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PUBLICATIONS

du
CENTRE d'HISTOIRE INSTITUTIONNELLE et CONOMIQUE
de l'ANTlQUIT ROMAINE

Srie Mmoires et Travaux, n i

HISTOIRE des OBLIGATIONS

LE DROIT ROMAIN
par
Jean MACQUERON
Professeur Honoraire la Facult de Droit de
V Universit d'Aix-Marseilh
HOMMAGE
DE L'AUTEUR

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fin

AX-EN-PROVENCE
Facult de Droit et de Science Politique
1971
PUBLICATIONS Xi- n-.
du
CENTRE d'HISTOIRE INSTITUTIONNELLE et CONOMIQUE
de l'ANTIQUIT ROMAINE

Srie Mmoires et Travaux, n i

HISTOIRE des OBLIGATIONS

LE DROIT ROMAIN
par
Jean MACQUERON
Professeur Honoraire la Facult de Droit de
l'Universit d'Aix-Marseille

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AIX-EN-PROVENCE
Facult de Droit et de Science Politique
1971
000
confus de ne pouvoir satisfaire nos collgues et amis
de tous les pays qui rgulirement nous demandent de leur procurer le "po-
lycopi" d'Histoire des Obligations en Droit Romain de notre matre Jean
Macqueron, et ne voulant aucun prix prter notre exemplaire personnel (on
ne nous le restituerait bien entendu jamais) nous avons dcid d'en assurer
une plus large diffusion.

C'tait bien entendu charger l'mnent auteur d'un travail consi-


drable de refonte et mise jour, mas soucieux avant tout de respecter
ses principes d'honntet scientifique et de dvouement aux tudiants, le
Matre s'est vaillamment mis au travail et, c'tait prvisible, nous a re-
mis un manuscrit n'ayant souvent qu'une trs vague parent avec le "modle
52 modifi 56".

Nous n'avons avec lui qu'un seul dsir, que ce cours, limpide et
complet, donner de nombreux tudiants le got du Droit Romain, dont l'-
tude n'est pour nous pas un signe d'appartenance une lite culturelle,
mais un moyen de comprendre la vie de l'homme vivant en socit.

C.H.I.E.D.A.R.
il *!

V f. p"-,

^ 7 >
N T R O D U C T I ON X^' "

LA NOTION D'OBLIGATION ET SES ORIGINES

1 - DEFINITION DE L'OBLIGATION

GaTus, dans ses Institutes, ne fournt aucune dfinition et au


11.14 se contente de faire savoir que les obligations sont des "choses in-
corporelles" qui peuvent figurer dans le patrimoine.

Les Institutes de Justinien par contre (111.13 pr) donnent de


l'obligation une dfinition clbre, souvent reproduite dans les manuels
ou traits de Droit Civil, tant en France qu' l'tranger : "obligatio est
juris vinculum quo necessitate astringimur alicujus solvendae rei secundum
nostrae civitatis jura" - "l'obligation est un lien de droit par lequel
nous sommes astreints la ncessit (1) de payer quelque chose, conform-
ment au droit de notre cit".

Le fait que cette dfinition ne se rencontre pas dans les Insti-


tutes de GaTus, modle ordinaire de Justinien, pose un problme : les com-
pilateurs ont-ils emprunt cette phrase un autre ouvrage classique (2) ou
quel qu'ouvrage de Basse-Epoque ? (3).

A notre sens, la phrase secundum nostrae civitatis jura rvle la


main d'un auteur classique : dans la langue classique cela signifiait que
les rapports sanctionns par ie Droit Prtorien ne mritaient pas le nom
d'"obligation", et qu'il n'y avait d'obligation que l o existait une sanc-
tion tablie par le jus civile. Cette faon de comprendre l'obligation ne
correspond pas la conception des compilateurs : Ils ont reproduit ces
mots, mais en leur donnant un autre sens : le "droit de la cit" n'tait
plus pour eux le jus civile, mais tout le droit positif en vigueur, sans
distinction entre le jus civile et jus praetoriura )

On a par ailleurs reproch cette dfinition d'tre incomplte.


