Rapport-Au-Premier-Ministre 2013-2014 Miviludes
Rapport-Au-Premier-Ministre 2013-2014 Miviludes
Rapport-Au-Premier-Ministre 2013-2014 Miviludes
2013-2014
RAPPORT
AU PREMIER MINISTRE
La
documentation
Franaise
RAPPORT
AU PREMIER MINISTRE
2013-2014
Direction de linformation
lgale et administrative, Paris, 2014
ISBN: 978-2-11-009762-0
Sommaire
Le mot du prsident................................................................................ 5
1re partie
4e partie
MIVILUDES
Le mot du prsident
Lanne 2013 a dabord t marque par les conclusions de la
Commission denqute du Snat sur Linfluence des mouvements caractre
sectaire dans le domaine de la sant. Le rapport remis au prsident du Snat
le 3avril 2013 a confort notre analyse sur le dplacement des drives sectaires
vers les mdecines ou plutt les pseudo-mdecines alternatives.
Limpressionnante srie dauditions a amen les snatrices et les snateurs mettre en garde les pouvoirs publics, les professionnels de la sant et
plus gnralement le public sur lexistence dun immense march de pratiques
thrapeutiques tranges dont certaines sont la porte dentre de drives sectaires avres.
On peut se fliciter que certaines des propositions de la Commission
denqute snatoriale aient dj t reprises par le lgislateur: cest ainsi que
la loi du 22juillet 2013 sur lenseignement suprieur et la recherche a interdit
lusage du titre de docteur en mdecine par les praticiens radis. En ce qui
concerne la formation professionnelle, autre champ dinfiltration des mouvements sectaires, la loi du 5mars 2014 assigne aux OPCA une nouvelle mission
de lutte contre les drives thrapeutiques et sectaires.
La Miviludes a continu son travail de coopration pour mieux diffuser
ses messages de vigilance et de prvention, en nouant des partenariats destins dabord amliorer linformation des professionnels et du public sur les
drives constates dans le domaine de la sant: cest ainsi que des partenariats
ont t signs avec lAgence rgionale de sant dle-de-France, la Mutualit
franaise et lcole des hautes tudes en sant publique de Rennes.
Ce travail de formation sest largi au rseau des coles de service
public, les conseillers de la Miviludes continuant assurer de nombreuses
sances de formation pour lcole nationale de la magistrature, les enquteurs
de la police et de la gendarmerie, les travailleurs sociaux, etc.
En application de son dcret de constitution, la Miviludes a particip
quelque trente runions en prfecture consacres aux drives sectaires et
poursuivi son travail de coopration avec les ministres principalement concerns: intrieur, justice, affaires trangres, ducation nationale, sant et affaires
sociales.
Dbut 2014, la Miviludes a t sollicite sur sa perception du phnomne
de radicalisation propos du dpart de plusieurs centaines de Franais en
Syrie dont des mineurs.
La Mission avait, depuis plus dun an, reu plusieurs signalements, concernant en majorit des jeunes filles, enfermes dans des mcanismes d(auto)endoctrinement, aides par un rseau amical et des rseaux sociaux, avec comme
consquences larrt des tudes et la rupture avec la famille et les amis.
Dans le cadre du plan gouvernemental de prvention de la radicalisation (numro vert), la Miviludes apporte son expertise sur lemprise mentale,
contribue la formation des coutants et des fonctionnaires et participe au
groupe de travail pluridisciplinaire qui sest rcemment mis en place.
Dans les enceintes internationales, tant la confrence annuelle de
lOrganisation pour la scurit et la coopration en Europe (OSCE) Varsovie
quau Conseil de lEurope, la Mission a tenu affirmer la philosophie qui
anime laction gouvernementale depuis prs de vingt ans en insistant sur le
respect des croyances et des convictions mais aussi sur la ncessaire protection
des victimes des drives sectaires, en particulier des plus vulnrables comme
les mineurs.
Cette activit importante mene par une quipe qui travaille mes
cts, et que je souhaite remercier, a trouv son point dorgue lors dun colloque qui sest tenu au ministre de la Sant le 23novembre 2013 devant plus
de 200 participants; consacr lanalyse de lemprise mentale au cur de la
drive sectaire: une menace pour la dmocratie, il a t conclu par Manuel
Valls, ministre de lIntrieur.
Ce colloque nous a permis daborder la question difficile des nouveaux
canaux de diffusion des thories prnes par des organisations, des groupes
ou des individus dangereux et la ncessaire prvention et ducation au sens
critique du public utilisateur dInternet.
Face aux rumeurs, la dsinformation, au brouillage des repres, la
Miviludes entend contribuer avec les institutions gouvernementales et ses partenaires associatifs dont il convient de saluer lengagement, la dfense des
valeurs dmocratiques.
MIVILUDES
Serge BLISKO
Prsident de la Miviludes
re
partie
Lemprise mentale
au cur de la drive
sectaire: une menace
pour la dmocratie?
Rsum du colloque
organis par la Miviludes
le 23novembre 2013
Le colloque organis par la Miviludes le 23 novembre 2013 a pour
objet de proposer une approche plurielledu phnomne demprise mentale.
La premire partie en prsente des lments de caractrisation psychologique
et sociologique, la deuxime interroge le phnomne partir des atteintes
aux droits et aux liberts quil induit, la troisime partie aborde la question
fondamentale que soulve sa prise en compte par les pouvoirs publics, savoir
larticulation entre les liberts constitutionnelles et le devoir de protection et
dinformation dvolu ltat. Les propos qui suivent prsentent les grandes
ides abordes dans chaque intervention, celles-ci pourront tre retrouves
dans leur intgralit dans les actes du colloque qui seront publis et accessibles
en ligne sur le site de la Miviludes.
Ouverture du colloque
Les propos liminaires de Serge Blisko exposent lenjeu de cette journe.
Le phnomne demprise mentale est au cur de la drive sectaire, il doit tre
identifi et compris prcisment car la juste perception de ce phnomne est un
enjeu pour la dmocratie moderne. Le prsident de la Miviludes affirme en effet:
Toute situation demprise ou de sujtion est en soi une atteinte grave son socle fondateur
et constitue une vritable rupture avec lordre politique. Le principe de libert de conscience
impose une obligation positive ltat, car si ltat se doit de respecter la libert de conscience,
la neutralit de celui-ci envers les convictions de chacun ne peut sinterprter en terme dindiffrence passive: ltat doit au contraire uvrer garantir pour chacun les conditions dune
libert de conscience effective, et se doit de combattre ceux qui usent des liberts dexpression,
de culte et dassociation en mettant mal le fondement mme de ces liberts.
Andr Frdric, dput fdral, prsident du groupe socialiste de
la chambre des Reprsentants de Belgique, ouvre le colloque en mettant la
rflexion sous le signe de lEurope. Le dput affirme la ncessit de faire
adopter par tous les pays europens les positions prises par la France, la
Belgique ou encore dernirement le Luxembourg. Il rappelle lhistorique des
actions menes en Belgique: le travail des Commissions denqute parlementaire, la cration du Centre dinformation et davis sur les organisations sectaires nuisibles (CIAOSN), le travail de sensibilisation et de coordination des
acteurs publics sur cette question, et plus rcemment, son instigation, le vote
le 23 janvier 2012 dune proposition de loi calque sur la loi About-Picard.
Par cette loi est cr un article442 quater dans le code pnal en vue de sanctionner la dstabilisation mentale des personnes et les abus de la situation de
faiblesse. Poursuivant le parallle avec la France, le dput annonce galement
la cration de lassociation sans but lucratif Aviso, en vue de pallier labsence
de structures daccueil, dcoute et daide des victimes de drives sectaires dans
le paysage associatif belge, et conclut sur le travail de sensibilisation men par
les parlementaires comme par le secteur associatif sur les acteurs importants du
gouvernement belge.
Premire partie
Grald Bronner, Professeur de sociologie luniversit Paris-Diderot,
sattache prsenter dans son intervention les lments qui constituent un
terreau favorable lemprise mentale. Lintrt de lapproche sociologique est
de proposer des pistes de rponse lnigme que constitue en soi ladhsion
sectaire: comment expliquer que les victimes demprise mentale, le plus souvent des individus de formation intellectuelle plutt leve et psychologiquement quilibrs, puissent adhrer des croyances aussi manifestement draisonnables? Selon le sociologue: Une des pistes de rsolution de cette nigme est quil
faut distinguer soigneusement deux choses: la faon dont lindividu est conduit croire
et la croyance constitue qui, rendue publique, est lobjet de la consternation des commentateurs et de lopinion.
Ainsi Grald Bronner dcrit dans une premire partie, au travers de
lexemple du mouvement Sri Chinmoy, le mcanisme de constitution dune
croyance qui, vue de lextrieur, parat absurde. Ce type de croyance dconnecte du sens commun sest construite selon un processus incrmentiel o,
chaque tape du processus, ladepte adhre une proposition qui semble raisonnable cest ainsi que progressivement, dtape en tape, une croyance
conquiert une cohrence et une solidit interne mesure quelle sloigne du
sens commun: Chaque moment de ladhsion une croyance fausse peut tre considr, dans son contexte, comme raisonnable, mme si lobservateur, qui ne juge que la
croyance toute faite, peut lgitimement dire quelle est grotesque.
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MIVILUDES
transfert constitue souvent un socle commun qui permet dclairer comment, de faon
aussi trange, aussi inoue, aussi irrationnelle, des hommes et des femmes intelligents,
dnus de toute affection psychiatrique, en arrivent perdre tout libre arbitre par laction
dun psychisme sur leur propre psychisme.
Lexpert psychiatre compare ainsi la relation demprise au transfert qui
se joue dans la cure psychanalytique, phnomne que la psychanalyse dcrit
comme le fait dadresser une nouvelle personne les affects des premiers temps
de la vie quand tout dpendait de lamour des parents pour survivre. Labus de
transfert est un dvoiement de la relation transfrentielle, une influence particulire quexerce un psychisme sur un autre psychisme. Ainsi, en occupant
une place centrale dans la vie de cette famille, en leur donnant le sentiment de
se mettre au service de leur bien, Thierry Tilly sest en quelque sorte comport en
thrapeute compltement dvoy. Car autant la cure psychanalytique est destine
restituer au sujet sa libert et son autonomie de pense, autant la relation
demprise est un abus de transfert visant asservir et exploiter. Dans le cas de
la famille de Vdrines, sajoute aux abus de transfert vcu par chacun de ses
membres un phnomne de transfert familial: La faille de cette famille unie rsidait sans doute dans sa croyance partage en une descendance grandiose. Cest cette
faille que Thierry Tilly a su exploiter.
Daniel Zagury a pu relever un certain nombre de techniques de manipulation qui toutes sont induites par un mme trait psychologique chez les manipulateurs: Leur extraordinaire aptitude saisir lautre, inversement proportionnelle leur
capacit entrer en relation avec eux-mmes, ce que lon nomme habituellement linsight.
Lorsquils sont apprhends et expertiss, on observe une tonnante discordance entre leur
habilet diabolique et leur vulnrabilit, leur inconsistance de petits mythomanes.
Ainsi relve-t-illa capacit de Thierry Tilly reprer chez chacun les
failles intimes et proposer le sur-mesure plutt que le prt porter, induire
chez chacun une paranoa fonctionnelle, et chez tous une paranoa de groupe.
Dans le mme temps o Thierry Tilly a rponse tout, il met en uvre la
suppression de tous les liens directs au sein de la famille afin que chacun ne communique plus avec lautre que par son intermdiaire, devenant alors tributaire
de la vision du monde selon Thierry Tilly. Celui-ci travaille renforcer ou casser
les liens et dtruire le narcissisme de chacun. Par des procds comme la technique de lastrologue il convainc de sa capacit prdictive et, par la technique du
chaud et du froid, lusage de linsinuation ainsi que lutilisation du groupe
comme une entit unie face lindividu, il maintient le lien dasservissement.
Daniel Zagury conclut son intervention en mettant en garde contre
la toute-puissance de lexpert auquel on confierait la tche de qualifier lui seul linfraction. Aussi propose-t-il un ensemble de questions poser pour cerner le
phnomne demprise mentale afin dviter le recours des concepts trop
peu dfinis, ce qui permettrait dchapper au pige du tout ou rien en centrant la
mission de lexpert sur ltablissement dune relation entre une infraction prsume et les
modalits relationnelles instaures entre le mis en examen et les victimes prsumes.
12
MIVILUDES
***
Depuis la cration de la premire Adfi en1974 Rennes, la connaissance du phnomne sectaire sest toffe et complexifie: lintervention
crite dAnne Fournier, professeur agrg dhistoire et reprsentant lUnadfi,
fait le point sur les avances dans ce domaine afin dinterroger ce que recouvre
la notion de victime dans le cadre dune drive sectaire.
Lentre dans le groupe sectaire ne sexplique plus de la mme
manire: le concept demprise est prfrable celui de manipulation mentale
longtemps employ, car la manipulation psychologique et son corollaire, le
deprogramming, ne peuvent dcrire que les effets temporaires dune pression
exerce sur un individu sans que la conscience ne soit altre long terme.
Lemprise permet au contraire de comprendre la longue dure de lappartenance sectaire car, en insistant sur le fait que lindividu participe activement
son propre enfermement, ce concept permet de faire voir comment celui-ci
sest reconstruit progressivement dans sa personnalit dadepte.
Parler demprise semble exclure lide quil y aurait un profil de victime sectaire, une fragilit particulire. Pour autant, observer le turn over
dans les mouvements sectaires, on constate que sy retrouve une mme catgorie de personnes, mues par la mme qute, souvent des sortants de sectesqui
cherchent retrouver lexprience motionnelle prouve dans leur groupe
initial et qui, dues dans leurs attentes, passent dun mouvement un autre,
pratiquant une forme de tourisme sectaire.
Ce comportement sapparente par bien des cts celui de laddiction
et, suivant cette comparaison, Anne Fournier conteste que tout un chacun puisse
devenir adepte sectaire. Il y aurait bien un certain type de personnalit susceptible dtre attir par un mouvement sectaire: comportement ordalique lorsque
lentre dans un groupe sectaire se joue vers 18ans, personnalit dpendante ou
personnalit schizode lorsquelle se fait aux alentours de la trentaine.
Anne Fournier conclut sur la ncessit de repenser la victimologie
sectaire: contre lide selon laquelle la victime dune emprise serait ncessairement irresponsable, elle affirme limportance de la question de la culpabilit de ladepte, et regrette que, dans les procs judiciaires, seul le leader charismatique soit inquit. En effet, le fonctionnement du groupe sectaire est
complexe et il est ncessaire que dans une enqute soient tudis le rle et la
place de chacun au sein du groupe: Il faut pouvoir condamner mmes des victimes
(elles ont t sous emprise) pour quelles puissent imaginer ensuite se reconstruire, en
ayantpay pour leurs fautes.
Deuxime partie
Pour Georges Fenech, dput du Rhne, ancien prsident de la
Miviludes, il ny a fort heureusement pas demprise du phnomne sectaire
sur la sphre politique, mais un travail mthodique et discret de recherche
14
MIVILUDES
Alain Milon insiste galement sur le fait quil faut compter parmi les
victimes les personnes qui sont vendues des formations et qui, endettes pour
financer celles-ci, nont dautre choix que dexercer leur tour et former de
futurs formateurs, participant ainsi la diffusion dune pratique qui sest referme sur eux comme un pige.
Face aux difficults quil y a dtecter les situations demprise mentale dans le domaine des pratiques thrapeutiques dviantes, le prsident de
la Commission denqute du Snat affirme: Ce dont cette enqute nous a tous
convaincus, cest que lemprise mentale a vraiment sa place dans le domaine de la sant
essentiellement cause de la particularit du rapport entre le soignant et le soign. Un
soignant nest pas un prestataire comme un autre. Il incarne une forme dautorit, et
cest au nom de cette autorit quon lui fait confiance. Cest pourquoi, pour Alain
Milon, il est ncessaire de revenir sur la notion de libre consentement dans un
domaine o, du fait de lignorance o se trouve le patient des consquences de
ses choix, on ne peut parler de consentement clair.
Alain Milon sinquite du dveloppement de ces pratiques thrapeutiques dviantes portes par le vritable supermarch de soins quest devenu
Internet, mais aussi par le fait quelles bnficient de nombreux signes de
respectabilit, commencer par leur reconnaissance parfois par lhpital
public. ces difficults sajoute le fait que ces officines revendiquent la libert
thrapeutique et, en assimilant les pratiques de soins non conventionnels
la dfense des liberts fondamentales, elles se posent comme victimes dun
complot. lheure o la mdecine classique fait lobjet de nombreuses contestations, ce type de revendication contribue brouiller linformation du public
et renforcer ses prventions son encontre.
Le snateur conclut son intervention en exposant quelques-unes des
41propositions du rapport de la Commission denqute parlementaire.
***
Roger-Franois Gauthier, Inspecteur gnral de ladministration de
lducation nationale et de la recherche et membre de la Mission de prvention des phnomnes sectaires de lducation nationale, prsente le problme
en ces termes: La question de la fragilit devant les risques demprise est au cur des
questions dducation. Et non pas une question marginale. On pourrait dire en effet que
lentreprise historique dducation au sein de la Rpublique est toute entire tourne contre
les emprises sur les enfants, pour la construction progressive de leur libert de penser.
Sinterrogeant sur la faon dont on peut dfinir le risque demprise
dans le domaine de lducation, Roger-Franois Gauthier remarque que la
difficult tient larticulation de la libert des familles et lobligation dinstruction. Les familles ont le droit de transmettre aux enfants autre chose que
la connaissance du rel telle que la reconnat, une date donne, la communaut scientifique, transmettre une ducation religieuse notamment, mais ce
droit est tempr par la finalit dinstruction qui oblige louverture, au pluralisme et la recherche dobjectivit, critres qui invitent reprer le domaine
o lemprise peut sexercer. cette fin, le socle commun de connaissances et
de comptences vot en2005 est un outil de contrle prcieux car, et ce pour
la premire fois, le lgislateur explicite clairement ce que la Nation demande
chaque lve dacqurir, quel que soit son mode dinstruction cole publique,
sous contrat, hors contrat, ou instruction domicile, en se proccupant de
Troisime partie
Didier Ribes, agrg des facults de droit, matre des requtes au
Conseil dtat, montre, dans un premier temps, que si la lutte contre les drives
sectaires doit sinscrire dans le cadre de ltat de droit, elle y puise surtout sa
lgitimit.
Ltat de droit garantit la libert de lindividu contre les ingrences
de la puissance publique Didier Ribes parle de devoir du plus fort et cest
dailleurs sur ce fondement que diffrents groupes de croyance qualifis de
sectaires ont pu obtenir la condamnation par la Cour europenne des droits
de lhomme de diffrents tats, dont la France encore rcemment. Mais ltat
de droit impose galement que ltat garantisse les liberts dans les relations
prives, cest ce droit du plus faible qui lgitime laction de ltat contre les
ingrences des mouvements sectaires. Face au phnomne demprise mentale
qui se dveloppe justement l o la libert de choix et de dcision est la plus
protge, ltat doit plus que jamais garantir leffectivit des droits fondamentaux: Cette protection tatique des liberts dans les relations prives concrtise le droit
du plus faible.
La deuxime partie de lintervention dgage les deux grandes obligations pour ltat que gnre sa responsabilit dans la lutte contre les drives
sectaires, obligation de rpression et obligation de prvention, en sappuyant
sur la jurisprudence de la Cour europenne des droits de lhomme, du Conseil
dtat et des juridictions franaises.
16
MIVILUDES
ncessaire garantie des liberts et droits fondamentaux dans les relations prives car cest
aujourdhui au moins autant, sinon davantage, dans les relations prives que dans
les rapports avec ltat que lindividu, surtout lorsquil est vulnrable, peut tre victime
dabus et de restrictions illicites de ces droits.
***
Laurent Chambaud, docteur en mdecine, directeur de lcole des
hautes tudes en sant publique (EHESP), analyse limpact des drives sectaires
sur lgalit devant la sant et la perte de chances face la gurison.
Pour ce, il rappelle le changement paradigmatique important que
connat la sant depuis ces vingt dernires annes. La sant est passe du
domaine priv lespace public, son approche dans notre socit sest transforme sous le fait dune triple volution: la transition pidmiologique, par
laquelle les maladies chroniques ont remplac les maladies infectieuses aigus,
la contestation du modle biomdical, notamment par le succs de la vision
holistique de la maladie et la progression des droits des patients. Dans ce
contexte, la notion de perte de chances en ce qui concerne les drives sectaires
se caractrise comme le refus de bnficier de soins diagnostics ou thrapeutiques,
sous linfluence dune emprise mentale, conduisant des choix sans libre arbitre.
Laurent Chambaud insiste sur la prudence qui doit tre de mise
lorsquil sagit dapprcier la ralit dune situation dans le processus de soins,
daccompagnement ou dans la prvention; prudence qui doit tre conserve
galement dans la mise en garde contre les mdecines ou thrapies dites alternatives, sous peine de perdre en crdibilit et alimenter davantage encore les
raisons pour lesquelles certains se dtournent de la mdecine conventionnelle.
Tout recours un mode de soin alternatif ne peut tre interprt lui seul
comme un risque de drive sectaire, il est donc ncessaire dapporter des lments
complmentaires qui ont trait lobjectivit de la perte de chance par le refus explicite de
pratiques diagnostiques ou thrapeutiques ayant fait preuve de leur efficacit et par une
forme demprise mentale ayant conduit ce refus.
Pour Laurent Chambaud, linformation en sant connat des mutations
profondes du fait de lutilisation dInternet, et cest sur ce terrain que se jouent
les possibilits de drive mais galement leur prvention. Aussi souligne-t-il
lintrt de certaines mesures, celle nonce par la Commission denqute parlementaire du Snat dtendre les possibilits dintervention des enquteurs
de la cyberpatrouille de la gendarmerie nationale, celle annonce par Madame
la ministre de la Sant de mettre en place un service public dinformation en
sant, celle offerte par la rcente loi sur la refondation de lcole qui pour la
premire fois nonce que les actions de promotion de la sant des lves font
partie des missions de lducation nationale.
Le directeur de lEHESP souligne limportance de la formation des
cadres de notre systme de santqui doit pouvoir intgrer une sensibilisation
aux consquences sanitaires des drives sectaires auprs des publics hospitaliers,
des professionnels des agences rgionales de sant, des professionnels de la sant
18
MIVILUDES
***
Clture du colloque
Manuel Valls, ministre de lIntrieur, clt le colloque en soulignant
limportance et la difficult du combat men contre les drives sectaires.
Son importance, car: Les sectes, si on va vite, cest la ngation de lindividu, de sa dimension sociale, citoyenne, libre. Mais aussi de sa dimension personnelle,
familiale. Les sectes cest donc avant tout la ngation de ce que lon pourrait appeler le
vivre ensemble, cest la fracturation, lexclusion.
