Revue Historique Du Sud-Est Européen, 04 (1927), 1

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HillnitE
DU SUIPEST EUROPEEN
REVUE

PUBLICATION TRIMESTRIELLE
dirlgee par

N. IORGA
Prof

Membre de l'Acadernie Roumaine


d'hIstolre universelle a l'UnlversIte de Bucarest
/Sambre assocle de l'institut de France
Agrfe a is Sorbonne, etc.

li

VOL. IV. FASO. 1-4

BUCAREST

JANVIER-DEOEMBRE 1927

www.dacoromanica.ro
.

'S.

ROUMANIE

IV-eme armee, N-os 1-3.

Janvier-mars 1927.

REVUE HISTORIQUE
DU

SUD-EST EUROPEEN
(Continuation du Bulletin de l'Institut pour l'etude
de l'Europe sud/orientale")
PUBLICATION TRIMESTRIELLE
dirigee par

N. IORGA,
Professeur a l'Universite de Bucarest, Agree a la
Sorbonne, Correspondant de l'Institut de France.

01

BUCAREST
LIBRAIRIE PAVEL SURU
73, Ca lea Victoriei.

PARIS
LIBRAIRIE J. GAMBER

www.dacoromanica.ro

7, Rue Danton.

DIRECTEUR :

N. IORGA
BUCAREST, 8, 50SEAUA BONAPARTE

SECRETAIRE pE REDACTION :

C. MARINESCU
Professeur a l'Universite de Cluj.

P
1
1

1111011411111011011111

N. lorga: Les voyageurs orientaux en France (conferences donnees en


Sorbonne): Introduction. I. Voyageurs turcs. Un vieux livre roumain sur la Serbie (1865).
Silviu Dragomir: La donation du
prince de Valachie Antoine a I'Eglise metropolitaine de Transylvanie (1670).
Marcel Emerit: La femme en Valachie pouvaitelle heriter? Rachat des paysans et retrait lignager d'apres un
:
SOMMAIRE ARTICLES.

I
g

document roumain du XVI-eme siecle.

COMPTE-RENDUS sur Mgr. Roman Ciorogaru, Romulus !


Candea, Riccardo Filangieri di Candida, I. Andrieescu, Pietro de E
e Francisci, Giorgio Maria Sangiorgio, J. Ebersolt, Friedrich Teutsch, I

Abraham Gallante, N. Banescu, 0, Fr. Krasser, Charles Homer


Haskins, loan Georgescu, L. Bachelin, Louis Halphen.
CHRONIQUE.

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MS

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Imprimerie Datitta Romaneascii"


Valenii-de-Munte

www.dacoromanica.ro

REVUE HISTORIQTTE
DU

SUD-EST EUROPEEN
PIIBLIEE PAR N. IORGA. oROFICEISEUR

L'IINIVERSITE DE BIJOAREST

JANVIER-MARS 1927.

IV-E ANNEE, N-OS 1-3.

LES VOYAGEURS ORIENTAUX EN FRANCE


Conferences donnees en Sorbonne (1927)
par N. IORGA.

Introduction.
L'histoire universe!le, l'histoire generale est sur le point d'etre
presque completement remaniee; it y a du superflu qu'on devra
rejeter et it y a ties choses tres utiles qu'il fault y faire entrer. Avec la solidarite politique actuelle des nations, avec Velargissement de Phorizon et avec la conscience que les choses d'un
pays et d'une race peuvent etre comprises, d'une fagon complete, seulement en considerant les choses d'autres pays et d'aur
tres races, je (Ural. meme de tous les pays, it est bien certain que
des problemes qui n'interessent pas encore formeront l'objet de
preoccupations tires serieuses .a l'avenir et que, avec certaines
reductions d'un cote, avec des augmentations de l'autre, le tar
bleau de l'histoire generale sera, dans quelques dizaines d'annees
au mains, presque completement transforms.
C'est dans la profonde conviction que cette transformation sera
accomplie que je presente, comme continuation des Voyageurs
frangais en Orient', ces Voyageurs orientaux en France". Seulement, it faut faire, des le commencement, une distinction en,tre Pinteret particulier de ceux-la et celui que pourraient presenter les chapitres suivants. La serie frangaise est infiniment
plus riche en nuances et plus personnelle que pour la plupart
des voyageurs, plus ou moins prepares pour un pareil voyage,
qui viendront en France a partir du XVIII-e sicle. Il y a aussi
des periodes mieux definies dans l'histoire de ceux-ci en meme
temps que des individualites tres nettement marquees.
1 Dans la Revue des cours et conferences", annees 1926 et 1927 et volume
Separe, Paris, Camber, 1927.

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N. lorga

J'ai pu etablir, d'abord, une suite de voyageurs francais du


moyen-,age, qui representent Fame medievale elle-meme, avec
ce qu'elle a de simple, de 'nail et d'attachant par sa simplicite

et par sa naivet.
Luis, it y en a une autre qui peut interesser tout aussi bien
que la precedente: les voyageurs curieux, qui cherchent en Orient des choses tres differentes de celles qu'on trouve en Occident. A tel moment ils s'interessent a un phenomene d'histoire
naturelle; a un autre c'est l'ethnographie qui les attire, puts
it y a des choses de rien, ordinairement tres bien dites, dans cet
admirable style frangais anterieur a l'epuration de la languie
au XVII-e siecle.
Suit une troisieme categoric, celle des archeologues, des collectionneurs d'inscriptions, des chercheurs de manuscrits, des

agents de bibliotheques, pour ainsi dire, qui vont en Orient dans


l'intention d'y trouver des materiaux pour la Bibliotheque Royale.
Les philosophes les suivent A la fin du XVIII-e siecle, ceux qui

viennent en Orient pour y exercer librement une critique qui


n'aurait pas pu s'exercer de la meme fawn chez ieux, sur
les lois, les coutumes et les moeurs de leur propre payst. Ilsi
donnent des critiques tres souvent ameres des choses orientales.

Bientot les romantiques chercheront en Orient de la lumiere,


de la couleur, des choses nouvelles, attachantes par ce caractere meme de nouveau* des choses bizarres et chatoyantes.
Nous avons passe aux economistes du milieu du XIX-e sicle,
dont le but est tout autre: ils se preoccupent de la question des
nationalites qui surgissent en Orient, et ce qui les interesse,
ce sont les statistiques, les debouches de commerce, les possibillies industrielles.

Jusqu'a ce qu'on arrive a des voyageurs frangais de la fin de


ce XIX-e siecle ou du commencement du XX-e, chez qui tout cela
est un peu meld: it y a de l'archeologie a cote de l'interet roman-

tique et, ca et la, des anecdotes qui ne sont plus aussi naives
qu'au XIV-e sicle, mais qui ant aussi leur charme.
Ces choses-la, on ne peut pas les trouver dans le domaine,
que je cherche a ouvrir aujourd'hui, des voyageurs orientaux
qui viennent en France. D'abord, it n'y a pas, pour ces voyawww.dacoromanica.ro

Lesrvoyageurs orientaux en France

geurs orientaux, la mettle unite, de race. Its appa,rtiennent a


differentes nationalites, habitant parfois des pays voisins, parfois
le meme pays, en tous cas dans les limites du meme Empire ottoman qui s'est morcele pendant le sicle pass. Ces voyageurs
representent done souvent une autre psychologie nationale, et

aussi un autre moment de ces psychologies nationales differentes.

Il y aura des Turcs, qui se ressemblent assez, de sorte .que


l'interet individuel pourrait etre cherche avec beaucoup de difficulte dans ce domain.
Puis, des Grecs, a la tete desquels apparait un homme celebre,
une gloire de la philologie classique, t oral Pui-meme, et,
a cote de lui, un autre, beaucoup moins connu, qui nous servira A elucider certaines chases de cette ame disputee entre
taut d'idees et de sentiments qui est celle du grand philologue
classique, pendant les annees de sa jeunesse.
Enfin, it y aura des Roumains de differentes epoques: d'abord

un Transyivain de 1840, qui ne ressemble gutre a tout

ce

monde musulman et grec, qui defilera. Et, apres ce Roumain


transylvain, d'extraction rurale, rappelant les moeurs pastorales, alpines, des Carpathes, un autre Roumain, ou, plutOt, toute
une famille de Roumains, dont le. chef, Paine va jower un tres
grand role dans le pays, &twit pour ainsi dire, le fondateur de
la Roumanie actuelie; c'e.3t le Moldave Michel Kogalniceanw. On

le verra dans ses trois apparitions a Paris, et, a cote, les voyages, beaucoup moins connus, de son frere. S'y melera aussi
un petit monde feminin appartenatot a la meme famille. De
sorte qu'on pourra voir, quelle etait, vers 1850, la fagon dont
une dame de Jassy, venant a Paris, considerait les avantages de
cette metropole de la civilisation occidentale.

II y aura, a la fin, des considerations generales sur un autre


monde etranger, qui n'est pas constitue seulement de voyageurs,
proprement Bits, parce que ce sont des personnes eta,blies pour de
longues annees, qui ont trouve une nouvelle patrie a Paris,
leur ancienne et vraie patrie, celle a laquelle ils tiennent par
toutes leurs fibres, leur etant interdite. Ce seront les revolutionnaires qui cherchent un abri au milieu des democrates, des rouges" de tous les pays, qui, apres la revolution de 1848, auront

fixe leur quartier general a Paris. Mais, cette fois, it ne me


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faudra pas chercher les details, qui sont nombreux, me bornant a distinguer parmi les ideologues romantiques ce qu'on
pourrait appeler des especes, attendant le moment oil it me
sera possible de presenter ce monde sous l'aspect de la lutte
politique qu'il menait a Me de coreligionnaires politiques appartenant a d'autres nations.
I.

Voyageurs tures.
Des considerations generales doivent preceder la presentation
de ces voyageurs tures du XVIII-e sicle et du commencement
du XIX-e siecle.

J'ai dit que les Orientaux se distinguent nettement des voyageurs occidentaux qui, pendant plusieurs siecles, ont traverse

les contrees de l'Orient, et qu'ils n'ont pas de caractere personnel, d'individualite prononcee. On peut robserver chez les
Tures beaucoup mieux que chez les Grecs, qui, plus ou moins
philosophes", sont impreg-nes de ressence de la pensee occidentale, et, encore plus, chez les Roumains, qui apportent, en
meme temps, une aptitude pour cette philosophie" et certahies qualites de race qui les rapprochent des Occidentaux.
Le vrai Oriental, c'est le Turc de l'ancien regime, le Turc a turban, a vetement large, a babouches, le Turc qui arrive avec

toute sa turquerie vestimentaire et verbale, avec tout ce qui


constitue son aspeCt pittoresque. Celui-la est typique, pour employer une formule adopt& par le regenerateur des etudes d'his-

toire en Allemagne it y a une vingtaine d'annees, par Lamprecht. Peut-titre serait-il capable, comme les autres, de presenter sa propre personnalite; it l'a peut-etre, ou bien it l'a eue,
avant d'avoir recu une certaine education, mais cette education
lui impose de ne pas etre lui-meme. Se maintenant sur la base
du Coran, jugeant les choses d'apres les regles du cheriat; du
droit musulman, ces voyageurs musulmans, se sentent obliges
d'avoir, non seulement un caractere de famine, de race, mais
de sentir le, choses de la meme facon, sans distinction d'un in-

dividu a l'autre, aussi de cacher certains sentiments pour en


exprimer d'autres, de garder une certaine mine et une certaine
attitude qui les confondent dans la melee.

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Les voyageurs orientaux en France

C'est pourquoi, an lieu d'adopter le procede qui se recommande pour des voyageurs ayant une personnalite, it taut presenter ces Tures d'une autre fa, on, selon le caractere de leur
reception et selon les idees qu'ils se forment sur le milieu nouveau OA les ont amends leurs fonctions.
Je ferai une place a part pour leur notion du progres, cette conception dominante du monde occidental, ce point cardinal d'un
developpement qui n'existe pas pour l'Orient. Bien que le progres base sur les sciences et sur l'avancement de certaines institutions ne cadre pas avec reducation de ces visiteurs et ne
puisse pas s'adapter aux besoins essentiels de leur Arne, it y
a quelque chose qui, au XVIII-e siecle, les attire dans ce sens.
En fait de moeurs, ensuite, de ces moeurs si differentes des leurs,
it y a certains traits dont l'absence les etonne et it y en a d'autres dont la presence les scandalise jusqu'a l'indignation, d'un

voyageur a Pante.
Encore une observation preliminaire.
On considere ordinairement le monde musulman, et aussi le
monde byzantin, comme absolument unique, ayant toujours le
meme caractere, incapable de developpement. Il y a une facon
d'ecrire l'histoire de Byzance qui est fond& sur cette conception
de la Byzance immuable, et, ceci etant donne, on peut raconter
des anecdotes de palais, presenter des querelles d'individus et

de partis, on petit faire de rarcheologie sur les institutions, et


Dieu sait si on en fait; on prone cet art byzantin, tres interessant, qu'on ne datera jamais, avec precision, parce que, pour
la plupart, les monuments de cet art ne stint pas datables, chacun copiant un peu l'epoque anterieure, de sorte qu'on ne sait
plus d'oli vient l'inspiration. Et on dit la meme chose des
Tures: Cet Empire otoman, qui s'est forme au XV-e sicle, serait
reste sans aucun changement, pas jusqu'a sa fin, parce que M.

Moustafa Kemal, president de la Republique turque, ne redsemble, sous aucun point de vue, a ses predecesseurs, les Sultans a turban et a aigrette, portant des millions de pierres precieuses sur leurs vetements; mais jusqu'a l'ere des reformes. Or,

c'est une erreur, une tres grosse erreur. II y a eu des changements dans cette societe turque, et meme je croirai powvoir distinguer au moires quatre poques:
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L'epoque chevaleresque, feodale, d'abord, on il y a encore le


kirichdchi, le tchelebi, le chevalier du desert.
Puis, apres Mahomet II, l'Empire byzantin des Tures: un
monde turc romanise'', byzantinise, la continuation de la Rome
orientate. Entre le Sultan Mourad I-er, mourant sur le champ de
bataille de Kossovo, ou OM son adversaire aussi, le kneze ou
roi des Serbes, entre ce preu qui succombe sous son drapeau

et entre

Soliman- le- Magnifique, conduisant imperialement ses

armees, et ses successeurs qui sont des empereurs de Constantinople sans bouger de leur residence, il y a une grande difference, et la societe elle-meme se ressent des changlements profonds qui s'accomplissent dans le gouvernement.

A une autre epoque certains prejuges disparaissent, certair


nes idees du pass sont completement ou presque completement
abandonnees.

Ainsi, par egard au monde chretien, il est faux que les chretiens eussent toujours ete consideres comme des chiens"; il
y a des mots qu'on emploie couramment et qui perdent un peu
de leur valeur: et puis, quelqu'un appele de ce nom zoologique
commencera par se facher, mais, si on le lui dit chaque jour,
il arrivera a le tolerer, et meme celui qui emploie ce mot se
dira que l'objet de cette intitiflation n'y ressemble pas absolument. Les Tures ottomans ont considers toujours les chretiens,
de meme que les Israelites, comme se distinguant des autres

Infideles: tout en etant des impurs, its avaient leur livre, leur
bible". Meme, dans l'islamisme toute une partie du christianisme a pass, avec sa bAse &rite, sa revelation, dont on a
pu tirer quelque chose. Il y a eu, sans doute, au XIV-e, au XV-e,

an XVI-e siecle, une espece d'horreur a regard du chretien;


contemporain represente le Sultan traversant les rues
de Constantinople, precede par des tchaouchs qui ecartent les
mecreants pendant que le maitre se couvre les yeux des doigts
tel

pour ne pas profaner la lumiere de son organe visuel par la


contemplation d'un impur. Si, a la meme poque, le ceremonial inflige aux representants des Puissances etra,ngeres n'er
tait pas tres agreable pour ceux qui etaient envoyes dans cette
ville, il faut faire la reserve qu'on en agissait de mettle a repoque des empereurs byzantins, car avant de conclure un traits

tout representant d'un autre Etat etait .conskler4 comme un


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Les voyageurs orientaux en France

ennemi qui arrivait en prisonnier devant le representant de


la plus grande force militaire et politique du monde oriental. Mais,
apres quelque temps, on trouve des accommodements avec ces
Occidentaux, avec ceux que les Byzantins et, apres eux, des
Tures, pouvaient considerer comme une espece de barbares. On
commence a apprecier d'abord Part militaire des Occidentaux.
Etre battu par quelqu'un, ceci facilite enormement la comprehension de ce qui se trouve dans Fame de celui qui a battu. Et,

alors, comme, les Turcs ont ete tres souvent battus, dans la
seconde moitie du XVII-e siecle et pendant tout le XVIII-e, ils
ont commence par apprecier d'abord les moyens par lesquels

on obtient la victoire, puis la nation m'eme qui arrive a etre


Victorieuse par ces moyens.
En outre, on avait d'autres informations que pendant le XVI-e
et la seconde moitie du XVII-e siecle, et, avec ces informations
plus larges, plus serieuses, on se rendait compte de l'importance
des souverains de l'Europe centrale et occidentale. Jadis, on
considerait l'empereur Charles-Quint comme un roi de Vienne;
son frere, Ferdinand d'Autriche, roi de Hongrie, etait traite comme
un vassal quelconque de la couronne ottomane, rebelle s'il ne

payait pas le tribut et grade aussitet apres la reception des


sommes &anent envoyees. Maintenant, on a de I'Empire, du
Saint-Empire romain de nation germanique, de la Monarchie des
Habsbourg, une autre comprehension. Quanta la France de Louis
XIV, it aura suffi de voir certains gros vaisseaiux frangais jusqu'aux environs de Constantinople pour se rendre compte qu'il
n'y a pas que les Venitiens pour dominer la mer, qu'un tel voyage pourrait se repeter et avoir des consequences qu'on avait

reussi a eviter pour le moment.


On considerait tout de meme les Occidentaux comme un peu
plus mesquins, comme dependant moins et ayant done moins de
pompe et de generosite que 1'Oriental. Mais, cependant, it y a
un tres grand changement dans la fagon dont l'Orient turc considere 1'Occident et, dans cet Occident, la France de Louis XIV.
AussitOt apres, intervient un autre element de changement, tres
important. On commence a s'interesser, non-seulement aux moyens

militaires du monde occidental, a la fagon dont it arrive a remporter des victoires, mais aussi a une certain habilete diplomatique qui peut arriver a &passer mile des diplomates grecs et
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slaves d'origine employes par l'Empire ottoman. Sans parler


encore une foil des decouvertes, des progres materiels realises
surtout dans les sciences, l'Orient a eu, a n'importe quelle
poque, ('admiration des choses curieuses, ingenieuses, sorties de
Pactivite creatrice de l'esprit humain. On la retrouve a l'epoque,
si lointaine, oil Charlemagne recevait de Bagdad, du calife Haroun-al-Rachid cet elephant dont Ia chronique conteMporgne
donne le nom oriental et, en meme temps, ces orgues qui wit
suscite un si grand interet a leur arrivee a Aix-la-Chapelle.
Il y a meme quelque chose d'enfantin dans la fagon dont ils
considerent ces decouvertes d'un monde qui ne ressemble pas
au leur.

Je ne parlerai pas plus longuement de ces voyageurs de l'Orient qui n'ont pas laisse le recit de leur voyage. Tels en 1461,

dans les ambassades des plus loingtains et estrangiers pays


qu'on vit oncques venir en chrestiennete, tant des pays de Sarrazienne comme d'ailleurs..., habillies et revetus de moult estrange
mantel.: d'habits,et non accoustumes de veir", avec le Patriarche

d'Antioche, Louis de Bologne", qui ne sgavoit guerre de latin,


mais il parloit grecque et un peu italien", le chevalier Miquiel"
de Trebizonde, maitre Chestonides", de Georgie et Mesopota-

mie", avec deux couronnes en Ia tonsure de la teste", deux


anneaux a sea oreilles" et le visage et la barbe rez comme ung,
marmot", ,,Mammart, ambassadeur du roy d'Armenie", grand mu-

sicien,messire Hansse, ambassadeur du prestre Jehan", grant


clercq et bon astrologien",- un maitre Nicolle, ambassadeur du
roy de Perse" et Mahon", ambassadeur du Petit Turcq"le Caraman, lequel disoit que, sy les chrestiens voulloient aider son
seigneur le Petit Turcq contre le Grand Turcq, icelluy Petit Turcq
seroit avec les chrestiens et les serviroit atout 50 mille hommes"1.

Parmi les Ottomans, it y a un ambassadeur a Ia fin du XVI-e


siecle, en 1581, un autre en 1628; it y a celui qui est arrive a
1 Collection de memoires relatifs a l'histoire des Pays-Bas, 111, Bruxelles
1823, p. 130 et suiv. Dans une lettre pontificale publiee par Rinaldi, Annales
ecclesiastici, ii est question de Nicolas Gabriel, ambassadeur du rol de Perse
(Ouzoun-Hassan), du Georgien Coschodan de Carache", de Mahumet, envoyd d'Assambech, Soldanus Mesopotamiae" (le in@tn# Ouzoun), de Mourad
venant de la part de Verthurech in Armenia dominus" (1461, XXXIV).

