie sont appliques Dieu de faon analogique. Mais puisque Dieu est infini, et que linfini est
linverse de ce qui est fini,les termes employs pour parler de Dieu sont une ngation du caractre humain.
La thologie ngative sintresse aux aspects personnels des rapports humains et les applique Dieu en niant
leur aspect de finitude. Ainsi, la thologie ngative affirme que nous pouvons connatre Dieu comme saint,
bon, juste, amour, en appliquant ces caractres Dieu de faon mtaphorique ou ngative.
Par la voie de la ngation de ce qui est humain dans ces attributs, nous pouvons, selon S. Thomas,
arriver une comprhension de ce que Dieu nest pas, mme si nous ne pouvons jamais dire ce que Dieu est.
La thologie ngative fournit donc le fondement pour la preuve de lexistence de Dieu. Si le caractre absolu
de Dieu ne peut tre conceptualis par la raison humaine, le ct personnel peut tre apprhend par la voie
de la ngation.
La difficult que prsente cette thologie ngative semble tre que, dans un domaine, le langage
humain est suppos adquat pour la connaissance de Dieu. La thologie ngative tend effacer le caractre
radicalement humain de tout notre langage au sujet de Dieu. Nous pouvons donc remarquer que me^me les
attributs absolus de Dieu saisis dans la thologie dite positive impliquent une ngation de la finitude. Ainsi,
lternit est la transcendance par rapport au temps; limmuabilit, labsence de changement ; lasit,
labsence de dpendance. Mme lunit divine est la ngation de la diversit humaine. Nous pouvons dire
que toute la thologie de la Bible au sujet de Dieu est ngative dans ce sens que rien nchappe dans notre
langage ou notre connaissance de Dieu, aux qualifications de la finitude et de la temporalit.
LEcriture ne cherche jamais dcrire les perfections divines positivement, cest--dire sans indiquer
leur rapport lexistence finie.

Rien dans notre connaissance et dans notre langage ne correspond Dieu lui-mme. Si nous
essayons dviter cela, nous rduisons Dieu tre le pre Nol dans les cieux. Or, Dieu est radicalement
transcendant. Il est incomprhensible.
a) Linadquation de toute prdication humaine
Toute notre connaissance et notre langage se limitent au domaine humain. Il ny a pas dans la Bible
de descriptions de Dieu en lui-mme. Toute lEcriture est anthropomorphique. Elle ne contient pas de
descriptions utilisant des mtaphores humaines et dautres qui ne le feraient pas. Toute lEcriture sexprime
de faon humaine. Elle porte les marques de labaissement de Dieu pour sadresser nous. Nous ne
pourrions pas comprendre une communication divine. Le Logos devient chair; la communication de Dieu
devient parole humaine. Il sincline pour nous parler humainement.
Tous les noms et toutes les paroles de Dieu correspondent des attributs de la cration. Dieu en luimme est incomprhensible pour nous et, mme sil nous parle dans un langage humain, il est
incomprhensible jusque dans sa rvlation. Notre langage et notre connaissance sont inadquats pour
dcrire Dieu lui-mme, car Dieu transcende les limites de notre entendement. Nos affirmations et les
affirmations bibliques au sujet de Dieu sont soumises lordre cr et de facto incompltes et inadquates.
Nous ne pouvons pas comprendre le Dieu transcendant. Il nest comparable rien:
De faon qualitative. Tout ce que nous disons au sujet de Dieu est rduit dans sa force
daffirmation. Dieu est incomprhensible dans son Etre. Quand nous voquons son ternit, nous ne pouvons
vraiment pas imaginer ce quest lternit, si ce nest comme une succession de moments temporels.
Lternit en soi reste incomprhensible pour nous. De mme, la vrit de Dieu nest concevable par nous
quen termes correspondant la prsence ou labsence de faute ou de fraude. Il est trs difficile de
comprendre comment cela peut sappliquer lEsprit divin.
De faon quantitative. Notre connaissance est galement restreinte en ce qui concerne lampleur de
ce que Dieu a manifest. Les choses profondes de Dieu nous sont inconnues.
De ces deux faons, notre connaissance de Dieu est toujours ngative, anthropomorphique, non
exhaustive et inadquate. Les perfections de Dieu sont prsentes seulement en Dieu et connues par lui. Dire
ce quest Dieu est impossible. Si Dieu se donne des noms, aucun de ceux-ci nexprime comment est Dieu.
Dieu na pas de nom humain, ce qui pourrait nous inciter penser que Dieu est inconnaissable. Si la
connaissance humaine de Dieu est toujours inadquate, est-il possible de dire que notre langage sur Dieu est
autre chose quune fiction?
Si toute connaissance de Dieu est inadquate, la connaissance que nous pouvons avoir de Dieu estelle fiable et relle?
b) Le caractre fiable de la connaissance de Dieu
Lhomme peut tre certain quil connat Dieu. Mme si cette connaissance est inadquate pour
exprimer lEtre de Dieu, elle est suffisante, car lhomme ne peut pas vite de connatre Dieu. Etant
incomprhensible dans sa grandeur, Dieu est cependant connu comme tel. Ce que le Dieu tout-puissant fait
en dehors de lui-mme, dans la cration du monde et dans celle de lhomme, ne peut que le rvler.
Lhomme lui-mme rvle la gloire de Dieu (Ps 8). Tout donne lhomme une connaissance de la gloire et
de la vrit de Dieu, de sa fidlit, de son amour et de son unit. Et quand Dieu se rvle lhomme de faon
verbale, sa transcendance assure que les expressions immanentes de sa rvlation donnent une vraie
connaissance de lui. La connaissance parfaite est de connatre Dieu non pas comme inconnu, mais comme
celui quon ne peut pas dcrire. (Hilaire de Poitiers)
Lapprhensibilit de Dieu, ou sa connaissabilit, en thologie chrtienne dpend donc de son
incomprhensibilit. Cest sur le fondement de la rvlation du Dieu qui est trop grand pour tre compris que
nous pouvons connatre Dieu. Toute la rvlation montre que Dieu est incomprhensible; toute la rvlation
divine nous fait connatre Dieu comme tel.
Par ses rvlations gnrale et spciale, Dieu dvoile son caractre. Pourtant ce caractre nest
jamais compris par lhomme. Lhomme connat la vrit de Dieu et cette connaissance est relle cause de la
rvlation, mais de faon partielle. La rvlation permet lhomme davoir une certaine connaissance de tout
y compris sur la nature de Dieu, sur le monde. Il voit les diffrents aspects de luvre de la rdemption. Il
voit Dieu louvrage. Mais il ne peroit rien de faon intgrale la diffrence de Dieu. Sa connaissance est
relle, mais limite.
i) La connaissance qua Dieu et celle de lhomme portent sur les mmes choses dans la ralit. Dieu
les connat parfaitement et sa connaissance divine accorde chacune sa ralit. Lhomme connat ce qui est
rel de faon incomplte. Partout, lhomme dpend de laction antrieure de Dieu.
ii) Il ny a pas identit de contenu entre la connaissance divine et celle de lhomme. Quand notre
connaissance de Dieu grandit, Dieu nen devient pas moins incomprhensible pour nous. La ralit des

points de contact nest pas assure par le fait quune identit existe entre ce que lhomme connat et ce que
Dieu connat. Elle est assure par la rvlation divine qui sauto-atteste. Les points de contact sont les mmes
pour lhomme et pour Dieu. leur ralit tient la qualit de la rvlation; mais la comprhension de lhomme
reste toujours inadquate, mme si elle est relle. Notre connaissance de Dieu et du monde est relle, car
Dieu est absolu dans sa rvlation.
iii) Notre connaissance de Dieu est relle galement parce que Dieu est personnel. Il parle notre
langage. La thologie rforme este une thologie de lalliance. Elle ne se prononce jamais sur lessence de
Dieu. Le seul rapport entre Dieu et lhomme est exclusivement personnel. Nous connaissons Dieu comme le
Dieu qui se place devant nous, comme le Dieu de la grce. Tout ce qui rvle Dieu dans le monde et dans le
salut est significatif de laction personnelle de Dieu. Rien nest impersonnel ici. Tout est auto-affirmation de
la personne divine.
Conclusion
Dieu a une grandeur qui nous dpasse; mais pour cette raison mme, il peut se rvler vraiment. Il le
fait en entrant dans des rapports personnels avec nous, ses cratures. En lui-mme, Dieu nest ni ternel, ni
tout-puissant, ni immortel; il est indicible. Il est. Il a chacune de ces qualits envers nous, afin que nous
puissions, dans notre alliance avec lui, comprendre son altrit. Dieu, qui na pas de nom, a tous les noms les
plus dignes du langage humain. Nous sommes appels le craindre, car il est grand ,et laimer, car sa
gloire appelle notre amour. Notre privilge est de sonder le mystre de ce Dieu, tout autre, notre Pre et notre
Dieu. Que notre langue sache parler convenablement du Seigneur; que notre pied ne trbuche pas quand nous
entrons dans sa maison!
Ainsi parle lEternel, le roi disral,
Celui qui le rachte,
LEternel des armes:
Je suis le premier et je suis le dernier,
En dehors de moi il ny a point de Dieu. (Esae 44.6)

Il. LES NOMS DE DIEU


Dans lEcriture, les noms sont trs souvent descriptifs. Ils ne servent pas simplement dsigner une
personne: Shem rvle le caractre de celui qui le porte. Ainsi Adam nomme-t-il les animaux selon leur
caractre. Les noms dAbram et de Jacob sont changs. Aprs sa rsurrection, Christ reoit un nom suprieur
tout autre (Ph 2.9; H 1.4). Dans la nouvelle Jrusalem, les croyants recevront un nom nouveau (Ap 2.17,
3.12, 22.4).
A.
Le nom de Dieu est une rvlation de sa personne, qui le fait connatre de faon active et objective.
Les noms de Dieu dsignent Dieu lui-mme, se rvlant dans la plnitude de sa gloire. Le nom nest pas
Dieu en lui-mme, mais Dieu qui se fait connatre lhomme. Cette rvlation est, naturellement conforme
au mystre de son Etre. Dieu se rvle nous tel quil est vraiment. Le nom par lequel Dieu se rvle est le
nom sous lequel nous nous adressons lui et qui est conforme son caractre divin. Les noms de Dieu ne
sont pas une expression de la conscience humaine, qui aurait invent les noms dun Dieu conu par elle;
ils sont la rvlation de Dieu.
B. Le caractre anthropomorphique du nom divin
Toute lEcriture est anthropomorphique. La pense de Dieu prend la forme de la chair humaine. En
Christ, Dieu se manifeste sous forme de chair humaine. Les attributs incommunicables de Dieu sont
exprims selon les procds de la ngation (infinit, ternit etc.). LEcriture recourt lanthropomorphisme
pour dcrire Dieu de faon encore plus frappante. Tous les aspects de la cration dvoilent le caractre du
Crateur. Lanthropomorphisme est donc lgitime puisque la cration appartient Dieu. Les noms de Dieu
sont anthropomorphiques. Ils sont adapts lhomme et sa possibilit de comprhension. Dieu en lui-mme
est anonyme, mais dans sa rvlation il est polyonyme(?). Un seul nom est insuffisant pour dcrire Dieu.
Pourtant, quand Dieu veut se rvler, il sadapte lhomme, au niveau de la comprhension de celui-ci.
(Question: si on nie lanthropomorphicit du Nom, on aboutit au dualisme : pourquoi ?).
C. Lutilit des noms de Dieu

Les noms donnent non une connaissance complte de Dieu, mais une connaissance vritable.
Cependant les noms ne sont pas suffisants pour nous faire comprendre Dieu, ils ne sont pas dorigine
humaine. Autrement dit, notre connaissance de Dieu au moyen de ses noms est relle et vritable, mais ces
noms ne suffiront jamais exprimer comment est Dieu. Selon lanalogie, nous comprenons que Dieu est
diffrent de ce que nous percevons dont le fondement est la rvlation divine.

D. Dfinitions
Les noms de Dieu sont des dsignations qui nous permettent de nous adresser lui, comme un Etre
transcendant mais personnel. Les juifs ont dnombr 70 noms de Dieu et, dans lEglise primitive, les
attributs de Dieu taient considrs comme des noms de Dieu. Jrme en indique 10, y compris El, Elohim,
Eloha, Sabaoth, Elyon, Esher Ehye, Adona, Shadda (pantokrator).
i) El, Elohim: ces termes sont des pluriels. Cependant, dans lAncien Testament le pluriel ne peut pas
tre considr ni comme une allusion la Trinit, ni comme un pluriel de majest, ni comme un pluriel
refltant les origines du peuple juif. Il sagit plutt dun pluriel exprimant la plnitude de la puissance divine.
ii) YHWH et la Seigneurie de Dieu: Le nom YHWH exprime lautonomie de Dieu dans
linterprtation quil fait de lui-mme en le transmettant lhomme. YHWH est le nom de lalliance qui
voque la prsence de Dieu parmi son peuple prsence en bndiction ou en maldiction (Ex 3. 3-15, 6.8).
a) Signification temporelle du nom
Dieu donne son nom aprs un silence de 400 ans depuis la premire rvlation au temps des
patriarches (cf. Ex 2.24). Dieu se souvient de son alliance et vient dlivrer son peuple. En Exode 3.14-15, le
Je suis qui suis indique que Dieu est au prsent, dans le pass et le futur avec son peuple pour le sauver.
Je suis ne constitue pas une dfinition ontologique de Dieu, mais qualifie Dieu tel quil vient se manifester
dans le salut. Celui qui est all Ur pour appeler Abram, vient en Egypte sauver son peuple. Je suis
indique sa prsence dans laccomplissement prsent de ses promesses. Je suis est donc garant de lavenir
(cf. Es 41.4, 43.10ss, 46.3ss; Dt 32.39; Ps 135.13; Os 12.4-9; 13.4; Ml 3.6).
Le nom YHWH indique donc la fidlit de Dieu lalliance afin daccomplir ce quil a promis. Cest
le nom qui est associ aux apparitions de Dieu lorsquil dlivre et qui rappelle sa fidlit malgr la fuite du
temps.
Dans le Nouveau Testament, Jsus sapproprie le nom de YHWH en Jean 8.56ss. Les juifs ne sont
pas les vrais fils dAbraham, parce quils ne se rjouissent pas, avec leur pre, de voir le Christ. Abraham a
connu Je suis dans la promesse prophtique. Sa foi a t un cho de la fidlit assure par le caractre de
Yahweh. Dsormais, la promesse est accomplie par la prsence relle du Je suis en Christ. Au v. 58, il y a
un contraste entre Abraham (genesthai/: aoriste infinitif) et Jsus (ego
eimi/). Lexistence dAbraham qui a un commencement est contraste avec une autre qui
na pas de commencement. Jsus sidentifie Dieu. Il est Dieu venu sauver son peuple comme il lavait
promis.
b.) Le nom YHWH indique non seulement le prsence de Dieu dans la rdemption, mais aussi sa
souverainet (cf. Ex 33.19; 34.6). La prsence de Dieu est galement sa puissance pour dlivrer et pour
juger.
iii) Le nom Adon (Kurios) a la mme signification que YHWH : ce nom voque celui qui a la
puissance personnelle de Dieu dans son aspect juridique. Dieu agit et nous le reconnaissons comme Seigneur
(Ex 14.18). Nous connaissons Dieu comme Seigneur lgitime et reconnaissons quil est notre Seigneur (en
Rm 10.9, nous sommes en alliance avec Christ si nous le connaissons comme Seigneur).
Conclusion
La Seigneurie de Dieu telle que ses noms lexpriment nous aide comprendre que le Dieu de la
Bible est :
immanent: comme souverain il est prsent avec son peuple, avec lhomme quil a cr pour vivre
en communion (Gn 26.3-24, 28.15, 31.3, 46.4, 48.21; Ex 3.12, 33.14; Dt 31.6-8; Jg 6.16; Jr 31.33). Les
institutions de lAncien Testament sont des illustrations concrtes de limmanence de Dieu, pleinement
accomplie dans la prsence dEmmanuel (Jn 17.26). La prsence du Dieu transcendant dans le monde est la
spcificit du christianisme et se distingue aussi bien des religions qui nient tout contact entre Dieu et le
monde que de celles qui prnent un immanentisme exclusif, Dieu sidentifiant avec le monde.
transcendant: Dieu nous dpasse. Cest lui et non lhomme, qui est souverain dans notre salut,
comme dans lunivers. La puissance lui appartient. Notre intelligence comme notre vie entire viennent de

lui. Le Dieu immanent est aussi transcendant. Pour agir, il nest pas li par les lois de sa cration. Sa volont
est toujours efficace et il accomplit ce quil a dtermin, pour sa gloire et par sa puissance.

III. NOMS ET ATTRIBUTS DE DIEU


Dans la thologie chrtienne, lincomprhensibilit de Dieu suppose une distinction fondamentale
entre le Crateur et la crature et seule la rvlation divine permet de connatre les noms et les attributs de
Dieu. Tout autre conception religieuse la religion est moniste.
A. Monisme, dualisme et le Dieu de la Bible
Dans le monisme, le postulat est que la ralit est aussi ultime que Dieu et totalement contingente.
Ainsi, le panthisme nie le caractre tout autre de Dieu et affirme lidentit de Dieu avec la ralit, ou que
tout existe en Dieu. Dans le monisme panenthiste de Tillich, la cration ex nihilo de la thologie chrtienne
est nie. En revanche, dans les diffrentes formes de dualisme religieux (par exemple dans ses variantes nokantiennes), la ralit est contingente et autonome, la ralit divine nest pas accessible la connaissance
humaine. La connaissance de Dieu est relative, ni vraie ni relle, car le monde contingent nes pas permable
la rvlation. Pourtant, si la ralit est contingente et si une chose arrive en dehors de la volont divine, la
notion de hasard intervient et apparat aussi ultime que Dieu lui-mme. Cest pourquoi dans les dualismes
primitifs, il existe deux dieux, lun bon et lautre mauvais. Le dualisme sous toutes ses formes consiste
essentiellement en une ngation de laffirmation que Dieu opre tout selon la dcision de sa volont (Ep
1.12).
Le Dieu de la Bible est diffrents des divinits monistes ou dualistes. La doctrine chrtienne de
lincomprhensibilit de Dieu suppose sa connaissabilit, tout comme lincomprhensibilit de la ralit
suppose quon la connaisse. La connaissabilit de Dieu est fonde sur le fait que nous sommes ses
cratures et que toutes choses sont faites par lui. Autrement, il est impossible daffirmer son
incomprhensibilit. Il faut connatre Dieu dans sa rvlation pour affirmer le connatre comme
lIncomprhensible. Par ailleurs, on ne peut rien connatre du monde phnomnal, si on ne suppose pas la
connaissabilit de Dieu. Sans leur statut dans la rvlation de Dieu, les ralits sont tout aussi inconnues
que Dieu sans sa rvlation. Sans le Dieu incomprhensible qui se fait connatre, tout est ultimement
mystrieux dans un sens paen.
Dans le mystre chrtien, en revanche, toutes choses, y compris la mentalit de lhomme, ce qui
lentoure et la rvlation spciale de Dieu, sont ce quelles sont cause de lactivit de Dieu. Dieu est connu
parce quil se rvle.
La connaissabilit de Dieu se rduit donc cette question: Dieu a-t-il voulu se rvler lhomme
dans toutes ses uvres? Nier que la connaissance de Dieu ou de sa ralit soit vraie, cest refuser la
rvlation. Car la rvlation dun Dieu transcendant est la seule source de connaissance que nous puissions
avoir de lui (cest pourquoi, dans la thologie rforme, la rvlation est le principe-norme de la
connaissance de Dieu, la foi ntant quun instrument. Il en est autrement dans la no-orthodoxie). Par cette
rvlation, notre connaissance de Dieu peut avoir une ralit dans sa correspondance analogique, est vraie
dans les limites de notre finitude. Une connaissance finie (non totale) de Dieu exclut une comprhension,
(complte) en raison mme de la rvlation. Dire rvlation, cest impliquer une limitation.
B. Le caractre de la limitation divine
Ce caractre est indiqu par la signification, la fonction des noms de Dieu dans la Bible. Comme
nous lavons dit, Dieu est anonyme mais, dans la rvlation biblique, il sattribue une quantit de noms.
Ces noms ne sont pas arbitraires : ils nous indiquent quelque chose de la nature de Dieu qui correspond la
ralit. Les noms expriment cette nature humainement, sans la dcrire exhaustivement. Dieu se nomme, en se
donnant des noms proches de notre caractre.
C. Correspondance des noms
Les noms que Dieu se donne correspondent sa ralit profonde, mme si ces noms sont adapts
notre humanit. Nous sommes, ici, devant un problme identique celui que pose la relation entre la Trinit
conomique et la Trinit immanente (ontologique). Si Dieu nest pas rellement un Dieu trine, pourquoi le
serait-il dans sa rvlation? Si nous distinguons radicalement entre lconomique et
lontologique, nous tablissons une opposition entre Dieu et sa rvlation. Laboutissement de cette
dmarche est le nominalisme. La Bible emploie constamment des noms anthropomorphiques pour Dieu; elle
ne nous prsente jamais une dit limite. Dieu peut santhropomorphiser dans sa rvlation, car dans la
cration lhomme est dj thomorphise. Ces remarques concernent les attributs bibliques de Dieu.

D. Le nom et lalliance
LEcriture nomme tout ce que nous pouvons connatre de Dieu suite sa rvlation: son Nom. Ce
Nom nous est dclar dans le Nouveau Testament par Christ. Le Nom de Jsus est garant de notre
connaissance de Dieu et des bndictions lies cette connaissance. (Voir la centralit du nom dans les
crits johanniques). Le nom de Jsus indique quil sauve son peuple de leurs pchs (Mt 1.22); son nom est
le seul qui ait t donn par lequel nous devions tre sauvs (Ac 4.12). Le point culminant de la rvlation,
est dans lApocalypse o les enfants de Dieu auront son Nom sur leurs fronts (Ap 22.4). Le Nom de Dieu
voque sa saintet: le prendre en vain revient nier cette saintet.
Ici encore, il faut dire que le Nom de Dieu est une rvlation; il ne nous donne pas une image de
Dieu ou une description de Dieu. Le Nom est li lalliance et tmoigne du rapport qui existe entre Dieu et
sa crature. Le Nom nest cependant pas arbitraire, car il rvle comment est Dieu pour nous. La thologie
rforme adopte la voie mdiane entre les thologies ralistes (ou idalistes) qui supposent que les noms sont
adquats pour dcrire Dieu, et les disciples des nominalistes (comme Schleiermacher ou les no-kantiens)
qui supposent que les noms ne correspondent pas une ralit en Dieu. Ainsi pour la thologie thique du
sicle dernier (Ritschl et autres) et pour Bultmann, la distinction radicale entre fait et valeur sapplique au
langage sur Dieu. Autrement dit, les affirmations au sujet de Dieu ne seraient pas des constatations
mtaphysiques, mais des affirmations sur la nature de lhomme. Par exemple, dire que Jsus est le Christ
nest pas un fait historique mais une indication sur la valeur de notre existence. De mme, ce que nous
disons sur lhomme est rvlateur de Dieu.
Pour rsumer
Les noms de Dieu comme toute connaissance sont de et par la rvlation divine.
Dieu, en se nommant, saccommode notre finitude.
Cette accommodation divine ne peut tre nie; elle est dj implique dans le fait de la cration et
de lexistence des tres finis.
Notre connaissance de Dieu est donc analogique, fonde sur ce qui existe dans les rapports entre
Dieu et lhomme. Cette connaissance est relative nous, dans notre rapport avec Dieu; elle ne concerne pas
Dieu en lui-mme.
Notre connaissance est relle cause de lauto-connaissance de Dieu qui est premier, et cause
de son auto-manifestation crationnelle.
Application
a) La vraie spiritualit sdifie sur ces considrations. Ni la raison, ni le mysticisme ne sont adquats
pour comprendre Dieu. Les deux ne dpassent les limites imposes par lexistence finie. La vraie spiritualit
exprimente Dieu non comme le Tout Autre, mais comme un Pre qui nous considre comme ses enfants,
comme le Dieu qui se fait connatre en se nommant, et qui est connu de nous comme notre Pre. La prire a
besoin de la rvlation et de la ralit du Nom de Dieu pour tre relle. Dieu sadresse nous et se nomme
afin que nous nous adressions lui par le Nom quil nous fait connatre.
b) Dieu est notre environnement. Le pcheur et, parfois, le chrtien sont en lutte avec cet
environnement. Dieu est plus prs de nous que nous ne le sommes de nous-mmes; il comprend ce que nous
ne comprenons pas de nous-mmes. Mme les pcheurs sen rendent compte, mais ils ne savent pas pourquoi
ils sont en lutte avec leur milieu et avec eux-mmes. Tout problme humain est, en dernire analyse, li ce
problme de relation.
c) La transcendance de Dieu implique galement quen connaissant Dieu nous transcendions le
monde du pch. Il convient de se conformer Dieu et non au monde. Connatre Dieu comme
incomprhensible, cest tre libr des idoles. Sa transcendance fonde notre ascendance sur le monde et ses
absolutisations. Connatre Dieu ainsi, cest accder la nouveaut de la vie ternelle introduite dans le
monde ancien du pch.

IV. LETRE DE DIEU ET SES ATTRIBUTS


A. LEtre de Dieu
Lobjet de cette section nest pas deffectuer une analyse de la nature de lEtre que nous appelons
Dieu, mais de constater simplement le fait quil est. Dieu est dans le sens le plus absolu, ultime et primordial
de lexistence. LEtre de Dieu exclut toute ide dvolution passe ou future. Dieu seul est, ternellement.
Dieu nest pas ce quil est parce quil est devenu ainsi; il est purement et simplement. La raison et le sens de
lexistence de Dieu sont en lui-mme. Lexistence de Dieu ne dpend pas de faits qui lui seraient extrieurs.
Dieu est a se ipso, il a le caractre de lasit. Cette pense a t exprime ainsi : Dieu existe en lui-mme
et se suffit lui-mme. Pour nous, il en va tout autrement! Dieu-YHWH est est gal lui-mme dans sa
rvlation, et Dieu demeure donc le mme dans son Etre.
La diffrence entre Dieu et les autres tres existants est que ces derniers sont devenus des tres. La
raison de leur existence ne se trouve pas en eux-mmes. La chose la plus fondamentale dire leur sujet
nest pas quils sont, mais quils sont devenus. Leur existence ne peut pas tre explique en dehors de leur
origine, cest--dire lEtre qui est leur origine et par qui ils continuent exister. Leur existence est un fait
qui ne sexplique pas en lui-mme. Le Nom Je suis est donc particulier Dieu; tout autre tre existe la
suite dun fait qui lui est extrieur, est sujet mutation et ne contient pas en soi son sens.
B. La personnalit de Dieu
Dieu est: il est absolu, ultime, indpendant, sans origine. Ces caractres pourraient suggrer que Dieu
est un Etre impersonnel. Pourtant, considrer Dieu comme une puissance impersonnelle serait un contresens
la lumire de la vrit exprime dans le Je suis. Dieu se prsente comme celui qui, loin dtre un principe
immuable, est un Dieu agissant dans lhistoire, et dont lexistence est manifeste tout au long du processus
historique.
C. Dieu est unique
On peut dire de Dieu seul quil est, quil se connat et se fait connatre. Le titre Je suis appartient
Dieu et lui seul. Aucun autre tre nest son gal ou pourrait tre au-dessus de lui (Es 44.6-11; 46.9 et chap.
45). Parler de lEtre de Dieu ne consiste pas voquer abstraitement un tre immuable, mais indiquer que
Dieu seul est lEtre qui existe en lui-mme.
D. LEtre et lEssence de Dieu
La thologie a traditionnellement fait une distinction entre lEtre de Dieu et son essence. Etre est
employ pour dcrire la vie de Dieu manifeste dans ses actions. Essence indique la nature mme de Dieu,
qui possde lEtre qui est Dieu. Son sens est donc plus statique. Parler de lEtre de Dieu semble prfrable,
mme sil est lgitime demployer le terme essence pour dcrire ce que Dieu est essentiellement. Pourtant
il nest pas souhaitable de sparer Etre et Essence comme si lEtre de Dieu tait un des aspects de son
essence une addition ce que Dieu est essentiellement. Etre exprime ce que Dieu est, et comment il se
manifeste, tandis que Essence indique plutt quelle est la nature de lEtre qui se manifeste. Nous ne
connaissons la nature de Dieu que par sa rvlation et cest perdre son temps de chercher au-del son
Essence. La connaissance de Dieu dans son Essence en dehors des actes pour nous est une abstraction.
E. LEtre et les attributs de Dieu
LEcriture ne spare jamais lEtre et les attributs de Dieu. Autrement dit, lEcriture ntablit pas de
distinction entre lexistence ontologique de Dieu et ses manifestations dans lconomie de lhistoire du salut.
Il est possible de parler de la nature de Dieu en considrant ses attributs. La nature divine se manifeste au
moyen de ses attributs, qui sont reconnus par lhomme dans la rvlation. La thologie de lEglise primitive
associait les attributs de Dieu son Etre. De mme Augustin dit que lessence divine inclut tous les attributs.
Plus tard, on sest pos la question de savoir si un attribut tait fondamental, et lorigine des autres:
a) Lessence: linfluence de Platon a pouss Philon et Origne proposer que le fait dexister est
lattribut le plus fondamental de Dieu. pour les penseurs scolastiques et les Rformateurs, lasit est la
racine des autres attributs.
b) La volont: Dieu est lorigine de toutes choses, puisquil les a voulues ainsi. La volont serait
lattribut primordial de Dieu qui conditionne les autres. Cette ide se trouve chez Socinius, elle est aussi
typique du disme.
c) La justice thique: La perfection morale est llment capital en Dieu. Le christianisme est une

religion de perfection. Cette ide qui sort du pitisme des rveils a influenc sur le libralisme du XIX e
sicle. Par suite dun cheminement bizarre, le libralisme a influenc le christianisme vanglique de telle
sorte quaujourdhui lamour est considr, en pratique, comme lattribut essentiel de Dieu.
F. Les rapports entre lEtre et les attributs de Dieu
Il est important de comprendre le rapport quil y a entre lEtre et les attributs de Dieu pour bien
maintenir la distinction entre Dieu et les autres tres. Il y a, semble-t-il, deux extrmes viter:

1) Tout dabord, il ne faut pas reprsenter Dieu comme un tre compos dlments diffrents, qui
seraient ses attributs. Les Ralistes du Moyen Age ont propos que les attributs employs pour dcrire Dieu
soient plus que des conceptions, quils dcrivent une ralit objective et substantielle. Lautre extrme est de
nier lexistence de cette diffrence en proposant que les attributs de Dieu sont des expressions qui
correspondent aux abstractions de lintelligence. Ainsi, en parlant des attributs, on emploierait des mots
diffrents pour dcrire une ralit uniforme. La premire conception implique que Dieu soit un Etre
compos, complexe; la seconde prive le caractre rel de Dieu des perfections qui sont les siennes. On a
propos, par opposition, que le rapport entre lEtre et les attributs de Dieu soit dcrit de deux faons :
a) Il y a en Dieu les conditions ncessaires pour que nous puissions reprsenter Dieu comme
possdant toutes les perfections dcrites dans lEcriture. Dieu est en lui-mme, tel quil se rvle dans
lEcriture. LEtre de Dieu est le fondement partir duquel les reprsentations faites dans lEcriture peuvent
avoir un sens.
b) La conception que nous nous formons des perfections (attributs) de Dieu nest pas dpendante de
notre esprit elles sont rellement les siennes, puisquil se rvle comme ayant ces qualits.
2) Il ny a donc pas un attribut de Dieu fondamental par rapport aux autres, ni de distinction entre
lEtre de Dieu et ses attributs. Tous les attributs de Dieu sont des attributs de son Etre. Dieu est ce quil a
(chez les cratures, il y a une diffrence entre ce quelles sont et ce quelles ont. Une crature humaine reste
une crature de Dieu, mme aprs le surgissement du pch.
Ainsi on pourrait dire :
Dieu a un esprit
Dieu a la lumire
Dieu a la vie

Mais il vaut mieux dire :


Dieu est Esprit
Dieu est lumire
Dieu est la vie

Jn 4.24
Jn 1.5
1 Jn 4.8-16

Spiritualit, lumire, vie, sont des attributs de Dieu et Dieu est chacune de ces choses. Dieu est toute
lumire, il est toute sagesse, tout logos, tout esprit. Ce que Dieu est, il lest compltement et simultanment.
Cette conception vite les erreurs du panthisme (dification de la cration), du platonisme (il existe ct
de Dieu des ides qui sont les archtypes des objets qui existent) et du gnosticisme (des aeons manent de
Dieu, qui se sparent de lui). Toutes ces conceptions obscurcissent la simplicit de la nature divine. Le nom
de YHWH nvoque pas lEtre de Dieu spar de ses attributs, mais rvl dans ses attributs. LEtre de Dieu
est absolu, mais non abstrait. Dieu montre les perfections qui sont les siennes dans sa rvlation. Les attributs
sont donc des identifications de Dieu Lui-mme. Quand Dieu dvoile ses perfections, nous connaissons les
perfections de son Etre.
3) Cependant, il y a une distinction faire entre lEtre et les attributs de Dieu. Cette diffrence ne
provient pas de ce quil y aurait une diffrence de substance entre lEtre et les attributs (comme si les
attributs taient infrieurs Dieu, des manations de son Etre).
Cette distinction nest pas verbale non plus. La distinction existe dans notre pense en corrlation
avec la rvlation. Les perfections de Dieu que nous discernons dans la rvlation sont correctement
attribues lEtre de Dieu, car il Est toutes ces choses. Ainsi nous voyons lamour de Dieu et sa saintet, et
nous disons que Dieu est amour ou saint. Il est lEtre qui possde toutes ces perfections la fois. Mditer ce
point nest pas un exercice de logique abstraite, mais permet dalimenter notre vision de la plnitude de Dieu.
Nous avons dit propos des noms de Dieu que Dieu est anonyme. Ainsi, il ny a pas de nom
particulier qui dcrive Dieu. Pareillement, il ny a pas dattribut qui dcrive Dieu. Tous les attributs
manifestent la gloire de son Etre. Ils sont plus que les perfections imagines par lhomme, mais ils sont
vraiment des perfections de lEtre de Dieu. Comme Jonathan Edwards la dit, lhomme nest pas appel
aimer Dieu cause de son salut, mais pour la beaut de son caractre. La plnitude de Dieu est plus grande

que ce que lintelligence humaine peut concevoir. La distinction entre les attributs nintroduit pas une
contradiction Dieu, mais une complmentarit. Toutes ces perfections appartiennent Dieu et nous
communiquent une impression de sa majest, qui transcende toutes choses.
G. Le classement des attributs de Dieu
Il ny a pas de moyen adquat pour classer les perfections de Dieu. Plusieurs schmas ont t
suggrs :
1. Distinction entre les attributs absolus et relatifs
Les attributs absolus sont essentiels lEtre de Dieu et appartiennent son ternit. Les attributs
relatifs font rfrence non lEtre de Dieu, mais ses rapports avec le monde; ce sont son omniprsence, sa
grce, sa misricorde, sa colre, etc.
Ce classement pose un problme puisquil nest pas possible de parler des attributs de Dieu sans
considrer son Etre. Dieu peut-il dvelopper des attributs partir du moment o la cration existe? Est-ce
que son Etre se modifie dans le contexte de la cration? Peut-il changer? On pourrait suggrer que son
omniprsence nest que lextension de son immensit (cest--dire que ses attributs relatifs seraient des
expressions contextualises de ses attributs positifs), mais il serait difficile dviter la suggestion quil existe
une corrlation entre Dieu et lunivers; et lasit de Dieu disparat.

2. La mthode danalogie
Elle comprend trois aspects. La via negationis: les imperfections que nous trouvons dans la cration
ne peuvent tre attribues Dieu (le mal, le pch, la finitude, etc.). La via eminentiae: les perfections
trouves dans la cration sont attribues, de la faon la plus minente, Dieu. La via causalitatis: Dieu est
considr comme la cause de tout ce qui existe.
Cette mthode est insuffisant. Elle commence avec la crature et aboutit des conclusions au sujet
du Crateur. Les attributs de Dieu sont connus dans la rvlation, cest--dire communiqus par Dieu la
crature. Il est impossible de penser Dieu correctement en agrandissant une image de lhomme jusqu un
degr infini.
3. La distinction entre les attributs communicables et incommunicables
La distinction entre attributs communicables et incommunicables est fonde sur la doctrine de la
Trinit. Lessence de Dieu est communique aux trois personnes divines, mais leur personnalit est
incommunicable (Le Pre est une personne diffrente de celle Fils). Cette distinction est applique aux
attributs :
a) Les attributs incommunicables
Asite, immutabilit, infinit (ternit; immensit), unicit (numrique = unit; qualitative =
simplicit). Ces attributs indiquent lEtre de Dieu et ne peuvent pas tre transfrs une crature.
b) Il sensuit que les attributs communicables caractriseraient galement les cratures. Mais est-ce
possible? Dans un sens, il est impossible de dire que nous possdons les mmes attributs que Dieu, et il est
difficile de soutenir quil y aurait communication dattributs de lui nous. Mais ne pourrions-nous pas dire
que nous avons les mmes attributs un degr infrieur? Dans ce sens, on peut indiquer: la spiritualit,
lintelligence, la justice (la saintet) et la volont.
Cette classification suscite des problmes et cache des difficults nombreuses. Si elle a lavantage de
maintenir que Dieu est la fois transcendant et immanent, elle risque de diviser Dieu. Pris dans un sens
absolu, les attributs communicables sont aussi incommunicables que les autres. Dieu est incomprhensible
dans tous ses aspects.
Conclusion: Il ny a pas de mode de classification satisfaisant.
H. Les attributs thiques
Nous rencontrons le Seigneur dans notre histoire. Il est le souverain de lhistoire. Ds avant la
cration, il connat les ventualits. Selon la Confession de Westminster, pour Dieu rien nest contingent.
Dieu est Seigneur, et il nest pas un autre aspect de notre exprience. Il nest pas une partie de notre vie, mais
toute notre vie se droule sous ses yeux. Il peut tre pour nous, avec nous, parce quil ne dpend pas de nous.
Cest pourquoi tous les caractres que lon attribue Dieu ont deux cts non pas paradoxaux ou

contradictoires, mais dont lunit est dans le Pre:


ce que Dieu est en lui-mme, comme lEternel, en tant quEtre indpendant du monde et de
lhistoire est laspect a priori de Dieu, qui prcde et transcende notre connaissance.
les attributs de Dieu, tels quil se rvle dans notre histoire sot les attributs a posteriori. Ainsi, dans
la rvlation, nous reconnaissons les attributs qui dcrivent comment est Dieu dans.
Par exemple, les attributs thiques de Dieu, lamour et la justice ont deux cts.
1. Laspect a priori des attributs thiques
a) La souverainet de Dieu est absolue
Comme cratures, nous ne pouvons rien demander Dieu en dehors de sa promesse. Il est le
Crateur et toutes choses lui appartiennent (Ps 24.1; Job 41.11; Rm 11.35; Dt 10.19; Gn 14.19; Ps 15.10ss).
Nous ne pouvons rien revendiquer puisque devant Lui, nous sommes pcheurs (Es 2.10ss; Rm 3.27; 1 Co
10.31; 2 Co 10.7; Ga 6.14). Mme laptre Paul nest pas digne dtre appel aptre; Job qui raisonne juste,
dans le dialogue avec ses amis, doit faire face aux questions de Dieu.
Dieu a un droit absolu sur nous. Nous navons pas poser de questions Dieu; sa Parole nous remet
en question et rclame notre obissance. Notre loyaut envers Dieu doit surpasser toute chose (Dt 6.4ss; Ph
3.8). Le droit de Dieu stend sur toute la vie (Col 3.l7; 1 P 4.10; Rm 12.1; 2 Co 10.5; Rm 14.23).
b) La bont de Dieu est absolue
La nature des actions de Dieu ne peut pas tre conteste par ses cratures; Dieu est bon constitue
un prsuppos: inutile de demander Dieu des preuves avant de croire cela. Toute lEcriture constitue une
thodice, manifestant la justice de Dieu. Comment affirmer que Dieu est juste et bon, lorsque ses actions
semblent prouver le contraire? La thodice biblique affirme que la justice de Dieu est a priori et ne peut pas
tre remise en question par la foi. En Gense 3, le diable essaie de mettre en conflit la bont et la justice de
Dieu. Quand Dieu apparat, il nessaie pas dexpliquer pourquoi largument de Satan est faux, mais il
manifeste son autorit de Seigneur. Dieu na pas besoin de donner des preuves de sa bont. Le juge de la
terre nexercera-t-il pas la justice? (Gn 18.25) question rhtorique, Dieu est fidle sa promesse. En lisant
Gense 22, il serait permis de se dire: Comment un Dieu bon peu-il demander le sacrifice dun Fils? Cette
question ne vient mme pas lesprit de lauteur biblique. Ce qui est en question, cest la rponse de
lhomme. La bont de Dieu est a priori. En Exode 33.19, le nom de Dieu rvle sa bont, que manifeste sa
souverainet rdemptrice. Job ne saura jamais pourquoi il est afflig (38.42), malgr son dsir de le savoir.
Dieu apparat Job et lui pose des questions (42.1-6). Et Job reconnat la souverainet de Dieu et se repent!
Dieu ne fournit pas dexplications. Sa justice est a priori. Certains passages dveloppent lide du droit
absolu de Dieu (Es 44.9; Mt 20.1-15). Dans lenseignement de Paul sur la justification, Dieu est juste en
justifiant les pcheurs (Rm 3.27). Les arguments sont a priori: La justice et la bont divines sont des
prsupposs et la crature est forme de sorte quelle doive prsupposer ces choses et ne pas douter de Dieu
(Dt 32.4).
Si nous comprenons cela, nous sommes dj prpars aborder le problme des limitations dans
llection ou celui de la souffrance. Ces problmes nen sont pas vraiment sauf si nous refusons la priori de
lEcriture.
2. Laspect a posteriori de la thodice
Dieu est bon est galement une conclusion. Dieu fournit des manifestations de sa bont, non pour
la prouver, mais pour attester quil en est bien ainsi. Dieu ne dit pas simplement quil est juste; il le montre
dans ses actions. Dire que Dieu est bon, est un prsuppos qui est formul dans le cadre dune
manifestation de la bont de Dieu. Cette manifestation sert de support notre constatation que Dieu est bon.
Il ny a pas de dualisme. La preuve nexiste pas sans le prsuppos et le prsuppos a besoin dune
application concrte. Dieu donne les deux. Ainsi, dans llection, Dieu choisit de toute ternit, mais cette
lection seffectue dans des situations o lhomme est appel faire un choix. Quelles preuves avons-nous
de la bont de Dieu ? Quel genre dvidence trouvons-nous dans lEcriture ?
La loi et la grce
Dans lEcriture, il y a une tension entre loi et grce pour ceux qui croient. La rdemption est un
processus et dans lequel la promesse divine semble vide cause du manque dobissance la loi. Comment
la bndiction pourrait-elle venir? Si Dieu bnit son peuple en dehors de la loi, est-ce que la loi a perdu sa
force? Il semble que la loi ou la promesse doive cder. A cause de la loi, la promesse semble mise en chec.
Les pcheurs paraissent lemporter (voir les Psaumes !). Les sacrifices sont sans effet cause de la
dsobissance.

Solution du problme: Dieu agit lui-mme pour sauver son peuple. Il accomplit progressivement la
promesse. La bndiction de la grce viendra malgr la dsobissance de lhomme. En Christ, le serviteur de
lEternel meurt pour les pchs du peuple. La tension entre la loi et la grce, entre la bont et la justice de
Dieu est rsorbe en lui. Dieu est juste, et il est celui qui promet le salut ceux qui croient et mettent leur
confiance en Christ. La grce accomplit la loi, qui est elle-mme comme un catalyseur du salut (Rm 5.20; Ga
3.19). Le chemin du salut est appel la loi de la foi (Rm 3.27; 8.3s).
Cette tension persiste toujours dans la pense du croyant. Nous sommes pcheurs et doutons que
Dieu puisse nous sauver. Pourtant la promesse de Christ est certaine.

Conclusion
La justice et lamour de Dieu sont cte cte. Nous sommes toujours confronts, dans notre
exprience chrtienne, la loi et la grce, la justice et lamour. Il ny a rien dans la loi qui nous
permette de nous justifier; pourtant rien ne peut sparer ceux qui sont en Christ de lamour de Dieu. Nous
connaissons lamour de Dieu par la loi, et notre connaissance de sa loi fait grandir en nous notre amour de
Dieu. Dieu est la fois juste et bon envers ses enfants en Christ.
I. Les attributs pistmologiques
Dans les attributs thiques, il existe une tension entre la grce et la justice. La mme existe dans les
attributs pistmologiques. Lauto-communication de Dieu et la vrit de ce quil dit sont en corrlation avec
ses aspects a priori et a posteriori. Les paroles de Dieu doivent toujours avoir la qualit dtre vraies; et cette
vrit doit pouvoir tre communique lhomme et connue de lui.
1. La priori de la vrit de Dieu
Dieu tant Dieu, il constitue un absolu pour notre foi et appelle une confiance totale en lui. La vrit
de Dieu doit tre prsuppose, puisque la Parole de Dieu sauto-atteste. Dieu seul peut se vrifier luimme. Il nest pas lgitime pour lhomme de demander une preuve.
2. La posteriori des attributs pistmologiques
Dieu donne des attestations de sa vrit dans le contexte de sa rvlation historique. Dieu nest pas
seulement la vrit ; mais il agit et parle avec vrit. Ainsi lhomme connat sa vrit.
a) La parole de Dieu est-elle vraiment la vrit?
Aujourdhui, on naccepte plus les dogmes et leur autorit. Les vrits reues sont tablies en
accord avec lexprience rationnelle ou existentielle de lhomme. La rvlation appartient au noumne et
chappe la raison, tandis que les vrits du monde phnomnales sont de la comptence de lhomme. Il ny
a donc pas de vrit(s) rvle(s), ni de propositions de Dieu qui puissent tre vritables.
b) Rsolution possible de la tension: rvlation / vrit
La parole de Dieu se manifeste avec puissance dans le rel, en contraste avec le noumne non
rationnel, ce qui est une sorte de preuve de sa vrit. Elle est une puissance pour convertir lhomme ou pour
produire leffet inverse qui est la rbellion contre Dieu. La parole de Dieu accomplit le plan de Dieu. Mme
si elle semble incroyable, elle satteste vraie. Elle anantit limpossibilit ultime: les pcheurs sont reus dans
la communion avec Dieu (2 Pi 3; Pr 30.15).

Conclusion
La sagesse infinie de Dieu nous dpasse. Cette sagesse devient la ntre par la foi (1 Co 1.3). Dieu est
omniscient: son intelligence est le critre de la vrit; aucune vrit nest inconnue de lui. Dieu est
omniscient dans le jugement du pch (H 4.11-13). Nous ne pouvons pas nous cacher devant la Parole de
Dieu. Rien nest cach Dieu (Ps 139.7). Dieu est galement omniscient dans la bndiction (1 Jn 3.l9s); il y
a toujours un critre de jugement plus lev que celui denos penses (Rm 8.l5s). Notre assurance se fonde
sur les promesses de Dieu, lexamen de nous-mmes et le tmoignage de lEsprit.
J. Les attributs mtaphysiques
Ces attributs sont les plus difficiles admettre par la mentalit moderne. La philosophie
existentialiste et la philosophie analytique offrent un soutien puissant la critique de lidalisme

mtaphysique. La tendance actuelle en philosophie et en thologie est anti-mtaphysique, avec quelques


exceptions notables (le no-thomisme). Dans lEcriture, il nest pas souvent question de la vie de Dieu, mais
cest elle qui conditionne le salut et la rvlation qui autrement seraient incomprhensibles (Jn 5.26). Dieu a
la vie en lui-mme et aussi dans le Fils (cf. Jn 1.4. Cest parce que Jsus a la vie quil peut la donner). Dieu
est donc un Dieu vivant; il est la vie qui transcende ses actes de cration; et cette vie est infinie, ternelle,
spirituelle, une et manifeste.
1. Laspect a priori de lEtre de Dieu
a) Il y a un rapport entre lEtre de Dieu et son exigence notre gard. Dieu na pas le mme tre que
nous, son existence se situe un niveau diffrent. Puisquil est unique (le seul vrai Dieu), il a autorit sur
nous. LEtre de Dieu est a priori parce quil est avant nous. Nous ne pouvons mme pas imaginer un
moment o Dieu nait pas exist, un moment o Dieu nexistera plus. La vie est un attribut qui appartient
Dieu. Lexigence thique que Dieu a sur nous, nous oblige faire face larrire-plan mtaphysique de cette
exigence. Cest parce que Dieu existe ncessairement que nous sommes exhorts tre saints comme Il lest.
Cest parce quil est la vie, quil peut agir souverainement par grce afin de nous donner la vie ou de la
reprendre.
b) Dans lEcriture, nous lisons que Dieu na pas de dette vis--vis de lunivers (Job 41.11; Gn 14.1922). Lhomme ne peut pas peser sur la volont divine pour obliger Dieu se dvoiler (Rm 11.35ss; Ac
17.24ss; Ps 50.13-15). Lexistence de Dieu est a se. Nous ne contribuons pas la vie de Dieu, ni son
caractre parfait.
2. Laspect a posteriori de lEtre de Dieu
Il reste savoir si, dans sa manifestation, Dieu se montre en conformit avec ce quil est vraiment.
Autrement dit, du point de vue :
thique: est-ce que Dieu est rellement bon dans ses actions?
pistmologique: Dieu est-il rellement vrai dans sa rvlation?
mtaphysique: Dieu existe-t-il rellement de faon non limite?
a) Lomnipotence: Nous ne pouvons pas concevoir un effort de Dieu pour faire quelque chose quil
ne serait pas capable de faire. Dieu accomplit ce quil envisage (Es 51.11). Dans la rdemption, il nest pas
limit par un manque de puissance ou de contrle sur la situation. Lomnipotence est un attribut
mtaphysique de Dieu qui signifie quen lui rside la possibilit de faire ce quil veut accomplir.
b) Lternit de Dieu (immutabilit: omniprsence temporelle
La thologie Rforme a propos que, bien que Dieu agisse dans lhistoire, il la dpasse. Le temps
rgit lactivit cre, mais Dieu nest pas restreint dans son activit par le passage du temps. Pour lui, il ny a
ni un avant ni un aprs, ni une succession de moments. Dieu est toujours le mme. Ces concepts ont t mis
en doute. Karl Barth a parl de la temporalit de Dieu, tandis que Cullmann, dans Christ et le Temps, semble
dire que lternit de Dieu nest pas une ide biblique; lEcriture parlerait dune succession sans fin
dpoques limites (aiones).
Il faut reposer la question: dans quel sens Dieu est-il ternel? La Bible indique que Dieu transcende
la temporalit de trois faons:
i) Le changement
Temporalit et changement vont de pair. Ce qui est temporel, change, volue, prend une forme
nouvelle. Dieu, en revanche, ne change pas (Mal 3.6; Ps 102.25ss; H 1; Ja 1.17). Ngativement, le fait que
Dieu ne change pas indique quil nest pas, comme nous, limit par le temps.
ii) Dieu transcende la limitation de lignorance temporelle
Nous ne connaissons pas le futur. Dieu voit le pass, le prsent et le futur sans obstacles, de faon
simultane. Il noublie pas son alliance; son lection est ternelle.
iii) Dieu ne connat pas de progression temporelle (Ps 90.4; 2 Pi 3.8).
Ces aspects ne prouvent pas que Dieu soit au-dessus ou en dehors du temps, mais que le temps a,
pour Dieu, un sens autre que pour nous.
Ces trois aspects sont soutenus par lenseignement biblique du commencement (Gn 1.1; Jn 1.1; Mt
19.4-8; H 1.10).
Le commencement nindique pas que Dieu commence soccuper de quelque chose en dehors de
lui. Ce commencement est celui du temps. Selon James Barr, les chrtiens de lEglise primitive pensaient
que le commencement du temps et le commencement de la cration allaient de pair. A lorigine le logos
existait dj. La Parole nest pas la premire cration mais celui qui cre. Dans lEcriture, il y a, dune part,
la notion dun commencement absolu et, dautre part, celle de la pr-temporalit de Christ.

Le rapport entre Dieu et le temps est donc particulier. Dieu est le Seigneur du temps, non son
serviteur. Nous sommes, en quelque sorte, les serviteurs de Dieu, puisque nous contribuons la progression
de lhistoire. Dieu contribue aussi cette progression, mais comme celui qui contrle avec puissance et
dpasse la temporalit; son point de vue est diffrent. Dieu sait ce qui est avant et aprs. Sa
connaissance est cratrice. Nous nvoquons pas le problme comme le font Tillich (en disant que Dieu est le
fond de lEtre) ou Whitehead et la Process Theology (qui estime que Dieu est le devenir et quil fait partie de
ce devenir) ou Hartshorne (qui pense que Dieu est le devenir mme et le principe moteur de lvolution). Le
panenthisme sloigne de la diffrentiation biblique qui existe entre Dieu et le monde.
c. Linfinit de Dieu
Limmensit de Dieu indique quil est Seigneur du monde; lomniprsence de Dieu signifie quil est
Seigneur dans le monde, thtre de son action.
d. La spiritualit de Dieu
i) La transcendance de Dieu sur les choses cres est spirituelle. En Jean 4.24, Jsus indique quil ny
a pas dendroit spcial pour adorer Dieu. Pour lEcriture, il ny a pas dincompatibilit entre la ralit et la
spiritualit de Dieu: Dieu ne connat pas de limitation corporelle. Cest pour cette raison que Dieu est
invisible. Ainsi le contraste entre le vrai Dieu et les idoles inclut une critique de la reprsentation physique de
la divinit (Dt 4.15).
ii) Le fait que Dieu soit spirituel et invisible ne veut pas dire quil soit impossible de lidentifier dans
lhistoire. Dieu peut, dans sa rvlation, revtir des formes physiques et visibles (Gn 32.30; Rm 1). Les
choses invisibles de Dieu sont manifestes (Jn 8.9; 14.17).
Dieu est connu par les paroles et les actes de Jsus (1 Jn 1; 2 Co 4.8 ; H 11.27; 12.14; 1 Co 13.12; 1
Jn 2.2; Ap 22.4). Dieu est invisible, mais nous en voyons les manifestations: il se sert de formes visibles pour
se rvler.
e. Lunit et la simplicit de Dieu
Cet attribut signifie quil y a un seul Dieu, dont la nature rend impossible lexistence de plusieurs
dieux. Autrement dit, Dieu est absolument unique; numriquement, il ny a quun Dieu. La doctrine biblique
enseigne quil est un (Dt 6.4; 1 Co 6.4 et 6), en contraste avec :
i) Le polythisme
LEcriture rfute lide dun panthon de dieux. Lunit de Dieu est trs clairement enseigne par
rapport la personne de Christ (Jn 17.3; Ac 17.24; Rm 3.30; Ep 4.5s; 1 Tm 2.5).
ii) Lanalyse volutionniste des textes de lAncien Testament
Selon cette opinion, le monothisme, absent des couches primitives de la tradition juive, aurait t
introduit par les prophtes (cette notion est lie lhypothse documentaire). Il semble plus probable que les
prophtes ont exhort Isral retourner lancienne religion. Il est difficile dimaginer que les prophtes
aient pu introduire une nouveaut. Des textes anciens, tel que Gense 18.25, apparaissent clairement
monothistes. De plus, la discipline des religions compares montre, gnralement, que les religions
primitives polythistes se superposent sur une base monothiste.
iii) Lunit divine propose par le panthisme est en contradiction avec lEcriture. Cette unit ne peut
satisfaire ni lintelligence, ni le cur de lhomme. La simplicit de Dieu veut dire quil ny a pas de
composition avec lEtre de Dieu. Cette ide est difficile percevoir et comprendre. Lunit de Dieu
voque son unicit numrique; sa simplicit voque sa simplicit qualitative. Tous les attributs de Dieu sont
identiques son Etre, car chacune de ces vertus est parfaite en Dieu (Jr 10.10; 23.6; Jn 1.4s; 9.14-16; 1 Jn
1.5). Dieu est un dans tous les sens.
On a object contre lide de simplicit de Dieu:
quelle est une abstraction mtaphysique: pourtant lEcriture enseigne que Dieu nest pas compos
de parties, de fonctions diffrentes.
quelle est en contradiction avec la doctrine de la Trinit: il est difficile de le penser. Le Dieu
trinitaire nest pas compos de trois personnes spares. Lexistence de trois personnes najoute rien
lessence mme de Dieu.