En effet elle n'envisage l'obligation que du ct du dbiteur "astreint
la ncessit ...", mais elle ne dit pas au profit de qui fonctionne cette

(1) Sur le sens de necessitate obligari, cf. MAYER-MALY, ZSS 23.1966, p. 47 s


(2) FERRINI i opre II, p. 385, propose comme origine : Res Cottidlanae de
GaTus + Institutes de Florentlnus.
(3) G. SEGRE : Mel. Bonfante III, p. 525.
2 .

contrainte. De plus, elle laisse dans le vague l'objet de l'obligation :


le mot solvere est comme nous le verrons, assez mal choisi.

Cette dfinition mrite malgr tout d'tre retenue. Si nous nous


abstenons d'piloguer sur le sens que certains de ses termes a pu avoir
l'poque classique, si nous l'entendons comme les compilateurs l'entendaient,
elle rend assez bien compte de la notion d'obligation, telle qu'elle tait
dans le dernier tat du Droit Romain, et telle qu'elle est encore dans nos
lgislations modernes.

Cette dfinition fait apparatre les trois lments essentiels


qui caractrisent l'obligation : yjnculum juris* ncessitas' prestation.

A/ Vini{lum .iuris :
1) L'obligation est un "lien de droit"

qui relie deux personnes, restreignant la libert d'action de l'une au pro-


fit de l'autre. Toute obligation suppose un sujet passif -une personne li-
e - le dbiteur, le reus deben.% mais aussi (quoique le texte de Justlnlen
le laisse simplement supposer) - un sujet actif, un bnficiaire, le cran-
cier, le crditer.
L'obligation s'oppose ainsi nettement aux droits rels : tandis
que le droit rel s'exerce directement sur la chose, le droit de crance
s'exerce sur la personne di dbiteur : c'est par l'Intermdiaire de son acti-
vit que le crancier Obtient la chosedue.

De nombreuses consquences dcoulent de cette Ide que I'obiIgation


est un lien entre deux personnes dtermines :

a) Tandis que le droit rel procure son titulaire une jouissance fmmdla-
:' te, l droit de crance ne procure au crancier la prestation dsire
;. i qu'aprs une certaine activit du dbiteur et seulement s'iI l'accomplit.
L'obligation repose sur l'ide de confiance faite au dbiteur : c'est la
forme juridique du crdit; les mots creditor, credere sont cet gard
significatifs : credere signifie "croire, faire confiance" (tymologle :
cor dce - donner son coeur ?).

b) Tandis que le droit rel est durable, le droit de crance est fait pour
s'teindre : son but est d'obtenir du dbiteur l'excution de ses enga-
gements et lorsqu'il excute; Il "se libre", le lien se dnoue.

c) Le titulaire d'un droit rel peut "suivre" la chose en quelque main qu'el-
le passe (droit de suite). Son droit est opposable tous ceux qui ont
obtenu sur la chose des droits postrieurs aux siens (droit de prfren-
ce). Le crancier, par contre, n'ayant qu'un droit sur la personne de
son dbiteur, n'a ni droit de suite, ni droit de prfrence, pas plus
l'gard de la chose due qu' l'gard des lments que le dbiteur fait
sortir de son patrimoine, ft-ce postrieurement la naissance de
dette (1).

2) Quelle est la nature de ce lien ?

a) Il est fort possible que primitivement ce lien se soit prsent sous la


forme matrielle de chanes dont le corps du dbiteur se trouvait charg.
La terminologie employe en matire d'obligations contient quantit d'al-
lusions des chanes : le dbiteur qui paie est dit : solutus liberatus
- dli, libr; le mot obligave lui-mme veille l'Ide de chanes (H-
gare ob enchaner pour). Avant d'tre pris dans un sens figur, ces
mots ont bien pu correspondre une ralit concrte.

Mas l'poque historique les chanes n'apparaissent plus qu'avec


la mise en oeuvre des voies d'excution, la Manus injectio, contre le d-
biteur qui ne paie pas. Le dbiteur n'est pas charg de fers par le seul
fait qu'il a contract une obligation. Chez les peuples civiliss, l'ob-
ligation n'est pas un lien physique, mais comme le dit fort bien Justnien
un lien simplement juridique : un vinoulum juris.

b) Ce lien ne fait natre au profit du crancier aucune puissance sur la


personne du dbiteur. Les Romains ont connu plusieurs types de puissan-
ces : puissance dominicale, puissance paternelle, manus, mcmcp-ium : fow-
tes ces puissances ont pour rsultat d'affecter entirement le statut
des personnes qui s'y trouvent soumises : elles dterminent de faon sta-
ble et durable leur condition et affectent toute leur activit juridique.
La situation du dbiteur est toute diffrente : l'obligation ne modifie
pas son statut. Elle porte atteinte sans doute sa libert d'action,
en ce sens qu'elle le contraint dployer une certaine activit au pro-
fit du crancier, mais cette atteinte est temporaIre et I Imite un ac-
te dtermin.

