Analyse Du Texte
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La notion de temps
2. Le temps phnomnologique
3. Le temps anthropologique
4. Le temps objectif
5. Le temps linguistique
2. La mise en relief
3. L'imparfait de rupture
4. L'imparfait itratif
3. L'exemple de L'tranger
1. Prsent d'nonciation
2. Prsent gnomique
3. Prsent historique
4. Prsent de narration
3. Le temps narratif
1. Ordre
1. Analepses
2. Prolepses
2. Dure
1. Scne; sommaire
2. Pause; ellipse
3. Frquence
3. Interfrences temporelles
Conclusion
Bibliographie
I. La notion de temps
Par exemple: je saisis au vol le mot Temps. Ce mot tait absolument limpide, prcis, honnte et
fidle dans son service, tant qu'il jouait sa partie dans un propos, et qu'il tait prononc par
quelqu'un qui voulait dire quelque chose. Mais le voici tout seul, pris par les ailes. Il se venge. Il
nous fait croire qu'il a plus de sens qu'il n'a de fonctions. Il n'tait qu'un moyen, et le voici
devenu fin. Devenu l'objet d'un affreux dsir philosophique. Il se change en nigme, en abme, en
tourment de la pense...
Kant, dans la Critique de la raison pure, nous invite nous dprendre de l'ide que le temps
aurait une existence objective: certes, il y a des changements rels dans le monde, et des
changements ne sont possibles que dans le temps (1944, 65); mais cette ralit du changement,
ajoute Kant, est toujours pour nous, les humains, qui la percevons. Hors de cette condition
particulire de notre sensibilit, le concept de temps s'vanouit; il n'est pas inhrent aux objets
eux-mmes, mais simplement au sujet qui les intuitionne (ibid.). Nous ne connatrons jamais le
monde en soi; notre monde humain est un monde phnomnal, un monde dtermin par ces deux
formes premires (transcendantales, dit Kant) de l'intuition que sont l'espace et le temps.
L'espace-temps dtermine l'enceinte dans laquelle l'ensemble de l'exprience humaine possible
est enclose ncessairement.
Le romancier Claude Simon, dans son discours de rception du prix Nobel de littrature, voque
le trouble magma d'motions, de souvenirs, d'images qui se trouvent (1986, 25) en lui lorsqu'il
est devant sa page blanche. Ce magma constitue, avec la langue, le seul bagage de l'crivain:
c'est que l'on crit (ou ne dcrit) jamais quelque chose qui s'est pass avant le travail d'crire,
mais bien ce qui se produit [...] au cours de ce travail, au prsent de celui-ci (ibid.). Pour Claude
Simon, l'criture n'a qu'un seul temps, le prsent. Mais n'est-ce pas l le cas de toutes les activits
humaines? Le temps, disait Kant, ne nous attend pas hors de nous, dj tout organis; c'est notre
conscience au contraire qui le dploie, partir de sa prsence au monde, en prsent du futur,
prsent du prsent et prsent du pass. Telle est la conscience intime du temps, pour un
phnomnologue comme Husserl: nous percevons quelque chose, voil le prsent; mais ce
prsent est parfois orient vers l'attente, l'anticipation, et le futur apparat. Ou c'est le pass qui se
constitue, lorsque nous maintenons, aux marges de la conscience, ce qui vient d'avoir lieu: le
pass immdiat qui sert de socle au souvenir et la remmoration.
Quelques considrations d'Andr Leroi-Gourhan vont nous permettre de prolonger ces propos.
Pour cet anthropologue, la conscience du temps puise son origine dans l'paisseur de la vie
sensitive (1965, 95). Ainsi, l'alternance du sommeil et de la veille, de l'apptit et de la digestion
fournissent au temps son substrat rythmique viscral; quant la succession du jour et de la nuit,
des saisons chaudes et des saisons froides, elle offre la rythmicit complexe et lastique d'un
temps l'tat sauvage. Mais les rythmes naturels sont partags par toute la matire vivante. Pour
qu'ils se transforment en temps, il faut d'abord que l'homme les capture dans un dispositif
symbolique. Ainsi, pour Leroi-Gourhan, le fait humain par excellence est peut-tre moins la
cration de l'outil que la domestication du temps et de l'espace (1965, 139). Cette domestication
apparat de faon organise avec les socits agricoles, lorsque le rythme des labours et des
rcoltes trouve son pendant dans un symbolisme temporel qui divinise le mouvement du soleil et
des astres. Paralllement, des spcialistes du temps (1965, 145) apparaissent: prtres, ds lors
que la marche normale de l'univers repose sur la ponctualit des sacrifices; ou soldats, qui ont
besoin de s'appuyer sur un rseau rythmique rigoureux, matrialis par les sonneries de trompes.
(1965, 146) Dans les socits dveloppes contemporaines, chacun est requis d'tre un tel
spcialiste: nul n'chappe au temps objectiv des horloges, qui ne compose avec personne, ni
avec rien, pas mme avec l'espace, puisque l'espace n'existe plus qu'en fonction du temps
ncessaire pour le parcourir (1965, 147). Cet espace-temps surhumanis signe le triomphe de
l'espce humaine. Triomphe ambigu, cependant, car ne sommes-nous pas en train de retrouver
ainsi l'organisation des socits animales les plus parfaites, celles o l'individu n'existe que
comme cellule (1965, 186)?
Le temps des horloges, dont Leroi-Gourhan craint qu'il ne finisse par nous avaler tout entiers, est
une acquisition tardive de l'humanit. Fond sur l'observation immmoriale du jeu des forces
cosmiques alternance du jour et de la nuit, trajet visible du soleil, phases de la lune, saisons du
climat et de la vgtation, etc. (Benveniste, 1974, 71), le temps objectif inscrit l'ordre cosmique
dans un comput qui le rend disponible pour l'organisation de la vie en socit. Ce temps socialis
se concrtise, poursuit le linguiste, sous la forme d'un calendrier. Le temps calendaire systmatise
la rcurrence observable des phnomnes astronomiques en crant un rpertoire d'units de
mesure correspondant des intervalles constants (jour, mois, anne); il organise ces segments
temporels dans une chane chronique o les vnements se disposent selon un ordre de
succession avant/aprs. Enfin, tous les calendriers procdent d'un moment axial qui fournit le
point zro du comput: un vnement si important qu'il est cens donner aux choses un cours
nouveau (naissance du Christ ou du Bouddha; avnement de tel souverain, etc.). (1974, 71) La
socit des hommes n'est pas pensable hors des contraintes qui prsident l'invention du temps
calendaire: sans les reprages fixes et immuables du calendrier, note encore Benveniste, tout
notre univers mental s'en irait la drive [et] l'histoire entire parlerait le discours de la folie.
(1974, 72)
Le calendrier fixe le temps chronique; toutefois, ce temps objectiv reste tranger au temps vcu
tel que le dcrit par exemple la philosophie phnomnologique. Or, affirme Benveniste, c'est par
la langue que se manifeste l'exprience humaine du temps. Le temps linguistique n'est en aucune
faon le dcalque d'un temps dfini hors de la langue, mais correspond l'institution d'une
exprience en propre: Ce que le temps linguistique a de singulier est qu'il est organiquement li
l'exercice de la parole, qu'il se dfinit et s'ordonne comme fonction du discours (1974, 73). ce
titre, il est tout entier centr autour du prsent, dfini comme le moment o le locuteur parle. Par
exemple, l'adverbe maintenant ne dsigne rien d'autre que le moment o le locuteur dit
maintenant. Comme l'explique Benveniste, le prsent se renouvelle ou se rinvente chaque fois
qu'un individu fait acte d'nonciation et s'approprie les formes de la langue en vue de
communiquer.
Le prsent linguistique est ainsi le fondement de toutes les oppositions temporelles. En effet, la
langue ne situe pas les temps non-prsents selon une position qui leur serait propre, mais ne les
envisage que par rapport au prsent. Le prsent, dfini par sa concidence avec le moment de
l'nonciation, trace une ligne de partage entre, d'une part, un moment qui ne lui est plus
contemporain et, d'autre part, un moment qui ne lui est pas encore contemporain. En ce sens, le
pass constitue l'antriorit du moment de l'nonciation, et le futur sa postriorit. C'est ce qui
fait dire Benveniste que la langue ordonn[e] le temps partir d'un axe, et celui-ci est toujours et
seulement l'instance de discours (1974, 74).
Au moment de son apoge raliste, au XIXe sicle, le roman s'est voulu procs-verbal du monde:
le romancier se contente de rapporter les vnements comme ils se sont (censment) produits.
Selon la formule connue de Benveniste (1966, 241) personne ne parle ici; les vnements
semblent se raconter eux-mmes. Pour mener bien un tel projet, les crivains ralistes
pouvaient tabler sur une tradition narrative efficace, avre depuis le XVIIe sicle. Au fondement
du systme canonique du rcit classique (Molino et Lafhail-Molino 2003, 255), on trouve une
constellation de temps verbaux dont les deux pivots sont le pass simple et l'imparfait. Les rcits
du XXe sicle, en renouvelant le genre romanesque, bouleverseront profondment ce systme
temporel, par l'introduction du pass compos d'abord, puis par l'usage de plus en plus frquent
du prsent. En un sicle, le systme temporel des rcits a chang du tout au tout. Le pass simple,
cette pierre d'angle du rcit, selon la formule de Roland Barthes (1972, 27) n'est plus utilis que
de faon rsiduelle; et c'est le prsent, dont l'emploi a t systmatis dans les annes cinquante
par le Nouveau Roman, qui est en passe de devenir aujourd'hui le temps romanesque
hgmonique, celui que les romanciers utilisent par dfaut.
Cette mutation n'est pas sans consquence sur la configuration romanesque de l'exprience
humaine. Pour Robbe-Grillet par exemple, l'abandon du pass simple est corollaire du fait que
raconter est devenu proprement impossible (1963, 31); non que l'anecdote [fasse] dfaut, c'est
seulement son caractre de certitude, sa tranquillit, son innocence (1963, 32) qui sont remis en
question.
En dcrivant dans les paragraphes qui suivent quelques valeurs smantiques propres aux
principaux tiroirs verbaux, nous souhaitons mettre en vidence les fondements linguistiques qui
dterminent l'appropriation narrative du temps humain dans les rcits.
NB.: En franais, le mot temps dsigne tout la fois des phnomnes extra-linguistiques et un
ensemble de formes linguistiques. Pour dsigner celles-ci, nous parlerons ici de temps verbal ou,
comme le font la plupart des linguistes actuels, de tiroir verbal.
Le pass simple et l'imparfait s'opposent sous la catgorie de l'aspect. L'aspect indique de quelle
manire on envisage le procs dnot par un verbe. Le pass simple est un temps perfectif, en ce
qu'il saisit le procs de l'extrieur, dans sa globalit, la manire d'un point apparu un moment
donn. L'imparfait, en revanche, est un temps imperfectif. Il prsente le procs de l'intrieur, dans
son droulement, sans lui assigner de bornes temporelles videntes. Lorsqu'on utilise l'imparfait,
on signale que le procs est en cours au moment choisi comme point de repre, mais on ne donne
pas d'indication quant son achvement. Si le pass simple est donc limitatif, l'imparfait peut
tre dit non limitatif.
L'opposition imparfait / pass simple peut se comprendre l'aide des notions d'arrire-plan, de
premier plan, et de mise en relief. On doit ces mtaphores picturales aux travaux du linguiste
Harald Weinrich: L'Imparfait est dans le rcit le temps de l'arrire-plan, le Pass simple le temps
du premier plan (1973, 114-115). Ainsi, l'alternance du pass simple et de l'imparfait a, dans le
rcit, une fonction contrastive et permet d'opposer deux plans distincts. Les formes au pass
simple installent au premier plan les vnements et les actions qui se succdent et font progresser
le rcit. Les formes l'imparfait, en revanche, dessinent la toile de fond (ou l'arrire-plan) de
cette trame narrative. L'exemple qui suit, tir de Boule de Suif, illustre bien ce fonctionnement:
Une petite lanterne, que portait un valet d'curie, sortait de temps autre d'une porte obscure
pour disparatre immdiatement dans une autre. Des pieds de chevaux frappaient la terre, amortis
par le fumier des litires, et une voix d'homme parlant aux btes et jurant s'entendait au fond du
btiment. Un lger murmure de grelots annona qu'on maniait les harnais; (...) La porte,
subitement, se ferma. Tout bruit cessa. Les bourgeois, gels, s'taient tus: ils demeuraient
immobiles et roidis. Un rideau de flocons blancs ininterrompu miroitait sans cesse en descendant
vers la terre [...].