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Les voyageurs orientaux en France

Paris a repoque de Louis XIV, en 1669, et dont le passage petit


etre poursuivi dans certaines comedies de Moliere, puisque c'est le

createar du type de ce Mamamouchi qui a delecte tant de generations. Dans l'inedit qui se conserve encore dans les archives
de France on pourrait trouver encore plus et mieux, mais on n'a
pas ses impressions a lui.
Le premier voyageur qui peut nous occuper, celui de 1721, est
I'un sur le compte du voyage duquel it y a quelque chose d'ecrit dans deux petits livres capables de nous renseigner. Il s'appelait Mehemed-Effendi, ou Yermi-Seldz-tchelebi, et le recit de

son ambassade est contenu dans ces deux ouvrages': Relation


de l'ambassade de Mehemet-Effendi a la Cour de France en
MDCCXXI, &rite par lui-meme et traduite du turc. A Constanti-

nople, et se trouve a Paris", 1757, et Nouvelle description de


la vile de Constantinople, avec la relation du voyage de l'ambassadeur de la Porte Ottomane et de son sejour a la Cour de
France'', Paris 1721. Dans ce dernier ouvrage, ce qui interesse,
c'est la seconde partie, oft it est question, non plus de Constantinople, mais du voyage lui-meme.
Mehemed-Effendi, Grand Tresorier et ancien plenipotentiaire
aux negociations de Passarowitz, est un homme ayant tine certaine education scientifique. Il lui arrive de parler du fameux"
Atlas que le daunt Kiatib-tchelebi a traduit en turc, On voit
que quelque chose se transforme de ce cote-la.
Et, pour se rendre compte combien les deux civilisations, l'ancienne civilisation de l'Orient et celle de l'Occident, se melaient
a cette poque, on n'a qu'a prendre le grand ouvrage d'Histoire
de l'Empire ottoman qui, pour une certaine partie, ne mourra
jamais et ne pourra pas etre remplace, d'un prince moldave qui,
au commencement du XVIII-e siecle, a &passe les conceptions
de 1'Occident, on peut le dire, sous le rapport de la geographie
et sous le rapport de l'histoire philosophique, &twit le premier
qui eilt presente des profils de montagnes 1, et aussi le premier
1 Dans un travail recent, publie dans l'Annuaire de l'Institut de geographie
de Cluj, mon collegue M. VA Isan presente des profils du Caucase dus a Demetrius

Cantemir, qui sont tout-A-fait inattendus. Ce n'est pas, en tous cas, de la


geographie du commencement du XVIII-e siecle.

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10

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qui avant Montesquieu, lequel a connu par le his de Demetrius Cantemir, Antiochus, ambassadetu. a Paris, traducteur et
adaptateur de Boileau dans la litteralure russe, cut considers
l'histoire d'un Etat comme celle de sa grandeur et de sa decadence. On n'a qu'a prendre cette oeuvre de Cantemir pour
voir, comme it presente le milieu oil il a vecu a Constantinople en prince exile, combien on y vivait intimement et en colla.
boration entre Grecs, Tures et Occidentaux: lui-meme a ete
tres souvent le commensal de l'ambassadeur de France a Constantinople, tout en connaissant le monde grec auquel it appartenait par sa religion et par ses accointances, et it reste Peeve des
principaux representants de la science turque a ce moment,
dont it cite les noms. II etait tenement turquise sous tels rapports, qu'il a trouve une nouvelle methode de noter les sons
(on chantait encore, it y a quelques dizaines d'annees, a Constantinople, des pestref", des morceaux de musique rediges
par lui). II ne faut pas s'etonner done si Mehemed-Effendi est
un Turc d'un caractere tres nouveau, avide de connaitre certaffies choses d'Occident, qui n'auraient eu aucun interet pour
ses predecesseurs du XVI- e et du XVII-e sidcle.
Le fils de ce voyageur, Said, adorateur d'Aristote", a aussi
ete l'introducteur de l'imprimerie turque a Constantinople. Dans
la relation de l'ambassade de Mehemed-Effendi memo, it est dit:

C'est lui que nous avons vu, en 1742, ambassadeur extraordmaire, comme son pere, de la Porte Ottomane en France...
Quand it revint en France, it parloit le frangais comme sa Iangue naturelle... II conversoit avec les scavans et les artistes sur les

sciences et les arts qu'il aimoit. Dans ses Missions archeologiques frangaises en Orient, aux XVII et XVIII siecles 1, M.
Omont a publie des renseignements sur Pactivite de Get inspeeteur de l'imprimerie du Grand Seigneur"; qui exercait ,,une
espece d'empire litteraire a Constantinople". II s'occupait, entre
autres, de la quadrature du cercle, se distinguant des Occidentaux
par sa conviction profonde et naive de l'avoir decouverte.
' Paris 1902. Voy. aussi Documents sur l'imprimerie a Constantinople au
XVIII-e sidcle, dans la Revue des bibliotheques", 1895, V, pp. 185-200.

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Les voyageurs orientaux en France

11

Apres Mehemed, le Ore, apres Said, le fils, maintenant, sous


le Directoire, it y a Esseid Ali-Effendi, ambassadeur de la Porte
Ottomane, dont les peripeties tres curieuses ont ete trouvees et
mises ensemble par M. Maurice Herbette, dans son ouvrage:)
tine ambassade turque sous le Directoire"t, livre tres agreable a
lire,

avec des portraits d'EsseId et avec des elements de la

mode francaise a cette poque, this a l'influence de l'ambassadeur:


chapeaux a la Sultan, robes d'une certaine fawn. Car le
malheureux a ete le lion" de Paris pendant quelques se-

maines, quand on se l'arrachait, des proprietaires de jardins lui


demandant de prendre part, pour quelques instants au moinS,
a certaines festivites destinees attirer le public. Et it a cru que cela
durerait, mais, apres quelques semaines, on l'avait completement oublie. II dut vegeter quelques amides a Paris, a cause
de l'expedition d'ggypte, Ruffin, l'ambassadeur de France a
Constantinople, ayant ete arrete, et le Turc etant la pour Pechange.

Esseid n'a pas ecrit, mais M. Herbette 2 a recueilli taut de


renseignements sur lui, qu'on peut s'apercevoir, rien que par
l'usage qu'il faisait de son temps, de ce qu'on prisait le phis
dans cette societe francaise de la fin ds XVIII-e siecle.
On a conserve aussi le recit de voyage, tres interessant4
trouve par hasard a Constantinople, de Mouhib-Effendi, am
bassadeur extraordinaire du Sultan Selim III, dont la relation de
mission a ete traduite of publide par le decouVreur meme, M.
Bertrand Barreilles s .

Apres avoir entunere les noms de ces voyageurs, voyons

maintenant la fawn dont on les a

rect.'s.

ete envoye le 4 septembre 1720. 11


arrive par Marseille, rachetant en route, a Malte, un capoudan
turc, qu'il pale 4.000 piastres. Sa suite est extremement nomMehemed-Effendi

Il y avait la dedans: un imam,


un intendant, un tresorier, un garde-sceaux, un chef de cuisine,
breuse : quatre-vingt personnes.

I Paris 1902.

' Maurice Herbette, Une ambassade turque sous le Directoire, Paris,


1902.

Bertrand Bareilles, Un Turc a Paris, 1806-1811. Relation de voyage et

de mission de Mouhib-Effendi, ambassadeur extraordinaire du Sultan


Selim 111, d'apres un manuscrit contemporain, Paris 1920.

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12

un medecin, un valet, vingt valets de pied, seize aides de


cuisine (ce qui signifie qu'il mangeait tres mal), quatre gardetentes, un jaca", un porteur d'eau, C :ux palefreniers, deux
pelissiers, un tailleur, cinq pourvoyeurs de la maison et deux
autres valets.

Tout ce monde passe par Maguelonne, par Agde, par Toulouse, par Bordeaux, Orleans, Corbel', et, le 16 mars 1721, ils

entrent a Paris.
On donne d'abord a Mehemed-Effendi, avant sa reception
officielle et solennelle, comme habitation, la maison dite du
diable". II s'y est tres bien trouve.
Il est felicite par le prince de Lambesc, par le marechal d'Es-

II y a A cette occasion un grand contours de tout le


peupie et, principalemeni. des dames" et le recit dit qu'il les
trees.

gracieuse beaucoup", leur offrant du caf. Pas une ne sortit de

son Mel sans etre egalement charmee de sa politesse, de la


majeste de son visage et de ses manieres honnetes."
Reception a Paris. Regiment d'Orleans, dragons, les armes
levees, Tures a fusils et lances, huit officiers tures, dont l'un

portoit un turban verd, dans an crpe blanc a fleurs d'or".


Des Turcs, des chevaux. L'ambassadeur est place entre d'Estlrees et Grammont, intrloducteur des ambassadeurs.

II

ya

des grenadiers a cheval, des voitures, an regiment d'infanterie, faisant la haie, avec la compagnie de la Bastille et celle
des fusiliers du roi, un detachement du guet a pied, les archers de la vibe, des escouades du guet a pied", sans compter
les gardes frangaises.
Le roi et le duc d'Orleans regardent de leurs fenetres le cortege.
Le 21 mars, audience chez le petit roi, avec le Ms de l'amba-

sadeur, Said, le futur imprimeur, qui est son secretaire.


Le roi porte, pour l'occasion, la Cour desirant montrer a ces
Orientaux qu'il y a des pierres precieuses en France aussi, dun
habit de trente-cinq 'lyres avec vingt -cinq millions de pierres
precieuses. Son interprete est vein, pour ,la eiroonStance, en
Armenien, pour montrer qu'on connait aussi le costume de
ces regions eloignees.

Villeroi repond a la place du connetable, dont la dignite est


la meme que celle du Grand- Vizir." L'abbe Dubois,on le voit

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Les voyageurs orientauX en Prance

13

avec sa figure de fouine devant la pompe de Mehemed,


prend les lettres du Sultan.
Il y a une symphonic chez Son Excellence". Puis le Turc
visite le duc d'Orleans, qui est sans chapeau, et qui se trouve
chez l'archeveque de Cambrai, qu'on connait dep..
Puis on le mane a POpera de Thesee", et it visite Bignon.
La conversation roule sur leS sciences et les arts, qui sont le
plus a remarquer en France." L'ambassadeur donne une 11turgie grecque et deux autres armeniennes ienvoyees par de
Bonnac, et une traduction grecque de Bocce par Planudel, des
manuscrits qui se trouvent encore a la Bibliotheque Nationale.
Notre homme n'y comprenait rien, bien entendu.
Le 19 avril, visite chez Villerot Le roi arrive non annonce.
Symphonic de Lulli, tout-A-fait differente de la musique a laquelle l'ambassadeur &all habitu chez lui.
Puis on va a Saint-Cloud, au Jardin des simples, a Meudon,
aux eaux de Versailles, dont Mohammed rapportera le plan du
canal 2, a la machine de Manly, qui &all une des grandes curiosites de Paris.
II y a ensuite des festivites chez Conti, a Clichy, un bal a
l'Opera, un feu d'artifice en place de Greve. L'hAte oriental va
A Saint-Denis pour voir les tombeaux. Nouveau bal, opera, comedic, jeu de paume.
Plusieurs fois, le roi parait pour voir l'ambassadeur. Et voici
l'audience de depart. On lui donne le portrait de Louis XV

avec des diamants valant 50.000 ecus, une pendule, six montres,

six tabatieres d'or et des miroirs. Le 15, it aura son audience


chez le Regent.
Le 3 aotit, enfin le visiteur officiel part pour Fontainebleau,
oil on l'accueille a coups de canon et avec participation de Parmee.

A Cette, it s'embarque, mais it y a quelques Tures qui veulent

rester en France. L'un d'eux, qui s'appelle Mehemed et qui


etait des Petrarques de Venise", devient pa.tissier chez le cardinal Dubois, le souvenir le plus durable du voyage.
Passant par-dessus ses souvenirs de France, qui viendront bienVoy. Omont, ouvr. cite, p. 385.

' Voy. Voyageurs Francais, cites plus haut

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N. lorga

14

tat, allons voir la facon dont- Esseid -Ali, l'invite du Directoire,


est introduit en France.

Je dois ajouter, cependant, que, dans les lettres d'un Grec,


Stamati, dont it sera question dans le chapitre suivant, it est
pule d'un autre ambassadeur turc, qui se trouvait aupres de la Con-

vention en 17951. On ignore tout de cet ambassadeur. Quant a


Esseid, qui est envoye en septembre 1796, l'ambassadeur du
Directoile, Verninac, annonce que la Porte a choisi un ambassadeur en France. Les amateurs n'etaient pas nombreux; tel disait qu'on ne veut pas boire Peau qui collie dans un pays in-

fidele. A cause de cette raison, aussi, on s'est arrete, sans y


plus regarder, a Esseid, qui avait ete design pour les memes
fonctions a Berlin.

C'etait un Turc de Moree, un khodschakian, employe aux Finances. II ne parlait que le turc et le grec. On cherche a le pre
parer a l'ambassade de France en lui faisant traduire le Telemaque". Se decidant a partir, it fait cette declaration prelimir
naire, qui ne manque pas d'interet, sur la grosse question qui
se posait: Comment se conduirait -il avec les dames de France?
Voici sa promesse en toutes lettres: Je vivrai avec les vieilles
comme avec ma mere; avec celles de mon age comme avec
mes soeurs; avec les jeunes comme avec mes filles".
On ne peut pas etre plus aimable que vela!
Il emporte des cadeaUx: dix chevaux, une tente de soie, des
etoffes, des essences, des parfums.
A ses cotes it y a un
Grec tres distingue, reste en
France ou y a fait carriere: Panagiotis Kodrikas, qui a redige
la plupart des rapports de l'ambas.sadeur. En dehors de ce
secretaire, indispensable, Esseid n'a qu'une suite de dix-huit
Tures, dont trois chretiens, des Grecs. II y a une difference entre
les quatre-vingt membres de la suite de son predecesseur et entre ces pauvres dix-huit compagnons, dont trois etaient les quelques
1

Lettres de C. Stamaty a Panaloti Kodrika, p. 132 (10 mars 1795): On

pretend savoir qu'il (Descorches) est parvenu, A fbrce de presents, a interesser


on sa favour le ministre de la Porte aupres de la Convention Nationale, en lui
representant qu'il s'etait rendu agreable A la Sublime Porte par sa conduite
et qu'il etait en (Hat, exclusivement de tout autre, de conduire les affaires aux
souhaits des deux Puissances".

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Les voyageurs odentaux-en France

15

chretiens. La pompe turque se sapetissait. Esseid, part done, le


24 mars 1797, sur le Fior di Levante" vaisseau italien, s'arrete a
Modon, a Messine, oit it demandequ'il soit salue de vingt-et-un coups

de canon, mais les Messinois lui en promettent sept, finissent


par lui hn accorder douze, et it arrive, apres une traversee ode
cinquante-deux jours, a Marseille.
On l'y loge au lazaret, parce quit y avait la peste en Orient.
Il y passera trente-six jours, et en est desespere. Alors, pour
le distraire, it invite la population a le visiter: it l'insulte. On
lui donne. des journaux, du tabac, du Poisson et des olives farcies'', voire meme des truffes et du yogourt, dont c'est la premiere apparition dans la cuisine frangaise. On -trouve meme
deux Tures qu'on introduit dans sa maison pour qu'il y ait le
loisir de contempler ses compatriotes.
Cependant, tout-a-fait grossier, ii dit des injures au general
meme, declarant qu'il ne permet pas qu'on desinfecte ses hardes. Il consentira seulement a condition qu'on ne touche pas au
sachet oft it y a les lettres du Sultan; on finit par ceder sur
ce point.

Apres etre delivre de sa qurantaine, Pilate turc passe cinq


jours a Marseille, oft it est loge a l'Hotel de l'Europe. On l'y conduit, avec sa suite, dans dix voitures. 11 en sortira au son du

canon, avec une garde de cent personnes, dont trente en permanence, avec officier et tambour. ,,,Affluence prodigieuse de
curieux." Et voici bientet, le moment oft it trouve qu'il y a
certaines choses qui se passent d'une autre fagon que chez lui.
Il voudrait ouvrir les portes, recevoir tout le monde; bin le lui
interdit et U trouve que la civilisation orientate est un peu plus
accueillante.

Les scenes se succedent: banquet, theatre, oft it se laisse


eventer, illumination et reception des citoyens. Et je ne sais
pas si F'intention du Turc de recevoir ces citoyennes representait quelque chose de plus decide que le desir des citoyennes
elles-memes d'etre revues par Esseid-Ali.
Le jour suivant, bal en son honneur ; des enfants recitent devant lui des vers. I1 y a une revue, une parade. Le Turc visite

la villa d'un certain Borelly. Le soir, de nouveau, theatre et


ballet, avec des negres, decouverts pour lui faire plaisir. Nou
velle visite dans les environs et, encore une foil, theatre.
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N. Iorga.

16

On trouve le personnage tres doux, tres affable et tres attentif". Lorsque quelque chose Pennine, it dit: bacaloum'', et
on traduit le bacaloum", ce qui n'est pas tout-a-fait exact, par

je verrai".
A son depart, on fait le compte de la visite, qui se monte
a 14.000 livres, et on a pu trouver que c'est un peu cher.
Puis on se dirige vers Paris. La compagnie du Turc entre
a peine dans quatre voitures. On s'arrete d'abord a Toulon, oil
les troupes forment as haie. 11 y a des musigu;es, encore du
canon et des discours. On lance le Franklin". Revue navale a
cette occasion, puis feu d'artifice, bal. Le lendemain, visite du
bassin et des ateliers.
On part pour Aix, ott it y a des tambourins, et on crie
Vive Monsieur l'ambassadeur". Il ne veut plus de theatre cette
fois, car it en a assez, mais it assiste a un bal, puis partieipe
a un diner, ou it distribue des rafraichissements aux citoyennes.
L'impression qu'il laisse est un sentiment d'admiration pour
ses vertus ". C'etait le langage du temps.
Le voila a Avignon. I1 y a des arcs-de-triomphe. On lui prepare un voyage a la fontaine de Vaucluse et des joutes sur le
Rhone.

A Valence, les autorites l'entourent jusqu'a la anise au lit. A


Lyon, it y a du canon et le discours du general Canuel. II ne
p'epond pas. Grand cortege. Les cloches bonnent. A PhOtel
de Provence, it s'assied a la turque et presente la pipe au general et au president du departement, qui len sont enchantes. Il
off re du caf et donne deg fleurs aux dames, qu'il trouve jolies"
et charmantes". II apprecie, en mettle temps, l'armee qui defile
devant lui et dit: Avec une armee de pare- ils soldats, je vaincrais toute l'Europe".
Apres avoir demande des explications au pharmacien de Pilotel-Dieu, it assiste encore a un defile de troupes. Au diner il boira

a la sante des belles Frangaises''.


Theatre, illuminations, visite a la bibliotheque du cabinet de
physique de Pncole Centrale, par interet pour les sciences at
pour les decouvertes. Id, grand discours de l'ambassadeur. Kodrikas recite le Corbeau et le Renard" ainsi que, pour le general,
quelques vers d'Homere, pour lui faire entendre la fagon dont
cela se presente avec une autre prononciation que mile de Pe-

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Les voyageurs orientaux"en France

17

tole. Feu d'artifices, theatre, assaut d'escrime, bal. Esseid fume


et change de robe devant le public.
A Macon, 11 refuse les divertissements et depute son Grec, qui
doit bien accepter de remplacer l'ambassadeur. A Tournus, comme on se souvient d'avoir de l'esprit, on commence a le mettre
en chanson:
Le bonnet de la Republique.
Nous lui donnerons pour turban,

A Chalon, bal. A Auxerre le Turc est precede par des proclamations. Des gardes nationaux en armes et deux tambours traversent la ville. A la porte_ du logis, it y a un croissant.
A Joigny, Esseid offre des roses aux dames. A Sens, douze
jeunes citoyennes, avec des fleurs et des fruits, se presentent
devant lui. 11 est fres aimable, et it remercie le sexe aimable",
pour cette offrande sucree". Lorsqu'il visite la cathedrals, la
Marseillaise est executee aux orgues. Diner avec des citoyennes;

symphonie. Fete de nuit. Transparent avec le mot machala"


pour l'acclamer.
A Paris, l'ambassadeur arrive incognito. 11 refuse les honneurs.

On lui donne cependant an hotel special, magnifique, et une


garde de cent hommes. Il prend tout l'hOtel pour lui et veut
voir aussitOt le ministre, qui etait Talleyrand, pour lui presenter ses lettres de creance. On le tranquillise; it faut attendre encore, parce que le protocole doit 'etre d'abord elabore, s'agissant
d'un cas tout nouveau. Le Turc se promene avec Verninac au

jardin Monceau, oft it fume une pipe de deux pieds et fait sa


priere devant tout le monde, baisant quatre lois la terre. Les curieux s'empressent, et alors it offre sa pipe a une dame et
bride tine pastille de serail.

Apres avoir visite en particulier Tal'eyrand, le 10 thermidor est le jour de la reception et de l'audience publique. Esseid

porte un turban double, a bouton d'or, vert et bleu, une robe


violette. 11 est precede par un carrosse, mais lui-merne est A
cheval; la housse en est retenue par deux Tures, dont l'un porte
le coffret au firman; la suite est a pied. Son Excellence jette de
la petite monnaie au peuple, comme un empereur byzantin a
Travers les rues de Constantinople.
La Cour du palais directorial est devenue une salle des fetes.
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N. Iorga

18

On voit les statues de la Liberte, de l'Egalite et de la Sagtesse,,


dont l'homme de Stamboul ignore la signification. Aux sons de
Porchestre et des choeurs, it of fre le firman, apres I'avoir

baise trois fois, puis fait trois saluts. Pas de reverences": it


n'a pas voulu les faire. Saluts, oui; reverences, non. Les clip
recteurs sont couverts. Le discours turc est prononce au nom du
Sultan qui regne aujourd'hui glorieusement dans les tats otto-

mans, souverain de deux continents et de deux mess, le tres


redotuable, tres magnanime et ties puissant empereur, dont la
pompe est egale a celle de Darius et la domination a celle d'Alexandre'', et on s'adresse a la tres honorable et tres magthfique Republique frangaise''. C'est tout.
Assis 'a cote des directeurs, Esseid assiste aux audiences dt)lo-

matiques et, apres la reception, a une representation du Bourgeois Gentilhomme". (C'est un peu ce qu'il lui fallait!)
Grand succes de curiosite, pendant quatre semaines. Des modes
nouvelles s'en sont inspirees. A l'Opera, le Turc salue de la main le

public. A ce moment, quelque chose de tragique arrive: il y


a deux dames qui se disputent la faveur de lui etre presentees
les premieres: l'une est M-me Tal lien (toute explication serait
inutile) et l'autre une grande actrice, M-lle Lange. II finit par se
decider pour celle-ci:

Qui est cette personne?


