Les Principes Directeurs Du Process Judiciaire
Les Principes Directeurs Du Process Judiciaire
Les Principes Directeurs Du Process Judiciaire
DOCTORAT en DROIT
Eric LESTRADE
JURY :
Monsieur Julien BONNET
Professeur lUniversit dvry-Val-dEssonne, rapporteur
Monsieur Guillaume DRAGO
Professeur l'Universit Panthon-Assas, Paris II, rapporteur
Monsieur Jean GICQUEL
Professeur mrite l'Universit Panthon-Sorbonne, Paris I
Monsieur Ferdinand MLIN-SOUCRAMANIEN
Professeur l'Universit Montesquieu - Bordeaux IV, directeur de recherche
Monsieur Jean-Christophe SAINT-PAU
Professeur l'Universit Montesquieu - Bordeaux IV
DOCTORAT en DROIT
Eric LESTRADE
JURY :
Monsieur Julien BONNET
Professeur lUniversit dvry-Val-dEssonne, rapporteur
Monsieur Guillaume DRAGO
Professeur l'Universit Panthon-Assas, Paris II, rapporteur
Monsieur Jean GICQUEL
Professeur mrite l'Universit Panthon-Sorbonne, Paris I
Monsieur Ferdinand MLIN-SOUCRAMANIEN
Professeur l'Universit Montesquieu - Bordeaux IV, directeur de recherche
Monsieur Jean-Christophe SAINT-PAU
Professeur l'Universit Montesquieu - Bordeaux IV
Muriel
ma mre
la mmoire de mon pre
REMERCIEMENTS
A.F.D.I.
A.F.H.J.
A.I.J.C.
A.J.D.A.
A.J. Pnal
B.I.C.C.
Bull. civ.
Bull. crim.
Ibid.
Id.
J.-Cl. adm.
J.C.P.
J.D.I.
JO
L.G.D.J.
L.P.A.
N.C.P.C.
Obs.
Op. cit.
P.U.A.M.
P.U.F.
QPC
R.D.P.
R.D.S.S.
Rec.
R.F.D.A.
Rev. Dr. Pn.
Rev. Rech. Jur.
R.F.A.P.
R.F.D.C.
R.F.F.P.
R.G.D.I.P.
R.I.D.C.
R.P.D.P.
R.S.C.
R.T.D. civ.
R.T.D. com.
R.T.D.H.
R.U.D.H.
T.C.
Ibidem
Idem
Juris-Classeur Administratif
Semaine Juridique (Juris-Classeur Priodique)
Journal du Droit International
Journal Officiel
Librairie Gnrale de Droit et de Jurisprudence
Les Petites Affiches
Nouveau Code de Procdure Civile
Observation
Opus citatum
Presses Universitaires dAix-Marseille
Presses Universitaires de France
Question prioritaire de constitutionnalit
Revue du Droit Public
Revue de Droit Sanitaire et Social
Recueil Lebon
Revue Franaise de Droit Administratif
Revue Droit pnal
Revue de Recherche Juridique
Revue Franaise d'Administration Publique
Revue Franaise de Droit Constitutionnel
Revue Franaise de Finances Publiques
Revue Gnrale de Droit International Public
Revue International de Droit Compar
Revue de droit Pnitentiaire et de Droit Pnal
Revue de Sciences Criminelles
Revue Trimestrielle de Droit Civil
Revue Trimestrielle de Droit Commercial
Revue Trimestrielle des Droits de l'Homme
Revue Universelle des Droits de l'Homme
Tribunal des conflits
SOMMAIRE
Liste des principales abrviations .............................................................................................................7
INTRODUCTION ................................................................................................................................13
PREMIERE PARTIE
LEXISTENCE DU PROCES
Titre Premier - Le droit au juge .......................................................................................................43
Chapitre I - Le droit constitutionnel au recours juridictionnel effectif ..................................45
Chapitre II - Le droit constitutionnel aux recours juridictionnels successifs ......................111
Titre Second - Le droit un juge de qualit ..................................................................................163
Chapitre I - Le droit constitutionnel un juge indpendant .................................................165
Chapitre II - Le droit constitutionnel un juge impartial .....................................................267
SECONDE PARTIE
LA QUALITE DU PROCES
Titre Premier - Les droits des parties au procs ...........................................................................339
Chapitre I - Le droit constitutionnel la prsomption dinnocence.....................................341
Chapitre II - Les droits constitutionnels de la dfense ...........................................................419
Titre Second - Le droit une dcision de justice de qualit .......................................................475
Chapitre I - Le droit constitutionnel la collgialit des juridictions ............................477
Chapitre II - Le droit constitutionnel la motivation des dcisions de justice .............531
Introduction
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INTRODUCTION
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7
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11
12
Idem, p. 89.
GUINCHARD S., La justice, bien de consommation courante , tudes de droit de la consommation :
liber amicorum Jean Calais-Auloy, Dalloz, Paris, 2003, p. 461.
HOURQUEBIE F., Sur l'mergence du contre-pouvoir juridictionnel sous la Vme Rpublique, Bruylant,
Bruxelles, 2004.
RENOUX T., La Constitution et le pouvoir juridictionnel : De l'article 64 de la Constitution et
l'indpendance de l'autorit judiciaire l'article 16 de la Dclaration des Droits et l'indpendance
de la Justice , Cinquantime anniversaire de la Constitution franaise : 1958-2008, Dalloz, Paris, 2008,
p. 293.
RENOUX T., L'apport du Conseil constitutionnel l'application de la thorie de la sparation des
pouvoirs en France , D, 1991, p. 171.
TUSSEAU G., Plaidoyer pour le droit processuel constitutionnel , Constitutions, 2012, p. 585.
Introduction
15
1. Champ de ltude
13
CORNU G., Vocabulaire juridique, 8e d., P.U.F., Coll. Quadrige, Paris, 2007, p. 725.
16
14
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16
17
Idem, p. 498.
GUINCHARD S., CHAINAIS C., DELICOSTOPOULOS C.-S., DELICOSTOPOULOS I.-S., Droit
processuel. Droit commun et droit compar du procs quitable, 5e d., Dalloz, Coll. Prcis droit priv,
Paris, 2009.
En dehors des cas o cet effet rsulte du jugement, l'instance s'teint accessoirement l'action par l'effet
de la transaction, de l'acquiescement, du dsistement d'action ou, dans les actions non transmissibles, par le
dcs d'une partie [...] .
Sur la distinction, Cf AMBROISE-CASTEROT C., Procdure accusatoire/ Procdure
inquisitoire , CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004, p. 1058.
Introduction
17
10. Linstance est, quant elle, une notion ambivalente. Sur un plan fonctionnel, elle
est dabord un rapport particulier qui se cre entre les acteurs du procs (les parties
et le juge) : le lien juridique dinstance. Sur un plan matriel, elle correspond la
succession des actes procduraux qui jalonnent le procs, depuis la demande en
justice jusqu la solution du litige. Linstance est souvent confondue avec le procs
lui-mme, alors quelle nest, en toute rigueur, quune phase de celui-ci, comme en
atteste la dfinition du Vocabulaire juridique du doyen CORNU19. Pourtant,
lassimilation est largement admise entre les deux notions, notamment par la
doctrine. Ainsi, le Dictionnaire de la Justice du professeur Loc CADIET na pas cru
ncessaire dincorporer une entre spcifique pour dfinir linstance, estimant
suffisant de renvoyer dans lindex la notion de procs20 . Au regard de ces
considrations, les deux termes seront donc indiffremment employs dans la suite
de ltude.
18
19
20
MOTULSKY H., Le Droit subjectif et l'action en justice , Le Droit subjectif en question - publi avec
le concours du C.N.R.S, Ed. Topos Verlag, Vaduz, 1981, p. 215.
Procdure engage devant une juridiction, phase du procs , CORNU G., Vocabulaire juridique, 8e
d., P.U.F., Coll. Quadrige, Paris, 2007, p. 555.
CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004, p. 1348.
18
11. ce stade, le procs pourrait donc se dfinir comme une procdure, visant
rsoudre un diffrend qui oppose deux ou plusieurs parties. Cest videmment
insuffisant, tant chacune des deux composantes principales doit tre complte, afin
de correspondre aux exigences de vertu poses par ARISTOTE.
13. En second lieu, le litige doit tre soumis lapprciation dun tiers, bnficiant
dune certaine lgitimit aux yeux des parties. Celle-ci dcoule essentiellement de sa
qualit, laquelle est garantie par son mode de dsignation. En effet, que le juge soit
un magistrat appartenant un corps de ltat, recrut selon des critres de
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22
23
24
AMRANI-MEKKI S., Procs , CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004,
p. 1083.
A titre dexemple, le procs de SOCRATE ou encore, les procs de Moscou organiss par STALINE
entre 1936 et 1938.
GUINCHARD S., Le procs quitable, droit fondamental ? , A.J.D.A., n spcial juillet-aot 1998,
p. 191.
Le procs quitable et la protection juridictionnelle du citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30 septembre 2000,
Bruylant, Coll. Union des avocats europens, Bruxelles, 2001.
Introduction
19
comptences, ou quil soit directement choisi par les parties elles-mmes pour
arbitrer leur diffrend, il doit bnficier des garanties dindpendance 25 et
dimpartialit26 ncessaires lexercice de sa fonction. Dans les deux hypothses, le
tiers intervenant est considr comme lgitime : au regard de ses garanties
statutaires, dans le premier cas et en raison du consensualisme qui a prsid sa
dsignation, dans le second. Il constitue llment dautorit ncessaire la dfinition
du procs27.
25
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27
28
29
Cf infra n 248 et s.
Cf infra n 436 et s.
GUINCHARD S., .CHAINAIS C., DELICOSTOPOULOS C.-S., DELICOSTOPOULOS I.-S., Droit
processuel. Droit commun et droit compar du procs quitable, op. cit.
ARISTOTE, Catgories, I, 1 a 1-4.
AMRANI-MEKKI S., Procs , CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, P.U.F., Paris, 2004,
p. 1088.
20
15. Lassociation des lments formels et fonctionnels permet alors daboutir une
dfinition satisfaisante du procs, parce quelle permet den rendre compte dans sa
double dimension. Le procs, champ principal de ltude, sera donc envisag comme
un instrument dapaisement des rapports sociaux, grce au concours dun tiers lgitime, qui
apporte une solution un litige opposant deux ou plusieurs parties, au moyen dune
procdure respectueuse des droits fondamentaux processuels.
2. Objet de ltude
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Introduction
21
A) La notion de principe
17. Les principes occupent une place centrale dans le fonctionnement des socits
humaines et jouent un rle essentiel, dans le processus de fabrication du droit qui les
gouverne. Le plus souvent, les juristes considrent la notion comme un postulat de
dpart, assimil par le plus grand nombre, quil est donc inutile dexpliciter 33. Les
principes juridiques ont donn lieu de nombreux et stimulants changes
doctrinaux34, partir desquels il est difficilement contestable quils peuvent tre
source de perplexit thorique35. De tous les juristes stre penchs sur la question36,
Ronald DWORKIN est sans doute celui qui a construit la thorie la plus aboutie 37.
Celle-ci vise contester les thses fondamentales du positivisme juridique, qui
soutiennent lide de la sparation conceptuelle entre le droit et la morale 38, en
dmontrant lexistence autonome des principes en droit et leur distinction des rgles
juridiques.
18. Pour y parvenir, DWORKIN va adopter une dmarche intellectuelle oriente dans
deux directions. En premier lieu, dun point de vue statique, il va dmontrer que le
concept mme de principe possde, intrinsquement, des lments didentification
spcifiques, qui ne peuvent tre confondus avec ceux propres aux autres normes
juridiques (1). En second lieu, dans une approche dynamique, DWORKIN va mettre
en exergue le rle prcis jou par les principes dans le raisonnement juridique (2).
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34
35
36
37
38
RIPERT G., Les forces cratrices du droit, L.G.D.J., Paris, 1955, 132.
CAUDAL S. (dir.), Les principes en droit, Economica, Coll. tudes juridiques, Paris, 2008.
GUASTINI R., Les principes de droit en tant que source de perplexit thorique , CAUDAL S.
(dir.), Les principes en droit, Economica, Coll. tudes juridiques, Paris, 2008, p. 113.
Cf BOULANGER J., Principes gnraux du droit et droit positif , Le droit priv franais au milieu
du XXe sicle, Etudes offertes Georges Ripert, L.G.D.J., Paris, 1950, p. 51 et s.
En 1967, DWORKIN publie un essai The Model of Rules , qui deviendra deux chapitres ( Le
modle des rgles I et Le modle des rgles II ) de louvrage Prendre les droits au srieux, P.U.F,
Coll. Lviathan, Paris, 1995.
Lide de DWORKIN tend dmontrer que les principes non crits appliqus par les juges sont
des principes moraux et simultanment, des principes juridiques, prcisment parce quils font
lobjet dune pratique judiciaire.
22
20. Il rsulte de cette fondamentalit une consquence inluctable : leur nature est
inadapte au test du pedigree, utilis par les positivistes pour distinguer les rgles de
droit valides, de celles qui ne le sont pas, ou des rgles morales41, selon la manire
dont elles ont t dictes. DWORKIN propose alors une autre procdure
didentification des principes, ds lors quils sinscrivent dans la thorie du droit et
quils fournissent aux rgles substantielles ou formelles une assise incontestable 42. Il
sagit alors de trouver dans le principe, une justification issue de la tradition morale
ou politique et qui taye la ou les rgle(s) de droit correspondante (s)43.
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43
Introduction
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22. Le second particularisme des principes, parmi les normes juridiques, tient la
manire dont ils agissent au sein des rouages du droit. Leur dfectibilit , signale
prcdemment, induit une incapacit structurelle fournir une solution univoque
aux cas concrets, auxquels ils seraient susceptibles de sappliquer. En illustrant son
propos avec une affaire new-yorkaise, dans laquelle une juridiction devait dcider si
un hritier testamentaire, lorigine du dcs intentionnel du testateur, pouvait tout
de mme bnficier de lhritage47, DWORKIN met en exergue une diffrence
majeure entre les principes juridiques et les rgles de droit 48. Le principe selon lequel
nul ne doit pouvoir tirer avantage de sa propre turpitude , utilis par la Cour pour
dshriter le lgataire parricide, permet seulement dorienter la dcision, mais ne
dtermine pas les conditions directes dapplication de la consquence juridique
correspondante, ni les exceptions quelle est mme de recevoir49. Entre les rgles et
les principes, il y a une diffrence dautomaticit, dans les consquences qui
dcoulent de leur mise en uvre.
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49
GUASTINI R., Les principes de droit en tant que source de perplexit thorique , CAUDAL S.
(dir.), Les principes en droit, op. cit., p. 115.
CAUDAL S., Rapport introductif , CAUDAL S. (dir.), Les principes en droit, op. cit., p. 7.
Idem, p. 116.
Riggs v. Palmer 115 New York 506, 22 New England 188 (1889).
DWORKIN R., Prendre les droits au srieux, op. cit., p. 80.
Idem, p. 83-84.
24
24. la diffrence des principes, les rgles de droit ne peuvent tre pondres de la
sorte, puisquelles sont dpourvues de cette importance relative, qui sert dunit de
mesure lvaluation comparative. En consquence, quand elles entrent en conflit,
une seule des deux est ncessairement valide, alors que lautre ne lest pas. Le
systme juridique rsout alors de telles difficults, grce des rgles de dnouement
des conflits normatifs, telles que Lex specialia generalibus derogant53 , Lex posterior
derogat priori54 ou encore, au moyen de la hirarchie des normes.
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Id., p 84-85.
GUASTINI R., Les principes de droit en tant que source de perplexit thorique , CAUDAL S.
(dir.), Les principes en droit, op. cit., p. 118.
DWORKIN R., Prendre les droits au srieux, op. cit., p. 80.
La loi spciale droge la loi gnrale .
La loi la plus rcente droge la loi postrieure .
Introduction
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garanties de bonne justice61. Mais lobjectif principal, poursuivi par les principes
directeurs du procs civil, reste la clarification et le renforcement de loffice du juge,
ce qui traduit une rupture avec la conception traditionnelle du procs civil, dans
laquelle le juge exerait, titre premier, la fonction darbitre 62. En instaurant un
principe de coopration entre les diffrents acteurs du procs, les rles sont
rquilibrs, ce qui rapproche, de ce point de vue, la procdure civile de la procdure
pnale. Elle demeure globalement accusatoire, mais intgre dans son fonctionnement
des lments correctifs issus de la procdure inquisitoire63.
61
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67
Introduction
27
29. Malgr toute la diversit qui vient dtre constate entre les principes directeurs
des trois procdures, il nest pas interdit de sinterroger sur ce qui pourrait,
lavenir, constituer une forme de noyau dur des principes mergents du procs.
Le professeur Serge GUINCHARD, qui sest pli lexercice, identifie trois grandes
normes processuelles qui forment, selon lui, les principes directeurs du procs : la
loyaut procdurale, le dialogue et la clrit75. Aussi intellectuellement sduisante
que soit la dmarche, elle nen comporte pas moins certaines faiblesses, tant la
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75
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30. Il parat donc plus raisonnable de conclure que la codification des principes
directeurs du procs, en dpit des rapprochements observs entre les diffrentes
procdures, ne permet pas de dgager un socle processuel commun. Cela ne saurait
surprendre, dans la mesure o chaque codification a t ralise de manire
autonome, en considration des seuls objectifs propres la procdure concerne. En
revanche, ce droit processuel commun dcoule de la jurisprudence constitutionnelle,
facteur dunification du droit du procs, qui en a pos les fondements en droit
interne.
31. Les principes, que le juge constitutionnel dgage et quil rige au sommet de la
hirarchie des normes, composent un corps de normes processuelles ayant, pour la
plupart,
vocation
sappliquer
toutes
les
procdures 76.
Ainsi,
cette
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GUINCHARD S., Retour sur la constitutionnalisation de la procdure civile , Le juge entre deux
millnaires : mlanges offerts Pierre Drai, Dalloz, Paris, 2000, p. 358.
Lexpression est utilise pour la premire fois par Serge GUINCHARD, dans ldition 1991 du
prcis Dalloz de procdure civile.
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81
82
83
84
MOLFESSIS N., L'irrigation du droit par les dcisions du Conseil constitutionnel , Pouvoirs,
n 105, 2003, p. 89.
FROMONT M., Les droits fondamentaux dans l'ordre juridique de la Rpublique Fdrale
d'Allemagne , Recueil d'tudes en hommage Charles Eisenmann, Editions Cujas, Paris, 1975, p. 49.
FAVOREU L., Lapport du Conseil constitutionnel au droit public , Pouvoirs, 1980, n 13, p. 17 ;
L'influence de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les diverses branches du droit ,
Itinraires : tudes en l'honneur de Lo Hamon, Economica, Paris, 1982, p. 235 ; La
constitutionnalisation du droit , L'unit du droit : mlanges en hommage Roland Drago, Economica,
Paris, 1996, p. 25.
FAVOREU L., La constitutionnalisation du droit , op. cit., p. 28 et s.
Dcision n 71-44 DC du 16 juillet 1971, Loi compltant les dispositions des articles 5 et 7 de la loi
du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, JO, 18 juillet 1971, p. 7114.
Loi n 74-904 du 29 octobre 1974 portant rvision de l'article 61 de la Constitution, JO, 30 octobre
1974, p. 11035.
DRAGO G., L'excution des dcisions du Conseil constitutionnel : l'effectivit du contrle de
constitutionnalit des lois, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence,
1991, p. 26.
30
34. Cette irrigation par la Constitution a atteint progressivement toutes les branches
du droit. Le droit processuel ne pouvait donc chapper au phnomne et ce dautant,
que la procdure est bien souvent la condition de la mise en uvre d'autres droits, le
procs, le lieu et le moment le plus propice leur reconnaissance ou leur
rtablissement. Les rgles rgissant la procdure pnale, la procdure civile et la
procdure administrative contentieuse ont ainsi progressivement pris racine dans le
texte mme de la Constitution et ont acquis un statut constitutionnel, grce au
dveloppement de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ce dernier a alors fait
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89
90
Sur lensemble de la question : DI MANNO T., Le juge constitutionnel et la technique des dcisions
interprtatives en France et en Italie, Economica, Coll. Droit public positif, Paris, 1997 ; DISANT M.,
L'autorit de la chose interprte par le Conseil constitutionnel, L.G.D.J., Coll. Bibliothque
constitutionnelle et de science politique, Paris, 2010 ; VIALA A., Les rserves d'interprtation dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, L.G.D.J., Coll. Bibliothque constitutionnelle et de science
politique, Paris, 1999.
Dcision n 62-18 L du 16 janvier 1962, Nature juridique des dispositions de l'article 31 (alina 2)
de la loi n 60-808 du 5 aot 1960 d'orientation agricole, JO, 25 fvrier 1962, p. 1915, Cons. 1.
MOLFESSIS N., L'irrigation du droit par les dcisions du Conseil constitutionnel , op. cit., p. 98.
C.E., Ass., 20 dcembre 1985, S.A. Etablissements Outters, n 31927, Rec. p. 382 ; D, 1986, p. 283, note
FAVOREU L. ; C.E., Ass., 11 mars 1994, S.A. La cinq, n 115052, Rec. p. 118.
Cass., Ass. pln., 10 octobre 2001, Breisacher, pourvoi n 01-84922, Bull. crim., 2001, n 206, p. 660 ;
D, 2001, p. 3365, note FAVOREU L.
FAVOREU L., La constitutionnalisation du droit , op. cit., p. 32.
31
Introduction
merger, non sans un certain mrite, tant le texte constitutionnel est pauvre en
matire de dispositions processuelles, des principes judiciaires fondamentaux,
formant un vritable droit constitutionnel processuel91, qui coexiste dans l'ordre
juridique interne avec le droit au procs quitable, dvelopp par la Cour
europenne des droits de lhomme92.
35. Le professeur Serge GUINCHARD est le premier avoir relay les thses de
Louis FAVOREU, dans le domaine du droit processuel, en mettant en vidence
lemprise des droits fondamentaux sur cette matire, ce que le Doyen aixois nommait
la constitutionnalisation-transformation93 , pour dcrire les effets de limprgnation
de lordre juridique, par les droits et liberts constitutionnels94. Serge GUINCHARD a
ainsi dmontr lmergence dun vritable droit processuel constitutionnel,
englobant tant la matire pnale que civile, mme si cest dans ce domaine que la
constitutionnalisation suscite les rticences les plus vives. Le professeur Bernard
BEIGNIER, par exemple, va mme jusqu qualifier de mythe , le phnomne
dimprgnation de la procdure civile par le droit constitutionnel 95.
36.
Largument
majeur,
utilis
par
les
dtracteurs
du
phnomne
de
91
92
93
94
95
SCHMITTER G., La constitutionnalisation du droit processuel, Thse dactyl., Aix-Marseille III, 1994.
Aussi souvent que ncessaire, des valuations comparatives, entre les deux jurisprudences, seront
effectues au cours de ltude. Elles dmontreront, de manire assez manifeste, que les similitudes
lemportent sur les divergences, ce qui ne saurait surprendre, tant la conception des liberts, par
chacune des deux juridictions, nest gure loigne, Cf ANDRIANTSIMBAZOVINA J., La
conception des liberts par le Conseil constitutionnel et par la Cour europenne des droits de
lhomme , Cahiers du Conseil constitutionnel, 2011, n 32, p. 19.
FAVOREU L., La constitutionnalisation du droit , L'unit du droit : mlanges en hommage Roland
Drago, op. cit., p. 37.
GUINCHARD. S., La constitutionnalisation du droit processuel , Cinquantime anniversaire de la
Constitution franaise : 1958-2008, Dalloz, Paris, 2008, p. 459.
BEIGNIER B., Procdure civile et droit constitutionnel , FRANCOIS B. et MOLFESSIS N. (dir.),
La lgitimit de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, colloque de Rennes, 20 et 21 septembre 1996,
Economica, Coll. Etudes juridiques, Paris, 1999, p. 157.
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100
101
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BEIGNIER B., Procdure civile et droit constitutionnel , op. cit., p. 158 ; MOLFESSIS N., La
procdure civile et le droit constitutionnel , Le nouveau Code de procdure civile : vingt ans aprs,
Actes du colloque des 11 et 12 dc. 1997, La documentation franaise, Paris, 1998, p. 249.
GUINCHARD S., Retour sur la constitutionnalisation de la procdure civile , op. cit., p. 358.
Dcision n 82-143 DC du 30 juillet 1982, Loi sur les prix et les revenus, notamment ses articles 1, 3
et 4, JO, 31 juillet 1982, p. 2470.
GUINCHARD S., Retour sur la constitutionnalisation de la procdure civile , op. cit., p. 358.
ROUSSEAU D. et ROUX J., Droit constitutionnel processuel , J.-Cl. adm., fasc. 1455, 1999, p. 3.
BEIGNIER B., Hirarchie des normes et hirarchie des valeurs - Les principes gnraux du droit
et la procdure civile , Le droit priv franais la fin du XXe sicle, Etudes offertes Pierre Catala, Litec,
Paris, 2001, p. 156.
BEIGNIER B., Procdure civile et droit constitutionnel , op. cit., p. 164.
Introduction
33
penser quil existe bien des bases constitutionnelles du droit processuel, sans
quune telle proposition porte en elle sa propre contradiction103 .
39. Deux autres procdures feront lobjet dune attention particulire, car susceptibles
de dboucher sur une dcision faisant grief son destinataire 107 et pouvant heurter
les principes dindpendance et dimpartialit de la justice 108. Il sagit des procdures
disciplinaires, ainsi que celles se droulant devant les autorits administratives
indpendantes. Elles peuvent recevoir toutes deux la qualification de procs,
puisquelles permettent dapporter une solution un litige, lissue dune procdure
respectueuse des garanties processuelles. Il ny a donc aucune raison de les exclure
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BEIGNIER B., Hirarchie des normes et hirarchie des valeurs - Les principes gnraux du droit
et la procdure civile , op. cit., p. 170.
Cf supra n 15.
Code de procdure civile, article 1464.
Code de procdure civile, articles 1442 1503.
GENEVOIS B., Le Conseil constitutionnel et la dfinition des pouvoirs du Conseil suprieur de
laudiovisuel , note, Dcis. Cons. const. n 88-248 DC du 17 janvier 1989, R.F.D.A., 1989, p. 215.
Cf infra n 462 et s. et n 504 et s. pour les procdures disciplinaires, n 471 et s. pour les procdures
applicables aux autorits administratives indpendantes.
34
40. En revanche, mme sil ne sera pas totalement cart du cadre de ltude,
puisquil est parfois susceptible de fournir des lments de rflexion utiles la
dmonstration110, le procs constitutionnel ny sera trait que de manire subsidiaire.
Si la pertinence juridique de la dnomination de procs , applique au contrle a
priori de constitutionnalit des lois, peut tre discute 111, nul doute que la procdure
de question prioritaire de constitutionnalit rpond la dfinition du procs que
nous avons retenue. Mme si la question prioritaire transmise au Conseil
constitutionnel revt un caractre objectif112, celui-ci a rcemment eu loccasion de
prciser quelle ntait pas un procs gnral fait une loi, lencontre de laquelle,
nimporte quel justiciable pourrait invoquer un ventail indtermin de griefs
dinconstitutionnalit113. Il sagit au contraire dune contestation, portant sur une ou
plusieurs dispositions lgislatives, ncessaires la rsolution dun litige opposant
une ou plusieurs parties114. Le professeur Dominique ROUSSEAU a ainsi dmontr
que tous les lments constitutifs du procs taient bien runis, lors du contrle a
posteriori de constitutionnalit des lois devant le Conseil constitutionnel115.
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35
Introduction
41. De plus, lobjet mme de ltude porte sur le droit constitutionnel processuel et
non sur le droit processuel constitutionnel, cest dire sur lensemble des normes
constitutionnelles qui intressent le droulement du procs116 et non sur le droit qui rgit
les instances conduites devant et par la juridiction constitutionnelle117 . Ceci nous amnera
donc tudier, non pas les principes directeurs du procs constitutionnel 118, mais les
principes constitutionnels directeurs du procs. La nuance nest pas que smantique
et ne tient pas seulement au positionnement de ladjectif constitutionnel dans la
locution nominale. Le professeur Guillaume DRAGO a identifi les principes
directeurs
du
contrle
de
constitutionnalit 119,
autrement
dit
du
procs
42. Une fois prcis le cadre de ltude, il nous faut tablir une classification logique
des principes constitutionnels directeurs du procs, qui soit le reflet fidle de la
jurisprudence constitutionnelle et qui facilite sa comprhension, afin den amliorer
la prvisibilit121. Le professeur Michel TROPER122, dans le prolongement de Charles
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43. Dans le cas prsent, il apparat dlicat de suivre les prconisations logiques du
professeur Michel TROPER. En effet, lapplication du principe de non-contradiction
conduit ncessairement une systmatisation dichotomique de la situation
examine. Or, il semble difficile de classer tous les principes constitutionnels
directeurs du procs, laide de deux critres exclusifs lun de lautre et, mme de les
distribuer dans plusieurs catgories parfaitement disjointes. En effet, il existe entre
les normes directrices du procs, une relation dinterdpendance qui rend cette
forme de catgorisation malaise.
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Introduction
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44. En outre, pour Michel TROPER, une classification russie doit aussi apporter
une indication scientifique intressante130 , cest dire, faire progresser la connaissance
en permettant de rvler quelque phnomne cach131 ou permettre de raliser une
conomie intellectuelle132 . Pour le dire simplement, la classification ne doit pas tre
gratuite133. ce propos, le professeur Fabrice MELLERAY signale deux qualits qui
lui semblent essentielles : une valeur descriptive satisfaisante et une valeur
explicative substantielle134. Au regard de ce double objectif, le critre de
catgorisation le plus pertinent des principes directeurs du procs, dgags par le
juge constitutionnel, est apparu comme tant celui de lacteur du procs
principalement concern. Il y aurait ainsi, dun ct, les principes constitutionnels
directeurs du procs dirigs essentiellement vers le juge et de lautre, ceux orients
principalement vers les parties. cette distinction principale, il convient alors de
rajouter une catgorie annexe, celle des garanties procdurales qui agissent lgard
des deux acteurs majeurs du procs, en favorisant les qualits du juge et en
protgeant les droits des parties.
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38
46. La confrontation des deux critres principaux didentification des principes mis
en exergue par DWORKIN, la fondamentalit et limprcision, avec les normes
processuelles issues de la jurisprudence constitutionnelle, fait alors apparatre deux
catgories de normes directrices du procs. La premire comprend des principes qui
expriment lquit du procs et qui forment en droit constitutionnel positif, ce que
Jean CARBONNIER dsignait comme tant un peu le droit naturel de la procdure139
ou Henri MOTULSKY, les principes gnraux philosophiques140 . Exprimant lessence
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Cf supra n 19 et s.
Article 34 de la Constitution.
Dcision n 59-1 L du 27 novembre 1959, Nature juridique de l'article 2, alina 3 de l'ordonnance n 59151 du 7 janvier 1959 relative l'organisation des transports de voyageurs dans la rgion parisienne, JO, 14
janvier 1960, p. 442.
Parmi de nombreuses dcisions qui y font rfrence, Dcision n 86-207 DC du 26 juin 1986, Loi
autorisant le Gouvernement prendre diverses mesures d'ordre conomique et social, JO, 27 juin 1986,
p. 7978, Cons. 23 ; Dcision n 2000-439 DC du 16 janvier 2001, Loi relative l'archologie prventive,
JO, 18 janvier 2001, p. 931, Cons. 10 ; Dcision n 2004-504 DC du 12 aot 2004, Loi relative
l'assurance maladie, JO, 17 aot 2004, p. 14657, Cons. 45.
CARBONNIER J., Droit Civil, Introduction, 25e d., P.U.F., Paris, 1997, n 188.
MOTULSKY H., Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
dfense en procdure civile , Mlanges en l'honneur de Paul Roubier, t. 2 : Droit priv, proprit
industrielle, littraire et artistique, Dalloz, Paris, 1961, p. 178.
Introduction
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CADIET L., Et les principes directeurs des autres procs ? Jalons pour une thorie des principes
directeurs du procs , op. cit., p. 86.
MOTULSKY H., Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
dfense en procdure civile , op. cit., p. 178.
CARBONNIER J., Droit Civil, Introduction, op. cit., n 189.
CADIET L., Et les principes directeurs des autres procs ? Jalons pour une thorie des principes
directeurs du procs , op. cit., p. 87.
Cf infra n 593 et s.
Mme si elles apparaissent diffrents endroits de ltude, le choix a t fait de ne pas consacrer de
longs dveloppements individualiss, ni la publicit des dbats, ni la clrit de la justice. La
raison en est simple : la jurisprudence constitutionnelle, sans tre totalement muette sur la
question, est encore insuffisamment tablie sur ces deux rgles procdurales, pour pouvoir en tirer
des enseignements dune fiabilit suffisante.
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Lexistence du procs
41
49. Dans un tat de droit, le principe cardinal consiste veiller au respect de la rgle
de droit, travers l'intervention du juge, le mieux mme de garantir leffectivit de
celle-ci. Cest la fonction sociale assigne au droit d'agir en justice. Le droit d'accs
un tribunal est la proccupation prioritaire du Conseil constitutionnel, en matire de
droit processuel, car il conditionne lexistence mme du procs. Il se subdivise en
deux exigences complmentaires.
50. En premier lieu, parce que le droit au juge constitue le pralable ncessaire la
mise en uvre des autres garanties inhrentes lorganisation dun procs quitable,
il bnficie, en droit constitutionnel franais, dune protection de mieux en mieux
assure. Le droit dagir en justice est ainsi le rouage essentiel du procs, tel que le
Conseil constitutionnel lenvisage et lorganise (Titre 1).
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Lexistence du procs
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FAVOREU L. et RENOUX T., Le contentieux constitutionnel des actes administratifs, Sirey, Paris, 1992,
p. 90 et s.
FAVOREU L., Du dni de justice en droit public franais, L.G.D.J., Coll. Bibliothque de droit public,
Paris, 1964.
Lexistence du procs
45
54. Le droit au recours juridictionnel effectif, cest dire la facult relle dagir en
justice, afin de demander un juge de statuer sur le fond dun contentieux, est une
composante essentielle dun tat de droit. Que ce soit dans son acception formelle,
consistant garantir le respect de la hirarchie des normes, ou dans sa conception
substantielle, permettant la protection des droits et liberts, le rle du juge est central.
ce titre, comme la dmontr le doyen FAVOREU, dans sa dfinition du dni de
justice150, ltat est dbiteur dun devoir de protection juridictionnelle lgard des
citoyens, dont le fondement rside dans le droit au juge151.
55. Pourtant, le texte constitutionnel du 4 octobre 1958 est trangement silencieux sur
ce point. Sans doute faut-il y voir la mfiance culturelle et sociologique des autorits
publiques lgard des juges (mme si le pouvoir juridictionnel nest pas totalement
absent de la lettre de la Constitution), tout autant que les considrations
conjoncturelles ayant prsid llaboration de lacte fondateur de la Ve Rpublique.
En effet, ces dernires amenrent le constituant prioriser ses travaux en direction
des autorits excutives de ltat, comme en tmoigne lordre dapparition des
pouvoirs publics dans le texte final. Cette discrtion contraste dailleurs
ostensiblement avec les nombreuses conscrations expresses, qui jalonnent les lois
150
151
46
56. Nonobstant cette prcision, lie lorigine de la violation des droits, dont on
comprend aisment la raison historique, la plupart des dmocraties occidentales ont
jug ncessaire de graver, au sommet de la pyramide normative, le droit de saisir une
juridiction pour y faire valoir ses droits. Il en est de mme des principaux
instruments internationaux de protection des liberts fondamentales, quil sagisse de
l'article 8 de la Dclaration universelle des droits de l'homme du 10 dcembre 1948 153,
de l'article 14, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et
politiques du 19 dcembre 1966154 et bien entendu, de la Convention europenne des
droits de l'homme, la plus riche en la matire puisquelle y proclame, trois reprises,
aux articles 5, paragraphe 4155, 6 paragraphe 1156 et 13157, le droit au recours
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Larticle 24 de la Constitution italienne dispose qu il est reconnu chacun le droit d'ester en justice
pour la protection de ses droits et de ses intrts lgitimes , alors que larticle 20-1 de la Constitution
portugaise affirme, quant lui, que laccs au droit et le pourvoi devant les diffrentes juridictions sont
facults toute personne pour la dfense de ses droits et de ses intrts lgalement protgs, indpendamment
de ses ressources .
Toute personne a droit un recours effectif devant les juridictions nationales comptentes contre les actes
violant les droits fondamentaux qui lui sont reconnus par la Constitution ou par la loi .
Toute personne a droit ce que sa cause soit entendue par un tribunal .
Toute personne prive de sa libert par arrestation ou dtention a le droit d'introduire un recours devant
un tribunal, afin qu'il statue bref dlai sur la lgalit de sa dtention et ordonne sa libration si la dtention
est illgale .
Toute personne a droit ce que sa cause soit entendue quitablement, publiquement et dans un dlai
raisonnable, par un tribunal indpendant et impartial, tabli par la loi, qui dcidera, soit des contestations
sur ses droits et obligations de caractre civil, soit du bien-fond de toute accusation en matire pnale
dirige contre elle .
Lexistence du procs
47
juridictionnel158. Nanmoins, dans aucune des trois hypothses vises par le texte
humanitaire europen, la conscration du droit de saisir la justice ne revt une porte
gnrale, puisque dans le premier cas, seules les privations arbitraires de libert sont
protges, alors que dans le troisime, le recours effectif vise uniquement les droits et
liberts reconnus dans la Convention. Mme le droit conventionnel au procs
quitable (et les garanties laccompagnant), qui induit ncessairement laccs au juge
afin de pouvoir en bnficier159, ne trouve matire sappliquer quen cas de
contestations sur ses droits et obligations de caractre civil ou daccusation en matire
pnale160 .
57. Lhistoire constitutionnelle franaise, de son ct, laisse apparatre une seule
vritable incursion, brve et provisoire (voire seulement virtuelle), du droit dagir en
justice. Il sagit de larticle 11 du projet de Constitution du 19 avril 1946 161, rejet par
rfrendum le 5 mai 1946, ce qui priva dune part, le droit au recours juridictionnel
dacqurir valeur de droit positif et, dautre part, la nouvelle Dclaration des droits de
l'homme de 1946, de constituer un lment potentiel du futur bloc de
constitutionnalit. Le droit franais na pourtant jamais vraiment occult cette notion,
puisquil consacre lexistence dun recours juridictionnel appropri, comme lun des
lments fondateurs de lordre juridique nouveau, tel quissu de la rvolution,
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Toute personne dont les droits et liberts reconnus dans la prsente Convention ont t viols, a droit
l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors mme que la violation aurait t commise
par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles .
COSTA J.-P., Le droit un tribunal et ses limites, selon la jurisprudence de la Cour E.D.H. ,
Mlanges en l'honneur de Jean Buffet : la procdure en tous ses tats, Petites affiches d., 2004, p. 159 ;
LAMBERT P., Le droit daccs un tribunal dans la Convention europenne des droits de
lhomme , Le procs quitable et la protection juridictionnelle du citoyen, colloque de Bordeaux, 29-30
septembre 2000, op. cit., p. 57.
C.E.D.H., 21 fvrier 1975, Golder c/ Royaume-Uni, requte n 4451/70, srie A, n 18, A.F.D.I., 1975,
p. 330, note PELLOUX R., 35.
Conv. E.D.H., article 6, 1. Sur le champ dapplication du droit de la Convention europenne, Cf
SUDRE F., Les grands arrts de la Cour europenne des Droits de l'Homme, 5e d., P.U.F, Coll. Thmis,
Paris, 2009, p. 218.
La loi assure tous les hommes le droit de se faire rendre justice et l'insuffisance des ressources ne saurait
y faire obstacle .
48
58. Dans la premire catgorie, deux dispositions lgislatives majeures peuvent servir
dcrin la reconnaissance dun principe fondamental reconnu par les lois de la
Rpublique, mme si une certaine rticence historique simpose concernant la
seconde. Dabord, larticle 4 du Code civil, qui proscrit toute forme dabstention du
juge, dans son devoir de trancher les litiges ports devant son office et qui, par lmme, confre un solide fondement et une lgitimit incontestable son pouvoir
dinterprtation. Le Code civil ayant t promulgu le 21 mars 1804, par la loi du 30
ventse de lan XII, soit deux mois avant le Snatus-consulte du 28 floral an XII, qui
proclame la naissance de lEmpire, rien ne soppose, en droit, ce que cette
disposition, interdisant toute forme de dni de justice, soit la source dun principe
fondamental reconnu par les lois de la Rpublique.
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165
Les Reprsentants du Peuple Franais () considrant que l'ignorance, l'oubli ou le mpris des droits de
l'Homme sont les seules causes des malheurs publics () ont rsolu d'exposer, dans une Dclaration
solennelle, les droits naturels, inalinables et sacrs de l'Homme () afin que les rclamations des citoyens,
fondes dsormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la
Constitution et au bonheur de tous .
CHAMPEIL-DESPLATS V., Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la Rpublique : principes
constitutionnels et justification dans les discours juridiques, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public
positif, Paris, Aix-en-Provence, 2002.
Conseil constitutionnel, Dclaration des droits de l'homme et du citoyen et la jurisprudence : colloque des
25 et 26 mai 1989 au Conseil constitutionnel, P.U.F., Coll. Recherches politiques, Paris, 1989 ; PHILIP
L., La valeur juridique de la dclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 aot 1789,
selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel , Etudes offertes Pierre Kayser, t. 2, P.U.A.M.,
Aix-en-Provence, 1979, p. 317.
TERNEYRE P., Le droit constitutionnel au juge et ses limites , L.P.A., n 145, 1991, p. 4 ;
RENOUX T., Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel franais , dans Prsence
du droit public et des droits de l'homme : mlanges offerts Jacques Velu, Bruylant, Bruxelles, 1992,
p. 307 ; BANDRAC M., L'action en justice, droit fondamental , Nouveaux juges, nouveaux
pouvoirs ? : Mlanges en l'honneur de Roger Perrot, Dalloz, Paris, 1996, p. 1.
Lexistence du procs
49
59. Ensuite, la loi du 31 mai 1854, portant abolition de la mort civile, extinction
lgalement prononce de la personnalit juridique et qui, selon le dictionnaire de
l'Acadmie franaise, emportait la cessation de toute participation aux droits civils et
par consquent, privait la personne de son droit dester en justice. Il est nanmoins
possible dobjecter ici, quune loi dicte sous le Second Empire peut ne pas
exactement satisfaire aux critres relatifs la tradition rpublicaine, poss par le
Conseil constitutionnel, dans la reconnaissance dun principe fondamental reconnu
par les lois de la Rpublique166. Ce droit fondamental de pouvoir saisir une
juridiction, y compris pour une personne dchue de ses droits civils ou politiques,
suite une condamnation pnale, est pourtant reconnu en Belgique au sommet de la
hirarchie des normes167, indice sans doute probant quil transcende les rgimes
politiques.
60. Dans la seconde catgorie, deux principes essentiels, quil est permis de
considrer comme consubstantiels l'identit constitutionnelle de la France168 ,
peuvent aussi constituer de pertinents fondements la reconnaissance du droit
dagir en justice. Il sagit dabord du principe d'galit, principe matriciel et
prminent de lordre juridique franais, qui est, dans la jurisprudence du Conseil,
une condition indispensable lexercice dautres droits constitutionnels169. Mme sil
ne s'oppose ni ce que le lgislateur rgle de faon diffrente des situations diffrentes ni
ce qu'il droge l'galit pour des raisons d'intrt gnral pourvu que, dans l'un et l'autre
cas, la diffrence de traitement qui en rsulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui
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169
Dcision n 88-244 DC du 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, JO, 21 juillet 1988, p. 9448, Cons. 11 et
12.
Constitution de la Belgique du 17 fvrier 1994, Article 18 : La mort civile est abolie ; elle ne peut tre
rtablie .
Dcision n 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la
socit de l'information, JO, 3 aot 2006, p. 11541, Cons. 19.
Sur lensemble de la question, MLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'galit dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aixen-Provence, 1997.
50
l'tablit170 , il nen demeure pas moins que, sauf accorder une porte excessive aux
notions dintrt gnral ou de situations diffrentes, le lgislateur ne peut priver une
catgorie de justiciables du droit daccder un tribunal. Une telle restriction ne
pourrait sinterprter autrement que comme une rupture du principe d'galit,
entranant la censure de la disposition en cause. Cest ce qui fonda la dclaration
dinconstitutionnalit, dans la clbre dcision dite Taxation doffice de 1973171,
initiatrice du contrle de constitutionnalit des lois au regard du principe dgalit,
dans laquelle le lgislateur faisait peser sur les seuls contribuables des tranches
suprieures, une prsomption irrfragable de comportements frauduleux, en les
privant daccder au prtoire pour y apporter la preuve contraire. Le lgislateur peut
moduler le droit dagir en justice, mais la condition que les diffrenciations
soprent sur des critres pertinents au regard du fond du droit. Il est manifeste, par
exemple, que certains recours, en raison de leur nature mme, sont rservs aux non
nationaux172, voire (mme si, dans le cas prsent, lvidence ne se prsente pas avec la
mme acuit) aux seuls trangers en situation rgulire173.
61. Les premires censures, visant les atteintes au droit de saisir une juridiction, le
furent donc sur le motif tir d'une atteinte au principe d'galit et non sur le
fondement du droit au recours juridictionnel174. Une dcision de dcembre 1985 est,
ce titre, particulirement remarquable, le dispositif censur entravant laccs au
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Dcision n 87-232 DC du 7 janvier 1988, Loi relative la mutualisation de la Caisse nationale de crdit
agricole, JO, 10 janvier 1988, p. 482, Cons. 10.
Dcision n 73-51 DC du 27 dcembre 1973, Loi de finances pour 1974, JO, 28 dcembre 1973,
p. 14004.
Dcision n 89-266 DC du 9 janvier 1990, Loi modifiant l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945
relative aux conditions d'entre et de sjour des trangers en France, JO, 11 janvier 1990, p. 464,
concernant les recours contre les arrts de reconduite la frontire ; Dcision n 2010-614 DC du 4
novembre 2010, Loi autorisant l'approbation de l'accord entre la France et la Roumanie relatif une
coopration en vue de la protection des mineurs roumains isols sur le territoire franais, JO, 6 novembre
2010, p. 19825.
Dcision n 93-325 DC du 13 aot 1993, Loi relative la matrise de l'immigration et aux conditions
d'entre, d'accueil et de sjour des trangers en France, JO, 18 aot 1993, p. 11722.
Dcision n 82-144 DC du 22 octobre 1982, Loi relative au dveloppement des institutions reprsentatives
du personnel, JO, 23 octobre 1982, p. 3210.
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Dcision n 85-198 DC du 13 dcembre 1985, Loi modifiant la loi n 82-652 du 29 juillet 1982 et portant
diverses dispositions relatives la communication audiovisuelle, JO, 14 dcembre 1985, p. 14574.
Dcision n 2005-522 DC du 22 juillet 2005, Loi de sauvegarde des entreprises, JO, 27 juillet 2005,
p. 12225 ; Dcision n 2010-2 QPC du 11 juin 2010, Mme Vivianne L. [Loi dite "anti-Perruche"], JO, 12
juin 2010, p. 10847 ; Dcision n 2010-8 QPC du 18 juin 2010, poux L. [Faute inexcusable de
l'employeur], JO, 19 juin 2010, p. 11149.
Dcision n 96-373 DC du 9 avril 1996, Loi organique portant statut d'autonomie de la Polynsie
franaise, JO, 13 avril 1996, p. 5724.
LUCHAIRE F., note, Dcis. Cons. const. n 82-144 DC du 22 octobre 1982, D, 1983, p. 189.
C.E., 29 novembre 1968, Tallagrand, n 68938, Rec. p. 607.
Dcision n 80-119 L du 2 dcembre 1980, Nature juridique de diverses dispositions figurant au Code
gnral des impts relatives la procdure contentieuse en matire fiscale, JO, 4 dcembre 1980, p. 2850,
Cons. 6.
52
fait justement remarquer Thierry RENOUX181, raisonnant par analogie avec la libert
dexpression et de communication182, est mme tenu den organiser lexercice, de
manire loptimiser en amliorant son effectivit, puisque la garantie dautres
droits et liberts en dpend.
63. Il faudra toutefois attendre le milieu des annes quatre-vingt-dix et cest lobjet du
second principe crit, suggr par la doctrine ds la dcennie prcdente 183, pour voir
le Conseil constitutionnel consacrer enfin le droit au juge, en le rattachant la
garantie des droits de larticle 16 de la Dclaration de 1789 184. Il sagit, sans doute, la
fois du fondement constitutionnel le plus solide et dans le mme temps, le plus
vident, ce qui sera dailleurs confirm par la jurisprudence du Conseil dtat 185. En
effet, la garantie des droits et liberts tant un principe de valeur constitutionnelle,
on voit difficilement comment, sans accder au juge, les citoyens pourraient en
bnficier de manire effective. Larticle 24 de la Constitution italienne prcit 186 ne
pouvait dailleurs sanalyser autrement. Ds lors, toute disposition qui fermerait
laccs au prtoire porterait directement atteinte au droit que le justiciable voulait y
faire reconnatre.
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RENOUX T., Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel franais , op. cit., p. 316.
Dcision n 84-181 DC du 11 octobre 1984, Loi visant limiter la concentration et assurer la
transparence financire et le pluralisme des entreprises de presse, JO, 13 octobre 1984, p. 3200, Cons. 37.
Franois LUCHAIRE, ds 1987, La protection constitutionnelle des droits et liberts, Economica, Paris,
1999, rattachait le droit au juge larticle 16 de la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen,
mme si le lien portait davantage sur la sparation des pouvoirs. Le prsident Bruno GENEVOIS,
Un statut constitutionnel pour les trangers , R.F.D.A., 1993, p. 882, affirme avoir le sentiment
que le moment est proche o l'existence du contrle juridictionnel sera rige au rang de principe de valeur
constitutionnelle par rfrence l'article 16 de la Dclaration de 1789 .
Dcision n 93-335 DC du 21 janvier 1994, Loi portant diverses dispositions en matire d'urbanisme et de
construction, JO, 26 janvier 1994, p. 1382, Cons. 4 ; Dcision n 96-373 DC du 9 avril 1996 prc.,
Cons. 83. Avant cette conscration explicite, deux dcisions de lanne 1993, dont la premire
permit la prvision du prsident GENEVOIS, annonaient dj la reconnaissance explicite du
fondement : Dcision n 93-325 DC du 13 aot 1993 prc. et Dcision n 93-327 DC du 19 novembre
1993, Loi organique sur la Cour de justice de la Rpublique, JO, 23 novembre 1993, p. 16141.
C.E., 21 dcembre 2001, Epoux Hofmann, n 222862, Rec. p. 652, R.F.D.A., 2002, p. 176.
Cf supra n 55.
Lexistence du procs
53
64. Ancre solidement dans lide que leffectivit des droits fondamentaux ncessite
une protection juridictionnelle187, laction du Conseil, en faveur de la reconnaissance
du droit dagir en justice, est dabord passe par la dcouverte dun fondement
constitutionnel solide et pertinent. Son attachement au droit au recours juridictionnel
effectif est manifeste, il se traduit, par exemple, par lexamen doffice des voies de
droit ouvertes un dbiteur solidaire, afin de pouvoir se dfendre face au
crancier188. Le Conseil constitutionnel sest aussi efforc dtendre son champ
dapplication, au-del des seules sanctions ayant le caractre dune punition 189.
Cependant, le droit au juge, comme presque tous les droits constitutionnels, nest pas
absolu ; il supporte des limitations, qui doivent, ceci tant, rester dans de
raisonnables limites, cest dire ne pas porter d'atteintes substantielles au droit des
personnes intresses d'exercer un recours effectif devant une juridiction190 . De
lvaluation effectue par le Conseil, sur le caractre substantiel ou non de latteinte
porte au droit dagir en justice, qui constitue la ligne de partage entre la limitation
prohibe et la restriction accepte, dpendent directement la ralit et leffectivit du
droit constitutionnel au juge.
65. Au total, lapprciation que lon peut porter sur la politique jurisprudentielle du
Conseil constitutionnel, en matire de protection du droit dagir en justice, est
nuance. Quand laccs au tribunal est totalement ferm, soit que le lgislateur nait
pas prvu les voies de droit idoines, soit que les conditions damnagement des
recours ne permettent au requrant de saisir la juridiction comptente, la sanction
conduit, le plus souvent, le juge constitutionnel prohiber les limitations absolues du
187
188
189
190
54
est
souvent
exagrment
conciliante,
en
ne
censurant
pas
Section 1
66. Les limitations totales du droit dagir en justice, dont le Conseil constitutionnel a
eu connatre, ont deux sources principales. Dune part, elles peuvent provenir des
conditions de recevabilit des recours. Comme il ne saurait tre daction
juridictionnelle gratuite, nimporte quel requrant ne peut agir contre nimporte quel
acte. Le droit daccs un tribunal rencontre alors des tempraments, rsultant des
conditions dacceptation des requtes, fixes par le lgislateur, qui sont ingalement
approuves par le Conseil, en fonction de leur origine ( 1.).
67. Dautre part, lobstruction du chemin vers le prtoire peut aussi dcouler de
lintervention directe du lgislateur, sous des formes diverses. Dun ct, le Conseil
constitutionnel a valid les dispositifs lgislatifs dindemnisation des prjudices 191.
Pour le juge constitutionnel, les articulations prvues par le lgislateur, entre les
offres du fonds et les actions judiciaires ouvertes, ne mconnaissent pas le droit au
191
Dcision n 2000-437 DC du 19 dcembre 2000, Loi de financement de la scurit sociale pour 2001, JO,
24 dcembre, p. 20576.
Lexistence du procs
55
68. Parce que le droit d'accs un tribunal ne saurait tre absolu, sous peine de
dilution des recours et dencombrement problmatique des juridictions, il est soumis
des conditions de recevabilit. Celles-ci ne peuvent cependant pas restreindre
lexercice du droit dagir en justice, au point den affecter la substance mme. Telle
est la position commune de la Cour europenne des droits de lhomme193 et du
Conseil constitutionnel194, qui exigent, tous deux, un rapport de proportionnalit
entre la restriction et lobjectif quelle poursuit 195. Classiquement, les conditions de
recevabilit des actions en justice peuvent tre diriges, la fois vers le requrant,
mais aussi vers lobjet de son recours. Si ces dernires sont contestables, car elles
privent le justiciable du droit de saisir une juridiction, pour des raisons
exclusivement lies la nature de lacte dont il souhaite contester la lgalit (A), il
apparat au juge constitutionnel, que les conditions lgislatives, lies lintrt pour
agir du requrant, respectent une juste mesure et semblent donc justifies (B).
192
193
194
195
56
70. Alors quun pays voisin comme lEspagne a entrepris une rforme de grande
envergure, pour mettre fin l'immunit juridictionnelle des actes de nature
politique201, en France, rien de tel nest intervenu pour le moment. Faute daction
196
197
198
199
200
201
Cf FAVOREU L., Pour en finir avec la thorie des actes de Gouvernement , L'esprit des
institutions, l'quilibre des pouvoirs, Mlanges en lhonneur de Pierre Pactet, Dalloz, Paris, 2003, p. 607 et
MELLERAY F., En a-t-on fini avec la thorie des actes de Gouvernement ? , Renouveau du droit
constitutionnel, Mlanges en lhonneur de Louis Favoreu, Dalloz, Paris, 2007, p. 1661.
C.E., Ass., 5 mars 1999, Prsident de lAssemble nationale, n 163328, Rec. p. 42, concl. C. BERGEAL,
G.A.J.A., 17 d., 2009, n 103.
DUEZ P., Les actes de gouvernement, Dalloz, Coll. Bibliothque Dalloz, Reproduction en fac-simil,
Paris, 2006 ; CAPITANT R., De la nature des actes de gouvernement, Dalloz, Paris, 1964.
C.E., Ass., 17 fvrier 1995, Hardouin et Marie, n 107766, Rec. p. 82, concl. P. FRYDMAN, G.A.J.A.,
17 d., 2009, n 97. RIVERO J., Les mesures d'ordre intrieur administratives : essai sur les caractres
juridiques de la vie intrieure des services publics, Sirey, Paris, 1934 ; PCHILLON E., Scurit et droit
du service public pnitentiaire, L.G.D.J., Coll. Bibliothque de droit public, Paris, 1998.
Cf TERNEYRE P., Le droit constitutionnel au juge et ses limites , op. cit., p. 4 ; CLIQUENNOIS
M., Variations actuelles du droit au juge , Service public, services publics, Etudes en l'honneur de
Pierre Sandevoir, L'Harmattan, Paris, 2000, p. 14 ; FAVOREU L. , Rsurgence de la notion de dni
de justice et droit au juge , op. cit., p. 513. Pour un avis plus nuanc sur le recul de lacte de
Gouvernement, MELLERAY F., L'immunit juridictionnelle des actes de gouvernement en
question , R.F.D.A., 2001, p. 1086.
En Espagne, l'article 2 . a) de la loi du 13 juillet 1998 sur la juridiction administrative a mis un
terme l'immunit juridictionnelle des actes politiques, quivalents espagnols des actes de
gouvernement franais. Cette disposition lgislative pose le principe de la comptence du juge
administratif pour contrler certains lments de ces actes chappant auparavant loffice du juge,
57
Lexistence du procs
72. Quant au Conseil constitutionnel, mme si une lgre volution, dans le sens dun
resserrement du contrle est perceptible, la politique jurisprudentielle suivie en la
matire reste toujours timide, freine par largument gnralement invoqu de sa
comptence dattribution204. Nanmoins, quelques amliorations sont signaler en ce
qui concerne le contrle juridictionnel des actes de Gouvernement (1), qui laissaient
peut-tre entrevoir une issue favorable, ce que certains auteurs qualifiaient, juste
titre, de dni de justice205 . Les quelques minces espoirs, qui avaient pu natre
cette occasion, furent malheureusement dus par une dcision rcente, sur question
prioritaire
de
constitutionalit,
visant
les
actes
internes
des
Assembles
parlementaires (2).
202
203
204
205
notamment quand ils sont susceptibles dentraner des consquences dommageables ou lorsquils
portent atteinte aux droits fondamentaux.
C.E., Ass., 9 avril 1999, Mme Ba., n 195616, Rec. p. 124, concl. F. SALAT-BAROUX ; R.D.P., 1999, p.
1573, note CAMBY J.-P.
C.E., Ordonnance du juge des rfrs, 7 novembre 2001, Tabaka, n 239761, Rec. p. 789 ; R.D.P.,
2001, n 6, p. 1646, note JAN P.
Dcision n 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative l'interruption volontaire de la grossesse, JO, 16
janvier 1975, p. 671, Cons. 1 ; Dcision n 92-313 DC du 23 septembre 1992, Loi autorisant la
ratification du trait sur l'Union europenne, JO, 25 septembre 1992, p. 13337, Cons. 1.
FAVOREU L., Du dni de justice en droit public franais, op. cit.
58
1) Le
contrle
juridictionnel
exceptionnel
des
actes
de
Gouvernement
73. Les actes de Gouvernement forment une catgorie htroclite, sans relle
cohrence et, dont le seul dnominateur commun est de bnficier dune immunit
juridictionnelle, en raison du refus du juge administratif den connatre206. Le Conseil
dtat a pourtant dvelopp une thorie de la dtachabilit de lacte (de
lenvironnement politique dans lequel il a t dict), ce qui lui permet, par exemple,
de se dclarer comptent pour contrler une dcision administrative de rejet dune
demande d'extradition207.
206
207
208
209
210
FAVOREU L., Pour en finir avec la thorie des actes de Gouvernement op. cit., p. 610.
C.E., Ass., 15 octobre 1993, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et gouverneur de la
Colonie royale de Hong-Kong, n 142578, Rec. p. 267, R.F.D.A., 1993, p. 1179, concl. C. VIGOUROUX,
G.A.J.A., 15 d., 2005, n 100.
FAVOREU L., Pour en finir avec la thorie des actes de Gouvernement , op. cit., p. 615.
Idem, p. 616.
Ibidem.
Lexistence du procs
59
75. En attendant quune telle rforme voie le jour, le Conseil constitutionnel a fait
preuve, trois reprises au moins, dune audace mesure, en ne dclinant pas sa
comptence, face des dcisions qualifies dactes de Gouvernement par le Conseil
dtat. Tel a dabord t le cas, propos de trois dcrets organisant la campagne
lectorale pralable un scrutin lgislatif211, alors que le Conseil dtat, une semaine
auparavant, stait dclar incomptent212. Le juge constitutionnel a ensuite examin,
dans le cadre du contrle de constitutionnalit au fond dune disposition lgislative
litigieuse213, la rgularit de deux dcrets en lien avec la procdure lgislative suivie.
Enfin, le Conseil constitutionnel s'est reconnu comptent pour apprcier la rgularit
dactes prparatoires un rfrendum214.
76. Il faut, malgr tout, relativiser quelque peu lavance reprsente par ces trois
dcisions constitutionnelles, dans la mesure o le contrle des actes rglementaires,
constitutifs dactes de Gouvernement, tait un pralable ncessaire lexercice dune
comptence impose par la Constitution. Dans le premier cas, l'article 59 lui confie le
contrle de la rgularit de l'lection des dputs et des snateurs, mise en doute ici
sur le fondement de larticle 12, alina 2215, dont le requrant contestait les conditions
dapplication. En consquence, puisque ctait la rgularit de l'ensemble des
oprations lectorales, telles qu'elles taient organises par les dcrets litigieux, qui
tait mise en cause, le Conseil constitutionnel ne pouvait faire lconomie de
lexamen desdits dcrets.
211
212
213
214
215
Dcision n 81-1 ELEC du 11 juin 1981, Dcision du 11 juin 1981 sur une requte de Monsieur Franois
DELMAS, JO, 12 juin 1981, p. 1725.
C.E., 3 juin 1981, Delmas et autres, n 34486 ; n 34487 ; n 34510 ; n 34511, Rec. p. 244. Le Conseil
dtat avait estim qu'il n'appartient qu'au Conseil constitutionnel qui est, en vertu de l'article 59 de la
Constitution du 4 octobre 1958, juge de l'lection des dputes l'Assemble nationale d'apprcier la lgalit
des actes qui sont le prliminaire des oprations lectorales .
Dcision n 85-197 DC du 23 aot 1985, Loi sur l'volution de la Nouvelle-Caldonie, JO, 24 aot 1985,
p. 9814.
Dcision n 2000-21 REF du 25 juillet 2000, Dcision du 25 juillet 2000 sur une requte prsente par
Monsieur Stphane HAUCHEMAILLE, JO, 29 juillet 2000, p. 11768.
Les lections gnrales ont lieu vingt jours au moins et quarante jours au plus aprs la dissolution .
60
77. Dans le deuxime cas, puisque ctait lensemble de la procdure lgislative qui
tait suspecte dirrgularit, la juridiction constitutionnelle ne pouvait lever tous les
doutes la concernant, sans procder lexamen du texte rglementaire, portant
convocation du Parlement en session extraordinaire, durant laquelle la loi avait t
vote, ni sans vrifier la licit du dcret soumettant la loi une nouvelle
dlibration.
216
217
C.E., 29 avril 1970, Comit des chmeurs de la Marne et Sieur le Gac, n 77651 ; n 77682, Rec. p. 279.
CAMBY J.-P., Le rfrendum et le droit , R.D.P., 2001, p. 3.
Lexistence du procs
61
79. Les actes internes des assembles parlementaires constituent le deuxime lot
dactes juridiques, bnficiant encore dune forme dimmunit juridictionnelle
partielle. Totalement insusceptibles dtre contests devant une juridiction par les
personnels des assembles avant 1958218, lordonnance du 17 novembre 1958219 et plus
particulirement son article 8 ouvrent, pour la premire fois, deux voies de droit 220,
au bnfice des agents des services des assembles parlementaires 221. Ces
dispositions constiturent, en leur temps, une relle avance, permettant dornavant
de porter devant loffice du juge, tant les actes juridiques que les faits juridiques,
mettant en cause les services administratifs des assembles parlementaires. Ce
progrs fut, par ailleurs, amplifi par la jurisprudence du Conseil dtat, interprtant
larticle 8 de lordonnance de 1958, dans un sens favorable lextension du contrle
juridictionnel.
218
219
220
221
Cette immunit ne sappliquait pas aux actes mettant en cause des tiers. Ds 1899, le Conseil
dtat, C.E., 3 fvrier 1899, Hritiers de Joly, Rec. p. 83, admit sa comptence pour statuer sur la
demande des hritiers de Jules de JOLY (architecte de la Chambre des dputs), tendant obtenir
le paiement dhonoraires.
Ordonnance n 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assembles
parlementaires, JO, 18 novembre 1958, p. 10335.
La premire leur permet de contester, devant la juridiction administrative, tout litige dordre
individuel les concernant, tandis que la seconde leur offre la possibilit dintroduire une action en
responsabilit contre ltat, en raison dun prjudice impliquant les services des assembles
parlementaires, devant le juge administratif ou le juge judiciaire, selon les circonstances du
dommage.
Cest laffaire GIRARD, du nom du secrtaire des services de lAssemble nationale destinataire
dun arrt de radiation, sign le 6 mai 1951 par le prsident de la Chambre, Edouard HERRIOT,
qui est lorigine de lapparition de ces deux recours juridictionnels, C.E., Ass., 31 mai 1957, Sieur
Girard, Rec. p. 335.
62
relatifs aux dcisions prises lors de la passation des marchs publics 222. Cette
progression apprciable de la juridictionnalisation des actes non lgislatifs des
assembles parlementaires, obtenue grce au recours la notion de contrat
administratif223, aurait mme pu connatre une toute autre porte, en lire les
conclusions du Commissaire du gouvernement, Mme Catherine BERGEAL224. Cette
dernire commence par signaler certaines contradictions videntes, lies lexistence
de contrles juridictionnels, dont font lobjet les actes lgislatifs des assembles
parlementaires (contrle de constitutionnalit devant le juge constitutionnel et de
conventionnalit devant le juge ordinaire), alors que, dans le mme temps, tous les
actes administratifs (dont la porte nest gure comparable) ny sont pas soumis.
Catherine BERGEAL plaide alors pour une extension de la comptence du juge
administratif, au-del des seuls cas circonstanciels des hypothses de marchs
publics.
81. Son raisonnement repose essentiellement sur labandon du critre organique, trop
restrictif et nayant plus aucun fondement thorique ou historique, le Parlement
n'tant plus, sous lempire de la Ve Rpublique, le seul pouvoir qui tire sa lgitimit
du suffrage universel et donc exprimant la volont gnrale. Elle propose de lui
substituer un critre matriel225, en vertu duquel tous les actes parlementaires, relatifs
lorganisation administrative de lassemble, seraient des actes administratifs
relevant de la comptence du juge administratif. Le Conseil dtat ne suivra,
malheureusement pas, les prconisations de son Commissaire du gouvernement et
222
223
224
225
Lexistence du procs
63
83. Lintroduction dun contrle des lois a posteriori a permis, son tour, la
juridiction constitutionnelle de se pencher sur la conformit de larticle 8 de
lordonnance du 17 novembre 1958. Le syndicat des fonctionnaires du Snat
reprochait principalement cette disposition, dempcher toute forme de
contestation, par voie daction, dun acte statutaire dict par les services des
assembles parlementaires. La question prioritaire de constitutionnalit, juge
suffisamment srieuse, avait atteint le prtoire du Conseil constitutionnel 229. Cela
navait pas t le cas pour une requte analogue, linitiative dun agent public la
226
227
228
229
Loi n 2003-710 du 1er aot 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rnovation
urbaine, JO, 2 aot 2003, p. 13281.
Larticle 60 de la loi du 1er aot 2003 prcise, effectivement, que la juridiction administrative est
galement comptente pour se prononcer sur les litiges individuels en matire de marchs publics , mais
dornavant, les instances vises par lordonnance sont les seules susceptibles d'tre engages contre
une assemble parlementaire .
BON P., Le contrle des actes non lgislatifs du Parlement : toujours un dni de justice ? ,
Renouveau du droit constitutionnel, Mlanges en lhonneur de Louis Favoreu, Dalloz, 2007, p. 1065.
Dcision n 2011-129 QPC du 13 mai 2011, Syndicat des fonctionnaires du Snat [Actes internes des
Assembles parlementaires, JO, 14 mai 2011, p. 8401.
64
retraite, qui navait russi passer le filtre rigoureux du Conseil dtat230, en raison
de la possibilit offerte aux fonctionnaires, de contester les dcisions administratives
les concernant, par voie dexception, loccasion de litiges relatifs leur situation
personnelle.
84. La situation tait bien diffrente ici, aucun litige individuel ne pouvant natre de
la dcision conteste, puisquil sagissait du refus oppos par le secrtaire gnral de
la questure du Snat, dorganiser des lections professionnelles. Pourtant, le Conseil
constitutionnel ne considra pas, quune telle fermeture du prtoire du juge
ordinaire, ft contraire la Constitution. Il est possible de le regretter, mais difficile
de sen tonner, tant la conception que le juge constitutionnel a dveloppe, avec
constance, du droit au recours juridictionnel, est celle dun droit personnel. Si une
organisation syndicale peut introduire, dans le cadre dune action de substitution, un
recours aux fins de dfense des intrts dun salari, cest la condition expresse que
ce dernier ait donn son accord et quil conserve la matrise du processus judiciaire231.
230
231
232
Lexistence du procs
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233
234
235
236
BON P., note, Dcis. Cons. const. n 2011-129 QPC du 13 mai 2011, Syndicat des fonctionnaires du
Snat, R.F.D.C., 2012, p. 127.
BERGEAL C., Le contrle de la passation des marchs des assembles parlementaires , op. cit.,
p. 333.
CAMBY J.-P., obs., Dcis. Cons. const. n 2011-129 QPC du 13 mai 2011, op. cit., p. 12.
FAVOREU L., Du dni de justice en droit public franais, op. cit.
66
87. En droit franais, lauteur dune prtention est en droit dagir en justice, la
condition que lissue de sa dmarche judiciaire prsente, son gard, un intrt
personnel. Cest ainsi que larticle 31 du Code de procdure civile subordonne le
droit daccs au tribunal, deux conditions principales, la qualit pour agir et
lintrt pour agir. Lintrt pour agir peut donc tre dfini comme lattribut du
plaideur, dont la situation juridique est susceptible d'tre influence par la rgle de
droit et, qui retirera un avantage quelconque, moral ou patrimonial, de laction en
justice. Cest un lment dterminant dans lapprciation que porte le Conseil
constitutionnel sur le dispositif lgislatif, susceptible de porter atteinte au droit au
recours juridictionnel. En dautre termes, dans la jurisprudence constitutionnelle,
celui qui na pas dintrt pour agir, ne possde pas non plus de droit subjectif
louverture dune voie de recours, alors quinversement, celui qui a intrt pour agir
doit disposer dun recours juridictionnel, pour faire reconnatre ses droits par le juge.
En somme et la rgle est dapplication stricte dans la jurisprudence constitutionnelle,
lintrt pour agir, interprt par ailleurs rigoureusement par la Haute juridiction, est
une condition certes ncessaire (1), mais aussi suffisante (2), du droit constitutionnel
au recours juridictionnel.
88. L'exigence, rsume par ladage "pas d'intrt, pas d'action", est illustre par la
dcision du 27 novembre 2001237, relative la loi sur la couverture sociale des
237
Dcision n 2001-451 DC du 27 novembre 2001, Loi portant amlioration de la couverture des non
salaris agricoles contre les accidents du travail et les maladies professionnelles, JO, 1er dcembre 2001,
p. 19112.
Lexistence du procs
67
238
239
240
68
90. Pourtant, le Conseil constitutionnel sen est tenu une lecture stricte du caractre
personnel de lintrt pour agir, en vertu de laquelle, cette exigence signifie que
l'action doit tre exerce par le titulaire du droit ou par son reprsentant, sauf quand
la loi permet d'agir la place d'autrui241. Sa jurisprudence manifeste galement
l'exigence d'un intrt n et actuel, au moment o l'action est exerce, cest dire
quun simple intrt, hypothtique ou ventuel, apparat insuffisant pour admettre la
recevabilit
du
recours.
Cest,
semble-t-il,
la
position
de
la
juridiction
91. Ds quun justiciable, ayant intrt pour agir, est mis en cause dans une
procdure juridictionnelle, il doit tre inform de louverture de celle-ci (a). Cest une
condition qui contribue lexercice effectif du droit au recours juridictionnel. Il doit
disposer, ensuite, de voies de droit adaptes, afin de faire valoir ses prtentions et de
dfendre ses intrts, sous peine de violation du droit constitutionnel au recours
juridictionnel (b).
241
Cass. Com., 8 fvrier 2011, St Saint-Yves c/ St cooprative Capleso, pourvoi n 09-17034, Bull. civ.,
2011, IV, n 19.
Lexistence du procs
69
92. Un justiciable, ls dans ses droits, doit non seulement bnficier dune voie de
recours juridictionnelle pour demander au juge de trancher le litige, mais doit aussi
tre tenu inform de louverture dune instance le mettant en cause, qui est, dans
cette hypothse, la condition sine qua non de la mise en uvre dun recours
juridictionnel effectif. En effet, les voies de recours sa disposition ne seraient que
virtuelles, dune certaine manire, sil ntait pas potentiellement plac en mesure de
les actionner, pour cause de mconnaissance de son intrt agir. Tel est lapport
combin de deux dcisions constitutionnelles, complmentaires et rapproches,
rendues chacune sur question prioritaire de constitutionnalit, lune en mai 2011 242 et
lautre en janvier 2012243.
242
243
244
Dcision n 2011-126 QPC du 13 mai 2011, Socit Systme U Centrale Nationale et autre [Action du
ministre contre des pratiques restrictives de concurrence], JO, 13 mai 2011, p. 8400.
Dcision n 2011-208 QPC du 13 janvier 2012, Consorts B. [Confiscation de marchandises saisies en
douane], JO, 14 janvier 2012, p. 752.
Cass. Com, 8 juillet 2008, Socit cooprative le Galec, pourvoi n 07-16761, Bull. civ., 2008, IV, n 143.
70
94. Dans les deux situations, les cocontractants (lentreprise lorigine des clauses
irrgulires et le partenaire ls) et le propritaire des biens confisqus, ne sont pas
ncessairement informs de la naissance dune action en justice affectant leurs
intrts et se trouvent ainsi privs de la facult d'exercer un recours effectif, contre
une mesure portant atteinte leurs droits, alors que dans les deux cas, ils ont chacun
un intrt pour agir, personnel et actuel. Mais les similitudes sarrtent l, ce qui
conduira dailleurs le Conseil constitutionnel censurer les dispositions du Code
douanier247, alors quil validera, sous rserve, les mesures prvues par le Code de
commerce.
246
247
La Chambre criminelle de la Cour de cassation avait dj jug cette disposition contraire larticle
6 1 de la Convention europenne des droits de lhomme, Cass. Crim., 29 novembre 2000, pourvoi
n 99-85366, Bull. crim., 2000 n 356, p. 1051.
Articles L624-9 L624-18 et R624-13 R624-16 du Code de Commerce.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation avait, de son ct, estim le 7 juillet 2005, que ce
rgime de confiscation ne portait pas atteinte au droit conventionnel un recours effectif, Cass.
Crim., 7 juillet 2005, pourvoi n 03-85359, Bull. crim., 2005, n 205, p. 713. Ce ne sera pas lavis de la
Cour europenne des droits de lhomme qui, quatre ans plus tard, rendra un verdict
diamtralement oppos, C.E.D.H., 23 juillet 2009, Bowler International Unit c/ France, requte n
1946/06.
Lexistence du procs
71
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72
99. Dans le premier cas, tait en cause une mesure sui generis253 de raccompagnement,
dcide par le parquet des mineurs et issue dun accord judiciaire pass avec la
Roumanie, permettant de reconduire, dans leur pays dorigine et la demande des
autorits publiques, les mineurs roumains isols sur le territoire national.
Classiquement contrle par le truchement de la loi autorisant la ratification de
laccord international, qui entrane, fort logiquement, lexamen de la convention
qu'elle a pour objet dapprouver254, cette mesure devait tre annule par le Conseil
constitutionnel, en raison de labsence de toute possibilit de la contester devant un
juge. Aucune voie de recours ntait prvue, ni dans les stipulations de laccord, ni
dans les rgles de droit interne, lesquelles ne posent aucun principe gnral, en vertu
duquel les dcisions du parquet seraient susceptibles de recours devant une
juridiction. Le Conseil fait donc peser des obligations constitutionnelles positives sur
le lgislateur, qui doit amnager expressment des voies de recours lintention des
justiciables intresss. Son abstention sapparente une violation du droit au recours
251
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Lexistence du procs
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100. Dans le second cas, tait concerne la procdure de lamende forfaitaire et plus
particulirement, les conditions de recevabilit des requtes en exonration prvues
par larticle 529-10 du Code de procdure pnale255. Le titulaire du certificat
d'immatriculation du vhicule automobile, souhaitant contester la ralit de
linfraction, doit introduire une requte en exonration, en sacquittant dune
consignation pralable d'un montant gal celui de l'amende forfaitaire,
conformment aux dispositions de larticle 529-10 du Code de procdure pnale. Si
sa requte est dclare irrecevable par le ministre public pour non respect des
formes prescrites256, il ne dispose daucune voie de recours contre la dcision
dirrecevabilit, laquelle emporte pour effet principal de transformer la nature
juridique de la somme consigne, en paiement de l'amende forfaitaire, en vertu de
l'article R49-18 du Code de procdure pnale257. Laction publique se retrouve alors
teinte, sans que lautomobiliste, sestimant injustement sanctionn, ait pu faire
tudier sa contestation par une juridiction.
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104. Les lois de validation262 et les lois de ratification des ordonnances de larticle 38263
de la Constitution sont deux mcanismes dintervention lgislative, susceptibles de
porter atteinte au droit au recours juridictionnel, en plaant hors de porte du juge
ordinaire, des actes juridiques qui, au regard de leur nature et de leur valeur
normative, relvent normalement de sa comptence. Nanmoins, si les deux familles
de lois emportent les mmes effets, elles diffrent par leur objet et leur fondement.
105. Les premires, qui dcoulent dune cration lgislative spontane, sans la
moindre base constitutionnelle, ont pour unique objectif d'interfrer dans le
droulement dune instance juridictionnelle, en hissant la valeur normative dun acte
administratif au rang lgislatif, dans le seul but de le mettre labri dune annulation.
Elles heurtent, certes, le droit au recours juridictionnel, mais surtout le principe de la
sparation des pouvoirs et de lindpendance de la juridiction administrative264. Les
secondes, en revanche, constituent une intervention rgulire du lgislateur, prvue
par la Constitution et dont lobjet est simplement de restituer, des mesures de
nature lgislative, intervenues temporairement sous forme rglementaire avec
lautorisation du Parlement, leur vritable valeur normative265. Mme si elles nen
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constituent pas moins une limitation au droit dagir en justice, celle-ci est anticipable
ds le dbut du processus, ce qui explique la diffrence dapprciation, que le Conseil
constitutionnel peut porter lgard de chacune de ces deux catgories lgislatives.
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obstacle au droit de toute personne un procs quitable277 et qui peut tre apprcie au
regard des circonstances particulires, entourant ladoption de la loi de ratification.
En somme, cest le dtournement de pouvoir du lgislateur, dictant un acte selon
des considrations trangres lintrt gnral, qui est condamn par la
jurisprudence administrative, aprs avoir recherch les motivations poursuivies.
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278
279
280
Ibidem.
Dcision n 2007-561 DC du 17 janvier 2008 prc., Cons. 4.
COLLIN P. et GUYOMAR M., Conditions auxquelles la lgalit d'une ordonnance ratifie peut tre
conteste au regard de l'article 6-1 de la Convention europenne des droits de l'homme , A.J.D.A., 2000,
p. 985.
LABETOULLE D., Le nouveau code du travail devant le Conseil constitutionnel , A.J.D.A., 2008,
p. 851.
Lexistence du procs
79
poursuivie par le lgislateur. Pour autant, mme sil concentre principalement son
contrle sur le respect des procdures prescrites par larticle 38 de la Constitution, le
juge constitutionnel nen serait, sans doute, pas moins attentif aux conditions,
notamment temporelles, prsidant ldiction de la ratification lgislative. Mme si
celle-ci (ainsi que le dlai maximum dans lequel elle doit intervenir281) est prvisible
ds le vote de la loi dhabilitation, il nen demeure pas moins quune inscription
prcipite l'ordre du jour de lassemble, concidant avec le risque d'une annulation
judiciaire imminente, ne pourrait tre interprte que de manire douteuse, quant au
but rellement recherch.
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286
Lhabilitation lgislative doit mentionner la date laquelle le projet de loi de ratification devra tre
dpos sur le bureau de l'une des assembles parlementaires, sous peine de caducit, C.E., 2 avril
2003, Conseil rgional de Guadeloupe, n 246748, Rec. p. 162 ; Dr. Adm., 2003, n 163.