V. LA DOCTRINE BIBLIQUE DE LA TRINITE


A. Raisons de ltude
Hypothse 1: La doctrine de la Trinit aurait son origine en Babylonie vers 2000 av. J.-Ch. dans la
triade divine de Cush, Semiramis et Nimrod. Cette Trinit aurait influenc le dveloppement dune triade
hindoue de Brahma, Vishnu et Siva. Ainsi, la notion chrtienne aurait son origine dans le paganisme. Satan
est son auteur.
Hypothse 2: La doctrine de la pluralit des dieux est aussi vidente dans la Bible que dans
nimporte quelle autre systme religieux. En ce qui nous concerne, les chefs des dieux ont indiqu un dieu,
afin que nous puissions voir les perfections des dieux. Tel est lenseignement des Tmoins de Jhovah dans
Que Dieu soit vrai et des mormons dans une prdication de Joseph Smith (il semble quil y ait une
contradiction entre le livre de Mormon et dautres sources).
Voici deux autres attitudes:
Dans lensemble de la doctrine chrtienne, la Trinit a t de plus en plus marginalise. Cest un
article de foi spare des autres aspects de la foi chrtienne. Le rsultat en est la stabilit inbranlable de la
doctrine qui na gure volu depuis le Ve sicle et qui a cess de jouer un rle prpondrant dans la
rflexion chrtienne. Depuis Saint Thomas, la dogmatique a distingu deux thses sur Dieu, en voquant,
dabord, Dieu, son essence et son Etre et, en deuxime lieu, de la Trinit. Dans la pense chrtienne, on a
reconnu la validit dun certain discours sur Dieu en dehors de considrations trinitaires. Le rsultat en est
que la premire considration, tant lessence commune la divinit, la discussion sur Dieu, son point de
dpart, a t domine par des considrations philosophiques. La doctrine biblique de la Trinit devient une
sorte de parenthse dtache de lhistoire du salut. Laspect trinitaire de luvre du salut na pas t
dvelopp. Le mystre de la Trinit est devenu une spculation logique distincte du mystre du salut.
Les chrtiens, parce quils ne voient pas de lien troit entre la Trinit et leur salut, restent souvent
monothistes dans leur vie spirituelle. Ainsi ils croient que Dieu sest incarn en Christ plutt que le logos
dans lequel le Fils sest incarn. La grce de Dieu est considre comme celle du Dieu-homme, et non,
premirement, comme celle du Fils de Dieu. Avons-nous bien conscience quen priant cest la Trinit que
nous nous adressons? Trs souvent nos prires sont des prires monothistes, qui dans leurs formulations
laissent de ct le caractre du Dieu que nous invoquons.
Dans cette tude, la question de la Trinit sera aborde en considrant la rvlation de celle-ci
comme la rvlation du salut. Si nous accdons la foi en un Dieu trine, cest cause du caractre du salut.
La nature de Dieu et la nature du salut sont troitement lies dans la Bible. Enfin, nous essayerons de
montrer que la nature trinitaire de Dieu est une condition sine qua non de lhumanit de lhomme.
B. Evidence biblique
1. LAncien Testament
Dans la Bible, la doctrine de la Trinit nest pas dveloppe de faon systmatique. On y trouve de
nombreux indices, mais pas de tentative pour dvelopper une explication de ce que cela implique pour les
trois personnes. Lide de la Trinit est prsente dans lAncien Testament, mais ce qui est rvl nest pas
complet. Elle reste imprcise tout en se dvoilant progressivement. Il y a dj, en effet, dans lAncien
Testament des lments qui suggrent quil existe des distinctions dans lessence divine. Le nom Elohim,
pluriel, ne prouve pas lexistence de la Trinit, mais le fait que cette expression a t accepte dans un
contexte monothiste est intressant.
a) Passages dans lesquels la Parole ou la sagesse divine se trouvent personnifies: (Ps 33.6ss; Job
28.23ss; Pr 8.22ss). Lors de la cration, Dieu appelle les choses exister, non seulement par sa Parole et sa
Sagesse, mais par son Esprit. La Parole agit comme mdiateur, mais Dieu est immanent dans sa cration par
son Esprit. A lorigine, il y a une trinit daction: Dieu, la Parole par laquelle il cre, lEsprit qui soutient ce
qui est cr. LEsprit de Dieu, dans lAncien Testament, est une personne distincte par son action (Gn 1.2; Ps
33.6; 139.7; Jb 26.13; 33.4; Es 63.10).
b) Dans luvre de la rdemption, cette Trinit daction est plus marque. YHWH se rvle par un
mdiateur, le Malakh Yahweh, le messager de lalliance. Il ne sagit pas dun ange cr, mais comme lont
expliqu les Pres (en particulier Augustin), dune thophanie du Logos. Dieu est prsent dune faon
spciale dans son messager. Distinct de Dieu, lange porte son nom (Gn 16.6-13;18.l9s).
c) La Trinit daction qui existe lors de la cration et de la rdemption est mentionne en Nombres
6.24-26. Certains autres passages font mention de trois personnes (Gn 19.24; Ps 45.7; 110.1; Os 1.7) qui

indiquent dj une sorte de distinction en Dieu.


2. Dans la littrature apocryphe, la Trinit se trouve dveloppe, mais pas toujours de faon
conforme lAncien Testament Dans Philon, la doctrine trinitaire devient un lment dans le dualisme. Le
logos est mdiateur cause du contraste mtaphysique entre Dieu et le monde. Le logos nest pas personnel
et Philon nglige le Saint-Esprit. Dans lhistoire des dogmes, il apparat que les systmes qui ont nglig la
divinit du Fils finissent par abandonner la personnalit de lEsprit.

3. Le Nouveau Testament
Il dveloppe lAncien Testament. Son enseignement ne correspond pas une logique abstraite, mais
se fonde sur le fait de lincarnation. Le mot theos ne sapplique qu un seul Etre (Jn 17.3; 1 Co 8.4), qui se
rvle comme Pre, Fils et Esprit. Trinitaire, Dieu se manifeste dans lincarnation du Fils comme dans
leffusion de lEsprit. Ces lments ne sont pas nouveau; ils dveloppent la notion de cration et de
rdemption de lAncien Testament.
a) Dieu, le Pre, est ainsi nomm cause de ses relations avec le Fils et ses fils, et il est galement
Crateur de lunivers (Mt 7.11; Lc 3.38; Jn 4.21; Ac 17.28; 1 Co 86 ; H 12.9). Le Fils est le Logos par qui
Dieu a agi en crant (Col 1.l5ss ; H 1.3). LEsprit, dont la tche concerne particulirement ldification de
lEglise, est appel achever luvre de la cration par la rgnration (Mt 1.18; Mc 1.12; Lc 1.35; 4.1 et
14; Rm 1.14). Dans le Nouveau Testament, Pater prend la place de YHWH. Dans lincarnation du Fils, les
prfigurations de lAncien Testament (prophte, prtre, roi, sacrifice, fils de David, Ange, Sagesse) sont
concrtises. Leffusion de lEsprit ralise les promesses de lAncien Testament (Ac 22.l6ss).
b) Dans la rvlation du Nouveau Testament, le fait que Dieu est trinitaire devient beaucoup plus
clair. Le salut mme repose sur la tri-unicit de Dieu. Sans la doctrine de la Trinit, il ny a plus de salut
proclamer. Pour cette raison le Nouveau Testament a un caractre trinitaire.
i) Lenseignement de Christ est trinitaire sa naissance et son baptme sont une rvlation de la
Trinit. Il proclame le Pre comme tant Esprit qui a la vie en lui-mme (Jn 4.24; 5.26), et qui est son Pre.
Engendr par le Pre (Mt 21.37-39), le Fils est gal lui en gloire, vie, puissance (Jn 1.14; 10.30). Le SaintEsprit, qui habite en Christ, est envoy par le Fils du Pre (Jn 15.26). Avant son dpart, Christ bnit ses
disciples de faon trinitaire (rptition de larticle dans le grec).
ii) Les aptres continuent lenseignement du Christ. Election, puissance, amour et royaume
appartiennent au Pre (Jn 3.16; Ep 1.9; Rm 8.29); rconciliation, sagesse et justice appartiennent au Fils (1
Co 1 .30; Ep 1.10); rgnration, sanctification, communion sont lEsprit (Rm 5.5; 8.l5; 14.I7). De la mme
faon, les aptres ninstitue pas de hirarchie dans la Trinit. Chaque personne est gale aux autres (1 Co 8.6;
12.4-7; 2 Co 13.l4; 2 Th 2.13s; Ep 4.4ss; 1 P 1.2; 1 Jn 5.4ss; Ap 1.4ss).
iii) Le rapport entre les trois personnes: Le nom pre indique Dieu comme Crateur (Nb 16.22); il
est le Roi dIsral (Dt 32.6) et des croyants (Mt 6.4). Comme premire personne de la Trinit, il est le Pre
du Fils (Lc 22.29) ce qui ne veut pas dire ici crateur. Il est prminent dans les actes de cration et de
rdemption et, pour cette raison, il est appel Dieu mme par Christ. Nanmoins, le Fils et lEsprit sont aussi
Dieu.
Le Fils est le logos par lequel Dieu se manifeste. Il est appel le Fils de Dieu par sa nature et son
ternit (Mt 3.17); il est limage de Dieu (Ga 1.15).
LEsprit est celui qui donne la vie la cration et qui travaille comme immanent dans la cration. II est
saint parce quil est Esprit de Dieu (Jb 33.4; Ps 33.6) Il procde du Pre et du Fils (Jn 15.26). Quil soit une
personne devient vident dans le Nouveau Testament. Les caractres de Dieu sont attribus lEsprit (Jn
15.36; 16.13s; 1 Co 3.10ss).
C. Esquisse historique
Les lments de la rvlation no-testamentaire ne nous donnent pas de doctrine trinitaire tout fait
dfinie. Le Nouveau Testament ne fait pas une synthse de ces lments. Nanmoins, la prsence de ces
donnes a pos une question laquelle lEglise a trouv une rponse en formulant la doctrine trinitaire.
D. La doctrine formule
1. Les trois grandes questions
Quel est le sens des termes essence et tre? Ces mots voquent la nature divine (sans

considrer leur mode dexistence) que possdent galement les trois personnes; elles sont distinctes de la
ralit cre et possdent les attributs de Dieu.
Que veut-on dire par le mot personne? Il indique lexistence, dans lessence divine, dune
distinction. Il y a trois modes dexistence qui ne se situent pas cte cte (comme chez les hommes) mais
dans et pour la Trinit. Dans un tre divin, il y a une existence trinitaire. Ces trois personnes ne sont pas trois
manifestations conomiques dune personnalit divine, mais lEtre divin est tri-personnel. Quand la nature
divine dans le domaine de la personnalit, la plnitude de Dieu est triadique.
Quel est le rapport entre essence et personne, et entre les trois personnes? Les personnes ne
sont pas des modes de manifestation, mais des modes dexistence de Dieu. Pour cette raison, les personnes
diffrent lune de lautre sur le plan des rapports, dans un sens ternel et immanent. La diffrence, en ce qui
concerne leurs proprits personnelles, est ternelle. Pre, Fils et Esprit. La diffrence ne concerne pas une
ventuelle primaut et doit tre considre la lumire des rapports entre les trois personnes.
2. Introduction aux rapports entre les personnes
B.B. Warfield a dit: Il y a un seul Dieu. Le Pre est Dieu. Le Fils est Dieu. Le Saint-Esprit est Dieu.
Ceux-ci sont trois personnes distinctes. Ces titres impliquent quil y a des distinctions qui doivent tre
observes entre les trois personnes. Chacune est dote dune fonction propre sa personnalit. Paternit,
filiation et procession sont les traits distinctifs des Trois. En examinant comment ces rapports sont tablis
entre les trois personnes (la gnration du Fils et la procession de lEsprit), il faut admettre que nous sommes
devant le mystre de Dieu. La thologie de lpoque de Nice affirme que la gnration du Fils consiste en la
communication de lessence du Pre au Fils; la procession de lEsprit est la communication de la nature du
Pre et du Fils lEsprit. Cette spculation est dangereuse, car elle na aucun soutien dans lEcriture. Calvin
a justement critiqu cette formulation et il faut dire, avec lui, quil nest pas possible de dfinir la nature de
cette gnration et de cette procession.
La formulation qui correspond le mieux au donn biblique est celle qui dit que Dieu est une personne
et que Dieu est trois personnes. Ceci garde intact le mystre, maintient la particularit des personnes et leur
unit essentielle, sans courir le risque dun subordinationisme.
Il y a trois bien personnes, et les trois sont prsentes dans des rapports dont il est question dans
lEcriture. Avant daller plus dans le dtail, rsumons la nature individuelle des trois personnes:
a) Le Pre ; incr, ingnr: ngativement, on a dcrit le Pre par le mot agennesia, qui signifie
ltat dtre sans gnration. Le Pre seul est ingnr et lui seul possde ce caractre ( ne pas confondre
avec agenesia qui veut dire sans commencement). Si toutes les personnes de la Trinit sont agenesia,
seul le Pre peut tre dsign comme agennesia,.
Positivement, le Pre seul possde les caractres de paternit et il ne sagit pas de la paternit
humaine. Dieu est Pre dans le sens complet du mot: sa paternit diffre de celle des hommes :
- dans son efficacit: Dieu engendre son Fils de et par Lui-mme.
- dans sa dure: la paternit de Dieu est sans commencement et sans fin.
- essence: la paternit appartient lessence mme de Dieu (Ce nest pas le cas chez les hommes o
masculinit et paternit ne sont pas en corrlation).
Une rflexion sur ces particularits conduit dcouvrir la non-applicabilit de la critique freudienne au
Pre.
b) Le Fils: la filiation est le caractre distinctif du Fils (Jn 3.16 monogenes cf. Jn 1.l4ss; 1 Jn
4.9). Il faut parler avec prudence de la gnration du Fils. En Jean 5.26s, nous lisons que le Pre a donn au
Fils davoir la vie en lui-mme. Chez les cratures, la gnration est incomplte. Dieu, qui gnre le Fils, lui
accorde et mme lui donne la mme plnitude de vie, prsente en sa personne. Cette gnration est spirituelle
et nimplique pas une division de lessence de Dieu ou une sparation en Dieu. Le logos provient de Dieu le
Pre comme la parole humaine est insparable de le pense. Si le Pre existe, le Fils existe aussi. Le
gnration est dessence divine, cest--dire quelle est une communication de lEtre divin (Rm 9.5).
Mais le Fils nest pas une crature dont lexistence dpend de la volont du Pre. Il est ternellement
avec le Pre. Dans lEcriture, les dsignations Pre et Fils sont mtaphysiques. Si le Fils nest pas ternel, le
Pre ne peut pas non plus tre le Pre ternel. Sans le Fils, il ny a pas de Pre (voir la question de Mt 11.24).
Le Pre nest jamais sans gnrer le Fils. La gnration est perptuelle dans le pass et dans le futur. Dans la
gnration ternelle du Fils, Dieu est toujours en action. Dieu nest pas immobile.
c) LEsprit procde du Pre et du Fils (voir plus loin). Il est personnel, parce que gnr par le Pre
et le Fils; cest dans lEsprit que Pre et Fils sont en communion. LEsprit, en tant que personne de
communion au sein de la Trinit, possde tous les attributs du Pre et du Fils.

VI. TRINITE IMMANENTE ET ECONOMIQUE: DISCUSSION THEOLOGIQUE SUR


LES PERSONNES
1. Prsentation de la question
a) Dieu se rvle comme une personne. Toute discussion au sujet de Dieu ne peut donc pas se borner
ce que nous pouvons dire au sujet de Dieu; elle doit galement tre cohrente avec ce que nous disons
Dieu. Ainsi:

La nature de Dieu est le fondement de ladoration (que ton nom soit sanctifi).
La rvlation de Dieu nous donne la norme de cette adoration.
Puisque Dieu sest manifest de faon trinitaire, cest en tant que Trinit que nous devons ladorer.
Il est vident que ces propositions seraient sans valeur sil ny avait pas identit entre Dieu tel quil
se rvle et Dieu en lui-mme. Pour que la rvlation ait un sens, il est ncessaire quil y ait continuit entre
la nature divine et la rvlation de cette nature. Autrement dit, il faut que la Trinit immanente soit la mme
que la Trinit conomique. Est-ce le cas? Nous pouvons rpondre affirmativement pour deux raisons.
i) Argument fond sur les uvres de Dieu: en ce qui concerne les uvres de Dieu, il y a un ordre
dans la rvlation du salut qui correspond lordre qui existe dans la nature divine. Le Pre est la source, le
Fils est lintermdiaire et lEsprit est lapplicateur. Cet ordre nest pas arbitraire, comme si le Fils avait pu
concevoir le plan de salut, ou le Pre mourir sur la croix. Dans laccomplissement du salut, dans son
conomie, chacun joue le rle qui est en accord avec la position quil occupe dans la Trinit immanente.
Dans lEcriture, il y a deux processions divines: celle du Fils qui procde du Pre comme Logos divin, et
celle de lEsprit en qui la communion trinitaire est ralise. Dans le plan du salut, cette connaissance intradivine du Logos est celle qui se rvle, et en lEsprit est celui qui se communique. Le Logos fait connatre le
Pre dans la communion de lEsprit (Jn 14.11, 20 et 23).
En rsum, nous pouvons dire que, dans luvre du salut, la Trinit immanente est la Trinit
conomique et vice versa.
ii) Argument fond sur la grce divine. Il existe une raison plus profonde cette identification. Si
lEcriture ne nous prsente pas une doctrine de Dieu en lui-mme, cest pour la raison suivante: par le foi,
la Trinit nous est prsente. La grce de Dieu est-elle tout simplement notre rapport avec Dieu ou davantage?
La grce ne semble pas tre pour les crivains du Nouveau Testament un intermdiaire entre nous et Dieu.
La grce de Dieu, cest son auto-communication nous, la vie nouvelle que nous recevons de lui. Aussi la
prsence de Dieu est une prsence trinitaire et la distinction entre une Trinit immanente absente et une
Trinit conomique est abolie. La Trinit immanente est la Trinit qui est prsente par sa grce. Le Pre de
Christ est notre Pre, parce que nous sommes en Christ, lEsprit tant en nous. Par la grce, la vie immanente
du Dieu trinitaire devient notre vie et, en quelque sorte, comme des cratures renouveles, nous participons
la vie trinitaire. Dans le salut et dans la grce, nous prouvons la vrit profonde que Dieu est tel quil se
manifeste.
Notre mthode de discussion consistera donc partir de ce qui est rvl au sujet de la Trinit pour le
considrer comme le prolongement de ce que Dieu est en ralit. La foi chrtienne et la spiritualit sont donc
renfermes dans la doctrine de la Trinit. Expliquer ce mystre nest pas le but de la thologie qui cherche
seulement le prserver.
La connaissance la plus leve est celle qui confesse son ignorance. (Cyrille de Jrusalem)
2. La Trinit comme Pre, Fils et Saint-Esprit
Beaucoup de thologiens disent que la doctrine de la Trinit est trangre aux crivains du Nouveau
Testament. A la suite de Harnack, on prtend que cette doctrine est une hellnisation du christianisme des
aptres. La formule baptismale de Matthieu 28 nest pas considre comme une parole de Jsus mais comme
une lgitimation dune pratique ecclsiale. Certes, il ny a pas de systme dans le Nouveau Testament. En
revanche, une prise de conscience du problme que pose cette question y existe dj. La doctrine trinitaire
nest pas le point darrive dun dveloppement progressif; elle existe dans le Nouveau Testament en tant
que problme. Les crivains du Nouveau Testament ont t conscients du problme, et ont aussi formul,
leur faon, leurs rponses. Ces rponses ne sont pas celles de la mtaphysique grecque, mais celles que
fournit la conscience des fonctions des personnes divines.
A. Le Pre
Dieu nest-il quun pre exalt, une figure mythique cre limage de lhomme? La mort du Fils
est-elle simplement lexpiation du meurtre du pre? La religion du Fils succde-t-elle la religion du Pre?

Ces questions poses par Freud illustrent son manque de comprhension de la foi chrtienne et, en
particulier, de la doctrine trinitaire. Pourtant, ces questions sont utiles pour montrer que limage du Pre nest
pas la proprit du christianisme seul.
1. Lusage religieux de Pre
Lide de paternit religieuse a t dveloppe de diffrentes faons. Chez Homre, par exemple,
Zeus est le dieu universel, le pre des dieux et des hommes, digne de recevoir la prire. Plus tard, dans la
cosmogonie de Platon, lide du Bien, qui est au-dessus de tout tre, est appele Pre. Dans la Time, cette
ide personnifie du bien comme pre est larchitecte du monde. Au 1 er sicle, Philon, influenc par Platon,
parle de Dieu comme le pre qui gnre le cosmos et son me. Le sage est adopt comme fils de Dieu.
2. Dans le judasme
On ne trouve que relativement peu le nom de Pre (ab/ba) appliqu YHWH. La familiarit est sans
doute trangre au monothisme juif. Le mot se trouve pourtant dans certains Psaumes (Ps 27.10). Dans le
judasme post-biblique, la notion de Pre nest pas cosmique comme dans la pense hellnique, mais
nationale et thocratique.
3. Dans le Nouveau Testament
Dieu est distingu de Jsus-Christ et appel Pre (Pater). Dieu est un et le Pre de Jsus. Il est capital
de noter que Christ lui-mme nest jamais appel Pre, malgr le fait quune telle dsignation aurait pu tre
utilise sur la base de la royaut divine dcrite en Esae 9.5. Deux points:
a) Mon Pre et votre Pre.
Il y a, dans les vangiles, une distinction remarquable entre mon et votre Pre qui souligne le
caractre unique du rapport entre Jsus et son Pre. Le vtre dpend de mon Pre. Cest parce que Jsus
peut appeler le Pre mon Pre que les disciples peuvent recevoir le Pre comme leur Pre. L o Jsus
utilise votre Pre, cest pour dcrire les conditions de lapostolat. Seul, le mon Pre donne autorit ces
paroles. Cela est vident en particulier en Luc 12.32, fond sur 22.29 (cf. Mt 6.14; 18.35), ou en Matthieu
18.10 et 14. Il ny a pas, dans les Synoptiques, de votre Pre qui ne soit pas en rapport troit avec la
personne de Christ, qui peut dire mon Pre. Jsus, par ce rapport spcial avec le Pre, exprime la ralit du
Royaume et confre aux disciples le droit de regarder ce Pre comme leur Pre. Ainsi Jsus enseigne ses
disciples prier le Notre Pre. Jsus ne sidentifie pas ses disciples dans cette prire. Le mon Pre
exprime une relation spciale qui ne peut pas tre assimile dautres relations. Ce mon Pre est fond sur
la spcificit christologique de celui qui rvle Dieu.
Il faut remarquer, ici, que, dans les Synoptiques, ces exemples mettent en vidence la particularit de
la paternit divine. Limite, dabord, au Fils, cette paternit est relative ceux qui reconnaissent ce Fils
comme Fils de Dieu. Il ny a pas, dans les vangiles, une ide de paternit universelle de Dieu. Dieu est Pre
de ceux qui reconnaissent Jsus comme Fils (Mt 6.26b, 30b, 32b; dans le contexte de 33). Lide que Dieu
est le Pre de tous les hommes est une pense hrtique moderne.
b) Pre dans lvangile de Jean
Le mot Pre se trouve ici 115 fois; notre Pre ne sy trouve pas, et votre Pre est utilis
seulement une fois (!) en Jean 20.17. Jean btit sur le fondement synoptique; il ne dveloppe pas lide du
Pre au sens dengendrement du Fils mais, presque exclusivement, par rapport la rvlation comme acte
divin. Le Fils est celui qui, sous lautorit totale du Pre, rvle celui qui est suprieur lui (ho meizon).
Ainsi la paternit divine a un lment fortement christologique et sotriologique, en lien avec le mon de
Jsus. Deux thmes:
i) Le Fils rvle le Pre; nous navons qu penser Jean 1.14 et 18 pour voir que le Pre est lauteur
de la rvlation et le Fils Celui qui apporte cette rvlation. Il agit selon la volont du Pre (5.37).
ii) Cette action du Fils est lie avec le thme de lunit du Pre et du Fils. Cette notion est
approfondie par la rfrence lternit (1.18, cf. v.1). Le Fils est un avec le Pre (10.30); le Pre aime le
Fils (3.35). Cet amour implique une connaissance lie, avant tout, luvre du Fils sous lautorit du Pre
(15 .9; 17.23 et 26). Le rle du Pre est donc celui de donner son Fils, quil connat et aime ternellement,
pour le salut. Le don suprme est accompli la croix; le Pre accepte loffrande du Fils (10.17) et lui donne
boire la coupe (18.11). Encore une fois, le mme particularisme se manifeste, soulign ici par le seul usage
de votre Pre en Jean, aprs la rsurrection, prcisment au moment o le Ressuscit tend ses frres la
possibilit de reconnatre son Dieu comme leur Dieu (20.17). Cela explique la parole de 14.6 selon laquelle
le Fils est le seul chemin.
Jean est donc trs loin dun dieu, pre de tous, dont lide est rpandu dans le monde grec.

Conclusion
Dans la Bible, lide dune paternit divine universelle, si elle existe, est trs marginale. La notion de
Pre nest pas un symbole religieux usage gnralis. Son absence relative dans lAncien Testament et son
usage dans les vangiles par Jsus tmoignent dun rapport spcifique. Fils et Pre expriment des
rapports dans lconomie du salut. Ce rapport manifeste temporellement une ralit ternelle.
(Les liturgies qui commencent par Je crois que Dieu est le pre de tous les hommes ignorent que la
paternit de Dieu est particulire. Elles mettent lcart luvre du Fils, dont la filialit doit tre reconnue
pour que les hommes puissent tre en relation avec le Pre. Elles sont des expressions modernes de
larianisme, car elles nient la spcificit trinitaire de la foi).
Si les chrtiens parlent Dieu comme leur Pre, ce nest que par lEsprit dadoption (1 P 1.17; Ga
4.6; Rm 8.15). Lexpression doxologique ho theos kai pater souligne la souverainet de celui qui est Pre.
Ceci est eschatologique; aprs lintermezzo messianique, le royaume revient Dieu (1 Co 15.24). Dans le
prsent, lidentit de Pre et de Souverain est rvle par le kurios (Phi 2.11).
B. Le Fils
Notre tche consiste voir si, dans le Nouveau Testament, Jsus est dsign comme Fils de Dieu. Si
cest le cas, cette dsignation est-elle gnrale ou particulire? Sil sagit dun titre particulier appliqu au
Christ, il faudra voir si, en tant que Fils, Christ est considr comme tant divin. Ainsi nous pourrions
conclure que le rle du Christ, dans lconomie du salut, correspond ncessairement une relation intratrinitaire.
1. Lexpression Fils de Dieu
Dans le monde pagano-hellnique, le titre fils de Dieu avait un sens prcis. Dans la mythologie
grecque, lunion des dieux et des desses produit des enfants. Parfois, les dieux engendrrent des enfants par
une union avec des femmes humaines; do lexpression fils des dieux.
En Egypte, le Pharaon tait considr comme un descendant des dieux par sa naissance. Lempereur
Auguste et ses successeurs sapproprirent le titre divi filius. Le titre laissait supposer que le titulaire tait
un tre divin et, souvent, un dieu.
Bref, les chrtiens avaient toutes les raisons de ne pas employer ce titre pour le Ressuscit, car il aurait
signifi que Christ tait un dieu. Pourtant, dans le judasme, fils de Dieu nimplique pas un caractre divin;
cette expression est employe spcifiquement pour dsigner David comme roi. Dans la littrature rabbinique,
le Messie tait appel fils de Dieu. Christ et fils de Dieu taient donc identifis lun lautre avant le
Nouveau Testament.
2. Dans les Synoptiques, Jsus semble se dsigner comme Fils dans quatre passages: Marc 12.6- 7;
13.32; 14.61-62; Luc 10.22. Le sens de ces passages souligne que les hommes peuvent devenir fils de Dieu,
parce que Jsus est dj Fils de Dieu. Les aptres ont repris lusage de Jsus, ce qui est tout fait naturel. La
question se pose alors du rapport entre Pre et Fils: sagit-il dun rapport dgalit ou dune subordination du
Fils au Pre, base sur une ide dadoption?
Dans certains passages de Paul, on a cru discerner un rapport de subordination ou, en allant un peu
plus loin, une filialit fonde sur ladoption. (Rm 1.3s; 1 Co 15.24-28; Phm 2). La question est mal pose en
ces termes. Dans le premier passage, il ne sagit pas dadoption, mais dun contraste entre la filialit
dhumiliation et celle dexaltation. Le deuxime nvoque pas une subordination, mais la domination
temporaire du Seigneur. Le troisime ne parle pas de subordination, mais de la priorit du Pre. Loin de nous
donner une christologie adoptioniste, Paul enseigne que Christ appartient au cot divin de la ralit; mais
dans lordre, le Pre a la priorit sur le Fils. En Hbreux 1, la mme pense revient: Christ est Seigneur,
Crateur, expression de la gloire divine; mais, comme Fils, il est diffrent du Pre et apprend lui obir.
De mme, dans la thologie de Jean, les deux aspects coexistent: dune part, lautorit du Fils,
dautre part, son obissance et sa dpendance vis--vis du Pre. Si Christ est second par rapport au Pre, il ne
lui est pas, pour autant, subordonn dans le sens dune infriorit ontologique. Cette dpendance fait partie
de lordre trinitaire.
3. Jsus tait-il considr comme Dieu par les premiers chrtiens? A lvidence, une rponse
affirmative doit tre donne cette question:
a) Le titre kurios est appliqu Jsus. Ceci est significatif, ds lors quon sait que, dans les LXX, le
mot est utilis 8 000 fois pour Dieu. Il peut avoir un sens dautorit, de politesse ou un sens religieux.
b) En tant que Seigneur, Jsus est ador. Il est le sujet des doxologies de lEglise, il reoit la prire
des croyants et des citations de lAncien Testament lui sont affectes (Es 8.13s ; voir Rm 9.33; 1 Pi 2.7s). Le

verbe proskunein est utilis par Jsus pour indiquer lattitude que les hommes doivent avoir face Dieu seul
(Mt 4.10); les vanglistes ont choisi ce mot pour dcrire lattitude des hommes vis--vis de Jsus.
c) Jsus-Christ est Dieu: Jsus est ainsi appel dans plusieurs passages du Nouveau Testament, qui
sont presque tous discuts par les critiques.
i) En Romains 9.5, Christ est appel Dieu et la phrase se termine par Amen. La traduction sera
rendue comme dans la TOB et la Segond. On a suggr que le point devait tre plac aprs sarka ou epi
panton, donnant de qui est Christ selon la chair. celui qui est Dieu de tous soit bni ou de qui est Christ
selon la chair qui est sur tous. Que Dieu soit bni.... La grammaire du passage semble, pourtant, soutenir
lhypothse que Christ est appel Dieu.
(a) Si le verset se terminait par une doxologie lgard du Pre, le mot eulogetos viendrait
normalement au dbut de la phrase. Si la doxologie concerne le Christ, le bni ne peut pas tre mis au
dbut de la phrase, mais vient naturellement plus tard. (b) on est superflu si la doxologie est une phrase
part; ho epi panton theon aurait t suffisant. Il semble naturel que ho on... theon se rfre ce qui prcde.
(c) Les paroles to kata sarka semblent attendre une antithse.
ii) Hbreux 1.8 (Ps 45.6): le mot theos est utilis au vocatif pour attribuer la divinit Christ en
contraste avec les anges.
iii) Passages dans lvangile de Jean. En 1.1, on a propos que le mot theos soit traduit par divin
et non par Dieu. Mais dans le Nouveau Testament, le mot est utilis pour Dieu avec ou sans article. Aux vv.
6, 12-13, 18, il est sans article. En 1.1, il est utilis comme attribut. Si Jean avait mis ho theos en ho logos,
cela aurait donn Dieu tait la parole. Jean voulait appuyer sur theos, do sa position en dbut de phrase;
mais pour montrer sa fonction attributive, il a d omettre larticle.
1.18: Il y a un problme de variantes. Doit-on lire monogenes theos ou monogenes huios? Le
mieux attest est le premier; cest aussi le plus difficile; il vaut donc mieux laccepter. Sil en est ainsi, il y a
au dbut de lvangile une dclaration de la divinit de Christ, qui est tout aussi frappante que la dclaration
finale avec les paroles de Thomas (20.28). L, Jsus est la fois kurios et theos.
Conclusion
Jsus est appel Fils de Dieu dans un sens spcifique et, en consquence, il est identifi avec Dieu
lui-mme. Cela est clair dans le Nouveau Testament, qui montre que, dans sa rvlation, Jsus est prsent
comme celui qui est gal avec Dieu, mais en occupant une position seconde par rapport au Pre. Ce fait ne
tardera pas susciter le problme du rapport des trois personnes entre elles.

C. Le Saint-Esprit
En ce qui concerne lEsprit, deux problmes se posent. Dabord, lEsprit est-il divin? Ensuite, est-il
une personne ou simplement une puissance? Nous allons examiner le premier problme.
Arius a pens que lEsprit tait une personne, mais une crature engendre par le Fils. Athanase,
parmi les orthodoxes, a maintenu quil tait de la mme essence que le Pre, ayant les mmes attributs.
Pourtant, ni chez les pres orthodoxes, ni chez les hrtiques, on ne peut dire quil y a une doctrine de
lEsprit aussi dveloppe que celle du Christ. La raison en est assez vidente. Lincarnation actualise le
rapport entre le Pre et le Fils de faon concrte. Luvre de lEsprit reste mystrieuse, invisible, en
contraste avec la manifestation visible du Fils sous la forme dun homme. Cest mme la fonction de lEsprit
de tmoigner de Christ et non de parler de lui-mme. Il est donc surprenant que les crivains du Nouveau
Testament ne se soient pas born parler de lEsprit comme dune puissance, mais laient identifi Dieu de
faon personnelle. LEsprit, dans le Nouveau Testament, diffre du pneuma dans le stocisme, o il est une
force naturelle immanente et impersonnelle.
Le Nouveau Testament prolonge lAncien qui dcrit le ruah comme lexpression de la puissance
active de Dieu. LEsprit actualise la volont de Dieu dans la cration et exprime lincorruptibilit, la sagesse,
la volont divines. LEsprit, cest la puissance de Dieu qui modle lhistoire. Lgyptien est homme et non
El, ses chevaux sont chair et non Ruah (Es 31.3; 11.2). Si la divinit de Christ est atteste dans le Nouveau
Testament, celle de lEsprit est acquise. Il y a une ide qui dpasse lAncien Testament car, par rapport
Christ, nous voyons quil nest pas lobjet de luvre de lEsprit, mais celui qui est le sujet dune action dans
lEsprit. Il est le Seigneur du pneuma qui reoit lEsprit (Lc 4.1, 14 et 18) et qui donne lEsprit (Lc 24.49; Ac
2.33).
Dans ce don du Seigneur, le Ressuscit lui-mme rencontre son peuple (Lc 12.12; cf. 21.15). Ainsi,
lEsprit est considr en parallle avec le Seigneur. Telle est la motivation de Paul lorsquil identifie lEsprit

avec la puissance de la gloire de Christ en le contrastant avec sarx.


2 Co 3.17: si ici kurios et pneuma sont identifis lun lautre, la deuxime partie du verset prcise
que, dans la premire partie, il nest pas question didentifier deux entits personnelles.
Rm 8.1-11: LEsprit de Dieu en vous est utilis en alternance avec Christ en vous. La puissance
laquelle la nouvelle crature accde est la puissance du Seigneur qui travaille dans la communaut. Laction
de lEsprit est laction du Fils.
Cette pense revient chez Jean, qui met en contraste, lui aussi, pneuma et sarx. En Jean 14.16,
lEsprit promis est appel un autre Conseiller, allon parakleton. Le allon ne peut pas tre un consolateur
qui prenne la place du Messie crucifi. Luvre de lEsprit, en tant ainsi assimile luvre de Jsus,
confirme notre argument.

Conclusion
Ces quelques passages permettent daffirmer que lEsprit partage avec le Pre et le Fils lattribut de
la divinit. Dieu est Esprit dans le sens quil est immatriel; ici, nous sommes dans un autre domaine En
Dieu, il existe un Esprit qui se distingue, par ses fonctions, dans la spiritualit de Dieu. Lesprit se manifeste
de faon particulire par rapport aux autres personnes. Il vient de Christ et de Dieu, mais rien ne permet de
dire tout simplement quil est le Pre ou le Fils. Ce serait introduire une confusion dans le mystre de Dieu,
essayer dabolir le mystre de lEsprit Saint.

VII. LES RELATIONS TRINITAIRES


Existe-t-il rellement en Dieu cette distinction trine? Ou sagit-il simplement dune faon de parler
pour illustrer la diversit de laction divine dans le salut? La rponse cette question constitue la diffrence
entre lorthodoxie et lhrsie. Les ariens et les sabelliens, dans le souci de maintenir lunit de Dieu, ont
refus la ralit des distinctions trinitaires. Le problme rside dans le fait que, ds que lon confesse la
divinit de Jsus, son rapport avec le Pre Un devient une question centrale.
A. Le monothisme juif
Lide de lunit de Dieu, exprime avec beaucoup de puissance en Deutronome 6.4, est
fondamentale dans la conception juive. Mme sil y avait dans lAncien Testament une certaine notion de
pluralit en Dieu exprime dans les notions de sagesse ou de logos, ces attributs existent comme des
extensions de la personnalit divine et ne constituent pas des hypostases existant dans un rapport rciproque
avec Dieu. Dans le judasme post-biblique, il y a eu une tentative pour liminer cette notion de pluralit
divine. Certains des pluriels dans lhbreu sont limins dans les LXX; dans le livre des Jubiles, le rcit
pluriel de la cration est limin. Chez Philon, Dieu est seul lors de la cration; mais il est aid par des
puissances angliques. Ces faits font ressortir un dsir, chez les juifs, de maintenir lunit de Dieu. Il est
intressant de constater que cest prcisment dans ces passages pluriels que les Pres de lEglise ont puis
des arguments pour la doctrine de la Trinit, contre les juifs. Le Nouveau Testament maintient, dans un
contexte souvent polythiste, la confession eis theos. Christ reprend Deutronome 6.4 en Marc 12.29s; Paul
en 1 Corinthiens 8.6. Ce seul Dieu est le Pre de Christ, la divinit de Christ est mise ct de celle du Pre.
Les questions poses, en premier lieu, sont celles de lunit de Dieu et de la divinit de Christ. La question de
lEsprit vient plus tard.
B. Lunit du Pre et du Fils

La confession de la divinit de Christ oblige prciser son rapport avec le Pre. Si lon peut,
comme le fait le Nouveau Testament, appeler Christ Dieu, quel est son statut vis--vis de celui quil
a lui-mme appel Pre?
1. Dans le judasme, on trouve des notions qui peuvent dcrire le fait que Christ reprsente Dieu
auprs des hommes. Les aptres auraient pu interprter la venue de Christ comme lextension de la
personnalit divine en tant que sagesse, logos ou Esprit de Dieu. Ces notions sont insuffisantes de deux
faons:
Elles ne peuvent pas exprimer de faon adquate lhumanit de Jsus. Le fait que non seulement il
reprsente Dieu auprs des hommes, mais aussi lhomme auprs de Dieu.
Elles ne peuvent pas approfondir laspect central de la rdemption; lunit du Pre et du Fils et leur
interaction dans luvre du salut. Autrement dit, lincarnation tait inexplicable en termes strictement
vtrotestamentaires. Il fallait rendre compte de la personnalit de Christ et de sa communion avec le Pre.
2. Dans le Nouveau Testament, cest lenseignement sur la prexistence du Christ qui montre
lunit du Pre et du Fils. Les intermdiaires juifs sont ou limins, ou appliqus Christ comme le Messie
prexistant. Ainsi la sagesse et le logos de la littrature sapientielle juive deviennent des attributs du Fils
prexistant. Le ruah de Dieu est indpendant et une relation distincte et spciale par rapport au Pre et au
Fils lui est accorde.
Ce rapport est exprim au moyen de son actualisation dans lhistoire par Paul en Galates 4.4-6. Le
mouvement de ce passage est frappant : Dieu envoie son Fils, expression qui suppose quil y avait rellement
quelquun envoyer. Ainsi nous devenons des fils dans une filialit base sur celle du Fils. La Trinit est
actualise dans ladoption des fils. Lagent de cette actualisation est lEsprit du Fils, que Dieu envoie dans
nos curs. Ce qui est remarquable, cest le fait que lEsprit du Fils, est lEsprit qui reconnat le Pre et qui
crie Abba. Si le Fils est prexistant, lEsprit lest aussi, car cest dans lEsprit que le Fils reconnat son
Pre. Donc, lEsprit du Fils, qui fait de nous des fils, agit en nous amenant dire Abba.
Il est impossible de dire quil sagit simplement de filialit adoptive en ce qui concerne le Christ. Le
verbe exapostello indique:
La procession du Fils dun endroit o il tait avant et b) le fait quil est envoy avec lautorit de
celui qui lenvoie. Cette filialit nest pas uniquement fonctionnelle, mais indique une relation
ontologique. Cette interprtation est confirme dans dautres passages o laptre enseigne la prexistence
du Fils (1 Co 8.6; 2 Co 8.9; Ph 2.6; Col 1.15).

Ailleurs, Paul applique Christ les titres de sagesse et de puissance de Dieu (l Co 1.24; 2.7) qui
suppose que Christ manifeste la ralit de Dieu. La prexistence de Christ est clairement enseigne dans les
ptres de laptre Jean. L, le titre de logos indique non seulement quil rvle Dieu, mais que, en tant que
logos, il est un avec le Pre.
Conclusion
Ainsi le problme de lunit du Pre et du Fils dans le Nouveau Testament est considr non
seulement partir dune relation conomique dans la rvlation du salut, mais aussi de faon ontologique.
Les lignes discernes par les aptres dans la rvlation sont considres comme lexpression temporelle
dune relation qui existe dj dans un autre domaine qui transcende la rvlation. Fils indique une relation
qui dpasse luvre de mdiateur. Il est prexistant et est en unit avec le Pre. Ainsi le Nouveau Testament
ne donne pas dexplication du mystre, mais prserve, dans le contexte de lunit de Dieu, le mystre des
personnes diffrentes. Pre et Fils sont distincts; cest le Fils qui sest incarn, mais dans cette diversit
subsiste une unit du mme Dieu.

C. Le rapport entre le Fils et lEsprit


Dans le judasme, lEsprit ntait pas confess de faon quivalente lunit de Dieu.
1. Dans le Nouveau Testament, on trouve non seulement des confessions de foi expressions de la
messianet de Jsus ou des confessions de la divinit de Christ ct de celle du Pre, mais aussi, ds le
dbut, une confession trinitaire. En particulier on peut indiquer Matthieu 28.19; 2 Corinthiens 13.13;
Ephsiens 4.3-6; 1 Corinthiens 12.4-6. Ces formules reviennent trop souvent pour que leur motivation soit
purement liturgique ou littraire. Pour confesser lEsprit ct de Dieu et de Christ, il faut que, pour lEglise
primitive, lEsprit ait acquis un sens thologique nouveau, qui dpasse le sens quil avait dans le judasme.
Cest la lumire dune rvlation nouvelle de la personne de lEsprit et de son uvre eschatologique
que les chrtiens ont plac lEsprit dans la Trinit. Cest surtout par rapport Christ que la personne de
lEsprit est pleinement rvle comme tant divine.
2. Le Messie et lEsprit
Sauf en Esae 11.2, 61.1, 42.1, le lien entre lEsprit et le Messie est peu dvelopp dans lAncien
Testament. Au dbut du Nouveau Testament, pourtant, la prophtie concernant la venue du Messie est
troitement lie, dans la proclamation de Jean-Baptiste, avec leffusion de lEsprit. Cet aspect nest gure
dvelopp dans les Actes, o les rfrences liant le Messie et lEsprit sont peu nombreuses. Chez Paul, cet
aspect est mis nettement plus en vidence. Plusieurs fois, il attribue des fonctions parallles Christ et
lEsprit.
a) Romains 8.26b et 34. Christ et lEsprit intercdent pour nous (tugchanein/tugcanei). La proximit
de ces versets suggre que Paul parle de la mme intercession et de la mme personne dans les deux cas.
Mais si on regarde de plus prs, on remarque que lorigine de lintercession est diffrente. Paul voque deux
activits diffrentes, une accomplie par Christ et lautre par lEsprit. Le premier passage parle de lEsprit qui
rend intelligible les prires que suscite notre faiblesse, en intercdant pour nous. Le deuxime traite de
lintercession de Christ qui plaide pour notre pardon (Es 53.12c; H 7.25). Ces prires ne sont pas offertes
par les hommes comme celles o lEsprit est actif. Ici, Christ et lEsprit intercdent lun et lautre, mais leurs
fonctions sont diffrentes; Paul ne les confond pas.
b) Romains 8.9ss. Christ et lEsprit demeurent dans, sont dans les membres de lEglise. Dans ce
passage, lEsprit de Dieu et de Christ ont la mme fonction. LEsprit demeure en vous (oikei en; 9.11) et
Christ est en vous. Sagit-il de la mme personne? Ce serait ignorer le sens fondamental du passage. Dans
le contexte de lantithse de la chair et de lesprit, Paul souligne le lien entre lEsprit et la rsurrection de
Christ. LEsprit est lagent par lequel le Pre a ressuscit Jsus. Ainsi, il est diffrent de Jsus, mais Christ
ressuscit possde lEsprit appel le pneuma Christou (9b). De ce fait dcoulent deux rsultats pour la vie du
croyant, sa vie prsente et future (10b, 11). LEsprit qui demeure dans les croyants est lEsprit de celui qui a
ressuscit Jsus et qui ressuscitera les croyants. A deux reprises, il sagit du Pre comme origine du salut.
LEsprit demeure dans les croyants comme lEsprit de Christ, qui est aussi en eux parce que lEsprit est la
puissance de la rsurrection. Il ny a pas identit entre les deux personnes mais distinction. Limportant, cest
que lEsprit de Dieu, qui est lagent de la rsurrection, demeure dans les croyants comme lEsprit de Christ.
Ainsi, linstrument qui a accompli la rsurrection de Christ et accomplira le rsurrection future demeure dj
dans les chrtiens.

3. La personne du Saint-Esprit
Le problme de la personnalit du Saint-Esprit a toujours t difficile rsoudre. Mme si la notion
de personne, telle que nous la formulons, nexistait pas chez les Grecs et les Juifs, il nen demeure pas moins
vrai que le Saint-Esprit est dcrit en termes personnels comme le Pre et le Fils. Bultmann, dans sa
Thologie et dans larticle pneuma dans le Kittel, conoit lEsprit en termes de puissance et explique que
lEsprit est subordonn au Seigneur; cest la puissance du kurios dans la communaut. LEsprit est donc
avant tout dynamique et impersonnel. Ceci dit, il admet quil se trouve dans le Nouveau Testament des restes
danimisme (!) o lEsprit est prsent comme une puissance indpendante et personnelle. Cette opinion
prsente linconvnient de ne pas accorder toute leur importance aux nombreuses rfrences lEsprit qui ne
peuvent tre prises que dans un sens personnel. Pourtant accorder la primaut au personnel nlimine pas les
rfrences lEsprit comme puissance, ce qui nimplique pas ncessairement quil soit impersonnel.
Certains ont pens que les attributs personnels de lEsprit taient des exemples de personnification et
ne constituaient pas des preuves de sa personnalit. Ces rfrences sont trop nombreuses pour que lon puisse
toutes les expliquer de cette faon:
a) Les pronoms personnels sont utiliss, dans le grec, pour reprsenter laction de lEsprit (Jn 15.26;
16.13s). Le pronom personnel ekeinos ne peut tre expliqu en dehors dune comprhension du pneuma
comme tant personnel.
b) LEsprit est symbolis par des manifestations visibles: la colombe, le feu; un signe visible indique
une ralit individuelle.
c) Des attributs personnels lui sont attribus: sagesse, comprhension (1 Co 2.10), volont (Jn 3.18).
LEsprit enseigne, guide, commande, parle, sanctifie. Ces lments personnels ne se rfrent pas uniquement
son uvre auprs de nous; ils lui sont attribus dans labsolu (1 Co 2.10; 12.11).
d) lEsprit est aussi concern par les actions humaines. On peut le tenter (Ac 5.9), pcher contre lui
(Lc 12.10). Ces allusions nous incitent considrer lEsprit comme tant personnel. Enfin puisque nous
sommes baptiss en son nom au mme titre quau nom du Pre et du Fils, cela conduit lui accorder le
mme caractre qu eux. Le personnel nlimine pas la puissance. Si lEsprit est vers dans nos curs, sil
est une onction expressions difficilement conciliables avec la notion de personnalit cela ne favorise pas
non plus une conception dynamique et impersonnelle; une puissance pas plus quune personne, nest verse.
Il sagit tout simplement dune image. Les rfrences au caractre dynamique de lEsprit ne sont pas en
contradiction avec sa nature personnelle. Au contraire, plus on est conscient du dynamisme de lEsprit,
plus on est conscient dtre en communion avec une personne. Ainsi, remarquons quen Actes 2.4, lEsprit
est dabord dynamique, mais aussi quil est personnel (cf. 11.16; 13.2-9).
Enfin, si lEsprit est une personne divine, vivante et distincte du Pre et du Fils, pourquoi ne trouvet-on, dans le Nouveau Testament, aucune prire ou aucune adoration de lEsprit? Sil est divin et personnel,
ne devrait-il pas y en avoir? La rponse rside, je crois, dans la fonction de lEsprit, dcrite en Jean 15.26s;
16.8. Le consolateur porte tmoignage Christ. De mme, le Saint-Esprit ne nous sauve pas; Dieu nous
sauve cause de Christ par le Saint-Esprit. Il nest pas la cause de la rdemption, mme sil en est lagent
efficace pour nous lappliquer. Mais l o lEsprit travaille, il laisse ses marques et nous sommes en
communion avec lui, aussi bien quavec le Pre et le Fils.
Rsum
Nous commenons voir que si nous connaissons lamour du Pre, la grce du Fils et la communion
de lEsprit, nos perspectives souvrent sur la ralit du mystre de la Trinit. La grce de Dieu exige, en
quelque sorte, la vrit de la Trinit. Nous pouvons remonter la pente de la grce (qui manifeste la nature de
Dieu par ses actions) jusqu une considration de la nature de Dieu dans un sens immanent. Cette dmarche
est justifie, car si les actes de Dieu rvlent Dieu, cest parce que ces actes ont un caractre volontaire en ce
qui concerne les personnes de la Trinit. Le Pre envoie, le Fils tmoigne, lEsprit instruit. Cependant ces
actes, sils sont volontairement accepts dans le plan divin du salut, sont pour cette raison conformes avec
des dispositions intrieures de la Trinit, qui ne sont pas volontaires mais ncessaires. Le Pre, cause de sa
nature, ne peut tre quamour: do lengendrement du Fils. Le Fils ne peut tre que le logos qui connat le
Pre, tant engendr par lui. LEsprit ne peut tre que communion tant lEsprit des deux autres personnes.

Les relations
trinitaires
Le Pre
Trinit immanente
engendre
Trinit de rvlation envoie
Trinit du salut

lection

Le Fils
logos
prophte,
prtre,
justification

LEsprit
communion
inspire,
roi guide,
rgne
rgnration,
sanctification

D. Trois en un; un en trois


Le Catchisme de Westminster prsente la doctrine, dabord formule Nice et Chalcdoine, de la
faon suivante:
Il y a trois personnes en Dieu: le Pre, le Fils et le Saint-Esprit; et les trois sont un seul Dieu dune
mme substance gales en puissance et en gloire.
Quel est le sens de cette formule, qui semble rduire Dieu un thorme de mathmatique?
Posons la question autrement: comment des tres immatriels, au nombre de trois, peuvent-ils tre
un? La premire partie de cette question ne se posait pas dans la mentalit des premiers chrtiens. La
rvlation du salut prsente une triade et ce fait est incontestable. La seconde partie, en revanche, a t le
sujet de longs dbats pendant quatre sicles; il sagissait dcarter le tri-thisme et de maintenir lunit de
Dieu dans ses trois personnes. Les personnes sont donc trois; leur unit est dans la possession dune mme
substance ou essence divine. Cette formulation dpasse le vocabulaire biblique. Mais le problme nest pas
l. Il sagit plutt de savoir si ce langage exprime le contenu de sens biblique. Une premire remarque est
assez banale, mais trs souvent oublie: les personnes ne sont pas trois dans le mme sens quelles sont un.
LUn est trois en ce sens que Dieu existe en trois personnes. Mais les trois personnes mises ensemble nont
pas tre additionnes pour faire un Dieu.
1. Un en trois: trois personnes sont Dieu
Le Pre est Dieu, le Fils est Dieu et lEsprit est Dieu. Ainsi ils sont un Dieu. Il y a diversit dans
lunit de lun. Cette diversit explique lautosuffisance divine: il na pas besoin du monde pour obtenir la
diversit dune bipolarit. Cette affirmation nest videmment pas vidente. Dans la Bible, le mot
personne ne se trouve pas employ de cette faon; il est ambigu si nous lassimilons individu. Nous
savons que trois individus forment une socit, mais en Dieu, il ny a rien de tel. Dieu est Esprit; lEsprit ne
se divise pas en trois parties. Il vaut donc mieux viter de dire quen Dieu, il y a trois personnes. Lambigut
est en partie carte dans laffirmation que Dieu subsiste en trois personnes. Cette terminologie est plus
adquate et correspond lhistoire du salut, qui montre luvre les trois personnes comme Dieu.
2. Trois en un
La formule prcdente doit tre quilibre par laffirmation de lunit divine. La diversit des trois
na de sens que dans une unit. Autrement, le christianisme serait tri-thiste. Ce manque dunit dtruirait
lunit du salut, et de notre exprience de la rdemption. Comment voquer cette unit des trois? La
difficult est qua partir de lide de personne, les trois pourraient tre considrs comme trois centres
dactivit en Dieu car, dans le salut, nous exprimentons les trois comme Dieu. Cela oblige ce quils soient
un. Lconomie du salut illustre cette unit: le Pre sexprime par le logos, et le Pre et le Fils par lEsprit.
Dire que les trois sont de mme substance ou de mme essence, cest sexprimer, propos de Dieu, en
termes dimmanence. Dieu, qui se rvle un dans lacte du salut, est rellement le mme sur le plan
ontologique. A ce niveau, le langage mtaphysique des Pres est pleinement justifi.
Conclusion
Nous pouvons dire que le Dieu un se rvle en trois manires diffrentes de subsistance. La ralit
de Dieu est toujours impntrable: les formules que nous venons dexaminer sont mystrieuses sans tre
illogiques ou impossibles. Il est impossible dexpliquer la Trinit, et il est bien quil en soit ainsi cause de
la nature mme de Dieu. Nous pouvons donc constater que Dieu est un et quen mme temps il est trine.