Sa difficult, du fait de la complexit dterminer o finit le libre-arbitre,
la libert de conscience et o commencent le suivisme, lintransigeance, lemprise sur
lindividu, bref: ce qui est condamnable. Difficult renforce aujourdhui par la
rapidit de circulation des informations par Internet, lvolution des pratiques
religieuses et des pratiques de sant et la transformation du paysage sectaire
qui connat le dveloppement de microstructures et de rseaux informels.
ce titre, Monsieur le ministre souligne le rle clef du travail des
experts, travail dobservation et de synthse initi par les Commissions denqute parlementaire et partir duquel a pu tre forge une dfinition non pas
juridique mais pragmatique et finalement assez prcise de la secte. Cette expertise
que lon retrouve tous les niveaux, chez les agents de ltat et les collectivits
territoriales, dans le travail de collaboration de la Miviludes avec les services du
ministre de lIntrieur, Paris ou dans les prfectures, permet de fonder sur
des questions de dfinitions et de droit le travail dchange dinformations et
de protection des citoyens: toute laction du gouvernement sinscrit en effet
dans lobjectif de recherche et de qualification juridique des faits qui peuvent
tre rprims.
Manuel Valls conclut: Les sectes prosprent sur la faiblesse des personnes. Et
combattre les sectes, cest donc aussi toujours veiller rendre plus fortes nos institutions.
partie
Le risque sectaire
et Internet
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Introduction au texte
de Grald Bronner
Mtamorphose du croire radical:
pourquoi Internet peut-il tre un
incubateur de la pense extrme?
En2008, la Miviludes analysait dans son rapport la faon dont Internet
participe de lamplification du phnomne sectaire: non seulement Internet
offre certains groupements sectaires une possibilit ingale de diffuser leur
concept cr ad hoc et toucher un public suffisamment large pour que sy rencontrent de potentielles cibles, mais Internet donne galement aux mouvements sectaires les moyens de sorganiser sous de nouvelles formes, leur permettant notamment damnager leur irresponsabilit juridique. Ces nouvelles
organisations transforment le paysage sectaire: le phnomne ne caractrise
pas seulement des groupes gographiquement localiss, il sapplique galement des mouvements plus diffus o le fonctionnement communautaire et
lallgeance un individu ou une doctrine sobservent toujours mais travers
une architecture complexe de sites et de blogs recouvrant des structures juridiques diverses.
Le rapport 2010 de la Miviludes a ainsi pu faire tat de cette transformation en prsentant la faon dont certains mouvements sorganisent en
rseau et constituent galement des rseaux intermouvements. Le vecteur
essentiel de cette transformation est lusage dInternet, plus prcisment du
Web2.0 qui, en en simplifiant lusage et en favorisant ainsi la possibilit pour
chacun de proposer des contributions, dchanger et dinteragir, a permis
ces mouvements organiss en entits distinctes de diffuser massivement
leur idologie par la mise en commun de relais dinformation, la recherche
de soutiens, voire de cautions institutionnelles, et par la coordination de
dmarches dinfluence.
Internet, en tant que moyen de communication, apparat comme un
vecteur de dveloppement des mouvements caractre sectaire car il facilite
leur rorganisation et leur mise en rseau. Toutefois, son rle dans le dveloppement du phnomne sectaire lui-mme ne va pas de soi, et il semble mme
paradoxal que ce formidable moyen de diffusion de la connaissance puisse tre
un incubateur du sectarisme alors que tout semble sy opposer.
Si, comme lanalysent certains sociologues, le dveloppement dInternet a t porteur de lutopie dune socit de la connaissance, cest que
cette nouvelle technologie est porteuse dun espoir politique fort o se runissent les exigences dun progrs intellectuel et dun progrs social: pour la
premire fois des connaissances sont potentiellement accessibles tous, et la
diffusion massive de linformation multiplie les sources en court-circuitant les
hirarchies traditionnelles. De telles caractristiques sont lexact contraire de
la pense sectaire, aussi est-il plus que ncessaire aujourdhui de comprendre
comment cet outil qui combine diffusion de la connaissance et libert dexpression peut induire dans certains cas crdulit et alination.
Pour lever ce paradoxe, la Miviludes a demand au sociologue Grald
Bronner dexposer les rsultats de ses travaux. Grald Bronner est professeur
de sociologie luniversit Paris-Diderot, spcialiste de sociologie cognitive, il
sattache tout particulirement tudier lunivers des croyances en proposant
un modle explicatif fond sur la rationalit des acteurs.
Dans ses ouvrages Lempire des croyances (Paris, PUF, 2003) et Vie et
mort des croyances collectives (Paris, Hermann, 2006), la perspective de Grald
Bronner est dtudier lensemble des facteurs qui font quun individu rationnel peut adhrer des croyances qui, de lextrieur, se donnent pour irrationnelles, sans recourir dautre explication que la seule rationalit de lindividu luvre. Cette rationalit est restreinte par les capacits cognitives de
lindividu, limite dans le temps et dans lespace, mais aussi par son inscription
culturelle ou ses erreurs de raisonnement, ce que Grald Bronner tudie en
tant que biais cognitifs. Pour comprendre comment un individu peut en
venir adhrer telle ou telle conviction, Grald Bronner prend acte de ces
facteurs et recourt limage du march: dans nos socits les individus sont
en contact avec une multiplicit de connaissances et de croyances et, face
cette offre, sur ce march cognitif, ladoption dune ide au dtriment dune
autre peut se comprendre en termes de cots et davantages il peut y avoir de
bonnes raisons dadhrer des ides draisonnables.
Lintrt de lapproche de Grald Bronner est de sortir de lopposition
entre rationalit et irrationalit, entre pense magique et pense scientifique, opposition qui interdit justement de comprendre le phnomne de la
croyance et, dans le cas de la drive sectaire, entretient lide nfaste pour les
victimes que les cibles du phnomne sectaire relveraient ncessairement de
la pathologie, de la folie ou de lignorance.
ce titre, son ouvrage La pense extrme, Comment des hommes ordinaires
deviennent des fanatiques (Paris, Denol, 2009), propose de remarquables analyses de la pense sectaire: celle-ci est lune des formes de la pense extrme,
dfinie comme le fait dadhrer radicalement une ide radicale.
24
MIVILUDES
Mtamorphose du croire
radical: pourquoi Internet
peut-il tre un incubateur
de la pense extrme?
Rsum:
Le croire radical qui caractrise ladhsion sectaire est longtemps
demeur confin socialement. Cet article explore la faon dont les nouvelles
conditions du march de linformation, et notamment sa drgulation via
Internet, modifient les voies qui permettent aux individus de sassocier les uns
aux autres, notamment dans lextrmisme et les processus de radicalisation
et aident le croire se mtamorphoser pour devenir plus performant sur le
march cognitif.
La tendance communautaire
du croire radical
Le croire radical peut prendre bien des figures, les plus videntes tant
celle proccupante du terrorisme ou de lactivisme sectaire. Malgr la diversit
de ces figures, il exprime toujours ce que lon peut appeler une pense extrme,
qui manifeste laptitude de certains individus sacrifier ce quils ont de plus
prcieux (leur carrire professionnelle, leur libert) et en particulier leur
vie, et dans de nombreux cas celle des autres aussi, au nom dune ide. Sous
cette forme, le croire radical subit souvent une dsapprobation sociale. Les
individus qui sy abandonnent prennent le risque dune forme de sanction diffuse ou formelle qui les isole peu peu.
Cette dsapprobation rend la survie de la croyance radicale souvent
difficile dans lespace social et ncessite donc des conditions dpanouissement particulires o la cohsion dun groupe restreint jouera plein. Cest
pour cette raison que la plupart des groupes sectaires cherchent, dune faon
ou dune autre, viter cette concurrence cognitive hostile qui prend par
exemple la forme de la rprhension sociale. Celle-ci, lorsquelle est porte
par les tres les plus chers au cur de celui qui est en train de sabandonner
un processus de crdulit radicale peut, dans certains cas, tre efficace. Par cet
isolement, le mouvement sectaire peut miser sur deux effets positifs pour elle.
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MIVILUDES
1 - Festinger L., Riecken H.et Schachter S.(1993), Lchec dune prophtie, Paris, PUF.
membres une emprise intense, de dure illimite dans son intention tout du
moins, couvrant un champ tendu (pouvant relever du domaine affectif, des
croyances, des ides et comportements les plus intimes), peu permable
lcosystme social.
Lextrmiste cherchera souvent se rassrner auprs de ses pairs
et il aura bien des occasions dprouver une foi si souvent dsapprouve par
ses contemporains. ce titre, plusieurs commentateurs ont soulign que les
convictions minoritaires, lorsquelles finissent par tre endosses par un individu, le sont de faon plus ferme et durable. Certains ont mme soulign que
les engagements religieux des individus appartenant des minorits de conviction taient plus profonds et les conduisaient des sacrifices plus importants.
Comment lexpliquer? Pourquoi les groupes majoritaires sont-ils composs
dindividus semblant moins convaincus que ceux des groupes minoritaires?
Lexplication peut tre en partie donne par les mcanismes du march cognitif. Les individus dfendant des ides minoritaires sur le march sont
confronts une contradiction par dfinition plus importante que ceux des
groupes majoritaires. En consquence, face aux arguments opposs, nombreux
sont ceux qui abandonnent leur doctrine initiale, ou qui ne lendossent pas. En
revanche, aprs cette slection svre, ceux qui conservent leur foi sont aussi
ceux qui ont une force de conviction importante. linverse, les croyants des
groupes majoritaires ont moins souvent lopportunit de mettre leur conviction lpreuve de la contradiction. En conclusion, ce processus darwinien de
slection rend compte du fait que la probabilit de rencontrer des individus
ayant un rapport inconditionnel leurs croyances est plus importante dans
les groupes minoritaires que dans les groupes majoritaires. Comme lexplique
Hussein, converti lislam et aux ides trs radicales, chaque difficult peut
tre considre comme une grce pour lextrmiste: Pour moi cest une preuve
supplmentaire quAllah menvoie pour que je montre au grand jour ma foi. Je serai
rcompens dans lautre monde.3
Cette ralit psychosociologique du croire radical qui caractrise le
monde sectaire est sans doute une des raisons efficace de son confinement
social: la possibilit pour le gourou de voler dans les airs ou de faire lviter les
lphants (Sri Chinmoy), lide que les chevelus entendent Dieu en stro, les
batailles livres par le gourou 100000 lmuriens (Mandarom), lexistence
de contrat de travail pour un milliard dannes (Scientologie) sont autant
de propositions qui paraissent ne pouvoir tre que rarement partages dans
lespace public. Le point de vue extrmiste est donc assez rare, et la condition gographique limitant les individus, cela empche sans doute nombre de
personnalits potentialit radicale de sassocier. Or, cette association, nous
lavons vu, est fondamentale pour la prennit de ces croyances sectaires.
30
MIVILUDES
3-Khosrokhavar (2006).
Internet et la fluidification
des liens sociaux
Parce quInternet permet de saffranchir de certaines contraintes gographiques, il fluidifie pour le meilleur, comme pour le pire, les liens sociaux.
Facebook par exemple nous permet de retrouver des amis que nous
avions perdus de vue, de rejoindre des groupes dont nous partageons les ides.
Nous ne nous soucions pas alors de lorigine gographique ( lexception de la
barrire de la langue) des participants ces groupes: des individus partagent
certaines de nos convictions et, sans ce rassemblement thmatique et virtuel,
nous ne les aurions sans doute jamais rencontrs. Nous inhibons tous certaines
de nos convictions, de nos intrts, selon les groupes sociaux que nous frquentons, or, grce la fluidification des rapports sociaux que permet Internet,
nous pouvons crer facilement des lots dhomognit cognitive, mme si
lobjet de notre intrt est rare dans lespace social. Il en va de mme pour les
ides radicales, Internet permet de lever la difficult de leur raret. Plusieurs
exemples rcents montrent que certaines phases de radicalisation mentale se
ralisent sur la toile, cest notamment le cas des apprentis djihadistes4. Cest
dautant plus vrai que certains groupuscules radicaux organisent des trollings
en essaim sur certains forums de discussion pour crer une illusion de majorit, nous y reviendrons.
Une des mesures tangibles de cette fluidification du lien social grce
Internet est rvle par la clbre mesure de Milgram des degrs de sparation.
Le psychologue a ralis une exprience fameuse dans les annes 1960. Elle
consistait demander 296personnes de faire parvenir une lettre destination dun habitant dune ville quils ne connaissaient pas. Il ne sagissait donc
pas de la lui envoyer directement mais de choisir des destinataires susceptibles
de connatre cette personne. Les rsultats de cette astucieuse exprimentation
montrent que six personnes en moyenne sont ncessaires pour raliser la tche.
De l vient lide quentre nous et un autre individu que nous ne connaissons
pas, il y a 6 degrs de sparation. Or, on peut montrer que sur Facebook notamment5 il ny a que 4,74degrs entre deux individus pris au hasard. Cette mesure
montre quInternet, en densifiant les ressources des rseaux sociaux, permet
de mettre plus facilement en contact des personnes que lespace gographique
spare. Si lon ajoute cela que quelques mots cls suffisent aboutir des sites
radicaux et/ou sectaires sur Internet, on comprend que la drgulation du
4-http://magazine.qualys.fr/cyber-pouvoirs/terrorisme-radicalisation-sur-Internet/
5-https://www.facebook.com/notes/facebook-data-team/anatomy-of-facebook/10150388519243859
march change beaucoup la faon dont les individus peuvent sassocier les uns
aux autres. Il nest plus besoin aujourdhui de sisoler dans une communaut
gographiquement situe pour prendre le risque de lisolement cognitif et de
la radicalisation.
Cette insularit cognitive est renforce par ailleurs par les nouvelles
conditions de diffusion de linformation sur le march cognitif.
32
MIVILUDES
6-Le march cognitif est une image qui permet de reprsenter lespace fictif dans lequel se diffusent les produits
qui informent notre vision du monde: hypothses, croyances, informations, etc. Ces produits cognitifs peuvent
tre en concurrence ouverte ou, au contraire, en situation oligopolistique, voire monopolistique. La plus ou
moins grande libralisation du march dpend de plusieurs critres, le plus vident tant le politique.
7-Soit 1018 bits.
plus, selon les prfrences politiques des acheteurs. Il sagit dune ralit aussi
ancienne que lhomme et que le biais de confirmation, et compte tenu de la
rvolution du march cognitif, elle permet den dduire le thorme de la crdulit informationnelle. Celui-ci se fonde sur le fait que le mcanisme de recherche
slectif de linformation est rendu plus ais par la massification de cette information. Tout cela concourt assurer la prennit de lempire des croyances.
Ce thorme peut donc snoncer sous sa forme la plus simplifie ainsi: plus
le nombre dinformations non slectionnes sera important dans un espace social, plus la
crdulit se propagera.
Ce mcanisme qui est favorable la prennit des croyances en gnral est particulirement protecteur pour celui qui est en voie de se radicaliser
et qui pourrait tre dtourn de cette voie par les obstacles que la vie sociale
habituelle oppose ce genre de phnomne.
Cest particulirement vrai parce que les croyants russissent imposer sur la toile des oligopoles cognitifs qui ne paraissent paradoxaux que si
lon perd de vue la faon dont le rapport de force sinstaure sur ce march de
linformation.
34
MIVILUDES
12 - Je nai fait ici que rsumer certains rsultats, pour ltude complte et la mthode suivie voir Bronner
(2013).
Nombre de sites
parmi les 30
premiers
Favorables
la croyance
Neutres
Dfavorables
ou non
la croyance
pertinents
Astrologie
28
MonstreduLochNess
14
12
Crop circles
14
14
Psychokinse
17
certaines dispositions de notre esprit et organise une prsentation de linformation pas toujours favorable la connaissance orthodoxe. En dautres termes,
la libre concurrence des ides ne favorise pas toujours la pense la plus mthodique et la plus raisonnable.
Or, si la variable motivation est bien descriptive de ce processus de
domination, elle lest plus encore pour les croyances radicales. En effet, la radicalit est corrle le plus souvent la motivation de ceux qui en sont porteurs:
les extrmistes sont, plus que le croyant moyen, prts faire des sacrifices pour
dfendre leurs croyancessurtout sil sagit de sacrifier du temps pour voir
leurs ides dominer sur un march drgul. Cest ainsi que certains groupes
radicaux sorganisent en essaim pour troller des forums, ce qui contribue
diffuser certains items de radicalit dans lespace public. Leur but est de rendre
visibles leurs ides et de donner limpression illusoire quelles sont largement
partages. Pour comprendre ce phnomne, revenons un fait divers qui a t
trs comment.
Le 11septembre 2013, un bijoutier a tir sur deux malfaiteurs tentant
de braquer son commerce. Il a caus la mort de lun deux. Connu dsormais
sous le nom de bijoutier de Nice, lhomme devra rpondre de son acte
devant la justice. Cette affaire naurait pas tant fait parler delle si les rseaux
sociaux ne sen taient empars. Une page de soutien a t immdiatement
cre sur Facebook et, la surprise gnrale, a recueilli plus dun million de
signataires en quelques jours13. Beaucoup de commentateurs ont considr
que lampleur du soutien indiquait une lepnisation des esprits. De nombreux facebookiens constataient avec dgot que certains de leurs amis avaient
lik la page de soutien. En dautres termes, ils dcouvraient quils avaient,
sans le savoir, cohabit avec le diable. En fait, le soutien au bijoutier ne dit pas
grand-chose de plus quune approbation impulsive de la loi du talion. Or cette
loi est probablement lun des invariants moraux des socits humaines14, il ny
a rien l que de trs ordinaire. Mais pourquoi cela a-t-il suscit tant de commentaires en ce cas. Quy avait-il l de nouveau?
La seule chose notable, mais pas des moindres, est que ce qui aurait
relev auparavant de discussions de comptoir, dchanges privs, sest soudainement vu lev au rang dinformation publique. Ce que permet ici Internet,
cest de confrer une visibilit sociale la banale approbation de la loi du talion.
Auparavant, les mdias conventionnels nauraient pas consacr un article
cette approbation (sauf si un sondage avait t ralis ce sujet), aujourdhui ils
y sont contraints. De la mme faon, des controverses fondes sur la fantasmagorie quinspirent les gender studies certains esprits radicaux ont aid diffuser
lide quon allait dguiser les garons en filles dans les coles maternelles ou
encore quon allait apprendre aux enfants se masturber! Ces croyances existaient dans certains milieux extrmistes (proches dgalit et Rconciliation)
et ont pu essaimer au-del de leur espace de radicalit grce ces processus de
36
MIVILUDES
auraient les actes dun individu qui serait dtermin faire le bien sans ressentir jamais aucune tentation? Les belles mes nont pas de vertus parce quelles
nont pas de vices.
Or, comme nous sommes porteurs de ces tentations, la lgitimit que
lon confre certaines dentre elles va tre en partie fonction de ce que lon
croit que les autres croient. Une forme de croyance miroir. Si nous avons le sentiment que les autres sont majoritaires exprimer une ide, il se peut que nous
mettions lagenda de notre esprit des propositions qui, sinon, seraient restes
ltat de potentialit. Le risque que nous fait prendre la nouvelle situation du
march de linformation est celui dune mise en scne indite dun dmagogisme cognitif qui rend redoutable lexpression de ces croyances miroirs. Cette
expression na pas besoin dtre objectivement fonde pour tre efficace, il
suffit ceux qui y ont intrt den donner lillusion. Nous revenons donc prsent aux processus de radicalisation permis par la contamination de certains
items extrmistes qui vont passer, grce au travail sans relche des croyants
motivs, pour du bon sens.
Ainsi, un militant extrmiste expliquait rcemment dans un entretien
accord au Midi Libre15 que certains groupuscules se livrent une occupation
constante de forums proposs par tous les sites dinformation. Ces forums
prennent prtexte darticles publis dans tel ou tel quotidien pour commenter lactualit. Ds lors, la motivation des militants et donc leur disponibilit leur permet de faire masse sur ces espaces dchanges lectroniques. Leur
point de vue nest certainement pas reprsentatif de lopinion gnrale, mais
ils peuvent crer lillusion dune majorit silencieuse qui tire parti de lanonymat de la toile pour faire enfin entendre des points de vue de bon sens. Sans
tre un mouton, celui qui lit ces changes, qui se sent mu par tel fait divers
et en mme temps indcis quant aux conclusions quil faudrait en tirer, a des
chances de se laisser influencer par le rapport de force argumentatif impos
sur ces forums.
Cest exactement la mme tactique dont usent les conspirationnistes
du 11septembre par exemple, et particulirement ceux qui se rclament de
lassociation reopen 9/11. Ceux-ci se livrent par ailleurs une forme de harclement sur leurs contradicteurs publics (en envoyant par exemple des courriers
obsessionnels aux collaborateurs, collgues, associs de ces contradicteurs
dans le but de les discrditer) ainsi que le font traditionnellement certains
groupements sectaires.
La drgulation du march na pas pour seule consquence de favoriser la visibilit des croyances, radicales ou non, elle les aide devenir plus
performantes parce que plus convaincantes.
38
MIVILUDES
15-http://www.midilibre.fr/2012/10/08/un-militant-repenti-balance-les-secrets-de-l-ultra-droite,574771.php
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MIVILUDES
un supermarch sans avoir dide ferme sur la marque qui lui conviendra le
mieux. Cet individu a plus de chances quun autre (qui cherchera de faon
privilgie sa marque habituelle) de se laisser influencer par la faon dont les
rayonnages ont t conus. Cette hypothse, je lai teste en menant avec certains de mes tudiants une exprience sur la variation du croire.
Le but de cette exprience19 tait dvaluer linfluence possible de la
consultation dInternet concernant une croyance, celle lie aux expriences de
mort imminentes (EMI). De quoi sagit-il? Les personnes qui prtendent avoir
vcu une EMI ont souvent eu un accident grave dans lequel elles ont failli mourir. Dans le moment o elles ont perdu conscience, elles narrent parfois avoir
vu un tunnel blanc, ou simplement avoir flott au-dessus de leur corps. Nous
avons tous plus ou moins entendu parler de ces rcits. Les 103 sujets volontaires20 de cette exprimentation avaient tous entendus parler des EMI, on leur
demandait, aprs un court entretien sur le sujet, dvaluer leur conviction que
ces phnomnes rvlaient lexistence dune vie aprs la mort sur une chelle
de 010 (0signifiant quils ny croyaient pas du tout/10quils y croyaient absolument). Ensuite, pendant 15minutes un ordinateur connect Internet leur
tait fourni et on leur demandait de faire des recherches sur ce sujet comme
ils lentendaient, sachant que le moteur de recherche utilis, Google Chrome,
permettait de lister et de chronomtrer le temps pass sur chaque site. Ensuite,
un deuxime entretien sengageait pour valuer la faon dont les sentiments
du sujet avaient volu, ou non, concernant ce thme. Puis, pour conclure
cet entretien, on demandait une nouvelle valuation de la croyance sur une
chelle de 010.
Pour analyser ces rsultats, jai considr quune dclaration de
croyance comprise entre 0et2 et entre 8et10 traduisait une conviction forte
(que les EMI font la preuve quil existe une vie aprs la mort, ou linverse).