C'est Lange.
Et, comme it avait appris un pen de frangais, mais it ignorait
encore les genres, le Turc dit:
11 est fort beau.

Le voici, pendant ces quatre semaines, a la fte de l'Elysee


Bourbon, ou it tourne son admiration du cote de M-me Tallien..
Il va a l'hertel Biron et au Y won, ou on lui demande de laisser
lancer un ballon perdu a son effigie": Il se plaindra que Par
tifice a bride un pan de son manteau au jardin d'Italie.
Operas, ballets, concerts. Le favori exotique admire Vestris.
Il assiste aux courses. On lui montre le relief des fortifications
aux Invalides. Suivent: Versailles, le Museum, PArsenal, 1co le
d'equitation, la chapelle et les jeux d'orgue.

On voit done, comme chez son predecesseur, ce desk de


connaitre des choses nouvelles, d'une technique plus avandee
que celle qu'il peut trouver chez lui.
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Les voyageurs orientaux en France

19

Un bal lui est offert par Bonaparte, qui le tient sous le bras.
Une Comnene, M-me de Pernon, la duchesse d'Abrantes y assistent.

Puis voici l'expedition d'Egypte. Le malheureux a l'air un


&tonne"; iI est reduit a demander des explications; it
parait dire: Vous ne m'avez pas averti que vous aviez 'Intention d'occuper I'Egypte, et non Matte. Et, alors, tel journal
donne cette explication: ll n'aurait pas ete prudent de lui conpeu

fier d'avance un pareil secret."


On le surveille, et I'ordre est donne de ne pas lui delivrer de
passeport. Il reste pendant trois annees; la paix provisoire est
conclue par lui en 1801, mais it ne signera pas, t'annee suivante,
l'acte definitif. Enfin, ayant quitte la France, it enverra a Talleyrand, en 1806, avec une lettre d'une ortographe speciale, comme
signe de reconnaissance, un mouchoir brode en chafe, une etoffe

rouge en argent, une autre blanche, en or, une boite de pastilles du Serail pour M-me Bonaparte, une etoffe bleue at une
boite de pastilles du Serail pour M-me Talleyrand ".
Mouhib, nichandschi, le Turc de M. Barreilles, auteur qui
a publie son livre, negociateur du traite de 1793, secretaire
du Divan, est envoye pour le sacre de Napoleon.' Il passe par
la Valachie, par Vienne, et arrive en France, par Strasbourg,
pour y rester cinq ans. Il note en chemin rune quantite de choses auxquelles it n'etait pas habitue. Par example, on lui demande de declarer son nom et de presenter son passeport deux
fois, a Pentree et a la sortie d'un pont, et il note la fagon tnes
polie dont on lui a explique que ce n'etait pas necessaire, mais
que c'etait dans les ordres, sans compter le plaisir de l'entendre
parler deux fois.
Tres enchante de cette fagon d'etre regu, il s'avance jusqu'a
Paris et est regu par Pempereur le 5 juin 1806.
II a quatre voitures et une escorte de cinquante cavaliers. Rien
de cet enthousiasme exagere, de cette sentimentalite pompeuse,
de cette mode attifee et sucree de Pepoque du Directoire. Main1 Je ne manque pas monsieur de presenter a mes maitre les sentiment de
vostre gouvernement et le premier consul sont tout enchante portez vous bien
je conserverai a jamais votre aimabilite avec grand plaisir.

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20

N. lorga

tenant, tout est plus sobre, purement militaire; une majeste qui
plait au Turc de 1806 beaucoup moins que les fawns du Directoire a son predecesseur.
L'Empereur leve le chapeau apres avoir regu les trois reverences. L'epoque des saluts a fini avec la Republique; maintenant, it faut faire les reverences, et il a dit bien les faire. Puis,
au lieu de rester decouvert, l'Empereur replace son chapeau.

Il ecoute un discours an nom de Sa Majeste l'Empereur de


toutes les Turquies, maitre des deux continents et des delve
mers, serviteur fidele des deux villes saintes, Sultan, SeimKhan, dont le regne soit &erne', qui s'adresse a Napoleon, le
plus grand parmi les souverains de la croyance du Christ, l'astre eclatant de la gloire des nations occidentales", lui qui tient
d'un main ferme l'epee de la valeur et le sceptre de la justice", le plus ancien, le plus fidele, et le plus necessaire ami de
l'Empire Ottoman".

Napoleon, de son Ole, assure le Sultan que, n'ayant rien a


craindre de sa part, le souverain ottoman aura son appui pour
ne jamais redouter la puissance d'aucun de ses ennemis".
L'envoye turc presente ensuite a l'Empereur et a l'Imperatrice des bijoux, des parfums, des etoffes et des chevaux.
Puis, Paudience a l'Imperatrice. Au repas de ceremonie, l'Empereur pane politique avec l'ambassadeur qui represente tout
autre chose que ses predecesseurs; Mouhib sait lui-meme un peu
de cette politique, et it arrive parfois que Napoleon regaive

de la part de l'envoye turc des reponses qui portent et qui


lui sont tout-A-fait inattendueS: ainsi sur la revolte des Serbes,
qui serait provoquee par l'expedition d'Egypte, sur l'evacuaApres ation des Bouches de Cattaro, sur Ali-Pacha
voir remis une missive secrete concernant les Russes, Mouhib observe qu'une Mae frangaise manque dans la Mediterranee pour
empecher un blocus anglais. It parlera a d'autres occasions sur
Poccupation de Raguse par les Francais
ou lui dit que c'est

pour observer les Russes de Corfou, sur l'usurpation autrir


chienne aux Lieux Saints.
Apres cinq ans, l'ambassadeur reviendra par Marseille et Toulon,

ou it voit PArsenal et les pompes a feu", par Nice, Villefranche, Savone et Genes, par Trieste, Fiume et la Bosnie.

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Les voyageurs orientaux en France

21

Void, maintenant, les jugements de ces ambassadeurs sur les


choses de France. Le premier, celui de 1721, a vu a Bercy, le
celebre cabinet de M. Pajot d'Osambrai, directeur general des
Postes", oil on fait des experiences avec le magnete et avec le
phosphore; on lui presente des anatomies en cire, une menagerie meme, et on bride des parfums en son honneur. Apres
avoir assiste a la Fete-Dieu, oil it a une attitude tres respectueuse'', on le fait passer a l'ecole de Medecine et de Chirurgie.
II a ete meme a la Sorbonne, oft it a ete regu par les docteurst
et les bacheliers en fourrures et en robes de ceremonie". A Lyon,
it a vu les fabriques, et sa suite y a achete des armes et des letoffes.

Apres avoir ete reconduit par deux vaisseaux frangais, it ecrira

Villeroi, au venerable et aimable gouverneur du tres puissant


Empereur de France", et it enverra un interprete frangais pour
lui acheter des curiosites a Paris". Il veut des estampes qui
representent les maisons royales, les jardins et tout ce qu'ils contiennent de curieux ".

Dans sa relation, ce futur Pacha de Chypre s'exprime ainsi


sur les moeurs frangaises: En France, les hommes ont beaucoup de respect pour le sexe ; les plus grands seigneurs feront des honnetetes incroyables aux femmes du plus bas etage".
Mais, a ate de cette amabilite, it y a de la magnificence danS
ce pays. Les ministres sont de vrais Vizirs. Le Turc est recon-

naissant de ce que le roi lui-meme, avec la demarche majestueuse de la perdrix", lui explique des tableaux.. Et voici tout un
passage caracteristique de ses appreciati,ons:

Que de palais sans nombre, d'Eglises, de Bibliotheques, et


de choses rares, curieuses et extraordinaires n'ai-je point encore
vu a Paris! 11 y a une manufacture pour les tapisseries, qui
appartient au Roi. On n'en peut point vendre sans la permission et connoissance de YInspeeteur qui est etabli par Sa Majeste.

De meme, lorsque quelqu'un veut y faire travailler, it faut d'abord qu'il prenne sa permission, et, ensuite, qu'il paye la depense,

apres quoi on se met a l'oeuvre. Les tapisseries sont tres ch'eres. Si vous en faites faire par exemple une simplement A figures et a personnages, elle vous reviendra a trois ou quatre
bourses d'argent, et ainsi a proportion, si elle est d'or file ou
d'or trait.
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N. lorga

22

On me

dit que cette manufacture etoit digne

de ma

curiosite et j'y allai. Comme on sgavoit que je devois venir, on


avoit fait tendre sur les murailles toutes les tapisseries qui etoient
faites. Il falloit qu'il y etit eu plus de cent pieces d'etendues,

car la manufacture est fort vaste. Les voir et mettre le doigt


d'admiration dans la bouche, fut pour moi la meme chose. Les
fleurs sont travaillees avec Cant d'art que vous ne remarqueriez
aucune difference entre elles et de veritables fleurs qui seroient
dans des bouteilles. Les airs de fetes et les attitudes des personnages, leurs paupieres, leurs sow-cils et pareillement leurs che-

veux et letr barbe sont si bien representes que certainement


Mani ou Bizad ne pourraient point atteindre a ce degre de perfection meme sur le beau papier de Catay (papier chinoi,$)1
On a donne a l'un un air riant, pour temoigner sa joie et a un
autre un air triste, pour temoigner sa tristesse. L'un est represent& tremblant de peur, l'autre pleurant, et l'autre abattu de
quelque maladie; ainsi du premier abord vous connoissez l'etat
de chaque personnage. Il n'y a point de description qui puisse
exprimer la beaute de ces ouvrages; elle est au-dessus de tout ce
qu'on peut s'imagincr. Moi-meme, lorsqu'on me les avoit auparavant depeintes, je n'avois pu croire qu'ils fussent tels que je
sais presentement qu'ils sont, et j'avois regarde ce qu'on m'en
disoit comme impossible!'
Avait-on raison d'ecrire dans cette Relation" que les Turcs qui

depuis deux cents ans de commerce n'ont jamais bien connu la


France, sont aujourd'hui remplis d'idees si grandes et si glorieuses"?...

L'ambassadeur venu a repoque de Napoleon est beaucoup,


plus verbeux. Il a a un plus haut degre le sens du progres. Son
predecesseur a bien decrit tout ce qu'il voit: illuminations, fusses,
fetes d'opera, bals, les animaux et les bassins oft nagent les cygnes,

enfin tout ce qui pique sa curiosite. Mais, dit cet autre, it y a


depuis des ameliorations" que Mehemed ne .connaissait pas,

cause de ses lacunes", et c'est a cause de vela qu'il se mil


oblige d'en parler.
Mouhib jugera done la France ainsi:
Je presume qu'un pays aussi peuple que la France, qui n'a
pas un seul desert, ni des tribus vivant sous des tentes, doit rapporter gros a Bonaparte...
Le pays est caime et tranquille. Nous n'avons jamais oul dire
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Les voyageurs oflentaqx en France

23

qu'un homme ou une voiture aient ete &valises dans la banIlene. Sans danger pour elles, les femmes peuvent sortir et aller
d'un quartier a un autre."
Il est enchante de la fagon dont Fouche pratique l'espionnage
et en donne minutieusement les details. II parle des passeports
qui notent jusqu'A la longueur du nez.
11 decrit le peage des ponts, le systeme de la police, expeaitive, mais douce, la justice, qui ne permet pas qu'on soit chatie sans jugement ". II trouve bienfaisante l'institution des avocats (point a discuter). 11 parle des mesures contre les marchandS imalhonnetes. La fagon de faire passer les condamnes
dans l'autre monde rinteresse.
Au cours du voyage it a constate l'ordre et la richesse:

Les villages sont frequents", dit-il, On ne pent faire deux


heures de chemin" sans les rencontrer. Les terres y sont cultivees, et nulle part on ne volt des champs abandorvnes... Le pain,
la viande, les fruits abondent sur les tables; des fleurs de toutes
sortes embaument les jardins. On y fabrique des etoffes, des
miroirs, des cristaux, des montres, de la porcelaine, et ces diverses industries font vivre des milliers d'hommes et de femmes."
On voit bien qu'il commence a apercevoir des choses a imiter.

Paris lui apparait ainsi:


C'est une tres-grande vine sans murs et avec des bureaux
de controle a ses barrieres, avec des maisons en pierre divir
sees en &ages et disposees de telle fagon que les habitants
y vivent les uns sur les autres". Il critique cependant les rues
etroites et tortueuses ", sans soleil, des vieux quartiers, dont fl
a senti les plus mauvaises odeurs" en ete, qui contrastent avec
les nouvelles rues-boulevards, pareilles a celles de Phalle.
Le Pa lais Royal", dit-il, est comme le Valide-Khan a Constantinople, avec des bijoutiers et des personnes feminines qui y vont

pour avoir des bijoux sans les payer. I1 y a des lanterns dans
les rues et du public dans les jardins.
Ce Turc, qui a la soif des decouvertes techniques, s'exprime
avec eloges, mais avec un certain effroi aussi, sur le compte
de ces inventions et des inventeurs: II arrive assez souvient
qu'un inventeur, epuise par l'effort qu'il vient de faire, sollicite lui-meme la faveur d'aller se reposer un certain temps dans
un des asiles" (mettez: maisons de sante) gull a choisis".

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24

II a ete recu par Lalande au Palais de l'Astrologie" (l'astronomie est pour lui astrologie). On lui fait voir, par le telescope,
les details de la lune. On lui parle de la querelle de Copernilc
sur le systeme solaire. Cette discussion lui parait tout-A-fait
oiseuse. En somme, la querelle se reduisait a la question de savoir
si c'est la broche qui tourne autour du feu ou celui-ci autour de

la broche: c'est la premiere hypothese qui a fini par 'vevaloir." Et it entend ces explications en recitant, pour se garantir
d'influences malfaisantes, des formules de sagesse religieuse.
A la Bibliotheque Imperiale, it volt deux Corans qui, seuls,
peuvent l'emouvoir. II visite les hOpitaux; les autopsies Pint&
ressent, et it les decrit; II pense Ineme a traduire en turc un
Manuel des Sages-Femmes, mais it regrette que les termes lui
manquent. Il note les asiles d'enf ants trouves et de vieillel
femmes.

La el-untie est pour lui une espece d'alchimie, mais sans


transmuer le cuivre en or ou changer le verre en rubis". Les
lettres du pays pretendent que l'air que nous respirons serait
un compose d'air vital, d'air mortel et de feu. L'air, d'apres

eux, enfermerait les elements les plus contradictoires, Dieu seul


salt tout.

Le lettre me proposa de faire la meme experience, mais je


m'y refusal.

II me montra d'autres instruments non moins etranges, pour


expliquer, disait-il, les eclairs et la foudre qui tombe du ciel. Ne
me souciant pas d'en voir davantage, je me retirai."
Ce curieux n'oubliera pas l'Exposition, cette foire oft rien ne

se vend", l'imprimerie de Itat, qui fonctionne aussi a Scutari, chez lui, et it a l'intention d'y transporter les nouvelles inventions techniques. On lui presente meme une machine de
bronze pour l'impression des livres tures et arabes", et it se fait
fabriquer un cylindre pour donner plus de nettete aux caracteres.

La poste l'emerveille aussi. Ce n'est pas comme en Turquie4

on ne peut pas prendre les chevaux qu'on rencontre sur son


chemin, on ne peut rien requisitionner. II faut tout payer. Quant
aux diligences, ce sont comme les bazars -calks du Bosphore."
L'instruction, dit-il, dans un autre domaine, est obligatoire pour
toutes les carrieres. Et it (Merit les pensionnats, les ecoles spedales.
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Un vieux livre roumain sur la Serbie (1865)

25

Comme vie de soda& les Francais ont la coutume, lorsqu'ils


se rencontrent, de parler de leurs affaires, sans transition, sans
s'attarder aux compliments. Ceci probablement parce que les
compliments de Paris etaient moms abondants que ceux auxquels II etait habitu dans sa Constantinople a lui.
On est, cependant, difficilement regu dans ces belles maisons.
Il faut parler d'abord au concierge, qui s'informe et rapporte
la reponse. Il faut donner un petit carton" que vous tirez
de .la poche" et, aussit6t, vous en recevez un autre chez vous;
or, c'est fini. Si on voit, par hasard, le maitre du Iogis, qui a
dit qu'il est absent, it faut faire semblant de ne l'avoir pas remarque.

Pour les plaisirs, Mouhib note ropers du Palais", qui joue


la comedie", puis le bal, un genre de divertissement qui remit
exactement le meme nombre d'hommes et de femmes, cellesci a demi-nueS. L'usage veut qu'on y danse, et ce jeu consiste a
mettre une femme dans les bras d'un homme et a tourner ainsi
enlaces."

Il s'etonne aussi de voir les hommes sur le chemin des femmes


et celles-ci sur le chemin des hommes". Mais it trouve des fern-

mes meme dans les ateliers et aux banquets, oft chaclun",


dit-il, tient a la main des verres de vin qui les echauffe". Nul
ne trouve a redire que deux personnes de sexe different montent dans une meme voiture et se promenent dans l'intimite.
Les fils de la noblesse entretiennent une ou deux dames, avec
lesquelles ils s'amusent nuit et jour."
Le bon Turc de l'epoque napoleonienne considere tout de
meme la France comme un pays oil on peut apprendre quelque
chose. Malheureusement, les siens n'y ont pas appris ce
fallait pour regenerer un vieil Empire pourri, qui paraissait en
train de s'ecrouler!

Un vieux livre roumain sur la Serbie (1865)


En 1865 O[eorgesj T. Callimanu (Caliman), Moldave, etudiant
a Paris en 1846, plus tard homme politique roumain sous le regne du prince Couza, auquel it emit personnellement devoue,

et prefet de Craiova, oa son attitude provoqua a un certain


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26

N. lorga

moment des troubles, publiait a Bucarest ses foibles premiers


essais de pensee" (sic), dedies au genie qui preside aux destinees roumaines", sous le titre L'equilibre en Orient ou la Serbie et la Roumanie"'
Apres un long chapitre d'introduction, dans lequel it passe avec
desinvolture d'Etienne-le-Orand, prince de Moldavie, au poete
portugais Camoens et a Shakespeare, cite dans le texte original, pour juger l'ancienne politique d'adhesion envers les Turcs,
apres de longues divagations sur le caractere de la Turquie
ancienne et moderne et sur la definition exacte des liens entre
cet Etat et les pays roumains, l'auteur s'occupe enfin de la Serbie, et it debute par citer ces mots prononces le lendemain de
l'attaque turque contre In ville de Belgrade : La premiere bombe
lancee contre la Serbie par le canon ottoman le 1.7 juin 1.862
brisa In plus faible trace de domination turque en Serbie". Et,
mentionnant les suites de cet acte de violence, it affirme, de
son cote, que la Serbie n'est plus ce qu'elle etait jadis : une

partie du cadavre lure. Elle est devenue le grand espoir de


tous les Slaves-du-Sud pour regagner les vieilles limites de
l'Etat dit des Yougoslaves, pour ressusciter l'Empire de Dou-

chane, le reve dore ou la grande idee de Serbes. Elle est le


foyer du nationalisme slave". Et, se rapportant au desk comniun

de reunion a leurs freres qui agitait Serbes et Roumains de la


monarchie des Habsbourg, it s'exprime ainsi : Les Serbes d'Autriche, tres nombreux, sont clans les memes dispositions que les
Roumains au-dela des Carpathes, Transylvatns et autres. Its ont
aussi ce regard touchant, qui demande secours a leur soeur
libre,

cette horreur de tout ce qui est etranger". De l'ordre

feodal, les Serbes passent it une monarchie definitivement fixee.


El CAliman cherche it esquisser le mouvement revolutionnaire
qui avait amene la delivrance.
11 croit que l'ancienne confiance dans la Russie est fortement

entamee par les erreurs politiques de cette Puissance, et tel


capitaine montenegrin", jadis au service russe, qu'il avait rencontre, l'annee passee, it Jassy, lui confiait, dans son decouragement, que in Russie insulte sa nation en In traitant comme des
enfants deraisonnables". Cependant In diplomatic des Tzars
poursuit avec tenacite son oeuvre, et it a connu lui-meme un

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Un vieux livre roumain sur la Serb le {1865)

27

de ces emissaires qui depuis deux ans tournait autour des contingences balcaniques.

Et voici notre autour amens a reproduire la conversation


politique qu'il a entamee sur le bateau pres de Sem lin avec
l'historien russe, bien connu, l'auteur des Secrets d'tat de Venise, Jean Vladimir Lamansky

Des yeux comme ceux decrite par Plaute, oculiemissitii, une


physionomie a la scythe, un ai? qui inspirait in mefiance", le
type fidele du Moscovite". La presentation n'est pas sans doute
flattee. Il adresse a son compagnon de voyage Ia parole en serbe

pour continuer, apres le ne znam, en frangais, s'informent du


but poursuivi par son interlocuieur. lriterroge a son tour, it
ecarte vivement les demandes concernant la vie intellectuelle
de in Russie et, sonde sur l'alitude de la societe eclairee
regard du probleme polonais, ii se borne a dire : Autant les
savants russes que toute In population de in Russie sont d'accord ; donc personne ne reprouve In demarche de l'empereur.
Meme s'il y en a quelqu'un de moil's egoIste qui part d'un principe plus humain, plus juste, ii est considers comme fou. Puis
it pose la question si les Russes meritent la reconnaissance des
Roumains et commence cette chaleureuse plaidoirie : Est-11
possible que vous oubliez tant les Russes, les bienfaiteurs des
Principautes Unies, les Russes qui vous ont arraches des griffes
des Turcs et ont defendu In religion chretienne contre les infideles ? Pouvez-vous abandonner les Russes, de meme religion,
des chretiens, pour avoir des inclinaisons vers 1'Occident, vers
les Francais, et in tendance de vous faire catholiques ? Menne
plus, vous ne permeitez pas qu'on officie Ia sainte liturgie en
russe dans les eglises russes de Bessarabie, et j'en parlerai
dans les journaux, apres mon retour a Petersbourg, contre le
gouvernement roumain. Savez-vous quells opinion on entretient
chez nous sur les Roumains et surtout sur ceux de Moldavie ?