L'imparfait marque bien ici la clture d'un pisode narratif, mais non celle du rcit. En effet, la
reddition du portefeuille par Paumelle ne suffit pas laver Hauchecorne des soupons de la
rumeur publique, ce qui finit par le conduire la folie et la mort.
L'imparfait itratif (ou frquentatif) permet d'indiquer qu'un procs n'a pas une, mais plusieurs
occurrences. On notera que cette valeur itrative ne repose pas sur la seule forme verbale, mais
implique souvent le recours un complment circonstanciel de temps. Ainsi, dans ce passage tir
d'Un Cur simple de Flaubert:
Tous les jeudis, des habitus venaient faire une partie de boston. Flicit prparait d'avance les
cartes et les chaufferettes. Ils arrivaient huit heures bien juste, et se retiraient avant le coup de
onze. Chaque lundi matin, le brocanteur qui logeait sous l'alle talait par terre ses ferrailles.
(nous soulignons)
Le pass compos se caractrise d'abord par son aspect accompli. De manire gnrale, on parle
d'aspect accompli lorsque le procs se prsente comme achev au moment qui sert de repre
temporel: on envisage alors le rsultat du procs ce moment-l. Comme l'crit le linguiste
Oswald Ducrot: L'aspect est [...] accompli si le procs est antrieur la priode dont on parle,
mais si on veut signaler sa trace dans cette priode (1995, 689). L'opposition de l'accompli et du
non accompli est manifeste en franais par l'opposition des formes composes et des formes
simples. Il existe, pour chaque forme simple d'un verbe, une forme compose, qui allie un
auxiliaire et un participe pass. De ce point de vue, le pass compos est un accompli du prsent.
Une difficult nat cependant du fait que le pass compos n'est pas uniquement utilis avec sa
valeur aspectuelle d'accompli du prsent. Il comporte galement une valeur temporelle
d'antriorit (qui n'est pas toujours clairement distincte de la prcdente). Ainsi, un nonc
comme J'ai lu Madame Bovary pourra, selon le contexte, faire jouer la valeur d'accompli: il
mettra alors l'accent sur l'tat rsultant du procs et ses consquences pour l'actualit du locuteur
(J'ai lu Madame Bovary, je peux maintenant commencer rdiger ma dissertation). Il pourra,
d'autre part, insister sur la valeur temporelle d'antriorit (J'ai lu Madame Bovary l't dernier, et
je n'ai pas aim).
Cette particularit du pass compos peut aider saisir les raisons pour lesquelles on a souvent
caractris ce tiroir verbal par son incapacit narrative. Un biographe rapporte ce sujet les
propos vhments de l'crivain Marcel Pagnol:
Le pass compos, [...] c'est un temps imprcis, mdiocre, bte et mou. Nous avons t rveills
par la fusillade...Bon. Et alors? L'histoire est finie avant d'avoir commenc. Tandis que Nous
fmes rveills par la fusillade...Tu vois? Tu as dress l'oreille. Tu attends la suite.
Le pass compos ne peut, quant lui, compltement faire oublier sa valeur d'accompli du
prsent. Son emploi tend ds lors faire porter l'accent non tant sur le procs lui-mme que sur
l'tat qui en rsulte. Ce caractre rsultatif prsente le procs dans un relatif isolement: on
considre davantage ses effets sur l'actualit du locuteur que son lien temporel et/ou causal avec
d'autres procs. Mme une suite de verbes au pass compos peine crer un rel effet de
chane: la narration ressemble davantage une juxtaposition d'tats coups les uns des autres
qu' un enchanement d'actions solidaires.
On voit ds lors tout le parti que peuvent tirer les crivains de cette tendance dnarrativisante.
L'exemple le plus clbre est sans conteste L'tranger d'Albert Camus (1942). Dans ce roman, le
choix de conduire la narration au pass compos est indissociable d'une vision du monde
marque par le sentiment de l'absurde. Comme l'explique Dominique Maingueneau, dans ses
lments de linguistique pour le texte littraire (1990, 43):
En prfrant le pass compos au pass simple, L'tranger ne prsente pas les vnements
comme les actes d'un personnage qui seraient intgrs dans une chane de causes et d'effets, de
moyens et de fins, mais comme la juxtaposition d'actes clos sur eux-mmes, dont aucun ne parat
impliquer le suivant (...) Il n'y a pas de totalisation signifiante de l'existence. (...) Ici, la narration
conteste d'un mme mouvement le rituel romanesque traditionnel et la causalit qui lui semble
associe: on ne peut pas reconstruire une srie cohrente de comportements menant au geste
meurtrier de Meursault dans la mesure mme o les formes du pass compos juxtaposent ses
actes au lieu de les intgrer.
Dans sa valeur de base, le prsent indique la concidence du procs dnot par le verbe avec le
moment de l'nonciation. Cette valeur est notamment active lorsque le narrateur d'un rcit,
abandonnant un temps l'histoire qu'il raconte, tmoigne de ses motions actuelles. Ainsi Ren, le
hros du rcit ponyme de Chateaubriand, souligne quelques reprises la prgnance douloureuse
des souvenirs qu'il rapporte: je crois encore entendre...; tout ce tableau est encore profondment
grav dans ma mmoire. Le prsent d'nonciation peut aussi rfrer l'acte de narration lui-
mme, comme dans ce passage de la Chartreuse de Parme: Ici, nous demandons au lecteur de
passer sans en dire un seul mot sur un espace de dix annes.
Le prsent ne se limite pas la dsignation du strict moment de la parole: il peut fort bien largir
sa couverture temporelle. On parle de prsent de vrit gnrale (ou prsent gnomique), lorsque
l'nonc acquiert une valeur omni-temporelle. Cette valeur est souvent renforce par des
syntagmes nominaux qui dnotent non plus des individus particuliers, mais bien des classes
d'individus. Le prsent de vrit gnrale est souvent convoqu lorsque le narrateur propose, par
le biais d'un discours didactique, un commentaire de l'action. Ainsi en va-t-il dans ce passage o
Ren voque un ptre de son enfance: J'coutais ses chants mlancoliques qui me rappelaient que
dans tout pays, le chant naturel de l'homme est triste, lors mme qu'il exprime le bonheur. Ou
encore, dans la Chartreuse de Parme, lorsque le narrateur commente ainsi une scne de
retrouvailles amoureuses: Les curs italiens sont, beaucoup plus que les ntres, tourments par
les soupons et par les ides folles que leur prsente une imagination brlante, mais en revanche
leurs joies sont bien plus intenses et durent plus longtemps.
Au lever de l'aube, j'entendis le premier son des cloches... Vers dix heures, dans une sorte
d'agonie, je me tranai au monastre. [...] Un peuple immense remplissait l'glise. On me conduit
au banc du sanctuaire; je me prcipite genoux sans presque savoir o j'tais, ni quoi j'tais
rsolu. Dj le prtre attendait l'autel; tout coup la grille mystrieuse s'ouvre, et Amlie
s'avance, pare de toutes les pompes du monde.
Mais lorsque passage atteint son sommet dramatique, aprs qu'Amlie a avou Ren sa passion
incestueuse, le prsent historique s'impose seul:
ces mots chapps du cercueil, l'affreuse vrit m'claire; ma raison s'gare, je me laisse
tomber sur le linceul de la mort, je presse ma sur dans mes bras, je m'crie: Chaste pouse de
Jsus-Christ, reois mes derniers embrassements travers les glaces du trpas et les profondeurs
de l'ternit, qui te sparent dj de ton frre!
Ce mouvement, ce cri, ces larmes, troublent la crmonie: le prtre s'interrompt, les religieuses
ferment la grille, la foule s'agite et se presse vers l'autel; on m'emporte sans connaissance.
Le prsent peut, on vient de le voir, commuter ici ou l avec le pass simple et accrotre ainsi la
saillance narrative des vnements voqus. Dans le rcit classique, le prsent historique fait
exception; il reste contenu au sein d'une narration domine de faon massive par les temps du
pass. Considrons maintenant ces deux dbuts de roman:
Je suis seul dans la chambre de ma mre. C'est moi qui y vis maintenant. Je ne sais pas comment
j'y suis arriv.
Dans chacun de ces incipit, le temps dominant celui qui donnera le ton la suite du rcit c'est
le prsent. Le rcit conduit au prsent et la premire personne (Molloy) reste proche du
monologue de thtre (Molino, Lafhail-Molino 2003, 257): le soliloque de Molloy, tout en
dployant l'vocation d'tats d'me, intgrera d'ailleurs bientt des souvenirs, raconts aux temps
du pass. Le cas des rcits conduits au prsent et la troisime personne est plus trange, du
moins pour un lecteur habitu aux rcits traditionnels: il a la sensation que l'nonciation narrative
est presque parfaitement contemporaine des vnements narrs. Ainsi, l'incipit de Sortie d'usine,
avec sa syntaxe dmantele, semble le fait d'un narrateur soucieux de restituer au plus juste
l'immdiatet du vcu. Dans les rcits au prsent, le narrateur occupe la position improbable d'un
reporter qui transcrit immdiatement les vnements et donne ainsi l'impression d'en respecter
l'imprvisible nouveaut (Molino et Lafhail-Molino 2003, 257), comme s'il se trouvait assailli
par l'urgence d'actions et d'vnements impossibles envisager dans le confort du regard
rtrospectif.
Le prsent de narration, qui tend abolir la distance temporelle entre le moment de la narration
et le moment de l'histoire raconte, est fond sur une impossibilit logique: on ne peut, en effet,
la fois vivre un vnement et le raconter (le cas particulier du reportage, dj voqu, faisant
exception). Cela n'empche pas le rcit au prsent d'avoir de solides fondements
anthropologiques: il est couramment employ dans le rcit oral et l'enfant [...] commence par
raconter au prsent. (Molino et Lafhail-Molino 2003, 258). Depuis cinquante ans, le prsent de
narration s'est solidement implant dans les habitudes romanesques. Il constitue dornavant une
alternative parfaitement reue aux rcits construits partir du pass simple.
Les relations temporelles ne sont pas seulement signifies par les diffrents tiroirs verbaux, mais
galement par des indicateurs temporels adverbes, locutions adverbiales, complments
circonstanciels, etc.
On distingue:
Il est rare qu'un rcit s'en tienne un seul type de reprage: ainsi, un reprage contextuel initial
(Il y a deux semaines) sera souvent suivi d'une srie de reprages cotextuels secondaires (la
veille, le lendemain).
Chaque fois que l'on rflchit un peu longuement la notion de temps, on se trouve confront
une ralit fuyante, dont les multiples visages sont parfois contradictoires. La spculation sur le
temps est une rumination inconclusive (1983, 21), note ainsi le philosophe Paul Ricur
l'ouverture de la vaste et minutieuse rflexion qu'il poursuit dans les trois tomes de Temps et
rcit. Un moyen existe pourtant de se tirer d'affaire: c'est de raconter des histoires! La seule
rplique aux apories temporelles, voil la thse de Ricur, c'est l'activit narrative, la mise en
intrigue: il existe un lien ncessaire transculturel, anthropologique entre l'activit de raconter
une histoire et le caractre temporel de l'exprience humaine (1983, 85). Ou, selon une autre
formule de Ricur, le temps devient temps humain dans la mesure o il est articul sur un mode
narratif (ibid.).
Certes, notre vie ordinaire n'est pas entirement amorphe, du point de vue temporel. Ainsi, le
temps calendaire l'enserre dans un corset troit, mais clarifiant. Quant nos actions, elles ne se
rsument pas de simples changements d'tat: elles obissent des buts, s'inscrivent dans des
protocoles culturels, des scnarios prtablis (manires de table, rgles de politesse, etc.). Les
rcits ne partent donc pas de rien: il trouvent, dans le champ pratique, une premire modlisation
du temps. Leur apport spcifique, lorsqu'il capturent la temporalit inhrente aux actions
humaines, c'est de la configurer, de la mettre en intrigue. Les rcits, en effet, ne se contentent pas
de recueillir les faits: ncessairement, ils les agencent, ils les mettent sous tension entre un dbut
et une fin, transformant ainsi la simple succession des vnements en une totalit signifiante (ft-
ce pour signifier a contrario que cette totalisation est artificielle, ou impossible...).
quoi il faut ajouter que les rcits ne recueillent pas tous les faits; d'ailleurs, s'ils le faisaient (et
supposer que cela soit possible), ne tomberaient-ils pas dans l'insignifiance? C'est donc bien
parce que les rcits sont slectifs qu'ils mettent de l'ordre dans la temporalit humaine. Le rcit
schmatise, trace une piste dans le fouillis inextricable des agissements humains, simplifie ce qui
est embrouill, propose des itinraires flchs. Certains rcits s'en tiennent l, au risque d'tre
simplistes. Mais le propre de la schmatisation narrative, ce n'est pas tant de rendre simple le
complexe; c'est bien plutt, grce au travail de l'imagination productrice (1983, 106), de mettre
en vidence la complexit de ce que notre exprience spontane nous livre de faon floue et
souvent dans une grande confusion.