Rciproquement, une dclaration comprise entre 3 et 7, elle, indiquait une
croyance plus incertaine. Les rsultats globaux montrent que 69 sujets ne
changent pas davis et 34 modifient leur point de vue. Les conditions exprimentales ne rendaient pas trs propices ces dclarations de changement.
Dune part, parce que le temps imparti tait faible (15 minutes) et dautre
part, parce que certains des interviews eurent sans doute cur de montrer
quils ntaient pas des girouettes et avaient un peu de suite dans les ides:
ils rpugnaient admettre quils pouvaient se laisser influencer par Internet.
Malgr ces difficults, ces rsultats rvlent des informations intressantes.
Ainsi, si lon analyse la diffrence entre les individus qui ont une conviction
initiale forte (47 dentre eux) et ceux ayant un point de vue moins affirm
(56dentre eux), on observe que ceux qui changent de point de vue aprs la
consultation dInternet est bien plus importante chez les seconds que chez les
premiers. En effet, chez les convaincus, 11% seulement changent leur point
19 - Je remercie ici les tudiants strasbourgeois de la promotion 2011-2012 de lenqute inter-anne sans laide
matrielle desquels cette exprimentation naurait pu se faire.
20 - Ils avaient t choisis en fonction de leur ge et se rpartissaient galitairement dans sept classes: (18-30);
(31-40); (41-50); (51-60); (60 et +).
de vue (mme marginalement), tandis quon en trouve 52% chez les autres.
Or, parmi ces versatiles, 26,5% dclarent quils trouvent moins probable le
fait que ces EMI rvlent lexistence dune vie aprs la mort, pour 73,5% qui
vont vers plus de croyance.
Dans cette exprience, non seulement les versatiles se recrutent en
plus grand nombre chez les indcis mais encore leur versatilit les orientent
vers une interprtation mystique plutt que rationaliste de ces phnomnes.
Faut-il sen tonner? Pas vraiment, si lon sintresse de plus prs la faon
dont le march cognitif est organis sur un certain nombre de sujets ou, pour
reprendre la mtaphore du supermarch, la faon dont le rayonnage rend
disponibles certains produits plutt que dautres.
Cest prcisment parce que ces irrsolus peuvent potentiellement former le cortge de nouveaux croyants quil faut prendre la question trs au
srieux. Plusieurs indices de diffusion dides douteuses ou fausses durant les
annes2000 peuvent en effet retenir lattention.
On remarque ainsi que les Franais ont une reprsentation en partie
fantasme des risques de cancer. Cest ce qutablit une tude publie en2012
par lInstitut national du cancer (Inca) et lInstitut national de prvention et
dducation pour la sant (Inpes), qui montre que certaines inquitudes illgitimes progressent de faon spectaculaire. Alors que nos concitoyens taient,
en 2005, 49 % croire, contre les donnes scientifiques disponibles, que
vivre proximit dune antenne relais augmentait les risques de cancer, ils
taient 69% en 2012! Plus grave, une tude rcente21 a montr que 38,2%
des Franais taient dfavorables la vaccination en2010, alors quils ntaient
que 8,5% dix ans auparavant. Cette mfiance lencontre des vaccins est bien
entendu la consquence de la diffusion des craintes des effets secondaires que
cette technique peut, en effet, engendrer. Seulement, leurs trs rares effets
secondaires ne sont pas du tout rapports leurs immenses avantages sanitaires
dans lesprit de celui ou celle qui est victime de limagination du pire. Cette
mfiance concernant les vaccins a toujours exist dans certains milieux militants et/ou sectaires, mais il est manifeste que depuis quelques annes certains
de leurs arguments essaiment trs au-del de leur espace naturel de radicalit.
On pourrait faire le mme genre de remarques pour certains thmes
conspirationnistes (11 septembre, Illuminati, Club Le Sicle, etc.) qui selon
plusieurs sondages rcents se rpandent dans la population (notamment des
jeunes) et peuvent servir de marchepied vers une radicalisation antisystme.
Si lon sessaye, par prudence, limagination du pire, on pourrait craindre
que de nouvelles sortes de croyances sectaires mergent. Des croyances qui ne
se rattacheraient pas des structures fixes avec des leaders/gourous bien identifis. Ce type de nouvelles formes dadhsion radicale pourrait reprsenter le
visage des groupes sectaires de demain, insaisissables comme peut le permettre
la rticulation dInternet, mais produisant tout de mme des individus prts,
42
MIVILUDES
dans certains cas, passer lacte. Dissmins sur la toile, ces nouveaux mouvements sectaires constitueraient un nouveau dfi pour la dmocratie parce quil
serait tout aussi difficile de les identifier que de les nommer clairement. Ils ne
rvleraient leur visage qu travers les croyances quils diffusent. En revanche,
on peut parfaitement regarder avec attention lactivit de certains sites constitus comme des groupes (Reopen 9/11, galit et rconciliation, etc.) avec des
responsables identifis qui sont de massifs pourvoyeurs ditems de croyances et
dont certaines techniques de harclement peuvent facilement les assimiler
des groupes sectaires.
Pour conclure tout fait et largir mon propos je rappellerais que plusieurs caractristiques de notre contemporanit informationnelle concourent
lmergence de nouvelles formes dadhsion radicales, on pourrait ajouter
bien des choses ce sujet. On pourrait rappeler, par exemple, que cette drgulation du march cognitif gnre une pression concurrentielle qui place les
mdias orthodoxes dans des positions dlicates et rduit mcaniquement le
temps de vrification de linformation. On aurait pu montrer encore combien
cette situation rduit le temps ncessaire lincubation dun mythe collectif et
accrot donc le nombre de fables qui traversent notre espace public. Il aurait
t possible, enfin, de montrer comment notre temps prsent ne conduit pas
nos concitoyens croire ncessairement et inconditionnellement des choses
fausses, mais favorise nanmoins des dispositions considrer des visions paranodes du monde. Sans doute tout cela nest-il pas tranger la saillance du
sentiment de mfiance dont attestent de nombreuses enqutes menes dans les
dmocraties contemporaines: mfiance vis--vis des politiques, mfiance vis-vis des mdias, mfiances vis--vis des experts, des scientifiquesLa mfiance
quinspire en particulier le pouvoir est consubstantielle la dmocratie comme
le rappelle Rosanvallon (2006), mais dans le bras de fer qui sengage entre la
dmocratie des crdules et celle de la connaissance, elle vient en renfort de la
premire, plutt que de la seconde.
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44
MIVILUDES
Introduction
Vigilance de la Miviludes lgard du New Age
Le New Age est un courant culturel mondial touchant des millions dindividus. En tant que tel, le New Age excde largement le champ dobservation de
la Miviludes, mais il y aurait quelque pertinence sinterroger sur le caractre
intrinsquement sectaire dun courant de pense qui innerve des domaines
aussi divers que la spiritualit, la religion, la politique, lcologie, la littrature,
la musique, les pratiques de sant, de bien-tre, dducation, etc., et suscite
des degrs dadhsion extrmement varis, allant du seul intrt esthtique ou
ludique la ferveur religieuse, de la consommation individuelle pisodique
lendoctrinement un mode de vie au sein dun groupe structur.
Ltude des phnomnes sectaires invite toutefois se soucier de la
diffusion du discours et des pratiques New Age car ceux-ci ont constitu, par le
pass, un terreau favorable au dveloppement de groupements sectaires aisment identifiables22 et parce quils se retrouvent aujourdhui encore au cur
de nombreuses drives.
La Miviludes a dj fait tat des risques de sectarisme lis au New
Age dans ses prcdents rapports. Ce mouvement et il y aura lieu de
revenir sur la lgitimit de cette appellation inspire un ensemble de
pratiques qui ncessitent une certaine vigilance de la part de ltat, en raison
de leur effective dangerosit et de leur potentialit sectaire. Les rapports2005
et2006 font tat de linfluence de lidologie New Age dans certaines prises de
stupfiants, le rapport2009 dcrit lorigine New Age du no-chamanisme, et il
22 - On pense notamment aux drames lis lOrdre du Temple solaire (OTS) ou Heavens Gate. Pour ce
dernier groupe, voir larticle Le web de toutes les sectes de Patrick Sabatier, publi sur le site internet de
Libration, le 28 mars 1997, http://www.liberation.fr/evenement/1997/03/28/le-web-de-toutes-les-sectes-les-religions-les-plus-esoteriques-ont-leur-site-sur-l-internet_198646. Dautres affaires tmoignent du visage polymorphe
du phnomne sectaireissu du New Age selon quil soriente vers les psychologies alternatives, la mdecine holistique ou lcologie profonde:lInstitut de recherches psychanalytiques de Maud Pison; lcole internationale
de psychanalyse objectialiste dAndr Biry; la Facult de parapsychologie de Paris et son annexe dans lAisne la
Cit des immortels; coovie; etc.
Le New Age, et cest ce qui lui donne son nom, se caractrise en premier
lieu par une aspiration: la venue dun nouvel ge, dune nouvelle priode de
lhistoire de lhumanit. Pour Alice Ann Bailey (1880-1949), le Nouvel ge est
celui du retour du Christ, conu selon la tradition thosophique comme lun
des sept matres de lUnivers. Marilyn Ferguson (1938-2008) contribue populariser cette ide sous lappellation ge du verseau, une nouvelle re qui, selon
une croyance astrologique, succderait lre du poisson actuelle et annoncerait lge dor de lhumanit. Cette aspiration au changement de paradigme26
peut tre vcue de manire trs littrale, dans une perspective millnariste, ou,
de faon davantage mtaphorique, comme le sentiment urgent de la ncessit
46
MIVILUDES
23-Pratiques affilies telles que psychologie existentielle, cri primal, psychologie transpersonnelle, soins
nergtiques, thrapies par les cristaux, tantrisme, psychologie dynamique, programmation neurolinguistique
(PNL), analyse transactionnelle, reiki
24 - Il ne nous appartient pas ici de proposer une histoire culturelle du New Age et nous renvoyons sur ce sujet
aux ouvrages proposs en bibliographie.
25 - Les newagers ne se reconnaissent pas ncessairement comme tels. Par exemple, titre dillustration, voir
le forum La prophtie des Andes, et les analyses de Jean-Franois Mayer, Cahiers de lInstitut religioscope, no12,
avril2014, Le Phnomne 2012.
26 - Marilyn Ferguson reprend son compte un concept utilis par lhistorien des sciences ThomasKuhn dans
son ouvrage Structure des rvolutions scientifiques (1962). Dans cet ouvrage, Kuhn montre que lhistoire des sciences
ne se fait pas sur le mode dune dcouverte progressive de la vrit dans un domaine, donc dune volution
continue et cumulative, mais procde par rvolutions de pense, autrement dit par des changements brusques et
radicaux dans la manire de comprendre et dexpliquer un mme phnomne. Ces rvolutions sont des changements de paradigme, un paradigme tant le modle dominant dexplication auquel se rfre une communaut
scientifique pour tablir et orienter la recherche. Marilyn Ferguson dtourne le concept de paradigme de son
acception scientifique et caractrise par-l la faon gnrale dont les hommes se positionnent par rapport au
monde: dans Les Enfants du Verseau, le changement de paradigme dcrit une humanit qui rejetterait les fondements de la modernit pour raliser une part importante de son potentiel, psychique et spirituel.
27-En particulier via la Socit thosophique dHelena Blavatsky laquelle Alice Ann Bailey a appartenu.
48
MIVILUDES
28 - Il nen reste pas moins que cette opposition idologique a t rendue possible par la modernit mme et
illustre parfaitement ce quAntony Giddens nomme modernit rflexive: lindividu chappant la tradition
sculire se voit contraint de sinterroger sur ce en quoi il croit et choisit librement les systmes de valeurs et de
traditions auxquels se rattacher.
29 - Ce refus de lindividualisme est comprendre dans ses tenants philosophiques comme le contraire du
holisme, savoir un sujet qui se pense dans une rupture ontologique avec le monde (do la pense de labsurde
au xxe sicle) et dans une conscience de soi qui compose avec ses appartenances sociales sans sy rduire. La
pense du sujet comme libert, arrachement au monde et la communaut, soppose la pense dterministe
car substantialiste des tenants du Mouvement du potentiel humain, cf. infra.
30 - Dautres manifestations culturelles ont contribu diffuser lesprit New Age auprs du grand public, en particulier la musique diteplanante dans les annes 1970 et, aujourdhui, limaginaire New Age inspire le cinma,
lheroicfantasy, les jeux vido.
31 - Ces trois best-sellers tmoignent eux seuls de la diffusion des ides New Age auprs du grand public et de
la facilit avec lesquelles celles-ci sont recherches, voire adoptes, du moins sous leur forme fictionnelles ou
mtaphoriques.
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MIVILUDES
37 - titre indicatif, le 13octobre 2014, une recherche sur Google rfrence 464millions de pages Internet
pour le vocable New Age, 346000pour la terminologie francise de nouvel ge, et 5,47millions de pages pour
le terme channeling.
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MIVILUDES
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MIVILUDES
non ngligeables, en particulier pour les drives lies lidologie New Age. On
observe que celles-ci sancrent de moins en moins dans un groupe physiquement
constitu, dont les membres se connaissent et se retrouvent. Le groupe est bien
l, mais ltat gazeux: il est mobile, changeant et impalpable, ses membres
y adhrent ou se dsolidarisent facilement, selon la lecture quils vont faire du
fonds doctrinal, et selon quils vont limporter ou lessaimer lidentique ou avec
des variantes, ce qui ne prjuge en rien de leur degr dinvestissement et de la
possibilit pour eux de sengager dans des croyances et des pratiques de plus en
plus radicales et exclusives. Cette transformation du phnomne sectaire le rend
moins perceptible et moins vident, alors mme que lemprise est tout aussi forte
et les dommages pour lindividu et la socit tout aussi grands.
Le New Age, parce quil propose non seulement une spiritualit mais
aussi tout un style de vie alternatif, est profondment li des enjeux conomiques; on le dcrit comme clientliste, car fond sur un change de services
relationnels qui conjuguent adhsion spirituelle et consommation. Il sagit,
pour les acteurs, de pouvoir vivre de leurs croyances par des publications, des
confrences, des formations, des stages et une gamme infinie de pratiques;
pour les utilisateurs, dinvestir dans des formations et de les rentabiliser ensuite;
pour les consommateurs, daccder ces produits et ces services.
Indpendamment de sa diffusion sur Internet, le New Age est porteur dun
vritable march. La doctrine New Age, tant dans ldition que dans la formation
professionnelle, se trouve en bonne position45. Parmi les pratiques proposes se
retrouvent les techniques psychologisantes inspires par lInstitut Esalen, comme
le cri primal, le rebirth, le rolfing, lanalyse bionergtique, la gestalt thrapie
Avec Internet ce phnomne est dcupl. Internet offre des moyens de
publicit ingals, ainsi les sites www.annuaire-therapeutes.com, http://medecines.paralleles.free.fr, http://guide-medecines-douces.fr/ permettent aux praticiens New Age de sautorfrencer par dpartement et par pratique. De manire
gnrale, le systme des liens entre sites dmultiplie ce que lon observait dj dans
les relations entre thrapeutes et praticiens qui, travaillant en rseaux, se renvoient
une mme patientle: cest linternaute maintenant qui, en surfant sur les liens
des sites amis, peut passer dun kinsiologue un naturopathe, un chromothrapeute, un chaman, un praticien en dcodage biologique,etc., et par l mme
passer insensiblement de la recherche de techniques de bien-tre des pratiques
dites de sant prtendument mdicales ou PNCAVT (pratiques non conventionnelles vise thrapeutique).
Au-del de limpact dInternet sur la diffusion de linformation, il semblerait galement que, en confrant lindividu de nouveaux moyens daction,
Internet lui donne de nouvelles faons denvisager son statut et ses possibles.
56
MIVILUDES
45 - Au sujet de la formation professionnelle, cf. le guide de la Miviludes Savoir dceler les drives sectaires dans la
formation professionnelle, 2012.
58
MIVILUDES
52 - Le rle exclusif accord linstinct ou lintuition a men dans le pass de svres drives, ainsi en est-il
de linstinctothrapie (et de son corollaire, la mta-psychanalyse), pratique alimentaire fonde sur les variations
perceptives des odeurs, des saveurs, de la satit et des autres sensations (comme le dgot, la consistance, la
scheresse) censes correspondre aux besoins de lorganisme, qui a conduit plusieurs reprises son fondateur
Guy-Claude Burger devant les justices suisse et franaise. Cf. rapport annuel 2009 de la Miviludes.
En outre, Internet sadapte particulirement au cheminement intellectuel du newager qui cherche son inspiration dans des traditions multiples.
La lecture superficielle53 que permet Internet saccommode au mieux de la
culture de surface convoque par la spiritualit New Age: fonde sur lsotrisme et particulirement la thosophie, la pense New Age refuse la dmarche
analytique et procde par analogie, cest--dire par association dides, dimages
et de mots clefs, dmarche que la navigation sur Internet par liens hypertextes
favorise. De plus, le Web permet dtablir des liens entre ce qui auparavant,
pour des raisons parfois simplement matrielles (archivage et classement dans
les bibliothques; nature des mdias diffrente son, image, texte), tait rendu
impossible, et cest la recherche personnelle, lexprience intime du sujet qui
seule unit les rfrences htroclites et les lments doctrinaux divers, voire
contradictoires, quil rapporte de ses navigations.
Cette synthse personnelle saccomplit au dtriment dun recul critique et dune dmarche rflexive car, comme le remarque Elsa Bishop, le New
Age et Internet encouragent un relativisme absolu et une disponibilit presque mercantile des ides. Sur Internet, toutes les informations se trouvent sur le mme plan: travaux
de scientifiques, thories du complot les plus dmagogues ou infondes, proslytisme
Sur Internet, domaine rgi par une loi du march de linformation, la rapidit daccs
et la capacit attirer lattention des internautes deviennent des critres plus importants
que la qualit intrinsque ou la vracit. Cette indiscrimination correspond la thorie
des concidences dans le New Age. Si tel vnement ou telle information survient plutt
quun autre, cest un signe du destin, cela correspond une ncessit, cela a un sens
prcis un moment prcis.
La synthse nest pas de lordre de la rflexion, mais de lmotion:
elle est fonde sur le ressenti individuel, vcu comme exprience mystique, ce
quautorisent l encore particulirement certaines caractristiques dInternet.
En effet, ses potentialits multimdias saccordent une recherche spirituelle
oriente par lintuition subjective car elles permettent de lier troitement une
idologie et son imaginaire dans une seule et mme exprience simpliste o
se mlent image, texte et vido; exprience qui peut se doubler de la prsence sensible de vcus similaires via les forums, les chats ou Skype54. On peut
noter en particulier la faon dont lesthtique des sites Internet New Age vise
ce ressenti mystique en ayant toujours recours aux mmes procdsde saturation sensorielleet symbolique: recours la musique planante, abondance de
couleurs satures, exagration des contrastes, rptition dlments iconiques
procdant par analogie, dillustrations conues selon un schma binaire et
53 - la suite douvrages comme ceux de Maryanne Wolf (Proust et le Calamar, dition franaise Abeille etCastor,
2014) ou Nicholas Carr (Internet rend-il bte? Robert Laffont, 2011), lattention a t porte sur la faon dont la
lecture, et par l la pense taient influences par le mdia utilis. Le livre ouvrirait davantage une lecture
profonde car il permettrait davantage de concentration et le traitement de linformation dans une rflexion
personnelle, tandis que lusage dInternet inviterait une lecture plus superficielle, porte par le flux des informations qui se succdent.
54 - Reste savoir si cette exprience personnelle via le virtuel peut se substituer compltement des expriences de groupe en termes de ressenti et de vcu mystique (la question dune possible communaut virtuelle
sera aborde en seconde partie).
Lavnement des nouvelles technologies de linformation sest accompagn dun imaginaire et particulirement dutopies politiques que le New Age
reprend son compte, ce qui fait dire M.-J. Ferreux, que lInternet et le New
Age partagent la mme idologie56. On retiendra de ces thmatiques communes
celle du village global, de la fascination pour le virtuel, et de laction par contagion, de la transmission dinformations de masse sans aucune distance ni recul.
Le New Age senracine dans la contre-culture des annes 1960, o se
sont galement dveloppes les utopies qui ont accompagn lavnement dInternet57. Parmi celles-ci, lutopie de la socit de communication telle que des
thoriciens de linformation comme Norbert Wiener ou Marshall McLuhan
lont thmatise. Ils voient dans le dveloppement des tlcommunications la
possibilit dun monde nouveau qui gnraliserait lentraide et le partage dinformations
et, en abolissant les frontires, ferait advenir la paix mondiale et lharmonie universelle58. Ainsi lidologie New Age reprend son compte le concept de village
global que Marshall McLuhan expose en1962 dans La Galaxie Gutenberg. Pour
ce thoricien, lexplosion des tlcommunications numriques constitue une
rvolution culturelle: Le transfert instantan dimages, de sons et de textes permettra nimporte quel individu nimporte quel endroit du globe de devenir un centre.
Lhomme peut dsormais mener une vie de villageois et entrer en communication avec le
monde: les changes de tous avec tous et laccs de tous tout abolissent les frontires;
le monde, devenu un village global, sera le lieu dpanouissement dune intelligence
collective, dune fraternit universelle et dune dmocratie mondiale.
Lidologie alternative et holistique du New Age intgre cette perspective rvolutionnaire son imaginaire: Avec le nouveau paradigme, la guerre
devient impensable. Car la nouvelle socit rassemblera des personnes nayant dsormais
plus peur des ides et des cultures trangres, et bien convaincues que toutes les rvolutions
60
MIVILUDES
55 - Au sujet des transformations de la religiosit actuelle et de la dconnexion du culturel et du religieux, cf. les
analyses dOlivier Roy dans La Sainte Ignorance. Le temps de la religion sans culture, Seuil, 2008.
56-Marie-Jeanne Ferreux, Le New Age, Socio-anthropologie [En ligne], 10 | 2001, mis en ligne le 15 janvier2003, consult le 5octobre2014, http://socio-anthropologie.revues.org/158.
57-Cf. ce sujet Patrice Flichy, LImaginaire dInternet, La Dcouverte, Paris, 2001.
58 - Pour une rflexion critique sur cette utopie, cf. Dominique Wolton, LAutre Mondialisation, Flammarion,
2003.
commencent par lintrieur de soi59. Lide dun monde o chacun est connect
tous renforce galement limaginaire mystique qui sest dvelopp autour
de lhypothse Gaa propose par James Lovelock. Lhumanit connecte
serait laboutissement dun processus dunification de lhumanit et formerait
ainsi le cerveau global de Gaa, la conscience de la Terre conue comme un
super-organisme.