Cest tout. Impossible de comprendre comment Dieu est un et trine. Cela nous dpasse. Cest pourquoi
lEglise a toujours maintenu quatre propositions:
Il y a un Dieu ou essence divine.
Cette existence divine est commune aux trois personnes divines.
Il existe entre les trois personnes un ordre de subsistance ou dopration. La premire personne a la
vie en lui-mme et les deux autres ont la vie en rfrence elle.
Lordre des personnes appartient lessence divine avant dappartenir lalliance de grce.

VIII. LA TRINITE ET LA VIE DE LHOMME


La Trinit est, la fois, Crateur et Sauveur de lhomme. En consquence, rien dans la vie gnrale
de lhomme, ou dans sa qute religieuse ne peut tre compris dans son sens profond en dehors de la ralit de
la Trinit.
A.
Pour notre comprhension de lhomme, il nest pas ncessaire de recourir des formules douteuses
au sujet de la nature de lhomme comme corps, me et esprit afin de trouver un aspect trinitaire dans sa
constitution. De manire plus gnrale, limportance de la Trinit apparat propos de trois problmes de
lhomme:
a) Lhomme est fini, mais personnel et na pas en lui-mme ce qui est ncessaire pour comprendre
qui il est. Cette explication, tant donn sa finitude, ne peut tre trouve que par rfrence une ralit qui le
transcende. Mais, puisque lhomme est personnel, un point de rfrence impersonnel en dehors de lui ne
suffit pas expliquer son existence. Bref, seul un Etre personnel et infini peut rendre compte dun tre
personnel et fini et lexistence dune ralit impersonnelle en dehors de lui. Dieu se rvle comme le Dieu
trinitaire et personnel qui seul peut nous faire comprendre le caractre fini et personnel de lhomme dans la
diversit impersonnelle de lunivers.
b) Lhomme est la fois noble et cruel aussi bien que fini et personnel. Si nous ne pouvons pas
affirmer une origine personnelle infinie de la ralit, finitude et cruaut sont confondues. Linhumanit de
lhomme devient un aspect de sa finitude. Sans un Dieu personnel, lorigine de toutes choses, le problme
de la morale et le problme mtaphysique sont confondus. Le bien et le mal ne sont que relatifs.
c) Quelle est lunit de la connaissance dans la diversit des particuliers. Il faut un point de rfrence
personnel pour expliquer que nous connaissons ce qui est personnel et impersonnel. Mais ce point doit
galement tre infini afin de constituer un universel au milieu des particuliers de notre connaissance. Seul, un
Dieu trinitaire a cette autosuffisance qui permet dexpliquer la diversit de notre connaissance du monde,
monde dont Dieu na pas besoin.
Conclusion
La doctrine de la Trinit est ncessaire pour situer lhomme dans son contexte rel; elle est vraie en
ce quelle correspond aux ralits de notre anthroposphre.

B. La Trinit est ncessaire une communion vraie avec Dieu


Le salut est celui du Pre; il a son origine en lui, dans sa volont davoir des fils.
Christ rvle le Pre et, ce faisant, il met en vidence la nature de la vraie filialit. Il nous reprsente
Dieu et il nous reprsente devant Dieu, montrant ainsi quelle est la vraie communion avec Dieu. Les prires
de Jsus rvlent le sens de sa mission face la souffrance. Jsus prie le Pre afin que, dans son preuve, il
montre lamour du Pre. En Jean 17, la prire exprime que Jsus considre son uvre comme un don du Pre
qui doit le glorifier le Pre. Reprenant le mon Dieu des Psaumes, il glorifie Dieu comme le Dieu vivant qui
dlivre. Cest ainsi que la souffrance peut avoir un sens pour nous. Enfin, lEsprit, par sa prsence, nous fait
accder la communion du Pre et du Fils, du moins pour ceux qui sont des fils. Le Paraclet effectue une
application du rapport Pre/Fils aux chrtiens, comme don de la communion perptuelle. La communion
divine Pre/Fils est le modle de communion chrtienne (Jn 14.18-21). La ralit du rapport Pre/Fils dans
la souffrance la croix apporte, aux disciples, un accs auprs du Pre par le Fils. Cet accs est au nom du
Fils, qui lassure auprs du Pre. La prire est le fruit de laccomplissement complet du salut. La prire dans
lEsprit est, en tant que fils de Dieu, notre participation au salut. Cest une communion avec et par la Trinit.
Sans la Trinit, nous ne pouvons pas vraiment entrer dans la ralit du salut, ni dans celle du rapport que
Dieu veut pour nous, ses cratures. Sachant que notre adoption qui nous fait crier Abba est luvre de la
Trinit, nous adorons Dieu en trois personnes et nous participons la mission trinitaire en tant que fils, en
amenant des fils la gloire. Cest en priant notre Pre que cette tche la dlivrance du Dieu vivant
saccomplira.
Enfin, la doctrine de la Trinit est profondment lie la notion biblique de mission. Dans lAncien
Testament, llection dIsral fonde sa responsabilit devant les nations (Ex 19.5-6). Mais Isral nest pas

missionnaire, le monde considre plutt Isral comme la prsence de Dieu. Les nations doivent venir en
prsence de Dieu. Cest avec la mission du Fils de Dieu o Dieu apparat excentrique en venant dans
lhistoire quil y a, suivant ce modle, un apostolat en direction des nations. Pour accomplir lapostolat, il
faut lEsprit. La mission-Eglise est fonde sur la prsentation du message du salut et par lappel adress aux
hommes de devenir, par lEsprit, fils de Dieu. LEglise a comme tche la mission, car le premier
missionnaire est son chef, Jsus-Christ. LEglise et la mission ont pour fondement la ralit trinitaire de
Dieu. Cette doctrine est capitale pour dvelopper une rflexion sur la nature de la tche de lEglise
aujourdhui.

IX. LES ACTES DE DIEU


A. Lide dun acte de Dieu
La thologie moderne a insist sur les actes de Dieu, en ngligeant parfois ses paroles. Pour viter
une thologie essentiellement statique, on a cherch dvelopper une thologie plus existentielle, fonde
sur les actes de Dieu. Cette dmarche a t fortement soutenu par le fait que le mot dabhar est polysmique
et peut tre traduit parole ou acte. On a donc argument que la Bible est le livre des actes de Dieu, qui
permet dacqurir une comprhension de la foi (G.E. Wright, G.Ebeling).
Personne ne contestera que la Bible traite de Dieu qui agit pour le salut de son peuple.
Quelques remarques
a) La distinction acte/interprtation. Lacte en question peut tre naturel et sans intervention directe
de Dieu. Quel est le rapport entre lacte et son interprtation?
b) Le contenu dun acte de Dieu. Comment distinguer entre un acte de Dieu et des circonstances
providentielles. Il devient difficile de dfinir un acte de Dieu. On ne peut pas rellement affirmer quune
chose sest passe telle que la Bible le dit, sauf si lon croit quil y a dans la Bible une interprtation divine
des actes, et cest la notion que lon veut viter.
c) Si la Bible est le livre des actes de Dieu, de qui est le livre?

B. Peut-on dfinir un acte de Dieu comme tant uniquement extrieur Dieu?


Le travail de la cration un acte par excellence ne marque pas le dbut de lactivit de Dieu, qui
agit ternellement.
a) La communion dessence dans la gnration du Fils et la procession de lEsprit sont des actes de
Dieu. La communion trinitaire est une manifestation dactivit absolue. Ces actes sont immanents Dieu. Ils
nont pas de rapport avec les ralits qui existent en dehors de Dieu. Dieu est indpendant et se suffit luimme (Ac 17.20). Dieu est lacte ltat pur.
b) Le conseil de Dieu exprime le rapport entre les actes internes Dieu et ceux qui lui sont
extrieurs. Le conseil de Dieu est secret, et concerne les actes de Dieu qui sont dans la cration, la
providence et la rdemption:

Le contenu du conseil divin se ralise en dehors de Dieu, cause de la connaissance ternelle


qui est la sienne et qui, elle, est secrte. La ralisation du conseil de Dieu dans lactualit est
infrieure au possible selon lintelligence infinie de Dieu. La sagesse de Dieu en son conseil en
surpasse la manifestation (Mt 19.26).
Cest la souverainet absolue de Dieu qui est le cadre de son conseil. Le conseil ternel est celui de
Dieu, qui a la puissance daccomplir ce quil veut (Ap 4.11). Le conseil de Dieu se ralise dans lhistoire et
ainsi constitue le lien entre Dieu et le monde, en maintenant la souverainet de Dieu et la dpendance de la
crature (H 11.3).
c) Le conseil de Dieu ,e prsente pas de caractre abstrait dans lEcriture, mais se traduit dans la
ralisation historique des actes de Dieu. Quand Dieu agit, il le fait selon son conseil. Llection est un fait de
lhistoire, non une thorie base sur une philosophie abstraite.
lAncien Testament prsente llection de Seth (Gn 4.25s) et le rejet de Can comme expression
historique du conseil de Dieu. Cest la vocation dune ligne, dun homme, dun peuple qui nous est
prsente dans sa ralisation, selon la pr-connaissance divine.
Souvent, la prophtie prsente la ralisation future sous la forme dune promesse. Si le conseil de Dieu
est secret et lui appartient, il est rvl aux hommes par son accomplissement (Es 46.10; Ps 33.11; Pr 19.21).
le Nouveau Testament sexprime encore plus clairement en prcisant la nature ternelle du conseil
de Dieu, son application individuelle et personnelle ainsi que son but final.
Passages tudier: Ep 1.11: boule/plan, conseil/thelema, la volont de Dieu comme telle. Lc 2.14;
Ep 1.5-9: eudokia, le plaisir de Dieu. Rm 8.28; 9.11: prothesis, le but objectif de la volont de Dieu. 1 P
1.2: prognosis, la prescience. Mt 13.20; Ac 9.15: ekloge, lection en tant que telle. Ep 3.11; 1.4: proorismos,
prdtermination, ordination. Il semble clair que ces passages, qui ne peuvent tre tous ngligs, montrent
que le but de llection est la vie ternelle, et que le moyen de sa ralisation est le salut accompli par Christ.
Le moyen et le but sont tous les deux inclus dans le plan ternel de Dieu.
C. Dfinition du conseil de Dieu

Le conseil de Dieu est son dcret ternel, par lequel il ordonne tout, selon la dcision de sa volont.
LEcriture affirme partout que ce qui se passe dans lhistoire est la ralisation du conseil ternel de Dieu (Job
28.27; Pr 8.22; Ps 104.24; Pr 3.19; Jr 10.12; 51.15; H 11.3; Ps 33.11; Es 44.24ss; 46.10; Ac 2.23; 4.28; Ep
1.11).
Les actions humaines dcoulent dune dlibration humaine et, dans un sens plus lev, lhistoire a
son origine dans la dlibration de Dieu. En dehors de la connaissance et de la volont de Dieu, rien ne se
passe. Le conseil de Dieu est efficace (Ps 115.3; Es 14.27), immuable (Es 46.10; Jc 1.17) et indpendant (Mt
11.25).
a) Il faut faire une distinction entre le conseil mme de Dieu et son accomplissement. Le conseil de
Dieu est son uvre cache de lhomme; il reste un mystre pour nous. Comme uvre de Dieu, il est ternel.
Lternit diffre par sa qualit de la temporalit. Il ne faut pas penser le conseil comme acte de Dieu
appartient au pass; il en va de mme de la gnration du Fils. Ces actes de Dieu sont ternellement achevs,
mais se perptuent toujours, distincts et au-dessus de lhistoire. Le conseil ternel de Dieu comprend, non
seulement ce que nous appelons le pass, mais aussi lavenir. Cest la volont divine en action. Cest Dieu
qui dlibre et agit.
b) Le conseil de Dieu a pour contenu et objet lunivers cr, dont il est la cause efficace. Le bon
plaisir de Dieu est lorigine ultime des choses que Dieu a cres et appelle lexistence (So 3.2). La rponse
finale toutes nos questions se trouve dans la volont de Dieu. Il y a un conseil de Dieu, mais sa ralisation
dans le temps est multiforme. Sa conception est simple, mais son rsultat tmoigne de la richesse divine (Ep
3.18s).
D. La providence de Dieu
Il existe aujourdhui un ralisme avec le dsir daccepter la situation du monde qui remplace
loptimisme en crise, avec son refus de la ralit. Les deux sont athes. Lhomme moderne choisit la tragdie
plutt que la repentance, le dsespoir plutt que la culpabilit.
Peut-on continuer parler de la providence de Dieu? Les Ecritures nous enseignent que le dsespoir
est un des rsultats de la rupture qui sest tablie entre lhomme et Dieu. Lhomme est tranger dans le
monde do il a voulu bannir Dieu. La scularisation est la base de cette sparation. Trois motifs expliquent
cela :
le motif scientifique: la science est le pont que beaucoup ont travers vers lincroyance.
Lopposition entre la science et le gouvernement de Dieu (notion pr-scientifique) fonde lincroyance.
le motif projection: pour lhomme moderne, la religion nest quune projection de la subjectivit
de lhomme. Le religion est une illusion qui aide lhomme schapper de sa misre (Marx et Freud).
- le motif catastrophe est le plus contraignant: lexprience de lhomme moderne, son observation
du non-sens du monde, avec ses cataclysmes, semblent rfuter lide quil y ait une logique, un sens dans
lhistoire. Ainsi, il ny aurait pas de terrain neutre sur lequel il serait possible de connatre Dieu. Or, sans
Dieu, il est impossible de connatre sa providence. Aussi, avant de connatre Dieu dans ses actions dans le
monde, faut-il le connatre dans ses actions, dans le renouvellement de notre intelligence.
a) Le ct positif de la providence: le gouvernement (Ep 1.11 ; H 1.3). Dieu gouverne le monde par
sa Parole (Ps 147.15), mais aussi par des agents personnels: Christ, les anges et les hommes. Le
gouvernement de Dieu nest pas une puissance neutre et absolue. Dieu gouverne par des moyens qui
lengagent personnellement. La providence sert manifester la grce de Dieu envers les hommes, dans la
perspective de lEvangile. Mme lEtat, sil gouverne avec justice, est au service de lEvangile, peut-tre
sans le savoir. Dieu nest pas limit par le pch des hommes. Il triomphe du pch en utilisant ses ennemis
des outils en vue du salut.
b) Le ct ngatif: la prservation. Dieu nest pas un propritaire absent. Il est prsent limite le mal
afin dempcher la victoire ultime de ceux qui travaillent contre son salut (N 9.6; Ps 36.6; Col 1.17).
Dieu prserve le monde en vue de linstauration de son rgne. Il est impossible de discerner dans les
vnements comment Dieu soutient le cosmos, mais cette action de Dieu est une ralit selon lEcriture, elle
est essentiellement une continuation de la cration. Lintervention de Dieu est plus ncessaire aprs le
surgissement du pch quavant. Aprs la chute, la prservation revt laspect de la grce. A deux reprises,
Dieu a marqu que sa patience avait des limites: lors du dluge o seule la famille de No a t sauve (Mt
24.37) et aprs la venue de Jsus-Christ, qui a t pour le salut de beaucoup (2 P 3.5). Le monde sera jug
par la parole . Entre le dluge et le jugement, cest le temps de la patience divine, de la grce gnrale de
Dieu. Cette doctrine est capitale pour aujourdhui: elle affirme que le monde nchappera pas la volont de
Dieu dans un krach cosmique et que Dieu accomplit son plan jusquau terme fix. Cest pourquoi la foi en
Dieu nautorise pas une angoisse dsespre face une catastrophe nuclaire.

E. Les miracles
Les miracles soulve un problme de dfinition. Hume a dit que les miracles constituaient une
exception ou une violation de la loi naturelle. Une telle dfinition permet de nier lexistence des miracles,
en affirmant quil ny a pas dexceptions la loi naturelle. Ainsi la science moderne a rejet la notion de
miracle. Labsolutisme de la science (pas dintervention dans un monde clos) est le fondement de la pense
anti-surnaturelle. Les miracles sont des vnements mythiques et sont rejets au fur et mesure que la
comprhension de lhomme saccrot. La nature forme une partition entre Dieu et lhomme. Tout peut tre
expliqu par des causes secondaires.
1. La position rforme
Un miracle est un vnement qui se produit dans le monde extrieur par lintervention immdiate de
la puissance de Dieu. Le miracle nest pas, en premier lieu, un acte merveilleux, mais un tmoignage de la
puissance de Dieu (lincarnation est importante non pas comme acte de Dieu, mais comme tmoignage de la
prsence de Dieu). Les miracles peuvent tre des actes directs, mais ils sont parfois indirects.
a) Nous ne savons pas tout sur les puissances luvre dans la nature. Aussi un miracle nos yeux
peut-il les faire intervenir. Bavinck rejette lide dune concurrence entre les forces de la nature et laction de
Dieu.
b) Le chrtien ne peut pas admettre quil y ait des ralits explicables sans rfrence Dieu. Puisque
toutes choses sexpliquent par leur rapport avec Dieu, il est donc difficile de dfinir les actes directs et
indirects de Dieu. Kuyper sattaque lide que les miracles seraient des actes occasionnels. Dieu peut, sil
le veut, un moment donn, disposer des faits autrement que jusque-l. Il y a alors un miracle pour nous,
mais pas pour Dieu.
2. Quelques propositions
a) Les miracles ne contreviennent pas aux lois de la nature. Lapplication de celles-ci nest pas
suspendue pour crer les conditions dune intervention miraculeuse de Dieu, mais la puissance de Dieu
dispose de ces lois pour leur donner un ordre nouveau.
b) Les miracles dans lEcriture interviennent essentiellement contre le pch. Leur signification
relle rside moins dans leur caractre tonnant que dans leur aspect rdempteur et instructif. Ce sont des
actes de salut qui concrtisent la confrontation du royaume des tnbres avec celui de la lumire. Leur sens
se trouve dans la rdemption et ltablissement du royaume de Dieu (Ex

34.10; Ps 72.18; 77.13; 86.10; 136.4; Mt 12.10, 8.13, 9.28s). Les miracles nous tonnent parce que nous
sommes habitus lanormalit du pch et sa maldiction de mort et de peur. Dans le salut en Christ, la
vie est restaure, la cration est renouvele, la maldiction est vaincue (Mt 11.4-6; Mc 8.9; Lc 10.18) Le
miracle nest pas une preuve destine lintellect incroyant de lhomme, mais un appel prendre une
dcision au sujet du salut en Christ.
3. Une comparaison
De mme que la rvlation spciale se droule dans le contexte de la rvlation gnrale de Dieu, de
mme, les actes miraculeux se droulent dans le contexte de la providence gnrale de Dieu. Lhomme
pcheur nest pas capable de comprendre la rvlation gnrale ou le providence, sans un acte spcial de
Dieu.
a) Le salut prsuppose la providence comme la Parole de Dieu prsuppose la rvlation gnrale.
b) Le miracle dans lhistoire du salut atteste laction de Dieu et appelle la repentance et la foi. Il
saccompagne des paroles de salut. Les paroles qui interprtent le salut de Dieu en Christ, donnent aussi le
sens du miracle. Les miracles sont troitement associs laccomplissement du salut. Ceci est frappant dans
lEcriture o les miracles ne sont pas distribus galement dans toutes les parties de la Bible. Ils sont surtout
prsents lors des grands moments de la rdemption, comme lexode ou lincarnation. En dehors de ces points
chauds o lopposition du mal est particulirement forte, les miracles sont assez peu frquents.

X. LA DOCTRINE BIBLIQUE DE LELECTION


A. Les frontires de llection
1. Introduction
La question qui se pose lEglise de tous les temps est la suivante: quel moment situer la dcision
de la rdemption de lhomme. Est-elle dabord une dcision de lhomme et de sa volont dans le cadre de la
grce gnrale de Dieu? Ou est-elle ultimement divine ? Les rponses opposent Augustin Plage; les
rformateurs aux nominalistes; les calvinistes de Dordrecht aux arminiens; Pascal aux jsuites. Une rponse,
parfois, consiste en un quilibre qui harmoniserait lacte de Dieu et la dcision de lhomme: le synergisme.
On a souvent voqu les dangers de la doctrine de llection. Ces dangers sont non seulement
thoriques, mais aussi pratiques. La doctrine touche la certitude du salut et, par consquent, la pratique de
la vie chrtienne.
Le salut est-il gratuit par une libre dcision de lamour de Dieu ? Sil en est ainsi, ne risque-t-on
pas de dvaloriser les uvres?
En revanche, si les uvres sont ncessaires au salut, le risque nest-il pas celui du moralisme? La
certitude du salut ne disparat-elle pas?
Dans le premier cas, la dcision de Dieu, dont la raison profonde est cache et qui ne dpend pas des
mrites, est une menace pour la certitude. Dans le second, lobligation de cooprer plonge lhomme dans
lincertitude. Si llection cde la place au moralisme, lhomme est en danger.
Ces deux extrmes soulignent combien est dlicat le sujet de llection. Il faut, dune part, viter une
lection mystrieuse, occulte, incertaine ou arbitraire et, dautre part, dpasser une pr-connaissance divine
des uvres qui mriteraient llection. Dans ces deux cas, laspect concret du message biblique fait dfaut.
Celui-ci propose une lection divine, certes, cache, mais manifeste en Jsus-Christ qui fonde et certifie
llection saisie par la foi. Cette certitude de la foi en Christ suscite une responsabilit: celle daimer Dieu.
Llection divine est, en effet, le fondement de notre amour pour Dieu et non linverse: notre amour de Dieu
nest pas le fondement de notre lection.
Dans la Bible, llection divine nest jamais une cause dincertitude, mais source de louange et de
gratitude. La question-test: llection est-elle la cause de notre certitude? Si oui, il faut rtudier cette
doctrine.
2. Rsistances
Plus que toute autre, cette doctrine se heurte des rsistances. Trois raisons:
a) Incomprhensions. Elles sont dues un manque de comprhension ou de sympathie pour la
position augustinienne. Calvin est souvent appel tort: le thologien de llection; noter la faible place
de cette doctrine dans lInstitution de la Religion Chrtienne. A rpopos des Canons de Dordrecht, larticle
prdestination dans lEncyclopaedia Universalis est un chef-duvre dincomprhension: La victoire de
Gomar sur les arminiens au synode de Dordrecht consacre le triomphe du calvinisme strict, en affirmant la
prdestination supralapsaire, cest--dire avant la chute. Or, les Canons de Dordrecht sont
infralapsaires. Aucune confession de la Rforme naffirme le supralapsarisme.
b) Scandale. Llection divine comprise comme souveraine correspond au skandalon de lEvangile.
Que la grce de Dieu soit souveraine est une proposition qui prend rebrousse-poil, car elle est en
contradiction avec lide de la libert de choix et le dsir danthropocentrisme. (Jn 6.37-40, 44 et 65s). La
doctrine de llection est une atteinte la fiert de lhomme.
c) Risque de dterminisme. On na pas toujours bien parl de llection. Jsus en a parl
correctement, mais on na pas fait comme lui, ce qui alimente encore plus lincroyance. Il ne faudrait pas
ajouter au scandale de lEvangile un scandale humain en prsentant la doctrine comme un dterminisme
fatal. Cependant, aucune prsentation thologique de la doctrine ne correspond la ralit divine. Tous les
systmes sont plus ou moins bons. La vrit de llection ne rside pas dans un systme thologique, dans la
personne de Dieu. La thologie parlera fidlement du mystre de Dieu en observant les limites de sa
rvlation. Calvin fait deux remarques ce sujet (III.21.3). En commentant Deutronome 29.28, il dit quil
est impossible dviter de parler de llection dans la prdication; agir autrement impliquerait que le message
biblique est dangereux, et cela priverait les auditeurs des bndictions de Dieu. Calvin dit aussi quil faut en
parler avec modration en fermant nos bouches l o Dieu a ferm sa bouche. Aller au-del du message
biblique revient asservir le peuple de Dieu une tradition humaine. Il convient de parler de llection dans
le cadre de la rvlation, par rapport sa fonction dans lensemble du message biblique.

3. Llection est-elle arbitraire?


Le nominalisme dOccam (la notion plagienne du libre arbitre applique Dieu) affirme que Dieu
est une puissance absolue. Lhomme plie devant le caractre entier de cette puissance. Dieu est ex lex. Pour
faire contrepoids un Dieu absolu dont la puissance dscurise, lEglise tend devenir absolue et elle sert
dintermdiaire dans la dispensation de la grce du salut.
a) Comment distinguer entre un Dieu souverain et arbitraire?
Dans ses entretiens avec Ellul, M. Garrigou-Lagrange voque deux vrits totalitaires, celles de
Calvin et de Marx! Le Dieu de Calvin serait-il totalitaire ou non?
Lacte quhomme accomplit en dfiant toute loi est dit arbitraire. En Isral, le roi tait soumis la loi
du roi (Dt 17) ce qui carte larbitraire. Mais Dieu nest pas soumis une loi. Comme la dit Occam, Dieu est
ex lex. La souverainet de Dieu comme celle de lEtat totalitaire ne peut pas tre remise en question. Dieu
serait-il donc arbitraire (Rm 11.34, cf. v. 33)?
Dans lhistoire des doctrines, la notion dun Dieu arbitraire est refuse. La confession de la
souverainet de Dieu va de pair avec la contestation de tout arbitraire. Calvin refuse mme de dire que Dieu
est ex lex (III.23.20). Il nexiste pas de causes la volont divine. Dieu est loi pour toutes les lois, norme de
perfection: il est saint et juste dans sa volont. Dieu est loi, juste et sainte, lui-mme. La puissance de Dieu
nest donc pas spare de sa justice et de sa saintet.
Autrement dit, si la volont de Dieu na pas de cause, elle a une raison, savoir la profondeur de Dieu et
de ses richesses. Le Dieu souverain nest pas arbitraire, car sa puissance nest pas de pure forme mais
conforme lharmonie de son Etre. Ceci ressort du fait que, dans la Bible, notre salut dpend non seulement
de ce que Dieu fait, mais aussi de ce qui est impossible pour lui (2 Tm 2.13; H 6.18; 1 Jn 1.5).
b. Romains 9.11 et 20 semblent indiquer un certain arbitraire en Dieu. La libre exousia divine en
llection est-elle arbitraire? Dans le contexte, Paul pense non la libert arbitraire de Dieu, mais la libert
divine contre, ou qui renverse les prtentions de lhomme.
Il faut faire attention la manire dont Paul parle de cette lection: elle nest pas soumission
craintive, mais incitation ladoration (Rm 11.33s). Lhomme nest pas le conseiller de Dieu : telle est la clef
exgtique de Romains 9-11. La gratuit de llection divine nest pas fonde sur larbitraire, mais sur la
libert de la grce de Dieu qui provoque ladoration. Ne pas pouvoir sonder le pourquoi de cette grce,
nautorise pas penser quelle est arbitraire, car elle est fonde sur la sagesse profonde de Dieu (Rm 11.34).
Llection, loin de suggrer quelque chose dhorrible, doit nous pousser louer la profondeur de la grce de
Dieu. On est bien loin des profondeurs arbitraires de Satan (Ap 2.24) La profondeur de lamour de Dieu,
cest son amour rvl en Christ (Rm 8.39). La raison de Dieu na rien darbitraire dans lhistoire du salut.
Cette histoire est la fois celle du renversement des mrites humains et de la gratuit de lacte divin. Lil
mauvais voit de larbitraire dans la gnrosit divine comme le suggrent les tnbres qui rgnent dans le
cur de lhomme (Mt 20.12, cf. 15-16).
Linversion premier-dernier rvle le scandale de la grce de Dieu (1 Co 1.23, 26ss; cf. Dt 7.7;
9.4ss).
Dieu manifeste sa sagesse dans llection (mme dans la croix) face la ralit du pch et de
lincroyance que laccomplissement des uvres de la loi nanantira pas: ainsi il est clair que le salut est par
grce.
4. Llection implique-t-elle le fatalisme ?
Fatalisme et prdestination sont souvent confondus. Pour bien parler de la prdestination, il faut les
distinguer clairement. Si nous sommes prdestins, sommes-nous libres ou inluctablement destins quelque
chose?
a) Il existe un point de contact entre la prdestination et le dterminisme paen (le destin). Les deux
attestent une certitude absolue dans la squence des vnements historiques. Selon la thologie chrtienne et
selon lEcriture (Ep 1), le conseil de Dieu ordonne tout ce qui se passe. La diffrence avec le dterminisme
est grande en ce qui concerne:
le fondement de la certitude de ce qui se passe,
la nature de linfluence sur laquelle cette certitude est fonde (le personnel de lEcriture contre
limpersonnel).
le but propos: dans un cas, la tragdie est ultime et irrvocable; dans lautre, cest le triomphe de
la grce divine.
b) Fatalisme et destin. Le destin comme notion philosophique a deux aspects: les vnements sont
rgls par un dterminisme inluctable, qui conduit la mort ou au moment de la mort: Cest la faute la
fatalit.

La vie et la mort sont lies de faon inluctable par le destin. Do une vision tragique de la vie qui
caractrise la pense grecque et, travers elle, le romantisme. Le destin est donc la perception du
mouvement qui conduit de la vie la mort.
Lhistoire serait luvre dun dieu irrationnel ou absurde ou impntrable qui prsiderait la mise en
scne dun destin incomprhensible. Lhomme naurait aucune prise sur les vnements; il ne serait quune
sorte de marionnette.
Cette conception est prsente dans les discours politiques de nos contemporains. Elle comporte une
notion de souffrance. La perspective de la mort fait de la vie une souffrance aveugle jusquau moment o
lon comprend ce quest le destin. Souffrir pour comprendre que le destin est un accomplissement sr et
dtermin dans la douleur. La souffrance tragique de lhomme est un mouvement ternel, rgl et continu
vers la mort. Ceci est proche de la notion du karma dans le bouddhisme. En niant tout savoir sur la
matrialit, on pourrait atteindre lillumination sur la nature de lhomme.
Kierkegaard a beaucoup crit sur la tragdie en opposition la philosophie de Hegel, en particulier
dans Ou bien... ou bien. Il met en contraste la notion du tragique et la finalit de la mythologie grecque avec
le destin de Christ, et travers lui, avec celui du chrtien. La notion chrtienne implique une vocation. Cette
vocation modle lindividu et modifie sa finalit. La vocation chrtienne a pour finalit interne de faire
participer lindividu luvre de Dieu. La finalit nest plus la mort; lindividu, par sa vocation, est insr
dans la temporalit indfinie de Dieu. Cette vocation rompt la fatalit par la finalit qui conduit lappel dans
limmortalit.
Nous pouvons maintenant exposer les diffrences qui existent entre le fatalisme du destin paen et la
prdestination chrtienne.

5. Fatalisme et conseil de Dieu


Le mot fatalisme est appliqu diffrents systmes qui admettent ou refusent lexistence dune
intelligence suprme. En gnral, il est dit que les vnements surviennent sous limpulsion dune ncessit
absolue. Voici quelques points de diffrence avec le message biblique.
a) Le fatalisme na pas de concept de finalit. Leschatologie un but vers lequel toutes choses
tendent et pour lequel elles existent lui est trangre. Selon les Ecritures, tout est ordonn en vue de la
gloire de Dieu. il en est ainsi mme sil est difficile de concilier la perdition de certains avec cette gloire
divine. Par Christ, la race humaine est sauve, mme si tous les individus ne le sont pas.
b) Le fatalisme voit la concatnation (lenchanement) des vnements selon une relation de cause
effet dpourvue dintelligence. Lhomme se rsigne subir cette squence. Le conseil de Dieu, en revanche
comprend laccomplissement de la volont de Dieu par des causes secondaires, libres dans leurs actions. Ces
causes effets secondaires existent selon la sagesse et la bont de Dieu.
c) Le fatalisme ne fait pas de distinction entre les causes ncessaires et les causes libres. Tout est par
ncessit, comme dans le fonctionnement dune machine. Selon la vision biblique, il existe une ncessit
dans laccomplissement de la volont de Dieu, qui nexclut pas mais inclut la libert et la responsabilit de
lhomme. Dieu excute sa volont en tenant compte de notre nature personnelle de cratures, en respectant la
libert relle attache cette nature.
d) Le fatalisme donne naissance linsensibilit et au dsespoir, en supprimant le fondement des
distinctions morales. Lunivers du Marquis de Sade est ferm; cest lespace clos de lobsession o le sexe
devient son contraire et lhomme meurtrier collabore luvre de la nature. La prdestination dcide par un
Dieu sage dpend de son caractre de Pre; elle encourage la confiance filiale.
6. Importance de llection dans notre situation
Ces considrations peuvent nous aider ne pas formuler de jugements prcipits sur le caractre de
llection divine. Contrairement aux apparences, le conseil de Dieu est le vrai fondement de la libert de
lhomme. Aprs avoir cr la machine, lhomme est devenue la crature de sa machine; il est rduit ntre
quun lment dans le systme. Do, aujourdhui, la renaissance du fatalisme et le renouveau du paganisme.
Notre avenir est li au collectif, mais notre survie est individuelle; notre impuissance les rconcilier nous
crucifie tous les jours.
Ce paradoxe nest surmont que dans le conseil du Dieu omniscient.

B. Les aspects historiques du problme

1. La question fondamentale qui sert de fil conducteur dans tous les dbats sur la prdestination est la
suivante: o situer la dcision de la rdemption de lhomme? Elle ne porte pas, en premier lieu, sur
laccomplissement de la rdemption, car tous insistent sur la responsabilit de lhomme et sur
laccomplissement historique du salut et de la vocation des sauvs. La priorit est celle de savoir comment la
ralit historique sassocier au conseil divin. Les dcisions humaines historiques sont-elles prises:
- indpendamment du conseil de Dieu comme tant leur cause premire?
- en coopration avec le conseil gnral de Dieu?
- de faon dpendante du conseil de Dieu qui les prcde?
A chacune de ces questions correspond une vision gnrale du rapport qui existe entre la
souverainet divine et la responsabilit humaine. La grce de Dieu est-elle souveraine dans ses actions ou
bien lhomme, dans son tat prsent, peut-il refuser de faon ultime cette grce? Ceci soulve la question de
la chute de lhomme. Une discussion sur la localisation de la dcision de la rdemption soulve le rapport
existant entre lanthropologie biblique et la sotriologie, tant donn le caractre de Dieu.
Le point en litige nest pas la ralisation du salut accompli en Christ que nous nous approprions,
mais la nature du plan divin qui prcde cet accomplissement. Le choix faire est entre ce que Warfield
appelle le naturalisme, qui propose que Dieu a, plus ou moins, laiss lhomme libre dtre lauteur de son
salut lexemple de Christ (le libralisme est une forme de plagianisme), et le supranaturalisme, qui atteste
que Dieu intervient dune faon ou dune autre pour sauver lhomme. Dans le naturalisme, ce nest pas Dieu
qui est ni, mais lide que lhomme accomplisse son salut par des moyens naturels; la dcision lui
appartient, car Dieu la laiss libre de le faire. Dans le supranaturalisme, Dieu intervient et dcide de tirer
lhomme de sa perdition.
2. Le problme est-il bien pos?
La difficult est la mme pour toute les positions: celle du lien entre le salut rvl et le salut
planifi. Pour toutes les approches, ce qui est rvl est historique, conditionn par le temps, tandis que ce
qui concerne le conseil ternel de Dieu est planifi de faon inconditionne, mme sil y a des rfrences
temporelles! Pouvons-nous donc percevoir un ordre (un avant et un aprs) dans le conseil de Dieu partir
des donnes de lhistoire? Non, pas vraiment, et cest en cela que toutes les interprtations sont insuffisantes.
Cependant, la question nest pas totalement inutile, car les facteurs de lhistoire ont un caractre contraignant
qui dvoile le plan divin. Nous ne voyons pas le plan de Dieu en soi, mais nous ne pouvons pas dire que
lhistoire nest pas ce que Dieu a voulu. Les faits nous obligent rflchir sur notre rapport avec Dieu. La
meilleure interprtation est celle qui conserve le mystre divin et qui refuse de rationaliser Dieu.
Chacune des trois hypothses soulve un problme diffrent:
pour le particularisme: si llection relve de la seule dcision de Dieu, indpendamment des
mrites de lhomme, la dcision de Dieu seul peut devenir signifiante. Le problme est de dire comment cette
dcision divine engage lhomme sans fatalisme ni dterminisme.
pour le naturalisme: si la dcision du salut est laisse lhomme dans le contexte dune grce
gnrale de Dieu, peut-on parler du don de la misricorde divine?
pour les via media, synergistes qui essaient de trouver une coopration de Dieu et de lhomme
dans la prescience divine le problme nest pas diffrent. Dieu nous sauve, car il voit des possibilits en
nous.
3. Le plagianisme
Le problme du plagianisme se situe dans le cadre du christianisme sociologique, nominal, au dbut
du Ve sicle. Il insiste, tant donn ltat de licence gnralise, sur la ncessit de leffort humain et dune
dcision de la volont pour recevoir le salut. Plage est aussi en raction contre le manichisme qui insiste
sur laspect mauvais du ct matriel de lhomme.
Pour Plage, la part de Dieu dans le salut se limite donner lhomme une volont libre, lui
permettre de choisir entre le bien et le mal. Les trois lments dun choix tant le pouvoir, le vouloir et
lexcution, seul le premier vient de Dieu; les autres relvent de lhomme. La nature humaine qui vient de
Dieu est bonne. Il nest donc pas possible de parler dune disposition de lhomme faire le mal. La capacit
de choisir le bien est un don que Dieu fait chaque homme, car Dieu cre chaque me la naissance.

Lme ne peut donc rien avoir de mauvais congnitalement. Le pch est un acte libre que
lhomme accomplit par imitation. En consquence:
Le pch dAdam na pas de signification pour sa postrit. Celle-ci suit des exemples mauvais; il

ny a pas de solidarit avec Adam.


La grce de Dieu est une exhortation externe, qui se trouve dans la loi et lEvangile, recevoir la
rcompense de Dieu.
Christ est celui qui nous sauve de nos pchs et un exemple du bien; la grce est prsente sous la
forme de connaissance.
Lhomme peut, avec ces exemples, observer les commandements de Dieu sans pcher.
La prdestination est une prvision divine et la dtermination de rcompense ou de punir. Il est
possible de ne pas persvrer dans la grce de Dieu.
Le Concile de Carthage (418) a condamn ces thses comme une dformation de la grce. Le semiplagianisme, qui enseigne que lhomme nest ni saint, ni mort dans ses pchs, mais quil est maladif,
modifie la position de Plage. Lhomme ne peut pas mriter la grce de Dieu, mais il est capable de
laccepter et de persvrer. Le Synode de Valence (855) a soutenu la position dAugustin. Ces dcisions sont
toujours la doctrine officielle de lEglise catholique romaine.
4. Le synergisme lpoque de la Rforme
a) Le Concile de Trente a sembl scarter de la pense de Thomas et dAugustin. Il confesse la sola
gratia mais, contre Luther et Calvin, il place le libre arbitre de lhomme en coopration avec la grce. Celleci est ncessaire et active (praeveniens), mais non irrsistible, car lhomme doit cooprer en la confessant. Ce
Concile de Trente veut maintenir que lhomme nest pas passif lorsquil reoit la grce. Do la question: la
dcision divine est-elle, oui ou non, dcisive dans le salut?
Lhomme peut refuser la grce sil le veut (posse dissentire si velit); il ne sagit plus de la grce
efficace et irrsistible de Dieu, ni de la seule dcision de lhomme, mais de synergisme: la grce divine et
lacte humain. Cette perspective est lie avec un systme sacramentel, par lequel lhomme reoit la grce
suffisante dans les sacrements et persvre dans la grce.
b) Du ct luthrien, on trouve le mme problme dans la pense de Mlanchton, dveloppe dans
ses Loci Communes (1535). Au dbut, comme Luther, il refuse toute coopration, car lhomme est incapable
cause de son pch de prendre une dcision propice. La grce est irrsistible et la prdestination
inconditionnelle. Plus tard, il voque trois causes au salut: la Bible, lEsprit et la volont de lhomme qui ne
rejette pas lEvangile. Cette position a une incidence sur la prdestination. Tandis que Luther refuse
dintgrer une prise en considration de la rponse de lhomme dans la dcision divine, Mlanchton estime
que le salut seffectue par laddition de la volont de lhomme celle de Dieu. La prdestination est
conditionne par la rponse de lhomme. Pour Mlanchton, la diffrence entre les sauvs et les perdus
ne provient pas de la dcision divine, mais de nous. Ainsi sopre un rapprochement avec la position du
Concile de Trente. Sont prdestins ceux qui ne refusent pas les moyens de grce offerts par Dieu.
c) Synthse thologique : le synergisme en sotriologie (lacceptation du salut) implique une
corrlation avec la doctrine de llection. La souverainet divine dans le salut et la coopration humaine sont
en rapport avec la souverainet dans llection ou la prescience. Le synergisme ne concerne pas seulement
une coopration temporelle entre la grce prvenante et le non-refus de lhomme, mais il implique la
prvision de ceci dans le conseil ternel de Dieu. La coopration temporelle projete dans lternit implique
que llection soit conditionne par une pr-connaissance divine. La dcision divine inclut la connaissance
dun mrite de la part de lhomme. Ainsi on distingue, dans le conseil divin, une volont antcdente et une
volont consquente, conditionne par la prescience. On a:

Volont antcdente, de sauver en Christ


ceux qui croient (universelle)
prescience
Volont consquente, le salut actuel de ceux
qui sont prvus par la prescience
(particulire)
Entre ces deux volonts, Dieu prvoit la rponse de ceux qui accepteront loffre universelle. Il
regarde ceux qui accepteront ou refuseront la grce, et il lit sur ce fondement.
Entre la dcision universelle et la ralisation particulire, il y a une condition: celle de la nonrsistance de lhomme la grce universelle. Ce qui se passe dans le temps la raction humaine devient

la condition pour que llection se ralise. Le synergisme est projet dans le conseil de Dieu.
Cette position, qui se spare de celle de Thomas et dAugustin, est gnrale dans la thologie nonrforme: luthrienne, mthodiste, vanglique et catholique (except chez les jansnistes et les thomistes
purs).
5. La position des Remonstrants (Arminiens)
La Formule de Concorde (1577) constitue, dans le luthranisme, le triomphe des disciples de Luther
sur ceux de Mlanchton; du ct rform, Les Canons de Dordrecht sont lexpression du calvinisme
augustinien contre le semi-plagianisme des remonstrants. Le synergisme a une attraction magntique telle
quil na jamais cesser dattirer plus de partisans que lautre position.
Arminius (1560-1609) tait un disciple de Th. De Bze, professeur aux Pays-Bas; il est mort avant
Dordrecht. Sa pense tait reprsente par Episcopus et Grotius et fut reprise plus tard par Limborch. Les
remonstrants ont formul leurs articles avant le Synode de Dordrecht:
i) Llection et la condamnation sont conditionnes par la prescience de Dieu quant notre foi ou
notre incroyance.
ii) Christ est mort pour tous les hommes et pour tout homme. Le pardon est offert tous sous la
condition de leur rponse. Ceci veut dire que la mort de Christ nest pas le salut des pcheurs, mais que les
pcheurs sont sauvables. La mort de Christ est la clef qui permet lhomme de rpondre.
iii) Lhomme est dchu et ne peut pas obtenir la foi sans la grce,
iv) mais il peut rsister la grce de Dieu. Pour certains arminiens, le repentir et la foi prcdent la
rgnration (ce qui semble nier le caractre total du pch).
v) Le persvrance des saints nest pas certaine: rien ne prouve que la grce, une fois accorde,
puisse tre perdue.
Cette approche sotriologique implique, en ce qui concerne le plan du conseil de Dieu, que llection
divine soit accomplie en accord avec le connaissance des actes futurs des individus libres (scientia media).
Cette science nimplique pas de prdestination inconditionnelle.
a) Dieu, qui prvoit la chute de lhomme, dtermine denvoyer Christ comme Sauveur de tous. Cette
grce gnrale est suffisante pour tous et la foi permet de se lapproprier. La mort de Christ rend possible le
salut pour tous.
b) Dieu, dans sa prescience, considre comment certains hommes rpondent la grce, ou la
refusent; cette rponse constitue le fondement de leur acceptation par Dieu.
c) Dieu nous sanctifie en collaboration avec sa grce. Le saint peut atteindre la perfection dans cette
vie, et ainsi avoir lassurance du salut. Dans ce schma, llection des individus ne dpend plus de la gratuit
divine, mais du comportement que Dieu prvoit tre celui de lindividu. La volont humaine est lune des
causes de la rgnration.
6. Evaluation
Cette conception du salut semble avoir beaucoup davantages. En particulier, elle a celui de
rconcilier la misricorde et la sincrit de Dieu avec la perte du pcheur. Si lhomme se perd librement,
Dieu ne peut pas tre accus dinjustice. De plus, cette conception insiste sur la responsabilit de lhomme
qui a la capacit de rpondre positivement lEvangile. Ainsi elle parat propice lvanglisation. Ces
plus ne sont quapparents: plusieurs problmes restent sans solution
a) Le conseil ternel de Dieu ne peut pas tre conditionn par le temps. Le problme de la scientia
media est le suivant: si Dieu, dans sa prescience, voit les vnements futurs de faon certaine, cette certitude
constitue dj une prdestination de Dieu. Car si Dieu a prvu quelque chose avec certitude, cette prvision
est certaine; pour quil en soit ainsi, la cause de cette certitude ne peut tre que la volont libre de Dieu.
Si, en revanche, Dieu a prvu non avec certitude, mais comme une simple possibilit, il est impossible de
parler de prescience.
Il en est ainsi de notre rponse de foi lEvangile. Si Dieu prvoit notre rponse avec certitude, cette
rponse fait partie de sa volont pour nous. Nous sommes donc prdestins. Si, en revanche, Dieu ne voit pas
notre rponse avec certitude, il ny a pas vraiment de prescience divine. La scientia media choue dans les
deux cas.
b) Si laptre Paul avait eu une pense arminienne, il naurait jamais crit Romains 9. En adoptant
une perspective arminienne, on nest plus oblig de rpondre aux objections quil formule lui-mme en
Romains 9.14 et 19: Dieu est-il injuste et llection dtruit-elle la dcision humaine?
Paul insiste sur la souverainet de Dieu. Larminien, lui, insiste sur la justice de Dieu, les voies de
Dieu tant suspendues lutilisation de la grce suffisante dans le choix de lhomme.

c) La foi, la pnitence et la persvrance en saintet, qui sont des conditions humaines, motivent
llection de lhomme et sont, dans lEcriture, des consquences de la grce de Dieu, fonde sur llection
(Ep 2.8ss; Phi 2.12s). Lhomme est lu non cause de sa saintet, mais en vue de la saintet.
d) La raison profonde de la sduction de toutes les formes du synergisme est que lhomme reoit son
salut non seulement de Dieu, mais aussi de lui-mme. A cause de sa dcision de croire, le salut est actualis
dans le temps, mais aussi dans lternit. Le vrai problme du synergisme est celui de lgocentrisme
humain. Cest ce que veut dire Bavinck quand il affirme que le plagianisme est irrligieux. La sduction de
nos mrites mine le fondement de la vraie spiritualit, de la vie de foi et de prire. Dans nos prires, nous ne
nous glorifions pas; nous glorifions Dieu. Il ny a que le pharisien qui vante ses mrites. La grce nous fait
vivre et prier en chrtiens; elle ne sappuie pas sur nos mrites. Certes, les arminiens sont des gens de prire
zt qui ont une vraie vie chrtienne, mais il y a une contradiction entre leur pit et leur doctrine. Cette
dernire qui est irrligieuse.
Contre le synergisme, il faut affirmer que lEcriture ne prsente jamais une complmentarit
complmentaire entre le divin et lhumain lgard du salut.
Luvre de lhomme est la consquence de lacte de Dieu. Cet acte cre et appelle notre rponse. II
est lexpression de la dynamique de notre foi. Jean 6.44 parle de lattraction irrsistible de Christ. helko est
un verbe puissant: Kittel indique son aspect coercitif, compulsif de supriorit irrsistible (cf. Jc 2.44; Ac
16.19). Lacte de venir Christ est fond sur lattraction irrsistible de la grce de Christ. Si nous venons,
cest que nous sommes attirs; puisque nous sommes le don du Pre au Fils (Jr 20.7!).
7. Llection selon Karl Barth
La doctrine de Barth commence en approuvant Calvin et lorthodoxie rforme. Mais Barth en est
critique aussi. Pour lui, la doctrine rforme, si sa perspective fondamentale est juste, est abstraite, car Calvin
ne comprend pas vraiment la doctrine biblique de la grce: llection de la grce est tout lEvangile. Il faut
que llection soit rvle comme grce de Dieu et non comme la dcision dun Dieu abstrait. Ainsi Barth
crit que le Dieu de llection de Calvin est un Deus nudus absconditus. Pour lui, le problme est que la
source de llection est au-del de Christ dans une dcision qui ne doit rien Christ et lamour de Dieu. La
grce serait obscurcie par les tnbres de lindcision dun dcret absolu. Llection est souveraine, en
dehors de lamour de Dieu en Christ Cest pourquoi Karl Barth propose que llection ait un fondement
purement christologique.
a) LEtre de Dieu et la dcision primaire
LEtre de Dieu est en devenir, car cest la dcision primaire qui tablit la relation en Dieu. La
dcision divine de llection est en corrlation avec une autre: celle dtre trinitaire. Ainsi lEtre en Soi de
Dieu est un acte intrioris et extrioris. Dieu se correspond lui-mme dans sa dcision. Cette historicit
de Dieu fonde lhistoricit de la rvlation. La grce de Dieu est Geschichte, car elle a son fondement dans le
dcret concret o Dieu se correspond lui-mme. Ainsi K. Barth peut dire lorigine, llection de
lhomme par Dieu est une prdestination non seulement de lhomme par Dieu, mais de Dieu lui-mme.
Pour cette raison, llection fait partie de la doctrine de Dieu, et cela dans un sens supralapsaire. Par sa
dcision, Dieu se dtermine comme un Etre en acte.
Lauto-dtermination est un acte dans lequel Dieu se correspond lui-mme comme Pre, Fils et
Esprit.
en mme temps, elle est la relation entre Dieu et lhomme, fonde sur la dcision o Dieu se veut,
et se veut comme amour.
b) Concrtisation christologique
Christ est la fois le Dieu qui lit et lhomme lu. Il est le sujet et lobjet de llection. Cela
dtermine le rapport qui existe entre Dieu qui lit et lhomme qui est lu. Ainsi Christ nest pas seulement
lobjet du bon plaisir de Dieu, mais il est le bon plaisir de Dieu. Le conseil ternel de Dieu est rvl en
Christ qui est sujet et objet de la dcision divine. LEtre de Dieu et son conseil ne sont pas cachs dans un
dcret absolu, mais sont concrtiss dans la rvlation de Christ. Le conseil divin est transparent et total en
Christ. Llection ne concerne donc pas le nombre de ceux qui sont compris dans une dcision cache; elle se
restreint Christ, lhomme lu. Pourtant, llection implique la rprobation (comme toujours!) ; K. Barth est
supralapsaire. Le oui de Dieu implique la rprobation de Christ et, ainsi, Dieu dcide de ne pas tre un
Dieu de haine. Dans le conseil ternel de Dieu, cest Dieu qui est rejet en son Fils (Blasphme ou non,
pensez-y!). Dieu prend au srieux la menace du nant et il lassume dans le rejet du Christ. Cest en lui que
Dieu se dtermine par la rprobation de Christ dtre pour nous en llection. Christ est Dieu rejet pour tout
homme.
c) Problmes

Si Christ est rejet par la dcision divine, nest-ce pas une explication du pch de lhomme? Le
pch est ce qui est impossible lhomme car il est rejet par la dcision divine. La libert pour lhomme
nest pas la possibilit de suivre une des deux directions. Sa libert est pour Dieu, car le nant, le chaos et le
pch sont rejets en lElu. Barth nie la possibilit du pch dans la cration de lhomme libre (impossibilit
ontologique du pch). Il est donc impossible dexpliquer le pch la lumire de la libert de lhomme.
K. Barth tablit un autre rapport. Le lien est direct entre llection qui implique le rejet et le chaos
qui se manifeste comme pch. Le oui de Dieu implique son non et, cause de ce rejet, le chaos et le
pch existent. Le pch a son fondement dans le non-vouloir divin. Le non na pas de rapport dialectique
avec le oui : si llection est ternelle, la rprobation nexiste quen fonction delle comme une ralit
passagre. Le pch et le chaos sont le revers invitable de llection. Dans un sens, Karl Barth a donn une
explication du pch qui reoit son existence selon la dtermination de ce que Dieu ne veut pas, ce quil
rejette comme limpossibilit ontologique. En Christ, Dieu triomphe dans sa dcision primaire, de ce qui est
impossible, en opposition avec lui.
d) Election, rejet et la porte de llection

En Christ, le rejet de celui qui est lu est rvl. Dieu choisit pour Lui-mme le rejet qui fait du
pch une impossibilit, ds le dpart. Il est donc impossible que lhomme soit rejet, car Christ a
assum cette impossibilit. Et puisque Christ a t, dans la dcision divine, lhomme rprouv,
lhomme est lu en Lui.
Cela sapplique historiquement: le Messie crucifi dIsral est le Seigneur ressuscit de lEglise. Le
rejet dIsral est passager, afin de raliser llection du peuple de Dieu en lui. Isral reflte le jugement dont
Dieu dlivre Christ. LEglise montre llection immrite, ralise en Christ travers son rejet. Les individus
sont aussi lus en Christ. Ils acceptent que Christ ait t rejet pour eux et attestent la vrit de llection.
Mais pour quil y ait des lus, il faut quil y ait des rprouvs. Ce sont ceux qui persvrent dans
limpossibilit de lincroyance et portent ainsi le tmoignage que Christ est le rejet qui rend nul leur choix.
Les rprouvs manifestent la contrepartie de llection, selon la non-volont divine. Cest un dtournement
de llection qui atteste indirectement celle-ci. Les rprouvs sont lus sans le savoir, car Christ a t le
rejet pour tout homme. Leur vraie dtermination est de cesser dtre des tmoins involontaires de llection
pour devenir des tmoins rels.
e) Evaluation
La doctrine barthienne a un attrait indniable. Elle est logique trop! Elle a raison de se centrer sur
Christ et sa fonction centrale dans llection. Cest biblique. Refuser une double prdestination symtrique
suit les meilleures lignes thologiques. Augustin a parl de la prdestination des lus et de la prescience
divine quant aux rprouvs. Calvin affirme que la cause de la rprobation ne doit pas tre cherche en Dieu
mais en nous. Les Canons de Dordrecht insiste sur le non eodem modo. Karl Barth voit juste en affirmant que
lternit nest pas dcisive en soi; elle nest pas une pr-temporalit mais une co-, post- et supratemporalit. Llection ternelle est une dcision qui englobe le temps dans toute sa ralit. La prsentation
de Karl Barth est utile pour corriger certaines spculations et aider au rajustement de certains aspects de la
doctrine.
i) Barth, et sa suite P. Maury, nont pas compris le sens de la doctrine rforme. Berkouwer et
Runia nient que Calvin et les Canons de Dordrecht parlent dun dcret absolu. Runia affirme que la notion
dun dcret absolu est trangre lEcriture et la pense des Rformateurs. Laspect christologique, sil
doit tre accentu, nest pas absent chez eux. Berkouwer, en particulier, nie que Christ soit seulement celui
qui excute un conseil abstrait de Dieu. Si les Rformateurs ne font pas de Christ la cause ou le fondement de
llection, ils nont pas voulu dire que Christ tait simplement celui qui excute le conseil de Dieu. Cette
terminologie ne leur semblait pas adquate pour le en Christo biblique. En proposant que Christ est le miroir
de llection, Calvin na pas voulu dire que le conseil de Dieu nous est cach, mais que lamour
rconciliateur se manifeste en Christ. Il ny a aucune sparation entre le dcret souverain et sa manifestation.
Le conseil de Dieu est en Christ et est rvl en lui. Il nest pas immuable et abstrait, mais il se ralise
historiquement dans le en Christo et le dia Christo. Dieu est luvre en Christ pour se rconcilier avec
lhomme:
Le conseil de Dieu nest pas un acte qui appartient au pass, pas plus que la gnration du Fils ;
cest un acte divin ternel; toujours complet et pourtant toujours continu, en dehors du temps et surlev audessus du temps.
La volont de Dieu nest pas autre chose que Dieu voulant et agissant.
ii) La dcision primaire de Dieu
Dieu se tourne dj vers lhomme avant la cration. La cration est ncessaire pour que Dieu soit
Dieu en relation. Il y a, chez Karl Barth, un point de confusion entre le temps et lternit. La dcision divine

dterminerait Dieu comme trinitaire car, en elle, le Fils est le sujet et lobjet de llection. En tant que rejet,
le chaos deviendrait en quelque sorte ncessaire pour que Dieu soit Dieu. K. Barth frle, ici, le dualisme.
Cette historicisation de Dieu, qui impliquerait que la mort de Dieu est ncessaire sa vie de
communion trinitaire, manifeste que Karl Barth na pas observ assez strictement le sens du langage
biblique. Le Pre lit; le Fils est lu; cette lection diffre de llection humaine. Christ est lu selon son
office de mdiateur; notre lection est diffrente.
iii) Peut-on tablir un lien entre le rejet du Christ et limpossibilit ontologique du pch ? La
consquence en serait un universalisme hypothtique du salut, car Christ est lElu et le rejet pour tout
homme. La diffrence entre ceux qui se savent lus et ceux qui attestent ce fait ngativement, ne le sachant
pas, ne saccorde pas avec lattestation biblique. Dans celle-ci, lhomme qui nest pas en Christ na pas la vie
et est dj condamn. Quel rapport y a-t-il entre ce condamn et celui qui ne sait pas quil est lu? En
expliquant le pch, K. Barth na-t-il pas mouss la ralit terrible de lalination et de la sparation
davec Dieu?
C. Llection dans le contexte des attributs de Dieu
1. Le rapport entre la connaissance et la volont divines
Cette question fondamentale fournit le cadre de toute discussion sur la prdestination. Quelle est la
nature de la connaissance divine? Comment comprendre laction de sa volont par rapport cette
connaissance.
La nature de Dieu et la nature de sa connaissance
LEcriture nous enseigne que Dieu est lumire: En lui, il ny a pas de tnbres (1 Jn 1.15); Dieu habite
une lumire inaccessible (1Tm 6.16).
i) Cette expression renferme lide que Dieu a une connaissance totale de lui-mme: il ny a rien en
lui qui lui soit cach. Sa connaissance a pour objet sa nature divine ternelle. Dans la Trinit ontologique,
nous avons lexpression biblique du sens de cette connaissance divine. Dieu se connat dans son unit et sa
diversit. Autrement dit, Dieu na pas besoin de rien en dehors de lui-mme pour trouver un point de
rfrence universel, ni pour percevoir la ralit des faits particuliers. LEsprit sonde tout, mme les
profondeurs de Dieu (1 Co 2.10). Il existe en lui une correspondance totale entre son Etre et son autoconnaissance. Il ny a pas, dans lEtre de Dieu, une puissance, une possibilit qui chappe son actualit. Si
ctait le cas, la connaissance de Dieu ne serait pas complte. Il y aurait dans lEtre de Dieu un
indterminisme, une partie de son Etre qui existerait indpendamment de sa connaissance de Lui-mme.
Dieu serait soumis, dans son Etre, ce qui est indtermin, au fait brut.
ii) Entre lEtre de Dieu et sa connaissance, il existe une correspondance de telle sorte que Dieu se
connat exhaustivement. Cela permet de distinguer la conscience que Dieu, a de lui-mme et sa conscience
du monde. Sil ny avait pas corrlation entre lEtre et la connaissance de Dieu, lEtre existerait face Dieu
dans un rapport de complmentarit. Il ny aurait plus de distinction entre Dieu et ltre l. Nier la
correspondance entre lEtre et la connaissance de Dieu reviendrait nier la Cration biblique, comme aussi
la doctrine chrtienne de Dieu comme auto-suffisant dans son unit et sa diversit. Cela soumettrait aussi
lhistoire larbitraire; il ny aurait plus dlection, ni de royaume de Dieu, ni de triomphe sur le mal.
2. La connaissance de Dieu est ncessaire
La Bible enseigne que Dieu est ternel: dternit en ternit tu es Dieu (Ps 90.2). Lternit de
Dieu est toujours place en contraste avec la temporalit du monde. Si Dieu se connat exhaustivement, il se
connat comme ncessairement existant. Sa connaissance nest donc pas ajoute son Etre, elle est partie
intgrante de lui. LEcriture enseigne galement que Dieu est le seul Dieu ternel. Sil y avait en dehors de
lui quelque chose indpendamment de lui, il ne serait plus seul Dieu. Le fait brut, le hasard ou la matire
seraient aussi ultimes que lui. Mais puisque Dieu est le seul, son auto-connaissance est ncessaire; il a
connaissance aussi de ce qui nest pas ncessaire, car il est Matre de la possibilit. Il sait ce qui nest pas
ontologiquement ncessaire en dehors de lui, Car ceci dpend de son plan Dieu est donc libre de projeter, de
crer en dehors de lui. La connaissance quil a de sa crature est ontologiquement non ncessaire, et donc
libre. La crature est contingente.