C.E., 19 fvrier 2010, Molline et autres, n 322407, Rec. p. 20.
Dcision n 2011-219 QPC du 10 fvrier 2012, M. Patrick . [Non lieu : ordonnance non ratifie et
dispositions lgislatives non entres en vigueur], JO, 11 fvrier 2012, p. 2440 ; C.E., 11 mars 2011, M.
Alexandre A., n 341658.
Dcision n 2011-152 QPC du 22 juillet 2011, M. Claude C. [Disposition rglementaire - Incomptence],
JO, 23 juillet 2011, p. 12655.
Dcision n 2013-331 QPC du 5 juillet 2013, Socit Numricble SAS et autre [Pouvoir de sanction de
l'Autorit de rgulation des communications lectroniques et des postes], JO, 7 juillet 2013, p. 11356.
Dcision n 86-224 DC du 23 janvier 1987 prc., Cons. 24 et 25.
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de
la
contrarit
la
Constitution
de
lordonnance
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289
C.E., 4 novembre 1996, Association de dfense des socits de course des hippodromes de province,
n 177162 ; n 177402 ; n 177807 ; n 178874 ; n 179030 ; Rec. p. 427 ; C.E., 28 mars 1997, Socit
Baxter, n 179049, n 179050, n 179054, Rec. p. 114 ; R.F.D.A., 1997, p. 450, concl. J.-C. BONICHOT,
note MLIN-SOUCRAMANIEN F.
JENNEQUIN A., La question prioritaire de constitutionnalit l'preuve des ordonnances ,
A.J.D.A., 2010, p. 2300.
Ibidem.
Lexistence du procs
81
Section 2
115. Les obstacles juridiques, dont le Conseil constitutionnel dut apprcier sils
constituaient des atteintes substantielles au droit des personnes intresses d'exercer un
recours effectif devant une juridiction290 , se rpartissent en trois catgories distinctes.
En premier lieu, ce sont parfois les conditions de dlais de recours et, notamment, la
computation de ces derniers, qui portent atteinte au droit de saisir une juridiction
(A). En deuxime lieu, lobstacle peut prendre des formes plus insidieuses, car
indirectes, par le biais du droit substantiel, dont le justiciable veut obtenir le bnfice
devant un tribunal, ce qui est particulirement prgnant en droit de la responsabilit
290
82
dlictuelle (B). Enfin, en troisime lieu, cest larchitecture mme des voies
contentieuses, ddale parfois dlicat parcourir, en raison, entre autres, de
larticulation des recours juridictionnels avec les modes alternatifs de rglement des
litiges, qui peut reprsenter une srieuse difficult sur le chemin du juge (C). Dans
chacune des ces trois hypothses, on peut regretter que le Conseil constitutionnel
nait pas toujours identifi un obstacle dirimant dress devant le requrant, formant
souvent une entrave substantielle au droit d'exercer un recours juridictionnel effectif.
291
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293
Lexistence du procs
83
du destinataire dune dcision individuelle, que si la notification qui lui est adresse
indique le laps de temps dont il dispose pour introduire laction en justice, ainsi que
les voies de recours qui lui sont offertes.
118. Cest la raison pour laquelle, le lgislateur sest parfois efforc de limiter, sous le
regard du Conseil constitutionnel, les effets de cette technique, en enserrant dans des
dlais, la possibilit dinvoquer une exception dillgalit lencontre dun acte
rglementaire. La Haute juridiction dut alors apprcier si, au nom de la scurit
juridique, la limitation apporte par la loi au droit dagir en justice, lencontre dun
acte administratif, tait reste dans de raisonnables proportions. Il se trouva
294
295
296
C.E., 29 mai 1908, Poulin, Rec. p. 580 ; C.E., 2 avril 1909, Moreau et Prot, Rec. p. 376.
Dcision n 86-224 DC du 23 janvier 1987 prc., Cons. 15, Cf infra n 412 et s.
Cf MOLFESSIS N., obs., Dcis. Cons. const. n 96-373 DC du 9 avril 1996, Justices, 1997, p. 250.
84
confront cette situation, deux reprises 297, qui lui fournirent loccasion dancrer
solidement sa jurisprudence sur le droit au recours juridictionnel effectif.
120. Le lgislateur est donc intervenu302 pour poser le principe selon lequel,
l'expiration d'un dlai de six mois compter de la prise d'effet d'un document
d'urbanisme, les illgalits externes les moins graves303 ne peuvent plus tre
invoques par voie d'exception. Lide directrice est que le permis de construire ou
lautorisation de btir ne constituent pas, proprement parler, des dcisions
dapplication des plans durbanisme, au vu desquels ils sont dlivrs. Cette
restriction de la jurisprudence Poulin ne porte, toutefois, pas atteinte la doctrine
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303
Dcision n 93-335 DC du 21 janvier 1994 prc. ; Dcision n 96-373 DC du 9 avril 1996 prc.
NICOUD F., Du contentieux administratif de l'urbanisme : tude visant prciser la fonction du
contentieux de l'urbanisme dans l'volution du droit du contentieux administratif gnral, P.U.A.M., Coll.
Centre de recherches administratives, Aix-en-Provence, 2006.
MLIN-SOUCRAMANIEN F., note, Dcis. Cons. const. n 93-335 DC du 21 janvier 1994, R.F.D.C.,
1994, p. 368.
L'urbanisme : pour un droit plus efficace, Les tudes du Conseil d'tat, La Documentation franaise,
1992.
C.E.D.H., 16 dcembre 1992, Geouffre de la Pradelle c/ France, requte n 12964/87, srie A, n 253-B,
D, 1993, p. 561, note BENOIT-ROHMER F.-L.
Article L600-1 du Code de lurbanisme.
Ce principe ne vaut pas pour ce que le Conseil constitutionnel dsigne comme les vices de forme
ou de procdure substantiels , Dcision n 93-335 DC du 21 janvier 1994 prc., Cons. 4.
Lexistence du procs
85
Alitalia304, selon laquelle ladministration est tenue d'abroger les actes rglementaires
devenus illgaux (ou sans objet305), la suite d'un changement de circonstances306, ou
ds leur signature. Ladministr pourra donc continuer de demander
ladministration dabroger le rglement illgal, quel que soit le moment de la
survenance de cette illgalit et dintroduire un recours pour excs de pouvoir, en cas
de dcision de refus307. Au regard de ces considrations et de la dlimitation du
champ dapplication matriel de la restriction de lexception dillgalit, aux seuls
actes durbanisme, justifie de surcrot par limportance quantitative des
contestations fondes sur ces moyens308, le Conseil constitutionnel estime que la
disposition litigieuse ne porte pas d'atteinte substantielle au droit dagir en justice. Il
en ira diffremment, deux ans plus tard, quand le lgislateur souhaitera apporter une
autre drogation la jurisprudence Poulin.
304
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309
C.E., Ass., 3 fvrier 1989, Compagnie Alitalia, n 74052, Rec. p. 44 ; R.F.D.A., 1989, p. 391, concl.
N. CHAD NOURA.
Prcision apporte par larticle 1er de la loi n 2007-1787 relative la simplification du droit du 20
dcembre 2007, qui codifie la jurisprudence Alitalia.
C.E., 10 janvier 1930, Despujol, n 97263, Rec. p. 30, G.A.J.A., 17 d., 2009, n 42.
Dcision n 93-335 DC du 21 janvier 1994 prc., Cons. 4.
Me Patrick HOCREITERE estime que 60 % des requtes concernent les seuls vices de forme,
HOCREITERE P., Le juge constitutionnel et la loi du 9 fvrier 1994 , R.F.D.A., 1995, p. 7.
Dcision n 96-373 DC du 9 avril 1996 prc.
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Franois
LUCHAIRE313,
que
les
pouvoirs
publics
polynsiens
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311
312
313
314
RENOUX T., note, Dcis. Cons. const. n 96-373 DC du 9 avril 1996, R.F.D.C., 1996, p. 596.
Cf supra n 63.
Cf RENOUX T., note, Dcis. Cons. const. n 96-373 DC du 9 avril 1996, op. cit.
LUCHAIRE F., note, Dcis. Cons. const. n 96-373 DC du 9 avril 1996, R.D.P., 1996, p. 971.
Dcision n 96-373 DC du 9 avril 1996 prc., Cons. 84.
Lexistence du procs
87
124. La limitation des voies daccs au juge peut parfois emprunter des chemins
dtourns, ce qui rend lvaluation des atteintes au droit dagir en justice plus
dlicate apprcier. Cest notamment le cas des dispositions lgislatives, qui
subordonnent lexercice dune voie de recours juridictionnel des circonstances
particulires ou qui en limitent la porte. En la matire, le droit de la responsabilit
offre des exemples tout fait significatifs de restrictions indirectes de la saisine dune
juridiction, par lentremise de conditions exigeantes dobtention de la rparation des
prjudices subis, qui ne sont, par ailleurs, pas toujours intgralement indemniss. Les
rgles litigieuses portent dabord atteinte au principe de responsabilit, fond sur
l'article 4 de la Dclaration des droits de l'homme et du citoyen, transcription
constitutionnelle des rgles issues de larticle 1382 du Code civil 315, puis, par ricochet,
au droit de saisir une juridiction, ce second grief ntant que la consquence logique
du premier. La jurisprudence constitutionnelle noffre pas, sur ces questions, toutes
les garanties souhaites, en validant des dispositifs qui soumettent les actions
315
Dcision n 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de solidarit, JO, 16 novembre
1999, p. 16962, Cons. 70.
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319
320
Dcision n 2005-522 DC du 22 juillet 2005 prc., Cons. 10 ; Dcision n 2010-2 QPC du 11 juin 2010
prc., Cons. 11 ; Dcision n 2010-8 QPC du 18 juin 2010 prc., Cons. 10.
Ibidem.
Dcision n 82-144 DC du 22 octobre 1982 prc.
Article L650-1 du Code de commerce.
Article 1er, paragraphe I, de la loi n 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et la
qualit du systme de sant, JO, 5 mars 2002, p. 4118.
Lexistence du procs
89
127. Dune part, concernant les caractres exigs de la faute commise par le
responsable du dommage, la ncessit dune faute qualifie ne rend pas la mise en
uvre de la responsabilit de lauteur du prjudice particulirement aise. Dans la
dcision de 2005, lexonration de responsabilit est presque absolue, tant les
hypothses expressment vises par l'article L650-1 du Code de commerce ont, dans
le cas de la fraude, un champ d'application fort rduit et pour ce qui est de
limmixtion dans la gestion du dbiteur, une probabilit assez faible dtre rencontre
en jurisprudence. Le cas de la faute caractrise, exige pour engager une action en
responsabilit du mdecin, est encore plus dlicate manier. Certes, ce ntait pas
une notion totalement nouvelle, puisqu'elle avait fait son apparition avec la loi du 10
juillet 2000324, mais il tait difficile de prciser son contenu et son positionnement
exact sur lchelle de gravit des manquements des devoirs prtablis. La dcision
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90
128. Dautre part, pour ce qui est de la limitation des prjudices indemnisables, la loi
dite anti-Perruche est particulirement restrictive, puisquelle exclut les charges
spcifiques dcoulant du handicap de l'enfant tout au long de sa vie 329, qui
reprsentent, dans la plupart des cas, une partie trs importante de lindemnisation,
laquelle les parents auraient pu raisonnablement prtendre. Mme si certains juges
de la rparation pcuniaire accordent parfois, pour compenser, une indemnit
survalue au titre du prjudice moral et des troubles apports aux conditions
d'existence, il nen demeure pas moins que cette restriction de lindemnisation
naurait pas du tre valide par le Conseil constitutionnel, tant elle limite
considrablement la porte du recours juridictionnel. Cette dcision est dautant plus
surprenante, qu linverse, une semaine plus tard, grce une rserve
325
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Lexistence du procs
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130. Dabord, il nest pas toujours vident que lobjectif, avanc par le lgislateur et
accept par le Conseil constitutionnel, concerne vritablement lintrt gnral. Ainsi,
exclure des prjudices indemnisables, les charges pcuniaires rsultant du handicap
de l'enfant n avec une malformation, permet sans doute aux professionnels de sant,
de souscrire plus facilement une assurance dans des conditions conomiquement
acceptables332. Mais sagit-il l dun motif dintrt gnral, ou plutt dun objectif
visant les seuls intrts particuliers dune profession ?
92
132. Quant au contrle de la ncessit d'une mesure, tel qu'il a t dfini par la
jurisprudence de la Cour constitutionnelle allemande 337 et qui consiste s'assurer
qu'elle ne soit pas plus restrictive que ne l'exige l'objectif poursuivi, il nest pas mis
en uvre par le Conseil. Ce dernier, estimant que la Constitution ne lui confre pas
un pouvoir gnral d'apprciation et de dcision de mme nature que celui du
Parlement338 , ne sassure pas qu'entre plusieurs moyens possibles, a bien t choisi
celui qui, tout en atteignant le but vis, porte l'atteinte la moins grave aux droits
fondamentaux.
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1) Les
limitations
relatives
larticulation
des
recours
administratifs et juridictionnels
135. Le Conseil constitutionnel sest retrouv confront, plusieurs reprises 339, une
contestation portant sur l'obligation faite au justiciable, dintroduire un recours
administratif pralable, avant toute action devant le juge, sous peine dirrecevabilit.
Sa position sur la question est claire : lexigence d'une procdure, subordonnant le
traitement juridictionnel des litiges, l'examen d'une rclamation, par l'autorit
administrative lorigine de la dcision conteste, ne contrevient pas au droit
constitutionnel au recours juridictionnel340. La rponse du juge constitutionnel nest
gure surprenante en soi, tant les recours administratifs pralables sinscrivent dans
une forme de tradition juridique nationale341, que le Conseil est souvent soucieux de
prserver. Elle nen demeure pas moins discutable, lefficacit suppose du
mcanisme restant encore dmontrer et surtout, ses inconvnients potentiels sur
laction juridictionnelle future, en cas dchec de la phase prcontentieuse, ne pas
ngliger.
136. La priorit accorde au juge, qui reste le lieu naturel de rglement des
contentieux, dans la jurisprudence constitutionnelle, nexclut pas la prise en
considration dautres voies, non juridictionnelles, de rsolution des litiges. Celles-ci
occupent dailleurs une place quantitative croissante en droit interne, essentiellement
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341
Dcision n 88-154 L du 10 mars 1988, Nature juridique des deux premiers alinas de l'article 7 de la loi
n 78-753 du 17 juillet 1978 modifie portant diverses mesures d'amlioration des relations entre
l'administration et le public, JO, 13 mars 1988, p. 3392 ; Dcision n 94-352 DC du 18 janvier 1995, Loi
d'orientation et de programmation relative la scurit, JO, 21 janvier 1995, p. 1154 ; Dcision n 2000437 DC du 19 dcembre 2000 prc. ; Dcision n 2003-484 DC du 20 novembre 2003, Loi relative la
matrise de l'immigration, au sjour des trangers en France et la nationalit, JO, 27 novembre 2003,
p. 20154.
Dcision n 88-154 L du 10 mars 1988 prc., Cons. 6 ; Dcision n 94-352 DC du 18 janvier 1995
prc., Cons. 9 ; Dcision n 2000-437 DC du 19 dcembre 2000 prc., Cons. 44 ; Dcision n 2003-484
DC du 20 novembre 2003 prc., Cons. 19.
Sur lensemble de la question, BRISSON J.-F., Les recours administratifs en droit public franais,
contribution ltude du contentieux administratif non juridictionnel, L.G.D.J., Coll. Bibliothque de
droit public, Paris, 1996.
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343
344
345
C.E.D.H., 6 mai 2004, OGIS Institut Stanislas et autres c/ France, requtes n 42219/98 et 54563/00.
Cest un systme qui donne des rsultats satisfaisants en matire fiscale, par exemple, o les
rclamations pralables, devant les directions des centres des impts, rglent prs de quatre-vingts
pour cent des litiges. Cependant, ce type de performance nest certainement pas gnralisable,
puisque cest la nature particulire du contentieux fiscal qui explique cette performance, en raison
de la possibilit offerte ladministration fiscale de transiger, ce qui nest pas possible dans le
contentieux de la lgalit.
C.E., 21 mars 2007, Garnier, n 284586, Rec. p. 128.
Dcision n 88-154 L du 10 mars 1988 prc., Cons. 6.
96
sagit manifestement dune affirmation un peu htive, qui passe sous silence les
contraintes
contentieuses,
lies
limposition
dun
recours
administratif,
138. En premier lieu, le recours administratif pralable noffre pas toutes les garanties
de scurit juridique espres. En effet, lautorit administrative, saisie dun recours
pralable obligatoire, statue la date laquelle elle se prononce et non, comme il est
dusage devant le juge, au moment o la dcision conteste a t prise 346. Le
justiciable peut se voir ainsi opposer une rgle de droit, qui ntait pas encore entre
en application au moment de ldiction de la dcision litigieuse.
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devant ladministration356, mais sans attendre la rponse de cette dernire. Toutes les
difficults contentieuses nont pas t effaces pour autant, puisque le Conseil dtat
ne reconnat pas, au juge des rfrs, la comptence pour prononcer une injonction
lencontre de lautorit administrative, qui a dict la dcision conteste, car le
recours pralable a pour effet lui ter sa comptence, au profit de lautorit
hirarchique357.
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C.E., 12 octobre 2001, Socit des produits Roche, n 237376, Rec. p. 463 ; R.F.D.A., 2002, p. 315, concl.
P. FOMBEUR.
C.E., 8 juillet 2005, Ministre de la Sant c/ ARH de Provence-Alpes-Cte dAzur, n 264366.
BONICHOT J.-C., Le recours administratif pralable obligatoire : dinosaure juridique ou panace
administrative ? , Juger l'administration, administrer la justice : mlanges en l'honneur de Daniel
Labetoulle, Dalloz, 2007, p. 81.
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La solution propose par le juge constitutionnel na toutefois pas supprim toutes les
ambiguts, qui se maintiennent notamment avec une particulire acuit, quand un
acte administratif, mettant en uvre une prrogative de puissance publique porte,
dans le mme temps, atteinte la libert individuelle366. Il en est ainsi, par exemple,
quand un arrt prfectoral vient ordonner lhospitalisation, sans son consentement,
dune personne prsentant un risque datteinte grave l'ordre public ou un danger
pour autrui, voire pour lui-mme. Se trouvent alors juxtaposs deux critres majeurs
de reconnaissance des comptences de chacun des ordres de juridiction, provoquant
un enchevtrement des interventions des juges, administratif et judiciaire. Cest en
raison des effets de la dualit juridictionnelle sur laccs au juge, quune requrante,
dans le cadre dune question prioritaire de constitutionnalit 367, invoquait la violation
du droit dagir en justice des personnes hospitalises doffice.
145. Le parcours contentieux dune personne hospitalise, sans avoir recueilli son
consentement, se divisait en trois interventions procdurales distinctes. Une
premire action devait tre introduite en justice, devant le juge judiciaire, pour
demander la sortie immdiate. Le magistrat devait alors apprcier la ncessit de
linternement, au regard de la motivation de l'arrt prfectoral. Un deuxime
recours devait tre port devant le juge administratif, afin que celui-ci se prononce
sur la lgalit formelle de lacte administratif lorigine de lhospitalisation. Enfin,
une troisime requte devait tre dpose de nouveau devant la juridiction judiciaire,
afin dobtenir rparation du prjudice rsultant dun ventuel internement abusif.
146. Comme le font remarquer bon nombre dauteurs368, un tel chemin procdural est
pour le moins sinueux et ne semble pas exactement favorable aux intrts des
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368
Cf infra n 421 et s.
Dcision n 2010-71 QPC du 26 novembre 2010, Mlle Danielle S. [Hospitalisation sans consentement],
27 novembre 2010, p. 21119.
FOSSIER T., Contrle de lgalit et responsabilit en matire dinternement des alins : le
dsordre des deux ordres ? , R.D.S.S., 2005, p. 450 ; LANDAIS C et LENICA. F., note, C.E.,1er avril
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2005, Mme L., n 264627, Rec. p. 134, A.J.D.A., 2005, p. 1231 ; MELLERAY F., Une occasion
manque de rformer la rpartition juridictionnelle des comptences en matires d'hospitalisation
d'office , note sous C.E., 1er avril 2005, Mme L. prc., L.P.A., 10 octobre 2005, p. 12.
Idem, p. 13.
Article L521-1 du Code de justice administrative.
C.E.,1er avril 2005, Mme L prc., R.T.D. civ., 2005, p. 573, obs. HAUSER J.
C.E.D.H., 18 avril 2010, Baudoin c/ France prc. La Cour y affirme mme que la complmentarit des
recours existants pouvant permettre de contrler l'ensemble des lments de la lgalit d'un acte, puis
aboutir la libration de la personne interne , 108.
Dcision n 86-224 DC du 23 janvier 1987 prc.
Dcision n 2010-71 QPC du 26 novembre 2010 prc., Cons. 35 et 36.
Article 61-1 de la Constitution.
102
appels connatre dun mme processus juridictionnel, des titres divers 376.
Lunification du contentieux, en matire dhospitalisation psychiatrique sans
consentement, satisferait indiscutablement aux conditions de bonne administration
de la justice377, mais nest pas, pour autant, exige par la Constitution, dans la mesure
o le dualisme juridictionnel ne restreint pas la comptence du juge judiciaire, pour
faire cesser la privation de libert. Telle est rsume la position du juge
constitutionnel, qui invite, voire incite, le lgislateur se saisir de la question. On eut
apprci quil se montrt ici plus directif, quitte laisser ce dernier, un dlai pour
modifier le droit en vigueur, comme la Constitution ly autorise 378.
148. Fort heureusement, le lgislateur, mme sil ny tait pas tenu, mais conscient
sans doute du labyrinthe procdural dans lequel le justiciable, hospitalis doffice,
tait plac, simplifiera les recours des personnes internes sans leur consentement.
Pour autant, la loi du 5 juillet 2011379 nest pas parvenue effacer toute complexit
dans la rpartition des comptences contentieuses380. Certes, l'article 7 de la loi du 5
juillet 2011, qui cre larticle L3216-1 dans le Code de la sant publique, confie le
contentieux de la rgularit des dcisions administratives, dictes en matire de
soins psychiatriques, au seul juge judiciaire, qui est effectivement le magistrat de
l'ordre juridictionnel principalement intress381 . Le justiciable ne devra plus
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C.E.D.H., 11 mai 2010, Versini c/ France, requte n 11898/5, dans le cadre du contentieux fiscal ;
C.E.D.H., 21 fvrier 1997, Guillemin c/ France, requte n 19632/92, A.J.D.A., 1997, p. 985, obs.
FLAUSS J.-F., en matire dexpropriation pour cause dutilit publique. Dans ce domaine, le
Conseil constitutionnel non seulement valide la dualit juridictionnelle, mais semble, au contraire,
considrer que larticulation des comptences contentieuses entre les deux juges est un gage de
scurit procdurale pour le justiciable expropri, Dcision n 2012-247 QPC du 16 mai 2012,
Consorts L. [Ordonnance d'expropriation pour cause d'utilit publique], JO, 17 mai 2012, p. 9153, Cons. 6
et 7.
Cf infra n 426 et s.
Article 62, alina 2.
Loi n 2011-803 du 05 juillet 2011 relative aux droits et la protection des personnes faisant l'objet
de soins psychiatriques et aux modalits de leur prise en charge, JO, 6 juillet 2011, p. 11705.
FARINETTI A., L'unification du contentieux des soins psychiatriques sans consentement par la
loi du 5 juillet 2011 , R.D.S.S., 2012, p. 111.
Dcision n 86-224 DC du 23 janvier 1987 prc., Cons. 16 ; Dcision n 2010-71 QPC du 26
novembre 2010 prc., Cons. 36.
Lexistence du procs
103
disperser son action en justice, entre les deux ordres de juridiction, selon quil
conteste la ncessit de son hospitalisation force ou la rgularit de la dcision
administrative lui servant de fondement, le juge des liberts et de la dtention tant
dsormais pleinement comptent382. Il devra cependant introduire un autre recours
devant le tribunal de grande instance, pour obtenir rparation du prjudice
conscutif linternement excessif383. Mme si les seuils pcuniaires de comptences,
sur les actions personnelles ou mobilires, peuvent expliquer cette rpartition des
contentieux, le lgislateur aurait certainement pu dispenser le requrant dun nouvel
parpillement des actions en justice, fussent-elles au sein du mme ordre de
juridiction.
149. Le principe de gratuit de la justice, ide noble sil en est, selon laquelle les
facults contributives ne doivent pas peser sur laccs au juge, mme sil fut proclam
par lAssemble nationale ds la nuit du 4 aot 1789384, dcoule de la loi du 30
dcembre 1977385. La justice a cependant un cot, indniable et consquent, dont une
trs large proportion est finance sur les deniers publics. Le surplus pcuniaire,
restant la charge du justiciable, peut tre partiellement assum par le systme
daide juridictionnelle, qui se dfinit comme un concours apport aux personnes dont les
ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice, en les dispensant
totalement ou partiellement des frais occasionns par l'instance386 . Nanmoins, le juge
constitutionnel ne considre pas que la gratuit soit une condition, ncessaire et
absolue, lexercice du droit au recours juridictionnel, puisquil admet,
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Dcision n 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012, M. Stphane C. et autres [Contribution pour l'aide
juridique de 35 euros par instance et droit de 150 euros d par les parties l'instance d'appel], JO, 14 avril
2012, p. 6884.
Loi n 2011-900 du 29 juillet 2011 de finances rectificative pour 2011, JO, 30 juillet 2011, p. 12969.
Loi n 2011-392 du 14 avril 2011 relative la garde vue, JO, 15 avril 2011, p. 6610.
Loi n 2009-1674 du 30 dcembre 2009 de finances rectificative pour 2009, JO, 31 dcembre 2009,
p. 22940.
Loi n 2011-94 du 25 janvier 2011 portant rforme de la reprsentation devant les cours dappel, 26
janvier 2011, p. 1544.
Dcision n 2012-231/234 QPC prc., Cons. 9.
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Lexistence du procs
obtention404. Il est donc cohrent que le Conseil, qui admet des atteintes au droit
daccs un tribunal, la condition quelles ne soient pas substantielles405, considre
que cette franchise juridictionnelle, eu gard (son) faible montant406 , nest pas
contraire au droit de chacun dagir en justice. Il semble, en tous cas, que cette
participation financire du justiciable son procs, tant quelle reste dans de
raisonnables
proportions,
ne
soit
pas
dpourvue
dintrt.
Elle
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RENOUX T., Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel franais , op. cit., p. 311.
TERNEYRE P., Le droit constitutionnel au juge et ses limites , op. cit., p. 4.
RENOUX T., La constitutionnalisation du droit au juge en France , RIDEAU J. (dir.), Le droit au
juge dans l'Union europenne, Actes du colloque de Nice, 25 et 26 avril 1997, L.G.D.J., Paris, 1998, p. 109.
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PORTALIS J., Mmoires de lAcadmie Royale des Sciences morales et politiques de lInstitut de France,
1841, t. 3, p. 467. PORTALIS cite aussi, en ce sens, la publicit de linstruction et des jugements,
ainsi que la pluralit et linamovibilit des juges.
DEGUERGUE M., Le double degr de juridiction , A.J.D.A., 2006, p. 1308.
HILAIRE J., Un peu dhistoire , Justices, n 4, 1996, p. 9.
LEFORT C., Double degr de juridiction , CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice, op. cit.,
p. 345.
112
160. Il fallut attendre le XVIe sicle pour voir les deux organisations judiciaires
sorienter sur la voie de la simplification. La justice seigneuriale ne comportait plus
que deux niveaux, lappel tant entendu directement par le seigneur, alors que la
justice royale ne comptait plus que trois degrs en matire civile 419, le droit dappel
pouvant mme parfois tre exerc immdiatement devant le parlement. Ctait
galement le cas en procdure pnale, pour certaines peines afflictives ou
infmantes420, expressment vises par lOrdonnance royale de COLBERT de 1670421.
cette poque, apparaissent aussi les premires limitations du droit dinterjeter
appel des litiges comportant peu denjeu social, cest dire ceux qui ne peuvent
dboucher sur des condamnations excdant un certain montant, cinq cents Livres, en
loccurrence.
Lexistence du procs
113
163. Les cours dappel firent leur apparition sous NAPOLON, en hritant des
comptences juridictionnelles autrefois dvolues aux parlements423. Si le principe du
double degr de juridiction semblait senraciner dans la culture judiciaire franaise, il
ne revtait pas pour autant un caractre absolu, deux arguments frquents venant
contester, dun ct, la lgitimit et de lautre, lutilit de lappel424. En matire
pnale, pour les dtracteurs du double degr de juridiction, certains citoyens taient
indignes de bnficier du droit dinterjeter appel, en raison de la gravit des actes
commis. De manire plus pragmatique, dautres arguaient quau regard des seuls
enjeux financiers, le cot inhrent la procdure dappel annihilait tous les
avantages pcuniaires putatifs de la seconde dcision. Ce dernier argument est
videmment rducteur, en rsumant le double degr de juridiction un moyen
efficace damliorer les ressources de lappelant et en faisant fi des questions de droit.
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DEGUERGUE M., Le double degr de juridiction , op. cit., p. 1308. Mme le Professeur
DEGUERGUE fait, par ailleurs, observer que les pouvoirs du juge d'appel contrler la rgularit
du premier jugement, ont pu faire lobjet de contestations en doctrine : MOTULSKY H.,
Nouvelles rflexions sur l'effet dvolutif de l'appel et l'vocation , J.C.P., 1958, I, 1423.
Le double degr de juridiction a connu, en procdure administrative contentieuse, une claircie
avec linstitution des cours administratives d'appel, par la loi n 87-1127 du 31 dcembre 1987
portant rforme du contentieux administratif, JO, 1 er janvier 1988, p. 7. Leur cration faisait esprer
que le double degr de juridiction tait devenu le principe en contentieux administratif, avec pour
seules limitations, les litiges traditionnellement tranchs en premier et dernier ressort par le
Conseil d'tat. Il nen fut rien, puisque le dcret n 2003-543 du 24 juin 2003 relatif aux cours
administratives d'appel et modifiant la partie Rglementaire du Code de justice administrative, JO,
n145 du 25 juin 2003, p. 10657, a supprim l'appel des jugements, rendus par un juge administratif
statuant seul, dans les litiges considrs comme de faible importance, afin de dsencombrer les
prtoires et doptimiser ainsi le dlai de traitement des dossiers. Sur la question, Cf BOISSARD S.,
Vers un dsencombrement des cours administratives d'appel ? , A.J.D.A., 2003, p. 1375.
Dcret n 2003-543 du 24 juin 2003 prc.
C.E., 20 novembre 1970, Bouez et UNEF, Rec. p. 690 ; A.J.D.A., 1971, p. 483, note CHEVALLIER J.,
p. 519, concl. J. THERY.
C.E., 15 juin 1949, Faveret, Rec. p. 288.
LUCHAIRE F., Un Janus constitutionnel : l'galit , R.D.P., 1986, p. 1255.
Dcision n 92-316 DC du 20 janvier 1993, Loi relative la prvention de la corruption et la
transparence de la vie conomique et des procdures publiques, JO, 22 janvier 1993, p. 1118.
Lexistence du procs
115
encore, sur sa valeur juridique (quivoque)433, alors mme que lappel permet la
protection de droits constitutionnels, qui seraient invitablement altrs par sa
restriction. Ainsi, le Conseil d'tat estime que le double degr de juridiction est une
rgle applicable tous les tribunaux administratifs , que seule la loi pourrait remettre en
cause434, mais sans pour autant se prononcer sur sa nature435. De son ct, la Cour
europenne des droits de lhomme considre que l'article 6 de la Convention ne
lexige pas en matire civile, puisque cette disposition concerne dabord les juridictions
de premire instance et ne requiert pas l'existence de juridictions suprieures436 .
166. Les raisons pouvant expliquer ce phnomne drosion sont de deux ordres.
Premirement, elles tiennent la position du droit dinterjeter appel dans
larchitecture des voies daccs au juge. Situ un chelon intermdiaire, entre le
droit au recours juridictionnel effectif, auquel le juge constitutionnel accorde une
protection particulire437 et le pourvoi en cassation, qui bnficie galement dun
rgime juridique favorable438, en raison du double rle essentiel jou par la Cour de
cassation, gardienne de lunit du droit et de lgalit devant la loi439, le droit dappel
peut donc subir des restrictions, sans que les garanties juridictionnelles offertes au
justiciable ne soient atteintes dans leur substance 440. Cette conception compensatrice
de la fonction exerce par le pourvoi en cassation est loin dtre vidente, dans la
mesure o seul lappel offre aux parties au procs, la garantie dun rexamen
complet de laffaire, en droit comme en fait 441. Ce qui sapparente, de prime abord,
une simple technique procdurale est en ralit, le meilleur gage possible dun
second jugement impartial.
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167. Deuximement, le recul du principe peut aussi trouver une explication dans les
consquences fcheuses quil entrane inluctablement. La facult offerte au
justiciable, de voir le litige auquel il est partie, rexamin une seconde fois par une
juridiction suprieure, indpendante et impartiale, nest pas sans induire quelques
effets indsirables, en matire de bonne administration de la justice 442, alors mme
que lexercice dune voie de recours est suppos participer de cet objectif de valeur
constitutionnelle443. En effet, la bonne administration de la justice est une notion
ambivalente444, en ce sens quelle emporte deux objectifs antagonistes.
168. Dun ct, elle implique quun justiciable puisse bnficier dun second
jugement, en fait comme en droit, qui corrigera les ventuelles erreurs commises par
la premire dcision juridictionnelle. Mais de lautre, elle impose aussi quil ne soit
pas laiss trop longtemps dans lattente dun verdict, qui peut emporter des
consquences srieuses sur sa situation juridique. ce titre, lorganisation dun
deuxime degr de juridiction induit mathmatiquement un allongement de la dure
des procdures. Cest dailleurs largument le plus souvent employ par les pouvoirs
publics, pour justifier la suppression de lappel, dans des procdures considres
comme dimportance secondaire445. Si le constat nest pas discutable, il est nanmoins
possible dobjecter que la dure dune instance nest pas ncessairement le meilleur
paramtre dapprciation de sa qualit. une procdure rapide, mais dbouchant
sur un jugement erron, il nest pas interdit de prfrer un procs plus long,
conduisant une sentence quilibre, dpourvue derreurs de droit.
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Lexistence du procs
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169. Bien quil nait jamais expressment rig le dlai raisonnable de jugement au
sommet de la hirarchie des normes, contrairement la Cour europenne des droits
de lhomme, qui estime quil est un moyen de garantir lefficacit et la crdibilit de
la justice446, le Conseil constitutionnel manifeste pourtant son gard un intrt
particulier, ft-ce de manire mdiate. Ainsi, chaque fois quil doit apprcier la
conciliation opre par le lgislateur, entre latteinte porte un principe
constitutionnel, afin damliorer la dure dune procdure juridictionnelle et les
gains obtenus en termes de garanties de bonne de justice, le juge constitutionnel
valide gnralement le dispositif, quelle que soit la mthode choisie pour raccourcir
les dlais de jugement.
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C.E.D.H., 24 octobre 1989, H c/ France, srie A, n 162, requte n 10073/82. La Cour europenne des
droits de lhomme, depuis larrt Kudla, C.E.D.H., 26 octobre 2000, Kudla c/Pologne, requte n
30210/96, A.J.D.A., 2000, p. 1012, note FLAUSS J.-F., a amorc une nouvelle jurisprudence en
matire de dlai raisonnable de jugement, en renvoyant dabord aux tats parties, le soin de mettre
en place, en droit interne, une voie de recours utile pour sanctionner sa violation.
Dcision n 2003-485 DC du 4 dcembre 2003, Loi modifiant la loi n 52-893 du 25 juillet 1952 relative
au droit d'asile, JO, 11 dcembre 2003, p. 21085 ; Dcision n 2011-631 DC du 9 juin 2011 prc. ;
Dcision n 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, M. Samir A. [Appel des ordonnances du juge d'instruction
et du juge des liberts et de la dtention], JO, 14 juillet 2011, p. 12251.
Dcision n 2000-437 DC du 19 dcembre 2000 prc.
C.E.D.H., 23 mars 1994, Muti c/ Italie, requte n 14146/88, J.C.P., 1995, I, 3823, obs. SUDRE F.
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Lexistence du procs
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172. Il fallut attendre une dcision de 2004456, pour que le Conseil exprimt enfin
clairement sa position : le principe [...] n'a pas, en lui-mme, valeur constitutionnelle457 ,
ce qui ne signifie pas, pour autant, que la juridiction constitutionnelle ne lui accorde
aucune protection. Sil na pas rig le double degr de juridiction au rang des
principes de valeur constitutionnelle, le Conseil veille rigoureusement ce que sa
suppression, partielle ou totale, nentrane de consquences dommageables sur des
principes, tels que les droits de la dfense ou surtout, l'galit devant la justice, qui
bnficient dun soin attentif de sa part458. Cest la raison pour laquelle, les effets que
produit le double degr de juridiction sont assez proches de ceux dun principe de
valeur constitutionnelle, ce qui conduit Franois LUCHAIRE le qualifier de
principe para-constitutionnel459 .
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ce qui justifie quil fasse lobjet dune lgitime protection461, couvrant la fois son
existence (Section 1) et ses effets (Section 2).
Section 1
MOLFESSIS N., La protection constitutionnelle du double degr de juridiction , op. cit., p. 17.
Lexistence du procs
121
176. Le principe dgalit devant la justice, appliqu au droit dappel des parties la
mme instance juridictionnelle, ne revt pas la mme intensit dans le procs civil (1)
que dans le procs pnal (2). Dans ce dernier, le respect du principe dgalit devant
la justice doit aussi saccompagner du maintien dun ncessaire quilibre entre les
droits des parties au procs.
122
179.
Toutefois,
une
telle
drogation,
comme
le
pressentaient
certains
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Dcision n 84-183 DC du 18 janvier 1985, Loi relative au redressement et la liquidation judiciaire des
entreprises, JO, 20 janvier 1985, p. 820.
Dcision n 87-232 DC du 7 janvier 1988 prc., Cons. 10.
Dcision n 84-183 DC du 18 janvier 1985 prc., Cons. 8.
Ibidem.
RENOUX T., note, Dcis. Cons. const. n 84-183 DC du 18 janvier 1985, D, 1986, p. 434.
Cf infra n 734 et s.
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Dcision n 87-232 DC du 7 janvier 1988 prc., Cons. 10 : Considrant que le principe d'galit ne
s'oppose ni ce que le lgislateur rgle de faon diffrente des situations diffrentes ni ce qu'il droge
l'galit pour des raisons d'intrt gnral pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la diffrence de traitement
qui en rsulte soit en rapport avec l'objet de la loi qui l'tablit .
Dcision n 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 prc., Cons. 5. Le commentaire aux Cahiers du Conseil
constitutionnel signale opportunment, que si le dispositif nest pas contraire au principe dgalit
entre les parties au procs, il en va diffremment entre les droits des personnes mises en examen.
Selon quun mineur, suspect davoir commis un crime, a plus ou moins de seize ans, il pourra,
dans le premier cas, interjeter appel de lordonnance de mise en accusation du juge dinstruction,
alors quil se trouvera dans lincapacit juridique, dans le second cas, de contester par la mme
voie, lordonnance de renvoi devant le tribunal pour enfants.
Dcision n 87-232 DC du 7 janvier 1988 prc., Cons. 5.
Idem, Cons. 2.
Dcision n 84-183 DC du 18 janvier 1985 prc.
Lexistence du procs
125
184. Dornavant, la personne mise en cause dans un procs pnal pourra interjeter
appel de toutes les ordonnances lui faisant grief et contre lesquelles, elle ne
disposerait pas, dans la suite de la procdure, de moyens utiles et efficaces de
contestation482. Ce sera donc, de manire casuistique, au juge du fond, dapprcier la
recevabilit de lappel, en fonction de la nature de la dcision conteste et des voies
de recours ouvertes dans la suite du chemin procdural. Daprs lavis des
spcialistes aguerris du droit criminel483, cette rserve dinterprtation ne devrait pas
avoir une incidence importante sur la procdure pnale, dans la mesure o la Cour
de cassation accorde, dores et dj, le droit dappel au mis en examen, dans des
hypothses non expressment envisages par larticle 186 du Code de procdure
pnale484. Elle traduit toutefois la volont manifeste du Conseil constitutionnel de
faire respecter, au-del du principe dgalit devant la justice, un certain quilibre
des droits des diffrentes catgories de parties linstance pnale485.
185. Cependant, le principe dgalit devant la justice ne produit pas seulement ses
effets lintrieur dune mme instance juridictionnelle, mais aussi lgard de tous
les justiciables impliqus dans des procdures similaires.
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Dcision n 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 prc., Cons. 7. Cette dmarche nest pas indite dans la
jurisprudence constitutionnelle, Cf Dcision n 2010-8 QPC du 18 juin 2010 prc., Cons. 18.
Ibidem.
DAOUD E. et TALBOT A., obs., Dcis. Cons. const. n 2011-153 QPC du 13 juillet 2011,
Procdure pnale : le droit au recours des parties au procs pnal , Constitutions, 2012, p. 520.
ASCENSI L., obs., Dcis. Cons. const. n 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, Constitutionnalit des
restrictions au droit d'appel du mis en examen , A.J. Pnal, 2012, p. 44.
Cf infra n 761 et s.
126
186. Le Conseil constitutionnel fut amen, par deux fois, protger indirectement le
double degr de juridiction, par le truchement du principe dgalit devant la justice
des justiciables, impliqus dans des procdures semblables. Dans chacune de ces
deux jurisprudences, le juge constitutionnel censura une disposition lgislative, en
raison des discriminations ostensibles quelle induisait. Une volution est malgr
tout perceptible dans la seconde dcision, dans la mesure o le grief
dinconstitutionnalit, retenu par le Conseil, vise aussi directement latteinte au droit
au recours juridictionnel, en raison dune restriction abusive du droit dinterjeter
appel.
188. Le droit des entreprises en difficult est, certes, marqu par le souci de clrit
des procdures488, dans lintrt de tous les protagonistes, ce qui conduit souvent
lexclusion des voies de recours contre certaines dcisions judiciaires. Nanmoins,
faire dpendre lexistence du double degr de juridiction, dun paramtre extrieur
au justiciable et sur lequel il ne peut influer, de telle manire quun autre, plac dans
les mmes circonstances, pourrait se voir appliquer un rgime juridique diffrent,
486
487
488
Lexistence du procs
127
constitue indiscutablement une rupture dgalit des citoyens devant la justice 489. Le
Conseil d'tat a, par ailleurs, prcis le primtre dintervention du principe d'galit
devant la justice, qui doit s'entendre du bnfice de la mme procdure, pour une
mme catgorie de litiges, au profit de justiciables se trouvant dans une mme
situation490.
189. Que le juge constitutionnel ait soulev doffice ce moyen tmoigne visiblement
de son attachement, la fois au principe d'galit devant la justice, mais aussi au
droit dinterjeter appel, qui ne doit pas dpendre dune circonstance trangre au
justiciable. Le raisonnement dvelopp ici repose dailleurs sur les mmes
soubassements, que celui mis en uvre dans la dcision dite juge unique de
1975491. Le pouvoir discrtionnaire du prsident du tribunal de grande instance, de
confier le jugement de certains litiges une formation collgiale ou un juge statuant
seul, y fut justement censur, puisquil conduisait ce que des justiciables,
poursuivis pour les mmes infractions, pussent tre jugs par des juridictions
diffremment composes492. Latteinte aux droits fondamentaux judiciaires est
cependant plus grave dans le cas de la dcision de 1985, puisque cest du droit un
second jugement impartial, en fait comme en droit, dont est priv le justiciable qui
aurait interjet appel devant une juridiction du second degr, peu encline statuer
promptement.
190. Le professeur Thierry RENOUX fait observer493 que le Conseil constitutionnel fut
dj confront une situation comparable, dans laquelle une juridiction tait
dessaisie dun litige, en raison du dpassement du dlai lgal dont elle disposait
489
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492
493
MOLFESSIS N., La protection constitutionnelle du double degr de juridiction , op. cit., p. 26.
C.E., 17 dcembre 2003, Meyet et autres, n 258253, A.J.D.A., 2004, p. 712, note MARKUS J.-P.
Dcision n 75-56 DC du 23 juillet 1975, Loi modifiant et compltant certaines dispositions de procdure
pnale spcialement le texte modifiant les articles 398 et 398-1 du Code de procdure pnale, JO, 24 juillet
1975, p. 7533.
Idem, Cons. 5.
RENOUX T., note, Dcis. Cons. const. n 84-183 DC du 18 janvier 1985, op. cit., p. 434.
128
495
496
497
Loi n 79-44 du 18 janvier 1979 portant modification des dispositions du Titre 1 er du Livre V du
Code du travail relatives aux conseils de prud'hommes, JO, 19 janvier 1979, p. 163.
Dcision n 78-101 DC du 17 janvier 1979, Loi portant modification des dispositions du titre 1er du livre
V du Code du travail relatives aux conseils de prud'hommes, JO, 18 janvier 1978, p. 256.
Dcision n 2010-81 QPC du 17 dcembre 2010, M. Boubakar B. [Dtention provisoire : rserve de
comptence de la chambre de l'instruction], JO, 19 dcembre 2010, p. 22375.
Etant donn que la loi n 84-576 du 9 juillet 1984 tendant a renforcer les droits des personnes en
matire de placement en dtention provisoire et d'excution d'un mandat de justice, JO, 10 juillet
1984, p. 2177, avait supprim, en cas dappel du ministre public, le maintien en dtention
provisoire de linculp, toute dcision de remise en libert du juge dinstruction, contredite ensuite
par la chambre daccusation, plaait la personne mise en cause dans une position inconfortable,
alternant libert et placement en maison darrt, Cf PRADEL J., Obs. sur Cass. crim., 2 juillet 1985,
D, 1986, p. 118.
Lexistence du procs
129
placer le mis en examen en dtention provisoire. Issu de la loi dite Perben II 498, ce
dispositif ntait rien dautre que la conscration lgislative dune jurisprudence
judiciaire ancienne, tablie en trois tapes.
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504
Loi n 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux volutions de la criminalit, JO,
10 mars 2004, p. 4567.
Cass. crim., 22 dcembre 1959, Pesquet., Bull. 1959, n 569.
Ibidem : Que la seule consquence lgale de l'infirmation de la dcision du juge tait la dlivrance, par la
chambre d'accusation elle-mme, d'un mandat de dpt ou d'un mandat d'arrt, la question de la libert ou
de la dtention de l'inculp dpendant dsormais, et de ce fait, pour la suite de la procdure d'instruction de
sa seule et propre apprciation .
Cass. crim., 24 novembre 1977, Lger, pourvoi n 77-92803, Bull. crim., n 370, p. 946.
Ibidem, la seule possibilit de drogation la comptence du juge d'instruction pour statuer, en
premier ressort, sur les demandes de mise en libert formes au cours de l'instruction prparatoire
dont il est charg, survient lorsque la chambre d'accusation, statuant dans les conditions prvues par
l'article 207, alina 1er, dudit code, a pris elle-mme une mesure de mise en dtention en se rservant
expressment la facult d'en ordonner le cas chant la prolongation ou d'y mettre fin soit d'office, soit sur
les rquisitions du ministre public ou sur la demande de l'inculp .
Cass. crim., 19 fvrier 2002, pourvoi n 01-88028, Bull. crim., n 30, p. 89.
La chambre de laccusation est devenue la chambre de linstruction avec la loi n 2000-516 du 15
juin 2000 prc.
130
193. Ce dispositif procdural conduit une rupture dgalit des citoyens devant la
justice, au regard du droit dinterjeter appel dune dcision juridictionnelle et
dbouche mme sur une situation inattendue . En effet, deux justiciables placs dans
des situations identiques peuvent ne pas bnficier du mme droit au double degr
de juridiction, selon que les juges, de premire instance et dappel, comptents pour
statuer sur la dtention provisoire, sont en accord ou pas. Le mis en examen plac
sous mandat de dpt par le juge des liberts et de la dtention pourra interjeter
appel de la dcision devant la chambre de l'instruction et en cas de rejet, continuera
de bnficier du double degr de juridiction, qui saccompagne mme ici du double
regard505 des deux magistrats statuant sur la dtention en premier ressort506. Alors
que si le placement sous mandat de dpt a t ordonn par la chambre de
linstruction, conscutivement lappel du ministre public et que celle-ci a fait le
choix de se rserver le contentieux ultrieur sur la dtention, la personne mise en
examen ne bnficiera plus du double degr de juridiction, puisque ses demandes de
remise en libert ne seront, lavenir, examines que par la seule chambre de
linstruction, lexception du pourvoi en cassation devant la chambre criminelle. En
rsum, une personne mise en examen, qui aura vu sa mise en libert refuse par
trois juges distincts, bnficiera dun niveau de protection plus satisfaisant, que celui
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131
Lexistence du procs
deux
cas,
la
rupture
dgalit
devant
la
justice
tait
un
moyen
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Ibid.
C.E.D.H., 21 fvrier 2008, Ravon c/ France, requte n 18497/03 ; R.S.C., 2008, p. 598, note
MATSOPOULOU H.
Dcision n 2004-491 DC du 12 fvrier 2004 prc., Cons. 5 ; Dcision n 86-224 DC du 23 janvier
1987 prc.
MOLFESSIS N., La protection constitutionnelle du double degr de juridiction , op. cit., p. 19 ;
RENOUX T., Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel franais , op. cit., p. 319.
C.E.D.H., 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique, requte n 2689/65, srie A, n 11, 25. Cf
CANIVET G., Economie de la justice et procs quitable , J.C.P., 2001, I, 361, p. 2086.
C.E., 6 juin 1949, Faveret prc.
Lexistence du procs
133
197. Il ntonnera gure, de ce fait, que cette voie de recours, qualifie de garantie
fondamentale dont, en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient seulement la loi
de fixer les rgles523 par le juge constitutionnel, soit envisage comme le moyen
juridictionnel de contestation ultime524, celui dont il est difficile de priver un
justiciable, sous peine de dsquilibrer les droits des parties au procs 525. Le recours
en cassation est donc bien celui qui recueille les faveurs du Conseil constitutionnel 526,
lequel a labor une jurisprudence protectrice, tant lencontre des limitations
juridiques (A) que des restrictions financires (B), que pourrait lui imposer le
lgislateur, mais qui nest pas labri de tout effet indsirable.
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Dcision n 2013-338/339 QPC du 13 septembre 2013, Socit Invest Htels Saint-Dizier Rennes et
autre [Prise de possession d'un bien expropri selon la procdure d'urgence], JO, 15 septembre 2013,
p. 15528.
Dcision n 93-327 DC du 19 novembre 1993 prc.
Idem, Cons. 16.
Idem, Cons. 17.
Dcision n 80-113 L du 14 mai 1980, Nature juridique des diverses dispositions du Code gnral des
impts relatives la procdure contentieuse en matire fiscale, JO, 17 mai 1980, p. 1231, Cons. 7 ;
Dcision n 88-157 L du 10 mai 1988, Nature juridique de dispositions du code de l'expropriation pour
cause d'utilit publique, JO, 15 mai 1988, p. 7134, Cons. 10.
Linstitution dun pourvoi en cassation ne suffit pourtant pas toujours, en labsence de voie
dappel, garantir la conformit dune lgislation au droit au recours, Cf Dcision n 2010-81 QPC
du 17 dcembre 2010 prc.
Dcision n 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010, ROUSSILLON et autres [Article 575 du Code de
procdure pnale], JO, 24 juillet 2010, p. 13727 ; Dcision n 2011-112 QPC du 1er avril 2011, Mme
Marielle D. [Frais irrptibles devant la Cour de cassation], JO, 2 avril 2011, p. 5892.
MOLFESSIS N., La protection constitutionnelle du double degr de juridiction , op. cit., p. 19.
134
198. Selon Thierry RENOUX, le recours en cassation ne semble pouvoir tre exclu
lgard daucune dcision juridictionnelle527 . Laffirmation, en forme de souhait, du
constitutionnaliste aixois ne reflte pourtant pas fidlement la ralit du droit positif.
Ainsi, larticle 575 du Code de procdure pnale528 empchait les parties civiles, en
l'absence de pourvoi du ministre public, de faire censurer, par la Cour de cassation,
la violation de la loi commise par les arrts de la chambre de l'instruction statuant sur
la constitution d'une infraction, la qualification des faits poursuivis ou la rgularit
de la procdure. Cette limitation absolue de laccs au recours en cassation sera
justement censure par le Conseil constitutionnel, au terme dune dmonstration qui
emprunte, peu ou prou, le mme raisonnement que celle dcrite prcdemment,
propos des restrictions du droit dinterjeter appel des ordonnances du juge
dinstruction ou du juge des liberts et de la dtention, imposes au mis en
examen529. Outre la volont de prserver le fragile quilibre des parties au procs
pnal, cette jurisprudence constitutionnelle sinscrit dans une dmarche gnrale
visant accentuer la place de la victime dans linstance criminelle, mais aussi dans
un souci manifeste de protger le recours en cassation, garant de lunit de la
jurisprudence et de lgalit devant la loi530.
527
528
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530
531
532
RENOUX T., Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel franais , op. cit., p. 319.
Larticle 575 du Code de procdure pnale disposait que la partie civile ne peut se pourvoir en
cassation contre les arrts de la chambre de l'instruction que s'il y a pourvoi du ministre public .
Dcision n 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 prc.
RENOUX T., Le droit au recours juridictionnel en droit constitutionnel franais , op. cit., p. 319.
Cour de cassation, 28 juin 1822, Sieur Niogret, Bull. 1822, n 7.
Ibidem, [...] que le ministre public ayant acquiesc larrt de cette chambre, contre lequel il na pas form
de pourvoi, la partie civile est sans droit et sans qualit pour en provoquer lannulation .
Lexistence du procs
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Dcret-loi du 8 aot 1935 modifiant et compltant les dispositions des art. 405 et 408 du Code
pnal, JO, 9 aot 1935, p. 8688.
Loi n 57-1426 du 31 dcembre 1957 instituant le Code de procdure pnale, JO, 8 janvier 1958,
p. 258.
Ordonnance n 60-529 du 4 juin 1960 modifiant certaines dispositions du Code pnal, du Code de
procdure pnale et des Codes de justice militaire pour l'arme de terre et pour l'arme de mer en
vue de faciliter le maintien de l'ordre, de la sauvegarde de l'tat et la pacification de l'Algrie, JO, 8
juin 1960, p. 5107 ; Loi n 70-643 du 17 juillet 1970 tendant a renforcer la garantie des droits
individuels des citoyens, JO, 19 juillet 1970, p. 6751.
STRICKLER Y. (dir.), La place de la victime dans le procs pnal, Bruylant, Bruxelles, 2009.
Cass. Crim., 8 decembre 1906, Placet, Bull. 1906, n 443.
Dcision n 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 prc. Trois questions de la Cour de cassation (Cass.
Crim., 31 mai 2010, pourvoi n 09-85389 ; pourvoi n 09-87295 ; Cass. Crim., 4 juin 2010, pourvoi n
09-83936) ont t jointes par le Conseil, afin dy rpondre par une seule dcision.
Cass. Crim., 23 novembre 1999, pourvoi n 99-80794, Bull. crim., n 268, p. 836.
136
540
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544
C.E.D.H., 3 dcembre 2002, Berger c/ France, requte n 48221/99, 38. Cf CANIVET G., Economie
de la justice et procs quitable , op. cit., p. 2087.
C.E.D.H., 3 dcembre 2002, Berger c/ France prc., 26.
Ibidem.
Dcision n 87-232 DC du 7 janvier 1988 prc., Cons. 10.
C.E.D.H., 3 dcembre 2002, Berger c/ France prc., 38.
Lexistence du procs
137
202. Sur le second point, la possibilit pour la partie civile de se pourvoir en cassation
de manire autonome, en fonction de linfraction pnale dont elle a t victime, nest
pas non plus constitutive dune discrimination illgale. En rsum, quel que soit le
primtre des situations envisages, larticle 575 du Code de procdure pnale nest
pas lorigine dune rupture dgalit devant la justice. Le Conseil constitutionnel
stait dj prononc sur lattitude adopter face des mesures procdant, en
matire pnale, des traitements procduraux diffrencis. Que le principe dgalit
soit respect ne garantit pas, pour autant, la conformit de la disposition la norme
fondamentale. La juridiction constitutionnelle avait eu loccasion daffirmer, quoutre
la prohibition des distinctions injustifies, ces dispositifs se devaient doffrir aux
justiciables une quivalence de garanties, notamment en matires de droits de la
dfense545. Cest sur ce terrain que la mesure litigieuse fut lgitimement dclare
contraire la Constitution, en y adjoignant une condition supplmentaire, qui fait
dfaut en lespce : lquilibre des droits des parties au procs546.
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Dcision n 2009-590 DC du 22 octobre 2009, Loi relative la protection pnale de la proprit littraire
et artistique sur internet, JO, 29 octobre 2009, p. 18292, Cons. 10. Cf infra n 771 et s.
Dcision n 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 prc., Cons. 4.
Ibidem.
Article 217 du Code de procdure pnale.
138
205. Parce que les frais de justice peuvent aussi constituer un frein au droit daccs
un tribunal554, le lgislateur a imagin des dispositifs, qui reposent sur lide que la
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(de) LAMY B., Inconstitutionnalit de l'article 575 du Code de procdure pnale : la partie civile
promue par le Conseil constitutionnel , R.S.C., 2011, p. 188.
Article 186 du Code de procdure pnale.
Droits de la partie civile qui sont rappels par le Conseil constitutionnel, Dcision n 2010-15/23
QPC du 23 juillet 2010 prc., Cons. 5 7.
Loi n 2007-291 du 5 mars 2007 tendant renforcer l'quilibre de la procdure pnale, JO, 6 mars
2007, p. 4206.
LACROIX C., Les parties civiles l'assaut de la chambre criminelle de la Cour de cassation , D,
2010, p. 2686 ; DAOUD E. et TALBOT A., Procdure pnale : le droit au recours des parties au
procs pnal , op. cit., p. 520.
BOUGRAB J., L'aide juridictionnelle, un droit fondamental ? , op. cit., p. 1016.
Lexistence du procs
139
partie qui a obtenu gain de cause dans une procdure quelle na pas souhaite, ou
dont elle nest pas lorigine, doit pouvoir tre rembourse de certaines dpenses
engages pour dfendre ses intrts, commencer par les honoraires davocat. Cest
ainsi que l'article 800-2 du Code de procdure pnale555 permet une juridiction
prononant un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, dordonner ltat (ou la
partie civile quand celle-ci a mis l'action publique en mouvement) de verser, la
personne poursuivie, une indemnit couvrant les frais irrptibles de linstance.
206. Dans le mme ordre dides, l'article 618-1 du Code de procdure pnale
autorise la Cour de cassation, qui a rejet le pourvoi dun prvenu condamn
prcdemment dans la procdure, contraindre ce dernier au remboursement des
frais de la partie civile. Cette possibilit, ouverte par la loi du 15 juin 2000 556, tait
ltape ultime dun processus qui avait dj vu la victime bnficier dune telle
opportunit devant les juridictions dinstruction557, le tribunal correctionnel558, la cour
dassises559 et enfin, le tribunal de police560. Dans la mesure o l'article 618-1 du Code
de procdure pnale nenvisageait pas la situation symtrique celle dcrite
prcdemment, demeurait donc, en droit interne, une hypothse o une partie ayant
vu sa cause entendue en cassation, ne pouvait obtenir le remboursement des frais
non compris dans les dpens. Il sagissait du cas de figure dans lequel le pourvoi
form par la partie civile avait t rejet par la chambre criminelle. Cest cette absence
de rciprocit de larticle 618-1 du Code de procdure pnale, qui faisait rcemment
lobjet dune question prioritaire de constitutionnalit 561.
555
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561
140
207. Il tait raisonnable de penser que cette carence de larticle 618-1 pouvait tre
comble par le dispositif prvu l'article 800-2 du Code de procdure pnale. Telle
nest pas linterprtation de la Cour de cassation, qui considre que ces dispositions
ne sont pas applicables devant son prtoire, dans la mesure o elle ne se prononce
que sur la validit des dcisions rendues par les juridictions infrieures, en renvoyant
ventuellement au juge du fond le soin de trancher le litige562. Mme dans les cas
exceptionnels o, suite un arrt de cassation, la Haute juridiction judiciaire estime
quil ny a pas lieu de renvoyer laffaire, parce que les faits souverainement apprcis
par les juges prcdents lui permettent d'appliquer la rgle approprie, il y a tout lieu
de penser, que les dcisions rendues dans ces conditions, ne respectent pas les
critres poss par l'article 800-2563. En adquation avec la doctrine du droit vivant564,
le Conseil constitutionnel, adoptant linterprtation de la disposition lgislative
effectue par les juridictions ordinaires, en conclut alors que la seule disposition
applicable dans le cadre dun pourvoi en cassation, reste l'article 618-1 du Code de
procdure pnale.
208. Cette disposition du Code de procdure pnale tait conteste par la requrante,
en ce quelle ne permettait qu la seule partie civile d'obtenir, devant la Cour de
cassation, le remboursement des frais engags lors du pourvoi. Selon elle, cette
diffrence de rgime juridique, en fonction de la qualit de la partie concerne,
562
563
564
Cass. crim, 16 octobre 2002, pourvoi n 02-80945 ; Cass. crim., 8 janvier 2003, pourvoi n 02-81.476 ;
Cass. crim., 8 avril 2008, pourvois n 07-86.250 et n 07-86.251.
MARON A., Charybde et Scylla vits , Droit Pnal, mai 2011, n 5, p. 36.
La doctrine du droit vivant a t labore, dans les annes 1950, par la Cour constitutionnelle
italienne, pour rpondre la ncessit de trouver un mode de collaboration avec la Cour de
cassation, dans le cadre de la mise en uvre de la procdure de contrle incident de
constitutionnalit. Cette doctrine implique que le juge constitutionnel accepte de contrler la loi
telle quelle est interprte par le juge judiciaire et ne censure que les seules dispositions, dont
linterprtation nest pas conforme au texte constitutionnel. Sur lensemble de la question, Cf
SEVERINO C., La doctrine du droit vivant, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris,
Aix-en-Provence, 2003. Pour une application rcente, Dcision n 2013-336 QPC du 1er aot 2013,
Socit Natixis Asset Management [Participation des salaris aux rsultats de l'entreprise dans les
entreprises publiques], JO,
Lexistence du procs
141
209. Ici, cest donc bien la restriction de laccs la cassation, qui est condamne par
le Conseil constitutionnel, par lintermdiaire du dsquilibre entre les parties au
procs pnal568. Cette dcision qui vise a rtablir une certaine quit, entre les droits
de la partie civile et ceux de la personne poursuivie, ne sinscrit pas dans lorientation
dlibre de triangularisation de la procdure pnale569, dnonce par une
certaine partie de la doctrine570. Au contraire, la dcision dbouchant sur une
dclaration d'inconstitutionnalit, ce sont les droits de la victime qui se trouvent
sacrifis, au nom du renforcement de lquilibre entre les parties au procs rpressif.
En effet, une abrogation immdiate de larticle 618-1 du Code de procdure pnale
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142
conduirait la suppression des droits confrs la partie civile par cette disposition.
Cest la raison pour laquelle, le juge constitutionnel dcida judicieusement de
reporter les effets de sa dcision au 1er janvier 2012, afin de laisser le temps au
lgislateur dintervenir, pour aligner les droits de la personne poursuivie sur ceux de
la partie civile. Cest dailleurs ce quil fit la fin de lanne 2011. Larticle 618-1 du
Code de procdure pnale571, modifi par la loi du 13 dcembre 2011572, permet
dornavant la personne souponne dtre lauteur de linfraction, de solliciter la
condamnation de la partie civile lindemniser des frais non compris dans les
dpens.
211. Peut-tre y avait-il une autre solution, qui aurait consist tendre la
jurisprudence issue de la dcision Loi relative l'tat d'urgence en Nouvelle-
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Larticle 618-1 du Code de procdure pnale dispose prsent que lorsquune demande en cassation
forme par la personne poursuivie ou par la partie civile a t rejete, la cour peut condamner le demandeur
payer lautre partie la somme quelle dtermine, au titre des frais non pays par ltat et exposs par celleci. La cour tient compte de lquit ou de la situation conomique du demandeur pour dcider du prononc de
cette condamnation et en fixer le montant .
Loi n 2011-1862 du 13 dcembre 2011 relative la rpartition des contentieux et l'allgement de
certaines procdures juridictionnelles, JO, 14 dcembre 2011, p. 21105.
MARON A., Charybde et Scylla vits , op. cit., p. 36.
Lexistence du procs
143
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577
144
Section 2
213. Deux effets majeurs sont associs au double degr de juridiction. Lun, leffet
dvolutif ( 1.), apparat comme sa traduction juridique, tandis que lautre, leffet
suspensif ( 2.), a plutt un rle protecteur en prservant leffet utile du double degr
de juridiction. Les deux, des degrs variables, ont en commun de ne pas bnficier
dune protection constitutionnelle pleinement satisfaisante.
214. Leffet dvolutif est la proprit attache lappel, qui permet au justiciable de
bnficier dun second jugement, en droit et en fait 579. En ce sens, il peut tre envisag
comme l'expression mme du double degr de juridiction580 , puisque la cour dappel
va accueillir le litige, ou une partie de celui-ci, pour le trancher nouveau dans tous
578
579
580
Lexistence du procs
145
216. La dlimitation du contentieux, que les juges du second degr vont connatre,
dpend non seulement, de la volont de lappelant de voir certaines questions, sur
lesquelles il estime ne pas avoir obtenu satisfaction, tranches nouveau, mais il est
aussi fonction de sa qualit. Dans un procs pnal, selon que lappel a t interjet
par le ministre public ou par la partie civile, la cour nest saisie que de laction
publique ou de laction civile585. Ce sont les articles 497586, 509587 et 515588 du Code de
581
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583
584
585
586
587
588
PERROT R., Les effets de lappel en droit franais , op. cit., p. 281.
Ibidem.
LEFORT C., Double degr de juridiction , op. cit., p. 348.
Idem, p. 349.
Ibidem.
La facult d'appeler appartient : [...]
3 A la partie civile, quant ses intrts civils seulement ; [...] .
L'affaire est dvolue la cour d'appel dans la limite fixe par l'acte d'appel et par la qualit de l'appelant
ainsi qu'il est dit l'article 515. [...] .
La cour peut, sur l'appel du ministre public, soit confirmer le jugement, soit l'infirmer en tout ou en
partie dans un sens favorable ou dfavorable au prvenu.
La cour ne peut, sur le seul appel du prvenu, du civilement responsable, de la partie civile ou de l'assureur
de l'une de ces personnes, aggraver le sort de l'appelant. [...] .
146
dune
dcision
de
premire
instance.
Cette
rgle
implique
alors
589
590
591
Cass. crim., 16 juillet 2010, St Norprotex, pourvoi n 10-81659 pour larticle 497 et Cass. crim., 16
juillet 2010, Dominique Y., pourvoi n 09-88580, pour les articles 509 et 515. Ces deux articles tant
troitement lis lun lautre, ils ont fait lobjet dune seule et mme question.
DISANT M., Les juges de la QPC et les principes constitutionnels en matire de Justice , Cahiers
du Conseil constitutionnel, 2011, n 31, p. 236.
PERROT R., Les effets de lappel en droit franais , op. cit., p. 277.
Lexistence du procs
147
218. Dans la mesure o lessence mme du double degr de juridiction induit que le
juge dappel porte un nouveau regard sur le litige, leffet dvolutif soppose ce que
les parties prsentent pour la premire fois, au stade de lappel, des demandes qui
auraient ainsi chapp lexamen des premiers juges592. Nanmoins, les moyens
nouveaux, venant tayer une prtention dj formule en premire instance, sont
accepts593. Ainsi pourrait tre rsume lune des incidences majeures du principe du
double degr de juridiction.
595
596
597
598
148
221. Ainsi, le juge accepte, en cause dappel, une demande nouvelle en ce quelle
repose sur un fondement diffrent, mais la condition quelle vise la mme finalit
quune prtention dj exprime auparavant dans la procdure603. Ou encore, quand
elle est l'accessoire, la consquence ou le complment dune demande formule en
premire instance604, le pouvoir rglementaire605 estimant, dans une formulation
quelque peu sibylline, que les parties ne font l quexpliciter une prtention
virtuellement comprise dans les demandes initiales. Ces deux drogations leffet
dvolutif ne constituent pas, proprement parler, de vritables entorses au principe.
599
600
601
602
603
604
605
PHILIP L., note, Dcis. Cons. const. n 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981, R.D.P., 1981, p. 660.
Dcision n 2010-81 QPC du 17 dcembre 2010 prc.
PERROT R., Les effets de lappel en droit franais , op. cit., p. 283.
Idem, p. 288.
Article 565 du Code de procdure civile. Application jurisprudentielle : Cass., 2me civ., 8 mars
2007, pourvoi n 05-21627, Bull. civ., 2007, II, n 58.
Article 566 du Code de procdure civile.
Dcret n 75-1123 du 5 dcembre 1975 instituant un nouveau Code de procdure civile, JO, 9
dcembre 1975, p. 12521.
Lexistence du procs
149
Dans le premier cas, la demande nest indite quau regard de sa base juridique, mais
pas au vu de lobjectif quelle recherche et, dans le second cas, la prtention nest pas
entirement nouvelle non plus, puisquelle est une forme de prolongement naturel
de la demande de dpart.
222. Dans le mme ordre dides, dans le cadre dune action en rparation dun
dommage, le juge ne considre pas comme irrecevable, une requte en augmentation
des dommages-intrts en raison du prjudice subi606. Ici encore, il ne sagit que
dune modification quantitative dune prtention dj formule, qui doit tre, de
plus, justifie par la survenance de troubles nouveaux, conscutifs au dommage.
Dune certaine faon, ce nest donc quune demande complmentaire la premire,
qui ne varie pas par sa nature. De ce fait, il ntonnera gure que les deux juridictions
du Palais Royal aient valid une telle facult de revalorisation de la rparation
pcuniaire ouverte lappelant, quand lampleur exacte du prjudice nest connue
quultrieurement au premier jugement607.
606
607
150
224. Larrive dun nouvel acteur du procs, au stade du second degr de juridiction,
semble encore plus attentatoire leffet dvolutif de lappel, dans la mesure o les
prtentions quil formera ne peuvent tre que nouvelles, intuitu person. Dans la
mesure o le Conseil constitutionnel, dans la mme dcision 608, dclarait contraire
la norme fondamentale, la disposition lgislative permettant la victime de prsenter
des demandes nouvelles en cause d'appel, a fortiori, il ne pouvait quen dcider de
mme lencontre de larticle 94 de la loi, lautorisant se constituer partie civile
pour la premire fois devant le juge d'appel609. La victime dune infraction, qui se
constitue partie civile devant la Cour dappel, ne permet pas deux juges successifs
dapprcier le bien-fond de sa demande, pas plus quelle noffre la chance au
second, de contrler la rgularit de la dcision rendue par le premier. Il sagit donc
l de lentorse, sans doute la plus profonde, au principe de leffet dvolutif de
lappel610, ce qui justifie sa prohibition sans rserve.
225. Mais une telle interdiction, qui semble pourtant la mieux mme de prserver
rigoureusement leffet dvolutif de lappel, se trouve confronte un certain ralisme
judiciaire. Que faire, quand on dcouvre seulement au stade du second degr,
comme cest souvent le cas des contentieux en cascade 611, un sujet de droit quil
semble indispensable dintgrer aux dbats juridictionnels ? Dun ct, lapplication
stricte du principe de leffet dvolutif empche son arrive ce stade de linstance,
mais de lautre, introduire une nouvelle action en justice prsente des dsagrments
608
609
610
611
151
Lexistence du procs
cause
d'appel612,
compris
pour
faire
ventuellement
lobjet
dune
616
152
parties se trouvent donc prives du double degr de juridiction. Et quand bien mme
le jugement irrgulier constituerait un premier degr de juridiction, lorsque le juge
d'appel voque le litige, il lexamine dans son intgralit et peut donc tre conduit
se prononcer sur des aspects non tranchs par les premiers juges. Voil pourquoi un
requrant contestait le dispositif prvu larticle 520 du Code de procdure pnale,
au regard du principe du double degr de juridiction et, plus globalement, en raison
dune atteinte au droit un procs quitable617.
617
618
Cass. Crim., 15 fvrier 2011, pourvoi n 10-90123, Bull. crim., 2011, n 26.
MOLFESSIS N., La protection constitutionnelle du double degr de juridiction , op. cit., p. 28.
Lexistence du procs
153
619
620
621
622
623
624
625
PERROT R., Les effets de lappel en droit franais , op. cit., p. 278.
STRICKLER Y., Lexcution des jugements et le double degr en matire civile , Justices, n 4,
1996, p. 127.
PAILLET M., Lexcution des jugements et le double degr en matire administrative , Justices,
n 4, 1996, p. 139 ; PACTEAU B., Paradoxes et prils du principe de l'effet non suspensif de
l'appel en contentieux administratif , Mlanges Ren Chapus : droit administratif, Montchrestien,
Paris, 1992, p. 493.
Sur le dcret n 2005-1678 du 28 dcembre 2005 relatif la procdure civile, certaines procdures
d'excution et la procdure de changement de nom, JO, n 302, 29 dcembre 2005, p. 20350 :
LISSARRAGUE B., Dcret de procdure du 28 dcembre 2005 : quel cadeau ? , Gaz. Pal., 31
janvier 2006, p. 2 ; GERBAY P., L'article 526 du nouveau Code de procdure civile : premires
approches , Gaz. Pal., 14 fvrier 2006, p. 3 ; VERDUN G., Dcret n 2005-1678 du 28 dcembre
2005 relatif la procdure civile : rflexions et commentaires , Gaz. Pal., 23 fvrier 2006, p. 9.
PERROT R., Les effets de lappel en droit franais , op. cit., p. 279.
MOLFESSIS N., La protection constitutionnelle du double degr de juridiction , op. cit., p. 28.
Dcision n 88-157 L du 10 mai 1988 prc., Cons. 12.
154
que le Conseil nen fasse jamais une exigence constitutionnelle. Nonobstant toutes les
incertitudes qui entourent la jurisprudence constitutionnelle en matire deffet
suspensif de lappel, il semblerait toutefois que lintensit du principe varie, selon
que la dcision dont il est interjet appel, mane dune autorit juridictionnelle (B),
ou dun organe administratif ou disciplinaire (A).
231. linstar de la motivation des dcisions, qui est impose avec davantage
dacuit quand ces dernires sont prises par des autorits administratives 627 ou
disciplinaires, leffet suspensif de lappel revt une intensit suprieure, lgard des
dcisions provenant dautorits non juridictionnelles628. Sans doute faut-il interprter
cette variation de la force du principe, par le souci de prservation de la garantie
apporte par le second regard, juridictionnel celui-ci, sur un contentieux. Cela semble
dautant plus vrai depuis que les autorits administratives indpendantes se sont vu
reconnatre, par le Conseil constitutionnel, un pouvoir de sanction629.
232. Trois dcisions constitutionnelles viennent illustrer ce constat, bien que deux
dentres elles puissent faire lobjet dinterprtations diffrentes. En 1985, dabord, le
juge constitutionnel devait apprcier la conformit au principe des droits de la
dfense, dune disposition permettant une commission nationale relative aux
administrateurs judiciaires, de prendre des sanctions disciplinaires lencontre de
626
627
628
629
Dcision n 2011-203 QPC du 2 dcembre 2011, M. Wathik M. [Vente des biens saisis par
l'administration douanire], JO, 3 dcembre 2011, p. 20015.
Cf infra n 961 et s.
Dcision n 86-224 DC du 23 janvier 1987 prc., Cons. 22.
GENEVOIS B., Le Conseil constitutionnel et la dfinition des pouvoirs du Conseil suprieur de
laudiovisuel , op. cit., p. 215.
Lexistence du procs
155
233. Les enseignements tirer de ces deux jurisprudences ne sont pas des plus aiss.
Pour le juge constitutionnel franais, leffet suspensif de lappel contribue
indniablement au respect des droits de la dfense633. Mais dans la mesure o il fait
partie, ct de la motivation des dcisions et du principe du contradictoire 634, de
lventail des garanties permettant aux deux dispositifs de ne pas contrevenir la
norme fondamentale, il est dlicat dvaluer sa pondration, dans lapprciation
globale du dispositif effectue par le Conseil constitutionnel. Tout au plus, est-il
possible de constater que leffet suspensif de lappel ne fait lobjet daucune mise en
exergue particulire.
234. Mieux encore, dans la jurisprudence de 1989, leffet suspensif nest de plein droit
quen cas de retrait de l'autorisation mentionn l'article 42-3 de la loi litigieuse,
alors que dans toutes les autres hypothses, le report de la force excutoire du
630
631
632
633
634
Dcision n 84-182 DC du 18 janvier 1985, Loi relative aux administrateurs judiciaires, mandatairesliquidateurs et experts en diagnostic d'entreprise, JO, 20 janvier 1985, p. 819.
Dcision n 88-248 DC du 17 janvier 1989, Loi modifiant la loi n 86-1067 du 30 septembre 1986 relative
la libert de communication, JO, 18 janvier 1989, p. 754.
Dcision n 84-182 DC du 18 janvier 1985 prc., Cons. 8 ; Dcision n 88-248 DC du 17 janvier 1989
prc., Cons. 28 31.
Ibidem.
Cf infra n 783 et s.
156
jugement nest obtenu que par lentremise du sursis excution, ce qui nest gure
comparable. En effet, dune part, le sursis excution devant le Conseil dtat doit
rpondre des conditions strictes, fixes par le dcret de 1963635 et, dautre part, le
juge dappel nest jamais tenu de laccorder. Le Conseil dlivre donc un brevet de
constitutionnalit une mesure qui ne garantit pas, dans toutes les hypothses, le
report de lexcution dune dcision faisant grief, prononce par une autorit non
juridictionnelle.
635
636
637
638
639
Dcret n 63-766 du 30 juillet 1963 portant r.a.p. pour l'application de l'ordonnance 451708 du 31
juillet-1945 et relatif l'organisation et au fonctionnement du Conseil d'tat, JO, 1 er aot 1963,
p. 7107. Les deux conditions poses par le dcret sont que lexcution de la dcision doit entraner
des consquences difficilement rparables et que les moyens avancs doivent tre srieux et de
nature justifier lannulation de la dcision attaque.
Dcision n 86-224 DC du 23 janvier 1987 prc., Cons. 19.
Idem, Cons. 22.
MOLFESSIS N., La protection constitutionnelle du double degr de juridiction , op. cit., p. 28.
Dcision n 86-224 DC du 23 janvier 1987 prc., Cons. 22.
Lexistence du procs
157
236. Dans le cadre de dcisions rendues par des autorits juridictionnelles, non
seulement leffet suspensif de lappel nest exig que dans des situations
particulires, dans lesquelles lexcution de la dcision de premire instance pourrait
engendrer des consquences graves, voire irrversibles, mais de surcrot, il peut
mme parfois tre cart dans certaines hypothses, fort contestables. Ainsi, en 2010,
l'absence deffet suspensif du recours en appel, contre l'ordonnance du juge des
liberts et de la dtention autorisant la visite des agents de l'administration fiscale,
est admise par le Conseil constitutionnel, car elle participe de l'objectif de valeur
constitutionnelle de lutte contre la fraude fiscale640.
237. Lancien tat du droit de visite et de saisie avait justement fait lobjet dune
condamnation par la Cour europenne641. Bien quil sagisse probablement de la
prrogative la plus exorbitante que puisse exercer l'administration fiscale et par
consquent, la plus attentatoire aux liberts fondamentales, ses modalits de mise en
uvre taient trs peu encadres. L'ordonnance du juge des liberts et de la
dtention n'tait ainsi susceptible que d'un recours en cassation. La condamnation
strasbourgeoise provoqua la raction du lgislateur, qui institua une voie de recours
devant le premier prsident de la cour d'appel, mais sans laccompagner de leffet
suspensif, pour des raisons lies lefficacit de la procdure642. Linstitution de la
question prioritaire de constitutionnalit permit de contester la perquisition fiscale
dans son ensemble et plus particulirement, labsence de caractre suspensif du
recours contre lautorisation de la visite domiciliaire.
640
641
642
Dcision n 2010-19/27 QPC du 30 juillet 2010, poux P. et autres [Perquisitions fiscales], JO, 31 juillet
2010, p. 14202.
C.E.D.H., 21 fvrier 2008, Ravon c/ France prc.
Loi n 2008-776 du 4 aot 2008 de modernisation de l'conomie, JO, 5 aot 2008, p. 12471, article
164.