La fascination pour le virtuelcontribue renforcer lidologie holiste
de laction distance travers diffrents niveaux de ralit: en consultant les
sites de channeling, il est frappant de constater le rle pivot du virtuel dans
limaginaire New Age. Parce que lchange dinformations immatrielles est
devenu constant du fait de lusage quotidien dInternet, le New Age en profite, dit
M.-J.Ferreux, et prolonge ses connexions vers lau-del, et rciproquement, lau-del nous
rpond. [], les anges lisent sur le web [], ils inspirent par channeling des personnes
leur donnant des messages crits, des images ou de la musique des hautes sphres, que
lon peut tlcharger. (Dailleurs, pour les problmes de connexions, lanimateur suggre
dappeler larchange Gabriel, saint patron des tlcommunications.)60
Dans cette perspective, laction distance61 se pense galement sur un
mode horizontal. Dans limaginaire dInternet la pense du rseau se dcline
dans ses implications politiques: intelligence collective et extraterritorialit
font esprer un mode de gouvernance horizontale. Scartant de la forme
reprsentative traditionnelle du schma vertical, laction politique de linternaute se forme sur le mode de la contagion: de proche en proche, un message
se diffuse, une action sauto-organise, une solidarit prend forme.
Limaginaire et le fonctionnement dInternet entrent ainsi en rsonance avec la conception holistique et les messages du New Age qui ne
conoivent pas laction politique sur le modle classique de lengagement,
mais se la reprsentent en termes dinfluence et de proslytisme. Loptimisme
du New Age affirme la possibilit pour chacun de transformer le monde: Ce
nest que par un nouvel tat desprit que lhumanit peut se rgnrer, et notre capacit
pour un tel changement est naturelle.62 Comme lanalyse M.-J.Ferreux63, lobjectif
est simple: Se transformer soi-mme pour transformer le monde.., et laction interindividuelle se construit sur le mode de la contagion ou de la propagation: Il
sagit bien de faire changer le monde partir de soi, de partir de son nergie pour toucher
le monde extrieur. Un individu qui dveloppe sa conscience induit la conversion dun ou de plusieurs autres, qui agissent ainsi leur tour.
59 - M. Ferguson, op.cit.
60- Ibid.
61 - Et lon pourrait mme dire parfois laction sans action, en tmoigne le rle performatif et politique
quattribuent certains tenants du New Age la mditation. Voir lappel la mditation plantaire sur le site
http://www.choix-realite.org/7397/meditation-planetaire-12-10-2014: Dans le but de contribuer crer une re
dAmour Inconditionnel, de Paix, dHarmonie et lveil de la Conscience Christique, vous tes invits un vnement
Mondial historique.
62-M.Ferguson, Les Enfants du verseau, Paris, Calmann-Lvy, 1981.
63-Marie-Jeanne Ferreux, Le New Age, Socio-anthropologie [En ligne], 10 | 2001, mis en ligne le 15 janvier2003, consult le 5octobre2014, http://socio-anthropologie.revues.org/158.
62
MIVILUDES
66 - Cette activit et le nombre de personnes qui se revendiquent canal sont tels que, au vu des changes lus
sur le web et des crations de sites web, ils laissent apparatre des dissensions au sein de ce groupe. Laccusation
descroquerie, de dogmatisme et de manipulation est notamment rcurrente lgard de lun des principaux
canaux de Khubya.
67 - Voir le site www.jeshua.fr
64
MIVILUDES
66
MIVILUDES
73 - http://justeetre.blogspot.ca/ et http://voyageurdelumiere.blogspot.fr/.
cette confusion dans ton esprit, cest toi-mme qui las cre, et joue de lambigut
des mtaphores: Tu assistes la mort des religions, la mort de toutes ces fausses
croyances qui sont lorigine du bien et du mal, il nen tient qu toi de faire le pas ou
de mourir avec toutes ces illusions. Mourir est un grand mot, car il ny a pas de mort
en ralit, juste une autre occasion de refaire lapprentissage pour ouvrir ta conscience
ta vritable nature et te librer des illusions de ta propre perception de ce que tu crois et
penses tre74. Il propose galement des canalisations sur plusieurs autres sites75
et interviendrait en France pour proposer des stages et des confrences.
Il est bien vident que toute pratique de channeling comme tout recours
aux PNCAVT nest pas en soi risque et ne peut tre apparente une drive
sectaire. Tout dpend de la conjonction de deux facteurs: le degr dadhsion
de la personne cette croyance et sa rpercussion dans la vie quotidienne,
dune part, la personnalit du mdium ou du thrapeute et la nature des propos quil peut tenir, dautre part, car celui-ci peut profiter de son rle dintermdiaire avec le divin, ou de dtenteur dune vrit pour dvelopper un
ascendant fort sur la personne.
Nous nabordons pas dans cette tude lensemble des facteurs qui
participent de la sujtion psychologique, lobjet ici est de caractriser le
rle spcifique dInternet dans ce processus. Cinq observations peuvent tre
communiques.
68
MIVILUDES
76 - Remarquons notamment le nombre de sites en langue franaise qui reproduisent et traduisent des propos
trouvs sur des sites amricains, anglais, allemands, etc.
77-Cf. dans ce rapportMtamorphose du croire radical.
78-Cf. ci-dessous Une contre-culture devenue mainstream.
79 - Rapport fait au nom de la Commission denqute sur linfluence des mouvements caractre sectaire dans
le domaine de la sant, remis le 3avril2013. Cf. http://www.senat.fr/rap/r12-480-1/r12-480-11.pdf.
formations objectives proposes par les pouvoirs publics ne soit pas mieux indexe, et ne
soit pas accessible en priorit sur lcran. Le rapport dplore galement labsence
dintervention sur certains sites proposant des forums, en raison de leur statut
dhbergeur et de leur disparit en termes de dontologie.
80 - La culpabilisation a un effet extrmement dstabilisant, elle se retrouve frquemment dans des processus
dassujettissement, son impact est dautant plus grand quelle sinscrit dans un discours qui se prsente comme
thoriquement fond et cohrent. La mdecine holistique peut facilement sorienter vers une telle culpabilisation car, sous couvert de rendre lindividu un pouvoir sur sa maladie en lui donnant du sens, les progrs de
celle-ci peuvent tre vcus par le malade comme le signe non seulement de son impuissance mais aussi de sa
faute, et la tentation est grande de sen remettre alors au thrapeute, dtenteur de linterprtation, et qui seul
le pouvoir revient finalement. Ainsi peut-on lire sur un site de promotion de la thrapie essnienne http://www.
energie-sante.net/fr/se/SE021_etre-therapeute-essenien-aujourdhui.php: Cest au malade de faire la dmarche, de
demander de laide et non celui qui soigne. Lessentiel est que le malade ou plutt le patient sache que cest lui qui est
lorigine de son problme et personne dautre. Mme si, dans un premier temps, cette approche semble culpabilisante: Comment,
vous prtendez que cest moi qui suis lorigine de mon cancer! Cela permet lintress dereprendre son pouvoir pour
dnouer, changer ou transformer cette vision sur ce qui nous a dtruits pour en effacer les traces. Et l, je crois que la force
intrieure de la personne est le principal vecteur de sa gurison sur tous les plans.
70
MIVILUDES
81-La rception du roman La Prophtie des Andes est particulirement illustratrice de ce phnomne. On
retrouve la mme ambigut recherche dans de nombreux sites, par exemple www.ashtar.sheran.free.fr cultive
lindistinction entre lcriture de science-fiction et le channeling.
relatives lapparition dextraterrestres, il remarque: Quant aux ufologuesauditeurs, ils vivent leur passion pour la politique, la science et le paranormal comme
une occasion festive ou srieuse de se socialiser, se distraire, se moquer, dnoncer, enquter,
militer et ainsi sortir dune marginalit souvent revendique, mais aussi subie. Leurs
croyances sont varies et variables et mlent rationnel et irrationnel, information et
dsinformation, politisation et dpolitisation. [] Et cette quivoque se retrouve dans le
degr dadhsion, cest--dire le degr douverture ou de clture cognitive, la prophtie
radiophonique New Age puisque les plus passionns et militants doivent faire leur chemin entre consonances et dissonances cognitives (Festinger, 1956): Il doit forcment y
avoir quelque chose derrire tout a, ce nest pas possible.82
Leffet de lgitimation
Le syncrtisme si spcifique de la pense New Age ainsi que le nivellement
des ordres du discours permettent de sappuyer sur un ensemble de traditions
spirituelles et religieuses mais galement sur des thories scientifiques ou
pseudo-scientifiques dont la rfrence fait office dargument dautorit83;
cet effet de lgitimation se trouve dautant plus renforc que laccs ces
connaissances extrieures est facilit non seulement par les liens du site vers
dautres sites mais encore par la possibilit pour linternaute de sassurer dans
linstant que les concepts employs existent bel et bien mme sil ne sagit
plus, dans le discours New Age que de mots, et non des ides quils portaient.
Leffet de rvlation
Cest l leffet de toute forme didologie, ainsi que Karl Popper le
dcrit dans Conjectures et rfutations84. Il observe que ce qui caractrise les idologies et leur donne un pouvoir sducteur rside dans leur pouvoir explicatif
apparent. Celles-ci semblaient aptes rendre compte de la quasi-totalit des phnomnes
qui se produisaient dans leurs domaines dattribution respectifs. Ltude de lune quelconque de ces thories paraissait agir la manire dune conversion, dune rvlation
intellectuelle, exposant aux regards une vrit neuve qui demeurait cache pour ceux qui
ntaient pas encore initis. Ds lors quon avait les yeux dessills, partout lon apercevait
des confirmations: lunivers abondait en vrifications de la thorie.
Cet effet se trouve dautant plus amplifi dans le fonctionnement idologique du New Age quil est au cur mme des invariants de la doctrine: la
conception holiste intgre lide de synchronicit inspire de C. G. Jung,
savoir que rien narrive jamais par hasard et que tout a un sens. Ce postulat offre
des possibilits dinterprtations infinies, chaque vnement non seulement
82 - Sbastien Poulain, La fabrique des extraterrestres, Mots. Les langages du politique [En ligne], 92| 2010, mis
en ligne le 4mai2012, consult le 3janvier2014, http://mots.revues.org/19401.
83-Cf. lanalyse de M.-J. Ferreux, op. cit., du site http://anges.free.fr: Il sagit de montrer que, dans toutes les
religions quelles soient chrtienne, islamiste, hindouiste, croire aux anges est tabli. () Ce discours historique sur la prsence
des anges dans les diffrentes religions est un moyen de lgitimation puissant qui fait appel des rfrents connus, chargs
symboliquement. Cela produit un effet de halo, cest--dire une confusion amenant lindividu croire plus facilement au reste
des rubriques. () Pourquoi mettre cette classification ardue en ligne? L aussi, il sagit dun moyen de lgitimation puissant,
un discours sotrique que lon ne peut remettre en cause, crit partir de connaissances que dautres nont pas. Cela produit
un effet de rigueur, de srieux.
84-Karl Popper, Conjectures and Refutations: The Growth of Scientific Knowledge, 1963. trad.franaise Conjectures et
rfutations, Payot, 2006.
peut tre lu comme un signe confirmant une conviction pralable, mais il offre
galement des possibilits de parade contre toute critique et tout dmenti, et
il renforce par l mme la croyance.
Ainsi peut-on lire sur le blog Santenaturelle un exemple typique de
raisonnement idologique au sujet de la Mdecine nouvelle germanique
du docteur Hamer: Lobjectif est, partir du moment o lon a compris, de faire
ce quil faut pourne pasdevenir malade et avoir acquis laconfiance dans lesLois de
lUnivers, qui fait que lonsaitque la maladie nest jamaisle fruit du hasard. []
Si ces concepts ne sont apprhends que dune faon intellectuelle, sans relleouverture
intrieure, cela ne sert pas grand-chose, voire rien; cest la raison pour laquelle bien
des personnes ayant une connaissance uniquement intellectuelle de la Mdecine Nouvelle,
peuvent, quand mme, tre atteintes par la maladie et se trouver dmunies face elle.
LaMdecine Nouvellenest pas une recette utiliser comme une parmi bien dautres;
elle est unnouveau paradygme [sic] qui, pour tre profitable, doit, tout naturellement,
imprgner la totalit du ressenti dun tre, afin de devenir, pour lui, unevidence naturelle. Bref, elle ne peut vraiment et durablement profiter qu ceux qui sont parvenus
une relleconvictionde sa justesse.85
Tout comme pour leffet de lgitimation, lutilisation dInternet
dcuple leffet de rvlation car il facilite la logique de surinterprtation en
permettant de rassembler un ensemble de faits et de les mettre en lien pour
appuyer le propos.
72
MIVILUDES
leurs besoins propres, et plus ils aspirent exprimer et changer cette exprience avec
dautres individus qui partagent le mme type daspirations spirituelles. Cette contradiction apparente correspond en fait aux limites intrinsques de lautovalidation du croire.
Pour que les individus parviennent stabiliser les significations quils produisent afin
de donner un sens leur exprience quotidienne, ils ont besoin de trouver en dehors deux
une confirmation de leur validit.Privs des confirmations fortes quoffraient les codes
globaux du sens garantis par les institutions (systmes religieux ou philosophiques, idologies politiques,etc.), cest avant tout dans lchange mutuel que les individus peuvent
esprer trouver les moyens de consolider lunivers personnel de sens dont ils se dotent. Dans
ce cas, lautovalidation peut laisser la place un rgime devalidation mutuelle du croire,
fond sur le tmoignage personnel, lchange des expriences individuelles, et ventuellement sur la recherche des voies de leur approfondissement collectif86.
De la mme manire que linternaute peut facilement se couper dune
vie sociale et intellectuelle en se retrouvant progressivement dans une insularit cognitive, il peut sisoler dans la bulle affective que lui procure cette
communaut virtuelle. Il faut souligner la possibilit, grce aux nouvelles
technologies de communication, dtre constamment en lien avec celle-ci: les
changes sur les forums, par mails ou messagerie instantane, et les rseaux
sociaux peuvent se prolonger en tout temps et en tout lieu, cela sajoutent
certaines applications pour Smartphone (applications proposant des revues
New Age, de musique planante, des radios telles New Age Radio; une application sur les cristaux et leur signification; une application pour des activits
pour enfants; une application pour consulter loracle de son ange Message
from your angel,etc.).
La communaut virtuelle semble pouvoir crer par elle-mme un univers de sens et daffect trs similaire ce quun groupe bien rel peut proposer.
ce titre, les analyses de Mathieu Guidre dans Les Nouveaux Terroristes87concernant limpact du web participatif sont particulirement enrichissantes pour
notre sujet: en analysant le processus de radicalisation par interaction sur les
rseaux sociaux, Mathieu Guidre montre que lInternet est devenu un espace
social part entire, il nest pas seulement le lieu o lon sinforme et qui permet des rencontres relles ultrieures, mais aussi un endroit o lon interagit,
o des liens se nouent autour dmotions et dopinions communes. Il serait
intressant de pouvoir disposer dtudes sur ce type de phnomne dans les
communauts virtuelles New Age.
Le New Age na pas attendu Internet pour toucher le grand public (cf.
Introduction), mais il faut souligner la particulire diffusion des idesNew
Age lheure dInternet, car non seulement elles touchent un public bien plus
vaste mais surtout elles se banalisent et sont intgres la culture commune,
sans que leur fondement idologique napparaisse. Les newagers ne se
reconnaissent plus comme tels, le terme a souvent une acception pjorative88,
et pourtant on retrouve dans le discours les mmes invariants: aspiration au
changement de paradigme, conception holistique de la ralit, spiritualit
sotrique et syncrtique, rejet de la modernit.
On assiste par exemple aujourdhui la rsurgence du Mouvement du
potentiel humain. Dvelopp au sein de lInstitut Esalen dans les annes1960,
son postulat de dpart est que ltre humain nexploite pas la majeure partie
de ses ressources intrieures et quil est ncessaire pour lui de les dvelopper en
cherchant crer des tats suprieurs de conscience et en usant de techniques
spcifiques visant la transformation de soi.
Cette tendance linstrumentalisation de soi imprgne largement
aujourdhui lopinion collective et se dcline dans les formations professionnelles, dans le coaching, le dveloppement personnel et galement dans
certaines propositions pdagogiques89. Le rle dInternet dans ce processus
nest pas ngligeable: le march de ces techniques sest dvelopp sur la Toile
et la plthore doffres ne peut que renforcer les convictions qui motivent la
demande.
Il est noter que toutes les techniques et les thrapies alternatives qui
se sont dveloppes partir de ce courant porteur ne sont pas ncessairement
New Age dans leurs assises thoriques ou dans les garanties de srieux quelles
peuvent offrir. Parmi celles qui sinscrivent pleinement dans la spiritualit New
Age, on peut relever la bionergtique, le rebirth, la gestalt thrapie, lanalyse
transactionnelle, le co-counseling encounter, etc. inventes au sein de lInstitut
Esalen; dautres sen inspirent et sintgrent pleinement dans le New Age. Ainsi
trouve-t-on sur le site http://www.designhumainfrance.com/ la prestation
dune analyse individuelle pour 99 euros prsente en ces termes: Cette
analyse dune dure denviron cinquante minutes permet de mieux vous comprendre et
rvle votre vritable potentiel. Des conseils prcis, simples et efficaces vous seront donns
74
MIVILUDES
88 - Voir louvrage de Renaud Marhic, Emmanuel Besnier, Le New Age, son histoire, ses pratiques, ses arnaques, 1999.
89 - Pour mmoire, on rappellera que lide dun dveloppement de son potentiel ou limage selon laquelle on
nutiliserait que 10% de son cerveau sont la clef de vote de la doctrine de la scientologie.
afin de vous aider vous comprendre en profondeur. Lanalyse individuelle offre tous
les dtails sur le type, la stratgie, lautorit intrieure, les centres dfinis et leur fonction,
les points cls des canaux dfinis, le conscient et linconscient, les thmes des centres non
dfinis, les piges du conditionnement, les stratagmes du non-soi, le potentiel de sagesse,
le profil et la croix dincarnation. Lanalyse individuelle donne des outils pratiques pour
prendre les dcisions correctes. On relve parmi les autres analyses proposes une
analyse holistique pour 150euros, une analyse de la rvolution de Saturne
pour 115euros, une analyse de profil professionnel pour 130euros,etc.90.
Il ne sagit pas ici de dnoncer lengouement pour le dveloppement
personnel, ni mme de le rduire une seule origine culturelle, mais de souligner le risque de la banalisation de certaines conceptions et de laccoutumance
du public certains termes ou pratiques quil ninterroge plus, crant ainsi un
terreau favorable des drives sectaires. La Miviludes a ainsi alert lopinion
sur les dvoiements possibles de la formation professionnelle, par exemple la
mthode des constellations dorganisations ou dentreprises, qui vise des publics
haut niveau de responsabilit et prtend rsoudre les conflits grce la communication entre les mes91. Or tout porte croire que cest cette accoutumance que lon peut imputer en partie lintrusion de mouvements dviants
dans ce secteur, ainsi que la part damateurisme, voire descroquerie, qui a pu
sy dvelopper92.
La dsinformation
que lon peut trouver dans les mdias traditionnels mais qui, sur le Net, sentretiennent et sentre-rpondent dans une commune opposition la raison ou,
avec une variante, dans une exigence plus haute de la raison elle-mme et dans
le dsir de renchanter le monde. La confusion des ordres du discours (entre
discours scientifique et interprtation subjective par exemple) que ces images
entretiennent, mais galement, et de ce fait, la confusion quant aux acteurs
impliqus et aux enjeux qui les sous-tendent nuisent la clart de linformation et par l la possibilit pour le citoyen doprer un choix clair.
On pense notamment la vague de messages antivaccination que lon
peut lire sur les sites et les forums, o se retrouvent tous les lments de lidologie New Age: relativisme et confusion des ordres du discours, volontarisme
dnu de toute assise thorique, valorisation de la nature et stigmatisation
de la modernit, notamment dans ses avances techniques. Cette idologie se
diffuse sur les blogs et les forums et, selon les rseaux, elle reste en arrire-fond
en jouant sur les peurs95, ou saffiche de manire plus caricaturale96.
Nombreux sont les acteurs New Age ou dinspiration New Age qui se font
entendre auprs du grand public en revendiquant une approche scientifique
au nom du changement de paradigme ou dune autre acception de la raison, ou
qui se parent de la caution scientifique dune universit en en louant les salles,
dun chercheur de renom en linvitant donner une confrence, ou encore
qui reprennent les mots et les images issues de la culture scientifique (nergie, quantique) pour proposer une thorie fantaisiste. Cette confusion est
particulirement entretenue dans les domaines de la recherche scientifique et
de ses applications concrtes en mdecine (elle touche galement lducation)
et sexplique par deux enjeux.
Le premier est idologique, il consiste vouloir assimiler dmarche
scientifique et cheminement spirituel. On observe que certains acteurs du New
Age cherchent diffuser un discours pseudo-scientifique ou de vulgarisation
faussement scientifique pour le mler des enjeux spirituels et/ou religieux97.
La confusion du discours qui juxtapose concepts scientifiques et concepts
ou images spiritualistes profite de lincomptence du grand public dans
des domaines scientifiques tels que la physique des particules ou la biologie
gntique, et se sert galement de son ignorance en pistmologie, savoir
76
MIVILUDES
Le conditionnement du dbat
Le lobbying
78
MIVILUDES
106-Le rapport de la Commission denqute parlementaire du Snat de 2013 analyse ce phnomne sur
dautres thmatiques., op.cit.
107-Cf. le rapport 2009 de la Miviludes.
108-Cf. ce sujet les analyses de Grald Bronner: Lorsque le paradoxe dOlson joue contre la connaissance,
in La Dmocratie des crdules, PUF, 2013
109-M.Ferguson, Les Enfants du verseau, Paris, Calmann-Lvy, 1981, p.35.
110-M.-J. Ferreux, op. cit.
Dans les cas que nous pouvons observer (lobbying contre les vaccins,
contre les antibiotiques, contre la mdecine allopathique, mais aussi contre les
ondes, contre lducation nationale,etc.), lidologie ne se revendique pas
New Age, en raison de sa dvaluation aux yeux du grand public et des tenants
de la spiritualit New Age eux-mmes, ainsi que nous lavons prcdemment
mentionn. Toutefois, les lments idologiques sont bien l, commencer
par le rejet dune certaine conception de la modernit (sur laquelle sappuient
les campagnes de discrdit, voire se dveloppe une pense conspirationniste),
laspiration au changement de paradigme, la conception holistique de laction
sur le rel (on observe le dtournement de certaines images relevant de la
culture scientifique comme leffet papillon, ou de la culture conomique, tel
le dveloppement du microcrdit, pour raffirmer la conception New Age selon
laquelle la transformation du monde passe par la transformation intrieure des
individus et accrditer certaines conceptions simplistes daction par contagion
ou daction distance), ainsi que la promotion de nouvelles formes de gouvernance, et surtout un fond thorique emprunt la religiosit New Age et lsotrisme (discours de type magique qui se rfre auxnergies, aux vibrations,
aux changes avec son ange gardien, lastrologie,etc.).
Le lobbying New Age est fort mais non exclusif, et lon assiste des
collusions dintrts de la part de groupes ou dindividus qui ne partagent pas
ncessairement les mmes assises thoriques ni ne visent les mmes enjeux;
on observe galement de la part de certains acteurs la technique du cheval
de Troie qui, profitant dune idologie porteuse mais vague, introduisent des
thories, des pratiques ou des pdagogies discutables quant au fond thorique
et aux impacts, et cherchent les assimiler celles qui ont fait leurs preuves.