Cette distinction est importante Elle correspond la distinction biblique entre la volont secrte
et la volont rvle de Dieu (Dt 29.29).
3. Rsum
La correspondance entre la connaissance de Dieu et son Etre distingue le christianisme de tout

panthisme; la libert et la ncessit de cette connaissance dressent une barrire entre la foi et la philosophie
raliste dans laquelle le rapport entre Dieu et le monde est ncessaire (on peut se demander si Hegel a
influenc la doctrine de llection chez Barth, prcisment sur ce point). Dans lidalisme, Dieu nest pas
libre dans sa connaissance du possible. En ralit, il nexiste plus comme seul vrai Dieu, comme une
personnalit absolue.
4. Application la prdestination
Puisque la connaissance qua Dieu de lui-mme est absolue et ncessaire, et que sa connaissance de
la ralit - en dehors de lui est libre, il est maintenant possible dtudier la question de la volont de Dieu en
ce qui concerne la prdestination. La pr-connaissance de Dieu, par exemple, ne correspond pas la
connaissance de quelque chose qui existerait indpendamment de Dieu. A parler correctement, il ny a pas
de pr-connaissance divine. Cette expression est analogique. Dieu connat toute chose en dehors de lui. Dans
la Bible, le conseil est au singulier (prothesis). Cest pour que lide des arminiens selon laquelle Dieu serait
infini, dans certains cas, est rejeter. On ne peut pas non plus sparer la pr-connaissance de Dieu de la
prdestination.
Il ny a que deux possibilits: ou Dieu est lEtre auto-conscient pour qui il ny a pas de faits bruts et
qui connat le monde parce quil connat son plan; ou Dieu dpend lui-mme de faits bruts qui le dpassent.
5. LEtre et la volont de Dieu (Ps 33.11)
La volont est dfinie comme une puissance ou une capacit que nous possdons.. Cette
dernire notion, qui se rapporte ce quon na pas ou nest pas, ne peut pas tre applicable Dieu. On peut
parler de la volont de Dieu de deux manires: dabord, par rapport son propre Etre; ensuite, propos des
choses en dehors de lui-mme. Il est impossible de considrer la seconde manire sans dabord voquer par
la premire.
a) A proprement parler, il ny a pas de volont de Dieu: la volont de Dieu est Dieu qui veut.
Comme pour la connaissance, le vouloir nest pas indpendant de Dieu. Il y a rciprocit entre Dieu qui veut
et la volont de Dieu. Sa nature divine sexprime dans sa volont tout comme sa volont prsuppose sa
nature. Dieu se veut comme seul vrai Dieu, comme lEternel. Ce vouloir est ncessaire; tant Dieu, Dieu ne
se veut pas autre que Dieu. Ce nest pas une forme de dterminisme. Cest plutt une auto-dtermination.
Pour Dieu, la plus grande ncessit est la plus grande libert. Cest ainsi que Dieu est rellement libre pour
tre Dieu.
b) La volont de Dieu est souverainement libre en ce qui concerne la crature. Il y a donc une
volont de Dieu, pour la crature, et cette volont est galement ncessaire, mais libre dans la dcision de
Dieu. Les niveaux de ncessit sont diffrents. La volont de Dieu est ncessaire en ce sens que Dieu est
actuel: Dieu nexiste pas sans sa volont divine. Sa volont en ce qui concerne ses actes libres en dehors de
lui-mme est ncessaire, mais uniquement dans la potentialit qui dcoule de lactualit de lEtre de Dieu.
Ainsi le conseil de Dieu est ternel, car Dieu est ternel et nest jamais sans son conseil (cf. la gnration du
Fils).
Mais la matire nest pas ternelle; elle tire son origine du plan de Dieu. Le conseil ou plan de Dieu, pour
moi, se forme la jonction de la connaissance et de la volont divines. Ce schma illustre lide de faon
insuffisante :
conseil

Intelligence / Connaissance

Libert / Volont

ncessaire et libre
Un Dieu sans conseil, dit Bavinck, est inconcevable. Le conseil est la cause efficace et exemplaire du
monde. Efficace, car nulle crature nexiste si ce nest par la volont divine; exemplaire, car la conception
globale du monde existe en Dieu avant sa concrtisation historique. Tel est le sens dEphsiens 1.11 et des
confessions de foi qui affirment que tout ce qui se passe existe parce que Dieu le veut.

6. La volont secrte et la volont rvle (cf. Ex 4.21, 9 .16; Rm 9.16; 1 S 2.25; Ac 3.23; 4.28,
etc.).
a) La volont secrte est la volont de Dieu que lhomme ne peut connatre lavance; elle sera
rvle et elle se dvoilera progressivement. Nous pouvons connatre, dans ses lignes gnrales, que la
victoire de Dieu est ultime, mais dans ses dtails, nous sommes limits. Dans lunivers cr, tout drive du
conseil de Dieu (Pr 16.4ss, 2l.l): cration (Ap 4.11); providence (Dn 4.35; Ep 1.11); rgnration (Jc 1.16);
sanctification (Ph 2.13); la souffrance (1 P 3.17).
b) La volont rvle est aussi nomme volont prceptive ou de commandement. La volont rvle
nous indique ce quil faut faire; la volont secrte exprime ce que fait Dieu par lintermdiaire des hommes
ou autrement. Quel est le rapport entre les deux ? Bien souvent, la volont secrte de Dieu est ralise dans
lhistoire indpendamment de sa volont rvle. Exception: le cas des cratures rationnelles qui Dieu
adresse sa volont de commandement; les deux aspects de la volont divine fonctionnent alors ensemble.
Il y a opposition entre les deux, si nous on prsuppose que la libert et la responsabilit de lhomme
ont la possibilit de sopposer absolument la volont de Dieu. Mais selon lEcriture, la responsabilit
morale de la crature et sa libert ne rsident pas dans sa capacit dopposition. Si la libert de lhomme est
autre quune libert dopposition, la volont rvle tablit et prserve la libert et la responsabilit
humaines. Le pch de lhomme nest pas le signe dune contradiction entre les deux volonts. Les actions
libres des hommes contribuent la ralisation de la volont secrte de Dieu. La libert de lhomme ne peut
avoir son fondement que dans la doctrine chrtienne de lindpendance ontologique totale de Dieu. Lhomme
a sa signification de par la volont divine et de son conseil personnel. Autrement, lhomme ne peut chapper
limpersonnel ultime qui dterminent sa libert. Sans le conseil de Dieu, lhomme nest pas ultimement
libre de la dtermination impersonnelle des faits bruts.
La volont secrte nest pas une gnose, mais une volont progressivement porte la connaissance
de lhomme dans le droulement de lhistoire, parfois par le moyen de la volont rvle. Par exemple, avant
lincarnation, la nature de Christ appartenait au secret de Dieu, mais la venue de Christ, le secret de Dieu
est connu par lobissance de Christ la volont rvle de Dieu: Christ accomplit le loi. Ce que nous serons
demain est le secret de Dieu aujourdhui; demain, le secret sera connu de nous par notre raction la volont
rvle de Dieu. Il convient de distinguer entre les situations o nous ne connaissons pas la volont de Dieu,
car elle est toujours venir, et celles o nous ne la connaissons pas parce que nous obscurcissons, par le
pch, la volont de commandement de Dieu.
7. La volont de Dieu et la signification de lhistoire
Le conseil de Dieu qui est auto-suffisant, se ralise dans le temps. Cest ce qui donne sa signification
au moment et sa gravit au pch. Le pch dun moment a une porte ternelle. Le temps ne fait pas partie
de lternit, comme sil tait un moment dun mouvement plus grand. Le temps est cr. Il exprime le
vouloir de Dieu et a une signification relle cause de ce vouloir. Le contact entre le temps et la volont
ternelle de Dieu est tabli par la libert de Dieu dans sa dcision de crer. Le temps nest pas ncessaire
dans le mme sens que Dieu. Le conseil ternel de Dieu sexprime historiquement cause de la libert de
Dieu. Une illustration: lincarnation nest pas une ncessit ontologique de Dieu, cest un acte de Dieu qui
exprime sa libert par rapport au temps. Kuyper, Bavinck et Van Til Common Grace and the Gospel
affirment que nous ne pouvons que penser concrtement en ce qui concerne lhistoire. Lhistoire ralise le
conseil de Dieu ; elle actualise ce qui est avant la fondation du monde. Lhistoire est donc un processus de
diffrentiation. En mme temps que lhistoire avance et que Dieu se rvle, il y a une progression, lattitude
des hommes par rapport Dieu se prcisant. La foi ou la non-foi des hommes est actualise par lhistoirediffrentiation. La grce de Dieu a un aspect identique pour tous, lEvangile est communment offert tous,
mais la diffrentiation saccomplit par la raction de lhomme. Lhistoire est une dynamique dindividuation
ralisant le conseil de Dieu. Les dcrets du conseil ternel y trouvent une ralit temporelle. Lhistoire nest
pas une ide, mais une ralit concrte faite dobissance ou de dsobissance. Le pch a un caractre
dterminant pour le sort de lhomme, de mme que lEvangile et son acceptation. Lhistoire a son sens non
pas malgr, mais cause du conseil de Dieu.
D. Examen de quelques passages bibliques
1. Romains 9 : 6-31
En Romains 9, laptre voque un problme concret: celui de lincroyance dIsral. Ce problme tire son
importance du thme de lptre, indiqu en Romains 1.16-17. LEvangile est dabord pour les juifs. Mais

Isral, malgr les richesses de la grce divine (9.4-5), sest spar de Christ (9.3). Sagit-il dun chec de la
parole de Dieu? Dieu serait-il frustr par lhomme, ou lhistoire ne serait-elle plus sous son contrle? Deux
thmes sont parallles dans ce passage: Dieu est souverainement libre dans son lection de grce; il ne fait
preuve daucun arbitraire dans cette lection.
a) La souveraine libert de Dieu se manifeste dans le salut.
Loin de contrarier lintention divine, lattitude des juifs est explique par rfrence llection. Ds
le dbut, Paul tablit une distinction parmi les enfants dAbraham: tre de la chair nquivaut pas tre au
bnfice de la promesse (9.7-8). En Isaac, le plus jeune, la postrit dAbraham sera appele. Le choix
dIsaac est, de fait, lexclusion dIsmal. Cela suffit pour affirmer que la descendance naturelle ne
correspond pas aux enfants de la promesse. Llection constitue-t-elle une menace? Ici, cest en effet le cas
pour celui qui fait de lappartenance la descendance naturelle comme une cause mritoire de salut.
Llection nest pas une menace pour celui qui sapproprie, dans la foi, la promesse; elle lest, en revanche,
sil existe la moindre supposition de mrite devant Dieu. Ce point est illustr par le contraste tabli entre la
naissance dIsmal et celle dIsaac: cette dernire est naturelle et miraculeuse (9.9). Ce fait montre le sens de
laction de Dieu; elle fonde le salut. Le choix dIsaac nest pas arbitraire, mais illustre un caractre de Dieu:
Dieu est celui qui est libre dans ses actions. A cela correspond la foi, non la ralit naturelle (Rm 4.12-13);
lexpression ta tekna tes epangnelias souligne ce fait. Le gnitif est un gnitif dorigine: la promesse divine
correspond notre foi (Gn 4. ? ). Llection est donc libre, fonde sur lintervention divine, la puissance de
sa promesse et luvre de lEsprit. Le mme principe entre en jeu pour Jacob et Esa, mais de faon
diffrente. Pour Isaac, il sagit dune naissance naturelle aprs que Dieu soit intervenu. Laccent tombe, dans
ce cas, non sur la promesse, mais sur llection en tant que telle. La traduction de la TOB du v. 11 est plutt
une paraphrase qui inverse, semble-t-il, le sens de he kateklogen prothesis ton theou; la Segond rvise
traduit: le dessein de Dieu selon llection. Cest llection qui prcde lexcution du dessein de Dieu
dans lhistoire. Le dessein exprime llection. Sil y a un ordre, cest llection qui a la priorit. La pense est
que le dessein de Dieu, loin dtre arbitraire, comporte un aspect lectif de la part de Dieu qui est libre et
souverain dans ses choix. Le fait que le dessein soit existant avant la naissance des entants souligne cela
(11a). La vocation ne vient donc pas de ce qui est en lhomme, mais seulement de ce qui est en Dieu (cf. Dt
7.6ss; 9.4s). La haine dont Esa est lobjet ne doit pas tre interprte comme une rprobation. Les
commentaires y voient leffet de llection de Dieu par rapport une relation personnelle: Esa sert Jacob
(12; cf. Mal 1.2ss). Paul nvoque donc pas la destine ternelle dEsa, mais il montre, par un exemple, la
libert de llection divine indpendamment de laction de lhomme. Ainsi, la nature de la grce apparat
avec vidence; le salut ne sobtient pas par les uvres ou les mrites, il est le don libre de Dieu. Lhistoire du
salut abolit la vaine gloire de lhomme; dans ce chapitre, celle des juifs.
b. Dieu serait-il arbitraire dans sa libre souverainet?
A partir du v. 14, Paul maintient la libert de la grce divine et sa justice. Le plus tonnant, dans ce
passage, est linsistance de laptre sur le caractre totalement inconditionn de llection divine. Il ne parle
pas, cependant, dune puissance absolue, neutre ou indtermine. Loin de lui faire craindre une puissance
arbitraire, la contemplation de la libert divine le pousse ladoration.
Telle est la conclusion en considrant sa premire objection: Y a-t-il en Dieu de linjustice? Paul ne
rpond pas cette question. Tout ce quil dit, cest que Dieu est libre de manifester historiquement son salut.
Il est impossible de se prononcer sur la justice de Dieu; mais il est possible davoir foi en sa misricorde.
Cette foi limine toute ide de dterminisme ou de hasard. Il nest ni utile ni ncessaire de plaider la libert
de lhomme contre celle de Dieu (v. 16); la misricorde de Dieu dpasse de telles considrations. Cest
ladoration qui correspond la libert de Dieu, non la soumission ou la crainte (cf. 11.33-36). La clef
exgtique de ce passage se trouve ici: lhomme nest pas le conseiller de Dieu qui est premier en tout,
insondable; lui la gloire. Ici, la thologie chante Dieu. Aprs tout, cette profondeur de Dieu nest pas un
abme de terreur, mais celle de la richesse de sa grce profondeur qui sonde par lEsprit (1 Co 2.10) et qui
exprime la plnitude de Dieu en Christ (Ep 3.19). Tout arbitraire est exclu; le sens de lhistoire est dans les
actes senss de Dieu pour le salut en Christ. Le certes non! de Paul gomme lindterminisme dans la
perspective de leschatologie (Rm 11.1, 11-12a).
Do viennent donc laccusation dinjustice due larbitraire ou la rticence laquelle laptre fait
encore allusion au v. 19? Paul voit trs bien dans le cur de lhomme une fiert qui forge lide dun Dieu
arbitraire pour sexcuser. Cet arbitraire, quelle solution idale pour liminer toute responsabilit humaine! A
noter que Paul ne rpond pas cette accusation par un contre-argument aussi abstrait. Il sexprime
concrtement. Il rpond, non pas en vitant de parler de la souverainet de Dieu, mais en affirmant la
ralisation historique de llection divine. Pour lui, llection ne vide pas lhistoire de son sens, mais lui

donne, au contraire, une signification puissante. Rsultat: lhomme ne se dresse plus contre Dieu, mais
dcouvre le sens la grce libre. Do la rfrence Pharaon et au potier (vv. 17 et 21). Dieu est libre de se
servir de la rsistance de Pharaon pour rvler sa gloire. Comme le potier, Dieu est libre dagir comme il lui
plait. Et, de nouveau, Paul parle concrtement propos dIsral. Il montre les richesses de la grce de Dieu
envers les paens (vv. 24-3l), envers ceux quil a destins la recevoir Dieu ne serait-il pas galement libre
de manifester sa colre envers ceux qui se perdent, prcisment cause de leur pch?
c. Conclusion
Dans cet argument, lintention de Paul nest pas de montrer que tout ce que fait Dieu dans lhistoire
est fix ds lternit et quen ce qui concerne sa misricorde aussi bien que lendurcissement quil suscite,
laboutissement est invitable. Il veut montrer, dans lomnipotence de Dieu, la vraie intention de ses actes.
La grce nest soumise rien, surtout pas aux calculs humains. Isaac, Jacob, Isral et maintenant les paens...
et Isral, ct de Pharaon, quand il se trompe sur le caractre de llection et cherche le salut dans sa propre
justice. Cest la rprobation historique dIsral pour que la misricorde de Dieu soit manifeste (11.7ss, 12 et
15). Paul sexprime concrtement; la souverainet de Dieu ne se confond pas avec une fixit ternelle. Dieu
veut provoquer Isral au repentir (11.11ss). Llection est une lection de grce. Cest llection que nous
devons prcher, car elle incite adorer Dieu.
2. Autres passages pauliniens
Sil est vrai quen Romains 9, le but de Paul nest pas uniquement de manifester ce qui a prcd laction
divine, il ne spare pas la rdemption historique et le dessein de Dieu qui a un caractre lectif. Paul voque,
maintes reprises, la nature du dessein de Dieu (Rm 8.28s; 9.23; 1 Co 2.7; Ep 1.5 et 11; 2.10; 2 Tm 1.9); la
rdemption en Christ est la manifestation de la volont de Dieu. Llection est en Christ; Dieu excute le
projet ternel de son salut en Christ (Ep 3.11). Cette lection christique est difficile dfinir de faon
adquate; il est clair que Jsus est lobjet et le centre du dessein de Dieu et que laccomplissement de la
volont divine est dans et par lui. A remarquer que lEglise est comprise dans ce dessein de Dieu et quelle est
galement lobjet de llection divine. Christ est lobjet de llection pour accomplir le dessein de Dieu ;
nous/lEglise, sommes des objets de llection en Christ cause de ce quil a accompli.
a) Ephsiens 1
Au v. 5, Paul affirme que, par Christ, nous sommes prdestins tre fils de Dieu (cf. 11). Cette
lection reoit sa profondeur au v. 4, pro kataboles kosmou. Christ est une personnalit corporative; avec lui
lEglise est comprise, ds avant la fondation du monde, dans lacte divin de llection. Notre bndiction
avec Christ est aussi bien pr-temporelle que post-temporelle. En Christ est la fois eschatologique et
eschatologique lenvers. Comme notre vie est cache avec Christ en Dieu, de mme llection de
lEglise est cache avec le Christ pr-temporel. Dans le conseil de Dieu, llection de Christ, de la
communaut et de lindividu est simultane (contre Barth, Bonhoeffer). Cette lection est un aspect plus
vaste du conseil de Dieu. Cest ainsi que la rdemption sort du domaine des choses contingentes. Laspect
pr-temporel est fort, mais le pr nexiste pas sans la priorit de Dieu sur toutes choses. La saintet,
laquelle nous sommes appels, est une consquence, non une cause de llection (Ep 1.4). Llection est
entirement gratuite; si nous appartenons au peuple de Dieu, cest cause de lacte antcdent de Dieu, non
de nos uvres (2 Tm 1.9). La grce de Dieu nest pas oppose aux mrites humains, mais elle les prcde
totalement (Tt 3.5). Ep 2.10 lection = cration!
b) le rapport entre le proginosko et le proorizo
Un dveloppement de la notion de dessein de Dieu est prsente en 8.36 (remarquer la variante qui
met laccent sur Dieu). Cette rfrence ne se situe pas dans le contexte dun dbat thorique, car en Romains
8, Paul donne trois encouragements aux chrtiens qui sont appels souffrir: cf. 8.18-25, 26s/28-30. La
consolation provient de ce que Dieu agit en tout pour leur bien, cause de son dessein. Sont compris dans le
dessein la prescience et la prdestination, selon limage de Christ. Quel est le rapport entre le proginosko
et le proorizo? Beaucoup pensent que Dieu connat davance la dcision de certains et cause de cette
prvision les prdestine. Le lien entre les deux serait la foi prvue par Dieu (voir p.45). La foi dsignerait
certains comme lus. Dieu sait davance quils rempliront la condition du salut. Llection serait donc
conditionnelle. Cette interprtation est insuffisante mme pour un non calviniste. Dailleurs, mme si on
estime que le texte parle de la prvision divine de notre foi, rien ne serait chang en ce qui concerne
llection inconditionnelle de Dieu. Si Dieu prvoit la foi, la question devient alors: do vient la foi? La
seule rponse biblique est que Dieu prvoit la foi dont il est lui-mme la source (Jn 3.3ss; Ep 2.8; Ph 1.29).
Si donc Dieu, dans sa connaissance ternelle, prvoit la foi dont il est la source, on en revient la ralit de

son lection. Si Dieu prvoit la foi dont il est seul la source, cest bien quil a dcid de donner la foi. Quel
est donc le lien entre ces deux verbes?
A noter que Paul dit hous proeqno (ceux connus davance), et non hous proegno ten pistin. Sil y a
diffrentiation dans la prvision divine, Paul ne situe pas la raison de cette diffrence en dehors de lacte de
Dieu. Quel est le caractre de cet acte de Dieu? Dans le Nouveau Testament, connatre davance est tout
diffrent de connatre + avant. Connatre davance marque le sens de lamour attach la connaissance
(Am 3.2; Ps 1.6). Proginosko veut dire, en ralit, aimer davance. La diffrentiation existe au niveau de
lamour de Dieu, qui est le moteur de llection et non la foi que Dieu discerne en nous. Cette interprtation
maintient une concordance de sens avec les autres lments de la chane de Romains 8.29 o cest Dieu
qui appelle, justifie et glorifie. La prvision de la foi serait radicalement en dsaccord avec laction
dterminante de Dieu dans tous ces autres actes. La diffrence vient de lamour de Dieu (cf. Ep 1.5 et aussi le
mis part du v.11 qui semble invalider linterprtation barthienne). Il est maintenant possible de
comprendre le rapport entre proginosko et proorizo. Il y a une progression dans la pense de laptre. Sil ne
sagit pas de la pr-connaissance de notre foi, il sagit bien de lamour de Dieu dans lequel llection est
accomplie. Lamour est le point de dpart dont la prdestination est lexpression dterminante. Dieu dcide,
par amour, de nous conformer limage de son Fils. Avec cette expression, Paul relie encore lacte pass de
Dieu et la glorification eschatologique, car il envisage la gloire de la conformit finale lors de la rsurrection.
Rien darbitraire, dans llection qui est centre sur Christ qui accomplit cet amour.
E. Quelques conclusions
1. Sur la ralisation de llection
En parlant du dessein de Dieu, Paul se rfre pas un dcret abstrait, mais dcrit la grce souveraine
de Dieu. Cette grce est la seule raison de la rdemption historique. Ce dessein ne se limite pas la faon
dont la rdemption est accomplie, cest dire Christ. Il inclut galement ceux qui sont participants ce
salut. LEglise est connue davance, prdestine lhritage.
a. Llection est-elle limitative? Sapplique-t-elle un nombre fixe? Oui, dans un certain sens, mais
cette conclusion ne dcoule pas de la prsentation du dessein de Dieu. Pour Paul, ce nest pas un nombre fix
qui retient son attention, mais le salut fix en Christ. Le caractre immuable de llection ne se trouve pas
dans un nombre cach, mais dans lunit de lEglise avec Christ. Dans lEvangile, qui nous lie lui par la
foi, se trouve la certitude de notre salut.
b. Do vient la certitude de llection? Cette certitude ne vient pas de la connaissance dun dcret
immuable de Dieu, mais de la connaissance historique de Christ. Elu en Christ nindique pas Christ
comme le moyen daccomplir une dcision divine. La dcision divine nest jamais spare de la
connaissance de Christ comme Sauveur. Dune part, cette solidarit avec Christ signifie tre lu en lui ds
avant la fondation du monde, car Christ est le premier de beaucoup de frres; dautre part, la nature de ce lien
avec Christ est connue uniquement par la ralisation historique. Llection en Christ indique quel est le sens
de notre salut. Mais la ralisation historique de ce salut indique la nature du dessein de Dieu. On peut parler
du nombre des lus en Christ, seulement si on respecte lappel divin la foi dans lEvangile.
Deux images des Rformateurs illustrent cette ide: Luther appelle Christ le livre de la vie en qui
nous lisons les conditions de notre lection; Calvin dit que Christ est le miroir de llection. En Lui nous
contemplons notre lection.

2. Llection et la responsabilit humaine


Le en Christ ds avant la fondation du monde se ralise dans le en Christ du salut historique. A
son tour, celui-ci indique le caractre du dessein de Dieu. Insister sur ce rapport rciproque ne signifie pas
que la dcision de llection a un sens anthropocentrique. Paul sexprime ainsi tout en insistant sur la
souverainet de la dcision divine. Pour lui, la libert de lhomme ne consiste pas dcider comment
lhomme se positionne devant lEvangile. Cest la volont de Dieu qui transcende lhomme et le place devant
la prdication de lEvangile. La vocation de ceux qui croient est une vocation ex nihilo de Dieu (Rm 4.17; Ga
4.28; 2 Co 4.6). La rciprocit entre llection et la prdication de Christ na pas son point de dpart dans la
volont humaine. Les incrdules ne voient pas resplendir la lumire de lEvangile (2 Co 4.4).
Le rapport entre lection et prdication, qui ralise le dessein de Dieu, ne met pas en valeur la
dcision humaine. Mais il empche davoir une notion automatique ou dterministe de llection. La
sparation historique qui seffectue dans la proclamation de lEvangile nest pas, pour Paul, une expression
automatique du nombre limit des lus. Il maintient plutt la libert de la grce de Dieu dans le cadre dune

rencontre thique, entre Dieu et lhomme, dans lEvangile. Ainsi la foi ou la non-foi de lhomme nest pas la
consquence dune lection automatique au salut ou la perdition. Elle est signe de lobissance ou de la
non-obissance de lhomme. Chez Paul, ces deux aspects de la question sont placs cte cte. Dieu est
souverain dans son acte de grce, dans la rencontre entre Dieu et lhomme, dans la proclamation de
lEvangile. Il y a obissance ou non-obissance dont lhomme est responsable.
Nous voyons donc deux lignes: lomnipotence divine qui fait briller sa lumire dans nos curs; la
responsabilit humaine pour rpondre dans la foi et par la conversion.
Ces deux constatations maintenues par Paul sont irrconciliables, si nous pensons une lection
dterministe dans laquelle la rponse de lhomme ne trouve pas sa place; ou si nous pensons que la dcision
du salut reste du ct de lhomme. Sil en tait ainsi, lhomme ne serait plus une crature aussi bien dans un
cas que dans lautre. Le dterminisme abolirait la responsabilit de lhomme et sil dcidait lui-mme de son
propre salut, il serait autonome. Pourtant la responsabilit de lhomme nest pas neutre. Elle existe toujours
dans le contexte de son rapport avec Dieu. Ce rapport est concrtis dans la proclamation de lEvangile.
Lamour de Dieu manifest tous les hommes sans discrimination, son appel la rconciliation fondent la
responsabilit humaine.
LEvangile place lhomme dans une position de responsabilit. Mme lorsque lhomme est esclave
cause de son pch, sa responsabilit dhomme envers le Crateur nest pas enleve. Lappel la
rconciliation est adress tous les hommes sans discrimination; cest dans ce rapport avec Dieu que la
responsabilit a son fondement. En plaant lhomme devant sa responsabilit, Dieu affirme sa libert. Il fait
misricorde.
3. Election et rprobation
Y a-t-il une symtrie entre lection et rprobation dans le conseil de Dieu?
A noter que lEcriture ne parle jamais dune rprobation ternelle de Dieu. Elle ne montre donc
aucune symtrie; sil existe une causalit en ce qui concerne la rprobation, cest celle du pch de lhomme.
Le pch et lincroyance nont pas leur origine dans le conseil de Dieu, mais en nous. Les mots prothesis,
prognosis, etc., dans la Bible sappliquent exclusivement au salut, et non la mort et au jugement. Il en est
ainsi dans la tradition rforme. Personne na parl de prdestination au pch ; Dieu nest pas lauteur du
pch; il na pas non plus cr lhomme pour sa destruction.
La rprobation est donc, selon lEcriture, un acte de Dieu dans le temps dont la cause est le pch de
lhomme. Et mme si Paul parle de lendurcissement dIsral en Romains 11.7ss, la chute en question nest
pas dfinitive. Sil y a un jugement final de Dieu, il nintervient pas la lumire dune prdestination, mais
cause du pch de lhomme. Il parat sage den rester l!
Conclusion gnrale
Le rapport entre le conseil de Dieu et llection dans le conseil pourrait tre le suivant:

Conseil de Dieu

Election

1) Sujet du conseil Dieu;


Dieu dans sa plnitude morale.

Dieu dans sa souverainet

2) Objet du conseil;
Cration et histoire: Ep 1.11

Amour de Dieu en Christ

3) Nature du conseil;
ternelle, libre, simple.

Acte suprme de grce

4) But du conseil;
manifester la louange de Dieu

La louange de son amour

XI. LELECTION ET LUNIVERSALISME DU SALUT


Luniversalisme pose le problme de la nature des tmoignages bibliques qui nauraient pas toute
la prcision ncessaire pour quune doctrine exhaustive du sort final des hommes puisse tre formule. La
fonction des crits bibliques nest pas, premirement, de dfinir une telle doctrine, mais dexhorter au salut
en Christ. Cela ne signifie pas quil nest pas question de jugement dans la Bible; il existe des tmoignages
trs clairs ce sujet. Le jugement est fortement affirm dans le Nouveau Testament et mme dans lAncien
Testament, mais ses modalits moment, lieu, manire restent parfois imprcises.
Quatre considrations simposent dans lapproche de la question :
Dieu est saint et juste et, conformment sa nature, le pch exige une rtribution. Autrement,
Christ naurait pas eu se donner pour les pchs. La question nest donc pas de savoir, mme pour un
universaliste, sil y aura un jugement, mais si ce jugement sera dfinitif. Il ny a que les sentimentaux
primaires qui refusent totalement lide de jugement. Ce faisant, ils abolissent la notion du salut.
Dieu, ayant une misricorde infinie, ne peut pas avoir une comprhension finie. Cela ne signifie
pas que Dieu annulera le jugement divin cause de sa misricorde, comme on pourrait le souhaiter, mais que
le jugement divin est un acte de misricorde difficile concevoir, car la justice humaine manque trs souvent
de vraie compassion.
la notion humaine du temps est lie celle de dure; aussi lide dternit est-elle malaise
comprendre.
Le rapport entre lamour et la justice de Dieu ainsi quentre les autres attributs de Dieu prsente
une difficult pour nous.
Un dogmatisme qui tablirait une quivalence entre notre comprhension actuelle et la ralit de
lternit doit donc tre cart. Il convient galement de rejeter le sentimentalisme qui sappuis avec
gnrosit et optimisme sur les silences du tmoignage biblique. LEcriture en dit assez pour empcher de
croire que tout sera renvers dans lternit. Il y aura une continuit entre le prsent et ltat ternel: mme la
lecture la plus nave de Jean 3 doit en convaincre.
Pour rsumer
Le problme pos par les donnes bibliques semble tre le suivant : si les lus sont seuls tre
sauvs, pourquoi leur nombre est-il limit? Le chtiment ternel des perdus nest-il pas hors de proportion
avec leurs crimes, commis pendant une priode rduite dans le temps?
Quatre hypothses sont prsentes: toutes soulvent des problmes par rapport au tmoignage
biblique.

1. La doctrine classique
Elle suit de trs prs certains aspects du tmoignage biblique. Dans lAncien Testament, dj le
sheol, selon R. Charles (Eschatology), est un lieu de punition ternelle et dfinitive, qui est devenu lenfer du
Nouveau Testament. Trois aspects du tmoignage biblique sont utiliss dans cette construction:
a) ternelle (aionios) est appliqu par la Bible la punition des pcheurs. Le mme mot dcrit le
sort des perdus et la bndiction des sauvs (Mt 25.41 et 46; 18.8; Jude 7; Ap 14.11; 19.3; 20.10). Il est
difficile daffirmer que ce mot sapplique la qualit et non la dure de la souffrance ou de la bndiction.
Le mot est employ pour indiquer la vie ternelle de Dieu et lternit du salut (Jn 10.28s). Rien ne permet
de supposer une limitation.
b) Le Nouveau Testament emploie des expressions quivalentes pour soutenir cette ide: le feu qui
ne steint pas; le ver qui ne meurt pas; les tnbres profondes, etc. (Mt 3.12, 8.12; Mc 9.43-48). La
porte est ferme sur ceux qui nont pas connu Christ (Mt 25.10 et 12). Il en est de mme dans les ptres (cf.
H 2.3, 6.6 et 8, 10.27 et 31, 12.25 et 29). Le blasphme contre lEsprit ne sera pardonn ni dans ce monde ni
dans le monde venir (Mt 12 : 32). Entre Lazare et lhomme riche, il y a un gouffre infranchissable. Plus
tonnant est le fait que ce soit dans la bouche de Jsus mme que la position classique puise ses arguments.
De telles affirmations sont trop prcises pour tre de simples avertissements. Et sil y a avertissement, cest
que derrire lui se dessine une possibilit terrible. Si Christ avait voulu enseigner la perdition ternelle,
interroge la position classique, aurait-il pu le faire de faon plus explicite ?
c) Le jugement dernier prsente deux aspects dans le Nouveau Testament:
il tient compte de ce qui a t fait pendant cette vie (2 Co 5.10).
il est dcisif (Ap 12.11s). Aucune indication dans la Bible ne permet de penser quil sera renvers. Ce

silence soulve une difficult pour luniversaliste.


Le point de vue classique doit chercher, pour sa part, rsoudre les problmes suivants :
i) Thologique: Peut-on parler du triomphe de la croix, si des hommes sont perdus? Le fait que le
pch de certains mne la mort semble remettre en question la sagesse du plan de Dieu. Si les hommes sont
perdus, Dieu est-il dfinitivement vainqueur du pch et, sil leur applique une peine ternelle pour un pch
temporel, est-il juste? Cest ce genre de considration qui est lorigine de luniversalisme hypothtique de
Barth.
ii) Psychologique: Les reprsentations traditionnelles, accentuant la nature corporelle de la punition,
ont nui ce point de vue. Les textes bibliques parlent de souffrance spirituelle sous forme dimages; une
interprtation trop littrale de ces images est alinante (cf. les reprsentations de lart du Moyen Age).
iii) Sentimental: Cest l le plus grand obstacle. Un Dieu dont lamour est infini ne devrait-il pas
sauver tout le monde? Il serait goste dadmettre quil y a des perdus, mme un seul.
2. Lhypothse de lannihilation
Plusieurs passages bibliques suggrent que, lors du jugement, le chtiment de certains sera la cessation
dexistence (Ps 37.20 et 38; 2 Tm 1.7-9; H 10.26-28; Ap 20.14, 21.8). Le feu du jugement consume; aussi le
jugement excut, la conscience est-elle abolie.
Cette position a t dveloppe surtout au XIXe sicle, mme si lide a toujours exist pour
rpondre au malaise occasionn par lide dune souffrance ternelle. Cest, entre autres, la doctrine des
adventistes. Elle apaise linquitude quant la dure et maintient la totalit de la victoire divine sur le mal,
qui sera aboli. Elle semble viter le dualisme suggr par lhypothse traditionnelle o le bien et le mal
subsistent ternellement.
Sa faiblesse provient de linsuffisance de preuves bibliques La mort, dans la Bible, nest pas une
annihilation mais une sparation. Lannihilation, en tant que telle, conduit penser que la cration de
millions dmes aurait pu tre un acte sans importance, anodin, de Dieu. Mme si lon naccepte pas la
notion grecque de limmortalit de lme, il y a quelque chose, dans lannihilation, qui ne semble gure plus
acceptable, sur le plan psychologique, que le chtiment ternel.
De plus, le chtiment de Christ mort pour les pchs des lus na pas t lannihilation: pourquoi
donc les hommes souffriraient-ils un tel sort cause de leurs pchs?
3. Lhypothse de la punition rtributive limite
Il y aurait une deuxime chance aprs la mort. Certains croyants entrent dans la communion avec Dieu
aprs le jugement, les autres ne le font que progressivement, selon lapurement de leur dette et leurs progrs
dans la saintet. Ceux qui persistent dans lincroyance seront perdus dfinitivement.
On allgue Matthieu 5.25-26, Luc 12.46-48 et la prdication de Christ aux esprits en prison (1 P 3.1920). A propos de celle-ci, il sagit trs probablement dune fausse interprtation de ce denier passage, qui se
rfre non une descente aux enfers, mais lascension de Christ.
Cette position ressemble la conception catholique romaine du purgatoire. Sa faiblesse est quelle
applique Dieu une notion humaine de la rtribution. Pourtant la notion biblique de probation se rfre
toujours lexistence terrestre. LEcriture ne semble jamais parler de conversion ou de rducation dans
lau-del. De plus, une telle position permettrait un salut par les uvres en dehors du Christ, contredisant
ainsi le thme principal de la Bible.
4. Luniversalisme
Il inclut deux classes de thologiens. Certains pensent que Christ est mort pour tous les hommes qui
sont donc dispenss de la punition. Le jugement sera une dclaration selon laquelle tous bnficient du salut.
Dautres pensent (comme au 3) quil y a aura une priode de correction ducative, aprs laquelle tous les
hommes sinclineront devant lamour de Dieu.
Plusieurs passages bibliques semblent aller dans ce sens. Jean 3.17 parle de lintention de Christ: il est
envoy comme sauveur du monde (1 Jn 4.14). Colossiens 1.20 et Ephsiens 1.10 paraissent indiquer une
rconciliation de toutes choses en Christ. Romains 5.18 traite du don gratuit fait en Christ tous les hommes
comme de la mort qui atteint tous en Adam. 1 Timothe 2.4-6 fait tat de la volont de Dieu qui vise le salut
de tous les hommes. Finalement, Christ est la propitiation des pchs du monde (1 Jean 2.2).
Deux ides fondamentales caractrisent luniversalisme: premirement, lamour de Dieu est infini et,
pour cette raison, finit par annuler toute opposition; lamour est lattribut principal de Dieu et a le pas sur sa
justice. Deuximement, lhomme est essentiellement bon et change de voie devant la persistance de lamour
divin.
Tenants de la premire ide: Origne et, plus rcemment, Schleiermacher et le libralisme. Dautres
ne prnent pas un universalisme dogmatique mais ladoptent comme un espoir. Parmi les plus tenaces
dfendre un universalisme strict se trouvent J. Hick et J.A.T. Robinson, qui misent tout sur lamour de Dieu

et excluent de facto la perdition. Barth soriente dans 1e sens dune apocatastase, mais naffirme jamais le
salut universel. Brunner critique Barth pour son universalisme latent et dit que cette position mine la doctrine
chrtienne.
Dans sa critique de la position de Robinson, T.F. Torrance affirme avec insistance que
luniversalisme nest pas fond bibliquement mais quil dcoule logiquement de lamour de Dieu et de ses
implications. Dire ce que Dieu doit faire dans son amour, dtruit lamour en tant que tel. et remplace la grce
de Dieu par notre notion de la libert et de la justice divines.
La deuxime ide soulve un problme non moins grave: devant lamour de Dieu, le pcheur doit
cder. Hick est trs conscient de la difficult: pour sauver tous les hommes, Dieu devrait galement sauver
ceux qui ne veulent pas tre sauvs. Aussi envisage-t-il un Dieu thrapeute dont lanalyse conduit lhomme
la maturit. La libert de lhomme est ainsi mine et l o la responsabilit nest pas totale, il est difficile de
parler de lamour.
Finalement, Torrance allgue une autre raison contre luniversalisme. Il est trop rationnel et, pour
cette raison, ne peut pas admettre que le caractre du pch est, surtout, son irrationalit. La raison ne peut
pas sonder la vraie nature du pch, qui se trouve toujours dans Eli, Eli Lama sabachthani.
5. Lappui exgtique de luniversalisme
Avant le XXe sicle, la notion de chtiment ternel tait attnue par laffirmation exgtique que la
punition du Nouveau Testament ntait pas dfinitive. aionios indique une priode limite pour la rtribution.
Actuellement, peu dexgtes nient que le Nouveau Testament enseigne une division dfinitive des hommes.
Pourtant cette position est relativise par la mise en parallle de ces passages avec les textes qui semblent
proposer une esprance universaliste. Parfois, on dit que ces deux sortes de textes ont des intentions
diffrentes. Luniversalisme est prdominant, car il reprsente la porte thologique du message; les
avertissements ne sont quexistentiels. Certains universalistes amplifient cette distinction en disant que
luniversalisme du Nouveau Testament reprsente lesprit chrtien alors que les passages qui parlent du
jugement sont dorigine juive.
Il faut donc, examiner les textes universalistes:
a) 1 Timothe 2.1-6. Comment comprendre le mot tous dans ce passage et dans les autres o il
parat? Dans ce passage, panton anthropon est rpt aux versets 4 et 6. Le mot pas dans le Nouveau
Testament se rfre non seulement tout individu collectivement, mais peut recouvrir la notion de
catgories. Il peut tre traduit toutes sortes de. Ainsi pas ho laos en Jean 8.2 ne veut pas dire chaque
individu. Dans ce texte, il nest donc pas illgitime comprendre que Dieu veut sauver des hommes de toutes
sortes de condition. thelo a un sens fort et indique non pas un dsir mais lintention ferme. Cette
interprtation semble tre soutenue par le fait que nous sommes exhorts, dans le contexte, prier pour des
hommes de classes diffrentes.
b) De mme, en Romains 5.18, le fait que tout homme est justifi en Christ nindique pas ncessairement le
salut universel. Cette interprtation serait donc tous ceux qui seraient perdus en Adam seront sauvs en
Christ. Romains 11.32 pourrait tre lu dans ce sens. A ct de cette exgse universaliste, il y a celle qui
consiste comprendre le tous de faon organique. Le sens serait donc que tous les hommes compris en
Adam sont perdus et que tous ceux qui sont rcapituls avec Christ sont sauvs. Christ est le chef dune
nouvelle humanit qui constitue un corps organique avec lui. Tous dans cette humanit-l seront justifis.
Do ce schma:
Adam
tous
Christ
tous
Il est important de lire ce passage selon lanalogie de la foi; le tous est qualifi par lobissance de
la foi. Paul prcise cette pense dans le contexte mme. La justification qui est le contenu de cette
dclaration est obtenue par la foi (v.17). Dans le Nouveau Testament, la justification est toujours imputable
la foi, qui est, en mme temps, don de Dieu et dcision pour Christ. Un peu plus loin, Paul dit que
beaucoup seront justifis. Il envisage une nouvelle humanit organique justifie par la foi, unie Christ.
Le pcheur qui na pas la foi est toujours identifi Adam. Cette interprtation est celle de Bultmann qui
insiste sur le fait que la justification de limpie est lie sa dcision de foi, et qui, pour cette raison, nie le
caractre universliste de ce texte.
c) En Tite 2.11, Paul dclare que la grce de Dieu source de salut pour tous les hommes a t
manifeste. Dans le contexte, rfrence est probablement faite aux classes sociales mentionnes dans la

premire partie du chapitre. La grce de Dieu touche tous les hommes indpendamment de leur classe, y
compris les esclaves qui navaient pas de statut social lpoque du Nouveau Testament (1 Tm 6.10).
d) Un autre passage, sujet de contestation, est 2 Pierre 3. Le verset 9 dit que Dieu ne veut pas la
perdition (boulomaa indique, la diffrence de thelo, le dsir de Dieu, et non sa volont secrte). Ce
passage a pour arrire-plan Ezchiel 18.23-32. Ainsi la dispense de jugement sexplique par loccasion
donne lhomme de se repentir. Dieu retarde le jugement non parce quil espre ce qui ne peut tre, mais
parce quil est rticent lide de raliser ce qui doit ltre.
e) Dieu est soter de tout homme en 1 Timothe 4.10. Trois fois, dans les ptres pastorales, le mot
sozo est utilis dans le sens dune prservation non sotriologique (2 Tm 4.18; 1 Tm 2.15, 4.6; cf. Mc 8.35,
15.30). Le salut comme prservation de la vie est un thme courant dans lAncien Testament,
particulirement dans les Psaumes.
f) 1 Jean 2.1-2 peut tre interprt de trois faons:
comme une dclaration universaliste.
la position augustinienne: Christ se sacrifie de faon adquate pour couvrir les pchs de tous les
hommes, mais sa mort est efficace par grce pour les lus; Christ est mort pour tous les hommes, mais pas de
manire gale pour tous. Il meurt de faon efficace pour les pchs de son peuple, mais non pour tous, bien
que sa mort soit un appel pour eux aussi (Mt 1.21; Jn 10.15; Ep 5.25).
une interprtation probable est que Jean crit pour les juifs convertis. Il sagit de leur faire comprendre
que Christ est mort non seulement pour eux mais aussi pour les paens (Jn l1.52).
Enfin, les grands appuis des universalistes sont Colossiens 1.20 et Ephsiens 1.10. Ces textes sont loin
daffirmer le salut de tous les hommes mme sils parlent de la rconciliation de toutes choses.
Lquivalence entre rconciliation et salut nest pas dmontre. Cette interprtation oublie que lon peut
flchir le genou devant Christ comme juge et tre soumis sa souverainet dans le jugement sans pour autant
tre sauv.
Les passages universalistes le sont uniquement en apparence. Lide dE.A. Blum est correcte
quand il commente: Le soutien principal de luniversalisme nest pas lexgse biblique, mais une ide
humaniste de lamour. Si nous sommes universalistes, cest que lhumanisme a pris le pas, dans notre
interprtation, sur le message biblique.
Il ne faut pas oublier que chaque texte se lit dans le contexte de lEcriture entire et quaucun texte
isol ne peut fonder une doctrine de foi. La foi est toujours faite de contradictions apparentes prenant en
compte tous les textes de la Bible.
6. Election et universalisme
Ceci conduit reconsidrer le paramtre de lamour divin.
Un problme dinterprtation parat si on aborde lEcriture avec une ide non-biblique
(logique/numrique) de ce que tous veut dire, et en lappliquant chaque cas.
Dans certains des passages considrs, lintention de laptre nest ni daffirmer, ni de nier un
universalisme de lamour divin pour des individus. Il est douteux quune telle question ait t prsente dans
lesprit dun juif du Ier sicle. Dans la plupart des cas examins, les crivains disent que Dieu manifeste son
amour pour les hommes indpendamment de leurs caractres subjectifs. Il nest pas dans lintention des
crivains de dire si cette offre est efficace pour le salut. Dans dautres passages, tels que Romains 5, le
tous nest pas incompatible avec llection, mais il se dfinit par rfrence la solidarit corporative, le en
Christo qui ralise llection. Llection divine se ralise dans tous ceux qui sont en Christ.
Nous pouvons donc examiner un double problme hermneutique.
a) Le rapport entre universalisme et lection
Paul , considr comme le plus universaliste des aptres (il est laptre des gentils!) peut galement
dire en 2 Thessaloniciens 1.7s quil y aura une sparation la fin des temps. On ne peut plaider que par
ignorance quil y aura une ducation orignique aprs la mort, car le Nouveau Testament nen souffle pas
mot. Mais, il faut tre clair, si on adopte la thse de luniversalisme, la doctrine biblique de llection (si bien
atteste) devient un non-sens. Il en est de mme pour llection de Christ comme agneau immol avant la
fondation du monde dans le pacte de la rdemption. Si tous doivent tre sauvs, pourquoi Christ est-il venu
mourir pour des hommes qui, dans lhistoire, le refusent? Lincarnation est, aprs tout, un vnement
historique qui vise le rachat. La notion biblique dlection devient incomprhensible: est-il possible de dire
que Dieu choisit quelques uns, mais sauve tout le monde?
Si, par contre, on commence la dmarche hermneutique partir de la notion dlection, on limine
luniversalisme illimit et individualiste, car lEcriture naffirme jamais que Dieu a lu tous les hommes. Au
contraire, la notion biblique implique le choix, mme si on ne doit pas utiliser le mot slection, comme

le fait Lacueva dans Luvre de la grce.