158
238. En raison de lobjectif de lutte contre la fraude fiscale quelle poursuit 643, la
mesure est dclare conforme la Constitution. En soi, la ncessit de pouvoir
effectuer des visites et des saisies de documents, afin dtablir la preuve de la fraude
fiscale, ne fait pas de doute. Mais au regard du dtournement de la procdure, dans
son objet644 comme dans ses modalits dapplication, les ordonnances prises pour
autoriser la visite, rdiges par l'administration fiscale elle-mme et seulement
paraphes par le juge judiciaire ntant pas rares645, le Conseil constitutionnel naurait
pas d valider le dfaut deffet suspensif dun tel dispositif. Au moins aurait-il pu
assortir sa dcision dune rserve dinterprtation constructive, en offrant la
possibilit au juge dappel dautoriser le sursis excution, dans des hypothses
dabus de procdure, telles que celles dcrites prcdemment646.
239. deux autres reprises, le Conseil constitutionnel sest prononc sur la ncessit
dassortir une dcision aux consquences graves, voire dfinitives, dun report de son
excution, dans lattente de larrt de la cour dappel. En 1997, il admet ainsi que le
premier prsident de la cour d'appel puisse, la demande du procureur de la
Rpublique, dclarer suspensif le recours form par le prfet ou le ministre public,
contre lordonnance du prsident du tribunal de grande instance, refusant la
prolongation du maintien en rtention, quand le destinataire de la mesure ne dispose
643
644
645
646
Dcision n 99-424 DC du 29 dcembre 1999, Loi de finances pour 2000, JO, 31 dcembre 1999,
p. 19991, Cons. 52 ; Dcision n 2001-457 DC du 27 dcembre 2001, Loi de finances rectificative pour
2001, JO, 29 dcembre 2001, p. 21172, Cons. 6 ; Dcision n 2003-489 DC du 29 dcembre 2003, Loi
de finances pour 2004, JO, 31 dcembre 2003, p. 22636, Cons. 10 ; Dcision n 2009-597 DC du 21
janvier 2010, Loi organique tendant permettre Saint-Barthlemy d'imposer les revenus de source locale
des personnes tablies depuis moins de cinq ans, JO, 26 janvier 2010, p. 1620, Cons. 2 ; Dcision n 2009598 DC du 21 janvier 2010, Loi organique modifiant le livre III de la sixime partie du code gnral des
collectivits territoriales relatif Saint-Martin, JO, 26 janvier 2010, p. 1619, Cons. 2 ; Dcision n 201016 QPC du 23 juillet 2010, M. Philippe E. [Organismes de gestion agrs], JO, 24 juillet 2010, p. 13728,
Cons. 6.
Le professeur Christophe de LA MARDIRE fait observer, qualors que le droit de visite a t
conu pour lutter contre le banditisme fiscal, les carences du contrle exerc par le juge judiciaire
ont entran une banalisation de la procdure, Perquisitions fiscales : l'impuissance du droit ,
Constitutions, 2011, n4, p. 595.
Idem, p. 597.
Cass. Crim., 22 mars 2001, St Trigone Conseil Littoral, pourvoi n 99-30197, R.J.F., 2001, p. 1252.
Lexistence du procs
159
240. En 2011, le Conseil constitutionnel censura l'article 389 du code des douanes,
permettant l'ordonnance du juge autorisant l'alination de biens saisis en douane,
dtre excute nonobstant le recours en appel653. De prime abord, le dispositif de la
dcision semble conforme aux effets attendus de leffet suspensif de lappel, mais les
conditions poses dans les motifs temprent lapprciation que lon peut porter sur
cette jurisprudence. En effet, aprs avoir affirm que le caractre non suspensif d'un
dun recours ne heurte pas, en lui-mme, le droit un recours juridictionnel
effectif654, le juge constitutionnel prcise que ce sont les consquences dfinitives de la
647
648
649
650
651
652
653
654
Dcision n 97-389 DC du 22 avril 1997, Loi portant diverses dispositions relatives l'immigration, JO,
25 avril 1997, p. 6271.
Dcision n 2003-484 DC du 20 novembre 2003 prc.
Dcision n 2011-631 DC du 9 juin 2011 prc.
ROUSSEAU D. et ROUX J., Droit constitutionnel processuel , op. cit., p. 11 et 12.
Dcision n 97-389 DC du 22 avril 1997 prc., Cons. 60.
Idem, Cons. 63.
Dcision n 2011-203 QPC du 2 dcembre 2011 prc.
Idem, Cons. 10.
160
la
censure
de
la
disposition
litigieuse656.
Voil
qui
attnue
considrablement la porte de leffet suspensif de lappel, qui nest impos quen cas
deffets irrversibles dune mesure et, mme dans cette hypothse, qui ne semble pas
mme de fonder de manire autonome une dclaration dinconstitutionnalit.
655
656
657
658
659
660
Lexistence du procs
161
CONCLUSION DU TITRE 1
661
662
663
162
163
Lexistence du procs
245. Le juge, parce quil est en charge de la conduite du procs, dans des conditions
offrant chacune des parties la possibilit de dfendre ses intrts quitablement,
doit tre revtu de certaines qualits, indispensables lintgrit de sa mission. Au
premier rang de ces vertus indissociables de la fonction juridictionnelle, se trouvent
deux garanties essentielles du procs quitable, aux exigences trs proches, mais qui
ne se confondent pas pour autant : l'indpendance et l'impartialit.
246. L'indpendance est une qualit structurelle du juge, qui se manifeste dans ses
relations avec les deux autres pouvoirs publics constitutionnels et dont lobjectif
premier est de garantir aux justiciables, un jugement dpourvu de toute forme de
soupons
de
pressions
extrieures.
La
jurisprudence
constitutionnelle
Lexistence du procs
165
249. Le constat est celui dun paradoxe, dans la mesure o lordre juridictionnel le
plus ancien, lordre judiciaire, par ailleurs le seul dont le statut est explicitement
protg par le texte mme de la Constitution, est pourtant celui dont lindpendance
statutaire des membres semble la moins convenablement assure667. Le caractre
sensible, sur le plan politique, de certaines fonctions qui y sont exerces, au premier
664
665
666
667
RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorit judiciaire - L'laboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1984 ;
L'apport du Conseil constitutionnel l'application de la thorie de la sparation des pouvoirs en
France , op. cit., p. 172.
Dcision n 86-224 DC du 23 janvier 1987 prc.
GUINCHARD S., Procs quitable , Rpertoire de procdure civile, Dalloz, 2011, Titre 2, Chapitre 1,
Section 3, Art. 1, 192.
CANIVET G., La conception franaise de l'indpendance de la justice , Intervention le 25 mars
2011 la facult de droit de lUniversit dOslo sur lindpendance du pouvoir judiciaire, adresse internet :
http://www.jus.uio.no/ifp/om/aktuelt/arrangementer/2011/Texte%20conf%C3%A9rence%20Oslo-1.pdf,
consult le 23 fvrier 2013.
166
rang desquelles, celles prises en charge par le ministre public668, nest probablement
pas tranger aux pressions qui psent sur la magistrature judiciaire 669. La juridiction
administrative ne souffre pas exactement des mmes difficults, alors que les actes
juridiques des autorits gouvernementales peuvent tre contests devant ses
prtoires. Lindpendance de ses membres et la spcificit de ses attributions ny sont
que peu souvent contestes, lexception de certaines affaires restes clbres, tel que
larrt Canal670, qui fera dire au gnral de GAULLE : Nest-il pas scandaleux de voir
ce corps, fait pour aider ltat, se signaler sous une forme pareille au sujet de la cause dun
criminel ce point notoire ?
250. Laction du Conseil constitutionnel sest donc oriente dans deux directions, de
manire ingalement satisfaisante. Dune part, la juridiction constitutionnelle a jou
un rle dterminant dans lapprofondissement de lindpendance statutaire des
membres du corps judiciaire, du sige comme du parquet, lors de lexamen des
diffrents textes, souvent organiques, soumis son contrle (Section 1). Dautre part,
lindpendance personnelle des magistrats administratifs ne prsentant pas de
difficults
comparables,
la
jurisprudence
du
Conseil
constitutionnel
sest
668
669
670
RASSAT M.-L., Le ministre public entre son pass et son avenir, L.G.D.J., Coll. Bibliothque de
sciences criminelles, Paris, 1967.
Cf en ce sens, BREDIN J.-D., Qu'est-ce que l'indpendance du juge ? , Justices, 1996, p. 161.
C.E., Ass., 19 octobre 1962, Sieurs Canal, Robin et Godot, n 58502, Rec. p. 552, G.A.J.A., 17 d., 2009,
n 81, p. 538.
167
Lexistence du procs
Section 1
1. Les
garanties
constitutionnelles
dindpendance
communes
253. Comme leurs homologues du sige, les procureurs font partie intgrante du
corps judiciaire. Par consquent, comme laffirme le rapporteur public M. Mattias
GUYOMAR, dans ses conclusions sous larrt Mme Nadge A.673, il en rsulte que des
671
672
673
Dcision n 93-326 DC du 11 aot 1993, Loi modifiant la loi n 93-2 du 4 janvier 1993 portant rforme du
Code de procdure pnale, JO, 15 aot 1993, p. 11599, Cons. 5.
Ordonnance n 58-1270 du 22 dcembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature, JO, 23 dcembre 1958, p. 11551.
C.E., 1er octobre 2010, Mme Nadge A, n 311938.
168
garanties particulires sattachent la qualit de magistrat, sans incidence sur ce point quil
soit du sige ou du parquet674 . Le Conseil constitutionnel a tir les mmes
consquences de ce principe dunit de la magistrature, en identifiant une panoplie
de garanties constitutionnelles dindpendance, communes lensemble de lautorit
judiciaire, agissant soit directement sur le statut des magistrats (B), soit par
lintermdiaire
doutils
normatifs
ou
dinstitutions
protectrices,
profitant
255. Le statut des magistrats de lordre judiciaire est le seul de la fonction publique
franaise tre dtermin par la voie organique, mme si une certaine ambigut
rdactionnelle subsiste au sein mme du texte constitutionnel. En effet, le troisime
674
675
GUYOMAR M., concl. sous C.E., 1er octobre 2010, Mme Nadge A., Gaz. Pal., 21 octobre 2010, n 294,
p. 16.
Dcision n 93-336 DC du 27 janvier 1994, Loi organique modifiant l'ordonnance n 58-1270 du 22
dcembre 1958 relative au statut de la magistrature, JO, 1er fvrier 1994, p. 1773, Cons. 3.
Lexistence du procs
169
alina de larticle 64 dispose qu une loi organique porte statut des magistrats , alors
que de manire concomitante, larticle 34 prcise, quant lui, que la loi fixe les rgles
concernant [...] le statut des magistrats . Le Conseil constitutionnel ny voit aucune
redondance, mais plutt la volont du constituant daccentuer les garanties
statutaires des magistrats judiciaires676.
676
677
Dcision n 93-336 DC du 27 janvier 1994 prc., Cons 3 et Dcision n 2001-445 DC du 19 juin 2001
prc., Cons. 3 : Considrant qu'en spcifiant que ressortit au domaine d'intervention d'une loi ayant le
caractre de loi organique une matire que l'article 34 range par ailleurs au nombre de celles relevant de la
comptence du lgislateur, le constituant a entendu accrotre les garanties d'ordre statutaire accordes aux
magistrats de l'ordre judiciaire ; ... .
RENOUX T., obs., Dcis. Cons. const. n 92-305 DC du 21 fvrier 1992, R.F.D.C., 1992, p. 320-321.
170
257.
Les
lois
organiques678,
prolongement
naturel
et
dtaill
du
texte
678
679
680
681
CAR J.-C., Les lois organiques de l'article 46 de la Constitution du 4 octobre 1958, Economica/P.U.A.M.,
Coll. Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1999.
ROBLOT-TROIZIER A., Contrle de constitutionnalit et normes vises par la Constitution franaise :
recherches sur la constitutionnalit par renvoi, Dalloz, Coll. Nouvelle bibliothque de thses, Paris,
2007.
Article 46, alinas 2 et 3.
La Constitution lexige doublement : en premier lieu, au titre de larticle 46, alina 5, qui empche
toute promulgation de la loi organique sans brevet de constitutionnalit et en second lieu, en vertu
de larticle 61, alina 1er, qui dlimite la comptence du Conseil constitutionnel. Elles sont, en vertu
de larticle 17 de lOrdonnance n 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil
constitutionnel, JO, 9 novembre 1958, p. 10129, obligatoirement transmises au juge constitutionnel
par le premier Ministre, cette transmission tant exclusive de toute autre procdure , faisant ainsi
obstacle ce que le Conseil constitutionnel puisse tre saisi d'une loi organique sur le fondement du
deuxime alina de l'article 61 de la Constitution , Dcision n 92-305 DC du 21 fvrier 1992, Loi
organique modifiant l'ordonnance n 58-1270 du 22 dcembre 1958 portant loi organique relative au statut
de la magistrature, JO, 29 fvrier 1992, p. 3122, Cons. 2.
171
Lexistence du procs
"l'autorit judiciaire", conduit le Conseil constitutionnel, comme avant lui son voisin
du Palais Royal682, conclure que l'alina 3 de l'article 64, aux termes duquel "une loi
organique porte statut des magistrats", vise seulement les magistrats de carrire de l'ordre
judiciaire683 , il nen tire pas pour autant tous les enseignements. En effet, fort de ce
constat, le juge constitutionnel aurait d, en toute logique, dclasser les dispositions
concernant les magistrats judiciaires temporaires, incluses dans la loi organique
relative au statut de la magistrature. Il nen fit rien, ce qui traduit, de toute vidence,
son dsir dassurer aux magistrats suppltifs, une indpendance identique celle de
leurs homologues, qui ont fait le choix dembrasser la carrire684.
ordinaire,
mais
sans
que
cela
entrane
une
dclaration
260. Il en est ainsi, par exemple, quand le lgislateur organique fixe les rgles d'accs
la fonction publique, des candidats ayant chou au troisime concours d'entre
l'Ecole Nationale de la Magistrature685, pour lesquelles on peine, effectivement,
apercevoir le lien quelles entretiennent avec le statut de la magistrature et son
indpendance. Ou encore, quand la loi organique relative au statut des juges de
proximit qui doit certes, fixer elle-mme les rgles statutaires applicables, contient
une simple mesure dadministration judiciaire, confrant seulement au juge
682
683
684
685
C.E., Ass., 2 fvrier 1962, Sieur Beausse, Rec. p. 82-83 ; A.J.D.A., 1962, p. 147, chron. GALABERT J.M. et GENTOT M.
Dcision n 94-355 DC du 10 janvier 1995 prc., Cons. 7.
GRAFFIN T., Le statut des magistrats devant le Conseil constitutionnel : une dfense discutable
de l'unit du corps judiciaire au profit d'une exigence forte d'indpendance des magistrats ,
R.D.P., 2001, p. 831.
Dcision n 92-305 DC du 21 fvrier 1992 prc., Cons. 38.
172
261. Si les dbordements de la loi organique, sur le domaine rserv par larticle 34
de la Constitution la loi ordinaire, ne constituent pas, aux yeux du Conseil, un
motif dinconstitutionnalit, la rciproque nest pas vraie. Une loi ordinaire, qui
empite sur le domaine constitutionnellement rserv la loi organique, est contraire
la Constitution. La Haute juridiction la affirm clairement, en 1986687, propos de
la loi relative la libert de communication, qui prvoyait de nommer en Conseil des
ministres, le prsident de la socit de tlvision, alors que le quatrime alina de
larticle 13 de la Constitution prcise que les emplois, pourvus en Conseil des
ministres et qui ne figurent pas dans la liste nonce lalina prcdent, doivent tre
ncessairement
dtermins
par
voie
organique.
Toutefois,
ce
motif
687
688
689
Dcision n 2003-466 DC du 20 fvrier 2003, Loi organique relative aux juges de proximit, JO, 27
fvrier 2003, p. 3480, Cons. 8.
Dcision n 86-217 DC du 18 septembre 1986, Loi relative la libert de communication, JO, 19
septembre 1986, p. 11294, Cons. 87.
Dcision n 2012-241 QPC du 4 mai 2012, EURL David Ramirez [Mandat et discipline des juges
consulaires], JO, 5 mai 2012, p. 8016, Cons. 20.
Dcision n 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre [Indemnit temporaire de retraite
outre-mer], Cons. 7.
Lexistence du procs
173
elle ajoute, de manire ostensible, au texte constitutionnel. Mais mme dans cette
hypothse dinterfrence par le haut dans un autre domaine normatif, la dclaration
dinconstitutionnalit nest pas systmatique, encore faut-il que linnovation
introduite par la rgle organique entre en conflit, de manire flagrante, avec la
Constitution.
263. Tel est le cas, par exemple, quand la loi organique impose que lavis prononc
par le Conseil suprieur de la magistrature, sur les promotions ou les nominations
des magistrats du sige, effectues par le Prsident de la Rpublique, soit
ncessairement un avis conforme. Cette disposition faisait donc dpendre la dcision
de l'autorit de nomination, de la position de cet organisme, alors que larticle 65 de
la Constitution ne prvoyait alors quun simple pouvoir de proposition ou davis
simple, selon la catgorie de juges concerne690. Mme si, comme le fait justement
observer Franois LUCHAIRE691, il existait un prcdent dans la loi organique du 9
juillet 1976692, qui avait chapp la sagacit du Conseil693, cette prcision, introduite
par le lgislateur organique, outrepassait manifestement les pouvoirs du Conseil
suprieur de la magistrature, en empitant sur les prrogatives constitutionnelles du
Chef de ltat. Elle ne pouvait donc qutre dclare contraire la norme
fondamentale.
692
693
174
b) Lacceptation
parcimonieuse
des
dlgations
de
266. En second lieu et cest sans doute ici le point essentiel, de la nature et de
ltendue de lintervention du pouvoir rglementaire, dpendra la conformit la
Constitution de la loi organique, autorisant sa collaboration. Il revient donc au juge
constitutionnel de tracer la ligne de partage entre, dun ct, la rgle de principe, qui
relve des prrogatives exclusives du lgislateur organique, sous peine de commettre
une incomptence ngative696 et de lautre, ses modalits dapplication, qui peuvent
tre favorablement confies aux soins du pouvoir rglementaire. De lendroit o la
694
695
696
Lexistence du procs
175
267. Il en est ainsi, par exemple, de la dtermination des conditions dans lesquelles
l'cole Nationale de la Magistrature organise la formation continue des auditeurs de
justice697, des modalits d'application des rgles relatives la dsignation des
magistrats, pour siger au Conseil suprieur de la magistrature698, ou encore, de la
liste des emplois de prsident et de premier vice-prsident de tribunal de grande
instance, de procureur de la Rpublique et de procureur de la Rpublique adjoint,
placs hors hirarchie699, dans la mesure o le lgislateur organique a pralablement
fix, lui-mme, les critres ncessaires lidentification des tribunaux concerns.
Dans chacune de ces hypothses, non seulement la comptence du rglement ne
sexerce que sur des points dexcution, mais, de plus, elle est directement corrle
aux directives gnrales poses par la loi organique, ne lui laissant quune faible
marge daction.
697
698
699
700
176
essentiel
pour
la
dtermination
du
rgime
des
incompatibilits
269. Cependant, le lgislateur peut renvoyer au dcret, le soin de fixer les mesures
d'application des rgles qui gouvernent la situation du magistrat, en disponibilit ou
la retraite, qui souhaitant exercer une activit prive, doit en informer, au pralable,
le ministre de la Justice, lequel peut ventuellement s'y opposer703. La juxtaposition
de ces deux illustrations, portant sur des questions voisines, permet de situer assez
prcisment lendroit o le Conseil constitutionnel place le curseur, dans
lapprciation de lventuelle incomptence ngative du lgislateur organique, quand
celui-ci fixe les rgles statutaires applicables aux magistrats judiciaires. Pour ne pas
ignorer la pleine tendue de sa comptence et encourir la censure de la Haute
juridiction, il ne doit dlguer que des points techniques dapplication des principes,
dont il a lui-mme trac les grandes lignes, desquelles le rglement ne peut scarter.
701
702
703
Loi n 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives la fonction publique de
l'tat, JO, 12 janvier 1984, p. 271.
Cf infra n 322 et s.
Dcision n 93-336 DC du 27 janvier 1994 prc., Cons. 9 et 10.
Lexistence du procs
177
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707
708
178
conception dualiste de la sparation des pouvoirs, qui est celle des rvolutionnaires
de 1789, comme celle des constituants de 1958709. Et elle sexplique aisment, quand
on la replace dans le contexte politique dans lequel elle a t pense, puis rdige et
quand on la confronte la dfinition constitutionnelle originelle du rle du Chef de
ltat.
272. Cette rdaction de larticle 64 ne sest, cependant, impose que trs tardivement
dans le processus dlaboration du texte constitutionnel 710, puisquil faudra attendre
le Conseil interministriel du 1er septembre 1958, pour quelle soit prfre aux
formulations prcdentes711. De manire conjoncturelle, cette attribution rgalienne
permettait au Prsident de la Rpublique, de restaurer une image un peu ternie par
les rcents vnements algriens, tant la garantie de lindpendance de la
magistrature semblait une noble tche, aurole dun parfum libral, qui faisait alors
dfaut au Chef de ltat.
709
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Lexistence du procs
179
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716
spars et fortement quilibrs et, qu'au-dessus des contingences politiques, soit tabli un arbitrage national
qui fasse valoir la continuit au milieu des combinaisons .
Le mode de dsignation du Prsident de la Rpublique au suffrage universel direct, ajout la
rforme du quinquennat et linversion du calendrier lectoral (Loi constitutionnelle n 2000-964
du 2 octobre 2000 relative la dure du mandat du Prsident de la Rpublique, JO, 3 octobre 2000,
p. 15582) rendant peu probable une discordance des majorits, parlementaire et prsidentielle, lui
ont t sa hauteur et sa neutralit institutionnelles, le transformant darbitre, en chef de la majorit.
Loi du 30 aot 1883 sur la rforme de l'organisation judiciaire, JO, 31 aot 1883, p. 4569.
RENOUX T., Le prsident de la Rpublique, garant de l'indpendance de l'autorit judiciaire ,
Justices, n 3, 1996, p. 111. Il faut tout de mme signaler que le professeur Thierry RENOUX limite
ce renforcement aux seuls magistrats du sige.
180
276. Cette rforme rpondait aux critiques qui dj, en 1998, staient exprimes
contre le projet qui maintenait ce lien avec lexcutif, plaant la France dans un
particularisme europen, exception faite de lItalie719, mme si les prrogatives
constitutionnelles respectives des deux Chefs de ltat ne sont gure comparables. La
rvision, qui entrinait la proposition 69 du Comit BALLADUR 720, navait fait alors
lobjet daucun dbat parlementaire anim, elle tait mme dj partiellement
prsente dans les conclusions du Comit VEDEL de 1993721, qui avait propos de
supprimer la vice-prsidence de droit du ministre de la Justice et de confier cette
nomination, discrtionnairement, au Prsident de la Rpublique.
717
718
719
720
721
Elle dcoule dun amendement de Paul COSTE-FLORET, qui confie la vice-prsidence au ministre
de la Justice, alors que Michel DEBR souhaitait plutt voir le garde des Sceaux prsider
linstitution. Pour lui, il y aurait t sa place, alors qu linverse, ctait une forme dabaissement
de la fonction prsidentielle, que de faire participer ainsi le Chef de ltat aux affaires de la justice,
Source : Documents pour servir lhistoire de llaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, La
Documentation franaise, vol. 1, 1987, p. 158.
Celle-ci confiera la prsidence de la formation comptente l'gard des magistrats du sige, au
premier prsident de la Cour de cassation et celle comptente l'gard des magistrats du parquet,
au procureur gnral prs la Cour de cassation.
Article 104 de la Constitution de la Rpublique italienne du 27 dcembre 1947 : La magistrature
constitue un ordre autonome et indpendant de tout autre pouvoir. Le Conseil suprieur de la magistrature
est prsid par le prsident de la Rpublique [...] .
Rapport du Comit pour la rforme des collectivits locales au Prsident de la Rpublique en date du 5 mars
2009, JO, 6 mars 2009, p. 4161.
Rapport remis au Prsident de la Rpublique le 15 fvrier 1993, JO, 16 fvrier 1993, p. 2537.
Lexistence du procs
181
277. Cette rforme, la tte du C.S.M., nest pas uniquement dcorative . En effet,
mme si la plupart du temps, cette institution ne se runissait pas sous la prsidence
du Chef de ltat, celle-ci tait loin dtre purement formelle722 , ainsi quen
tmoignent ses substantielles attributions723. En effet, il pouvait non seulement peser
sur lordre du jour de lassemble plnire724, mais aussi exercer une influence relle
sur les nominations qui lui taient proposes. Il est donc assez manifeste que cette
exclusion du premier personnage de ltat, de la prsidence du Conseil suprieur de
la magistrature, est loin dtre seulement symbolique, contrairement aux affirmations
de M. Arnaud MARTIN, qui minimisent quelque peu linfluence que cette position
pouvait avoir sur le fonctionnement de lorgane725.
278. Cette rvision reste malgr tout trs largement inaboutie, confinant mme au
paradoxe, puisque paralllement, elle confirme le rle du Prsident de la Rpublique
comme garant de lindpendance de lautorit judiciaire, alors quil ne prside plus
(et nest mme plus membre de droit) linstitution, qui, sans tre encore lorgane
tutlaire de la justice, que le professeur Thierry RENOUX appelle de ses vux726,
contribue fortement accrotre lindpendance de celle-ci. Les amendements, tendant
tirer les enseignements, au premier alina de l'article 64, de leffacement
prsidentiel ralis l'article 65, ont tous t repousss pendant les dbats
parlementaires. L'ambigut, souligne par la mtaphore animalire de Guy
CARCASSONNE, selon laquelle confier lindpendance de lautorit judiciaire au
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CARSASSONNE G., La Constitution introduite et commente, Seuil, Coll. Points, 9e d., Paris, 2009,
p. 312.
Article 65 de la Constitution, alina 9.
Article 83 de la Constitution du 27 octobre 1946. En faisant abstraction des deux membres de droit
que sont le Prsident de la Rpublique et le ministre de la Justice, sur les douze autres membres
restant, dix sont dsigns par llection : six personnalits lues par lAssemble nationale et quatre
magistrats lus par leurs pairs.
Le Prsident de la Rpublique les choisissait dans une liste comprenant le triple de candidats que
le nombre de postes pourvoir. Ainsi, pour six magistrats, le bureau de la Cour de cassation
proposait au Chef de ltat dix-huit noms possibles et pour un conseiller dtat, lassemble
gnrale du Conseil dtat fournissait une liste de trois noms. Les deux dernires personnalits
taient laisses au libre choix du Prsident de la Rpublique.
Lexistence du procs
183
184
282. Il est tout de mme regrettable que les deux grandes rformes constitutionnelles
de 1993 et de 2008, naient pas totalement coup le cordon ombilical reliant le
Chef de ltat linstitution judiciaire. Non seulement, largument de droit compar
enseigne que parmi les organes europens analogues, seul le Portugal permet au chef
du pouvoir excutif de dsigner deux membres du Conseil suprieur de la
magistrature733. Mais aussi, depuis quil ne le prside plus, cette prrogative permet
au Prsident de la Rpublique dy rester reprsent, ce qui aurait pu ventuellement
offrir un intrt, en termes de pluralisme, en priode de discordance des majorits,
mais ce nest plus le cas, puisque cette hypothse est devenue tout fait incertaine
depuis la rforme du quinquennat.
733
Lexistence du procs
185
285. En ce qui concerne les juges du sige, les nominations soprent selon deux
procdures distinctes, en fonction du grade dans la hirarchie judiciaire 734, sur
proposition du Conseil suprieur de la magistrature, dont la formation comptente
est tenue doprer un choix entre les candidatures (afin de respecter le principe de
linamovibilit ), avant darrter sa dcision. Sagissant de la nomination des autres
magistrats du sige, le C.S.M. dispose, depuis 1993, dun pouvoir davis conforme,
sur les propositions effectues par le garde des Sceaux. Dans un cas comme dans
lautre, le processus est caractris par la ncessaire collaboration des autorits de
nomination, dans une dmarche de codcision.
286. deux reprises, le Conseil constitutionnel est intervenu de manire active, sur
les dispositions introduites par le lgislateur organique, en matire de nomination
des magistrats. En 1992, la loi organique735 avait dj tent dimposer lavis conforme
du Conseil suprieur de la magistrature, sur les nominations des juges du sige, pour
lesquelles il ne disposait pas dun pouvoir de proposition736. Larticle 65 de la
734
735
736
Pour les emplois les plus levs, les conseillers la Cour de cassation, dont le premier prsident et
les prsidents de chambre, premier prsident de cour dappel et depuis la rforme de 1993, les
prsidents de tribunal de grande instance, les nominations sont effectues par le Prsident de la
Rpublique, en vertu de larticle 13, alina 2 de la Constitution.
Loi organique n 92-189 du 25 fvrier 1992 modifiant l'ordonnance n 58-1270 du 22 dcembre 1958
portant loi organique relative au statut de la magistrature, JO, 29 fvrier 1992, p. 3086.
Cf supra n 263.
186
287. Sur la forme, indpendamment des incidences engendres sur les prrogatives
de nomination du Conseil suprieur de la magistrature, la dcision parat tout fait
justifie, tant la contrarit entre la loi organique et la disposition constitutionnelle,
dont elle est suppose, fidlement, faire application, est flagrante. Sur le fond, il est
un peu audacieux, comme le fait Thierry RENOUX, dy voir le dsir de restaurer la
primaut et le pouvoir dapprciation du Prsident de la Rpublique738 . Le Conseil
constitutionnel, conformment son rle daiguilleur , tel que Louis FAVOREU se
plaisait le qualifier739, indiquait simplement ici aux pouvoirs publics, le chemin
normatif emprunter, pour raliser la rforme dsire. Dailleurs, ce fut chose faite
lanne suivante, par le biais dune rvision constitutionnelle 740, conformment aux
orientations poses par le juge constitutionnel, quelques mois auparavant. Et
finalement, cest donc bien la fonction de nomination du Conseil suprieur de la
magistrature,
qui
se
trouva
renforce,
sous
leffet
de
la
jurisprudence
constitutionnelle.
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740
741
Lexistence du procs
187
futur magistrat serait le mieux mme dexercer. Ny voyant aucune difficult sur le
principe, le Conseil constitutionnel met tout de mme une double rserve
dinterprtation, afin de satisfaire aux exigences d'indpendance de l'autorit
judiciaire.
289. En premier lieu, le jury doit prendre en compte des critres objectifs, dcoulant
de la scolarit de lauditeur, pour formuler sa recommandation, laquelle, en second
lieu, ne doit pas lier le Conseil suprieur de la magistrature, quand ce dernier
mettra son avis sur la nomination de lauditeur de justice 742. Comme le souligne le
professeur Ferdinand MLIN-SOUCRAMANIEN743, la rserve directive du Conseil
constitutionnel semble bien artificielle et illusoire. Il sera, en effet, dlicat la
formation charge des nominations, dignorer la recommandation du jury, qui ne
peut, de surcrot, difficilement rsulter de critres diffrents, de ceux utiliss pour
ltablissement du classement de sortie des lves de la prestigieuse cole. Dans ces
conditions et principalement en raison des perturbations provoques sur le pouvoir
de nomination du Conseil suprieur de la magistrature, il eut t, effectivement,
prfrable de dclarer la mesure litigieuse, contraire au principe d'indpendance de
l'autorit judiciaire.
290. Pour ce qui est des magistrats du parquet, les pouvoirs de nomination connurent
une amlioration notable, partir de la rforme constitutionnelle de 1993, date
laquelle fut institue une formation comptente leur gard. On peut toutefois
742
743
188
dplorer que le constituant soit rest au milieu du gu et nait pas align les
prrogatives de la formation du parquet, sur celles du sige.
291. En effet, depuis la rvision de 1993, la formation idoine du Conseil met un avis
sur les propositions du garde des Sceaux, pour les nominations des magistrats du
parquet744, lexception toutefois des emplois, auxquels il est pourvu en Conseil des
ministres745. La rforme de 2008 modifia substantiellement cette comptence, en
tendant la procdure de lavis simple, lensemble des emplois, cest dire ceux
des procureurs gnraux prs la Cour de cassation et la cour dappel746.
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746
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748
Auparavant, depuis la loi organique du 25 fvrier 1992, cette comptence tait exerce par la
commission consultative du parquet.
Emplois de procureur gnral prs la Cour de cassation et de procureur gnral prs la cour
dappel.
Article 65, alina 5 : La formation comptente lgard des Magistrats du Parquet donne son avis sur les
nominations qui concernent les Magistrats du Parquet .
Antrieurement, le Conseil suprieur de la magistrature tait mis devant le fait accompli par la
dcision du Conseil des ministres.
TRUCHE P., Rapport au Prsident de la Rpublique de la commission de rflexion sur la justice, La
Documentation franaise, Coll. des rapports officiels, Paris, 1997.
Lexistence du procs
189
que le constituant nait pas suivi ces prconisations, car lharmonisation complte des
pouvoirs respectifs des deux formations irait dans le sens dune plus grande unit et
dune meilleure autonomie du corps judiciaire.
293. Les pouvoirs disciplinaires du C.S.M. nont t que peu renforcs et ce, malgr la
rforme constitutionnelle de 2008, qui a ouvert pour la premire fois la saisine aux
justiciables.
Cest la rforme de juillet 1993, qui a transfr la formation comptente nouvellement institue,
cette prrogative dtenue auparavant par la commission de discipline du parquet.
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753
Cf infra n 352 et s.
Cf supra n 292.
Rapport n 387 (2007-2008) de M. Jean-Jacques HYEST, fait au nom de la commission des lois, p. 194.
Article 105 de la Constitution de la Rpublique italienne du 27 dcembre 1947 : [...] les mesures
disciplinaires concernant les magistrats relvent de la comptence, selon les rgles de lorganisation
judiciaire, du Conseil suprieur de la magistrature .
Lexistence du procs
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757
192
hirarchie. De ce point de vue, ainsi quen termes dimage, point non ngligeable au
regard de limportance accorde aux apparences en droit processuel758, cette rforme
prsente dvidentes vertus, comme celle de dissiper les reproches d'impunit,
souvent adresss aux magistrats.
de
jugement759.
Toutefois,
le
lgislateur
organique
aurait
pu
301. Toutes ces dispositions ont reu laval du Conseil constitutionnel, qui na
censur quun seul point de la loi organique, posant vritablement problme. Il
sagissait dune possibilit offerte un justiciable, dintroduire une plainte devant le
Conseil suprieur de la magistrature, lencontre dun magistrat toujours saisi du
rglement dun litige le concernant761. La dcision du juge constitutionnel,
satisfaisante dans son dispositif, car le seul fait quun magistrat soit mis en cause, par
une partie, dans un contentieux sur lequel il lui reste se prononcer, semble
contraire, en soi, aux principe dimpartialit et dindpendance de la justice, laisse
toutefois un sentiment mitig la lecture des motifs.
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759
760
761
JACQUINOT N. (dir.), Juge et apparence (s), actes du colloque, 4 et 5 mai 2009, Presses de
l'Universit Toulouse 1 capitole, Coll. Mutation des normes juridiques, Toulouse, 2010.
Article 14 de la loi organique n 2010-830 prc.
Conseil suprieur de la magistrature, Rapport annuel 2004-2005, p. 197.
Cette hypothse visait les procdures qui, stendant dans le temps, repoussent assez loin le
moment o le justiciable ls par le comportement dfaillant dun magistrat, pourra saisir le
Conseil suprieur de la magistrature.
Lexistence du procs
193
764
765
766
767
194
304. Comme cest souvent le cas en droit constitutionnel, ces pratiques praeter legem
furent institutionnalises ultrieurement, lors de la rvision de 2008. Le nouvel article
65, tel quissu de la rforme du 23 juillet, officialise ainsi ces runions plnires 769. En
dfinissant dans le texte mme de la norme fondamentale, le primtre de ses
attributions, le constituant a considrablement restreint le domaine dintervention de
la formation plnire, en empchant les avis spontans, que celle-ci donnait
rgulirement.
Aprs
la
suppression
de
la
consultation
sur
les
grces
770
771
Lexistence du procs
195
306. La dcision du juge constitutionnel nest pas blmer. La loi organique doit faire
application des dispositions constitutionnelles, cest dire les prciser, mais sans les
trahir. Si les pouvoirs publics souhaitent, lavenir, voir le Conseil suprieur de la
magistrature, se saisir, de sa propre initiative, des questions dthique touchant les
magistrats, le juge constitutionnel lui a indiqu la voie normative suivre. Il ne reste
plus qu esprer une rforme constitutionnelle ambitieuse sur le sujet, telle que la
prconisait le Comit consultatif, prsid par le doyen VEDEL775, cest dire confier
au Conseil suprieur de la magistrature, une fonction consultative plnire, sur
toutes les questions se rapportant lindpendance de lautorit judiciaire et au
statut de la magistrature776. Ce serait la meilleure rponse possible, pour que le
C.S.M. joue pleinement son rle dassistant du Prsident de la Rpublique, en
772
773
774
775
776
196
attirant, de manire prventive, son attention sur les risques potentiels datteinte
lindpendance de lautorit judiciaire, dont il est le garant en vertu de la
Constitution.
1) Les
exigences
constitutionnelles
rigoureuses
dans
le
date,
organis
des
recrutements
exceptionnels,
afin
de
pallier
197
Lexistence du procs
progressivement
renforc
son
contrle
et
tendu
les
normes
Il
en
rsulte
un
accroissement
constant
des
exigences
constitutionnelles, tant sur le plan quantitatif (a), quen termes qualitatifs (b), qui
traduit une volont manifeste de garantir l'indpendance de la justice.
777
778
779
780
781
BONINCHI M., FILLON C. et LECOMPTE A., Devenir juge : modes de recrutement et crise des
vocations de 1830 nos jours, P.U.F., Coll. Droit et justice, Paris, 2008.
Loi organique du n 71-603 du 20 juillet 1971 compltant l'article 21 de la loi organique n 70-642
du 17 juillet 1970 relative au statut des magistrats, JO, 21 juillet 1971, p. 7187.
Loi organique n 70-642 du 17 juillet 1970 relative au statut des magistrats, JO, 19 juillet 1970,
p. 6747. Le statut des magistrats non professionnels tait initialement institu par les articles 14
18 de cette loi.
Dcision n 71-45 DC du 16 juillet 1971, Loi organique compltant l'article 21 de la loi organique du 17
juillet 1970 relative au statut des magistrats, JO, 18 juillet 1971, p. 7114.
Dcision n 98-396 DC du 19 fvrier 1998, Loi organique portant recrutement exceptionnel de magistrats
de l'ordre judiciaire et modifiant les conditions de recrutement des conseillers de cour dappel en service
extraordinaire, JO, 26 fvrier 1998, p. 2976, Cons. 8 : Considrant qu'aucune rgle ni aucun principe de
valeur constitutionnelle ne s'oppose un mode de recrutement exceptionnel et transitoire de magistrats,
motiv par la pnurie de personnel observe dans certaines juridictions ; [...] .
198
311. Deux lments essentiels dapprciation peuvent tre mis en vidence, dans cette
seconde partie du considrant de principe783. En premier lieu, seule une proportion
mesure des fonctions judiciaires peut tre prise en charge par des magistrats non
professionnels. lexamen attentif des dcisions constitutionnelles, il apparat que
cette part limite sapprcie, grce au produit obtenu en multipliant le nombre de
postes ouverts au recrutement, par la dure dexercice de la magistrature. Cest la
combinaison de ces deux variables, qui permet au juge constitutionnel dvaluer si la
part des fonctions judiciaires, rserve aux magistrats suppltifs, est reste dans des
limites raisonnables. Le Conseil vrifiera prcautionneusement cette condition,
lexamen de chacune des lois organiques qui lui seront transmises.
312. Il en sera ainsi pour les conseillers et avocats gnraux la Cour de cassation en
service extraordinaire, institus pour cinq ans, par la loi organique du 25 fvrier
782
783
Dcision n 92-305 DC du 21 fvrier 1992 prc., Cons. 64 ; Dcision n 94-355 DC du 10 janvier 1995
prc., Cons. 8 et 29 ; Dcision n 98-396 DC du 19 fvrier 1998, prc., Cons. 17.
[...] la Constitution ne fait pas obstacle ce que, pour une part limite, des fonctions normalement
rserves des magistrats de carrire puissent tre exerces par des personnes qui n'entendent pas pour
autant embrasser la carrire judiciaire, condition que dans cette hypothse, des garanties appropries
permettent de satisfaire au principe d'indpendance qui est indissociable de l'exercice de fonctions
judiciaires .
Lexistence du procs
199
1992784 et pour les conseillers de cour dappel en service extraordinaire, mis en place
par la loi organique du 19 janvier 1995785, limits trente et pour une dure de cinq
ans, porte dix ans par la loi organique du 24 fvrier 1998786, qui augmente aussi
leur nombre cinquante. Le Conseil constitutionnel a considr que les
accroissements respectifs des places et de la dure dexercice ne remettaient pas en
cause le caractre exceptionnel de l'exercice des fonctions judiciaires par des personnes
n'ayant pas consacr leur vie professionnelle la carrire judiciaire787 , le paramtre du
nombre de postes ouverts ayant prvalu, en lespce788. Une lgre volution est
perceptible en 2003, propos des juges de proximit, o lapprciation de la part
limite seffectue, non plus en fonction de la proportion entre juges suppltifs et
magistrats permanents, au sein d'une mme juridiction, mais selon la part des
comptences transfres des tribunaux d'instance et de police, vers les juges de
proximit789.
313. En second lieu, si, par exception, des magistrats suppltifs peuvent tre conduits
apporter leur collaboration la fonction judiciaire, la loi organique doit leur
accorder les mmes droits et obligations que les magistrats professionnels, sous la
seule rserve des dispositions spcifiques qu'impose l'exercice titre temporaire de leurs
fonctions790 . Lincorporation dans la magistrature ncessite une indpendance
statutaire, y compris lgard de ceux qui ne souhaitent pas y faire carrire. Le plus
simple eut t alors dinclure ces magistrats temporaires au sein de lautorit
judiciaire, au sens de larticle 64 de la Constitution, afin de leur faire bnficier du
statut organique, vis par le troisime alina de cet article.
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789
790
200
314. Le Conseil constitutionnel a adopt, sur cette dlicate question, une position
jurisprudentielle plutt ambigu. Il semble considrer que le Titre VIII de la
Constitution dans son ensemble et, plus prcisment, le troisime alina de l'article
64, vise seulement les magistrats de carrire de l'ordre judiciaire791 , ce qui, en toute
logique, sil avait pouss le raisonnement son terme, aurait d lamener exclure
les magistrats suppltifs du statut organique de 1958. Or, tel nest pas le cas, ce qui
conduit une situation pour le moins ubuesque. Les magistrats temporaires voient
ainsi leurs rgles statutaires, incluses dans l'ordonnance organique du 22 dcembre
1958 relative au statut de la magistrature, vise par larticle 64, alina 3. Mais, pour
autant, cette inscription nentrane pas leur intgration dans le corps judiciaire, lequel
est pourtant rgi par le statut des magistrats, pris en application de l'article 64 de la
Constitution. Cest ainsi que le Conseil constitutionnel la dcid, propos des juges
de proximit792. Le moins que lon puisse dire est que la logique juridique a des
limites, ici largement dpasses.
b) Les
exigences
constitutionnelles
qualitatives
dans
le
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792
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794
Lexistence du procs
201
transposition, puisque se seront couls presque dix ans795 (et mme quinze796, en ce
qui concerne lgalit daccs la magistrature), avant que le Conseil ntende
l'article 6 de la Dclaration de 1789, les normes constitutionnelles applicables aux
magistrats, sa jurisprudence traduit sa dtermination voir les fonctions judiciaires
occupes par des juristes comptents et aptes rendre la justice.
795
796
797
798
202
les talents des candidats et parmi ces derniers, uniquement ceux en lien avec les
fonctions de magistrats799.
activits
professionnelles
antrieures
des
candidats,
les
dispositions
799
800
801
802
Dcision n 98-396 DC du 19 fvrier 1998 prc., Cons. 3 ; Dcision n 2001-445 DC du 19 juin 2001
prc., Cons. 4.
Dcision n 98-396 DC du 19 fvrier 1998 prc., Cons. 9 ; Dcision n 2001-445 DC du 19 juin 2001
prc., Cons. 42.
Dcision n 2003-466 DC du 20 fvrier 2003 prc., Cons. 14.
Dcision n 98-396 DC du 19 fvrier 1998 prc., Cons. 11 ; Dcision n 2001-445 DC du 19 juin 2001
prc., Cons. 44.
Lexistence du procs
203
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805
806
Dcision n 98-396 DC du 19 fvrier 1998 prc., Cons. 10 ; Dcision n 2001-445 DC du 19 juin 2001
prc., Cons. 43.
Ibidem.
Dcision n 2003-466 DC du 20 fvrier 2003 prc., Cons. 12 : Considrant, toutefois, que, si les
connaissances juridiques constituent une condition ncessaire l'exercice de fonctions judiciaires, ni les
diplmes juridiques obtenus par les candidats dsigns ci-dessus, ni leur exercice professionnel antrieur ne
suffisent prsumer, dans tous les cas, qu'ils dtiennent ou sont aptes acqurir les qualits indispensables
au rglement des contentieux relevant des juridictions de proximit ; qu'il appartiendra en consquence la
formation comptente du Conseil suprieur de la magistrature, avant de rendre son avis, de s'assurer que les
candidats dont la nomination est envisage sont aptes exercer les fonctions de juge de proximit .
RENOUX T., obs., Dcis. Cons. const. n 2001-445 DC du 19 juin 2001, R.F.D.C., 2001, p. 731.
204
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809
810
Larticle 23 de la loi organique n 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au
Conseil suprieur de la magistrature, JO, 26 juin 2001, p. 10119, offre aux pouvoirs publics une
dlgation permanente pour pallier ponctuellement les pnuries de personnels au sein de
lautorit judiciaire, alors quauparavant, une loi organique spciale tait ncessaire la cration
dun concours particulier.
A lexception de la cration des ordres de juridiction, qui, en vertu de larticle 34 de la
Constitution, ncessite une loi, ce qui est aussi le cas, en vertu de la jurisprudence
constitutionnelle, pour les modalits de recrutement des magistrats qui en dcoulent. Cf Dcision
n 2002-461 DC du 29 aot 2002 prc., Cons. 15 : les juridictions de proximit ne pourront tre mises
en place qu'une fois promulgue une loi fixant les conditions de dsignation et le statut de leurs membres .
A noter toutefois que le juge constitutionnel nexige pas que la loi ait la qualit de loi organique.
Ordonnance n 58-1270 du 22 dcembre 1958 prc.
Idem, alina 2.
Lexistence du procs
205
324. Ainsi, en 1995813, larticle 41-14 de la loi examine814 mnage la possibilit, pour
les magistrats temporaires recruts comme juge d'instance ou d'assesseur, dexercer
en mme temps, une activit professionnelle. Nanmoins, outre le rappel de
lexigence gnrale, selon laquelle la profession exerce simultanment ne peut
porter atteinte la dignit du magistrat et son indpendance, le lgislateur fixe
quatre conditions lacceptation de l'exercice concomitant de ces deux activits.
325. La premire est circonscrite aux membres des professions librales juridiques et
pose le principe dune incompatibilit gographique : les titulaires de ces charges ne
peuvent les exercer, dans le ressort du tribunal de grande instance, dans lequel ils ont
t affects. En 2003, propos des juges de proximit, le lgislateur organique
ritrera cette interdiction, mais en ajoutera une seconde, symtrique la premire,
811
812
813
814
206
326. Il est plutt surprenant que cette seconde condition, complment ncessaire de
la premire, ait chapp, la fois, la vigilance du lgislateur de 1995, mais aussi
celle du juge constitutionnel, qui aurait d complter la loi par le biais dune rserve
adjonctive. Cest dailleurs ce quil fera en 2003, ce qui dmontre que, dans
lintervalle, le juge constitutionnel a hauss son niveau dexigences, en tendant le
rgime des incompatibilits professionnelles applicables aux magistrats. Le Conseil
constitutionnel, dans une rserve interprtative, prcise que ces dispositions doivent
tre comprises, comme visant, non seulement l'exercice titre individuel d'une
profession librale, mais aussi une activit professionnelle, accomplie au sein d'une
association ou d'une socit civile professionnelle817.
815
816
817
818
819
Cette prcision est le fait dun amendement snatorial. Il est facilement constatable que, des deux
assembles parlementaires, la chambre haute est celle qui contribue le plus lindpendance de la
magistrature.
Dcision n 2003-466 DC du 20 fvrier 2003 prc., Cons 20.
Ibidem.
Dcision n 83-165 DC du 20 janvier 1984, Loi relative l'enseignement suprieur, JO, 21 janvier 1984,
p. 365.
Dcision n 93-322 DC du 28 juillet 1993, Loi relative aux tablissements publics caractre scientifique,
culturel et professionnel, JO, 30 juillet 1993, p. 10750.
Lexistence du procs
207
328. Entre les deux dcisions de 1995 et 2003, une autre incompatibilit a t ajoute
par l'article 14 de la loi organique du 25 juin 2001821, qui modifie le deuxime alina
de l'article 8 de l'ordonnance du 22 dcembre 1958, laquelle le Conseil fait
rfrence, dans sa dcision de 2003822. Dornavant, les magistrats ne pourront plus se
voir accorder de drogations par les chefs de Cour, afin dexercer ponctuellement des
activits d'arbitrage. Cette exception l'exception, qui renforce le principe de
linterdiction du cumul dactivits des magistrats, en limitant les situations
drogatoires, amliore incontestablement la disponibilit des magistrats, comme le
fait justement observer M. Jean-ric SCHOETTL823. Le juge constitutionnel na pas
formul dobjection824, le lgislateur organique nayant contrevenu aucun principe
constitutionnel, ni commis la moindre erreur manifeste dapprciation, en limitant
les cas de drogations possibles, au principe de lexclusivit des fonctions judiciaires.
329. La troisime condition occupe une place singulire, puisquil sagit plutt dun
pralable indispensable la vrification des autres exigences. En effet, afin de
pouvoir sassurer que la situation professionnelle des magistrats temporaires ne pose
aucune difficult de compatibilit avec leur charge, il est indispensable que les
autorits judiciaires soient informes de toute modification ventuelle de leurs
activits. Ainsi, en cas de changement dans ce domaine, le magistrat temporaire doit
avertir le premier prsident de la cour dappel, ce qui est conforme l'article 50-2 de
820
821
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208
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826
Le Conseil suprieur de la magistrature est galement saisi par la dnonciation des faits motivant les
poursuites disciplinaires que lui adressent les premiers prsidents de cour dappel ou les prsidents de
tribunal suprieur d'appel.
Copie des pices est adresse au garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui peut demander une enqute
l'inspection gnrale des services judiciaires .
Cf infra n 525.
Lexistence du procs
209
333. Linamovibilit des magistrats du sige est un principe garanti par le quatrime
alina de larticle 64 de la Constitution et par larticle 4 de lOrdonnance statuaire de
1958827. Trs tt, le Conseil a consacr sa valeur constitutionnelle 828 et a tabli un lien
direct, avec le principe dindpendance de la magistrature assise. En effet, si les
auditeurs de justice ne peuvent participer, avec voix dlibrative, l'activit
juridictionnelle d'un tribunal, cest en raison de leur particularit statutaire 829,
laquelle rsulte de leur absence dinamovibilit, qui ne permet pas de garantir leur
827
828
829
210
334. Cependant, cest un principe qui ne bnficie quaux seuls magistrats du sige,
ce qui nest pas le cas dans toutes les constitutions europennes, puisquen Italie, par
exemple, linamovibilit est garantie lgard de tous les magistrats832. Il sagit dune
diffrence statutaire, certes, non ngligeable, mais qui ne doit, pour autant, pas tre
surestime. Dun ct, les magistrats du parquet sont dans une situation, bien que
non institutionnalise, de quasi-inamovibilit, tant les dplacements d'office dans
l'intrt du service sont rares, lexception, peut-tre, de certains membres de la
hirarchie suprieure du ministre public. Dun autre ct, linamovibilit nest pas
synonyme dimmobilit et ne confre donc pas aux juges du sige, un droit acquis
occuper, toute leur carrire durant, la mme fonction, au sein de la mme juridiction.
335. Ceci tant, mise part la prcision apporte par le second alina de larticle 4 de
lOrdonnance statuaire de 1958, qui dispose que le magistrat du sige ne peut recevoir,
sans son consentement, une affectation nouvelle, mme en avancement , les dispositions
normatives crites ne sont gure prolixes sur les consquences que linamovibilit
emporte. Cest donc le Conseil constitutionnel, essentiellement, qui a d prciser les
contours du principe, lequel, comme Thierry RENOUX la fait observer le premier,
semble comprendre deux facettes833. Une premire, gographique, qui protge le juge
830
831
832
833
RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorit judiciaire - L'laboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, op. cit., p. 154.
KRYNEN J., Lemprise contemporaine des juges, op. cit., p. 351 et s.
Article 107 de la Constitution de la Rpublique italienne du 27 dcembre 1947 : Les magistrats sont
inamovibles. Ils ne peuvent tre dchargs, suspendus, dplacs ou affects dautres fonctions que par une
dcision du Conseil suprieur de la magistrature, adopte soit pour des motifs et avec les garanties de dfense
tablies par lordre judiciaire, soit avec leur consentement () .
RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorit judiciaire - L'laboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, op. cit., p. 137.
Lexistence du procs
211
336. Toute la difficult du statut du juge rside dans le juste dosage trouver entre,
dun ct, favoriser son avancement et encourager sa mobilit gographique, autant
que fonctionnelle et, de lautre, le mettre labri des sanctions ventuelles, en raison
de dcisions juridictionnelles quil aurait prises. Comme le Snat a pu le souligner, la
mobilit des magistrats apparat [...] comme une source denrichissement dans lexercice
des fonctions juridictionnelles et comme la meilleure garantie contre les risques de
pratiques routinires ou de trop grande implication dans la vie locale, nuisibles
lindpendance et lautorit du magistrat835 . En effet, une immobilit gographique
prolonge peut nuire leur indpendance et encore davantage, sans doute, leur
impartialit, en favorisant les risques de situations de conflits dintrts. En outre,
une immobilit fonctionnelle peut altrer la vigilance et la fracheur desprit,
ncessaires un jugement quitable et cohrent. Le lgislateur organique a toujours
oscill entre ces deux exigences, de prime abord, dlicates concilier. Lanalyse de sa
lgislation laisse entrevoir deux catgories de dispositions, de nature heurter
linamovibilit des magistrats du sige, tant sur le plan gographique que
fonctionnel.
337. La premire correspond aux mesures qui subordonnent lavancement des juges,
une mobilit antrieure. Il en est ainsi, par exemple, du troisime alina de l'article
834
835
212
338. Dans chacune de ces deux situations, le Conseil constitutionnel a considr que
les dispositions litigieuses ne portaient pas atteinte la rgle d'inamovibilit des
magistrats du sige. Dans le premier cas839, cest en raison de son domaine
dapplication, qui la circonscrit aux seuls magistrats ne pouvant justifier de cinq
annes de services840, que la Haute juridiction lui accorde son brevet de
constitutionnalit. De manire gnrale, quand la mobilit est conscutive un
avancement, cela ne pose aucune difficult particulire dapprciation, puisque le
principe dinamovibilit impose quaucun juge ne puisse recevoir daffectation
nouvelle, sans son consentement, mme en avancement841.
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837
838
839
840
841
Lexistence du procs
213
Dcision n 80-123 DC du 24 octobre 1980, Loi organique relative au statut de la magistrature, JO, 25
octobre, p. 2491.
214
aprs six mois, le magistrat venu remplacer dans ses fonctions, le titulaire du poste,
absent pour cause de longue maladie, est juge contraire la Constitution843. Alors
que dans la mme dcision, la disposition organique qui conditionne le
remplacement dun magistrat, l'intrieur du ressort d'une cour dappel, une
ordonnance du premier prsident, fixant le motif, la dure et le terme du
remplacement, est considre comme instituant suffisamment de garanties, pour
satisfaire au principe de linamovibilit844.
343. En 1995846, cest galement la prcision de l'article 7 de la loi examine, qui fixe
les conditions dans lesquelles des magistrats peuvent remplacer temporairement
leurs collgues empchs, afin que lactivit de la juridiction ne prenne trop de
retard, qui permet la disposition contrle, de satisfaire aux exigences de
linamovibilit847. La mesure prvoit, en effet, la dure maximum du remplacement
(quatre mois non renouvelables), ainsi que limpossibilit de changement
d'affectation, sans consentement, avant le terme fix par l'ordonnance du premier
843
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845
846
847
Idem, Cons. 5.
Idem, Cons. 4.
Dcision n 67-31 DC du 26 janvier 1967 prc.
Dcision n 94-355 DC du 10 janvier 1995 prc.
Idem, Cons. 37.
Lexistence du procs
215
849
Dans un avis du 13 mars 2013, le C.S.M. a considr quil fallait distinguer, pour l'application de
l'article 28-3 de l'ordonnance n 58-1270 du 22 dcembre 1958 portant loi organique relative au
statut de la magistrature, deux catgories de magistrats : ceux ayant fait l'objet aprs le 1 er janvier
2002 d'une nomination dans des fonctions de vice-prsident avec dsignation concomitante dans des
fonctions spcialises et ceux nayant pas reu aprs cette date une telle nomination et qui ont
conserv ce jour leur titre et leur rang dans la juridiction sans tre assujettis la nouvelle rgle de
limitation dix ans des fonctions spcialises . Texte de lavis disponible sur le site du Conseil
suprieur
de
la
magistrature :
http://www.conseil-superieurmagistrature.fr/userfiles/Avis_formation_pleniere_13032013.pdf, consult le 10 juillet 2013.
Dcision n 2001-445 DC du 19 juin 2001 prc., Cons. 32.
216
une disposition qui autorisait le gouvernement, au terme des dix annes de fonctions
des conseillers rfrendaires, pourvoir d'office leur affectation 850. La violation du
principe dinamovibilit est ici flagrante, quand bien mme le magistrat acceptant de
telles fonctions sait, ds sa nomination, quil est susceptible dtre affect lissue,
sans son consentement, dans de nouvelles attributions et au sein dune juridiction
quil na pas choisie.
850
851
852
853
854
217
Lexistence du procs
doit
tre
imprativement
obtenu
avant
toute
nouvelle
affectation.
348. En 2001, dans le cadre de cette seconde jurisprudence 858, le lgislateur organique
limite sept ans la dure d'exercice par un magistrat des fonctions, au sige comme
au parquet, de chef d'une mme juridiction et dix ans, celle des fonctions de juge
spcialis859, au sein d'un mme tribunal. Dans le premier cas de figure, les
magistrats, parvenus au terme des sept annes de prsidence d'une mme juridiction,
sont raffects dans la juridiction de niveau suprieur. Dans le second cas, les juges
spcialiss sont rintgrs, au terme de dix ans, grade quivalent, dans l'exercice
des fonctions de magistrat du sige, dans le tribunal o ils taient dj affects860.
855
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860
RENOUX T., obs., Dcis. Cons. const. n 2001-445 DC du 19 juin 2001, op. cit., p. 724.
GRAFFIN T., Le statut des magistrats devant le Conseil constitutionnel : une dfense discutable
de l'unit du corps judiciaire au profit d'une exigence forte d'indpendance des magistrats , op.
cit., p. 857.
CANIVET G., Le juge judiciaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel , Cahiers du
Conseil constitutionnel, 2004, n 16, p. 129.
Dcision n 2001-445 DC du 19 juin 2001 prc.
Juge d'instruction, juge des affaires familiales, juge des enfants et juge de l'application des peines.
Pour l'application de cette rgle, Cf avis du C.S.M. en date du 13 mars 2013, note n 848.
218
350. En second lieu, le consentement donn par le magistrat sopre sur une
affectation unique, propose par lautorit de nomination et pas dans le cadre dun
choix. Pour autant, les anciens conseillers rfrendaires, mme sils ont eux-mmes
dtermin la liste de leurs destination possibles, se voient imposer leur affectation.
Au regard du principe dinamovibilit, il est tout de mme prfrable de connatre
lavance sa future destination, mme si celle-ci nest pas soumise un choix, avant
daccepter les responsabilits proposes. Cest un dispositif, comme le souligne M.
Jean-ric SCHOETTL862, qui met les intresss l'abri de tout arbitraire l'expiration
de leurs fonctions et qui ne semble nullement en contradiction avec larticle 4 de
lOrdonnance statuaire de 1958, comme le laisse supposer Thierry RENOUX, qui y
861
862
RENOUX T., obs., Dcis. Cons. const. n 2001-445 DC du 19 juin 2001, op. cit., p. 739.
SCHOETTL J.-., note, Dcis. Cons. const. n 2001-445 DC du 19 juin 2001, op. cit., p. 5.
Lexistence du procs
219
voit une affectation doffice863. Au contraire, lensemble de ces mesures est plutt de
nature renforcer le principe dinamovibilit, en le conciliant favorablement, avec la
ncessaire mobilit, gographique et fonctionnelle, des magistrats.
351. Si lindpendance des membres du parquet semble bien assure l'gard des
juridictions, qui ne disposent, en vertu du principe de la sparation des autorits de
poursuite et de jugement864, daucun pouvoir sur l'exercice de l'action publique, mais
aussi envers les justiciables, dont les plaintes et leur devenir ne conditionnent en rien
le dclenchement des poursuites, la situation est plus dlicate dans les relations avec
le pouvoir excutif865. De prime abord, lindpendance du ministre public lgard
du gouvernement parat moins garantie, ne serait-ce quen raison du lien
hirarchique existant entre le garde des Sceaux et le parquet, lequel na t que trs
partiellement rompu par la rforme lgislative de lt 2013866 (1). Pour autant, cette
relation de subordination ne compromet pas lindpendance des procureurs, tant elle
connat des tempraments, qui en attnuent la porte (2).
863
864
865
866
RENOUX T., obs., Dcis. Cons. const. n 2001-445 DC du 19 juin 2001, op. cit., p. 739.
Article prliminaire du Code de procdure pnale, paragraphe premier, alina 2.
BREDIN J.-D., Qu'est-ce que l'indpendance du juge ? , op. cit., p. 161.
Loi n 2013-669 du 25 juillet 2013 relative aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du
ministre public en matire de politique pnale et de mise en uvre de l'action publique, JO, 26
juillet 2013, p. 12441.
220
352. Le lien de subordination des magistrats du parquet est pos, la fois, par
larticle 5 de lordonnance statutaire de 1958867, qui dispose quils sont placs sous la
direction et le contrle de leurs chefs hirarchiques et sous l'autorit du garde des Sceaux,
ministre de la Justice et par plusieurs articles du Code de procdure pnale, qui
dfinissent les conditions dans lesquelles sexercent lautorit du ministre de la
Justice envers les procureurs gnraux868, ainsi que le pouvoir hirarchique de ces
derniers, lgard des procureurs de la Rpublique du ressort de la cour d'appel869.
Ces diffrentes dispositions dcrivent la structure hirarchique bidimensionnelle du
ministre public870, avec dun ct, un difice deux tages871 et de lautre, une
organisation trois niveaux872. Exprim de manire synthtique, le pouvoir
hirarchique, au sein du ministre public, se traduit par le droit de dclencher et de
faire exercer l'action publique, d'tre tenu inform de l'activit judiciaire et en ce qui
concerne le garde des Sceaux, par la possibilit d'exprimer des directives gnrales
de politique rpressive.
867
868
869
870
871
872
Par ailleurs, larticle 43 de la mme ordonnance prcise que Tout manquement par un magistrat aux
devoirs de son tat, l'honneur, la dlicatesse ou la dignit, constitue une faute disciplinaire. [...]. La
faute s'apprcie pour un membre du parquet ou un magistrat du cadre de l'administration centrale du
ministre de la justice compte tenu des obligations qui dcoulent de sa subordination hirarchique .
Code de procdure pnale, article 30, tel que modifi par la loi n 2013-669 du 25 juillet 2013
prc. : Le ministre de la Justice [...] adresse aux magistrats du ministre public des instructions
gnrales .
Code de procdure pnale, article 36 : Le procureur gnral peut enjoindre aux procureurs de la
Rpublique, par instructions crites et verses au dossier de la procdure, d'engager ou de faire engager des
poursuites ou de saisir la juridiction comptente de telles rquisitions crites que le procureur gnral juge
opportunes .
DRNO J.-P., Les relations entre le parquet gnral et le parquet , Gaz. Pal., 20 dcembre 2008,
n 355, p. 19.
Garde des Sceaux et procureur gnral prs la Cour de cassation, qui na aucune relation
hirarchique avec les autres membres du parquet.
Garde des Sceaux, procureurs gnraux prs les cours dappel et procureurs de la Rpublique prs
les tribunaux de grande instance.
Lexistence du procs
221
873
874
875
876
877
878
222
gnraux
dans
des
affaires
individuelles880.
Prsente
par
le
Gouvernement comme le maillon fort de la loi, cette question divisa pourtant les
deux hmicycles parlementaires, puisque le Snat, en premire lecture, avait rtabli
les instructions individuelles, avant que l'Assemble nationale, en deuxime lecture,
ne persiste dans sa volont de les supprimer. Il nen demeure pas moins que le
ministre de la Justice pourra continuer adresser des instructions gnrales aux
magistrats du ministre public, afin de conduire la politique pnale dtermine par le
Gouvernement et ce, dautant que la publicit obligatoire de ces instructions n'a
finalement pas t retenue. Seule une rforme constitutionnelle modifiant les
modalits de nomination des magistrats du parquet, en les alignant sur ceux du
sige, pourrait vritablement attnuer linfluence des cabinets ministriels de la place
Vendme, sur la magistrature debout881. La ligne jurisprudentielle du Conseil
constitutionnel lgard de lindpendance du ministre public est, en outre,
corrobore par les tempraments substantiels, que connat le principe de
subordination des magistrats du parquet lgard de leur hirarchie.
879
880
881
La loi n 2013-669 du 25 juillet 2013 prc. na pas t dfre au Conseil constitutionnel, ce qui
empche de savoir si sa ligne jurisprudentielle sur cette question a sensiblement volu depuis
mars 2004.
Il (le ministre de la justice) ne peut leur adresser aucune instruction dans des affaires individuelles .
Cet alignement du mode de nomination des magistrats du parquet sur ceux du sige, soumis un
avis conforme et non plus un avis simple de la formation comptente du C.S.M., faisait partie du
projet de loi constitutionnelle portant rforme du Conseil suprieur de la magistrature, vot le 4
juillet 2013 par le Snat, mais suspendu le mme jour par le Gouvernement, Cf infra n 1016 et s.
Lexistence du procs
223
356. La combinaison des article 1er 883 et 31884 du Code de procdure pnale confre au
procureur de la Rpublique, sous rserve de la drogation introduite par le second
alina, de larticle 1er du Code de procdure pnale, les pouvoirs exclusifs pour
mettre en mouvement laction publique. Il dispose, non seulement, de lopportunit
dengager des poursuites885, sous certaines limites toutefois886, mais aussi du choix de
882
883
884
885
886
224
la forme procdurale quil estime la mieux adapte, y compris les voies alternatives.
Il en rsulte trois consquences majeures.
358. Ensuite et tout au plus (cest le seul moyen rellement coercitif, dont dispose le
pouvoir hirarchique), les procureurs gnraux, en vertu de larticles 36 du Code de
procdure pnale, peuvent-ils seulement, quand ils les jugent opportunes, exiger par
crit des procureurs de la Rpublique, quils engagent des poursuites ou quils
saisissent la juridiction comptente. Ce pouvoir dinstruction, disposition des chefs
de parquet, qui ne peut, par ailleurs, sexercer que dans un sens, celui de la mise en
mouvement de laction publique, est rarement mis en uvre, tant les hypothses de
dissonance sont rares887.
359. Enfin, des pouvoirs propres des procureurs de la Rpublique, tout autant que de
l'organisation hirarchique du ministre public, dcoule le fait que les procureurs
gnraux ne disposent pas dun pouvoir dingrence dans la gestion du parquet, qui
leur permettrait de passer outre le procureur de la Rpublique, pour adresser
directement des instructions ses substituts.
887
Les procureurs gnraux ont mis en place des procdures de prvention, individuelles ou
collectives (runions de concertation), des divergences ventuelles, pouvant survenir sur les suites
judiciaires donner certains faits dlictueux.
Lexistence du procs
225
361. La Cour de cassation, contestant la dfinition donne par l'article 1 er, du titre
VIII, de la loi du 16-24 aot 1790893, prcisait, ds 1803, dans un arrt du 14 pluvise,
la double figure du magistrat du ministre public. Tantt agent de la socit pour la
poursuite des dlits , tantt organe de la loi pour requrir l'application des peines , la
888
889
890
891
892
893
Les magistrats du parquet sont placs sous la direction et le contrle de leurs chefs hirarchiques et sous
l'autorit du garde des Sceaux, ministre de la Justice. A l'audience, leur parole est libre .
Le ministre public est tenu de prendre des rquisitions crites conformes aux instructions qui lui sont
donnes dans les conditions prvues aux articles 36, 37 et 44. Il dveloppe librement les observations orales
qu'il croit convenables au bien de la justice .
JEAN J.-P., Le ministre public entre modle jacobin et modle europen , R.S.C., 2005, p. 670 ;
CHARPENEL Y., SOULEZ-LARIVIERE D., ROUSSEAU D., Le statut du Parquet , Constitutions,
2011, p. 295.
NADAL J.-L., La libert de parole du ministre public , Gaz. Pal., 20 dcembre 2008, n 355, p. 5.
Ordonnance n 58-1270 du 22 dcembre 1958 prc., article 10 : Toute manifestation d'hostilit au
principe ou la forme du gouvernement de la Rpublique est interdite aux magistrats, de mme que toute
dmonstration de nature politique incompatible avec la rserve que leur imposent leurs fonctions .
Les officiers du ministre public sont agens du pouvoir excutif auprs des tribunaux. Leurs fonctions
consistent faire observer, dans les jugemens rendre, les lois qui intressent lordre gnral .
226
Haute juridiction judiciaire rappelait la libert de parole dont celui-ci bnficie lors
des
audiences.
Si
le
principe
de
la
subordination
hirarchique
limite,
362. La libert de parole laudience est, en quelque sorte, une drogation au principe
de la subordination hirarchique du magistrat du parquet894 , qui a pour effet de
soustraire ce dernier la direction et au contrle de ses chefs hirarchiques comme lautorit
du garde des Sceaux, pour ne le soumettre quaux commandements de sa seule conscience895 .
Elle offre la possibilit aux magistrats du ministre public, de s'exprimer en leur me
et conscience, en fonction de leur propre analyse juridique des faits et dans le seul
intrt de la justice. Cette libert dexpression du magistrat, telle que M. Jean-Louis
NADAL la dcrit896, est ainsi le vecteur irrductible de lindpendance du procureur,
qui peut ainsi prciser les lments sur lesquels il sinscrit en dsaccord, avec les
instructions reues de sa hirarchie. Elle nest, par ailleurs, pas uniquement
circonscrite aux seules audiences de jugement, puisquelle peut aussi spanouir
durant les audiences solennelles de rentre d'une juridiction897.
894
895
896
897
Lexistence du procs
227
364. Si, finalement, peu de points de dsaccords flagrants peuvent tre mis en
vidence entre les jurisprudences, constitutionnelle et conventionnelle, lapprciation
de lindpendance du ministre public en est un, particulirement prononc. la
position nuance du Conseil constitutionnel (2), rpond le refus catgorique de la
Cour europenne des droits de lhomme (1). Mme si une harmonisation des
positions serait videmment souhaitable, il convient nanmoins de ne pas amplifier
les consquences, attaches la position tranche du juge de Strasbourg.
898
899
900
Cf CANIVET G., Le juge judiciaire dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel , op. cit.,
p. 129.
Sur lensemble de cette thorie, RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et linstruction pnale :
juges ou magistrats ? , Justices, 1998, n 10, p. 75.
LYON-CAEN P., Vers un parquet indpendant ? , D, 2013, p. 1359.
228
366. Ces trois notions, initialement issues des travaux de la Commission des droits de
l'homme des Nations-Unies, dans la phase prparatoire du Pacte international
relatif aux droits civils et politiques du 16 dcembre 1966, avaient dailleurs t
choisies pour recouvrir la diversit des systmes juridiques 905, sans quil faille y
901
902
903
904
905
Lexistence du procs
229
907
908
Article 5 1 : Toute personne a droit la libert et la sret. Nul ne peut tre priv de sa libert, sauf
dans les cas suivants et selon les voies lgales : [...] c) sil a t arrt et dtenu en vue dtre conduit devant
lautorit judiciaire comptente, lorsquil y a des raisons plausibles de souponner quil a commis une
infraction ou quil y a des motifs raisonnables de croire la ncessit de lempcher de commettre une
infraction ou de senfuir aprs laccomplissement de celle-ci ; [...] .
Article 5 3 : Toute personne arrte ou dtenue, dans les conditions prvues au paragraphe 1 c) du
prsent article, doit tre aussitt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilit par la loi exercer
des fonctions judiciaires et a le droit dtre juge dans un dlai raisonnable, ou libre pendant la procdure.
La mise en libert peut tre subordonne une garantie assurant la comparution de lintress
l'audience .
C.E.D.H., 4 dcembre 1979, Schiesser c/ Suisse, prc.
230
368.
Lvolution
de
la
jurisprudence
europenne,
sur
lapprciation
de
909
910
911
912
913
914
Idem, 35.
Sur lensemble de cette question, SUDRE F., Le mystre des apparences dans la jurisprudence
de la Cour europenne des droits de l'homme , R.T.D.H., 2009, p. 623.
C.E.D.H., 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique prc., 31.
C.E.D.H., 28 juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni, requtes n 7819/77 et 7878/77, srie A,
n 80, J.D.I., 1986, p. 1058, obs. ROLLAND P. et TAVERNIER P., 78.
C.E.D.H., 22 mai 1998, Vasilescu c/ Roumanie, requte n 27053/95, Rec. C.E.D.H., 1998, III, vol. 73,
p. 1076, 40.
Idem, 41.
Lexistence du procs
231
915
916
917
918
232
371. Cette position prte discussion, au regard du droit positif et ce, au moins pour
deux raisons, mme si le statut des magistrats du parquet reste perfectible 919. Tout
dabord, la nomination des magistrats par un membre de lexcutif, nest pas, en soi,
un signe de dpendance lgard des autorits gouvernementales, la Cour a dj eu
loccasion de laffirmer920. Mais surtout, lexamen du statut des membres du
ministre public, auquel la juridiction europenne se livre, est trs lacunaire, car il ne
prend pas en considration la situation relle du parquet. Il fait fi de tous les
tempraments au principe de subordination hirarchique, prcdemment exposs921.
Larrt est muet, ou presque922, sur les pouvoirs propres des procureurs, autant que
sur leur libert de parole laudience. Difficile, dans ces conditions, de considrer
que lvaluation de la situation statutaire des membres du ministre public, a t
effectue en pleine possession de tous les lments dapprciation.
923
924
Lexistence du procs
233
ou dtenue doit tre traduite dans les meilleurs dlais. La Cour europenne ne dit
rien de plus et ne se prononce surtout pas sur la situation gnrale du ministre
public, elle la clairement affirm dans larrt Moulin : La Cour n'ignore pas que le lien
de dpendance effective entre le ministre de la Justice et le ministre public fait l'objet d'un
dbat au plan interne [...]. Toutefois, il ne lui appartient pas de prendre position dans ce dbat
qui relve des autorits nationales : la Cour n'est en effet appele se prononcer que sous le
seul angle des dispositions de l'article 5 3 de la Convention, et des notions autonomes
dveloppes par sa jurisprudence au regard desdites dispositions925 .
373. Les consquences ne sont donc pas aussi importantes que prvues initialement,
dautant que le droit franais est en conformit avec les prescriptions de la juridiction
europenne. Mme la chambre criminelle de la Cour de cassation, tout en alignant
son apprciation conventionnelle sur celle du juge de Strasbourg, considre que le
procureur de la Rpublique est nanmoins comptent pour assurer la protection de
la libert individuelle, pendant la priode de temps compatible avec lexigence de
promptitude, impose par la Cour europenne des droits de lHomme926.
927
234
375. Le Conseil constitutionnel a une autre lecture du statut du ministre public 930.
Ds 1993, la Haute juridiction adoptait une position unificatrice de l'autorit
judiciaire qui [...] comprend la fois les magistrats du sige et ceux du parquet931 .
Puisquen vertu de l'article 66 de la Constitution, celle-ci assure le respect de la libert
individuelle, il en rsulte que les magistrats du parquet sont galement comptents
pour contrler les privations de libert. Sa politique jurisprudentielle ne va alors
cesser duvrer dans le sens dun renforcement des garanties dindpendance,
communes lensemble du corps judiciaire932. Via le contrle effectu sur le statut
organique des magistrats, le juge constitutionnel va accrotre lunit du corps
judiciaire, ce qui lui permet de renforcer lindpendance de lensemble de la
magistrature933. Cependant, cette action saccompagne paralllement de la
reconnaissance constitutionnelle de garanties diffrencies, en
fonction de
928
929
930
931
932
933
Lexistence du procs
235
377. Ainsi, en matire de garde vue, le Conseil a dabord conclu que l'intervention
dun juge pouvait tre exige pour en prolonger la dure935, avant de se montrer plus
prcis, en nonant explicitement que l'intervention d'un magistrat du sige est requise
pour la prolongation de la garde vue au-del de 48 h936 , mais quavant la fin de cette
priode, le droulement de la garde vue est plac sous le contrle du procureur de la
Rpublique, qui peut dcider, le cas chant, de sa prolongation de 24 h937 .
378. Il en est de mme pour linjonction pnale, procdure pouvant comporter des
mesures restreignant la libert individuelle qui, en raison de leur gravit, laquelle
dcoule de leur qualification de sanctions pnales938, ne peuvent intervenir la seule
initiative du ministre public, mais ncessite la dcision dun magistrat du sige 939.
Contrairement la position exprime par M. Francis CASORLA 940, la dcision
constitutionnelle relative linjonction pnale ne traduit pas un retour une
conception dualiste du corps judiciaire. Elle est simplement une illustration, tout
934
935
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938
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940
236
942
943
944
945
Article 803-3 du Code de procdure pnale : En cas de ncessit et par drogation aux dispositions de
l'article 803-2, la personne peut comparatre le jour suivant et peut tre retenue cette fin dans des locaux
de la juridiction spcialement amnags, la condition que cette comparution intervienne au plus tard dans
un dlai de vingt heures compter de l'heure laquelle la garde vue a t leve, dfaut de quoi l'intress
est immdiatement remis en libert .
Dcision n 2010-80 QPC du 17 dcembre 2010, M. Michel F. [Mise la disposition de la justice], JO, 19
dcembre 2010, p. 22374.
Idem, Cons. 11.
Ibidem.
C.E.D.H., 29 novembre 1988, Brogan et autres c/ Royaume-Uni, requtes n 11209/84 ; 11234/84 ;
11266/84 et 11386/85, srie A, n 145-B.
Lexistence du procs
237
381. Le droit interne, lui, impose lintervention dun magistrat du sige, pour dcider
de la prolongation ventuelle de la garde vue, au terme de quarante-huit heures,
donc bien avant lpuisement du dlai europen. En dautres termes, peu importe
que le ministre public contrle en amont, partir du moment o un magistrat du
sige, seule autorit judiciaire au sens de larticle 5 de la Convention, intervient dans
les quatre jours. Les dispositions constitutionnelles forment ainsi une garantie
additionnelle celles issues de la jurisprudence europenne, bien plus dailleurs
quelles nentrent en contradiction avec ces dernires.
946
MATHIEU B. et VERPEAUX M. (dir.), Le statut constitutionnel du parquet, Dalloz, Coll. Thmes &
commentaires, Les Cahiers constitutionnels de Paris I, Paris, 2012.
238
sige, serait certainement de nature renforcer leur situation, pour que, demain plus
encore quaujourdhui, ils naient rien craindre ni dsirer de personne 947.
Section 2
947
948
949
RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et l'autorit judiciaire - L'laboration d'un droit constitutionnel
juridictionnel, op. cit., p. 99.
Dcision n 2012-278 QPC du 5 octobre 2012, Mme Elisabeth B. [Condition de bonne moralit pour
devenir magistrat], JO, 6 octobre 2012, p. 15655.
Lorsque, l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition
lgislative porte atteinte aux droits et liberts que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut
239
Lexistence du procs
membres nest fix que par un dcret en Conseil dtat, ce qui semble satisfaire la
Haute juridiction administrative, puisque cela induit la consultation de son
assemble gnrale avant ladoption du texte et le contrle de la lgalit devant son
prtoire, lindpendance des juges administratifs na jamais t vritablement mise
en cause.
385.