Dans le paragraphe prcdent, nous avons parl des rcits comme s'ils constituaient une classe
homogne. Or nous savons bien que ce n'est pas le cas: certains rcits ont un rfrent avr, ils se
donnent pour finalit de relater des vnements du monde, passs ou prsents. Ce sont les rcits
factuels, tels que nous les rencontrons dans les livres d'histoire ou dans la presse quotidienne. Le
journaliste, l'historien ne peuvent pas raconter n'importe quoi: leurs rcits dpendent logiquement
de la ralit dont ils rendent compte.
Tout autre est le cas du romancier: sans doute celui-ci peut-il, comme l'historien, voquer des
lieux ou des personnages existants (Paris, l'empereur Napolon III, etc.), mais il n'est pas soumis
comme lui au critre d'exactitude. Le rcit de fiction chappe la juridiction du vrai et du faux et
ne dpend que de l'acte narratif qui l'institue. Ds le putsch de l'incipit, il inaugure un monde
indit, autonome, il impose l'affirmation d'un rgne qui obit ses lois et sa logique propres
(Rousset, 1962, II). Indpendant l'gard de tout devoir de rfrer, le rcit de fiction offre ds
lors un terrain d'exprimentation fcond pour prouver les vertus de la schmatisation narrative
en gnral. Pour Michel Butor, par exemple, le roman n'est pas autre chose que le laboratoire du
rcit: Alors que le texte vridique a toujours l'appui, la ressource d'une vidence extrieure, le
roman doit suffire susciter ce dont il nous entretient (1975, 9). Et c'est ainsi qu' ses yeux la
recherche de nouvelles formes romanesques joue [...] un triple rle par rapport la conscience
que nous avons du rel, de dnonciation, d'exploration et d'adaptation (1975, 10). Dans les
sections qui suivent, nous mettrons en vidence quelques effets de l'exprimentation temporelle
propose par les fictions.
Comme une feuille de papier, la temporalit narrative se prsente sous deux faces
indissolublement lies. D'un ct, le temps narratif est dtermin par la nature linaire du
signifiant linguistique. Contrairement aux peintres, qui peuvent donner voir les choses et les
gens d'un coup, dans la coexistence simultane de l'espace pictural, les romanciers sont
tributaires de la nature conscutive du langage: ainsi, c'est trs progressivement que le lecteur
voit apparatre devant l'il de son esprit les lieux et les personnages du roman dont il tourne les
pages une une. Telle est la premire face du temps narratif: c'est le temps du rcit (tR),
dtermin par la succession des mots sur la page. Ce temps racontant (en allemand, on parle
d'Erzhlzeit) se repre par le dcompte d'units de texte: nombre de lignes, de pages, de
chapitres, etc.
L'autre face de la temporalit narrative, c'est le temps racont (erzhlte Zeit, en allemand). Les
pages, les chapitres du roman dfilent: un monde fictif se constitue progressivement, avec ses
dcors, ses personnages et sa chronologie. Pas plus que nous, les personnages de roman
n'chappent au temps: ils profitent des jours qui passent, vieillissent et se souviennent. C'est l le
temps de l'histoire (tH), un temps calendaire fictif, qui se mesure en heures, jours, mois et
annes.
La ralit bi-face de la temporalit narrative permet d'instituer des jeux avec le temps. Rien, en
effet, ne contraint les rcits copier le temps des horloges. Les romanciers peuvent par exemple
et ne s'en privent pas! raconter les choses dans le dsordre, plus ou moins vite, en
dveloppant longuement un pisode ou, l'inverse, en passant sans mot dire sur des semaines,
voire des annes entires... La narratologie distingue trois types de relations pertinentes entre le
temps du rcit et le temps de l'histoire: l'ordre, la dure et la frquence. Nous en donnons la
description ci-aprs.
III.3.1. Ordre
tudier l'ordre temporel d'un rcit, rsume Genette (1972, 78-79), c'est confronter l'ordre de
disposition des vnements ou segments dans le discours narratif l'ordre de succession de ces
mmes vnements ou segments temporels dans l'histoire, en tant qu'il est explicitement indiqu
par le rcit lui-mme, ou qu'on peut l'infrer de tel ou tel indice indirect. On pourrait penser que
la tendance spontane des conteurs et romanciers soit de faire concider l'ordre des vnements
raconts et l'ordre de leur prsentation narrative (rcit synchrone, ou ab ovo). Or, c'est le
contraire qui est vrai: la majorit des rcits ne respectent pas l'ordre chronologique: ils sont
anachroniques, soit qu'ils racontent avant (dans R) ce qui s'est pass aprs (dans H)
anticipation, ou prolepse; soit qu'ils racontent aprs (dans R) ce qui s'est pass avant (dans H)
rtrospection, ou analepse.
III.3.1.1. Analepses
Depuis l'Antiquit, l'art narratif se reconnat au fait de jeter d'abord le lecteur dans le milieu du
sujet suivant l'exemple d'Homre (Huet, cit dans Genette, 1972, 79): c'est le dbut in medias res,
vritable marque de fabrique du rcit classique jusqu'au XIXe sicle. En voici un exemple: Le
Juge de sa propre cause (une nouvelle espagnole intgre par Scarron dans Le Roman comique)
s'ouvre sur la vision dramatique d'une jeune fille violente entre des rochers par deux brutaux. Il
faut attendre trois pages, et la libration de la jeune fille, pour dcouvrir les antcdents de cette
scne initiale mouvemente. Le dbut in medias res est ici suivi d'un retour en arrire (ou
analepse) fonction explicative.
En l'occurrence, cette analepse est complte: elle restitue, ab ovo, la vie de la jeune fille jusqu'au
moment de la tentative de viol qui ouvre le rcit premier (par opposition aux analepses partielles,
qui ne rejoignent pas le point d'origine temporel du rcit premier). La tranche temporelle, plus ou
moins tendue, prise en charge par l'analepse dfinit son amplitude.
En outre, c'est une analepse externe, parce qu'elle reporte le lecteur au-del ou l'extrieur du
champ temporel du rcit premier. l'inverse, lorsque le narrateur de L'Education sentimentale
revient en arrire d'un jour pour raconter la crise de faux croup qui a retenu Mme Arnoux au
chevet de son enfant alors qu'elle devait rejoindre Frdric pour un rendez-vous amoureux,
l'analepse est interne. L'analepse est un pont jet vers le pass, mais ce pass peut tre plus ou
moins loign du rcit premier; cette distance temporelle variable dfinit la porte de l'analepse.
D'un point de vue fonctionnel, on peut ajouter que l'analepse voque l'instant est compltive;
elle permet de rcuprer une information manquante. Il en va de mme lorsqu'au moment
d'introduire un nouveau personnage (ou de retrouver un personnage perdu de vue), le rcit
propose un rsum de sa biographie.
III.3.1.2. Prolepses
Les anticipations, ou prolepses, se rencontrent moins frquemment que les retours en arrire. Les
rcits qui s'y prtent le mieux sont les Mmoires ou les autobiographies tant rels que fictifs.
Ici, le narrateur, en racontant son pass, connat videmment l'avenir et fait parfois usage de ce
savoir. Considrons l'exemple suivant:
Par exemple, pour anticiper sur mon sjour en Normandie j'entendis Balbec un inconnu que je
croisai sur la digue dire: La famille du directeur du ministre des Postes. Or (comme je ne savais
pas alors l'influence que cette famille devait avoir sur ma vie), ce propos aurait d me paratre
oiseux [...].
Ces prolepses ont une fonction d'annonce; elles concourent tablir la cohrence long terme du
rcit. De faon plus gnrale, en disant maintenant (dans R) ce qui adviendra plus tard (dans H),
la prolepse fait peser sur le rcit un certain poids destinal. Ainsi, dans Manon Lescaut, la fin (la
dportation de Manon) est donne ds le dbut: l'vocation anticipe de la chute du hros de
ces nouveaux dsordres qui vont le mener bien plus loin vers le fond de l'abme pse comme
une fatalit sur les scnes amoureuses qui suivent. Comme dans la tragdie, l'intrt du lecteur se
dplace: la fin (misrable) de l'histoire lui tant connue, ce n'est plus le dsir simple de savoir la
suite qui le meut, mais une curiosit plus complexe, et sans doute plus mlancolique: celle de
connatre les rouages inflexibles d'une intrigue de prdestination (Todorov, cit par Genette,
1972, 105).
III.3.2. Dure
Nul rcit sans rythme: chez Balzac par exemple, des scnes trs dramatiques succdent de
longues descriptions statiques; parfois aussi, le temps passe toute vitesse (cinq ans aprs cette
scne...), avant de se dployer nouveau dans d'autres scnes, dans d'autres descriptions... Le
rcit isochrone ( rythme constant) n'existe pas plus que le rcit synchrone, rigoureusement
chronologique. Pour mesurer ces variations de rythme (ou anisochronies), Genette introduit la
notion de vitesse: On entend par vitesse le rapport entre une mesure temporelle et une mesure
spatiale [...]: la vitesse du rcit se dfinira par le rapport entre une dure, celle de l'histoire,
mesure en secondes, minutes, heures, jours, mois et annes, et une longueur: celle du texte,
mesure en lignes et en pages. (Genette 1972, 123). Ces rapports peuvent se rduire quatre
formes canoniques: la scne et le sommaire d'une part; la pause et l'ellipse d'autre part.
Sans doute peut-on considrer l'ellipse comme une forme radicalise du sommaire: elle permet,
un peu l'image des entr'actes au thtre, de sauter du temps inutile... ou de souligner, par
contraste, l'importance de ce qui est pass sous silence. Ainsi dans ce passage du Rouge et le
Noir, qui voque l'arrive dramatique de Julien dans la chambre de Mathilde de la Mole:
Mais la pause ne se laisse pas rduire si facilement. N'oublions pas en effet l'exigence nave du
lecteur de rcits: celui-ci veut qu'on lui raconte une histoire et peroit comme une infraction tout
ce qui s'carte de cette fonction narrative de base. La preuve: lorsqu'il juge les pauses
descriptives trop longues, il les saute. Aussi le rcit classique s'ingnie-t-il intgrer les
descriptions dans la trame de l'action, l'image d'Homre qui, lorsqu'il doit dcrire le vtement
d'Agamemnon, montre ce dernier en train de s'habiller. [Description, II. 2. 4]
La pause commentative [Voix narrative, VI] permet au narrateur d'intervenir en personne dans
son rcit, par exemple pour donner son avis, porter un jugement sur son personnage, ou encore
pour proposer une information sur un lment factuel ou culturel. Certains romanciers y
recourent des fins critiques; dans Jacques le Fataliste ou d'autres anti-romans, la pause
commentative sert ainsi mettre en cause l'illusion romanesque, comme dans cet exemple o le
lecteur est invit participer activement la construction de l'intrigue:
Entre les diffrents gtes possibles, dont je vous ai fait l'numration qui prcde, choisissez celui
qui convient le mieux la circonstance prsente.
III.3.3. Frquence
La catgorie de la frquence concerne les relations de rptition qui s'instituent entre histoire et
rcit: par exemple, je peux raconter plusieurs fois, en variant par exemple le style, le point de vue
ou la voix narrative, quelque chose qui n'a eu lieu qu'une seule fois dans l'histoire (tR=n; tH=1):
c'est le rcit rptitif. Les Exercices de style de Raymond Queneau, o la mme scne d'autobus
est raconte 99 fois dans des styles (Ampoul, Vulgaire, ...) ou selon des procds (Lipogramme,
Pass indfini, ...) trs divers, constituent une illustration connue de ce type de rcit. Autre
exemple de rcit rptitif: le roman par lettres, lorsque plusieurs protagonistes narrent, chacun
selon son point de vue, un vnement identique.
l'inverse, je peux raconter en une seule fois une action, un vnement qui ont eu lieu
plusieurs reprises, dans l'histoire (tR=1; tH=n): tel est le rcit itratif. Cette modalit narrative
permet, comme le sommaire, de gagner du temps; dans le rcit classique, le rcit itratif joue un
rle subordonn; il sert noter le passage d'un temps sans caractre dramatique (Molino, Lafhail-
Molino, 2003, 270). Mais au XIXe sicle, l'intrt croissant que les romanciers portent la vie
intrieure des personnages entrane un profond remaniement des formes romanesques: en mme
temps que la technique de la focalisation interne se gnralise, les romanciers dcouvrent l'usage
narratif original qu'ils peuvent faire du rcit itratif. Celui-ci, en plissant dans un seul nonc
synthtique plusieurs occurrences du mme vnement, se prte par exemple de faon heureuse
l'vocation des priodes de stagnation et d'attente qui importent tant Flaubert, ce grand
romancier de l'inaction, de l'ennui, de l'immobile (Rousset, 1962, 127; 133).