Dans cette discussion, il convient de commencer par laspect le mieux attest dans le corpus
biblique, savoir, personne ne le niera, la doctrine de llection. La notion de luniversalit est comprise
partir delle. Si on commence avec luniversalisme pour dfinir notre lide de llection, on introduit une
contradiction dans le corpus biblique et aussi dans lenseignement de Jsus et de Paul. Et dans ce cas,
luniversalisme enseign par lEcriture nest pas digne de confiance: il nest quune ide contredite par
dautres. Le tissu biblique a clat.
b) Luniversalit de lamour de Dieu
LEcriture parle de lamour divin de faon trs nuance. Cest une notion qui a une multitude de facettes
et de degrs. Ces aspects sont prsents dans lAncien Testament, mais aussi dans lenseignement de Jsus et
de Paul.
La philanthropia divine stend aux justes et aux injustes selon la grce commune de Dieu.
Lamour de lennemi a pour modle lamour de Dieu (Mt 5.43ss).
Le salut que rvle lamour divin a une application organique et cosmique dans le Nouveau
Testament. La vie de Christ est donne pour le salut du monde: pour une humanit et un cosmos recrs. Le
but divin est le palingenesia, mais cette humanit restaure ne comprend pas ncessairement tous les
individus. En Ephsiens et Colossiens, cet amour comprend la rconciliation de toutes choses. Llection a
pour but la prsence, dans cette rcapitulation, des enfants de Dieu. LEglise est la plnitude dont Christ est
le chef (Ep 1.22-23).
Un troisime niveau est la manifestation de lamour de Dieu au travers des bienfaits gnraux de la croix,
pour tous les hommes. LEvangile restreint le mal; cest le temps de la patience divine. Dieu dclare sa
compassion pour le pcheur, il dsire rellement son bien sans rendre efficace ce dsir dans tous les cas (voir
Lc 19.41ss). Dieu a de la compassion pour les hommes quil ne sauve pas. Sa volont nest pas guide par sa
seule compassion, mais aussi par sa sagesse. Celle-ci est souveraine et dtermine la raison profonde pour
laquelle Dieu ne sauve pas tous ceux dont il peut avoir compassion.
Lamour paternel de Dieu envers ses enfants est spcifique et sotriologique. Christ donne sa vie pour ses
brebis (Jn 10); ceux qui ne sont pas de Christ ne lcoutent pas (v.26ss). Christ prie particulirement pour
ceux que le Pre lui a donns. Dans les synoptiques, Jsus parle toujours du Pre avec votre, leur, mon
mais jamais du Pre, sauf dans un sens strictement trinitaire. Paul dit que le Seigneur connat les siens;
les enfants spirituels commencent leur vie nouvelle par la justification qui est un acte dadoption. Lamourcompassion de Dieu se matrialise pour les saints. Cet amour est enracin dans la vie ternelle de Dieu.
Ces aspects de lamour divin sont complmentaires, et il nest pas faux de les sparer les uns des autres de
faon logique et artificielle. Les formes infrieures de la compassion divine mnent lhomme contempler
la richesse de son amour lectif. Pourtant, il ne faudrait pas les confondre et penser que lamour divin doit
tre lamour qui sauve.
Enfin, lamour de Dieu et sa colre contre le pch ne sexcluent pas lun de lautre. Lamour permet la
punition et, dune faon mystrieuse et intense, exige la punition. Dieu est un Dieu jaloux. Le pcheur, de
son vivant, connat lamour et le dplaisir de Dieu dans les expriences de son existence, parfois de faon
simultane. En sera-t-il autrement dans lternit? Dieu jugera avec amour, mais de faon juste.
Cette conception nous permet de percevoir le vrai universalisme biblique. Il y a un seul Dieu qui ne se
contredit pas, un Evangile et un salut par un mdiateur. En Christ, lamour et la justice divines sallient pour
notre rconciliation. Ce salut est pour tous les hommes, car Dieu est luniversel ultime.
Mettre llection et luniversalisme du salut cte cte implique quil y ait, ultimement, plus dun salut, plus
dun sauveur et, peut-tre, plus dun Dieu!

XII. LA CREATION
1. La structure linguistique de Gense 1
Le chiffre 7 est celui de la perfection. En Gense 1, les 7 jours reprsentent une dure parfaite de
temps au cours de laquelle laction des 6 jours atteint son terme le 7me jour. Udo Cassuto, dans son
commentaire, remarque limportance de ce fait en Gense 1:
- aprs Gense 1.1, la section se divise en 7 paragraphes signals par les mots: Il y eut un soir, il y eut
un matin;
- Gense 1.1 contient 7 mots.
- chaque mot clef de ce verset parat dans la section dans un multiple de 7 (Dieu / 35; cieux et terre /
21).
- dans le septime paragraphe, il y a trois phrases; chacune a sept mots (2.2 3a) et est construite
autour des mots septime jour. Le paragraphe comporte 35 mots. Il ne sagit pas dune concidence, mais
dun effort pour illustrer, de faon numrique, la perfection cre.
2. La relation entre Gense 1.1 et 1.2-3
Cette question littraire a un enjeu thologique trs grand. En effet, linterprtation du rapport
existant entre ces versets est dcisive pour la comprhension de la nature de la cration divine: cration ex
nihilo ou cration partir de matire sans forme. Ici, comme ailleurs, lexgse norme nos concepts
thologiques.
a) Les traductions possibles
Au commencement Dieu cra le ciel et la terre... (Segond);
Lorsque Dieu commena la cration du ciel et de la terre, la terre tait dserte et vide et les tnbres
la surface de labme; le souffle de Dieu planait la surface des eaux, et Dieu dit (TOB, Ibn Ezra);
Quand Dieu commena la cration du ciel et de la terre et la terre tait dserte et vide (Rashi).
Quest-ce qui diffrencie ces trois traductions?
Dans la premire, le premier verset constitue une phrase indpendante.
Dans la deuxime, il y a une phrase introductive, la phrase principale existe au v. 2.
Dans la troisime, il y a une phrase introductive, la phrase principale existe au v. 3 (le v. 2 est une
parenthse.
Les traductions 2 et 3 interprtent le mot tyvarb comme un tat construit. Ceci est grammaticalement
possible, car cet tat peut tre suivi par un verbe fini. Mais sagit-il dun construit ou de ltat absolu qui
valoriserait la version 1? Dans lAncien Testament, dans la plupart des cas, tyvarb est, en effet, ltat
construit. Dans ce cas, le mot indique la premire partie ou la meilleure partie de quelque chose (Dt 26.2; Gn
10.10). Dans certains cas, le mot est labsolu (Es 46.10; N 12.44). Il est donc difficile daboutir une
conclusion partir des usages. Plusieurs considrations indiquent que labsolu est linterprtation probable :
i) Dans les textes massortes, le mot est accentu dun tiphca disjonctif. Le mot a une certaine
indpendance dans la lecture, ce qui indique un tat absolu.
ii) Dans les versions anciennes (targums), le mot est interprt sans exception comme un absolu.
Voir aussi la Vulgate, la version samaritaine et la peshitto syriaque.
iii) Ni le mot ni le contexte nimposent la ncessit de ltat construit. Au contraire en Gense 1.1,
labsolu semble plus normal cause du contexte. Il y a une allitration entre tyvarb et awb. Le sens de ces
deux mots est li et ce verbe au qal a toujours Dieu pour sujet et jamais lhomme. Le mot est employ avec
laccusatif du produit, mais le matriel utilis nest jamais mentionn avec le mot. Ainsi, la Gense dit que
Dieu a cr lhomme et la femme, mais elle ne dit pas que Dieu a cr lhomme de la poussire: en Gense
2.7, le mot r y est utilis, non arb. Le mot barah est donc plus troit que notre crer.
Lallitration de Gense 1.1 indique que cration absolue quivaut commencement absolu. Ce
contexte allitratif est un argument fort pour la cause de ltat absolu.
iv) Ces considrations sont soutenues par lexgse du v. 2. Sa construction indique quil commence
traiter un nouveau sujet. Le premier verset est donc lEn-tte qui introduit toute la section. Cette position
est dfendue par Cassutto et Von Rad dans leurs commentaires et par E.J. Young dans son livre Studies in
Genesis 1. Le premier verset, pour ces commentateurs, est une phrase indpendante. Von Rad dit que cest
une expression rsume de tout ce qui suit, indiqu par les deux premiers mots:
que la cration est sans effort de la part de Dieu.
quelle est ex nihilo. arb exclut toute mention de matire. Ces expressions cachent, sous leur
simplicit, lintensit de lide que Dieu est Matre de lunivers, car Crateur. Toute mythologie, toute
cosmogonie est bannie. Dieu nest ni Combattant, ni Engendrant dans la cration. Von Rad dit que Gense
1.1 nest pas symbolique. Lcrivain veut que ces expressions soient comprises comme vraies et exactes. La

construction de Gense 1.2 isole les 7 mots du v. 1 (voir 7 paragraphes et les 7 jours! !). Lordre des mots de
Gense 1.2 montre quun nouveau sujet commence tre trait. Ici le sujet haaretz prcde le prdicat tohu
wabohu, et accentue lintroduction dun renseignement nouveau sur la question. Gense l.2 nest donc pas
une continuation de Gense 1.1 mais commence un nouveau sujet.
La structure du v.2 aide voir la relation avec le v.1. Ici, on a trois phrases circonstancielles (sans
verbe fini) :
la terre informe et vide
et les tnbres sur la surface de labme
et lEsprit de Dieu se mouvant au-dessus des eaux.
Ces phrases indiquent une condition existant un moment particulier, et non une progression
narrative. Le temps de ces conditions doit tre tabli par rfrence au verbe fini. Il y a deux possibilits ici:
barah est le verbe fini. Les conditions du v.2 sont comprises par rapport au v.1. Ainsi, au moment
o Dieu a cr, ces conditions existaient; donc, ngation de la cration ex nihilo. Cette possibilit est exclue
par le rapport entre les deux premiers mots du v.1 et le fait que ce verbe nenvisage jamais le matriel.
wayomer du v.3. Lide serait que ces conditions existait au moment o Dieu a fait surgir la
lumire. Cette deuxime possibilit nous aide approfondir le sens du rapport entre Gense 1.1 et 1.3 2.3.
Le premier verset est une dclaration du fait de la cration du ciel et de la terre, cest--dire de toutes
choses. Lunivers est le rsultat dune cration de Dieu, qui est absolue. Gense 1.1 est une narration
complte en elle-mme. Le verbe est au parfait et il envisage la totalit de luvre de Dieu.
Les v.2ss constituent une narration complte en eux-mmes. Dans cette deuxime narration, le
premier verbe est wayomer. Il nest pas prcd par un verbe au parfait et il indique la premire condition de
la terre quand Dieu a commenc former le monde habitable.
Rsum
Nous avons, dans ces deux narrations, une affirmation de la cration absolue. Dieu cre de rien, avec
rien. Le premier acte est celui de crer une terre informe et vide; cet acte est suivi dautres qui font surgir
lordre voulu par Dieu.
3. Les sens du verset 2
En quoi consiste le chaos qui caractrise lacte original de la cration divine? Ce chaos, dans la
pense de Gense 1.1, semble bien diffrent du chaos extra-biblique qui reprsente linfini sans norme, une
matire primordiale confuse. Le tohu wabohu biblique est-il un chaos dans ce sens? Dans le contexte de
Gense 1.2-2.3, cette expression sert faire ressortir le contraste entre la dsolation primitive et le monde
habitable du 7me jour. Le sens de tohu peut tre illustr par Esae 45.18, o tohu est contrast avec
habitable (shabar). bohu a sans doute essentiellement le mme sens (Jr 4.23; Es 34.11). Le chaos tait dsert,
vide et donc inhabitable. Cela ne correspond pas obligatoirement au sens de confusion ou de masse sans
forme. Cela semble plutt dcrire le monde comme eschatologiquement incomplet. A noter les contrastes
entre haaretz/tohu; lumires/hoshek et abme/ruah YHWH. La troisime phrase renforce cette reprsentation.
Mme dans sa condition inhabitable, le monde est soumis laction de lEsprit de Dieu. Cassuto maintient
que le monde non perfectionn est plac sous la protection paternelle de Dieu. Il ne sagit pas dun simple
vent, mais de lEsprit. Si Mose avait voulu indiquer un vent, il aurait pu utiliser lexpression ruah gadolah.
Plutt que dun vent pour sparer les eaux et la terre, il sagit de la prsence de Dieu qui infuse la vie (Jb
33.4). Le piel du verbe ne dcrit pas un vent qui souffle, mais qui simpose.
Rsum du v. 2: ce verset nest pas une continuation de Gense 1.1. Il reprsente un nouveau
commencement. Pourtant il existe un lien avec le v.1. Ainsi, comme dans le premier verset, il est question de
la terre. Le waw reprend la pense du premier verset et illustre une certaine continuit, mais aussi une
certaine exclusion. Si en 1.1, lattention est centre sur la totalit cre cieux et terre, en Gense 1.1, la
terre seule est envisage. Cest cette terre qui se dveloppe sous luvre divine et qui reste centrale dans
lEcriture. La terre cre est le monde que Dieu aime. LEcriture est thocentrique: cest l qua lieu le
contact de lEternel avec la crature.
En mme temps, le haeretz du v.2 est bien diffrent de celui de 1.1. Il est incomplet, imparfait mais il
est dj une forme lmentaire de cration. Comme le dit Delitzsch, il dcrit le monde immdiatement aprs
la cration. Le miracle de la cration, selon Von Rad, commence de faon ngative, informe. Lopposition ici
nest pas entre nant-cration mais entre chaos-cosmos. Pourquoi ce dveloppement: chaos-cosmos? La
seule rponse semble rsider dans le fait que lauteur insiste sur cette mthode de prparation de la terre
habitable pour mettre en relief la grandeur de luvre de Dieu.

4. Cration ex nihilo?
La structure de Gense 1 est fondamentale pour la doctrine biblique de la cration ex nihilo. Elle
nest pas priphrique, comme semble linfrer Pierre Gisel dans son livre sur la cration, mais capitale.
Rsister la notion de cration ex nihilo de Gense 1, cest aussi enjamber le tmoignage biblique en entier.
Jean 1 est en parallle avec Gense 1. Laptre reprend cette ide dans le contexte de lhypostase du Logos:
en arche. On peut paraphraser avant le dbut. En Hbreu 11.3 aussi, lide de cration ex nihilo ressort de
faon claire: la foi est lassurance de lesprance, la conviction des choses non visibles que nous croyons par
lEvangile. Mme lunivers visible nest pas form de choses visibles. Par la foi, nous savons que les ges
ont t forms par la puissance divine. Aiones indique lunivers dans le temps et lespace; le rhema divin
appelle lexistence ce qui nexiste pas. Lauteur des Hbreux pense, sans doute, Gense 1 mais aussi au
Psaume 33.6 et 9. Ainsi, to blepomenon vient de to me ek phainomenon. Comment le savons-nous? Par la
foi. Il y a ici un refus polmique de spculer sur lternit de la matire. La foi sappuie sur la rvlation
divine et sait que cette spculation est inutile. Selon la rvlation, lunivers nest pas form ek phainomenon
mais cr (ktizo) par la puissance divine. Il ne fait aucun doute que lauteur des Hbreux se rfre au rcit de
la Gense, car les 7 exemples des hros de la foi du ch. 11 sont puiss dans la Gense. Ce verset est un
commentaire sur le rcit de la cration de Gense 1 et il prolonge dans le Nouveau Testament lide de
cration ex nihilo.
5. La cration de lhomme et de la femme
a) Le caractre particulier de lhomme: trois ides sont soulignes en Gense 1 et 2:
la cration a un dbut; le monde nest pas ternel, lternit appartient Dieu seul.
lide de progression. La cration est un processus qui trouve sa culmination dans lhomme. En
Gense 1, la cration est dcrite du point de vue de lactivit divine; Gense 2 prsente le mme processus
dun point de vue diffrent. Lhomme est la conclusion du processus et en Gense 2, cet homme, pour qui la
cration existe, devient le centre de lhistoire. (Gn 2.4: eleh toledot)
7 Le sabbat
3 vgtation
6 homme/animaux
Domaine

Grant/souverain
2 firmament
5 cratures

1 nuit/jour
4 soleil/lune
Gense 1.26-30: couronnement dAdam comme roi de la cration, ayant domination sur la cration
comme le reprsentant de Dieu.
En Gense 1, les actes de Dieu crent lenvironnement de lhomme. Tout est fait pour que les
cratures entrent dans le repos avec Dieu. Gense 2 prsente ce que fait lhomme dans son histoire-rponse
Dieu.
la progression se fait au moyen de commandements de Dieu, son intervention directe (Gn 1.3, 6, 9, 11,
14, 20, 24, 26, 29). Laccomplissement de la cration a une structure prceptive: la parole divine, Dieu
dit/le fait, que soit/ laccomplissement/le jugement, cest bon/la conclusion, soir/matin. La parole de
Dieu effectue la volont divine et lEsprit agit sous la direction de cette parole (Ps 33.6 et 9).
b) Lorigine de lhomme. Trois ides sont prsentes dans la Gense:
avec la cration de lhomme, Dieu sengage personnellement. Son action va plus loin quun simple
commandement. La pense, la sagesse, lintrt et le conseil de Dieu sexpriment particulirement dans la
cration de lhomme. Lattention unique de Dieu montre que ce quil accomplit est remarquable: lhomme,
dans son mystre, se distingue des animaux. La transcendance est inscrite dans son tre. La nature de
lhomme se distingue des autres cratures (cf. Gn 1.25-26: espce/similitude). Dieu engage sa personnalit
dans le cas de lhomme, parce que, seul, lhomme est son image. Lhomme est le miroir de la grandeur de
Dieu (cf. conseil-bndiction; Gn 1.28).
limage de Dieu indique que lhomme est le roi-serviteur dans le cosmos (Gn 1.26). Avoir
domination est une rfrence aux hommes en gnral et inclut la femme. La communion homme-femme est
aussi une manifestation de limage de Dieu (cf. la parole divine crons et la pluralit de lhomme comme
masculin et fminin). La domination de lhomme correspond celle de Dieu. La rptition lyrique du v. 26
met laccent sur limportance de cet acte.
le caractre particulier de la formation de lhomme (Gn 2.7). Tandis quen Gense 1, il sagit dune
rfrence gnrale lhumanit, ici il sagit dun homme particulier dans un environnement restreint.
i) La formation (yatsar) de lhomme de la poussire montre que lhomme a des affinits avec les

animaux et lenvironnement physique de lunivers. Lhomme vient de la poussire et y retourne: la terre


constitue lanthroposphre dont lhomme ne peut se librer. Il est un proche parent des animaux: Dieu les
forme galement de la poussire. Comme les fonctions des animaux, celles de lhomme lorientent vers la
terre (sensation, perceptions, activits de la vie); tout ceci indique que lhomme est mortel (Ec 3.2l). Mais le
caractre corporel de lhomme ne met pas sa valeur en cause. Le corporel/matriel nest pas mauvais, cest le
domaine conu pour lhomme par Dieu dans sa grce.
ii) Le souffle de Dieu (nefesh hayah; cf. Gn 1.20, 24 et 30). Laction divine engendre la vie de
lhomme. Lhbreu marque tout simplement le fait de devenir vivant. Ce qui est particulier, cest que
lhomme vit par Dieu. Et ce qui est plus important encore, ce nest pas un hominide dj existant auquel
Dieu superimpose son souffle pour le rendre homme (lhomme nest pas un bricolage sur le thme singe).
Cest par le souffle de Dieu que lhomme sort du nant pour tre vivant. Lhypothse des antcdents
animaux pour lhomme est limine par lEcriture.
Conclusions
cest le souffle infus qui fait de lhomme une crature vivante.
ce qui fait de lhomme une crature vivante est ce qui le constitue homme.
cela dtruit la distinction traditionnelle qui oppose les deux lments, me et corps. LEcriture
parle de lme de lhomme et le distingue du corps, mais me a beaucoup de sens diffrents: vie de
lhomme entier, la vie qui anime toutes les actions de lhomme. Lhomme nest pas une combinaison de
deux sortes de vie, mais un tre vivant. Par le mme acte de Dieu, les aspects corporels et spirituels sont
troitement lis, de sorte que lhomme est une crature unie dans le sens intellectuel, volontaire et moral.
c) La conformit de lhomme avec Dieu
Il existe des affinits entre lhomme et son environnement, et il existe galement une conformit
avec le Crateur. Lhomme est unique de deux faons : il est cr limage de Dieu et il est appel exercer
sa domination sur la cration. Cette particularit sexprime de plusieurs manires:
Dieu tablit une communion avec lhomme qui na pas dgal dans le rgne animal. Il ny a pas
trouv daide pour lui; cest pourquoi Dieu cre la femme (ish/ishah). La femme nest ni infrieure ni
suprieure lhomme; elle est sa semblable. Elle est cre de la chair mme de lhomme, mais elle constitue
un vis--vis diffrent. Notez quAdam donne des noms descriptifs aux animaux (v. 19), mais la femme est
reconnue comme quelquun qui lui correspond entirement (v. 23: enfin). Dieu lui-mme comme le Pre
de lpouse mne la femme lhomme (Von Rad). Le mystre de lhomme sexplique par rapport Dieu.
Ce sens ne peut tre dfini par rapport un aspect temporel.
lhomme a un halo de saintet qui entoure sa vie, en contraste avec dautres cratures animes. Un
exemple se trouve dans le rcit de ce que Can a fait son frre. La mort dun animal se trouve implique
dans lacceptation du sacrifice dAbel. Mais le meurtre dAbel a t jug par Dieu: la vie de lhomme est
protge par la sanction donne par Dieu (Gn 9.5-6).
quand on parle de la conformit de lhomme avec Dieu, il semble impossible dtablir un accord entre
la prsentation de la Bible et le dogme de lvolution transformiste. Le souffle de Dieu souligne que
lhomme tient directement sa vie de lanimation divine. Le premier principe de lvolutionnisme appliqu
lhomme est que lhomme a volu partir dune forme de vie non-humaine. Gense 2.7 indique le
contraire. Tandis que pour lvolutionniste, le processus va de limperfection la perfection par la slection,
le concept biblique de lhomme va de la perfection limperfection morale par la dgradation du pch. La
conversion est une ranimation dun tre qui est moralement mort. Dans la Bible en gnral, lhomme, dans
son histoire, nest pas un peu plus haut que les animaux, mais un peu infrieur Dieu. Au dbut de la Bible,
lhomme ne doit pas son existence aux puissances qui rsident en son propre tre en dveloppement, mais
lintervention directe de Dieu. Cette intervention est typique dune autre, celle de lincarnation. Cest pour
cette raison que certains thologiens appellent la cration de lhomme une premire incarnation.

B. La doctrine de lhomme

Introduction
1.La situation de la socit daujourdhui montre que nous sommes en train de vivre une crise
spirituelle. La culture dOccident souffre dune perte de direction.
a) Lrosion des fondements chrtiens de la culture occidentale.
b) Le strip-tease de lhumanisme optimiste. Les dogmes de lhumanisme sont remis en question: la
croyance en la raison; le progrs; la science comme clef du progrs dcration de lunivers; la croyance
en la suffisance des forces de lhomme pour atteindre ses buts.
c) La faillite des alternatives: le mouvement de la contre-culture na pas dbouch sur une solution
(Tho. Rezsack)
Conclusion. Aprs une poque o lintrt de lhomme a t absorb par la recherche dune
connaissance du monde extrieur, lhomme est de plus en plus conscient de son problme fondamental:
Quest-ce que je suis? Qui suis-je?
2. Ainsi, les problmes de la socit nous obligent revenir lhomme. Il nest pas suffisant
dimputer la socit technologique, impersonnelle, la crise de la personne humaine. Sil y a une perte de
personnalit dans une socit dpersonnalise, on ne peut pas expliquer ainsi pour autant lnigme de
lhomme. Si la socit est dpersonnalise, cest que lhomme moderne est devenu insensible aux valeurs
spirituelles qui lont inspir dans le pass. Ainsi, lhomme a perdu la foi non seulement en Dieu, mais aussi
en lhumanit. (E. Morin) les idaux dmocratiques maintenus en face du communisme sont maintenant
vides de lesprit qui les a anims certaines poques du pass; il ne reste que la structure. Le dveloppement
de la technologie qui a contribu au dveloppement des pays de lOuest dtruira sa civilisation si la
personnalit de lhomme nest pas restaure.
3. Face lchec de lidalisme, la culture occidentale montre une tendance vers le personnalisme
existentiel. Cette philosophie ne considre plus lintellect comme le centre de la nature humaine. Lhomme
est dans une situation concrte. Jet involontairement dans le monde, il doit affirmer la valeur de son
existence. Lhomme est libre de crer son avenir et dexercer sa libert en face de la mort, non seulement
dans le sens biologique mais aussi dans sens du nant. Lhomme doit lutter continuellement contre le nant

en se rendant compte que sa libert est une libert qui aboutit au nant. Lexistentialisme est donc pessimiste
dans sa porte.
Comment donc formuler un diagnostic sur la crise spirituelle de lhomme? Lhumanisme et
lexistentialisme ont ceci de commun quils ne vont pas jusquaux racines du mal. Ils sont tous les deux le
rsultat du dveloppement de lapostasie religieuse qui avait comme point de dpart lide que lhomme est
suffisant soi-mme et doit finir par la destruction de cette idole.
+++
A. La question Qui est lhomme? contient un mystre qui ne peut pas tre expliqu par lhomme
lui-mme. Les sciences humaines et naturelles, la physique, la chimie, la biologie, la psychologie,
lhistoriographie, la sociologie, le droit fournissent des renseignements sur lhomme, mais seulement sur des
aspects de lhomme. A la question quest-ce que lhomme en lui-mme?, elles noffrent pas de rponses.
Elles ne cherchent pas dire quelle est lunit centrale de son existence. Certes, tous ces aspects de la vie
temporelle sont en rapport avec lunit centrale de notre conscience, le moi (ego) qui est le centre de tous ces
aspects, mais qui nest pas dtermin par lun dentre eux. On ne peut pas (lexistentialisme a dit vrai ici)
acqurir une vritable connaissance du moi par la recherche scientifique. La science est lie lordre
temporel de lexprience et ne peut pas saisir lunit radicale et spirituelle du moi. Le moi central qui
dpasse le temporel reste un mystre.
Laspect central de notre moi nest pas dtermin par les aspects diffrents de notre existence
temporelle. Lordre temporel diversifie le moi.
a) Le premier rapport, cest celui du moi avec le moi dautrui. Ce rapport ne nous mne pas
une vraie connaissance de notre moi, car ces rapports sont aussi temporels. Lego dautrui nous offre la
mme nigme que notre ego. Mme si lon rduit le rapport entre deux ego lamour, celui-ci prsente
toutes les formes diverses du temporel.
b) Le rapport avec celui qui a cr lego de lhomme. Cette connaissance est le rsultat de la parolervlation de Dieu dans le centre religieux de lhomme (cur) par le Saint-Esprit. Le cur est la racine
spirituelle des manifestations temporelles de lhomme, le centre religieux de notre existence.
c) Le rapport avec la nature impersonnelle.
Lobjet de cette tude est dexaminer comment lhomme fonctionne dans ces dimensions. Seule, la
doctrine biblique qui dfinit lhomme dans son rapport avec Dieu cr son image, dchu et restaur
cette image est assez radicale dans son analyse de lhomme. Car elle seule peut remettre lhomme dans le
contexte de son unit spirituelle qui ne laisse rien en dehors de la direction de Dieu.

I. Origine de lhomme
1.Le caractre particulier de lhomme
a) En Gense 1 et 2, trois ides sont soulignes:
i) La cration a un dbut. Le monde a un commencement; il nest pas ternel. Lternit appartient
Dieu seul.(Mythologies)
ii) Lide de progression. La cration est un processus qui trouve sa culmination avec lhomme. En
Gense 1 , la cration est dcrite du point de vue de lactivit cratrice de Dieu; Gense 2 ne prsente pas de
contradiction avec cette description. Lhomme est la conclusion du processus de la cration et en Gense 2,
cet homme, pour qui la cration existe, devient e centre de lhistoire (cf. Gn 2.4 ; eleh toledot).
En Gense 1, les actes de Dieu crent lenvironnement de lhomme. Tout est fait pour que les
cratures entrent dans un repos de communion avec Dieu.
iii) La progression se fait au moyen des commandements de Dieu, son intervention directe : vv.
3,6,9,11,14,20,24,26,29.
La structure prceptive de laccomplissement de la cration:
(1) La parole divine Dieu dit. (2) Le fiat Que soit. (3) Laccomplissement.
Cest ici la parole de Dieu qui effectue la volont de Dieu et lesprit qui agit sous la direction de
cette parole (cf. Ps 33.6,9).
b) Le caractre particulier de lorigine de lhomme
Dieu sengage dans la cration de lhomme; son action va plus loin quun simple commandement.
La pense, la sagesse, lintrt et le conseil de Dieu sexercent dans la cration de lhomme. Lattention
unique de Dieu montre que ce quil accomplit est aussi remarquable; lhomme se distingue des cratures.
La nature de lhomme le distingue des autres cratures. Cf. 1.25/1.26, espce similitude. Dieu
sengage dans la cration de lhomme dune faon spciale. Il engage sa personnalit mme ; il cre
lhomme son image. Lhomme est le miroir de la grandeur de Dieu.
Conseil bndictions (v.28)
Limage de Dieu indique que lhomme est roi-serviteur de la cration (v.26 :qal 3 pl.
avoir
domination, mettre sous son pied) La rfrence au pluriel indique les hommes en gnral et comprend aussi
la femme. La communion homme-femme est aussi une manifestation de limage de Dieu (cf. la parole divine
crons -- homme et femme). La domination de lhomme correspond celle de Dieu. La rptition lyrique
du verset 26 met laccent sur limportance de cet acte.
Le caractre particulier de la formation de lhomme. (Gn 2.7) Tandis quau chapitre 1, il sagit
dune rfrence gnrale lhumanit ; ici, il sagit dun homme particulier dans son environnement
restreint.
La formation de lhomme de la poussire (glaise) : lhomme a des affinits avec les animaux et
lenvironnement physique de lunivers. Lhomme vient de la poussire et y retourne ; la terre constitue
lanthroposphre dont lhomme ne peut pas se librer. Lhomme est proche parent des animaux; Dieu les
forme galement de la poussire et les fonctions de lhomme, comme celles des animaux, lorient vers la
terre (sensations, perceptions, activits de la vie, amitis : animaux, hommes). Tout ceci indique quil est
mortel (cf. Ec 3.21). mais le caractre corporel de lhomme ne met pas sa valeur en cause. Le
corporel/matriel nest pas mauvais; cest le domaine conu pour lhomme par Dieu dans sa grce.
Le souffle de Dieu. Souffle dans ses narines souffle de vie tre vivant (nefesh hayah : aussi
des animaux, cf. 1. 20,24,30). Laction divine produit (suscite) la vie de lhomme. Nefesh hayah indique tout
simplement le fait de devenir vivant. Ce qui est particulier, cest que lhomme vit par Dieu. ce qui est
important encore, ce nest pas un tre dj existant que Dieu surimpose son souffle pour le rendre homme
(homme = bricolage sur le thme du singe). Cest par le souffle quil sort du nant pour tre vivant. Cest
lhomme lui-mme qui en est le rsultat (cf. 20-21). Lhypothse dantcdents animaux pour lhomme est
limine par lEcriture.

Conclusions. Cest le souffle insuffl qui fait de lhomme une crature vivante.
Ce qui fait de lhomme un tre vivante est ce qui le constitue homme
Cela dtruit la distinction traditionnelle qui oppose les deux lments, me et corps. LEcriture
parle de lme de lhomme et la distingue de son corps. Mais lme a beaucoup de sens diffrents: vie de
lhomme entier, la vie qui anime toutes les actions de lhomme. Lhomme nest pas une combinaison de
deux sortes de vies, mais un tre vivant. Par le mme acte de Dieu, les aspects corporels et spirituels sont
troitement lis, de sorte que lhomme est une crature unis dans le sens intellectuel, volontaire et moral.
c) Conformit de lhomme Dieu. Nous avons vu, dj, quil existe des affinits entre lhomme et
son environnement; il existe galement une conformit de lhomme avec son Crateur. Lhomme est unique
de deux faons : dabord, il est cr limage de Dieu et, ensuite, il est appel exercer sa domination sur la
cration. Ce caractre particulier sexprime de plusieurs manires.
i) Dieu tablit la communion avec lhomme qui ne trouve pas dgal dans le rgne animal. Il ny a
pas daide pour lui et, pour cette raison, Dieu cre la femme (ish ishah). Ici, la femme nest ni infrieure ni
suprieure lhomme, elle est sa semblable. Elle est cre de la chair mme de lhomme, mais elle constitue
un tre diffrent. Adam donne des noms descriptifs aux animaux (19), mais dans la femme, il reconnat, v.23
(enfin!), quelquun qui lui correspond entirement. Dieu lui-mme, comme le pre de lpouse, mne la
femme lhomme. (Von Rad)
DIEU
Le mystre de lhomme sexplique par rapport Dieu.
HOMME - FEMME Le sens ne peut pas tre dfini par rapport laspect temporel
========
ANIMAUX PLANTES
ii) Il y a un halo de saintet qui entoure la vie de lhomme, en contraste avec dautres cratures
animes. Un exemple se trouve dans le rcit de ce que Can a fait son frre. La mort dun animal se trouve
implique dans lacceptation du sacrifice dAbel. Mais le meurtre dAbel par Can a t jug par Dieu. La vie
de lhomme est protge par la sanction inflige par Dieu (Gn 9.5-6).
iii) Quand on parle de la conformit, il semble impossible daccorder la prsentation biblique et le
dogme de lvolution, lhomme tant laboutissement dun processus naturel. Le souffle de Dieu souligne
que lhomme tient sa vie directement de lanimation par Dieu. le premier principe de lvolutionnisme
appliqu lhomme est que lhomme est le rsultat dune volution faite partir dune forme de vie non
humaine. Gense 2.7 indique le contraire. Tandis que, pour lvolutionniste, le processus va de
limperfection la perfection par lamlioration, le concept biblique de lhomme va de la perfection
limperfection (morale) par la dgradation.
Dans la Bible en gnral, lhomme dans son histoire nest pas un peu plus haut que les animaux,
mais un peu infrieur Dieu. Au dbut de la Bible, lhomme ne doit pas son existence aux puissances qui
rsident en son propre tre qui se dveloppe, mais lintervention directe de Dieu.
Conclusion sur limage. Image de Dieu rationalit saintet
Crativit
Respect de la vie
Communion
2. Anciennet et unit de lhomme
Lhomme doit son origine lacte du Crateur. Or, la science moderne interroge les chrtiens sur la
mthode (mode?) de la cration. Quant cette mthode, deux questions se posent: quand? (anciennet) et
comment? (unit)
a) Anciennet de lhomme
Cette question na pas de signification thologique. Du point de vue thologique, il nest pas
intressant de savoir depuis combien de temps lhomme est sur terre. Cependant, la diffrence entre les rcits
bibliques et la chronologie scientifique nous oblige examiner lauthenticit de ces rcits bibliques. Il sagit
des gnalogies de Gense 5 et 11 qui posent un problme.
La Bible ne limite pas lhistoire une poque trs courte (seulement par une certaine interprtation).
Gense 5 et 11 nont pas pour but de fournir une chronologie dAdam Abraham. Il y a des dtails
chronologiques, mais ils nexistent pas pour nous donner une chronologie de cette priode. Ces sections

prsentent des tapes slectionnes. Il ny a pas de raison, malgr le verbe engendrer, de penser quil sagit
dun lien pre-fils. Pre-fils peut tre utilis pour un rapport assez loign (cf. Mt 1.1); toute la priode
Abraham Christ est couverte en deux tapes et Matthieu 1.8: YoramOzias (selon lAncien testament, Ozias
vient plusieurs gnrations aprs Yoram). Dans Matthieu, nous avons 3 groupes de 14 gnrations et dans la
Gense, il y a, dans les chapitres 5 et 11, 2 groupes de 10 gnrations. Il est possible que, dans ces deux
chapitres, la structure de la Gense (10 eleh toledot) soit reprsente en rduction.
Ces 10 noms reprsentent dix individus importants dont la vie est dcrite en deux mots. Les dtails
chronologiques ne sont pas donns pour tre lobjet dun calcul mathmatique (si on procde une
valuation mathmatique, Adam aurait vcu jusqu No et No est encore vivant lpoque
dAbram lalliance avec Abram naurait pas beaucoup de sens hommes idoltres tout de suite
aprs le dluge).
Ces dtails chronologiques sont donns pour montrer la longvit des patriarches. Cela accomplit
Gense 1.28 et 9.1 et assure galement lauthenticit de la tradition transmise par les patriarches que
lon trouve dans les rcits crits plus tard. A cette ide, on voit que les rcits gnalogiques montrent
la perptuit de lalliance de Dieu, avant No et aprs lui. Dieu prserve son peuple et prserve
galement la parole de lalliance.
La longvit des patriarches montre galement que les dgts du pch sont progressifs et la dure
de la vie humaine diminue. Le pch, qui est un tat dalination spirituelle, a des consquences
physiques et matrielles (cf. Ps 90.10). Dieu a fix la dure de lexistence humaine non pas par
avarice mais, dans sa grce, pour protger lanantissement de la vie humaine sous les effets du
pch.
La leon renferme en Gense 5 est que, malgr la dure de la vie, la mort est invitable. Cf. la
rptition puis il mourut. Lhomme peut viter la mort pendant un certain temps, ais la mort et le
jugement divin sont des ralits inluctables (Gn 3.10, cf. Rm 6.23). Dans ce tableau sombre du
pch et de la mort, mme aprs une vie longue, la bndiction dEnoch est frappante (Gn 5.23: Dieu
le prit; cf. H 11.5). La vie devient plus transitoire, mais, ce moment-l, Dieu atteste la ralit de la
rsurrection ceux qui croient. Avec Enoch, on dispose de la premire trace de la doctrine biblique
de la rsurrection.
Conclusion. Les chronologies de Gense 5 et 11 ne limitent pas lpoque AdamNo 2000 ans; cette
priode pourrait aussi bien tre de 20 000 ans. La gnalogie nests pas complte et chaque gnration
peut comporter 1000 ans ou davantage.
b) Unit de lhomme. Ce nest plus un sujet de discussion aujourdhui comme dans le pass. Cette
question a une importance thologique, car les doctrines du pch originel et de la rdemption reposent sur
lide de lunit des humains, en Abram / en Christ.
En dehors de la religion biblique, dans lhistoire des religions, on voit que le polygnisme est trs
courant. Dans les philosophies classiques grecques (sauf dans le stocisme), lunit de la race humaine nest
pas accepte. A lpoque de la Renaissance, ces ides polygnistes taient acceptes avec les recherches
scientifiques naissantes: co-adamisme, pr-adamisme (de la Peyrre XVIIe; Bayle; Schelley). Les ides
adamistes ont t la source de ltablissement de lesclavage des ngres amricains. On est loin de lide
biblique de lunit des hommes et, encore aujourdhui, une fiert raciste persiste.
La grce de Dieu peut se manifester mme chez les hommes qui rejettent Dieu lorsque les chrtiens
oublient leurs obligations envers leurs prochains. Une des bienfaits de lvolutionnisme un systme erron
est le maintien de lunit de la race humaine: diffrentes sortes (espces) dhommes font remonter leur
origine un anctre commun. Avec lvolution, la ngation de lunit a disparu.

II. La nature de lhomme


La Bible parle de lhomme de diverses manires: de son corps, de son me, de son esprit. On ne
trouve, de la part des crivains bibliques, aucune tentative danalyse de la composition de lhomme: le
rapport entre ses aspects physiques et psychiques. La Bible nanalyse pas lhomme ne lui-mme comme le
fait la psychologie moderne. Au contraire, on trouve lhomme dans son rapport avec Dieu et avec dautres
cratures. Les rapports sociaux de lhomme nexcluent pas Dieu, mais dpendent de lui pour tre vraiment
humains. Comment lhomme se situe-t-il vis--vis de Dieu? Quel est son caractre particulier?
1. La diversit de lexistence de lhomme
a) Gense 2.7 parle dun acte de cration qui a deux aspects. Ds le dbut, lhomme est constitu
dun aspect matriel, physique. Lhomme est un corps (il est moins exact de dire quil a un corps). Dieu le
cre ainsi. La Bible ne dit pas que Dieu a cr un esprit et puis la enferm dans un corps. Le corps de
lhomme nest pas un lment secondaire ou infrieur; lhomme est corporel.
i) Le corps nest pas mauvais, comme sil tait une source de pch que lhomme ne peut pas viter.
Lhomme est cr corporel et, comme toute la cration de Dieu, il est bon sa cration.
ii) Corporalit ne veut pas dire ncessairement mortalit. Dans lEcriture, la mortalit est toujours
lie au pch. Aprs la chute, la mort est la consquence du pch pour chaque pcheur ayant
dsobi Dieu (Gn 3.5, 19).
iii) Il ny a pas dantithse corps et esprit. Chez certains philosophes grecs, le corps est la prison de
lesprit et il existe une opposition entre eux. Cette ide a influenc la pense des Pres et, plus tard,
la thologie catholique, qui parle dun donum superaditum de grce qui maintient ensemble ces deux
aspects. Lasctisme montre une certaine dvaluation de laspect corporel de lhomme: quand lesprit
prend lascendant sur le corps, il se libre pour communiquer avec Dieu.
iv) Mme la mort ne dtruit pas lidentit attache au corps de lhomme. Le corps reste le corps
dune personne. Cf. lenseignement des aptres; le Christ lui-mme est enseveli (Ps 16.10). Aprs la
mort, la matire en dsintgration sidentifie toujours avec la personne. Cest une personne qui se
dcompose. Quune personne puisse tre identifie la poussire montre lanormalit de la mort. A
la fin ce ntait plus lui/elle.
b) Gense 2.7 parle galement de la vie de lhomme. Lhomme qui est corps est vivant. On emploie
le mot me pour indiquer cette vie : nefesh ou psych (Mt 6.25, 10.39, 20.28). Le mot psych est employ
pour dsigner une personne, le soi (Mt 12.18; Ac 2.27; Rm 2.9, 13.1; Jc 1.21; 1 P 1.9, 2.25). La
personnalit toute entire est en vue, lhomme dans tous les aspects de son existence. Cf. Psaumes 62.2, 63.2.
Le mot psych nvoque pas une partie spciale de lhomme qui serait suprieure et qui serait le lieu de la
religion: ce nest pas la partie religieuse de lhomme, mais tout lhomme dans lunit de son existence.
c) La Bible parle aussi de lesprit de lhomme (pneuma). Le pneuma reprsente la vie de lhomme
sous un jour diffrent: le rapport qui existe entre lhomme en tant que personne et Dieu. Mme aprs la mort,
ce rapport nest pas aboli et lEcriture appelle les personnes sans corps des esprits. Les esprits
dsincarns ont une conscience telle que nous avons conscience de notre identit personnelle dans cette vie
(Mt 27.50; Lc 23.46; Jn 19.30; Ac 7.59; H 12.23).Cette continuit montre que lhomme avant la mort est
pneuma.
Conclusion. Lhomme est corps; il a une vie psychique qui lanime; il est aussi esprit. Comment
discerner lunit de lhomme?
2. Lunit de lexistence humaine
a) Puisque lEcriture parle de corps, me et esprit, certains ont avanc que lhomme tait compos de
trois parties (trichotomie). Platon dit que lhomme est constitu dune me rationnelle (nos, pneuma, mens),
dune me animale (psuk, anima) et dun corps (sma, corpus). Entre le visible et linvisible, contraires,
lme animale constitue le lien qui unit deux lments inconciliables en eux-mmes. Larrire-plan en est le
dualisme. Il y a des textes, dans lEcriture, qui semblent justifier cette ide (1 Th 5.23; H 4.12; 1 Co 15.44).
cependant, dans ces textes, lEcriture ne cherche pas donner une analyse de la constitution de lhomme. En
Hbreux 4, plusieurs expressions sont employes pour indiquer la pntration du pneuma de Dieu. En 1
Thessaloniciens 5.23, la sanctification est totale. Laptre se sert dune terminologie connue de ses
contemporains (cf. linfluence de la trichotomie dans certaines terminologies. Cf. Darby Scofield, lide du

chrtien charnel).
b) Mais est-ce quil y a dualisme entre corps (matriel) et esprit (spirituel, invisible)? Entre le
suprieur (le rationnel) et linfrieur (le sensuel)? Lide de dichotomie a t incorpore dans la thologie au
Moyen Age suivant le concept grec forme-matire. Lhomme est constitu de deux substances: lme et le
corps. Pour maintenir lunit de lhomme, on disait que lme tait la forme du corps (Conseil de Vienne,
1311): per se et essentialite. Les thologiens protestants ont suivi en parlant de la dualit de lhomme (cf.
Calvin et, plus tard, au XIXe sicle, lide librale de la valeur infinie de lme).
Dans lEcriture, il y a une distinction, surtout chez Paul entre sarx et pneuma. Sarx a un sens moral
de dprdation (dprciation?) (cf. Rm7.14, 8.15; 1 Co 3.3; 2 Co 10.3-4). Mais sagit-il dtablir une
diffrence entre linfrieur et le suprieur, en situant le pch de lhomme dans sa corporalit? Non, il ny a
pas de contraste entre corps et esprit tablissant une distinction dans le caractre de lhomme. En Romains
8.5, il sagit de phronema de la chair la pense ou mentalit de la chair. En 1 Corinthiens 3.3, la mentalit
charnelle touche la jalousie et la convoitise qui sont spirituelles (et Ga 5.19ss, les uvres de la chair).
Dailleurs laptre dit que lesprit a galement besoin de sanctification (1Th 5.23; 2 Co 7.1). Le corps nest
pas infrieur. Prsenter le corps est un service spirituel. Nos corps doivent tre au Seigneur (Rm 6.13; 1 Co
6.13,15). Le contraste sarx/pneuma nvoque pas la nature de lhomme, mais lorientation totale de la vie de
lhomme: vers Dieu ou loigne de lui. Lorientation restitue lunit de lexistence.
c) Le problme peut tre considr en disant que la diffrence rside dans distinction entre la dualit
et le dualisme. Lexistence de lhomme nest pas uni-dimensionnelle: elle soriente au sein de la ralit
cosmique et vers Dieu qui est invisible et vers la cration visible ou la nature. Cette dualit de lexistence de
lhomme nexclut pas lunit dans lhomme, mais constitue lunit mme de lhomme. Il est mauvais, en
considrant lhomme, de diviser son essence en deux parties: corps/esprit(me), comme si corps + esprit =
homme! En parlant de corps et desprit, on parle de deux moments existentiels de la vie de lhomme. En
essayant de dissquer lhomme en deux parties, on vacue le mystre profond de lexistence humaine.
Le philosophe calviniste Dooyeweerd critique la thologie traditionnelle en ce quelle te le mystre
de la ralit humaine en voulant faire entrer de force lhomme dans une distinction entre deux catgories de
substance (psychique et physique), qui sont deux aspects fonctionnels de lhomme. Le cur de lhomme,
cest la totalit de lhomme qui agit dans les aspects divers de la ralit. Le corps est l o se localise cette
fonction totale de lhomme dans le cadre de la ralit temporelle. Comme le dit Barth, Le cur, cest
lhomme entier non seulement le sige de son activit, mais aussi le sommaire de toute son activit. (cf.
Pidoux G. Lhomme dans lAncien Testament pour Gense 2.7, p. 17)
3. La question de limmortalit (Cullmann)
Peut-on parler de limmortalit de lme? Cette ide, chre aux philosophes grecs, implique que
lme de lhomme soit indestructible et continue exister aprs la mort, sans rfrence la rsurrection en
Christ.
Certains philosophes ont parl dune mort naturelle. Dieu a cr lhomme pour entrer en communion
avec lui, la mort est une chose naturelle, un moment, une transition. Cette ide de mort naturelle est
construite partir dune certaine conception de la vie aprs la mort, qui enseigne que limmortalit est
naturelle. La destine de lhomme est limmortalit.
Dans lEcriture, la mortalit caractrise lhomme, mais il nest pas dit quil y a une partie de
lhomme qui rsiste, chappe la mort. En Gense 2.17, on lit tu mourras. Cest la personne dans son
unit entire qui meurt (Ez 18.20 et Ps 90).
Le pch produit un fruit amer pour lhomme: la mort. La mort, cest la destruction, la corruption, la
damnation (Rm 5.12, 6.23). Dans lAncien Testament, la mort est mise en contraste avec la richesse que
reprsente la vie. La mort, cest limpuissance, la ngation de la vitalit (cf. Es 38.15-19). (cf. MartinAchard, De la mort la rsurrection daprs lAncien Testament, pp.36ss. E. Jacob, Thologie, pp. 210ss.)
La fin de la vie, cest le vol de la richesse de la vie (Ps 88.11-13, 19.15-16). Mourir, cest perdre ses
bien-aims, tre t de la vie (Ps 88.8).
Lide de limmortalit de lme, dans ce cadre, ne nie pas la mort, mais nie le fait que la mort atteint
tout lhomme. Lessence de lme consiste en une qualit: le ne peut pas mourir. En effet, les thologiens
ont dit que la raison enseigne que lhomme est immortel et que cette croyance existe dans toutes les
cultures. Platon a enseign que lme est immortelle cause de sa nature.

Effectivement, les philosophes parlent davantage de lme que lEcriture. La conception de


lEcriture est tonnante. Jamais la Bible ne parle spcifiquement de limmortalit comme une vrit
chrtienne, ne donne limpression que cest une question importante en soi, nessaie de maintenir lide
comme vritable.
Pourquoi? Parce que dans le contraste fait par les hommes entre vie et mort, en termes naturels, vient
simposer un contraste entre la vie au service du pch et la vie au service de Dieu. La vie qui nest pas
dans la communion avec Dieu nest pas une vraie vie selon lEcriture; ce nest quune abstraction. La vie,
cest exister avec Dieu. Celui qui nest pas en communion avec Dieu est mort dans le pch (Ep 2.1 ; Col
2.13). La vraie vie, cest la vie ternelle que Dieu donne (Jn 3.36, 5.24,40, 6.40,50,54 etc.). Pour la Bible, vie
et mort sont dfinies non pas naturellement, mais seulement par rapport Dieu; non pas visiblement, mais
spirituellement. Cela empche les crivains bibliques de parler de limmortalit car, pour eux, lacte de
mourir cesse davoir une importance primordiale. Le contraste quils font nest pas entre la vie physique et la
libration psychique accomplie par la transition de la mort, mais entre mort spirituelle et vie spirituelle.
Athanasia, 2 fois, 1 Tm 6.16 (Dieu); 1 Co 15.33 (ici, il sagit de lhomme tout entier qui est libr de
la mort). Les paroles de Christ sur la vie et la mort ne sont pas une interprtation figurative, mais doivent tre
considres la lumire de lautorit de Christ qui est la rsurrection et la vie, qui a dpouill la mort de
sa puissance et a montr la vie (2 Tm 1.10; 1 Co 15.57; Col 3.6; Rm 8.3; Ac 2.24). Lazare est mort selon les
dfinitions humaines, mais pour Christ, il dort. Lazare nest pas mort car en Christ, il dort, la mort na pas de
puissance sur lui (cf. Mt 9.24). Ce qui est un euphmisme pour les Juifs et les Grecs, dormir est une ralit
pour les chrtiens! Pour un chrtien, ce qui compte nest pas limmortalit, mais lesprance de la
rsurrection du corps.
4. Ltat intermdiaire (mort-rsurrection)
Si le christianisme ne connat pas dimmortalit, seulement la rsurrection qui est le rsultat de lacte
de Dieu quand Christ reviendra, on peut sinterroger sur le sort de ceux qui sont dj morts. Leurs esprits
sont-ils dj au ciel ou lesprit a-t-il t ananti par la mort et attend-il dtre ressuscit?
Dans la conception populaire, il y aurait dans le ciel une sorte de salle dattente o les esprits
attendraient de retrouver leurs corps. On cite trs souvent la demeure cleste de 2 Corinthiens 5.1. Mais
est-ce lide biblique de ce qui se passe entre la mort et la rsurrection?
En 2 Corinthiens 4.10ss, laptre parle de la ralit du en Christ et de la faon selon laquelle elle
sactualise dans lindividu. a) Il y a une progression dans la conformit Jsus-Christ dans le corps. La
nouvelle cration sactualise dans la transformation (vv.7, 14). b) Lancien on est en train dtre dpass
dans le chrtien. Ceci aussi est un aspect de notre existence en Christ. Nous prenons part la souffrance de
Christ (2 Co 4.11, 1.5; Ph 3.10). La souffrance et la mort du chrtien ne sont pas, tout dabord, en Adam,
mais en Christ. Nous mourrons dans le Seigneur (1 Th 4.14). Lesprance est dans la rsurrection avec
Jsus.
Il convient dexaminer le sens de trois expressions prsentes en 2 Corinthiens 5: la maison des cieux
(v.1), ltat dtre nu (v.3) ou dvtu (v.4), quitter le corps (v.8).
a) La maison dans les cieux est trs souvent interprte comme la demeure spirituelle des chrtiens.
Mais elle ne semble pas tre une rfrence une existence individuelle dans le ciel. Le mot okedomn
indique toujours, dans les crits de Paul, le corps de Christ, lEglise (1 Co 3.9 ; Ep 2.21, 4.12,13). La demure
des chrtiens nest pas une me cleste, mais le corps de Christ. Cette demeure est ralise en Chrust et les
chrtiens sont incorpors en lui (ekemen). Ils ont dj cette demeure, puisque Christ est ressuscit. Au v.2, il
est question de mettre par dessus le domicile cleste, cest--dire que la mortalit est engloutie par
limmortalit quand, la parousie, le chrtien reoit le corps spirituel. Revtir: cf. v.2; 1 Co 15.53-54.
b) Nu (gumnos), dvtu (eud). On pense trs souvent que le nu est celui qui na pas de corps
la parousie, et le vtu celui qui a toujours son corps. Cependant, dans lAncien Testament, tre nu est un
symbole de culpabilit et de honte. Ici, il sagit du jugement de Dieu la parousie de Christ (Mt 22.11; 1 Jn
2.28; Ap 3.17). Etre nu ne signifie pas ne pas avoir son corps, mais tre nu pour le jugement, cest--dire
ne pas avoir mis Jsus-Christ (1 Co 15.44,53s).
c) Absent du corps. On a toujours pens que ctait l ltat intermdiaire. Lexpression est
qualifie de demeurer avec le Seigneur. Cest la parousie que nous le vivrons. Etre absent du corps, cest
tre dlivr de la mortalit la rsurrection. Cest la ralisation, pour le chrtien, de la nouvelle cration. Cf.

le v.7 o tre prsent avec le Seigneur = la vie et tre absent = la foi. Cf. vv. 9-10 o quitter le corps =
tre devant le tribunal de Dieu.
Nous voyons quici, pour Paul, il ne pouvait pas exister un tat intermdiaire dans lequel lme
existerait sans le corps. Paul veut quitter le corps pour tre avec Christ dans son corps glorifi. Pour lui, la
rdemption du corps est physique. Il ny a pas de rdemption qui prcde la rsurrection des corps.
Quarrive-t-il aux chrtiens qui meurent? Ils sont avec Christ, non dans le sens dtre conscients dans sa
prsence mais dans celui que leur identit est en lui. il continue vivre, et ceux qui sont avec lui continuent
lui tre identifis sa destine est aussi la leur, mme sils dorment jusqu la rsurrection.