Pourtant,
pendant
longtemps,
lexistence
constitutionnelle
de
lordre
tre saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'tat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un
dlai dtermin.
Une loi organique dtermine les conditions d'application du prsent article .
240
386. Les validations lgislatives950, procd par lequel le lgislateur rpute rguliers
des actes juridiques, administratifs le plus souvent, dont la lgalit risquerait d'tre
conteste devant le juge, sont des dispositifs minemment contestables, tant ils
viennent heurter plusieurs principes de valeur constitutionnelle. Pourtant, les lois de
validation ont bnfici, au dpart, dun contrle lacunaire et bienveillant du Conseil
constitutionnel ; il suffit, pour sen convaincre, de recenser les deux seules
dclarations dinconstitutionnalit951, prcdant la condamnation de la France dans
laffaire Zielinski952.
950
951
952
241
Lexistence du procs
1) Lexigence
initiale
du
respect
de
lindpendance
des
juridictions
954
955
956
957
MATHIEU B., Les validations lgislatives devant le juge de Strasbourg : une raction rapide du
Conseil constitutionnel mais une dcision lourde de menaces pour l'avenir de la juridiction
constitutionnelle , R.F.D.A., 2000, p. 289.
PRTOT X., Le Conseil constitutionnel, la Cour Europenne de Strasbourg et les validations
lgislatives : constitutionnalisme, conventionnalisme et demi , Le nouveau constitutionnalisme :
mlanges en l'honneur de Grard Conac, Economica, Paris, 2001, p. 232.
Ibidem.
Dcision n 80-119 DC du 22 juillet 1980, Loi portant validation d'actes administratifs, JO, 24 juillet
1980, p. 1868.
Dcision n 99-422 DC du 21 dcembre 1999, Loi de financement de la scurit sociale pour 2000, JO, 30
dcembre 1999, p. 19730.
242
390. Les pouvoirs, lgislatif et excutif, sont tenus, non seulement de sabstenir de
censurer les jugements prononcs par les juridictions, ce qui protge l'autorit de la
chose juge, mais aussi de leur adresser des injonctions. La Cour europenne des
droits de lhomme partage les mmes proccupations, puisquelle considre que le
pouvoir de rendre une dcision obligatoire ne (peut) tre modifie par une autorit non
judiciaire au dtriment d'une partie961 . De plus, l'existence de garanties, contre
dventuelles pressions extrieures, appartient la liste des critres quelle utilise
pour valuer le degr dindpendance dune juridiction. Ainsi, quand le statut des
juges les protge des ingrences manant des autorits excutives, cest un signe
probant de leur indpendance962, alors qu linverse, une juridiction ne saurait tre
totalement libre de ses dcisions, quand elle sollicite lavis conforme dune autorit
gouvernementale963.
958
959
960
961
962
963
Ibidem.
Loi du 24 mai 1872 portant rorganisation du Conseil d'tat, JO, 31 mai 1872, p. 3625.
Dcision n 80-119 DC du 22 juillet 1980 prc., Cons. 6.
C.E.D.H., 19 avril 1994, Van de Hurk c/Pays-Bas, requte n 16034/90, srie A, n 228, R.U.D.H.,
1994, p. 261, note SUDRE F., 45.
C.E.D.H., 23 avril 1987, Ettl c/Autriche, requte n 9273/81, srie A, n 117, 21 : Les membres
desdites commissions exercent leurs fonctions titre indpendant et ne sont soumis aucune instruction
(articles 8 de la loi fdrale sur les autorits agricoles et 20 2 de la Constitution fdrale). L'administration
ne peut ni annuler ni amender leurs dcisions (...) .
C.E.D.H., 24 novembre 1994, Beaumartin c/France, requte n 15287/89, srie A, n 296-B, A.J.D.A.,
1995, p. 137, obs. FLAUSS J.-F ; J.C.P., 1995, I, 3823, obs. SUDRE F., 38.
243
Lexistence du procs
391. Les pouvoirs publics ne peuvent pas davantage se substituer aux juridictions,
dans le jugement des litiges dont ils ont la charge, ce qui protge les tribunaux dun
dessaisissement ponctuel dune affaire, relevant de leur office. Une fois encore, les
jurisprudences, constitutionnelle et europenne, convergent sur ce point, puisque le
juge de Strasbourg condamne galement toute usurpation de la fonction
juridictionnelle par un pouvoir extrieur964.
quil
aura
prise.
Par
ce
considrant
de
principe965,
sont
donc
964
965
966
C.E.D.H., 23 octobre 1985, Benthem c/ Pays-Bas, requte n 8848/80, srie A, n 97, 40.
Dcision n 80-119 DC du 22 juillet 1980 prc., Cons. 6.
RENOUX T., L'apport du Conseil constitutionnel l'application de la thorie de la sparation des
pouvoirs en France , op. cit., p. 169.
244
967
968
969
Dcision n 79-104 DC du 23 mai 1979, Loi modifiant les modes d'lection de l'Assemble territoriale et
du Conseil de gouvernement du territoire de la Nouvelle-Caldonie, JO, 25 mai 1979, Rec. p. 27.
C.E.D.H., 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal, Gonzalez et autres c/ France prc.
Dcision n 99-422 DC du 21 dcembre 1999 prc., Cons. 64.
Lexistence du procs
245
une telle exigence dans un considrant970, mais cest, de manire indite, quil censure
une disposition en son nom.
397. Le Conseil ritrera le mme raisonnement, huit jours plus tard, en contrlant la
constitutionnalit de la loi de finances rectificative pour 1999973, mais considrera,
cette fois, que les deux mesures de validation lgislative, de l'article 25 examin974,
970
971
972
973
974
Dcision n 95-363 DC du 11 janvier 1995, Loi relative au financement de la vie politique, JO, 14 janvier
1995, p. 733, Cons. 9 : Considrant que le lgislateur [...] avait la facult d'user de son pouvoir de prendre
des dispositions rtroactives afin, soit de rgler comme lui seul, en l'espce, pouvait le faire, les situations
nes de l'annulation de dlibrations prises par des collectivits territoriales, soit de prvenir celles qui
pourraient natre d'annulations que le juge administratif serait conduit prononcer ; que toutefois il ne
pouvait prendre de telles mesures qu' condition de dfinir strictement leur porte qui dtermine l'exercice
du contrle de la juridiction administrative ; .
Idem, Cons. 65.
Cf supra n 63.
Dcision n 99-425 DC du 29 dcembre 1999, Loi de finances rectificative pour 1999, JO, 31 dcembre
1999, p. 20012.
Il sagit de deux validations d'avis de mise en recouvrement, la premire correspondant des avis
susceptibles dtre contests pour incomptence territoriale de l'agent qui les a mis et la seconde,
246
398. Alors quelles bnficiaient jusque-l dune immunit totale, les validations
lgislatives vont devoir, compter de la dcision constitutionnelle du 22 juillet 1980,
respecter trois conditions cumulatives : le respect des dcisions de justice passes en
force de chose juge, le principe de non-rtroactivit de la loi en matire pnale et
lexistence dun motif dintrt gnral. Si les deux premires exigences sont restes
constantes dans la jurisprudence constitutionnelle (1), la troisime a t accentue
partir de 1999, suite la condamnation de la France par la Cour europenne (2).
975
en raison de linsuffisance des informations, au regard des exigences rglementaires poses par le
livre des procdures fiscales, portes sur la notification des avis.
Dcision n 2006-545 DC du 28 dcembre 2006, Loi pour le dveloppement de la participation et de
l'actionnariat salari et portant diverses dispositions d'ordre conomique et social, JO, 31 dcembre 2006,
p. 20320, Cons. 36. Il sagissait, en lespce, dune disposition validant les dcomptes des heures
supplmentaires et les dures des repos compensateurs des transporteurs routiers.
Lexistence du procs
247
399. Une loi de validation est, par nature, rtroactive, ce qui constitue une
prsomption d'atteinte la scurit juridique. Par ailleurs, elle heurte manifestement
le principe de la sparation des pouvoirs et celui de la garantie des droits 976, dont
parmi ceux-ci, le droit au recours juridictionnel effectif. Le Conseil constitutionnel a
donc t amen, partir de la dcision Loi portant validation d'actes
administratifs de 1980, dfinir des critres, l'aune desquels la mesure de
validation est apprcie.
401. En somme, si les validations prventives peuvent tre admises, sous certaines
conditions, en revanche, les validations curatives, celles qui interviennent a posteriori
de la dcision du juge administratif, en ractivant lacte que ce dernier a
976
977
978
979
980
Dcision n 2005-531 DC du 29 dcembre 2005, Loi de finances rectificative pour 2005, JO, 31
dcembre 2005, p. 20730, Cons. 6.
Dcision n 80-119 DC du 22 juillet 1980 prc., Cons. 6. En lespce, la disposition litigieuse ne
procdait pas la validation du dcret annul par le Conseil d'tat, Cf Cons. 1.
Dcision n 2005-531 DC du 29 dcembre 2005 prc.
C.J.C.E., Ass. pln., 12 septembre 2000, Commission c/ France, affaire 276/97.
C.E., 29 juin 2005, SA Ets Louis Mazet et autres, n 268681, Rec p. 264.
248
981
982
983
984
985
986
Cass. Ass. Pln., 21 dcembre 1990, S.A. Roval, pourvoi n 88-15744, Bull. civ., 1990, A.P., n 12,
p. 23.
A force de chose juge le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'excution. Le
jugement susceptible d'un tel recours acquiert la mme force l'expiration du dlai du recours si ce dernier
n'a pas t exerc dans le dlai .
C.E., Ass., 27 octobre 1995, Ministre du logement c/Mattio, n 150703, Rec. p. 359 ; R.J.F., 1995, n 12,
concl. J. ARRIGHI DE CASANOVA.
Cf infra n 594 et s.
[...] la loi soumise l'examen du Conseil constitutionnel ne saurait avoir pour effet de soustraire au
principe de non-rtroactivit les dispositions de ladite dlibration dictant des sanctions, sans distinction
entre celles dont l'application revient une juridiction et celles dont l'application revient
l'administration [...] , Dcision n 82-155 DC du 30 dcembre 1982, Loi de finances rectificative pour
1982, JO, 31 dcembre 1982, p. 4034, Cons. 34.
[...] le principe de non-rtroactivit ainsi formul ne concerne pas seulement les peines appliques par les
juridictions rpressives, mais s'tend ncessairement toute sanction ayant le caractre d'une punition
Lexistence du procs
249
403. Ces deux conditions, du respect des dcisions de justice passes en force de
chose juge et du principe de non rtroactivit de la loi pnale plus svre, doivent
tre imprativement observes par le lgislateur, quand il procde la validation
dun acte administratif. Toute contravention ces exigences constitutionnelles
entrane automatiquement la censure de la disposition de validation, sans que le
Conseil juge ncessaire de se pencher sur lintrt gnral poursuivi par le
lgislateur. Il en est ainsi, dans la dcision du 29 dcembre 2005 prcite 989, puisque
larticle 111 de la loi examine porte une atteinte, directe et radicale, l'excution
d'une dcision de justice devenue dfinitive. Il en va seulement diffremment quand
la validation ne porte atteinte aucune de ces deux exigences constitutionnelles, le
Conseil oprant alors, depuis la fin de lanne 1999, une mise en balance entre, dun
ct, les principes heurts par le dispositif et, de lautre, l'intrt gnral invoqu par
le lgislateur, qui doit tre suffisant pour justifier les validations990.
987
988
989
990
mme si le lgislateur a cru devoir laisser le soin de la prononcer une autorit de nature non judiciaire ; ,
Idem, Cons. 33.
Idem, Cons. 34.
Dcision n 88-250 DC du 29 dcembre 1988, Loi de finances rectificative pour 1988, JO, 30 dcembre
1988, p. 16700, Cons. 6.
Dcision n 2005-531 DC du 29 dcembre 2005 prc., Cons. 6.
MERLAND G., L'intrt gnral dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, L.G.D.J., Coll.
Bibliothque constitutionnelle et de science politique, Paris, 2004.
250
405. Si certains objectifs d'intrt gnral sont le plus souvent admis par le Conseil
constitutionnel, la prservation du fonctionnement du service public tant la raison
la plus souvent invoque994, il arrive que l'intrt gnral mis en avant par le
lgislateur soit jug insuffisant. ce titre, un motif purement financier ne constitue
pas, en soi, une exigence d'intrt gnral, susceptible de justifier une validation
lgislative. Il n'est donc recevable, qu' la condition imprative que les montants
991
992
993
994
C.E.D.H., 28 octobre 1999, Zielinski, Pradal, Gonzalez et autres c/ France prc., 57.
Dcision n 99-422 DC du 21 dcembre 1999 prc., Cons. 64.
Ainsi, dans la dcision n 96-375 DC du 9 avril 1996, Loi portant diverses dispositions d'ordre
conomique et financier, JO, 13 avril 1996, p. 5730, le Conseil prcise qu il ne lui appartient pas de se
prononcer en labsence derreur manifeste sur limportance des risques encourus (Cons. .
Cf, par exemple, la continuit et la bonne marche du service public de lenseignement suprieur
(Dcision n 85-192 DC du 24 juillet 1985, Loi portant diverses dispositions dordre social, JO, 26 juillet,
p. 8510), la continuit du service public des transports urbains (Dcision n 88-250 DC du 29
dcembre 1988 prc.), la continuit des services publics fiscaux et juridictionnels (Dcision n 99425 DC du 29 dcembre 1999 prc.).
Lexistence du procs
251
406. Mais quelle emporte des consquences financires ou pas, la Haute juridiction
dresse aujourdhui, de manire quasi systmatique, un vritable bilan cotsavantages de la validation examine. Cest pourquoi, quand lacte administratif
valid contrevient un principe de valeur constitutionnelle, la validation nest
admise, qu la condition expresse que le but dintrt gnral quelle poursuit, soit
lui-mme de valeur constitutionnelle996. Cest ce qui justifie la censure dune mesure
de validation de lensemble des actes, devant permettre la ralisation des travaux
dextension des lignes de tramway de la communaut urbaine de Strasbourg997, le
Conseil constitutionnel ayant considr que l'intrt gnral poursuivi ntait pas
suffisant998.
407. Le juge constitutionnel aboutit cette conclusion l'issue d'un contrle entier, le
champ de la validation, matriel et temporel, ne devant pas excder ce qui est
ncessaire l'objectif poursuivi. En l'espce, tel ntait pas le cas, puisque l'objet de la
validation tait de permettre l'extension rapide des lignes de tramway de la
communaut urbaine de Strasbourg, malgr l'annulation, par le juge administratif,
de la dclaration d'utilit publique. En outre, le juge constitutionnel a pris en
considration, dans sa dcision, le fait que la validation permettrait, titre accessoire, de
995
996
997
998
252
408. Lanalyse des principes et des solutions, mis en uvre aujourdhui par le juge
constitutionnel, dans le contrle des validations lgislatives, fait apparatre une
jurisprudence quilibre, qui nest pas hostile, par principe, au procd, mais qui ne
ladmet toutefois quavec parcimonie. La loi de validation ne doit pas se traduire par
une immixtion abusive du pouvoir lgislatif, en vue d'influer sur lissue dun litige.
Lexigence dun motif d'intrt gnral suffisant permet au Conseil constitutionnel de
vrifier la finalit de l'intervention du lgislateur. En effet, le contrle de l'aptitude
dun dispositif de validation, atteindre le but quil sest fix, constitue une manire
implicite de contrler le pouvoir discrtionnaire du lgislateur. Une mesure
lgislative, restrictive de droits, doit tre motive par la poursuite d'un objectif
d'intrt gnral suffisant, qu'elle doit, par ailleurs, tre mme d'atteindre. Le
contrle de l'adquation permet alors d'oprer un examen du dtournement de
pouvoir, que le Conseil constitutionnel se refuse exercer en tant que tel, car il ne
serait adapt ni la nature particulire de la norme contrle (la loi), ni celle de
l'organe qui l'a dicte (le Parlement).
999
Lexistence du procs
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Lexistence du procs
255
de trois critres principaux, dont deux dentre eux ne peuvent tre apprcis quen
les associant.
414. Dabord, les dcisions, dont le juge administratif doit avoir connatre, manent
des autorits excutives de ltat, ou dcentralises, voire des entits publiques
places sous leur contrle. Ensuite, ces organes dcisionnels ne doivent avoir agi que
dans l'exercice de leurs prrogatives de puissance publique. La lecture combine, du
premier critre organique avec le second critre fonctionnel, permet de mieux situer
la typologie des actes juridiques, relevant du contrle du juge administratif, dont, par
ailleurs, le Conseil constitutionnel fournira une liste non exhaustive en 19891005.
416. Enfin, la rserve de comptence, telle quelle est dfinie dans la dcision n 86224 DC, ne concerne que le contentieux de lannulation ou de la rformation, ce qui
1005
1006
Dcision n 89-261 DC du 28 juillet 1989, Loi relative aux conditions de sjour et d'entre des trangers
en France, JO, 1er aot 1989, p. 9679, Cons. 21. Ladverbe notamment , situ en dbut
dnumration, permet den conclure que la liste nest pas limitative.
Les mesures de refus d'entre sur le territoire national, les dcisions relatives l'octroi d'une carte
de sjour, les dcisions concernant la dlivrance de la carte de rsident, la dcision d'expulsion
d'un tranger ou de son assignation rsidence, Ibidem.
256
semble recouvrir les seul litiges de lexcs de pouvoir et laisser de ct, le contentieux
de pleine juridiction (responsabilit, contrats) et celui de la dclaration (apprciation
de lgalit, interprtation, dclaration dinexistence). Dans un souci doptimisation
de la justice, il ne serait par ailleurs, gure judicieux dtendre le monopole de
comptences du juge administratif, au contentieux de la dclaration. Il est, en effet,
plus efficient, dans les litiges o les comptences des deux ordres de juridictions se
ctoient, de permettre au juge judiciaire, dans le cadre de son contrle de la
prolongation dune privation administrative de libert, dapprcier lui-mme la
lgalit de la dcision administrative lorigine de la privation. Cette articulation des
interventions juridictionnelles correspond ce que le professeur Annabelle PENA 1007
dsigne sous le nom de dualisme de substitution. Cest donc bien la nature du
contentieux qui permet de tracer la ligne de partage entre les comptences
juridictionnelles.
418. Est-ce dire que cest le moyen juridique, qui dtermine dornavant la
comptence juridictionnelle et non plus la nature du contentieux, en laissant au juge
administratif, le seul contrle de la lgalit externe de lacte, lorigine de la
1007
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258
420. Il nest pas particulirement ais didentifier, au regard des textes et surtout de la
jurisprudence, les matires qui prsenteraient une inclination naturelle relever du
domaine de comptences de la juridiction de droit priv. La doctrine est pourtant
tonnamment convergente sur ce point et recense quatre domaines principaux,
venant borner la rserve de comptence du juge administratif. Le contentieux du
fonctionnement des services judiciaires, en premier lieu, relve de loffice du juge
judiciaire, pour dvidentes raisons lies la sparation des autorits, mme si
lexclusion du juge administratif ne vaut pas pour lorganisation du service public de
la justice1014. La proprit prive est aussi une autre de ces matires. Il tait dj
possible, comme le fait justement observer le prsident Bruno GENEVOIS1015, de le
pressentir implicitement dans la dcision n 85-198 DC1016 et ce fut confirm, quatre
annes plus tard1017, de la plus claire des manires. Enfin, la dcision du 28 juillet
1989 cite prcdemment1018, numre en son vingt-troisime considrant, deux
matires supplmentaires, pour lesquelles la comptence de l'autorit judiciaire est
reconnue : les questions relatives l'tat des personnes et surtout, la libert
individuelle.
421. Cest propos de cette dernire, que les difficults les plus importantes
apparaissent, le Conseil constitutionnel ayant oscill entre deux approches, une
premire assez extensive, en estimant que la libert individuelle devait tre protge
sous tous ses aspects1019 et une seconde plus restrictive, au cours de laquelle la
1014
1015
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Lexistence du procs
259
422. Au-del du contenu, le plus dlicat, mais aussi le point essentiel, est didentifier
les mesures affectant la libert individuelle et dessayer den dduire le critre de
latteinte, dclenchant lintervention de son gardien constitutionnel, dont il restera
prciser les modalits. Il semblerait, mais la plus grande prudence simpose, tant la
jurisprudence constitutionnelle ne brille pas, sur ce point, par sa clart, que le degr
datteinte la libert individuelle se mesure en combinant lintensit, avec la dure
de la contrainte subie.
1020
1021
1022
La dfinition stricte de la libert individuelle est celle retenue dans les deux dcisions relatives
lhospitalisation contrainte, Dcisions n 2010-71 QPC prc., Cons. 16 et n 2011-135/140 QPC prc.,
Cons. 7 : qu'il incombe au lgislateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la protection de la sant
des personnes souffrant de troubles mentaux ainsi que la prvention des atteintes l'ordre public ncessaire
la sauvegarde de droits et principes de valeur constitutionnelle et, d'autre part, l'exercice des liberts
constitutionnellement garanties ; qu'au nombre de celles-ci figurent la libert d'aller et venir et le respect de
la vie prive, protgs par les articles 2 et 4 de la Dclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789,
ainsi que la libert individuelle dont l'article 66 de la Constitution confie la protection
l'autorit judiciaire ; .
Lautorit judiciaire est traditionnellement conue comme la gardienne de la libert individuelle, le
principe ayant t initialement pos par la jurisprudence du Tribunal des conflits, dans la dcision
Hilaire du 18 dcembre 1947, repris par larticle 66 de la Constitution.
Sur ce point, Cf GENEVOIS B., note, Dcis. Cons. const. n 89-260 DC du 28 juillet 1989, R.F.D.A.,
1989, p. 696.
260
mesure restrictive de libert, naffectant que la seule libert daller et venir, par
opposition aux mesures privatives, les seules mme de dclencher lintervention de
lautorit judiciaire1023. Il nen reste pas moins que cette ligne de partage, entre les
mesures privatives et les mesures limitatives de libert, semble difficile tracer et que
son principal avantage rside, probablement, dans la marge dapprciation quelle
laisse au Conseil constitutionnel, dans la dtermination de lordre juridictionnel
comptent.
424. Une fois que lon a identifi, plus ou moins distinctement, les matires rserves
par nature l'autorit judiciaire , reste encore prciser la manire dont les
comptences juridictionnelles sexercent lintrieur de leur dlimitation. Deux
interprtations de lapplication des comptences respectives, du juge judiciaire et du
juge administratif, en leur sein, sont alors envisageables. Selon une premire
acception, il est possible de considrer que la juridiction administrative est
totalement exclue de ce champ de comptences, lintrieur duquel le juge judiciaire
exerce un monopole dattributions, quelle que soit la nature du contentieux ou la
cause juridique invoque par le requrant.
425. Selon une seconde conception, sans en tre entirement carte, la comptence
du juge administratif, en matire dannulation ou de rformation des actes dcisoires
de la puissance publique, ny bnficierait plus dun monopole, ni mme dune
priorit. Pour autant, ltendue corrlative de la comptence judiciaire, dans ses
matires naturelles , ny serait pas exclusive. Il y aurait, en quelque sorte, quand
une de ces matires est concerne, une prsomption de judiciarit, ce qui signifie par
ailleurs, quil y aurait ncessairement une rpartition des comptences entre les deux
ordres de juridiction. Cette interprtation est celle qui se rapproche le plus de la
ralit du droit positif, tant le juge administratif continue dexercer sa comptence,
1023
Dcision n 89-261 DC du 28 juillet 1989 prc., Cons. 23 : [...] la comptence reconnue l'autorit
judiciaire en matire de libert individuelle et notamment de peines privatives de libert [...] .
261
Lexistence du procs
constitue,
essentiellement,
le
fondement
d'une
technique
juridique :
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Lexistence du procs
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431. Ainsi, dans la dcision fondatrice de 1987, il ne fait gure de doute que le Conseil
de la concurrence est une autorit administrative, qui rend des dcisions prises dans
l'exercice de prrogatives exorbitantes du droit commun 1037. Mais, dans la mesure o
le Conseil de la concurrence dispose dun pouvoir dinjonction, lencontre des
entreprises qui se rendraient coupables de pratiques anticoncurrentielles1038,
lesquelles peuvent, par ailleurs, tre sanctionnes pnalement par le juge rpressif, le
juge constitutionnel valide le dispositif transfrant la Cour d'appel de Paris, le
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de
rgulation
des
tlcommunications
est
qualifie
dautorit
432. Une fois encore, cest la nature prive des matires confies lautorit
administrative de rgulation, consistant en des diffrends, rgis par le droit de la
concurrence et opposant des oprateurs privs, ou des litiges survenus entre
partenaires commerciaux, lors de la ngociation ou de l'excution de conventions de
droit priv1042, qui a t dterminante dans le choix du lgislateur et dans
lacceptation du juge constitutionnel. Il faut vraiment que la dcision relve dune
autorit dconcentre de ltat, prise dans le cadre de lexercice mme dune
prrogative de puissance publique1043, dans une matire reprsentant lune des
expressions les plus abouties de la souverainet nationale et qui plus est, ne faisant
pas partie du secteur rserv par nature lautorit judiciaire, pour que le
ramnagement lgislatif soit refus1044.
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Lexistence du procs
265
433. Il est assez manifeste que lapplication de ces trois critres nest pas dune
grande rigueur. Ils ne sont pas strictement cumulatifs, ni la situation de dispersion
du contentieux, ni la prcision du ramnagement ntant systmatiquement
vrifies. Lapprciation porte par le Conseil constitutionnel est donc, dans
lensemble, plutt bienveillante lgard du lgislateur et gnralement favorable
lordre judiciaire. La bonne administration de la justice est un objectif de valeur
constitutionnelle qui permet, assez facilement, de transfrer tout un pan du
contentieux administratif, vers le juge judiciaire. Elle ne cde devant la rserve de
comptence dvolue la juridiction administrative, que dans des hypothses de
contentieux de lexcs de pouvoir, portant sur les fonctions rgaliennes de ltat,
comme, par exemple, l'annulation des dcisions administratives relatives l'entre et
au sjour des trangers.
434. Pour conclure, il convient dinsister sur la relation troite, existant en France,
entre lindpendance de la justice et la spcificit de son organisation judiciaire. Le
modle franais dadministration de la justice est double, en raison de la division du
systme entre deux ordres juridictionnels1045. Dun ct, lordre judiciaire repose en
grande partie sur lautorit de la Chancellerie, relais institutionnel de la politique
gouvernementale en matire judiciaire, ce qui explique la protection mise en uvre
par le Conseil constitutionnel, principalement oriente en direction du pouvoir
excutif. Celle-ci vise prserver les membres du corps judiciaire, dans lexercice de
leur fonction juridictionnelle, de toute forme de soumission lgard des autorits
excutives de ltat, en veillant, directement ou par lentremise du Conseil suprieur
de la magistrature, sur leur statut et en insistant sur les critres dexcellence, qui
doivent prsider leur recrutement.
1045
266
435. Dun autre ct, lordre administratif dpend principalement du Conseil dtat,
dont lautorit des dcisions na t, qu de trs rares occasions, remise en cause par
le pouvoir gouvernemental. Cest donc davantage du ct du Parlement, que les
intrusions dans la fonction juridictionnelle sont craindre, par le biais de la pratique
contestable des validations lgislatives. Dans le sillage de la Cour europenne des
droits de lhomme, le Conseil constitutionnel a durci les conditions dans lesquelles, le
lgislateur peut valider des actes administratifs, susceptibles dtre annuls par le
juge. Au travers de cette double action jurisprudentielle, le juge constitutionnel
franais a ralis, en matire dindpendance de la justice, une notable actualisation
de la Loi fondamentale de 19581046, mais qui ncessiterait aujourdhui lintervention
du constituant, afin daccder une reconnaissance plus explicite1047.
1046
1047
Lexistence du procs
267
436. Limpartialit est, avec lindpendance, lune des deux vertus essentielles dont le
juge doit tre par, afin de garantir le caractre quitable du procs quil est amen
diriger. Selon le dictionnaire LITTR de la langue franaise, l'impartialit est la
qualit de celui qui ne prend pas parti pour l'un plutt que pour l'autre . En ce sens,
limpartialit serait donc la traduction juridique de lexigence de neutralit. Le juge
impartial serait celui dpourvu de parti pris, ce qui, dans une affaire donne, le
placerait en situation de totale objectivit, le mieux mme de rendre une justice
claire. Cest la raison pour laquelle, pour le Conseil constitutionnel, le principe
d'impartialit est indissociable de l'exercice des fonctions juridictionnelles 1048.
437. Pose par des textes normatifs internationaux 1049, mais aussi nationaux1050,
limpartialit du juge est une qualit polysmique, aussi facile percevoir
intuitivement, que difficile cerner dans ses implications, avec le minimum de
rigueur et de prcision qu'exige l'analyse juridique. La Cour europenne, qui lui
accorde une place privilgie1051, commena par distinguer une approche subjective,
celle visant le comportement ponctuel du juge dans une affaire donne, dune
dmarche objective, recentre autour des garanties entourant son office 1052.
1048
1049
1050
1051
1052
Cf, par exemple, Dcision n 2010-110 QPC du 25 mars 2011, M. Jean-Pierre B. [Composition de la
commission dpartementale d'aide sociale], JO, 26 mars 2011, p. 5406, Cons. 3.
Article 14, 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, article 6, 1 de la
Convention europenne des droits de l'homme.
Article L111-5 du Code de l'organisation judiciaire : L'impartialit des juridictions judiciaires est
garantie par les dispositions du prsent code et celles prvues par les dispositions particulires certaines
juridictions ainsi que par les rgles d'incompatibilit fixes par le statut de la magistrature .
Cf, par exemple, C.E.D.H., 17 fvrier 2004, Maestri c/ Italie, requte n 39748/98, J.D.I., 2005, p. 541,
obs. BENZIMRA-HAZAN J., 15 : [...] De plus, le lien de solidarit confirm par serment qui unit
les maons italiens est incompatible avec l'indpendance et l'impartialit indispensables au pouvoir
judiciaire [...] .
C.E.D.H., 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique, requte n 8692/79, srie A, n 53, 30 :
[...] limpartialit [...] peut [...] sapprcier de diverses manires. On peut distinguer sous ce rapport entre
268
d'une
question
de
constitutionnalit1054.
Celles-ci
seront
dailleurs
1053
1054
1055
une dmarche subjective, essayant de dterminer ce que tel juge pensait dans son for intrieur en telle
circonstance, et une dmarche objective amenant rechercher sil offrait des garanties suffisantes pour
exclure cet gard tout doute lgitime .
Dcision n 2006-545 DC du 28 dcembre 2006 prc., Cons. 24.
Dcision n 2010-110 QPC du 25 mars 2011 prc.
Cf infra n 1008.
Lexistence du procs
269
Section 1
440. Limpartialit fonctionnelle est celle qui rsulte du seul exercice des
comptences, attribues aux acteurs intervenant dans le cours dun procs. Le
comportement personnel de ces derniers est indiffrent, les prrogatives plurielles
qui leur sont accordes suffisent, en elles-mmes, soulever des suspicions lgitimes
autour de leur neutralit. Ltude de la jurisprudence constitutionnelle permet de
mettre en vidence deux situations distinctes, assez clairement identifies.
441. Dune part, celle o limpartialit est affaiblie par l'exercice cumulatif, sur le
mme dossier, de fonctions judiciaires distinctes, au sein de l'organe exerant la
fonction juridictionnelle. Le contrle du juge constitutionnel est intransigeant sur
cette question, tant il lui semble quun regard neuf, port chaque tape dun
parcours judiciaire, est une garantie indispensable de justice impartiale ( 1.).
442. Dautre part, celle o limpartialit peut tre altre par l'exercice successif de
fonctions administratives (ou politiques) et de fonctions juridictionnelles. Il nest pas
rare, en effet, que certains acteurs processuels aient eu connatre, un stade
consultatif, par exemple, dlments juridiques dterminants, pour lissue dun litige
dont ils ont la charge judiciaire. Dans cette hypothse, la position du Conseil
constitutionnel est plus souple, le cumul de fonctions ne conduisant pas une
censure systmatique ( 2.).
270
443. En matire rpressive, le procs qui est, comme le dcrit le professeur Jean
PRADEL1056, une longue suite d'actes divers - de poursuite, d'instruction, de mise en
dtention, de jugement et d'excution de celui-ci , peut tre divis en trois temps
essentiels : lenclenchement des poursuites, linstruction et le jugement. Afin de
garantir limpartialit de la justice, chacune des tapes de ce triptyque procdural, il
parat donc indispensable de les confier un acteur judiciaire diffrent. Cest la
raison pour laquelle, pour viter quun magistrat, ayant particip la phase
prparatoire dune affaire et qui sest probablement forg un avis cette occasion,
nintervienne lors de la sanction, le Code de procdure pnale prvoit un principe de
sparation stricte des fonctions rpressives1057. Si le Conseil constitutionnel na, ce
jour, jamais vraiment eu lopportunit de se prononcer sur la sparation des
poursuites et de linstruction1058, il a, en revanche, clairement affirm sa volont de
voir la fonction de juger, rigoureusement dissocie de celle de poursuivre (A) et de
celle dinstruire (B).
1056
1057
1058
PRADEL J., La notion europenne de tribunal impartial et indpendant selon le droit franais ,
R.S.C., 1990, p. 692.
MATHIAS E., Les procureurs du droit : de l'impartialit du ministre public en France et en Allemagne,
Ed. CNRS, Coll. CNRS droit, Paris, 1999.
La sparation des fonctions de poursuite et dinstruction, nest pas pose par un article prcis du
Code de procdure pnale, mais dcoule de la combinaison de deux dispositions de ce dernier.
Larticle 31, dabord, qui affirme que Le ministre public exerce l'action publique et requiert
l'application de la loi et larticle 49, qui dispose que Le juge d'instruction est charg de procder aux
informations, ainsi qu'il est dit au chapitre Ier du titre III .
Lexistence du procs
271
1059
1060
1061
Elle (la procdure pnale) doit garantir la sparation des autorits charges de l'action publique et des
autorits de jugement .
Loi n 2000-516 du 15 juin 2000 prc.
Cass. crim., 23 mars 1860.
272
446. Cest, nen point douter, ce mme principe de justice, cest dire cette exigence
de regard neuf, car diffrent, chaque tape de la procdure judiciaire pnale, qui
fonde la trs importante (mais cependant juridiquement fragile), dcision de non
conformit du Conseil constitutionnel sur linjonction pnale en 1995 1065. Importante,
elle lest certainement et ce, pour deux raisons. Dabord, elle initie la jurisprudence
constitutionnelle, en matire de contrle du respect de la sparation des autorits de
poursuite et de jugement. Elle donne dailleurs la tonalit dominante, qui sera
celle dune certaine fermet du juge constitutionnel dans ce domaine. Ensuite, il nest
pas exclu de voir dans la formulation restrictive de larticle prliminaire du Code de
procdure pnale, qui ne vise que la sparation des autorits charges de l'action
publique et des autorits de jugement, en oubliant la sparation de linstruction et du
jugement, une consquence de la dcision du 2 fvrier 1995, qui obligea le lgislateur
1062
1063
1064
1065
Cf Cass. Crim., 26 avril 1990, pourvoi n 88-84586, Bull. crim., 1990, n 162, p. 418 ; Cass. Crim., 5
dcembre 2001, pourvoi n 01-81407, Bull. crim., 2001, n 253, p. 838.
JOSSERAND S., L'impartialit du magistrat en procdure pnale, L.G.D.J., Coll. Bibliothque des
sciences criminelles, Paris, 1998 ; KUTY F., L' impartialit du juge en procdure pnale : de la confiance
dcrte la confiance justifie, Larcier, Coll. de thses, Bruxelles, 2005.
C.E.D.H., 1er octobre 1982, Piersack c/ Belgique prc.
Dcision n 95-360 DC du 2 fvrier 1995 prc.
Lexistence du procs
273
pnal modifier sa copie, pour aboutir la composition pnale, quatre ans plus
tard1066.
448. Prvue pour les dlits correctionnels, dont le quantum de la peine encourue ne
peut dpasser trois annes demprisonnement, linjonction pnale, qui consiste
principalement verser au Trsor public une somme, dont le montant varie en
fonction des circonstances de l'infraction et des ressources du dlinquant, est notifie
par le ministre public la personne intresse. Celle-ci dispose alors dun dlai dun
mois pour laccepter.
449. Saisi par les parlementaires, sans que ceux-ci invoquent un grief particulier
lencontre du dispositif1069, le Conseil constitutionnel censure la mesure, au terme
dun raisonnement qui, sans tre dpourvu dune certaine cohrence, nen demeure
pas moins juridiquement fragile, au moins sur deux points prcis.
1066
1067
1068
1069
Loi n 99-515 du 23 juin 1999 renforant l'efficacit de la procdure pnale, JO, 20 octobre 1999,
p. 9247.
PAPADOPOULOS I., Plaider coupable : la pratique amricaine, le texte franais, P.U.F, Coll. Droit et
justice, Paris, 2004.
Loi n 93-2 du 4 janvier 1993 prc.
Cons. 2 : Considrant qu'il appartient au Conseil constitutionnel de relever toute disposition de la loi
dfre qui mconnatrait des rgles ou principes de valeur constitutionnelle .
274
atteinte
la
libert
individuelle,
la
Haute
juridiction
conclut
452. En effet, il qualifie de sanctions pnales1070, les mesures prvues par le dispositif
lencontre du dlinquant. Or, les caractres les plus vidents de linjonction pnale
diffrent considrablement de ceux de la peine et ce, sur trois points importants 1071.
1070
1071
Cons. 6 : [...] que dans le cas o elles sont prononces par un tribunal, elles constituent des sanctions
pnales ; [...] .
PRADEL J., D'une loi avorte un projet nouveau sur l'injonction pnale , D, 1995, p. 171.
275
Lexistence du procs
En premier lieu, linjonction pnale repose sur lacceptation du dlinquant, alors que
la peine est impose son destinataire. En deuxime lieu, ce dernier peut finalement
refuser de se plier la mesure prvue son encontre, ce qui nest pas le cas de la
peine, qui doit imprativement tre excute. Enfin, en troisime lieu, les injonctions
pnales ne devaient pas tre inscrites au casier judiciaire, ce qui nest pas le cas des
condamnations pnales.
453. La Haute juridiction eut t plus prcise, en qualifiant de sanctions punitives, les
mesures prvues par linjonction pnale, dautant que le juge constitutionnel
dessinait, la mme poque1072, les contours de cette catgorie normative naissante.
Rien ne laurait empch pour autant, de faire usage du principe de cloisonnement
des autorits charges de l'action publique et des autorits de jugement, dans cette
nouvelle hypothse dalternative aux poursuites, linstar de ce quil fera avec la
prsomption dinnocence, concernant les sanctions administratives caractre
punitif1073, quand bien mme, pour cela, eut-il fallu tirer un peu les qualifications
juridiques. Mais il est vrai quen 1995, le Conseil constitutionnel ne faisait pas encore
preuve dune telle audace et cantonnait encore les principes du droit rpressif la
matire pnale stricto sensu.
commun1074.
En
somme,
lintroduction
de
cette
prcision
rendrait
1072
1073
1074
Cf infra n 594 et s.
Cf, par exemple, Dcision n 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la scurit intrieure, JO, 19 mars
2003, p. 4789.
Cons. 6 : [...] que le prononc et l'excution de telles mesures, mme avec l'accord de la personne
susceptible d'tre pnalement poursuivie, ne peuvent, s'agissant de la rpression de dlits de droit commun,
intervenir la seule diligence d'une autorit charge de l'action publique mais requirent la dcision d'une
autorit de jugement conformment aux exigences constitutionnelles ci-dessus rappeles ; .
276
1075
1076
1077
Article 345 du Code des douanes, version 1995 : Les directeurs et les receveurs des douanes peuvent
dcerner contrainte pour le recouvrement des droits et taxes de toute nature que l'administration des
douanes est charge de percevoir, pour le paiement des droits, amendes et autres sommes dues en cas
d'inexcution des engagements contenus dans les acquits--caution et soumissions et, d'une manire
gnrale, dans tous les cas o ils sont en mesure d'tablir qu'une somme quelconque est due
l'administration des douanes .
RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et linstruction pnale : juges ou magistrats ? , op. cit.,
p. 75.
Le prsident du tribunal correctionnel pour les dlits, le tribunal de police ou le juge de proximit
pour les contraventions, ou encore le juge des enfants pour les mineurs.
Lexistence du procs
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1084
Introduite en droit interne, dans le Code de procdure pnale, par la loi n 99-515 du 23 juin 1999
prc.
En faisant abstraction de la tentative avorte dinjonction pnale, pour cause de censure
constitutionnelle, Cf supra n 445 et s.
Loi n 2004-204 du 9 mars 2004 prc.
Cf infra n 678 et s.
Dcision n 2004-492 DC du 2 mars 2004 prc.
La nature des faits, la personnalit de l'intress, la situation de la victime , les intrts de la socit
les dclarations de la victime apportant un clairage nouveau sur les conditions dans lesquelles
l'infraction a t commise ou sur la personnalit de son auteur.
Dcision n 2004-492 DC du 2 mars 2004 prc., Cons. 107 : [...] qu'il ressort de l'conomie gnrale
des dispositions contestes que le prsident du tribunal de grande instance pourra galement refuser
d'homologuer la peine propose si les dclarations de la victime apportent un clairage nouveau sur les
conditions dans lesquelles l'infraction a t commise ou sur la personnalit de son auteur ; que, sous cette
278
458. Cette position du juge constitutionnel franais nest pas sans susciter le dbat. La
procdure de C.R.P.C. constitue une volution dcisive du droit rpressif, dune
justice impose den haut vers une justice ngocie, voire contractualise 1085. En
effet, il nest pas interdit de voir dans lacte homologu, une forme de convention, ne
serait-ce que parce que les mineurs ont t exclus du dispositif, en raison de leur
incapacit de contracter1086. Que le juge constitutionnel ne se soit pas dress en
censeur idologique des orientations politiques du lgislateur pnal, nest ni
1085
1086
rserve, les dispositions contestes ne portent pas atteinte au principe de sparation des autorits charges de
l'action publique et des autorits de jugement ; .
ALT-MAES F., La contractualisation du droit pnal mythe ou ralit ? , R.S.C., 2002, p. 501.
SAAS C., De la composition pnale au plaider-coupable : le pouvoir de sanction du procureur ,
R.S.C., 2004, p. 827.
Lexistence du procs
279
460. Cest sur ce point prcis, que la dcision constitutionnelle ne donne pas, sur le
plan juridique, totalement satisfaction. Pour le Conseil, si la reconnaissance pralable
de culpabilit n'est pas, dans son principe, contraire la sparation des autorits de
poursuite et de jugement, c'est la condition sine qua non que le magistrat du sige ne
soit li, ni par la proposition du procureur, ni par lacceptation du dlinquant et que
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1090
280
461. Cette exigence, outre une certaine ambigut releve par certains auteurs 1091, peut
sembler pourtant encore insuffisante pour garantir totalement limpartialit du
jugement. L'homologation, telle quelle est dfinie et surtout pratique, rduite
souvent un simple acquiescement judiciaire d'un acte, dont les termes essentiels
seraient hors de porte de celui qui les approuve, confre au juge du sige des
pouvoirs, sans doute encore trop limits. Dans ces conditions, voir dans
lintervention du sige (mme renforce par les rserves constitutionnelles
dinterprtation) lors de la phase d'homologation, une caution suffisante
dimpartialit, peut sembler tout de mme trs optimiste, tant le risque dun contrle
simplement formel est important. Il est tout de mme difficile de nier, que les
nouveaux pouvoirs accords par le Conseil constitutionnel au juge du sige,
permettent de favoriser la juridictionnalisation de la phase d'homologation. En toutes
hypothses, la qualit de la motivation de lordonnance d'homologation sera
certainement un signe de lintensit du contrle du fond de l'affaire et par
consquent, du respect du principe de sparation des fonctions rpressives de
poursuite et de jugement, gage dimpartialit du juge.
1091
Lexistence du procs
281
463. L, o la plupart des barreaux des pays occidentaux sparent strictement les
organes dadministration de la profession d'avocats, des autorits disciplinaires, en
France rgnait un certain dsordre, sanctionn par la Cour de cassation. En 2000 1095,
la Cour suprme de lordre judiciaire interdisait au btonnier de prsider la
formation disciplinaire et de participer au dlibr, dans la mesure o il tient de
l'article 189 du dcret du 27 novembre 19911096 le pouvoir d'apprcier les suites donner
l'enqute laquelle il procde lui-mme, ou dont il charge un rapporteur, en dcidant soit du
renvoi devant le Conseil de l'ordre, soit du classement de l'affaire . En vertu de ce texte
rglementaire, le btonnier cumulait, en effet, les fonctions de poursuite et de
jugement, puisquil pouvait, de sa propre initiative 1097, procder une enqute sur le
comportement de l'avocat mis en cause et prononcer ensuite, le renvoi devant le
1092
1093
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1096
1097
Ctait dautant plus souhaitable, que les deux juridictions suprmes nationales et la Cour
europenne des droits de lhomme retiennent, depuis longtemps, une conception matrielle du
tribunal et appliquent ainsi le principe dimpartialit des juridictions, toutes les institutions
indpendantes dotes de pouvoirs de sanction. Cf C.E., Ass., 3 dcembre 1999, Didier, n 207434,
Rec. p. 399, R.F.D.A., 2000, p. 210, concl. A. SEBAN, que, cependant - et alors mme que le Conseil des
marchs financiers sigeant en formation disciplinaire n'est pas une juridiction au regard du droit interne le
moyen tir de ce qu'il aurait statu dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d'impartialit
rappel l'article 6-1 prcit peut, eu gard la nature, la composition et aux attributions de cet
organisme, tre utilement invoqu l'appui d'un recours form devant le Conseil d'tat l'encontre de sa
dcision .
Dcision n 2011-179 QPC du 29 septembre 2011, Mme Marie-Claude A. [Conseil de discipline des
avocats], JO, 30 septembre 2011, p. 16472.
Dcision n 2011-199 QPC du 25 novembre 2011, M. Michel G. [Discipline des vtrinaires], JO, 26
novembre 2011, p. 20016. La question de limpartialit fonctionnelle des membres de la formation
disciplinaire des vtrinaires, sera traite dans la partie suivante (B) 2)), dans la mesure o
largumentation du juge constitutionnel ne distingue pas la problmatique de la sparation des
autorits de poursuite et de jugement, de celle du cloisonnement entre les fonctions dinstruction
et de jugement.
Cass. 1re civ., 23 mai 2000, pourvoi n 97-19169, Bull. civ., 2000, I, n 151, p. 99.
Dcret n 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, JO, 28 novembre 1991,
p. 15502.
Ou la demande du procureur gnral ou sur la plainte de toute personne intresse .
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BLANCHARD B., Obs., Cass. 1re civ., 23 mai 2000, D, 2002, p. 859.
Loi n 2004-130 du 11 fvrier 2004 rformant le statut de certaines professions judiciaires ou
juridiques, des experts judiciaires, des conseils en proprit industrielle et des experts en ventes
aux enchres publiques, JO, 11 fvrier 2004, p. 2847.
Loi n 71-1130 du 31 dcembre 1971 portant rforme de certaines professions judiciaires et
juridiques, JO, 5 janvier 1972, p. 131.
Cette rforme lgislative na toutefois pas concern la procdure disciplinaire applicable aux
avocats en Polynsie franaise, ce qui suscita une question prioritaire de constitutionnalit
spcifique la situation des avocats polynsiens, Dcision n 2013-310 QPC du 16 mai 2013, M.
Jrme P. [Conseil de discipline des avocats en Polynsie franaise]. Le Conseil constitutionnel a donc
dcid, via une rserve dinterprtation, que le principe dimpartialit empchait le btonnier en
exercice de lordre du barreau de Papeete, ainsi quaux anciens btonniers ayant engag la
poursuite disciplinaire, de siger dans la formation disciplinaire du conseil de lordre du barreau
(Cons. 9).
Lexistence du procs
283
465. Dans les deux formes dorganisation prvues par larticle 22-2 de la loi du 31
dcembre 1971, dans sa rdaction issue de la loi du 11 fvrier 2004, le btonnier, qui
conserve sa qualit dautorit de poursuite, est donc expressment exclu de la
composition de la formation disciplinaire. Pour autant, les fonctions quil exerce,
particulirement Paris, semblaient encore insuffisamment disjointes, au point que
les juridictions de lordre judiciaire considrrent la question prioritaire de leur
conformit au principe constitutionnel dimpartialit, suffisamment srieuse, pour
tre transmise rue de Montpensier.
466. En effet, mme sil nest plus membre lui-mme du conseil de discipline, le
btonnier, autorit de poursuite, sige au conseil de l'ordre parmi les membres des
formations disciplinaires. Mieux encore, il prside ce conseil qui les dsigne.
Pourtant, le Conseil constitutionnel estime que lviction du btonnier du barreau de
Paris1102, de la formation disciplinaire du conseil de l'ordre, est une garantie suffisante
de prservation de limpartialit du conseil de discipline. Mme si les membres de
cette formation sont dsigns par le conseil de l'ordre, lequel est prsid par le
btonnier en exercice, autorit de poursuite, le lien ainsi tabli nest pas, en soi, de
nature porter atteinte au principe d'impartialit de l'organe disciplinaire 1103.
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Lexistence du procs
285
sigent au conseil de discipline seraient dun quelconque parti pris dans une affaire
donne, la seule raison quils ctoieraient rgulirement lautorit de poursuite,
dans une autre instance, dont lobjet et le rle nont rien de comparable.
470. Bien diffrente en tous cas est la situation du magistrat du sige dans la
procdure de C.R.P.C., dont le rle consiste seulement homologuer ou refuser un
acte judiciaire, comportant des dispositions, pralablement fixes en amont par un
membre du parquet. Concernant la profession davocat, les imbrications croises
entre les organes administratifs et les instances disciplinaires, bien plus quune
entorse au principe de sparation des fonctions juridictionnelles, posent plutt de
relles difficults au regard de limpartialit personnelle1111.
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Cf infra n 552 et s.
Dcision n 88-248 DC du 17 janvier 1989 prc.
Sur la question de lapprciation de limpartialit des autorits administratives indpendantes par
le Conseil dtat, DELZANGLES H., L'indpendance des autorits de rgulation sectorielles :
communications lectroniques, nergie et postes, Thse dactyl., Bordeaux IV, 2008 ; DUBRULLE J.-B.,
La difficile conciliation de l'article 6 de la C.E.D.H. avec le pouvoir de sanction des autorits
administratives indpendantes , L.P.A., 2007, n 133, p. 14.
Dcision n 2011-200 QPC du 2 dcembre 2011, Banque populaire Cte d'Azur [Pouvoir disciplinaire de
la Commission bancaire], JO, 3 dcembre 2011, p. 20496.
Ordonnance n 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorits d'agrment et de contrle
de la banque et de l'assurance, JO, 22 janvier 2010, p. 1392, qui est venue instaurer lAutorit de
contrle prudentiel (ACP) la place de la Commission bancaire, du Comit des entreprises
dassurance (CEA), du Comit des tablissements de crdit et des entreprises dinvestissement
(CECEI) et de lAutorit de contrle des assurances et des mutuelles (ACAM).
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Lexistence du procs
287
475. Le Conseil dtat, dabord, dans le premier volet de laffaire Dubus 1122, considra
que le pouvoir donn la Commission bancaire de se saisir elle-mme n'tait pas, en
soi, contraire aux stipulations de l'article 6-1 de la Convention europenne des droits
de l'homme1123. Il est vraisemblable que ce soit la pratique procdurale suivie,
permettant, grce lexistence de supplants, une composition de la Commission
diffrente de celle lorigine des poursuites, qui ait pu amener la juridiction
administrative statuer ainsi. Ce nest l, en tous cas, quun palliatif bien fragile et
surtout bien insuffisant1124, pour assurer une garantie satisfaisante dimpartialit. Et
1120
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Dcision n 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Socit Groupe Canal Plus et autre [Autorit de la
concurrence : organisation et pouvoir de sanction], JO, 13 octobre 2012, p. 16031 ; Dcision n 2012-286
QPC du 7 dcembre 2012, Socit Pyrnes services et autres [Saisine d'office du tribunal pour
l'ouverture de la procdure de redressement judiciaire], JO, 8 dcembre 2012, p. 19279, Cons. 4.
En vertu des textes lgislatifs, la Commission bancaire revt une double nature juridique, autorit
administrative quand elle exerce sa mission de surveillance, juridiction administrative quand elle
exerce son pouvoir de sanction.
C.E., 30 juillet 2003, Socit Dubus SA, n 240884.
Idem (cinquime considrant) : [...] qu'une telle possibilit confre une juridiction de se saisir de son
propre mouvement d'affaires qui entrent dans le domaine de comptence qui lui est attribu n'est pas, en soi,
contraire l'exigence d'quit dans le procs rappel par l'article 6-1 de la convention europenne des droits
de l'homme et des liberts fondamentales ; .
Dans les deux dcisions (constitutionnelle et conventionnelle), commentes ci-aprs, prcisment,
dans les deux cas, un titulaire avait particip la dcision d'ouverture des poursuites, puis avait
sig dans la formation de jugement, faute de supplants suffisamment nombreux pour atteindre
le quorum.
288
mme, si ce ntait pas la premire fois quelle adoptait cette contestable position1125,
il tait assez prvisible quelle exposerait la France une condamnation de la Cour
europenne des droits de lhomme. Ce fut chose faite en 2009, dans le mme dossier,
parvenu jusquau prtoire strasbourgeois1126.
477. Autrement dit, pour le Conseil dtat1131, comme pour la Cour europenne, la
saisine
doffice
n'est
pas,
intrinsquement,
contraire
aux
stipulations
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1131
Cf notamment C.E., 20 octobre 2000, Socit Habib Bank Limited, n 180122, Rec. p. 433 ; A.J.D.A.,
2000, p. 1071, note SUBRA DE BIEUSSES P., L.P.A., 8 fvrier 2001, n 6, p. 272, note SALOMON R.,
mme si le Conseil dtat parvient une solution diffrente ici.
C.E.D.H., 11 juin 2009, Dubus SA c/ France prc.
Elle affirme mme quelle saccorde avec lanalyse du Conseil dtat, qui na pas remis en cause la
facult dautosaisine de la Commission bancaire , Idem, 60.
JACQUINOT N. (dir.), Juge et apparence (s), actes du colloque, 4 et 5 mai 2009, op. cit.
C.E.D.H., 11 juin 2009, Dubus SA c/ France prc., 60.
Ibidem.
C.E., 6 janvier 2006, St Lebanese Communication Group, n 279596, Rec. p. 1.
Lexistence du procs
289
impliquant une apprciation pralable. Les faits litigieux ne doivent pas paratre
tablis, sans possibilit de remise en cause. Quand tel est le cas, il y atteinte au
principe de sparation des fonctions de poursuite et de sanction1132, alors que la
procdure est valide dans lhypothse inverse1133. Pour la Cour de Strasbourg, toutes
ces conditions prcdentes sont ncessaires, mais nullement suffisantes en ellesmmes. La procdure de saisine doffice peut passer entre les fourches caudines
du juge europen, mais la condition expresse, de bnficier dun encadrement
prcis et efficace. Le Conseil d'tat alignera finalement sa position sur celle de la
Cour en jugeant que, eu gard l'insuffisance des garanties dont la procdure tait
entoure, la circonstance que les mmes personnes se prononcent sur la dcision de
poursuivre, d'une part, et sur la sanction, d'autre part, tait de nature faire natre un doute
objectivement justifi sur l'impartialit de cette juridiction1134 .
1132
1133
1134
1135
1136
1137
290
480. Depuis, le lgislateur franais a tir tous les enseignements normatifs qui
simposaient de ces diffrentes condamnations, en instituant l'Autorit de contrle
prudentiel, qui spare de manire trs tanche les fonctions de poursuite, exerces
par un collge et celles de jugement, confies la commission des sanctions. Pour
autant, ce modle procdural rigoureux, en parfaite conformit avec les exigences les
plus svres, est encore loin dtre gnralis toutes les autorits administratives
indpendantes, dotes dun pouvoir de sanction. Or, cette exigence constitutionnelle,
1138
1139
1140
Lexistence du procs
291
481. La distinction tanche, entre celui qui instruit une affaire et celui qui la juge, est
un gage de justice impartiale, impos par le Code de procdure pnale. linstar de
la dmarche entreprise pour la sparation des fonctions de poursuite et de jugement,
le Conseil constitutionnel commena par assurer le respect du principe dans son
cadre naturel, celui du droit pnal (1), en dtaillant clairement les contraintes qui en
dcoulent, avant de ltendre une autre forme de sanction punitive, celle prononce
par une instance disciplinaire (2).
1141
292
484. Il eut dabord une premire occasion, dont il ne sest malheureusement pas saisi,
de clarifier sa position, sur cette question essentielle pour limpartialit de la justice.
Mme si lon peut regretter ce rendez-vous en partie manqu, notamment pour deux
1142
Le juge d'instruction est charg de procder aux informations, ainsi qu'il est dit au chapitre Ier du titre III.
Il ne peut, peine de nullit, participer au jugement des affaires pnales dont il a connu en sa qualit de juge
d'instruction [..] .
293
Lexistence du procs
raisons qui seront exposes, il sera toutefois possible den tirer de riches
enseignements. Dans le cadre dune question prioritaire de constitutionnalit 1143, le
Conseil dut se prononcer, sur la conformit aux droits et liberts que la norme
fondamentale garantit, de la composition, des maladroitement nomms Tribunaux
maritimes commerciaux1144. En effet, il sagit en ralit de juridictions pnales
chevinales, institues en 19391145 et charges de juger des infractions maritimes
spcifiques, dfinies par le Code disciplinaire et pnal de la marine marchande 1146.
Ces tribunaux sont prsids par un magistrat du sige et sont composs de quatre
assesseurs non magistrats, parmi lesquels un administrateur des affaires maritimes et
un agent des affaires maritimes, voire deux, quand le prvenu nest pas un marin. Le
requrant invoquait deux griefs dinconstitutionnalit. En premier lieu, une atteinte
lindpendance de la justice, dans la mesure o les fonctionnaires de ladministration
des affaires maritimes restent sous lautorit hirarchique du gouvernement1147. En
second lieu, une violation du principe dimpartialit du juge, puisque les fonctions
dinstruction et de jugement, sont successivement exerces par des fonctionnaires,
certes distincts1148, mais rattachs la mme administration.
estimant
que
latteinte
lindpendance
de
la
justice,
1143
1144
1145
1146
1147
1148
Dcision n 2010-10 QPC du 2 juillet 2010, Consorts C. et autres [Tribunaux maritimes commerciaux],
JO, 3 juillet 2010, p. 12120.
Ladjectif commercial a t choisi pour dsigner le caractre professionnel et non militaire, de la
comptence de ces tribunaux.
Dcret-loi du 29 juillet 1939 modifiant les art. 25, 30, 31, 33, 35, 36, 37, 86, 88, 90, 91, 92, 93 et 94 de
la loi du 17-12-1926 portant Code disciplinaire et pnal de la marine marchande, JO, 3 aot 1939,
p. 9820.
Les tribunaux maritimes commerciaux sont comptents pour connatre des contraventions ou
dlits prvus par les articles 39 43, 45, 54 57, 59, 62 67, 80 85, 87 et 87 bis du Code
disciplinaire et pnal de la marine marchande.
Dcision n 2010-10 QPC du 2 juillet 2010 prc., Cons. 2.
Le quatrime alina de larticle 90 du Code disciplinaire et pnal de la marine marchande, dispose
que ladministrateur, membre du tribunal maritime commercial, na pas particip pralablement
linstruction de laffaire juge.
294
1149
1150
Lexistence du procs
295
488. Le second regret, enfin : labstention de la Haute juridiction sur cette question,
ne permet pas de connatre sa position sur lincidence relle de lidentit du titulaire
des deux fonctions. Le Conseil constitutionnel nest rellement hostile au cumul des
fonctions de poursuite et de jugement en matire pnale, que dans le cas de figure o
cest la mme personne qui les exerce successivement. La dcision du 3 juillet 2010 ne
permet pas de savoir avec certitude, mme si la rdaction du quatrime considrant
laisse plutt entrevoir une rponse positive1153, si ce principe est transposable au
cloisonnement des autorits charges dinstruire et de sanctionner. Il faudra attendre
une anne supplmentaire, pour obtenir un lment de rponse plus prcis cette
question.
1151
1152
1153
1154
1155
296
491. La justice pnale des mineurs1157 bnficie, depuis le dbut du XXe sicle1158, dun
traitement procdural diffrenci, accentu par lordonnance du 2 fvrier 1945
prcite et consacr, par le principe fondamental reconnu par les lois de la
Rpublique de 20021159. Cest la volont et, au-del, la ncessit, dapporter la rponse
judiciaire la plus adapte lge et la personnalit du mineur dlinquant, qui
justifie la cration dune juridiction spcialise et la mise en place de procdures
spcifiques. En consquence, lorganisation de la justice pnale des mineurs est dune
grande complexit. Elle se caractrise par une ramification procdurale et une
distribution des comptences entre les diffrents acteurs, dans le but rcurrent
1156
1157
1158
1159
Ordonnance n 45-174 du 2 fvrier 1945 relative l'enfance dlinquante, JO, 4 fvrier 1945, p. 530.
BAILLEAU F . (dir.), La justice pnale des mineurs en Europe : entre modle Welfare et inflexions nolibrales, L'Harmattan, Coll. Logiques sociales, Paris, 2007 ; YOUF D. (dir.), La justice pnale des
mineurs, La documentation franaise, Paris, 2007.
Le tribunal pour enfants a t cr par larticle 18 de la loi sur les tribunaux pour enfants et
adolescents et sur la libert surveille du 22 juillet 1912, JO, 25 juillet 1912, p. 6690.
Dcision n 2002-461 DC du 29 aot 2002 prc., Cons. 26.
Lexistence du procs
297
1160
1161
1162
Le juge dinstruction a une comptence exclusive en matire criminelle alors que la comptence est
partage en matire dlictuelle et en matire de contraventions de cinquime classe.
Dlits et contraventions de cinquime classe commis par les mineurs de dix-huit ans, ainsi que des
crimes commis par les mineurs de seize ans.
Il est assez intressant de constater, que la capacit du Conseil constitutionnel de soulever doffice
une question de conformit la Constitution, mme prcisment, dans le souci de protger ce
principe, peut poser un problme dimpartialit. Il est, en effet, possible de se demander si, dans
un cas comme celui-ci, la saisine doffice ne prjuge pas un tant soit peu de la dcision finale.
298
ces justifications sont passes sous silence par les deux dcisions du Conseil, qui na,
de toute vidence, pas souhait les prendre en considration.
495. Pour le Conseil constitutionnel, que le juge des enfants qui a instruit la
procdure puisse, l'issue de cette instruction, prononcer des mesures d'assistance,
de surveillance ou d'ducation, ne pose pas de difficults particulires, au regard du
principe d'impartialit. Ce qui est condamn, cest la seule prsidence dune
juridiction de jugement, tribunal pour enfants ou tribunal correctionnel pour
mineurs, habilite prononcer des peines. Il est possible den tirer deux
enseignements.
Lexistence du procs
299
498. Ces deux jurisprudences constitutionnelles traduisent une exigence plus svre,
que celles de la Cour de cassation et de la Cour europenne des droits de lhomme.
La Haute juridiction judiciaire1164 accepte cette drogation au principe dimpartialit,
au nom de la spcificit de la justice pnale des mineurs, explicitement admise aussi
par le Conseil dans la dcision de 20021165, en faisant prvaloir les proccupations
ducatives1166 sur les objectifs de scurit publique, l o le juge constitutionnel les
met en balance1167.
1163
1164
1165
1166
Cf supra n 482.
Cass. Crim., 7 avril 1993, pourvoi n 92-84725, Bull. crim., 1993, n 152, p. 381.
Cf dcision n 2002-461 DC du 29 aot 2002 prc., Cons. 26, prc.
Mais attendu que lordonnance du 2 fvrier 1945, en permettant pour les mineurs dlinquants, dans un
souci ducatif, une drogation la rgle de procdure interne selon laquelle un mme magistrat ne peut
exercer successivement, dans une mme affaire, les fonctions dinstruction et de jugement, ne mconnat
aucune disposition de la Convention europenne des droits de lhomme ; quune telle drogation entre dans
les prvisions de larticle 14 du Pacte international de New York, relatif aux droits civils et politiques,
300
499. La mme anne, la Cour europenne de Strasbourg adopte une position assez
proche1168, en introduisant cependant une nuance, que le contrle in concreto lui
permet. Elle ne condamne pas le cumul de fonctions en soi, mais estime quil pourrait
tre contraire limpartialit du juge, en fonction de ltendue des mesures
dinstruction quil a pu diligenter. Pour affiner son analyse, le juge europen reprend
la distinction, introduite par la jurisprudence Hauschildt1169, entre impartialit
objective1170 et impartialit subjective1171. Selon la Cour, limpartialit revt un double
visage, elle doit sapprcier selon une dmarche subjective, essayant de dterminer la
conviction personnelle de tel juge en telle occasion, et aussi selon une dmarche objective
amenant sassurer quil offrait des garanties suffisantes pour exclure cet gard tout doute
lgitime1172. .
500.
Dans
laffaire
Nortier,
il
ny
avait
pas
violation
des
stipulations
1167
1168
1169
1170
1171
1172
1173
comme aussi dans celles des rgles de Beijing, approuves par les Nations unies le 6 septembre 1985, qui
reconnaissent la spcificit du droit pnal des mineurs ; , Cass. crim, 7 avril 1993, n 92-84725, prc.
Dcision n 2002-461 DC du 29 aot 2002 prc., Cons. 28 : Considrant, enfin, que, lorsqu'il fixe les
rgles relatives au droit pnal des mineurs, le lgislateur doit veiller concilier les exigences
constitutionnelles nonces ci-dessus avec la ncessit de rechercher les auteurs d'infractions et de prvenir
les atteintes l'ordre public, et notamment la scurit des personnes et des biens, qui sont ncessaires la
sauvegarde de droits de valeur constitutionnelle ; .
C.E.D.H., 24 aot 1993, Nortier c/ Pays-Bas, requte n 13924/88, srie A, n 267, R.T.D.H., 1994,
p. 437, note VAN COMPERNOLLE J.
C.E.D.H., 24 mai 1989, Hauschildt c/ Danemark, requte n 10486/83, srie A, n 154, J.D.I., 1990,
p. 727, obs. ROLLAND P. et TAVERNIER P.
Idem, 48 : Elle consiste se demander si indpendamment de la conduite personnelle du juge, certains
faits vrifiables autorisent suspecter limpartialit de ce dernier .
Idem, 47 : Au demeurant, limpartialit personnelle (subjective) dun magistrat se prsume jusqu la
preuve du contraire, non fournie en lespce .
Idem, 46.
C.E.D.H., 2 mars 2010, Adamkiewicz c/ Pologne, requte n 54729/00.
301
Lexistence du procs
europenne,
svre
du principe
501. Dabord, la Cour prend soin de rappeler les principes poss dans la dcision
Nortier, qui ne sont pas remis en cause, ds lors que le cumul de fonctions est
conforme l'intrt de l'enfant. Cest la mme proccupation qui a dict la solution
du juge constitutionnel en juillet 2011, acceptant la confusion des fonctions quand le
juge prononce des mesures ducatives (conformit vidente l'intrt de l'enfant), la
refusant quand il prside la juridiction de jugement, habilite prononcer des peines
(pas de conformit l'intrt de l'enfant).
502. Surtout, ces deux dcisions, Nortier et Adamkiewicz, ne sont que les deux
facettes dune mme jurisprudence, la premire aboutissant une application
positive et la seconde, une conclusion ngative. Dans les deux cas, la Cour
europenne cherche mesurer la densit de lintervention du magistrat en charge du
jugement, au cours de la phase dinstruction. Toute investigation trop fournie,
laissant percevoir des signes dapprciation pralable sur le fond, conduira
inluctablement la censure.
1174
1175
1176
302
1178
1179
1180
Idem, 33 : En l'espce, la crainte que la juridiction de jugement ait pu ne pas tre impartiale se fonde sur
le fait que l'un des juges avait interrog des tmoins lors de l'instruction prparatoire. Incontestablement,
pareille situation peut susciter chez le prvenu des doutes sur l'impartialit du juge, mais on ne saurait
pourtant les considrer comme objectivement justifis qu'en fonction des circonstances de la cause; qu'un
juge de premire instance ait dj eu connatre de l'affaire avant le procs ne saurait en soi justifier des
apprhensions quant son impartialit .
Dcision n 2011-199 QPC du 25 novembre 2011 prc.
Dcision n 2011-147 QPC du 8 juillet 2011 prc. ; Dcision n 2011-635 DC du 4 aot 2011 prc.
Dcision n 2011-179 QPC du 29 septembre 2011 prc., Cons. 5 : Considrant, en deuxime lieu, qu'il
rsulte des termes de l'article 22-2 de la loi du 31 dcembre 1971 susvise que le btonnier de l'ordre du
barreau de Paris n'est pas membre de la formation disciplinaire du conseil de l'ordre du barreau de Paris ; .
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303
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1182
1183
1184
304
508. Ce sont ici les mmes considrations que dans laffaire Adamkiewicz
, qui
1187
509. Le Conseil constitutionnel a une opinion plus tranche, qui trouve sans doute
une partie de sa justification dans la nature, abstraite, de lexamen de
constitutionnalit quil effectue. Mais la forme du contrle nexplique probablement
pas, elle seule, la grande svrit de la Haute juridiction, sur le cumul de fonctions
1185
1186
1187
Lexistence du procs
305
510. Le problme soulev par la participation, dune mme personne, sur le mme
dossier mais deux titres diffrents, le premier, dans le cadre du traitement
administratif ou de llaboration politique, le second, dans le cadre dune procdure
juridictionnelle, est dune nature assez loigne, de celui rencontr prcdemment,
avec la confusion des fonctions judiciaires. Cest sans doute ce qui explique la
rponse de la juridiction constitutionnelle sur ce point, qui ne fait pas preuve de la
mme fermet, hostile toute forme de cumul. Tout au moins, le Conseil napplique
pas, lanalyse de son organisation et de son fonctionnement internes (B), la
jurisprudence dgage dans le cadre du contentieux de laide sociale (A).
1188
306
512. Les Commissions dpartementales daide sociale (C.D.A.S.), puisque cest delles
dont il sagit, sont des juridictions administratives spcialises de premier ressort,
comptentes pour juger des recours, forms contre les dcisions du prsident du
Conseil gnral ou du prfet, en matire daide sociale. Les litiges quelles entendent,
portent principalement, pour la partie relevant de la comptence du Conseil gnral,
sur l'aide sociale aux personnes ges et aux personnes handicapes et, en ce qui
concerne les dcisions prfectorales, sur les contestations en matire de couverture
maladie universelle.
307
Lexistence du procs
professionnel
(qui
prside)
et
trois
conseillers
gnraux,
trois
souffraient
aussi
dun
cloisonnement
lacunaire,
entre
fonctions
514. Le Conseil d'tat avait jug1194 que la seule prsence de fonctionnaires, parmi les
membres d'une juridiction, ne pouvait, en soi, tre de nature constituer un doute
lgitime sur l'impartialit de celle-ci, y compris quand ltat tait partie au litige.
Rendue dans le cadre du contrle de conventionnalit, la dcision du juge
administratif sinscrivait ainsi en droite ligne de la jurisprudence strasbourgeoise, qui
1191
1192
1193
1194
La commission dpartementale est prside par le prsident du tribunal de grande instance du chef-lieu ou
le magistrat dsign par lui pour le remplacer. Elle comprend, en outre :
- trois conseillers gnraux lus par le conseil gnral ;
- trois fonctionnaires de l'tat en activit ou la retraite, dsigns par le reprsentant de l'tat dans le
dpartement [...] .
Cf supra n 484 486, concernant les Tribunaux maritimes commerciaux.
Cf infra n 535 et s.
C.E., 6 dcembre 2002, Trognon, n 240028 ; R.F.D.A., juillet-aot 2003, p. 694, concl. FOMBEUR P. ;
A.J.D.A., 2002, p. 1418, obs. BIGET C.
308
estime, de longue date, que lintgration dagents publics dans une formation de
jugement, n'est pas suffisante, en elle-mme, pour faire douter de son impartialit1195.
515. Cependant, dans le cas prcis o les agents publics, sigeant dans la formation
de jugement, taient amens connatre des dossiers traits par leur service, dans le
cadre de leurs fonctions administratives, le Conseil d'tat avait considr quil y avait
l, une atteinte caractrise au principe dimpartialit1196. En consquence, la Haute
juridiction administrative avait jug que des garanties taient alors ncessaires, pour
empcher ce cas de figure. En dautres termes, la jurisprudence de principe du
Conseil dtat1197 na pas conduit une interdiction de siger lencontre des
C.D.A.S., mais a seulement fix des rgles dinterprtation strictes, afin que les
dispositions du Code de laction sociale et des familles respectent le principe
dimpartialit des juridictions.
516. Le Conseil constitutionnel se montre plus radical que son voisin du Palais
Royal : sans toutefois censurer lintgralit de larticle L134-6, il dclare contraires la
Constitution, ses deuxime et troisime alinas, ce qui exclut la prsence des trois
fonctionnaires dpartementaux. Une fois encore, le contrle abstrait, y compris dans
le cadre dune question prioritaire de constitutionnalit 1198, ne permet pas toutes les
nuances autorises par un examen concret, tel quil est pratiqu par les juridictions
1195
1196
1197
1198
C.E.D.H., 16 juillet 1971, Ringeisen c/ Autriche, requte n 2614/65, srie A, n 13. La Cour estime, en
revanche, quun lien de subordination avec l'administration, partie au procs, mettrait en cause
cette impartialit.
C.E., 6 dcembre 2002, Trognon prc., Cons. 4 : [...] qu'il peut tre port atteinte ce principe lorsque,
sans que des garanties appropries assurent son indpendance, les fonctions exerces par un fonctionnaire
appel siger dans une des formations de jugement de la commission centrale d'aide sociale le font
participer l'activit des services en charge des questions d'aide sociale soumises la juridiction ; qu'il suit
de l que lorsqu'elles statuent, comme en l'espce, sur un litige portant sur des prestations d'aide sociale
relevant de l'tat, ces formations ne peuvent comprendre, ni comme rapporteur ni parmi leurs autres
membres, des fonctionnaires exerant leur activit au sein du service ou de la direction en charge de l'aide
sociale au ministre des affaires sociales ; .
C.E., 6 dcembre 2002, Trognon prc.
Cest ce que fait remarquer le professeur Guillaume DRAGO, Quels principes directeurs pour le
procs constitutionnel ? , op. cit., p. 448, propos du contrle effectu par le Conseil, sur une
question de constitutionnalit quil doit trancher, in abstracto .
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1200
310
518. Eu gard la qualit des membres qui composent le Conseil constitutionnel, les
hypothses de partialit fonctionnelle sont tangibles et sans doute, loin dtre
marginales (1). Les rgles procdurales du procs constitutionnel, pour essayer dy
remdier, existent bel et bien et donnent des rsultats plutt satisfaisants, mme sil
est possible de dplorer une certaine rticence du juge constitutionnel face au
mcanisme de la rcusation1201 (2).
1202
Pour une approche historique de la notion, BERNAB B., La rcusation des juges : tude mdivale,
moderne et contemporaine, L.G.D.J., Coll. Bibliothque de droit priv, Paris, 2009.
C.E.D.H., 23 juin 1993, Ruiz-Mateos c/ Espagne, requte n 12952/87, srie A, n 262, R.F.D.C., 1994,
p. 175, obs. COHEN-JONATHAN G et FLAUSS J.-F.
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312
523. La Cour europenne des droits de lhomme ne partage pas exactement cette
position. En 1995, elle a jug, au sujet du Conseil d'tat luxembourgeois, que le seul
fait que certaines personnes exercent successivement, propos des mmes dcisions, les deux
types de fonctions est de nature mettre en cause l'impartialit structurelle de ladite
institution1209 . Mme si une lecture moins radicale de larrt est possible1210, il
semblerait que ce soit le principe mme de la double comptence, consultative et
juridictionnelle, de la Haute juridiction, qui ait t condamn par le juge de
Strasbourg, ce qui amena lanne suivante, le Grand-duch modifier sa
lgislation1211, afin de sparer organiquement les deux fonctions1212. Nanmoins, le
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1211
C.E., 16 avril 2010, Association Alcaly et autres, n 320667, Gaz. Pal., 14 mai 2010, p. 13, obs.
ROUSSEAU D.
Dcision n 2000-434 DC du 20 juillet 2000, Loi relative la chasse, JO, 27 juillet 2000, p. 11550.
Idem, Cons. 42 : Considrant que la disposition critique [...] confie un dcret en Conseil d'tat la
fixation de la liste des cantons concerns ; qu'il appartiendra au pouvoir rglementaire d'arrter cette liste,
sous le contrle du juge administratif, dans le respect du critre nonc par la loi ; que le grief est, ds lors,
inoprant ; .
C.E.D.H., 28 septembre 1995, Procola c/Luxembourg, requte n 14570/89, srie A, n 326, 45, D,
1996, p. 301, note BENOIT-ROHMER F., A.J.D.A., 1996, p. 383, chron. FLAUSS J.-F., J.C.P., 1996, I,
3910, obs. SUDRE F. ; AUTIN J.-L. et SUDRE F., La dualit fonctionnelle du Conseil d'tat en
question devant la Cour europenne des droits de l'homme , R.F.D.A., 1996, p. 777.
Ibidem.
Loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l'ordre administratif, JO du
Grand-Duch de Luxembourg, Recueil de Legislation A, n 79, p. 2261, 19 novembre 1996.
Lexistence du procs
313
juge europen a quelque peu tempr sa position, dix ans plus tard, propos du
Conseil dtat franais1213. Refusant dadopter une position trop rigide sur la
question1214, la Cour dclare que le cumul des fonctions consultatives et
juridictionnelles n'est pas en soi contraire l'article 6 de la Convention europenne
des droits de l'homme1215.
525. Le dport est le devoir du juge, de s'abstenir chaque fois que son impartialit
pourrait tre remise en cause. Avant lentre en vigueur du contrle a posteriori, les
hypothses dabstention taient plutt rares. La plus ostensible tait celle du
prsident Pierre MAZEAUD, en 19981216. Au bas du texte de la dcision
constitutionnelle, la liste des membres, sigeant lors de la sance, est suivie de la
mention : sa demande, M. Mazeaud n'a particip ni la dlibration ni au vote sur la
partie de la dcision relative l'article 29 de la loi dfre . Lancien Prsident du Conseil
s'tait abstenu spontanment, dans la mesure o il avait pris position sur la
constitutionnalit d'un article de la loi dfre, alors quil prsidait la Commission
des lois lAssemble nationale. Dautres clbres illustrations de dport pourraient
tre cites, mais sans mention particulire dans la dcision concerne, telle que celle
1212
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1214
1215
1216
Les fonctions juridictionnelles furent transfres une Cour administrative, alors que le Conseil
d'tat continuait d'assurer les fonctions consultatives.
C.E.D.H., 9 novembre 2006, Socit Sacilor-Lormines c/ France, requte n 65411/01, AUTIN J.-L. et
SUDRE F., L'impartialit structurelle du Conseil d'tat hors de cause ? , R.F.D.A., 2007, p. 342.
[...] il n'y pas lieu d'appliquer une doctrine particulire de droit constitutionnel la situation du Conseil
d'tat franais et de statuer dans l'abstrait sur la compatibilit organique et fonctionnelle de la consultation
du Conseil d'tat [...] , C.E.D.H., 9 novembre 2006, Socit Sacilor-Lormines c/ France prc., 71.
Idem, 74.
Dcision n 98-399 DC du 5 mai 1998, Loi relative l'entre et au sjour des trangers en France et au
droit d'asile, JO, 12 mai 1998, p. 7092.
314
526. La rcusation est, quant elle, le droit la disposition dune partie, de pouvoir
obtenir quun membre dune juridiction ne prenne part la dcision, quand son
impartialit semble incertaine. Son fonctionnement est galement prvu par le mme
article, relatif la procdure suivie par le Conseil, lors de lexamen des questions
prioritaires de constitutionnalit. La demande de rcusation comprend un crit
motiv, enregistr au Secrtariat gnral du Conseil, puis communiqu au juge
constitutionnel vis. Celui-ci peut lacquiescer ou la refuser, ce qui donne alors lieu
un examen, par les juges constitutionnels, lexception, bien entendu, de celui
concern par la demande.
1217
1218
1219
Dcision n 2004-505 DC du 19 novembre 2004, Trait laborant une Constitution pour l'Europe, JO, 24
novembre 2004, p. 19885.
En premier lieu, il n'tait pas toujours simple de distinguer les dports volontaires, pour viter les
risques de partialit, des absences classiques. En second lieu, les abstentions taient
discrtionnairement dcides par le seul membre concern, sans contrle particulier du Conseil
constitutionnel sur le choix effectu.