L'opinion generale est que vous etes ingrats, meme envers


nous sans ('aide desquels vous auriez ete engloutis". La longue
reponse du Roumain, qui cherche a prouver In necessite, aussi
bien morale que pratique, pour sa nation de se laisser proteger

et diriger par les Russes, paralt, d'apres tout ce qu'il a dit


precedemment sur les Moscovites", un echappatoire ou une
simple ironie. Un general de corps, ajoute Lamansky, en finiswww.dacoromanica.ro

28

N. lorga

sant, aurait eu en naviguant, rete pass, sur le Danube, des

confessions interessantes de certains boiars roumains contre


l'etat de choses actuel.
Mais le voyageur revient aux Serbes. II signale leur aversion
a regard des Anglais, plus Turcs que les Tures". Puts it s'etend
sur le grand travail accompli par la nation, des 1860, poar s'aider de ses propres moyens. La premiere proclamation de Michel
montre bien un pence europeen, instruit, liberal, imbu des idees
modernes sur les droits des peuples et In responsabilite des
souverains". Les mesures votees en 1861. ont modifie complelenient in situation politique et economique de In principaute" :
taxe sur le revenu, reorganisation du Senat, creation de rarmet
nafionale, etablissement de la succession au hone. Le temoignage
d'Ubicini est ajoute aux observations personnelles. Les masses
populaires arrivent a croire que la Serbie depasse sous certains

rapports l'Occident, dont elle a le droll de refuser les lecons.


Constatant que plus on avance vers Negotine, surtout an Sud
de Pojarevac, la race est belle et mieux douee, affable aussi,
it s'arrete sur les Roumains, en partie serbises, comme ceux
entre MaRlanpek et Belgrade", qui habitent ,,la majorite des

villages, pres du Danube et rinterieura. De Belgrade jusqu'a Negotine, en Serbie, et pu's en Turquie thus les villages
sont purement roumains, jusque vers Vidine, toujours stir la
ligne du Danube. Mem e ceix qui ne parlent plus leur langue
ont les m'emes manieres calrnes et insinuantes reunies avec tine

majeste naturelle". Aussi la meme douceur de caractere et


sociabilite, la meme sincerite, le meme empressement hospitaller qui charge de bienfaits l'hote, le meme bon accueil pour
retranger, in meme compassion pour les souffrances d'autrui, le
meme costume que dans la Para, le pays", le nom qu'ils emploient exclusivement pour la Roumanie libre, expression d'un desk du coeur ou, autrefois, l'expression d'un voeu"
Les Serbes sont durs aux fatigues et prompts a recourir
aux armes" ; relevage du betail, ragriculture commencent a peine.
La bourgeoisie etait habituee, les eperons aux boites, a vivpter dans

les cafs lures; divisee, elle ne connaissait que rinteret et In


faction". Maintenant ils se reprel neat. En fait de riches, it n'y a
que le prince et le major Micha (Anastassievitsch). On n'a pas
d'autre noblesse que celle de in nation entiere. Le seminaire de
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vieux livre roumain sur la Settle (1E65)

29

Belgrade commence a donner un clerge eclaire a la place des


contemporains de Carageorges et de Mi loch" c'est l'opinion
d'Ubicini, a laquelle s'ajoute celle, recente, de l'Anglais Denton (dans sa Servia and the Servians), dont Ia figure reste cependant hautement imposante, &ant ceux qui ont nourri l'idee
nationale, ont prie et combattu, en meme temps, pour elle.
L'auteur constate que l'opinion publiqtle en Serbie est pour
is secularisation des biens ayant appartenu en Roumanie aux
couvents grecs (pp. 59-60).
Des renseignements suivent sur ]'organisation scolaire et sur
le mouvement de la litterature ; ils ne contiennent rien de nouveau. Ullman decrit les femmes, qui exercent peu d'influence",
les prejiiges de l'Orient a leur egard durant encore ; iI presente
le costume populaire aux environs de Belgrade; les jeunnes filles
portent une coiffure qui les fait ressembler a des janissaires. II

n'y a pas de luxe, et on ne tient pas compte de la mode.


Tout a coup ('exposition passe an theatre. II n'y a encore
que des baraques ; l'hiver, les representations manquent trop
dans les provinces.
L'education est exclusivement guerriere.
Pour ('analyse des institutions, lq calcul des revenus, Ia forme
de l'armee, etc., le voyageur roumain s'en remet, parait-il, A
Ubicini seul (article dans la (Revue des deux mondes' du
15 mai 1864).

Quelques allineas seuls sur ]'aspect de Belgrade. La citadelle,


occupee encore par les Tures, est regardee avec haine. On
pretend qae les 2.020 chasseurs turcs, avec trente canons, qui

la gardent, se fournissent pendant Ia nuit de nouveaux materiaux, donnes par l'Autriche. Les Serbes peuvent leur opposer, en

dehors de 4.000 soldats de ligne, une concentration nationale


donnant jusqu'A 200.000 combattants, du meilleur esprit. L'auteur

a ass'ste a la visite faite par le prince a Ia fonderie de Kragouievatz. Deux ans auparavant, lors du bombardement ture,
deux officiers roumains, d'origine transylvalne, exiles a l'etranger et ne pouvant pas, contre leur serment a l'empereur, servir
la cause italienne, refuses meme par la Roumanie libre, Maurice Bordolo et Constantin lancoviei, se font naturaliser Serbes
(pp. 71-72).
La conclusion est celle-ci : La Serbie est pres de devenir
une nationalite europeenne".
N. lorga.
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30

Sllviu Dragomir

La donation du prince de Valachie Antoine a


1'Eglise metropolitaine de Transylvanie (1670)
La bibliotheque Bruckenthal, de Sibiiu, renferme un document
slavon interessant, inconnu jusqu'ici. Le chevalier J. de Puscariu,
qui ne savait pas le slavon des do:uments roumains, a
essaye, it est vrai, d'en dormer une publication ; mais son texte'

mal topic et plein de fautes d'impression, est demeure inintelligible. Il est d'ailleurs enfoui dans une brochure tres rare, introuvable meme dans nos grandes bibliotheques r.
Le document est un diplome de donation du prince Antoine
de Valachie, adresse a l'Eglise metropolitaine de Transylvanie,
alors gouvernee par le grand eveque Sabbas Brancovici. Le souverain roumain donne a l'eglise cathedrale de la province metropolitaine de Balgrad (Alba-lulia), archidiocese de Transylvanie,

eglise sous l'invocation de la Sainte Trinite, Source de Vie",


une rente de six mille deniers (ban!), toute sa vie durant ; ii
promet que cette somme restera invariable. Il fait ce don parce
qu'il salt que l'Eglise de Transylvanie est ballot6e comme une
barque sur les flots de la mer au milieu de toutes sortes d'heretiques et d'infideles.

S'adressant aux princes futurs, it les supplie de ne jamais


priver l'Eglise metropolitaine de cette rente et meme, si cela leur

est possible, de l'augmenter. La rente sera touchee chaque


armee le jour de la naissance de la tres sainte Mere de Dieu
(8 sept.). Le prince valaque accorde cette donation dans la seconde annee de son regne ; it y avait etc amene apres avoir vu
les diplomes de donation des anciens princes Mathieu Basarab
et Constantin Serban ; en outre, a cette poque l'Eglise metropolitaine avait a sa tete le ties saint et tres sage eveque Sabbas
Brancovici, homme de Dieu, le plus digne d'une si auguste
mission". Sont cites comme temoins de la donation, selon la
coutume de la chancellerie roumaine : le Metropolite de Valachie Theodose, Seraphin, eveque de Ramnic, Gregoire, eveque
de Buzau, ainsi que les seigneurs Mares, Ban de Craiova, Geol.;
ges, majordonne

2,

Radu Crefulescu, grand chancelier 8, erban

J. c. de Pucariu, Oarele libere, Sibiiu, 1867.


' Vornic.
3 LogofAt.

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La Donation du prince de Valachie Antoine

31

Cantacuzene, grand connetable 1, Papa, grand tresorier 8, PanA,


grand intendant 3, Michel Cantacuzene, grand chambellar, 4,
Valcul, grand echanson 5, Ivacu, grand senechal 6 et Stoian,
grand ecuyer 7.

Le diplOme, emit sur parchemin par Radu Glieorghian, est


date du 25 avril 7178 de la creation du monde, soit 1670 de
l'ere chretienne. 11 presente le monogramme ordinaire, et le grand
sceau, lie par un cordonnet, porte en legende : Iw HTOHIE
BOCKOAd HOOK) MHAOCT110 BEMAR BAAWKOE.

Sur le Cate gauche du diplOme on trouve la signature du


grand chancelier : REAHKill A0104ITS RPEUTSMCKS ; et, un peu en
dessous, la signature de Radu Nasturel : Pam lixeTspEilx xTophiu
dOrOdSETS.

Nous reproduisons ici le texte du diplome, tel que nous


l'ovons copie :
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Silvio Dragomir

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La Donation du prince de Valachie Antoine


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AtTwsts 1670.

Quand on connalt taut soit peu les clichs diplomatiques de


la chancellerie valaque, on est surpris, des la premiere lecture,
des changements graves apportes aux regles en usage, et des
particularites &ranges de la langue -dans laquelle est ecrit le
diplOme.

Aussitot apres l'invocation solennelle, le titre du souverain


presente quclque chose d'inaccoutume: Dans un dipleme solen-

nel, sorti de la chancellerie valaque, on ne peut admettre les


expressions : sonho KtIcH'OMTII0,

HALIAAHHKS

HOEBOAA

RICElit

Sfaittitt BAAPH HAHAAHEFICKORt I. Da merne, les formules du protocole final sont absolument inusitees. Au lieu de : CEM SRO I
CHEAITIAI ROCTARHX0M rOCHOACTEJMH 2 nous trouvons une phrase

que nous n'avons jamais vue dans les diplOmes du XVII -e


siecle: HO H nocaSxm

Ic

HACTORtIREMS 3/14101WIATHHKS

HOCTagAlitEMS, c et nous prenons comme temoins dignes de foi a


ce present diplome,. Le terme Rnar0111,1i1T14111:8 au lieu de XPHCO-

MAX est tout aussi etranger A la langue de chancellerie valaque


que la phrase : Rh HELIKKIXI TOEHilECTOAHOE CRITHTFACTRO BEMARt
114111f la.

Dans les documents du XVII-e siecle que nous connaissons,


on ne volt jamais le Metropolite et les deux eveques de la
principaute figurer a Cote des Brands dignitaires du souverain
pour confirmer comme temoins l'authenticite d'un diplome. Ja' Au lieu de: AIHAOCTIE10 K0HCIE10 1W &TONNE HOIROA H rocnoAK
eye& SELMA( SrfillOKAAXIHCKGE (1670) et ilIiiitocTiElo 603CiE10 1w 1111TOHIE HOEKOA rocnoAapit 3E AE oirrrpogitaxfuocut. Voir Academie R011maine, documents.

' A. Stefulescu, Documente slavo-romane relative la Gorj, 1406-1665,


Targu-Jiiului 1908, p. 666 (1665, prince Radu Leon).

Venelin, Vlacho-Bolgarskija ill Dako- siavjanskija gramoty, Petersbourg


1847, p. 332 (1654, prince Constantin 8erban),

Dans le document d'Antoine (1670): COS H CUM-11'111TE 110CT4RA*HM


r6C110ACTKO ASH.

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34

Silviu Dragomir

mais le Conseil d( s boiars ne s'appelle CHI-WANTS; l'epithete


traditionnelle et immanquable des boYars Est msnaris et non
snaroftomihru (de bonne race, en hongrois nemes), epithete que

nous trouvons employee dans notre diplome. Enfin, les formules qui annoncent que le prince a signe le document de sa
propre main, la facon dont est attach le sceau, la maniere de
dater, tout cela revele un reclacteur ignorant des regles elementaires de la diplomatique slavo-roumaine.
De meme, la langue dans laquelle est redige notre diplome
differe de celle de tous les documents slavo-roumains du XVII-e
siecle. Au lieu du moyen-bulgare du XVII-e siecle, si caracteristique dans la langue des chanceliers roumains, nous trouvons
les phrases inaccoutumets : AOAMIIHKA CERE CSCTARAAEMS ; HA CE
;RE MUM Ati10 HilHiltillf HOHSAHX0A18 CIA ; CE1.0 PAAH H tHOMIIHKH4
HO
HAC Hti4AACT110114TH HSASHOMK
IMIX HPHAEHCHO HilOCTHILIEMX; CM* Hallill'OX0MS, el c

HAMS !MACK Kiltil'OH3141,11111kItH

En general, le style parait lourd et force, et le redacteur peu


fimilier avec les termes les plus usuels de la chancellerie valaque.
Ces observations suffisent pour mettre en doute l'authenticite
du diplOme conserve dans la bibliotheque Bruckenthal. En verite,

meme s'il etait possible de verifier la signature du prince et


des deux chanceliers, ainsi que l'authenticite du sceau, qui, a

notre avis, n'est pas sujette a caution, le diplome accorde a


l'Eglise metropolitaine de Transylvanie n'en resterait pas moins
tres suspect.
Cette donation fut confirmee par Constantin Brancoveanu, qui,
en 1698, a renouvele par un diplOme roumain l'offrande annuelle
de six mille deniers'. A cette occasion, on presenta an prince
roumain le diplOme du prince Antoine, ainsi que les diplomes
anterieurs de Mathieu Basarab et de Constantin Serban. Le
diplOme de Brancoveanu est presque completement traduit du
noire, avec quelques additions et surtout quelques modifications
exigees par les usages de la chancellerie valaque : cela nous
prouve que les chanceliers de ce prince eclaire n'ont trouve
rien de suspect dans le diplOme qu'on leur a present& De meme

la liste des boiars cites dans le diplome du prince Antoine


semble d'une authenticite indubitable ; en outre, l'affirmation
1 Cipariu, Archiva pentru istorie si filologie, pp. 453-455.
2 Les memes temoins dans les deux diplOmes d'Antoine (13 juillet 1070

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La Donation du prince de Valachie Antoine

que le diplOme a ete delivre dans la seconde armee de son


regne est exacte.
D'autres raisons militent en faveur de l'authenticite de la
donation : le prince Antoine etait en excellents tapports avec
les Transylvains ; la province ecclesiastique roumaine avait a sa
tete un Metropolite dont la reputation eepassait les frontieres

du pays; Bette donation ne serait d'ailleurs pas la premiere


marque de sollicitude de la part des princes roumains. Elie est
la suite d'une noble tradition qu'ils avaient de patronner l'Eglise
transylvaine, tradition inauguree par Michel-le-Brave et Mathieu
Basarab et continuee par ses successeurs jusqu'a Constantin
Btancoveanu.

Au cas dons oil nous admettrions l'authenticite du diplOme,


it nous faut penser a expliquer ses particularites de langue et
les anomalies que nous avons relevees. II nous vient naturellement a ]'esprit d'attribuer a Georges Brancovitch, frere du Metropolite et chroniqueur serbe, le merite d'avoir obtenu la faveur
du prince valaque. Certes, le Metropolite Sabbas lui-meme aurait
pu intervenir personnellement aupre3 du Souverain roumain

pour qu'il lui accordat ce diplome. Mais un concours de circonstances parle contre cette supposition. D'abord, les difficultes qu'il rencontrait en raison de la propagande faite par l'glise
reformee lui auraient rendu impossible un voyage a Bucarest.
En outre, nous 'eonnaissons trop bien sa vie pour admettre
i'dventualite de sa presence a Bucarest au mois d'avril 1670.
Enfin, bien que nous ne connaissions du Metropolite Sabbas que
deux lettres ecrites en slavon 1, nous pouvons cependant affir-

mer que son style, dans cette langue est beaucoup plus simple que celui du document; it ne presente pas les tournures
longues et forcees que nous trouvons dans ce dernier. En revanche, quand on connait la langue de la chronique serbe de
Georges Brancovitch, on est tout de suite frappe de ses ressemblances avec le style de notre document. Des phrases comme
CEA ME WEAHE RHIlkl p4Aft vatincitu ochmoToicia, de meme le
terme de HA Ayild StIFIA,IIIEHM114 (IDTESMI mwrponodur RA,tyu3dFIAAet janvier 1671). Voir Academie Roumaine, documents 2, CLXXXIV et 6,
CLXXXIV.

1 Silviu Dragomir, dans les Analele Academiei Romane", serie II, XXXIV, pp.
1183-1184, 1188-1189.

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Silviu Dragomlr

36

HHHCKH (p. 1527; CA 130HKOA0A1 1116136AHOAA KATAK8SHHOA1 IMAXOSA-

41AAHHCKHAII, p. 1626). La phras, TPEIVECTOAHOE CKETHTEACTKO nous

rappelle la maniere dont, dans sa chronique, it caracterise BM-

grad de Transylvanie :

OT TSAI:ONE

REAppaAS inaergStoutEmS (p. 1529).

Ka HpECTOAII0

npatuinviostS

La facon de dater, inusitee

dans les diplOmes roumains 1, se retrouve dans le document forge

par Brancovitch et publie dans sa chronique :

A -TA EltITIA Napa

spoil cnacafia ;Kt milli% TELIEFIIE AtTwm 1670 (p. 1527). Une phrase

enfin nous pousse particulierement a croire que Georges Brancovitch est I'auteur du diplOme t AMICHHKA CERE CKCTAKAI1EA11
KfAHHAH H,EfiKKH AMTPOHOAHTCTIlel REAOIVAACKAPO ANCHEHHCKOHCTKA
CEAMOIVAACKIA HAH BAA*CHIlliA CHp1 I APAtACKOJA:SENIAA. Le terme

de cfAmorpms, de l'allemand Siebenbtirgen, n'est pas employe


dans le slavon de la chancellerie valaque ; on ne le trouve pas
non plus dans le serbo-slavon. II est egalement etranger a la
terminologie slave de I'Eglise transylvaine au XVI-e et au XVII-e

siecles. On le trouve employe pour la premiere fois par le Metropolite Sabbas Brancovitch, a l'occasion de son voyage a Moscou en 1668: CFAMIWPARKHE SEAMAN U,f1IKKH CK/AT'k TfJOHLI,K1 AMTfJOHOAHTS AKA BOAHKOKHtIlt, GOP0WAELI,8 MHTIJOHOAHTS cfAmo-

rpaAcKIH. C'etait la le terme officiel russe pour designer la Transylvanie ; c'est pour cela que le Metropolite Sabbas l'emploie

dans sa correspondance avec la chancellerie du Tzar. C'est egalement aux Russes que Georges Brancovitch a emprunte ce mot ;
it l'emploie continuellement dans sa chronique, oix H se plait
a

l'expliquer :

APXHEIMCKOIFICTI1A

CEAMOVPAACKIA HAH

stArkciudiA

vaulty APAttICKOA KEW&

A repoque oft le prince Antoine accordait le diplome a l'Eglise


metropolitaine de Transylvanie, Georges Brancovitch etait au
service du prince transylvain Michel Apaffy 2. Attach comme
interprete a la personne de l'ambassadeur Sigismond Boer, it
partit pour Constantinople dans la seconde quinzaine d'octobre
1669. Au printemps de rannee suivante, it revint de cette ville
et accompagna le commissaire turc Chahim-Aga a Alba-Iulia,
puis a lenopol (Jena), a la frontiere occidentale de la principaute
' Dans les diplOmes du meme Antoine (Academie Roumaine, documents:
AAECfLI,A 10A. VI WT 1lAAMA AO Cif TEtIEHif AfiT spoil (7178-1670)
ou: MECELI,A VER. Hi AIM H WT clAaNta lurk K SAT stiA (7179-1671).
' Dr. 1. Radonie, Grof Gjorgje Brankovie, Belgrade, 1911, pp. 145-149.

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La Donation du prince de Valachie Antoine

37

transylvaine. Nous croyons qu'A son retour it a pass par la


Valachie, et que, grace a l'autorite que lui donnaient ses importantes fonctions aupres du commissaire turc, ses insistances ont
obtenu du prince Antoine le resultat desire, c'est-A-dire la donation du 25 avril 1570. Trois ans plus tard, le 20 avril 1673,
Georges Brancovitch etait en possession de la confiance du prince

Grigorwu Ghica, qui l'assurait dans une lettre de ses sentiments amicaux. Plus tard, it obtenait la protection de Serban
Cantacuzene, aupres duquel it se refugia fors de I'injuste persecution subie par son here. Enfin, Constantin Branco veanu considerait Georges Brancovitch comme un (parent cherip 1; clans
ces conditions, it ne semble nullement aventureux de supposer

que e'est lui qui a gagne aupres du prince Antoine la cause


de l'Eglise roumaine de Transylvanie.
Dans un passage de sa chronique serbe (p. 1621, le manus-

crit se trouve a la Bibliotheque metropolitaine de Karlovce),


Brancovitch raconte qu'apres avoir quitte la Transylvanie, en 1681,
it est alle a Craiova, ou se trouvait le Ban Radu Nasturel, homme

de noble race, savant en slavon et en latin, qui Fa regu avec


distinction, comme un vieil amr. Or, le diplOtne du prince Antoine porte la signature de Radu Nasturel, en qualite de second
chancelier, et, de fait, reciacteur des documents princiers. On
peut done attribuer aux liens d'amitie qui unissaient les deux
savants l'influence que Georges Brancovitch a eue dans la redaction du formulaire de notre diplOme. Dans ce cas, le texte
concu par Brancovitch a ete copie par le greffier de la chancellerie princiere, Radu Gheorghian, peut -titre un Moldave 2, qui
lui a donne I'orthographe employee par les ecrivains qui savaient le slavon en Valachie.
Naturellement, nous ne pouvons exprimer qu'une hypothese;
elle voudrait rehabiliter un document gravement frappe de suspicion, qui est lie au nom d'un des plus illustres prelats de
l'Eglise roumaine de Transylvanie.
Silviu Dragomir

2 Silviu Dragomir, Fragmente din cronica sdrbeascci a lui George Brancovici, Bucarest 1924, pp. 5-7.
2 Ne serait-ce pas un Georgien ?