Le rcit rptitif et le rcit itratif prennent relief sur le fond d'une faon simple et ordinaire de
raconter: le rcit singulatif, o l'on raconte une fois ce qui s'est pass une fois (tR=1; tH=1).
Cette forme narrative, fonde sur l'alternance scne-sommaire, est le propre des rcits o la
fonction dramatique prime.
On a vu, dans les sections qui prcdent, comment se pose la question du rapport entre le temps
du rcit racontant et celui de l'histoire raconte. Il s'agit, prsent, de s'interroger sur les rapports
qu'entretiennent le temps de l'histoire raconte et celui de l'acte de narration. Comme le relve
Genette, il est quasiment impossible, pour un narrateur, de ne pas situer [l'histoire qu'il raconte]
dans le temps par rapport [son] acte narratif, puisqu'[il doit] ncessairement la raconter un
temps du prsent, du pass, ou du futur (1972, 228). Selon la position temporelle qu'occupe l'acte
narratif par rapport l'histoire raconte, on distinguera les narrations ultrieure, antrieure,
simultane et intercale [Voix narrative, III].
Le rcit comporte ainsi une double rfrence temporelle. Il y a premirement une temporalit
relative la digse, c'est--dire aux actions et vnements de l'histoire raconte. Cette
temporalit peut se prsenter dans son autonomie, comme dans cet extrait de Jules Verne:
Ici, le reprage temporel est d'abord absolu (au dbut de l'anne 1867), puis cotextuel (dix-neuf
ans avant cette poque), mais il n'implique pas de rfrence explicite l'acte producteur du rcit.
Examinons maintenant le cas plus complexe de l'incipit de Notre-Dame de Paris:
Il y a aujourd'hui trois cent quarante-huit ans, six mois et dix-neuf jours que les Parisiens
s'veillrent au bruit de toutes les cloches sonnant grande vole dans la triple enceinte de la
Cit, de l'Universit et de la Ville.
Ce n'est cependant pas un jour dont l'histoire ait gard le souvenir que le 6 janvier 1482. (nous
soulignons)
S'il offre bien d'une datation absolue (le 6 janvier 1482), le texte s'ouvre cependant sur un
reprage contextuel qui, par le biais de l'adverbe aujourd'hui, implique une rfrence explicite au
moment de la narration. On pourrait, ce stade, gnraliser le propos et dire que tout narrateur
laisse, lorsqu'il raconte, des traces de son acte de narration dans le texte. [Voix narrative, II, 1]
Dans le cadre d'un rcit, ces traces ne peuvent s'interprter que par rfrence une situation
narrative c'est--dire au fait qu'un narrateur raconte une histoire un narrataire dans un certain
espace-temps. Il est possible, pour le narrateur, de se dplacer dans cet espace-temps: tel est le
cas chaque fois qu'il renvoie un moment antrieur ou postrieur de son acte de narration,
notamment par le biais d'expressions comme Nous avons vu il y a peu que... ou encore Nous
raconterons tout l'heure comment.... la temporalit de l'histoire raconte, il faut donc ajouter
une seconde temporalit, relative cette fois l'nonciation narrative. Un double systme de
reprage se met en place, l'un qui repose sur l'espace-temps des vnements de l'histoire
raconte, l'autre sur l'espace-temps de la narration et de la lecture (Molino, Molino-Lafhail, 2003,
264).
Dans sa Grammaire temporelle des rcits (1990), le critique et linguiste Marcel Vuillaume a
propos de parler, ce sujet, de fiction principale et fiction secondaire. L'usage, dans un cas
comme dans l'autre, du terme de fiction s'explique par le fait que la narration est [elle-mme] une
composante de la fiction: Le narrateur se donne les allures d'un conteur qui s'adresse directement
ses auditeurs, de sorte que le dcalage temporel qui, dans la ralit, spare la production du
rcit de sa lecture n'est en rien reflt au sein du rcit lui-mme (1990, 59). On a donc, en plus de
la fiction principale, qui donne voir les protagonistes de l'univers narr, une fiction secondaire.
Celle-ci met en scne, au sein d'un univers-cadre, d'autres protagonistes, dsigns notamment par
nous et par le / notre lecteur.
Cette agence Lecoq, dont nous allons franchir le seuil, tait une grande maison o rien ne
manquait [...]
Au moment o nous entrons dans le sanctuaire, ces messieurs traversaient un de ces repos qui
ponctuent les conversations graves [...].
L'auberge du pre Achard tait bonde. Tout le pays encore une fois tait en rumeur [...].
Ils taient l trois, Achard, Verdeil et Bridail, qui n'en dmordaient pas de ce qu'ils avaient vu [...]
Or, le soir o nous sommes, la femme Grard [...] tait arrive avec son nouvel poux
Coultheray [...].
On a ici affaire ce que Vuillaume appelle des noncs paradoxaux. Dans les deux cas, on
assiste un voisinage tonnant entre, d'une part, une indication temporelle marque par l'usage
du prsent et de la premire personne du pluriel, et, d'autre part, une action dnote par un temps
du pass (imparfait ou plus-que-parfait). Les deux temporalits (celle de la narration et celle de
l'histoire) en viennent ainsi cohabiter: on fait comme si elles taient homognes. Mieux: on fait
comme si le narrateur et le lecteur (nous) pouvaient transporter leur actualit un moment donn
de l'histoire raconte. On assiste ainsi un transfert imaginaire, un dpacement de l'espace-temps
de la situation narrative l'espace-temps de l'histoire [...]: narrateur ou lecteur, je peux me
transporter par un effort de l'imagination un autre point de l'espace-temps et observer les tres,
les lieux et les vnements comme si j'tais rellement prsent (Molino, Lafhail-Molino, 2003,
263-264). L'effet principal de ces noncs paradoxaux semble donc tre d'homogniser les deux
temporalits et, par l mme, de projeter les protagonistes de la fiction secondaire dans la fiction
principale. L'univers digtique, donn d'ordinaire comme antrieur l'acte de narration s'en
trouve alors comme prsentifi...
Cette prsence se fait mme si vive, parfois, que la fiction secondaire n'y rsiste pas, et se
retrouve comme happe dans l'univers digtique!
Billot alla droit cette tapisserie, la souleva et se trouva dans une grande salle circulaire et
souterraine o taient dj runies une cinquantaine de personnes.
Cette salle, nos lecteurs y sont dj descendus, il y a quinze ou seize ans, sur les pas de
Rousseau.
L'expression il y a quinze ou seize ans est, d'ordinaire, une expression dictique qui mesure un
intervalle temporel et marque une antriorit par rapport au moment de l'nonciation (ici: par
rapport au processus de lecture). Or, dans le cas qui nous intresse, on comprend que l'intervalle
ne spare pas deux moments du processus de lecture, mais bien deux moments de l'histoire
raconte. Le changement de valeur du dictique montre bien quel point fiction principale et
fiction secondaire sont enchevtres. Tout se passe comme si l'coulement du temps au sein la
fiction secondaire pouvait s'aligner sans heurts sur celui qui a cours au sein de la fiction
principale. Le lecteur semble alors se mouvoir exactement dans la mme dure que celle qui
affecte les personnages de la digse.
IV. Conclusion
La temporalit est sans conteste une dimension fondamentale de toute conduite narrative. Le
temps, notion au caractre polymorphe, comme on l'a vu au premier chapitre, se laisse parfois
difficilement saisir: le rcit a prcisment pour rle de permettre son appropriation par le sujet
humain. On peut, avec Paul Ricur (1986, 12), aller jusqu' voir dans la fonction narrative la
condition mme d'une temporalit intelligible:
Le caractre commun de l'exprience humaine, qui est marqu, articul, clarifi par l'acte de
raconter sous toutes ses formes, c'est son caractre temporel. [...] Peut-tre mme tout processus
temporel n'est-il reconnu comme tel que dans la mesure o il est racontable d'une manire ou
d'une autre.
Mais le rcit de fiction ne nous permet pas seulement de reconn[atre] le caractre temporel de
notre exprience. Par les mutiples jeux sur le temps qu'il autorise, et que nous avons dcrits au
troisime chapitre, le rcit de fiction va plus loin encore: il offre des variations temporelles
irrductibles l'exprience quotidienne et tend, en fin de compte, refigurer la temporalit
ordinaire (Ricur 1984, 191).
Bibliographie
Genette, G. (1972). Discours du rcit, in Figures III. Paris: Seuil, pp. 65-278.
Schaeffer, J.-M. (1995). Temps, mode et voix dans le rcit, in Ducrot, O., et
Schaeffer, J.-M. (1995), Nouveau dictionnaire encyclopdique des sciences du langage.
Paris: Seuil, pp. 710-727.
Simon, C. (1986). Discours de Stockholm. Paris: Minuit.
Vuillaume, M. (1990). Grammaire temporelle des rcits. Paris: Minuit.
LE TEMPS NARRATIF
La difficult du problme avec cet objet "temps" provient de l'existence de deux temporalits en rapport :
DISTINGUO
Un rcit, en effet, voque une certaine chronologie de faits, similaire celle de la ralit ; par ailleurs, il a
un dbut, un milieu, une fin, c'est dire un droulement qui se mesure, au niveau du livre, en pages ; il
peut se chiffrer en lignes, en mots.
La langue elle-mme dispose de diffrents temps verbaux (prsent, pass, futur) avec des nuances
aspectuelles importantes pour rendre diffrentes perspectives. Dans le cadre d'un rcit littraire men au
pass, on observera les nuances travers ces petits exemples simplifis :
Tout cela fait qu'il peut y avoir dcalage entre le temps de l'histoire et le temps du rcit. Le temps de
l'histoire (cf. narrated time/ erzhlte Zeit) est le temps sur le plan de la fiction, le temps vcu par les
personnages ; le temps du rcit (time of narrating / Erzhlzeit) est le temps du discours qui reprsente
une histoire, celui des des pages du livre.
Le retour en arrire ou rtrospection est frquent ; son rle est explicatif, il est employ pour des faits
antrieurs, pour la prsentation d'un personnage. Souvent dans un roman, aprs un dbut in medias
res, on trouve les explications qui viennent ensuite.
L'anticipation ou prospection est une anomalie, une raret car elle tue l'intrt. On pensera au titre du
roman de Toslto : La mort d'Ivan Ilitch.
SCHEMA
,------------------------' description
histoire B A C D fiction
Le dcalage en A-B est une rtrospection ; "rien" constitue une ellipse un fait reconstituable n'est pas
racont explicitement, un moment est omis.
pages 1 2 3 4
description
histoire A B rien C
L'ellipse : cas inverse ; il y a omission d'une priode de l'histoire, soit parce qu'elle n'est pas trs
intressante, soit que l'on ait affaire un trucage digtique (cf. roman policier).
pages 1 -- 2 3
histoire A B C D
Il peut tre rptitif : plusieurs discours prsentent le mme vnement. Soit un personnage rabche,
soit l'on a diffrentes visions du mme vnement, dans un effet stroscopique. Ex. dans les Liaisons
dangereuses, roman pistolaire de Ch. de Laclos, les lettres 21 et 22 prsentent le mme vnement,
racont par Valmont et par la nave Mme de Tourvel. Ce dcalage de deux lettres crites en
simultan le mme jour sur le mme fait vnementiel, mais qui se succdent dans l'ordre du texte
romanesque permet des effets, renforcs par la tonalit (ironie de Valmont/ componction de Tourvel).
Le rcit peut tre itratif : un seul discours prsente une pluralit d'vnements semblables ; c'est le cas
d'un tat stable dcrit l'imparfait. Cf. la vie de Salamano dans l'Etranger de Camus ou l'vocation par
Colette de promenades dans la nature lors de son enfance en Puisaye. Alors pour Genette, il s'agit
de: raconter une seule fois (ou plutt en une seule fois) ce qui s'est pass n fois.
Remarque
Le rcit singulatif tend en franais crit employer le pass simple ou le pass compos l'oral (Il alla
son bureau 7 heures. Il est all son travail 7 heures.), tandis que le rcit itratif est gnralement
conduit l'imparfait (Tous les jours, il allait son bureau 7 heures.)