III. Etat originel de lhomme


A. Image de Dieu (cf aussi le ch VIII)
La chose la plus fondamentale que lon puisse dire au sujet de lhomme, cest quil est limage de Dieu (Gn
5.1, 9.6; 1 Co 11.7; Ep 4.24; Col 3.10; Jc 3.9). Lhomme est unique, car mme les anges ne sont pas limage
de Dieu. Lhomme est limage de Dieu; notre rapport avec Dieu nlimine pas la partie corporelle de
lhomme, ni la partie spirituelle. Il faut comprendre ainsi le deuxime commandement: lhomme ne peut pas
crer une image pour reprsenter Dieu, car lui-mme est limage de Dieu (cf. Dt 4.15-16; Es 40.18,25). Il y
a une diffrence, dans lAncien Testament, entre lanthropomorphisme qui dcrit la rvlation libre de
Dieu et lidoltrie qui met Dieu la disposition de lhomme.
La doctrine biblique empche de penser que Dieu est une ide que nous formons, lorsquelle interdit
de faire une image de Dieu. Dieu nest pas form daprs lhomme, mais au contraire lhomme est limage
de Dieu.
1. Image dans la cration et la re-cration
En Gense 1.26, les deux mots sont employs : ralisation au v.27 (cf. lexgse dOrigne qui
tablit entre image=cration/ressemblance=eschaton). Gense 5.3, tselem et demith, Gense 9.6=tselem.
Il y a une grande diversit dinterprtations: est-ce que limage appartient la cration seule, a-t-elle t
perdue lors de la chute?
a) Gense 5.1,3 (5.11.26). Adam est cr limage de Dieu. Cf. 5.3; y a-t-il un contraste ou une comparaison
entre 5.1 et 5.3? le fils dAdam est-il, lui aussi, limage de Dieu, ou limage de son pre? Gense 5.1
rappelle 1.26 et 5 ;3 le fait dune faon plus claire. Adam est limage de Dieu, et quand il donne vie un
fils, ce fils partage son image qui est limage de Dieu.
b) Cette interprtation semble tre confirme par Gense 9.6. Dieu a cr lhomme et, mme aprs la chute,
tuer un homme, cest dtruire limage que Dieu a cr. Cette loi sapplique aprs la chute: la valeur de
lhomme tient ce quil a une identit propre (limage) qui donne au crime de meurtre sa gravit. Sattaquer
un homme pour le tuer, cest sattaquer Dieu lui-mme en effaant la mmoire de son image. Car la vie et
lidentit de lhomme sont modeles sur celles de Dieu! Cest pour cette raison quil est important de
maintenir lintgrit de limage de Dieu dans lhomme aprs la chute. Nier que lhomme est limage de Dieu
est, en quelque sorte, accepter la justice de la violence. Dans le contexte de Gense 9.6, on ne peut tuer un
homme que si cet homme est un tueur ; cette action existe pour sauvegarder le principe de non-violence.
c) Deux passages dans le Nouveau Testament. 1 Corinthiens 11.7: il ne sagit pas dune distinction entre la
nature de lhomme et de la femme. Lhomme nest pas suprieur cause de ce quil est, la femme aussi est
limage de Dieu. Il sagit de la position occupe dans lordre cr. Ici, laptre affirme que lhomme est
limage de Dieu. Jacques 3.9: maudire un homme est loppos de la louange que nous devons Dieu.
Nous pouvons retenir que, mme aprs la chute, lhomme est limage de Dieu. Dans le sens large,
lhomme retient limage mme aprs la chute. Mais, en mme temps, la Bible enseigne que lhomme nest
plus le mme homme aprs lirruption du pch. Il a perdu de son intgrit; il nest plus juste ou saint ou bon
devant Dieu. Cela montre son besoin de lEvangile par lequel il est restaur face la justice de Dieu. Dans le
sens restreint, lhomme a perdu limage de justice, de saintet originelles.
2. Restauration de limage
Quand on parle de limage, il faut rappeler lenseignement de Paul en Ephsiens 4.24 et Colossiens
3.10. La restauration consiste constituer lhomme nouveau que Dieu cre saint et juste par la connaissance
de la vrit. Ainsi, limage de Dieu reoit une forme nouvelle en Christ. En Ephsiens, cette restauration est
selon Dieu (kata Thon); en Colossiens, cest selon limage du crateur (kateikna). Il y a l une
comparaison entre la cration et la nouvelle cration. En Colossiens 3.10, le parallle avec Gense 1.26-27
est difficile viter; lhomme est renouvel selon limage de celui qui la cr. La conclusion est que ce
que lhomme a perdu dans la chute est restaur en Christ. Ce qui existe dans la restauration a d exister dans
la cration. Dans la rgnration, lhomme reoit nouveau ce quil a perdu par le pch, cest--dire sa
justice, sa saintet, sa connaissance de la vrit. Lhomme non rgnr vit donc dans un tat fait de
contradictions: il est toujours un homme limage de Dieu, mais il est limage de Dieu contre Dieu, vivant
dans linjustice, la non-saintet, en dehors de la vrit.
Il convient, maintenant, dessayer de prciser en quel sens lhomme continue tre limage de Dieu

et ne quel sens il est contre limage originelle.


3. Les restes de limage
Ce qui reste de limage de Dieu en lhomme: lhomme est limage de Dieu parce quil est une
personne. En tant que tel, il reprsente Dieu et constitue la prsence de Dieu dans le monde. Lhomme est
toujours un homme aprs la chute, suprieur aux animaux. La diffrence entre le genre animal, ou lespce
animale, et lhomme, qui est limage de Dieu, persiste. Lhomme, dans sa conscience, est un tre
raisonnable, libre, moral et religieux. Lhomme a une identit particulire :
a) La libert. Lhomme a la capacit de faire des choix qui expriment sa volont. Parler de la libert
de lhomme nest pas avancer que lhomme peut faire tout et nimporte quoi, mais que ce quil fait
est le fruit de sa volont. Lhomme nest pas forc par une ncessit absolue, dtermin par sa nature
ragir dune certaine faon.
b) La morale Lhomme exerce sa responsabilit par des lois selon lesquelles il juge et dtermine ce
qui est bon et ce qui est mauvais. Sa conscience le juge ou lexcuse (Rm 2.12-15). La conscience
peut fonctionner parce que lhomme est comme Dieu. Ce que Dieu est constitue le critre de laction
de lhomme. La loi ne pourrait pas exister si lhomme ntait pas cr limage de Dieu, avec
lobligation de cultiver cette ressemblance.
c) La religion Il y a dans le caractre de lhomme un sensus divinatis qui le pousse rechercher
Dieu. La communion avec Dieu est le but de toute religion, mme si cette religion est pervertie (Rm
1.18-19).
Deux considrations supplmentaires:
Accentuation. Si les capacits de lhomme prsentent des restes de limage de Dieu, est-ce nier
lide biblique de dpravation de lhomme? Y a-t-il, en lhomme, une partie bonne et une partie mauvaise?
On pourrait faire de cette ide de restes une application fausse pour librer lhomme de son pch. La
thologie biblique nemploie pas lide de restes pour dcrire une partie de lhomme exempte de la
corruption, mais pour montrer que mme si lhomme se dtourne de Dieu, il nchappe pas Dieu et sa
rbellion se manifeste dune faon dautant plus concrte. La lumire qui reste fait ressortir les tnbres de
son tat apostat. Seul, lhomme qui retient limage de Dieu peut tre responsable de son pch et de sa
culpabilit. Cest dans le cadre de ce qui reste de limage de Dieu que la totalit de la dpravation se
manifeste. Lhomme est constitu limage de Dieu; cest justement ce fait qui rend son pch si grave.
Limitation. Il ne faut pas penser que ce qui reste de limage de Dieu aprs la chute na pas t
atteint par le pch. Si lhomme reste toujours une personne, il nen risque pas moins de se dpersonnaliser.
Sa conscience nest pas toujours juste, sa religion est fausse et sa libert nest exerce que par une volont
soumise au pch. Mme le corps qui porte limage de Dieu devient un corps de pch (Rm 6.6), mis au
service du pch.
Ce qui est perdu de limage de Dieu est indiqu dans les passages dEphsiens et de Colossiens.
Connaissance, qui nest pas complte, mais comprhension du rapport entre Dieu et lhomme. Justice,
conformit positive la volont de Dieu. Saintet, conscration et puret. A la cration, lhomme possdait
ces caractres, mais il les a perdus dans sa rbellion. Cette transformation est effectue par Christ, qui est
limage de Dieu (voir Rm 8.29; 1 Co 15.49; 2 Co 3.18, 4.4; Col 1.15; H 1-3).
4. Autres interprtations
Nous avons dit que lhomme est limage de Dieu et que cette image montre la conformit originelle
de lhomme Dieu dans les diffrents aspects de sa personne. Il y a plusieurs autres interprtations (plus ou
moins bibliques) de la cration et de limage de Dieu.
a) Le catholicisme romain distingue quatre tapes propos de lhomme et de son pch.
i) Ltat de nature pure (status naturae purae). Lhomme a t cr corps et me, ayant deux
lments distincts, avec des dons naturels (propres la nature humaine), mais sans la grce. Lhomme a des
apptits sensuels, mais il ny a pas de pch.
ii) Conflit (pugna concupiscentrae). Les dsirs sensuels ont tendance dpasser les limites de la
raison (anima). Certains thologiens disent que la raison maintient les dsirs leur place, dautres parlent de
conflit entre ce qui est infrieur/suprieur dans lhomme (Bellarmin). Aquin aussi constate quil y a une lutte

contradictoire.
iii) Dona superaddita tat de justice originelle. Les dons de la grce servent maintenir lharmonie
entre le corporel et le spirituel. Ces dons sont au nombre de deux: dabord, limmortalit et lintgrit
maintenues dans la nature de lhomme; ensuite, le spirituel, le don de saintet. La chute est la perte de ces
dons; lhomme aprs la chute revient ltat de conflit,
cration
chute
P. nature
Dona superaddita
Pugna
Conflit
concupiscentiae
lhomme est maintenant dans un tat naturel (contre lide de lanormalit de lhomme pcheur; cf. le salut
dans le catholicisme romain existe par laddition de la grce sacramentale lhomme qui le reoit.
iv) Imago dei: quelle place a limage de Dieu dans ce schma. Il ny a pas dunanimit parmi les
thologiens catholiques romains. Beaucoup pensent que limage de Dieu parle de ltat de pure nature
(lhomme limage de Dieu dans son intgrit) tandis que la ressemblance voque des dons ajouts. Plus
rcemment, il y a une tendance qui rejette cette distinction: image et ressemblance = dona.
Critiques : Dgradation de la constitution de lhomme.
Srieux du pch est limit.
Fausse opposition entre corporel et spirituel.
b) La conception luthrienne est difficile est difficile fixer dans un systme. En gnral, limage
consiste dans lexcellence morale de lhomme (juste, saint) quil perd lors de la chute. Lhomme pcheur
nest plus limage de Dieu, laquelle est restaure en Christ (certains thologiens, comme J. Gerhard, parlent
de vestiges).
B. Lalliance de la cration
Lhomme cr limage de Dieu est en alliance avec lui. Les thologiens appellent cette alliance
lalliance des uvres.
Adam alliance des uvres: non rdemptrice
Ancienne alliance (Mose)
alliance de grce: salut accompli par Dieu
Nouvelle alliance (Christ)
non par lobissance de lhomme
1. La providence de Dieu
Dieu a cr en lhomme un tre libre, moral, religieux, ayant une conscience. Chez lhomme, il y a
lobligation daimer Dieu et de le servir. Tous les hommes ont t crs ainsi. Le caractre de lhomme cr
par Dieu permet lhomme de remplir les conditions proposes par Dieu pour son existence et dobir aux
demandes de Dieu. Ainsi, lhomme aurait montr sa justice. Dans sa justice, Dieu accepte lhomme qui est
limage de cette justice (obissance justification vie). Adam avait tout ce quil fallait pour obir et il aurait
t justifi par Dieu. La justification et la vie dpendent de son obissance.
Et 1 Corinthiens 15.22, 45-49 : pour Paul, il ny a pas dhomme avant Adam. Il ny a pas dhomme
entre Adam et Christ, parce que Christ est AdamII. Il ny a pas dhomme aprs Christ, il est le dernier
Adam. Cette pense de Paul est globale.
Dieu ajoute un acte de providence spcial (Gn 2.17) par lequel lhomme peut, de par son obissance,
passer un tat dfinitif de justification et de vie. Cest un test de lobissance de lhomme la volont de
Dieu. Lhomme est cr limage de Dieu, mais il doit manifester quil est cette image en se rendant
conforme Dieu.
2. Dveloppement thologique de cette ide
La prohibition de Gense 2.7 a un caractre spcial par rapport aux autres paroles de Dieu, qui ont un
sens prcis: cultiver le jardin, procration, repos, etc. Dans la vie dAbraham, lordre doffrir son fils avait un
caractre spcial par rapport lalliance que Dieu a fait avec Abraham: un test temporaire dobissance.
Lordre de Gense 2.7 est dans ce genre: a un caractre probatoire. Labaissement de Christ a aussi un
caractre probatoire; cest pour cette raison quil est appel le second Adam. Gense 3.22 souligne lide de
probation dune faon ngative : Adam a chou et ainsi il doit abandonner ce qui est symbolis par larbre
de vie. Si lhomme avait respect la prohibition de Gense 2.17, il aurait certainement reu la vie symbolise
par larbre de vie.

Tous les rapports de lhomme avec lhomme et avec Dieu sont compris dans une de ces deux
catgories:
En Adam mort rbellion alins
Alliance 1
En Christ vivant obissance rconcilis
Alliance 2
Le Christ, par son obissance, a hrit la vie; Adam, par obissance, aurait t lhritier de la vie.
Mais, maintenant, tous les hommes ont rompu lalliance en lui et hritent la mort. (Illustration)
3. La nature de lalliance avec Adam
Cette alliance ne prend pas la forme dun contrat entre Dieu et Adam. Adam reoit lordre de Dieu
comme reprsentant des hommes. Nous ne sommes pas obligs de penser que toutes les implications aient
t bien claires pour Adam, mais lEcriture maintient quil a agi comme reprsentant des hommes.
a) La punition du pch dAdam, la mort, est connue par toute la race humaine (Rm 5.12-19; 1 Co
15.22).
b) Dans lEcriture, lide de solidarit est plus fortement dveloppe que dans notre mentalit.
Lindividu nest jamais vu isolment, mais comme solidaire dune communaut; ceci, dans tous les domaines
de la vie. Cest un aspect du gouvernement de Dieu qui vit, lui-mme, en communaut (cf. dans la
rdemption, Jsus est le Dieu-homme qui reprsente la fois les deux parties). Entre le premier homme et
nous, il existe une solidarit dans la culpabilit.
4. La condition de lalliance
La condition est lobissance ncessaire comme rponse ce que Dieu demande. Sur le principe de
cette condition fonctionne laction probatoire de Dieu et la tentation de Satan.
Action probatoire prohibition/Arbre
Tentation sollicitation (Jc 1.14)
En Gense 3.22-24, on lit que lhomme aprs la chute a connaissance du bien et du mal. Ces deux
reprsentent lalternative prsente lhomme dans le commandement de Dieu. dj, avant la chute,
lhomme a une certaine connaissance de la ralit du bien, mais aprs il existe dautres lments dans la
connaissance de lhomme: culpabilit, crainte, honte. Toutes les dispositions de lhomme sont changes. Ce
passage indique non seulement que lhomme connat le mal en dehors de lui, mais surtout, dans sa
dsobissance, que le mal est en lui cause de la rbellion de son cur contre Dieu. La manire dont
lhomme acquiert la connaissance du bien et du mal nest pas lgitime.
Question pratique: Dieu a-t-il perdu le contrle de la situation? La tentation de lhomme est-elle
contraire la volont de Dieu? Il est impossible daffirmer que la tentation de lhomme est en dehors de
(chappe ?) la prdestination de Dieu? Cependant, il faut admettre que Dieu nest pas lauteur de tout ce
qui fait partie de sa volont. Dieu nest pas lorigine de la tentation. Lhomme est libre dobir ou de
dsobir.
|_____________Dieu :
|responsabilit de Dieu

sa volont___________|
|resp. de lhomme|

La souverainet de Dieu stend sur toutes choses et leur donne leur sens. Et dans cette volont, la
responsabilit de lhomme a sa place. Dieu nest pas responsable du pch de lhomme, car lhomme agit
librement.
5. La promesse de Dieu
Cela nest pas dit explicitement dans lEcriture, mais il semble que la promesse de Dieu vise la vie
ternelle. Gnse 2.17: dsobissance-mort/ le contraire vie. Larbre de vie symbolise la vie ternelle que
Dieu promet, et Gense 3.22b, la prohibition nvoque pas labolition de la maldiction (cf. 3.22a), mais il y
a un refus de la part de Dieu de donner la vie lhomme, puisquil connat le mal par une dsobissance.
Dieu ne bnit pas la dsobissance de lhomme, lhomme est expuls du jardin (cf. Ap 22.14, Jsus est
lAlpha et lOmga, cest--dire il y a une description de la fin au moyen du dbut).
Il faut prciser quAdam naurait pas mrit la vie ternelle par ses uvres. La vie ternelle lui aurait
t donne comme confirmation de son obissance. Ce qui permet Adam daccder la vie, ce nest pas
son obissance, mais la fidlit de Dieu ses promesses
6. La sanction pnale (la mort)

La mort a plusieurs aspects; la sparation, cest le principe sur lequel agit la mort. Ce principe
sexprimer de plusieurs faons: judiciaire, morale, psychosomatique.
Judiciaire: condamnation par Dieu et sparation sont les consquences du pch (Ep 2.1).
Morale: lhomme est alin de Dieu cause de son pch (Rm 8.6) : une chose subjective.
Psychosomatique: cette mort suit les deux autres. La condamnation de lhomme pcheur existe
dj, mais la mort nintervient que plus tard. Cest cette mort qui est proclame en Gense 2.17 et 3.19, aussi
bien quen Romains 5.12,19 et 1Corinthiens 15.22.
La mort dAdam tait dj scelle au moment o il a reu la condamnation de Dieu.
7. Conclusion
Pour beaucoup, lalliance avec Adam nest quune construction mythique qui na pas beaucoup de
sens. On pense tout simplement que, bien que le mal existe parmi les hommes, ceux-ci peuvent nanmoins le
surmonter. Lide est que, bien que lhomme soit mauvais, le mal qui vient de lhomme peut tre effac par
lui. Un mythe peut dire que nous sommes pcheurs, mais nexplique pas pourquoi et ne fournit pas la
solution. La Bible explique cela en plaant lhomme dans son rapport avec Dieu; cest le seul moyen
dexpliquer pourquoi le pch est universel et pourquoi lhomme a besoin de salut. Dire quAdam constitue
un mythe revient nier toute la pense du Nouveau Testament et son enseignement, non seulement sur la
question dAdam lui-mme, mais sur lhomme et son salut.

IV. La chute: rvolution contre Dieu


A) La ralit historique de la Chute
Lhomme a t cr par Dieu dans un tat de justice. Il tait bon dans le sens de connaissance, justice
et saintet et, dans la premire alliance, il pouvait authentifier son existence par son obissance Dieu.
a) Lactivit de Satan
La chute sexplique en rfrence Satan; le pch na pas son origine la chute dAdam. Il existait
dj une rbellion contre Dieu, ou royaume du mal. Le problme de lorigine du mal et du pch est report
au-del de la capacit de la vie et de lexprience de lhomme. Cependant, dans la Bible, le pch commence
essentiellement pour lhomme quand il acquiesce aux sollicitations de lennemi de Dieu et devient librement
serviteur de son pseudo royaume. A ce moment, lhistoire devient pour lhomme le thtre du conflit entre
Dieu et Satan. Le pch et le mal dans le monde rend visible linfluence du prince des tnbres. Il y a une
activit dmoniaque dans le monde qui sexprime trs souvent par lanti surnaturalisme. On nie Dieu et
Satan, le bien et le mal.
b) La cause de la chute
Satan pourtant nest pas la cause de la chute. La tentation a t loccasion de la chute et non la cause,
car une puissance extrieure ne peut pas contraindre un tre rationnel pcher. Le pch a t introduit par la
dcision prise par Adam de suivre le conseil de Satan. Lhomme, selon sa propre volont, dans sa libert, a
dcid dagir contrairement la volont de Dieu. Dans un sens, il y a un changement dans la disposition de
lhomme avant mme lacte de pcher. La disposition de lhomme change et passe de sainte non sainte
lorsquil formule une mauvaise intention. La cause du pch, est le changement qui sest opr dans le
caractre de lhomme. (Etre tent nest pas pcher, mais succomber la tentation cest pcher.) Gense 3.1
retrace cette dfection: vit, prit, donna. Cela est la description du doute, de lincroyance et de la convoitise
qui suscitent lacte. En agissant ainsi, il y a un rejet de la souverainet, de lautorit, de la sagesse, de la
justice, de la bont et de la vrit de Dieu. Ainsi lhomme a pris conscience (vv. 7-8) de son pch. Jean 3.20
est un commentaire de lattitude de lhomme rvolt. Rupture de lalliance.
B) Les consquences de la chute comme rvolution
1. Rvolution intrieure
Dans le sens subjectif: disposition du cur et aspect de la mentalit de lhomme. En gense 3, lide
centrale est le changement de lattitude gnrale de lhomme envers Dieu (vv.7-10). Au lieu de se rjouir de
la prsence du Seigneur, lhomme fuit Dieu. La contemplation de la gloire de Dieu aurait t la gloire de
lhomme, mais maintenant il se cache. Ce comportement indique un changement radical de la constitution
religieuse de lhomme. Cette ide fournit larrire-plan qui permet la comprhension du Nouveau Testament.
Dieu est lumire et celui qui fait le mal a de la haine pour la lumire et ne vient pas la lumire. (Jn 3.1821)
2. Rvolution dans lattitude de Dieu envers lhomme.
Dieu ne change pas dans son tre et ses attributs: son conseil, sa perfection, son essence ne sont pas
sujets modification. Mais, dans ses rapports ad extra avec ses cratures, son attitude change. La
rvolution intervenue dans lattitude de Dieu est, en effet, lexpression de sa saintet, une sorte de rponse
la faute de lhomme.
En Gense 3, il y a un changement de ton, la bndiction fait place au reproche lindignation, la
maldiction et la condamnation et Dieu prononce les mots dinimiti, de souffrance et de peine. Le pch
change non seulement lattitude de lhomme, mais aussi celle de Dieu envers lhomme. Dieu te lhomme de
sa prsence et, ce faisant, le prive de sa faveur. Dans lEcriture, quand Dieu dtourne sa face de lhomme et
lexclut de sa prsence, il exprime sa dsapprobation. Do une sparation, consquence du changement
radical intervenu dans lattitude de Dieu envers lhomme.
3. Rvolution cosmique
Le pch de lhomme suscite, dabord, chez lui une dsaffection spirituelle, mais des consquences
apparaissent dans le monde physique. A cause dAdam, le sol est maudit. Cette maldiction prend des
dimensions cosmiques dans la pense de Paul : la cration (ktisis) souffre (Rm 8.22) et v. 20, la cration
est soumise cause de celui qui la soumise. En Gense 3, lhomme a accept, par lintermdiaire de sa

femme, une utilisation de la ralit cre qui ntait pas celle de Dieu et, maintenant, dans la maldiction,
Dieu loblige poursuivre dans cette voie. La maldiction de Dieu ne tombe pas sur lhomme directement,
mais indirectement. La promesse de Satan vous serez comme des dieux se concrtise en pines, ronces et
poussire.
Pourquoi cette maldiction? Dieu ne permet pas que le cosmos soit considr par lhomme comme
son habitation ultime. La maldiction du cosmos, comme lindique Romains 8.20, existe pour lesprance de
la libration. La rconciliation accomplie par Christ nest pas pleinement consomme avant la libration de
la cration, de lintervention pour la libert des enfants de Dieu. Cest ainsi que Paul parle de lenfantement.
Le pch a des consquences cosmiques, et la rdemption aussi.
4. Rvolution dans la famille
Le pch mne non seulement la dsintgration de la personnalit dans la mort, mais une
rvolution dans les rapports familiaux. En Gense 3.16, le rapport homme/femme est dcrit se porter,
dominer dcrit un rapport qui a gliss du domaine de la considration personnelle au domaine des passions
de linstinct. Au lieu daimer et chrir, on a dsirer et dominer. (Gn 3.16, cf. 4.7b, se porter vers) et
Gense 6, la corruption, la violence et la guerre montrent la rupture dans les rapports humains, aussi dans la
famille.
C) Profondeur du pch
Toute la Bible enseigne la dpravation de lhomme dans tous ses actes, mais il y a trois passages de
lAncien testament qui expriment trs clairement cette ide : Gense 6.5,12, 8.21. Quel principe ces textes
noncent-ils au sujet de lhomme?
La profondeur du pch chez lhomme; liniquit de lhomme est grande .
Le pch est totalitaire; ne formait que / la longueur de la journe.
Le pch est lintrieur de lhomme, de mauvais desseins.
Quand lEcriture dit que le cur de lhomme est mauvais, elle indique que ce qui est le plus
fondamental dans la vie de lhomme est mauvais (Ps 51.10).
Le pch est exclusif: ne que.
Le pch est construit (le long de la journe); il ny a pas de progrs moral, par lequel lhomme se
sortirait de la fange. Il ny a pas de sortie de secours pour lhomme, lui permettant de schapper de son
pch.
Le pch est extensif (v.12).
En Gense 8.21, nous avons le texte complmentaire. Gense 8.21 confirme que le texte de Gense 5
ne parle pas tout simplement de la priode situe avant le dluge, mais dune situation permanente de la race
humaine. Le pch est une condition et une consquence sans remde extrieur. Dieu ne dtruit plus pour
faire une nouvelle cration libre du pch; pour sauver, il va emploiyer des mthodes diffrentes (cf.
lholocauste).
Romains 3.10-11. Paul fait trois constatations au sujet de lhomme: pas juste, pas sens, ne cherche
pas Dieu. Quelles en sont les implications? Tout dabord, Paul explique quel est ltat de lhomme devant
Dieu, son intellect, sa motivation. Ce quil y a ;de dfinitif dans la condition de lhomme est exclu de sa vie.
Ce qui est indiqu dans ce texte, cest que lhomme ne peut pas de lui-mme chercher Dieu. Car, sa
nature est dtourne de Dieu. Lhomme va dans la direction oppose. Sil commence chercher Dieu, cest
que le Saint-Esprit agit en lui. Jsus-Christ est venu chercher et sauver ce qui tait perdu.
Trois autres passages soutiennent cet enseignement sur lhomme : Ephsiens 2.1-3; Jean 3.6;
Romains 8.5-8.
i) Le pch caractrise notre nature dchue. Les hommes sont morts cause de leurs fautes; ils sont
par nature enfants de la colre.
ii) Jean 3.6. Cette dclaration de Jsus touche luniversalit du pch dans lhomme. La chair est,
ici, la nature humaine, contrle par le pch, qui est le contraire de lEsprit de la nouvelle naissance.
iii) En Romains, 8.5-8, laptre Paul prcise que ce qui est chair cest--dire la nature humaine

soumise au pch ne peut pas plaire Dieu.


Lhomme ne peut pas plaire Dieu parce que la dpravation de sa nature loigne de lui cette
possibilit (8.8) Il ne peut pas obir la loi de Dieu, cest--dire faire ce qui est bien (v.7).
Lhomme soccupe plutt de ce qui concerne la chair (Rm 8.5), de ce qui lenferme dans son
pch. Son action est celle de la rvolte contre Dieu, ekthra, inimiti, hostilit. Le pch nest pas
seulement ngatif (lhomme sloigne de Dieu), mais aussi positif (il y a hostilit entre lui et Dieu). Il
est impossible dexpliquer autrement la nature du pch
On peut, certes, refuser daccepter le tmoignage de lEcriture. Mais si on laccepte, on peut
sexprimer positivement :
De la grandeur de lamour de Dieu qui, malgr lhostilit totale de lhomme, sauve lhomme.
De la perfection de Jsus-Christ qui a vcu comme un homme rel, pur, juste devant Dieu, non
seulement pour donner un exemple, mais pour porter nos pchs.
De la puissance de lEvangile qui rvle lhomme non seulement la ralit de son pch, mais
aussi celle de son salut.
De la dlivrance par la rgnration. Le changement du chrtien est radical si Dieu fait de lui un
homme nouveau.
Ainsi nous pouvons glorifier Dieu cause de la grandeur de son salut face la profondeur du pch
de lhomme.

V. Le problme du pch
Il ny a pas de connaissance neutre du pch, mme si lon peut reconnatre que le mal existe
indpendamment de Dieu. Le mal se dvoile; le pch se cache. Il concerne le rapport avec Dieu, rapport qui
est personnel. Le pch est une ralit du cur et se dvoile ultimement la croix.
A) La connaissance du pch et la rvlation
a) Toute religion digne de ce nom affirme que Dieu est connu uniquement par Dieu. Le pch est
connu galement comme une distance par rapport Dieu et dpend de la rvlation.
La foi chrtienne est la fois lie et oppose la rvlation gnrale qui constitue le terreau des
religions.
En ce qui concerne la rvlation gnrale, la religion peut revtir deux aspects:
Cest llment mtaphysique et non lhistorique qui nous sauve (Fichte); la religion est
dtache de lhistoire: une ide qui a sa valeur en elle-mme.
La religion est lie des lments de la nature, aux manifestations naturelles.
Si la foi chrtienne a une parent avec ces deux aspects, elle est nanmoins oppose eux. Sa
diffrence repose sur un fait unique, qui ne la rend pas plus vraie, mais qui tablit une diffrence qualitative
entre elle et toutes les religions et philosophies. Ce caractre unique est fond sur le eph hapkax de
lincarnation. Cet vnement est unique et final, et ne peut avoir eu lieu quune seule fois.
La philosophie moderne est fonde sur la rvlation gnrale qui est universelle et sans temporalit:
une forme didalisme qui cherche interprter la ralit selon une ide.
La thologie moderne, qui a souvent suivi lidalisme, tend oublier le caractre unique du
christianisme et de faire de la rvlation chrtienne une forme de la rvlation gnrale ayant quelques
caractres particuliers. (Brunner, 38, Mediator)
b) Dans cette perspective, le monde et lhomme sont considrs comme participant la divinit. Le
pch nest quune contradiction dpasser par laffirmation de ce qui est bon en lhomme. Si la ralit du
pch tait admise, cela dtruirait lautonomie et lassurance de lhomme.
Tous les systmes philosophiques finissent, tt ou tard, par nier le mal et le pch. La contradiction
nest pas relle; le pch nexiste pas ultimement. Le mal serait une distance combler par la runion avec
Dieu ou une inertie combler de faon morale.
Parmi les penseurs idalistes, Kant fait exception dans son ouvrage, La religion dans les limites de la
raison seule. Il y admet que le mal est une rsistance positive la loi du bien. Le mal est radical; il est un
acte personnel qui engage toute la personnalit, laquelle en est responsable. Goethe a dtest cela: mme les
chrtiens seront tents dembrasser les bords de la tunique de Kant! Pourtant dans la deuxime partie de son
ouvrage, Kant divise la volont en deux parties bonne et mauvaise et accorde la bonne partie le pouvoir
de vaincre la mauvaise. Ainsi Kant a retenu la possibilit de lautonomie, la capacit pour le moi de
rpondre la sollicitation morale et de vaincre le mal. En cela, la connaissance du mal est refuse; et Kant
na pas contribu la chute de lidalisme, mais la maintenu.
Ce nest que si on reconnat quil ny a aucune solution au problme du mal comme contradiction
irrductible de la nature que lon comprend que rien, dans la sphre des ides ou de la nature, nest capable
de le rsoudre.
Le christianisme le reconnat avec sa doctrine du mdiateur. Si on ne le fait pas, on tend limiter la
nature du pch en le confinant au sens (Schleiermacher), ou la nature animale (Hegel, limin avec
lvolution), ou lignorance de lamour divin, etc.
B) Le pch et la culpabilit dans la perspective chrtienne
a) Le pch est singulier avant dtre pluriel: il ne concerne pas des actes isols de la volont, mais la
corruption de lexistence. Il nest pas subjectif, mais a un ct objectif, en rfrence Dieu et sa colre
(une ide tabou pour lidalisme!); il est non seulement individuel, mais aussi social.
Brunner estime que la notion moderne du pch en contradiction avec tous ces points est
essentiellement plagienne (138).

Le pch nappartient pas la rvlation gnrale, ais la rvlation psciale qui le dcrit en termes
de rbellion, de chute, de pch originel, de corruption et de condamnation. Le pch ne concerne pas une
partie de lhomme, ou certaines de ses dcisions, mais les racines de son existence, son moi. Lhomme est
un pcheur qui pche en tous ses actes.
Citer Brunner, p. 142. Ces notions ne donnent pas une explication du pch, mais dcrivent son
caractre dsastreux.
b) Critique de Kant
Il parle du mal radical comme dune dsobissance la loi morale. Cette doctrine reste dans le
domaine de la raison et ainsi narrive pas dpasser ce qui est impersonnel. Le mal nest pas personnel alors
que le pch est une infraction dans le domaine des rapports privs. Lenjeu pour le christianisme est que la
volont humaine nest pas contre la loi, mais contre la volont divine et, ainsi, est essentiellement personnel.
c) Le pch comme offense contre Dieu
Il ne faut pas perdre de vue que, bibliquement, le pch consiste sopposer Dieu et sa volont.
Cest tablir une distance avec son origine et se placer en contradiction avec Dieu. En soi, faire du mal son
prochain nest pas un mal. Pourquoi ne pas le faire ? Cest un mal parce que Dieu montre le caractre
sacr du prochain et indique que loffense faite contre celui-ci est, en ralit, faite contre lui.
Lide kantienne de totalit nest pas non plus oublier. Le pch est la forme actuelle de
lexistence humaine.
Notre conviction de pch dpend de notre foi. Elle est en corrlation avec le degr de notre foi. Plus
grande est notre foi, plus grande est la conscience du pch. Esae 6. Conscience du pch = conscience de la
culpabilit et de la colre de Dieu. Edwards: pcheurs dans les mains dun Dieu en colre.
C) Le pch, la punition
Le pch constitue un obstacle entre lhomme et Dieu quil faut enlever. La connaissance du pch
est le pralable de la thologie de la croix et du mdiateur. Il porta nos pchs en son corps sur la croix est
laffirmation centrale du christianisme. Pourquoi?
1. La croix nest pas lexpression dune ide : lide que Dieu est amour lequel vainc celle de sa
colre (libralisme). La croix est beaucoup trop horrible pour tre une ide. La croix est personnelle tout
comme notre pch est une offense personnelle contre Dieu.
2. La croix exprime la saintet et la justice de Dieu et dvoile notre pch et note culpabilit.
3. La culpabilit concerne l pch pass qui est non radicable. Citer Brunner 443: lattitude de
Dieu envers nous a chang, elle dvoile la subjectivit de notre pch comme une ralit objective. Face
Dieu, ce caractre non radicable est sans fin car Dieu est infini. Ces deux ralits empche que nous nous
dfassions de notre pch nous-mmes.
Plus notre rapport avec Dieu est personnel, plus la ralit de notre culpabilit ressort.
4. Pourquoi Dieu doit-il punir le pch? Puisquil y a un rapport dalliance entre Dieu et lhomme :
Le pch est une horreur pour Dieu dont la saintet est infinie ;
Une atteinte lhonneur de Dieu car le pch dforme sa cration ;
Un refus de son amour, car le pch est une rupture.
On ne peut pas se moquer de Dieu. Si dieu ne jugeait pas le pch, il ny aurait pas de bien et de mal;
rien ne serait srieux dans le monde. Si Dieu ne jugeait pas le pch, il ne serait pas Dieu, car il doit tre
dfini comme juste, saint et bon face au monde du pch.
La colre de Dieu correspond notre culpabilit. Luther dit mme que Dieu prend plaisir dtruire
toute rsistance sa volont. Plus nous sommes srieux, plus nous comprenons ce que veut dire la colre de
Dieu.
D) Lobstacle et le mdiateur
Le pardon de Dieu nest pas bon march (Bonhoeffer).
De notre ct, nous ne pouvons pas enlever lobstacle du pch, car nous sommes nous-mmes en

rvolte. De notre ct, lobstacle est insurmontable. Ce nest que du ct de la saintet, de lamour et de la
justice que leurs contraires peuvent tre effacs.
Dieu enlve lobstacle en puisant sa colre contre Jsus-Christ qui assure le respect de sa saintet.
Le pardon est tabli de telle sorte que la saintet de Dieu, le caractre immuable de sa loi et la
consquence de la faute soient pris en compte. Cest pourquoi le christianisme confesse le rapport qui existe
entre la subjectivit de Christ et lobjectivit du salut qui est en lui. Christ est :
rellement saint et il satisfait les exigences de la loi
vraiment homme et il subit une justice humaine
vraiment Dieu et il est en accord avec le caractre infini de Dieu
Il subit la condamnation notre place et enlve ainsi lobstacle de la mort. Christ est rellement tout
cela subjectivement et il rpond au besoin dune relation sainte et personnelle entre Dieu et lhomme. Le
salut objectif quil accomplit te lobstacle rel qui nous spare de Dieu. Ainsi, il est le Mdiateur.
Pourquoi Christ a-t-il agit de la sorte? Aucune obligation de lordre Dieu pardonnera, cest son
mtier ne peut tre invoqu sans faire preuve dimpit. Il agit ainsi cause de son amour pour nous.
E) La nature du pch
Pouvons-nous dire ce quest le pch? Il est difficile den parler. Avec H. Blocher, on peut dire que
le pch na pas dessence (p. 33). Cest pourquoi le caractre du pch reste inexplicable. Les efforts pour
trouver un centre au pch (lorgueil, la paresse, la convoitise) sont vains. La nature du pch reste
mystrieuse. Elle est ngative mais son sens est trs clair. Le pch nous loigne de Dieu. Il se manifeste de
plusieurs faons.
Le pch est le mal rel de lhomme. Il manifeste la ralit de son tat. Il ne sagit pas simplement de
la privation dun bien, dune absence lhomme est rellement et concrtement mauvais. Ceci apparat avec
vidence dans le cadre de lalliance. Cet tat revt au moins quatre aspects.
1. Le pch introduit une rupture dans la relation avec Dieu, il est nuisible la communion avec
Dieu et avec les autres. Ceci a une trs importante consquence: la premire victime du pch nest
pas lhomme mais Dieu qui est le premier offens, celui qui nous avons port tort (Ps 51.3-4). Cest
pourquoi il est Juge.
2. Puisque Dieu est loffens, cest lui qui doit tre rconcili avec nous en tant que coupables Tel est
le contexte de la grce de Dieu, qui est le Dieu de la rconciliation.
3. Le pch nest pas connu naturellement. Mme si les hommes reconnaissent que quelque chose ne
va pas, ils ne reconnaissent pas pour autant le pch contre Dieu. Ils ne reconnaissent pas leur
culpabilit. Le pcheur admettra quil nest pas pur, mais pas quil a offens Dieu.
4. La connaissance du pch dpend de la rvlation qui nous informe quune alliance est rompue.
Nous connaissons la ralit de notre pch non par nos sentiments ou par une vague perception de
culpabilit, mais cause de ce que Dieu dit ce sujet. La connaissance de notre pch est une des
aspects de notre foi en Dieu (Rm 3.19 ; 1 Jn 1.8). La rvlation du pch fait donc partie du salut. La
connaissance du pch et celle du pardon vont toujours ensemble, comme la mort et la rsurrection.
Christ est mort pour nos offenses et ressuscit pour notre justification. La connaissance de nos
offenses et de notre vie nouvelle vont de pair. Dieu rvle que la mort de Christ est la consquence
du pch.
Consquences :
1. Le pch est une attitude spcifique et fondamentale qui est la racine de tout. Il faut distinguer
entre le pch qui est une attitude du cur et les actes qui en dcoulent : la mort, la maladie, les dtresses qui
ne sont pas des expressions du pch mais qui en sont la consquence. Le pch correspond, tout dabord,
une attitude qui se traduit dans des actes (ex. le divorce = un pch). Le pch est une caractristique du
cur de lhomme, de son esprit et de son tre.
Existent-ils des actes indiffrents, qui ne sont pas en eux-mmes des pchs? Quelle attitude fautil avoir vis--vis des films, des romans, des pices de thtre dont les thme tournent autour de pchs?
Lhomme qui prend plaisir au vice et trouve la vertu un sujet de douleur ou dennui na dexprience vraie ni

de lun ni de lautre.
2. Le pch est spcifique par nature, car il correspond une rvolte morale, un refus daccepter
une obligation morale (Jn 3.4). La dfaillance se produit principalement dans le domaine moral. (Delumeau).
Le pch exprime la dpravation inne de lhomme. Cela ne veut pas dire que les hommes naccomplissent
que des actes mauvais, mais quils sont tous capables den commettre. Le chrtien est un homme qui lutte
contre sa capacit faire le mal. Pourquoi ? Parce quil sait que chaque acte mauvais est une offense contre
Dieu et quil doit donc rsister la tentation de cesser de lutter, et pire encore celle de nier quil soit enclin
au mal.
Les sciences sociales et les sciences humaines incitent parfois nier le pch. Cest ainsi que
lalcoolisme et dautres addictions peuvent tre guris mdicalement. Le vandalisme serait le rsultat dun
mal tre d des conditions sociales dfavorables. On sefforce en consquence de gurir en niant toute
responsabilit personnelle ou en rejetant toute culpabilit. Mais supprimer la culpabilit en rejetant la
responsabilit, cest refuser de faire face au problme fondamental du pch.
3. Le pch est une pollution de la vie humaine et sociale. Cette pollution est lenvers de lamour qui
une obligation pour lhomme (Mt 22.37-40). L o cette orientation positive fait dfaut, les aspects du
caractre de lhomme qui le pollue lui-mme ainsi que la socit prennent le dessus. Le pch est une
pollution qui sinstalle entre lhomme et Dieu et qui suscite culpabilit et mort.
Nous devons prouver une vraie tristesse en considrant comment notre existence est oppose
Dieu. La vie du pcheur est une ngation de la vie et de la saintet de Dieu (1 Jn 1.5-7).
Le chrtien, dont les pchs et la culpabilit qui sensuit sont abolis, se doit de lutter contre tout ce
qui est tranger la communion avec Dieu de prier pour que Christ soit prsent dans sa vie.
F) Le pch originel
Le terme de pch originel a t invent par Augustin. Il dsigne ltat de pch dans lequel se
trouve tout tre humain du fait de son origine, de son appartenance une humanit pcheresse. Cette origine
remonte Adam, le chef de sa race. Le pch originel voque la dchance de toute lhumanit comme
consquence de la dsobissance dAdam. Cette notion inclut, implique une solidarit de lhumanit avec
son reprsentant, le premier homme. Deux questions se posent:
Quelle est la nature de cette solidarit entre Adam et sa descendance (la race humaine)? Comment
admettre limplication nous dune faute dAdam?
Comment pouvons-nous tre reconnu coupable dune faute dont la responsabilit ne peut pas nous
tre imputable?
La rponse la seconde question dpend de la rponse la premire. On peut formuler le contenu
des deux questions de la faon suivante: Quel lien moral y a-t-il entre Adam et lhumanit, qui rende la race
humaine, individuellement et collectivement, participante de la culpabilit du pch et de la pollution qui en
rsulte?
a) Le pch comme symbole. Une premire rponse vacue la question. Cest celle de Ricur, sur la
ligne de Hegel. Pour Hegel, lhistoire dAdam nest pas une histoire contingente, mais une histoire
ncessaire. Cest lhistoire ternelle de lesprit humain dans son devenir. Ltat dinnocence est ltat animal,
matriel. Le mot esprit signifie connaissance et immdiatet du bien et du mal. Pour Ricur, le rcit de la
Gense nindique pas une chute hors dun tat de perfection initiale. Il exprime symboliquement la
conscience que le mal concerne les rapports entre humains. Le pch nous prcde; nos actes sont seconds.
Pour la thologie de la crise, pour la thologie existentialiste, la chute nest pas intervenue une moment de
lhistoire. Elle se situe dans une pr-histoire. Tout individu historique a conscience de son tat de pcheur.
b) Aetologique (Kierkegaard et Brunner). La chute est lillustration dun fait universel.
c) Augustin: solidarit par lhrdit. Pour Augustin, Dieu, en crant Adam, a aussi cr la race
humaine de faon sminale. Avec lhomme, il y a lhumanit en puissance. En pchant, le premier homme a
corrompu la nature humaine. Pour Augustin, la solidarit est dordre naturel. Il ne pose pas la question lgale
(la deuxime question). Il affirme que les hommes sont coupables cause de leur rapport naturel avec Adam.
Cette position est reprise par Thomas dAquin. Comme la main participe aux actions du corps, nous sommes
partie prenante lacte dAdam. A cet aspect raliste, Thomas dAquin ajoute une solidarit lgale. Sur le
fondement de lunion avec Adam ; la race humaine subit un jugement lgal fond sur ltat de corruption.

Calvin na gure retouch ce point de vue. Le pch originel est, pour lui, une corruption hrditaire de
notre nature et une perte des dons de Dieu.
Cette position raliste se trouve, en gnral dans le catholicisme romain comme aussi dans la
thologie rforme (W. Shedd). Ses faiblesses sont :
Selon lEcriture, lme des hommes nest pas une individualisation dune substance spirituelle
prsente en Adam. Lunion naturelle entre Adam et nous, en ce sens, nexiste nulle part dans
lEcriture; la culpabilit de lhomme dchu ne peut pas tre expliqu ainsi.
Si le rapport entre Adam et lhumanit est naturel, comment les hommes sont-ils jugs justement
cause du pch dAdam?
d. La thologie fdrale. Cette thologie a t dvelopp aprs la Rforme. Elle reprsente une
tentative pour dfinir de faon plus satisfaisante le rapport entre le caractre naturel de la solidarit avec
Adam et son caractre lgal. Nous allons exposer cette ide avant dexaminer si elle correspond bien
Romains 5.
La thologie fdrale nest pas lobjet dun consensus dans la thologie rforme. Diffrentes faons
de formuler le rapport entre la solidarit naturelle et la solidarit lgale avec Adam ont t mises. Mais tous
les thologiens rforms sont daccord pour reconnatre une relation double entre Adam et lhumanit :
Adam est la fois le chef naturel de lhumanit et son reprsentant lgal.
Le rapport naturel
Adam est lhomme en qui lhumanit a sa source naturelle. Son pch a pour consquence la
corruption de sa propre humanit et, par voie de consquence, celle de lhumanit tout entire.
Le rapport reprsentatif
Adam se tient non pas seul mais en tant que reprsentant dsign de lhumanit. Le line entre cet
homme et les hommes est, non seulement parental, mais aussi fdral. A cause de la reprsentativit, la
rupture de la communion avec Dieu et la corruption dAdam infectent tous les descendants de celui-ci. Dieu
impute la culpabilit du premier pcheur ceux quil reprsente et qui, pour cette raison, sont dans une
condition de corruption. Pourtant, le pch dAdam ne nous est as imput en tant que tel.
Cette position unit la ralit de la transmission du mal, prne par la position raliste, et le lien
fdral selon lequel nous sommes rendus coupables devant Dieu avec Adam. En effet, (Henri Blocher) nous
ne sommes pas punis pour le pch dAdam mais, avec Adam, nous sommes coupables pour nos propres
pchs. Comme le dit H. Blocher: Cest cause du pch dAdam que nous sommes punis pour les ntres.
(p. 103). Ainsi cause du double lien fdral et naturel, nous sommes coupables, morts et punis avec Adam
et compt avec lui par Dieu, non cause de sa dsobissance, mais cause de nos fautes relles. Notre faute
nest pas une faute qui nous serait trangre, elle est la ntre, mais cause de notre humanit commune avec
Adam, Dieu nous considrent comme un avec lui dans la culpabilit son gard.
Voyons la correspondance avec lEcriture.
F) Les donnes bibliques
Il nest pas difficile dtablir, partir de lEcriture, le lien naturel avec Adam. Job 14.4; Jean 3.6;
Psaume 5.17 et Ephsiens 2.3 parlent de la condition naturelle de lhomme comme tant corrompue. 1
Corinthiens 15.22 va plus loin. Tous sont morts en Adam. Le passage le plus explicite est Romains 5.12-20.
Le verset 12 est une comparaison sans conclusion. Kai outos nachve pas la comparaison; elle la continue.
La premire partie du verset mne lapodose qu nest pas termine. Aprs le verset 12 et jusquau verset
18, il y a une ou plutt deux parenthses. Comment pourrait-on, ici, comprendre le pch de lhomme ? Eph
h (12) est bien traduit par la TOB. Le sens du verset prsente une difficult; comment concilier les deux
ides qui y sont prsentes?
La mort atteint tous les hommes car ils ont pch ;
La mort atteint les hommes cause du pch dun seul.
Sagit-il de deux situations diffrentes? Ma proposition est quil sagit des deux rsultats dun mme
vnement:
Le pch dAdam apporte la mort tous les hommes (14) ; il a un aspect universel. Lacte dAdam

est la porte par laquelle la mort entre dans le monde: v.15, faute dun seul, beaucoup meurt; v.16, jugement
dune faute, condamnation; v.17 la mort rgne; v. 18, condamnation de tous.
Le pch dAdam a produit la mort dAdam, au singulier.
Le pch dAdam est le pch de tous les hommes, car tous sont solidaires avec lui cause de leurs
propres pchs. Cest aspect naturel de transmission du pch. Mais Adam nous a reprsents comme
mdiateur de lalliance. Il y a l un rapport lgal. A cause de notre propre pch, nous sommes solidaires
avec Adam.
Quelle conclusion peut-on tirer? Quelle est limportance de ces notions?
Le pch est une chose universelle. Tous les hommes sont pcheurs devant Dieu, non seulement
cause de leurs fautes individuelles, mais aussi cause de leur culpabilit puisquils otn rompu lalliance avec
Dieu.
Le caractre collectif du pch est individualis dans chacune de nos vies. Nous avons tous besoin
de salut. Le pch dAdam, le pch de la rupture est personnalis en chacun de nous.
Le contexte de Romains 5. Paul veut montrer que la faute dAdam aboutit la mort. Pourquoi?
Parce quil veut montrer que la vie ternelle est acquise en Christ. Luc 18.9-14. A la place de la faute se
trouve la justification dun seul. (caractre irrvocable) La vie ternelle est aussi dfinitive en Christ que la
mort lest pour ceux qui sont en Adam. La justification en Christ assure la vie ternelle comme la mort l est
en Adam. Le parallle entre Adam et Christ ne porte pas sur limputation dun acte tranger, mais par
lintervention dAdam, la condamnation mort, et par lintervention de Christ, la vie. La mort en Adam est
parallle la conversion et la vie en Christ, qui nous assurent de la justice de Christ.
Le pch est universel comme mode dexistence de lhomme dans le monde. Cela touche tous les
aspects de son existence.