N. I.

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Marcel Emerit

38

La femur en Valachie pouvait-elle Writer ?


Line des questions les plus troublantes dans l'histoire de 1'
ancien droit coutumier roumain est la question du droit des

femmes dans les successions ab intestate'. Bien que la rarete


des documents doive nous inviter a la prudence, tous les historiens du droll pretendent que, en Moldavie, le partage des successions se faisait entre tous les heritiers sans distinction de

sexe. En ce qui concerne la Valachie, au contraire, la plupart


des historiens et des juristes croyaient jusqu'a ce jour que seuls
les descendants males pouvaient participer a Ia succession ab
intestat". L'inegalite des sexes en Valachie, comme dans la plupart des pays voisins et particulierement dans les pays-slaves,
aurait ete a la base du regime successoral.
Les savants juristes Tocilescu, C. Dissescu, Paul Negulescu,
D. Alexandrescu, I. Peretz' soutinrent fermement que le privilege de Ia masculinite &ail la regle en droit coutumier valaque. M. D. Mototolescu consacre meme tout un livre touffu
et confus a defendre cette theorie 2. Pour la plupart de ces
juristes l'institution serail due a une influence slave ; seul M.
Alexandrescu croirait plutot a une influence germanique.
Cependant un historien du droit qui a eu le merite de nous
donner le premier travail d'ensemble prcis et clair sur les anciennes institutions sociales des Roumains, M. Nadejde, osa sou-

tenir que le principe de l'egalite des sexes etait la regle dans


1 Gr. G. Tocilescu, Despre legat in dreptul roman Fi in dreptul romin,
Bucarest, 1874, p. XXXV.

C. Dissesco, Les origines du droit roumain, Paris, 1899.


P. Negulescu, Cercetdri asupra originei dreptului consuetudinar romin,
dans la Rev. de drept si sociologie", II, part. 2, fasc. 7.
D. Alexandresco, Droit ancien et moderne de la Roumanie, p. 156.
I. Peretz, Privilegiul masculinitdtei in pravilniceasca condicd Ipsilanti fi
in codul Caragea, Bucarest 1905, et Din chestia privilegiului masculinitcltei,
dans le Dreptula, XXXV, 8 juin 1906, pp. 344-344, qui repond a un article de
C. A. Popescu, Privilegiul masculinitcifei, Dreptul, XXXV (1906), pp. 328-330.

' D. D. Mototolescu, Privilegiul masculinitiiiii este o inovatie a legiuirii

Ipsilanti fi Caragea, sau este o conservare a unui obiceiu juridic preexistent, Bucarest 1915.

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La femme en Valachie pouvait-elle heriter ?

39

les successions ,ab intestat" aussi bien en Valachie qu'en


Moldavie

Depuis l'article de M. Nadejde, qui date de 1900, la plupart


des juristes s'etant rallies a la theorie contraire, juristes et historiens continuerent d'enseigner que, en droit coutumier valaque,
les filles etaient exclues des successions. Une these recente fait
rebondir la question et vient jeter le doute dans l'esprit de
tous ceux qui ont pu en avoir connaissance. C'est celle de M.
Fotino, travail remarquable d'ailleurs, qui soutient la theorie de
l'egalite des sexes avec un luxe d'arguments et une puissance
de persuasion dignes du meilleur avocat 2.
Nous nous proposons dans cet article, pour calmer les consciences des historiens et des professeurs de droit, de montrer
en quoi peche l'argurnentation de M. Fotino et de faire valoir
les documents qui nous permettent d'avoir la ferme conviction
que, en Valachie du moins, les femmes ne participaient pas a
la succession, a moins de dispositions testamentaires speciales.
Examinons d'abord les arguments de M. Fotino :
M. Fotino nous cite (p. 245 et suiv.) un certain nombre de
documents oil l'on voit des femmes confirmees dans la propriete de leurs terres par un acte termine, a quelques variantes
pres, par celte formule : nouvic HAS ECT CTapn 11 npaRa WLIHS H sa
A*Auuti, que l'auteur traduit ainsi npuisque cette terre leur est
propriete ancienne et heritee a juste titre". On peut contester
la traduction, le terme A-k Aims etant un terme vague qui ne
nous paraft pas impliquer obligatoirement l'idee d'une transmission par heritage', WLIHS H AkAHHS est un formule toute faite
(comme les mo0 pi stramo0 en roumain) qui indique simplement
qu'il s'agit d'un bien patrimonial 4. Ne tirons donc aucune conI. Weide, Trac sei fie dreptul nostru consuetudinar, in Noua Revista
Romana", vol. II (1900), pp. 145-155 et 192-198.
2 Georges Fotino, Contribution a Petude des origines de Vanden droit

contumier roumain.Un chapitre de l'histoire de la propriete au moyendge. Avec preface de N. lorga. These, Paris 1926, p. 205 et suiv.
3 Le premier mot vient du slavon TAM = pere, qui donne l'adjectif OTIshe,
= paternel. Le second mot indique que la propriete vient des aieux : bulg.
A tA0 = aieul, A*A1-111HA = propriete venant des ancetres.

Dans le document de l'an 6996 (1448), cite a la page 246, M. Fotino


affirme abusivement que le village dont it est question (Dragoeti) appartenait
A la fanlille Buzescu qui en avait herite egalement en ligne masculine et *.

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40

Marcel Emerit

elusion d'une simple formule. Remarquons plutot que, dans tous

les documents cites par M. Fotino a l'appui de sa these, de


meme que dans tous ceux, qui furent cites autrefois par M. Nadejde (souvent ce sont les memes), la femme n'exerce pas isolement son droit de propriete. II s'agit de proprietes detenues

en indivision, a la fois par des femmes et par des hommes.


Dans ces conditions, rien ne prouve que les filles aient obtenu
ces droits de propriete par heritage, car it existe en droit contumier roumain une a tr n .Mere d'acceder a la propriete : c'est par
la pratique, tres frequente, de l'adoption fraternelle (infra /ire). Plusieurs personnes, hommes ou femmes, s'adoptant fraternellement,

mettent leurs bien en commun, et, si l'une des personnes meurt,


les biens restent indivis et ses freres adoptifs continuent de jouir
de la propriete du defunt. Souvent un Ore, desireux, soit d'assurer a ses filles une part de son heritage, soit d'eviter un par-

tage et un morcellement funeste de sa propriete, oblige ses


enfants a s'adopter fraternellement : parfois meme it adopte fraternellement un ou plusieurs de ses enfants, qui continuent ainsi
apres sa mort de jouir de sa propriete au detriment des autres 1.
Les femmes qui detiennent en division une propriete conjointement avec des freres ou des parents quels gulls soient peuvent
minine ". Or, ce document est perdu. Nous n'en avons qu'un resume qui est
loin d'tre aussi precis : 11 nous montre seulement que, comme dans tous les
autres documents cites, la jupaneasa" Neaga exerce les droits de propriete
en indivision avec deux autres femmes et un homme, Manea Ghizdavetu.
A titre d'exemple citons un document du 14 sept. 1565, acte de Pierre
le Boiteux, publie par Stefulescu, Documente slavo-romdne relative la Gorj,
pp. 149-151, du Musee de Gorj, XVI-e sicle, doc. 10, avec traduction roumaine :

... tar, dupA aceia, Stanciul el Itisusi a venit inaintea Domniei Mele si a
asezat si a Infratit pe fetele sale, anume Dragole si Lupa, cu fiul sau, anume
Dan, peste partea lui de mosie, peste toga, si peste moara si peste toate bucatele lui, pentru ca s fie frati nedespartiti. Si lar a venit insusi Dan innaintea
Domniei Mele si a dat si a infratit pe flit sal, anume Stan si Lupul, cu fetele lui,
anume Fruma si Sora, peste partea lui de mosie, peste toata, ca s fie 4 frati
nedespArtiti..."

Donc Stanciul, pour &liter l'emiettement de sa propriete, et sans doute aussi


pour eviler que ses filles encore non marides restent sans pain apres sa mort,
oblige son fils Dan A adopter fraternellement les deux files. Dan, a son tour,

oblige ses deux fill A adopter leurs deux soeurs. Tous doivent etre freres
jndiyis ",

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La femme en Valachie pouvait-elle heriter ?

41

fort bien avoir acquis cette propriete par ce moyen. L'acte officiel confirmant la propriete totale dolt mentionner tous les proprietaires, sans presumer de la maniere dont ils ont accede
a la propriete.
Pour savoir si les filles peuvent heriter flab intestat", ou bien
it nous faut examiner le cas des filles uniques, ou bien it nous
faut trouver des documents qui mentionnent un partage effectue
entre des freres et des soeurs a la mort de leur pere sans qu'ils
soient obliges par des dispositions estamentaires.
Or je ne connais aucun document nous signalant le partage
d'une succession flab intestat" entre freres et soeurs. Le testament d'ffelene Cantacuzene, de 1.682, nous presente un cas ou
un partage de ce genre aurait pu etre effectue s'il avait ete
d'usage d'admettres les filles a la succession 1. Helene Canta-

cuzene avait des filles et six garcons. Elle ne dispose qu'en


faveur de ces derniers. M. Fotino trouve moyen de tirer de ce
fait un argument en sa faveur. Si les filles etaient exclues
ipso jure" de la succession", dit-il, il n'y aurait eu aucune raison

pour que le testateur disposal specialement en faveur de ses


seuls fils : sa volonte eat ete realisee de plein droit". M. Fotino
a-t-il lu avec attention le document ? Je crois que, s'il l'avait

fail, ii aurait apergu clairement la raison pour laquelle cette


dame fait un semblable testament. Le document n'indique pas
que les lilies soient desheritees. Cependant un testament est
necessaire pour que les volontes de la mere soient parfaitement
executees. Si Helene Cantacuzene ne faisait pas de testament,
ses fils heriteraient a part egale : mais la testatrice veut favoriser quatre de ses fils aux depens des deux autres. Comment,

sans testament, cette mere pourrait-elle fixer la part qu'elle


desire donner a chacun de ses fils ? Quant a ses filles, si elle
ne les mentionne pas, c'est parce qu'elles n'ont pas droit a
l'heritage. Si elles etaient desheritees, la testatrice profiterait
de l'occasion pour en donner les raisons, de meme qu'elle
expose pourquoi deux de ses fils recevront moins que leurs
quatre freres.

Je ne connais pas non plus d'exemple de filles uniques he1 Publie par A. D. Xenopol, Arh. soc. stiin ,t. ,si lit., Jassy 1, p. 249.
Cf. Mototolescu, ouvr. cif., p. 114, et Fotino, ouvr. cit., p. 233.

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42

Marcel Emerit

ritant de leur pere sans qu'il al ete fait un testament en leur


faveur et sans que le testament ne specifie 'que In propriete
leur sera transmise parce que le testateur n'a pas eu de fils.
Je trouve, par exemple, dans un document de 1615: ,,... sous
mon regne, a la mort du logothete Pradea, celui-ci a laisse par
testament ces proprietes et ces tziganes, autant qu'il y en a
d'ecrit dans cet acte, a ses filles, a savoir Musa, Slane, Oherghina et Caplea, comme dot, pour que ce soit leur propriete,
leur patrimoine 1". Si les files heritaient de droit, leur pere n'aurait pas besoin de faire un acte semblable. Notons que dans
cet acte i1 n'ose meme pas deroger a la coutume et instituer
ses files heritieres" : II declare qu'il leur legue sa propriete

a titre de dot".
Autre exemple: en 1562: Danciul a donne a ses files Neacsa,
Stanca et Voica sa part de propriete de Iasi toute entiere, parce
que Danciul n'a pas eu de garcon" 2. On ne peut pas etre plus
clair. Les files ne peuvent heriter qu'en vertu d'un testament,

et le pere n'ose le faire que quand it n'a pas d'enfants males.


La crainte de mourir sans enfants males, ou celle de voir s'eteindre la succession en ligne masculine dicte meme a certains
proprietaires des testaments curieux : En

1530

le prince MoIse

confirme an boiar Datcu ses proprietes, mais, s'il advient


qu'il n'y ait pas de gargon dans la famille, que la terre ne se
vende pas, mais qu'elle revienne a in fille qui sera nee dans leur
famine". Dans un acte analogue du 17 dec. 1532, it est dit
1 Acte de Radu Mihnea, Tirgoviste, 17 mars 1615, publie et traduit par
Stefulescu, ouvr. cit., p. 350 et suiv.:

... Iar dupd aceia, cind a fost acum in zilele Domniei Mele, la moartea
Prodei log., el a lasat cu limba lui aceste mosii si tigani, citi sint scrisi in
aceasta carte, fetelor lui, anume Musa vi Stana vi Gherghina si Caplea, zestre,
ca sd fie for movie, mostenire".
2 Acte de Pierre le Boiteux, Bucarest, 12 nov. 1562, publie et trad. par
Stefulescu, ouvr. cit., pp. 145 -147:
tar apoi a dat Danciul fetelor lui, Neacsa
si Stanca vi Voicli, partea lui de movie din Iasi toatd, pentru ca Danciul n'a

fdcut bdieti din trupul &h."


Le document est utilise par Mototolescu, ouvr. cit., p. 89, mais neglige par
Fotino.

8 Acte du prince MoIse, 22 mai 1530, Arch. de l'Etat, Tismana, paquet


2, doc. 6, traduit par Pesiacov, publie (traduction roumaine) par Stefulescu,
Jar, intimplindu-se sd nu fie
ouvr. cit., pp. 95-96, cite par Fotino, p. 255:
,,...

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La femme en Valachie pouvait-elle heriter ?

43

au sujet d'un nomme Stoica qui se fait confirmer la possession


de ses terres : que, si Stoica ne laisse pas de fils, la susdite
terre reviendra a ses fines". M. Fotino ne voit la qu'une
phrase superfluew, car, s'il n'y avail pas de fils, afoul le monde
est d'accord la-dessus : In fille serait appelee ipso facto a 1'

heritage" (p. 256). Mais precisement tout le monde n'est pas


d'accord la-dessus, car ces documents nous montrent clairement
que la propriete est vendue s'il ne reste que des filles. En l'absence de tout heritier male, In prL priete serait alienee au benefice du fisc 2. Aussi les bolars ci-dessus cites, bons contribuables, peu desireux de consacrer leur patrimoine a l'enrichissement de l'Etat, ont-ils soin de faire specifier a la premiere
occasion, it s'agit en l'espece d'une confirmation princiere que
in propriete ne sortira en aucun cas de leur famille et que,
malgre In coutume, elle passera a leurs filles, si leur descendance
male vient a s'eteindre.

Cependant, apres avoir pris de semblables dispositions, le


testateur peut avoir encore une crainte : celle d'avoir encore un
enfant male et de n'avoir plus le temps ou le desir de faire un
aufre testament. Aussi voit-on dans un acte de 151.2 un proprietaire respectueux de In coutume indiquer qu'il n'y deroge
que pour une raison exceptionnelle :

Le boTar Dragomir donne toutes ses proprietes a sa fille


unique Neaco ; s'il n'a pas de fils", dil l'acte, pour toutes
les proprietes qu'elle remplace un fils, et qu'eucune ne soit
vendue". Et, si leboYar Dragomir vient a avoir des fils, que sa
fille n'ait plus aucune immixtion (dans les biens), mais qu'elle
n'ait que in dot qu'il voudra lui dormer '. Le document ne peut
feciori din neamul tor, tot sa nu Instreineze rno0a, ci sa fie fetei ce va fi
nascuta din neamul for i de nimenea sa nu fie zAticnita dupa zisa Domniei
Mete...".

' Acte du prince Vlad, 17 dec. 1531, du Musee du Gorj, XVI-e siecte, doc.
45, public par Stefulescu, ouvr. cit., pp. 98-105. Cite par Fotino, p. 255, note :
,,... Si, dna nu va rAminea din Stoica fii (baieti), mai sus scrisa moie sA fie
fetelor lui Stoica i de catre nimeni nezaticnita dupA porunca Domniei Mete...".
2 Acte de 1549, public par Stefulescu, ouvr. cit., p. 122. Cite par Mototolescu,
ouvr. cit., p. 89.
a Acte de Neagoe Basarab, cite par Tocilescu, Despre legat, p. XXXV,
par Negulescu, Rev. drept si soc., annee II, vol. II, No. 30, par Nadejcle, Noua
Revista ronzana, XVI, annee 1900, p. 154, et par Fotino, ouv. cit., p. 238.

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44

Marcel Emerit

etre plus probant. Negulescu en fait to pierre anguiaire de sa


demonstration. M. Nadejde l'ecarte dedaigneusement, en disant
que dot" (zestre) est ici synonime d'heritage" (mostenire),
mais it n'existe a ma connaissance en droit coutumier roumain
aucun exemple de confusion entre ces deux mots dot" et heritage". Quant a M. Fotino, it s'en tire par une argutie : En
effet", dit-il, si to fille, venant en concours avec les fils, etait
ipso jure" exclue de la succession, et ne prenant qu'une dot
quelconque, pourquoi Dragomir serait-il venu devant le prince
pour y agir dans ce sens, du moment que les choses se seraient
passees ainsi, sans qu'une disposition expresse fat necessaire I
C'etait justement parce qu'il ne voulait pas que sa fille 'Alt a
la succession en concours avec son frere que Dragomir decida
expressement que la fille n'heriterait plus si Dieu lui donnait un
fils ". Mais, en retour, pourquoi Dragomir ferait-il un testament
en faveur de sa fille, si celle-ci heritait ipso jure en l'absence
de tout descendant male ? Pourquoi surtout dirait-il qu'elle remplacera un fils ca sa fie In loc de fecior" ? Il est de toute.
evidence que Dragomir deroge a to coutume en faisant un testament en faveur de sa fille, mais qu'il desire appliquer integralement cette coutume au cas ou it aurait un fils. S'il specifie

que, dans ce cas, la file n'aura droit qu'a sa dot, c'est parce
qu'il ne vent pas que la fille utilise ce testament pour depouiller
son frere. Aussi, pour eviler toute chance de proces dans l'avenir, a-t-il soin d'indiquer que les dispositions testamentaires
en faveur de sa file ne sont valables que si, a la mort du pere,
celle-ci n'a pas encore de frere.
)e sais que M. Fotino presente un dernier argument. 11 s'agit
d'un document de 1557 qui nous fat! assister aux sombres machinations d'un mauvais frere desireux d'enlever a sa soeur la
part du patrimoine qu'elle detient avec lui, selon toute probabilite, en indivision L. It declare que cette soeur n'est qu'une
enfant

naturelle et qu'elle n'a pas droit a la plus petite par-

celle de son patrimoine. 11 est Bien ennuyeux qu'il ne s'agisse


... dacA el nu va face feciori, ea sii-i fie in loc de fecior peste toate avuturile lui, dar intru dinsele vinzare sa no fie. lar, de va naVe jupin Dragomir
feciori, fata lui amestec sa nu alba, ci numai zestrile ce vrea sa -i dea".
' Document cite par Tocilescu, Despre legal, p. XXXVI, par Nadejde, Noua
Revistd romtnd, 1900, p. 152, note, et par Fotino, ouvr. cit., p. 250 et suiv.

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La- femme en Valachie pouvait-elle Writer?

45

ici que d'une propriete indivise, ce qui ruine l'argumentation. En


effet, si le fr ere calomniateur veut sortir de l'indivision et accaparer

la masse entiere des proprietes paternelles, it sera bien oblige,


en vertu de la coutume valaque, de doter sa soeur. C'est precisement ce qu'il veut eviler en declarant qu'elle n'est pas la
fille legitime de son pere et en se degageant vis-a-vis d'elle
de toute obligation. Si le document parte de la part" de la
soeur, c n'est pas une raison pour pretendre que cette fille
est une heritiere ab intestat. II existe, a ma connaissance, bien
des documents oil le mot part" est employe meme pour designer la dot 1.
Les autres documents cites par M. Fotino a l'appui de sa
these sont interpretes d'une maniere aussi erronee ; te1 le testament de Pierre-le-Boiteux, qui, d'ailleurs, peut etre considere

aussi bien comme un Moldave que comme un Valaque, et qui


declare qu'il ne laissera rien a sa fille, parce que celle-ci l'a
trahi et n'est pas restee aupres de lui dans sa detresse. J'ai eu
beau retire le texte grec et le texte italien du testament: je n'y
ai paS vu que cette fille ait ete, a proprement parler, desheritee. Pierre-le-Boiteux a term seulement a donner les raisons

pour lesquelles it ne leguait pas a sa fille la plus petite part


de son avoir et a transmettre a la posterite sa juste malediction 2.

D'autres actes, cites dans le livre meme de M. Fotino, vont


nous prouver que le privilege de la masculinite existait auss
chez les Roumains de Transylvanie.
M. Negulescu cite un document de Filgitra, en Transylvanie,

qui nous dit que le boor Coman, de Rfuor, n'ayant pas de


fils, ne laissant que deux filles, praefecit in filios, juxta antiquum
privilegium districtus Fagaras s". L'auteur attribue cette coutume
' Cf. document publie par Stefulescu, ouvr. cit., p. 529: ,,.. partea ei din
Baia ce a fost avut de zestre de la fatal sau".
Le mot apart" a sans doute le meme sens dans le document de 1509 cite
par Fotino, p. 247 (d'apres Giurescu, Despre boieri, p. 55 note 1): Stanislava
n'aura pas le droit de reclamer une dot parce qu'elle a vendu sa apart".
p1 iitt3iouX6' Document publie dans Hurmuzaki, XI, pp. 437 -438:
law/ xxt 86v gatiOlaccv El; Tay M.-toy To%

51

stg Tily CtsvoxtopCav r v aamilv floe.