2. Narration antrieure
--------N---------H-------->
L'antriorit du moment de la narration par rapport au moment de rfrence de l'histoire est un cas rare.
Mme dans le genre de la Science-Fiction, le moment fictif de la narration est postrieur au temps de
l'histoire raconte. La narration antrieure correspond plutt un rcit de type prdictif conduit au futur ou
au prsent ; on peut songer au type d'crit que forment les prophties, les textes apocalyptiques, les
visions, religieuses ou autres...
3. Narration simultane
--------H // N-------->
Dans le cas d'une narration en simultan, conduite au prsent, le temps de l'histoire raconte parat
correspondre celui de la narration, concider avec lui ; la narration s'accomplit en mme temps que
l'histoire. Dans le registre des rcits non littraires, fonctionnels, on peut songer au reportage en direct
qu'il soit ou non sportif, la radio etc. Mais en fait nous sommes alors plus prs de la chronique que du
rcit. Il est vrai que les journalistes jouent sur les codes narratifs pour "dramatiser" en quelque sorte et
intresser le public.
Pour les rcits de fiction, on peut noter que si le narrateur est absent de l'histoire raconte, il semble
quand mme prsent d'une certaine manire dans l'univers reprsent. L'effet se rapprocherait de celui
d'une focalisation externe... Le monologue intrieur de certains romans transcrit comme "en temps rel"
les penses d'un personnage au fur et mesure qu'elles sont censes tre conues.
4. Narration intercale
-------H-----N-----H----N------>
La narration peut aussi tre intercale entre les vnements comme si le rcit tait compos en plusieurs
fois, par tapes. Dans le cas d'un roman pistolaire, comme ceux de Montesquieu ou de Laclos, les
personnages qui s'crivent sont autant de narrateurs successifs et l'histoire est raconte avec un point de
narration variable. Il en va de mme dans le journal intime ou souvent aussi dans l'autobiographie.
Frquemment l'auteur, comme Chateaubriand dans les Mmoires d'Outre-Tombe, joue des ruptures,
des dcalages de perspective entre le temps de l'histoire rapporte, celui d'un pass rvolu, distant (la
France disparue de l'Ancien Rgime), et celui de la narration, moment d'une nonciation plus proche du
moment de la publication, rception par les lecteurs. Chateaubriand crit et rcrit, rvise son texte, sur
une longue dure d'environ 40 ans ; le moment de la narration est dplac, explicitement marqu par des
dates, des repres spatio-temporels, des commentaries.
L E S M O D A L I T S D E L A N A R R AT I O N
( N E PA S C O N F O N D R E P O S I T I O N D U N A R R AT E U R
E T P O I N T S D E V U E N A R R AT I F S )
1) La position du narrateur
1. Ou bien la narration prsente les faits dans l'ordre dans lequel ils sont
censs s'tre drouls ; le rcit est chronologique.
Les textes littraires visent avant tout stimuler limaginaire du lecteur. Ils peuvent
galement transmettre de linformation ou susciter la rflexion, voire le dbat dides, mais leur
principale diffrence rside dans le travail que lauteur a effectu sur le style et la forme. Les
textes littraires sont des uvres que lon dit artistiques.
Le texte narratif
Le texte potique
Le genre littraire
Le genre littraire est la catgorie que lon utilise pour distinguer les diffrentes formes de
textes littraires. Cette classification se fait partir des critres de forme (vers, prose,
paragraphes continus, didascalies, rpliques, etc.), de contenu (histoire, narrateur, ralit, fiction,
etc.) Ainsi, il est possible de distinguer quatre genres littraires principaux : romanesque,
thtral, potique et essai.
Le courant littraire
Un courant littraire reprsente une priode historique pendant laquelle les auteurs ont
contribu, en suivant une ligne directrice commune, la vie littraire. Un courant littraire
nat quand il y a unit dans les thmes, les formes, les ides et les visions du monde qui ont fait
partie, toujours une poque donne, des oeuvres littraires produites. Lhistoire littraire
prsente souvent un survol chronologique des principaux courants littraires. Les valeurs lies
ces courants sont fortement influences par le contexte historique ainsi que les ralits sociales et
conomiques du temps.
Les procds littraires sont tous les moyens utiliss par lauteur pour enrichir le style de son
texte : figures de style, voix narratives, vocabulaire riche, phrases complexes, etc.
- soit vous connaissez ou tes senss connatre l'oeuvre dont il est extrait. La situation du passage
et l'enjeu narratif pour l'oeuvre seront alors des passages obligs de votre commentaire et c'est la
premire chose reprer.
- soit c'est un texte inconnu tir au hasard d'un examen. Si toute rfrence l'ensemble de
l'oeuvre sera toujours la bienvenue, vous pourrez cependant vous concentrer sur la stylistique du
texte, en le considrant pratiquement comme ayant une cohrence autonome (et en esprant qu'il
ait t bien choisi pour se prter l'exercice).
Reprez immdiatement :
, interne, point de vue omniscient, narrateur intradigtique (personnage), etc Cf. fiche notion "Le
point de vue".
- Le ton vous aidera percevoir la position du narrateur : ironie, compassion, condamnation des
personnages sont des indices de la prsence sous-jacente du narrateur.
Les conseils
- axe de lecture :quel est l'enjeu du passage (une page de posie, une scne dcisive pour l'action,
une pause-bilan dans le rcit...)
- s'attacher aux spcificits du genre narratif : importance de la temporalit, des personnages, de
la mise en intrigue, du point de vue..
- ne pas ngliger les procds stylistiques et potiques tels que mtaphores, rythmes, champs
lexicaux, allgories, allitrations, voire procds scniques pour les dialogues
Reprez immdiatement :
- Le genre : sonnet ? genre libre ? pome en prose ? Selon la date de composition, le choix n'en
sera pas innocent (effet de mode, imitation, nostalgie, innovation)
- Les rimes : trs riches ou absentes (vers blancs), elles peuvent tmoigner respectivement d'une
volont de travail esthtique ostensible ou d'un refus des rgles. Un schma embrass peut
renforcer l'ide d'enfermement ou de circularit exprime.
- La structure : nombre et type de strophes, puis "plan" du texte. Il n'y a pas forcment de
progression dans un pome, mais la rptition sera alors significative. Jusqu'au XIXe, une
structure rhtorique est souvent prdominante.
- La syntaxe et la ponctuation : est-ce que la syntaxe suit le dcoupage en strophes ou en vers, n'y
a-t-il qu'une seule phrase ? La ponctuation est une indication d'affectivit (point d'exclamation,
d'interrogation, de suspensions) et de rythme (rythme hach par exemple, entrecoup par de
nombreuses virgules et points).
- Les grands thmes
Nos conseils
- Soigner particulirement la lecture l'oral, en s'appliquant faire toutes les liaisons, dirses et
synrses et respecter le rythme et les enjambements. (cf lexique)
- couter le pome et laisser parler vos motions : vos premires impressions vous guideront
pour sentir la tonalit du pome, ses ambiguts, son originalit
- Essayer de dfinir l'enjeu de ce pome pour l'auteur : confession personnelle, profession de foi
politique, art potique, excercice de style ? Ds lors, vous avez pratiquement votre problmatique
!
Reprez immdiatement :
Le rcit
Le rcit est une histoire qui raconte un vnement, une partie de la vie de quelquun. Il peut tre
vridique ou pas, autobiographique ou pas. Il est gnralement plus court quun roman. Il peut y
avoir des rcits de voyage, des rcits historiques, etc.
L'univers narratif
L'univers narratif, c'est l'univers dans lequel prend vie lhistoire. C'est le rsultat obtenu par la
combinaison de personnages, d'un lieu, d'actions et d'une poque, lments judicieusement
choisis et suffisamment bien dcrits pour crer une atmosphre unique qui saura bercer le lecteur
pour qu'il s'vade ailleurs en lisant...
Rf. : http://ailleurs.weebly.com/univers-narratifs.html
Dcrire l'univers narratif d'un rcit, c'est reprer ce qui le rend particulier et unique.
Pour ce faire, on doit gnralement porter son attention sur les lments suivants:
1. Les personnages
2. Les lieux
3. L'poque (le temps) laquelle l'histoire se droule
4. Les actions importantes
5. Le degr de vraisemblance
6. Les thmes
7. L'criture
Les personnages
Les personnages sont les personnes prsentes dans l'histoire. Ils sont l'me du rcit.
L'attachement que le lecteur dveloppe ou non envers eux aura un impact majeur sur son degr
de motivation poursuivre sa lecture.
Le personnage principal dont on raconte l'histoire doit avoir une personnalit bien dfinie. Que
fait-il? De quoi rve-t-il? Avec qui s'allie-t-il ou s'oppose-t-il? Pourquoi? Ses caractristiques
principales transparaissent dans sa faon d'tre, plus prcisment dans sa faon de travailler, de
parler, d'agir, etc. et c'est principalement ce qu'il faut observer pour bien comprendre un
personnage.
Une Japonaise du 20e sicle n'aura pas les mmes comportements et habitudes de vie qu'une
Qubcoise vivant dans le mme sicle, bien que toutes deux pourraient partager des similitudes.
En effet, le contexte socio-politique a une influence certaine sur la faon d'tre d'une personne.
1. Construire le schma actantiel est une excellente manire pour analyser les personnages
principaux d'un rcit.
2. Dgager les valeurs importantes chez un personnage permet de mieux le dpeindre.
Les lieux
Le lieu est un endroit. Ncessairement, une histoire se passe quelque part. Ce lieu contribue
d'ailleurs normment crer l'ambiance de celle-ci.
1. Un appartement dans lequel il fait toujours sombre peut rvler un esprit troubl.
2. Une maison luxueuse peut rvler une personnalit superficielle.
3. Un environnement chaotique peut mettre l'accent sur l'incapacit d'un personnage
s'organiser, s'adapter, se conformer.
Dans un texte narratif, le lieu mis en scne peut tre rel (reprable sur une carte gographique),
entirement invent ou suggr (les repres prsents dans le rcit permettent de visualiser un
lieu qu'on n'arrive pas nommer prcisment).
Diffrents dtails permettent au lecteur de se faire une bonne ide du lieu de l'histoire.
L'poque
L'poque d'un rcit correspond un moment, une priode de l'histoire, etc. pendant laquelle se
droulent les actions. L'univers narratif s'inscrit soit dans le prsent, le pass ou le futur de la
personne qui lit. Il est certain que le choix de l'poque influence les actions des personnages et,
par le fait mme, les pripties qui confreront de l'intrt l'intrigue.
Le temps de l'histoire peut tre indiqu de faon prcise (par la mention d'une date) ou peut tre
dduit grce diffrents indices.
1. Les objets (les moyens de transport et de communication utiliss, les outils, etc.)
2. Les vnements historiques (rfrence des guerres, des personnages historiques, etc.)
3. Les productions artistiques (livres, films, pices de thtre) mentionnes dans le texte
narratif
4. L'organisation politique (royaut, dmocratie, dictature, etc.)
5. Le rapport des personnages avec la religion (on sait que, dans les annes 50 au Qubec, la
religion tait partie prenante de la vie des gens)
Le temps de narration
Les actions
Les actions d'un rcit reprsentent des vnements qui surgissent, ce que fait quelqu'un, etc.
Elles constituent le droulement de l'intrigue, car c'est grce la prsentation d'actions
structures que l'histoire volue. Les actions s'enchanent dans une squence logique.
Dresser un schma narratif permet une bonne observation de la progression de l'intrigue, car
celui-ci rsume les actions importantes du rcit.
Le degr de vraisemblance
Le degr de vraisemblance fait rfrence la variation de la part de vrit prsente dans un
rcit. En effet, l'univers narratif peut tre compltement invent ou comporter des lments du
monde rel. Il peut tre vraisemblable ou invraisemblable.
1. Un univers narratif vraisemblable (bien qu'il soit invent par l'auteur) prsente des faits qui
pourraient avoir cours dans la ralit. C'est le cas, par exemple, des rcits policiers.
2. Un univers narratif invraisemblable (ou fantastique) prsente des faits, des lieux, les actions,
etc. qui sont irrels. Ceux-ci n'existent pas et ne pourrait pas exister non plus dans notre monde.
C'est le cas, entre autres, des contes merveilleux et les rcits fantastiques.
Il peut arriver qu'un univers narratif soit ambigu parce qu'il comporte des lments
vraisemblables et invraisemblables.
C'est le cas des rcits de science-fiction qui prsentent une ventualit. Le degr de
vraisemblance de ce genre de rcit est donc variable selon l'objet observ (les personnages, les
lieux, les faits, les actions, etc.). Dans ce cas, nous incluons ces rcits dans la catgorie des
univers invraisemblables.