Ainsi lattention de la Mission a t attire par lefflorescence de crations de petites coles prives dont certaines, en raison de lamateurisme et
du dogmatisme de leur instigateur, sorientaient vers un fonctionnement sectaire. La Mission a ainsi pu observer le fort lobbying qui existe sur la Toile
pour dnigrer lducation nationale, promouvoir linstruction domicile ou
la cration dcoles prives hors contrat, et proposer pratiques, techniques,
consultations, soutiens, coachings,etc., dans le domaine de lducation hors
secteur public. Dans ce vaste mouvement qui sorganise sur la Toile, la Mission
a constat que certains acteurs forts sinspirent directement de lidologie New
Age. Tous ne le sont pas et peuvent venir dautres horizons politiquement ou
religieusement dfinis, et parmi les acteurs que lon peut dsigner comme New
Age il faut encore nuancer cette appellation selon le degr dadhsion de chacun (rappelons que cette vision du monde peut prendre toutes les formes,
dun imaginaire porteur une idologie radicale). Ainsi observe-t-on des sites
pro-instruction domicile de diverses orientations politiques, qui jouent sur les
angoisses des parents pour promouvoir lcole la maison, la cration dcoles
alternatives,etc.111. Ils renvoient dautres sites ressources, auxquels cette
80
MIVILUDES
111 - Par exemple http://ecologiedeleducation.jimdo.com/, dont lauteur se prsente comme un enfant non
scolaris et pre non scolarisant.
Conclusion
Lanalyse du discours New Age sur Internet a pu mettre en lumire les
raisons de sa particulire vivacit sur la Toile, et alors mme que les tenants du
New Age se reconnaissent de moins en moins dans cette appellation. La facilit
avec laquelle le New Age se diffuse, le nombre de rseaux quil innerve et les
pratiques quil vhicule ncessitent une certaine vigilance de la part du grand
public. En effet, en tant que telle cette spiritualit, avec les pratiques quelle
engendre, nest pas sectaire, mais la dangerosit sapprcie au regard du degr
dadhsion une doctrine, un mouvement ou un individu, et des consquences que celle-ci entrane. Toutefois, parce que lhistoire du phnomne
sectaire et les drives que la Miviludes observe actuellement montrent que le
New Age est un terreau favorable lescroquerie, au charlatanisme et lemprise
mentale, et parce que les conditions de sa diffusion se sont transformes, il est
ncessaire de rflchir aux garanties que le politique peut offrir pour prserver
les conditions pour le citoyen doprer un choix clair.
Le rle de la Miviludes est de participer la transparence de linformation pour le grand public, de former les agents de ltat diagnostiquer un
contexte sectaire, reconnatre la nature du prjudice subi et faire en sorte
quil soit trait comme tel. Dans ce domaine prcis o lon sinterroge sur la
diffusion dun imaginaire et sa possible transformation en idologie, son rle
est de rappeler limportance quil y a dfendre la libert de conscience. Pour
que celle-ci ne soit pas un vain mot, et afin quInternet corresponde toujours
lutopie de la libert de linformation qui lui a donn naissance, il est ncessaire non seulement de prserver la pluralit de linformation, son libre accs,
sa vulgarisation notamment lorsquil sagit de linformation scientifique, mais
galement de donner chacun les moyens de se prmunir contre la manipulation de linformation.
82
MIVILUDES
Annexe
Ces lments sont donns titre indicatif et ne sont nullement exhaustifs concernant le sujet du New Age:
un site Internet attrayant, bien pens et construit;
des couleurs chatoyantes (souvent vert, violet, rose, bleu azur) avec des
images choisies avec soin dans les composantes New Age pour illustrer le ct
bienveillant et attirant du message dispens (plante, nature, animaux, anges,
paysage);
des mots cls indispensables: veil spirituel et veil de lme, changement
de paradigme et nouveau paradigme mondial, onde ou nergie vibratoire, frquence dnergie, champ dnergie subtile et champ de frquence, mmoire
cellulaire, transformation intrieure, rgression et renaissance, niveau vibratoire,
mutation spirituelle, incompatibilit vibratoire, panouissement personnel ou
spirituel, extension de conscience, voyage astral, re du verseau, ge dor, alchimie cellulaire, nergie cosmique, purification intrieure, ascension plantaire,
5edimension, pense positive et pense magique, plan de conscience, ascension
divine, enfant indigo, rayons jumeaux, rayons et flammes (de diffrentes couleurs), supra-conscience, dette karmique, porteur de lumire, enfant de lumire,
enfant des toiles, corps de lumire ou merkaba, fraternit universelle, conscience
christique, crne de cristal, mditation, alignement des chakras, ralisation de
soi, chamanisme et no chamanisme, ayahuasca, iboga, personne lue et personne initie, amour multidimensionnel, les messagers de laube;
un discours particulier li au channeling: matres ascensionns, hirarchies
clestes, canalisation et canalisation transmdiumnique, matre intrieur, tre
de lumire, famille de lumire, sur et frre de lumire, tre cleste transterrestre ou infraterrestre, tat modifi de conscience, entit spirituelle, guide de
lumire, anges et archanges, fraternit blanche, tre cosmique, intelligence
extratemporelle, intelligence ultraterrestre, intelligence hyperterrestre; rincarnation du Christ ou de prophtes, tre invisible, tre incorpor, matreya;
des expressions spcifiques au New Age: nergie damour inconditionnel,
analyse systmique de la lumire, ralisation de soi, passage dautres dimensions, transmutation des corps et des esprits, exprience de corps lumire; la
recherche de ltat de perfection passerait par une purification de tout hritage des parents, veil la pleine conscience, favoriser la pleine floraison de
ltre, participer lvolution plantaire actuelle, participer lmergence
dun homme nouveau, franchir le seuil millnaire.
Face ces lments, qui ne sont quun faisceau dindices, cest la combinaison de plusieurs dentre eux qui va permettre destimer que lon peut
parfois se trouver face une situation inspire du New Age.
Conseils pratiques
Bibliographie
Ouvrages
Franoise Champion, La Nbuleuse New Age, in tudes, no14, 1995.
84
MIVILUDES
115-www.derives-sectes.gouv.fr
116 - Voir les coordonnes sur la carte de France vue sur le site internet de la Mission.
tudes
Revues
Mmoires
Nicolas Charron, Internet et les drives sectaires aujourdhui, mmoire soutenu lcole des officiers de la gendarmerie nationale, 2012.
Martin Geoffroy, Pour une typologie du New Age, mmoire de PHD soutenu lUniversit de Qubec, 1999.
Pascale Qualesso-Duval, Le New Age, volution dun syncrtisme scientificoreligieux dans le domaine de la sant: informer sur sa nature et prvenir le risque sectaire,
mmoire soutenu luniversit Paris-Descartes, 2013.
Gilles Margotton, Les Nouvelles Stratgies sectaires. Perception et analyse,
mmoire soutenu luniversit Paris-Descartes, 2013.
Thses
Elsa Bishop, Le New Age aux tats-Unis de19802000. Le cas de San Diego,
Universit de Lyon Louis-Lumire, 2007.
velyne Latour, La Thorie de lre du verseau, depuis les origines jusqu
PaulLeCour et ses successeurs, 1995.
86
MIVILUDES
partie
Activit de la Miviludes
en 2013-2014
Effectifs de la Mission
Lanne 2013a t une nouvelle fois marque par la volont non totalement satisfaite de maintenir les effectifs de la Miviludes, dans un contexte
budgtaire de restriction des plafonds demplois, ce qui sest traduit pour la
Mission interministrielle par une difficult accrue de pourvoir au remplacement des postes de personnels mis disposition devenus vacants du fait du
dpart en retraite des titulaires:
le conseiller conomie, finances et formation professionnelle, qui assurait
par ailleurs les fonctions de secrtaire gnral adjoint, parti la retraite en
mars 2013, a t remplac en septembre 2014 ;
le poste de secrtaire gnral de la Mission interministrielle, vacant compter du mois de dcembre2012, na t pourvu quen septembre2013.
Ces difficults nouvelles montrent la fragilit du statut des agents composant la Mission interministrielle, sous la forme majoritairement dune mise
disposition gratuite par les ministres concourant la politique publique
de vigilance et de lutte contre les drives sectaires. Une refonte globale de ce
rgime est envisager bref dlai afin de permettre la prennit des effectifs
de la Miviludes.
Mesure de lactivit de la
Mission interministrielle
En2013 lensemble des saisines slve 2391 soit une lgre rgression
par rapport lanne2012 qui avait t marque par une hausse importante.
Ce nombre toujours important de saisines sexplique encore par le fonctionnement du site Internet de la Mission (lanc officiellement en fvrier2012
et permettant de transmettre un tmoignage ou de porter une interrogation
la Miviludes sous forme de saisine directe par Internet), la publication du guide
Sant et drives sectaires en avril2012 et le dpt du rapport de la Commission
denqute parlementaire en avril2013, auquel la Miviludes a contribu par son
expertise technique lors de ses travaux.
Le nombre de saisines arrives par courriels constitue plus du triple du
nombre de saisines reues la Mission interministrielle par courrier (respectivement 1829 et 558). Ce constat renforce la Miviludes dans son projet de mise
au point dune solution de gestion lectronique du courrier qui permettrait de
dmatrialiser lensemble du circuit du courrier et de rpondre galement par
courriels scuriss (signature lectronique, projet en cours avec la Direction
des services administratifs et financiers et le cabinet du Premier ministre).
Mode denvoi des courriers
23 %
courrier lectronique
courrier postal
fax
90
MIVILUDES
77 %
19 %
particuliers
organismes publics
associations
79 %
2,5 %
ple sant
24 %
33 %
ple scurit
ple mineurs
ple conomie
39 %
ple communication
La Miviludes en rgions
Au niveau local, la politique de vigilance et de lutte contre les
drives sectaires est assure notamment par les prfets de dpartement, qui
coordonnent laction des services dconcentrs en ce domaine, en runissant
notamment des groupes de travail restreints dimension oprationnelle
(GTRDO) auxquels participe la Miviludes, lorsquelle est convie.
Ces groupes de travail prsids par le prfet de dpartement et le procureur de la Rpublique du ressort rassemblent les diffrents services de ltat
comptents sur cette problmatique et permettent le partage dinformations,
indispensable la vigilance et la lutte dans ce domaine (avec lappui technique de la Miviludes).
Entre 2013 et 2014, la Miviludes sest rendue a plus de 50 runions
organises en prfectures.
Ce chiffre est intressant, notamment au regard du nombre de runions qui se sont tenues en2012 (neuf runions GTRDO seulement) et doit
beaucoup la circulaire du ministre de lIntrieur du 26dcembre 2012.
92
MIVILUDES
Par ailleurs, la Miviludes est intervenue, en dbut de rentre scolaire 2013, lors du rassemblement de toutes les filires des acteurs de sant
publique (inspecteurs de laction sanitaire et sociale, pharmaciens inspecteurs
de sant publique, mdecins inspecteurs de sant publique, ingnieurs dtudes
sanitaires, mdecins de lducation nationale, mdecins inspecteurs rgionaux
du travail et infirmires de sant publique, lves directeurs dhpital et lves
directeurs dtablissement sanitaire, social et mdico-social) forms lEHESP
ainsi quau cours du module UE8 Fondamentaux en psychiatrie.
Enfin, les contacts mis en place avec lARS-IDF ont permis lorganisation dune sensibilisation auprs de 150 200 personnels de lAgence en
juin2013.
Cette sensibilisation a t complte par la mise en place dun change
rgulier entre ARS-IDF et Miviludes et formalise par un tableau de suivi des
dossiers.
La Miviludes a conclu quatre nouveaux partenariats pour mieux prvenir et protger les usagers des drives thrapeutiques caractre sectaire.
Le nombre croissant de pseudo-praticiens, de mthodes thrapeutiques illusoires proposes, de drives thrapeutiques dues des pratiques
commerciales trompeuses et de formations dbouchant sur des qualifications
non reconnues par ltat inquite les pouvoirs publics. Les thrapies complmentaires sont en plein essor, tant au plan de loffre que de la demande de la
part des patients. Or il est de plus en plus frquent de constater que les promesses et les recettes de gurison, de bien-tre et de dveloppement personnel
peuvent tre au cur de pratiques dangereuses pour la sant.
Face cette tendance proccupante, la prvention parat lun des
moyens les plus efficaces pour sensibiliser le grand public et ainsi viter les
consquences dommageables et parfois irrmdiables entranes par ces
pratiques.
Aussi la Miviludes a-t-elle conclu au cours des derniers mois des accords
de partenariat avec des organismes publics ou privs en signant quatre conventions-cadres portant la fois sur la formation des acteurs de sant publique et
sur linformation du grand public:
le 25juin 2013 avec lUnion rgionale interfdrale des uvres et organismes
privs sanitaires et sociaux dle-de-France (URIOPSS-IDF). Ce partenariat a
pour objectif principal de former, de sensibiliser et de prvenir le risque de
drives sectaires dans le domaine de la sant auprs des adhrents de lUnion,
responsables dtablissements sanitaires, sociaux et mdico-sociaux;
le 27novembre 2013 avec lAgence rgionale de sant (ARS) le-de-France,
premire convention signe avec une ARS. Elle tmoigne de lengagement des
deux institutions de dvelopper une vigilance sur les drives sectaires en sant,
et de veiller linformation et la protection de lusager, notamment lorsque
celui-ci sinterroge sur son parcours de soins, savoir le choix du thrapeute ou
du traitement complmentaire;
94
MIVILUDES
La Commission denqute
du Snat sur linfluence
des mouvements caractre
sectaire dans le domaine
de la sant du 3avril 2013
Quel bilan?
Runie le mercredi 11juillet 2012, sous la prsidence de M.Jean-Pierre
Sueur, prsident, la Commission des lois a examin, sur le rapport pour avis
de M. Bernard Saugey, la recevabilit de la proposition de rsolution no 573
(2011-2012), prsente par M.Jacques Mzard et 21 de ses collgues, tendant
crer une Commission denqute sur linfluence des mouvements caractre
sectaire dans le domaine de la sant.
Si lAssemble nationale avait dj constitu trois Commissions denqute sur les drives sectaires, cela reprsentait une premire pour la haute
assemble.
Lexpos des motifs de la proposition de rsolution prcisait ainsi les
contours du champ dinvestigation propos: Un domaine est aujourdhui particulirement vis par les mouvements sectaires, celui de la sant, comme le relve le dernier
rapport de la mission interministrielle de vigilance et de lutte contre les drives sectaires.
Le dveloppement de pratiques non conventionnelles vise thrapeutique sans fondement scientifique ou encore de prises en charge psychologiques hors du cadre psychothrapeutique pose aujourdhui une relle question de sant publique encore mal connue,
quil importe dvaluer. Au-del du risque pour la sant, toutes ces pratiques ne sont pas
sectaires, mais elles sont une vritable porte dentre pour les mouvements sectaires. De la
mme faon, linfiltration des professions mdicales et paramdicales par des mouvements
sectaires tend saccrotre, en dpit de la vigilance des autorits.
Il sagissait donc danalyser la nature et lamplitude de linfluence des mouvements caractre sectaire dans le domaine de la sant et den tirer les consquences
en formulant des propositions.
Lexpos des motifs rappelait, en outre, la ncessaire mobilisation des
pouvoirs publics contre les drives sectaires.
Il ne sagit pas ici de passer en revue et danalyser les 41propositions
formules par la Commission denqute mais den mettre quelques-unes en
exergue. Leur concrtisation par des textes de lois ou par des procdures particulires peut contribuer renforcer larsenal de lutte contre les drives sectaires dans le domaine de la sant. Esprons que ce nest quun dbut et que
les dpartements ministriels concerns prendront toute leur part dans la lutte
contre les drives sectaires.
Un constat partag
La Commission a procd 72 auditions sur une dure totale de
81 heures avec comme ligne directrice le respect du contradictoire: elle a
donn la parole des thrapeutes dont les pratiques tranges lui ont sembl
chapper une pense rationnelle; elle a aussi reu des reprsentants dorganismes et dassociations refltant les positions de mouvements susceptibles
dengendrer des drives sectaires.
Le constat fait par la Commission denqute est quil existe une prolifration des officines de soins: lanalyse sociologique conduite par AnneCcile Bgot, enseignante luniversit Paris Est-Crteil, rappelle que ltude
ralise en2004-2005 dans lEst de la France (Strasbourg), auprs de personnes diagnostiques dun cancer et ayant commenc leur traitement, indique que 28% dentre elles
utilisent au moins une forme de mdecine complmentaire et alternative.
Pour certaines associations de dfense des victimes de drives sectaires,
ces chiffres sont en de de la ralit compte tenu de la progression exponentielle des pratiques et des produits miracles dans le champ de la sant et
du bien-tre. Aucune statistique officielle nest venue actualiser ces chiffres, il
pourrait donc tre pertinent que des tudes soient ralises par les autorits de
sant sur les PNCAVT en France.
Limportance centrale du corps et de la sant dans les pratiques sectaires a pour contrepartie lutilisation du soin ou labsence du soin comme
moyen de pression psychologique sur ladepte.
La Commission denqute du Snat a pour sa premire audition souhait entendre M.Serge Blisko, prsident de la Miviludes, qui a rappel que la
Mission quil prside na pas vocation dfinir ce quest une secte, mais que
pour autant, tout nest pas permis au nom de la libert de conscience ou de la
libert de religion.
Cette absence de dfinition juridique nefface pas en effet la ralit des
drives sectaires en particulier dans le domaine de la sant.
Le constat fait par la Commission denqute est implacable. Ses
membres, au travers des auditions et de leurs dplacements, ont dcouvert des
ralits dont ils ne souponnaient mme pas lexistence.
96
MIVILUDES
117 - Allocution au congrs de lOrganisation mondiale pour la sant, Beijing, Chine, le 7novembre 2008, qui
portait sur la mdecine traditionnelle.
Soyons clairs! Il ne sagit pas ici de dnoncer toutes les pratiques notamment les plus prometteuses. Mais comme cela a t rappel dans le guide Sant
et drives sectaires publi par la Miviludes en avril 2012, larrive de nouvelles
pratiques non conventionnelles vise thrapeutique dans un tablissement
de sant doit se faire dans le cadre dun protocole de sant et doit donner lieu
un large consensus de lquipe mdicale.
La Commission denqute la rappel: La mdecine est un espace de
rationalit dans lequel devraient tre bannies les pratiques magiques et o la recherche
du rsultat devrait lemporter sur lentretien desprances factices et sur la cration de
chimres.
Il est essentiel de ne pas perdre de vue que les mouvements sectaires et
les pseudo-thrapeutes ont en commun une principale motivation: largent et
la mise sous emprise pour mieux manipuler la victime.
Les plus sceptiques et les dfenseurs de mouvements sectaires diront
quil sagit dun piphnomne et que cela relve de la libert de conscience,
expression de la libert morale. Mais qui se souvient de la tragdie de lOrdre
du Temple Solaire en dcembre1995, qui se souvient de ces seize corps carboniss, dont ceux de trois enfants, dcouverts disposs en forme de cercle dans
une fort du Vercors?
De 1994 1997, 74 personnes priront en Suisse, au Canada et en
France, emportes par une folie autodestructrice, convaincues dune apocalypse imminente.
A-t-on oubli que les premiers adeptes de Luc Jouret ont t approchs
par le biais de la sant: lOrdre du Temple Solaire avait pour projet initial dclar
lcologie et les soins naturels. Qui aurait pu imaginer que la qute du bien-tre
ou plutt du mieux-tre conduirait des dizaines de personnes la mort?
98
MIVILUDES
organique qui contribue loxygnation cellulaire, ce qui signifie quil permet de combattre
les effets du vieillissement aidant ainsi lorganisme conserver une meilleure jeunesse.
Perte de poids: le Reishi aide le corps perdre du poids, brler les graisses et il
est un stimulant naturel du mtabolisme, grce la synergie de ses composs. En activant
le mtabolisme de nos cellules qui commencent utiliser les rserves dnergie (graisse).
nergie: le Reishi amliore lnergie de notre corps ainsi que celle de notre esprit.
Le germanium organique qui est prsent dans le champignon aide oxygner les cellules
amliorant lnergie totale.
Peau: les antioxydants du Reishi protgent la peau contre les effets nocifs des
radicaux libres, qui sont la cause des rides et du vieillissement cutan. Le Reishi aide
galement lutter contre le cancer de peau.
Mais la liste ne sarrte pas l. Sur le site, www.sopra.organogold.comle
Ganoderma Lucidum est prconis pour le traitement de la maladie dAlzheimer,
le diabte, lhypertension, etc. Imaginez-vous un produit naturel qui tue les cellules cancreuses pour de vrai, tue le virus du VIH, soigne lhypertension, le diabte et des milliers
dautres maladies: vous pouvez devenir distributeur et entrer dans le plan de compensation le plus fou qui existe.
Tout cela pourrait prter sourire mais face la maladie tout devient
possible et tout le monde peut aisment se laisser tenter par ce type de discours.
Les pratiques non conventionnelles prsentes comme tant thrapeutiques
sous le nom de mdecines alternatives, de mdecines complmentaires, de
mdecines douces ou de mdecines naturelles, connaissent un dveloppement croissant. Face cette ralit, les pouvoirs publics ont dcid dinformer le
public en lui apportant des informations factuelles pour lui permettre de faire
un choix clair entre les diffrentes mthodes qui peuvent lui tre proposes.
Un arrt du ministre de la Sant du 3fvrier 2009a cr un groupe
dappui technique (GAT) sur les pratiques non conventionnelles vise thrapeutique (PNCAVT) auprs du directeur gnral de la sant.
100
MIVILUDES
102
MIVILUDES
dune dure minimale correspondant cinq mois effectu dans les conditions
prvues larticle4 du dcret.
Laccs cette formation est rserv aux:
docteurs en mdecine;
personnes autorises faire usage du titre de psychologue;
psychanalystes enregistrs dans les annuaires de leur association.
Le dcret no2012-695 du 7mai 2012a modifi le prcdent sur trois
points de procdure essentiels:
le directeur gnral de chaque agence rgionale de sant est dsormais comptent la fois pour linstruction des demandes et lenregistrement
au registre national;
les conditions dans lesquelles les psychologues peuvent prtendre au
titre de psychothrapeute sont modifies; ainsi, il nest plus fait de distinction
entre psychologues cliniciens et psychologues non-cliniciens;
la priode au cours de laquelle certains professionnels sont tenus de
se soumettre une obligation de formation complmentaire est prolonge de
deux ans.
Une instruction du ministre de la Sant publie le 3 aot 2012 est
venue prciser les modalits dinscription sur le registre national des psychothrapeutes pour toutes les catgories de professionnels.
ce jour, une inscription sur le registre national ne peut tre retire,
ce qui peut avoir des consquences trs dommageables dautant quil nexiste
pas dOrdre professionnel et afortiori pas de sanctions ordinales.