M. Fotino cite aussi le testament du prince Constantin Basarab (1637), trials


sa reference ne concorde pas.
8 Publie par Hasdeu, Columna lui Traian, V, No. 6, p. 132 ; cite par Negulescu, ouvr. cit., pp. 30-32; commente par NAdejde, ouvr. cit., p. 154, et par
Fotino, ouvr. cit., pp. 237-240.

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46

Marcel Emerit

a une influence valaque. Au contraire MM. Fotino et Nadejde


y voient une influence hongroise, car nous savons que, chez
les Hongrois, les filles ne pouvaient heriter des immeubles. S'il
arrive qu'elles sont seules heritieres, la propriete immobiliere
revient au roi. Mais est-il utile de faire intervenir une influence
d'aucune sorte, et ne peut-on pas supposer que les Roumains
de Fiiglira, comme leurs freres de Valachie, ont toujours connu
le privilege de la masculinite et garde intact leur aniiquum
privilegium" ?

Nous avons d'autres preuves de In persistance de la coutume

valaque dans les pays soumis an roi de Hongrie, et en particulier de la persistance de la coutume relative aux successions.
II me. suffira d'evoquer deux documents que M. Fotino connalt
puisqu'il les a cites dans le chapitre de son livre consacre au
regime dotal : Un acte de 1449 nous montre que les nobles
roumains de Transylvanie Nicolas Albul, Jean Albul et Jean Dogan

sont obliges de constiluer une dot a Dnrothee, femme de Georges Gaman Auxta ritum Volachie". Or l'acte nous apprend aussi
que la fortune du pere de Dorothee a pass a ces trois nobles
transylvains per defectum seminis". '. En 1509 un acte analogue nous montre que la fortune de feu Nicolas Bizere a passe
a Georges Gaman et que in fille de Bizere, Christine, n'ayant
herite de rien, reclame une dot a Gaman en vertu de la coutume
valaque, jure Wolache"2. Si ces nobles roumains appliquent
la coutume valaque en matiere de dotation, it n'y a pas de raison
de croire qu'ils ne l'appliquent pas en matiere de succession.
Si, dans ces deux cas, les filles ont ete ecartees de la succession, ce n'est pas au nom de la loi hongroise, mais bien parce
que c'etait l'usage valaque conserve fidelement.
Les files avaient done le droit de reclamer une dot, mais,
aussi bien en Transylvanie qu'en Valachie, elles etaient exclues de

la succession a moins que, fait extremement rare d'ailleurs, leur


pere ait laisse un testament les instituant heritieres a defaut de
descendance masculine.
Marcel Emerit.

1 Hurmuzaki, 11 (2), pp. 419-420, cite par Fotino, ouv. cit., pp. 298-299 note,
11, ainsi que le document suivant.
2 Hurmuzaki, 11 (2), pp. 454-455.

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kachat des paysans et retrait lignager d'apres un document roumain 47

Rachat des paysans et retrait lignager d'apres un


document roumain du XVI-eme sicle.
Nous trouvons dans le registre du monastere de Govora un
document assez obscur que nous reproduisons ici. Ce document
a dj ete publie dans les pieces annexees au livre de., St. Tufescu et P. Utinulescu sur le village de Catanele 1. Nous rectifions seulement quelques inexactitudes de transcription. Le do-

cument n'est pas date. Dans le registre it est place entre un


acte de l'annee 7073 et un acte de 7088. Sachant que Mihnea
II, signataire de l'acte, a regne pour la premiere fois de 1577 a
1583, nous pouvons admettre qu'il apparlient a l'epoque comprise
entre 1577 et 1580 (7088).
Cu mila lui Dumnezeu lo Mihnea Voevod gi Domn dat-am
Domnia Mea aceasta poruncii a Domnii Mele parintelui egume-

nului Daniil de la sfinta miintistire ce se numete Govora, ca


sa fie aceastli carte a Domnii Mele la mina lui pini5i la Na0erea lui Hristos. Apoi, cind nu va plati atunci numitul Badea din
Baneti oarecare bani, 23.000, oarectirora rumini din Strimba,
pentru;jumatate de sat din Strimba, ce 1-au fost cumparat aceti
rumini de la Badea el dela frate-sau Barbul, tar piirintele Daniil
egumenul de la sfinta mZiniistire Govora sa file volnic cu aceastil carte a Domnii Mele a intoarce el aceti aspri 23.000
acelor rumini de la Strimba, pe jumiitate de sat din Strimba.
Pentru ca au stiltut de fatti Badea cu parintele egumenul Daniil
fnaintea Domniei Mele, ei aa insui Badea din Brtneti, i au
pus ziva inaintea Domniei Mele, sa intoarce el banii acelor rumini pia la Naterea lui Hristos, tar, de nu va putea Badea
intoarce banii acelor mai sus zii rumini ping la Naterea lui
Hristos, atunci sa fie volnic pririntele egumenul Daniil a intoarce
el banii acelora mai sus numifi rumini, i sa stiipineascii jumatate de sat din Strimba, parlea Badei i a frafini-siiu Barbul, i
nimenea sti nu indrZizneascii a-I bintui Inaintea acetii crirfi a

Domnii Mele. ,Si intr'alt chip sg nu fie dupe cuvintul Domnii


' Arch. de l'Etat, registre de Govora, no. 2, fol. 204 V-o., pp. 416-417.

Pu-

blie dans les pieces annexees au livre de St. Tutescu et P. Danulescu,


Monografia istoricd, economicd, culturald, sociald a satului Catanele din
Dolj (Craiova 1908).

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Marcel Emerit

48

Me le. Si Ispravnic Mitrea Vel Vornic. Si am scris eu Bunea in


Luna lui Octomvrie 14.

Io Mihnea Voevod."

Le document nous apprend que les rumini" (paysans a liberte limitee) du village de Strimba ont achete au borar Badea et a son frere Barbu la moitie du village. Or cet acte est
.donne; non pas aux paysans, mais au monastere de Govora,
pour que celui-ci, si Badea ne rend pas les 23.000 bani a ses
rumini, prenne a sa charge cette restitution. L'acte parait etrange.

Voici comment, a notre avis, it peut s'interpreter :


Badea, ayant besoin d'argent, a emprunte 23.000 bani a ses
paysans. Ceux-ci, desireux d'acheter la libre possession de leurs
terre, ont accepte de prefer cette somme, a condition que Badea leur laisse la mottle du village en gage. A defaut de remboursement a la Noel des 23.000 bani, les paysans seront libres.
Le mot gage (zdlog) n'est pas prononce, mais it est clair qu'il
s'agit ici d'un veritable pret hypothecaire.
Cependant le monastere voisin de Strimba eleve une protestation : Le pret hypothecaire a ete fait sans qu'il en all eu connaissance, or, en vertu du droit de protimesis, avant de vendre
une terre, 41 est necessaire .que le vendeur demande a ses parents

et a ses voisins s'ils &sirent l'acheter. Ce n'est qu'au cas ou


les parents ou voisins renoncent a faire usage de ce droit de
preemption (analogue a ce qu'on appelle en droit frangais le
retrait lignager) que le proprietaire peut effectuer la vente a
toute autre personne de son choix. Si donc Badea rembourse
les 23.000 bani, prix de in moitie du village, la terre lui resters:
it n'y aura pas eu vente. S'il ne rembourse rien, it y aura eu
vente, mais l'hegoumene du monastere voisin entend faire usage
de son droit de preemption. 11 remboursera aux paysans les
23.000 bani et la terre deviendra propriete du monastere.
Lin document posterieur confirme cette interpretation :
Le 9 octobre 15831 un acte du prince Pierre nous dit qu'une moitie

du vill ge a ete donnee au monastere par Tatul logothete et


Talapie logothete et que l'autre moitie a ete vendue 23.000 aspres par Barbul et Negrea, fils de Talapie, aux rumini etablis
sur in propriete. Tout porte a croire que ce ( Negrea est le meme
' Ibid., II, fol. 206. Cf. aussi Tutescu et Dgnulescu, p. 170.

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Rachat des paysans et retrait lignager d'apres un document roumain 49

que Badea cite plus haul. Or la vente a ete faite sans que le
monastere en ait eu connaissance, flea stirea mfdastirii".
Quand l'hegoumene a eu vent de l'affaire, it a fait appeler en
justice les fits de Talapie, et it fut entendu que le monastere, a
defaut des susdits, rembourserait les 23.000 bani. Mais les paysans ne s'en tiennent pas la; ils s'apergoivent qu'ils ont eu tort
d'accepter du monastere les 23000 bani et ils demandent a les
rembourser pour conquerir leur liberte. La querelle s'envenime.
Les paysans continuent d'ennuyerg les moines. Its croient qu'ils
ont le droit de se liberer en se rachetant et que leur droit de
rachat dolt primer le droit de preemption des voisins 1. Pentetre vont-ils jusqu'a refuser de payer au monastere les redevances qu'ils avaient coutume de verser an briar. L'affaire est
portee devant la justice princiere, et le monastere gagne son
proces. On force les paysans a garder leur argent et a rester
rurntni (tenanciers).
Ces documents, on le voit, ont un double interet. D'abord ils

nous devoilent l'existence d'un veritable pret hypotecaire au


milieu du XVI-eme siecle. En outre ils soulevent un probleme
important de vieux droit roumain. Le droit des voisins (protimesis)
doit-il s'exercer meme quand it s'agit de la vente d'une terre

aux tenanciers desireux de se liberer par rachat des charges


attenantes a leur situation de paysans non libres (rumini)? Le
droit de protimesis doit-il primer le droit de rachat des paysans ?
Oui, repond caf goriquement la justice princiere.

On peut firer de la resolution de ce petit probleme de vieux


droit roumain une conclusion d'une portee plus ample. L'aventure advenue aux habitants de ce village de Strimba montre
assez clairement que, au XVI-eme sicle, les paysans a liberte
limitee n'avaient pas le droit de se racheter sans l'assentiment
de leur seigneur. Meme an cas ou celui-ci acceptait le rachat,
la liberation des paysans etait conditionnee par le consentement
des parents ou des voisins du seigneur, qui seuls pouvaient in' ...Nu s'au putut odihnl cAlugarii de catre acesti mai sus scrisi rumini, ci
au venit de fall. inaintea Domniei Mele, Si vrea rumini ca sA Intoarca acesti
mai sus zisi bani 23.000, sA sA judeceasca..."
sd sei judeceasca signifie
pour devenir juzi", c'est-A-dire paysans libres.
4

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50

Compte-rendus

voquer le droll de retrait lignager, dente aux paysans tenanciers


avant leur liberation 1.
Marcel Emerit.

COMPTE-REND US
Ce n'est pas un livre banal que celui oil Mgr. Roman Ciorogaru, eveque orthodoxe d'Oradea-Mare, la Nagy-Varad des
Magyars, note, sous le titre de Zile 'Mite, cJours vecuss, ses
souvenirs et enregistre les gestes de son Eglise. L'auteur, ancien
camarade, a Bonn, de Guillaume II, dont it donne une esquisse
tres vivante (pp. 31-33), a ete pendant longtemps reclacteur en
chef du journal des nationalistes roumains, la Tribuna d'Arad,
et un des representants des nouvelles tendances dans la politique des Roumains de Hongrie ; ecrivain distingue, it est au
courant de toutes les questions concernant les siens, et son opinion est souvent originate.
Sans parler de tout ce qui se rapporte aux preparatifs de Ia
grande guerre, a ('attitude et au sacrifice des Roumains soumis
A Francois-Joseph, it faut relever les nombreux actes et faits
concernant l'Eglise roumaine. Aux pages 23-25 l'echange de lettres, en 1916, entre Etienne Tisza, chef du gouvernement hongrois, qui, faisant l'ESloge de Ia loyaute roumaine, offre aux

ccamarades, et (bons freres, roumains une paix basee aussi


sur une plus grande liberte de l'ecole confessionnelle, et entre
celui qu'il intitule (le Nestor du haut clerge roumain', die prophete de l'amour, de Ia paix et de la concorde', le Metropolite
des orthodoxes, Jean Metianu, qui se borne a promettre son
concours a cla noble oeuvre'. En tneme temps les agents des
Plusieurs documents nous montrent que, pour libeter des rumini, on a du
obtenir au prealable le consentement de tous les proprietaires d'alentour :
Ex. doc. d'Alexandru Ilia, 17 aatt 1628, publie par Stefulescu, StrImba, pp.
59-61 : Les habitants au village de Gureni se sont tous vendus comme ,,vecini"
(synonime de rumini), au temps du prince Serban, a Stoica le Vistiaire". Mais ce-

lui-ci se voit condamne par le prince a la confiscation de ses biens. Le village

de Gurenii en profite pour se racheter moyennant 200 ducats comptant, et


tous ses habitants sont faits cneji", c'est-A-dire paysans lib:es. Mais Pacts
porte que le rachat s'est fait avec le consentement des voisins, CKC Ssiimiiia
<

like*X Min:11110M WT WKOMIOM MECTOMD.

Cf. pp. 61-66 du meme ouvrage, une affaire analogue pour le village de Bilza.

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COmpte-rendus

51

,,sectes" cherchent a affaiblir les liens entre les Roumains et ce


clerge dont jusque la ils avaient si souvent recu le mot d'ordre
(pp. 45-46). L'eveque consacre tout un chapitre (p. 48 et suiv.)
a l'histoire des rapports de son Ease, dont it est naturellement le fougueux defenseur, et de rglise uniate de sa nation
(p. 48 et suiv.). It releve qu'en 19i 1 lui-meme a ete charge par

son chef episcopal a Arad de proposer, pour la defense de


recole confessionnelle, poursuivie par le gouvernement hongrois,

une espece de convention paraissant tournee seulement contre


le courant socialiste et irreligieux, qui assurait, dans un village

oft it ne peut pas y avoir des ecoles pour les deux confessions, l'appui de la mlnorite religieuse a retablissement dirige
par la majorite roumaine. La reponse de reveche uniate d'Oradea-Mare fut negative; on demandait aux orthodoxes de se
reunir a ]'obedience envers Rome. 11 est question aussi du refus,
ordonne par le Saint Siege, d'admettre la participation du clerge
uniate a la ceremonie, celebree par des orthodoxes, du couron-

nement royal a Alba-lulia (pp. 55 -56). Le chapitre suivant


s'occupe de la succession du Metropolite Metianu, mort pendant la guerre (3 fevrier 1916) : ses funerailles permirent une
impressionnante manifestation des Roumains. Longuement se
developpent les' phases du congres national ecclesiastique
qui devait faire Metropolite, a la suite d'intrigues qui restent
peu intelligibles meme apres cette etude detaillee de leurs detours, l'ami de Tisza, Basile Mangra, consi Jere par les Roumains,

qu'il avait diriges jades dans une autre vole, comme trairre

it

eut 71 voix sur 114 votants. Avant de suivre cette courte et


malheureuse carriere d'un homme a juste titre &testa, qui
pretendait ne vouloir que chasser la politique de r2glise, Mgr
Ciorogaru presente la declaration de fidelite a la Hongrie que
fut contraint de lire a la Chambre des Magnats, le 1-er fevrier
1917, reveque uniate Radu (p. 84 et suiv.), au nom de tous
ses collegues des deux confessions, des chanoines, du haut
clerge et des membres de l'enseignement confessionnel : cependant certaines signatures manquerent. Bientert apres, relection
de l'auteur comme vicaire a Oradea-Mare allait etre empe-

chee par rintervention de Tisza, qui, feignant de defendre les


droits de reveque d'Arad, poursuivait le but de donner un premier assaut a l'autonomie religieuse des Roumains (p. 88 et
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52

Compte-rendus

suiv.); it reussit a se faire elire, mais le premier hongrois repondit


a cette provocation menacant l'elu de le faire interner. Sous
un nouveau Ministere, la lutte fut transportee sur un autre
terrain : la confiscation des ecoles confessionelles se trouvaut

dans la zone voisine de la Roumanie devenue ennemie et aux


endroits ou l'instituteur aurait trahi 1'Etat (p. 97 et suiv.), des
instituteurs laIcs etant nommes partout a cote des autres, auxquels on retirait tout subvention officielle. En novembre de cette
annee 1917 un commissaire ministeriel parait dans le consistoire
metropolitain pour annoncer que d'autres mesures, d'un caractere radical et general, suivront. Le consistoire demanda au

moms que des modalites plus douces soient introduites dans


le -projet du nouveau regime ; l'opinion publique considera cette

attitude comme un manque au devoir national : on demanda


et obtint le renvoi de la decision aux synodes eparchiaux et
au grand congres. Aussitot le ministre Apponyl delegue des
representants dans lesdits synodes (p. 105). A Arad l'intrusion
fut formellement et energiquement rejetee, avec la menace
d'un resistance passive" (p. 108 et suiv.). A Sibilu le commissaire essaya vainement de retirer la parole a un depute et d'intimider l'assemblee par la. presence des gendarmes aux portes
de la salle (pp. 112-116); cf. aussi le memoire publie aux pages
117 et suiv. La mesure abusive ne sera retiree que plus tard,
et trap tard, en novembre de ?armee de la debacle austro-hongroise. Dans la suite, le testament du Metropolite octroye",
Mangra et les circonstances de sa mort avant la fin de la
guerre (p. 146 et suiv.), l'intervention de l'Eglise d'OradeaMare contre l'anarchie bolcheviste, 5 novembre 1918 (pp. 160161, 180-183), l'attitude de celle d'Arad envers les droits nationaux, qu'elle inscrivit darts ses prieres (pp. 170-171), la perse-

cution des pretres, qui doivent changer de vetements et se


cacher (p. 205 et suiv.). A l'assemblee decisive d'Alba-Iulia,
qui rompit les liens avec la Hongrie le service divin fut celebre separement dans les deux eglises (p. 175). Plus d'un des
articles rassembles dans l'appendice traite de questions qui regardent la vie religieuse des Roumains.
Dans une courte etude intitulee eL'Eglise transylvaine pendant
les annees 1916-1918, M. Romulus Candea, professeur a l'Uniwww.dacoromanica.ro

Compte-rendus

53

versite de CernAuti, reprend cette meme histoire de l'Eglise ortho-

doxe des Roumains de Transylvanie pendant la guerre. Il reproduit en grande partie un memoire demande en 1918 par le
Conseil dirigeant, charge de l'administration de la Transylvanie.
L'election du Metropolite agree" par Tisza, Mangra, est expliquee par la qualite des representants laics dans rassemblee,
petits satrapes, imposes par l'administration a nos villages,
preteurs et notaires communaux, puis fonctionnaires des finances, gardes forestiers, marchands de pores et autres", tous

eius" d'apres le (lair expres", formule dans ces termes, du


gouvernemenf, les paysans etant menaces d'tre envoyes sur le

front de Galicie; les autres n'oserent pas reagir, par degotit.


L'empereur-roi aurait du etre force par son premier ministre
pour accorder Ia confirmation (p. 13). La declaration de. guerre
roumaine amene la persecution brutale de tout le clerge appartenant a cette nation: injures, emprisonnements, internements
(p. 15 et suiv. ; parmi les seuls orthodoxes de l'archidiocese 97
pretres internes, 46 jetes en prison,. p. 17 ; 106 pretres en exit,
p. 18). On leur vendait jusqu'a l'eau potable, et l'entretien

des internes devait etre pris sur une pension d'une couronne
par jour (l'auteur cite aussi le travail de S. Stanca, Contribu /ia
preo/imii romtne din Ardeal la razboiul pentru intregirea neamului, Cluj, 1925). Le consistoire de l'Eglise de Transylvanie
fut conduit a Oradea-Mare dans un wagon dont on avait fait
descendre des chevaux (p. 23). Des commissaires-espions seront
installes dans les ecoles secondaires (pp. 33-34). Les comites de
paroisse furent envahis par les organes administratifs (p. 35).
800/0 des paysans s'offrirent cependant a entretenir de leurs
pauvres deniers l'ecole confessionnelle (p. 36). Tisza lui-meme
fut revolte de l'attitude des commissaires envoyes aux assem-

blees legates de l'8glise roumaine (p. 37). Dans le pays des


Szekler, les Roumains, jusqu'aux femmes des pretres, durent
quitter Ia foi de leurs ancetres (p. 42 et suiv.). Autrement ils
seraient colonises en Serbie ".
N. Iorga.
* * *

Riccardo Filangieri di Candida, Codice:diplomatico amalfitano,


Naples 1917.

DanIcinq cents ;pages grand in

4,

preceddes:d'une intro-

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54

Compte-rendus

duction soignee, le comte Filangieri donne un recueil des plus


importants pour l'histoire d'Amalfi jusqu'au commencement du
XIII-e sicle.