Dcision n 2010-117 ORGA du 4 fvrier 2010 prc.
Lexistence du procs
315
mme jour1220, le Conseil fut saisi en juin 2011, de six demandes de rcusation : il en
carta trois et, deux dentre elles provoqurent le dport des membres concerns1221.
528. Manifestement, les trois rejets lont t sur le fondement de lalina 4 de larticle
4 du rglement intrieur prcit, qui dispose que le seul fait qu'un membre du Conseil
constitutionnel a particip l'laboration de la disposition lgislative faisant l'objet de la
question de constitutionnalit ne constitue pas en lui-mme une cause de rcusation . Cette
prcision tait sans doute, ncessaire, pour viter des motifs de rcusation en trop
grand nombre, risquant, de plus, de mettre en chec les dlibrations, pour cause de
quorum insuffisant1222. Si, la seule participation l'laboration de la disposition
lgislative examine nest pas suffisante, en elle-mme, pour caractriser une cause
de rcusation, en revanche, cest bien le cas quand les actes accomplis impliquent que
leur auteur a port une apprciation sur la constitutionnalit de cette norme1223 . Cest la
raison qui justifie ici, labstention de MM. Jacques BARROT et Michel CHARASSE.
1221
1222
1223
316
530. En ordonnant que le magistrat qui statue sur une affaire ne soit, ni celui qui la
instruite, ni celui qui a initi laction publique, le Conseil a contribu, de manire
significative, la dfinition constitutionnelle de limpartialit fonctionnelle du juge. Il
en a dessin les contours, prcis les exigences et censur systmatiquement, toute
procdure juridictionnelle qui contreviendrait ses prescriptions. Il a ainsi dress le
portrait-robot du juge fonctionnellement impartial, partir du modle du juge
pnal, quil a transpos, avec un certain succs, lensemble des contentieux
susceptibles de dboucher sur des sanctions punitives. Nanmoins, la jurisprudence
constitutionnelle, sans doute desservie par les faiblesses du contrle abstrait, rvle
une gradation dans lvaluation des situations de partialit, en ne faisant preuve de
la mme svrit, lgard de limpartialit personnelle du juge.
1225
1226
MOTULSKY H., Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
dfense en procdure civile , op. cit., p. 190.
BUSSY F., Nul ne peut tre juge et partie , op. cit., p. 1745.
FRISON-ROCHE M.-A., L'impartialit du juge , D, 1999, p. 53.
Lexistence du procs
317
532. En premier lieu, se trouvent les hypothses dans lesquelles le magistrat aurait un
intrt favoriser une partie au procs, dans la mesure o le verdict lui permettrait
de tirer un avantage de la dcision, en raison de la satisfaction procure au
justiciable. Lanalyse mticuleuse de la juridiction constitutionnelle traduit ici une
conception exigeante de limpartialit personnelle du juge, raison dun conflit
dintrts, direct ou indirect, dans lequel il pourrait tre plac ( 1.).
533. En second lieu, il y a des situations plus dlicates trancher, dans la mesure o
le juge ne recueille aucun bnfice particulier de la dcision de justice, mais dans
lesquelles sa neutralit pourrait tre vicie, en raison de son appartenance commune,
avec une des parties au litige, une communaut humaine ou dides. Le caractre
insidieux de la relation entre juge et partie, ainsi que la difficult dtablir le lien de
causalit, entre cette dernire et laltration de limpartialit du magistrat, ne
permettent pas au contrle abstrait du Conseil constitutionnel, de produire tous les
effets escompts ( 2.).
534. La disjonction nette entre, celui qui demande le respect de la rgle de droit et
celui charg de vrifier quelle a t applique, conformment aux prescriptions du
systme juridique, est une condition vidente du caractre quitable du procs,
consubstantielle lide mme de justice. Cet indispensable cloisonnement, entre les
deux principales catgories dacteurs du procs, peut tre dgrad dans des
hypothses o, juge et partie, partagent un intrt. La neutralit de celui qui rend la
318
justice1227 est alors corrompue, par les doutes planant sur ses motivations agir. Telle
est la situation laquelle le Conseil constitutionnel a t confront, deux reprises,
quand il dut apprcier les possibilits potentielles de conflits dintrts, conscutives
la composition des Commissions dpartementales daide sociale 1228 (A),
prcdemment voques pour dautres griefs1229 et celle du Conseil suprieur de la
magistrature1230 (B).
A) Linconstitutionnalit
de
la
formation
des
Commissions
536. Ds 2002, dans larrt Maciolak1231, dans une affaire concernant la Commission
dpartementale d'aide sociale de l'Allier, le commissaire du gouvernement, M me
Pascale FOMBEUR, relevait, juste titre, toutes les ambiguts suscites par la seule
prsence des lus du dpartement dans la formation de jugement, indpendamment
dun quelconque comportement individuel, susceptible dalimenter le doute sur leur
1227
1228
1229
1230
1231
Lexistence du procs
319
538. Cest donc dans un cadre jurisprudentiel trs tabli, quintervient la dcision du
Conseil constitutionnel, le 25 mars 20111236. Les exigences constitutionnelles
dcoulant de larticle 16 de la dclaration rvolutionnaire, ntant matriellement
gure diffrentes de celles poses par larticle 6, paragraphe 1, la censure de la Haute
1232
1233
1234
1235
1236
FOMBEUR P., concl. sous C.E., 6 dcembre 2002, Maciolak, R.F.D.A., 2003, p. 694.
C.E., 30 janvier 2008, Association orientation et rducation des enfants et adolescents de la Gironde,
n 274556.
C.E., 21 octobre 2009, M. Bertoni, n 316881.
Cf les rapports de l'Inspection gnrale des affaires sociales de 2001 et du Conseil dtat de 2010
prc.
Dcision n 2010-110 QPC du 25 mars 2011 prc.
320
juridiction tait alors prvisible. Dans un sixime considrant1237, trs peu explicite
sur les raisons qui lont conduit statuer en ce sens, mais qui rejoignent
probablement les arguments du Conseil dtat, le juge constitutionnel dclare
contraire la Loi fondamentale, le principe mme de la prsence des conseillers
gnraux, dans la formation des Commissions dpartementales d'aide sociale.
539. Le contrle abstrait mis en uvre par le Conseil, y compris dans le cadre dune
question prioritaire de constitutionnalit, nest pas un obstacle son analyse, dans la
mesure o le comportement subjectif du juge, seul susceptible dtre apprci par le
prisme dun examen concret, nest pas en cause ici. Les deux juridictions suprmes
du Palais Royal ont, toutes deux, pos un principe indrogeable et convergent, en
vertu duquel, llu dune collectivit territoriale1238, ne peut siger dans la formation
de jugement qui doit trancher un contentieux, dans lequel la division administrative
est partie.
1237
1238
1239
1240
Considrant, d'autre part, que mconnat galement le principe d'impartialit la participation de membres
de l'assemble dlibrante du dpartement lorsque ce dernier est partie l'instance ; .
Cf C.E., 2 octobre 1996, Commune de Sartrouville, n 158463. L'un des magistrats de la formation du
tribunal administratif qui a rendu le jugement tait la fille d'un conseiller municipal de
Sartrouville, commune partie au litige.
Loi constitutionnelle n 2008-724 du 23 juillet 2008 prc.
Le C.S.M. a t institu par la loi du 30 aot 1883 sur la rforme de lorganisation judiciaire, JO, 31
aot 1883, p. 4569.
Lexistence du procs
321
542. Larticle 10-1 pose, dans un premier alina, une obligation comportementale,
lintention des membres du Conseil suprieur et dcrit, dans un second temps, la
procdure disciplinaire, mise en uvre pour sanctionner les manquements ventuels
la dontologie. Cest la commission des lois du Snat, soucieuse de rtablir une
entire confiance dans linstitution, srieusement branle aprs laffaire mdiatise
dOutreau, qui a souhait, linitiative de son rapporteur, introduire ce nouvel article
10-1. Si les magistrats, membres du C.S.M., sont dj soumis aux exigences
dindpendance, dimpartialit et dintgrit, la mention explicite de ces rgles, qui
simposent aussi aux personnes dont ils sattachent les services dans lexercice de leurs
fonctions1246 , permet dtendre ces obligations tous les autres conseillers, ainsi qu
lensemble des personnes contribuant aux travaux du Conseil suprieur. La
juridiction constitutionnelle insiste sur lextension de cette obligation, tous les
conseillers, magistrats ou lacs , quelle que soit la formation et quel que soit le
1241
1242
1243
1244
1245
1246
Le C.S.M. comprend deux formations, lune comptente lgard des magistrats du sige, lautre
lgard des magistrats du parquet, qui ont t cres par la loi constitutionnelle n 93-952 du 27
juillet 1993 prc.
Cf supra n 283 et s.
Loi organique n 2010-830 du 22 juillet 2010 prc.
Dcision n 2010-611 DC du 19 juillet 2010 prc.
Loi organique n 94-100 du 5 fvrier 1994 sur le Conseil suprieur de la magistrature, JO, 8 fvrier
1994, p. 2146.
Article 10-1 de loi organique n 94-100 du 5 fvrier 1994 prc.
322
statut1247 et prcise, si besoin tait, que le membre vis par la contestation ou par une
demande de rcusation, ne peut videmment pas participer la dlibration de la
dcision le concernant1248.
543. Larticle 10-2, relatif aux rgles de dport, est, la fois, plus riche
denseignements et assez remarquablement articul, tout en ayant des lacunes
rdactionnelles, que le Conseil constitutionnel ne manquera pas de combler.
544. Le premier alina dfinit une rgle gnrale, dont le champ dapplication
personnel stend tous les membres, qui doivent sabstenir de participer
llaboration dune dcision, ds le moindre doute sur leur impartialit individuelle.
Cest ici, la description dune modalit, ncessaire au respect des exigences poses
par le premier alina de larticle 10-1. Labstention est, en effet, avec la rcusation,
une des deux techniques juridictionnelles, permettant de prvenir tout risque
datteinte limpartialit de la dcision1249. Au sein du Conseil suprieur de la
magistrature, cette pratique tait dj applique, notamment, quand un membre
appartient la mme juridiction que le magistrat concern par la dlibration. Ce
premier alina de larticle 10-2, formalise ainsi, dans un texte normatif, un usage
gnralis, alors que la loi organique, dans sa rdaction antrieure1250, nimposait que
le secret professionnel, lencontre des membres prsents aux dlibrations.
545. Dans le deuxime alina, le lgislateur organique a cru bon de prciser les
circonstances, dans lesquelles ce dport devait sappliquer lavocat, membre du
C.S.M. La loi organique lui interdit de participer aux dlibrations du C.S.M., dans
deux situations, lune correspondant une forme dimpartialit prventive, lautre
1247
1248
1249
1250
Lexistence du procs
323
546. Dans ce second cas, le lien est avr : les deux professionnels du droit se
connaissent, pour tre intervenus sur un mme dossier. Limpartialit de lavocat,
membre du C.S.M., pourrait tre altre, dune manire ou dune autre, par la
dcision rendue par le magistrat, dans laffaire au cours de laquelle les deux hommes
de loi se sont ctoys.
547. Dans le premier cas, le lien est plus prospectif et le risque dimpartialit plus
hypothtique. Les deux juristes ne se connaissent pas ncessairement, mais la menace
de conflit dintrts est, elle, bien relle. Les deux prohibitions de siger, si elles ne
couvrent pas toutes les situations de risque datteinte limpartialit, semblent
justifies. Lintention du lgislateur organique traduit manifestement une conception
exigeante du C.S.M., qui doit conduire un dport systmatique dun membre, ds
la moindre suspicion de partage dun intrt commun, entre un juge et une partie. Le
Conseil dtat, comptent pour contrler les dcisions du C.S.M., veille
scrupuleusement au respect de cette exigence1251. Ainsi, la Haute juridiction
administrative na pas hsit annuler une dcision du C.S.M., en raison de la
participation dun chef de Cour, ayant auparavant alert un ministre sur les lacunes
du magistrat sanctionn1252.
1251
1252
BONNET J., Le Conseil dtat et le Conseil suprieur de la magistrature , R.D.P., 2004, p. 987
et s., plus particulirement p. 1005 et 1006.
C.E., 29 juillet 2002, Mme Roubiscoul, n 224952.
324
548. Sil sest montr disert sur les hypothses devant aboutir au dport de lavocat,
membre du C.S.M., le lgislateur organique est rest silencieux, sur les situations
ncessitant labstention des autres conseillers. Le juge constitutionnel, dans une
rserve constructive, dut alors prciser les rgles de dport, applicables aux chefs de
Cour et de juridiction. Son raisonnement reprend la mme dichotomie, que celle
utilise par le lgislateur organique, propos de lavocat. Ainsi, dune part,
interdiction de siger est faite aux chefs de Cour et de juridiction, quand il sagit de
nommer un magistrat pour assumer des fonctions dans leur juridiction et, dautre
part, quand la dcision concerne un magistrat exerant dans leur juridiction.
549. Cette rserve dcoule directement des travaux de la Commission des lois du
Snat1253, qui souhaitait voir explicitement inscrites dans la loi organique, les
hypothses devant conduire au dport des membres du C.S.M., dont la participation
linstance serait de nature susciter un doute sur limpartialit de la dcision. Le
rapport snatorial illustrait dailleurs son propos, avec lune des deux hypothses
vises par la rserve constitutionnelle, savoir le cas dun chef de juridiction, saisi
dune affaire engageant un magistrat de son ressort1254.
1253
1254
Rapport n 635 (2008-2009) de M. Jean-Ren LECERF, fait au nom de la commission des lois, dpos
le 29 septembre 2009.
Idem, p. 62.
Lexistence du procs
325
partie, parce quil entretient un lien avec elle, sans forcment en retirer, par ailleurs,
un bnfice particulier.
551. Dans certains cas, la neutralit dun membre de la juridiction peut tre mise en
doute, en raison de lexistence de liens, plus ou moins directs, avec une partie au
procs. Cette situation, qui se diffrencie du cas prcdent, dans la mesure o il ny a
pas ici de conflits dintrts, recouvre gnralement les hypothse de rcusation,
prvues par les dispositions normatives. Nanmoins, ni dans la situation de liens
personnels, entre le btonnier et les avocats, justiciables du conseil de discipline de la
profession (A), ni dans le cas des liens syndicaux, entre lassesseur du tribunal de
scurit sociale et les parties, le Conseil constitutionnel na cru bon de soulever
doffice, le grief datteinte au principe dimpartialit personnelle (B). On peut le
dplorer car cela lui aurait permis de se pencher sur des structures juridictionnelles,
ne prsentant pas toutes les garanties ncessaires la conduite dune procdure
quitable.
552. La composition du conseil de discipline des avocats, dont les membres sont
dsigns par le conseil de l'ordre, sous la prsidence du btonnier en exercice, luimme autorit de poursuite, pose ncessairement question sur limpartialit de la
juridiction disciplinaire. Cependant, le lien tabli, entre les fonctions de
dclenchement de linstance disciplinaire et celles de jugement, na pas paru
326
553. Bien plus que linterrogation, portant sur l'indpendance des membres de
l'organe disciplinaire l'gard du btonnier, la source du problme rside plutt,
dans une question dimpartialit personnelle de la juridiction disciplinaire. En effet,
linconvnient majeur de lorganisation procdurale de sanction des avocats se situe
dans le fait de confier la fonction de poursuite au btonnier, alors que ses attributions
au sein du conseil de l'ordre du barreau limpliquent ncessairement, trois titres
diffrents, auprs des avocats justiciables de la juridiction disciplinaire.
1255
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1257
1258
1259
1260
Lexistence du procs
327
entame des poursuites disciplinaires, lencontre de son confrre, qui aurait manqu
au respect de ces rgles ? Cela semble dautant plus contraire au droit positif, que la
Cour de cassation a jug1261, au nom de limpartialit et propos de la juridiction
prudhomale1262, que le conseiller ne peut assister un salari, devant le conseil auquel
il appartient, mme si la Haute juridiction judiciaire a, par la suite, circonscrit cette
interdiction, en prcisant quelle ne stendait pas aux autres conseils de
prudhommes de la mme cour dappel1263.
556. En troisime lieu, selon les termes mmes de larticle 21, alina 2, de la loi du 31
dcembre 1971 prcit, [...] Il prvient ou concilie les diffrends d'ordre professionnel
entre les membres du barreau. Tout diffrend entre avocats l'occasion de leur exercice
professionnel est, en l'absence de conciliation, soumis l'arbitrage du btonnier [...] . Cest,
sans doute, cette fonction qui entre le plus en conflit avec sa qualit dautorit de
poursuite. En effet, depuis la rforme de la profession d'avocat, opre par la loi du
31 dcembre 19901264 et son dcret d'application du 27 novembre 19911265, il est
dsormais comptent pour trancher, en premier ressort, les rclamations portant sur
les honoraires des avocats1266, ainsi que les litiges lis un contrat de travail
salari1267. Sil semble plutt naturel, au regard de lautorit qu'il exerce sur les
avocats, que le lgislateur lui ait attribu ces contentieux, il nen demeure pas moins,
que ces litiges tant souvent lis des procdures pour manquements
dontologiques, ses prrogatives juridictionnelles entrent ici en conflit avec sa
fonction de poursuite disciplinaire.
1261
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1264
1265
1266
1267
Cass. Soc., 3 juillet 2001, pourvoi n 99-42735, Bull. civ., 2001, V, n 247, p. 196.
Sur la question, GRUMBACH T. et KELLER M., Sur limpartialit de la juridiction prudhomale
...encore ? , Dr. soc., 2006, p. 52.
Cass. Soc., 10 janvier 2012, pourvoi n 10-28027, Bull. civ., 2012, V, n 3.
Loi n 90-1259 du 31 dcembre 1990 portant rforme de certaines professions judiciaires et
juridiques, JO, 5 janvier 1991, p. 519.
Dcret n 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, JO, 28 novembre 1991,
p. 15502.
Idem, articles 175 et s.
Article 7 de la loi n 71-1130 du 31 dcembre 1971 prc.
328
557. Il est regrettable que le juge constitutionnel ne se soit pas saisi de ces questions,
qui ntaient, certes, pas explicitement poses par la requrante. Tout au plus, le
commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, signale-t-il le risque de
partialit ponctuelle dun juge lgard du btonnier1268. Pourtant, cette confusion
entre les organes de gestion de la profession d'avocats et les autorits comptentes en
matire disciplinaire pose de rels problmes dimpartialit personnelle. Alors que le
droit franais a considrablement renforc la dontologie de cette profession, il
semble difficile de maintenir ce mlange des genres.
559. Le tribunal des affaires de scurit sociale est une juridiction civile spcialise,
comptente pour trancher les litiges, relevant du contentieux gnral de la scurit
sociale, cest dire naissant loccasion dune obligation de cotisation, ou dun droit
1268
1269
[...] dans une affaire particulire, la question de la partialit dun juge disciplinaire lgard du btonnier
est susceptible de se poser au regard des liens qui les unissent [...] .
Selon les termes de larticle 6 de lOrdonnance n 45-2591 du 2 novembre 1945 relative au statut
des avous, JO, 3 novembre 1945, p. 7161, lautorit de poursuite disciplinaire tait confie la
chambre dpartementale.
Lexistence du procs
329
560. Cest ce point particulier qui pose problme et qui est lorigine de la question
prioritaire de constitutionnalit1273, souleve par le requrant. Ce dernier reproche au
mode de dsignation des assesseurs, de porter atteinte au principe d'gal accs aux
emplois publics. Dans une dmonstration fort peu convaincante, le Conseil
constitutionnel rpond que les organisations professionnelles se contentent de
proposer des candidats et nont pas le pouvoir de choisir elles-mmes les
assesseurs1274. La Haute juridiction en conclut que les salaris ont les mmes chances
dtre dsigns, quils soient syndiqus ou quils ne le soient pas, la disposition
litigieuse ne crant pas de diffrence de traitement entre les deux catgories.
1270
1271
1272
1273
1274
1275
330
positions doctrinales sur la question1276 : les syndicats sont supposs reprsenter tous
les travailleurs salaris ou indpendants et non, les seuls membres de leur
organisation. Mais il faudrait, tout de mme, faire preuve dune navet certaine,
pour ne pas douter que les organisations professionnelles les plus reprsentatives,
fassent prvaloir leurs intrts partisans, en privilgiant des candidats issus de leurs
rangs.
563. La passivit du Conseil dans cette dcision suscite immdiatement une crainte
lgitime : ny a t-il pas un risque de partialit personnelle, selon que le justiciable soit
syndiqu ou pas, amplifi quand il appartient la mme organisation quun des
1276
1277
1278
SAVATIER J. , La notion de reprsentativit des syndicats en droit franais , Les Cahiers de droit,
vol. 9, n 3, 1968, p. 435.
Article 6 du prambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : Tout homme peut dfendre ses droits
et ses intrts par l'action syndicale et adhrer au syndicat de son choix .
Dcision n 83-162 DC du 20 juillet 1983, Loi relative la dmocratisation du secteur public, JO, 22
juillet 1983, p. 2267, Cons. 85 : [...] la disposition critique ne saurait permettre que soit impos en droit
ou en fait, directement ou indirectement, l'adhsion ou le maintien de l'adhsion des salaris d'une
entreprise une organisation syndicale [...] .
Lexistence du procs
331
1279
1280
Il (Le tribunal des affaires de scurit sociale) comprend, en outre, un assesseur reprsentant les
travailleurs salaris et un assesseur reprsentant les employeurs et travailleurs indpendants .
C.E.D.H., 1er octobre 1982, Piersack C./Belgique prc., 30.
332
impartialit.
Et
ce
ne
sont
certainement
pas
les
garanties
mentionnes
prcdemment, qui sont suffisantes pour exclure cet gard tout doute lgitime1281 .
565. En conclusion, il est possible daffirmer que limpartialit du juge est une qualit
consubstantielle lide mme de rgle de droit. Parce quil permet cette dernire
de produire ses effets, le juge doit garder ses distances 1282 lgard des lments
constitutifs du procs. Cest la raison pour laquelle, comme lcrit le professeur Rene
KOERING-JOULIN, l'ide d'un juge partial, dj trs choquante en matire de divorce ou
de responsabilit civile par exemple, devient carrment insupportable en matire pnale 1283 .
Assurment, le Conseil constitutionnel partage ce point de vue, tant sa jurisprudence
uvre dans le sens dun approfondissement de la neutralit du juge, mme si la
juxtaposition des deux substantifs peut sapparenter un oxymore1284. Cependant, les
prconisations du juge constitutionnel nont pas la mme intensit, selon la facette de
limpartialit laquelle une atteinte a t porte. Efficace face un cumul de
fonctions judiciaires, qui rend, quasi mcaniquement, la juridiction partiale, le contrle
constitutionnel abstrait est plus permable, quand il sagit de protger limpartialit
personnelle du juge. Toutefois, la volont du Conseil nest pas en cause, tant sa
politique jurisprudentielle tmoigne de ce souci dassurer le respect de la rgle de
droit, grce lintervention dun juge, mis labri des prjugements par une
organisation juridictionnelle rationnelle et prserv des prjugs1285, par des
mcanismes de mise lcart de la procdure juridictionnelle, quand les
circonstances limposent.
1281
1282
1283
1284
1285
Ibidem.
COMMARET D.-N., Une juste distance ou rflexions sur l'impartialit du magistrat , D, 1998,
p. 262.
KOERING-JOULIN R., La notion europenne de tribunal indpendant et impartial au sens de
l'article 6 par. 1 de la Convention europenne de sauvegarde des droits de l'homme , R.S.C., 1990,
p. 765.
FONTBRESSIN (de) P., La neutralit du juge , op. cit., p. 79.
La juxtaposition des deux expressions prjugement et prjug , proches phontiquement,
tout en nayant pas exactement la mme signification, provient du professeur Serge GUINCHARD,
dans son rpertoire sur le droit au procs quitable chez Dalloz, 2011, Titre 2, Chapitre 1, Section 3,
Art. 2.
Lexistence du procs
333
CONCLUSION DU TITRE 2
568. Dans une moindre mesure, laction du juge constitutionnel sest aussi oriente
vers la juridiction administrative, absente du texte du 4 octobre 1958, dont il a fallu
reconnatre lexistence constitutionnelle et affirmer lindpendance organique.
cette fin, le Conseil constitutionnel a d prserver le juge administratif des
immixtions du pouvoir lgislatif, tout en lui reconnaissant une comptence
1286
1287
GRAFFIN T., Le statut des magistrats devant le Conseil constitutionnel : une dfense discutable
de l'unit du corps judiciaire au profit d'une exigence forte d'indpendance des magistrats ,
op. cit., p. 831.
RENOUX T., Le statut constitutionnel des juges du sige et du parquet , op. cit., p. 221.
334
juridictionnelle minimale, afin de limiter les empitements du juge judiciaire sur ses
prrogatives.
Lexistence du procs
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La qualit du procs
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Le professeur Emmanuel JEULAND, par exemple, les qualifie ainsi parce quils sappliquent avant
tout lorganisation juridictionnelle : Droit processuel Une science de la reconstruction des liens de droit,
2e d., L.G.D.J., Coll. Manuels, Paris, 2007, p. 176.
1291 Ibidem.
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577. Les droits des parties au procs sarticulent autour de deux principes
fondamentaux. Le premier, la prsomption dinnocence, ne bnficie quau seul
justiciable susceptible de se voir infliger une sanction punitive, alors que le second,
les droits de la dfense, sapplique toute instance contentieuse.
579. Le principe du respect des droits de la dfense, mme sil est toujours teint
dune coloration pnaliste prononce1292, dborde aussi largement des frontires du
droit rpressif. Dsignant les prrogatives accordes aux parties pour protger leurs
intrts dans toute instance contentieuse, les droits de la dfense recouvrent
principalement, dans la jurisprudence constitutionnelle, deux garanties spcifiques :
le droit une procdure juste et quitable et le droit lassistance dun avocat
(Chapitre 2).
CADIET L., NORMAND J. et AMRANI MEKKI S., Thorie gnrale du procs, P.U.F., Coll. Thmis,
Paris, 2010, p. 627.
1292
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341
580. La prsomption dinnocence est le principe le plus souvent inscrit dans les
dispositions de droit interne et ce, diffrents niveaux de ldifice normatif1293. La
Dclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789 dabord, dispose dans son
article 9 que Tout homme tant prsum innocent jusqu ce quil ait t dclar coupable,
sil est jug indispensable de larrter, toute rigueur qui ne serait pas ncessaire pour
sassurer de sa personne doit tre svrement rprime par la loi.1294 . Larticle 9-1 du Code
civil1295, ensuite, apparu en 19931296, affirme le droit de chacun au respect de sa
prsomption dinnocence. Enfin, larticle prliminaire du Code de procdure pnale,
introduit par la loi du 15 juin 20001297, proclame dans son troisime alina que Toute
personne suspecte ou poursuivie est prsume innocente tant que sa culpabilit na pas t
tablie. Les atteintes sa prsomption dinnocence sont prvenues, rpares et rprimes dans
les conditions prvues par la loi. Sa valeur constitutionnelle rsulte, quant elle, de la
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342
582. Pourtant, malgr ces affirmations fortes, graves dans trois corpus normatifs (cas
unique en Europe, mme si la plupart des tats voisins ont inscrit le principe dans
leur norme suprme1299) combien symboliques de notre tradition juridique et de
notre attachement la protection des droits fondamentaux, certains auteurs
remettent en cause leffectivit relle de la protection de la prsomption dinnocence
dans lordre juridictionnel franais. Le professeur Claude LOMBOIS1300, par exemple,
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583. Mme si tel nest pas notre point de vue, cette opinion de Claude LOMBOIS, loin
dtre dissidente ou spare1302, trouve peut-tre son origine dans la jeunesse de ce
principe en droit franais1303. En effet, la prsomption dinnocence est relativement
rcente dans lhistoire judiciaire de notre pays, puisque sa traduction, dans les
dispositions normatives, ne remonte gure quau sicle des Lumires. Auparavant,
sous lempire de lOrdonnance royale de COLBERT de 1670, qui tient lieu de Code
de procdure pnale de lAncien Rgime, la prservation de lordre social par la
recherche des auteurs dinfractions et leur svre rpression priment sans rserve sur
la protection des droits individuels de la personne, rduits la portion congrue.
Lavocat, considr comme une entrave dans la recherche de la vrit, nassiste pas
son client (lequel est plac sur la sellette, en position physique dinfriorit par
rapport aux autres acteurs du procs) face aux questions du juge, lequel na, par
ailleurs, pas motiver ses dcisions.
1303
1304
Si lon vous dit que cest un Grand Principe, nallez pas le croire, ou pas trop vite , Ibidem.
Le prsident Robert BADINTER relate par exemple quun professeur anglo-saxon lui avait confi
quil enseignait ses tudiants quen droit franais, on tait prsum coupable jusqu preuve de son
innocence , BADINTER R., La prsomption dinnocence, Histoire et Modernit , Le droit priv
franais la fin du XXe sicle, Etudes offertes Pierre Catala, Litec, Paris, 2001, p. 133.
Les premires illustrations tangibles de la prsomption dinnocence remontent toutefois au Digeste
de Justinien.
Son Trait sur la tolrance publi en 1763 comporte de nombreuses dnonciations de
lordonnance criminelle quil considre comme ntant dirige qu la perte des accuss et dans
laquelle linnocent na nulle consolation esprer .
344
585. Ces dnonciations, autant philosophiques que juridiques, finiront par trouver un
cho dans lopinion publique et dans la lgislation royale de la fin de rgne de Louis
XVI. Ainsi, pour la premire fois, le 30 aot 1780, dans une dclaration annonant
une rforme profonde des conditions carcrales, le monarque pose les fondements de
la prsomption dinnocence au dtour de sa conception de la dtention prventive.
Louis XVI y affirme en substance, quun homme dclar innocent par un tribunal, ne
doit pas avoir subi auparavant des conditions dincarcration dune rigueur telle,
quelles seraient en soi, constitutives dune punition. Sensuivra une succession de
rformes audacieuses et novatrices, toutes diriges vers lobjectif dadoucissement et
dhumanisation de la procdure pnale. Citons ldit du 1er mai 17881306, vritable acte
abrogatoire de lordonnance criminelle colbertienne, pris linitiative du garde des
Sceaux LAMOIGNON, qui supprime tous les traitements considrs comme
avilissants pour la personne humaine, tels que la question pralable1307 ou lexcution
immdiate des condamns la peine de mort1308.
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Dans le Trait Des dlits et des peines dit en 1764, le grand juriste italien crit notamment
quun homme ne peut tre considr comme coupable avant la sentence du juge .
Comme dautres rformes importantes, les parlements refuseront toutefois dentriner cet dit,
obligeant le Roi tenir un lit de justice afin de limposer le 8 mai 1788.
La question pralable tait une pratique judiciaire consistant torturer les condamns afin
dobtenir les noms de leurs complices. La question prparatoire, cest--dire la torture, quon
faisait subir aux inculps pour leur arracher des aveux, avait t abolie auparavant en 1780.
Ce qui leur permettait dexercer un recours en grce auprs du Roi.
Adrien, Jean-Franois DUPORT, Dput en 1789, n Paris le 5 fvrier 1759, mort Appenzell (Suisse)
le 15 aot 1798, tait, sous l'ancien rgime, conseiller au parlement en la chambre des enqutes. Il se trouvait
l'un des plus jeunes magistrats de sa compagnie, lors de la lutte qui, en 1787 et 88, s'tablit entre la
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magistrature et les ministres Calonne et Brienne, et il fut l'un de ceux qui s'y firent le plus remarquer ,
Extrait de la biographie, Site internet de lAssemble nationale, Base de donnes des dputs
franais depuis 1789 : http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=12256, consult
le 14 dcembre 2012.
Dans cette dclaration, Louis XVI affirmait ne plus vouloir risquer que des hommes accuss ou
souponns injustement et reconnus ensuite innocents par les tribunaux, aient essuy davance une punition
rigoureuse, par leur seule dtention dans des lieux tnbreux et malsains . Ce qui revient dire que la
prsomption dinnocence impose de placer un homme en dtention, dans la seule hypothse o il
est jug indispensable de sassurer de sa personne.
Assistance dun avocat, non seulement au cours du jugement, mais pendant tous les actes de
linstruction (article 10), adjonction de notables aux juges dans chaque ville (article 11),
comparution des accuss devant le juge dans les vingt-quatre heures, publicit des audiences
(article 21).
346
588. Renforce de manire rgulire et progressive sur un peu plus dun sicle, la
prsomption dinnocence subit un svre coup darrt avec le Code napolonien
dinstruction criminelle de 1808. Malmene au stade de linstruction1312, durant
laquelle la personne souponne davoir commis linfraction se dfend seule, sans
lassistance dun conseil1313, elle ne dploie gure ses effets, dans toute leur plnitude,
quau stade de laudience publique.
589. Il faudra attendre 18971314 pour revenir la situation pose par la loi des 25
septembre-6 octobre 1791, savoir lassistance dun conseil juridique, pendant tous
les actes de linstruction, non sans protestation dailleurs, lavocat tant peru comme
un obstacle dans la recherche de la vrit et cette loi, comme la manifestation dune
dfiance intolrable lgard du juge, suppos ninstruire qu charge. Cette
disposition a longtemps t la dernire modification majeure survenue en matire de
renforcement de la prsomption dinnocence (par le biais de lamlioration du
traitement des prsums innocents), dans le cadre mme de la procdure pnale,
jusqu lintervention du lgislateur en 20111315, pour permettre la prsence de
lavocat ds le dbut de la garde vue. contrario, nombre de dispositifs rpressifs
apparus ces trente dernires annes, sous le contrle du juge constitutionnel, peuvent
heurter frontalement le principe de la prsomption dinnocence.
1313
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La dtention prventive est la rgle, la libert, lexception et pas seulement en matire dinfraction
criminelle, linstruction retrouve lopacit qui prvalait avant le texte de 1791.
KRYNEN J., Lemprise contemporaine des juges, op. cit., p. 53.
Loi ayant pour objet de modifier certaines rgles de l'instruction pralable en matiere de crimes et
de dlits dite Constans du 8 dcembre 1897, JO, 10 dcembre 1897, p. 6907.
Loi n 2011-392 du 14 avril 2011 prc.
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Section 1
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598. Cependant, si la disposition contrle na pas t qualifie ainsi par les autorits
publiques, le juge constitutionnel poussera plus loin son examen afin didentifier
lobjectif quelle recherche. Si le but poursuivi consiste punir lauteur du
comportement mis en cause, il conclura que la sanction revt le caractre dune
punition et la rangera dans la catgorie des sanctions punitives, afin que son
destinataire bnficie de la protection constitutionnelle applicable aux sanctions
pnales.
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pas t rpercuts sur lacheteur. Le Conseil estima alors que lobjectif poursuivi
ntait pas de punir le contribuable, mais simplement de rtablir la lgalit. Il ny
avait donc pas lieu de rattacher cette disposition au domaine pnal et par
consquent, le principe de non rtroactivit de la loi pnale plus svre ne trouvait
pas sappliquer ici1322.
600. En deuxime lieu, dans le cas contraire, quand la mesure litigieuse ne vise aucun
objectif punitif, mais comporte un simple caractre recognitif, elle ne peut tre
assimile une sanction ayant le caractre de punition, ce qui lexclut du champ
dapplication de la prsomption dinnocence. Le Conseil a t rcemment confront
ce cas de figure, dans le cadre dune question prioritaire de constitutionnalit relative
au retrait dagrment des assistants maternels1323. La disposition conteste, introduite
larticle L773-20 du Code du travail1324 par la loi du 27 juin 2005, permet le retrait
dagrment des assistants maternels1325, en raison de dangers potentiels pour lenfant
accueilli. Lemployeur est alors contraint de procder au licenciement de lassistant
maternel dont lagrment a t retir. La requrante voyait dans cette consquence
inluctable, une sanction automatique qui mconnatrait le principe de la
prsomption dinnocence.
601. Sil ne fait aucun doute, que le retrait dagrment est bien une sanction
administrative ayant un caractre punitif, ne serait-ce que parce quil peut faire
lobjet dune action juridictionnelle devant le juge administratif, dans le cadre dun
recours pour excs de pouvoir ou dun rfr-suspension, il en va tout autrement de
la mesure de licenciement qui sensuit. Priv de son autorisation administrative, il
manque lassistant maternel la condition essentielle la poursuite de son activit
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602. La Cour europenne adopte une dmarche tout fait comparable. En effet, si la
mesure vise punir pour empcher la ritration dagissements semblables 1327, cest un
des indices essentiels quil sagit bien dune sanction, relevant du champ matriel
autonome des accusations en matire pnale. ltude de la jurisprudence de la
Cour, il apparat dailleurs que ce critre est le seul vraiment dcisif pour dterminer
quune sanction relve de la matire pnale.
603. En troisime lieu, aprs celui de la nature formelle de la sanction, donne par la
qualification juridique et celui de lobjectif vis par la mesure (punir un
comportement social inadapt), M. Jrme FARINA-CUSSAC identifie un autre
critre qui semble plus contestable : celui de la svrit de la sanction. En effet, sil est
indniable que la rigueur excessive dune mesure (apprcie gnralement par le
dcalage entre le comportement reproch et lintensit du dispositif lgislatif suppos
y remdier), peut tre la cause de son inconstitutionnalit, au regard du principe de
proportionnalit, il ne semble pas quelle permette en soi de ranger cette disposition
dans la catgorie des sanctions punitives. ce titre, lexemple choisi par Jrme
FARINA-CUSSAC est assez significatif et par l mme, gure probant pour illustrer
son point de vue.
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quant
eux,
que
le
dispositif
lgislatif
heurtait
lexigence
605. Aprs avoir rappel les dispositions constitutionnelles applicables aux peines
prononces par les juridictions rpressives, tendues lensemble des sanctions
ayant le caractre dune punition, y compris celles manant des autorits
administratives, le juge constitutionnel censura la mesure dinterdiction du territoire,
conscutive la reconduite la frontire, en raison de son automaticit et de son
excessive svrit1332, contraires aux exigences de larticle 8 de la Dclaration
rvolutionnaire de 1789.
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Loi n 93-1027 du 24 aot 1993 relative la matrise de l'immigration et aux conditions d'entre,
d'accueil et de sjour des trangers en France, JO, 29 aot 1993, p. 12196.
Dcision n 93-325 DC du 13 aot 1993 prc.
Texte de la saisine disponible sur le site du Conseil constitutionnel : http://www.conseilconstitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis1959/1993/93-325-dc/saisine-par-60-senateurs.103159.html, consult le 15 janvier 2013.
Texte de la saisine disponible sur le site du Conseil constitutionnel : http://www.conseilconstitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis1959/1993/93-325-dc/saisine-par-60-deputes.103158.html, consult le 15 janvier 2013.
Dcision n 93-325 DC du 13 aot 1993 prc., Cons. 49 : [...] sans gard la gravit du comportement
ayant motiv cet arrt (de reconduite la frontire), sans possibilit den dispenser lintress ni mme den
faire varier la dure [...] .
354
606. La svrit (ainsi que le caractre automatique de la mesure) est, sans conteste, la
cause de son inconstitutionnalit : larticle 8 de la D.D.H.C. exige un rapport de
ncessit entre linfraction commise et la sanction, qui nest pas respecte ici, do la
censure juridictionnelle. Mais dans le cas prsent, lexcessive rigueur de la
disposition nest pas le critre de son appartenance la catgorie des mesures ayant
le caractre dune punition. Cest le but recherch par la disposition annule, qui la
rattache cette famille juridique. Linterdiction du territoire, qui fait suite larrt
de reconduite la frontire, est une mesure de coercition, destine punir celui dont
le comportement illicite et la situation irrgulire ont ncessit lviction
administrative du pays. Et cest bien ce caractre qui provoque son appartenance la
catgorie des sanctions punitives, pas lexcessive svrit lorigine de son
inconstitutionnalit.
1333
LABAYLE H., Le droit des trangers au regroupement familial, regards croiss du droit interne
et du droit europen , R.F.D.A., 2007, p. 101.
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609. Le critre de distinction entre une sanction punitive et une mesure nayant pas
ce caractre, rside dans lobjectif vis par la disposition. Cette jurisprudence a t
initie en 19801334, quand le Conseil a d examiner la constitutionnalit de dcisions
dexpulsion, qui sont des mesures de police auxquelles sont assigns des objectifs diffrents
de ceux de la rpression pnale1335 . Le propos est sans ambigut : le but recherch par
toute politique rpressive tant de lutter contre la dlinquance par la sanction des
auteurs dinfractions, linverse, lobjectif dune mesure de police ne revt donc pas
dintention punitive.
610. Cette affirmation sera doublement confirme en 1993, dans la dcision sur la loi
relative la matrise de limmigration, prcdemment cite1336. trois considrants
dcart, les dcisions dexpulsion qui constituent des mesures de police 1337 sont
qualifies quelques lignes plus loin de mesures de police administrative1338 . Une telle
rptition nest ici nullement fortuite, elle relve la fois de lart de la persuasion et
de la science de la pdagogie. En effet, taient en cause ici deux dispositions
lgislatives, lune modifiant les cas prvus par lordonnance du 2 novembre 1945,
dans lesquels un tranger ne peut faire lobjet dun arrt dexpulsion, lautre posant
les conditions autorisant lexpulsion en cas durgence, ou dimprieuse ncessit. Les
auteurs de la saisine voyaient, dans larrt dexpulsion, une sanction lencontre du
destinataire, alors mme que le lgislateur la qualifiait de mesure de police
administrative, au regard de lobjectif de prvention de la scurit publique.
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612. La dmarche de la Cour europenne des droits de lhomme est fort diffrente,
elle nhsite pas requalifier les dispositifs litigieux, soumis son contrle, quand
elle considre que le lgislateur interne a commis une erreur dapprciation. Elle
considre que ce critre nest quun indice, cest un simple point de dpart et
lindication quil fournit na quune valeur formelle et relative 1340, puisque la Cour ne
sestime pas lie par les qualifications nationales. Son opration de requalification
intervient le plus souvent dans un sens favorable lapplication de larticle 6 de la
Convention1341. Ainsi, dans laffaire Jamil c/ France1342, elle classa dans la catgorie des
peines, une mesure de contrainte par corps, au regard du but recherch et surtout du
rgime correspondant1343.
613. Les exemples similaires sont assez nombreux dans la jurisprudence de la Cour
europenne. Lors de laffaire Malige c/ France1344, le retrait de points du permis de
conduire tait qualifi de mesure de police administrative par les autorits franaises.
La Cour requalifia la disposition en accusation en matire pnale , au regard des
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C.E.D.H., 9 fvrier 1995, Welch c/ Royaume Uni, requte n 17440/90, srie A, n 307. Ces critres
sont : sanction prononce suite une condamnation par un juge pnal et svrit de la sanction.
Dcision n 93-325 DC du 13 aot 1993 prc.
LAZERGES C., La question prioritaire de constitutionnalit devant le Conseil constitutionnel en
droit pnal : entre audace et prudence , op. cit., p. 193.
358
616. Le malaise de la Haute juridiction est tout de mme perceptible dans la rserve
dinterprtation qui accompagne la dcision de conformit. Les personnes passibles
de poursuites, au sens de larticle 75 de la loi dfre, sont les seuls trangers ayant
commis les faits qui les exposent lune des condamnations prvues par les dispositions du
code pnal auxquelles renvoie larticle 75 de la loi dfre1352 . La prcision ajoute par le
Conseil constitutionnel, suppose limiter la porte de la disposition et viter les
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617. Ici, une fois encore, mme si elle pouse (et respecte) celle du lgislateur, la
qualification que le juge donne la disposition litigieuse est motive par lobjectif
quelle vise. Le retrait de la carte de sjour dun tranger passible de poursuites
pnales est considre, par la Haute juridiction, comme une mesure de police en
raison de ses vertus prventives, dans la mesure o les infractions vises sont toutes
susceptibles de porter un prjudice grave lordre public.
618. Un autre critre, qui ne parat pas dterminant, mais qui permet daffiner les
classifications du Conseil constitutionnel, fait dfaut dans le cas prsent : le caractre
intuitu personae de la mesure. La disposition conteste est une mesure impersonnelle
de police, qui sapplique indiffremment, tous les trangers ayant commis les faits
les exposant lune des condamnations, auxquelles renvoie larticle examin. La
Haute juridiction semble en effet plutt rticente, voir une sanction punitive, dans
une dcision qui nest pas directement prise en considration de la personne. Ctait
1353
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LAZERGES C. et ROUSSEAU D., chron., Dcis. Cons. const. n 2003-467 DC, R.D.P., 2003, p. 1147.
LAZERGES C., Le rle du Conseil constitutionnel en matire de politique criminelle , Cahiers du
Conseil constitutionnel, 2009, n 26, p. 34.
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dj un lment qui faisait dfaut aux mesures dexpulsion vises par la dcision
Loi relative la prvention de limmigration clandestine de 19801355.
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621. Consacre ds 19811357, mais sans prcision sur le fondement, puis rattache
larticle 9 de la Dclaration rvolutionnaire de 1789 huit ans plus tard1358, la
prsomption dinnocence est un principe cardinal de la procdure pnale
franaise1359. ce titre, lextension de son application lensemble des mesures
punitives fut loin daller de soi, linstar des hsitations de la Commission
europenne des droits de lhomme, en grande partie dues une rdaction restrictive
de larticle 6, paragraphe 2 de la Convention1360. Dans laffaire Eggs c/ Suisse1361, la
Commission estime que les stipulations de cet article ne sont pas applicables en
lespce, dans la mesure o la sanction inflige au requrant1362 ne relevait pas de la
matire pnale.
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624. Larticle 158 de la loi litigieuse, insre dans larticle premier de la loi n 89-462 du
6 juillet 1989, tendant amliorer les rapports locatifs, deux alinas. Le premier pose
le principe de linterdiction de refus de location dun logement, en raison de motifs
discriminants illicites1367. Le second, fixant le cadre procdural du litige, mrite dtre
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Idem, Cons. 6.
Dcision n 2001-455 DC du 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale, JO, 18 janvier 2002, p. 1053.
Lorigine, le patronyme, lapparence physique, le sexe, la situation de famille, ltat de sant, le
handicap, les murs, lorientation sexuelle, les opinions politiques, les activits syndicales ou
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cit dans son intgralit : En cas de litige relatif lapplication de lalina prcdent, la
personne stant vu refuser la location dun logement prsente des lments de fait laissant
supposer lexistence dune discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces lments, il
incombe la partie dfenderesse de prouver que sa dcision est justifie. Le juge forme sa
conviction aprs avoir ordonn, en cas de besoin, toutes les mesures dinstruction quil estime
utiles .
1368
1369
lappartenance ou la non-appartenance vraie ou suppose une ethnie, une nation, une race ou
une religion dtermine.
AT-OUARET, A., La prsomption d'innocence et la preuve pnale, Mmoire de DEA. dactyl.,
Bordeaux IV, 2004.
Dcision n 88-248 DC du 17 janvier 1989 prc.
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1374
1375
1376
GENEVOIS B., note, Dcis. Cons. const. n 88-248 DC du 17 janvier 1989, R.F.D.A., 1989, p. 215.
Dcision n 97-389 DC du 22 avril 1997 prc.
MODERNE F., Sanctions administratives et protection des liberts individuelles au regard de la
Convention europenne des droits de lhomme , L.P.A., 1990, n 8, p. 15 ; DUBRULLE J.-B., La
difficile conciliation de l'article 6 de la C.E.D.H. avec le pouvoir de sanction des autorits
administratives indpendantes , op. cit., p. 14.
Le domaine dapplication des sanctions administratives sera encore limit en 2009, lors de la
dcision n 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la cration sur
internet, JO, 23 juin 2009, p. 10248, en excluant les sanctions dont lobjet est de restreindre lexercice
de la libert de communication et dexpression.
Dcision n 97-389 DC du 22 avril 1997 prc., Cons. 30.
Cf supra n 623 et s.
Dcision n 2003-467 DC du 13 mars 2003 prc.
La qualit du procs
365
628. Cette dcision est tout fait intressante et ce, double titre, la fois sur
lapplicabilit du principe de la prsomption dinnocence et sur le fond de la
solution. En premier lieu, le juge constitutionnel ne rejette pas le moyen invoqu
comme inoprant ou manquant en fait, car inapplicable en lespce, au regard de la
nature de la mesure laquelle il manquerait le caractre punitif ncessaire. Il sagit
donc bien dune sanction, mise en uvre par une autorit administrative de ltat,
tout au moins en ce qui concerne lenregistrement des donnes nominatives. Le
critre punitif ne semble pourtant gure vident, ce qui nest pas le cas de la
considration personnelle qui a prsid la dcision. La prsomption dinnocence
trouve donc sappliquer dans le cadre dune dcision administrative, donc dans
une procdure extra-juridictionnelle et par consquent, en dehors de la sphre pnale
au sens strict. Cest l le principal enseignement de cette solution.
629. En second lieu, sur le fond de la dcision cette fois, il est intressant dobserver
que la Haute juridiction valide le dispositif, uniquement sous rserve de ncessits
dordre public apprcies par lautorit judiciaire 1377, justifiant la conservation des
donnes nominatives et personnelles. Eu gard cette rserve constructive et au
droit daccs et de rectification des donnes, au bnfice de chaque personne inscrite
dans le fichier et dont les conditions sont fixes par larticle 39 de la loi relative
1377
366
630. En conclusion, loin dtre une nouvelle brche dans le respect d la prsomption
dinnocence , comme lcrivent Christine LAZERGES et Dominique ROUSSEAU1379, il
sagit tout au contraire, dune progression du domaine dapplication du grand
principe processuel. Si les compensations apportes par la rserve dinterprtation
du Conseil constitutionnel et par la loi de 1978 paraissent insuffisantes aux yeux des
auteurs prcdemment cits, linscription et la conservation de donnes personnelles
informatises, auraient pu tre considres comme intervenant en dehors du
domaine rpressif et rendre ainsi inoprant le grief invoqu. Quil soit permis de
partager plutt le point de vue de Thierry RENOUX, qui signale que le juge
constitutionnel retient une conception plus souple [...] de la prsomption dinnocence, en
dehors de tout procs et de toute accusation1380 .
1378
1379
1380
1381
1382
Loi n 78-17 du 6 janvier 1978 relative l'informatique, aux fichiers et aux liberts, JO, 7 janvier
1978, p. 227.
LAZERGES C. et ROUSSEAU D., chron., Dcis. Cons. const. n 2003-467 DC, R.D.P., 2003, p. 1147.
RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, 4e d., Litec, Coll. Codes bleus, Paris, 2010,
p. 148.
Dcision n 99-424 DC du 29 dcembre 1999 prc.
Idem, Cons. 54.
La qualit du procs
367
Cf infra n 666 et s.
368
dorientation1384, afin de guider le lgislateur dans son action future (1). Cest ensuite,
ldiction de mesures damnistie, mme si le grief dinconstitutionnalit parat moins
vident ici, ce qui conduit dailleurs la Haute juridiction une dcision de
conformit (2).
1384
1385
1386
Le terme est de Jean RIVERO, note, Filtrer le moustique et laisser passer le chameau , Dcis.
Cons. const. n 80-127 DC du 20 janvier 1981, A.J.D.A., 1981, p. 107.
MORANGE J., La Dclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen. (26 aot 1789), 4e d., P.U.F, Coll.
Que sais-je ?, Paris, 1995, p. 41.
Dcision n 93-326 DC du 11 aot 1993 prc.
La qualit du procs
369
637. Le contrle, opr par le Conseil constitutionnel pour examiner la rigueur des
mesures institues par le lgislateur, est un contrle approfondi, qui fait intervenir
trois paramtres principaux : la gradation des mesures en fonction de l'ge1387, la
gravit des faits reprochs et enfin, l'existence ventuelle d'antcdents judiciaires. Le
premier critre ncessite une apprciation pralable de la mesure, prise par le
lgislateur, sur lchelle de la svrit des dispositions applicables aux mineurs. Ici, le
caractre contraignant ou sanctionnateur ne fait gure de doute. Le juge en conclut
quune mesure de contrainte ne doit concerner que les enfants partir d'un ge
minimum et quen toutes hypothses, une mesure de garde vue ne peut sappliquer
un mineur de treize ans1388.Le deuxime critre, li la gravit des actes, influe sur
la facult de recourir des mesures de contrainte en fonction de la peine encourue.
Enfin, l'existence d'antcdents judiciaires constitue le fondement du principe de
prohibition des peines planchers, pour les mineurs sans condamnation pralable1389.
1387
1388
1389
1390
370
639. Le lgislateur a d tirer les consquences de cette dcision, en tenant compte des
griefs d'inconstitutionnalit. Il a mis en place une procdure approprie pour les
mineurs de moins de treize ans, avec un plancher de dix ans, utilisable titre
exceptionnel pour des crimes et dlits punis d'une peine d'emprisonnement de plus
de sept ans. Cette rtention, forme de garde vue pour jeunes mineurs, subordonne
un accord pralable et au contrle d'un magistrat1391, ne peut dpasser une dure
maximale de dix heures, renouvelable exceptionnellement une fois1392. Dfre au
Conseil1393, cette disposition a t dclare conforme au texte constitutionnel, les
garanties offertes par le dispositif, qui correspondaient prcisment aux directives
dorientation du juge constitutionnel, ayant emport la conviction de la Haute
juridiction.
640. Lamnistie, mot dorigine grecque, dont la racine tymologique renvoie lacte
de ne pas se souvenir , est dfinie juridiquement comme la mesure qui te
rtroactivement certains faits commis une priode dtermine leur caractre dlictueux
(ces faits tant rputs avoir t licites, mais non pas ne pas avoir eu lieu)1394 . Il sagit donc
dun instrument de conciliation sociale, dont le fondement est bien souvent
constitutionnel1395 mais qui reste une fiction juridique, se matrialisant dans un acte
normatif, qui expurge de leur illicit, des comportements rprhensibles
auparavant. En ce sens, elle se distingue de la grce prsidentielle, qui est une
mesure de clmence par laquelle le prsident de la Rpublique, en vertu du droit que lui
1391
1392
1393
1394
1395
Magistrat du ministre public ou juge d'instruction, tous deux spcialiss dans la protection de
l'enfance.
Loi n 94-89 du 1er fvrier 1994, JO, 2 fvrier 1994, p. 1803.
Dcision n 93-334 DC du 20 janvier 1994, Loi instituant une peine incompressible et relative au nouveau
code pnal et certaines dispositions de procdure pnale, JO, 26 janvier 1994, p. 1380.
CORNU G., Vocabulaire juridique, op. cit.
RUIZ-FABRI H., Les institutions de clmence (amnistie, grce, prescription) en droit
international et droit constitutionnel compar , Archives de politique criminelle, 2006, n 28, p. 237.
La qualit du procs
371
1398
1399
1400
Ibidem.
Sur lensemble de la question : DANET J., GRUNVALD S., HERZOG-EVANS M. et LE GALL Y.,
Prescription, amnistie et grce en France, Dalloz, Coll. Thmes & commentaires, Paris, 2008 ; ROCHEDAHAN J., L'amnistie en droit franais, Thse dactyl., Aix-Marseille III, 1994.
Dcision n 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, JO, 17 janvier 1982, p. 299, Cons. 39.
Cest ce que fit la loi damnistie n 95-884 du 3 aot 1995, JO, 6 aot 1995, p. 11804, qui habilite,
dans son article 13, le prsident de la Rpublique amnistier par dcret, une catgorie dtermine
de personnes, simplement poursuivies ou dj condamnes pour certaines infractions. On parle
dans ce cas de "grce amnistiante", que le dictionnaire CORNU dfinit comme la "grce accorde par
le prsident de la Rpublique dans les conditions spciales prvues par une loi damnistie et laquelle cette
loi attache par avance les effets de lamnistie".
Dcision n 88-244 DC du 20 juillet 1988 prc., Cons. 15 : Considrant ainsi que le lgislateur a pu,
sans mconnatre aucun principe non plus quaucune rgle de valeur constitutionnelle, tendre le champ
dapplication de la loi damnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles dans un but dapaisement
politique ou social .
372
644. Cest prcisment lamnistie avant jugement qui tait en cause dans la dcision
Loi portant amnistie de 19891401. Les auteurs de la saisine lui faisaient grief de
contrevenir la prsomption dinnocence, en empchant la personne mise en cause
de faire la preuve de son innocence. Selon eux, lamnistie agirait ici comme une
forme dtourne et insidieuse de prsomption de culpabilit irrfragable, en
prsumant coupables tous ceux quelle vise, sans leur donner les moyens dapporter
la preuve contraire. Le Conseil constitutionnel se contente de rpondre, de manire
pour le moins concise1402, que dans la mesure o lamnistie a pour effet dinterdire
des poursuites pnales, elle ne mconnat en rien le principe proclam par larticle 9 de la
Dclaration de 1789 selon lequel tout homme est prsum innocent jusqu ce quil ait t
dclar coupable1403 .
1401
1402
1403
La qualit du procs
373
646. Mais sur un plan sociologique, la requte parlementaire nest pas dnue de
fondements : bien souvent, une simple mise en examen rsonne dj comme une
forme de culpabilit partielle. En somme, pour lopinion publique, linculpation vaut
souvent culpabilit1406 . Cest sans doute la raison pour laquelle, la juridiction
constitutionnelle prend la peine de rajouter ce qui sapparente un motif
surabondant et maladroit : Considrant au surplus, quil ressort du renvoi fait par
larticle 5 de la loi dfre aux dispositions du chapitre IV de la loi n 88-828 du 20 juillet
1988, que lamnistie ne peut en aucun cas mettre obstacle ni la rhabilitation ni laction en
rvision devant toute juridiction comptente tendant faire tablir linnocence du
condamn1407 . En effet, la rvision est une procdure judiciaire qui vise une dcision
pnale dfinitive pouvant tre demande au bnfice de toute personne reconnue coupable
dun crime ou dun dlit1408 . La rhabilitation judiciaire est, quant elle, une cause
dextinction des peines, qui suppose une condamnation par un tribunal une peine
criminelle, correctionnelle ou contraventionnelle1409. En ce sens, toutes deux ne
concernent donc que les personnes lencontre desquelles un jugement de
condamnation a t prononc. Or, dans la dcision de 1989, seules les amnisties avant
1404
1405
1406
1407
1408
1409
Ces faits sont rputs licites, mais contrairement ce qucrit M. Claude FRANCK, obs., Dcis.
Cons. const. n 89-258 DC du 8 juillet 1989, J.C.P., 1990, II, 21409, ils ne sont pas rputs
inexistants : Loin dy porter atteinte, lamnistie en gnralise , au contraire, lapplication, en rputant
linexistence de certains faits rprhensible .
RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 154.
MAKOWIAK J., Lamnistie en question , R.D.P., 2008, p. 511.
Dcision n 89-258 DC du 8 juillet 1989 prc., Cons. 11.
Article n 622 du Code de procdure pnale.
Article n 782 du Code de procdure pnale.
374
648. Plus encore que le lgislateur sans doute, le juge en charge de lapplication des
rgles processuelles pourrait nuire la prsomption dinnocence. Cest pourquoi, le
Conseil constitutionnel a d mettre en uvre sa technique des rserves directives 1410,
afin dorienter les dcisions de celui-ci, dans un sens compatible avec le grand
principe issu de larticle 9 de la Dclaration de 1789.
Sur lensemble de la question : DI MANNO T., Le juge constitutionnel et la technique des dcisions
interprtatives en France et en Italie, op. cit. ; DISANT M., L'autorit de la chose interprte par le Conseil
constitutionnel, op. cit. ; VIALA A., Les rserves d'interprtation dans la jurisprudence du Conseil
constitutionnel, op. cit.
La qualit du procs
375
rserves directives, pour indiquer au juge les choix les plus respectueux de la
prsomption dinnocence.
650. La dtention provisoire1411 est une mesure grave, probablement mme la plus
attentatoire de toutes la prsomption dinnocence, puisquil sagit dune privation
de libert qui consiste incarcrer une personne mise en examen, mais dont la
culpabilit na pas encore t tablie par un jugement dfinitif. En ce sens, elle heurte
incontestablement la prsomption dinnocence, dautant que cest bien sous cet angle
explicatif au regard de la dtention avant jugement, que celle-ci est prsente dans
larticle 9 de la Dclaration de 17891412. Cependant, cest une modalit qui a son utilit
propre, car il peut savrer dangereux de laisser en libert, un dlinquant qui
pourrait, non seulement prendre la fuite, mais galement dtruire les preuves de
linfraction, voire faire pression sur des tmoins.
651. Afin de concilier ces impratifs contradictoires, la loi du 17 juillet 1970 1413,
modifie de nombreuses reprises et en dernier lieu par la loi du 5 mars 2007 1414, a
expressment prvu que la dtention provisoire devait rester une mesure
exceptionnelle1415. Les exigences fixes par le Code de procdure pnale sont, ce
1411
1412
1413
1414
1415
Sur la question, GURY C., Dtention provisoire, Dalloz, Coll. Rfrence, Paris, 2001.
Tout homme tant prsum innocent jusqu' ce qu'il ait t dclar coupable, s'il est jug indispensable de
l'arrter [...] .
Loi n 70-643 du 17 juillet 1970 prc.
Loi n 2007-297 du 5 mars 2007 relative la prvention de la dlinquance, JO, 7 mars 2007, p. 4297.
Larticle 137 du Code de procdure pnale dispose que Toute personne mise en examen, prsume
innocente, demeure libre. Toutefois, en raison des ncessits de linstruction ou titre de mesure de sret,
elle peut tre astreinte une ou plusieurs obligations du contrle judiciaire ou, si celles-ci se rvlent
insuffisantes, tre assigne rsidence avec surveillance lectronique. A titre exceptionnel, si les obligations
du contrle judiciaire ou de lassignation rsidence avec surveillance lectronique ne permettent pas
datteindre ces objectifs, elle peut tre place en dtention provisoire .
376
1416
1417
1418
1419
En vertu de larticle 143-1 du Code de procdure pnale, la dtention est toujours possible en
matire criminelle alors quen matire correctionnelle, elle ne peut tre prononce que lorsque le
dlinquant encourt une peine demprisonnement suprieure ou gale trois annes.
Loi n 2000-1354 du 30 dcembre 2000 tendant faciliter l'indemnisation des condamns reconnus
innocents et portant diverses dispositions de coordination en matire de procdure pnale, JO, 31
dcembre 2000, p. 21191.
Ce nest pas lavis de tous les commentateurs de cette dcision. M me Valentine BCK, par exemple,
obs., Dcis. Cons. const. n 2002-461 DC du 29 aot 2002, R.S.C., 2003, p. 612, fait observer que les
conditions, poses par le Conseil constitutionnel, relatives aux finalits recherches par la
dtention provisoire, sont plus larges et donc en-de des exigences fixes par la loi. Il semblerait
quelle commette ici une confusion : larticle 37 de la loi examine prcise les conditions de
prolongation de la dtention provisoire, alors que la Haute juridiction vise la situation de mise en
dtention provisoire. Il nest donc pas surprenant que les premires soient plus rigoureuses que les
secondes.
Dcision n 2002-461 DC du 29 aot 2002 prc.
La qualit du procs
377
654. Cette jurisprudence fera lobjet dune confirmation en 2010 1423, dans le cadre
dune question prioritaire de constitutionnalit, portant sur une disposition de la loi
1420
1421
1422
1423
378
Perben II1424, qui navait pas t examine lors du contrle priori1425. La disposition
litigieuse est larticle 803-3 du Code de procdure pnale, qui, par drogation aux
dispositions de larticle 803-21426, rglemente la priode qui dbute lissue de la
garde vue, en cas de dcision de dfrement, cest--dire lorsque la personne
garde vue est traduite devant une autorit judiciaire fins de poursuite.
1424
1425
1426
1427
1428
Avant 2004, cette priode intermdiaire privative de libert, entre la phase denqute et la phase
judiciaire proprement dite, ntait rgie par aucun texte, ce qui devait, inluctablement et fort
logiquement, conduire la condamnation de la France par la Cour europenne des droits de
lhomme, C.E.D.H., 27 juillet 2006, Zervudacki c/ France, requte n 73947/01.
Dcision n 2004-492 DC du 2 mars 2004 prc.
Larticle 803-2 du Code de procdure pnale dispose que Toute personne ayant fait lobjet dun
dfrement lissue de sa garde vue la demande du procureur de la Rpublique comparat le jour mme
devant ce magistrat ou, en cas douverture dune information, devant le juge dinstruction saisi de la
procdure . Cependant, cette comparution nest pas toujours possible immdiatement, en raison de
lheure, nocturne parfois, laquelle la garde--vue peut sachever.
Considrant que le principe de prsomption dinnocence, proclam par larticle 9 de la Dclaration de 1789,
ne fait pas obstacle ce que lautorit judiciaire soumette des mesures restrictives ou privatives de libert,
avant toute dclaration de culpabilit, une personne lencontre de laquelle existent des indices suffisants
quant sa participation la commission dun dlit ou dun crime ; que, toutefois, cest la condition que ces
mesures soient prononces selon une procdure respectueuse des droits de la dfense et apparaissent
ncessaires la manifestation de la vrit, au maintien de ladite personne la disposition de la justice, sa
protection, la protection des tiers ou la sauvegarde de lordre public , Dcision n 2010-80 QPC du 17
dcembre 2010 prc., Cons. 5.
L o la dtention provisoire peut atteindre quatre ans et huit mois, la priode situe entre la fin
de la garde vue et la comparution devant le magistrat ne peut excder vingt-quatre heures, en
vertu de larticle 145-2 du Code de procdure pnale.
La qualit du procs
379
656. La commission d'une infraction entrane, par nature, une atteinte l'ordre public
et l'intrt gnral, puisqu'elle a pour effet de contrevenir aux rgles prvues par la
loi. C'est la raison pour laquelle, dans notre systme procdural, toute infraction
pnale peut donner naissance une action judiciaire particulire, exerce par le
parquet : l'action publique1429. En vertu du principe dopportunit des poursuites 1430,
le procureur, inform de la commission d'une infraction, dispose dune libert
encadre d'engager ou non, des poursuites contre l'auteur de celle-ci. Quand il opte
pour cette solution1431, en dehors des situations o la saisine du juge dinstruction lui
est commande par la loi1432, le juge constitutionnel lui impose, par leffet du principe
de la prsomption dinnocence, de choisir la voie procdurale la plus pertinente au
regard des faits.
1430
1431
1432
1433
En vertu de larticle 1er du Code de procdure pnale, il s'agit de l'action judiciaire qui est exerce
par le parquet au nom de la socit et qui tend au prononc d'une sanction pnale l'encontre de l'auteur
d'une infraction .
L'article 40 du Code de procdure pnale dispose que le Procureur de la Rpublique reoit les
plaintes et dnonciations et apprcie la suite leur donner conformment aux dispositions de l'article 40-1 .
Sur les origines prtoriennes du principe, MOROZ X., Les initiatives procdurales des parquets
au XIXme sicle , Archives de politique criminelle, 2003, n 25, p. 85.
L'ouverture d'une information est simplement facultative et le parquet n'y procdera, en principe,
que lorsque les faits sont particulirement complexes ou ncessitent des recherches
supplmentaires.
En vertu des articles 79 du Code de procdure pnale et 5 de l'ordonnance du 2 fvrier 1945
relative aux mineurs, l'ouverture d'une instruction est obligatoire chaque fois que l'infraction
commise est un crime ou encore lorsque son auteur est inconnu ou est un mineur de dix-huit ans
(dans ce dernier cas, la rgle ne joue pas pour les contraventions des quatre premires classes).
Dcision n 80-127 DC du 20 janvier 1981 prc.
380
1434
1435
1436
1437
Auparavant, larticle 71 du Code de procdure pnale prvoyait, quen cas de flagrant dlit et
quand le fait tait puni dune peine demprisonnement, alors que le juge dinstruction ntait pas
saisi, le procureur de la Rpublique pouvait mettre linculp sous mandat de dpt, aprs lavoir
interrog sur son identit et sur les faits qui lui taient reprochs, afin de saisir le tribunal selon la
procdure de flagrant dlit prvue par les articles 393 397 du mme Code.
La convocation par procs verbal, la saisine immdiate ou la saisine pralable du prsident du
tribunal ou d'un juge dlgu par lui en cas de runion impossible du tribunal le jour mme,
Dcision n 80-127 DC du 20 janvier 1981 prc., Cons. 30.
Le professeur Valrie GOESEL-LE BIHAN situe le point de dpart de ce contrle avec la dcision
n 90-280 DC du 6 dcembre 1990, Loi organisant la concomitance des renouvellements des conseils
gnraux et des conseils rgionaux, Rflexion iconoclaste sur le contrle de proportionnalit exerc
par le Conseil constitutionnel , R.F.D.C., 1997, p. 227.
Dcision n 80-127 DC du 20 janvier 1981 prc., Cons. 32. Le Conseil constitutionnel utilisera plutt
par la suite, partir de la dcision n 86-224 DC du 23 janvier 1987 prc., Cons. 16, lobjectif de
bonne administration de la justice ( il est loisible au lgislateur, dans l'intrt d'une bonne
administration de la justice... ).
La qualit du procs
381
382
1443
1444
1445
1446
Larticle 224 de la Loi n 93-2 du 4 janvier 1993 prc. a substitu le terme avocat celui de
conseil .
Dcision n 2011-125 QPC du 6 mai 2011, M. Abderrahmane L. [Dfrement devant le procureur de la
Rpublique], JO, 7 mai 2011, p. 7850.
La dcision n 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 prc., constitue un changement des circonstances
de droit qui justifie le rexamen de larticle 393 du Code de procdure pnale.
Cf infra n 761 et s.
La qualit du procs
Section 2
383
1447
1448
1449
384
A) Le
ncessaire
respect
des
droits
fondamentaux
dans
ladministration de la preuve
666. Sil incombe au ministre public dapporter les lments probatoires lappui de
ses prtentions, la preuve qui serait obtenue en violation des droits constitutionnels
fondamentaux, ne pourrait tre admise. Cest ce quil ressort, tant de la jurisprudence
1450
1451
1452
Cf GUINCHARD S., Quels principes directeurs pour les procs de demain ? , op. cit., p. 201,
particulirement p. 211 et s.
Dcision n 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011, Mme lise A. et autres [Garde vue
II], JO, 19 novembre 2011, p. 19480, Cons. 30 : ...il appartient en tout tat de cause l'autorit judiciaire
de veiller au respect du principe de loyaut dans l'administration de la preuve .
La preuve incombe celui qui allgue .
La qualit du procs
385
constitutionnelle que de celle de la Cour europenne des droits de lhomme, avec des
degrs dintensit variables entre les deux juridictions suprmes.
669. Au rang des points communs, les deux dispositifs, selon les requrants,
porteraient atteinte au mme principe : l'inviolabilit du corps humain, qui,
1453
1454
1455
1456
386
rappelons le, est un principe de valeur lgislative1457, mais dont le respect constitue
une garantie d'un principe constitutionnel, le principe de sauvegarde de la dignit de
la personne humaine1458. Ils ncessitent galement tous deux une intervention
matrielle sur une personne, un prlvement effectu sur le suspect, qui encourt une
sanction en cas de refus. Les similitudes sarrtent l. En ce qui concerne les
divergences, les deux mesures ne visent ni les mmes destinataires1459, ni le mme
objectif. Il nest donc gure surprenant, que les garanties prvues par les deux
dispositions diffrent.
670. Les prlvements externes, tels quils ressortent des dbats parlementaires, parce
quils ne ncessitent pas dinvestigation corporelle, ne comportent pas de caractre
intrusif et sont parfaitement indolores. Le Conseil en conclut quils ne sont pas
attentatoires la dignit et ne peuvent alors constituer une atteinte l'inviolabilit du
corps humain. En dehors dune maladresse rdactionnelle, qui subordonne l'absence
d'atteinte au principe de l'inviolabilit du corps humain la dignit de la personne,
en inversant les conditions poses dans la dcision Biothique prcite1460, la
rticence des professeurs Bertrand MATHIEU et Michel VERPEAUX1461, faire de la
douleur lun des critres de latteinte la dignit de la personne humaine, sauf ne
1457
1458
1459
1460
1461
En vertu de larticle 16 du Code civil, La loi assure la primaut de la personne, interdit toute atteinte
la dignit de celle-ci et garantit le respect de l'tre humain ds le commencement de sa vie.
Dcision n 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, Loi relative au respect du corps humain et loi relative au
don et l'utilisation des lments et produits du corps humain, l'assistance mdicale la procration et au
diagnostic prnatal, JO, 29 juillet 1994, p. 11024, Cons. 18. Sur la question, GIMENO CABRERA V.,
Le traitement jurisprudentiel du principe de dignit de la personne humaine dans la jurisprudence du
Conseil constitutionnel franais et du Tribunal constitutionnel espagnol, L.G.D.J., Coll. Bibliothque
constitutionnelle et de science politique, Paris, 2004 ; PAVIA M.-L. et REVET T. (dir.), La dignit de
la personne humaine, Economica, Coll. tudes juridiques, Paris, 1999.
Les personnes contre lesquelles il existe des indices graves ou concordants d'avoir commis un viol
ou une agression sexuelle, dans le premier cas, les personnes susceptibles dtre places en garde
vue, dans le second. Cest ce quil ressort de la rserve dinterprtation incluse dans le considrant
54, quand le Conseil constitutionnel prcise que les "personnes susceptibles de fournir des
renseignements sur les faits en cause" sont celles qui sont dj tenues de comparatre devant l'officier de
police judiciaire en vertu de l'article 62 du Code de procdure pnale .
Dcision n 94-343/344 DC du 27 juillet 1994 prc.
MATHIEU B. et VERPEAUX M., Obs., Dcis. Cons. const. n 2003-467 DC du 13 mars 2003, L.P.A.,
18 septembre 2003, p. 6.
387
La qualit du procs
considrer la douleur que sous son aspect physique 1462, nemporte pas totalement
ladhsion.
671. Ceci tant, il sera fait observer une diffrence majeure entre les deux procdures.
Dans le cas des prlvements externes des fins judiciaires, aucune voie dexcution
doffice nest prvue. Alors que dans le cas des prlvements internes pour raisons
mdicales,
le
consentement
de
lintress
est
souhaitable
et
doit
tre
1462
1463
1464
388
674. En deuxime lieu, les traces A.D.N. de ces personnes ne pourront en aucun cas
tre enregistres, ni encore moins conserves, dans le fichier national automatis des
empreintes gntiques1466. Elles ne serviront donc qu llucidation de lenqute
policire, au cours de laquelle elles ont t prleves.
675. En troisime lieu, si une sanction1467 mesure est bien prvue, en cas de refus de
se soumettre aux oprations de prlvements, le Conseil constitutionnel y adjoint une
rserve directive lintention du juge pnal. Ce dernier devra proportionner la peine
sanctionnant ce manquement la manifestation de la vrit, en fonction de celle
prvue pour linfraction, l'occasion de laquelle le prlvement a t effectu. Il y a
lieu ici de partager lanalyse de M. Jean-ric SCHOETTL1468 qui fait dabord observer,
que la sanction pnale est le seul moyen d'imposer un prlvement externe un
suspect rcalcitrant. Mais aussi, que le quantum de la peine prvue nest
probablement pas suffisamment dissuasif, pour empcher celui qui, sachant que
lexamen le confondrait invitablement, prfrerait sy soustraire, quitte se voir
prononcer la peine maximale envisage.
1465
1466
1467
1468
Cf supra n 669.
Le fichier national automatis des empreintes gntiques (FNAEG) a t cr par la loi n 98-468
du 17 juin 1998, relative la prvention et la rpression des infractions sexuelles ainsi qu' la
protection des mineurs, JO, 18 juin 1998, p. 9255. Son fonctionnement est dfini par le titre XX du
livre IV du Code de procdure pnale, Du fichier national automatis des empreintes
gntiques , articles 706-54 706-56-1.
Elle est identique dans les deux cas : un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.
SCHOETTL J.-., Note, Dcis. Cons. const. n 2003-467 DC du 13 mars 2003, L.P.A., 28 mars 2003,
p. 4.
La qualit du procs
389
676. Le Conseil a donc fait preuve dune grande vigilance dans cette dcision,
lgard de principes constitutionnels quil avait prcdemment dgags, en
particulier, le principe de sauvegarde de la dignit de la personne humaine. Ce nest,
ce jour, quau regard de ce principe, quil a eu loccasion de contrler la validit
dun systme probatoire, par rapport au respect des droits fondamentaux. Et ce nest
quen raison des risques sanitaires encourus par la victime et dans un souci
dquilibre entre les droits de cette dernire et ceux de son agresseur prsum, que le
Conseil constitutionnel admet les prlvements internes non consentis. De plus, il ne
valide la constitutionnalit des prlvements externes quentours de solides
prcautions, alors mme quils ne peuvent tre excuts doffice.
1471
1472
390
1473
1474
1475
1476
La qualit du procs
391
linfraction, alors que dans les pays dEurope latine1477, elle demeure circonscrite aux
dlits mineurs.
680. Cependant et cest l leur principal point commun, elles reposent toutes deux
sur la reconnaissance de culpabilit du suspect, ce qui dispense laccusation
dapporter la preuve de ses allgations. Laveu est ainsi la condition ncessaire la
mise en uvre de ces procdures, dont il constitue la colonne vertbrale, en change
dune esprance dattnuation de peine1478. Cest prcisment parce que la personne
mise en cause ne conteste pas la ralit des faits qui lui sont reprochs, que tout dbat
contradictoire autour de sa culpabilit est vinc et par l mme, un certain nombre
de dmembrements de la prsomption dinnocence, parmi lesquels le droit de ne pas
contribuer sa propre incrimination, consacr galement par la jurisprudence de la
Cour europenne des droits de lhomme1479.
681. Le choix dune voie de droit diffrente, selon que le mis en cause ait reconnu les
faits ou quil les nie, est tout de mme sujet discussion. En dehors du fait que laveu
ne met nullement labri dune possible erreur judiciaire, quand bien mme la
C.R.P.C. ne viserait que les dlits1480, ce qui ne modifie dailleurs pas
fondamentalement la question, cette dichotomie procdurale nest pas sans poser un
certain nombre de difficults juridiques dans la recherche de la vrit judiciaire. Ces
dernires taient dailleurs mises en vidence, en 1997, par la Commission de
rflexion sur la Justice1481, qui faisait remarquer qu'il serait sans doute dlicat de
1477
1478
1479
1480
1481
392
683. Ainsi, larticle 495-8 du Code de procdure pnale, exige que le suspect
reconnaisse sa culpabilit, devant le procureur de la Rpublique et ncessairement en
prsence de son avocat. Il dispose ensuite dune priode de rflexion de dix jours, lui
laissant le temps suffisant pour consulter son conseil, avant daccepter la proposition
du ministre public. Cette assistance du dfenseur devant la partie poursuivante,
impose par le lgislateur, est dautant plus remarquable que ce nest pas le cas dans
toutes les procdures judiciaires. Ainsi, dans les deux hypothses de dfrement
devant le Procureur de la Rpublique, l'issue de la garde vue1485, la personne
comparat devant la partie poursuivante hors la prsence de son avocat. La Haute
juridiction sest prononce sur cette question1486 et a considr que labsence dun
1482
1483
1484
1485
1486
393
La qualit du procs
dfenseur,
dans
ces
circonstances,
ne
constituait
pas
un
motif
dinconstitutionnalit1487.
685. Une observation critique peut tre formule lencontre du contrle lacunaire
exerc par le Conseil constitutionnel sur ces dispositions. La Haute juridiction passe
sous silence la question importante de la possible dtention provisoire pendant le
dlai de rflexion, qui nest, sans doute pas sans incidence sur la rponse apporte
la proposition du parquet. Ceci tant, lomission du Conseil est relativiser. En effet,
1487
1488
1489
1490
1491
Sous rserve tout de mme que le Procureur de la Rpublique nait ni la possibilit d'interroger la
personne dfre, ni de consigner les propos quelle pourrait prononcer sur les faits qui font l'objet
de la poursuite. Cette tape doit seulement lui permettre dinformer la personne mise en cause sur
les suites de la procdure et de lui notifier ses droits. Cest, en quelque sorte, la ncessaire
consquence de labsence de lavocat lors du dfrement.
Article 495-9 du Code de procdure pnale.
Article 495-11 du Code de procdure pnale.
Mme si lon peut raisonnablement penser que la prsence de lavocat apporte cette garantie.
Article 495-11 du Code de procdure pnale.
394
686. Il est tout de mme dommage, que le Conseil ne se soit pas pench plus en
profondeur sur la question de la libert du consentement, qui se pose trs clairement
ici. La Cour europenne des droits de l'homme, dans larrt Deweer1493, avait fait le
constat que si la perspective de comparatre devant le juge pnal est assurment de nature
inciter beaucoup d' accuss se montrer accommodants, la pression qu'elle cre sur eux
n'a rien d'incompatible avec la Convention . En somme, la seule menace d'exercer des
poursuites ne suffit pas, en elle-mme, caractriser une contrainte prohibe par
l'article 6 de la Convention europenne des droits de l'homme. Mais le fait
daccompagner cette menace de pressions supplmentaires, contrevient aux
stipulations de larticle 6, paragraphe 1. Dans le cadre de la C.R.P.C., il nest pas
totalement incongru de considrer le placement en dtention provisoire, comme une
forme de pression amplifiant la menace d'exercer l'action publique en cas de refus.