Les thmes
Les thmes d'un rcit se rapportent aux sujets gnraux et spcifiques qui sont abords dans
lhistoire. Par exemple: l'amour, l'amiti, l'angoisse, la mort, la libert, etc. Pour comprendre le
sens d'un rcit, il faut dgager les thmes en observant et en analysant le comportement des
personnages (les conflits qui les opposent, les causes qui les rassemblent, les rves qui les
animent, etc.); les propos qu'ils tiennent (qui sont trs souvent rvlateurs des valeurs qu'ils
dfendent ou de leur vision et comprhension du monde).
1. Des objets (la montre est relie au temps, les bijoux symbolisent la richesse, ils peuvent mme
tre symboles de vanit, de superficialit)
2. Des lieux (la chambre est associe la solitude ou l'intimit; la rivire voque l'eau, symbole
de vie)
3. Des sentiments vcus par les personnages (passion amoureuse, vengeance, angoisse, etc.)
Pour mieux analyser une histoire, il est incontournable de savoir dgager les thmes importants
de celle-ci.
L'criture
Le style d'criture d'un auteur dfinit sa manire personnelle de prsenter l'univers narratif qu'il
a cr. Certains rcits dveloppent davantage l'intrigue et les rebondissements de l'histoire;
l'criture ne sert alors qu' rendre compte de l'histoire (c'est le langage propre qui dominera dans
ce genre de rcit). D'autres explorent davantage les ressources de l'criture (c'est le langage
figur qui dominera dans ce genre de rcit).
On reconnat le style d'criture d'un auteur par diffrents aspects, dont le choix des mots; l'emploi
de figures de style (mtaphores, comparaisons, etc.); l'organisation de la phrase (les phrases
longues voquant la complexit des sentiments, les phrases courtes rappelant la densit des
motions); le ton gnral du texte.
1. humoristique/ironique
2. dramatique/tragique
3. potique/lyrique
4. populaire/familier
Le schma narratif
Le schma narratif est un outil qui facilite la comprhension de la structure d'un texte narratif
et de l'volution d'une histoire.
Principalement, le schma narratif a t conu pour dcortiquer le rcit dans ses 5 tapes
essentielles.
Le schma actantiel, comme le schma narratif, est un outil danalyse cr pour dcortiquer et
analyser les textes narratifs ou dramatiques.
Le schma narratif met laccent sur les actions, alors que le schma actantiel porte sur les
personnages et les relations qui existent entre eux.
Dans certains textes, il est possible que certains lments du schma actantiel soient absents. Il
est tout aussi possible quun hros (sujet) accomplisse sa qute pour lui-mme (destinataire). De
plus, dans une mme histoire, il serait possible de construire plusieurs schmas actantiels. En
effet, il peut arriver que des personnages adjuvants deviennent des opposants et vice-versa.
Bref, bien des scnarios sont possibles l'intrieur de ce mme cadre. Il n'en demeure pas moins
que ce schma permet dexplorer les liens entre les personnages et de mieux comprendre les
intrts qui animent chacun d'eux.
La narration
Pour bien comprendre ce qu'est la narration, il faut d'abord et avant tout connatre les nuances
existantes entre 3 mots dont le sens est souvent confondu.
1. Le rcit est le texte, la forme orale ou crite qui prsente une histoire.
2. Lhistoire est ce que le rcit raconte : lintrigue, les vnements, etc.
3. La narration est lacte de mettre lhistoire en rcit, c'est laction de raconter lhistoire.
Il y a diffrentes faons de raconter une histoire et de donner une identit propre au rcit : le
point de vue du narrateur peut diffrer, la chronologie de lhistoire par rapport celle de la
narration peut tre changeante, les thmes mis en valeur peuvent varier, la vitesse de narration
peut se modifier, une mme histoire peut contenir plusieurs niveaux de narration, etc.
Pour distinguer toutes ces notions, il est important dtre attentif aux indices prsents dans le
texte :
On parle de niveaux de narration lorsquau moins une histoire simbrique dans une autre. On
dit que ces histoires sont imbriques de rcits enchsss.
Il peut arriver quun texte ait plusieurs narrateurs. Dans ce cas-l, il faut se pencher sur chacun
des narrateurs et tenter de comprendre comment le passage de l'un l'autre a t effectu. Cette
situation est possible dans les romans pistolaires (dont le rcit se compose de la correspondance
fictive ou non d'un ou plusieurs personnages) ou dans toutes autres formes narratives o il y a un
narrateur diffrent dans certains chapitres.
Les niveaux de narration sont souvent prsents dans les contes qubcois traditionnels. Le
conte dbute avec un narrateur qui commence une histoire et qui cde la parole un deuxime
narrateur, personnage de la premire histoire, qui raconte une deuxime histoire.
- La Hre, mes enfants, dit-il, c'est peut-tre rien de nouveau vous apprendre, c'est une bte ben
rare, vu qu'elle est toute fine seule de son espce. Une bte ordinaire a des petits, c'pas; c'est la
mode mme parmi les sarpents. Mais la Hre, elle, ben loin d'avoir des petits, a tant sourment pas
ni pre ni mre... au moins d'aprs c'que les vieux en disent. Les autres btes, a se jouque, a se
niche, a s'enterre, a rde, a pacage, a se loge queuque part; la Hre, elle, on n'a jamais pu
savoir l o c'que a se quint. On dirait que a existe pas. Vous allez me demander si c'est une
bte dangereuse. Dame, c'est permis de le croire, si faut en juger par sa rputation qu'est ben loin
d'tre c'que y a de plus soign parmi les bons chrtiens. Quand vous rencontrez un homme
bourru, hargneux, mal commode, vous dites : C'est une hre , c'pas; est-il hre un peu
c't'animal-l ! En sorte que, les enfants, c'est pas une bte caresser, son nom le dit.
[]
Il existe plusieurs faons de placer une narration dans le temps. Pour faire la diffrence entre les
diffrents modes de narration, il faut surtout tre attentif aux temps des verbes conjugus.
1. La narration ultrieure
2. La narration simultane
3. La narration antrieure
4. La narration intercale
La narration ultrieure
De manire gnrale, la narration se fait aprs que les vnements aient eu lieu. Le temps de la
narration est donc le pass . Cest ce qu'on appelle la narration ultrieure.
Le pass simple et l'imparfait vont abonder dans les textes o lhistoire est raconte l'aide d'une
narration ultrieure.
Bien que la clart du soir appart1 aux fentres, l'intrieur du baraquement tait sombre. Par la
porte ouverte on entendait le bruit sourd et, par instants, le tintement d'une partie de fers
cheval. De temps autre, des voix s'levaient pour approuver ou critiquer. Slim et George
entrrent ensemble dans le clair-obscur de la chambre. Slim leva le bras au-dessus de la table
jeu et alluma l'ampoule lectrique attnue par un abat-jour de fer-blanc.
1. Subjonctif imparfait
La plupart des rcits sont crits dans une narration utrieure. La cohrence de ceux-ci est surtout
assure par l'emploi de bons marqueurs de temps.
1. Par instants,
2. De temps autre,
3. Pendant que...
4. Alors que la lune s'effaait,
5. Dsormais,
6. son rveil,
7. Sous le coup de minuit,
8. Avant que la nuit ne tombe,
9. L'hiver tait froid.
10. Le lendemain,
11. Soudainement,
12. Il tait midi,
13. Quelques heures plus tard,
Remarque qu'une virgule est ncessaire la suite d'un marqueur de temps plac en dbut de
phrase.
La narration simultane
On dit que la narration est simultane lorsque le narrateur raconte des vnements au fur et
mesure qu'ils surviennent.
Le prsent et le pass compos feront majoritairement partie des textes dont la narration est
simultane.
C'est parti. La moto file, brillante de tous ses chromes dans la rue, elle se grise de vitesse, elle
vole presque, comme libre de sa pesanteur, en un dfi euphorique lanc la lourdeur du ciel bas.
Les bureaux viennent peine de fermer, les magasins sont encore ouverts. Les passants ont l'air
affair en cette fin d'aprs-midi d'automne. Le temps s'assombrit. Les nuages grondent. Le vent
pivote sur ses pentures. Les frondaisons s'affolent. Les feuilles s'parpillent. Le monde semble
soudain charg de sens.
La narration antrieure
On dit que la narration est antrieure lorsqu'elle porte sur des vnements futurs (qui ne se
sont pas encore produits). Cest le cas des textes prophtiques et des prdictions astrologiques.
Les prdictions de Nostradamus sont des exemples concrets de narration antrieure.
L'emploi de verbes conjugus au temps futur est une caractristique importante d'une narration
antrieure.
Et les hommes qui viendront aprs moi reconnatront le caractre vridique de ce que je dis,
parce qu'ils auront vu que les diffrents vnements prdits par moi se seront raliss
infailliblement.
Ils sauront aussi ceux qui restent accomplir, puisque je les ai indiqus avec clart.
Alors les intelligences comprendront sous le ciel : mais seulement quand approchera le temps
o l'ignorance se dissipera, le sens de mes prdictions sera chaque fois plus clair.
La narration intercale
On dit que la narration est intercale lorsqu'il y a un mlange de narration au pass (le narrateur
fait le rcit de ce qui lui est dj arriv) et de narration au prsent (le narrateur raconte les
penses qui lui viennent au moment de l'criture). On peut observer ce type de narration entre
autres dans les romans de types journal ou pistolaire (dont le rcit se compose de la
correspondance fictive ou non d'un ou de plusieurs personnages).
Dans son rcit Le Chat noir, Edgar Allan Poe fait usage d'une narration intercale, ce qui
explique la prsence dans cette histoire de deux systmes verbaux : celui du prsent et celui du
pass.
Relativement la trs-trange et pourtant trs-familire histoire que je vais coucher par crit, je
n'attends ni ne sollicite la crance. Vraiment, je serais fou de m'y attendre dans un cas o mes
sens eux-mmes rejettent leur propre tmoignage. Cependant, je ne suis pas fou, - et trs-
certainement je ne rve pas. [...]
Je me mariai de bonne heure, et je fus heureux de trouver dans ma femme une disposition
sympathique la mienne. Observant mon got pour ces favoris domestiques, elle ne perdit
aucune occasion de me procurer ceux de l'espce la plus agrable. Nous emes des oiseaux, un
poisson dor, un beau chien, des lapins, un petit singe et un chat.
Il peut arriver quun rcit ne prsente pas les vnements de lhistoire dans lordre
chronologique. Il y a donc une diffrence entre lordre des vnements crits et lordre des
vnements qui sont survenus.
Dans un mme rcit, sans quil ny ait de changement de narrateur, certains vnements raconts
plus tard se situent avant dans lhistoire. Le narrateur effectue alors des retours en arrire.
Dautres vnements raconts vont se drouler plus tard. Le narrateur fait alors des
anticipations.
Il faut tre attentif ces dtails de manire tre plus facilement en mesure de reconstituer la
chronologie des vnements, ou seulement pour mieux comprendre les ractions des
personnages.
La vitesse de la narration
Il faut diffrencier le temps de la narration et le temps de lhistoire. Il y a plusieurs vitesses
possibles la narration, celles-ci sont dtermines selon les liens qui stablissent entre la
narration et lhistoire, mais surtout en regard de l'importance accorde aux vnements qui font
partie intgrante de l'intrigue.
2. Dans certaines parties du texte, quelques passages de lhistoire sont rsums en quelques
lignes. Ceci va alors crer un effet dacclration de la narration.
Dans un rcit, il y a rarement une correspondance exacte entre la dure des vnements raconts
et la narration. En effet, certains vnements relativement brefs sont tirs par la narration, ce qui
leur donne plus dimportance, alors que dautres vnements stalant dans le temps sont
condenss en quelques phrases ou en quelques paragraphes. Leffet dtirement dans la narration
peut tre cr par les retours en arrire, qui reprsentent des vnements antrieurs laction
principale, ou des anticipations, qui prcisent des vnements postrieurs, ce qui allonge la
narration. Ces faons de contrler le temps permettent au narrateur de crer un rythme dans le
droulement du rcit en exploitant la perception relative du temps.
Quelques lignes peuvent rsumer l'essentiel d'une longue dure importante. Cet effet
d'acclration est rcurrent dans les romans.
Ce fut donc une occupation pour Emma que le souvenir de ce bal. Toutes les fois que revenait le
mercredi, elle se disait en s'veillant : Ah ! il y a huit jours... il y a quinze jours... il y a trois
semaines, j'y tais. Et peu peu, les physionmies se confondirent dans sa mmoire; elle oublia
l'air des contredanses, elle ne vit plus si nettement les livres et les appartements; quelques
dtails s'en allrent, mais le regret lui resta.