Par ailleurs, le dcret ne prvoit aucune mesure coercitive pour les
tablissements qui continuent former des psychothrapeutes sans avoir reu
lagrment. Il existe des dizaines de centres de formation et denseignement
en psychothrapie qui ne se conforment pas la loi mais qui bnficient nanmoins des crdits de la formation professionnelle. Ces organismes mettent
chaque anne sur le march de la psychothrapie des pseudo-professionnels
sans aucune qualification relle qui prendront en charge des patients. Il suffit de consulter les pages jaunes ou les milliers de sites Internet pour sen
convaincre.
Comme la rappel Guy Rouquet, prsident de
Psychothrapie
Vigilance, lors de son audition par la Commission denqute du Snat: En
dcembre 2003, Mme Elisabeth Roudinesco119 a dclar M.Jean-Franois Mattei, alors
ministre de la Sant: Jai lu toutes sortes de rapports mais franchement personne ce
jour na tudi srieusement lhistoire des psychothrapies en France. Il est vident que sur
les 30000 psychothrapeutes, un tiers sont infiltrs par des sectes.
119-Psychanalyste.
103
Depuis la publication du dcret rglementant lusage du titre de psychothrapeute, une majorit de ces professionnels, pour chapper aux dispositions du Code pnal sur lusurpation de titre, utilise les appellations psy conseil,
psy coach, thrapeute, etc. Le grand public mais galement les ARS charges de
valider les acquis de lexprience doivent faire preuve dune extrme vigilance.
ne peuvent faire tat du titre de docteur dans le cadre de leurs activits professionnelles
ou associatives.
Lusage du titre de docteur en dpit de la radiation du tableau de lOrdre
peut entraner des poursuites pour usurpation de titre punie dun an demprisonnement et de 15000 euros damende (article433-17 du Code pnal).
La formation professionnelle
La Commission denqute a propos de soutenir la dfinition dun label
de qualit des organismes de formation qui prenne en compte un cahier des charges prcis
garantissant labsence de drive thrapeutique ou sectaire.
Ce label permettra une prise en compte qualitative, au-del du strict respect des
procdures, ce qui facilitera lorientation des financements publics vers les formations
rpondant ces critres qualitatifs.
Le danger que reprsente la formation professionnelle dans le domaine
de la sant a t dnonc ds1996 par la premire Commission denqute parlementaire. Dans son rapport du 22dcembre 1995, la Commission denqute
sur les sectes de lAssemble nationale notait dj le lien entre drives sectaires
et formation: Les instruments de propagande utiliss par les sectes sont eux aussi
extrmement divers: dmarchage dans la rue ou domicile, diffusion de journaux, publicit par voie daffichage ou de presse, confrences, cycles de formation.
Mais cest surtout dans le rapport fait au nom de la Commission denqute sur la situation financire, patrimoniale et fiscale des sectes ainsi que sur
leurs activits conomiques et leurs relations avec les milieux conomiques et
financiers (10juin 1999) que le risque de drive sectaire dans le domaine de
la formation professionnelle a t clairement identifi. Dans le chapitre consacr au march de la formation professionnelle, il tait indiqu que la prsence
de multiples organismes manant ou lis un mouvement sectaire constitue une des
principales manifestations du dveloppement des activits conomiques des sectes. Il sagit
en effet dun secteur en pleine expansion qui draine des sommes trs importantes et qui
permet dinvestir les points cls du monde de lentreprise.
Le constat dress est sans appel: La Commission a pu constater de nombreuses reprises combien lextrme libralisme, la candeur et le manque de vigilance qui
prsident aux rgles encadrant les activits de formation peuvent tre propices au dveloppement des pratiques sectaires.
Laudition des reprsentants de la Dlgation gnrale lemploi et
la formation professionnelle (DGEFP) par les membres de la Commission
denqute du Snat a permis de mesurer les efforts entrepris par les pouvoirs
publics la suite des rapports des prcdentes Commissions denqute prcits.
Ces efforts ont t dfinis autour dune politique de prvention et dinformation afin que soit clairement identifi le risque de drive sectaire.
On citera en particulier linstruction no2012-02 du 4janvier 2012 relative aux axes prioritaires de contrle pour lanne2012. Ce texte visait le dveloppement personnel mais aussi les formations aux pratiques non conventionnelles vise thrapeutique. Il prcisait que ces organismes proposent ces mmes
actions un public indiffrenci, sortant ainsi de la dfinition lgale dune action de
formation professionnelle continue, pouvant aller jusquau risque de mettre le bnficiaire
en situation dexercice illgal de la mdecine, de la pharmacie ou dautres professions
rglementes.
Lannexe2 donne la liste des actions cibler en priorit, qui correspondent au code Rome K1103: aromathrapie, iridologie, bionergie, fasciathrapie, naturopathie, reiki, etc.
Linstruction de 2012 tire notamment les consquences des dcrets
dapplication de la loi no 2009-1437 relative lorientation et la formation
professionnelle tout au long de la vie, qui a permis de clarifier le champ de la
formation professionnelle. Les dbats parlementaires pralables ladoption
de cette loi ont mis dailleurs en vidence limportance du contrle de la ralit et de la conformit des activits des organismes de formation en matire de
formation professionnelle.
Le dcret no2010-530 du 20mai 2010 fixe les modalits de dclaration
des organismes de formation et du contrle de la formation professionnelle. Le
contrle au moment de linstruction a t clarifi, et le contrle aposteriori tendu.
En outre, larticle50 de la loi no2009-1437 prcite mentionne explicitement plusieurs crimes et dlits qui justifient, titre de peine complmentaire, linterdiction, tant pour les personnes morales que physiques, dexercer
une fonction de prestataire de formation professionnelle continue.
En dpit de tous ces efforts et de larsenal lgislatif et rglementaire pour
lutter contre les drives sectaires dans le domaine de la formation professionnelle, les offres de formations dans le domaine de la sant nont cess daugmenter. Des instituts, des universits et des coles ont vu le jour partout en France.
Les gourou-thrapeutes sont passs la phase de thorisation du
charlatanisme. Il est ais de constater sur les sites Internet de ces organismes
des messages pseudo-acadmiques. Les dirigeants de ces centres font miroiter
leurs victimes des gains consquents et une insertion professionnelle rapide
et sans risque.
Il est rassurant de constater que le souci de qualit de laction de formation point du doigt par les membres de la Commission denqute snatoriale a t pris en compte par le lgislateur larticle 8de la loi qui cre spcialement un nouvel article du code du travail ainsi rdig:
106
MIVILUDES
Le Titre Ier du LivreIII de la sixime partie du Code du travail est complt par un chapitreVI ainsi rdig: ChapitreVI: Qualit des actions de la
formation professionnelle continue.
Quand une organisation ou un gourou-thrapeute cible un tablissement de sant ou mdico-social, en plus de lentrisme, ce qui guide sa dmarche
cest dobtenir une caution dont il pourra faire tat pour attirer dautres victimes. Quoi de plus valorisant pour un thrapeute du reiki ou de la kinsiologie
que dobtenir la reconnaissance dune quipe mdicale?
La Miviludes est rgulirement alerte sur lintroduction de pratiques
non prouves au sein de lhpital mais galement sur la prise en charge de
certains handicaps comme lautisme. Le dernier exemple en date est celui
dun patient qui un grand tablissement de sant parisien avait propos des
sances de fasciathrapie.
Cette technique est prsente sur le site http://fasciatherapie-patient.
com/ Guide de la fasciathrapie Mthode Danis Bois comme une thrapie manuelle
dont laction douce et profonde peut tre utilise sur des inflammations importantes, des
douleurs aigus et des blocages svres.
Laction thrapeutique vient solliciter les possibilits dautorgulation intrinsque de lorganisme grce la mise en jeu des mouvements internes tissulaires et aux
modulations toniques qui en rsultent.
Parce que les modulations toniques sont indispensables aux fonctions dadaptation somatiques et psychiques dune personne, la mise en jeu des voies psychotoniques
aboutit des effets somato-psychiques essentiels tant ils participent la rsolution des
pathologies: dtente psychique, diminution des angoisses et de la fatigue psychique, remobilisation des ressources corporelles et cognitives qui permettent de faire face [].
Dans un avis rendu en sance plnire le 12juin 2012, le Conseil national de lOrdre des masseurs-kinsithrapeutes (CNOMK) a rappel solennellement que: La fasciathrapie nest pas reconnue par le ministre charg de la Sant;
le CNOMK ne reconnat pas la fasciathrapie comme une qualification, un diplme,
un titre, un grade, une fonction, une spcificit ou une spcialit de la masso-kinsithrapie;pour cette raison, lusage des termes de fasciathrapeute et/ou fasciathrapie
par un masseur-kinsithrapeute, constitue une faute disciplinaire au sens des articles
R.4321-123, R.4321-124 et R.4321-125 du Code de la sant publique; qu ce jour,
et la connaissance du CNOMK, aucune tude scientifique rfrence dans la littrature internationale ne permet daffirmer que les mthodes utilises par la fasciathrapie,
notamment la pulsologie, la rgulation des liquides du corps, la biomcanique sensorielle, laccordage somato-physique et la mdiation corporelle constituent des soins
fonds sur les donnes actuelles de la science mdicale au sens de larticle R.4321-80 du
Code de la sant publique.
Par consquent, ces techniques de fasciathrapie ne peuvent tre prsentes
comme salutaires puisque insuffisamment prouves et potentiellement illusoires au sens
de larticle R.4321-87 du Code de la sant publique.
108
MIVILUDES
110
MIVILUDES
Exemple de partenariat
engag par la Miviludes
dans le secteur de la sant:
convention avec lAgence
rgionale de sant
dle-de-France
La Mission interministrielle de vigilance et de lutte contre les drives
sectaires (Miviludes) et lAgence rgionale de sant (ARS) dle-de-France ont
conclu un partenariat officialis par une convention signe le 27 novembre
2013 dans les locaux de lagence.
Ainsi, un premier tat des lieux issu de donnes de2010 tablit que:
4Franais sur10 ont recours aux mdecines dites alternatives;
il existe plus de 400pratiques non conventionnelles vise thrapeutique;
on dnombre 1800structures denseignement ou de formation risques
dans le domaine de la sant;
4000psychothrapeutes autoproclams nont suivi aucune formation et
ne sont inscrits sur aucun registre;
environ3000mdecins seraient en lien avec la mouvance sectaire.
ce jour, les drives sectaires dans le domaine de la sant reprsentent prs de 30% de lensemble des interrogations/signalements reus la
Miviludes chaque anne (parmi les 2500 qui lui parviennent).
Les mouvements sectaires jouent sur les enjeux daujourdhui, se
cachent derrire des actions dites humanitaires, une fausse cologie, le
besoin de scurit, le bien-tre et la sant.
Lintrt des mouvements sectaires pour la sant nest pas nouveau: il
est apparu en mme temps que la vague New Age dans les annes1960. Le phnomne qui tait rsiduel et ne concernait que certains groupes en qute dun
autre mode de vie plus proche de la nature, a pris une ampleur inquitante.
En ce dbut du troisime millnaire, lirrationnel attire de plus en plus.
Il est difficile de lutter contre les sectes gurisseuses, car elles ne cessent de
sautodissoudre et de renatre. On assiste une explosion de microstructures
qui gravitent autour de la sant et qui diversifient leurs mthodes. Elles ont en
commun dutiliser les possibilits quoffre Internet: la discrtion, lanonymat
et la rapidit de circulation de linformation.
La maladie est devenue une porte dentre rve pour les mouvements caractre sectaire qui profitent de la souffrance ou de linquitude
des malades et de leur famille pour exercer une emprise leur gard. Les
promesses et recettes de gurison, de bien-tre et de dveloppement personnel
sont au cur des pratiques risque de drives sectaires.
Diffrentes causes peuvent expliquer cet attrait pour une nouvelle
forme de mdecine.
Les progrs scientifiques et techniques ont permis damliorer considrablement la prise en charge de certaines maladies et de faire reculer le taux
de mortalit qui leur tait li, laissant se dvelopper ainsi une explosion des
maladies chroniques. En France, environ quinze millions de personnes sont
en affection de longue dure, atteintes de cancers, de la maladie de Parkinson,
dune sclrose en plaques, de diabte, etc.
112
MIVILUDES
Et sest dvelopp paralllement un attrait pour des pratiques alternatives naturelles mettant en avant lcoute du patient.
En outre, les secteurs gographiques o la dmographie mdicale est
en berne, rendant ainsi difficile laccs aux soins dans certaines rgions, ont
laiss le champ libre linstallation de pseudothrapeutes en tout genre.
Dautres facteurs comme les scandales sanitaires rcents et successifs
mettant en cause lindustrie pharmaceutique et questionnant le rle des pouvoirs publics ont pu aussi contribuer cette dsaffection lgard des pourvoyeurs de soins conventionnels.
Au-del des personnes atteintes de pathologies svres ou chroniques,
dautres publics tout autant vulnrables peuvent tre viss.
Les secteurs du handicap et des personnes ges constituent, compte
tenu de la fragilit de ces populations, un terrain propice linfiltration de
voleurs et escrocs de toutes espces, de mouvements sectaires qui peuvent user
de diffrents moyens pour asseoir leur emprise sur certains usagers et, le cas
chant, tenter de les dpouiller de leurs biens.
La maltraitance des personnes ges passe souvent inaperue et est
rarement signale. Cette maltraitance peut tre intentionnelle ou non intentionnelle et concerne non seulement les maltraitances physiques mais aussi
les abus et ngligences psychologiques, motionnels, sexuels, financiers et
pharmaceutiques.
Certains mouvements de type sectaire sintressent aux femmes
enceintes et/ou aux jeunes parents auprs de qui ils font miroiter des prdictions ou des promesses denfant parfait et les prtendus bienfaits de pratiques dducation prnatale.
Les mineurs prsentent une grande vulnrabilit, quils vivent avec
leurs parents adeptes de pratiques thrapeutiques ou dittiques nocives ou
quils subissent linfluence de tiers aux mthodes dangereuses pour leur sant
physique ou mentale ou de mthodes ducatives visant divers troubles du comportement ou de lapprentissage. Les enfants handicaps sont particulirement
la cible de ces mthodes miracles pseudo-thrapeutiques.
Or, les agences rgionales de sant ont pour mission dassurer, lchelon rgional, le pilotage densemble de notre systme de sant. Elles sont responsables de la scurit sanitaire, des actions de prvention menes dans la
rgion, de lorganisation de loffre de soins en fonction des besoins de la population, y compris dans les structures daccueil des personnes ges ou handicapes. Leur cration a t fonde sur la volont de runir au sein dune mme
structure les comptences autorisant une approche globale de la sant, une
plus grande cohrence des rponses et des parcours pour les patients et personnes en situation de perte dautonomie. Leur champ dintervention est donc
large. Il comprend la sant publique et lorganisation de loffre de soins.
propos de la Miviludes
114
MIVILUDES
116
MIVILUDES
Le bilan 2013
Vingt signaux relevant de phnomnes sectaires parmi les 1500rclamations reues lagence ont t traits.
Les pratiques mises en cause taient principalement dinspiration New
Age ou relevant de techniques par apposition des mains.
Trois services de soins hospitaliers et sept professionnels de sant ou
relevant de professions rglementes taient concerns.
Ces dossiers ont fait lobjet des mesures suivantes, prises par lARS
le-de-France:
Six avis ont t transmis au procureur de la Rpublique selon larticle40 du Code de procdure pnale.
Cinq rponses argumentes ont t formules auprs des requrants
avec une orientation vers les associations daide aux victimes.
118
MIVILUDES
Une enqute a t diligente dans un tablissement hospitalier accompagne dune information auprs des institutions professionnelles concernes.
Perspectives
Quelques orientations ont t dfinies pour lanne2014.
Tout dabord la poursuite et la consolidation des actions de partenariat entre lARS le-de-France, la Miviludes et les associations de dfense des
victimes de la rgion. Les runions dj bien installes se poursuivront frquence rgulire afin de partager linformation et lexprience sur des situations rencontres.
De mme de nouveaux outils seront dvelopps en fonction de la
demande des partenaires pour une meilleure comprhension du phnomne
et pour un meilleur traitement. Ainsi une procdure dappui la recherche
dinformations sur les pratiques non conventionnelles vise thrapeutique
PNCAVT sera dveloppe.
En outre, lARS le-de-France a dores et dj initi des travaux prparatoires la mise en place dun groupe de rflexion sur les pratiques non conventionnelles vise thrapeutique auquel la Miviludes participera afin dapporter
un clairage la question du positionnement de lARS le-de-France sur ces
offres dans leurs diffrents champs dintervention (cancrologie, soins palliatifs, douleur chronique, prinatalit, psychiatrie, handicap, personnes ges,
addictologie).
Par ailleurs, lAgence va lancer une rflexion sur les associations de bnvoles qui interviennent en tablissements de sant. Cette rflexion pourrait dbuter par une enqute auprs des tablissements de sant afin dobtenir une description des associations prcisant les activits proposes et leur organisation. La
Miviludes apportera son exprience en proposant des critres de lecture adapts.
Concernant le dploiement du dveloppement professionnel continu
(DPC) des professionnels de sant, une action commune est envisage avec
lARS le-de-France afin dappeler la vigilance des autorits en charge du DPC,
ie lorganisme gestionnaire du DPC (OGDPC), qui est lautorit indpendante
responsable de lenregistrement et du contrle des organismes du dveloppement professionnel continu sur la base de lexpertise de diffrentes instances.
En effet, les formations et enseignements dans le domaine des mdecines non conventionnelles composent un march florissant comportant un
risque de drives sectaires. Ainsi, on dnombre aujourdhui prs de 4000
offres sur le march de la sant sur un total de 60000 organismes de formation (chiffres communiqus par le ministre du Travail), pour des centaines de
mthodes vise thrapeutique.
Le rcent rapport de la Commission denqute parlementaire rendu
public le 3avril 2013, Drives thrapeutiques, drives sectaires: la sant en danger a
consacr tout un chapitre au dveloppement de ces techniques par le biais de
la formation professionnelle (http://www.senat.fr/rap/r12-480-1/r12-480-11.
Conclusion
Il sagit de la premire convention que la Miviludes signe avec une
agence rgionale de sant. Elle tmoigne de lengagement des deux institutions de dvelopper une vigilance sur les drives sectaires en sant et de veiller linformation et la protection de lusager, notamment lorsque celui-ci
sinterroge sur son parcours de soins, savoir le choix du thrapeute ou du
traitement complmentaire.
La dclinaison du modle de partenariat engag avec lARS le-deFrance auprs des vingt-cinq autres agences rgionales de sant est vivement
souhaite. Un premier appel a t lanc. Il sera bientt suivi dune prsentation devant le collge des directeurs gnraux dARS afin de les sensibiliser au
phnomne des drives sectaires dans le domaine de la sant.
Couverture presse
http://www.ars.iledefrance.sante.fr/
Derives-sectaires-en-sante-l.165097.0.html
http://www.lequotidiendumedecin.fr/actualite/sante-publique/laMiviludes-et-l-ars-ile-de-france-signent-une-convention-pour-la-lutte-contre-lesderives-sectaires-en-sante
http://www.hospitalia.fr/Derives-sectaires-en-sante-la-MIVILUDES-et-lARS-Ile-de-France-agissent-pour-mieux-prevenir-et-proteger-les-usagers_a164.html
http://www.pratispharma.com/modules/news/
news_TV.php?newsid=2462
http://dento-reseau.com/actualites/la-Miviludes-et-lars-ile-de-francesignent-une-convention-pour-la-lutte-contre-les-derives-sectaires-en-sante
Kineactu.com/n1344/Jeudi 19dcembre 2013
http://www.unadfi.org/L-ARS-d-Ile-de-France-et-la-Miviludessignent-une-convention
120
MIVILUDES
http://www.afsi-fauxsouvenirs.org/la-Miviludes/les-colloques.html
PRIODE
Victimes
122
MIVILUDES
Sant mentale
Nutrition
Cancer et soins de support
Prinatalit
CONCLUSIONS :
Usage de titres mdicaux ou para mdicaux non reconnus ou invents (ex : psycho praticien).
TITRES PRESENTES
Description de techniques vise thrapeutique non valides voire farfelues (aux bienfaits non
mesurables)
DOCTRINE
Association ayant pour socle des prceptes religieux ou le discours dun personnage
emblmatique
Et qui de surcrot cible les personnels hospitaliers et en particulier les personnels soumis un
fort stress (oncologie, soins palliatifs)
FORME DE LORGANISATION
LEMENTS DE SIGNALEMENT
PROBLMATIQUE REPRE:
oui/non
COMMENTAIRES
ANALYSE DE LA DEMANDE
DESCRIPTION DU CAS
Numro
denregistrement
Dates
Observations
DATE
Miviludes, Snated et
DGCS121, partenaires dans
la protection de lenfance
contre les drives sectaires
126
MIVILUDES
122 - Laide immdiate dsigne un entretien tlphonique qui a fait lobjet de conseils, dorientations, de renseignements, ou qui rvle une situation de danger ou un risque de danger sans lment identifiant.
123 - Linformation proccupante correspond un entretien tlphonique relatif une situation denfant en
danger ou en risque de danger dont un compte-rendu crit est adress la Crip du dpartement concern.
ayant pour but ou effet de crer, de maintenir ou dexploiter chez une personne un tat de
sujtion psychologique ou physique, la privant dune partie de son libre-arbitre, avec des
consquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la socit124.
Dans le prolongement des travaux de la Commission denqute parlementairede 2006125, la Mission interministrielle sest intresse la question
spcifique de la protection des enfants et des adolescents exposs une drive
sectaire, ainsi quen tmoignent son rapport remis au Premier ministre au titre
de lanne2009, paru en avril2010 et comportant un dossier complet sur les
mineurs et le risque sectaire126, et son guide relatif la protection des mineurs
contre les drives sectaires, dit en octobre2010.
Cest parce quelle a demble considr que les mineurs constituaient
un public vulnrable et une cible privilgie des drives sectaires, quils vivent
avec leurs parents eux-mmes adeptes ou quils subissent linfluence de tiers
aux mthodes dangereuses pour leur sant physique ou mentale, que la
Miviludes sest dans un premier temps rapproche du Snated, puis du secrtariat dtat la Famille, afin dtablir et de mettre en uvre des conventions de
partenariat visant uvrer de faon mieux coordonne dans le champ de la
protection de lenfance.
Le Snated tait en effet susceptible de contribuer une meilleure
connaissance, prvention et orientation des mineurs concerns et de leur
famille, compte tenu de ses missions daccueil, dcoute, de conseil, de soutien
et dorientation des situations de mineurs en danger ou en risque de ltre. La
Miviludes, de son ct, pouvait apporter son expertise concernant les drives
sectaires la connaissance des coutants du Snated, afin de les aider mieux
cerner cette problmatique.
Dans le cadre de leurs comptences propres, le Snated et la Miviludes
pouvaient ainsi saccorder la mise en uvre dactions communes visant
notamment lchange dinformations, la prvention et la prise en charge
des mineurs concerns et de leur famille, au besoin en lien avec le secteur
associatif concern.
Par ailleurs, la Direction gnrale de la cohsion sociale (DGCS) tait
associe ce projet, et invite apporter son expertise en ce qui concerne le
contenu et la mise en uvre de ces formations.