En tous cas, la question aurait mrit que le juge constitutionnel sy attardt, mme si
le contrle abstrait de larticle 61 naurait sans doute pas permis dy apporter des
rponses juridiquement satisfaisantes.
1492
1493
Lorsque la personne demande bnficier, avant de se prononcer sur la proposition faite par le procureur
de la Rpublique, du dlai prvu au dernier alina de l'article 495-8, le procureur de la Rpublique peut la
prsenter devant le juge des liberts et de la dtention pour que celui-ci ordonne son placement sous contrle
judiciaire ou, titre exceptionnel et si l'une des peines proposes est gale ou suprieure deux mois
d'emprisonnement ferme et que le procureur de la Rpublique a propos sa mise excution immdiate, son
placement en dtention provisoire, selon les modalits prvues par le dernier alina de l'article 394 ou les
articles 395 et 396, jusqu' ce qu'elle comparaisse de nouveau devant le procureur de la Rpublique. Cette
nouvelle comparution doit intervenir dans un dlai compris entre dix et vingt jours compter de la dcision
du juge des liberts et de la dtention. A dfaut, il est mis fin au contrle judiciaire ou la dtention
provisoire de l'intress si l'une de ces mesures a t prise .
C.E.D.H., 27 fvrier 1980, Deweer c/ Belgique, requte n 6903/75, srie A, n 35.
La qualit du procs
395
687. Toujours est-il que le contrle exerc par le prsident du tribunal de grande
instance, sur les conditions lgislatives ncessaires lhomologation, tout au moins
tel que le juge constitutionnel lappelle de ses vux, parat convenable. Non
seulement le magistrat du sige nest li, ni par les propositions du procureur, ni par
lacceptation du prvenu, mais le lgislateur lui impose de s'assurer que l'intress a
reconnu, en toute libert et en toute sincrit, tre l'auteur des faits. Cela nest gure
surprenant et il sagit l du minimum requis, au regard de la mise lcart, tout au
moins partielle, de la prsomption dinnocence, attnue par la reconnaissance de
culpabilit et en raison des enjeux, la peine pouvant atteindre un an
demprisonnement. Mais le Conseil constitutionnel va y ajouter une rserve de
conformit, qui sanalyse en une vritable directive de politique pnale1494.
1494
1495
1496
1497
396
1499
1500
La nature des faits, la personnalit de l'intress, la situation de la victime , les intrts de la socit
les dclarations de la victime apportant un clairage nouveau sur les conditions dans lesquelles
l'infraction a t commise ou sur la personnalit de son auteur peuvent justifier le refus
dhomologation de la procdure.
LAZERGES C., Le Conseil constitutionnel, acteur de la politique criminelle , op. cit., p. 735.
Cf supra n 363, 376, 455 et Cf infra n 807.
La qualit du procs
397
692. Sil ne fait pas de doute, quun jugement dfinitif de culpabilit met un terme au
champ dapplication temporel de la prsomption dinnocence, la rponse est moins
vidente en droit interne, quand la dcision de justice nest pas revtue de la force de
chose juge. Autrement formul, est-ce quen droit franais, un prsum innocent
cesse de ltre, ds le prononc du premier jugement statuant sur sa culpabilit, alors
que ce dernier est susceptible de recours ? Les rponses du juge constitutionnel et du
juge judiciaire, concordantes sur cette dlicate interrogation, semblent apporter sur
ce point une mme rponse plutt positive en apparence, mais qui ncessite quelques
nuances liminaires avant de ncessaires claircissements.
Dcision n 2005-527 DC du 8 dcembre 2005, Loi relative au traitement de la rcidive des infractions
pnales, JO, 23 novembre 2005, p. 18172.
398
1503
1504
1505
1506
S'il s'agit d'une rcidive lgale au sens des articles 132-16-1 et 132-16-4 du code pnal, le tribunal dlivre
mandat de dpt l'audience, quel que soit le quantum de la peine prononce, sauf s'il en dcide autrement
par une dcision spcialement motive .
Dcision n 2005-527 DC du 8 dcembre 2005 prc., Cons. 3.
Idem, Cons. 5.
Cf supra n 600 et 601, en ce qui concerne la nature de la mesure litigieuse.
SCHOETTL J.-., Chron., Dcis. Cons. const. n 2005-527 DC du 8 dcembre 2005, Gaz. Pal., 18-20
dcembre 2005, p. 9.
La qualit du procs
399
culpabilit provisoire et de lautre, par les garanties qui laccompagnent1507, que cette
mesure de dlivrance d'un mandat de dpt l'audience du tribunal correctionnel,
nest pas juge incompatible1508 avec la prsomption dinnocence.
695. En outre, si lon compare cette dcision avec celle de 2002, portant sur la loi
dorientation et de programmation pour la justice 1509, on constate que la mesure de
dtention avant jugement, dclare conforme la Constitution, ne peut tre
prononce en matire correctionnelle, que lorsque le dlinquant encourt une peine
demprisonnement, suprieure ou gale trois annes1510. En revanche, dans la
dcision de 2005, le mandat de dpt, lencontre de prvenus en tat de rcidive
lgale, peut tre dlivr par le juge1511 l'audience du tribunal correctionnel, quel que
soit le quantum de la peine prononce. Si les deux mesures ont reu lapprobation du
Conseil constitutionnel, cest bien que la prsomption dinnocence avait perdu de sa
force normative dans le second cas, en raison des circonstances judiciaires. En
consquence, se trouve encore renforce cette ide, dveloppe auparavant1512, selon
laquelle le Conseil se montre tout fait exigeant, quand il sagit de dlivrer un brevet
de constitutionnalit une mesure, prise dans le but de sassurer de la personne dun
prsum innocent.
En vertu des dispositions gnrales du deuxime alina de l'article 148-1 du Code de procdure
pnale, le prvenu pourra interjeter appel de sa condamnation et demander immdiatement sa
mise en libert la cour dappel, puis ultrieurement autant de fois qu'il le souhaitera.
1508 Ce qui nest dailleurs pas exactement synonyme de conformit, le Conseil ayant lhabitude de
graduer ses dcisions de conformit en fonction du vocabulaire utilis.
1509 Dcision n 2002-461 DC du 29 aot 2002 prc., Cf supra n 652.
1510 Article 143-1 du Code de procdure pnale.
1511 Sauf s'il en dcide autrement par une dcision spcialement motive.
1512 Cf supra n 635 et s.
1513 Cass. crim., 28 fvrier 1996, pourvoi n 95-85041 ; Cass. crim., 10 juillet 1996, pourvoi n 95-85785,
Bull. crim., 1996, n 289, p. 892.
1507
400
permis de conduire, assortie de l'excution provisoire 1514, n'est pas incompatible avec
larticle 6, paragraphe 2 de la Convention europenne des droits de l'homme et
respecte le principe de la prsomption d'innocence, ds lors que cette peine
complmentaire intervient aprs la dclaration de culpabilit.
697. La position de la Cour europenne sur cette question apparat moins protectrice
que celle du droit interne, qui retient la conception du Code civil, selon laquelle
l'atteinte la prsomption d'innocence est caractrise par la prsentation publique
dune personne, comme tant coupable de faits faisant l'objet d'une enqute ou d'une
instruction judiciaire, avant toute condamnation 1515. En effet, la juridiction
strasbourgeoise souligne que ni larticle 6 ni, du reste, aucun autre article de la
Convention ne peut tre interprt comme interdisant en principe lexcution de sanctions
avant que celles-ci naient acquis force contraignante1516 .
698. Tout en relevant quun tel systme juridique nest pas exempt de critiques, la
Cour europenne admet quand mme, que les dcisions de majorations dimpts de
ladministration fiscale sudoise ont t excutes, avant mme quun tribunal nait
statu sur la question de savoir si les requrants taient, ou non, tenus de les payer.
Cependant, la Cour prcise que la sanction, qui entre bien dans le champ
dapplication de la prsomption dinnocence, en raison de son appartenance la
catgorie des accusations en matire pnale1517, ne doit pas compromettre la dfense
ultrieure des justiciables, dans le cadre dune procdure judiciaire. Il ne faudrait pas
que lexcution de la sanction fiscale soit interprte comme un aveu de culpabilit
par la juridiction qui statuera.
1514
1515
1516
1517
Lancien article L13 alina 2 du Code de la route autorisait la suspension et l'annulation du permis
de conduire par les cours et tribunaux statuant en matire correctionnelle ou de police, au titre de
peines complmentaires.
Article 9-1 du Code civil, Cf supra n 580 et 581.
C.E.D.H., 25 juillet 2002, Janosevic c/ Sude, requte n 34619/97.
La chose est admise depuis larrt Bendenoun c/ France, 24 fvrier 1994 prc.
La qualit du procs
401
699. Il nen reste pas moins, que cette jurisprudence de la Cour europenne des droits
de lhomme suscite la rprobation. Autant, la logique juridique peut saccommoder
dune variation de lintensit de la prsomption dinnocence, en fonction des tapes
dune procdure judiciaire, autant il est autrement plus difficile dadmettre que celleci soit entame, avant mme la premire condamnation par un tribunal indpendant
et impartial, la sanction ft-elle simplement pcuniaire et rversible1518.
700. Objet de critiques encore plus nombreuses, sans doute, les situations juridiques,
dans lesquelles linfraction est impute automatiquement une personne, ont fait
lobjet dun encadrement prcis par le Conseil constitutionnel.
1518
1519
1520
402
Ibidem.
Ibid.
La qualit du procs
403
1523
1524
1525
1526
Dcision n 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives la scurit routire et aux
infractions sur les agents des exploitants de rseau de transport public de voyageurs, JO, 19 juin 1999,
p. 9018.
Idem, Cons. 16.
Il dcoulerait de larticle 9 de la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen, sagissant des crimes et
dlits, que la culpabilit ne saurait rsulter de la seule imputabilit matrielle dactes pnalement
sanctionns , Ibidem.
Il sagissait de larticle 7 de la loi contrle qui ajoute au Code de la route un article L4-1 ainsi
rdig : Est puni de trois mois demprisonnement et de 25 000 francs damende tout conducteur dun
vhicule moteur qui, dj condamn dfinitivement pour un dpassement de la vitesse maximale autorise
gal ou suprieur 50 km/h, commet la mme infraction dans le dlai dun an compter de la date laquelle
cette condamnation est devenue dfinitive .
404
par le juge pnal, dans le silence du texte, des dispositions gnrales de larticle 121-3
alina 1er du Code pnal disposant qu il ny a point de crime ou de dlit sans intention
de le commettre . Nanmoins, ce mme article 121-3 rserve, dans son troisime
alina, une exception la rgle fixe dans le premier. En effet, il peut y avoir tout de
mme dlit, la condition que ce soit prvu par la loi, dans des hypothses de faute
dimprudence, de ngligence ou de manquement une obligation de prudence ou de
scurit1527.
constitutionnelle,
llment
intentionnel
est
indispensable
pour
caractriser linfraction, sauf si la loi prcise llment moral, en visant une des
situations prvues par larticle 121-3 alina 3 du Code pnal. Notons toutefois que le
juge constitutionnel, qui ne se prononce pas ici sur la valeur normative de cette
exigence de llment intentionnel, dans la dfinition des crimes et des dlits, se
montrera trs flou en 2003, la qualifiant tantt de principe de valeur
constitutionnelle1528 et un peu plus loin, de principe gnral du droit pnal
conditionnant le respect des exigences de l'article 9 de la D.D.H.C.1529 .
1527
1528
1529
Larticle 121-3 du Code pnal, tel quissu de la loi n 96-393 du 13 mai 1996, JO, 14 mai 1996,
p. 7211, dispose : Il y a galement dlit, lorsque la loi le prvoit, en cas de faute dimprudence, de
ngligence ou de manquement une obligation de prudence ou de scurit prvue par la loi ou le rglement,
sil est tabli que lauteur des faits na pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas chant, de la
nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses comptences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il
disposait .
Dcision n 2003-467 DC du 13 mars 2003 prc., Cons. 64 et 65.
Idem, Cons. 73 et 77.
La qualit du procs
405
708. Ainsi, citons larticle 392 du Code des douanes qui dispose, dans son paragraphe
premier, que Le dtenteur de marchandises de fraude est rput responsable de la fraude .
Cette disposition donna lieu une application dans une clbre affaire 1530, qui se
termina devant la Cour europenne des droits de lhomme. Les faits de lespce
mritent dtre rapports, pour une meilleure comprhension de lapprciation
jurisprudentielle de la disposition douanire. Dans cette affaire, M. Salabiaku, qui
attendait en zone aroportuaire un colis en provenance du Zare, crut reconnatre
comme tant la sienne, une malle qui ne portait pourtant pas son nom et dans
laquelle ont t dcouverts ultrieurement dix kilogrammes de cannabis. Quelques
jours aprs, une seconde valise lui tait destine, qui ne contenait, elle, aucun produit
illicite. M. Salabiaku expliqua alors quil avait commis une erreur dapprciation en
prenant pour le sien le premier bagage. Nanmoins, il devait tre poursuivi devant le
juge judiciaire, pour dlit pnal dimportation illicite de stupfiants et dlit douanier
dimportation en contrebande de marchandises prohibes.
1530
406
710. Ce recours fut cart, tant par la Commission que par la Cour europenne, ce qui
donna loccasion cette dernire de prciser sa position sur la dlicate question des
prsomptions de culpabilit tablies par la loi. Elle indiqua cette occasion que si les
tats sont libres driger en infraction un fait matriel ou objectif, intentionnel ou
rsultant dune ngligence, ils ne doivent pas dpasser des limites raisonnables
prenant en compte la gravit de lenjeu et prservant les droits de la dfense1531 . Dans le
cas prsent, la Cour estima quil ny avait pas eu violation de larticle 6, paragraphe 2
de la Convention, car les juridictions judiciaires nationales avaient fait une
application de la disposition douanire, compatible avec la prsomption dinnocence,
en discernant dans les circonstances de lespce un certain lment dintentionnalit.
Idem, 28.
Les professeurs Thierry RENOUX et Michel de VILLIERS estiment que les juridictions judiciaires
ont tempr le caractre irrfragable de cette prsomption, qui leur parat contraire larticle 9 de
la D.D.H.C., Code constitutionnel, op. cit., p. 175.
La qualit du procs
407
712. De la mme faon, les articles 399 et 400 du Code des douanes prsument la
mauvaise foi et lintrt la fraude, de ceux qui achtent ou dtiennent des
marchandises importes en contrebande, en quantit suprieure celles des besoins
de la consommation familiale. Cest ici llment matriel de linfraction qui fait
lobjet dune prsomption.
713. Enfin, mais la liste est loin dtre exhaustive, larticle 418 du mme Code
instaure une prsomption dintroduction en contrebande des marchandises, de la
catgorie de celles qui sont prohibes ou lourdement taxes lentre, lorsquelles
sont trouves sans acquit de paiement, dans la zone gographique terrestre couverte
par les douanes1534. Dans ce cas prcis, il sagit encore dune prsomption de
llment matriel de linfraction.
1535
Cf infra n 717 et s.
Sauf videmment dans lhypothse o elles se dirigent vers le bureau des douanes, munies des
documents idoines.
Cass. Crim., 30 janvier 1989, pourvoi n 86-96060, Bull. crim., 1989, n 33, p. 97.
408
larrt Salabiaku prcdemment analys1536, dont la Cour de cassation fait ici une
application rigoureusement conforme, sans doute encourage en cela par la
proximit temporelle des deux affaires.
715. Le droit routier est galement un domaine de prdilection pour les prsomptions
de culpabilit. Ainsi, larticle L121-2 du Code de la route pose, lencontre du
titulaire du certificat dimmatriculation du vhicule, une prsomption de
responsabilit pcuniaire des infractions la rglementation sur le stationnement des
vhicules, quil peut toutefois renverser en tablissant lexistence dun vnement de
force majeure ou, en fournissant des renseignements permettant didentifier lauteur
vritable de linfraction. Mme si le lgislateur vise une responsabilit pcuniaire, il
sagit bien ici dune prsomption de culpabilit rfragable.
1536
1537
1538
Cf supra n 708 et s.
Cass. Crim., 6 novembre 1991, pourvoi n 91-82211, Bull. crim., 1991, n 397, p. 1006.
Cass. crim., 1er fvrier 2000, pourvoi n 99-84764, Bull. crim., 2000, n 51, p. 140.
409
La qualit du procs
717. Nanmoins, il sera fait observer que la Cour europenne avait pos une
condition supplmentaire de validation dune prsomption simple de culpabilit
lgalement tablie, puisquelle visait la gravit de lenjeu. Il semble ici difficile de
soutenir, quen matire dinfractions aux rgles sur le stationnement, les enjeux
soient
dune
importance
telle,
quils
puissent
justifier
ltablissement
de
a) Ltablissement
des
fondements
jurisprudentiels
des
prsomptions de culpabilit
719. Dans cette dcision portant sur une loi relative la scurit routire 1540, la Haute
juridiction devait vrifier la conformit la Constitution de larticle 6 de la loi
1539
1540
410
dfre, qui introduisait dans le Code de la route un article L21-21541 ainsi rdig :
Par drogation aux dispositions de larticle L21, le titulaire du certificat dimmatriculation
du vhicule est redevable pcuniairement de lamende encourue pour des contraventions la
rglementation sur les vitesses maximales et sur les signalisations imposant larrt du
vhicule, moins quil ntablisse lexistence dun vol ou de tout autre vnement de force
majeure ou quil napporte tous lments permettant dtablir quil nest pas lauteur vritable
de linfraction .
720. Les auteurs de la saisine font valoir que ce texte, instituant une vritable
prsomption de culpabilit lencontre du titulaire du certificat dimmatriculation
du vhicule, est contraire au principe de la prsomption dinnocence, protg par
larticle 9 de la Dclaration du 26 aot 1789. Le juge constitutionnel nen disconvient
pas, en posant effectivement le principe selon lequel, le lgislateur ne saurait instituer
de prsomption de culpabilit en matire rpressive, entendue au sens large, comme
englobant lensemble des sanctions caractre punitif. Pour autant, le Conseil
affirme que de telles prsomptions peuvent tre tablies par la loi, y compris en
matire dlictuelle, voire criminelle1542, nonobstant le strict respect de trois conditions
cumulatives1543.
1541
1542
1543
La qualit du procs
411
722. Enfin, la troisime, qui peut sanalyser comme une forme de rserve directive
lgard du juge charg de mettre en uvre le texte lgislatif, prcise que les faits de
lespce doivent induire raisonnablement la vraisemblance de limputabilit. Cette
exigence renvoie lattachement du Conseil au principe de la responsabilit du fait
personnel, rsultant des articles 8 et 9 de la Dclaration des droits de lhomme et du
citoyen, en vertu duquel nul nest punissable que de son propre fait1544 . Elle peut donc
se lire de cette faon : en labsence dvnement de force majeure, tel que le vol de
vhicule par exemple, qui lui permettrait de sexonrer de sa responsabilit pnale,
deux situations peuvent alors se prsenter. Soit le titulaire du certificat
dimmatriculation est bien lauteur de linfraction, mais il dcline sa responsabilit
personnelle dans la commission des faits. Soit il nen est pas lauteur, mais il refuse
(ou est dans lincapacit) dapporter des lments justificatifs utiles 1545. Dans les deux
cas, son comportement sanalyse en une faute personnelle, constitue par le refus de
contribuer la manifestation de la vrit, ou en un dfaut de vigilance dans la garde
du vhicule1546. Cest cette faute personnelle qui permet de sanctionner un fait
imputable au propritaire du vhicule, qui nest donc pas ncessairement un excs de
vitesse ou le non respect dune signalisation imposant larrt du vhicule.
1546
412
724. Cest ici quinterviennent les juridictions judiciaires nationales qui, selon le
professeur Thierry RENOUX, ont largement tempr le caractre rfragable de
certaines prsomptions prvues par le Code douanier 1549. Sans aller jusqu qualifier
sa jurisprudence de librale, comme le fait Me Georges JUNOSZA-ZDROJEWSKI1550,
on peut toutefois constater que les apprciations de la chambre criminelle de la Cour
de cassation ne sont pas toujours dune grande svrit, linstar de ce qui avait t
mis en vidence concernant la procdure de lamende forfaitaire, prvue par larticle
L121-2 du Code de la route1551. La condition de gravit des enjeux, pose par la Cour
europenne des droits de lhomme, aurait d conduire le juge judiciaire carter
lapplication de larticle L121-2 du Code de la route en raison de sa contrarit
larticle 6, paragraphe 2 de la Convention, tel quinterprt par la Cour. Il nen a rien
t, ce qui amne penser que la jurisprudence constitutionnelle est moins encline
accepter les tempraments la prsomption dinnocence, que ne peut ltre celle du
juge du quai de lHorloge. Ce constat initial sera dailleurs confirm par lvolution
1547
1548
1549
1550
1551
C.E.D.H., 25 septembre 1992, Pham Hoang c/ France, requte n 13191/87, srie A, n 243.
Idem, 33.
RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 175., propos de larticle 392 1
du Code des douanes, en cause dans laffaire SALABIAKU.
JUNOSZA-ZDROJEWSKI G., chron., C.E.D.H., 7 octobre 1988, Salabiaku c/ France, La
prsomption dinnocence contre la prsomption de culpabilit , Gaz. Pal., 1989, n 3, p. 308.
Cf supra n 100 103.
413
La qualit du procs
des exigences du juge constitutionnel, dans son contrle des dispositions lgislatives
tablissant des prsomptions de culpabilit.
b) La
confirmation
des
exigences
constitutionnelles
du
principe
de
la
prsomption
dinnocence
aux
sanctions
726. Ce dispositif lgislatif avait, entre autres pour objet, de crer une autorit
administrative indpendante1554, charge de rprimer le tlchargement numrique
illgal. La loi dote cette Haute autorit de sanctions pouvant aller jusqu une
privation de laccs internet lencontre du titulaire du contrat dabonnement, tenu
1552
1553
1554
414
pour responsable de toutes les violations aux droits dauteurs effectues depuis sa
connexion internet. Il lui est reproch un manquement lobligation de surveillance
qui lui incombe en vertu de larticle L336-3 du Code de proprit intellectuelle1555. La
loi instituait donc une prsomption de culpabilit, que le titulaire de labonnement ne
pouvait renverser, qu la seule condition dapporter la preuve que sa ligne avait fait
lobjet dune utilisation frauduleuse.
1555
1556
1557
La personne titulaire de laccs des services de communication au public en ligne a lobligation de veiller
ce que cet accs ne fasse pas lobjet dune utilisation des fins de reproduction, de reprsentation, de mise
disposition ou de communication au public duvres ou dobjets protgs par un droit dauteur ou par un
droit voisin sans lautorisation des titulaires des droits prvus aux livres Ier et II lorsquelle est requise .
Cons. 17 : [...] en principe le lgislateur ne saurait instituer de prsomption de culpabilit en matire
rpressive ; que, toutefois, titre exceptionnel, de telles prsomptions peuvent tre tablies, notamment en
matire contraventionnelle, ds lors quelles ne revtent pas de caractre irrfragable, quest assur le respect
des droits de la dfense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de limputabilit .
Article L331-38 du Code de proprit intellectuelle.
La qualit du procs
415
728. Deux autres diffrences majeures expliquent les divergences de solutions entre
les deux dcisions, dix annes dcart. En 2009, seul le titulaire du contrat
dabonnement peut tre sanctionn, alors que le dispositif contrl en 1999, prvoyait
la mise en cause possible de lauteur vritable de lexcs de vitesse. Mais surtout, la
peine encourue pour linfraction au Code de la route ntait que pcuniaire, alors que
la loi HADOPI permet lautorit administrative de prononcer une sanction
privative ou restrictive de droit1558.
729. Il nest donc gure surprenant que les deux dcisions aboutissent des
dnouements distincts, il ne faut y voir aucun revirement de jurisprudence. Les
conditions poses en 1999 taient remplies, la prsomption simple de culpabilit
pouvait tre renverse, ce qui nest pas le cas en 2009. La jurisprudence
constitutionnelle est cohrente en la matire : cest prcisment la validation
ventuelle de la loi HADOPI dans sa premire version1559 qui aurait pu, juste titre,
tre reproche au Conseil constitutionnel. Il ne fait ici quune application rigoureuse
des conditions quil a lui mme poses, qui, rappelons le, dpassent les exigences du
juge judiciaire et du juge europen des droits de lhomme.
730. Cette jurisprudence sera confirme (et mme durcie), dans le cadre du contrle
de la Loi dorientation et de programmation pour la performance de la scurit
intrieure1560 . Ce texte instituait une mesure de couvre-feu pour les mineurs1561,
linitiative du prfet ou du tribunal pour enfants, avec un mcanisme de sanction
lencontre des parents qui nont pas fait respecter la mesure : ceux-ci sont passibles
dune amende contraventionnelle de troisime classe. Cette disposition instaurait
1558
1559
1560
1561
416
731. Il ntait pas question ici dun cas de responsabilit pnale du fait dautrui : les
parents sont responsables de leur propre manquement, de mme que le titulaire de la
ligne internet, sanctionn en raison de sa carence personnelle lobligation de
surveillance de sa connexion1562. Ici, le manquement parental consiste ne pas avoir
fait respecter linterdiction de sortie impose leur enfant. Mais, alors que le titulaire
du contrat dabonnement auprs du fournisseur daccs disposait au moins dun
moyen de renverser la charge de la preuve1563, ce qui sest quand mme rvl
insuffisant pour viter la censure du juge constitutionnel, au regard de la
prsomption dinnocence, les parents du mineur rcalcitrant nont ici aucune cause
dexonration. Ce qui conduit le Conseil constitutionnel censurer cette disposition,
en raison dune prsomption de culpabilit juge irrfragable.
732. Il semble donc que, des trois conditions cumulatives poses en 2009, celle-ci soit
dterminante dans lapprciation de la conformit la Constitution dune
prsomption de culpabilit lgalement tablie. Il est toutefois possible de penser que
cet article aurait sans doute chapp lannulation, si le lgislateur avait prvu ne
serait-ce quun seul moyen raisonnable de renverser la charge de la preuve. En effet
et contrairement 2009, la sanction ntait que pcuniaire ici, ce qui la rapproche de
celle prvue dans la disposition pargne de 1999. Le moins que lon puisse en dire,
cest que la juridiction constitutionnelle a appliqu ici, avec une grande svrit, sa
jurisprudence en matire de prsomption de culpabilit. Une rserve dinterprtation
constructive lui aurait probablement permis de valider un dispositif lacunaire, en
apportant cette ncessaire prcision.
1562
1563
Cf supra n 726.
En prouvant que latteinte aux droits dauteurs est le fait dune personne qui a frauduleusement
utilis laccs au service de communication au public en ligne.
La qualit du procs
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La qualit du procs
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Section 1
1573
1574
1575
1576
BOLARD G., Les juges et les droits de la dfense , Etudes offertes Pierre Bellet, Litec, Paris, 1991,
p. 70.
CANIVET G., Economie de la justice et procs quitable , op. cit., p. 2086.
GIUDICELLI-DELAGE G., Droits de la dfense , CADIET L. (dir.), Dictionnaire de la Justice,
op. cit., p. 364.
C.E., 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, Rec. p. 133 ; C.E., Ass., 26 octobre 1945, Aramu, Rec.
p. 213.
Dcision n 76-70 DC du 2 dcembre 1976 prc., Cons. 2.
La qualit du procs
421
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1582
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1584
Dcision n 97-389 DC du 22 avril 1997 prc., Cons. 20 ; Dcision n 2003-467 DC du 13 mars 2003
prc., Cons. 49.
Dcision n 93-326 DC du 11 aot 1993 prc., Cons. 12 ; Dcision n 2010-14/22 QPC du 30 juillet
2010 prc.
Dcision n 2010-32 QPC du 22 septembre 2010, M. Samir M. et autres [Retenue douanire], JO, 23
septembre 2010, p. 17291, Cons. 7 ;
Dcision n 2010-62 QPC du 17 dcembre 2010 prc., Cons. 7.
Dcision n 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 prc, Cons. 16 : [...] que la garde vue est ainsi
souvent devenue la phase principale de constitution du dossier de la procdure en vue du jugement de la
personne mise en cause ; .
Loi organique n 2009-1523 du 10 dcembre 2009 relative l'application de l'article 61-1 de la
Constitution, JO, 11 dcembre 2009, p. 21379, article 23-2, alina 2.
CADIET L., NORMAND J. et AMRANI MEKKI S., Thorie gnrale du procs, op. cit., p. 627.
La qualit du procs
423
1585
1586
1587
1588
1589
1590
1591
CORNU G., Les principes directeurs du procs civil par eux-mmes (fragment dun tat des
questions) , op. cit., p. 94.
MOTULSKY H., Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
dfense en procdure civile , op. cit., p. 183 et s.
Dcision n 86-214 DC du 3 septembre 1986, Loi relative l'application des peines, JO, 5 septembre
1986, p. 10788, Cons. 3.
Dcision n 89-260 DC du 28 juillet 1989, Loi relative la scurit et la transparence du march
financier, JO, 1er aot 1989, p. 9676, Cons. 44.
Dcision n 89-268 DC du 29 dcembre 1989, Loi de finances pour 1990, JO, 30 dcembre 1989,
p. 16498, Cons. 58.
ROUSSEAU D. et ROUX J., Droit constitutionnel processuel , op. cit., p. 19.
FAVOREU L., chron., Dcis. Cons. const. n 76-70 DC du 2 dcembre 1976, op. cit., p. 820.
424
1592
1593
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1598
1599
La qualit du procs
425
744. Depuis que le droit pnal nest plus la seule source normative de rpression des
comportements indsirables, le Conseil constitutionnel a d dfinir de manire
autonome le domaine rpressif au sens large, qui englobe lensemble des mesures
ayant le caractre dune punition et exclut les dispositions vise exclusivement
prventive1600. La dmarche du juge constitutionnel vise appliquer le rgime
juridique des sanctions pnales, lensemble des mesures caractre punitif et leur
faire ainsi bnficier des principes constitutionnels propres la matire pnale, tels
quil les a dgags partir de la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen1601. Il
en est ainsi pour les droits de la dfense, qui, dans la jurisprudence constitutionnelle,
trouvent sappliquer ds que la procdure concerne prsente un caractre coercitif
et quelle peut conduire la prononciation dune sanction punitive. Cette dernire
exigence est cependant apprcie avec une certaine souplesse par le Conseil
constitutionnel (1), qui refuse seulement dintgrer dans le champ dapplication des
droits de la dfense, les procdures de ngociation des sanctions et les mesures
comptables (2).
1600
1601
Cf supra n 594 et s.
PRADEL J., Les principes constitutionnels du procs pnal , Cahiers du Conseil constitutionnel,
2003, n 14, p. 84.
426
ailleurs, que celle-ci soit ncessairement envisage par le Code pnal1602, puisquelle
peut tre aussi de nature disciplinaire1603, administrative1604, voire fiscale1605.
747. Cette ide semble confirme par la dcision du juge constitutionnel de faire
application des droits de la dfense, pour dclarer contraire la Constitution, une
1602
1603
1604
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1608
1609
La qualit du procs
427
disposition qui, selon ses propres termes, prsentait le caractre d'une simple mesure
de police de l'audience et ne revtait pas celui d'une sanction disciplinaire 1610 . Il est vrai
quil sagit ici du cas trs particulier dune mesure permettant au prsident d'une
juridiction, en vertu de ses pouvoirs de police de l'audience, dvincer un avocat de
la salle d'audience, parce quil lui est reproch de troubler la srnit des dbats, sans
quil ait ncessairement manqu ses obligations dontologiques et quil soit
passible de poursuites disciplinaires. Cette mesure tirait son origine de la loi du 31
dcembre 1971, qui avait t aux juridictions le pouvoir ddicter des sanctions
disciplinaires lgard des avocats, pour le confier au Conseil de lOrdre. Pour
autant, la mesure de police sapparentait, si ce nest par lobjectif recherch (la
quitude des changes judiciaires), tout au moins par ses effets (lviction possible de
deux jours de la salle daudience), une sanction ayant le caractre dune punition,
dont la nature disproportionne semble peu prter discussion, puisque la seule
circonstance davoir compromis la srnit des dbats peut la dclencher1611.
428
750. Cette restriction du champ dapplication des droits de la dfense est la fois
surprenante et critiquable. Surprenante, car le droit interne connat dautres formes
de procdures pnales transiges, supposant laccord du destinataire de la dcision et
lhomologation dun juge du sige. La plus clbre, en mme temps que la plus
controverse dentre elles, la comparution sur reconnaissance pralable de
culpabilit, na pas t exclue du champ dapplication des droits de la dfense par le
Conseil constitutionnel1615. De surcrot, il est tout de mme curieux que le juge
constitutionnel fasse application des droits de la dfense pendant des phases
1613
1614
1615
Idem, Cons. 3.
Dcision n 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l'galit des chances, JO, 2 avril 2006, p. 4964,
Cons. 3.
Dcision n 2004-492 DC du 2 mars 2004 prc., Cons. 114.
La qualit du procs
429
752. En premier lieu, les personnes physiques ne sont plus les seules pouvoir jouir
des droits de la dfense. En effet, le Conseil constitutionnel a reconnu ds 1980, par
lintermdiaire dune rserve dinterprtation constructive, la facult aux personnes
morales dinvoquer les droits de la dfense1618, ce qui, ce moment prcis, constituait
effectivement un apport manifestement original la thorie des droits fondamentaux1619 .
753. Cette extension en direction des personnes morales sera confirme, par la suite,
deux reprises1620. Le juge constitutionnel, qui il est souvent reproch de prendre
acte des volutions juridiques au lieu de les initier, a fait preuve ici dune
anticipation notable. En effet, cette expansion du domaine personnel peut trouver sa
1616
1617
1618
1619
1620
Cf supra n 740.
RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 223.
Dcision n 80-117 DC du 22 juillet 1980, Loi sur la protection et le contrle des matires nuclaires, JO,
24 juillet 1980, p. 1867, Cons. 8.
FAVOREU L., chron., Dcis. Cons. const. n 80-117 DC du 22 juillet 1980, R.D.P., 1980, p. 1658.
Dcision n 92-307 DC du 25 fvrier 1992 prc., Cons. 29 ; Dcision n 2004-510 DC du 20 janvier
2005, Loi relative aux comptences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximit et du tribunal de
grande instance, JO, 27 janvier 2005, p. 1412, Cons. 9.
430
754. En deuxime lieu, les droits de la dfense ne profitent pas uniquement non plus,
au seul dfendeur au procs, mais peuvent aussi bnficier la personne physique
(ou morale, donc) qui a pris l'initiative d'engager une procdure, juridictionnelle ou
pas, en vue de faire reconnatre un droit1623. La position du Conseil constitutionnel est
mme ici plus protectrice des intrts des administrs, que celle adopte par le
Conseil dtat, pour qui les droits de la dfense ne sont pas applicables aux dcisions
administratives dfavorables1624, moins que ces dernires dcoulent dune faute du
destinataire de la dcision, qui conduit remettre en cause sa situation
personnelle1625.
1621
1622
1623
1624
1625
La qualit du procs
431
756. Enfin, en troisime lieu, la dernire forme dextension, celle qui fit le plus dbat,
concerne la victime qui sest constitue partie civile lors de la procdure rpressive,
dans laquelle lauteur suppos du prjudice est mis en cause. Le Conseil
constitutionnel ouvre ainsi dans le procs pnal, les droits de la dfense, au-del de
la personne mise en accusation, la partie lse qui a connu une atteinte
patrimoniale ou physique1629. Contrairement ce que peuvent crire les professeurs
Thierry RENOUX et Michel de VILLIERS1630, il ny a pas lieu dtre surpris que la
restriction de laccs au juge soit constitutif dune violation des droits de la dfense,
puisque le droit dagir en justice est, pour la Cour europenne des droits de lhomme,
une condition essentielle de leur exercice effectif1631. De plus, cette dcision
constitutionnelle, qui fait de la partie civile une partie part entire du procs 1632, est
1626
1627
1628
1629
1630
1631
1632
Pour MOTULSKY, les droits de la dfense doivent tre compris dans lacception large de dfense
des intrts de chacune des parties , Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect
des droits de la dfense en procdure civile , op. cit., p. 184.
Cass. Ass. pln., 30 juin 1995, pourvoi n 94-20302, Bull. civ., 1995, A.P., n 4, p. 7.
C.E.D.H., 27 octobre 1993, Dombo Beheer c./ Pays-Bas, requte n 14448/88, srie A, n 274.
Dcision n 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 prc., Cons. 8.
RENOUX T. et (de) VILLIERS M., Code constitutionnel, op. cit., p. 225.
C.E.D.H., 21 fvrier 1975, Golder c/ Royaume-Uni prc.
Cf supra n 199 et s.
432
conforme aux droits octroys par le Code de procdure pnale, que le Conseil prend
le soin minutieux dnoncer1633.
Section 2
758. Le contenu des droits de la dfense, tel que le Conseil constitutionnel le dfinit,
nest gure facile identifier. Le juge constitutionnel parsme parfois sa
jurisprudence dindices, permettant dexclure de lensemble des droits de la dfense,
des garanties procdurales telles que la collgialit des juridictions 1638 ou la
1633
1634
1635
1636
1637
1638
La qualit du procs
433
759. Le droit une procdure juste et quitable est garanti, dans la jurisprudence
constitutionnelle, sur la base juridique de deux dispositions de la Dclaration des
droits de l'homme et du citoyen, qui visent deux hypothses distinctes. Dune part,
sur le fondement de larticle 6 du texte rvolutionnaire, le Conseil constitutionnel
1639
1640
1641
1642
1643
Dcision n 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, M. Xavier P. et autre [Motivation des arrts d'assises],
JO, 2 avril 2011, p. 5893, Cons. 10.
MOTULSKY H., Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
dfense en procdure civile , op. cit., p. 195-196.
Cf trois dcisions antrieures, qui pourraient, au contraire, laisser supposer lappartenance de la
motivation des jugements aux droits de la dfense : Dcision n 88-248 DC du 17 janvier 1989 prc.,
Cons. 30 ; Dcision n 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n 86-1067 du 30 septembre
1986 relative la libert de communication, JO, 2 aot 2000, p. 11922, Cons. 13 ; Dcision n 84-182 DC
du 18 janvier 1985 prc., Cons. 8.
GIUDICELLI-DELAGE G., Droits de la dfense , op. cit., p. 367.
C.E.D.H., 23 novembre 1993, Poitrimol c/ France, requte n 14032/88, srie A, 34 ; R.S.C., 1994, p.
370, obs. PETTITI L.-E ; A.F.D.I., 1994, p. 684, obs. PELLOUX R ; COSTA J.-P., Les droits de la
dfense selon la jurisprudence de la Cour europenne des Droits de lHomme , Gaz. Pal., octobre
2002, p. 1418.
434
veille la prservation de lquilibre des droits des parties. Cette garantie constitue la
rception interne du principe dorigine anglo-saxonne dgalit des armes1644, dgag
par les juridictions europennes des droits de lhomme, partir de larticle 6,
paragraphe 1 de la Convention. Cette exigence constitutionnelle amne le Conseil
porter un regard panoramique sur lensemble des procdures applicables des
litiges comparables et vrifier, que la garantie autonome dquit est respecte pour
chacune dentre elles. En somme, cette protection sapplique des hypothses, dans
lesquelles le lgislateur a pu prvoir des procdures diffrentes pour rgler des
litiges similaires. Une telle ramification des chemins procduraux est accepte par le
Conseil constitutionnel, la condition que chacune des voies de droit prserve de
manire quivalente lquilibre des droits des parties et garantisse ainsi, en toutes
hypothses, le caractre juste et quitable de la procdure (A).
1644
1645
1646
1647
1648
La qualit du procs
435
sera alors sauvegard, que si le caractre contradictoire nest pas atteint dans sa
substance (B).
762. Cette ide dquilibre relatif des droits des parties sera rceptionne en droit
interne par le Conseil constitutionnel, sous la forme de lexigence dune procdure
juste et quitable1652, qui contraint le lgislateur ne placer aucune des parties dans
une position telle, quelle souffrirait dune infriorit procdurale insurmontable par
rapport son adversaire. En vertu de la jurisprudence constitutionnelle, le lgislateur
peut alors envisager que des justiciables, confronts des litiges comparables, soient
soumis des procdures juridictionnelles distinctes, mais la condition que ces
1649
1650
1651
1652
Commiss. E.D.H., 30 juin 1959, Szwabowicz c/ Sude, requte n 434/58, Ann. II, p. 355.
C.E.D.H., 17 janvier 1970, Delcourt c/ Belgique prc., 34.
C.E.D.H., 27 octobre 1993, Dombo Beheer c./ Pays-Bas prc., 33 ; C.E.D.H., 22 fvrier 1996, Bulut c./
Autriche prc., 47 ; C.E.D.H., 18 mars 1997, Foucher c./ France, requte n 22209/93, 34.
Dcision n 89-260 DC du 28 juillet 1989 prc., Cons. 44.
436
763. Que le lgislateur prvoie que des litiges similaires seront tranchs par des
juridictions diffrentes (a), ou quils seront jugs par les mmes tribunaux, mais dans
des compositions distinctes (b), pour le juge constitutionnel franais, lquit de la
procdure nen est pas pour autant altre, dans la mesure o les parties au procs ne
se trouvent, dans aucune des ces hypothses, en situation de dsquilibre pour faire
valoir leurs intrts.
La qualit du procs
437
certains litiges de leur juge naturel1653, ce qui conduit faire trancher par des
juridictions diffrentes, des contentieux prsentant de fortes similitudes 1654. En 2002,
larticle L331-4 du Code de l'organisation judiciaire, introduit par la loi d'orientation
et de programmation pour la justice1655, permettait au juge de proximit
nouvellement institu, de renvoyer au tribunal d'instance, d'office ou la demande
d'une partie, certaines affaires prsentant une difficult juridique srieuse portant sur
l'application d'une rgle de droit ou sur l'interprtation du contrat liant les parties . En
2010, larticle 689-11 du Code de procdure pnale, initi par la loi portant adaptation
du droit pnal l'institution de la Cour pnale internationale1656, tendait la
comptence personnelle des juridictions pnales nationales, certaines infractions
commises au-del du territoire de la Rpublique, pour lesquelles ni lauteur, ni la
victime nont la nationalit franaise, en distrayant ainsi certains crimes 1657 de la
juridiction rpressive cre par la convention de Rome du 17 juillet 1998. Dans
chacune de ces deux situations, le juge constitutionnel a valid le dispositif lgislatif,
en estimant que la procdure conservait son caractre juste et quitable, quelle que
soit la juridiction en charge du litige, car elle prservait en toutes hypothses
lquilibre des droits des parties.
765. Ces deux solutions identiques appellent pourtant une apprciation divergente.
Concernant la dcision de 20101658, les conditions dexercice de la comptence du juge
1653
1654
1655
1656
1657
1658
RENOUX T., Le droit au juge naturel, droit fondamental , R.T.D. civ., 1993, p. 33.
Dcision n 2002-461 DC du 29 aot 2002 prc. ; Dcision n 2010-612 DC du 5 aot 2010, Loi
portant adaptation du droit pnal l'institution de la Cour pnale internationale, JO, 10 aot 2010,
p. 14682.
Loi n 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice, JO, 10
septembre 2002 p. 14934. Cet article a depuis t abrog par lordonnance n 2006-673 du 8 juin
2006 portant refonte du Code de l'organisation judiciaire et modifiant le Code de commerce, le
Code rural et le Code de procdure pnale.
Loi n 2010-930 du 9 aot 2010 portant adaptation du droit pnal l'institution de la Cour pnale
internationale, JO, n 0183 du 10 aot 2010, p. 14678.
Gnocides, crimes contre lhumanit, crimes de guerre, agression.
Dcision n 2010-612 DC du 5 aot 2010 prc.
438
766. Il est toutefois possible dtre plus nuanc concernant la position adopte par le
Conseil constitutionnel, lgard de la mesure permettant au juge de proximit de
transmettre un litige au tribunal dinstance, en raison de sa complexit juridique 1664.
En premier lieu, il est assez incomprhensible que cette facult de renvoi soit
circonscrite aux seules affaires civiles. Est-ce dire que la comptence pnale du juge
de proximit1665 ne peut tre confronte une difficult juridique srieuse portant sur
1659
1660
1661
1662
1663
1664
1665
439
La qualit du procs
767. En deuxime lieu, il nest pas vident non plus que le Conseil constitutionnel
applique ici, avec une grande rigueur, les critres quil a lui-mme fixs dans la
jurisprudence dite juge unique1667 . Il tait principalement reproch au lgislateur
de laisser discrtionnairement au prsident de la juridiction, le choix de la collgialit
ou de lunicit de juge, au lieu dorganiser lui-mme, selon des critres prcis et
pertinents, lattribution des litiges. La cl de rpartition des contentieux civils, en
fonction
de
la
difficult
juridique
quils
posent,
laquelle
est
apprcie
1666
1667
1668
440
769. La prsence ou non dans les formations collgiales des tribunaux correctionnels,
dun juge de proximit choisi sur une liste daptitude, illustre lhypothse dune
diffrence qualitative dans la composition dune juridiction, comptente pour juger
des affaires similaires. En effet, la cration de la juridiction de proximit
saccompagna de la possibilit de faire siger un de ses membres, aux cts de deux
magistrats professionnels, dans les formations collgiales correctionnelles 1669, au sein
desquelles il serait ncessairement minoritaire1670. Cest au prsident du tribunal de
grande instance quil appartient dtablir la liste des juges de proximit de son
ressort, susceptibles de siger en qualit d'assesseur dans ces formations 1671. En
somme, le juge constitutionnel dt se prononcer sur le fait de savoir, si les droits de
la personne mise en cause bnficient de garanties quivalentes, selon que la
formation collgiale de jugement devant laquelle elle comparat est exclusivement
compose de magistrats professionnels, ou comporte un juge qui na pas souhait
embrasser la carrire judiciaire1672.
770. La collgialit tant conserve dans les deux cas, la jurisprudence dite juge
unique de 1975 ne trouvait pas sappliquer en la matire. De plus, les rgles
procdurales restant strictement identiques, quelle que soit la composition de la
juridiction, il ny avait nullement lieu de penser, que les droits de la personne mise
en cause seraient moins bien assurs, en prsence dun magistrat non professionnel
dans la formation de jugement. Dautant que ses capacits juridiques ont t
1669
1670
1671
1672
441
La qualit du procs
susceptibles
de
siger
en
qualit
dassesseur1674.
La
dcision
intellectuelle,
effectues
par
lintermdiaire
de
dispositifs
de
1673
1674
1675
1676
1677
1678
442
773. Que la mesure envisage par le lgislateur restreigne de manire relative (a) ou
absolue (b) laccs la justice lgard dun des acteurs du procs, la dcision du
Conseil constitutionnel reste celle de la condamnation du dispositif (dont il neutralise
parfois les effets indsirables par le biais dune rserve dinterprtation), en raison du
dsquilibre provoqu entre les parties linstance. Cette jurisprudence tmoigne de
son attachement au principe dgalit devant la justice, dont latteinte est apprcie
avec une svrit accrue, quand elle rsulte dune limitation du recours juridictionnel
effectif, ce qui confirme lide que le droit dagir en justice est un objectif prioritaire
dans la jurisprudence constitutionnelle.
1679
1680
1681
Cf infra n 886 et s.
Cf supra n 169 et s.
Article 495-1 du Code de procdure pnale.
La qualit du procs
443
774. Lgalit des armes processuelles entre les parties fait lobjet, de la part du
Conseil constitutionnel, dune protection accrue, quand elle risque dtre rompue en
raison de restrictions injustifies, apportes au droit daccs un tribunal, quil soit
de premire instance1682, dappel1683 ou de cassation1684. De surcrot, la jurisprudence
constitutionnelle est indiffrente la qualit de la partie dont les droits procduraux
se trouvent lss, puisquelle traite avec la mme exigence, les atteintes portes aux
intrts de la personne poursuivie1685 et les restrictions des droits de la victime qui
sest constitue partie civile1686, que celles-ci aient une origine financire1687 ou
juridique1688.
775. Le Conseil constitutionnel a ainsi censur, aussi bien les dispositions du Code de
procdure pnale qui interdisaient aux parties civiles de se pourvoir en cassation
contre les arrts de la chambre de l'instruction, constitutifs dune violation de la loi,
en labsence daction du ministre public1689, que celles qui ne permettaient pas aux
personnes poursuivies d'obtenir, devant la Cour de cassation, le remboursement des
frais irrptibles engags lors du pourvoi1690. Le juge constitutionnel a galement
permis la personne mise en cause dans un procs pnal, dinterjeter appel de toutes
les ordonnances lui faisant grief et contre lesquelles, elle ne dispose pas, dans la suite
1682
1683
1684
1685
1686
1687
1688
1689
1690
Dcision n 2011-190 QPC du 21 octobre 2011, M. Bruno L. et autre [Frais irrptibles devant les
juridictions pnales], JO, 22 octobre 2011, p. 17969.
Dcision n 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 prc. Cf supra n 180 et s.
Dcision n 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 prc., Cf supra n 199 et s. ; Dcision n 2011-112 QPC
du 1er avril 2011, prc., Cf supra n 206 et s.
Dcision n 2011-153 QPC du 13 juillet 2011 prc., Cons. 7.
Dcision n 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 prc., Cons. 8.
Dcision n 2011-112 QPC du 1er avril 2011 prc. ; Dcision n 2011-190 QPC du 21 octobre 2011
prc.
Dcision n 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 prc. ; Dcision n 2011-153 QPC du 13 juillet 2011
prc.
Dcision n 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010 prc.
Dcision n 2011-112 QPC du 1er avril 2011 prc.
444
1691
1692
1693
1694
1695
1696
La qualit du procs
445
777. Pour le Conseil constitutionnel, qui accorde une attention particulire au droit
au recours juridictionnel effectif1698, la limite du dsquilibre tolrable entre les
parties au procs est franchie, quand une dentre elles se retrouve, pour une dure
indtermine, prive daccs la justice, en raison de la qualit particulire de son
adversaire processuel. En effet, comment dans ces conditions pourrait-elle avoir une
possibilit raisonnable de prsenter sa cause au tribunal, dans des conditions
convenables, puisque le chemin qui conduit au prtoire lui est ferm ? La rponse
la question est fournie par la jurisprudence Golder de la Cour europenne des droits
de lhomme1699. Il serait en effet illusoire ou artificiel doffrir des garanties de
reprsentation et de dfense satisfaisantes, si la condition essentielle qui permet au
justiciable den bnficier ntait pas ralise. Cest cette position de bon sens que le
Conseil constitutionnel sest ralli au dbut de lanne 20121700.
778. La situation sest en effet prsente lui, quand une question prioritaire de
constitutionnalit lui a t transmise, concernant le dispositif daide aux rapatris,
1697
1698
1699
1700
446
organis par l'article 100 de la loi de finances pour 1998 1701, dans sa rdaction
postrieure l'article 25 de la loi de finances rectificative pour 19981702. En raison de
leur dpart prcipit et contraint (eu gard aux pertes enregistres et au cot inhrent
ce bouleversement), les autorits publiques, au nom de la solidarit nationale, ont
progressivement imagin certaines mesures1703, afin de faciliter financirement leur
retour en France. La principale dentre elles consiste prohiber toute forme dactions
en justice visant recouvrer une crance, dont un rapatri serait le dbiteur, ds lors
que ce dernier a dpos un dossier de dsendettement en prfecture dans le dlai
imparti. Un dispositif lgislatif qui, lorigine, trouvait sa justification dans la
louable et ncessaire protection dune catgorie de franais, en raison des difficults
quils ont rencontres, devint au fur et mesure du temps, dsquilibr au regard de
son champ dapplication et de ses effets.
1701
1702
1703
1704
1705
1706
Loi n 97-1269 du 30 dcembre 1997 de finances pour 1998, JO, 31 dcembre 1997, p. 19261.
Loi n 98-1267 du 30 dcembre 1998 de finances rectificative pour 1998, JO, 31 dcembre 1998,
p. 20116.
Moratoires, remises de dettes, prts de consolidation, plans dapurement et suspension des
poursuites.
Loi n 61-1439 du 26 dcembre 1961 relative laccueil et la rinstallation des Franais doutremer, JO, 28 dcembre 1961, p. 11996.
Loi n 86-1318 du 30 dcembre 1986 de finances rectificative pour 1986, JO, 31 dcembre 1986,
p. 15873, article 44, paragraphe I.
Dcret n 99-469 du 4 juin 1999 relatif au dsendettement des rapatris rinstalls dans une
profession non salarie, JO, 6 juin 1999, p. 8334.
La qualit du procs
447
comportait donc plus quun lien tnu avec lobjectif initial, celui daider une
population durement prouve par des vnements indpendants de sa volont.
780. Pour ce qui est des effets de la mesure, ils prirent au fil du temps, un caractre
la fois automatique et disproportionn. Automatique, puisque si au dpart, le
pouvoir de suspendre les poursuites judiciaires aux fins de recouvrement dune
crance appartenait au juge, qui pouvait laccorder pour une dure maximale de trois
ans, par la suite, son rle fut rduit au seul constat du dpt du dossier en prfecture,
lequel entrane de plein droit linterruption des actions en justice introduites par les
cranciers. Disproportionn, car la suspension des instances juridictionnelles se
trouve illimite, en raison des prolongations possibles provoques par les recours
administratifs, gracieux devant la commission en charge de ltude des dossiers et
hirarchiques devant le ministre charg des rapatris, puis contentieux devant le juge
administratif. Toutes ces raisons avaient dailleurs conduit la Cour de cassation, dans
sa formation la plus solennelle, dclarer les dispositions relatives au
dsendettement des rapatris, permettant une restriction abusive de laccs la
justice, contraires l'article 6, paragraphe 1, de la Convention europenne des droits
de l'homme1707.
448
782. Mme si le commentaire aux cahiers du Conseil constitutionnel souligne que les
deux catgories de mesure ne poursuivent pas les mmes finalits, elles nen
demeurent pas moins comparables par leurs effets. Il rsulte de cette restriction
abusive du droit au juge, que la procdure nest plus juste et quitable et, par
consquent, que le principe des droits de la dfense nest plus prserv. En ce sens, il
y a donc atteinte au principe dgalit devant la justice, car le lgislateur a imagin
des procdures juridictionnelles diffrentes pour des litiges comparables, mais la
condition que ces dernires soient indiffremment justes et quitables, cest dire
quelles garantissent invariablement lquilibre des droits des parties linstance,
nest plus respecte1711.
1709
1710
1711
1712
449
La qualit du procs
doctrinales
oscillant
entre
relation
dquivalence
et
relation
784. Au regard de ces considrations, qui tmoignent de la place cardinale que lui
accorde la doctrine processualiste la plus avise au sein des droits de la dfense, on
sera surpris par le statut un peu hsitant que lui confre le Conseil constitutionnel 1721.
En effet, dans la jurisprudence constitutionnelle, le droit une procdure
contradictoire est appliqu dans un cadre troit (1) et les tempraments dont il peut
faire lobjet sont admis avec une certaine bienveillance par la Haute juridiction, dont
lapprciation
pragmatique
autorise
certaines
entorses
lgislatives
(2).
Le
1713
1714
1715
1716
1717
1718
1719
1720
1721
450
1) Le
domaine
dapplication
circonscrit
du
principe
du
contradictoire
1722
1723
1724
1725
La qualit du procs
451
1726
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1733
1734
1735
1736
1737
1738
1739
MOTULSKY H., Le droit naturel dans la pratique jurisprudentielle : le respect des droits de la
dfense en procdure civile , op. cit., p. 184-185.
JEAN-PIERRE D. et MLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'galit des armes , op. cit.,
p. 504.
Dcision n 88-248 DC du 17 janvier 1989 prc., Cons. 29. Le principe comprend, pour la personne
mise en cause, la facult de prsenter ses observations sur les faits qui lui sont reprochs , ainsi que
d'avoir accs au dossier le concernant .
Cass. crim., 20 septembre 2000, Bull. crim., n 274 ; Rev. Dr. Pn., 2001, Chron. 14, obs. MARSAT C. :
Le prvenu doit tre inform (...) de la nature et de la cause de la prvention (...) et doit tre mis en mesure
de se dfendre tant sur les divers chefs dinculpation (...) que sur chacune des circonstances aggravantes .
C.E.D.H., 20 fvrier 1996, Vermeulen c/ Belgique prc., 33. Il sagit de la facult pour les parties un
procs, pnal ou civil, de prendre connaissance de toute pice ou observation prsente au juge, mme par un
magistrat indpendant, en vue dinfluencer sa dcision et de la discuter .
Dcision n 88-248 DC du 17 janvier 1989 prc., Cons. 29 ; Dcision n 92-307 DC du 25 fvrier 1992
prc., Cons. 29.
Dcision n 84-182 DC du 18 janvier 1985 prc., Cons. 8.
Dcision n 80-117 DC du 22 juillet 1980 prc., Cons. 8.
Dcision n 86-214 DC du 3 septembre 1986 prc., Cons. 4.
Dcision n 84-182 DC du 18 janvier 1985 prc., Cons. 8.
La qualit du procs
453
790. Dans le cadre de la procdure dexpropriation pour cause dutilit publique 1743,
labsence de contradictoire devant le juge qui procde au transfert de proprit est
admise par le Conseil constitutionnel pour deux raisons principales. La premire
tient la comptence limite du juge de lexpropriation ce stade de linstance, qui
se borne constater que le dossier est conformment constitu1744. La seconde rside
dans la compensation offerte par lensemble des garanties sur lensemble de la
procdure, telles que le droit de se pourvoir en cassation contre lordonnance
dexpropriation ou lobservation de la contradiction de la procdure, au terme de
laquelle le juge de l'expropriation fixe les indemnits1745. En somme, cest parce que
lordonnance dexpropriation est dicte de manire quasi mcanique, aprs le
constat de la lgalit de l'utilit publique (au regard de la dclaration d'utilit
publique et de l'arrt de cessibilit) et que tous ces actes juridictionnels sont
susceptibles de recours en justice, que la procdure peut se dispenser du
contradictoire, une tape o les prrogatives du juge se trouvent restreintes.
1741
1742
1743
1744
1745
C.E.D.H., 8 dcembre 1983, Pretto c/ Italie, requte n 7984/77, 27 ; C.E.D.H., 22 fvrier 1984, Sutter
c/ Suisse, requte n 8209/78, 33.
MOTULSKY H., La rforme du Code de procdure civile par le dcret du 13 octobre 1965 et les
principes directeurs du procs , J.C.P., 1966, I, 1996, 3.
Ibidem.
Dcision n 2012-247 QPC du 16 mai 2012 prc.
Idem, Cons. 6.
Ibidem.
454
792. Lappartenance du droit lassistance dun avocat, aux garanties des droits de la
dfense ne fait gure de doute, tant la jurisprudence 1752 et la doctrine1753 se rejoignent
1746
1747
1748
1749
1750
1751
1752
1753
La qualit du procs
455
794. La garde vue est une mesure privative de libert, prise lencontre dune
personne souponne dtre lorigine dun crime ou dun dlit puni d'une peine
456
795. Lapparition de lavocat en garde vue sest dabord ralise par le biais dun
libre entretien, lexpiration dun dlai de vingt heures1759, lequel a, par la suite, t
rendu possible ds le dbut de la garde vue, grce la loi du 15 juin 2000, qui en
prvoyait galement un second au bout vingt heures1760, repouss au dbut de la
prolongation des vingt-quatre premires heures par la loi du 9 mars 20041761. Bien que
pour le juge constitutionnel, il sagisse l dun droit de la dfense qui s'exerce durant la
phase d'enqute de la procdure pnale1762 , tout le droit rpressif franais tait marqu
par cette rticence lgard de la prsence de lavocat en garde vue, suspect de
nuire lefficacit de lenqute. Ainsi, le rapport LGER faisait tat dune opposition
majoritaire des membres du Comit la prsence de l'avocat lors des premires
1754
1755
1756
1757
1758
1759
1760
1761
1762
La qualit du procs
457
796. La position adopte par le Conseil constitutionnel en 1993 est courageuse, tant la
place accorde lavocat en garde vue a toujours t en France, trs en de de ce
quelle est dans dautres pays europens, comme une tude du Snat a pu le mettre
en vidence1764. Le juge constitutionnel y affirme le caractre de dfense pnale de
lentretien pendant la garde vue, ce qui renforce la lgitimit de la place de lavocat
durant lenqute policire et favorise les modalits de son intervention1765. Sa
jurisprudence empche aussi une rgression du principe mme de ce droit, qui
constitue une forme de garantie lgale des droits constitutionnels de la dfense et sur
lequel, le lgislateur ne pourra donc revenir.
1764
1765
1766
1767
Rapport du Comit de rflexion sur la justice pnale remis le 1er septembre 2009 M. le Prsident de la
Rpublique et M. le Premier Ministre, La documentation franaise, p. 18.
Les documents de travail du Snat, Srie Lgislation compare, La garde vue, n LC 204, dcembre
2009.
LE GUHENEC F., La loi du 24 aot 1993. Un rquilibrage de la procdure pnale , J.C.P., 1993,
I, 3720.
LESCLOUS V., Un an de droit de la garde vue , Droit pnal, 2007, n 9, chron. 3 ; Droit pnal,
2008, n 9, Septembre 2008, chron. 7 ; Droit pnal, n 9, Septembre 2010, chron. 7.
DAOUD E., obs., Dcis. Cons. const. n 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, Garde vue : faites
entrer l'avocat ! , Constitutions, 2011, n 4, p. 571.
458
assister par un avocat, notamment lors des interrogatoires de la garde vue, violait le
droit au procs quitable1768. La conventionnalit du rgime juridique franais de la
garde vue apparaissait alors fort incertaine et il ntait donc gure tonnant, au
regard de la convergence des catalogues de droit invocables devant les deux
juridictions, quil ft lobjet de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalit.
En symbiose avec la jurisprudence europenne, le Conseil constitutionnel a conclu
l'inconstitutionnalit du rgime de droit commun de la garde vue, sur le fondement
de la violation des droits de la dfense. Paris1769 comme Strasbourg1770, cest la
restriction gnrale du droit lassistance dun dfenseur, sans la prise en compte
des circonstances particulires de l'espce, qui est unanimement condamne.
1769
1770
1771
1772
1773
C.E.D.H., 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie, requte n 36391/02 ; C.E.D.H., 13 octobre 2009,
Dayanan c/ Turquie, requte n 7377/03, D, 2009, p. 2897, note RENUCCI J.-F. ; R.S.C., 2010, p. 231,
obs. ROETS D.
Dcision n 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 prc.,Cons. 28.
C.E.D.H., 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie prc., 56 62.
Articles 323 323-10 du Code des douanes.
Dcision n 2010-32 QPC du 22 septembre 2010 prc., Cons. 7.
Dcision n 80-127 DC du 20 janvier 1981 prc., Cons. 52.
La qualit du procs
459
tonnant que le Conseil constitutionnel nait pas jug judicieux de limposer durant
les perquisitions de nuit et les visites domiciliaires 1774, lexception des infractions
susceptibles d'tre qualifies d'actes de terrorisme1775. Mais peut-tre quici aussi, un
opportun changement de circonstances pourrait permettre un nouvel examen des
articles 706-89 706-94 du Code de procdure pnale.
799. Quand une des deux conditions fait dfaut, cest dire que la personne mise en
cause nest pas soumise une mesure de contrainte ou que la prsence de lavocat ne
prsente pas un caractre indispensable au regard des incidences futures de la phase
concerne, le juge constitutionnel estime que lintervention dun dfenseur ne se
justifie pas. Ainsi, dans lhypothse du dfrement devant le procureur de la
Rpublique l'issue de sa garde vue1776, le Conseil, aprs avoir admis quil sagit l
dune mesure de contrainte ncessaire l'exercice des poursuites1777 , nen considre pas
moins qu ce stade de la procdure, lassistance de lavocat na pas lieu dtre. Il en
est ainsi, puisque ce ncessaire rendez-vous judiciaire a pour seul objet de permettre
l'autorit de poursuite de notifier la personne poursuivie la dcision prise sur la mise en
uvre de l'action publique et de l'informer ainsi sur la suite de la procdure1778 . Tout au
plus, le juge constitutionnel formule-t-il une rserve dinterprtation, interdisant
lautorit dapplication du texte, de consigner dans le procs-verbal, les dclarations
1774
1775
1776
1777
1778
460
de la personne dfre qui porteraient sur les faits lorigine de laction en justice 1779.
Il ne sagit l, en somme, que de lapplication la procdure de dfrement, du
principe inscrit larticle prliminaire du Code de procdure pnale par la loi du 14
avril 20111780, selon lequel en matire criminelle et correctionnelle, aucune condamnation
ne peut tre prononce contre une personne sur le seul fondement de dclarations quelle a
faites sans avoir pu sentretenir avec un avocat et tre assiste par lui .
1779
1780
1781
1782
1783
La qualit du procs
461
803. Il est difficile de comprendre en quoi l'exercice d'un acte de contrainte peut tre
apprci comme un critre dterminant du bnfice des droits de la dfense. Certes,
cette dcision est conforme la jurisprudence du 30 juillet 2010, qui condamnait
l'absence davocat auprs du gard vue pendant les interrogatoires de police, en
mettant laccent sur le caractre impos de la mesure, apprci comme une
circonstance aggravante1786. En revanche, une lecture distraite de cette dcision
pourrait la laisser apparatre comme assez peu cohrente avec celle du 6 mai 2011 1787,
qui conduit penser quil existe, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel,
une interdpendance entre linscription des propos tenus par le suspect dans le
dossier de procdure et le droit de celui-ci tre assist par un dfenseur. Elle
1784
1785
1786
1787
462
805. Mme dans des hypothses o une personne est place contre sa volont, dans
une situation qui pourrait avoir des incidences importantes sur la suite de la
procdure, le juge constitutionnel accepte parfois avec bienveillance, que
lintervention de lavocat soit repousse, voire parfois refuse. Il en est ainsi dans les
procdures de garde vue et pas uniquement dans les rgimes drogatoires.
1788
1789
1790
1791
La qualit du procs
463
806. Le rgime juridique de droit commun de la garde vue prvoit, en effet, deux
hypothses dans lesquelles les interrogatoires et les confrontations peuvent se
drouler hors lassistance effective de l'avocat. Premirement, l'audition du suspect
peut dbuter sans attendre l'expiration du dlai prvu de deux heures1792 aprs que
l'avocat dsign est inform par l'officier de police judiciaire1793, quand les ncessits
de l'enqute lexigent. Deuximement, la prsence de l'avocat, lors des auditions ou
des confrontations, peut aussi tre diffre de douze (sur autorisation du ministre
public) voire de vingt-quatre heures (sur autorisation du juge des liberts et de la
dtention), de manire exceptionnelle et pour des raisons de force majeure lies
lefficacit de lenqute ou la scurit des personnes1794. Dans les deux cas, le
dispositif reoit le satisfecit du Conseil constitutionnel, qui considre que les
modalits de mise en uvre de ces deux reports permettent une conciliation
quilibre (ou tout au moins pas totalement dsquilibre, la nuance a son
importance1795), entre deux droits constitutionnels intrinsquement antagonistes, le
respect des droits de la dfense et la recherche des auteurs d'infractions.
1792
1793
1794
1795
464
808. Le rgime drogatoire du droit commun de la garde vue est encore davantage
marqu par les hypothses dvincement de lavocat, encore quil soit utile de
distinguer au sein de la criminalit organise, les infractions de terrorisme et de trafic
de stupfiants1798, des autres crimes et dlits1799. Dans le premier cas, l'entretien peut
tre retard la soixante-douzime heure1800 et dans le second, la quarantehuitime. Le juge constitutionnel considre que ce dlai dintervention dun
dfenseur naffecte que les modalits d'exercice des droits de la dfense, mais pas le
principe1801 et quen consquence, il nest pas contraire la Constitution. Dans tous les
cas, le gard vue ne peut bnficier de lassistance effective dun avocat pendant les
auditions. Toutes ces dispositions sont restes intactes, puisque le changement de
circonstances constat par le Conseil constitutionnel en 2010 1802 et justifiant le
rexamen des mesures contrles en 19931803, ne vaut pas pour le rgime drogatoire
de la garde vue, dfr en 20041804.
1796
1797
1798
1799
1800
1801
1802
1803
1804
RENOUX T., Le Conseil constitutionnel et linstruction pnale : juges ou magistrats ? , op. cit.,
p. 75.
VERGS E., Garde vue : le rle de l'avocat au cur d'un conflit de normes nationales et
europennes , D, 2011, p. 3005.
Article 706-73 du Code de procdure pnale, 3 et 11.
Article 706-73 du Code de procdure pnale, 1, 2, 4-10 et 12-18.
Article 706-88 du Code de procdure pnale.
Dcision n 2004-492 DC du 2 mars 2004 prc., Cons. 32.
Dcision n 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 prc., Cons. 15 18.
Dcision n 93-326 DC du 11 aot 1993 prc.
Dcision n 2004-492 DC du 2 mars 2004 prc.
La qualit du procs
465
809. Il est bien difficile de comprendre ici ce qui justifie la distinction effectue par le
juge constitutionnel. En quoi les lments qui fondent le changement de
circonstances du rgime de droit commun ne pourraient-ils pas sappliquer aux
gardes vue drogatoires ? Est-ce que, dans ce domaine, l'augmentation du nombre
de gardes vue na pas suivi, en proportion, la mme expansion ? Est-ce que les
modifications des conditions d'accs la qualit d'officier de police judicaire, les
seuls habilits dcider du placement d'une personne en garde vue dans ces
matires galement, y ont moins dimpact qu'en droit commun ?
1805
1806
1807
466
812. Le droit positif connat des hypothses, dans lesquelles la libert de choix dun
avocat est restreinte. Il en est ainsi quand lauteur dun pourvoi en cassation doit tre
reprsent par un avocat au Conseil1808, ce que les jurisprudences, judiciaire et
europenne1809, admettent au regard de la spcificit procdurale du recours en
cassation, qui justifie lassistance dun dfenseur expriment1810.
814. En premier lieu, il comporte la libert de dfendre soi-mme ses intrts, quand
le contentieux nimpose pas le ministre davocat, ou de faire appel un dfenseur
de son choix, ce que prvoit aussi le texte mme de la Convention europenne des
droits de lhomme1811. Cette disposition conventionnelle consacre le droit, au bnfice
1808
1809
1810
1811
La qualit du procs
467
815. Le droit de se dfendre seul est protg par le juge constitutionnel franais,
principalement sur le fondement du principe dgalit devant la justice. Il serait en
effet illusoire de consacrer une telle facult lintention des personnes mises en
cause, si les modalits de mise en uvre nassuraient pas aux justiciables des
garanties gales, au regard du respect des droits de la dfense 1815. La jurisprudence
constitutionnelle sur la question tmoigne dune position quilibre. Puisque se
dfendre seul ou tre assist d'un avocat (au besoin commis d'office) rsulte dun
choix effectu en toute libert par la personne mise en cause, une certaine ingalit
dans la stratgie de dfense devant la juridiction de jugement n'est donc pas
contraire la Constitution1816.
816. En revanche, il en va autrement, quand le choix de dfendre ses intrts soimme prive une des parties, du droit dtre mis en possession dinformations
capitales pour la suite de la procdure. Il en est ainsi quand la copie des rquisitions
dfinitives du procureur de la Rpublique n'est adresse qu'aux seuls avocats des
parties1817. Pourtant, la Cour de cassation refuse de longue date1818 la communication
1812
1813
1814
1815
1816
1817
1818
C.E.D.H., 13 mai 1980, Artico c/ Italie, requte n 6694/74, srie A, n 37, 33.
C.E.D.H., 26 juillet 2007, Weber c/ Suisse, requte n 3688/04.
C.E.D.H., 28 fvrier 2002, Biondo c/ Italie, requte n 51030/99.
Dcision n 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, M. Hovanes A. [Communication du rquisitoire
dfinitif aux parties], JO, 10 septembre 2011, p. 15273, Cons. 4.
Dcision n 93-326 DC du 11 aot 1993 prc., Cons. 25, propos de la purge des nullits de la
procdure d'instruction.
Dcision n 2011-160 QPC du 9 septembre 2011 prc.
Cass crim., 2 mai 1903, Rev. Dr. Pn., 1905, 1, p. 23.
468
817. En second lieu, la libert de choisir la dfense adquate comporte aussi le droit
de choisir librement son avocat. Dans la jurisprudence constitutionnelle, comme dans
celle de la Cour europenne1823, ce droit na pas de porte absolue, puisquil peut tre
diffr, voire retranch la personne mise en cause. Concernant le rgime de droit
commun, la loi du 14 avril 2011 permet lofficier de police judiciaire daviser le
procureur de la Rpublique, afin que celui-ci demande au btonnier de dsigner un
autre
avocat1824.
Alors
quen
1981,
le
Conseil
constitutionnel
sopposait
courageusement ce que lavocat soit pri de quitter la salle daudience, alors quil
1819
1820
1821
1822
1823
1824
Cette solution ne vaut toutefois pas pour la phase de jugement, Cf Cass. Crim., 12 juin 1996,
pourvoi n 95-82735, Bull. crim., 1996, n 248, p. 749, J.C.P., 1997, I, 3998, n 12, obs. MARON A. ;
C.E.D.H., 18 mars 1997, Foucher c/ France prc.
PERRIER J.-B., obs., Dcis. Cons. const. n 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, Communication
du rquisitoire dfinitif aux (avocats des) parties , A.J. Pnal, janvier 2012, n 1, p. 46.
Dcision n 2011-160 QPC du 9 septembre 2011 prc., Cons. 5.
CHAVENT-LECLERE A.-S., obs., Dcis. Cons. const. n 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, La
notification des rquisitions doit dsormais tre faite aux parties et non leurs avocats ,
Procdures, janvier 2012, n 1, p. 24.
C.E.D.H., 29 septembre 1992, Croissant c/ Allemagne, requte n13611/88, srie A, n 237 ; J.C.P.,
1993, I, 3654, obs. SUDRE F.
Article 63-4-3 du Code de procdure pnale.
La qualit du procs
469
navait manqu aucune de ses obligations1825, il est plutt tonnant que trente ans
aprs, la Haute juridiction accepte quil soit vinc du commissariat, en cas de
difficult, mme sil est remplac par un confrre (mais qui naura pas t dsir1826).
De plus, linstar de la remarque formule propos du report possible de
lassistance de lavocat pendant la garde vue de droit commun et pour les mmes
raisons, il est difficilement concevable quune telle limitation des droits de la dfense
soit confie un parquetier.
1825
1826
1827
1828
470
personne mise en cause du libre choix de son avocat, pour que la loi ne mconnaisse
pas l'tendue de sa comptence et chappe ainsi la censure constitutionnelle. Voil
qui nest gure satisfaisant. Quelle que soit la gravit de linfraction suspecte, il est
difficile dadmettre que le lgislateur puisse, conformment la Constitution, priver
le gard vue de choisir lavocat, avec lequel il ne pourra, de surcrot, sentretenir
qu la soixante-douzime heure.
820. Outre la limitation du libre choix de lavocat, lexercice des droits de la dfense
de la personne mise en cause peut tre entrav par les restrictions portes aux
moyens daction de son dfenseur. Ainsi, la loi du 14 avril 2011 autorise l'officier de
police judiciaire s'opposer aux questions que lavocat peut poser l'issue dun
interrogatoire ou dune confrontation, quand il juge quelles sont de nature nuire
au bon droulement de l'enqute1829. Le Conseil constitutionnel considre que les
droits de la dfense ne sont pas mconnus, en raison des compensations apportes
par le lgislateur cette limitation dune composante essentielle du rle de lavocat,
notamment la facult dadresser des observations crites au parquet pendant la garde
vue1830. En dehors du fait quil est encore tonnant que ce soit le ministre public
qui soit le destinataire de ces remarques, il est plutt incertain quune telle
amputation des prrogatives de lavocat soit conforme la jurisprudence
europenne, selon laquelle laccus doit pouvoir disposer de toute la vaste gamme
d'interventions propres au conseil1831 .
1829
1830
1831
La qualit du procs
471
821. De manire plus prjudiciable encore, la loi du 14 avril 2011 empche galement
lavocat de prendre connaissance des lments du dossier lui permettant d'exercer
efficacement la dfense du gard vue1832. Il ne peut en effet consulter que des
documents tels que le procs-verbal de placement en garde vue, qui ne contient pas
suffisamment de donnes prcises pour permettre la mise en place dune dfense
claire1833.
1832
1833
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472
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La qualit du procs
473
CONCLUSION DU TITRE 1
824. Au terme de cette sous-partie, il apparat que les droits des parties au procs
peuvent revtir deux formes distinctes. Lune est gnrale, puisquelle bnficie
tout citoyen concern par une procdure contentieuse : les droits de la dfense.
Lautre est plus spcifique, puisquelle ne vise que le justiciable susceptible de se voir
infliger une sanction punitive : la prsomption dinnocence. Chacune de ces deux
garanties sort renforce de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, pour qui ces
principes fondamentaux du droit processuel forment une protection procdurale
minimale, au profit des parties au procs.
826. Proche du prcdent mais plus vaste encore, le principe du respect des droits de
la dfense a t impos par le Conseil constitutionnel, au-del des juridictions
1845
1846
474
pnales et mme dans le cadre de procdures se droulant devant des autorits non
juridictionnelles. La seule exigence dune possible sanction punitive au terme de
linstance, comme facteur dclencheur de lapplication des droits de la dfense, est
elle-mme souplement apprcie par le juge constitutionnel. Simultanment, leur
statut constitutionnel sest progressivement affirm, en tant que principe
fondamental reconnu par les lois de la Rpublique, au dpart1847, puis, dans un
second temps, sur le fondement de larticle 16 de la Dclaration des droits de
lhomme et du citoyen1848.
1847
1848
La qualit du procs
475
829. Parmi les rgles procdurales directrices du procs, la collgialit des formations
de jugement, associe au secret du dlibr, est souvent prsente comme un facteur
dindpendance et dimpartialit du juge, en labritant des pressions extrieures,
grce la prservation de la confidentialit de ses opinions. Le juge unique, de son
ct, nest pas dpourvu de certains atouts, lis aux exigences quimpose la solitude
de son office. La jurisprudence constitutionnelle est, de ce fait, relativement
indiffrente au mode organisationnel des juridictions, mais veille ce que le choix
des pouvoirs publics ne saccompagne pas dune rupture dgalit devant la justice
(Chapitre 1).
830. La motivation des dcisions de justice constitue, quant elle, un des principaux
moyens de vrifier que le procs sest tenu dans des conditions dquit. Pourtant, la
jurisprudence constitutionnelle na pas de positon dogmatique sur cette question,
imposant la motivation littrale classique des jugements, uniquement dans les
hypothses juridictionnelles, dans lesquelles le risque darbitraire est le plus lev
(Chapitre 2).
La qualit du procs
477
832. Son expansion lgislative na dailleurs gure connu dentraves, dans la mesure
o le Conseil constitutionnel na jamais rig la collgialit en principe de valeur
constitutionnelle. Cependant, les entorses la composition collgiale des juridictions
ne sont pas non plus sans limites, puisque la collgialit bnficie dune protection
constitutionnelle indirecte, par le prisme du principe dgalit devant la justice et du
respect impratif de lautorit normative comptente (Section 2).
478
Section 1
834. La culture judiciaire, faonne par des sicles dhistoire, joue un rle essentiel
dans la dtermination des rgles du droit positif. Cest particulirement vrai en
matire de droit processuel dorganisation des juridictions. La tradition historique de
mfiance lgard du juge (A), allie lappartenance de la France la famille
juridique
romano-germanique
(B),
expliquent
lattachement
du
systme
Il faut aussi mentionner, lpoque mdivale de la justice dcentralise , les seigneurs qui
jugeaient seuls leurs sujets, souponns davoir enfreint la rgle ou commis quelques exactions.
La qualit du procs
479
836. Le point de dpart de la collgialit des juridictions peut tre fix au dbut du
rgne de FRANOIS 1er, dans une srie ddits de 1523 et 1524, qui modifient
profondment linstitution des baillages et snchausses1850. En effet, l o
jusqualors le reprsentant de l'autorit du monarque tait charg de faire appliquer
la justice, aid seulement en cela de quelques assesseurs sans voix participative, les
textes royaux mettent en place des offices patrimoniaux, qui transforment ainsi le
bailli ou le snchal en une vritable juridiction collgiale, comportant un minimum
de cinq juges en son sein. La vnalit des offices a jou un rle dterminant dans
ltablissement de la collgialit au sein des juridictions. Les motivations
conomiques et lquilibre des finances publiques furent, de tout temps, une
proccupation majeure des autorits tatiques. La patrimonialisation des offices
constitua une formidable opportunit de renflouer le budget de ltat, passablement
allg par les onreuses campagnes militaires, entreprises depuis les origines
captiennes. Ces offices de justice neurent dailleurs aucun mal trouver
preneurs1851, tant donne, comme le prcise M. Nader HAKIM1852, linclination
croissante de la bourgeoisie pour les charges honorifiques, synonymes de prestige
social et de reconnaissance publique.