VI La solidarit dans le pch


Aujourdhui plus quauparavant, nous sommes plus conscients du caractre collectif du pch. Lee
christianisme, qui avait tous les moyens de dvelopper lide de luniversalit du pch, ne la pas fait. Il a
presque toujours insist sur le caractre individuel du pch par rapport Dieu. Pourquoi?
La chrtient a sans doute favoris cette lacune. Une socit chrtienne pouvait avoir la
prtention dtre organise de faon conforme la volont de Dieu. Les drapages taient alors seulement
individuels, devaient tre confess individuellement, autrement on risquait la perdition. La socit mdivale
est un assez bon exemple de cela. Lhomme y tait plac dans une situation immuable par la socit,
miroir du Royaume de Dieu sous la grance de lEglise.
Le problme dans cette situation est celui de la thodice. Pourquoi cette socit nest-elle pas
parfaite? Quelle est la responsabilit de Dieu cet gard? Lhomme, lui, est responsable.
Aujourdhui, le problme est inverse. Lindividu est considr comme conditionn par le milieu tel
point que sa responsabilit est conteste. La situation est celle de lanthropodice. Pourquoi lhomme faitil le mal? La rponse donne cette question sexprime en terme de structures alinantes. Ainsi, on insiste
sur la nature collective du mal. Lindividu est une sorte de mastic model par la socit.
Entre ces deux perspectives, celle de lindividu, unique responsable (trs souvent, la position du
capitalisme individualiste la Adam Smith) et lindividu non responsable cause des structures alinantes
(position marxiste), o est la vrit? Sommes-nous responsables des pchs de la socit sous prtexte que
nous en sommes membres? Ou sommes-nous tout fait libres de nous dterminer? Quelles consquences
pour notre comportement? Rflchissons cela dans le cadre des deux grands dfis poss par la notion
chrtienne de pch.
1. Marx et la macro-alination
a) La question que se pose Marx vient des Lumires au travers de Rousseau. Si lhomme est la
mesure de toutes choses, il devrait pouvoir crer une socit sans alination. Pourquoi lhomme, ds quil est
en socit, embrouille-t-il tout? Pour Marx, la rponse cette question se trouve dans le systme
conomique forg par lhomme moderne. Ce systme, gnr par lhomme, est un facteur de macroalination qui opprime les individus, quils soient oppresseurs ou opprims.
Une des ides centrales de Marx est, la suite de Rousseau, que pour comprendre lhomme, il faut le
considrer par rapport aux conditions sociales auxquelles il est soumis. Lhomme nest pas un tre la nature
dtermine; celle-ci peut devenir ce que permet la socit. Cest ainsi quil dnonce les individualistes qui
prtendent que chaque individu a des capacits que la pression sociale naffecte pas . pour Adam Smith, la
socit commerciale ne fait que reflter des diffrences naturelles. La structure conomique ne fait que
mettre en vidence la diffrence des dons reus par chacun. Le systme conomique du laissez faire doit
tre maintenu politiquement.
b) La critique de Marx revt deux aspects. Dabord, lingalit sociale ne correspond pas lingalit
individuelle, mais des intrts sociaux et politiques. Lindividu est opprim par une structure alinante.
Dautre part, Marx argumente que le dveloppement historique de lEtat moderne centralis institutionnalise
linjustice. LEtat est devenu une force qui incarne une puissance injuste. Cest sur cette ide que Marx a
fond sa grande loi sociologique, celle de la lutte des classes qui cherche restaurer la nature humaine par un
renversement de lordre social. Il faut abolir lEtat et, avec lui, la structure de domination. Lanalyse des
marxistes montre quel point lEtat est une structure de macro-alination, la puissance politique,
bureaucratique, militaire et sociale mne au maintien dun statu quo injuste. Dans cette situation, lindividu
nest plus matre de son existence. Lhomme est manipul par des puissances impersonnelles qui lui sont
extrieures. Pour Marx, ces puissances sont dmoniaques.
c) Dans lEtat moderne, pour Marx, lindividu est alin par le groupe conomico-social, sans quune
vraie communaut ne se constitue. Ainsi lEtat industriel limine la fois lindividu et la communaut. Par
alination, il faut entendre que les moyens de vivre nappartienne pas lindividu que toute lexistence
humaine subit une transformation et devient inhumaine par des moyens de production et des institutions
impersonnelles. Il y a exploitation quand quelquun prend pour lui-mme ce quun autre produit. Ainsi,
celui qui travaille perd sa vritable identit pour de largent (exemple : une prostitue) ou bien ne le fait pour
jouir du rsultat recherch, mais pour largent qui lui sera donn en change. Le marxisme veut liminer
cette nature aline.

d) Le but de laction marxiste est donc la restauration de la vraie humanit de lhomme. Le rsultat
sera que lindividu pourra contrler sa propre destine en exerant une critique contre les institutions en
place. Le moyen de faire apparatre cet homme nouveau consiste ter ce qui fonde lantagonisme entre les
classes. Une socit sans classe issues de la lutte des classes actuelles implique galement la disparition de
lappareil tatique.
e) La doctrine chrtienne du pch originel et de la dpravation est, pour Marx, une rationalisation de
loppression conomique accompagne dune promesse fantasmagorique dun autre monde. La religion est
une illusion (fausse conscience) qui correspond la nature aline de lhomme. La religion, dans lanalyse
faite par Marx de la philosophie du droit chez Hegel, est lesprit dune situation non spirituelle. Elle est le
soupir de lopprim.
2. Une valuation morale de la critique marxiste
a) La critique marxiste de la solidarit dans le pch, en particulier lalination, se rapproche de la
vision chrtienne de lhomme, en particulier lvaluation de la convoitise de la nature humaine et
loppression de lgosme individualiste caractristique du matrialisme moderne.conomique. Le systme
conomique qui enseigne la primaut accorde la recherche de lavantage individuel ne peut quaffecter
toutes les relations humaines. Ce matrialisme oublie le fait que les hommes appartiennent Dieu. Le
marxisme, lui, conoit lhumanit comme une communaut, mme sil ne croit pas en Dieu.
b) La vision marxiste dune humanit restaure est trs proche du christianisme, comme sa
comprhension du mal que reprsente lexploitation dune homme par un autre. Dans les deux visions de
lhumanit, le travail doit tre un processus de cration. Il est possible dtre alin par des frres et des
surs dans le monde conomique.
c) Il existe, chez Marx, une vision de la libert de lhomme proche de celle du christianisme. Sil est,
pour Marx, opprim par des situations sociales, lhomme nest pourtant pas fatalement dtermin par ces
conditions: il peut esprer les changer; il est son propre crateur. Mme si le chrtien veut accorder ce rle
Dieu, il ne peut pas ignorer quil existe chez Marx une forte affirmation de la libert morale.
Pourtant il reste un grave problme. Si nous sommes libres en tant qutres humains, comme le dit
Marx, pouvons-nous rduire tous les problmes humains celui de la structure sociale? Si lalination tenait
uniquement une cause structurelle, llimination de celle-ci liminerait aussi la convoitise et lgosme
humains jamais (mystre du pch). Le royaume de lhomme parfait est la porte de la main de celui qui
tient le fusil rvolutionnaire dans lhistoire. Pour le christianisme, la solidarit dans le mal est plus
importante que pour le marxisme. Cest l la grande diffrence entre le marxisme et le christianisme.
Le marxisme ne prend pas en considration le fait que le pch est permanent dans la nature
humaine et quun changement de structure nenlvera pas la convoitise fondamentale de la nature humaine.
Une changement matriel ne changera pas ce qui est dans le cur de lhomme. Le chrtien indiquera que les
rvolutions conduisent de nouvelles oppressions et la formation de nouvelles lites (p.ex. le paternalisme,
la Chine). Le marxiste mettra en cause lindividualisme. Le chrtien remarquera que la question nest pas
dabord lindividualisme, mais celle de savoir qui peut changer lhomme.
La rvolution. Pour le marxiste, elle est le moyen de briser les structures de linjustice, qui
concentrent le pouvoir dans les mains dune classe dominante. La dmocratie politique nest quillusoire
(voir Marcuse).
Sur la libration. Le systme lui-mme est sa propre force dynamique; le dbat politique nest pas
le lieu de la puissance. Le chrtien peut ne pas suivre: largument marxiste selon lequel la dmocratie
politique nest quapparente puisquelle est contrle par des intrts conomiques, nest pas convaincant. Il
ne prend pas en considration le fait quaussi bien dans un systme dmocratique que dans un systme
marxiste, la politique et lconomie peuvent favoriser la convoitise et lgosme. Lanalyse marxiste ne prend
pas au srieux le caractre fondamental et profond du pch dans lhomme. Lalination, pour le chrtien, est
plus grave; elle nest pas seulement matrielle, mais aussi spirituelle, cest--dire concerne tout ltre.
d) Quelques consquences
i) Que doit faire le chrtien face aux mouvements rvolutionnaires dans le tiers-monde? Il ne peut
pas soutenir le statu quo, car les Etats actuels dans ces pays sont presque tous des dictatures oppressives et
irresponsables. Il est impossible dy dfendre la libert. Ile st clair que ces institutions sont tout aussi
indfendables que les Etats de lEst. Impossible de les soutenir activement. Mais peut-on soutenir la

rvolution? Deux questions se posent:


La rvolution violente est-elle la seule solution dans ces situations? Ou dautres voies peuvent-elles
tre recherches pour obtenir une meilleure situation? (alphabtisation, aide aux dmunis : agriculture, etc.)
La rvolution cherche-t-elle tablir un systme vraiment dmocratique ou un systme qui ne fera
que transfrer le pouvoir une autre lite, laquelle refusera, par la suite, tout changement, en plaidant le
rvisionnisme? Le chrtien doit refuser lautoritarisme socialiste tout autant que la dictature antidmocratique. Autrement dit, la rvolution nest pas lobjet de la mme esprance pour le chrtien et pour le
marxiste.
ii) Sur le plan pratique, quelle la responsabilit de lOccident du nord?
2. Freud et la micro-alination
Dans la pense de Marx, lalination vient de lesclavage auquel le groupe social soumet lindividu.
Il existe une solidarit matrielle dans le mal. La libration doit tre matrielle.
Chez Freud, lalination de lindividu est galement le fait dun groupe, le groupe familial. Il y a une
solidarit psychique dans le mal, aussi la libration doit-elle tre psychique. Avec Marx, Freud estime que la
socit estropie ses membres dans leur dveloppement psychique. Le mal est universel puisquil est fond
sur un endoctrinement commenc ds la jeunesse. Le caractre dun individu nexiste pas sa naissance; il
est faonn pour lui. Le dveloppement de notre caractre, selon Freud, est faonn par rapport la loi du
complexe ddipe. (complexe ddipe? origine de la religion? quels livres?)
a) Dans le dveloppement du caractre (lego), Freud cherche comprendre pourquoi nous
continuons ressentir des obligations alors que les autorits qui nous ont forms ont disparu. Kant a parl de
la loi morale inne tandis que dautres ont voqu les habitudes acquises. La thorie de Freud cherche tre
universelle. Dans le dveloppement de lindividu, lego est ballott entre le sens de lobligation morale form
en nous par les normes du groupe auquel nous appartenons et les pulsions qui sy opposent. Lenfant cherche
plaire ses parents en se soumettant aux obligations quils lui imposent. Il vite ainsi linquitude en
devenant leur image. Mme grand, lenfant continue tre la copie de ses parents, mme quand ils ne sont
plus l. Lego se soumet ses propres obligations. ne me punis pas, papa, je suis assez g pour me punir
moi-mme.
b) Lenfant apprend donc tre performant selon les codes que lui appliquent ses parents (ex. garon
et devoirs). La nvrose provient de ce que les obligations reconnues par le super-ego ne conviennent pas
comme rponses aux choix varis de la vie adulte. Le sacrifice ainsi exig se traduit en inquitude qui va
empcher de contrler les instincts. On est inhib.
La nvrose correspond une dichotomie fondamentale dans lexprience humaine; une
incompatibilit entre notre enfance et notre exprience dadulte, entre le super-ego et le a. La
psychanalyse cherche discerner le dveloppement de cette dichotomie et permettre lindividu dtre
responsable, non seulement vis--vis dune partie de sa nature, mais de sa totalit. Do limportance quil y
a renforcer lego dans le sens de son indpendance du super-ego et dans la colonisation du a. L o
tait le a, l sera lego (la sant psychique ).
c) Le bien-tre psychique se trouve dans la perception des motivations profondes, lobligation
sociale et laction du moi. Il y a une contradiction (opposition) profonde et inaltrable entre la nature
humaine avec ses pulsions et la socit. Lobjectif de lanalyse est dviter la rgression de lego face une
crise correspondant un stade de dpendance motionnel avanc et de permettre une plus grande libert de
choix devant la vie.
Remarque: Le problme fondamental avec Freud est le mme quavec Marx : le rapport entre
lindividu et la socit. Marx est plus fidle la tradition des Lumires, car il met lhomme au centre comme
tant celui qui est matre de son destin et peut donc se librer.
Chez Freud, il existe une contradiction entre lhomme comme objet de la socit et lhomme comme
sujet de la vie sociale. Plac contre la socit comme objet, lhomme semble subir le destin, est incapable et
dtermin. La nature humaine est fixe et il ny a pas desprance de libration. Comme sujet de la vie
sociale, comme celui qui gnre des valeurs, lhomme protge son existence avec des garde-fous. Le
paradoxe est que pour assurer cette protection, il est oblig de rcuser ses instincts profonds. Lhomme est
donc dtermin rcuser socialement les pulsions eros et thanatos qui constituent sa personne. Cela

explique quEmmanuel Mounier ait dit quen essayant dhumaniser la psychologie, Freud a fini par la
dshumaniser. Cest aussi la raison de lopposition acharne dAdler contre Freud.
Un point positif. Freud a montr la solidarit de lhumanit dans le mal et, en particulier, combien
de valeurs sociales ou humaines correspondent au besoin de se dculpabiliser qui est en lhomme. Dans ses
crations, lhomme tente en vain de se dfaire de son mal qui, selon Freud, est profond et atteint toutes les
parties de son tre les instincts comme aussi la raison: cest la doctrine de la dpravation totale. Freud a
raison, en un sens, dtre pessimiste et de dire que ltre humain ne peut pas se changer mais seulement se
soulager.
Un point ngatif. Freud semble nier les notions de libert de dtermination, dautonomie et de
responsabilit individuelle. LEcriture, en revanche, insiste sur le pch de tous les hommes et sur la
responsabilit de lindividu devant sa faute. Sil est vrai que nous sommes influencs par notre milieu, nous
nen sommes pas pour autant dtermins. Chaque homme reste image de Dieu et responsable devant lui et
dans la socit. (Le rle de la conscience) Avec deux enfants qui on a donn la mme ducation, on obtient
des rsultats diffrents.
d) La culpabilit
1. Une explication anthropologique
La notion de culpabilit est centrale chez Freud. A ce point de vue, il est intressant, car il est un des
rares scientifiques avoir voulu considrer une notion religieuse comme fondamentale dans son systme.
Ainsi, dans sa pense, ce ne sont ni linconscient ni la sexualit en tant que telle qui dominent, mais le sens
de la culpabilit. Cette proccupation met en vidence la fois la proximit de Freud avec le christianisme
mais aussi ses diffrences, car il dissocie culpabilit et pch, lesquels sont lis de faon fondamentale dans
la pense chrtienne. Pour Freud, la culpabilit est fondamentale puisque lhomme, malgr ses progrs, reste
un pcheur misrable. Mais, comme homme de science, il nvoque pas le problme de la relation avec
Dieu; il limite sont analyse un compte-rendu anthropologique.
Quelques prcisions sur la position fondamentale de Freud.
Pour lui, les sentiments de culpabilit sont la perception dans le moi qui correspond la critique
exerce par le sur-moi. Cette critique nest pas en elle-mme pathologique. Cest une exprience de ltre
humain qui le constitue en tant que sujet. Il est donc inexact daffirmer, comme on le fait parfois, que pour
Freud la culpabilit est une mauvaise chose en soi.
Freud reconnat au moins trois sortes dangoisse: relle, nvrotique et morale. Langoisse relle
concerne les dangers du monde extrieur qui nous font peur. Langoisse nvrotique exprime notre crainte de
ne pas pouvoir dompter nos instincts et daccomplir un acte qui mrite une punition. Langoisse morale est
suscite par la peur de contrevenir notre code (peur du noir/ peur daccomplir un acte que ressent un
criminel avant dagir/peur de faire une chose juge mauvaise). Dans ces cas (les deux derniers), la culpabilit
est lexpression de la tension entre lego et le super-ego.
La culpabilit est avant tout un sentiment. On nest pas pcheur parce quon a fait quelque chose de
rprhensible au dtriment dautrui (le point de vue chrtien); ce sont les pulsions qui sont lorigine de la
culpabilit. Cest le dsir eros et thanatos qui cause les sentiments de culpabilit et conduit la nvrose.
Si on demande un nvros ce quil a fait pour tre coupable, on ne trouvera pas dacte, mais des pulsions et
des motions ayant de mauvais objectifs; rien nest accompli. Derrire le sens de la culpabilit, se trouvent
des ralits psychiques, pas des ralits concrtes. Ainsi Freud indique que le sentiment de culpabilit a une
justification; il est fond sur le souhait, peut-tre inconscient, de la mort de certains de nos prochains.
Freud prcise aussi que le divorce entre le sentiment de culpabilit et la ralit de la faute peut tre
radical. Le sujet (ou la culture, en gnral) labore un univers fantasmagorique qui permet de dplacer la
culpabilit. (cf. le ressentiment contre les pauvres, la culpabilit et les dons faits aux uvres de charit)
Ainsi, dans les cas graves, un monde fantasmagorique est labor pour effacer la culpabilit et lon vit
dconnect de la ralit. Cela se passe lorsque le super-ego est trop rigoureux. Le rsultat en est que la
culpabilit, en grande partie inconsciente, soulve des problmes motionnels qui peuvent susciter un
comportement violent ou masochiste.
La solution psychanalytique est de faire ressortir le dsquilibre entre la culpabilit et dune part,
ses symptmes apparents et dautre part, la faute. Si une solution psychanalytique dun symptme est
trouve, celui-ci peut disparatre. Le but est donc de rduire la puissance du super-ego et daugmenter celle

de lego. Lego ne peut pas se renforcer aux dpens du a, car le a est fait de pulsions non modifiables.
Lego se renforce en rduisant la puissance de la conscience que lon a de contrler le comportement et de
punir ce qui est illgal. Ce but est atteint lorsque les contrles effectifs sur le comportement sont rduits. Les
pulsions sexpriment plus librement sans culpabilit et, ainsi, une ralisation plus grande de la personne est
accomplie. Ces pulsions sont, trs souvent, considres comme amorales en elles-mmes, et expriment une
demande daffection. Ainsi, les coups que donne un fils sa mre peuvent tre lexpression de sa culpabilit
inconsciente, car il la dsire, ce qui est une atteinte la dignit de son pre qui il veut vraiment du mal; ces
coups sont, en fait, une demande daffection. (groupes de rencontre)
Parallles avec le christianisme.
Freud indique que le christianisme est une religion qui saccorde avec sa thorie. Il y a des parallles
entre les deux.
a = la vieille nature de lhomme avec sa volont fausse. Ego = la mentalit de lhomme au
sens large de disposition. Super-ego = la conscience.
Dans le christianisme, les deux thtres du dsir sont la sexualit et lagressivit. Les deux
traduisent le dsir de ltre humain de saffirmer en prenant la place de Dieu. De cette rbellion
initiale dcoule la convoitise dune autre espce (Jc 1.11-12).
Se reconnatre pcheur permet de se situer devant Dieu comme sujet et de voir son tat avec
ralisme.
Voir les symptmes du pch caractristique de son drglement exprime une demande daffection
de la part de lhomme qui, malgr sa faute fait le bien.
2. La culpabilit version chrtienne
a) Les lments de la position biblique
Il y en a trois:
La responsabilit qui dpend de lindividu et de sa libert
La culpabilit comme dmrite, la ralit de la faute
La culpabilit juridique: la punition (cause, mobile et crime: tat - contre-loi: peine)
La culpabilit peut tre collective ou individuelle ; elle correspond toujours une ralit objective.
Comme violation de la loi de Dieu, elle rend lindividu susceptible de subir une peine, quil connaisse ou non
sa faute.
Ainsi, en Lvitique 4.13 et 5.2, on voit que la violation des commandements implique la culpabilit
(Jc 2.10) La culpabilit appelle une rparation (Lv 5.15-17).
Dans lenseignement des prophtes, la notion de responsabilit individuelle est vidente (Jr 31.2930).
Dans lAncien Testament, les notions de pch/culpabilit et de blme sont proches lune de lautre,
sans distinction trs nettes.
Dans lenseignement de Jsus, laccent est mis sur lattitude intrieure du pcheur. La rmission du
pch implique labolition de la culpabilit (Lc 18.8-14, dedikaioomenos, seulle rfrence la justification
lgale dans les vangiles). Mais, dans lenseignement de Jsus, on voit aussi des degrs dans la culpabilit
qui dpendent de la connaissance et de la motivation de lhomme (lc 11.29-32, 12.47-48 et 23.34). La
transgression est un pch contre Dieu et implique que la culpabilit est objective (Lc 15.21, cf. Ps 51).
Laptre Paul ne fait que reprendre cette perspective fondamentale. Le pch est le contraire de la foi (Rm
14.23).
Une approche thologique de la culpabilit ne peut donc pas se limiter un sentiment; elle doit
aborder le problme de sa cause qui est notre opposition contre Dieu/ la motivation de dmrite dans nos
intentions ou actes et la conscience de linjustice et de la punition. H 10.26.
b) Consquence thologique (voir Blocher, p. 44)
La distinction entre le reatus culpae et le reatus poenae est importante. Laspect personnel de notre
culpabilit rside dans la rmission des pchs. La mort de Christ est la prise en charge, de faon judiciaire,
de notre culpabilit. Christ ne devient pas pcheur personnellement notre place, mais il assume notre

culpabilit en ce qui concerne la peine juridique. Nos pchs restent les ntres, mais nous sommes librs de
leurs consquences et, ainsi, de la mort. Cette libration veut dire que ma peine est enleve et que je ne peux
pas tre accus une seconde fois pour mes fautes contre Dieu. Cest l le sens du simul justus et peccator de
Luther.
c) Trois diffrences peuvent tre indiques entre la culpabilit en thologie et en psychologie:
i) Quel est le rapport entre pch et culpabilit? Pour la thorie freudienne, la culpabilit est le
rsultat du conflit entre le a et le super-ego. Ce conflit est largement inconscient. Il constitue le
sujet.Freud, qui ne peut pas accepter la rfrence religieuse de la culpabilit cherche la comprendre comme
une ralit biologique, non pas morale et anthropologique. La rfrence thocentrique de la culpabilit est
enleve. Le prsuppos de Freud est que la science naccepte pas de prsupposs pr-thoriques qui sont
religieux. La culpabilit humaine ne suppose ni une loi, ni un pch, ni un crime ; cest une ralit laquelle
lhomme ne peut chapper. La culpabilit est illusoire; il faut le reconnatre et sen dcharger. La
consquence tire, par certains disciples de Freud, du caractre biologique, invitable, des sentiments de
culpabilit est que nous ne sommes pas responsables de nos actes. La vision chrtienne, en revanche, affirme
que la culpabilit est relle, concerne notre relation avec Dieu et est la consquence de notre sparation
davec lui. Elle cherche enlever la culpabilit non en la reconnaissant comme illusoire, mais en prenant sa
ralit au srieux.
ii) Quelle est la diffrence entre la culpabilit et le sentiment de culpabilit? Les deux termes sont
confondus dans la littrature psychologique. Pour la vision chrtienne, la culpabilit peut comporter des
sentiments, mais ne peut pas se rduire un sentiment. La culpabilit relle par rapport au pch de lhomme
est le fondement dun sentiment de culpabilit. Celui-ci provient de quelque chose de rel. Si cest le cas, il
est insuffisant de simplement viser le sentiment pour dire quil sagit dune fausse culpabilit. Il est mme
dangereux dagir ainsi, car la prsence de la culpabilit peut indiquer une ralit aborder pour rsoudre le
problme. Ex. Si je touche un rchaud, jprouve une douleur qui constitue un avertissement et je ne touche
plus cet objet. Je nessaye pas dtouffer mes sensations de douleur pour pouvoir continuer justifier mon
action. On supprime la douleur en lcoutant, non en la niant ou en disant quelle nexiste pas.
iii) Quelle est la diffrence de traitement ? Il y a une diffrence entre les symptmes et leurs causes.
Eliminer le symptmes ne fait rien. Il faut aller jusqu la cause. Il ne faut pas dtruire le signal dalarme.
Une distinction importante est faire. Si nous allons contre notre norme, nous commettons un pch, mme
si ce nest pas contre Dieu. Contrevenir nos normes, cest aller contre les normes de Dieu, mme si notre
norme nest pas contre la norme de Dieu. Mme si la norme nest pas biblique, cest une violation de la loi
de Dieu. Si nous pensons quune chose est un mal et si nous la faisons, mme si ce nest pas contre Dieu, elle
est cause de culpabilit. (Rm 14.23)

VII Le pch et la libert humaine


Luther Du serf arbitre
Calvin Institution II,2,3
Barth Dogmatique IV.II
Merleau-Ponty Phnomnologie de la perception (1945), dernier chapitre sur la libert
Les thories qui existent pour expliquer lide de libert peuvent tre classes en trois groupes :
i) Ncessit. Tout ce qui se passe est ncessaire en ce sens quelles sont dtermines par des
considrations extrieures :
Le fatalisme. Cette ide supprime la distinction entre les lois physiques et la libert humaine. Le
destin gouverne la nature et les hommes. La ncessit se base sur la loi des consquences.
La ncessit mcanique. Lhomme nest pas la cause ultime de ses actes. Il est soumis des
circonstances. Sa responsabilit est limite par son environnement (Hobbes, Sade, Encyclopdistes).
La ncessit qui se base sur linfluence directe des premires causes (il ny a plus de deuxime
causes); ex. le panthisme. Dieu seul agit dans lhomme et dans le monde (Spinoza, etc.)
ii) Le hasard (contingence) Contre a), lide que, au moment de la dcision, lhomme est libre dans
sa volont pour dterminer son action. Lhomme a la capacit du choix contraire. La volont, cest la
puissance de faire le contraire. Ainsi la libert est lindpendance de la volont appele libert

dindiffrence. Cette ide soppose non seulement la ncessit, mais aussi la certitude.
iii) La certitude (indterminisme). Lhomme est vraiment libre si ses actes sont dtermins non
seulement par sa propre volont mais sils sont vraiment exempts dinfluence extrieure. Ses choix se font
spontanment partir de sa propre influence et sous sa propre responsabilit morale (ex. la philosophie
optimiste; ou Leibniz; mme le pch nest quun moyen au service du plus grand bonheur de lhomme; cf.
la critique de Candide. Lhumanisme optimiste refuse le pch de lhomme et croit sa capacit naturelle au
bien).
DETERMINISME INDETERMINISME
Premire question
1. Quelle est la conception biblique du pch de lhomme par rapport sa libert? Est-ce que ce
pch le dtermine dans ses choix? (dterminisme) ou est sa volont reste-t-elle libre aprs la chute
indterminisme)?
Le dterminisme et lindterminisme, au sens philosophique, reposent sur des analyses qui excluent
Dieu. La question est toujours de quoi lhomme est-il libre? ou de quoi est-il esclave?; autrement dit,
libert totale ou manque de libert, tel est le dilemme (Merleau Ponty). Dans ces deux cas, le concept de
libert manque de normes. La libert est uniquement celle de (quelque chose). Le chrtien ne peut pas
adopter la position dterministe ou indterministe pour en faire une synthse avec la doctrine biblique. Trop
souvent, au nom de la souverainet de Dieu, on a adopt la position dterministe ou, par raction, on a
relativis la souverainet de Dieu pour prserver la libert de Dieu.
Dans la Bible, il nest pas question dopposer la souverainet de Dieu et la libert de lhomme,
comme si un choix devait tre fait. (cf. Bible et Coran) ce qui limite ou te la libert de lhomme nest pas la
souverainet de Dieu, mais son pch. Lhomme est-il libre daccepter la grce de Dieu? Augustin, Luther et
Calvin disent non, non parce que la souverainet de Dieu empche lhomme dagir, mais parce que, dans
son choix, lhomme est un pcheur. Lhomme en choisissant et en agissant manifeste son alination de Dieu.
Cest prcisment en choisissant, en agissant en tant quhomme libre quil manifeste que sa volont ne lest
pas. Ce nest pas la capacit de lhomme qui est mise en cause par ce non des Augustiniens, mais sa
condition. Cest ltre avec lequel il fait son choix qui nest pas libre de choisir. Volont libre?
La croyance des rformateurs quant lincapacit de lhomme de choisir le bien dans chque situation
nouvelle nest pas fonde sur une conception dterministe de lhomme, mais sur une comprhension de son
tat en tant qutre dchu. Leur critique du libre-arbitre navait pas comme motif une ide de ncessit
fonde sur la souverainet de Dieu, mais sur la confession que les hommes ont le cur dtourn de Dieu, ce
qui le pousse sur le chemin de sa perte dont il ne peut pas sortir par un acte de sa propre volont.
La chute est lvnement qui a affect lhomme en ce qui concerne sa libert.
Les Pres latins avaient lhabitude de parler de la libert de homme comme si celui-ci tait toujours
pur et sans pch. Les Pres grecs taient plus prsomptueux en disant que lhomme tait autonome.
Augustin, Luther, Calvin disent que bien quil ait t cr avec une pleine libert de choix, lhomme
a perdu cette libert cause de son pch. (Calvin II.1.10) perversit de nature; perversit naturelle. Avant la
chute, libert. Aprs la chute, esclavage du pch. Cette constatation brise tout dterminisme. Ce nest pas
cause de lomnipotence divine que lhomme est limit dans ses actions, mais cause de son pch. La
libert, donne la crature comme un don de Dieu, a t perdue par elle dans sa rbellion contre Dieu.. La
libert de lhomme est centre sur son rapport avec Dieu. Quand le rapport avec le Crateur est restaur, la
libert de la crature est retrouve.
Cest ainsi que Jsus parle de la puissance libratrice de la vrit (Jn 8.32-36). Le contraste est ici
entre lesclavage du pch et la libert du Fils; cf. Rm 6.6, 19; Ga 4.3; Tt 3.3. Cest lEvangile de Christ qui
nous libre (Ga 5.1). La libert, dans le Nouveau Testament, nest pas celle de choisir entre deux options,
une sorte de possibilit formelle; cest plutt lactualit de la libration qui se concrtise en Christ; cest tre
au service de Dieu (Rm 6.22). Plus nous sommes en communion avec Dieu, plus grande est notre libert.
Notre dpendance de Dieu, loin de limiter notre libert, lui donne son vrai sens.
Karl Barth dit que le fondement de lamour est aussi le fondement de la libert (1 Jn 4.10). Lamour
de Dieu doit nous librer afin que nous puissions tre vraiment libres pour aimer les autres.
La vraie libert est dans le service de la vrit qui mne lamour. Lerreur est lesclavage, un acte

qui est contre lamour. Si nous enseignons lerreur des hommes, nous els rendons esclaves, nous ne les
aimons pas (2 P 2.16). Comme disait Luther, l o il ny a pas de vrit, il ne peut pas y avoir de charit. La
vraie libert de lhomme se ralise dans la soumission Christ.
La libert du chrtien a quelque chose de paradoxal: moins elle existe pour lui-mme, plus il est
libre.
Seconde question
2. Dans quel sens lhomme est-il libre aprs la chute?
Emil Brunner distingue la libert formelle (lhomme peut toujours faire des choix) et la libert
matrielle (perdue; lhomme ne peut pas choisir Dieu). Il y a, en effet, une libert humaine qui existe aprs la
chute.
La ralit de laction humaine. Lhomme est rellement libre de faire ses choix dans des actions
concrtes. Nous pouvons parler de lautodtermination de la personne.
Responsabilit de son action. Dieu juge les actes des hommes, donc lhomme doit tre responsable,
rsultat de limage de Dieu. Lois, sinon pas de prescience.
Libert de laction dans le sens dengagement de la volont. La volont est une partie de la
disposition totale de lhomme. Le cur de lhomme est cette disposition; cest pourquoi la libert sexprime
souvent de faon mauvaise (Mt 12.35, 15, 19-20). Cette disposition nest pas impose ; elle dpend de ce que
nous sommes en tant qutres humains. Nous ne pouvons pas imputer la faute Dieu cause de ce que nous
sommes (Jc 1.13-14, entraner, sduire : cest la convoitise de lhomme qui agi.
Lhomme agit, sans contrainte du dehors, de sa propre volont mais celle-ci exprime ce qui est
fondamental dans le cur et lintelligence de lhomme.
La diffrence entre 1) le choix contraire et 2) le choix alternatif.
La puissance de choisir ce qui est lantithse de sa nature.
La puissance de choisir entre des actions dun degr diffrent mais avec la mme qualit naturelle.
Ultimement, lhomme pcheur ne peut pas plaire Dieu sans tre renouvel; il peut cependant
limiter son pch dans son expression. Autrement dit, mme pcheur, il a des alternatives dans le domaine de
sa nature dchue, mais il ne peut pas en sortir sans la grce.
Cela na rien voir avec la prdestination. Lhomme na pas le choix contraire cause de ce quil
est, non pas cause dun dterminisme fatal.
Cest Adam lui-mme qui a abus de la libert que Dieu lui a donne.
Lindividu est responsable comme si le pch dAdam tait le sien; il agit selon cette disposition.
Pour lhomme bnficiaire de la grce, la libert est retrouve, et il ne peut pas perdre son salut
cause du pch. Il doit agir selon sa nouvelle disposition.

VII. Le problme du mal


Le sujet est vaste et il ny a aucun espoir de dcouvrir une rponse. Le mal est pour nous qui le
subissons une nigme insondable. Expliquer le mal reviendrait en quelque sorte le justifier, lui donner
une raison dtre. On finirait ainsi par le rendre acceptable.
Le mal est un problme pour toutes les religions. Ce problme est humain et universel.
Certaines religions nient lexistence relle du mal et de la souffrance. Ainsi, dans le bouddhisme, la
ngation de lexistence personnelle ou individuelle des hommes et des choses (doctrine du non-atman)
permet ceux qui cherchent se librer du karma mauvais et se transcender en prenant la voie consistant
nier lapparence de la ralit.
Le dualisme, religion de Zoroastre, de Mani ou des gnostiques accepte la ralit ultime de deux
principes dans le monde.
Le monisme, qui propose une seule ralit, finit souvent par accepter le mal comme tant une
apparence qui sera absorbe par le principe ultime du bien. A cet gard, il faut nommer Spinoza parmi els
philosophes rcents.
Les dveloppements ci-aprs se limiteront au problme du mal dans le christianisme.
Le problme et la porte de la question ainsi que les types de thodice chrtienne
Explication spcifique du problme (mme sil le mal est inexplicable), celle de Karl Barth
qui a le plus tudi cette question dans les annes rcentes. Lexplication quil donne est
fondamentale pour sa thologie.
A partir de quelques conclusions tires de la pense de Barth, les mmes questions seront
examines la lumire des donnes bibliques.
A. Le problme
Y a-t-il un problme? Certains ont affirm que la thodice la tentative pour faire ressortir la
justice de Dieu face au mal est un effort ambigu. Tout dabord, nest-il pas impie, pour un homme pcheur,
de chercher montrer comment Dieu serait juste en valuant ses actes partir de considrations humaines?
Lhomme peut-il justifier Dieu? Pour justifier Dieu, ne faudrait-il pas trouver une explication au pch,
savoir expliquer quelque choses de fondamentalement inexplicable? Ainsi, pour utiliser le mot de Gabriel
Marcel, nous ramenons le mystre du mal un problme qui fait de nous, non pas des participants, mais des
spectateurs.
Les deux remarques suivantes peuvent tre faites :
Si le mal nest pas un problme pour nous en tant que chrtiens et il semble que cela soit le cas
pour beaucoup sur le plan du vcu il reste une question pour la foi des chrtiens face aux incroyants en
ce qui concerne leur conception du monde dans ses rapports avec Dieu.
Si le problme du mal tel quil est pos dans les dbats intellectuels thoriques diffre de la manire
dont il se pose dans le vcu, cela ne signifie pas quil sagisse de deux niveaux distincts, ni que le
problme intellectuel soit irrel. Ceci contre la distinction de G. Marcel.
1. Dfinition du problme
Commenons avec la question pratique et tellement dlicate pour tout pasteur devant la souffrance:
pourquoi Dieu a-t-il permis cela? Voici quelques rflexions sur le sens de cette question.
Cette question est relativement correcte sur le plan thologique. Elle reconnat au moins que Dieu
est ultimement souverain dans sa cration et que rien ne sy passe sans lui ou en dehors de son contrle.
Cependant, mme si elle rvle une reconnaissance implicite de la souverainet de Dieu, elle
correspond davantage lide populaire de Dieu qu celle de lEcriture, car, dans lEcriture, la souverainet
de Dieu nest pas spare de son amour pour ses cratures. Le problme de celui qui pose cette question ne
rside pas dans le fait quil ne croit pas en Dieu, mais dans celui quil narrive pas voir que la misricorde
de Dieu est manifeste dans ce qui est arriv. Il ne peut pas faire le lien entre la mort de sa femme ou la
maladie de son enfant et la misricorde divine. Il ne voit pas que ces malheurs peuvent tre bons pour Dieu et
pour lui. (N.B. La question Sil y a un Dieu, pourquoi a-t-il fait cela? est toute diffrente et rvle une

autre mentalit)
La tche du pasteur consiste encourager la foi non seulement en la souverainet de Dieu, mais aussi
en sa bont. Il doit chercher faire comprendre que mme si nous savons pas pourquoi Dieu a fait cela, il
ny a pas de raison pour nier la bont ultime de Dieu. Notre ignorance ne doit pas tre une occasion pour
remettre Dieu en question, mais plutt une occasion, cause prcisment de notre ignorance, dexercer notre
foi en lui faisant confiance.
Laissant de ct ces questions pratiques qui intresse effectivement la thologie tudions la
question une autre niveau. Trois propositions peuvent tre formules qui rsument la thodice:
Si Dieu tait bon, il voudrait abolir le mal, cest--dire nous rendre heureux.
Sil tait tout-puissant, il le ferait, car tant bon et tout-puissant, il ne pourrait pas agir autrement.
Mais le mal existe et nous ne sommes pas heureux. Donc, Dieu manque damour ou de puissance,
ou des deux.
La difficult ainsi expose semble insurmontable. Sommes-nous destins vivre avec un Dieu
superman ou avec un Dieu bon mais impuissant? Beaucoup dpend du sens donn aux mots bon toutpuissant et heureux. Do les questions ci-aprs:
La souffrance est-elle toujours mauvaise (pas bonne)?
La toute-puissance divine est-elle toujours inconciliable avec le mal? On peut, ici, en particulier,
dfendre la position (ce que je ferai plus loin) selon laquelle la toute-puissance divine nest pas
inconciliable avec le mal cause du libre-arbitre de lhomme. Dieu est souverain et le mal relve de
la responsabilit de lhome qui a mal us de sa libert. Cet argument sappelle, en philosophie des
religions, la dfense par la volont libre; il est courant, dans le christianisme, depuis Augustin.
Ne peut-on pas tre heureux malgr la souffrance ou, dans certains cas, cause de la souffrance?
Ou Dieu serait-il oblig de rendre heureux en dpit du pch?
Ces considrations font que, dans le thisme chrtien, on maintient cinq thses fondamentales: 1.
Dieu existe. 2. Dieu est omnipotent. 3. Dieu est omniscient. 4. Dieu est tout bon. 5. Le mal existe. Toutes les
thodices chrtiennes, y compris celle de Barth (qui sera tudie en dtails), sont des tentatives pour
montrer que ces cinq thses ne sont pas incompatibles, autrement dit, que Dieu est amour, tout-puissant et
que le mal existe.
+++
Examen de deux principales thodices chrtiennes et de deux chappatoires.
a. Ces deux formes principales de thodices, qui datent des premiers sicles de lEglise, se trouvent
dans la thologie de s. Augustin et de s. Irne. En voici les principaux traits.
Augustin (voir La cit de Dieu, Les Confessions, lEnchyridon) Il sapproche du problme sous
quatre angles:
i) Le mal est, avant tout, dfini comme une privation du bien. La cration est bonne, lhomme cr
est parfait, le mal est un manque de bien qui slve contre Dieu. Le mal est privatio, deprivatio, corruptio,
amissio, vitium, defectus, negatio. Lide de privation quAugustin emprunte au no-platonisme, se dfinit
par rapport la plnitude de Dieu. Le mal est un manque par rapport au bien ou la plnitude dtre quest
Dieu. Il existe, dans la cration, aprs la chute ; il nest pas cr par Dieu et nappartient pas la cration; il
est second et parasitaire. Augustin exprime trs souvent cette pense laide de lide de Platon que le nant
est me on, bien quil rejette catgoriquement lide no-platonicienne dmanation. Cette privation explique,
ou tente dexpliquer, la tendance de lhomme au mal et sa finitude.
Cette formulation a fortement influenc la thologie, en particulier la pense catholique au Moyen
Age (thomiste) et, plus rcemment, Barth et Tillich dans leurs uvres. Les rformateurs, mme sils ont
parl du mal comme une privation, ont cart les sous-entendus montiques de cette expression et se sont
gnralement limits une vocabulaire plus exclusivement biblique.
ii) En ce qui concerne lorigine du mal, Augustin rejette lide que le mal serait une ncessit
implique par la nature de la matire. Le mal existe plutt comme le choix fait par les cratures rationnelles.
Cest le rejet volontaire du bien par lhomme qui est lorigine du mal. Celle-ci se cache donc dans le ;
mystre de la libert finie de lhomme.

iii) La diversit dans lunivers est, pour Augustin, une illustration du principe de plnitude. Chez
Platon, la plnitude du cosmos serait lexpression des ides dans le monde sens. Rejetant le rapport entre
Dieu et le monde dcrit par Platon et Plotin, Augustin se sert du principe de plnitude comme clef de la bont
de Dieu que rvle la varit de lunivers.
iv) Ce dernier point se prcise, chez Augustin, dans le thme de lesthtique propos du monde.
Dans la varit (diversit) lie la plnitude, les cts sombres contribuent la perfection du tout. Comme,
dans les tableaux de Rembrandt, le noir est indispensable pour apprcier totalement le sujet, dans le monde,
la dcomposition dans la sphre vgtale contribue, de faon ngative, lesthtique de lensemble. Ainsi,
mme aprs la chute, le pch de lhomme na pas aboli le caractre global de lunivers et son attestation de
la bont divine ; il la fait ressortir de faon plus clatante. Dieu tourne en bien mme le mal accompli par
lhomme.
Appartenant la tradition augustinienne, propos de la thodice, on peut signaler, dans la tradition
catholique romaine, s. Anselme et s. Thomas qui ont trs peu modifie en la raffinant la position de dpart.
Cette tradition se retrouve, de nos jours, avec des modifications secondaires, dans les ouvrages de Journet et
de Sertillanges. Dans le protestantisme, la thodice augustinienne a t dominante malgr le refus des
aspects philosophiques de ce systme. Luther et Calvin ont dvelopp la pense dAugustin avant tout dans
un sens paulinien. Loptimisme des thodices des Lumires apparaissent assez souvent comme une sorte
daugustinisme scularis, reprsent principalement par la pense de Leibniz.
Irne (voir Contre les hrsies)
Nous avons observ que la thodice dAugustin insiste fortement sur la perfection de la cration de
Dieu et sur la chute comme lorigine du mal. Elle est axe sur le pass, sur le pch dAdam. Sans vouloir la
mettre en contraste radical, la thodice dIrne tend plutt tre tlologique dans son orientation. Chez
Irne, il ny a pas une thodice systmatique; on peut cependant tracer deux ou trois lignes de pense que
lon trouve chez les Pres hellniques.
i) La distinction entre limage et la ressemblance de Dieu en lhomme. Dieu a cr lhomme son
image: Irne discerne en cela la nature rationnelle de lhomme. Pourtant, par sa cration, lhomme na pas
la ressemblance divine quest seulement la perfection du Saint-Esprit. Lhomme est personnel mais pas
parfait.
ii) Appliqu la cration, ceci veut dire que lhomme na pas t cr parfait mme sil a t cr
perfectible. Irne suggre que lhomme cr tait imparfait et immature. Trs souvent, les Pres grecs
considrent Adam et Eve comme des enfants. La crature de Dieu peut donc connatre un dveloppement
moral. La chute sest produite dans lenfance de la race, un lapsus attribu au manque de maturit. Le mal
provient de limmaturit de la crature, mais le but de la cration est la perfection. Cette formulation pose
plusieurs problmes; entre autres, celui du rapport entre un crateur parfait et une crature imparfaite.
Dans la tradition dIrne, on peut nommer Schleiermacher qui est presque le seul thologien avoir
affirm que Dieu est responsable du pch en ce sens quil existe en rapport troit avec la rdemption qui,
pour lui, est la conscience immdiate de Dieu dans lhomme do le blocage du pch est limin. Le pch
est un manque de conscience de Dieu, li au caractre sensuel de lhomme.
On trouve dans luvre de J. Hick (Evil and the God of love) une conception tlologique de la
thodice qui adopte cette dernire position de faon trs modifie.
b. Deux chappatoires
i) Le dualisme comme ngation de la souverainet totale de Dieu.
Jsus rpond Pilate Tu naurais aucun pouvoir sur moi, sil ne tavait t donn den haut. le mal
ne dpasse donc pas les frontires de la puissance de Dieu. De mme, en Amos 3.5, on lit: Arrive-t-il un
malheur dans la ville sans que lEternel en soit lauteur?, en parlant du jugement de Dieu. La tentation a
toujours t, pour les chrtiens, de remplacer la souverainet de Dieu par une bont unilatrale. Mais, pour
que la prire ait un sens, il faut accepter que Dieu ait le dernier mot mme, et peut-tre surtout, en ce qui
concerne le mal; autrement, lui faire confiance na plus de sens. la confiance en Dieu na de sens que si cest
lui qui permet et peut envoyer le malheur aussi bien que le bonheur.
Le dualisme, en niant la souverainet de Dieu, tablit une antithse ultime entre le mal et le bien.
Ainsi on explique le destin de lhomme mais pas sa culpabilit.

Si le dualisme philosophique est rejet, en pratique, par les chrtiens, il est craindre que dans, bien
des cas, ils tombent dans un dualisme pratique, plus dangereux, qui accorde une puissance dmesure aux
forces du mal. Il existe, chez certains chrtiens, une fascination malsaine au sujet du diable. Ces chrtiens
croient davantage en lui quen Dieu. Pourtant, le mal nest pas un absolu dans un sens sui generis; il existe
seulement comme un anti. Sans Christ, pas dantichrist, sans Dieu, pas de diable! Le dualisme scarte de la
structure de la pense biblique sur Dieu sil limite la puissance de Dieu. Platon, lui aussi, a limit la
puissance de Zeus et a cherch une autre cause au mal.
ii) Le monisme comme ngation de la bont absolue de Dieu.
Spinoza maintient que la ralit forme un tout parfait dans lequel tout se tient par la ncessit dune
substance divine. Rien nest contingent; tout est dtermin par la gnration de la substance divine. Les
chrtiens de lpoque ont t trs durs avec Spinoza; ils lon considr comme tant un athe. Ils avaient
raison car, du point de vue de la rvlation biblique, dire que tout est Dieu quivaut ne plus avoir de Dieu.
Le problme avec ce systme est que le mal aussi existe et saccommode de la structure gnrale de
la ralit. Mais tablir ce lien revient traverser le pont qui spare thisme et panthisme.
Si le monisme na pas de prise sur le christianisme, il reste toujours un danger pratique chaque fois
que nous acceptons notre pch ou les conditions du monde actuel comme normaux; en domestiquant le mal,
nous nions la bont de Dieu comme principe ultime dans lunivers. Autrement, comme dautres qui se
trompent, nous serions thistes dans notre croyance et panthistes en pratique.
Conclusion
Il nest pas possible dcarter ou la souverainet divine ou lamour divin tout en restant chrtien.
Mais, pourquoi, demande-t-on, un Dieu souverain, agissant sans aucune contrainte extrieure, aurait-il
permis, mme temporairement, le mal et la souffrance? Cette question est sans rponse dans la Bible et il est
impossible dy rpondre. Les considrations prcdentes indiquent, pourtant, que le chrtien, face la
perplexit que lui cause cette situation, trouve une faon de faire sur le plan de sa vie affective. Il comprend
sa finitude face la puissance de Dieu et croyant que Dieu est souverain, il ladore. Avec Job, il cherche ne
pas rpondre la question O tais-tu quand je fondais la terre? et il reconnat son crateur. De mme, il
comprend son pch et, en le confessant avec David et Paul, il est ravi par la saintet de Dieu.
Dieu est amour, Dieu est souverain et nous souffrons parce que Dieu nous aime.
2. Le mystre du mal selon Karl Barth (cf. Dogmatique (t. 14, d. fr., 50)
Pour Barth, le problme du mal est celui du nant. Ce nant nest rien, car Dieu lui fait face et sy
oppose. En choisissant ce mot pour dcrire le mal, Barth se situe la fois dans la tradition augustinienne la
tradition de la philosophie montique du no-platonisme et par rapport la pense existentialiste de
Heidegger et de Sartre. Il convient, dabord, de prsenter le problme tel que Karl Barth le fait et, ensuite, de
le suivre dans son dveloppement.
a. Le problme
Barth le prsente ds le dbut. Le nant est tranger la providence, car il est hostile la volont de
Dieu. Dans sa providence, Dieu doit garder sa cration contre lui. Il affirme ainsi sa volont telle quil la
exprime au moment de la cration, la volont de sparer la crature du chaos. Le danger que prsente le
nant est donc cart de la cration, mais il persiste comme puissance hostile au plan de Dieu. Concilier cette
puissance et la volont de Dieu, tel est le problme. Il sagit de placer entre Crateur et crature ce troisime
facteur. Dans la citation de la page 4, Barth considre le nant comme un troisime aspect de la ralit pour
deux raisons:
Si on traite le nant comme une crature issue de la volont positive de Dieu, Dieu en est
responsable.
Si on limpute celle de la crature seule, celle-ci est tout aussi ultime que Dieu, dont la
souverainet est nie.
Cest ainsi que Barth fait ressortir la ncessit de maintenir la fois la saintet et la toute-puissance
de Dieu.
Le juste moyen de reconnatre la souverainet de Dieu consiste admettre que toute affirmation
thologique est condamne user dune rflexion et dun langage briss. (p.6), est une bauche qui ne

peut pas aboutir un systme. Cette pense est magnifiquement rsume pages 6-7. Il est interdit la
thologie de dgnrer en systme, ce qui illustrerait le fait que, dans ses formulations, elle est sous
lemprise du nant. Si Barth adopte cette position, ce nest pas pour se dfendre de ne pas tre arriv
trouver la conciliation tellement recherche, mais parce que la thologie aussi est sous linfluence du nant
qui soppose Dieu.
Il y a l un point souvent ignor dans les discussions sur le mal. Mme si on a vu que le problme
reste entier aprs une rflexion suivie car Dieu nous dpasse, on na pas vu quil nest pas seulement
question de distinguer entre Crateur et crature, mais que la crature elle-mme est gne puisquelle pche
et participe donc lopposition contre Dieu. (Pluralisme; pas de rvlation objective). Ainsi Barth commence
en remettant lhomme sa place, ce qui est une bonne chose.
b. La mconnaissance du nant
Il est naturel quaprs ces rflexions, Barth commence ainsi.
Le monde cr a un aspect positif et un aspect ngatif. Laspect ngatif est tourn vers le nant ; il
nest pas le nant puisquil nest pas dress contre la volont de Dieu. Cette expression de Barth est ambigu.
Quentend-il par laspect ngatif de la cration est tourn comme vers le nant? (p.8) Barth semble vouloir
dire quil y a, dans la cration, sous la volont de Dieu, un aspect sombre qui indiquerait une diversit dcrite
la page 9. Sombre = sous la volont de Dieu. Dans ce passage et aussi un peu plus loin, lorsque Barth parle
de la cration bonne parce que toutes choses existent en elle dans cette diffrentiation et cette
contradiction, on voit quil frle lide augustinienne de la plnitude. Celle-ci a t utilise par les Pres
occidentaux et les thologiens catholiques pour dcrire le mal mtaphysique qui sattache non au pch
thique de la chute, mais lexistence finie des cratures, ce qui ne constitue pas ncessairement un mal en
soi. Barth semble penser que la mort de lhomme et de la matire nest pas en elle-mme une chose mauvaise
et quil en aurait t ainsi mme si la chute navait pas eu lieu. Mais il ne faut pas en tirer la conclusion que
la cration a part au chaos du nant pour cette raison; faire cette confusion serait mconnatre le vrai nant.
Cf. la citation sur Mozart, p.11. Barth exhorte viter de confondre le nant et le ct sombre de la cration,
mais il arrive que son langage le conduise inconsciemment ne pas respecter les bornes quil veut poser.
Le comble de la confusion serait didentifier tout simplement le ct ngatif (sombre) et le nant.
Le nant nexiste pas comme un des lments de la cration de Dieu et une synthse entre ces deux ralits
diffrentes est impossible. Le dualisme offre une telle confusion. Il ne faut pas mettre le nant dans la
cration de Dieu. Nant = contre la volont de Dieu.
Pourquoi Barth sest-il lev si violemment contre cette confusion? Si on lit attentivement cette
section on ne peut pas manquer de remarquer la place importante occup par le thme christocentrique. Barth
veut viter de rendre Dieu responsable du mal, ce quil fait en niant le caractre cr du nant. Mais ce nest
pas tout. Le point central, le moteur de tout largument de Barth est quen Christ, Dieu sest fait homme et a
donc sanctionn le double aspect de la cration. Si on confond laspect sombre de la cration avec le nant,
on arrive dire que Dieu a, en Christ, sanctionn le nant. (cf. pp. 14,12,9,8).
Conclusion
Barth nie lidentification du nant avec le ct sombre de la cration. Le contact entre les deux est
impossible. Cette ide sclairera lorsque le lien sera fait avec deux autres aspects de sa pense: 1) le rejet du
chaos lors de la cration et b) limpossibilit ontologique du pch.
c. La connaissance du nant
i) Rvlation du nant par Christ
La mconnaissance du nant est profondment lie, dans la thologie de Barth, son rejet de la
thologie naturelle. Le vrai nant nest pas connu de faon naturelle, par une connaissance immdiate, mais
seulement de faon indirecte par celui que Dieu a choisi, cest--dire par Jsus-Christ. Le discernement du
vritable nant nest pas naturel la crature. Le nant doit lui tre rvl par Jsus-Christ. Chercher
connatre le nant en dehors de Christ, dans la cration, signifierait que celle-ci est dj soumise au nant. Le
motif christologique est fortement dvelopp ici. Le nant existe dabord devant Dieu pas de rapport
spcial entre le nant et la cration ; il devient une ralit pour nous si Dieu le rvle en faisant apparatre le
rapport critique quil entretient avec lui. En Christ, le vrai nant est dvoil comme tant en opposition avec
Dieu et son Fils quil a choisi. Le nant ne sintgre pas la volont de Dieu comme sil tait une partie de la
cration. Il est une puissance totalement ngative, en opposition avec le Crateur et la cration, mise en

lumire par la rvlation de llection de Jsus-Christ. Voir la dfinition du nant, p. 17, nb. le mot double
dtermination. On connat ainsi la nature du nant, savoir le mal, la mort, le diable (p.18). Cest donc
sans contredit de Jsus-Christ que dcoule invitablement la connaissance du fait que, comme pcheurs,
nous sommes tombs sous la coupe du nant (p.18)
Barth rsume sa position la page 18 sur ces deux points: 1) lhomme ne peut pas par lui-mme
connatre le nant vritable mais 2) Dieu le lui rvle, en tant que son ennemi, en Jsus-Christ. Autrement
dit, Barth insre ici un autre aspect de sa pense thologique: on ne connat pas son pch par la loi de Dieu,
mais on connat le pch et le nant par la grce de Dieu, cest--dire par lEvangile.
On commence voir comment la notion de nant sintgre dans la totalit de la pense de Barth:
dabord, par rapport la doctrine de la cration et limpossibilit ontologique du pch, mais aussi par
rapport au pch dans la loi et la grce. Cela signifie que cet aspect de sa pense ne peut pas tre reu
isolment. Notre valuation se fera aussi par rapport aux autres lments qui sont sous-jacents et
indispensables la comprhension du nant.
ii) Notre connaissance du nant
Vers la fin de cette section, Barth devient beaucoup plus concret en expliquant le nant. Puisque
cest en Jsus-Christ que Dieu a rvl le vrai caractre du nant, on comprend que celui-ci na rien voir
avec la diffrence entre crateur et crature, mais avec notre pch en tant que rvolte contre Dieu. Le
pch est la forme concrte du nant parce que cest dans le pch que le nant devient une action et une
culpabilit de lhomme. Ainsi, le nant qui soppose Dieu est une action, une opposition de lhomme.
Mais le pch npuise pas les terreurs du nant. Le nant est aussi la souffrance du mal et la mort, qui
appartient au ct sombre de la cration, devient leffet du nant. La maladie et la souffrance, la mort et
lanantissement font partie de laspect ngatif mais innocent de lexistence; sils se situent dans le cadre
dune existence de pch, ils deviennent des manifestations de la puissance du nant en opposition Dieu et
lhomme.
Problme. Il est possible, maintenant, de discerner comme une nigme dans la pense de Barth.
Parlant du nant, il dit: (Dieu) la vaincu comme son ennemi, comme le non qui slve, dabord et
essentiellement, contre lui, comme le nant qui, prcisment parce quil se dresse contre lui, contre sa
volont et son uvre, est le nant vritable. Quel est donc le statut du nant par rapport Dieu? le nant se
dresse contre Dieu, mais dans son opposition, il semble presque avoir une existence indpendante de Dieu.
Par moment, Barth parat frler le dualisme quil rejette pourtant avec vigueur ailleurs. Le problme, on peut
le noter en passant, est donc l: si on nassocie pas le nant la volont de Dieu en quelque sorte comme
les rformateurs lon fait avec lide du mal qui existe avec la permission de Dieu le nant se libre et
prend lapparence dune force dopposition indpendante de la volont de Dieu. Une solution diffrente, une
troisime voie, dpasse notre capacit de penser.
d. La ralit du nant
Barth aborde ce point au dbut de sa dernire section. Le nant, tel quil est dcrit, nest pas rien,
mais on ne peut pas dire non plus quil est (p.61) Barth propose quil existe dune tierce manire. Le nant
nest pas rien, il a sa propre essence et sa propre existence; on ne peut pas le nier sans nier Dieu lui-mme,
car le nant existe devant Dieu. Comment clairer le caractre de cette tierce manire dexister? Au 4, Barth
aborde ce dilemme. Le contexte ontique du nant est celui de llection. Le nant existe seulement en raison
de llection de Dieu sous son aspect ngatif. Il est ce que Dieu na pas voulu en crant une ralit bonne. Le
nant exprime la non-volont de Dieu, ce quil na pas voulu. Ce dont Dieu se spare, la ralit en face de
laquelle il saffirme pour faire triompher sa volont, cest le nant.
Barth reprend la notion de Luther et de Calvin selon laquelle llection est double, mais il fait subir
la doctrine traditionnelle une mtamorphose complte. Le nant est ce qui subit la rprobation de Dieu, car
Dieu ne le veut pas et sen spare.
Ce passage est le plus paradoxal, le plus contradictoire mme de toute la section. Dieu serait la cause
et le matre du nant qui nexiste pas par hasard, car cest Dieu qui ne le veut pas et qui exprime cette volont
dans son lection dune cration bonne (p.64). Le nant est ce que Dieu ne veut pas.
Il y a ici un problme de taille: Barth veut-il dire que Dieu est la cause de ce quil ne veut pas? Cause
de son ennemi? Il le semble, mais une telle conclusion est embarrassante et on nose presque pas proposer
une interprtation de ce passage. Si Dieu tait rellement la cause de ce quil ne veut pas, il y aurait en Dieu

une sorte de schizophrnie, difficile concilier avec la perfection divine.