Une partie de ces actes reeseignent seulement sur les elements occidentaux de cette vie de cite italienne du Midi ; it y
en a d'autres qui eclairent aussi les cotes byzantins de la cite
dont les rapports avec ('Orient furent si etrolts.
Les termes grecs ne manquent pas : apothega, cartattum et
cartaticum, catodius ou catodeus, charta merisis, choropalatus
(couropolate), exadelfus, organeum, protonobilissimus et protonotarius, protospatarius, protovestiarius, patricissa, scibrum, sebastus, spatarius. Aussi la coutume graphique de mettre un h
initial et de remplacer le c par un k, le b par un v (amyl pour
ambi, Savastianus pour Sebestianus ; mais bibere, aussi flubius).
Zio, zia est ecrit thius, tia. On a des genitifs grecs : Pardu de
Mauru'. Ana, kata inda, prepositions grecques, sont .de mise ; on
dit Anocapri, p. 731. En general, la langue des actes les plus
anciens est une bizarre caricature du latin ; du reste, c'est aussi le

cas pour les Lombards de Salerne aux lourds noms germaniques (p. 52 et suiv.). L'ecriture meme est caiquee d'apies celle
de la chancellerie byzantine.
Le premier document de 907, est donne temporibus domini
Mansonis, imperiali spatarlo- candidati, et domini Mastali, anni
gloriosi et eximii prefectus a Deo servata civitatis Amalfi' (on
reconnait le Osocppo6nroc; ]'association du fils par le pere est
courante a Amalfi). A son tour Mastelus, imper alis patricius",
fonctionne a cote de son fils Leon, qui est protospataire. Plus
tard (964) Serge et son fils Manso n'ont pas de titres. En 1035
Marie, qui gouverne avec son fils Manso, est une patricissa
(p. 64, no. XLII et suiv.). En 1048 Manso, qui s'intitule seulement

dux Amalfitanorum", a a ses cotes un GaImar, lui aussi due,


avec mention du lien de filiation (pp. 96-97). En 1146 on
comptera par les annees du gouvernement de Roger roi (p.
260). Mais dans les cites, comme a Rabello, it nommera des
stratigoti a la byzantine (p. 267), a cote des juges et des capitaines (pp. 2b7 -269). A cote du taxi arabe on emploie la
,libra byzantine' (p. 9 ; des constantini a Salerne, p. 54). Les
tormules finales, avec l'anatheme et la mention de Judas, le
traitre du Seigneur JesusChrist", sont empruntees aux formulaires
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Compte-rendus

55

de Byzance (aussi a Salerne ; p. 85). Dans. un document de 1044

intervient aussi le souvenir terrible de Dathan et d'Abiron et


les paroles memes de malediction du Christ y entrent, comme
dans les chartes byzantines et roumaines (p. 91). II faut que les
Normands apparaissent tel, en 1087, cet cAugerius, (pas Angenius) (Normannus, (p. 133) pour que quelque chose change
a ces tres anciennes normes byzantines, qu'on observe aussi
dans les noms : Eufimia, Theodonanda, Marenda, Anthimus,
Adelferius, Sergius, Drosu, Niceta, Anthioci, Ciricus, Vizantius,
Theophylacte, remplaces ensuite par d'autres au cachet nouveau,
comme Roger (due d'Amalfi en 1090 ; p. 137) et Guiscard (fits
du precedent ; p. 163, no. c), Guillaume (p. 192, no. CXV). On
trouve une eglise de Sainte Trophimene (p. 149).
A cote, des noms populaires les plus drOles : Rapicane, Braccacorata, Spizzatortile, Mazzamorto, Scannapeccu, Cacciarenu,
Caccabellu, Subcoda, Boccovitello, Zappafossa, Viarecta, Ca-

capice, des localites comme Campulongu, pareil a ceux des


Roumains (p. 155).
N. 1.
*

I. Andriepscu, Les fouilles de Sultana (extrait de la revue


'Dacia)), Bucarest 1927.
M. Andrieescu, l'organisateur des fouilles de prehistoire en
Roumanie, expose d'abord l'etat actuel des recherches. 11 presente ensuite le resultat des travaux entrepris dans la plaine
valaque. II y a decouvert a la profondeur d'une trentaine de
centimetres, non seulement des ustensiles de la facon bien connue, mais aussi une ceramique singulierement ornee, d'un tres
beau caractere, et des idoles dont la forme stylisee ressemble
a celle des croix de bois darts les cimetieres de village de notre
epoque. II croit que certaines urnes ont du etre employees a
des usages funeraires.
*

*
*

Pietro de Francisci, Storia del diritto romano, I, Rome, 1926.


Dans cet ouvrage d'une solide organisation et d'une information abondante et sure, le sujet est concu de la facon la
plus large, allant jusqu'a la mort de Justinien. Aussi les etudes
byzantines y auront-elles beaucoup a cueillir. La premiere partie

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56

Compte-rendus

s'arrete cependant avant repoque de l'orientalisationa. On

trouvera meme tout un chapitre d'ethnographie des premieres races italiennes d'une admirable richesse (p. 67 et suiv. ;
voy., par exemple, la synthese serree concernant les Etrusques,
pp. 77-78)
*

Giorgio Maria Sangiorgi, L'lJngheria dalla repubblica di Karoly alla reggenza di Horthy, Bologne (1927).
L'auteur, un journaliste italien, entreprend une oeuvre de defense de Ia politique magyare et fait preuve d'un enthousiasme
impressionnant. Pour lui Ia guerre n'a .pas ete voulue par les
Hongrois, qui n'y pouvaient rien gagner (que la diminution de
nombre et d'importance des nationalites, dirons-nous). Tisza

aurait ete un champion de la paix jusqu'au moment des supremes decisions: it faut bien dire qu'il n'en avait pas l'air.
II est bien vrai que le premier hongrois n'aurait pas poursuivi
un accroissement des (nationalites) par la conquete, mais it ne
d6sirait rien de plus que leur diminution par l'usure des ba-

tailles. La politique de Karolyi est suivie attentivement pour


montrer comment elle a pu devier du cote du communisme
em'pe-ho une fois par les armes d'atteindre ses fins contre le
socialisme d'Etat. II est bien difficile de mettre de la logique
dans ces contradictions qui sont la preuve non seulement de
!Inexperience, mais d'un esprit anormal et malsain. Ayant eu le
consentement de ('Entente pour faire de nouvelles elections, it
abdiquait entre les mains des rouges aussitot que la meme diplomatie lui at signifie que, au profit des Roumains, les frontieres de S. Etienne seront changees (p. 7). La commission interalliee avait declare cependant ensuite qu'il s'agissait seulement
d'une delimitation militaire sans .prejuger sur la question politique (p. 8),

Devenu maitre du pouvoir, le citoyen Bela Khfin declarait


qu'il considere les territoires occupes comme faisant partie de
la Hongrie, mais ne considerait pas leur conservation comme un
point fondamental, etant donne que pour la tfraternite universelle' les"frontieres importent peu (p. 10).
11 est cependant absolument faux que jamais une offensive
roumaine eft 616 enclouee pave que l'auteur appelle une bouff3e de l'ancien:heroYsme", et queZentre Tcheques et Roumains
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Compte-rendus

it y eat eu des rivalites (pp.

57

12-13). Oit l'auteur a-t-il pu

trouver ces informations erronees ? Ce fut l'Entente qui arreta


un moment l'action roumaine et, si elle fut reprise, ce fut
pour repondre a cette folle offensive d'une forte armee hongroise qui, par dessus Oradea-Mare (Nagy-Varad), etait arrivee aux montagnes de la Transylvanie occidentale. Le 21 juin
une autre revolution fut tentee a Budapest (p. 15) et sa repression ne fit qu' accroItre ranarchie. Une place importante est
accordee aux efforts du colonel italien Romanelli pour empecher !es vengeances sanglantes. La reponse de Khan, qu'on voulait rendre responsable, fut d'une etr3nge brutalite (pp. 17-19)
et d'une stupidite correspondante, dans les termes.
Pour sauver l'honneur des Hongrois, M. Sangiorgi parle du
manque de la volonte de combattre chez les Rouges qui seule
expliquerait la victoire roumaine, honnetement acquise (voy. p.

21). L'idee qu'on aurait pu faire entrer a Budapest a ea des


Roumains les deux bataillons du gouvernement blane de Szegedin (Horty et Jules Karolyi) peut paraitre curieuse (p. 24). De
meme ridee que sans la faveur accordee aux Roumains par la
France seule M. Horthy aurait pu faire le miracle de detruire le
bolchevisme (pp. 24-25).
Suit l'histoire de )'intermezzo socialiste de Peidl, soutenu par
Romanelli, p. 25 et suiv. Ii kali nature! que les Roumains, qui
avaient des dedommagements legitimes a demander, s'en preoccupassent tres peu ; M. Sangiorgi a tort de les critiques (p.
27 et slily.). Mate observation pour le regime Friedrich, impose
par l'archiduc Joseph, redevenu, Louis-Philippe de cette revolution rouge, cvicaire du roi, a Budapest. Au bleu que Bourbon"

it donnait le parallele de sa declaration qu'il n'est pas de sa


faute un Habsbourg" (p. 29). Ne pouvant pas s'imposer a
l'Entente, le marechal" declarait, le 25 aoat, quitter ses fonctions de gouverneur", mais 11 laissait a sa place son suppet,
Friedrich (p. 30), chef du parti chretien". Une coalition dont it
faisait partie le remplaca pour farie les elections (p. 31).
Avec le nouveau Parlement,. les chretiens-sociauxu, nationalistes, appuyes sur le paysan, prirent le pouvoir qu'ils devaient transmettre plus tard, sous le meme regime Horthy, A
une assemblee de meme caractere (p. 33). Des le mois de novembre, Horthy avait amene dans la capitale les gens de Szewww.dacoromanica.ro

58

Compte-rendus

gedin : it devint le maitre et n'en abusa pas. Le 1-er mars on


en fit un regent (p. 38). Apres Ja tentative manquee du roi Charles
de reprendre son trOne, Bethlen fut charg par le regent de prendre

la conduite des affaires que Teleky n'avait pas pu retenir. 11


s'opposa a la seconde escapade du royal Habsbourg. L'auteur
fait le panegyrique le plus chaleureux du ministre (pp. 454-6).
II trouve des excuses polir la fraction d'extreme droite: Magyars

qui se reveillent" et defenseurs de la race", evitant de mentionner les crimes affreux par lesquels, au moms quelque temps,
fits ont c,ru devoir travailler (p. 46 et suiv.). Le chapitre finit

par !'exposition de la reforme de la Chambre des Seigneurs


(membres de droit, membres de merite, membres elus) et par
des considerations sur le resultat des elections faites a la fin
de l'annee 1926.
Le second chapitre traite des rapports entre l'Italie et la Hongrie. II laisse de cote les anciennes influences 'de !'art italien
et s'occupe de la legion revolutionnaire magyare, employee par
la monarchie savoyarde pour Gombattre les brigands et qui

fut dissoute des 1867: it me semble bien que c'est le sens de


ce que l'auteur nous raconte. Tout cela fait partie de l'internationalisme liberal et conspirateur sans contact reel entre les
deux nations ; en face de Kossuth, Klapka et Tiirr it y avait
les participants magyars a la tyrannie exercee par le regime
de Frangois I-er, de Ferdinand et de Frangois-Joseph sur une
des parties les plus nobles de la race italienne. M. Sangiorgi
reconnait loyalement que dans le dualisme et dans la Triplice
les politiciens de Budapest furent les ennemis constants de toute
aspiration italienne (p.62 et suiv.). Un fait interessant: M. Solinino fit demander en 1915 a Tisza de se rallier aux Croates et
aux Roumains ; it se butta au plus decid6 des refus (p. 66).
Mais est-il possible de croire qu'en favorisant la Hongrie
contre les nations delivrees, les Italiens, dont l'histoire moderne

n'est qu'un long et douloureux proces de delivrance, eussent


reussi a arracher aux Serbes les terres de vieille et glorieuse
civilisation italienne qu'ils se sont gagnees (pp. 67 et suiv.) ?
Pourquoi la defense italienne contre les pretentions eventuelles

des panslavistes s'appuierait-elle sur les H3ngrois, qui demandent une politique anti-roumaine, au lieu de s'appuyer, le
cas echeant, sur les Roumains, qui ne veulent depouiller perwww.dacoromanica.ro

Compte-rendus

59

sonne, tout en maintenant leur droit le plus elementaire ? Jamais en Roumanie personne n'a pense a arracher un pouce de
terre a la Hongrie nationale ; l'assertion de l'auteur a cet egard
ne pourrait etre appuyee meme sur un article perdu dans un
journal obscur (p. 73). De meme pour toutes les autres suspiciens enoncees dans la suite (voy. surtout p. 81, oil, parlant des
mesures, purement defensives, de la Roumanie, M. Sangiorgi en
denonce l'imperialisme). Pour caracteriser l'attitude roumaine
envers Ia Hongrie, l'auteur en est r2duit a la declarer reflexive
(sic) et souffrant d'incertitudes perpetuelles" (p. 81). II serait
biers gene si on voulait lui demander d'expliquer cet oracle...
Dans cette polemique, qui convainc difficilement, l'affaire
de la fausse monnaie sera presentee comme une intrigue francaise (p. 82).
Ou lira avec interet la question du port sur I'Adriatique
(offre serbe de Spalato). La presse roumaine n'a jamais ecrit
une ligne sur cette question.
Le troisieme chapitre debute par la sentence, inappellable,
que Ia paix de Trianon est tinjuste et transitoire'. On s'imagine dans quel sens sera 'donc traite l'irredentisme. Les Roumains de Hongrie se seraient agites seulement an XIX-e siecle,
sous l'influence de Pagitationa des Saxons de Transylvanie.
Or, par toute une serie de revolutions, du XV-e a la fin du
XVIII-e siecle, ils n'ont fait que demander leur liberte dont
1'Eglise uniate meme, vers 1740, puis les deux Ealises furent
aussi les champions. Je renvoie a mon cHistoire des Roumains
de Transylvanie et de Hongrie'. L'auteur lui-meme doit reconnaitre qu' en 1848 les nOtres voulaient l'Etat independent roumain" (p. 100). Mais, deux lignes plus bas, it n'est question
que d'une partie des Roumains. Quelques pages ensuite, on se
donnera la peisie d'etablir que le melange de races, la contamination d'une pretendue unite magyare, est (la uniquement a

des infiltrations plus ou mains recentes. La plaidoirie de la


couronne d'epines de frontieres dont chacune porte une goutte
de sang magyar", parait avoir ete &rite ailleurs qu'en Italie.
Dans le martyre des soldats roumains envoyes en Russie pour

defendre une cause etrangere, ce Latin trouve un argument


pour conserver leur esclavage, et it croft que a Cluj, reside
pour lui un Kolozsvar, it y a eu en 1918 une manifestation
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60

Compte-rendus

roumaine pour maintenir cet esclavage (pp. 119-121). 11 est faux

que la declaration d'union des Saxons eat ete arrachee par les
armes. Les villes peul'ent avoir une forte population magyare,
mais toute la campagne est roumaine. L'expropriation, acte de
justice et de preservation sociale, a atteint les Roumains aussi.

Pas un Hongrois n'a ete force de partir; ce sont les gens de


Budapest qui, par des illusions insensees, ont provoque l'exode.
Les ecoles magyares existent et l'Etat les paye (cf. p. 121). Les
agents de la Cunard, durement critiques a la Chambre, n'ont

pas exporte des Magyars en tant que Magyars ; des milliers


de Bessarabiens roumains allerent pourrir au Bresil. Si les colons

installes pour denationaliser les Roumains dans le Banat n'ont


pas ete favorises plus que les paysans de sejour normal, les
Hongrois ont porte le proces a Geneve, et ils font perdu. Accuser

les Roumains parce qu'ils n'ont pas en Transylvanie autant de


bibliotheques populaires que les Hongrois c'est oublier que c'est
l'argent roumain qui a paye les bibliotheques creees par Mat
pour les autres. Pas une bibliotheque magyare n'a ete fermee.
Et les Italiens savent bien par leur prIpre experience au Tyrol
qu'on a le droit de verifier s'il n'y a pas de denationalises de
date recente que l'ecole des denationalisateurs desire retenir (voy.
p. 124). Ou I'auteur a-t-11 trouve les 2.000 recrues magyares qui
eussent refuse ce serment que sous le joug jamais un Roumain

n'a cru qu'il a le droit de refuser (p. 125) ? Qu'il indique sa


source, et nous verifierons. 11 parait meme que l'intolerance
nationale des Roumains eat depasse celle des 5erbes, dont cependant certains Magyars avant le discours de M. Horthy sur
l'allie de Mohacs se plaignaient beaucoup (voy. page 127). Les
Tcheco.Slovaques ont commis le crime de se chercher une frontiere
commune avec les Roumains pour empecher quelle horreur 1
le contact hungaro-polonais" (p. 128)... L'auteur est, du reste, tres
verse en fait de geographie : it salt que le Maramoros est une ville
et que la Sighet (Sziget) roumaine a ete prise aux Magyars par l'a-

vidite de M. Benes (ibid.). 11 est sensible a la douleur des Ruthenes du Maramures", qui lui parait different du Marmoros,
car ils voulaient rester hongroisils doivent l'avoir dit a l'oreille
de M. Sangiorgi
alors qu'on en a fait des sujets tcheco-slovaques et roumains (pp. 128.129).
Les derniers chapitres, bien ecrits, s'occupent de la situation de
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tompte-rendus

61

la royaute, de l'etat de l'armee, de ]'agriculture, de 'Industrie,.


du commerce et des finances : on y trouvera des statistiques
tenues au courant, qui seront utiles au lecteur &ranger, si elles
sont d'une parfaite sincerite, comme it nous plait de le croire.

En eilt-il Re de meme des autres chapitres de ce livre d'amour, oui, mais pas aussi de justice!
*

J. Ebersolt, La miniature byzantine, Paris, Vanoest 1926.


M. Ebersolt, l'illustrateur des monuments de Byzance, donne
cette fois le resultat de recherches longuement poursuivies sur
la miniature des manuscrits byzantins.
L'ouvrage commence par des considerations generates sur
l'ornementation lineaire, florale et figuree. II la constate impersonnelie et typique, capable des transmissions les plus lointaines
et les plus variees. Il en signale le cote qui tient a l'enseignement, interpretant et completant le texte. Ci et la quelque trait
original, et nous ajouterions meme : de race, car ce ne sont pas

les Grecs seuls (cf. p. XI)

et it y en a de toutes fawns

qui ont travaille.

Une premiere poque comprend les siecles V-e au

VII-e,

c'est-a-dire les deux cents ans ou Byzance elle-meme se forme.


Est signalee la necessite de fournir, deg la fondation de Constantinople, des !lyres du culte aux nouvelles eglises (appel de
Constantin-le-Grand a Eusebe), sans compter les bibliotheques
publiques (peut-on admettre les 120.000 manuscrits detruits
dans un seul incendie ?). L'Iliade de l'Ambrosienne est cependant
tres peu (byzantine. : c'est la meme naivete voulue et fraide

que dans les fresques antiques de Pompei. Au contraire, la


Genese de Vienne montre, avec l'accoutumance au paysage -et
au monde animal de l'Orient, une vivacite, un naturalisme,
une familiarite qui n'ont plus rien a faire avec l'art, reduit a
de simples conventions, de Pantiqulte greco-romaine. Un peu
moins pour le fragment de Sinope, encore moins pour les
Evangiles de Rossano. L'ornementation des ouvrages de science
ne fait que repeter les sUjets accoutumes, dans le mettle style.

Le celebre manuscrit de la topographie chretienne" de Cosme Indikopleustes n'en differe que par ('aspect de la thdorie
des saints, par le costume de l'empereur, Salomon, copie sur
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62

Compte-rendus

celui de Justinien. Seuls les paons affrontes viennent du vieil


Orient persan. Pour apprecier la nouveaute des couleurs, plus
brillantes, it aurait fallu quelques planches en couleur.
Mais au VIII-e siecle, poque ou les manuscrits brfilent ou
sont detruits, on est tout a fait a Byzance dans l'illustration du
Psautier Khloudov. Dans la violence des caricatures it y a quel-

que chose des conflits pour la cause des icOnes. Des fawns
anictiniques", sans figures, de l'ornementation paraissent. A cote

de frontispices d'un caractere tout nouveau, on a de grandes


figures tragiques et des scenes tres mouvementees dans l'illustration des Home lies" de Gregoire de Nazianze. Des initiates
pures et ornementees s'ajoutent.
A la troiserne poque, qui va jusqu'au XII-e siecle, ii y a, par
dessus ces oppositions et. ces tentatives, une renaissance classique
facilement observable. Nymphes, abstractions personniffees, per-

sonnages d'eglogue penetrent dans fart de la miniature, avec


leur correction froide et seche. II y aurait cependant une solennite que les anciens n'ont pas connue. On tend aussi a definir
le milieu. Les portraits des empereurs et des imperatrices ont
une valeur d'authenticite. Les legendes. d'animaux du ePhysiologue, ou vrentla possibilite d'une autre representation artistique, a laquelle peut se meter l'humour. L'ornement floral,
bientot schematique, s'y ajoute. M. Ebersolt loue la beaute
extraordinaire du coloris.
La derniere periode commence par le retablissement de I'orthodoxie a Constantinople. Le portrait realiste domine, et ce meme
naturalisme caracterise les scenes d'inspiration souvent rustique,
car ces gens, rentres dans leur majeste, viennent de la campagne.
On aime les sujets d'histoire. II ne faut pas attribuer a cette
poque des oeuvres dont l'apparence classique est due au modele qui a ete 'mite, plus que cela : transcrit.
N. I.

*
*

Friedrich Teutsch, Geschichte der siebenbiirger Sachsen,


IV (1868-1910, Sibiiu 1926.

Travail de tout premier ordre, destine a rester le point de


depart de toute recherche de details.
II commence par la lutte contre les tentatives de magyarisation apres retablissement, en 1867, du dualisme austro-honwww.dacoromanica.ro

Compte- rendus

63

grois. Vanden territoire saxon dut etre entame, le droit d'election pour leurs repr6sentants etendu aux autres nations ; la
juridiction speciale disparut. La lutte entre les Vieux et les
Jeunes Saxons continuait. Les masses n'avaient pas de conscience politique. El les. ovationnerent cependant en 1870-1 les
victoires allemandes.