1850
1851
1852
RIGAUDIERE A., Introduction historique l'tude du droit et des institutions, 3e d., Economica, 2006,
p. 578.
Tout au contraire, leur prix ne cessrent daugmenter, sous leffet dun mcanisme mercantile
classique daugmentation de la demande.
HAKIM N., La collgialit : histoire dun mode dorganisation de la justice , HOURQUEBIE F.
(dir.), Principe de collgialit et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant,
Bruxelles, 2011, p. 32.
480
1853
1854
1855
Ldit de Crmieu du 19 juin 1536 fait de ces tribunaux des juridictions de droit commun et les
organise en chambres, comptentes pour connatre des affaires en fonction de la matire.
Cest la clbre ordonnance de Villers-Cotterts du 10 aot 1539 qui dispose, en son article 125,
Qu il ne se fera doresnavant aucun partage s-procez pendans en nos cours souveraines, ains seront tenus
nos prsidens et conseillers convenir en une mesme sentence et opinion, tout le moins en tel nombre quil
sen puisse ensuivre arrest et jugement auparavant de vacquer et entendre autre affaire et qui fixe, dans
larticle 126, la rgle selon laquelle Et ceste fin, pour empescher lesdits partages, voulons et ordonnons
que quand il passera dune voix, soit le jugement et arrest conclu et arrest .
Article 10 du titre XXV Des sentences, jugements et arrts de lOrdonnance criminelle daot
1670 : Aux procs qui seront jugs la charge de l'appel par les juges royaux, ou ceux des seigneurs,
auxquels il y aura des conclusions peine afflictive, assisteront au moins trois juges qui seront officiers, si
tant il y en a dans le sige, ou gradus .
La qualit du procs
481
1856
1857
1858
Idem, article 11 du titre XXV : Les jugements en dernier ressort se donneront par sept juges au moins ; et
si ce nombre ne se rencontre dans le sige, ou si quelques-uns des officiers sont absents, rcuss, ou
s'abstiennent pour cause juge lgitime par le sige, il sera pris des gradus .
Toutes les juridictions prvues par la Loi sur lorganisation judiciaire des 16-24 aot 1790 (juges de
paix, tribunal de district, tribunal de commerce, tribunal criminel), de droit commun ou
spcialises, en premire instance comme en appel, sont collgiales.
FURET F. et HALEVI R., Orateurs de la Rvolution franaise , t. 1, Les constituants, Gallimard, 1989.
482
1861
1862
La qualit du procs
483
connaissent le juge statuant seul) et qui voit dans la magistrature unique, un moyen
de contraindre les juges des obligations de probit, dexcellence et de
responsabilisation.
842. Depuis, les entorses la collgialit nont cess de stendre, dictes la plupart
du temps par de pragmatiques raisons conomiques, dont il est savoureux de
constater quelles ont, en toutes poques, prsid la dtermination de lorganisation
judiciaire. L o la vnalit des offices incitait la royaut multiplier les
magistratures, par le biais commode et arithmtique de la collgialit, ltat
rpublicain a rapidement compris que le juge unique tait un efficace vecteur
doptimisation du service public de la justice, au meilleur cot. Nanmoins, ce nest
pas la seule explication lextension des formations de jugement magistrat unique,
tant la tradition juridique romano-germanique est prgnante, dans llaboration des
rgles dorganisation judiciaire.
844. Dans le premier, le juge est lacteur principal du procs, essentiellement parce
quil joue un rle normatif considrable, que nul ne songerait lui contester. En
484
845. Cest, de manire tout fait claire, la ligne doctrinale adopte par les systmes
juridiques dinspiration de Common law. En effet, ce modle reconnat au juge cette
comptence, non pas de dire le droit, mais bien de faire le droit et dont lexpression la
plus aboutie, rside dans la rgle du prcdent. Le juge est ainsi charg de prendre
position, entre deux versions argumentes et prsentes devant lui par des plaideurs
clairs1865. partir des situations particulires quil est amen trancher, il btit un
corpus jurisprudentiel, duquel il dgage des rgles applicables pour lavenir. Le
systme juridictionnel ne manifeste pas de dfiance particulire son encontre,
puisque tout au contraire, ldifice processuel dans son entier, repose sur la lucidit
de sa vision juridique et ses qualits dialectiques. Cest la raison pour laquelle le
systme de Common law ne pose aucun obstacle son action, qui est, tout au
contraire, favorise, dsentrave et surtout, singularise. Le principe matriciel qui
gouverne les juridictions de Common law est celui de la libert individuelle de
1863
1864
1865
La qualit du procs
485
1866
1867
1868
Cf MASTOR W., Les opinions spares des juges constitutionnels, Economica/P.U.A.M., Coll. Droit
public positif, Paris, Aix-en-Provence, 2005.
STRICKLER Y., Le juge unique en procdure pnale , L.P.A., n 35, 2002, p. 10.
HOURQUEBIE F., Collgialit et cultures judiciaires , HOURQUEBIE F. (dir.), Principe de
collgialit et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles, 2011,
p. 7.
486
848. En second lieu, grce ses traits dsincarns, voire dshumaniss 1869, la
collgialit offrirait au juge une protection, contre toutes formes de pressions
extrieures1870. Cest une caractristique particulire des institutions juridictionnelles
franaises, le juge est individuellement dissimul, labri dune collgialit
monolithique et dresponsabilisante, suppose lui apporter un rempart contre
lanimosit des justiciables. Le secret du dlibr est bien gard : du nom du
rapporteur aux opinions individuelles de chacun des membres de la formation de
jugement, en passant par lamplitude des votes avec laquelle le verdict a t rendu,
rien ne transpire des pores de la collgialit la franaise . Que les systmes
judiciaires doivent tre moribonds, pour sen remettre de tels artifices dopacit,
afin de pallier les dficits de lgitimit et dautorit intellectuelle de leur
magistrature. Cest dailleurs une des raisons pour lesquelles, quand la crainte de
mise en cause du juge, corrle directement lampleur des enjeux sociaux 1871,
semble inexistante ou drisoire, les formations juge unique retrouvent leur place.
1869
1870
1871
La qualit du procs
487
850. Le Conseil constitutionnel na jamais pris position ouvertement, entre les deux
systmes organisationnels des formations de jugement. Cette neutralit sexplique
sans doute par les avantages respectifs de la collgialit (1) et du juge unique (2),
quil serait possible (et souhaitable) dallier, en modifiant quelque peu lorganisation
collgiale des juridictions franaises.
851. Mme si le Conseil constitutionnel na jamais tabli de lien entre les deux, la
majorit des auteurs prte deux vertus principales la collgialit : elle favoriserait
lindpendance des juges (a) et amliorerait leur impartialit (b).
852. La collgialit, telle quelle est organise dans le systme juridictionnel franais,
comporte trois grands traits dominants. En premier lieu, elle se caractrise par
lgalit parfaite qui prvaut entre les membres de la formation de jugement, autant
qualitativement que quantitativement1872. Dune part, tous les juges se prononcent sur
1872
488
les mmes questions, lexemple de la cour dassises, o les jurs citoyens et les
magistrats professionnels se penchent ensemble sur la culpabilit de laccus et, en
cas de rponse positive, sur la fixation du quantum de la peine. Il en va tout
autrement dans les systmes de Common law, qui sparent strictement la question
de la culpabilit, confie aux jurs populaires, de celle de la sanction, dont la fixation
relve de la comptence des magistrats professionnels. Le professeur Jean
PRADEL1873 fait observer, que ce systme anglo-saxon de rpartition des
comptences, entre le fait (la question de la culpabilit) et le droit (la question de la
peine), avait t introduit une premire fois, en droit franais, par une loi des 16-21
septembre 1791 (qui rformait la procdure pnale, gouverne jusqualors par
l'Ordonnance criminelle de COLBERT), puis repris dans le Code d'instruction
criminelle de 1808. Cette sparation fut dfinitivement abandonne avec une loi du
25 novembre 1941 sur le jury. Dautre part, dans une juridiction collgiale, la
pondration des voix des membres est identique, quel que soit leur statut.
Lexpression du choix du prsident de la cour dassises ne pse pas davantage,
arithmtiquement tout au moins, dans la prise de dcision, que celle de ses
assesseurs ou dun membre du jury.
1873
1874
1875
PRADEL J., Le jury en France, une histoire jamais termine , R.I.D.P., 2001, p. 175.
PRADEL J., Procdure pnale et Collgialit , op. cit., p. 112.
Auparavant, cest en premier ressort que la rgle de limparit ntait pas observe, puisque la cour
dassises, statuant en premire instance, comportait douze membres, trois magistrats
professionnels et neuf jurs citoyens, ce qui correspond sa composition actuelle en appel.
La qualit du procs
489
limparit est sans consquences sur la dtermination des verdicts, puisque les
dcisions dassises ne peuvent tre prises qu la majorit renforce1876.
1876
1877
1878
1879
1880
1881
Cf infra n 994 et s.
LCUYER Y., Le secret du dlibr, les opinions spares et la transparence , R.T.D.H., 2004,
p. 197.
MASTOR W., Pour une humanisation de la collgialit , op. cit., p. 66.
COHENDET M.-A, La collgialit des juridictions : un principe en voie de disparition , op. cit.,
p. 719.
Lexpression est de Wanda MASTOR, Pour une humanisation de la collgialit , op. cit.,
p. 66.
COHENDET M.-A, La collgialit des juridictions : un principe en voie de disparition , op. cit.,
p. 720.
490
856. De telles affirmations peuvent tre contestes et sont dmenties par certaines
expriences trangres de collgialit ouverte , commencer par la plus
symbolique de toutes, la Cour suprme amricaine 1883. La possibilit de divulgation
des opinions spares de chacun des neuf membres de la Cour traduit au contraire
leur grande indpendance, dont elle est, simultanment, la meilleure caution. Cest
prcisment en raison de leur libert morale et intellectuelle, que chaque magistrat
du sommet du pouvoir judiciaire amricain peut dvoiler sans crainte, sa prise de
position divergente. Et cest corrlativement lexpression de ses opinions, certes
dissidentes, mais respectes par les autres membres, qui contribue accrotre
lindpendance de la juridiction suprme de Washington et de ses hauts magistrats,
en mme temps que leur grande lgitimit, forge au cours du temps et de lhistoire.
Preuve sil en est de leur autonomie, lgard de lautorit politique de nomination,
ce fameux devoir dingratitude selon les mots du prsident Robert BADINTER1884 et
quillustrent de la plus clatante des manires, les propos dHarry TRUMAN : On
1882
1883
1884
La qualit du procs
491
ne peut pas sassurer lavance une Cour favorable. (...) Chaque fois que vous nommez
quelquun la Cour suprme, il cesse dtre votre ami1885 .
1885
1886
1887
1888
Cit par le professeur Wanda MASTOR, Pour une humanisation de la collgialit , op. cit.,
p. 72, traduit de louvrage de Laurence TRIBE, God Save This Honorable Court: How the Choice of
Supreme Court Justices Shapes Our History, New American Library, 1986, p. 61.
Dcision n 2008-562 DC du 21 fvrier 2008 prc.
CHALTIEL F., obs., Dcis. Cons. const. n 2008-562 DC du 21 fvrier 2008, L.P.A., 2008, n 58, p. 3.
Idem, Cons. 9.
492
1889
1890
1891
1892
493
La qualit du procs
860. Selon ladage bien connu, le juge unique serait assurment inique 1893. En dehors
du bon mot obtenu par la substitution de la voyelle initiale, devant laquelle il tait
sans doute difficile de rsister, cette affirmation est videmment abusivement
simplificatrice
et
potentiellement
errone.
Le juge
statuant
seul prsente
1894
1895
Certains auteurs considrent que cet adage dcoule des mots de MONTESQUIEU, dans De
lesprit des lois , Livre VI, Chapitre VII, quand il crit que le magistrat unique (...) ne peut avoir lieu
que dans un Gouvernement despotique1893 . Il semble pourtant tout fait inappropri, puisque
comme lcrit le professeur Wanda MASTOR, cest prcisment la transparence de ses positions,
rsultant de la solitude de sa fonction, qui est rvlatrice de son indpendance, Pour une
humanisation de la collgialit , op. cit., p. 71.
Cf infra n 883 et s.
FAVOREU L., Du dni de justice en droit public franais, op. cit.
494
tat et en tour d'tre juges1896 . Il semble dailleurs tout fait naturel que
lindpendance statutaire, dont bnficient les magistrats, saccompagne de cette
responsabilisation croissante de laction judiciaire. Cest en tous cas la position du
Prsident de la Rpublique, exprime lors du 40e anniversaire de l'cole Nationale de
la Magistrature, Bordeaux en octobre 19991897, prolonge par les propos de la garde
des Sceaux1898. Voil un point sur lequel la discordance des majorits, prsidentielle et
parlementaire, naura pas eu de dissonance.
1898
1899
1900
La qualit du procs
495
496
perspicace dans son apprciation des faits et, pertinent dans lapplication du
syllogisme juridique, mme si lorganisation judiciaire ne lui offre pas la chance de
lchange intellectuel darguments contradictoires, avec ses homologues de la
juridiction, constituera toujours une meilleure solution. Cest peut tre ce qui
explique partiellement lextension du domaine dapplication du juge unique, avec
lassentiment du Conseil constitutionnel. Il ne sagit pourtant pas de la seule cause de
son irrsistible ascension, constante du droit positif, qui a connu une acclration
particulire, ces vingt dernires annes.
866. Les causes de la progression du juge statuant seul sont variables, certaines plus
nobles que dautres. En effet, son extension rpond deux impratifs distincts. Il est
souvent une solution efficace, mais pas toujours adapte, damlioration de la
productivit judiciaire1903, mme si la juxtaposition de ces deux termes rsonne
comme un oxymore (2). Cependant, il nen est pas toujours ainsi, son institution
traduit parfois un souci de mieux rendre la justice, en fonction des attentes du
justiciable (1).
867. Trois lments dterminants justifient le recours au juge unique, en lieu et place
dune formation collgiale de jugement : dabord, le souci de spcialisation, afin
doffrir la meilleure rponse juridictionnelle possible la technicit croissante des
1903
CADIET L., Efficience versus Equit , Mlanges Jacques Van Compernolle, Bruylant, Bruxelles,
2004, p. 25.
La qualit du procs
497
1905
1906
1907
1908
498
871. Ici encore, si le juge unique est trs prsent en procdure civile, cest aussi parce
que les affaires qui, en raison de leur nature, requirent une plus grande proximit
avec les parties aux procs, y sont trs nombreuses. Ds les origines de la justice
civile contemporaine, le juge de paix, mis en place par la loi des 16-24 aot 1790 et
dont loffice est organis par le Titre III du clbre texte rvolutionnaire, rpondait
cette ncessit de mettre en place une justice civile proche du citoyen, dans la gestion
des litiges aux enjeux restreints1910. Aujourdhui, lillustration la plus vidente est
fournie par le juge aux affaires familiales, dans le traitement des ruptures
matrimoniales. De la premire audience dite de conciliation1911, jusquau jugement,
les rendez-vous judiciaires devant le magistrat spcialis peuvent tre nombreux. Le
divorce offre certainement le meilleur exemple de procdure juridictionnelle exigeant
un juge unique, en raison de la ncessaire proximit avec les deux parties (et de
1909
1910
1911
au juge de la mise en tat, une comptence exclusive pour grer toutes les exceptions de procdure
et les incidents susceptibles de mettre un terme l'instance. Quant au juge de lexcution, depuis
lordonnance du 21 avril 2006 portant rforme de la saisie immobilire, JO, 22 avril 2006, p. 6024,
entre en vigueur le 1er janvier 2007, il sest vu transfr tout le contentieux de la saisie
immobilire, au dtriment du tribunal de grande instance qui en a t, symtriquement, dessaisi.
MLIN-SOUCRAMANIEN B., Collgialit et procdure civile, op. cit., p. 127.
Larticle 9 du Titre III de la loi des 16-24 aot 1790 prvoyait que le juge de paix, assist de deux
assesseurs, connatra avec eux de toutes les causes purement personnelles et mobilires, sans appel jusqu la
valeur de cinquante livres, et charge dappel jusqu la valeur de cent livres (...) , tandis que larticle
suivant dcrivait en dtail la liste exhaustive des contentieux civils, sur lesquels il devait statuer.
Code de procdure civile, articles 127 131.
La qualit du procs
499
872. La troisime raison, qui justifie que, dans une dmarche damlioration de la
qualit de la justice, il est parfois prfrable de confier un dossier un magistrat
unique plutt qu une formation collgiale, a trait au temps et ce souci doptimiser
la dure des instances. ce titre, il est intressant de noter, que le juge statuant seul
constitue alors la meilleure des solutions, dans les deux situations les plus loignes.
873. Dun ct, comme le rsume fort propos le professeur Jacques NORMAND,
lorsquil ny a pas de temps perdre1913 , cest dire dans les procdures durgence.
Quand une mesure conservatoire doit tre prise, il est en effet plus simple et plus
rapide de sen remettre une personne seule, que de mobiliser une juridiction en
formation collgiale. Le simple bon sens, alli au souci defficacit, gage ici de bonne
justice, dicte cette solution qui simpose delle-mme. Les procdures durgence
seront mieux gres par un magistrat seul que par un collge, la logistique
judiciaire plus lourde et la prise de dcision plus lente1914. Le dveloppement de ces
1912
1913
1914
Mme si la loi n 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, JO, 27 mai 2004, p. 9319, a simplifi
et raccourci les procdures.
NORMAND J., Dommage imminent et trouble manifestement illicite , La justice civile au vingt et
unime sicle, Mlanges Pierre Julien, Paris, 2003, p. 324. La formule complte, qui mane des propos
dun avocat gnral parisien, est que le juge unique simpose lorsquil ny a pas de temps perdre
ou lorsquil est inutile de perdre son temps .
Sans compter que dans ces diffrentes situations, le juge unique permet de rendre des dcisions
rapides, non seulement en raison de lvincement de la collgialit, mais surtout grce
lallgement de certaines garanties procdurales, telles que la contradiction ou la publicit.
500
dans
lequel
laugmentation
des
procdures
de
rfr
sest
874. Dun autre ct, lautre bout du spectre, quand le besoin de rgulation et de
suivi dans le temps de certaines affaires, qui ne peuvent tre tranches dans
limmdiatet, se fait sentir, la prsence dun interlocuteur privilgi semble tre de
mise1921. Le juge est alors bien plus que le reprsentant dune institution qui doit
trancher un litige, en appliquant les rgles de droit, aux circonstances de lespce.
Son rle est plus large, ne serait-ce quen raison de ltendue de la procdure dans le
temps et de la nature de son intervention, protectrice et tutlaire1922. Cette situation
est, dailleurs, corrler avec la premire qui a t voque, car dans ce cas de figure,
le juge unique, le mieux mme de grer ces contentieux, est souvent un magistrat
spcialis.
1915
1916
1917
1918
1919
1920
1921
1922
En dehors de lhypothse classique de lurgence, le Code de procdure civile prvoit trois autres
cas douverture de rfr devant les juridictions de premire instance : en cas de dommage
imminent ou de trouble manifestement illicite (Article 809), quand l'obligation n'est pas
srieusement contestable (Article 808) et enfin, en cas de risque de dprissement dune preuve
importante pour lissue du contentieux (Article 145).
GABARDA O., L'intrt d'une bonne administration de la justice , R.D.P., 2006, n 1, p. 153.
Existaient dj, par exemple, le rfr-constat (R. 531-1 CJA) qui permet de dsigner un expert pour
constater (au besoin, en allant sur les lieux du litige) sans dlai les faits susceptibles de donner lieu un
litige devant la juridiction , ou encore le rfr- instruction (R. 532-1 CJA), traditionnellement utilis
pour diligenter un expert afin quil effectue toute mesure utile d'expertise ou d'instruction, sans
compter nombre de rfrs spcialiss.
Loi n 2000-597 du 30 juin 2000 relative au rfr devant les juridictions administratives, JO, 1 er
juillet 2000, p. 9948.
Dcret n 2000-1115 du 22 novembre 2000 pris pour l'application de la loi n 2000-597 du 30 juin
2000 prc., JO, 23 novembre 2000, p. 18611.
Le rfr-suspension dun acte administratif (Article L521-1 du Code de justice administrative), le
rfr-libert fondamentale, (Article L521-2 du Code de justice administrative) et enfin, le rfrmesures utiles ou rfr-conservatoire, (Article L521-3 du Code de justice administrative).
MLIN-SOUCRAMANIEN B., Collgialit et procdure civile, op. cit., p. 127.
Ibidem.
501
La qualit du procs
876. Dans chacun de ces cas de figure, contrairement aux hypothses prcdemment
exposes, rien, en dehors de proccupations budgtaires, ne justifie vraiment le choix
du juge statuant seul, de prfrence une solution collgiale.
877. La principale raison invoque, pour justifier la prsence du magistrat unique, est
laccroissement du contentieux. Cest sous ce motif, par exemple, qua t institu en
Italie, le juge unique de premire instance , dans le but de rduire le temps moyen
des procdures judiciaires, suite aux nombreuses condamnations prononces par la
Cour europenne des droits de lhomme, pour violation du dlai raisonnable de
jugement1924.
Un
raisonnement
mathmatique,
qui
peut
sembler
un
peu
simplificateur, permet de comprendre aisment, quen faisant grer une affaire par
un juge unique, en lieu et place dun collge de trois, par exemple, on triple la
1923
1924
502
878. Devant laugmentation rgulire du volume daffaires traiter, dans une socit
qui se judiciarise un peu plus chaque jour, la logique arithmtique peut justifier
quune juridiction soit tente daugmenter ainsi le nombre de ses chambres. Il est
tout de mme possible dmettre une rserve. Outre cette logique strictement
conomique, qui peut sembler inadapte dans le cadre dun service public comme
celui de la justice1925, le juge unique, priv de lchange darguments, nest sans doute
pas la meilleure solution, en termes de qualit de la motivation des dcisions de
justice. Or, les procdures dappel tant, le plus souvent, davantage justifies par
lincomprhension des motifs du jugement, que par le seul fait davoir succomb en
premire instance, ne risque-t-on pas de perdre au second degr, le gain de
productivit obtenu au premier ? La question mrite rflexion.
879. Devant cet afflux croissant de litiges trancher, le lgislateur a d tablir des
critres de rpartition des affaires. Lanalyse des diffrents contentieux permet de
distinguer deux hypothses, que le professeur Fabrice MELLERAY dsigne sous
lintitul vocateur de petites questions (a) et de petites affaires1926 (b), dans
lesquelles lintervention dun collge na pas sembl ncessaire aux pouvoirs publics
constitutionnels, tenus de distribuer les comptences.
1925
1926
AMRANI-MEKKI S., Le temps et le procs civil, Dalloz, Coll. Nouvelle bibliothque de thses, Paris,
2002 ; Le principe de clrit , Rev. fran. dadm.pub., n 125, 2008, p. 43.
MELLERAY F., Les trois visages du juge unique administratif , HOURQUEBIE F. (dir.), Principe
de collgialit et cultures judiciaires, colloque de Bordeaux, 20-21 septembre 2007, Bruylant, Bruxelles,
2011, p. 85.
La qualit du procs
503
880. Correspondent dabord cette situation, les affaires qui paraissent simples
juridiquement, cest dire celles dont la solution semble vidente, ou tout au moins,
ne prsente pas de difficults majeures. Dans ces conditions, pourquoi complexifier,
par une dlibration, la rsolution dun diffrend, qui ne ncessite pas de
concertation particulire et qui peut tre, favorablement rgl, par un juge unique ?
Cette hypothse recouvre la seconde branche de lalternative rappele par le
professeur Jacques NORMAND, celle o le juge unique simpose lorsquil est inutile
de perdre son temps1927 .
881. Entrent notamment dans cette catgorie, les affaires dont la qualification
juridique des faits induisent des questions de droit, qui semblent dj avoir t
rsolues par la jurisprudence. Cest lobjet mme du dispositif institu par le dcret
du 28 juillet 20051928, permettant de grer des requtes relevant d'une srie
contentieuse, cest dire des recours ne ncessitant pas de nouvelle apprciation ou
qualification des faits et prsentant, pour la juridiction comptente, des questions
identiques celles qu'elle a tranches auparavant1929. Cette forme dautomatisation de
la justice est certainement une solution subie, davantage que rellement voulue. Il
faut lui permettre, dans certains cas, dagir vite au moyen de mesures techniques, qui
ne ncessitent pas forcment le temps de la rflexion. Le magistrat administratif se
prsente l comme le juge de lexpdient .
1927
1928
1929
NORMAND J., Dommage imminent et trouble manifestement illicite , op. cit., p. 324.
Dcret n 2005-911 du 28 juillet 2005 modifiant la partie rglementaire du Code de justice
administrative, JO, 4 aot 2005, p 12772.
Pour le professeur Ren CHAPUS, Droit du contentieux administratif, op. cit., une srie de litiges
regroupe les multiples recours forms contre une mme rglementation par une pluralit de justiciables se
trouvant dans des situations similaires et agissant en ordre dispers . Cette hypothse est apparue suite
lengorgement des tribunaux administratifs en 1992, qui connurent un afflux massif de vingt-sept
mille recours, relatifs au supplment familial de traitement dans la fonction publique.
504
celle
du
stare
decisis1931 ?
Mais,
au-del
de
cette
curiosit
883. Sinsrent ensuite dans ce cadre, les litiges comportant peu denjeu social. En
somme, quand la porte de la dcision de justice, intervenue suite une contestation
sur des droits et obligations de caractre civil, ou une accusation en matire pnale,
pour reprendre la dichotomie tablie par larticle 6 de la Convention europenne des
droits de l'homme, est insusceptible davoir une incidence substantielle sur son
destinataire, il est inutile de convoquer un collge pour trancher le contentieux1932. La
logique mercantile, qui sous-tend cette hypothse, suscite quelques rticences.
1930
1931
1932
La qualit du procs
505
884. Elle est dabord contraire lesprit mme de la justice. Quil ne paraisse pas
indispensable dutiliser toute la potentialit dlibrative du collge, quand laffaire,
de prime abord, ne semble pas appeler de discussion particulire, pourrait encore se
concevoir intellectuellement, nonobstant le caractre flou et factice de la distinction
entre les litiges simples et ceux qui le seraient moins. Mais, que le choix du juge
unique se fasse, non pas en fonction de la complexit des problmes juridiques
rsoudre, mais en raison de la soi-disant faiblesse des enjeux, difficile apprcier par
ailleurs, un verdict judiciaire pouvant comporter des consquences inattendues sur
son destinataire, nest pas concevable, au regard du principe constitutionnel dgalit
devant la justice1933. Ainsi, les hypothses, vises par le Code de justice
administrative, ne recouvrent pas uniquement des situations juridiques videntes
dmler. Il serait, ce titre, fort hasardeux de croire que la difficult contentieuse
dune action indemnitaire repose sur le seul montant des dommages et intrts
demands. Mme si un second regard est port sur laffaire, celui du rapporteur
public, qui fait profiter le juge unique de son analyse, ce traitement contentieux par
un magistrat statuant seul, est fort discutable, dautant que dans une proportion
majoritaire des hypothses1934, le tribunal administratif statue en premier et dernier
ressort .
885. Elle aboutit, surtout, une forme assez contestable de hirarchisation des
citoyens, car les contentieux, qui entrent dans la catgorie de ceux status juge
unique, concident avec certaines familles de justiciables1935. Il y aurait alors des
justiciables de premier rang, ceux dont le litige serait trait collgialement et des
justiciables de second rang, pour lesquels le magistrat statuerait seul. Mme si, ainsi
1933
1934
1935
juge unique, mais en conservant un minimum de garanties procdurales, cest dire en audience
publique et aprs audition du rapporteur public. Il s'agit pour l'essentiel, de litiges considrs
comme tant de faible porte, pouvant tre rgls par un magistrat expriment, clair par les
conclusions du rapporteur public.
MLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'galit dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, op.
cit., p. 94 et s.
Article R811-1 du Code de justice administrative.
MELLERAY F., Les trois visages du juge unique administratif , op. cit., p. 96.
506
Section 2
La qualit du procs
507
888. la fin du mois de juin 1975, le Parlement adoptait dfinitivement, mais une
trs courte majorit dune voix au Snat, une loi, qui modifiait les articles 398 et 398-1
du Code de procdure pnale. Ce texte lgislatif permettait discrtionnairement, au
prsident du tribunal de grande instance, de confier le jugement des dlits,
lexception des dlits de presse1936, au tribunal correctionnel, dans sa formation
collgiale classique ou en configuration juge unique.
889. Cette rforme ne faisait que gnraliser celle du 29 dcembre 19721937, qui
confrait les mme pouvoirs au prsident de la juridiction judiciaire (aprs avis de
lassemble gnrale), mais uniquement dans un certain nombre de dlits,
limitativement numrs par la loi1938. Le retour la collgialit tait nanmoins
toujours possible, soit la demande du prsident, soit celle du juge unique saisi
(mais la condition que le prsident laccepte), ou encore de droit, quand le prvenu
est plac en dtention au moment de sa comparution1939. En somme, les deux
rformes lgislatives reposaient sur le mme principe de rpartition des contentieux
rpressifs devant le tribunal correctionnel, mais diffraient par leur tendue : l o la
loi de 1972 visait seulement quatre catgories de dlits clairement identifis, celle de
1936
1937
1938
1939
Il sagit des dlits prvus par le Chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la libert de la presse, JO,
30 juillet 1881, p. 4201, intitul Des crimes et dlits commis par la voie de la presse ou par tout
autre moyen de publication .
Loi n 72-1226 du 29 dcembre 1972 simplifiant et compltant certaines dispositions relatives la
procdure pnale, aux peines et leur excution, JO, 30 dcembre 1972, p. 13783.
1 Les dlits en matire de chques ;
2 Les dlits prvus par le code de la route, par la loi n 58-208 du 27 fvrier 1958 instituant une obligation
dassurance en matire de circulation de vhicules terrestres moteur, par larticle 319 du code pnal,
lorsque lhomicide a t caus loccasion de la conduite dun vhicule, et par larticle 320 du mme code ;
3 Les dlits en matire de coordination des transports ;
4 Les dlits prvus par le code rural en matire de chasse et de pche.
Article 398-1 du Code de procdure pnale : [...] Toutefois, le tribunal statue obligatoirement dans les
conditions prvues par le premier alina de l'article 398 ( Le tribunal correctionnel est compos d'un
prsident et de deux juges. ) lorsque le prvenu est en tat de dtention provisoire lors de sa comparution
l'audience ou lorsqu'il est poursuivi selon la procdure de comparution immdiate [...] .
508
1975 avait une porte beaucoup plus large, puisquelle concernait lensemble des
infractions juges par la juridiction rpressive, lexception dune seule catgorie 1940.
890. Dfre au Conseil le 23 juillet 19751941, la loi fut censure par la juridiction
constitutionnelle, qui considra que le dispositif portait atteinte au principe d'galit
devant la justice, qui est inclus dans le principe d'galit devant la loi proclam dans la
Dclaration des droits de lhomme de 1789 et solennellement raffirm par le prambule de la
Constitution
1942
1940
1941
1942
1943
1944
1945
La Commission des lois du Snat tait dailleurs trs hostile cette gnralisation de la procdure
et proposait seulement une extension de la liste des dlits concerns.
Dcision n 75-56 DC du 23 juillet 1975 prc.
Idem, Cons. 4.
Dcision n 73-51 DC du 27 dcembre 1973, Loi de finances pour 1974 prc.
MLIN-SOUCRAMANIEN F., Le principe d'galit dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, op.
cit., p. 94.
Tous les citoyens sans distinction plaident dans la mme forme et devant les mmes juges dans les mmes
cas .
La qualit du procs
509
texte revtu de la signature de Louis XVI1946 , mais il tait surtout, beaucoup plus
simple de chercher la source constitutionnelle du principe, dans la dclaration
rvolutionnaire, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la Rpublique,
ntant gnralement mobiliss par le juge constitutionnel qu titre subsidiaire1947.
892. Sur le contenu du principe, celui-ci fait obstacle ce que des citoyens se trouvant
dans des conditions semblables et poursuivis pour les mmes infractions soient jugs par des
juridictions composes selon des rgles diffrentes1948 . Ce qui est donc prioritairement
condamn ici, cest le pouvoir discrtionnaire, laiss au prsident de la juridiction, de
choisir la collgialit ou lunicit de juge, selon des considrations potentiellement
arbitraires, en fonction du dlit, mais peut-tre aussi, selon son auteur1949. Latteinte
au principe dgalit tait indiscutable. Il eut fallu, pour viter la censure
constitutionnelle, que le lgislateur organist lui-mme (ou quil confit au pouvoir
rglementaire1950) la rpartition des litiges, en attribuant le jugement de certaines
catgories dinfractions un juge unique, alors que les autres seraient confies une
formation collgiale.
1946
1947
1948
1949
1950
RIVERO J., note, Dcis. Cons. const. n 75-56 DC du 23 juillet 1975, A.J.D.A., 1976, p. 46.
CHAMPEIL-DESPLATS V., Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la Rpublique : principes
constitutionnels et justification dans les discours juridiques, op. cit. ; LARSONNIER V., Les Principes
fondamentaux reconnus par les lois de la Rpublique dans la jurisprudence du Conseil Constitutionnel,
Thse dactyl., Montpellier I, 2002.
Dcision n 75-56 DC du 23 juillet 1975 prc., Cons. 5.
Idem, Cons. 3 : Considrant que des affaires de mme nature pourraient ainsi tre juges ou par un
tribunal collgial ou par un juge unique, selon la dcision du prsident de la juridiction .
Cf infra n 923 et s.
510
imagination,
dans
linterprtation
des
silences
de
la
juridiction
1951
1952
1953
1954
La qualit du procs
511
1955
1956
1957
1958
1959
1960
1961
Cf supra n 852 et s.
Cf supra n 858 et s.
GHEVONTIAN R., Collgialit et Constitution , op. cit., p. 54 et s.
COHENDET M.-A, La collgialit des juridictions : un principe en voie de disparition , op. cit.,
p. 719 et s.
Cf supra n 866 et s.
Dcision n 88-244 DC du 20 juillet 1988 prc., Cons. 12. Cest, en particulier, la condition
dapplication continue qui fait dfaut ici.
Ibidem.
512
1962
1963
1964
1965
Le texte mme de la Convention europenne, plus particulirement larticle 6 1, est muet sur ce
point.
Protocole n 14, Article 27 (entr en vigueur le 1 er juin 2010), Comptence des juges uniques : 1.
Un juge unique peut dclarer une requte introduite en vertu de larticle 34 irrecevable ou la rayer du rle
lorsquune telle dcision peut tre prise sans examen complmentaire .
C.E.D.H., 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et de Meyre c/ Belgique, requtes n 6878/75 et 7238/75,
srie A, n 43, Cah. dr. eur., 1982, p. 201, obs. COHEN-JONATHAN G ; A.F.D.I., 1982, p. 495, note
PELLOUX R., 55 : Daprs la jurisprudence de la Cour (...), seul mrite lappellation de tribunal un
organe rpondant une srie dautres exigences - indpendance lgard de lexcutif comme des parties en
cause, dure du mandat des membres (...) .
C.E.D.H., 28 juin 1984, Campbell et Fell c/ Royaume-Uni prc. : Pour dterminer si un organe peut
passer pour indpendant - notamment lgard de lexcutif et des parties (...), la Cour a eu gard au mode
de dsignation et la dure du mandat des membres (...) .
PRADEL J., Procdure pnale et Collgialit , op. cit., p. 103.
La qualit du procs
513
1966
1967
1968
1969
514
dune
autorit
juridictionnelle,
impose
par
la
dcision
1970
1971
1972
1973
Sur ce point, Cf PRTOT X., L'application du principe d'galit l'tranger en France , R.D.S.S.,
1990, p. 437 et s.
GONOD P., MELLERAY F. et YOLKA P., Trait de droit administratif, t. 2, op. cit., p. 561.
Dcision n 2009-590 DC du 22 octobre 2009 prc.
Dcision n 2009-580 DC du 10 juin 2009 prc.
La qualit du procs
515
confier le jugement de ces dlits un magistrat pnal statuant seul, le cas chant
selon la procdure simplifie de l'ordonnance pnale1974. cette fin, la loi prvoyait
ainsi dajouter la liste, dj htroclite, des infractions tranches par le tribunal
correctionnel statuant juge unique, initie par la loi du 29 dcembre 1972
prcdemment cite, les dlits prvus aux articles L335-2, L335-3 et L335-4 du Code
de la proprit intellectuelle.
1974
1975
516
1978
1979
1980
La qualit du procs
517
pouvoir rglementaire dtermine la liste des litiges, dans lesquels les prsidents de
juridictions sont autoriss statuer par la procdure allge de lordonnance 1981. Au
regard de lviction de ces garanties procdurales, le syndicat requrant estimait que
le lgislateur, en prvoyant la drogation de larticle L222-1, aurait d encadrer plus
strictement le pouvoir rglementaire, dans la dlgation quil lui a confie ddicter
la liste des contentieux jugs selon la procdure allge par ordonnances. Dautre
part, la facult consentie au juge unique de renvoyer en formation collgiale,
porterait galement une forme datteinte rebours, au principe dgalit devant la
justice.
905. Sur la premire contestation, il est manifeste que larticle L222-1 du Code de
justice administrative encadre laction du pouvoir rglementaire, dans sa
dtermination des catgories daffaires, tranches par un magistrat unique. Seuls
l'objet du litige et la nature des questions juger peuvent lui permettre de fixer la
liste des contentieux chappant la collgialit. Larbitraire est donc exclu, puisque
deux affaires soulevant les mmes questions juridiques, ou deux contestations
portant sur un objet identique, seront juges ncessairement selon les mmes formes
procdurales. Cest ici toute la diffrence avec le dispositif, prvu par le lgislateur de
1975 et censur par le Conseil dans la dcision du 23 juillet, que le syndicat requrant
invoquait. Quant lallgement des garanties procdurales dans ces diffrentes
hypothses, il sexplique essentiellement par le caractre provisoire des mesures
susceptibles dtre prises. Nanmoins, mme si le jugement prononc nest que
temporaire, dans lattente de la dcision de fond, il reste excutoire 1982. De plus, il
revt une importance non ngligeable, tant les magistrats administratifs, notamment
au sein de la mme juridiction, prouvent quelque rticence se dsapprouver entre
eux.
1981
1982
Cf supra n 880 et s.
PAILLET M., Lexcution des jugements et le double degr en matire administrative , op. cit.,
p. 139.
518
1983
Dcision n 2002-461 DC du 29 aot 2002 prc., Cons. 24 : Considrant que le lgislateur a instaur
cette facult de renvoi au tribunal d'instance, eu gard la nature particulire de la juridiction de proximit
et dans un souci de bonne administration de la justice ; que cette procdure, qui constitue une garantie
supplmentaire pour le justiciable, ne porte pas atteinte, en l'espce, l'galit devant la justice .
La qualit du procs
519
908. Dans la dcision de juillet 1975, le deuxime grief principal adress la loi, a t
soulev doffice par le Conseil constitutionnel. En confiant au prsident du tribunal
de grande instance, cest dire une autorit judiciaire, le soin de distribuer les
contentieux rpressifs, soit un magistrat unique, soit une formation collgiale de
jugement, la disposition lgislative litigieuse violait la rpartition constitutionnelle
des comptences1984.
909. Ce ntait certes pas la premire fois quun tel moyen dinconstitutionnalit tait
invoqu par le Conseil, mais en matire de lgislation ordinaire, la chose tait indite.
La premire censure de lincomptence ngative du lgislateur tait intervenue le 26
janvier 19671985, propos dune loi organique relative au statut de la magistrature. Il
sagissait dune incomptence ngative, dans sa forme la plus traditionnelle, cest-dire un cas de subdlgation explicite en faveur du pouvoir rglementaire.
910. Trois ans avant la jurisprudence Juge unique 1986, le Conseil constitutionnel
avait dj annul un dispositif par lequel, le lgislateur organique cdait chaque
assemble parlementaire, la comptence quil tenait de larticle 25 de la Constitution,
pour dterminer lautorit tenue de statuer sur les incompatibilits des dputs et
snateurs1987. Le constituant lui ayant confi le pouvoir de dfinir le rgime des
incompatibilits parlementaires, il ne pouvait, son tour, le dlguer une autre
1984
1985
1986
1987
Sur la question, Cf GALLETTI F., Existe-t-il une obligation de bien lgifrer ? Propos sur
lincomptence ngative du lgislateur dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel ,
R.F.D.C., 2004, n 58, p ; 387 ; MILANO L., Contrle de constitutionnalit et qualit de la loi ,
op. cit.
Dcision n 67-31 DC du 26 janvier 1967 prc.
Dcision n 71-46 DC du 20 janvier 1972, Loi organique modifiant certaines dispositions du titre II de
l'ordonnance n 58-998 du 24 octobre 1958 portant loi organique relative aux conditions d'ligibilit et aux
incompatibilits parlementaires, JO, 25 janvier 1972, p. 1036.
Idem, Cons. 3.
520
1988
1989
1990
1991
1992
Les motivations du Conseil constitutionnel ntaient, sans doute, pas uniquement dictes par des
rgles de comptences. Il sagissait aussi de ne pas renouer avec les excs de IVe Rpublique,
durant laquelle les chambres disposaient dune latitude quasi complte pour fixer les normes
rgissant leur fonctionnement interne.
TREMEAU J., La rserve de loi, Comptence lgislative et Constitution, Economica/P.U.A.M., Coll.
Droit public positif, Paris, Aix-en-Provence, 1997, p. 37 : La rserve de loi tend devenir une norme
opposable au lgislateur, supposant que celui-ci exerce effectivement la comptence que la Constitution lui
attribue, sans quil puisse sen dfausser, sous peine dinconstitutionnalit la rserve de loi constitue une
charge pour le Parlement, et non une simple facult .
FAVOREU L. et PHILIP L., chron., Dcis. Cons. const. n 75-56 DC du 23 juillet 1975, op. cit.,
p. 1320.
Considrant, enfin, que l'article 34 de la Constitution qui rserve la loi le soin de fixer les rgles
concernant la procdure pnale, s'oppose ce que le lgislateur, s'agissant d'une matire aussi fondamentale
que celle des droits et liberts des citoyens, confie une autre autorit l'exercice, dans les conditions cidessus rappeles, des attributions dfinies par les dispositions en cause de l'article 6 de la loi dfre au
Conseil constitutionnel ; .
RIVERO J., note, Dcis. Cons. const. n 75-56 DC du 23 juillet 1975, op. cit., p. 63. Jean RIVERO
nenvisage cette question que sous langle du principe dgalit.
La qualit du procs
521
aux tribunaux pnaux ? En dautres termes, la comptence du lgislateur simposaitelle uniquement en raison des pouvoirs rpressifs du tribunal correctionnel, puisque
l'article 34 de la Constitution rserve la loi le soin de fixer les rgles concernant la
procdure pnale ? Ou est-ce une comptence plus gnrale, quelle que soit la nature
du contentieux, ds quil sagit de dfinir les exceptions la forme collgiale des
juridictions ?
522
1994
1995
1996
1997
COHENDET M.-A., Vers une gnralisation du juge unique ? , A.J.D.A., 2006, p. 1465.
COHENDET M.-A., La collgialit des juridictions : un principe en voie de disparition , op. cit.,
p. 713.
Idem, p. 722, le second paragraphe de la premire section (I-B) intitul POUR LA
RECONNAISSANCE DE LA VALEUR CONSTITUTIONNELLE DE CE PRINCIPE .
GONOD P., MELLERAY F. et YOLKA P., Trait de droit administratif, t. 2, op. cit.
La qualit du procs
523
917. Le premier alina de larticle 34 dispose que la loi fixe les rgles concernant les
() garanties fondamentales accordes aux citoyens pour lexercice des liberts
publiques () . De manire assez classique, son premier argument repose sur les
qualits quelle prte la collgialit, comme garantie dindpendance et
dimpartialit des tribunaux, dont celle-ci serait la condition essentielle, en mme
temps que le corollaire. Le droit de voir sa cause entendue par un tribunal
indpendant et impartial, pos directement par larticle 6, paragraphe 1 de la
Convention europenne des droits de lhomme et, dont le fondement constitutionnel
rside dans larticle 16 de la dclaration de 17891998, est un droit fondamental1999,
protg tant par la Cour de Strasbourg que par le Conseil constitutionnel 2000. En
consquence, le droit lindpendance et limpartialit du tribunal doit
ncessairement bnficier dune protection, au moins aussi satisfaisante que celle
dont profitent les liberts publiques, puisque ces dernires ne reprsentent
aujourdhui, quune infime partie des droits fondamentaux2001, dont le respect
simpose aux pouvoirs publics2002.
1998
1999
2000
2001
2002
524
918. Le lgislateur serait donc seul comptent pour organiser le rgime juridique,
garantissant lindpendance et limpartialit des juridictions et, puisquil en est le
ncessaire corollaire, pour apporter des drogations au principe de collgialit. Le
raisonnement est astucieux, mais il comporte une faiblesse structurelle qui a dj t
signale : le lien, entre la collgialit et le rle indispensable quelle jouerait sur
lindpendance2003 et limpartialit2004 des tribunaux, est fragile et tnu. De
nombreuses expriences trangres, notamment dans les pays de Common law,
dmontrent lenvi que la collgialit la franaise , nest pas la seule
organisation juridictionnelle, gage de jugement indpendant et impartial2005.
2003
2004
2005
2006
Cf supra n 852 et s.
Cf supra n 858 et s.
Cf supra n 844 et s.
ARRIGHI de CASANOVA J., Commentaire de lordonnance n 2000-387 du 4 mai 2000 relative
la partie lgislative du Code de justice administrative ; Commentaire des dcrets n 2000-388 et
2000-389 du 4 mai 2000 relatifs la partie rglementaire du Code de justice administrative ,
A.J.D.A., 2000, Chroniques, p. 639 et s.
La qualit du procs
525
920. Tous les auteurs ne partagent pas cet avis. Ainsi, le professeur Ren CHAPUS
estime que le juge unique ne constitue (...) pas une juridiction distincte : il reste membre
de la juridiction collgiale dont il nest quune manation provisoire 2007 . Cest ainsi que M.
CHAPUS justifie le renvoi toujours possible dune affaire, du juge unique vers la
formation collgiale, alors mme que les textes peuvent rester muets sur la
question2008. Par ailleurs, la jurisprudence administrative incline vers la mme
position : le magistrat statuant seul nest pas une juridiction nouvelle, mais
seulement une forme procdurale particulire du tribunal dont il fait partie2009. Une
fois encore, lexclusive intervention du lgislateur pour scarter de la collgialit ne
semble donc pas tout fait dmontre de manire irrfutable.
921. Marie-Anne COHENDET avance un autre argument pour tayer sa thse. Lors
de la dcision du 20 juillet 20062010, le Conseil devait apprcier la constitutionnalit
dune disposition, permettant au prsident du tribunal administratif, de statuer seul
sur les recours introduits par les trangers placs en rtention, contre les refus de
sjour assortis d'une obligation de quitter le territoire franais. Ce texte lgislatif
prvoyait donc une exception au principe de collgialit, dans un souci defficacit et
2007
2008
2009
2010
526
922.
Cet
argument
nemporte
pas
totalement
ladhsion.
Certes,
lanne
de
dispositions
qui
prsentaient
manifestement
un
caractre
2012
2013
2014
2015
2016
2017
La dcision du Conseil constitutionnel du 20 juillet 2006 relative la loi sur l'immigration permet-elle au
gouvernement de gnraliser le recours au juge unique par voie rglementaire ou bien l'oblige-t-elle
recourir la voie lgislative ? , COHENDET M.-A, Vers une gnralisation du juge unique ? ,
op. cit., p. 1465.
COHENDET M.-A., La collgialit des juridictions : un principe en voie de disparition , op. cit.,
p. 724.
Le professeur Marie-Anne COHENDET aurait dailleurs pu mettre exactement la mme
remarque propos de la dcision n 95-360 DC du 2 fvrier 1995 prc., qui tendait la pratique du
juge unique devant les juridictions judiciaires et administratives.
Dcision n 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'cole, JO,
24 avril 2005, p. 7173.
Idem, Cons. 23.
Dcision 82-143 DC du 30 juillet 1982 prc.
par les articles 34 et 37, alina 1er, la Constitution n'a pas entendu frapper d'inconstitutionnalit une
disposition de nature rglementaire contenue dans une loi (...) ", Idem, Cons. 11.
La qualit du procs
527
dmentie2018 . La Haute juridiction naffirme pas que ces dispositions sont contraires
la Constitution, elle se contente de signaler leur nature rglementaire, limage de la
dmarche qui est la sienne, quand elle est saisie dans le cadre de la procdure de
l'article 37, alina 22019. De surcrot, le grief dinconstitutionnalit, li la prsence
dans la loi de 2005, de nombreuses dispositions sans aucune porte lgislative... en
contradiction avec les articles 34 et 37 de la Constitution2020 , tait soulev par les auteurs
de la saisine, ce qui nest pas le cas dans la dcision sur la loi relative l'immigration
et l'intgration de 2006. Sauf considrer quil constitue un motif dordre public, il
est donc plutt audacieux den tirer un quelconque enseignement sur la valeur
normative des dispositions contrles.
923. La position dfendue par Marie-Anne COHENDET sera dmentie par le Conseil
constitutionnel, dans la dcision n 2010-54 QPC du 14 octobre 2010, prcdemment
cite, dans laquelle la Haute juridiction juge que les dispositions de la procdure
administrative contentieuse relvent bien de la comptence du rglement, ds lors
qu'elles ne mettent en cause aucune des matires rserves au lgislateur par l'article 34 de la
Constitution2021 . Laffirmation est dautant plus remarquable, que le motif navait
pas t invoqu par le requrant. Le Conseil constitutionnel a donc tenu rappeler
cette rpartition des comptences, quil avait dj pose dans la dcision n 88-153 L
du 23 fvrier 19882022, laquelle ne faisait dailleurs quappliquer au droit processuel, le
2018
2019
2020
2021
2022
AUBY J.-B., L'avenir de la jurisprudence Blocage des prix et des revenus , Cahiers du Conseil
constitutionnel, 2005, n 19, p.107.
Ibidem.
Dcision n 2005-512 DC du 21 avril 2005 prc., Cons. 22.
Dcision n 2010-54 QPC prc., Cons. 3.
Dcision n 88-153 L du 23 fvrier 1988, Nature juridique de dispositions contenues dans les articles 8,
140 et 143 de la loi n 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et la liquidation judiciaires des
528
principe gnral dgag en 19592023 : quelle que soit la matire, cest au pouvoir
rglementaire dexcution dintervenir pour fixer les rgles de dtail. partir du
moment o les rgles dapplication se contentent de mettre en uvre les orientations
du lgislateur, sans les mettre en cause, elles ressortent du domaine du rglement. Le
Conseil dtat adopte dailleurs, sur cette question, la mme position que son voisin
du Palais Royal2024. Appliqu l'article L222-1 du Code de justice administrative,
contest dans la dcision doctobre 2010, le principe permet au lgislateur de fixer
seulement les critres de rpartition des contentieux (l'objet du litige et la nature des
questions juger), laissant au pouvoir rglementaire, le soin de dterminer la liste
des catgories de litiges pouvant tre jugs par un magistrat unique.
2023
2024
2025
entreprises, JO, 25 fvrier 1988, p. 2647, Cons. 2 : les dispositions de la procdure suivre devant les
juridictions relvent de la comptence rglementaire ds lors quelles ne concernent pas la procdure pnale
et quelles ne mettent en cause aucune des rgles, ni aucun des principes fondamentaux placs par la
Constitution dans le domaine de la loi .
Dcision n 59-1 L du 27 novembre 1959 prc.
C.E., 17 dcembre 2003, Meyet et autres, n 258253 prc.
A lexception des procdures durgence en matire dasile, confies par la loi un juge unique.
La qualit du procs
529
2026
2027
Ne doutez pas des vertus de la collgialit. Elle est le propre de la magistrature , Discours prononc par
le Premier prsident de la Cour de cassation, M. Vincent Lamanda, lors de laudience solennelle
dinstallation, le 30 mai 2007, Site internet de la Cour de cassation
:
http://www.courdecassation.fr/institution_1/occasion_audiences_59/installation_chefs_70/premier_presiden
t_10464.html, consult le 25 janvier 2013.
APCHAIN H., Retour sur la notion de bonne administration de la justice , op. cit., p. 587 ;
LAVAL N., La bonne administration de la justice , op. cit., p. 12.
La qualit du procs
531
927. Dune part, le lgislateur dispense parfois le juge de cet exercice exigeant, voyant
dans cet allgement procdural, un moyen damliorer la clrit du procs. Ainsi,
tout un pan du droit, particulirement le droit du divorce, est caractris par cette
dispense de motivation. titre dexemple, en matire de divorce pour faute, larticle
248-1 du Code civil2029 (repris dans larticle 1128 du Code de procdure civile)
autorise le juge, sur demande des poux, ne pas mentionner, dans la dcision, leurs
torts et leurs griefs. La Cour de cassation a considr, deux reprises 2030, que cette
disposition ne heurtait pas le droit au procs quitable, pos par larticle 6,
paragraphe 1, de la Convention europenne des droits de lhomme.
2030
GUINCHARD S., Quels principes directeurs pour les procs de demain ? , op. cit., p. 209.
En cas de divorce pour faute et la demande des conjoints, le juge aux affaires familiales peut se limiter
constater dans les motifs du jugement qu'il existe des faits constituant une cause de divorce, sans avoir
noncer les torts et griefs des parties .
Cass. 2me civ., 20 mars 1991, pourvoi n 89-15297, Bull. civ., 1991, II, n 88, p. 48 ; Cass. 2me civ., 1er
avril 1998, pourvoi n 96-16888, Bull. civ., 1998, II, n 116, p. 69.
532
ne sont plus rares et les juridictions suprmes ne rendent pas toujours des dcisions,
brillant par lloquence et la pdagogie des motifs qui y sont dvelopps.
Section 1
2031
Cf MASTOR W. et (de) LAMY B., note, Dcis. Cons. const. n 2011-113-115 QPC du 1er avril 2011,
D, 5 mai 2011, p. 1154 : Il n'est pas mme pertinent de se demander s'il existe ou non un droit la
motivation. La motivation est consubstantielle l'activit de juger : je juge donc je motive .
La qualit du procs
533
2032
2033
2034
2035
Larticle 15 du Titre V de la loi des 16-24 aot 1790 dispose : La rdaction des jugements, tant sur
lappel quen premire instance, contiendra quatre parties distinctes.
Dans la premire, les noms et les qualits des parties seront noncs.
Dans la seconde, les questions de fait et de droit qui constituent le procs seront poses avec prcision.
Dans la troisime, le rsultat des faits reconnus ou constats par linstruction, et les motifs qui auront
dtermin le jugement, seront exprims.
La quatrime enfin contiendra le dispositif du jugement .
GIUDICELLI-DELAGE G., La motivation des dcisions de justice , Thse dactyl., Poitiers, 1979,
p. 30 et 40.
La procdure formulaire et la procdure extraordinaire.
GIUDICELLI-DELAGE G., La motivation des dcisions de justice , op. cit., p. 24.
534
933. Le XVe sicle marque une premire volution, avec lapparition des recueils
darrts et dictionnaires de jurisprudence, dans lesquels les arrestographes2036, dont la
grande majorit appartient au barreau, prcisent les motifs de droit ou de fait, qui ont
prsid la dcision finale. Mme sils furent fort dcris, le chancelier
d'AGUESSEAU, par exemple, dconseillant leur lecture dans ses Instructions sur
les tudes propres former un magistrat2037 , ces ouvrages nen constituent pas
moins, la source privilgie des historiens du droit, pour apprhender la pratique
judiciaire dAncien Rgime.
934. Au XVIe sicle, les recueils de jurisprudence ont ainsi contribu, de manire
essentielle, la prise de conscience collective, de la ncessit de comprendre le
raisonnement juridique, qui amne le magistrat statuer dans un sens ou dans un
autre. Cela semble dautant plus ncessaire, avec lapparition des juridictions dappel
ou de cassation, qui ont besoin de connatre les motifs du jugement de premier
ressort, afin dapprcier la ncessit de le rformer. Ainsi, le Conseil du Roi,
juridiction de cassation des arrts des Parlements, demandait ces derniers, la
transmission des causes ayant dtermin leur position. Sensibiliss par les carences
de la justice rpressive, il nest gure surprenant, que la motivation des jugements
devienne une revendication de la noblesse et du tiers tat, lors de la runion des tats
gnraux Orlans en 1560, sous lgide de Catherine de MDICIS, mais sans
rsultat probant.
935. Alors quelle est pourtant relaye par les philosophes du sicle des Lumires,
notamment VOLTAIRE, qui prit position dans la clbre affaire Calas2038, la demande
de suppression des verdicts non motivs ne devait tre effective quavec la priode
2036
2037
2038
La littrature juridique dsigna aussi sous le nom darrtistes , ces magistrats ou avocats qui ont
pour principal objectif de recueillir et de commenter la jurisprudence des cours souveraines du
royaume.
dAGUESSEAU H.-F., Instructions sur les tudes propres former un magistrat , uvres de M.
le chancelier dAguesseau, I, Paris, 1759.
Afin d'obtenir la rhabilitation de Jean CALAS, VOLTAIRE publia, en 1763, l'ouvrage Trait sur
la tolrance .
La qualit du procs
535
rvolutionnaire. Mme la rforme judiciaire de mai 1788, initie par le garde des
sceaux LAMOIGNON, ne permit qu'une extension partielle, de l'obligation de
motiver les dcisions de justice, lun des six dits se contentant dimposer, aux arrts
prononcs en matire rpressive, la mention de la qualification juridique prcise des
crimes ou des dlits concerns.
2039
2040
2041
2042
Larticle 22 du dcret des 8-9 octobre 1789 dispose que Toute condamnation une peine afflictive ou
infamante, en premire instance ou en dernier ressort, exprimera les faits pour lesquels laccus sera
condamn, sans quaucun juge puisse jamais employer la formule " Pour les cas rsultant du procs " .
Cette mention dans la Constitution de lan III, est la seule de toute lhistoire constitutionnelle
franaise, lexception du projet de Constitution du 19 avril 1946, rejet par rfrendum le 5 mai,
qui disposait, dans son article 9, que Nul ne peut tre maintenu en dtention s'il n'a comparu dans les
quarante-huit heures devant un juge appel statuer sur la lgalit de l'arrestation et si ce juge n'a
confirm, chaque mois, la dtention par dcision motive .
Loi n 5351 du 20 avril 1810 sur l'organisation de l'ordre judiciaire et l'administration de la justice.
Larticle 7 de la loi du 20 avril 1810 dispose : Les arrts qui ne sont pas rendus par le nombre de juges
prescrit, ou qui ont t rendus par des juges qui n'ont pas assist toutes les audiences de la cause, ou qui
n'ont pas t rendus publiquement, ou qui ne contiennent pas les motifs, sont dclars nuls .
536
dbut
du
XIXe
sicle2043,
le
principe
de
la
motivation
obligatoire,
sera
2043
2044
2045
2046
2047
2048
Sa premire inscription, dans un code procdural, remonte larticle 163 du Code d'instruction
criminelle de 1808, qui prvoit que Tout jugement dfinitif de condamnation sera motiv, et les termes
de la loi applique y seront insrs, peine de nullit .
L'article 485 du Code de procdure pnale (concernant le tribunal correctionnel) dispose : Tout
jugement doit contenir des motifs et un dispositif. Les motifs constituent la base de la dcision , alors que
larticle 593 du mme Code sanctionne linobservation du principe : Les arrts de la chambre de
l'instruction, ainsi que les arrts et jugements en dernier ressort sont dclars nuls s'ils ne contiennent pas
des motifs ou si leurs motifs sont insuffisants et ne permettent pas la Cour de cassation d'exercer son
contrle et de reconnatre si la loi a t respecte dans le dispositif . Les dispositions de larticle 485 sont
tendues au tribunal de police et la juridiction de proximit, par le biais de larticle 543, qui
dispose que Sont applicables la procdure devant le tribunal de police et devant la juridiction de
proximit les articles 475-1 486 concernant les frais de justice et dpens, la restitution des objets placs
sous la main de la justice et la forme des jugements .
Larticle 455 du Code de procdure civile dispose que Le jugement doit tre motiv , alors qu
linstar du Code de procdure pnale, larticle 458 prvoit que Ce qui est prescrit par les articles [...]
455 (alina 1) [...] doit tre observ peine de nullit .
L'article L9 du Code de justice administrative dispose : Les jugements sont motivs .
Larticle 111 de la Constitution de la Rpublique italienne du 27 dcembre 1947 dispose : Toutes
les mesures juridictionnelles doivent tre motives . Larticle 149 de la Constitution belge du 17 fvrier
1994 dispose, quant lui, que Tout jugement est motiv .
Lobligation de motivation a valeur lgislative en matire pnale et administrative, rglementaire
en matire civile.
La qualit du procs
537
938. Tant par ses qualits et par les fonctions quelle exerce dans la structure du
jugement (A), que par son ancrage constitutionnel (B), mme indirect, la motivation
est une partie irrductible dun verdict judiciaire, ncessaire son accessibilit et
son intelligibilit.
940. Les principaux bnficiaires de la motivation dun jugement sont les parties au
procs, qui peuvent ainsi comprendre les raisons syllogistiques ayant amen la
juridiction se prononcer, ce qui facilite inluctablement lacceptation de la dcision.
Motiver permet ainsi de porter la connaissance des principaux intresss, les tapes
2049
538
942. Loin dtre une contrainte la charge de celui qui la pense et la rdige, la
motivation est surtout un paravent, pour protger le juge contre les tentations
humaines les plus arbitraires2052 et minimiser les risques de partialit. Cest, pour le
Conseil constitutionnel, comme pour la Cour europenne des droits de lhomme, qui
2050
2051
2052
La qualit du procs
539
se rejoignent sur ce point, une fonction essentielle attribue aux motifs dans un
jugement.
943. La juridiction constitutionnelle estime, en effet, avec une louable constance, que
la motivation des dcisions de justice constitue une garantie fondamentale contre
larbitraire. Elle a eu loccasion de laffirmer une premire fois en 1999, lors de
lexamen du statut de la Cour pnale internationale2053. Le Conseil constitutionnel
ritrera sa position, deux reprises et de manire strictement identique, en 2011, en
considrant quil appartient au lgislateur, dans l'exercice de sa comptence, de fixer des
rgles de droit pnal et de procdure pnale de nature exclure l'arbitraire dans [...] le
jugement des personnes poursuivies2054 et que, l'obligation de motiver les jugements et
arrts de condamnation constitue une garantie lgale de cette exigence constitutionnelle2055 .
2053
2054
2055
2056
2057
Dcision n 98-408 DC du 22 janvier 1999 prc., Cons. 22 : sont galement de nature viter
l'arbitraire la motivation, exige par l'article 74 du statut, de la dcision rendue par la chambre de premire
instance .
Dcision n 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 prc., Cons. 11 ; Dcision n 2011-635 DC du 4 aot
2011 prc., Cons. 22.
Ibidem.
Idem, Cons. 11 : si la Constitution ne confre pas cette obligation un caractre gnral et absolu,
l'absence de motivation en la forme ne peut trouver de justification qu' la condition que soient institues
par la loi des garanties propres exclure l'arbitraire .
C.E.D.H., 13 janvier 2009, Taxquet c/ Belgique, requte n 926/05, 43.
540
sait que la prminence du droit et la lutte contre l'arbitraire sont des principes qui soustendent la Convention2058 .
946. Les arrts de la Cour europenne des droits de l'homme sont, ce titre, les
exemples jurisprudentiels les plus significatifs, dcrivant avec une minutie ingale,
les dtails des faits de lespce ainsi que le raisonnement syllogistique du juge, dont il
est alors ais dapprcier la cohrence juridique qui la conduit jusquau dispositif.
ce titre, la Cour de Strasbourg naccepte, que sous de rigoureuses conditions, la
motivation minimale dune juridiction de renvoi, par simple reproduction des motifs
utiliss par le juge de premier ressort, laissant suspecter un dfaut dimpartialit, par
absence de deuxime regard sur laffaire2061. Nanmoins, lutilisation de notions
gnriques, sans rapprochement avec les faits concerns2062, ni qualification juridique
2058
2059
2060
2061
2062
Idem, 90.
BOR L., La motivation des dcisions de justice et la Convention E.D.H. , J.C.P., 2002, I, p. 121.
FRISON-ROCHE M.-A., L'impartialit du juge , op. cit., p. 55.
C.E.D.H., 26 septembre 1995, Diennet c/ France, requte n 18160/91, srie A, n 325 ; R.U.D.H., 1996,
p. 15, obs. SUDRE F. Dans ce cas prcis, la Cour accepte la motivation de la juridiction de
cassation, par simple incorporation des motifs des juges de premire instance et ne conclut pas la
partialit du tribunal, pour la seule raison que le jugement avait t cass pour vice de procdure,
sans que le justiciable ninvoque de moyens nouveaux.
C.E.D.H., 29 mai 1997, Georgiadis c/ Grce, requte n 21522/93 ; R.G.D.I.P., 1998, p. 239, obs.
FLAUSS J.-F. Le tribunal n'avait pas fourni de prcisions suffisantes, permettant au requrant
dapprcier si son comportement tait constitutif dune faute lourde, alors que celle-ci emporte des
consquences juridiques importantes : les juridictions internes ont estim que ltat ntait pas
responsable de la dtention du requrant au motif que celui-ci avait commis une "faute lourde". Labsence de
prcision quant cette notion, qui implique une apprciation des faits, imposait que les tribunaux noncent
La qualit du procs
541
947. Les juridictions qui pratiquent la rgle du prcdent sont plus exigeantes encore
dans leur motivation, dans la mesure o toute rupture avec les jurisprudences
antrieurement tablies doit tre dment justifie. Cest la position de la Cour
europenne qui, mme en considrant que la scurit juridique et la protection de la
confiance lgitime ne consacrent pas de droit acquis une jurisprudence constante 2064 , nen
demeure pas moins trs attentive sur la qualit de la motivation, quand la solution
choisie sloigne de la rgle dgage auparavant.
2063
2064
2065
des motifs plus dtaills, eu gard notamment au caractre dterminant de leur conclusion pour le droit
rparation du requrant. , 43.
C.E.D.H., 30 novembre 1987, H. c/ Belgique, requte n 8950/80, srie A, n 127. Le tribunal navait
pas expliqu en quoi, les circonstances ayant conduit ne pas rinscrire un avocat au tableau
revtaient un caractre exceptionnel .
C.E.D.H., 18 dcembre 2008, Undic c/ France, requte n 20153/04, 38.
Loi du 27 novembre-1er dcembre 1790, portant institution dun tribunal de cassation et rglant sa
composition, son organisation et ses attributions, JO, 20 aot 1944, p. 65.
542
949. Cette fonction de la motivation est la plus souvent mise en avant, quand on ne la
rsume pas cette simple rgle procdurale. Cest extrmement rducteur, car la
consquence qui en dcoule serait invitablement denvisager comme facultative, la
prsence des motifs dans une dcision insusceptible de recours. la lecture de bon
nombre darrts du Conseil dtat, comme de la Cour de cassation 2066, ainsi que
certaines dcisions du Conseil constitutionnel, il nest dailleurs pas exclu de penser
que telle est la position des trois cours suprmes sur la question, mme si le juge
constitutionnel considre que lautorit (de ses dcisions) s'attache non seulement
leur dispositif mais aussi aux motifs qui en sont le soutien ncessaire et en constituent le
fondement mme2067 .
950. De son ct, la Cour europenne a effectu cette corrlation, entre la prsence
dune motivation suffisamment solide et leffectivit des recours, dans laffaire
Hadjianastassiou2068. Elle y affirme que les tats contractants jouissent dune grande
libert dans le choix des moyens propres permettre leur systme judiciaire de respecter les
impratifs de larticle 6. Les juges doivent cependant indiquer avec une clart suffisante les
motifs sur lesquels ils se fondent. Cest ainsi, par exemple, quun accus peut exercer
utilement les recours existants2069 . En somme, si les juges strasbourgeois nimposent
pas dobligation aux tats parties, en toutes circonstances, dinstituer des juridictions
dappel ou de cassation, quand celles-ci existent, le justiciable doit connatre les
raisons prcises ayant amen le tribunal trancher, afin dexercer efficacement les
voies de recours sa disposition. Il est, ce propos, assez surprenant que le
lgislateur, quand il a instaur lappel circulaire des jugements dassises en juin
2066
2067
2068
2069
BERENGER F., La motivation des arrts de la Cour de cassation : de l'utilisation d'un savoir l'exercice
d'un pouvoir, P.U.A.M., 2003, Mmoire de D.E.A.
Dcision n 62-18 L du 16 janvier 1962 prc., Cons. 1.
C.E.D.H., 16 dcembre 1992, Hadjianastassiou c/ Grce, requte n 12945/87, srie A, n 252.
Idem, 33.
La qualit du procs
543
20002070, nait pas cru bon dimposer la motivation littrale des verdicts de cours
dassises, susceptibles de recours.
951. Pour autant, la prsence de telles voies de droit nest pas la condition ncessaire
lobligation de motiver les jugements, laquelle subsisterait, quand bien mme le
verdict serait dfinitif. La Cour europenne des droits de lhomme la clairement dit
dans larrt Dulaurans2071 : le procs ne peut tre quitable qu la condition que les
justiciables aient pu prsenter leurs observations, lesquelles doivent tre examines
par le tribunal, quand il les juge pertinentes. Il a ensuite obligation dy rpondre dans
les motifs du jugement2072.
952. Les motifs constituent les indices les plus probants du bien-fond dun jugement
et, ce titre, sont ncessaires au contrle de la juridiction hirarchiquement
suprieure, mais leur utilit dpasse largement ces considrations techniques.
Facilitant la comprhension par le justiciable et pralable incontournable
lacceptation de la dcision rendue par le juge, dont limpartialit est encourage,
puis vrifiable grce sa prsence, la motivation ne doit videmment pas orner les
seules dcisions rformables. Le conseiller la Cour de cassation FAYE laffirmait
ds le dbut du vingtime sicle et rsume parfaitement le triple bienfait de la
motivation : l'obligation de motiver les jugements est pour le justiciable la plus prcieuse
2070
2071
2072
Article 380-1 du Code de procdure pnale, introduit par la loi n 2000-516 du 15 juin 2000 prc.,
qui dispose : Les arrts de condamnation rendus par la cour d'assises en premier ressort peuvent faire
l'objet d'un appel dans les conditions prvues par le prsent chapitre.
Cet appel est port devant une autre cour d'assises dsigne par la chambre criminelle de la Cour de
cassation et qui procde au rexamen de l'affaire selon les modalits et dans les conditions prvues par les
chapitres II VII du prsent titre .
C.E.D.H., 21 mars 2000, Dulaurans c/ France, requte n 34553/97 ; D, 2000, p. 883, note CLAY T. ;
Procdures, aot-sept 2000, p. 186, obs. FRICERO N. ; J.C.P., 2000, II, 10344, note PERDRIAU A.
Idem, 33 : La Cour rappelle que le droit un procs quitable, garanti par larticle 6 1 de la
Convention, englobe, entre autres, le droit des parties au procs prsenter les observations quelles estiment
pertinentes pour leur affaire. La Convention ne visant pas garantir des droits thoriques ou illusoires mais
des droits concrets et effectifs [...], ce droit ne peut passer pour effectif que si ces observations sont vraiment
entendues , cest--dire dment examines par le tribunal saisi. Autrement dit, larticle 6 implique
notamment, la charge du tribunal , lobligation de se livrer un examen effectif des moyens, arguments
et offres de preuve des parties, sauf en apprcier la pertinence .
544
des garanties, elle le protge contre l'arbitraire, lui fournit la preuve que sa demande et ses
moyens ont t srieusement examins ; elle met obstacle ce que le juge puisse soustraire sa
dcision au contrle de la Cour de cassation2073 .
1) Le fondement principal
2073
2074
2075
La qualit du procs
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2076
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2081
Nul ne peut tre puni pour un crime ou pour un dlit dont les lments ne sont pas dfinis par la loi, ou
pour une contravention dont les lments ne sont pas dfinis par le rglement.
Nul ne peut tre puni d'une peine qui n'est pas prvue par la loi, si l'infraction est un crime ou un dlit, ou
par le rglement, si l'infraction est une contravention .
Dcision n 99-411 DC du 16 juin 1999 prc., Cons. 16.
Dcision n 2004-492 DC du 2 mars 2004 prc. En lespce, le Conseil considre que la notion de
bande organise , constituant une circonstance aggravante pour certains crimes ou dlits, a t
suffisamment dfinie par le lgislateur (Cf Cons. 14) , ce que contestera une partie de la doctrine.
Idem, Cons. 5.
Cass. Crim., 1er fvrier 1990, pourvoi n 89-80673, Bull. crim., 1990, n 56, p. 153.
Dcision n 2012-240 QPC du 4 mai 2012, M. Grard D. [Dfinition du dlit de harclement sexuel], JO,
5 mai 2012, p. 8015.
546
957. De manire plus tnue, deux autres fondements, de valeur constitutionnelle, ont
pu tre voqus par le Conseil constitutionnel.
958. Les auteurs de la saisine, dans la dcision portant sur la motivation des verdicts
des cours dassises, invoquaient une atteinte aux droits de la dfense, garantis par
larticle 16 de la Dclaration des droits de lhomme et du citoyen. Il leur sera
rpondu, de manire fort peu motive, que les droits de la dfense sont respects,
dans le cadre dun procs devant une cour dassises. Il serait donc hasardeux den
tirer une quelconque conclusion, sur lappartenance du droit la motivation des
jugements, comme composante des droits constitutionnels de la dfense, dautant
2082
2083
2084
2085
2086
547
La qualit du procs
deux
dcisions
antrieures,
concernant
les
autorits
administratives
2088
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2092
2093
548
Section 2
961. Les autorits administratives indpendantes, qui sont des entits de nature non
juridictionnelle2098, apparues en 19782099, se sont vu reconnatre un pouvoir de
sanction par le Conseil constitutionnel, alors quil eut t possible de voir dans cette
prrogative rgalienne, une comptence exclusive du juge. Ce pouvoir rpressif
2094
2095
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2098
2099
549
La qualit du procs
accord lAdministration pour punir des comportements sociaux considrs comme des
infractions une rglementation prexistante2100 nen demeure pas moins une des
notions les moins assures du droit administratif2101 . La juridiction constitutionnelle
admet l'attribution d'un pouvoir rpressif, permettant de punir sans juger2102 , des
autorits n'appartenant pas au pouvoir juridictionnel, mais sous certaines conditions
rigoureuses 2103. Cest ce que fit aussi le Conseil dtat, en encadrant strictement cette
drogation la sparation des pouvoirs2104. Parmi les prcautions destines assurer
les droits et liberts constitutionnellement garantis, figure lobligation de motivation
de la sanction, prononce par lautorit administrative. Deux explications peuvent
venir au soutien de ce devoir, impos aux autorits administratives, par le Conseil
constitutionnel. Dune part, lobligation lgale, dj existante, de motivation de
certaines
dcisions
administratives,
notamment
les
dcisions
individuelles
2100
2101
2102
2103
2104
2105
550
A) Lobligation
lgale
de
motivation
de
certaines
dcisions
administratives
962. En imposant une motivation explicite aux sanctions prononces par les autorits
administratives, le Conseil constitutionnel ne fait que confirmer la rgle pose par la
loi du 11 juillet 19792106, qui prescrit une obligation de motiver les actes administratifs
individuels dfavorables. En effet, une sanction punitive manant dune autorit
administrative est assimilable, sur le plan des effets, une dcision administrative
individuelle dfavorable : toutes deux ont des consquences concrtes sur la situation
du destinataire, qui sen trouve dgrade.
964. En droit public franais, les dcisions administratives n'ont pas, contrairement
aux actes juridictionnels, tre motives. l'exception de certaines autorits
professionnelles collgiales, pour lesquelles la motivation tait obligatoire eu gard
2106
2107
Loi n 79-587 du 11 juillet 1979 relative a la motivation des actes administratifs et a l'amlioration
des relations entre l'administration et le public, JO, 12 juillet 1979, p. 1711.
CHAPUS R., Droit administratif gnral, op. cit., , p. 1129 et s.
La qualit du procs
551
965. La loi du 11 juillet 1979 n'a pas renvers le principe de non-motivation des
dcisions administratives, mais a seulement largi le nombre des exceptions,
puisque, selon les termes de la loi, doivent tre motives, les dcisions dfavorables
ou drogatoires2111. Ce texte a cependant profondment modifi les contraintes de
ladministration, tant les dcisions soumises dsormais lobligation de motivation
sont nombreuses2112, mme si ladministration dispose encore de certains moyens2113,
2108
2109
2110
2111
2112
C.E., Ass., 27 novembre 1970, Agence Maritime Marseille Fret, n 74877 ; n 75123, Rec. p. 704.
C.E., 10 fvrier 1978, Rischmann, n 96495, Rec. p. 685.
C.E., Ass., 28 mai 1954, Barel, n 28238 ; n 28493 ; n 28524 ; n 30237 ; n 30256, Rec. p. 308.
Loi n 79-587 du 11 juillet 1979 prc., article 1 : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'tre
informes sans dlai des motifs des dcisions administratives individuelles dfavorables qui les concernent
et article 2 : Doivent galement tre motives les dcisions administratives individuelles qui drogent aux
rgles gnrales fixes par la loi ou le rglement .
Selon les termes de la loi, doivent tre motives les dcisions qui :
- restreignent l'exercice des liberts publiques ou de manire gnrale constituent une mesure de
police ;
- infligent une sanction ;
- subordonnent l'octroi d'une autorisation des conditions restrictives ou abrogent une dcision
cratrice de droits ;
- opposent une prescription, une forclusion ou une dchance;
- refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les
conditions lgales pour l'obtenir
- refusent une autorisation (loi du 17 janvier 1986).
552
au premier rang desquels la dcision implicite de rejet 2114, pour contourner ces
exigences. En somme, les sanctions prononces par les autorits administratives,
parce quelles constituent une forme de drogation au principe de la sparation des
pouvoirs, sont soumises une obligation de motivation, plus stricte encore que les
actes administratifs individuels. Lacceptation du principe mme des sanctions
administratives dpend de la qualit des garanties procdurales qui les encadrent, au
sein desquelles la motivation figure en bonne place.
B) Le
privilge
du
pralable
bnficiant
aux
dcisions
administratives
2113
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2115
2116
2117
Outre la dcision implicite de rejet, la loi offre quelques chappatoires l'administration. Cette
dernire est dabord dispense de motiver ses dcisions, concernant des faits couverts par le secret,
quil sagisse du secret mdical, mais aussi du secret des dlibrations du gouvernement, de la
dfense nationale et de la politique extrieure, de la sret de l'tat et de la scurit publique.
L'urgence absolue justifie galement l'inobservation de l'obligation de motiver. Toutefois, sur
demande de l'intress, l'administration est tenue, dans le dlai d'un mois, de lui en communiquer
les motifs (article 4 de la loi de 1979).
Larticle 5 de la loi de 1979 dispose "qu'une dcision implicite intervenue dans les cas o la dcision
explicite aurait du tre motive n'est pas illgale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation".
Dcision n 2001-451 DC du 27 novembre 2001 prc.
Dcision n 2004-497 DC du 1er juillet 2004, Loi relative aux communications lectroniques et aux
services de communication audiovisuelle, JO, 10 juillet 2004, p. 12506.
Dcision n 2001-451 DC du 27 novembre 2001 prc., Cons. 40 ; Dcision n 2004-497 DC du 1er
juillet 2004, Cons. 14.
La qualit du procs
553
2120
2121
2122
554
formation la plus solennelle, ayant dcid qu'il appartient au juge du fond, saisi d'une
contestation portant sur une sanction que l'administration inflige un administr, de
prendre une dcision qui se substitue celle de l'administration et, le cas chant, de faire
application d'une loi nouvelle plus douce entre en vigueur entre la date laquelle
l'infraction a t commise et celle laquelle il statue; que, par suite, compte tenu des pouvoirs
dont il dispose ainsi pour contrler une sanction de cette nature, le juge se prononce sur la
contestation dont il est saisi comme juge de plein contentieux2123 . Parce que le juge
administratif a ainsi le pouvoir de substituer sa dcision celle de l'administration, il
est donc essentiel quil en comprenne les articulations et les soubassements, qui ne
peuvent maner que des motifs.
C.E., Ass., 16 fvrier 2009, St Atom, n 274000, Rec. p. 26, R.F.D.A., 2009, p. 259, concl. C. LEGRAS.