B/ ^eqeesitqs L

Avec cette ide de contrainte qui pse sur la volont du dbiteur,


nous arrivons au deuxime lment de l'obligation : la ncessitas* C'est
un lment tout fait essentiel : il n'y a d'obiigatlon que si le dbiteur
peut tre contraint d'excuter - en cas de besoin contre son gr Hnoito,
comme le dit Modestln D. 50.16 - 108).

(1) JNOS verrons cependant, en tudiant la Fraus Creditomm, que le cran-


cier peut faire rentrer dans le patrimoine du dbiteur les lments que
celui-ci en a fait sortir frauduleusement. D'autre part il qarrive par-
fois que le crancier soit muni d'un droit de suite et d'un droit de pr-
frence relativement certains biens de son dbiteur : mais c'est prci-
sment parce que dans ces hypothses le crancier est nanti, en vertu de
le loi ou d'une convention, d'un droit rel (sret relle, hypothque),
qui garantit l'obligation.
Ce n'est pas une contrainte de fait, mais une contrainte juridique,
rsultant d'une sanction que le crancier trouve dans les dispositions du
droit positif (secundum nostrae oivitatis jura) : au temps de Justinlen peu
Importe que cette sanction dcoule du Jus civile ou du droit prtorien. El-
le se prsente sous la forme d'une action en justice, une action in perso-
nam, variable selon les diffrentes sortes d'obligations, et que le cran-
cier intente contre le dbiteur si celui-ci ne s'excute pas : ordinairement
le crancier qui gagne son procs n'obtient pas pour cela ce qui lui est d
mais des dommages intrts. Il ne peut esprer I'excution que s'il s'agit
d'une action dite "arbitraire".

il existe des obligations qu'aucune action en justice ne sanction-


ne : ce sont les obligations naturelles. Chez elles, l'lment contrainte
que nous avons prsent comme essentiel, fait dfaut. Mas ce ne sont pas,
proprement parler, des obligations : c'est assez tardivement que les juris-
consultes ont song employer leur propos les mots debitum, debere, obli-
gatio : encore reconnaissaient-!Is volontiers le caractre "abusif" de cette
terminologie (1).

C/ La prestation :

En-fin ce lien que le droit sanctionne est tabli en vue de procu-


rer une prestation au crancier. Toute obligation a ncessairement un objet.

Sur ce point, la dfinition qui figure dans les Instltutes de Jus-


tinlen est peu satisfaisante : aliaujus solvendae rei : au pied de la lettre
cela, signifie que le dbiteur se trouve dans la ncessit de "se librer".
Dire que le dbiteur doit excuter, ce n'est pas donner une dfinition, mais
c'est bien commettre une tautologie. A moins qu'on entende solv&re dans son
sens troit de "payer". C'est alors restreindre singulirement la notion
d'obligation aux seuls rapports de droit qui contraignent le dbiteur four-
nir des choses susceptibles de faire l'objet d'un paiement au sens troit du
mot (argent, choses certaines). Or l'obligation peut avoir pour objet des
services, une abstention, etc ...

(1) JULIEN D.46.1 - 16 4- : "nom liaet minus proprie debere dicantur ... per
abusionem intetligi possunt debitors et qui ..."
ULPIEN D. 15.1 - 41 : "sed aum eo verbo (deberi) butimur ..."
A l'poque classique l'obligation dpourvue de sanction n'est pas une
vritable obligation. Par contre dans le droit de Justinien les obliga-
tions naturelles occupent une assez grande place; aussi parat-il singu -
lier que les compilateurs aient conserv une dfinition de l'obligation
qui, en insistant sur la -sanction, semble exclure les obligations natu-
relles. C'est encore un indice qui nous conduit penser que cette d-
finition n'a pas t invente par eux ou par des juristes de Basse poque.
5 .