On arriva a reunir les deux partis autour d'un meme programme dans l'assemblee d'electeurs de Medial en 1872. La
loi communale hongroise devait 'etre appl'quee aux Saxons
des l'annee suivante, et de nouveau les deux partis s'affrontent.
En 1874 l'universited saxonne n'etait plus admise a representer ses ressortissants. BientOt les tendances de magyarisation furent servies par un regime inexorable : .celui de Coloman Tisza et de Trefort. La Machtfrage" remplace la question de droit" : Frangois-Joseph n'exauca pas les voeux de ses
sujets transylvains de langue allemande. On se groupa autour
de l'eglise et de l'ecole. L'auteur s'arrete longuement sur la figure d so pere, eveque lui aussi de cette Eglise nationale.
C'est a cette poque que le chef religieux abandonne le village
de sa residence pour s'etablir a Sibiiu-Hermannstadt. L'auteur en
enumere les collaborateurs. II y eut aussi une reorganisation de
la presse (K. Wolff). On se mit, l'eveque en tete, a etudier l'histoire de cette petite nation. Dans le domaine economique aussi,
it y eut une concentration des forces : des 1872 on avait aboli
les privileges compris dans les corporations historiques. Les
frontieres du cote de la Roumanie commengaient a se former.

Une visite imperiale fut amen6e en 1876 pour consoler ces


Allemands par la vue du souverain appartenant a leur race.

Des cette armee cependant il fallut combattre pour les deux


forteresses de ]'esprit national menace. L'administration se tournait contre les defenseurs de l'ancien etat de chases. L'Universite", recluite a accepter un nouveau statut, se mantra vainement recalcitrante. L'union scolaire" fut attaquee; des manifestations puissantes furent organisees pour la defendre. Le projet de Trefort sur l'enseignement du magyar date de 1879 (de-

voir des professeurs de connaitre la langue de ]');tat, nombre


d'heures fixe par le ministre). Le projet de loi pour l'enseignement secondaire suivit en 1881 ; it fut adopte deux ans plus
tard. L'effet de ces lois ne correspondra pas a l'attente de leurs
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64

COmpie-rendus

auteurs (pp. 101-102). On chercha a termer les ecoles saxonnes


comme n'offrant pas les conditions materielles de celles de l'Etat ;
Le contrOle des 'lyres d'ecole fut 6tabli (on ne voulait pas admettre le qualificatif d'cambitieux, pour le pretendant magyar
Francois Rakoczy ; p.103). recole de droit allemande fut fermee. (p. 105). On agita les Csangos contre l'Eglise lutherienne
(pp. 107-118).
De nouveau l'Eglise prit ]'initiative d'un rehaussement national
par l'organisation materielle et par retude. On chercha a conquerit la supr6matie dans les villes (avance des Roumains, immigration officielle des Magyars). Statistiques pour 1925, pp.
134 -135: Sibiiu-Hermannstadt 8.553 Roumains, 4.291 Magyars,
1.310 Juifs sur un ensemble de 32.748 habitants ; Brasov-Kronstadt : 12.187 Saxons, 15.137 Magyars, 12.187 Roumains ; Medial:
4.691 Saxons, 3.219 Roumains, 1.631 Magyars ; Sas-Sebes-Muhlbach. 1.883 Saxons, 5.992 Roumains, 254 Magyars ; Bistrija : 5.361

Saxons, 3.716 Roumains, 1.302 Magyars, 2.018 Juifs; Sighisoara-Schassburg : 5.620 Saxons, 3.428 Roumains, 2.253 Magyars; OrAstie-Broos : 1.170 Saxons, 1.492 Magyars, 4.107 Roumains).

La mort de Tisza, en 1890, parut pouvoir amener, sous le


Ministere Szapary, Ia possibilite d'une pacification avec le regime. Une reunion nationale fut convoquee pour preparer un
nouveau programme, qui n'a, du reste, rien de nouveau qu'une
expression assez reservee de l'acquiescement aux buts proclames
par P8tat. Mais a Budapest on preparait dj le projet de "oi
pour les ecoles infantiles destinees a arracher les enfants en bas
Age a leurs families. En 1892 le Ministere Wekerie vint avec
ridee du mariage civil. A ce moment le venerable eveque
qui avait modele a nouveau la vie de sa nation finissait ses
jours. Sa politique fut continuee par son successeur, Fr. Muller.
Mais la nouvelle generation les Vents ", se levait contre les
(Noirs, de Ia Oneration precedente (1893). En 1894 commengait rere d'un Batiffy, etrangere a tout scrupule.
Elle commenga en douceur, pour poser bientOt le principe de
l'unification des noms de localite : 10.000 femmes saxonnes protesterent devant l'empereur-roi. Suivit : 'Interdiction des couleurs saxonnes, des chants nationaux, 'Introduction des noms
de famille magyars. La quote ajoutee par l'Etat aux salaires du
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Compte-itndus

65

clerge servit comme moyen de gagner des partisans a la magyarisation. On essayera de briser ['unite de l'Eglise.
Apres Khuen-Hedervary, Etienne Tisza prit le pouvoir. II
reussit a faire entrer les deputes saxons au Parlement dans son
parti. De .nouvelles. mesures furent cependant prises contre les
ecoles des nationalites. Bientot it y eut un vrai chaos parlementaire. Le baron Fehervary fut charge de mettre ordre. II
echoua, et Wekerle forma en 1906 le Ministere de coalition.
La loi Apponyi, le plus terrible des attentats contre l'ecole
non-magyare, fut voteeen 1907. Le parti liberal revint avec
Khuen-Hedervary, avec Lukacs et, en 19 i4, avec leecond Tisza. s

Apres une appreciation dure et injuste de !'attitude des Roumains a l'egard des Saxons (pp. 176-177) et une analyse de
la situation des Souabes du Banat, I'auteur arrive aux propelsalons de Tisza avant la guerr. Le XX e chapitre est consacre
ca la guerre generale et a la debacle (1g14-1919) : it eit ecrit
avec sincerite, avec courage, pas toujuurs avec object!vite a
regard du nouveau regime. En aoat 19L7, appony, ministre
sous Wekerle, declara ouverte,hent q I'd v supprinier I'enseignement national des Roumains (np. 247-L43). Apres la victoire
des allies, les Hongrois recommandaient aux Saxons de former
avec les Szekler une republique, qui aurait compris aussi ClujKolozsvar (p. 26u).
N. I.
*

Abraham Gallante, Esther ryra, d'apres de nouveaux documents (contribution a Phistoire des Juifs de Turquie), Constantinople; 1926.

C'est In biographie d'une Juive influente qui au XVI-e siecle


finit poignardee par les spahis" (1592). En 1539 Selim lui ac
cordait un privilege, en recompense des services rendus a sa
mere (p. 6). Elle fut la confidente de In mere du Sultan Ma-

fut punie pour avoir, comme douaniere",


troduit la mauvaise monnaie pour les pales des soldats. Son
fits nine eut le meme sort, le cadet passa a ['Islam tout en.
promettant des dedommagements. Les Juif4 durent porter des
hornet III et

bonnets rouges et renoncer au luxe. La bonne monnaie fut res-tauree. Les cadavres furent jetes a I'Atmeidan -et puis brides.
La main of une certaine partie du corps d'Esther furent detachees
et fixees a la porte deslarigueurs de fonctions.
I.
*

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Compte-rendus

66

N. Banescu, Historical survey of the rumanian peuple, Bucarest, 1926.

En meme temps que notre History of Roumania" apparait


cette esquisse due a M. N. Wanescu, professeur de grec a l'Universite de Cluj et byzantinologue connu. Elle &all destinee a
l'exposition de Philadelphia.
Elle est succincte et clairee et d'un belle illustration discrete.

0. Fr. Krasser, Hermannstadt : von seinen Htiusern and Menschen, Brasov-Kronstadt, 1927.

Exposition litteraire tres vivante et spirituelle des beanies de


rincomp gable nid gothique de la vieille cite saxonne de Transylvanie. L'influence mauvaise de l'Autriche conquerante est
bien marquee : ils (les Imperiaux) comprenaient mal le caractere particulier du. pays et de ses habitants et voulaient unifier
l'Etat de la grande Autriche avec le baton du caporal". On accepta leurs batisses: les casernes, les eglises et les statues de
saints, la fondation catholique du Theresianum dans le ,Fran schement" plutot avec murmures qu' avec plaisir. Mais ils creerent des promenades et introduisirent la discipline. La Metropolie
roumaine, d'un faux byzantinisme, est peut-titre jugee avec trop
d'indulgence. Je n'arrive pas cependant a trouver ce qu'il y a de
guttural" dans In prononciation d'une langue aussi claire, aussi
riche en voyelles que le roumain (p. 57).
*

Charles Homer Haskins, Studies of mediaeval Science, Cambridge 1924.

Une de ces etudes concerne les traducteurs en Syrie pendant


les croisades : Etienne d'Aniioche, Bernard Silvestre (mention de
in guerre du roi Amaury contre Chirkouh, 1167; p. 136), Philippe
de Tripoli. Une autre s'occupe de l'element grec dans la Renaissance du XII-e siecle" (Aristippe, archidiacre de Catanie,

d'autres, comme Noise de Bergame, Burgundione le Pisan,


moins importants). Une troisieme des auteurs siciliens" de la
meme poque (il est question aussi du livre populaire EzepavErqc

Traduclions dans le Nord italien,


p. 194 et suiv. (Pierre Chrysolanus, etc.). Le prepositus ex
xxi lxv-riXcir-rjc, pp. 176 -177).

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Compte-rendus

Datia" n'a rien a voir avec le Danube,

67

p. 203 , puisque la

Dacie an moyenjage c'est le Danemarc ; voy., du reste, 316 note


104 ; interessantes legons de grammaire grecque. Un emissaire
de Frederic Barberousse visitant Constantinople en 1129, p. 210.

Un Pasquale de Rome ecrit a Constantinople son Livre du


Tresor" en 1156; c'est un naturaliste ; mention du Pretre
Jean ", p. 221. La science a la Cour de Frederic II, pp. 242 et
suiv., 299 et suiv., 350 et suiv.
*

loan Georgescu, Coloniile germane din Dobrogea (extrait des


Analele Dobrogei", VII), Cernauti 1926.

L'auteur montre que les premiers payjans allemands sont


venus dans la Dobrogea en 1841, partant des environs de Varsovie.
Le mouvement d'emigration des Allemands de Russie continue

pendant les annees suivantes, les chercheurs de terres nouvelles


traversant toute la Roumanie et s'egarant momentanement jusqu'
en Hongrie. Quelques Alsaciens, venus en 1843, a Malcoci (p. 5).
Tel groupe vient de Tarutino, en Bassarabie meridionale (p. 7).
Une seconde periode s'etend entre 1873 et 1883, une troisieme
entre 1890 et 1891. Quelques poesies populaires >.
*

L. Bachelin, Esquisse esthetique sur !'oeuvre du peintre


Stoica D., avec de nombreuses illustrations du maitre dans le
(axle et hors texte, Bucarest, 1926.
Le veteran de la critique d'art en Roumanie donne une large
etude comprehensive de l'oeuvre de celui qui est un enthousiaste
peintre d'histoire, un portraitiste au trait heureux et un delicat
paysagiste. L'auteur a un peu oublie l'illustrateur de livres, qui a

enrichl de ses dessins le Bulletin de la commission des monuments historiques et a donne les esquisses de notre Histoire
des Roumains et de leur civilisation et de notre manuel roumain

pour les ecoles secondaires.


*

N. I.
*

Peuples et civilisations. Histoire GenOrale. Les barbares,


des grandes invasions aux conqueles turques du XI -e sicle,
par Louis Halphen. Paris 1926.

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68

Compte-rendus

Cette grande histoire generale publiee sous la direction de


MM. Sagnac et Halphen est de nature a rendre les plus Brands
services aux etudiants et a thus ceux qui sont curieux de syntheses historiques. Deux volumes ont deja paru, le tome I et le
tome V, qui amorcent le premier l'histoire ancienne, le second
l'histoire du moyen-age.
Depuis longtemps les historiens avaient reconnu que le defaut
des grandes histoires generates redigees en collaboration etait
le manque de cohesion. Le lecteur y trouvait de petits compartiments separes qui pouvaient etre excellents en eux-memes,
mais qui n'aboutissaient pas a une idee d'ensemble des grandes
poques historiques avec les repercussions multiples des faits
les uns sur les autres dans toutes les parties du monde. Pour
attenuer ces defauts MM. Sagnac et Halphen dontient l'etude
de chacune des vingt grandes periodes de l'histoire (qu'ils determinent judicieusement), a uns eul de leurs collaborateurs, sauf
exception rare C'est le meme principe qui pousse en meme
temps M. lorga a publier seul une Histoire generale destinee
a teller dans le cadre d'ure pensee unique thus les faits histo-

riques et toutes les poques. Mais seul au monde l'historien


roumain pouvait avoir In puissance de travail, l'erudition et la
force de synthese necessaires pour mener a bien une telle oeuvre. L'oeuvre de M. lorga, qui foisonne d'idees neuves, poussera
les historiens dans des voles nouvelles, ouvrira des horizons
nouveaux aux jeunes chercheurs, guidera les esprits de thus
ceux qui sont soucieux de comprendre les enigmes de l'evolulion historique. L'oeuvre de MM. Sagnac et Halphen s'adresse
plutot aux eludiants : its y trouveront pour chaque question un
resume acceptable et une bibliographie a jour.
Le programme suivi par M. Halphen n'est pas sans inconvenients, et les dimensions forcement restreintes de l'oeuvre ont
oblige l'auteur a resumer d'une flagon excessive l'histoire de la
civilisation. Quand on ne consacre que deux pages a in civilisation byzantine au temps de Justinien, que peut-on dire ? L'auteur est un peu plus genereux pour la civilisation carolingienne :
it est vrai qu'iI se trouve ici dans son domaine propre. De
meme l'histoire des institutions est traitee d'une facon bien sommaire et de simples allusions y remplacent trop souvent l'expose
des faits. Les historiens du S. E. europeen auraient voulu qu'on
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Compte-rendus

69

ne neglige pas trop les Slaves, leurs institutions l'histoire de


leurs infiltrations au milieu d'un monde romanise dont la permanence en certains points est encore un probleme. Souhaitons
que M. Halphen tienne compte dans son second volume de leurs
humbles doleances.
Par bonheur l'histoire politique est largement traitee, et d'une
facon admirable. L'auteur a reussi a montrer l'enchainement des
grands mouvements de peuples qui ont, durant sept siecles, bouleverse le monde romain et les grands empires de l'A sie. Enfin

nous y voyons clair dans cette poque tumultueuse, et nous


assistons a la constitution des cadres nouveaux dans lesquels
vont se developper les nations med'evales et modernes, a la
fixation progressive des peuples barbares, a l'essor civilisateur
de l'Islam, au travail conciliateur de l'Eglise chretienne.. C'est
ce qui nous fait considerer le livre de M. Halphen comme le
manuel le plus clair, h- plus prcis et le plus utile qu'on ait
ecrit depuis vingt ans.
M. Emerit.

CHRONIQUE
Un volume, possede jadis par ce parfait connaisseur des
choses roumaines qui fut Ubicini et transmis a l'Academie Rou-

maine, des Lettres de Constantin Stamaty a Panagiotis Kodrikas sur la Revolution francaise janvier 1793, publiees
pour la premiere fois d'apres les manuscrits originaux, Paris
187_ (Documents inedits sur l'histoire de la Revolution Franpaise, correspondances de Paris, Vienne, Berlin, Varsouie,
Constantinople, publiees par Jules Lair et Emile Legrand) est
intercalee cette Iettre de Legrand que nous ne croyons pas
devoir rester inedite.
Avez-vous envoye un article a quelque revue dans les Principatites Danubiennes? Peut-titre y a-t-il par la quelqu'un qui a

connu Stamaty ou Kodrikas et qui pourrait nous donner d'utiles renseignements. Ii parait que le drogman du general Trochu
vii encore et habite Giurgewo.
Agreez, mon cher confrere, mes cordiales felicitations.

Tout a vous,

Emile Legrand
*

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70

Cbmpte-rendus

L'exporfateur francais donne, a la date du 2 decembre, un


numero consacre a Ia Roumanie. Nombreuses statistiques et
une illustration abondante et variee.
*

L'Italie vient de perdre un grand erudit. II n'y eut personne


en Europe connaissant les problemes religieux, nationaux et
politiques de 1'Est et du Sud-Est de I'Europe d'une facon aussi
approfondie qu'Aurelio Palmieri. Nous nous associons au deuil
de la science italienne.
*

Dans le Islgoc 'EXXvocimituov, XX, 2-3, des lettres de la Bib lio-

theque du Vatican concernant ce Constantin Comnene qui fut


employe comme diplomate au service de Charles Quint pendant
aa querelle avec Francois I-er. H est intitule prince de Macedoine et capitaine du Sacre Palais" (1506). 11 est question
seulement de ses fonctions et revenus. Un document de meme
source sur la prise de Guillaume de Villehardouin, prince d'Achaie.

D'autres sur l'eglise grecque a Naples au XVI-e siecle. La publication des actes concernant la colonie grecque a Vienne continue (actes sur l'occupation russe en Petite Valachie, 18061812 ; le general est Zass, et non Zast ; des lettres de marchands
grecs etablis a Vidine). Lettres sur Ia domination venitienne en
Morie au XVII-e siecle et sur le siege d'Athenes en 1687. Des
rapports de Modon, en 1472, sur Ouzoun-Hassan, le Khan de
Perse, adversaire de Mohammed II (Archives de Milan ; beaucoup de fautes d'impression). Traduction des etudes de M. W.
Miller sur les Catalans a Athenes et les Florentins a Athenes.
Le ms. des lettres du Metropolite valaque -Philarete (1792) a ete
analyse par nous dans la revue roumaine Convorbiri literare;
it appartient a l'Academie Roumaine.
*

M. Mario Rogues publie dans' la Romania de janvier-avril


1926, aussi en facsimile, la formule de bapteme albanaise que
nous avions donnee dans nos Notes et extraifs, IV, p. 195.
*

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Compte- rendus

Dans les Mlanges d'histoire offerts a Henri Pirenne,

71

(Bruxelles), une etude de M. J. Bidez sur l'historien Philostorge ;


M. Franz Cumont presente l'inscription tombale de la servante
de Dieu, dont eternelle soit la mernoire", la Ares-grande katoune"
(d'Erzindschan, spouse d'un emir tetar ou turc), Previterisa (M.
Cumont lit: vps[a]kreptax et traduit presbyterissa", pretresse,
expliquant ce litre par : veuve de patre), morte en decembre
1343 (et non 1342). M. Henri Gregoire trouve le veritable nom

et la date de l'eglise de la Dormition a Nicee".


*

* *

Le serment prele a la fa con barbare aux Huns" par rempereur byzantin dans la Vie de S. Nicephore (Migne, Patrologia
graeca, XC, p. 144) : 'QC ocinciv !Lev 'LOOS 67tELY0.110 ixsivooc, SS TOIC
lip.ST6pOLC

csogotastc

rpoaxpiaacrOciu., xai Outw retc npbc EakiPooc


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avotatp4ovra, itamuv ivtikuov CuctOlisvov xai zoptov sic tic,00c ccZpovra
xxi Stec ircivuov ToOtwv Lcotbv impthp.svov, gOvn Se viiv -1111.esepuro Wow
csov.66Xtuv CtOstaTocc xspaiv brscoatiovra, xai madc v./lc ainciw Sovciliscoc
inolivbovra.

Cf. les serments de Strasbourg, pretes par chaque roi dans


la langue de son adversaire.
*

Le terme de '13witavia pour le territoire roumain d'Orient aussi

dans Theophane, p. 172 et dans la Vie de S. Jean de Gothie


(VIII-e siecle, dans les Acta Sanctorum, juin, VII, p. 170).
*

Vient de parattre le volume I de l'Isforia literaturii roma'ne#1


(Bucarest, Suru editeur), par N. lorga. II contient aussi les etudes de l'auteur sur la poesie populaire, sur les lignes generales
de cette histoire l'tteraire, stir les chroniques; des notes nouvelles ont die ajoutees.

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Compte-rendus

Universitatea liber5, Rdzboiul neattrnarii, 1877-78, conferinte


finute la Ateneul Romtn 1927 (Bucarest 1927).
La cinquantenaire de Ia guerre d'independance de la Roumanie
a provoque, entre altrcs, une serie de conferences organisees
par le parti liberal roumain, sous regide de rUniversite libre de
Bucarest (on salt que en 1877, si le grand ministre qui avait
les affaires etrangeres, M. Kogalniceanu, etait un nationaliste
moldave, ayant fonctionne dj sous un ch f conservateur et
dans un Ministere de coalition, un grand role fut joue, cornme
president du Conseil, par ie chef des liberaux, Jean C. Bratianu).
M. Al. Lapedatu expose le developpement de ridee d'Etat
chez les Roumains, insistant sititout sur les tentatives vets l'in-

dependance a regard de la Turquie suzeraine. L'expose, tres


clair, contient quelques explications nouvelles. Dans la contribution de M. Vintila Bratianu sont presentes des chiffres budgetaires pour l'epoque de Ia guerre. Dans les trois conferences
de M. Jean J. Bratianu, des reminiscences personfielles offrent
de l'interet. M. J. G. Duca donne des generalites sur ce chapitre
de l'histoire contemporaine de la Roumanie. M. C. Banu sur le
mouvement cultural correspondant. Signalons surtout rinedit

compris dans les chapitres das a MM. Jean J. Nistor et Sextile Ptwariu, run Bucovinien, l'autre Transylvain, qui decrivent
retat d'esprit des Roumains de leurs provinces a regard de
faction guerriere entreprise par leurs congeneres libres.
Les notes, accompagnees d'illustrations, du general R. Rosetti
sur rermee qui a combattu devant Plevna, sont particulierement
precieuses.
N. I.

Vient a paraltre le troisieme volume (allant jusqu'a repoque


contemporaine) de la traduction en roumain, par M -rne Enache
Ionescu, de la Geschichte des rumdnischen Voikes, par N. lorga.
Le no. 1 -3 de la Revista Isloricd donne des articles de MM.
J. Let*, N. Iorga, Valerie Beloga, C. C. Giurescu, Severe Zota,
Aurelien Sacerdoteanu et P. P. Panaitescu.
N. I.

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