La qualit du procs
555
dnus de tout motif (1). La raison principale rside dans le souci de prserver
lquilibre des deux composantes de la cour dassises, dans llaboration de la
dcision, en ne plaant pas le jury populaire dans une situation dinfriorit, par
rapport aux magistrats professionnels (2).
971. La cour dassises, juridiction non permanente, comptente pour juger les crimes
commis par des personnes ges de seize ans et plus, est structure autour de deux
lments distincts2124 : dun ct, la Cour au sens strict, compose d'un Prsident et de
deux assesseurs, autrement dit, trois magistrats professionnels et de lautre, le jury,
form de six jurs citoyens2125, dsigns selon une procdure complexe2126. Alors que
le principe rside dans la motivation des jugements, impose depuis larticle 15 du
Titre V de la loi des 16-24 aot 17902127, le mode de dlibration de la cour dassises
consistait, avant la modification lgislative de lt 20112128, sur la seule addition des
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Avant que la cour d'assises se retire, le prsident donne lecture de l'instruction suivante, qui est, en outre,
affiche en gros caractres, dans le lieu le plus apparent de la chambre des dlibrations :
"Sous rserve de l'exigence de motivation de la dcision, la loi ne demande pas compte chacun des juges et
jurs composant la cour d'assises des moyens par lesquels ils se sont convaincus, elle ne leur prescrit pas de
rgles desquelles ils doivent faire particulirement dpendre la plnitude et la suffisance d'une preuve ; elle
leur prescrit de s'interroger eux-mmes dans le silence et le recueillement et de chercher, dans la sincrit de
leur conscience, quelle impression ont faite, sur leur raison, les preuves rapportes contre l'accus, et les
moyens de sa dfense. La loi ne leur fait que cette seule question, qui renferme toute la mesure de leurs
devoirs : " Avez-vous une intime conviction ? ".
DELMAS-MARTY M., La preuve pnale , Droits, Revue franaise de thorie, de philosophie et de
culture juridique, n 23, P.U.F., avril 1996.
Dcision n 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 prc.
Cass. Crim., 19 janvier 2011, pourvoi n 10-85159, Bull. crim., 2011, n 11 ; Cass. Crim., 19 janvier
2011, pourvoi n 10-85305, Bull. crim., 2011, n 12.
Cass. Crim., 19 mai 2010, pourvoi n 09-83328 ; Cass. Crim., 19 mai 2010, pourvoi n 09-87307 ;
Cass. Crim., 19 mai 2010, pourvoi n 09-82582.
Ibidem.
Cf SEVERINO C., La doctrine du droit vivant, op. cit.
La qualit du procs
557
973. La vision du Conseil constitutionnel, sur la nature mme des arrts de cours
dassises, est rsume par le dixime considrant de la dcision davril 2011 : selon
lui, les dispositions contestes ont pour seul objet de dterminer les modalits selon
lesquelles la cour d'assises dlibre2137 . En dautres termes, les verdicts de cours
dassises ne remettent pas en cause lobligation de motivation en matire rpressive,
dcoulant du principe de lgalit des dlits et des peines2138, car, pour le juge
constitutionnel, ils ne sont pas dpourvus de toute motivation. Celle-ci nest
simplement pas formalise de manire aussi exigeante que pour les autres dcisions
criminelles.
558
976. Ces modalits de structuration du jugement dassises sont, par ailleurs, admises
par la Cour europenne des droits de lhomme. Ainsi, dans la dcision sur la
recevabilit de la requte de Maurice PAPON2142, ritre par larrt Taxquet
prcit2143, la juridiction strasbourgeoise, tout en constatant que le jury de la cour
dassises navait t en mesure de rpondre que par "oui" ou par "non", aux questions
poses par le prsident, en conclut que celles-ci, au nombre de 768, formaient une
trame apte servir de fondement la dcision2144 . En consquence, ce systme de
questions, prcises et fort nombreuses en lespce, permet de compenser adquatement
labsence de motivation des rponses du jury2145 , ce qui amne logiquement la Cour
europenne conclure que larrt de la cour dassises tait suffisamment motiv aux fins
de larticle 6 1 de la Convention2146 . Certes, selon la Cour europenne, la motivation
ne peut tre totalement absente2147, ni mme revtir un caractre lapidaire 2148, mais
pour autant, cela ne signifie pas que le tribunal doive rpondre d'une manire
dtaille chaque argument2149. En rsum, pour la juridiction de Strasbourg,
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Article 356 du Code de procdure pnale : La cour et le jury dlibrent, puis votent, par bulletins
crits et par scrutins distincts et successifs, sur le fait principal dabord, et s'il y a lieu, sur les causes
d'irresponsabilit pnale, sur chacune des circonstances aggravantes, sur les questions subsidiaires et sur
chacun des faits constituant une cause lgale d'exemption ou de diminution de la peine .
C.E.D.H., 15 novembre 2001, Papon c/ France, requte n 54210/00.
C.E.D.H., 16 novembre 2010, Taxquet c/ Belgique prc., 92.
Idem, 86.
Id., 92.
Id., 87.
C.E.D.H., 19 fvrier 1998, Higgins c/France, requte n 20124/92 ; R.G.D.I.P., 1998, p. 240 et A.J.D.A.,
1998, p. 990, obs. FLAUSS J.-F ; R.D.P., 1999, p. 875, obs. HUGON C.
C.E.D.H., 29 mai 1997, Georgiadis c/Grce prc.
C.E.D.H., 19 avril 1994, Van de Hurk c/Pays-Bas prc.
La qualit du procs
559
977. Un des griefs principaux, reprochs aux verdicts de la cour dassises, tait de
rpondre des rgles diffrentes de celles rgissant les autres catgories de
jugements en matire criminelle. Le Conseil constitutionnel ne le conteste pas, mais il
fait observer, que les accuss qui comparaissent devant la cour d'assises sont dans
une situation diffrente, de ceux poursuivis pour une infraction dlictuelle ou
contraventionnelle, devant le tribunal correctionnel ou le tribunal de police. De ce
fait, le lgislateur pouvait organiser les jugements dassises, selon dautres modalits,
sans porter atteinte au principe d'galit. Tout cela est juridiquement irrprochable,
le juge constitutionnel ayant admis depuis longtemps, que des situations diffrentes
puissent faire l'objet de solutions diffrencies2151. Mais, en loccurrence, si les
personnes souponnes de crime, ne sont effectivement pas places dans la mme
position que celles prsentes pour tre juges, devant une autre juridiction
rpressive de droit commun, elles sont surtout dans une situation plus proccupante,
dans la mesure o le quantum de la peine encourue est plus important. Il eut t plus
conforme la jurisprudence europenne Salduz2152, qu linverse, les procdures
judiciaires susceptibles de dboucher sur de svres condamnations bnficiassent
dune protection suprieure, celles gouvernant les procs devant les juridictions
comptentes pour statuer sur les contraventions et les dlits.
2150
2151
2152
C.E.D.H., 9 dcembre 1994, Ruiz Torija c/Espagne, requte n 18390/91, srie A, n 303-A ; D, 1996, p.
202, obs. FRICERO N. ; C.E.D.H., 9 dcembre 1994, Hiro Balani c/Espagne, requte n 18064/91, srie
A, n 303-B.
Dcision n 79-107 DC du 12 juillet 1979, Loi relative certains ouvrages reliant les voies nationales ou
dpartementales, JO, 13 juillet 1979, p. 31, Cons. 4 : Considrant, d'autre part, que si le principe d'galit
devant la loi implique qu' situations semblables il soit fait application de solutions semblables, il n'en
rsulte pas que des situations diffrentes ne puissent faire l'objet de solutions diffrentes ; .
C.E.D.H., 27 novembre 2008, Salduz c/ Turquie prc., 54 : c'est face aux peines les plus lourdes que le
droit un procs quitable doit tre assur au plus haut degr possible par les socits dmocratiques .
560
978. La raison principale justifiant la motivation des arrts dassises, sous forme
dune succession logique de questions fermes, cernant tous les lments de la
culpabilit ventuelle de laccus, se trouve ailleurs, dans la composition particulire
de la cour dassises, qui associe les citoyens au jugement des infractions les plus
graves2153. Lhistoire de la cour assises est, toute entire, marque par la qute de
lquilibre optimal, entre magistrats professionnels et jurs populaires2154. Quil
sagisse de la proportion numrique des premiers par rapport aux seconds, ou de la
place respective des deux catgories de juges au sein du procs dassises, le
lgislateur a toujours recherch la meilleure pondration possible.
979. en lire le commentaire aux Cahiers du Conseil constitutionnel, bien que rien
ne transpire dans la dcision mme, cet quilibre subtil serait mis en pril, par
lintroduction dune motivation littrale des arrts dassises. En effet, on peut
raisonnablement penser, que la dmarche des jurs citoyens et celle des magistrats
professionnels ne procdent pas de la mme logique intellectuelle. Ils nont
videmment pas le mme bagage juridique, ils ne sont sans doute pas non plus
imprgns de la mme culture judiciaire. Ces considrations sociologiques, loin
dtre neutres, expliquent que leur apprhension des faits ne se fera pas avec la
mme grille de lecture, les jurs populaires tant moins attachs aux questions
techniques ou juridiques et davantage sensibles l'quit 2155. Eu gard au fait quils
dlibrent ensemble2156, en modifiant la structure de la motivation du jugement,
linfluence des magistrats professionnels sur les jurs citoyens serait dterminante
2153
2154
2155
2156
Cf ROUMIER W., L'avenir du jury criminel, L.G.D.J., Coll. Bibliothque des sciences criminelles,
Paris, 2003.
Association franaise pour l'histoire de la justice (ouvrage collectif), La Cour d'assises : bilan d'un
hritage dmocratique, La Documentation franaise, Coll. Histoire de la justice, 2001,
particulirement, DAVID M., Souverainet, citoyennet, civisme : quelle lgitimit pour le
jury ?, p. 125.
ROUSSEAU D., Juger, une profession et un acte citoyen , Projet, 2011, n 323, p. 17.
Loi du 25 novembre 1941 sur le jury, JO, 12 dcembre 1941, p. 5355.
La qualit du procs
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562
982. M. Michel HUYETTE, magistrat, fait remarquer que motiver ainsi la dcision
permettrait, voire imposerait en cours de dlibr d'aller encore plus loin dans la rflexion, en
imposant chaque participant de mieux prciser et argumenter son point de vue2164 .
Difficile de ne pas partager son avis, mais les jurs citoyens sont ils convenablement
arms pour cela ? Il est possible den douter. On peut donc tre beaucoup plus
circonspect, quand il ajoute que cela ne semble pas de nature modifier l'quilibre actuel
dcoulant de la prsence de magistrats professionnels et de jurs dlibrant ensemble, la
motivation n'tant au final rien de plus que la synthse crite de ce qui a t principalement
dbattu puis retenu par tous les prsents, peu important leur statut2165 .
983. Ne faudrait-il pas alors que les pouvoirs publics prvoient, lintention des
futurs jurs, une fois dsigns, si ce nest une formation, techniquement et
matriellement difficilement ralisable, tout au moins une information 2166, afin de
rendre ces citoyens, mieux mme de remplir la tche nouvelle qui leur est dvolue ?
Puisque le lgislateur a souhait modifier, en lamplifiant, limplication du citoyen
dans la manire de rendre la justice, il est maintenant ncessaire quil lui donne les
moyens de ses ambitions.
984. Si, dans sa dcision du 1er avril 2011, le Conseil constitutionnel a jug que la
motivation des dcisions en matire rpressive constituait bien une garantie lgale de
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La qualit du procs
563
985. Aprs avoir affirm, dans sa dcision du 1er avril 20112167, que la motivation des
dcisions rpressives constituait une garantie lgale de lexigence constitutionnelle
de lutte contre le pouvoir arbitraire des juridictions 2168, le Conseil nonce, dans les
considrants 12 16, une panoplie de protections, susceptibles de compenser la
motivation succincte des arrts dassises. Celles-ci, dingale pertinence, peuvent tre
regroupes dans trois catgories : premirement, les garanties lies lorganisation
de laudience du jugement (1), deuximement, celles lies la qualit des questions
poses la formation de jugement (2), enfin, troisimement, celles concernant les
rgles gouvernant les modalits de dlibration de la dcision (3).
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991. Dans un deuxime temps, la Cour temprera un peu sa position, dans le premier
des deux arrts Taxquet2181. Pour autant, il ne faut pas voir dans cette dcision, un
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revirement de la jurisprudence Papon, mais plutt une application ngative de celleci. En effet, les accuss taient au nombre de huit et les questions ntaient nullement
individualises. Laconiques, identiques pour chacun deux et en nombre
insuffisant2182, elles ne permettaient pas de diffrencier de faon certaine l'implication de
chacun des coaccuss dans la commission de l'infraction2183 . La trame quelles formaient,
tait donc insusceptible de remplir la fonction minimale de la motivation, savoir
permettre aux intresss, au premier rang desquels laccus, de comprendre le
raisonnement ayant conduit au verdict de condamnation. En lespce, les questions
taient tout fait lacunaires, quantitativement autant que qualitativement et bien
insuffisantes pour distinguer, parmi les lments de preuve et circonstances de fait,
celles ayant finalement persuad le jury, retenir la circonstance aggravante de
prmditation2184.
992. Dans un troisime temps, lorsque laffaire Taxquet est juge en grande
chambre2185, la Cour europenne se saisit de ce dossier, pour affiner sa position sur la
conventionnalit des verdicts dassises et, au-del, la participation des citoyens la
justice criminelle. Le droit au procs quitable ne fait pas obstacle ce qu'un accus
soit jug par un jury populaire mme dans le cas o son verdict n'est pas motiv2186 . Cest
le principe mme du procs dassises, dans son essence profonde, qui est ainsi valid
par le juge europen. Nonobstant lacceptation de cette particularit, dont il faut
s'accommoder2187 , la Cour prcise, linstar du Conseil constitutionnel, quil est
essentiel de sassurer que la procdure est encadre par des garanties suffisantes, afin
dloigner tout risque darbitraire. Parmi ces garanties procdurales, la juridiction
strasbourgeoise est prte accepter que des questions prcises, sans ambigut et en
nombre suffisant, puissent servir de motivation. Pour autant, rien de tel ntait
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568
respect en lespce, le requrant n'ayant pas bnfici des garanties ncessaires, lui
permettant de comprendre le verdict prononc son encontre2188.
993. Il est donc assez tonnant de voir de laudace, mme relative, dans le premier
arrt Taxquet et un retour la jurisprudence Papon, dans le second2189. Ces trois
arrts forment, au contraire, un triptyque cohrent et enracinent la position
europenne, lgard des procdures dassises, dans un cadre juridique clair, en
parfaite harmonie avec la ligne jurisprudentielle suivie par le Conseil constitutionnel.
Il est seulement regrettable que la Haute juridiction, nait pas cru bon dexiger, via
une rserve dinterprtation, que les questions poses par le prsident de la cour
dassises prsentent certaines qualits, quelle aurait pu noncer dans le dtail.
2188
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2190
2191
Idem, 100.
MASTOR W. et de LAMY B., note, Dcis. Cons. const. n 2011-113-115 QPC du 1er avril 2011,
op. cit., p. 1154.
Loi n 2011-939 du 10 aot 2011 prc.
Dcision n 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011 prc., Cons. 16.
La qualit du procs
569
l'accus2192. Cette condition de majorit qualifie des deux tiers peut certainement tre
envisage comme un rempart, bien quimparfait, contre lerreur judiciaire, mais il est
difficile de voir en quoi elle faciliterait la comprhension de la dcision, notamment
lintention de son principal destinataire. De mme, rendre plus difficile le vote dune
dcision de justice pnale, prjudiciable laccus, ne permet ni de garantir
limpartialit individuelle du juge, ni de faciliter le contrle par la juridiction
suprieure.
995. La loi daot 20112193, qui rduit six, le nombre de jurs sigeant la cour
d'assises en premier ressort et neuf en appel, modifie aussi les dispositions de
l'article 359 du Code de procdure pnale. Dornavant, tout jugement de la cour
d'assises dfavorable l'accus ncessite une majorit de six voix en premier ressort
et de huit en appel. Si, en premire instance, les trois magistrats professionnels votent
en faveur de la culpabilit de laccus, il suffit seulement que trois jurs citoyens se
prononcent dans le mme sens, pour que le verdict soit adopt. Il en rsulte quune
dcision de la cour d'assises, dfavorable l'accus, ne ncessite plus la majorit
absolue des jurs pour tre entrine.
996. Cest ce que soutiennent, juste titre, les requrants dans la dcision du 4 aot
20112194. Le Conseil constitutionnel leur rpond que cette exigence de majorit
renforce tait une garantie lgale, dcoulant de larticle 359 du Code de procdure
pnale, destine compenser l'absence de motivation classique des arrts de la Cour
d'assises. Elle na donc plus lieu dtre, dans la mesure o la loi sur la participation
des citoyens au fonctionnement de la justice pnale et le jugement des mineurs,
2192
2193
2194
En prenant lhypothse que le prsident de la cour dassises et ses deux assesseurs votent en
dfaveur de laccus, la dcision ne pourrait tre adopte quavec, au moins, la runion de cinq
jurs (sur neuf) en premier ressort et sept (sur douze) en appel.
Loi n 2011-939 du 10 aot 2011 prc.
Dcision n 2011-635 DC du 4 aot 2011 prc.
570
2195
La qualit du procs
571
CONCLUSION DU TITRE 2
572
hypothses, partir du moment o son absence est compense par dautres garanties
procdurales. Le juge constitutionnel ne lexige expressment, que dans lhypothse
o la dcision de justice revt le caractre dune sanction ayant un caractre punitif et
quelle a t prise par une autorit non juridictionnelle.
La qualit du procs
573
1002. Une fois assure lexistence du procs, grce au droit de saisir un juge par des
vertus indispensables laccomplissement de sa mission, la qualit du procs, au
sens de la jurisprudence constitutionnelle, dcoule de la reconnaissance de garanties
institutionnelles et procdurales. Ces dernires se ddoublent, les unes en direction
des parties au procs, les autres au bnfice de la dcision juridictionnelle.
1004. Pour ce qui est de la seconde catgorie, leur statut juridique semble beaucoup
moins affirm, ce qui justifie que les garanties procdurales, contribuant la qualit
des dcisions de justice, puissent varier dune procdure lautre. En effet, ni la
collgialit des juridictions, ni la motivation des dcisions de justice ne constituent un
objectif prioritaire dans la jurisprudence constitutionnelle processuelle. Aucun de ces
deux attributs ne parat, aux yeux du Conseil constitutionnel, dterminant dans
lapprciation globale du procs, en tant quinstrument de mesure de la qualit de la
justice rendue.
Conclusion gnrale
575
CONCLUSION GNRALE
1005. Au terme de cette tude consacre aux principes directeurs du procs, tels
quissus de la jurisprudence constitutionnelle, il convient de rappeler succinctement
les principaux apports de cette recherche, avant de proposer quelques observations
prospectives, afin de prolonger la rflexion. Ce travail poursuivait essentiellement
deux objectifs : il sagissait, dabord, doprer une classification des principes
constitutionnels directeurs du procs, avant dexaminer, ensuite, ltendue des
exigences du Conseil constitutionnel, lgard de chacune de ces catgories. Ces
deux oprations, menes conjointement, devaient ainsi permettre dextraire de la
jurisprudence constitutionnelle, un corpus ordonn de principes directeurs du procs,
expression d'une certaine conception de la justice, dont ce dernier est le vecteur et
damliorer ainsi, la prvisibilit des dcisions constitutionnelles en matire de
justice.
1006. Notre premire proccupation consistait dresser une liste des principes
directeurs du procs, dgags par le Conseil constitutionnel et les distribuer au sein
dune catgorisation rationnelle. Il nous a alors sembl que la classification la plus
satisfaisante, car la plus lisible et rendant le plus fidlement compte du droit positif,
tait celle ralise selon lacteur du procs principalement vis. Ainsi, certains
principes sont orients vers le juge, mme sils bnficient aux parties, tandis que
dautres sont tourns vers les parties, bien quils concernent aussi le juge. cette
summa divisio, il tait ncessaire dajouter une troisime catgorie de principes
directeurs du procs, celle des garanties procdurales ayant pour objectif de favoriser
les qualits essentielles du juge et de contrler le respect des droits des parties.
576
1008. Outre cette faiblesse lie la pauvret des fondements constitutionnels crits,
un second handicap majeur
aurait
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2201
Conclusion gnrale
577
1009. Une fois ce travail de classification effectu, notre second objectif tait dvaluer
si tous les principes directeurs du procs bnficiaient dune protection
constitutionnelle quivalente. Lexamen des dcisions constitutionnelles intervenues
en matire processuelle fit alors apparatre une gradation des exigences du Conseil,
discrtement perceptible entre les principes orients vers le juge et ceux dgags
lintention des parties, plus facilement identifiable entre ces derniers et les garanties
procdurales contribuant llaboration dune dcision juridictionnelle de qualit.
Cette chelle de densit des principes directeurs du procs tmoigne dune
vritable politique jurisprudentielle en matire de droit constitutionnel processuel,
caractrise par quelques orientations dominantes.
2203
2204
Ibidem. Il sagit l des trois lacunes principales mises en exergue par le professeur Nicolas
MOLFESSIS.
RENOUX T., La Constitution et le pouvoir juridictionnel : De l'article 64 de la Constitution et
l'indpendance de l'autorit judiciaire l'article 16 de la Dclaration des Droits et l'indpendance
de la Justice , op.cit., p. 305.
Dcision n 96-373 DC du 9 avril 1996 prc., Cons. 83.
578
justice. Si le citoyen doit pouvoir accder, sans entraves excessives, au juge pour y
faire valoir ses droits, ce dernier doit, en outre, tre pourvu des vertus indispensables
lexercice de sa mission. Ces exigences qualitatives sont particulirement
prgnantes
dans
la
jurisprudence
du
Conseil
constitutionnel,
qui
veille
de
la
dfense
recouvrent
essentiellement,
dans
la
jurisprudence
Conclusion gnrale
579
1012. Enfin, en troisime lieu, les garanties procdurales qui participent de ldiction
dune dcision de justice de qualit ne bnficient pas dune protection
constitutionnelle comparable. La collgialit des juridictions, pourtant inhrente la
culture judiciaire franaise, loin dtre un axiome absolu dans la jurisprudence
constitutionnelle, peut tre favorablement contourne au profit du magistrat statuant
seul, en expansion rgulire par ailleurs. Le juge constitutionnel lui assure tout de
mme une protection indirecte, par lentremise du principe dgalit devant la
justice. Quant la motivation des dcisions de justice, le Conseil constitutionnel
accepte quelle soit lude, dans la mesure o le lgislateur a prvu des garanties
procdurales de substitution. La Haute juridiction ne limpose expressment que
dans lhypothse o le risque darbitraire est le plus lev, cest dire quand le
jugement mane dune autorit non juridictionnelle et quil revt le caractre dune
punition. La diffrence majeure, entre cette catgorie et les deux premires, rside
dans le fait que ces garanties procdurales, linstar de la publicit des dbats ou de
la clrit des dcisions, ne constituent pas une donne prdtermine du procs
mais, au contraire, comportent un caractre contingent, qui justifie leur variation
possible dun contentieux lautre.
1013. Cet tat des lieux effectu, quels chantiers reste-t-il entreprendre ? Quelles
amliorations serait-il pertinent deffectuer afin de parfaire larchitecture du procs et
au-del, du systme juridictionnel franais ? On peut tenter desquisser quelques
rponses ces interrogations, qui ne sont que des pistes de rflexion mritant dtre
approfondies. Deux rformes constitutionnelles denvergure nous semblent
ncessaires, dans le souci damliorer lindpendance de la magistrature, qualit
consubstantielle lide mme de justice et pralable ncessaire toutes les autres.
580
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Conclusion gnrale
581
1017. Parmi les autres volutions importantes issues du texte adopt l'Assemble
nationale, se trouvait aussi une modification affectant la composition du C.S.M., le
nombre de personnalits extrieures tant port sept et la parit, impose. Alors
quavant la rvision constitutionnelle de lt 2008, les magistrats taient majoritaires
dans chacune des deux formations (six magistrats et quatre non magistrats, ce qu'il
est convenu d'appeler les lacs ), la loi constitutionnelle du 23 juillet porta le
nombre de lacs huit (un conseiller d'tat dsign par le Conseil d'tat, un
avocat et six personnalits n'appartenant ni au Parlement ni l'ordre judiciaire) et
celui des magistrats sept. Le Prsident de la Rpublique, dans le discours prononc
lors de l'audience solennelle de rentre de la Cour de cassation, avait souhait
rtablir la situation antrieure. Ses directives nont pas t suivies par lAssemble
nationale, les dputs ayant instaur la parit entre magistrats et lacs , afin
dviter tout risque de corporatisme. Cette dcision raisonnable apparat, par ailleurs,
2211
582
1019. Mme si le ministre des relations avec le Parlement a prcis que la procdure
serait reprise ultrieurement , il est permis dexprimer quelques doutes ce sujet. Bien
quil faille envisager le devenir de cette rforme institutionnelle avec prudence, la
premire rvision constitutionnelle, initie par le Prsident de la Rpublique
nouvellement lu, semble tout de mme fort mal engage, faute davoir su trouver
un consensus parlementaire en amont. Le vote des snateurs laisse invitablement
2212
2213
2214
Rapport n 3125, fait au nom de la Commission d'enqute charge de rechercher les causes des
dysfonctionnements de la justice dans l'affaire dite d'Outreau et de formuler des propositions pour
viter leur renouvellement. Texte disponible sur le site de lAssemble nationale :
http://www.assemblee-nationale.fr/12/dossiers/outreau_affaire_dysfonctionnements_justice.asp, consult le
18 septembre 2013.
Texte disponible sur le site du Snat : http://www.senat.fr/petite-loi-ameli/2012-2013/625.html, consult
le 18 septembre 2013.
Le texte vot par lAssemble nationale, conformment aux souhaits du Chef de ltat, prvoyait
que ces membres soient dsigns conjointement par le vice-prsident du Conseil dtat, le prsident du
Conseil conomique, social et environnemental, le Dfenseur des droits, le premier prsident de la Cour de
cassation, le procureur gnral prs la Cour de cassation, le premier prsident de la Cour des comptes et un
professeur des universits. Dans chaque assemble parlementaire, une commission permanente dsigne par
la loi se prononce par un avis public sur la liste des personnes ainsi dsignes. Aucune ne peut tre nomme
si laddition des votes dfavorables cette liste dans chaque commission reprsente au moins les trois
cinquimes des suffrages exprims au sein des deux commissions .
Conclusion gnrale
583
entrevoir une srieuse difficult, en vue dune adoption dfinitive par le Parlement
convoqu en Congrs, avec une majorit des trois cinquimes. Si lon ne peut que le
dplorer pour lindpendance de la justice, rien ce jour ne permet donc daffirmer
quelle ne connatra pas le mme avenir, que celle portant sur des thmatiques
similaires en 19992215.
1020. Paralllement, la Garde des sceaux a confi le mardi 2 juin 2013 M. Jean-Louis
NADAL, procureur gnral honoraire prs la Cour de cassation, la mission de
conduire les travaux dune commission pluridisciplinaire de modernisation du
Ministre public. Celle-ci devra sinterroger sur la conduite et la dclinaison de la
politique pnale, sur la direction de la police judiciaire, sur la redfinition des
champs de comptence du parquet ainsi que sur son organisation 2216. Les sances de
travail ont commenc le jeudi 11 juillet 2013, la commission devant rendre ses
conclusions au ministre de la Justice, le 30 novembre 2013. Selon le communiqu de
presse de la Chancellerie, une concertation sera ensuite conduite avant que la ministre
arrte les rformes que ncessite la ncessaire modernisation de laction publique2217 .
2216
2217
584
ne doit pas faire oublier que cest aux pouvoirs publics, par la voie lgislative ou
constitutionnelle, de mettre le droit en adquation avec les exigences socitales. En
prenant soin, cependant, de ne pas oublier ce que Jean RIVERO avait si bien mis en
vidence : le Droit [...] a, dans la vie sociale, une fonction remplir. Fonction de stabilit,
fonction de scurit2218 . Et en matire de droit du procs, les attentes sont si grandes et
le dsir de justice si fort, que dans ce domaine plus que dans aucun autre, il ne faut
y toucher que d'une main tremblante2219 .
2218
2219
RIVERO J., Apologie pour les "faiseurs de systmes" , op. cit., p. 102.
MONTESQUIEU (de SECONDAT C.-L.), Lettres persanes, Lettre CXXIX. USBEK RHEDI. .
Bibliographie
585
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2013
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note, Dcis. Cons. const. n 83-164 DC du 29 dcembre 1983, A.J.D.A., 1984, p. 97
PICARD E., note, Dcis. Cons. const. n 93-325 DC du 13 aot 1993, R.F.D.A., 1994,
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PRADEL J., note, Dcis. Cons. const. n 80-127 du 20 janvier 1981, D, 1981, p. 101
chron., Dcis. Cons. const. n 95-360 DC du 2 fvrier 1995, D, 1995, p. 171
note, Dcis. Cons. const. n 2007-554 DC du 9 aot 2007, D, 2007, p. 2247
RENOUX T., note, Dcis. Cons. const. n 84-183 DC du 18 janvier 1985, D, 1986,
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obs., Dcis. Cons. const. n 92-305 DC du 21 fvrier 1992, R.F.D.C., 1992, p. 318
obs., Dcis. Cons. const. n 93-326 DC du 11 aot 1993, R.F.D.C., 1993, p. 848
obs., Dcis. Cons. const. n 95-360 du 2 fvrier 1995, R.F.D.C., 1995, p. 405
note, Dcis. Cons. const. n 96-373 DC du 9 avril 1996, R.F.D.C., 1996, p. 584
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note, Dcis. Cons. const. n 76-75 du 12 janvier 1977, A.J.D.A., 1978, p. 215
note, Filtrer le moustique et laisser passer le chameau , Dcis. Cons. const. n
80-127 DC du 20 janvier 1981, A.J.D.A., 1981, p. 101
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note , Dcis. Cons. const. n 2000-43 DC du 27 juillet 2000, L.P.A., 31 juillet 2000,
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note, Dcis. Cons. const. n 2000-437 DC du 19 dcembre 2000, L.P.A., 22
dcembre 2000, p. 5
note, Dcis. Cons. const. n 2001-445 DC du 19 juin 2001, L.P.A., 29 juin 2001,
p. 5 et 2 juillet 2001, p. 10
note, Dcis. Cons. const. n 2002-461 DC du 29 aot 2002, L.P.A., 5 septembre
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note, Dcis. Cons. const. n 2003-466 DC du 20 fvrier 2003, L.P.A., 13 mars
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note, Dcis. Cons. const. n 2003-467 DC du 13 mars 2003, L.P.A., 28 mars 2003,
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note., Dcis. Cons. const. n 2003-486 DC, 11 dcembre 2003, L.P.A., 24
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avril 2004, p. 3
note, Dcis. Cons. const. n 2004-492 DC du 2 mars 2004, L.P.A., 29 septembre
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n 2 :
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n 3 :
n 4 :
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n 5 :
1971
n 6 :
n 7 :
1972
n 8 :
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n 9 :
1973
n 10 : Dcision n 73-51 DC du 27 dcembre 1973, Loi de finances pour 1974 : 60, 891.
1975
n 11 : Dcision n 74-54 DC du 15 janvier 1975, Loi relative l'interruption volontaire
de la grossesse : 72, 458, 611, 663.
n 12 : Dcision n 75-56 DC du 23 juillet 1975, Loi modifiant et compltant certaines
dispositions de procdure pnale spcialement le texte modifiant les articles 398 et
398-1 du Code de procdure pnale : 189, 219, 767, 890, 892, 893.
1976
n 13 : Dcision n 76-66 DC du 6 juillet 1976, Loi organique modifiant l'article 67 de
l'ordonnance n 58-1270 du 22 dcembre 1958 relative au statut de la magistrature
et introduisant dans ladite ordonnance un article 17-1 : 263.
1977
n 14 : Dcision n 76-72 DC du 12 janvier 1977, Loi autorisant le Gouvernement
modifier par ordonnances les circonscriptions pour l'lection des membres de la
chambre des dputs du territoire Franais des Afars et des Issas : 106.
n 15 : Dcision n 77-83 DC du 20 juillet 1977, Loi modifiant l'article 4 de la loi de
finances rectificative pour 1961 (obligation de service des fonctionnaires) : 748.
n 16 : Dcision n 77-101 L du 3 novembre 1977, Nature juridique de dispositions de
l'ordonnance n 58-997 du 23 octobre 1958 portant rforme des rgles relatives
l'expropriation pour cause d'utilit publique : 956.
1978
n 17 : Dcision n 77-92 DC du 18 janvier 1978, Loi relative la mensualisation et la
procdure conventionnelle (contre-visite mdicale) : 746.
635
1979
n 18 : Dcision n 78-101 DC du 17 janvier 1979, Loi portant modification des
dispositions du titre 1er du livre V du Code du travail relatives aux conseils de
prud'hommes : 190.
n 19 : Dcision n 79-104 DC du 23 mai 1979, Loi modifiant les modes d'lection de
l'Assemble territoriale et du Conseil de gouvernement du territoire de la NouvelleCaldonie : 393.
n 20 : Dcision n 79-107 DC du 12 juillet 1979, Loi relative certains ouvrages reliant
les voies nationales ou dpartementales : 977.
1980
n 21 : Dcision n 79-109 DC du 9 janvier 1980, Loi relative la prvention de
l'immigration clandestine et portant modification de l'ordonnance n 45-2658 du 2
novembre 1945 relative aux conditions d'entre et de sjour en France des trangers
et portant cration de l'office national d'immigration : 421, 609, 618, 622.
n 22 : Dcision n 80-113 L du 14 mai 1980, Nature juridique des diverses dispositions
du Code gnral des impts relatives la procdure contentieuse en matire fiscale :
197.
n 23 : Dcision n 80-116 DC du 17 juillet 1980, Loi autorisant la ratification de la
convention franco-allemande additionnelle la Convention europenne d'entraide
judiciaire en matire pnale du 20 avril 1959 : 99.
n 24 : Dcision n 80-117 DC du 22 juillet 1980, Loi sur la protection et le contrle des
matires nuclaires : 752, 788.
n 25 : Dcision n 80-119 DC du 22 juillet 1980, Loi portant validation d'actes
administratifs : 388, 389, 400.
n 26 : Dcision n 80-123 DC du 24 octobre 1980, Loi organique relative au statut de la
magistrature : 341.
n 27 : Dcision n 80-119 L du 2 dcembre 1980, Nature juridique de diverses
dispositions figurant au Code gnral des impts relatives la procdure
contentieuse en matire fiscale : 62.
n 28 : Dcision n 80-126 DC du 30 dcembre 1980, Loi de finances pour 1981 : 599.
1981
n 29 : Dcision n 80-127 DC du 20 janvier 1981, Loi renforant la scurit et protgeant
la libert des personnes : 219, 222, 580, 621, 657, 658, 747, 798, 817, 825.
636
n 30 : Dcision n 81-1 ELEC du 11 juin 1981, Dcision du 11 juin 1981 sur une requte
de Monsieur Franois DELMAS : 75.
1982
n 31 : Dcision n 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation : 641.
n 32 : Dcision n 82-143 DC du 30 juillet 1982, Loi sur les prix et les revenus,
notamment ses articles 1, 3 et 4 : 36, 922.
n 33 : Dcision n 82-144 DC du 22 octobre 1982, Loi relative au dveloppement des
institutions reprsentatives du personnel : 61, 126.
n 34 : Dcision n 82-155 DC du 30 dcembre 1982, Loi de finances rectificative pour
1982 : 402.
1983
n 35 : Dcision n 83-153 DC du 14 janvier 1983, Loi relative au statut gnral des
fonctionnaires : 315.
n 36 : Dcision n 83-162 DC du 20 juillet 1983, Loi relative la dmocratisation du
secteur public : 562.
n 37 : Dcision n 83-164 DC du 29 dcembre 1983, Loi de finances pour 1984 : 421.
1984
n 38 : Dcision n 83-165 DC du 20 janvier 1984, Loi relative l'enseignement
suprieur : 327.
n 39 : Dcision n 84-181 DC du 11 octobre 1984, Loi visant limiter la concentration
et assurer la transparence financire et le pluralisme des entreprises de presse : 62.
n 40 : Dcision n 84-184 DC du 29 dcembre 1984, Loi de finances pour 1985 : 785.
1985
n 41 : Dcision n 84-182 DC du 18 janvier 1985, Loi relative aux administrateurs
judiciaires, mandataires-liquidateurs et experts en diagnostic d'entreprise : 232, 745,
758, 788, 958.
n 42 : Dcision n 84-183 DC du 18 janvier 1985, Loi relative au redressement et la
liquidation judiciaire des entreprises : 178, 181, 183, 187.
n 43 : Dcision n 85-187 DC du 25 janvier 1985, Loi relative l'tat d'urgence en
Nouvelle-Caldonie et dpendances : 211.
n 44 : Dcision n 85-192 DC du 24 juillet 1985, Loi portant diverses dispositions
dordre social : 405.
637
638
1989
n 58 : Dcision n 88-248 DC du 17 janvier 1989, Loi modifiant la loi n 86-1067 du 30
septembre 1986 relative la libert de communication : 232, 471, 626, 743, 753, 758,
785, 788, 958, 960, 961.
n 59 : Dcision n 89-258 DC du 8 juillet 1989, Loi portant amnistie : 580, 621, 644,
646.
n 60 : Dcision n 89-256 DC du 25 juillet 1989, Loi portant dispositions diverses en
matire d'urbanisme et d'agglomrations nouvelles : 420.
n 61 : Dcision n 89-257 DC du 25 juillet 1989, Loi modifiant le code du travail et
relative la prvention du licenciement conomique et au droit la conversion : 84,
561.
n 62 : Dcision n 89-260 DC du 28 juillet 1989, Loi relative la scurit et la
transparence du march financier : 742, 762, 961.
n 63 : Dcision n 89-261 DC du 28 juillet 1989, Loi relative aux conditions de sjour et
d'entre des trangers en France : 414, 420, 423, 424, 429, 432, 898.
n 64 : Dcision n 89-268 DC du 29 dcembre 1989, Loi de finances pour 1990 : 742,
788.
1990
n 65 : Dcision n 89-266 DC du 9 janvier 1990, Loi modifiant l'ordonnance n 45-2658
du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entre et de sjour des trangers en
France : 60, 898.
n 66 : Dcision n 89-269 DC du 22 janvier 1990, Loi portant diverses dispositions
relatives la scurit sociale et la sant : 917.
n 67 : Dcision n 90-280 DC du 6 dcembre 1990, Loi organisant la concomitance des
renouvellements des conseils gnraux et des conseils rgionaux : 658.
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n 58-1270 du 22 dcembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature et relative l'amlioration de la gestion du corps judiciaire : 348.
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n 70 : Dcision n 92-305 DC du 21 fvrier 1992, Loi organique modifiant l'ordonnance
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magistrature : 257, 260, 263, 264, 267, 286, 309, 312, 313, 314, 337, 743.
n 71 : Dcision n 92-307 DC du 25 fvrier 1992, Loi portant modification de
l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 modifie relative aux conditions
d'entre et de sjour des trangers en France : 743, 753, 788.
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trait sur l'Union europenne : 72.
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corruption et la transparence de la vie conomique et des procdures publiques :
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caractre scientifique, culturel et professionnel : 327.
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1993 portant rforme du Code de procdure pnale : 251, 375, 377, 636, 638, 740,
794, 795, 808, 815, 822.
n 76 : Dcision n 93-325 DC du 13 aot 1993, Loi relative la matrise de
l'immigration et aux conditions d'entre, d'accueil et de sjour des trangers en
France : 60, 63, 421, 604, 605, 610, 613, 743, 754, 956.
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315, 316, 317, 318, 319.
n 96 : Dcision n 98-399 DC du 5 mai 1998, Loi relative l'entre et au sjour des
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n 99 : Dcision n 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives la
scurit routire et aux infractions sur les agents des exploitants de rseau de
transport public de voyageurs : 704, 719, 720, 722, 955.
n 100 : Dcision n 99-419 DC du 9 novembre 1999, Loi relative au pacte civil de
solidarit : 124.
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n 105 : Dcision n 2000-434 DC du 20 juillet 2000, Loi relative la chasse : 522.
n 106 : Dcision n 2000-21 REF du 25 juillet 2000, Dcision du 25 juillet 2000 sur une
requte prsente par Monsieur Stphane HAUCHEMAILLE : 75.
n 107 : Dcision n 2000-433 DC du 27 juillet 2000, Loi modifiant la loi n 86-1067 du 30
septembre 1986 relative la libert de communication : 958.
n 108 : Dcision n 2000-437 DC du 19 dcembre 2000, Loi de financement de la scurit
sociale pour 2001 : 67, 135, 170.
642
2001
n 109 : Dcision n 2000-439 DC du 16 janvier 2001, Loi relative l'archologie
prventive : 45.
n 110 : Dcision n 2001-445 DC du 19 juin 2001, Loi organique relative au statut des
magistrats et au Conseil suprieur de la magistrature : 170, 255, 265, 267, 316, 317,
318, 319, 328, 343, 348.
n 111 : Dcision n 2001-451 DC du 27 novembre 2001, Loi portant amlioration de la
couverture des non salaris agricoles contre les accidents du travail et les maladies
professionnelles : 88, 89, 431, 785, 960, 967.
n 112 : Dcision n 2001-457 DC du 27 dcembre 2001, Loi de finances rectificative pour
2001 : 238.
2002
n 113 : Dcision n 2002-461 DC du 29 aot 2002, Loi d'orientation et de programmation
pour la justice : 170, 321, 491, 498, 637, 652, 695, 764, 766, 771, 791, 906.
2003
n 114 : Dcision n 2003-466 DC du 20 fvrier 2003, Loi organique relative aux juges de
proximit : 260, 312, 314, 318, 320, 917.
n 115 : Dcision n 2003-467 DC du 13 mars 2003, Loi pour la scurit intrieure : 453,
615, 627, 667, 706, 725, 740.
n 116 : Dcision n 2003-484 DC du 20 novembre 2003, Loi relative la matrise de
l'immigration, au sjour des trangers en France et la nationalit : 135, 141, 239,
653.
n 117 : Dcision n 2003-485 DC du 4 dcembre 2003, Loi modifiant la loi n 52-893 du
25 juillet 1952 relative au droit d'asile : 170.
n 118 : Dcision n 2003-489 DC du 29 dcembre 2003, Loi de finances pour 2004 : 238.
2004
n 119 : Dcision n 2004-491 DC du 12 fvrier 2004, Loi compltant le statut
d'autonomie de la Polynsie franaise : 172, 196, 241, 243, 571.
n 120 : Dcision n 2004-492 DC du 2 mars 2004, Loi portant adaptation de la justice aux
volutions de la criminalit : 41, 353, 456, 467, 654, 672, 682, 750, 791, 798, 808,
955.
n 121 : Dcision n 2004-497 DC du 1er juillet 2004, Loi relative aux communications
lectroniques et aux services de communication audiovisuelle : 966.
643
n 122 : Dcision n 2004-504 DC du 12 aot 2004, Loi relative l'assurance maladie : 45.
n 123 : Dcision n 2004-505 DC du 19 novembre 2004, Trait laborant une
Constitution pour l'Europe : 525.
n 124 : Dcision n 2004-506 DC du 2 dcembre 2004, Loi de simplification du droit :
106.
2005
n 125 : Dcision n 2004-509 DC du 13 janvier 2005, Loi de programmation pour la
cohsion sociale : 406.
n 126 : Dcision n 2004-510 DC du 20 janvier 2005, Loi relative aux comptences du
tribunal d'instance, de la juridiction de proximit et du tribunal de grande instance :
753, 769, 770.
n 127 : Dcision n 2005-512 DC du 21 avril 2005, Loi d'orientation et de programme
pour l'avenir de l'cole : 922.
n 128 : Dcision n 2005-522 DC du 22 juillet 2005, Loi de sauvegarde des
entreprises : 61, 125, 131.
n 129 : Dcision n 2005-527 DC du 8 dcembre 2005, Loi relative au traitement de la
rcidive des infractions pnales : 693.
n 130 : Dcision n 2005-531 DC du 29 dcembre 2005, Loi de finances rectificative pour
2005 : 399, 400, 403.
2006
n 131 : Dcision n 2005-532 DC du 19 janvier 2006, Loi relative la lutte contre le
terrorisme et portant dispositions diverses relatives la scurit et aux contrles
frontaliers : 64.
n 132 : Dcision n 2006-535 DC du 30 mars 2006, Loi pour l'galit des chances : 749,
762, 785, 826.
n 133 : Dcision n 2006-539 DC du 20 juillet 2006, Loi relative l'immigration et
l'intgration : 921.
n 134 : Dcision n 2006-540 DC du 27 juillet 2006, Loi relative au droit d'auteur et aux
droits voisins dans la socit de l'information : 60, 743, 745.
n 135 : Dcision n 2006-545 DC du 28 dcembre 2006, Loi pour le dveloppement de la
participation et de l'actionnariat salari et portant diverses dispositions d'ordre
conomique et social : 397, 438.
644
2008
n 136 : Dcision n 2007-561 DC du 17 janvier 2008, Loi ratifiant l'ordonnance n 2007329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie lgislative) : 107, 109.
n 137 : Dcision n 2008-562 DC du 21 fvrier 2008, Loi relative la rtention de sret
et la dclaration d'irresponsabilit pnale pour cause de trouble mental : 302, 653,
857.
2009
n 138 : Dcision n 2009-580 DC du 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la
protection de la cration sur internet : 626, 725, 771, 900.
n 139 : Dcision n 2009-590 DC du 22 octobre 2009, Loi relative la protection pnale
de la proprit littraire et artistique sur internet : 202, 728, 771, 900, 902.
n 140 : Dcision n 2009-595 DC du 3 dcembre 2009, Loi organique relative
l'application de l'article 61-1 de la Constitution : 167, 426, 875.
2010
n 141 : Dcision n 2009-597 DC du 21 janvier 2010, Loi organique tendant permettre
Saint-Barthlemy d'imposer les revenus de source locale des personnes tablies
depuis moins de cinq ans : 238.
n 142 : Dcision n 2009-598 DC du 21 janvier 2010, Loi organique modifiant le livre III
de la sixime partie du code gnral des collectivits territoriales relatif SaintMartin : 238.
n 143 : Dcision n 2010-117 ORGA du 4 fvrier 2010, Dcision portant rglement
intrieur sur la procdure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions
prioritaires de constitutionnalit : 150, 506, 525.
n 144 : Dcision n 2010-2 QPC du 11 juin 2010, Mme Vivianne L. : 61, 125, 127, 130,
131.
n 145 : Dcision n 2010-8 QPC du 18 juin 2010, poux L. : 61, 125.
n 146 : Dcision n 2010-10 QPC du 2 juillet 2010, Consorts C. et autres : 485.
n 147 : Dcision n 2010-611 DC du 19 juillet 2010, Loi organique relative l'application
de l'article 65 de la Constitution : 298, 302, 534, 541, 542, 735.
n 148 : Dcision n 2010-4/17 QPC du 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre : 261.
n 149 : Dcision n 2010-15/23 QPC du 23 juillet 2010, ROUSSILLON et autres : 197,
200, 202, 203, 208, 756, 774, 775.
n 150 : Dcision n 2010-16 QPC du 23 juillet 2010, M. Philippe E. : 238, 472.
645
646
n 171 : Dcision n 2011-113/115 QPC du 1er avril 2011, M. Xavier P. et autre : 758, 943,
959, 967, 972, 973, 985, 986, 989, 994.
n 172 : Dcision n 2011-119 QPC du 1er avril 2011, Mme Denise R. et autre : 600, 601.
n 173 : Dcision n 2011-125 QPC du 6 mai 2011, M. Abderrahmane L. : 661, 683, 799,
803.
n 174 : Dcision n 2011-126 QPC du 13 mai 2011, Socit Systme U Centrale Nationale
et autre : 92.
n 175 : Dcision n 2011-129 QPC du 13 mai 2011, Syndicat des fonctionnaires du
Snat : 83, 85.
n 176 : Dcision n 2011-631 DC du 9 juin 2011, Loi relative l'immigration,
l'intgration et la nationalit : 153, 170, 239, 785.
n 177 : Dcision n 2011-135/140 QPC du 9 juin 2011, M. Abdellatif B. et autre : 412,
417, 421.
n 178 : Dcision n 2011-142/145 QPC du 30 juin 2011, Dpartements de la Seine-SaintDenis et autres : 527.
n 179 : Dcision n 2011-143 QPC du 30 juin 2011, Dpartements de la Seine-SaintDenis et de l'Hrault : 527.
n 180 : Dcision n 2011-147 QPC du 8 juillet 2011, M. Tarek J. : 489, 504.
n 181 : Dcision n 2011-153 QPC du 13 juillet 2011, M. Samir A. : 170, 180, 182, 183,
198, 774, 775.
n 182 : Dcision n 2011-152 QPC du 22 juillet 2011, M. Claude C. : 111.
n 183 : Dcision n 2011-635 DC du 4 aot 2011, Loi sur la participation des citoyens au
fonctionnement de la justice pnale et le jugement des mineurs : 489, 504, 943, 959,
996.
n 184 : Dcision n 2011-160 QPC du 9 septembre 2011, M. Hovanes A. : 815, 816.
n 185 : Dcision n 2011-179 QPC du 29 septembre 2011, Mme Marie-Claude A. : 462,
466, 504, 552.
n 186 : Dcision n 2011-190 QPC du 21 octobre 2011, M. Bruno L. et autre : 774, 775,
776.
n 187 : Dcision n 2011-191/194/195/196/197 QPC du 18 novembre 2011, Mme lise
A. et autres : 664, 786, 802, 804, 817, 820, 822, 823.
n 188 : Dcision n 2011-198 QPC du 25 novembre 2011, M. Albin R. : 150, 153.
n 189 : Dcision n 2011-199 QPC du 25 novembre 2011, M. Michel G. : 462, 504.
647
n 190 : Dcision n 2011-200 QPC du 2 dcembre 2011, Banque populaire Cte d'Azur :
471, 478.
n 191 : Dcision n 2011-203 QPC du 2 dcembre 2011, M. Wathik M. : 230, 240.
2012
n 192 : Dcision n 2011-208 QPC du 13 janvier 2012, Consorts B. : 92.
n 193 : Dcision n 2011-213 QPC du 27 janvier 2012, COFACE : 777, 781, 782.
n 194 : Dcision n 2011-219 QPC du 10 fvrier 2012, M. Patrick . : 111.
n 195 : Dcision n 2011-223 QPC du 17 fvrier 2012, Ordre des avocats au Barreau de
Bastia : 818.
n 196 : Dcision n 2012-231/234 QPC du 13 avril 2012, M. Stphane C. et autres : 151,
154.
n 197 : Dcision n 2012-240 QPC du 4 mai 2012, M. Grard D. : 956.
n 198 : Dcision n 2012-241 QPC du 4 mai 2012, EURL David Ramirez : 261.
n 199 : Dcision n 2012-243/244/245/246 QPC du 14 mai 2012, Socit YONNE
REPUBLICAINE et autre : 212.
n 200 : Dcision n 2012-247 QPC du 16 mai 2012, Consorts L. : 147, 790.
n 201 : Dcision n 2012-250 QPC du 8 juin 2012, M. Christian G. : 517.
n 202 : Dcision n 2012-278 QPC du 5 octobre 2012, Mme Elisabeth B. : 383.
n 203 : Dcision n 2012-280 QPC du 12 octobre 2012, Socit Groupe Canal Plus et
autre : 473, 479.
n 204 : Dcision n 2012-286 QPC du 7 dcembre 2012, Socit Pyrnes services et
autres : 473.
2013
n 205 : Dcision n 2013-310 QPC du 16 mai 2013, M. Jrme P. : 464.
n 206 : Dcision n 2013-331 QPC du 5 juillet 2013, Socit Numricble SAS et autre :
111, 480, 1008.
n 207 : Dcision n 2013-334/335 QPC du 26 juillet 2013, Socit SOMAF et autre : 40.
n 208 : Dcision n 2013-336 QPC du 1er aot 2013, Socit Natixis Asset Management :
207.
n 209 Dcision n 2013-338/339 QPC du 13 septembre 2013, Socit Invest Htels
Saint-Dizier Rennes et autre [Prise de possession d'un bien expropri selon la
procdure d'urgence] : 196.
1862
n 1 :
1899
n 2 :
1908
n 3 :
1909
n 4 :
n 5 :
1913
n 6 :
1930
n 7 :
1944
n 8 :
n 9 :
1945
n 10 : C.E., Ass., 26 octobre 1945, Aramu, Rec. p. 213 : 736.
1949
n 11 : C.E., 15 juin 1949, Faveret, Rec. p. 288 : 164, 196.
649
650
1954
n 12 : C.E., Ass., 28 mai 1954, Barel, n 28238 ; n 28493 ; n 28524 ; n 30237 ;
n 30256, Rec. p. 308 : 964.
1956
n 13 : C.E., 13 juillet 1956, Piton-Guibout, n 37649 ; n 37779, Rec. p. 338 : 920.
1957
n 14 : C.E., Ass., 4 janvier 1957, Lamborot, Rec. p. 12 : 165.
n 15 : C.E., 25 janvier 1957, St Ets Charlionais et Cie, Rec. p. 54 : 106.
n 16 : C.E., Ass., 31 mai 1957, Sieur Girard, Rec. p. 335 : 79.
1961
n 17 : C.E., 24 novembre 1961, Fdration nationale des syndicats de police, n 48841,
Rec. p. 658 : 106.
1962
n 18 : C.E., Ass., 2 fvrier 1962, Sieur Beausse, Rec. p. 82-83 : 258.
n 19 : C.E., 4 mai 1962, Dame Ruard, Rec. p. 296 : 754.
n 20 : C.E., Ass., 19 octobre 1962, Sieurs Canal, Robin et Godot, n 58502 : 249.
1968
n 21 : C.E., 29 novembre 1968, Tallagrand, n 68938, Rec. p. 607 : 61.
1970
n 22 : C.E., 29 avril 1970, Comit des chmeurs de la Marne et Sieur le Gac, n 77651 ;
n 77682, Rec. p. 279 : 78.
n 23 : C.E., 20 novembre 1970, Bouez et UNEF, Rec. p. 690 : 164.
n 24 : C.E., Ass., 27 novembre 1970, Agence Maritime Marseille Fret, n 74877 ;
n 75123, Rec. p. 704 : 964.
1972
n 25 : C.E., 10 juillet 1972, Cie Air Inter, n 77961 : 106.
651
1973
n 26 : C.E., 30 mars 1973, Sieur Gen, n 80680 ; n 80681, Rec. p. 269 : 139.
1978
n 27 : C.E., 10 fvrier 1978, Rischmann, n 96495, Rec. p. 685 : 964.
1979
n 28 : C.E., 16 mars 1979, Ministre du Travail c/ Stephan, n 11552, Rec. p. 120 : 754.
1981
n 29 : C.E., 3 juin 1981, Delmas et autres, n 34486 ; n 34487 ; n 34510 ; n 34511,
Rec. p. 244 : 75.
1982
n 30 : C.E., Ass., 2 juillet 1982, Huglo et autres, n 25288 ; n 25323, Rec. p. 357 : 967.
1985
n 31 : C.E., Ass., 20 dcembre 1985, S.A. Etablissements Outters, n 31927, Rec.
p. 382 : 33.
1988
n 32 : C.E., 25 mai 1988, Association Le foyer isralite, n 72632, Rec. p. 956 : 141.
1989
n 33 : C.E., Ass., 3 fvrier 1989, Compagnie Alitalia, n 74052, Rec. p. 44 : 120.
1990
n 34 : C.E., 6 juillet 1990, Ministre du Travail, de lemploi et de la formation
professionnelle c/ Mattei, n 100489 ; n 101053 ; Rec. p. 205 : 138.
1992
n 35 : C.E., Ass., 10 avril 1992, Epoux V, n 79027, Rec. p. 171 : 127.
1993
n 36 : C.E., Ass., 15 octobre 1993, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du
Nord et gouverneur de la Colonie royale de Hong-Kong, n 142578, Rec. p. 267 : 73.
652
1994
n 37 : C.E., Ass., 11 mars 1994, S.A. La cinq, n 115052, Rec. p. 118 : 33.
1995
n 38 : C.E., Ass., 17 fvrier 1995, Hardouin et Marie, n 107766, Rec. p. 82 : 69.
n 39 : C.E., Ass., 27 octobre 1995, Ministre du logement c/Mattio, n 150703, Rec.
p. 359 : 401.
1996
n 40 : C.E., 2 octobre 1996, Commune de Sartrouville, n 158463 : 539.
n 41 : C.E., 4 novembre 1996, Association de dfense des socits de course des
hippodromes de province, n 177162 ; n 177402 ; n 177807 ; n 178874 ;
n 179030 ; Rec. p. 427 : 112.
1997
n 42 : C.E., 28 mars 1997, Socit Baxter, n 179049, n 179050, n 179054, Rec. p. 114 :
112.
1998
n 43 : C.E., 8 juillet 1998, Dpartement de l'Isre, n 132302, Rec. p. 308 : 222.
n 44 : C.E., 29 juillet 1998, Mme Esclatine, Rec. p. 320 : 760.
1999
n 45 : C.E., Ass., 5 mars 1999, Prsident de lAssemble nationale, n 163328, Rec.
p. 42 : 69, 80.
n 46 : C.E., Ass., 9 avril 1999, Mme Ba., n 195616, Rec. p. 124 : 71.
n 47 : C.E., Ass., 3 dcembre 1999, Didier, n 207434, Rec. p. 399 : 462.
2000
n 48 : C.E., 20 octobre 2000, Socit Habib Bank Limited, n 180122, Rec. p 433 : 475,
477.
2001
n 49 : C.E., 12 octobre 2001, Socit des produits Roche, n 237376, Rec. p. 463 : 141.
n 50 : C.E., Ordonnance du juge des rfrs, 7 novembre 2001, Tabaka, n 239761,
Rec. p. 789 : 71.
653
654
2008
n 70 : C.E., 30 janvier 2008, Association orientation et rducation des enfants et
adolescents de la Gironde, n 274556 : 537.
n 71 : C.E., 19 dcembre 2008, Mme Mellinger pouse Praly, n 297187, Rec. p. 478 :
140.
2009
n 72 : C.E., Ass., 16 fvrier 2009, St Atom, n 274000, Rec. p. 26 : 968.
n 73 : C.E., 21 octobre 2009, M. Bertoni, n 316881 : 537.
2010
n 74 : C.E., 19 fvrier 2010, Molline et autres, n 322407, Rec. p. 20 : 111.
n 75 : C.E., 16 avril 2010, Association Alcaly et autres, n 320667 : 522.
n 76 : C.E., 30 juin 2010, n 325319, Mme Elisabeth A. : 297.
n 77 : C.E., 16 juillet 2010, Union syndicale des magistrats administratifs, n 338829 :
903.
n 78 : C.E., 24 septembre 2010, Decurey, n 341685 : 83.
n 79 : C.E., 1er octobre 2010, Mme Nadge A, n 311938 : 253.
n 80 : C.E., 8 novembre 2010, Caisse nationale des caisses d'pargne et de prvoyance, n
329384 ; n 330042 : 477.
2011
n 81 : C.E., 10 janvier 2001, Mme Coren, n 211878 ; n 213462, Rec. p. 5 : 152.
n 82 : C.E., 11 mars 2011, M. Alexandre A., n 341658 : 111.
n 83 : C.E., 21 septembre 2011, Albin A., n 350371 : 150.
655
1828
n 1 :
1860
n 2 :
1906
n 3 :
1941
n 4 :
Cass. Ch. runies, 15 juillet 1941, Dame veuve Villa c/ la Compagnie dAssurances
Gnrales, pourvoi n 00-26836 : 127.
1954
n 5 :
1959
n 6 :
1977
n 7 :
Cass. crim., 24 novembre 1977, Lger, pourvoi n 77-92803, Bull. crim, n 370,
p. 946 : 192.
1989
n 8 :
Cass. Crim., 30 janvier 1989, pourvoi n 86-96060, Bull. crim., 1989, n 33,
p. 97 : 714.
1990
n 9 :
Cass. Crim., 1er fvrier 1990, pourvoi n 89-80673, Bull. crim., 1990, n 56,
p. 153 : 955.
n 10 : Cass. Crim., 26 avril 1990, pourvoi n 88-84586, Bull. crim., 1990, n 162, p. 418
: 445.
*
656
n 11 : Cass. Crim., 17 octobre 1990, pourvoi n 89-87132, Bull. crim., 1990, n 344,
p. 872 : 989.
n 12 : Cass. Ass. Pln., 21 dcembre 1990, S.A. Roval, pourvoi n 88-15744, Bull. civ.,
1990, A.P., n 12 p. 23 : 401.
1991
n 13 : Cass. 2me civ., 20 mars 1991, pourvoi n 89-15297, Bull. civ., 1991, II, n 88,
p. 48 : 927.
n 14 : Cass. Crim., 6 novembre 1991, pourvoi n 91-82211, Bull. crim., 1991, n 397,
p. 1006 : 716.
1992
n 15 : Cass. Crim., 10 mars 1992, pourvois n 91-86944 ; 92-80389, Bull. crim., 1992,
n 105, p. 272 : 374.
1993
n 16 : Cass. Crim., 7 avril 1993, pourvoi n 92-84725, Bull. crim., 1993, n 152, p. 381 :
498.
1995
n 17 : Cass., Ass. Pln., 30 juin 1995, pourvoi n 94-20302, Bull. civ., 1995, A.P., n 4,
p. 7 : 755.
1996
n 18 : Cass. crim., 28 fvrier 1996, pourvoi n 95-85041 : 696.
n 19 : Cass. Crim., 30 avril 1996, pourvoi n 95-85638, Bull. crim., 1996, n 181,
p. 522 : 974.
n 20 : Cass. Crim., 12 juin 1996, pourvoi n 95-82735, Bull. crim., 1996, n 248,
p. 749 : 816.
n 21 : Cass. crim., 10 juillet 1996, pourvoi n 95-85785, Bull. crim., 1996, n 289,
p. 892 : 696.
1997
n 22 : Cass. crim., 29 octobre 1997, Fevret, pourvoi n 97-81904, Bull. crim., 1997,
n 357, p. 1208 : 101.
657
1998
n 23 : Cass. 2me civ., 1er avril 1998, pourvoi n 96-16888, Bull. civ., 1998, II, n 116,
p. 69 : 927.
1999
n 24 : Cass. Ass. Pln., 5 fvrier 1999, Commission des oprations de bourse c/ Oury,
pourvoi n 97-16440, Bull. civ., 1999, A.P., n 1, p. 1 : 478.
n 25 : Cass. Crim., 23 novembre 1999, pourvoi n 99-80794, Bull. crim., n 268,
p. 836 : 201.
2000
n 26 : Cass. crim., 1er fvrier 2000, pourvoi n 99-84764, Bull. crim., 2000, n 51,
p. 140 : 716.
n 27 : Cass. civ. 1re, 10 mai 2000, pourvoi n 99-15696, Bull. civ., 2000, I, n 136,
p. 91 : 812.
n 28 : Cass. Civ. 1ere, 23 mai 2000, pourvoi n 97-19169, Bull. civ., 2000, I, n 151,
p. 99 : 462.
n 29 : Cass. crim., 20 septembre 2000, Bull. crim., n 274 : 788.
n 30 : Cass. Crim., 29 novembre 2000, pourvoi n 99-85366, Bull. crim., 2000 n 356,
p. 1051 : 93.
2001
n 31 : Cass. Crim., 22 mars 2001, St Trigone Conseil Littoral, pourvoi n 99-30197 :
238.
n 32 : Cass. Soc., 3 juillet 2001, pourvoi n 99-42735, Bull. civ., 2001, V, n 247,
p. 196 : 555.
n 33 : Cass., Ass. pln., 10 octobre 2001, Breisacher, pourvoi n 01-84922, Bull. crim.,
2001, n 206, p. 660 : 33.
n 34 : Cass. Crim., 5 dcembre 2001, pourvoi n 01-81407, Bull. crim., 2001, n 253, p.
838 : 445.
2002
n 35 : Cass. soc., 31 octobre 2002, pourvoi n 00-18359, Bull. civ., 2002, V, n 336,
p. 324 : 127.
n 36 : Cass. crim., 19 fvrier 2002, pourvoi n 01-88028, Bull. crim., n 30, p. 89 : 192.
658
659
661
1959
n 1 :
1970
n 2 :
1971
n 3 :
1975
n 4 :
1976
n 5 :
1978
n 6 :
1979
n 7 :
n 8 :
1980
n 9 :
662
663
664
665
666
667
A
Actes de gouvernement : 73-78
Actes parlementaires : 79-86
Actes rglementaires : 120
Amende forfaitaire : 100-103
Amnistie : Cf Loi
Appel : Cf Double degr de juridiction
Assises (cour d)
histoire : 835-842
669
670
rserves dinterprtation : 95, 102, 183, 211, 238, 288, 289, 318, 319, 326, 330,
456, 457, 506, 548-550, 629, 648, 649, 659, 660, 673, 687, 688, 752, 799, 815, 821
membres : 519-521
dport : 525, 527
rcusation : 526-529
comptences
fonction de nomination : 263, 284
- des magistrats du sige : 285-289
- des magistrats du parquet : 290-292
fonction disciplinaire : 264
- sur saisine par les autorits institutionnelles : 294-297
- sur saisine par les justiciables : 298-302
fonction consultative : 303-306
composition
prsidence : 274-278
dsignation des membres : 274, 279-282
obligations dontologiques : 541-550
article 5 : 273
article 19 : 279
article 20 : 353
article 34 : 62, 255, 634, 641, 912, 916, 917, 919, 923, 925, 999
671
article 59 : 76
article 60 : 78
article 64 : 254, 255, 258, 265, 271, 272, 275, 278, 280, 313, 314, 333, 383, 895, 1014
article 65 : 171, 258, 263, 264, 278, 279, 286, 294, 295, 304, 305, 541
article 6 1 : 12, 27, 107, 152, 165, 297, 475, 507, 523, 537, 538, 614, 678, 686, 759,
761, 883, 917, 927, 976
article 4 : 124
article 9 : 580, 582, 586, 621, 631, 635, 650, 688, 691, 693, 705, 706, 720, 722
article 11 : 327
article 16 : 64, 123, 124, 196, 387, 388, 394-397, 438, 538, 760, 895, 917, 958
672
histoire : 159-163
domaine dapplication
matriel : 738-750
personnel : 751-757
673
Egalit
devant la justice : 60, 174, 175, 243, 773, 815, 884, 886, 887-906
entre parties la mme instance : 176-185, 201, 202
entre justiciables dans des instances identiques : 186-195, 201, 202, 219
des armes (droit une procdure juste et quitable garantissant l'quilibre des
droits des parties) : 203, 761, 762, 776, 781
rgime de droit commun : 151, 377, 379, 381, 589, 739, 786, 794-797, 805-807
674
dport : 330
droit au juge
fondements constitutionnels nationaux : 57
fondements constitutionnels trangers : 55, 63
fondements conventionnels : 56
droit dinterjeter appel : 159, 162, 163, 166, 180, 182-184, 189, 193, 212
inamovibilit : 333-350
gographique : 335-339
fonctionnelle : 335-339
conditions de dure de la fonction judiciaire temporaire : 340-343
modalits de poursuite de carrire lissue dune fonction judiciaire
temporaire : 344-350
Juridictions
administratives
domaine de comptences
- dlimitation : 412-425
- protection : 426-432
judiciaires
Justice
de proximit : 260, 312, 314, 318, 320, 325, 764, 766, 769
financement : 149-156
gratuit : 149
droits de plaidoirie : 150, 153
aide juridictionnelle : 149, 152, 153
contribution pour l'aide juridique : 151, 154
droit de timbre devant la cour dappel : 151, 154
organique
relative au statut des magistrats judiciaires : 257-264
contrle de constitutionnalit : 257
empitement sur la loi ordinaire : 258-260
empitement de la loi ordinaire : 261
empitement sur la constitution : 262
cavalier lgislatif : 82
damnistie : 640-647
fonds dindemnisation : 68
M
Magistrats
recrutement : 309-321
675
676
fonction
lgard des parties : 940,941
lgard du juge : 942-947
lgard de la juridiction charge du contrle de la dcision : 948-952
Parquet
indpendance
lgard des juridictions : 351
lgard du pouvoir excutif
- subordination hirarchique : 352, 353
- pouvoirs propres : 356-359
- libert de parole laudience : 360-363
remise en cause par la Cour europenne des droits de lhomme : 365371
677
Parties au procs
Prsomption
dinnocence : 959
histoire : 583-589
domaine dapplication
- matriel : 592-631
- personnel : 633-661
charge de la preuve : 664, 666-678
de culpabilit : 701-732
fondements : 702-706
existence en droit positif : 707-717
contrle de conformit : 718-732
fondamentaux reconnus par les lois de la Rpublique : 58, 117, 144, 164, 327,
385, 389, 415, 491, 736, 895
de non rtroactivit de la loi pnale plus svre : 402, 403, 591, 599, 857
678
inquisitoire/accusatoire : 8
Procs
dfinition formelle
lments constitutifs principaux : 6-10
lments constitutifs complmentaires : 11-13
conditions de recevabilit : 68
intrt pour agir : 88-103
- caractre personnel : 89, 90
- caractre n et actuel : 90
dlai de recours : 61, 116-123
- computation : 116, 122
- forclusion : 117, 120, 122
S
Sanctions punitives : 496, 594-606, 642, 744-747
Scurit juridique : 117, 138, 399, 428
Sparation des pouvoirs : 143, 148, 271, 388, 393, 399
T
Thorie des apparences : 299, 368, 477
679
681
ARISTOTE : 1
DELMAS-MARTY M. : 971
DELVOLV P. : 431
BACHELET O. : 974
DRAGO G. : 40, 41
BADINTER R. : 856
DRAI P. : 859
BEIGNIER B. : 35
BENTHAM J. : 241
EISENMANN C. : 42
BERGEAL C. : 80, 86
BLANCHARD B. : 464
BON P. : 86
FAYE E. : 952
CARBONNIER J. : 46
CARCASSONNE G. : 278
CASORLA F. : 378
GENEVOIS B. : 420
GONOD P. : 899
COLLIN P. : 109
GRAFFIN T. : 347
CORNU G. : 741
Les chiffres renvoient aux numros de paragraphes. Ne sont galement recenss dans cet index, que
les auteurs cits dans le texte mme de la thse et pas ceux auxquels il est seulement renvoy en
notes de bas de page.
682
HAKIM N. : 836
HLIE F. : 360
MOREAU J. : 419
HUYETTE M. : 982
(von) IHERING R. : 96
JUNOSZA-ZDROJEWSKI G. : 724
KELSEN H. : 844
PENA A. : 416
KLUGER J. : 595
KOERING-JOULIN R. : 565
LABETOULLE D. : 109
PRTOT X. : 387
LAMANDA V. : 925
LOMBOIS C. : 582
ROUX J. : 41
MAKOWIAK J. : 646
RUIZ-FABRI H. : 640
MARTIN A. : 277
TRMEAU J. : 910
VEDEL G. : 426
MODERNE F. : 961
YOLKA P. : 899
STATISTIQUES*
De 1967 2013, cest dire, de la dcision n 67-31 DC du 26 janvier 1967, Loi organique modifiant et
compltant l'ordonnance n 58-1270 du 22 dcembre 1958 portant loi organique relative au statut de la
magistrature la dcision n 2013-338/339 QPC du 13 septembre 2013, Socit Invest Htels Saint-Dizier
Rennes et autre [Prise de possession d'un bien expropri selon la procdure d'urgence].
685
Statistiques
I DONNES GLOBALES
Annes
67
70
71
75
76
78
79
80
81
82
84
85
86
Total
15
10
10
16
18
18
19
20
152
26
Pourcentages
67% 25% 25% 29% 13% 20% 20% 19% 13% 11% 11% 11% 20% 17%
20
18
16
14
12
10
0
67
70
71
75
76
78
79
80
81
82
84
85
86
686
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
67
70
71
75
76
78
79
80
81
82
84
85
86
687
Statistiques
Annes
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99 Total
10
15
17
19
18
13
15
21
19
15
11
18
199
49
Pourcentages
30% 13% 35% 11% 11% 15% 33% 29% 26% 27% 38% 18% 39% 25%
25
20
15
10
0
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
688
45%
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
97
98
99
689
Statistiques
Annes
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2008 2009 2010 2011 2012 Total
15
16
23
20
21
14
11
26
22
19
16
212
46
20%
13%
11%
22%
25%
29%
43%
27%
15%
23%
21%
13%
22%
2005
2006
2008
2009
Pourcentages
30
25
20
15
10
0
2000
2001
2002
2003
2004
2010
2011
2012
690
45%
40%
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2008
2009
2010
2011
2012
691
Statistiques
Annes
2010
2011
2012
2013
Total
66
115
74
43
298
19
20
14
61
29%
17%
19%
19%
20%
Pourcentages
120
100
80
60
40
20
0
2010
2011
2012
2013
692
35%
30%
25%
20%
15%
10%
5%
0%
2010
2011
2012
2013
693
Statistiques
Rsultat du contrle
Nombre
Pourcentage
Dclarations de conformit
20
57%
Dclarations de nonconformit
10
29%
Dclarations de conformit
sous rserve
14%
Total
35
100%
14%
29%
Dclarations de conformit
57%
Dclarations de non-conformit
694
Rsultat du contrle
Nombre
Pourcentage
Dclarations de conformit
50%
Dclarations de nonconformit
44%
Dclarations de conformit
sous rserve
6%
Total
16
100%
6%
50%
44%
Dclarations de conformit
Dclarations de non-conformit
695
Statistiques
Rsultat du contrle
Nombre
Pourcentage
Dclarations de conformit
21
54%
Dclarations de nonconformit
17
44%
Dclarations de conformit
sous rserve
3%
Total
39
100%
3%
44%
53%
Dclarations de conformit
Dclarations de non-conformit
696
Rsultat du contrle
Nombre
Pourcentage
Dclarations de conformit
21%
Dclarations de nonconformit
57%
Dclarations de conformit
sous rserve
21%
Total
14
100%
21%
21%
58%
Dclarations de conformit
Dclarations de non-conformit
697
Statistiques
Rsultat du contrle
Nombre
Pourcentage
Dclarations de conformit
11
58%
Dclarations de nonconformit
21%
Dclarations de conformit
sous rserve
21%
Total
19
100%
21%
58%
21%
Dclarations de conformit
Dclarations de non-conformit
698
DROITS DE LA DEFENSE
Rsultat du contrle
Nombre
Pourcentage
Dclarations de conformit
29
62%
Dclarations de nonconformit
12
26%
Dclarations de conformit
sous rserve
13%
Total
47
100%
13%
26%
61%
Dclarations de conformit
Dclarations de non-conformit
699
Statistiques
Rsultat du contrle
Nombre
Pourcentage
Dclarations de conformit
12
92%
Dclarations de nonconformit
8%
Dclarations de conformit
sous rserve
0%
Total
13
100%
8%
0%
92%
Dclarations de conformit
Dclarations de non-conformit
700
Rsultat du contrle
Dclarations de conformit
Rsultat du contrle
Dclarations de conformit
Statistiques
701
Rsultat du contrle
Dclarations de conformit
Rsultat du contrle
Dclarations de conformit
702
Rsultat du contrle
Dclarations de conformit
DROITS DE LA DFENSE
Rsultat du contrle
Dclarations de conformit
Statistiques
703
Rsultat du contrle
Dclarations de conformit
75-56 DC
705
706
SECTION 1
707
708
709
710
A)
La limitation de la prsomption dinnocence au domaine rpressif ... 348
1) Llaboration dune dfinition autonome de la sanction punitive ....... 349
2) Lexclusion des mesures nayant pas le caractre dune punition : les
mesures de police ................................................................................................ 354
B)
Lexpansion de la prsomption dinnocence au-del des seules
sanctions pnales ..................................................................................................... 360
1) La limitation initiale la matire pnale stricto sensu ........................... 361
2) Lextension progressive aux sanctions administratives ........................ 363
2. Lextension du champ dapplication personnel .................................................. 367
A) Lencadrement constitutionnel de laction du lgislateur ........................... 367
1) Lapprofondissement du contrle de la rigueur lgislative excessive
pour sassurer dune personne prsume innocente ..................................... 368
2) Ladmission constitutionnelle de lamnistie lgislative ......................... 370
B)
Le renforcement des directives constitutionnelles lgard du juge .. 374
1) Le contrle des mesures judiciaires privatives de libert avant jugement
375
2) La prescription du choix de la poursuite pnale la moins dfavorable au
prsum innocent ................................................................................................ 379
SECTION 2
LLABORATION CONSTITUTIONNELLE DUN RGIME JURIDIQUE
PROCDURAL QUILIBR DE LA PRSOMPTION DINNOCENCE.......................................... 383
1. Lencadrement des expressions procdurales du principe de la prsomption
dinnocence ..................................................................................................................... 383
A)
Le ncessaire respect des droits fondamentaux dans ladministration de
la preuve ................................................................................................................... 384
B)
La compatibilit de la reconnaissance pralable de culpabilit avec le
droit de ne pas contribuer sa propre incrimination ........................................ 390
2. Les tempraments au principe de la prsomption dinnocence .......................... 397
A)
Lexigence dune dclaration de culpabilit comme limite du champ
dapplication de la prsomption dinnocence ..................................................... 397
B)
Ladmission encadre des prsomptions de culpabilit ........................ 401
1) La prohibition de principe des prsomptions de culpabilit en matire
rpressive .............................................................................................................. 402
a) Les fondements de lexistence des prsomptions de culpabilit ...... 402
b) Lexistence parcimonieuse de prsomptions de culpabilit lgalement
tablies............................................................................................................... 405
2) Lapprciation constitutionnelle exigeante des prsomptions de
culpabilit ............................................................................................................. 409
a) Ltablissement des fondements jurisprudentiels des prsomptions
de culpabilit .................................................................................................... 409
b) La confirmation des exigences constitutionnelles dacceptation des
prsomptions de culpabilit .......................................................................... 413
CHAPITRE 2 : LES DROITS CONSTITUTIONNELS DE LA DEFENSE ............... 419
711
SECTION 1
LE DOMAINE DAPPLICATION TENDU DES DROITS DE LA DFENSE ......... 420
1.
Lextension du domaine matriel ...................................................................... 421
A)
Lextension quant lautorit prononant la dcision ........................... 421
B)
Lextension quant la nature de la dcision prononce........................ 425
1) Lexigence dune sanction punitive libralement apprcie ................. 425
2) Lexclusion des dcisions concertes et des mesures purement
comptables ............................................................................................................ 427
2.
Lextension du domaine personnel .................................................................... 429
SECTION 2
LOBJET DIVERSIFI DES DROITS DE LA DFENSE ........................................ 432
1. Le droit une procdure juste et quitable ......................................................... 433
A)
Le droit une procdure quilibre ......................................................... 435
1) Lacceptation dorganisations juridictionnelles diffrentes pour des
litiges comparables .............................................................................................. 436
a) Lacceptation de la comptence de juridictions diffrentes pour des
litiges comparables .......................................................................................... 436
b) Lacceptation de la comptence des mmes juridictions mais
diffremment composes pour des litiges comparables............................ 439
2) Le refus des restrictions ingales dans laccs au juge ........................... 442
a) Le dsquilibre des droits des parties par une limitation relative de
laccs au juge................................................................................................... 443
b) Le dsquilibre des droits des parties par une limitation absolue de
laccs au juge................................................................................................... 445
B)
Le droit une procdure contradictoire .................................................. 448
1) Le domaine dapplication circonscrit du principe du contradictoire .. 450
2) Lapprciation pragmatique du caractre contradictoire de la procdure
451
2.
Le droit lassistance dun avocat .................................................................... 454
A)
Les conditions restrictives de lintervention de lavocat ....................... 455
1) Lexigence cumulative dune situation de contrainte et de lutilit de
lintervention de lavocat .................................................................................... 455
a) La prsence cumulative de la contrainte et de lutilit de
lintervention de lavocat ................................................................................ 455
b) La prsence alternative de la contrainte ou de lutilit de
lintervention de lavocat ................................................................................ 459
2) Les tempraments lintervention de lavocat ....................................... 462
B)
Les modalits entraves de laction de lavocat ...................................... 466
1) La restriction du libre choix de lavocat ................................................... 466
2) La restriction des moyens daction de lavocat ....................................... 470
CONCLUSION DU TITRE 1............................................................................................ 473
TITRE 2 : LE DROIT UNE DECISION DE JUSTICE DE QUALIT.................... 475
CHAPITRE 1 : LE DROIT CONSTITUTIONNEL LA COLLEGIALIT DES
JURIDICTIONS .................................................................................................................. 477
712
SECTION 1
713
SECTION 1
714