Barth cherche appuyer son exposition sur Gense 1.2 (p.65). Le chaos est ce que Dieu exclut par
son acte de cration. Que le tohu et bohu du texte de la gense veuillent rellement dire ceci est une toute
autre question. Certains, comme Hick, contestent que linterprtation de ce texte donne par Barth soit une
exgse norme.
Ayant ainsi dfini le caractre ontique du nant, Barth prcise que le mal, ou lexpression du chaos
dans le monde, comme on le voit dans le pch est, avant tout, le fait dtre hostile la grce divine. En
dautres termes, cest tre priv du bien. Le nant est donc une privation. En tant que tel, il est anormal,
inconcevable et inexplicable. Barth se montre assez platonicien dans sa dfinition du mal. Le nant est dcrit
selon des catgories montiques comme une privation Non vouloirprivation?
Pourtant, le but de lhistoire est dliminer le nant. (peut-on liminer une privation?) Ceci est le
problme de Dieu, car le nant soppose surtout son honneur et sa justice. Cette prsentation de Barth
soulve, de nouveau, des problmes dinterprtation. Dieu est, comme nous lavons vu, la cause du nant en
raison de son lection; le nant est, dabord, le problme de Dieu, mme sil constitue une privation pour
lhomme. Le nant est contre lhonneur de Dieu, aussi Dieu cherche-t-il lliminer. Cause. Quelque chose
contre son honneur? Il est difficile de comprendre comment tant de tensions peuvent exister lintrieur
dune mme pense sans que toute rationalit ne sen trouve dsintgre! A la page 68, Barth parle de la libre
grce de Dieu mais en quoi ce qualificatif de libre peut-il consister si Dieu a rejet le nant?
Barth termine son exposition en resituant la question par rapport la providence et la souverainet
de Dieu. Le nant est un corps tranger, autre que la crature en ce qui concerne la volont de Dieu, mais
subordonn son gouvernement. Barth pense avoir rsolu le problme de la thodice. Dieu, peut-il dire, est
la fois bon et souverain, lorsquil dfinit le nant comme le tiers exclu (p.78). Les problmes traditionnels
sont carts, en vitant une faon abstraite de penser. Barth pense quen considrant ces questions partir du
centre, cest--dire par rfrence llection de Jsus-Christ, le nant reoit sa vraie rponse. On voit que le
nant est dj jug, que sil continue exister, ce nest que comme une apparence dangereuse et seulement
en vertu de la disposition de Dieu; il doit, malgr tout, servir Dieu.
Nous allons analyser la formulation de Barth afin de voir si elle apporte quelque lumire nouvelle
pour clairer la noire ralit du mal.
e. Evaluation de la position de Barth
Elle soulve un des problmes les plus importants de sa pense. Barth traite le problme du pch de
faon similaire la pense rforme ou catholique romaine. Les rformateurs parlent, eux aussi, du caractre
inexplicable du pch. Ils ont rejet, en particulier, lide que le pch puisse trouver place dans un systme
de cause effet de sorte quil reoive une justification rationnelle. Dans la pense catholique augustinienne,
on trouve galement de telles ides. Par exemple, dans le livre de Sertillanges (II, 10ss), le mal na pas de
cause premire. Le mal a un caractre innaturel.
i) Le mal inexplicable pour notre pense
Lorsquil parle de labsurdit du pch, Barth va plus loin parce quil ne se limite pas parler du mal
comme tant inexplicable pour notre pense. Si la pense chrtienne affirme, en gnral, que le pch et le
mal sont essentiellement sans explication, le pch tant contre Dieu, mais comme un lment tranger sous
son contrle, Barth en voquant cette nigme lui donne un contenu plus spcifique.
ii) Description du contenu du mal = explication
Barth va trop loin dans son explication. Il ne parle pas tout simplement du mystre de limpit; il
dcrit le mal comme tant nant, absurde, chaotique. En cherchant ainsi prciser son contenu, il donne une
sorte dexplication. Cette explication consiste tablir un lien direct entre le chaos, qui prend une forme
concrte dans le pch, et llection de Dieu qui implique son rejet du nant. Mme si le nant nest pas une
crature de Dieu mais un troisime facteur, il existe, non pas de faon indpendante, mais en vertu de ce que
Dieu ne veut pas. Le nant a son fondement dans la non-volont divine. Il a donc une existence temporaire et
succombe lorsque Dieu ralise son dessein. Le problme persiste pourtant dans toute son ampleur, car Barth
parle du nant comme du contraire invitable impliqu par llection de Dieu. Le nant existe en rapport
avec lauto distinction ternelle en Dieu par laquelle il se spare de ce qui nest pas Dieu. Par son lection,
Dieu tmoigne la fois de ce quil veut et de ce quil ne veut pas.

iii) Mal non en Dieu, mais contre


Il est vident que cette formulation est une tentative dexplication ngative du mal. Lobjection
lever contre elle nest pas quelle manque de logique, mais quelle est, au contraire, trop logique. Le danger
est de distinguer la confrontation en Dieu et de tirer des lignes de ncessit partir de la volont divine
jusque dans lhistoire. Barth sloigne de lantithse biblique qui nest pas en Dieu, mais qui existe entre
Dieu et le mal. Entre la manifestation historique du mal, du pch, et Dieu et sa volont, il est impossible de
tirer des lignes de ncessit; nous discernons la rupture des lignes, lclatement des rapports.
Tu nes point un Dieu qui prend plaisir au mal. Ps 5.5
Dieu nest point un homme pour mentir, ni le fils dun homme pour se repentir. Nb 23.19
Loin de Dieu linjustice, loin du tout-puissant liniquit. Dieu ne commet pas liniquit, ne viole pas
la justice. Jb 34.10,12
Il est impossible que Dieu mente. H 6.18
Dieu est lumire, il ny a pas en lui de tnbres. 1 Jn 1.5
Le problme rel que pose cette formulation est que, malgr le fait que Dieu puisse vaincre le pch,
il ne semble pas pouvoir lempcher. Dieu parat permettre le mal en dun but qui est bon, la rdemption. Sa
solution est verbale; le problme subsiste.
f. Evaluation et conclusions
Aprs cet examen de la pense de Barth, il reste reposer les trois questions qui reviennent toujours
dans cette discussion celle du mystre du mal, celle de lorigine du mal et celle de Dieu et le mal et de
tirer quelques conclusions dordre pratique.
i) Le mystre du mal
La dmarche de Barth nous enseigne au moins une chose : le danger quil y a aller trop loin dans
notre explication du mal. Le danger ne consiste pas uniquement rendre Dieu responsable du mal, mais de
trouver une raison, de confrer une certaine rationalit ce qui est au-del du rationnel.
Dans le cas du mal, le mystre diffre des autres mystres. Le salut est un mystre rvl en Christ;
on en sonde le sens en connaissant Christ par lEvangile. En ce qui concerne le mal, il est impossible
dacqurir une connaissance ou davoir une rvlation qui donnent la clef du mystre. Le mal doit rester
nigmatique pour nous. Il est inexplicable. Aucune raison nexiste pour nous aider surmonter le mal. Mme
la foi en Dieu, si elle nous aide voir le manque de consistance et le caractre provisoire du mal, ne nous
donne pas une explication de sa prsence. Lnigme du mal est prcisment celle du manque de sens et de
cause du pch.
La parole du Christ au sujet des Juifs est tout fait remarquable cet gard: Ils mont ha sans
cause. (Jn 15.25) Il en va de mme pour lattitude du monde vis--vis des disciples. En prsence de la
lumire quest le Christ, le pch est encore plus insens et inexcusable : ceci met en relief le caractre tout
fait gratuit du pch. Jsus cite le Psaume 69.4-5 o le psalmiste se dsespre car ses ennemis le hassent
sans raison, dune haine qui jaillit de leurs curs qui se dtournent de Dieu. Cette haine na pas de
fondement dans le pch du psalmiste; elle est sans cause et sans signification. A fortiori, dans le cas du
Christ, il ny a pas en lui une cause qui justifie la haine des Juifs; cette haine nexprime rien dautre que le
vice de leurs curs.
Ce manque de cause correspond un thme familier de lAncien Testament: la folie du pch.
Linsens est celui qui nie Dieu (Ps 14.1), qui blasphme contre lui (Ps 74.18,22) et refuse la sagesse et
linstruction (Pr 1.7). Dans les Proverbes, les mots pour fou (nabal) et folie sont rservs pour les
pcheurs endurcis, les pervers. Le nabal est celui qui rompt lalliance de faon dlibre. En revanche, les
hommes sont gnralement stupides. La stupidit est le fait de ne pas voir la sagesse; elle est donc in-sense.
Pre, pardonne-leur, car ils ne savent pas
Le mal, le pch sont insenss et stupides; ce sont des actes commis par les hommes et ils nont ni
raison, ni cause. Le mal reste donc une nigme. Il est impossible de supprimer cela, on peut seulement
confesser ce mal et ce pch comme tant les ntres. Par cette confession, nous reconnaissons que nous ne
pouvons ni expliquer le pch, ni nous justifier. Le mal et le pch sont sans cause et stupides, le confesser
est la seule raction possible.
Il est important de comprendre que, dans lEglise, le mal nest ni expliqu, ni ni ; il est reconnu

comme sans cause et confess. LEglise nest pas appel percer le mystre du pch, mais reconnatre le
mal comme un mystre et confesser quil est celui que nous faisons.
ii) Lorigine du mal
Le mal ne vient pas de Dieu. Nous avons vu comment Barth rejette toute corrlation entre le mal et
la cration de Dieu. Pour lui, le mal ne sexplique pas non plus par rapport la crature; le mal ne vient ni de
Dieu, ni de la crature, il existe comme un tiers exclu.
Le mal est pour nous un mystre qui ne peut tre attnu en expliquant le pch en rfrence son
origine. On ne peut pas allguer, par exemple, une origine diabolique, car cela ne ferait que dplacer la
question: pourquoi Satan existe-t-il? La question de lamour et de sa relation avec la toute-puissance de Dieu
reste entire.
Ds quon rflchit au problme de lorigine du pch et du mal, nous voyons que ne nous sommes
pas dculpabiliss ; nous sommes devant le problme de notre propre culpabilit. Rechercher une relation
causale, propos du mal, est une manire de rechercher une excuse, ce qui, pour Paul, est exclu (Rm 1 et 2).
Unde malum?, do vient le mal? Ce que lon peut rpondre cette question est exprime par la
phrase de Bavinck: Le pch na pas dorigine, il a seulement un commencement. Poser la question de
lorigine du pch est dj aller trop loin dans une dmarche visant dcouvrir un secret qui doit en rester un
pour nous, les hommes. Ceci ne doit pas tre considr comme une fuite dans lirrationnel. La question unde
malum? est illgitime ds lors quelle cherche une explication qui donne un sens ce qui est insens, une
rationalit ce qui est irrationnel.
Cest pourquoi il ny a pas, dans lEcriture, de tentative pour dcouvrir lorigine du mal; on y trouve
uniquement la reconnaissance que le mal qui existe est le mien et que la seule solution, pour moi, est den
accepter la responsabilit. Le silence devant Dieu est convenable; la solution est de faire connatre notre
pch. Cest l un thme constant des Psaumes (cf. Ps 32.3-5) Pch particulier souffrance.
iii) Dieu, lhomme et le mal
Le problme fondamental aux multiples aspects qui est le ntre est: Dieu serait-il tout-puissant si le
mal nexistait pas en quelque sorte par rapport sa permission? Si tel tait le cas, comment ne pas conclure
quil en est, au moins indirectement, responsable? Le mal est-il dans la volont de Dieu? Si oui, comment
pourrait-on affirmer quil est bon?
Dieu et le mal. Jacques 1.13-14 est typique du tmoignage biblique ce sujet. Il est impossible de
dire que Dieu est lauteur du mal; la saintet de Dieu est a priori. (cf. la Confession de Belgique, 13;
Dordrecht I.15; Heidelberg, 7; La Rochelle,8).
Lhomme et le mal. Si Dieu nest pas lauteur du mal, quen est-il de lhomme? Si lhomme est
cr parfait par Dieu et si Dieu nest pas responsable du mal et du pch de lhomme, comment celui-ci en
est-il arriv, tant parfait, se rvolter contre son Crateur et devenir le perscuteur de ses prochains? La
seule rponse possible cette question, rponse qui nest que partielle, se situe dans le caractre de la
crature. Lhomme a t cr libre, avec une volont qui ntait pas prdtermine par le Crateur. Cette
libert faisant partie du caractre de la crature est, pour Dieu et pour lhomme, une chose bonne. Mais en
crant un homme libre, il est vident que Dieu ne le dtermine pas faire ce qui est bon, autrement cet
homme, cette crature, ne serait pas libre. Pour que lhomme puisse tre libre et donc capable de choisir le
bon, il faut aussi quil soit capable de choisir le mal. Pour que ses caractres soient rels, lhomme cr bon
et libre doit avoir la possibilit, tant libre, de faire un autre choix que le bon; autrement, il nest pas
vraiment libre.
Le fait que des cratures libres chutent nindique rien sur la toute-puissance ou lamour de Dieu; le
mal commis par lhomme ne les met pas en doute. Le commencement du mal relve de la responsabilit de
lhomme qui a mal utilis sa libert dans un cadre o il a t immdiatement priv de la gloire de Dieu.
Le mal est donc le rsultat dune dcision contre Dieu ou contre Celui ou ceux qui reprsentent
Dieu. Les Juifs en refusant le salut ont agi contre Dieu et son Fils (Mt 12.39) ; cette dcision est celle dune
gnration mauvaise (porneros) place sous le signe du jugement eschatologique. De mme une dcision
contre le message apostolique est lexpression mauvaise du cur de lhomme impie (2 Tm 3.13; 2 Th 3.2).
Spar de (en opposition avec) Dieu, les hommes accomplissent des uvres mauvaises (Col 1.21-22; 2. Tm
4.18). Pour laptre Jean, tre pour les tnbres contre la lumire conduit au mal. Ce qui se qualifie de

porneros est contre Dieu et traduit lattitude fondamentale du pcheur. Do la prire dominicale dlivrenous du mal qui est la prire de lhomme qui reconnat le caractre rel du mal.
Eschatologie du mal. Si Dieu ne peut pas tre considr comme la cause du mal, il existe
cependant un certain rapport entre Dieu et le mal. Le mal existe, mais la gloire de Dieu se manifeste dans et
par le pch de lhomme. Le mal contribue la venue du Royaume de Dieu. Le sens et le non-sens du pch
se manifeste dans le jugement de Dieu qui dtruit le pch. On le voit dans lAncien Testament. Le mal, qui
est une punition de Dieu cause du pch apostat, est envoy par Dieu afin dorienter (dinciter) son peuple
vers le (au) bien. Le chemin de lopposition Dieu est celui du jugement, mais par ce jugement, Dieu
cherche la paix. Il y a comme une sorte de cycle:
Culpabilit saintet de Dieu maux misricorde de Dieu.
Dieu envoie le mal et en dlivre. (Job 2.10! Juges.). Ce cycle est la clef qui permet de comprendre la croix
o Dieu, dans sa justice applique notre pch sur son Fils qui en meurt afin de vaincre le pch. Dans un
certain sens, le mal existe en raison de la volont bonne de Dieu, non par ncessit ni de faon immdiate,
mais avec pour but ultime la gloire de Dieu.
Pour dcrire cela, la thologie a souvent eu recours des distinctions trs fines. Dieu ne veut pas le
pch en tant que tel, mais il permet que le mal soit. Dieu est la cause ngative du pch, la causa per
accidens du mal; la cause relle est en lhomme. Ces distinctions vont peut-tre trop loin (ceci est reprendre
au moment o ltude du conseil de Dieu sera faite). Pour le moment, retenons laffirmation difficile que le
mal nchappe pas la volont de Dieu mais que, de faon mystrieuse pour nous, il sert la volont de Dieu
et son Royaume. Cette affirmation na pas tre prouve; elle ressort avec vidence de lEcriture (Ac 2.23).
Conclusion
Dieu nest pas lauteur du mal. Nous sommes responsables. Dieu utilise le mal pour le
vaincre.
iv) Quelques rflexion pratiques
Le lien entre la souffrance et la condition de dchance peut tre salutaire. La douleur
physique peut avoir pour effet de nous faire nous carter dune action mauvaise dirige contre nousmmes ou contre notre prochain. La souffrance tant lie au pch, la consquence du pch est
douloureuse pour nous, non seulement cause du mal ressenti, mais aussi parce que cela nous claire
sur lanormalit de notre tat. La souffrance est un tmoin sombre de la rupture qui est intervenu
avec Dieu et un appel ngatif la rconciliation.
La souffrance peut, dans certains cas, tre lie au pch comme une sorte de rtribution
Elle est non seulement une avertissement mais une punition. Si lhomme est libre et responsable de
ses actes, la rtribution est un droit pour le Seigneur. Comme on le voit dans lAncien Testament, le
jugement de Dieu est un appel adress aux hommes davoir reconsidrer la misricorde divine.
Autrement dit, la souffrance remet en question la bont ou lamour de Dieu seulement l o nous
adoptons une conception frivole leur gard. La profondeur de lamour de Dieu est telle que la
souffrance et la punition ne sont pas limines. Christ est la manifestation concrte de cette vrit
profonde. Lamour de Dieu est exigeant et jaloux.
Lhomme est constitu de telle sorte que la souffrance est limite en intensit et en dure.
La souffrance humaine est limite. (Lewis)
La souffrance nest jamais bonne en elle-mme. Ce qui est positif dans la souffrance, cest
notre manire de la reconnatre et de laccepter comme expression de la volont divine. Ce qui est
mauvais en elle est tourn en bien pour nous au sens le plus profond de notre tre. La souffrance
nous oblige reconnatre Dieu comme notre seul bien et notre seule esprance. Le pch et le mal,
ce qui soppose Dieu, contribuent de faon mystrieuse au bien. Ce qui est mauvais en soi peut tre
utilis par Dieu comme moyen de grce pour nous. Dans la souffrance, Dieu nous sanctifie et scelle
notre foi. Les expriences les plus prouvantes, celles qui incitent les hommes maudire Dieu, sont
sanctifiantes, fortifient la foi et suscitent en nous lhumilit et les autres fruits de lEsprit. La plus
grande bndiction que Dieu puisse accorder quelquun est de le soumettre au mal qui, loin de
lanantir, tourne en bien dans la foi. Cest l la vraie victoire de la foi: pouvoir regarder le mal en
face et lutiliser pour la gloire de Dieu et ldification du prochain. Cest ce qua fait le Christ en
acceptant de mourir pour nous. Notre bien suprme est venu par sa souffrance, et si Dieu veut que

nous exprimentions la souffrance notre tour, cest ultimement pour nous bnir.
Cette dernire pense dbouche sur la conclusion qui est de nature eschatologique. La
souffrance, le mal sont temporaires et doivent, un jour, succomber par la puissance de Christ.
Lamour et la toute-puissance de Dieu seront eschatologiquement valids.

IX LIMAGE DE DIEU DANS LES THEOLOGIES MODERNES


La nature de lhumanit pose un problme. Lavance rapide des sciences a fait clater les ides reues. Il
semble, prsent, plus facile de se prononcer sur ce que lhumanit nest pas que de marcher sur la glace
fragile des dfinitions hardies. M. Foucault na-t-il pas suggr que la notion d homme na rien
dimmuable ? Elle serait une invention moderne destine disparatre, balaye par les vagues du temps
comme un chteau de sable sur la plage.
Notre sujet invite une humilit certaine, car il est difficile de dfinir prcisment ce quest limage
de Dieu en lhomme. Les discussions thologiques ce sujet, anciennes ou rcentes, semblent chouer sur
les rcifs de mille qualifications et distinctions, y compris dans les tentatives les plus rigoureuses.
Devant le souhait davoir une vision claire de limage, une image photographique, il faut faire le
triste constat que nous ne disposons de rien de tel, malgr la facilit avec laquelle les thologies ont utilis le
terme image de Dieu . Pourtant, ce sujet, H. Bavinck a pu affirmer, dans sa Dogmatique, au dbut du
sicle dernier, que lessence de la nature humaine est dtre (cr) limage de Dieu . Mais pouvons-nous
aller plus loin et prciser ce quest cette essence? Projet hasardeux !
Pourquoi prouve-t-on quelque embarras, aujourdhui, propos de limage ? Il semble que des
dfinitions videntes et acceptables sur limage du Dieu, sur la nature humaine, hrites des thologies ou
des philosophies classiques, appartiennent des poques o il y avait une certaine stabilit sociale
caractrise par des rles clairement dfinis. Il en est ainsi de la question du masculin/fminin humain par
rapport limage de Dieu, question qui na gure t aborde pendant presque 2000 ans de christianisme.
Aucune dmonstration ntait faire. Lappui de quelques textes bibliques ou de traditions suffisait alors.
Les dfinitions videntes de limage de Dieu se sont effondres au cours de la tragdie humaine que
reprsente le XXe sicle.
En bref, dans la thologie chrtienne, toutes tendances confondues, on est pass dune dfinition de
lhomme sappuyant sur une certaine ontologie une dfinition plus fonctionnelle de lhumanit sous
linfluence de M. Buber, dE. Brunner, de K. Barth ou de K. Rahner, avant darriver une approche
simplement fonctionnelle de limage. Nous en sommes, maintenant, parat-il, la dconstruction de la notion
de lhumanit. Cette vision pessimiste quant aux universaux est comprhensible aprs le sicle le plus
meurtrier de lhistoire. Enfin, le bouddhisme vient exercer son influence en Occident avec des ouvrages
comme Le moine et le philosophe et la notion que lhomme nest quun assemblage de tas .
Comment dire, dsormais, lhomme, lhumanit, limage de Dieu ? Nous sommes dans lembarras,
sans tre trop dcontenancs cependant. Pour deux raisons :
Comme J. Frame la rcemment indiqu, nulle part la Bible ne nous propose une dfinition de
limage de Dieu. Ce fait mme peut nous conduire une rserve bnfique quant aux dfinitions trop
massives, qui ont t acceptes dans le pass comme des vidences dans des systmes thologiques o les
angles taient nets. Cette prudence peut tre utile...
Les dconstructionismes nous remettent en question : avons-nous, en tant que chrtiens, une vision
de lhomme comme humain qui sapplique notre monde ? Lislam en a une, certes ! Mais en quoi la vision
chrtienne se distingue-t-elle du relativisme ou du scepticisme ambiants ?
Dans ce qui suit, le fil conducteur sera le suivant : parler de limage de Dieu, cest essayer
dlucider ce qui est constitutif de lhumanit en tant que telle. Nous nous proposons, donc, daborder, de
faon schmatique, les points ci-aprs :
Limage de Dieu : quelques approches ;
Limage de Dieu : le poids de lhistoire ;
Quelques propositions pour une construction thologique ;
Une perspective thologique avec des axes pratiques.
1. Limage de Dieu : quelques approches
Ds son premier chapitre, lEcriture nous dit que lhomme est cr limage de Dieu. Je ne pense

pas que nous puissions, aujourdhui, vraiment mesurer quel point cette affirmation, replace dans son
contexte historique et culturelle, est tonnante.
Quel est le sens de cette expression ? Evidemment, il sagit dun usage mtaphorique, car lhomme
nest pas semblable une reproduction de Dieu taille infrieure, comme celle de Csar sur la monnaie
romaine.
Une interprtation envisageable est que lhomme est le reflet de Dieu ou la reprsentation
substantielle de sa ralit, de son essence. Cette notion ne permettrait pas, de prime abord, dexpliquer
comment la corporalit de lhomme peut appartenir la ressemblance de Dieu. Une autre proposition est que
limage nest pas un duplicata, une copie de Dieu, mais une correspondance de la ralit divine sur le plan du
cre. Ainsi, par exemple, lhomme se dterminerait et se transcenderait dans sa libert, limage de celle de
son archtype cleste. Une autre possibilit serait que limage est une reprsentation visible dune ralit
invisible. M.G. Kline a indiqu la place des statues cultuelles comme reprsentations de la puissance du
suzerain dans le Moyen Orient ancien. Ainsi comme image de Dieu, lhomme serait investi dune fonction
de reprsentation dans la cration en tant que prophte, prtre et roi. Ici, laccent tombe sur la vocation dont
lhomme est investi. J. Frame peut ainsi dire que limage de Dieu embrasse tout ce qui est humain.
Sil fallait choisir, nous accepterions cette dernire interprtation qui se contextualise bien dans le
milieu culturel de la Gense. Cest prcisment parce que lhomme lui-mme est la statue cultuelle de
Dieu dans la cration, quil lui est interdit dans les Dix paroles de se faire des image tailles . Tout cela
est cohrent et montre, par anticipation, que lhomme qui trahit cette image devient de ce fait idole luimme. Mais l, nous brlons des tapes !
En effet, lide selon laquelle limage se prcise par rapport la vocation de lhomme scarte, sans
doute, plus des interprtations traditionnelles qui dfinissent limage comme quelque chose en lhomme,
appartenant sa nature essentielle. Voyons maintenant ces interprtations.
2. Limage de Dieu : le poids de la tradition thologique
Dans ce qui suit, nous nous limiterons voquer quelques-unes seulement des conceptions de
limage dans la tradition thologique du christianisme.
2.1. LOrthodoxie
J. Barr a indiqu que, selon les lois du paralllisme hbraque, et contrairement aux distinctions de la
thologie de l'Eglise Orientale, les mots tselem et demuth, image et ressemblance, sont synonymes. Mais
depuis Origne et jusqu Athanase, les Pres ont utilis cette distinction pour dire que lhomme, cr
limage de la divinit doit conqurir la ressemblance avec elle. Ce qui a t fait par lIncarn. Si les
fondements de lanthropologie Orthodoxe sont exgtiquement critiquables, elle a lavantage de rendre
centrale lincarnation et de montrer quune eschatologie a t instaure avec la cration, thme repris dans la
thologie de lalliance dans le protestantisme. Christ accomplissant, dans sa vie et sa mort, la ressemblance
Dieu.
2.2. Le catholicisme romain
La position de lonto-thologie est devenue, travers la Somme de Thomas dAquin, la position
Catholique romaine. Ici, la notion de limage concerne la nature de lhomme dans la cration, avec des dons
spciaux (donum superadditum naturae) qui permettent lhomme cr daccomplir sa tche. Limage est
surnaturelle, lhomme tant devenu naturel a perdu ses qualits plus que naturelles. Ces dons tant enlevs,
lhomme retombe dans une situation de pure nature ou de la lutte de la concupiscence, dans laquelle la chair
lutte contre lesprit. Les sacrements restaurent les dons de saintet en lhomme.
Cette position prsentent les inconvnients :
de favoriser une opposition chair/esprit, nature et grce ;
dinterprter limage et lhumanit la lumire de la philosophie aristotlicienne de
J. Maritain peut crire :

lEtre.

La mtaphysique slve... au-dessus de lagnosticisme et du rationalisme ; montant partir de


lexprience jusqu lEtre incr, elle rtablit dans lesprit humain la juste
hirarchie des valeurs
spculatives, commence en nous lordre de la sagesse.
Lavantage de cette position est de valoriser la notion de Loi naturelle par rapport la cration et
dindiquer le caractre normatif de la loi pour la cration.
2.3. La Rforme classique
La Rforme classique dfinit limage de Dieu la lumire dune notion de conformit Dieu. Cette
conformit nest pas naturelle ou surnaturelle, mais thique. Nous pouvons voir ce qutait limage par ce qui
a t perdu et ce qui est restaur en Christ : la justice, la saintet et la vrit (Col 3.10, Ep 4.24).
Dans la cration, le fait que lhomme est cr limage veut donc dire quil est cr dans la
saintet, la justice et la vrit , mais dans une situation eschatologique du posse peccare. Ainsi on a
gnralement indiqu que limage de Dieu a trois aspects : formel (lessence spirituelle de lme humaine),
matriel (les facults humaines la saintet originelle dans la justice, la connaissance et lamour) et, en
consquence, le dominium dAdam. A la Chute, limage a t dprave jusqu leffacement comme
Calvin peut laffirmer dans le sens matriel, le sens restreint et dans le sens de la vocation lhomme qui est
de servir Dieu comme son reprsentant de Dieu dans la cration. Calvin prcise :
Bien que nous confessons limage de Dieu navoir pas t entirement anantie et
fface en
lui, cependant elle a t si fort corrompue, que tout ce qui en est de reste est
une horrible dformation...
Lhomme reste, de par sa nature, un homme limage de Dieu. Une telle distinction peut dj tre critique
comme scolastique , car il est difficile, chez lhomme, un tre caractris par une unit psychosomatique,
de dire o le formel sarrte et o le matriel commence...
Lavantage de cette position est de permettre daffirmer que lhomme reste toujours un homme
limage de Dieu, avec la dignit que cela implique, dans la saintet de la vie humaine, par exemple, et ce
mme aprs la Chute.
Son dsavantage est que la distinction entre le formel et le matriel, entre la nature et la personne est
difficile dcrire dans son contenu. Les critiques de la position classique, tel que G.C. Berkouwer, sen
donneront cur joie ; ils exploiteront les faiblesses de la position sans, ncessairement, pouvoir mieux faire
eux-mmes.
2.4. Le virage thologique du XXe sicle
Le XXe sicle prsente une nouvelle approche avec larrive de lexistentialisme et de la
phnomnologie en philosophie et en thologie. Nous pourrions lappeler, de faon simpliste, fonctionnelle
. On se proccupe moins de la nature et plus des fonctions de lhumain pour dfinir limage de Dieu. E.
Brunner, avec ses ouvrages Natur und Gnade (1934), Der Mensch im Widerspruch (1937) et sa Dogmatique,
prsente une sorte de passerelle entre ce qui prcde et ce qui va suivre.
K. Barth ouvre la brche et dautres sy engouffreront. Nous considrerons quatre cas titre
dillustrations, sachant que notre description ne peut pas faire justice la richesse de pense de ces
thologiens :
2.4.1. Brunner veut maintenir, dans sa Dogmatique, la distinction classique entre limage intacte et
ses restes. En ceci, il est augustinien comme les Rformateurs. Cependant, il affirme que la cration est
supra-historique et que la Chute est historique donc, il ny a pas de justice originelle, ni de loi humaine
pour la cration... Lexprience de lhomme, de chaque homme, commence avec le pch... linfluence de S.
Kierkegaard est tangible dans cette formulation.
2.4.2. Barth introduit un accent diffrent dans sa construction de la doctrine et montre ainsi
loriginalit de sa pense, qui sera incontournable par la suite. Nous allons nous efforcer de la dcrire, dans
sa complexit, en seulement quelques coups de pinceau trs insuffisants. La diffrentiation sexuelle humaine,

contre landrogynie des grecs, se trouve enracine dans limago Dei. Gense 1.27b est un commentaire de
1.27a. Limage de Dieu est, depuis le dpart, mutualit et rciprocit. Dieu est en relation, et il en est donc
ainsi pour lhomme. Lhumanit est partage par une dcision de Dieu, parce que Dieu a dcid dtre un
Dieu pluriel. Ainsi, il y a une analogie, analogia relationis, entre le Dieu trinitaire et lhomme, mle et
femelle. Lhomme trouve ainsi son existence dans la diffrentiation, comme homme et femme. Il sagit, dit
Barth, dune analogie entre Dieu dans ses relations trinitaires, un et multiple, et lhomme cr. Mle et
femelle constituent donc un mode de limage de Dieu.
Voici maintenant le problme dvoil par des commentateurs de Barth. Mme sil sagit dune
analogie et si les personnes sont gales dans la Trinit, il y a un ordre dans la nature divine, Pre, Fils et
Saint-Esprit, qui accorde la primaut au Pre. Si lhomme est cr limage de Dieu, cela implique, selon
lanalogie trinitaire, un rapport homme et femme avec une primaut et une subordination. Nous pouvons
schmatiser :
Dieu, le Pre le Fils et le Saint Esprit sont gaux dans la nature ;
Dieu, le Pre le Fils et le Saint Esprit sont diffrents dans leurs fonctions.
Au niveau de limage de Dieu, cela veut dire que :
lhomme et la femme sont gaux en ce qui concerne leur nature cre ;
et diffrents dans leurs fonctions.
Cela implique la subordination personnelle de la femme par rapport lhomme, car sur le plan
personnel le Fils est subordonn au Pre. Les post-barthiens essaient de rectifier le tir , mme du ct
vanglique. P. Jewett affirme quil ny a pas de hirarchie en Gense 1 et 2 et quil ny a pas de rles
suprieur et infrieur dans la cration. La femme nest pas infrieure mais diffrente.
2.4.3. La proposition de Barth savoir que limage de Dieu existe dans les relations entre lhomme
et la femme limage de la Trinit si elle a le mrite de faire entrer la question de la relation sexuelle dans
les dbats sur limage de Dieu, nest pas sans ses critiques, qui deviendront plus nombreux avec le
dveloppement des thologies fministes. Cette proposition est trop troite et rduit les rles masculin et
fminin au mariage, un homme et une femme (le titre clbre du film de C. Lelouche est de lpoque), et
peut tre taxe de bourgeoiserie...
J. Moltmann a profit de lapproche de Barth, mais a redfini limage de Dieu en lhomme comme
tant limage de la Trinit sociale. Moltmann construit sur la perspective de Barth tout en tant critique des
thologies de la monarchie du Sujet absolu, et dit que la Trinit est une communaut. Dans leur livre
Dieu homme et femme, E. et J. Moltmann affirment que, contrairement lquivalence entre monothisme et
souverainet de Dieu, il faut comprendre que, dans la Trinit, Dieu est une communion. La doctrine de la
Trinit devient un modle de communautarisme dans les livres suivants de Moltmann. Le modle de
Barth et Cie., relverait de la patriarchie. Lhomme est toujours dessus, la femme dessous. Dans son livre
Man as male and female, P. Jewett arrive la mme conclusion. Il faut dpasser, dit-il, dans lapprciation
de limage de Dieu, les modles qui font perptuer la structure de subordination avec un suprieur et une
infrieure, comme elle est prsent par Barth et Brunner.
2.4.4. Si limage de Dieu chez Barth comprend le masculin/fminin et si, chez Moltmann, il sagit
dune ralit communautaire, la contribution de C. Gunton, dans ses confrences sur Christ et la Cration
, cherche ouvrir des perspectives plus larges. Il manifeste le souci de parler de limage de Dieu en rapport
avec la rdemption, mais aussi dans un contexte cologique. La faon dont Gunton largit le modle
fonctionnel de Barth, pour quil devienne un modle pleinement relationnel, est stimulante. Les mots
related, relatedness, utiliss sans modration par Gunton, sont difficiles traduire en franais, ( en relation
avec , relationalit ), mais pour lui limage de Dieu en lhomme existe dans son rapportalit avec
tout ce qui existe. Il sagit, non seulement du rapport homme-femme, mais aussi du rapport social et du
rapport cologique. Gunton cherche dfinir lhumanit par rapport tout ce qui existe, y compris le rapport
soi et le rapport au monde. Cette approche qui largit la notion de limage aux rapports globaux de
lhomme avec toute la ralit, y compris lcologie, offre une tentative de rponse aux soucis de nos
contemporains.
***

Les forces du point de vue fonctionnel rsident dans sa volont de placer la notion de limage de
Dieu dans notre contexte actuel. Il ne faut certes pas confondre les diffrents points de vue que nous avons
prsents. Leur diversit est limage du pluralisme thologique ; aussi est-ce difficile de leur trouver un
dnominateur commun. La faiblesse de Barth et un problme de lapproche fonctionnelle ont t indiqus sur
le plan exgtique et thologique :
1. M.G. Kline, dans son livre Images of the Spirit, offre une critique fondamentale de la position de
Barth sur Gense 1.27. Kline dit que la rfrence masculin/fminin ne peut pas y prsenter lessence de
limage de Dieu pour les raisons suivantes :
i) la dualit sexuelle nest pas mentionne dans laffirmation de lintention divine au verset 26 ;
ii) les phrases a et b du verset 27 offrent un paralllisme synonyme, sans ladjonction de
27c.
27c ne constitue pas un parallle supplmentaire, mais une description ajoute qui
dcrit comment
lhomme est cr limage. Limage stend lhomme et la femme comme en Gense 5.1ss ;
iii) Selon Kline, 27c et Gense 5:2a renvoient au contexte des versets 28 et 5.2b, qui
prsentent la
bndiction divine comme rponse la demande de Dieu.
2. P. E. Hughes ajoute deux critiques dordre thologique par rapport la thologie barthienne, dans
un ouvrage original, The true image, en disant lapidairement que Les relations interpersonnelles dans la
Trinit ne sont nullement dordre sexuel . En plus, Les relations interpersonnelles dans la socit
humaine, si elles sont exprimes de la faon la plus intime dans lunion sexuelle entre le mle et la femelle,
laquselle sattache une saintet spciale, ne dpendent pas de la sexualit...
Ces critiques ne veulent pas dire que les perspectives ouvertes par Barth, Moltmann ou Gunton ne
sont pas utiles pour la formulation de la doctrine de limage de Dieu aujourdhui. Au contraire, ils sont trs
stimulantes et il faut savoir en profiter. Mais si lonto-thologie avec ses distinctions sloigne du message
biblique de limage de Dieu, des doctrines sociales , malgr leur attraction, peuvent tre tout aussi
problmatiques par rapport au contenu de lEcriture, si lEcriture ne parle pas effectivement de cette faon.
3. Quelques propositions pour une construction thologique de limago Dei
Quelques remarques peuvent tre formules, la lumire des considrations prcdentes, en ce qui
concerne les lments qui devraient figurer dans la reconstruction dune doctrine de limago Dei. Il sagit
seulement de quelques thses, dune bauche, et non dun expos approfondi.
3.1. La question de lindividualit
Malgr lattraction des positions de Barth, de Moltmann, de Jewett ou des doctrines sociales de
limage , il semble difficile dviter le fait que limage concerne ltre humain dans son individualit.
Comme le dit C. Seerveld :
Etre cr veut dire tre une ralit individuelle, ordonne de faon cosmique, avec une
diffrence irrductible, une entit identifiable et re-identifiable parmi dautres entits
comparables... Cette structure individualisante est une donne ontique de la cration.
Cette affirmation est importante, non seulement sur le plan anthropologique, mais aussi pour des
raisons christologiques. Cest lhomme qui est limage de Dieu en tant quindividu, et chaque femme et
chaque homme sont limage de Dieu en tant quentit. Selon Seerveld, cette entit a une base dans la vie, le
souffle, le corps de lhomme, des ralits concrtes sur le plan de la fonctionnalit. La personne dans son
ensemble est un soi oriente, coram Deo, avec un cur qui constitue la direction de lindividu.
3.2. Nature et personne
La cration tablit lhomme comme un tre avec de multiples fonctions, mais avec un centre, une
nature. Lhomme est cr avec une nature, mais aussi comme une personne. Rcemment P.E. Hughes et A.A.
Hoekema ont distingu entre la nature de lhomme comme crature et lhomme comme personne. J. Frame
tablit une distinction entre limage comme ressemblance et limage comme reprsentation. La ressemblance
de limage concerne la nature humaine et sa structure, et inclut : la nature humaine comme telle, lexcellence
morale de lhomme, sa capacit thique, le corps et la diffrentiation sexuelle, alors quen ce qui concerne la

reprsentation, dans le domaine de la fonction de lhomme-image, il y a une triple fonction de lhomme dans
la cration comme prophte, prtre et roi (avec les corrlats dautorit, de gestion et de prsence).
De telles distinctions permettent de distinguer entre la nature de lhomme et son destin, lhomme est
toujours homme aprs la Chute, mais son destin a franchi un aiguillage tranger la nature de sa cration. G.
Bray a aussi distingu entre la nature humaine, humanitas, qui subsiste malgr le pch, et la personne de
lhomme qui connat la corruption et la mort.
Pour le dire autrement, par le pch comme destin, ce sont les fonctions personnelles dans le
domaine Moi-toi-monde qui connaissent la rupture par rapport Dieu et au prochain. Lhomme na pas
perdu son humanit mais son intgrit. Cette situation est souvent illustre par le fait quaprs la Chute
lhomme nest pas devenu comme un animal, mme si lhomme est un loup pour lhomme . Calvin, par
exemple, peut crire : limage de Dieu stend toute la dignit par laquelle lhomme est minent pardessus toutes espces danimaux .
3.3. La vraie image de Dieu
Limage de Dieu, comme nous lavons dj dit, est mtaphorique, non pas littrale. Ainsi nous
arrivons la suggestion intressante de P.E. Hughes dans son livre sur Christ et limage de Dieu. Pour
Hughes, la vraie image, la seule, pour ainsi dire, est Jsus-Christ lui-mme. Cest parce que le Fils est la
Parole ternelle de Dieu, quil est la vraie image de la divinit.
Cette affirmation christologique recherche lharmonie avec les donns no-testmentaires, o, comme
laffirme H. Ridderbos, le Ressuscit est rvl comme Fils ternel de Dieu, comme celui qui, seul, porte
limage intgre de la divinit. La question se pose, daprs Hughes, de savoir sil est possible daffirmer avec
H. Bavinck ou G.C. Berkouwer que lhomme est limage de Dieu. Lhomme et limage ne sont pas
identiques. Lhomme est seulement, dans la cration et dans le renouveau, limage de limage. La vraie
image est la Parole de Dieu, la vraie rvlation, le Dieu-homme incarn. Lhomme est limage de Dieu, par
Christ interpos, de faon drive, mais lIncarn seul se prsente comme la vraie image, la reprsentation de
la divinit. Nous ne sommes pas loin, avec cette formulation de la notion de Parole de Dieu chez Barth ; mais
hsitons avant davancer sur ce terrain min !
Lintrt de cette suggestion est sa concentration christocentrique, sa conformit au langage du
Nouveau Testament ; il rside aussi dans le fait quelle permet dchapper maintes disputes scolastiques sur
le contenu de limage, ses vestiges et la nature ontologique de limage. Ainsi Hughes peut parler des aspects
de limage : la spiritualit, la moralit, la rationalit, lautorit et la crativit de lhomme comme images de
limage, qui ne sont compltes quen Christ de faon personnelle.
3.4. Dsexualiser limage ?
Il nest pas illgitime, la lumire de ce qui prcde, de dsexualiser la notion de limage de Dieu.
Mais il est impossible dviter linvitable question de la diffrentiation sexuelle ! Comment la situer par
rapport limage ? Frame situe la diffrentiation sexuelle au niveau de la nature de lhomme comme image
et ressemblance de Dieu. En rponse la question La diffrentiation sexuelle est-elle un aspect de limage
de Dieu? il affirme:
Oui, parce ce que tout ce que nous sommes est image Dieu. Le point nest pas que
Dieu soit
mle, femelle, ou les deux. Dire que nos yeux imagent Dieu nest pas dire
que Dieu a des yeux, mais
que nos yeux prsentent quelque chose du divin. De mme, notre sexualit prsente des attributs et des
capacits de Dieu.
La question se pose cependant de savoir si la dualit sexuelle nest pas situer plutt dans le
domaine de la reprsentation de limage dans ses aspects fonctionnels et personnels que dans celui de la
nature (ontologique) de lhomme ? Lindividualisation qui existe dans ltre humain fait de nous des hommes
ou des femmes, des personnes masculines ou fminines. Y a-t-il une hirarchie dans le domaine des
personnes avec son corrlt de lordination et de la subordination ?
Ici, entre en ligne de compte la critique de la position de Barth. La relation homme-femme limage

de la Trinit implique une subordination de la femme lhomme, mme si, cette mme image, ils sont
gaux de nature. Et limage glisse, dans la pense de Brunner et de Barth, la relation mari/femme. Jewett,
par contre, affirme que tous les textes du Nouveau Testament faisant rfrence la subordination se rfrent
la deuxime narration de la cration, non pas Gense 1. Dans son contexte, dit Jewett, Gense 2 ne parle
pas de linfriorit de la femme, mais de sa relation lhomme. Il ne sagit pas de la subordination de la
femme, mais de son tre-ensemble avec lhomme. Il convient de limiter les dgts dans un contexte
culturel patriarcal. Paul en tire des consquences correctes et va plus loin en Galates 3.28. Dans une situation
autre, celle daujourdhui, il est possible de discerner plus librement ce qui est prsent, par implication, en
Gense 2 et Galates 3, cest--dire, lgalit homme-femme comme image de Dieu. Et ce nest que dans un
partenariat que lhumanit, homme-femme, est vraiment complte.
Revenons aux textes. Gense 1.27,28 semble parler de faon gnrique. Il sagit de Mensch, Man,
lHumanit, mais avec une diffrentiation entre lhomme et la femme. Gense 2 ajoute des prcisions non de
nature ou de structure, mais de fonction et de tche. La notion de fonctions diffrentes, mme de hirarchie,
nest pas contraire la notion de limage de Dieu, ou dune diversit dans la cration. Aprs tout, dans le
Nouveau Testament, les notions parents-enfants/ homme-femme/ matre-serviteur, impliquent une diversit
structure parmi ceux qui sont tous limage de Dieu, dans la cration. Et tout cela, en Christ. Cette diversit
existe aussi, par exemple, dans les ministres de lEglise.
Mais 1 Corinthiens 11.7 pose un problme, difficile viter quant limage : Lhomme est limage
et la gloire de Dieu, mais la femme est la gloire (doxa) de lhomme. Un tel texte est difficile ngocier !
Certains semblent dire que les aspects dune culture locale sont levs un niveau de pit et que laptre
dfend cette option par une exgse rabbinique fautive... Gense 1.26 ne permettrait pas laptre
dargumenter comme il le fait. Mais Paul se rfre-t-il Gense 1.26-28 dans ce passage ? Et dans quel
sens ?
J. Hurley donne une explication plausible de ce passage compliqu dans son livre Man and Woman
in Biblical Perspective. Il affirme quen Gense 1, il ne sagit pas dune hirarchie entre lhomme et la
femme, mais entre lhumain et les autres espces. Des suggestions de subordination ou dgalit nentrent
pas en jeu dans ce texte de la Gense. Ni lune ni lautre ne sont en vue. Laptre ne discute pas des
questions de dignit ou de valeur personnelles. Ainsi, ce nest pas Gense 1.26 en tant que tel qui fonde,
comme texte-preuve, la notion de la primaut de lhomme ; tout le thme du premier chapitre de la Gense
sert tablir cette perspective. Dailleurs, laptre remplace le mot eikon ou homoioma du texte grec de la
Gense (LXX) par doxa. Il nutilise donc pas les mots mmes de la Gense. Il montre cependant lhomme
image Dieu par son rle de chef . Parler de la gloire de telle ou telle chose cest indiqeur sa relation
avec lorigine. La gloire est un concept relationnel, et la femme est la gloire de lhomme dans sa relation
avec lui.
Ce passage parle donc de la relation de lhomme et de la femme qui est en conformit avec dautres
aspects de lenseignement paulinien, par exemple, Ephsiens 5 et 6. Nous devrions hsiter bien longtemps
avant daffirmer que cest une fausse exgse de la Gense que donne laptre. Ici, comme ailleurs, Paul ne
parle pas de la nature de lhomme et de la femme, mais de leurs fonctions, de leurs relations.
Certes, ceci ne constitue pas un progrs de nature nous permettre de comprendre en quoi consiste la
primaut de lhomme et le rapport de la femme celui qui est chef . Des ouvrages rcents qui essayent
dlucider ce mystre relationnel nous laissent sur notre faim. Par exemple, louvrage collectif, dit par X.
Lacroix, Homme et femme. Linsaisissable diffrence, a un titre appropri, car malgr la multiplicit des
approches prsentes, la nature de la relation mle/femelle reste insaisissable . Lacroix cite L. Beirnaert :
La diffrence des sexes met en chec le projet de tout anthropologie qui boucle et ajoute que quand on
cherche rpartir des valeurs et des vertus comme masculines ou fminines, les qualits masculines et
fminines cessent dtre des particularits . Ainsi,
Reue comme mystre, la diffrence nest pas seulement la limite de toute
comprhension mais
le lieu dune rvlation. Au-del du savoir, elle porte la marque de
la transcendance, elle est le signe de
laltrit. Altrit de lautre dabord, de ce tu rencontr partir de son noyau de nuit et qui chappera
toujours mon savoir. Dans une
perspective religieuse, cette altrit devient elle-mme rvlatrice
dune altrit plus radicale encore, celle du Tiers absolu, Ille, sindiquant par sa trace dans toute relation
digne de ce nom .

Et Lacroix de conclure :
La premire chose qui est dit de lAdam est quil est deux : mle et femelle. Et le
Talmud le
confirme : Lhomme sans la femme diminue dans le monde limage de Dieu. Les deux lettres qui, en
hbreu, distinguent les termes iych et ichah, le yod et le h,
forment ensemble le commencement du nom
de Dieu, yh. Tout se passe comme si lautre sexe tait pour chacun rvlateur de la face cache du
divin .
Le mystre ainsi dfini est insaisissable !
Prcisment pour cette raison il ne semble pas inutile de dsexualiser le dbat sur ce quest
limage de Dieu. Hughes rsume :
Contrairement Karl Barth, nous concluons que la dualit mle/femelle ne fournit pas la clef la
comprhension de limage divine en laquelle lhomme a t form. Le rapport personne--personne
de lhomme avec le Crateur, qui est sans doute un indicateur de cette image nest pas dtermin
par le fait de la sexualit humaine. Il existe indpendamment de la sexualit. Le paradigme parfait de
limage est lharmonie interpersonnelle sans faille qui a inform la relation entre le Fils incarn et le
Pre cleste car, en son incarnation, le Fils, qui lui-mme est limage de Dieu, a exprim la plnitude
de la vie en cette image, cest--dire comme notre prochain (fellow man), et cela sans tre gouvern
par la question de la dualit sexuelle.
3.5. Une reprsentation fonctionnelle
M. G. Kline et C. Gunton ont renouvel le dbat sur limage de Dieu en se librant des anciennes
catgories problmatiques, de la fixation sur le problme de la dualit sexuelle, et en introduisant de
nouvelles perspectives exgtiques ou thologiques. Kline considre que limage de Dieu est une investiture
pour que lhomme rgne sur la terre, sous la prsidence de lEsprit de Dieu. Dieu se rvle dans la cration
par lEsprit comme Alpha et Omga. Dieu a cr lhomme la ressemblance de la Gloire pour tre un
temple (spirituel) de Dieu dans lEsprit .
Lexgse de Kline est difficile suivre. On peut la
considrer comme une forme de midrash protestant quil faut mditer, mais dont le sens nest pas toujours
clair. Limportant est que Kline considre limage de Dieu comme linvestiture de lhomme, son onction,
pour tre prophte, prtre et roi dans la cration. Cette notion fonctionnelle de limage serait dvelopper.
C. Gunton, quant lui, encourage une rflexion, dans son livre Christ and Creation, en proposant
un modle dynamique de limage en lhomme par une thique du sacrifice. En sappuyant sur Romains 12.1,
il propose que le service chrtien se focalise sur le sacrifice et que limage de Christ se ralise par le
sacrifice. Notre relation avec Dieu, par le Christ, est restaure par cette thique, qui concerne ce que nous
faisons de nos personnes et ce que nous faisons du monde comme cration.
3.6. Conclusion
Pour renouveler notre dfinition de limage de Dieu, il convient de prendre en compte la nature
fonctionnelle de lhomme qui est :
identitaire : lhomme est un individu personnel face Dieu ;
non-dualiste : lhomme est un tre un, qui na pas de parties chair et esprit ;
christocentrique : Christ est la seule vraie image de Dieu par son incarnation ;
dynamique : lhomme est appel, de faon thique, accomplir son destin de crature.
4. Une perspective thologique sur les grands axes Cration, Chute, Rdemption
Si nous laissons de ct le travail prodigieux de J. Moltmann dans ses livres sur la Trinit, le
royaume de Dieu et la cration, le penseur rcent, qui nous incite le plus rflchir limage de Dieu, est C.
Gunton, qui a le mrite de relever ce dfi en mditant sur la complmentarit qui existe entre cration,
christologie et rdemption.
Pour Gunton, limage de Dieu est trop restreinte chez Barth en tant quexpression de la relation
masculin/fminin. La Trinit est une expression de la relationalit dans laltrit (relatedness in
otherness) de Dieu et de lhomme. Etre limage de Dieu est une dynamique personnelle mais aussi nonpersonnelle, qui caractrise lhumanit. Voici la dfinition de Gunton: Etre limage, cest tre appel

reprsenter Dieu dans la cration et la cration en Dieu pour que la perfection soit atteinte . Aprs la Chute,
cela est possible uniquement par Christ et le reordering accompli en sa personne et son uvre.
La distorsion de limage concerne donc le rapport qui existe entre la personne et Dieu, entre les
personnes et entre la personne et le monde. La restauration de limage est la libration, par le sacrifice de
Christ, des relations dformes. Ainsi lhomme devient nouveau limage de Dieu par rapport au Crateur,
aux autres et au monde. Il existe, dans le message biblique, tout un dynamique de restauration, centre sur
Christ et anime par lui vis--vis de nous-mmes, des autres et du monde. Le rtablissement de limage est
globale, mme si elle nest pas encore entire, dans ce monde, avant le retour de Christ. Nous sommes
reconnaissants Gunton davoir mis tant de choses en place et davoir formul une eschatologie chrtienne
qui inclut le centre christologique et la ralit anthropologique.
Quel est donc le rapport entre Adam et Christ, entre la cration, la christologie et la rdemption ? Et
nous abordons ainsi la vieille question : Christ est-il limage dAdam, ou Adam est-il limage du Christ ?
Andreas Osiander, un thologien luthrien, a publi, en 1550, deux traits spculatifs intituls : Le fils de
Dieu se serait-il incarn, si le pch ntait pas entr dans le monde ? et Ce quest limage de Dieu. Calvin
refuse le dbat en ces termes : cette question nest pas une question profitable ; il refuse dentrer dans la
logique que Christ se serait incarn mme si Adam navait pas pch.
Est-ce quAdam est limage de Christ ou Christ limage dAdam ? Dans lEcriture, la question du
rapport entre lanthropologie, la christologie et la rdemption ne reoit pas de rponse thologique formelle
et prcise. Leur rapport est un modle thologique labor en un synthse densemble partir dlments qui
ont un caractre historique et non celui dun trait de logique philosophique.
Mme dans le Nouveau Testament, il nest pas question dune structure humaine continue,
lhumanit, qui serait limage de Dieu ; il y est trait primordialement dAdam et de Christ, les deux chefs de
lhumanit. Et, en cela, lintrt renouvel pour la thologie alliancielle de la post-Rforme permet de
dpoussirer certaines catgories thologiques utiles. Il existe, selon la thologie alliancielle, entre Dieu et
lhumanit une alliance des uvres, de la nature, ou de la vie, qui fournit les conditions du renouveau de
lalliance de grce. La notion de fdralit permet de restituer limage de Dieu dans le cadre des alliances
historiques, qui ont leur unit dans le plan ternel de Dieu, appel alliance de la rdemption , o le Christ
figure comme mdiateur entre Dieu et lhomme, en vraie image de Dieu. Cest prcisment cause de ce
plan supra-historique que nous sommes des hommes-images de Dieu dans lespace-temps, Christ ayant
accept dtre le mdiateur de la rdemption. Il est ainsi lagneau immol avant la fondation du monde...
Son acceptation, de toute ternit, de venir comme mdiateur et sauveur historiques, peut seule
composter notre humanit de cratures et faire que nous soyons des personnes limage de Dieu, avec un
destin intimement associ au deuxime Adam. Nous sommes des hommes, au sens gnrique, dchus en
Adam, renouvels en Christ, parce que, lui, limage du Dieu invisible a accept de devenir homme pour
nous sauver, selon le plan ternel de Dieu (Col 1.15, 2 Co 4.4). Ces dernires textes
ne font pas de diffrence entre limage et lessence du Dieu invisible... Par sa participation en
Christ lhomme a regagn limage destine pour lui .
A part quelques textes isols du Nouveau Testament, comme Jacques 3.9, qui parlent de lhomme
comme image de Dieu, limage et sa restauration sont presque toujours associs Christ et la nouvelle
communaut quil introduit. Tout est compris dans le en Christo. Disons que la christologie et luvre de la
rdemption ne mettent pas en place une nouvelle structure humaine, ni ne crent une autre image ex nihilo.
La rdemption en Christ nest que le renouveau, dans son humanit incarn, de ce qui existe dans la cration,
avec la promesse eschatologique de la nouvelle humanit dans la nouvelle cration.
Il y a donc deux chefs de lhumanit, Adam et Christ. En Adam, nous sommes perdus, mais en
Christ, cause de son investiture comme prophte, prtre et roi, et en tant que reprsentant la vraie image de
Dieu, la cration trouve son renouvellement dans le corps de Christ, dont le croyant devient membre. Jsus
Christ est la vraie image, la ressemblance parfaite de Dieu, comme homme, dans son obissance active et
passive. Ainsi, tout est rcapitul en Christ, pass, prsent et venir.
Une conclusion provisoire

Limage humaine de Dieu existe en relation : ou en Adam ou en Christ, et en eux, elle existe en
rapport avec le prochain et les autres cratures. Dans le Nouveau Testament, limage se rapporte
primordialement la communaut nouvelle en Christ. L existent des hommes et des femmes recrs par
lEsprit limage de lImage, dans une dynamique eschatologique de progrs et desprance. Les structures
fondamentales de la cration participent ainsi au renouveau des choses anciennes sans les anantir.

Fin

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