Cest donc dans le cadre de cette convention de partenariat entre le
Snated et la Miviludes, signe le 4 octobre 2011, quont t spcifiquement
dcids trois axes de travail commun.
128
MIVILUDES
124-Voir http://www.derives-sectes.gouv.fr:quest-ce-quune-derive-sectaire
125-Lenfance vole, les mineurs victimes des sectes: le rapport fait au nom de la commission denqute relative
linfluence des mouvements caractre sectaire et aux consquences de leurs pratiques sur la sant physique et
mentale des mineurs (Assemble nationale, 2006) prsente cinquante recommandations touchant lducation,
la sant, au droit pnal et au droit de la famille, devant permettre de mieux faire face aux dangers auxquels
sont exposs les enfants.
126 - Le rapport au Premier ministre2009 est puis, mais reste consultable sur le site Internet de la Mission
interministrielle de vigilance et de lutte contre les drives sectaires: www.derives-sectes.gouv.fr
130
MIVILUDES
Le partenariat envisageait paralllement la programmation dune formation des professionnels de la protection de lenfance, de ladolescence et de
la jeunesse en rgion, des professionnels de la protection maternelle et infantile, des professionnels des structures associatives et du champ mdico-social,
organise par la DGCS, et laquelle la Miviludes serait associe.
Si le dmarrage de ces formations vise le public spcifique de la protection de lenfance et de la protection maternelle et infantile, il a vocation
voluer pour toucher tous les champs et stendre tous les services et structures, en particulier les professionnels des prfectures, des conseils gnraux,
du rseau et des structures associatives.
Lobjectif de cette formation est au final de sensibiliser lensemble des
acteurs de la protection de lenfance la problmatique des drives sectaires
et de proposer une information qui puisse se dcliner en un ensemble doutils
permettant une approche pratique de vigilance et de lutte. Suite la volont
de runir dans cette mme formation des cadres et des acteurs de terrain,
celle-ci a t dcline en deux temps distincts: une matine vise thorique,
exposant des lments dinformation gnralistes concernant les drives sectaires et les lments spcifiques la problmatique touchant les mineurs,
une aprs-midi vise pratique, adresse aux acteurs de terrain, afin de favoriser lchange dinformations et de bonnes pratiques, prenant la forme dateliers et danalyses de cas.
Ce troisime axe est actuellement au cur des rflexions communes
concernant la suite de ces partenariats et les projets venir.
Ce partenariat entre la Miviludes et le secrtariat dtat la Famille tire
au final sa spcificit et son efficacit de sa double vocation, la fois de sensibilisation des familles aux risques des drives sectaires et de formation des acteurs
de la protection de lenfance au reprage et laction contre ces risques. Il tait
dautant plus ncessaire que les mineurs vivant dans un contexte sectaire soient
considrs comme les victimes potentielles ou relles datteintes et de violences
difficilement dcelables du fait de lenfermement symbolique ou effectif dans
lequel ils se trouvaient. Dans un contexte sectaire, lenfant ou ladolescent, le
plus souvent invisible et inaudible, ne peut en effet qutre priv de ses droits
fondamentaux et de son accs futur au statut de citoyen libre et clair, quil
appartient ltat de garantir.
132
MIVILUDES
Enfin, outre la dscolarisation et labsentisme, les problmes dapprentissage et lchec scolaire constituent la troisime problmatique dveloppe dans les appels. Une scolarisation en pointill, telle que dcrite prcdemment, peut souvent expliquer cet chec scolaire.
Mme lorsque lenfant se rend rgulirement en classe, certaines situations permettent de mettre en vidence un lien explicite entre appartenance
un mouvement sectaire et chec scolaire. En effet, lorsque les parents dcident
denseigner leurs enfants les prceptes de leur mouvement, bien souvent, il
apparat que lenfant na alors plus ni le temps ni la concentration ncessaire
aux apprentissages dun cursus scolaire normal, les temps pri ou extrascolaires tant surinvestis par les parents en ce sens.
Dans un quart des situations, une souffrance psychique des parents est
galement constate alors que cette proportion est nettement infrieure dans
lensemble des situations traites par le Snated.
Une corrlation troite peut paralllement tre tablie entre la dangerosit des violences commises et la gravit des pathologies psychiatriques prsentes. Il apparat en effet que le ou les parents concerns ont souvent essay
dattenter leur vie ou effectu des sjours en milieu psychiatrique.
Des dlires paranoaques sont paralllement identifis dans quelques
appels o les parents se considrent sous lemprise dun pouvoir extrieur.
La consommation addictive de produits toxiques se distingue enfin dans une
dizaine de situations.
Dans limmense majorit des cas, cependant, les parents senferment
dans le dni de cette souffrance psychique et refusent catgoriquement tout
accompagnement thrapeutique.
Il convient ensuite de constater que dans ces situations, les difficults
parentales dans la prise en charge de lenfant vont souvent de concert avec la
souffrance psychique de ce dernier. La rcurrence de ces problmes ducatifs ou problmes dans la prise en charge de lenfant tmoigne des consquences directes sur lui dun contexte de drives sectaires.
Ces difficults peuvent apparatre en cas dapplication trs stricte de
certaines pratiques (rgime alimentaire trs carenc, absence de soins en vertu
de certaines croyances) mais sont galement prsentes lorsque le parent est
trop accapar par ses rituels pour assumer le quotidien familial, ngligeant
alors les enfants sur le plan alimentaire comme dans le domaine des soins, de
lhygine et de lducation.
134
MIVILUDES
Un partenariat prometteur
pour 2014 et 2015
Service national dont le primtre dintervention couvre la France
mtropolitaine et les dpartements doutre-mer, le Snated ne voit pas passer
en son sein lintgralit des situations nationales denfants en danger ou en
risque de ltre faisant lobjet dune information proccupante: cest ainsi que
le volume des informations proccupantes gres par le Snated ne reprsente
que 10% des informations proccupantes nationales.
Il apparat donc ncessaire de donner les moyens aux professionnels
uvrant dans le champ social et plus particulirement dans celui de la protection de lenfance, dvaluer efficacement les lments rvlateurs dune
drive sectaire. Dautre part, sil apparat indispensable que tous les acteurs
concourant au dispositif de protection de lenfance doivent exercer un rle
de vigilance et de lutte contre les drives sectaires, seule une poursuite de la
dmarche de formation mene conjointement par la Miviludes et la DGCS au
profit de lensemble de ces professionnels pourrait aboutir cet objectif. Une
participation active du Snated tant au niveau de llaboration du contenu de
cette formation, que de sa mise en uvre auprs des diffrents acteurs, permettrait tout adulte ou mineur confront une situation denfant en danger expos une drive sectaire dtre soutenu et conseill par des coutants
experts en ce domaine.
Dautre part, et dans le prolongement des rflexions prcdentes selon
lesquelles les appels reus au Snated noffrent quune vision parcellaire du phnomne sectaire, une partie non ngligeable des signalements concernant les
mineurs tant directement adresse aux Crip, il sera donc ncessaire dentrer
en relation avec les dpartements et de les impliquer dans la remonte dinformations afin de bnficier dune vision plus complte du phnomne sectaire
affectant les mineurs.
136
MIVILUDES
Annexe
Espace info-familles
Les drives sectaires
Si vous souponnez que votre enfant ou votre adolescent est victime
de drives sectaires, vous trouverez de laide auprs des services ou
des associations spcialiss dans ce domaine ou en vous adressant la
Mission interministrielle de vigilance et de lutte contre les drives sectaires (Miviludes).
Profitant des difficults et des souffrances de votre enfant ou de votre
adolescent, et sappuyant sur vos inquitudes, les groupes caractre sectaire
peuvent proposer des modes de vie, des mthodes ou des solutions miracles
par lesquels ils parviendront exercer leur emprise.
Quand faut-il sinquiter?
Lorsque lenfant est duqu dans un milieu ferm. Du fait de lappartenance de lun ou de ses deux parents un mouvement sectaire, lenfant se
trouve immerg dans un bain de pratiques et de croyances. Cette situation peut
conduire un enfermement symbolique ou effectif.
Lorsque lenfant est pris en charge par un praticien aux mthodes radicales
et absolues. Certains pseudo-praticiens peuvent proposer des mthodes non
conventionnelles vise thrapeutique, vritables solutions miracles prsentes comme tant les seules mme de gurir votre enfant ou de rsoudre ses
difficults. Ces mthodes jettent le discrdit sur le recours des pratiques plus
conventionnelles en matire de sant ou de bien-tre.
Lorsquun adolescent est sduit par un discours alternatif et absolu. Un adolescent, dans son dsir de transgression et de libert, peut tre sduit par des
discours absolus et alternatifs sous couvert didaux de progrs et de solidarit
ou didentification un groupe de pairs. Cela peut induire des situations de
violence, voire une rupture avec le milieu familial.
lev ou embrigad dans un contexte sectaire, votre enfant peut ainsi
tre gravement menac dans sa sant, son dveloppement affectif et social et
son ducation.
Contacts utiles
138
MIVILUDES
Le rapport La protection
des mineurs contre les drives
sectaires pour la Commission
des questions juridiques
et des droits de lhomme
de lAssemble parlementaire
du Conseil de lEurope
(APCE)
Synthse du rapport
La protection des mineurs
contre les drives sectaires
Il sagit dun rapport en trois parties:
Expos du projet de rsolution (A) et du projet de recommandation (B)
adopts par la Commission Paris, le 3mars 2014.
Expos des motifs (C).
Annexe: rsum des rponses faites au questionnaire prsent aux dlgations parlementaires des tats membres via le Centre europen de recherche
et de documentation parlementaire (CERDP).
Rsum:
Le Conseil de lEurope sest proccup plusieurs reprises de la protection des mineurs contre les drives sectaires, loccasion notamment des
rsolutions no1178 (1992) et no1412 (1999) de lAssemble. Le suivi de cellesci reste nanmoins trop modeste et, alors que le problme des drives sectaires
touchant les mineurs demeure trs inquitant en Europe, lAssemble dplore
la grande disparit des mesures de protection des mineurs contre les drives
sectaires selon les tats membres et labsence dinformations fiables et prcises.
140
MIVILUDES
fondamentaux et la libert de religion, et, le cas chant, faire prvaloir lintrt suprieur de lenfant, conformment la Convention relative aux droits de
lenfant (CDE).
Projet de rsolution
LAssemble parlementaire rappelle lengagement du Conseil de lEurope en faveur dune politique de protection des mineurs et lensemble des
textes quelle a elle-mme adopts en ce domaine. Elle expose sa proccupation face aux risques que les mouvements sectaires peuvent faire courir aux
mineurs et prsente la dfinition de la drive sectaire. Cette proccupation
sinscrit dans lengagement du Conseil de lEurope pour une culture du vivre
ensemble qui affirme la libert de pense, de conscience et de religion de
tous et particulirement des groupes religieux minoritaires, tout en se proccupant des activits illgales des mouvements caractre sectaire. Observant que
le phnomne sectaire touche davantage les mineurs et regrettant le manque
de donnes et dactions concrtes dans ce domaine, lAssemble invite les tats
membres :
1) Signer et/ou ratifier les conventions pertinentes du Conseil de lEu-
2) Recenser des informations fiables et prcises sur les cas des drives
sectaires touchant les mineurs, le cas chant, dans le cadre des statistiques sur la criminalit et/ou dautres.
3) Crer ou soutenir, si ncessaire, des centres nationaux ou rgionaux dinformation sur les mouvements religieux et spirituels caractre sectaire.
4) Dispenser un enseignement de lhistoire des religions et des grands
courants de pense dans le cadre de lenseignement scolaire.
5) Veiller ce que lobligation de scolarit soit applique et assurer un
contrle strict, rapide et efficace de tout enseignement priv, y inclus
la scolarit domicile.
6) Prendre des mesures de sensibilisation sur lampleur du phnomne
sectaire et des drives sectaires, notamment vis--vis des magistrats,
des services du Mdiateur, de la police et des services sociaux.
7) Adopter ou renforcer, si ncessaire, des dispositions lgislatives rprimant labus de faiblesse psychologique et/ou physique de la personne, et permettant aux associations dutilit publique de se porter
partie civile dans des affaires pnales concernant les drives sectaires.
8) Soutenir, aussi financirement, laction des organisations prives qui
apportent leur soutien aux victimes des drives sectaires et de leurs
proches et, si ncessaire, encourager la cration de telles organisations.
LAssemble invite galement les parlements nationaux instaurer en
leur sein des groupes dtude sur le phnomne sectaire et son impact
sur les mineurs.
Projet de recommandation
LAssemble parlementaire, se rfrant la Rsolution 1992 du 10 avril
2014, recommande au Comit des ministres:
1) De raliser une tude visant mesurer la ralit du phnomne sec-
taire touchant les mineurs au niveau europen, sur la base des informations fournies par les tats membres.
2) De mettre en place un groupe de travail charg dchanger entre les
tats membres des informations relatives aux drives sectaires touchant les mineurs et dlaborer de bonnes pratiques sur la prvention de ce phnomne.
3) Duvrer une meilleure coopration au plan europen pour mettre
en place des actions communes de prvention et de protection des
mineurs contre les drives sectaires.
Introduction
Procdure
Problmatique et terminologie
Monsieur Salles expose la ncessit dintgrer la proccupation envers
les drives sectaires dans le cadre des actions dj menes pour la protection
de lenfance, et lintrt duser de la terminologie drive sectaire et non
secte dans cette perspective130.
142
MIVILUDES
130-En appui de ce choix terminologique, rfrence est faite la recommandation du 27 janvier 2011
CONF/PLE(2011) REC1 intitule Drives sectaires et violations des droits de lhomme de la confrence des
OING du Conseil de lEurope.
En particulier:
Recommandation 1551 (2002) Construire au xxie sicle une socit avec
et pour les enfants.
Rsolution 1530 (2007) et Recommandation 1778 (2007) Enfants victimes:
radiquons toutes les formes de violence, dexploitation et dabus.
Rsolution 1952 (2013) et sa Recommandation 2023 (2013) Le droit des
enfants lintgrit physique.
131-Les relations personnelles de lenfant (article 9 paragraphe 3), Laccs la justice (article 12 paragraphe2), Le droit de sexprimer librement (articles12et13), La libert de pense, de conscience et de religion
(article14), La sant (article24 paragraphe1), Lducation (articles28et29), La protection contre lexploitation et la violence sexuelle et toute sorte dexploitation (articles24,32et36), ainsi que le Prambule de la
Convention: Lenfant, pour lpanouissement harmonieux de sa personnalit, doit grandir dans le milieu familial, dans un
climat de bonheur, damour et de comprhension..
Monsieur Salles constate quil nexiste pas de rgles au niveau europen spcifiques aux sectes ou nouveaux mouvements religieux (NMR).
Touchant leur activit, les seules restrictions aux liberts fondamentales132 que
la Convention europenne des droits de lhomme garantit sont celles prvues
par la loi et ncessaires dans une socit dmocratique (ex.: proslytisme
abusif ou discrimination).
Toutefois, les drives sectaires peuvent porter atteinte aux droits
absolus, tels que larticle2 (Droit la vie), larticle3 (Interdiction de la torture), article4 (Interdiction de lesclavage et du travail forc), ainsi quau Droit
la libert et la sret (article5) ou au Droit au respect de la vie prive et
familiale (article8).
La jurisprudence de la Cour europenne des droits de lhomme
(CEDH) sur les sectes se cantonne une analyse133 de la lgalit, la ncessit et la proportionnalit des mesures prises par les autorits nationales. Dans
ce domaine, la CEDH na jamais rendu des arrts portant directement sur les
mineurs, ce que le rapporteur explique en partie par la spcificit de la procdure devant la Cour.
La position des instances europennes concernant
le phnomne des drives sectaires
144
MIVILUDES
132 - CEDH article 9 (Libert de pense, de conscience et de religion), article 10 (Libert dexpression) et
article11 (Libert dassociation).
133-Le peu darrts concernant cette problmatique porte surtout sur linstruction, la garde denfants, la
libert de religion, la libert dexpression, ainsi que sur la dprogrammation des leaders sectaires et concerne
en majorit les Tmoins de Jhovah.
civiles et pnales contre les pratiques illgales des sectes. Faute de ressources
humaines et financires, les recommandations de crer un observatoire europen sur les groupes caractre religieux, sotrique ou spirituel et dinclure des actions spcifiques dans les programmes daide aux pays dEurope
centrale et orientale ont t rejetes.
134-Rsolution sur une action commune des tats membres de la Communaut europenne la suite de
diverses violations de la loi commises par de nouvelles organisations uvrant sous le couvert de la libert religieuse.
135 - Les sectes en Europe.
136 - Note du rdacteur de la synthse: la Miviludes travaille par ailleurs en lien troit sur le territoire national
avec les associations daide aux victimes des drives sectaires que sont le Centre contre les manipulations mentales (CCMM) et lUnion des associations de dfense des familles et de lindividu victimes de sectes (Unadfi).
137 - Note du rdacteur de la synthse: la Belgique sest dote le 23 janvier 2012 dune loi modifiant et compltant le Code pnal en vue dincriminer labus de la situation de faiblesse des personnes et dtendre la protection
pnale des personnes vulnrables contre la maltraitance. Par ailleurs, le 13mars 2012a t fonde lassociation
sans but lucratif Aide aux victimes des sectes (Aviso).
Conclusion
Monsieur Salles souligne la difficult de trouver un consensus europen. Toutefois, au regard de la vulnrabilit des enfants et des adolescents,
il affirme la ncessit de maintenir une vigilance et de rprimer toute pratique de leur sujtion au nom des croyances. Lacquis du Conseil de lEurope
en matire de protection de lenfance et de libert de religion pourrait servir
de base pour laborer de nouvelles politiques et pour adopter de nouveaux
instruments.
Selon le rapporteur, il faut:
prconiser llaboration de statistiques appropries sur les drives sectaires
et, le cas chant, la cration de centres nationaux sur les mouvements religieux
et spirituels ainsi que faciliter lchange de donnes entre ces organismes;
promouvoir lenseignement de lhistoire des religions et des grands courants
de pense dans les coles;
que tous les tats membres du Conseil de lEurope signent et/ou ratifient les
conventions pertinentes sur la protection de lenfance, Lanzarote (STCE no201)
et la Convention sur la lutte contre la traite des tres humains (STCE no197) ;
des mesures de grande envergure de sensibilisation des services sociaux, des
juges, des fonctionnaires, de la police et des services du Mdiateur;
146
MIVILUDES
138-La Miviludes distingue trois groupes dtats: 1) des tats dans lesquels le phnomne sectaire a peu
dimpact sur la jeunesse (le Royaume-Uni) ou les pouvoirs publics le suivent rgulirement (la Belgique, lAutriche, lAllemagne, la Rpublique tchque et la Slovaquie); 2) des pays qui ont une vision trs librale lgard
de la libert de religion, et par consquent au phnomne sectaire (la Sude et le Danemark) ou dont le dispositif lgard de la collecte des donnes sur ce phnomne est faible ou inexistant (la Russie, lUkraine, le
Portugal, les Pays-Bas, la Grce, Chypre et la Hongrie); 3) des pays dans lesquels on na pas relev de cas graves
de drives sectaires affectant les mineurs (la Roumanie, la Bulgarie, la Pologne, la Lituanie, lEstonie, la Slovnie,
le Luxembourg, lItalie, la Finlande, la Lettonie, lAlbanie et Malte).
139-Exemple est pris des quatre recommandations de la commission denqute parlementaire du Snat
de2013 touchant la protection des mineurs.
148
MIVILUDES
prne une politique de respect de la libert de religion ou de croyance telle quelle est
consacre larticle9 de la Convention europenne des droits de lhomme (STE no5) et
condamne lintolrance et la discrimination lencontre des enfants pour des motifs de
religion ou de croyance, en particulier dans le systme ducatif.
3) LAssemble elle-mme a adopt des textes sur la protection et le bien-tre des
enfants, dont la Recommandation1551 (2002) Construire au xxiesicle une socit avec et
pour les enfants: suivi de la Stratgie europenne pour les enfants (Recommandation1286
(1996)), la Rsolution1530 (2007) et la Recommandation1778 (2007) Enfants victimes: radiquons toutes les formes de violence, dexploitation et dabus, la Rsolution1952
(2013) et la Recommandation2023 (2013) sur le droit des enfants lintgrit physique.
4) LAssemble est proccupe chaque fois que des mineurs subissent des abus,
quels quils soient. Il est indispensable que la lgislation en vigueur soit fermement applique, et ceci est fait dans le contexte du respect des droits des enfants et de leurs parents,
conformment aux articles9 et14 de la Convention europenne des droits de lhomme et
la jurisprudence de la Cour europenne des droits de lhomme.
5) Le Conseil de lEurope a toujours promu une culture du vivre ensemble et
lAssemble sest exprime plusieurs reprises en faveur de la libert de pense, de conscience
et de religion ainsi quen faveur des groupes religieux minoritaires, y compris ceux qui
sont apparus rcemment en Europe, notamment dans ses Recommandation1396 (1999)
Religion et dmocratie et Recommandation1804 (2007) tat, religion, lacit et droits
de lhomme ainsi que dans la Rsolution1846 (2011) et la Recommandation1987
(2011)Combattre toutes les formes de discrimination fondes sur la religion.
LAssemble estime que toute organisation religieuse ou quasi religieuse devrait tre comptable envers le public de toute infraction au droit pnal et constate avec satisfaction que
des organisations religieuses tablies ont annonc que des lments concernant des svices
enfant dans ces organisations devraient tre signals la police aux fins denqute.
De lavis de lAssemble, rien ne justifie de faire la distinction entre les religions
tablies et les autres, y compris les religions et confessions minoritaires, dans lapplication
de ces principes.
6) LAssemble note que, conformment la Rsolution1530 (2007), la protection des mineurs, les droits parentaux et la libert de religion ou de croyance doivent tre
promus quelle que soit la sphre dactivits, quelle soit publique (notamment dans les
tablissements scolaires publics, hpitaux, etc.) ou prive (notamment les systmes privs
dducation, la famille, le sport et autres activits de loisir, les activits religieuses, etc.).
7) LAssemble invite donc les tats membres signer et/ou ratifier les conventions pertinentes du Conseil de lEurope sur la protection et le bien-tre des enfants sils ne
lont pas dj fait.
8) LAssemble invite galement les parlements nationaux instaurer en leur
sein des groupes dtude sur la protection des mineurs, en particulier ceux qui appartiennent des minorits religieuses.
9) LAssemble invite les tats membres veiller ce quaucune discrimination ne
soit autorise en raison du fait quun mouvement est considr ou non comme une secte,
ce quaucune distinction ne soit faite entre les religions traditionnelles et des mouvements
religieux non traditionnels, de nouveaux mouvements religieux ou des sectes sagissant
de lapplication du droit civil et pnal, et ce que chaque mesure prise lencontre de mouvements religieux non traditionnels, de nouveaux mouvements religieux ou de sectes soit
aligne sur les normes des droits de lhomme telles quelles sont consacres par la Convention
europenne des droits de lhomme et dautres instruments pertinents protgeant la dignit
inhrente tous les tres humains et lgalit de leurs droits inalinables.