Une autre manire possible de comprendre un texte narratif est de se concentrer spcifiquement
sur le narrateur, quon ne doit pas confondre avec lauteur.
Le narrateur est celui qui fait la narration, qui joue lintermdiaire entre le rcit et le lecteur.
Le narrateur transmet lhistoire son lecteur ou son auditeur. Cest le narrateur qui organise le
rcit, raconte les vnements et peut porter un jugement sur les personnages. Il tablit parfois une
relation avec le destinataire.
Il y a plusieurs modes de narration, que lon dfinit selon la vision du narrateur et son
implication dans lhistoire.
1. Le narrateur omniscient
2. Le narrateur omniscient avec restriction de champ
3. Le narrateur hros
4. Le narrateur personnage (autre que le hros)
5. La narrateur vous ou tu
Le narrateur omniscient
Le narrateur omniscient, aussi appel narrateur dieu, est celui qui raconte lhistoire la 3 e
personne du singulier. Il connat tout et il voit tout. Il rvle aussi les penses des personnages,
les actions simultanes et peut parfois laisser entendre quil connat le dnouement de lintrigue.
Le narrateur omniscient avec restriction de champ raconte aussi lhistoire au il, mais il ne la
raconte que du point de vue de lun des personnages. Le destinataire nen apprend donc pas plus
que le personnage. Ce type de narrateur peut transmettre les penses du personnage principal,
mais pas celles des autres personnages. Les actions racontes ne sont que celles auxquelles le
personnage tmoin a rellement assist.
Toutefois, il ne raconte que les aspects extrieurs, les faits, les actions et les vnements. Il ne
rvle jamais les penses des personnages.
Le narrateur hros
Le narrateur hros, aussi appel le narrateur je, raconte sa propre histoire la premire
personne du singulier. Il est le sujet du rcit et raconte ce qui se passe , ce quil fait, ce quil
pense, etc.
Le narrateur au vous ou au tu
Le narrateur au vous ou au tu raconte les faits de manire ce que le destinataire se sente dans
la peau du protagoniste (le personnage principal). Cest ce type de narration que lon retrouve
dans les livres du type Le livre dont vous tes le hros.
Le lieu
Dans tous les textes narratifs, le narrateur va situer laction dans un lieu. Mme si ce lieu est
fictif ou si lemplacement gographique nest pas prcis, on donne gnralement des indications
de lieu : maison, campagne, ville, montagne, chteau, etc.
Dans les rcits, les lieux dcrits peuvent remplir trois fonctions diffrentes selon leur utilit dans
l'histoire :
1. La fonction rfrentielle
2. La fonction symbolique
3. La fonction narrative
La fonction rfrentielle
La fonction rfrentielle sapplique lorsque le lieu permet la personne qui lit de savoir o se
droule l'action. La description du lieu cre galement l'illusion du rel, du vraisemblable. La
fonction rfrentielle est dite utilitaire puisque son unique but est de situer laction et permettre
au lecteur de se faire une image mentale du lieu.
De manire gnrale, les lieux des rcits ont une fonction rfrentielle au moins minimale
puisque des indices de lieu parsment la plupart des histoires afin d'aider le lecteur situer
l'action.
1. Le baraquement o dormaient les hommes tait long et rectangulaire. l'intrieur, les murs
taient blanchis la chaux, et le plancher tait de bois brut. [...] Contre les murs il y avait huit
lits. Cinq d'entre eux taient faits avec des couvertures, les trois autres montraient la toile sac
des matelas.
- Des souris et des hommes, John Steinbeck
La fonction symbolique
La fonction symbolique est prsente lorsque le lieu peut rvler certaines caractristiques d'un
personnage ou encore tre charg de significations lies aux thmes et au sens de l'uvre.
Cest gnralement la fonction des lieux des histoires dans lesquelles le personnage doit passer
travers plusieurs preuves pour devenir un vritable hros.
1. La maison en bonbons dans lhistoire Hansel et Gretel a une fonction symbolique. Le fait
que la maison soit en bonbons trouve son sens quand on connat le but principal de la
sorcire : engraisser les enfants pour les manger plus tard.
La fonction narrative
Lorsque le lieu joue un rle dans l'action, il a alors une fonction narrative. C'est la fonction
narrative qui agit lorsque le lieu fournit des indices dans un roman d'intrigue ou influence
directement le droulement de l'action.
2. Un exemple classique au cinma vient des films dhorreur. Lorsqu'une jeune femme descend
les marches d'un escalier sombre et lugubre pour se rendre dans un sous-sol, gnralement, lun
de ces deux scnarios se produit : un chat surgit et fait sursauter lhrone ou le vilain apparat
avec son arme pour attaquer la jeune femme.
- Ds quil voit la jeune femme dans lescalier, le spectateur sait peu prs ce qui va se passer.
Dans ce cas, le lieu (l'escalier) est un lment qui joue une fonction narrative dans lhistoire.
Les thmes
Le thme d'un texte est le sujet, c'est--dire l'ide principale, ayant une certaine porte
universelle, partir de laquelle est construite l'intrigue d'une histoire. Parfois exprims
explicitement, mais plus souvent abords de manire implicite, les thmes sont dvelopps dans
lensemble dun texte ou dans une de ses parties.
On retrouve gnralement dans le texte littraire un ensemble de thmes, lis ou non. Une
histoire peut traiter de lamiti, de lamour, de la trahison, du suicide, du courage, etc.
Certains sont plus importants que dautres : ce sont alors des thmes majeurs. Dans des parties
de texte, des thmes secondaires peuvent tre dvelopps. Il arrive assez frquemment quun
auteur exploite les mmes thmes ou des thmes connexes dune uvre lautre.
Il est intressant de relever les thmes importants dans un rcit. Cela permet de dgager ce qui
est mis en valeur par lauteur et le narrateur.
Les thmes traits dans un texte narratif sont souvent abords par les personnages. On les
retrouve dans leurs discours, leurs actions, leur rflexions, leurs valeurs, leurs choix, etc.
1. Dans un rcit sportif, les thmes pourraient tre lesprit dquipe, la comptition,
lendurance, la motivation, lamiti, etc.
Il nest pas toujours facile de dgager les thmes dun texte. Il est encore moins facile de russir
nommer des thmes prcis. En effet, presque tous les textes peuvent intgrer lun de ces thmes
gnraux : la vie, la mort, lamour, lamiti, etc. Il faut donc faire des efforts pour trouver des
thmes plus prcis comme la jalousie, l'orgueil, le dpassement de soi, etc.
2. Trouve les grands enjeux de l'histoire et les dfis que les personnages relvent.
4. Demande-toi comment les personnages russissent rtablir les situations, rsoudre les
problmes.
5. Questionne-toi sur le message principal du rcit, sur les raisons qui ont men son criture.
Les valeurs
Une valeur a une grande importance pour une personne; elle sera la base de ses actions, de ses
idaux et motivera ses choix.
Dans un texte narratif, les valeurs sont surtout vhicules par les personnages. Tu les
retrouveras dans leurs faits et gestes, dans leurs paroles, dans leurs agissements, dans les choix
qu'ils font, etc.
Pour relever les valeurs importantes chez un personnage, il est tout indiqu de se poser les
questions suivantes :
famille, amiti, amour, fidlit, franchise, honntet, politesse, courage, honneur, sant, beaut,
instruction, progrs social, excellence, cologie, environnement, autonomie, sens des
responsabilits, travail, discipline, scurit, plaisir, bonheur, fiert, libert, autorit, obissance,
argent, pouvoir, matrialisme, russite sociale, patrimoine, religion, engagement social, justice,
respect, langue, culture, sincrit, coute des autres, gentillesse, patience, effort, etc.
Si on relve que la famille est une valeur importante chez un personnage, c'est que diffrents
faits peuvent en tmoigner.
Les valeurs universelles sont celles que l'on retrouve partout dans le monde. Par exemple, tre
contre le fait d'assassiner un autre humain fait partie des valeurs de lensemble des socits et des
cultures.
Les valeurs socioculturelles sont propres certaines socits ou cultures. Elles sont la base
des lois et rglements mis en place dans une socit. Par exemple, l'galit entre les hommes et
les femmes n'est pas une valeur universelle, mais une valeur propre certaines cultures (ou une
poque donne).
Les valeurs personnelles sont celles que chaque individu va choisir et mettre en pratique dans sa
vie. Par exemple, pour certains individus, le respect des autres ne sera pas une valeur trs
importante et cela paratra dans leurs actions.
Les valeurs morales sont des principes ou des rgles de conduite qui servent faire la diffrence
entre le bien et le mal. Elles posent des limites philosophiques et sociales aux agissements de
lhomme. Ce dernier doit donc tre dot de discernement - savoir distinguer le bien du mal et
capable dautocontrle.
videmment, une mme valeur peut se retrouver dans plus d'une catgorie
Les personnages
2. Les personnages secondaires sont tous les personnages importants qui ont une influence sur
le droulement de lhistoire. Ils sont des adjuvants ou des opposants.
Le schma actantiel est un outil d'analyse fort utile afin de mieux comprendre les personnages
d'une histoire et les liens qui les unissent.
La caractrisation est un procd par lequel l'auteur fournit des renseignements ou des
prcisions sur ses personnages.
Utilit de la caractrisation
Les auteurs se servent parfois de strotypes afin de caractriser leurs personnages et ainsi,
prendre un raccourci littraire (pour ne pas avoir tout expliquer aux lecteurs). Ex.: Les blondes
ont plus de plaisir dans la vie, ceux qui ont des tatouages sont des ex-prisonniers, les policiers
sont corrompus, les garagistes sont des voleurs, etc.
Un strotype est une opinion toute faite, la plupart du temps fausse, concernant une personne
qui limite son caractre unique.
Aspect psychologique et
Aspect identitaire Aspect physique Aspect social et culturel
moral
Nom, prnom Taille motions Revenus
Statut social
ge Poids Choix
(relations avec les autres)
Sexe
Allure Valeurs Statut familial
(F. ou M.)
Occupation
Son pass Sa voix Ce quil juge
(passe-temps)
Le Groupe du nom
Le groupe du nom et ses expansions (Gadj, Gprp, Sub. relative, Gn) peuvent tre une porte
d'entre idale pour la caractrisation du personnage.
Un roi compatissant. (Gadj)
Le boulanger, qui affectionnait particulirement les ptisseries, [...] (sub. rel.)
Le prince de nature charmante, [...] (Gprp)
Cet homme, excellent cuisinier, [...] (Gn)
L'emploi de groupes adjectivaux pour caractriser ses personnages est trs courant chez certains
auteurs. Par exemple, Molire a crit: Les Prcieuses ridicules, Les Amants magnifiques, Le
Bourgeois gentilhomme, Le Malade imaginaire, Les Femmes savantes, etc.
Le groupe du verbe
Les expansions des verbes attributifs et de certains verbes non attributifs (tels qu'avoir, aller,
possder, aimer, dtester, etc.) sont aussi utiliss pour caractriser des personnages.
Les pripties
Le mot priptie est emprunt du grec peripeteia qui signifie vnement imprvu. Une priptie
est un changement soudain dans la situation du hros qui donne une nouvelle orientation
l'histoire. La majorit des rcits contiennent plusieurs pripties puisqu'elles sont des
composantes essentielles l'intrigue dramatique.
Dans un schma narratif, les pripties constituent le droulement et reprsentent toutes les
actions entreprises par le hros pour ramener une situation d'quilibre. La dernire priptie
d'une histoire est celle qui rgle le problme et qui constitue le dnouement.
Le conte
La nouvelle littraire
Le rcit d'aventures
La lgende
Le mythe
Le roman
La fable
La nouvelle littraire
La nouvelle littraire est un rcit fictif trs bref qui fait appel la ralit et qui, la plupart du
temps, ne comporte pas de situation finale. Gnralement, elle se termine avec un dnouement
inattendu quon appelle la chute. Comme il s'agit d'un court rcit, la nouvelle littraire comporte
peu de personnages, peu dactions et peu de lieux. Laction est mene, plus souvent
qu'autrement, par un seul protagoniste.
Que l'on ait affaire une nouvelle fantastique, raliste, policire ou de science-fiction, les tats
d'me du personnage principal, ses hsitations, ses rflexions, occupent toujours une large part
du rcit. L'lment dclencheur est souvent une atteinte l'une des caractristiques bien ancre
dans la personnalit du protagoniste. L'intrigue repose principalement sur le cheminement
psychologique du personnage principal la suite de cet lment dclencheur.