Nous pouvons certes nous fliciter, comme le constate Madame Anne
Brasseur, que: Le rapporteur a russi faire entriner par lassemble lessentiel de
son message: les drives sectaires existent bel et bien et tous les tats membres du Conseil
de lEurope se doivent de rflchir de meilleurs moyens pour protger les mineurs contre
de telles drives. Mais il est regrettable de constater que lAPCE na pas pris la
mesure des enjeux que soulevait ce rapport.
150
MIVILUDES
Monsieur Rudy Salles inscrit clairement la lutte contre les drives sectaires dans la protection des liberts fondamentales et notamment religieuses
aux fins de garantir les conditions dun choix libre et clair. Parce que
toute situation demprise ou de sujtion est en soi une atteinte grave au principe dautonomie de lindividu, socle fondateur des droits de lhomme et de la
dmocratie, la lutte contre les drives sectaires rpond aux valeurs constitutives
du Conseil de lEurope. Un tat de droit se doit duvrer garantir pour chacun les conditions dune libert de conscience effective, et se doit de combattre
ceux qui usent des liberts dexpression, de culte et dassociation en mettant
mal le fondement mme de ces liberts. En particulier, un tat de droit se doit
de garantir aux enfants les conditions de leur accs futur au statut de citoyen
libre et clair. Aussi, la Miviludes et lensemble des acteurs europens qui
accomplissent un travail quotidien de vigilance et de lutte contre les drives
sectaires entendent poursuivre leur travail pdagogique dinformation et de
sensibilisation au niveau europen afin que les acteurs et professionnels de
la protection de lenfance prennent la mesure des risques que le phnomne
sectaire fait courir aux mineurs.
ChapitreI de la loi
Dans la prsente loi, est considre comme une victime dun acte criminel toute personne physique qui, loccasion dun acte criminel commis au
Qubec, subit une atteinte son intgrit physique ou psychologique ou une
perte matrielle, que lauteur de cet acte criminel soit ou non identifi, arrt,
poursuivi ou reconnu coupable.
Sont galement considres comme des victimes ses proches et ses personnes charge. []
ChapitreIII de la loi
[]
Art.8.Est institu, au ministre de la Justice, le Bureau daide aux victimes dactes criminels.
Le Bureau est compos des fonctionnaires que le ministre dsigne.
152
MIVILUDES
1 il favorise la promotion des droits des victimes reconnus par la prsente loi et veille au dveloppement des programmes daide aux victimes ainsi
qu la concertation et la coordination des actions des personnes, ministres
et organismes qui dispensent des services aux victimes;
2 il conseille le ministre de la Justice sur toute question relative laide
aux victimes;
3 il favorise limplantation et le maintien des centres daide aux victimes et, cette fin, encourage la participation de groupes et dorganismes
communautaires la mise sur pied de ces centres en leur fournissant lassistance technique ou professionnelle requise pour leur tablissement et leur
fonctionnement;
4 il favorise la ralisation et la diffusion de programmes dinformation, de sensibilisation et de formation concernant les droits et les besoins des
victimes ainsi que les services qui leur sont accessibles. []
Art.10. Le ministre de la Justice peut reconnatre des centres daide
aux victimes dactes criminels, forms de groupes ou dorganismes communautaires qui prtent leur concours la mise en uvre dun programme daide
aux victimes. []
Chapitre IV de la loi
Art.15.Le ministre de la Justice peut accorder une aide financire
toute personne ou organisme qui remplit les conditions dtermines par le
rglement pour favoriser le dveloppement de services daide aux victimes,
notamment pour assurer limplantation et le maintien de centres daide reconnus conformment larticle10.
Les Cavac travaillent en lien troit avec tous les intervenants dans le
domaine touchant une affaire: les milieux judiciaires, les rseaux de sant, les
services sociaux, ainsi que les associations et les organismes communautaires.
Lintervention des Cavac auprs des victimes a lieu dans le respect des
besoins de ces dernires et leur rythme.
Conclusion
La France, prcurseur dans le domaine de la prvention et de la rpression (loi About-Picard) comme dans celui de la lutte contre les drives sectaires, se heurte un vritable problme dans le traitement de la sortie de
lemprise mentale et du suivi des victimes.
Le manque de reconnaissance des prjudices collatraux est galement
trs souvent cit par les victimes et les familles reues la Miviludes, ainsi quun
fort sentiment dabandon et de non-reconnaissance de la qualit de victime, un
sentiment de plus en plus dvelopp.
154
MIVILUDES
partie
Contributions
des ministres
MIVILUDES
156
Contribution du ministre
de lIntrieur
Objet: bilan 2013 du ministre de lIntrieur en matire de lutte
contre les drives sectaires.
loccasion de la publication prochaine du rapport de la Mission
interministrielle de vigilance et de lutte contre les drives sectaires, je vous
transmets le bilan 2013 pour le ministre de lIntrieur. Aprs le rappel des
diffrents services qui agissent en la matire (I), seront exposs les actions de
formation entreprises (II) et le bilan de ces actions (III), notamment sur les
deux thmatiques retenues pour lanne2013 dans la circulaire NOR: INTD
1238410C du 26dcembre 2012, savoir les dviances thrapeutiques et les
mouvances apocalyptiques.
Depuis le 1erjuillet 2008 (date de sa cration), la sous-direction de linformation gnrale (SDIG), rattache la Direction centrale de la scurit publique
(DCSP) compte au titre de ses principales missions la lutte contre les drives sectaires, avec une orientation particulire sur les menaces lordre public. La SDIG
entretient un partenariat troit avec la Miviludes, quelle accompagne dans ses
travaux et rflexions. Elle participe rgulirement au comit excutif de pilotage
oprationnel et ponctuellement au comit dorientation de la Mission.
Mobilise sur lensemble du territoire face au phnomne sectaire, la
SDIG suit avec attention lvolution de cette mouvance, en constante mutation,
cherchant dterminer les faits portant atteinte lordre public, aux biens ou
aux personnes et pouvant conduire dventuelles poursuites judiciaires.
Lexpertise de la SDIG sur le phnomne sectaire se traduit par la
production de notes danalyse qui sont le fruit de lexploitation des synthses
transmises par les services territoriaux, recoupes et enrichies par les lments
Au sein de la SDIG
La recherche du renseignement sur la problmatique sectaire est effectue par un rseau de correspondants, rfrents sectes, affects dans les
diffrents services dpartementaux de linformation gnrale, qui assurent la
transmission de linformation la direction centrale.
Afin de sensibiliser ces personnels spcialiss, la SDIG met en place
chaque anne, en partenariat avec la Miviludes, des actions de formation au
plan national. Ainsi, en2013, plusieurs journes de sensibilisation ont t organises dans les rgions Lorraine et Aquitaine, animes par les deux conseillers
spcialiss de la Miviludes. Vingt-neuf fonctionnaires ont pu bnficier de ces
journes de formation.
Au cours de lanne2013, certains de ces rfrents sectes de la SDIG
ont en outre particip aux runions des conseils dpartementaux de prvention de la dlinquance (CDPD) ou autres groupes spcifiques de travail sur les
drives sectaires.
Au sein de la Caimades
160
MIVILUDES
Au sein de la DGGN
Les efforts entrepris en matire de formation se poursuivent tant dans
le domaine de la formation initiale que dans celui de la formation continue.
Ainsi, en2013, 615militaires de la gendarmerie ont fait lobjet dune sensibilisation particulire la problmatique des drives sectaires.
Dans le domaine de la formation initiale, 210lves officiers, dont une
grande majorit est amene prendre le commandement dune unit territoriale, ont bnfici dune information spcifique dispense par les conseillers
police et gendarmerie de la Miviludes lcole des officiers de la gendarmerie
nationale (EOGN) de Melun.
Par ailleurs, pour lanne scolaire 2012-2013, trois mmoires de
recherche dlves-officiers ont port sur la thmatique des drives sectaires140.
Cette anne encore (2013-2014), trois mmoires sont en prparation autour
de ces sujets.
Cette sensibilisation aux phnomnes de drives sectaires est galement effectue dans le cadre de la formation continue. Ces actions de formation continue touchent galement le domaine de la police judiciaire avec la
sensibilisation par les conseillers de la Miviludes au sein du Centre national
de formation la police judiciaire (CNFPJ) de Fontainebleau de 200enquteurs141. Cet enseignement vise leur permettre didentifier plus facilement les
victimes de drives sectaires afin de mettre en uvre des rponses adaptes:
accueil et orientation spcifiques de la victime, conseils appropris, recueil de
la plainte, audition des tmoins, etc.
De plus, dans le cadre de la formation particulire des enquteurs patrimoniaux, 100stagiaires ont galement t sensibiliss la problmatique des
drives sectaires afin de prendre en compte, le cas chant, cette thmatique
spcifique dans lapproche des enqutes qui leur seront confies. En effet, la
grande majorit des enqutes relatives aux drives sectaires comportent une
dimension financire quil convient de prendre en compte pour lutter le plus
globalement possible contre ce phnomne.
Au sein de la SDIG
162
MIVILUDES
Profitant de la fragilit psychologique dune femme malade, ces pseudothrapeutes ont russi la couper de son environnement social dorigine et mettre
en place un processus de dstabilisation. Souffrant dun cancer, elle a renonc des
examens mdicaux importants, avant de dcder quelque temps plus tard. Le SDIG
local a pu recueillir des renseignements permettant didentifier les pseudo-thrapeutes mis en cause dans ce dossier et suit avec attention leurs activits.
Au sein de la Caimades
Les enqutes menes concernent des infractions criminelles ou dlictuelles telles que le viol, les atteintes sexuelles de toute nature parfois au prjudice de mineurs, des violences, des escroqueries, de lexercice illgal de la profession de mdecin et de kinsithrapeute ou encore des abus de faiblesse lis
une manipulation psychologique. Parmi les trente enqutes judiciaires traites
par la CAIMADES, deux, dimportance considrable, ont trait la mouvance
apocalyptique. Six autres de ces dossiers concernent les dviances thrapeutiques et plus particulirement les dviances gurisseuses: traitement de pathologies mdicales lourdes telles que la sclrose en plaques par le magntisme et
le truchement des mmoires familiales.
Au sein de la DGGN
Dun point de vue statistique, 73procdures en relation avec une drive
sectaire ont t inities par les units de gendarmerie. Dans le cadre de ces procdures, 114infractions ont t releves, 94en matire datteintes aux personnes et
20en matire datteintes aux biens. Le dtail de ces infractions figure ci-dessous.
Rpartition des infractions releves par la gendarmerie nationale en 2013
7
Escroquerie
5
Outrage
Dgradations volontaires pas inscriptions sataniques
Fraude fiscale
Dtournement de correspondance
1
19
Emprise mentale
15
Agression sexuelle
14
11
Viol
10
Disparition inquitante
4
4
3
3
Violences aggraves
2
Dlaissement de soins
Refus de soins
1
1
Homicide volontaire
164
MIVILUDES
Les 114 infractions lies aux drives sectaires dans leur ensemble se
rpartissent sur 45dpartements au niveau national.
En matire dauteurs de drives sectaires, 47 personnes majeures
ont t mises en cause en 2013. Les victimes identifies sont au nombre
de 89 parmi lesquelles 7 personnes vulnrables, 22 mineurs et 4 dcds
(2hommes majeurs, 2femmes majeures). La plupart des victimes sont des
femmes. Elles reprsentent en effet 75% (45/60) des victimes majeures et
82% (18/22) des victimes mineures.
Conclusion
Laction des services du ministre de lIntrieur est largement relaye
au niveau territorial par les prfets. Soixante-neuf prfectures de mtropole
(72%) ont une structure charge du suivi des drives sectaires respectant les
circulaires, savoir 65groupes de travail spcialiss et 4conseils dpartementaux de prvention de la dlinquance. En outre, 16 prfectures (17 %) disposent dune structure sen rapprochant de fait, principalement les runions
dtat-major scurit et les services dpartementaux dinformations gnrales
(SDIG). Seules 11prfectures (11%) nont aucune structure particulire.
Il ressort de ces lments que les prfectures privilgient laction oprationnelle en concentrant leurs efforts sur la coordination des services comptents, la diffusion et lchange de linformation, le traitement immdiat de ces
affaires ds quelles sont repres. Cette logique visant lefficacit immdiate
par rapport la valorisation dune structure ddie exclusivement aux drives
sectaires est souvent motive par limportance juge relative du phnomne
sectaire, la priorit accorde la prvention de la dlinquance et, dans une
moindre mesure, par labsence de reprsentants dassociations daide aux victimes dans de nombreux dpartements.
Compte tenu de ces rsultats, la circulaire INTD1407220C du 17avril
2014 fixant les orientations du ministre de lIntrieur en matire de lutte
contre les drives sectaires pour lanne2014a raffirm la ncessit de mobiliser les services territoriaux en instaurant un groupe de travail spcifique, labsence de problmes sectaires parfois invoque pour justifier son inexistence
ne pouvant tre considre comme un moyen suffisant, que lon soit dans un
dpartement rural ou fortement urbanis. En outre, la circulaire a rappel que
la runion du groupe de travail spcifique au moins une fois lan est la condition sine qua non dune vritable politique de vigilance et de lutte contre les
drives sectaires sur le terrain.
166
MIVILUDES
Enfin, laccent sera mis cette anne sur deux phnomnes proccupants: les exorcismes extrmes, et les enfants et adolescents exposs aux
drives sectaires dans lenseignement.
Contribution du ministre
des Affaires trangres
Le ministre des Affaires trangres assure la liaison avec la Miviludes
pour ce qui concerne les aspects internationaux du dispositif franais de
lutte contre les drives sectaires. Le conseiller pour les affaires religieuses,
correspondant de la Miviludes au ministre des Affaires trangres, a organis en juillet 2013 une runion de travail avec la Miviludes et lUnadfi.
Cette runion a permis de faire le point sur ces dossiers internationaux,
danalyser la jurisprudence de la Cour europenne des droits de lhomme
et denvisager les modalits dun renforcement de notre action pour mieux
expliquer notre dispositif de lutte contre les drives sectaires, notamment
auprs de lUnion europenne, du Conseil de lEurope, de lOSCE et des
Nations unies.
168
MIVILUDES
Observatoire de la lacit
Les travaux de lObservatoire de la lacit, qui incluent une rflexion
sur les moyens de mieux faire connatre ltranger la lacit franaise et ses
diffrents aspects, permet de mettre en avant le fait que notre systme vise
prserver et non brimer les liberts de lindividu.
169
MIVILUDES
170
Contribution de la Direction
gnrale lemploi et la
formation professionnelle
Lanne2013a t marque par la parution du rapport dinformation
Drives thrapeutiques et drives sectaires: la sant en danger de la Commission denqute snatoriale sur linfluence des mouvements caractre sectaire dans le
domaine de la sant.
Ce rapport aborde clairement la problmatique de la diffusion de pratiques non conventionnelles vise thrapeutique (PNCAVT) par le biais de
la formation professionnelle. Il se conclut par 41propositions damlioration
dont six visent mieux connatre et encadrer la formation aux pratiques non conventionnelles, mieux coordonner les acteurs de la formation professionnelle et renforcer leur
sensibilisation aux risques de drives thrapeutiques et sectaires et orienter les financements publics vers des formations labellises en fonction de critres stricts de qualit et de
scurit (I).
La loi no2014-288 du 5mars 2014 relative la formation professionnelle, lemploi et la dmocratie sociale rpond ces propositions par le
renforcement des pouvoirs des services de contrle de la formation professionnelle et des exigences accrues en matire de qualit de la formation (II).
I Le rapport de la Commission
snatoriale denqute:
la formation professionnelle
comme outil de diffusion des
pratiques non conventionnelles
vise thrapeutiques
Remis au prsident du Snat le 3avril 2013, le rapport de la Commission
denqute snatoriale rappelle que le danger que constitue la diffusion par le
biais de la formation continue de pratiques thrapeutiques potentiellement
dangereuses pour les individus a dj t voqu lors des Commissions denqute parlementaires de1996etde1999. Si les snateurs reconnaissent une
indniable amlioration dans la lutte contre les drives et notamment grce
aux efforts rels de la DGEFP pour mieux contrler le champ de la formation professionnelle, ils constatent la multiplication de loffre dans le champ du dveloppement personnel et du bien-tre, un march clat en trs petites structures trs
volatiles qui ne rpondent souvent aucune procdure de qualification ou de
labellisation. Ces observations corroborent les constats oprs par les services
rgionaux de contrle qui font face une abondance de stages qui bien que
positionns sur les spcialits de dveloppement personnel et de bien-tre, proposent, en ralit, des actions relevant davantage de problmatiques de sant,
rserves des professions rglementes, et pourtant proposes tous publics
sans prrequis. Une campagne rcente de contrles, acheve fin2013, ciblant
spcifiquement des organismes de formation des PNCAVT, et plus particulirement celles figurant dans la fiche RomeK1103 de Ple emploi, a montr
quenviron un tiers des organismes contrls ne ralisait pas des actions de
formation professionnelle continue au sens de larticleL.6313-1 du Code du
travail. De plus et au regard des critres de risque lis aux drives sectaires,
plusieurs signalements entre la Miviludes et les services rgionaux de contrle
ont t effectus, pouvant parfois aboutir un signalement au procureur de la
Rpublique en application de larticle40 du Code de procdure pnale.
Les parlementaires pointent galement une certaine dilution des responsabilits entre les diffrents acteurs de la formation professionnelle qui
rpondent chacun des logiques propres sans toujours parvenir une articulation cohrente.
De ces observations, la Commission denqute met six propositions
damlioration:
Encadrer les organismes de formation privs aux pratiques non conventionnelles en contrlant lutilisation abusive de lintitul Universit par certains
de ces organismes.
Identifier les formations aux pratiques non conventionnelles destines aux
personnels mdicaux par le recensement des diplmes universitaires (DU) par
le ministre de lEnseignement suprieur et de la Recherche et prvoir le suivi
du contenu de ces enseignements.
Soutenir la dfinition dun label de qualit des organismes de formation
qui prenne en compte un cahier des charges prcis garantissant labsence de
drive thrapeutique ou sectaire.
Corriger la fiche RomeK1103 (Dveloppement personnel et bien-tre de
la personne), en concertation avec la DGEFP et la Miviludes, pour en extraire
certains mtiers potentiellement dangereux.
Mieux coordonner les acteurs de la formation professionnelle pour dvelopper une responsabilit partage, en associant les services fiscaux.
Renforcer la sensibilisation des acteurs de la formation professionnelle aux
risques de drives thrapeutiques et sectaires, en mettant notamment laccent
sur les acheteurs (OPCA, collectivits territoriales, individus) et les prescripteurs (Ple emploi).
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MIVILUDES
Contribution de la Direction
de la protection judiciaire
de la jeunesse
Afin de soutenir le travail de la Miviludes et de participer activement
la politique publique de prvention et de lutte contre les drives sectaires
au niveau national, la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse
(DPJJ) met disposition une directrice de service auprs de cette institution depuis 2012.
176
MIVILUDES
Contribution de la Direction
des affaires criminelles
et des grces
Sur le plan judiciaire, lanne 2013 sest rvle particulirement riche
dans la lutte contre les drives sectaires:
le 4 juin 2013, Jean-Claude Tilly voit sa condamnation porte dix ans
demprisonnement par la cour dappel de Bordeaux (huit ans en premire
instance) dans laffaire dite Des reclus de Monflanquin;
le 16octobre 2013, la cour dappel de Caen portait cinq ans demprisonnement la condamnation de Franoise Dercle dans laffaire du Parc daccueil de
Lisieux (cinq ans dont un an avec sursis en premire instance);
le mme jour, la chambre criminelle de la Cour de cassation rejetait le pourvoi form par lglise de la Scientologie contre la condamnation dsormais
dfinitive de deux de ses structures, pour la premire fois vises en tant que
personnes morales, du chef descroquerie en bande organise.
Laction des parquets et des parquets gnraux, sous lgide des magistrats rfrents, se poursuit activement dans le prolongement des prconisations de la circulaire du 19septembre2011 qui a permis de rappeler le droit
pnal applicable en matire de lutte contre les drives sectaires, notamment le
dlit dabus frauduleux de ltat de faiblesse par sujtion psychologique et physique en tentant dexpliciter les lments de caractrisation de cette infraction.
Cette circulaire vise en effet inciter les procureurs de la Rpublique
recourir cette infraction tout en effectuant les investigations indispensables
la caractrisation de ce dlit:
vrifier si les victimes se trouvent en tat de sujtion psychologique en rappelant que les expertises psychiatriques et psychologiques sont cet gard particulirement utiles142;
examiner si cet tat de sujtion psychologique est d des pressions ou techniques propres altrer le jugement.
Il est galement rappel que les auditions des protagonistes de la procdure ainsi que tous les autres actes denqute utiles permettent dapprcier
lexistence dune sujtion psychologique et lexercice de cette sujtion par des
142 - Des lments concret sur la vie des victimes sont galement pertinents pour tablir ltat de sujtion psychologique: ainsi, la sparation des membres de la famille, la rupture avec lenvironnement professionnel ou
amical, le refus des traitements mdicaux conventionnels, lexigence de remise de fonds, labsence daccs aux
mdias ou aux moyens de communication
178
MIVILUDES
143- titre dexemples, on peut citer: les tests, les cures de purification, les rgimes vitamins, les jenes
prolongs, les cours dinitiation rpts, lintroduction dun vocabulaire et dun tat-civil spcifique au groupe.
mentales (CCMM)
www.ccmm.asso.fr
Lassociation Alerte faux souvenirs induits (AFSI)
Maison des associations du 13earrondissement, 11rueCaillaux, 75013Paris
LAssociation vie religieuse et familles
http://www.avref.fr
La Fdration europenne des centres de recherche et dinformation sur le
sectarisme
http://www.fecris.org
Le Groupe dtude des mouvements de pense pour la prvention de lindividu
(GEMPPI)
www.gemppi.org
Psychothrapie Vigilance
http://psyvig.com
Secticide
http://secticide.pagesperso-orange.fr
Prvensectes
www.prevensectes.com
Zelohim
www.zelohim.org
Pour mmoire, le numro vert 0800 005696 mis en place par le ministre de lIntrieur a vocation prvenir la radicalisation violente et assister les
familles face au basculement de personnes dans lengagement radical violent,
le plus souvent en lien avec des filires terroristes.
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MIVILUDES
MIVILUDES
13, rue Vaneau
75007 Paris
www.derives-sectes.gouv.fr
Prix : 15
ISBN : 978-2-11-009762-0
DF : 5HC37600
Imprim en France
9:HSMBLA=U^\[WU:
Diffusion
Direction de linformation
lgale et administrative
La documentation Franaise
Tl. : 01 40 15 70 10
www.ladocumentationfrancaise.fr
Enfin, la Miviludes est charge dinformer le public sur les risques et le cas chant,
les dangers auxquels les drives sectaires lexposent. ce titre, elle remet chaque
anne au Premier ministre un rapport dactivit rendu public.