Lvolution du personnage
Dans un texte narratif, pour que les lecteurs puissent se faire une reprsentation approprie de
lvolution du personnage principal, on le prsente souvent sous deux angles complmentaires :
1. dans son extriorit : son apparence physique, son ge, ses comportements, ses relations avec
les autres, son statut social, ses paroles, etc.;
2. dans son intriorit : ses sentiments, ses motions, ses penses, ses reprsentations, son
attitude, ses motivations, etc.
Une nouvelle littraire bien conue doit se terminer par un vnement inattendu ou mystrieux
capable de dclencher une rflexion chez le lecteur. La fin souvent appele chute doit tre
un point fort dans la narration, un coup de fouet soudain, qui serait la raison d'tre mme de la
nouvelle. Selon cette perspective, toute la narration doit converger vers ce dnouement surprise.
Si l'on choisit de construire une nouvelle au dnouement inattendu, il faut s'assurer que la
rvlation finale ouvre la voie une rinterprtation de la nouvelle, qu'elle force le lecteur
revenir sur le texte pour lui donner un autre sens. Il ne s'agit donc pas seulement de chercher
surprendre pour surprendre.
La finale, bien que surprenante, doit tre cohrente avec l'ensemble du texte. Faire mourir un
personnage n'est pas la seule finale pouvant crer un effet choc. Il faut user de crativit, mais
surtout s'assurer d'avoir en main un scnario bien construit qui forcera le lecteur revenir sur le
texte pour y dcouvrir des subtilits qui lui avaient chapp la premire lecture.
Il ny a pas de recette pour crer une chute, mais voici quelques stratgies utiles :
1. choisir un titre qui produit une fausse interprtation des faits ou des actions;
2. mystifier les lecteurs en jouant sur le double sens d'un mot important dans le rcit;
3. dnouer l'histoire par un retournement de situation qui ne brisera pas la cohrence du rcit;
4. rvler un lment, la toute fin, qui apportera un nouvel clairage sur l'histoire;
5. clore le rcit par un lment droutant et donnant lieu plusieurs interprtations.
Il n'est pas donn tout le monde d'crire de bonnes nouvelles. Chaque phrase doit tre pese et
minutieusement attache aux autres. La nouvelle est un texte tricot serr qui ne laisse pas de
place aux lments inutiles. Elle exige un sens aigu de l'conomie et de la pertinence, mais elle
demande aussi de savoir raconter de manire garder l'attention des lecteurs chaque instant.
Cauchemar en jaune
Il fut tir du sommeil par la sonnerie du rveil, mais resta couch un bon moment
aprs l'avoir fait taire, repasser une dernire fois les plans qu'il avait tablis pour
une escroquerie dans la journe et un assassinat le soir.
Il n'avait nglig aucun dtail, c'tait une simple rcapitulation finale. vingt
heures quarante-six il serait libre, dans tous les sens du mot. Il avait fix le moment
parce que c'tait son quarantime anniversaire et que c'tait l'heure exacte o il
tait n. Sa mre, passionne d'astrologie, lui avait souvent rappel la minute
prcise de sa naissance. Lui-mme n'tait pas superstitieux, mais cela flattait son
sens de l'humour de commencer sa vie nouvelle quarante ans, une minute prs.
De toute faon, le temps travaillait contre lui. Homme de loi spcialis dans les
affaires immobilires, il voyait de trs grosses sommes passer entre ses mains; une
partie de ces sommes y restait. Un an auparavant, il avait emprunt cinq mille
dollars, pour les placer dans une affaire sre, qui allait doubler ou tripler la mise,
mais o il en perdit la totalit. Il emprunta un nouveau capital, pour diverses
spculations, et pour rattraper sa perte initiale. Il avait maintenant trente mille
dollars de retard, le trou ne pouvait gure tre dissimul dsormais plus de
quelques mois et il n'y avait pas le moindre espoir de le combler en si peu de
temps. Il avait donc rsolu de raliser le maximum en argent liquide sans veiller
les soupons, en vendant diverses proprits. Dans l'aprs-midi il disposerait de
plus de cent mille dollars, plus qu'il ne lui en fallait jusqu' la fin de ses jours.
Et jamais il ne serait pris. Son dpart, sa destination, sa nouvelle identit, tout tait
prvu et fignol, il n'avait nglig aucun dtail. Il y travaillait depuis des mois.
Sa dcision de tuer sa femme, il l'avait prise un peu aprs coup. Le mobile tait
simple : il la dtestait. Mais c'est seulement aprs avoir pris la rsolution de ne
jamais aller en prison, de se suicider s'il tait pris, que l'ide lui tait venue :
puisque de toute faon il mourrait s'il tait pris, il n'avait rien perdre en laissant
derrire lui une femme morte au lieu d'une femme en vie.
son bureau, tout se passa merveille; quand l'heure fut venue d'aller retrouver sa
femme, tout tait par. Mais elle trana devant les cocktails et trana encore au
restaurant; il en vint se demander avec inquitude s'il arriverait la ramener la
maison avant vingt heures quarante-six. C'tait ridicule, il le savait bien, mais il
avait fini par attacher une grande importance au fait qu'il voulait tre libre ce
moment-l et non une minute avant ou une minute aprs. Il gardait l'oeil sur sa
montre.
Attendre d'tre entrs dans la maison l'aurait mis en retard de trente secondes.
Mais sur le porche, dans l'obscurit, il n'y avait aucun danger; il ne risquait rien, pas
plus qu' l'intrieur de la maison. Il abattit la matraque de toutes ses forces,
pendant qu'elle attendait qu'il sorte sa cl pour ouvrir la porte. Il la rattrapa avant
qu'elle ne tombe et parvint la maintenir debout, tout en ouvrant la porte de l'autre
main et en la refermant de l'intrieur.
Il posa alors le doigt sur l'interrupteur et une lumire jauntre envahit la pice.
Avant qu'ils aient pu voir que sa femme tait morte et qu'il maintenait le cadavre
d'un bras, tous les invits la soire d'anniversaire hurlrent d'une seule voix :
- Surprise !
Dans une nouvelle littraire, un portrait psychologique russi prsente l'essentiel du personnage.
Puisqu'il s'agit d'un rcit bref, ce sont les caractrisitiques psychologiques qui seront
principalement mises en valeur. Pour donner corps un portrait psychologique, le scripteur
confrera trs souvent une caractristique prdominante son personnage principal et fera en
sorte qu'elle sera dterminante dans le droulement de l'intrigue.
Dlimiter les caractristiques principales du personnage avant l'criture d'une nouvelle littraire
aide grandement l'accomplissement de cette tche.
1. Dterminer le nom du personnage principal, son ge, son sexe et sa caractristique principale.
- Laurette est une femme de 40 ans qui n'attend qu'une chose : gagner la loterie.
On peut affirmer que la porte d'entre de l'criture d'une nouvelle littraire est le personnage.
Voici des ides de cration propres au genre nouvelle littraire articules partir d'un personnage
dont les caractristiques psychologiques principales ont t bien dpeintes au pralable.
Caractristiques
Personnag Aboutissement
psychologiques Action principale
e principal inattendu
principales
Une jeune Elle tombe rapidement Un jour, elle laisse Il s'agissait en fait d'un
femme en amour, elle est tomber son amour blouson. C'tait le
superficielle, rcent pour un autre, et cinquime avec lequel
l'apparence passe ce, trs facilement, elle tait tombe en
comme on change un
avant toute chose
objet sans valeur, sans
dans le choix de ses amour durant le mois.
complications
conqutes.
apparentes.
Pour que la nouvelle littraire soit russie, il faut que l'aboutissement (la
chute, la finale) soit cohrent avec le portrait psychologique
prcdemment dploy.
Trouver son inspiration dans un dbut d'histoire dj bien construit peut aider l'amorce de
l'criture d'une nouvelle littraire.
1. Par une froide soire de novembre, un petit homme marchait pniblement le long d'une alle,
portant sur ses paules un norme sac, plein craquer. Il avanait, d'une dmarche fugitive et
emprunte, tel un vieux btard fatigu qui sent instinctivement que seule une extrme prudence
peut le mettre l'abri d'une agression. Cet homme ne vivait pas dans l'illgalit, il n'avait pas lieu
de craindre d'tre molest par les forces de l'ordre. Et pourtant tout dans son comportement
trahissait la culpabilit et la peur d'tre reconnu...
2. Dans la partie la moins claire de son salon, disposant d'une simple feuille de papier et d'un
stylo bille , l'homme avait le corps aussi vide d'nergie que sa tte tait vide d'ides. Sa muse
avait quitt, sans pravis, laissant son crateur bien dmuni. L'homme se sentait ridicule. Le
calme avait pris depuis deux ans toute la place de sa vie, mais c'tait un calme tendu, austre.
Une larme coula tout au long de sa joue pour atterrir sur la page toujours vierge...
3. C'tait un samedi, vers la fin de l'automne. Les nuages gris roulaient dans le ciel, sous la
pousse du vent qui sifflait dans les arbres. J'tais allong sur l'herbe, je pensais tout et rien.
J'aimais bien tre couch et regarder le ciel. J'tais transport par cette contemplation de l'infini
quand j'entendis une voix douce, mlodieuse, en parfait accord avec la beaut des choses. En me
relevant, je vis...
4. Mary attendait le retour de son mari. Elle regardait souvent la pendule, mais elle le faisait sans
anxit. Uniquement pour le plaisir de voir approcher la minute de son arrive. Son visage
souriait. Chacun de ses gestes paraissait plein de srnit. Penche sur son ouvrage, elle tait d'un
calme tonnant. Son teint - car c'tait le sixime mois de sa grossesse - tait devenu
merveilleusement transparent, les lvres taient douces et les yeux au regard placide semblaient
plus grands et plus sombres que jamais. cinq heures moins cinq, elle se mit couter plus
attentivement et, au bout de quelques instants, exactement comme tous les jours, elle entendit
le bruit des roues sur le gravier...
5. Depuis son arrive l'aroport, Jean-Franois Migneault fait les cent pas dans la section des
arrives. Incapable de s'arrter un seul instant; ni de s'loigner des grandes portes fermes qui le
sparent de la salle des douanes. Incapable de s'asseoir et d'ouvrir le journal qu'il tient roul serr
dans sa main droite. Comme s'il se prparait frapper le museau d'un chien fou. Est-ce que le
quotidien contient encore aujourd'hui une bombe prte lui exploser en pleine figure ? Est-ce
qu'on y fait allusion au retour de son fils , Raphal ? Il n'en sait rien...
Des phrases dont le pouvoir d'vocation est grand peuvent galement susciter des ides de
cration intressantes. Celles-ci peuvent tre places diffrents endroits du texte, l o le
scripteur le juge pertinent.
2. Elle tait morte. Sa mre tait morte et elle n'en avait rien su.
3. cette poque, j'tais l'ge o la mort est encore une chose esthtique.
4. Elle dtestait tout ce qui n'tait pas coutumier, le progrs dans la vie n'tait pour elle que
d'assembler de semblables jours au pass.
5. J'entendais la pluie battre sans cesse contre la fentre de l'escalier et le vent hurler dans le
bosquet derrire la maison; je devins peu peu froide comme une pierre, mon courage
m'abandonna.
6. Le garon leva les yeux, reconnaissant, il essaya de sourire, et une sorte de lumire claira un
bref instant son visage ple.
7. Ses yeux devinrent sombres, et s'emburent de larmes, une main de glace oppressait son coeur.
10. Elle n'aimait la mer qu' cause de ses temptes, et la verdure seulement lorsqu'elle tait
clairseme parmi les ruines.
En plus du texte descriptif, deux types de textes visent principalement informer le lecteur :
1. Le texte informatif
2. Le texte explicatif
Ces deux types de textes partagent des similitudes, comme le fait qu'ils soient tous deux
principalement construits de squences explicatives et de squences descriptives, mais ont tout
de mme leurs caractristiques propres.
Le texte informatif
Le but premier du texte informatif est de fournir des informations prcises sur un sujet. On
produit un texte informatif lorsquon dsire d'abord et avant tout informer le lecteur. Lauteur
du texte informatif prsente des faits tout en restant neutre et en ne donnant pas son opinion
personnelle. Il ne fait donc pas danalyse du sujet et ne tente pas de l'expliquer, il s'en tient
principalement exposer les faits. Les nouvelles journalistiques et les faits divers sont des textes
informatifs. Lire un journal, cest principalement lire des textes informatifs.
1. Qui ?
2. Quoi ?
3. O ?
4. Quand ?
5. Comment ?
6. Pourquoi ?
La rponse cette dernire question (pourquoi ?) demeure brve si on la compare celle qui sera
prsente dans le texte explicatif dont le principe premier est de rpondre une grande question.
Le texte explicatif