A cet gard, bien plus satisfaisante est la dfinition insre au


Digeste sous le nom de Paul CD. 44.7-3). Paul, comparant l'obligation aux
droits rels (proprit et servitudes) vient dire : "Ce qui fait l'essen-
ce des obligations, ce n'est pas de rendre ntre une chose corporelle ou une
servitude, mais de contraindre quelqu'un envers nous dare ali.quid ou fa-
oere aliquid, ou praestare aliquid. Le jurisconsulte envisage trois sor-
tesde comportements qui peuvent tre exigs du dbiteur :

1) Dare = transfrer au crancier la proprit d'une chose corporelle.

2) Faoere faire quelque chose (par exemple un travail d'artisan); au fa-


oere. les jurisconsultes assimilent le non faoere : l'abstention (par exem-
ple on s'engage ne pas ouvrir une boutique dans un certain primtre).

3) Praestare - livrer au crancier une chose corporelle sans lui en transf-


rer la proprit. Cela signifie aussi assumer une certaine responsabili-
t (par exemple : praestare oulpam = rpondre du prjudice que l'on pour-
rait causer par sa faute).

Nous reviendrons sur cette classification quand nous parierons de


l'objet de l'obligation.

L'obligation se trouve ainsi dfinie d'une faon assez large -


peut-tre mme trop large. Il existe en effet des cas o nous sommes con -
tralnts juridiquement faoere ou non faoere sans qu'il s'agisse d'une
obligation. Ainsi le devoir de fidlit entre poux comporte un non faoere
et pourtant nul ne songera y voir une "obigation" au sens technique du
mot.

Ce qui distingue l'obligation de tout autre devoir juridiquement


sanctionn, c'est le fait que le comportement exig du dbiteur constitue
pour le crancier un avantage de caractre patrimonial. Envisage du ct
actif, l'obligation prend dans notre langage moderne le nom de "crance";
les crances figurent dans le patrimoine du crancier : ce sont des biens.

En tenant compte des critiques que nous venons d'adresser au texte


des Instittes, l'obligation peut se dfinir, en Droit Romain, de la faon
suivante : c'est un lien de droit entre personnes dtermines, lien en ver-
tu duquel l'une est juridiquement contrainte d'avoir un certain comporte-
ment qui procure l'autre un avantage de caractre patrimonial.

Cette faon de comprendre l'obligation que nous trouvons dans le


Droit Romain de la Basse-Epoque, est encore celle de nos lgislations actu-
elles : c'est le point d'aboutissement d'une longue volution, dont nous
allons brivement indiquer les tapes.
. 6

2 : ORIGINE DE LA NOTION D'OBLIGATION

Toute recherche concernant l'origine d'une institution romaine


comporte de grosses difficults, parce qu'elle nous reporte une poque
sur laquelle les tmoignages directs font dfaut. On en est rduit pro-
cder par dductions, interprter des vestiges qui subsistent l'poque
historique : on ne peut gure aboutir qu' des hypothses. Nous allons
d'abord exposer une hypothse clbre, qui nous parat trs hasardeuse.

A/ Ih#orj:es!de_==ijiE___-__.a!_=__i! . :

Expos de cette doctrine :

Dans le courant du XIX s., des civlistes allemands, sans s'occu-


per de. l'histoire et de l'origine des obiIgatlons, procdrent, d'un point
de vue purement doctrinal, une analyse subtile et nouvelle de la notion
d'obligation en Droit Moderne (Brinz 1874).

Ces auteurs sont parvenus' distinguer dans l'obligation deux l-


ments essentiels : faute de termes quivalents dans notre langue, nous les
dsignerons sous leur nom allemand :

1) C'est d'une part Schuld = la satisfaction due par le dbiteur, ce quoi


.le,crancier peut prtendre : c'est si l'on veut, ce que nous pourrions
appeler l "devoir".
2) L'obligation comporte par ailleurs une Haftung = le pouvoir de matrise
que le crancier exerce sur le dbiteurs- la contrainte dont il dispose :
c'est, si l'on veut, I'"engagement" qui pse sur le dbiteur.

De nos jours, ces deux lments de l'obligation sont ordinairement


Insparables-:-l'"engagement" sanctionne-le "devoir" : le dbiteur, qui
"doit", est en mme temps la personne expose aux rigueurs de I'"engagement".
On peut cependant signaler dans nos lgislations modernes des hypothses o
ces lments.sont distincts : ainsi dans l'obligation naturelle, 1 y a un
"devoir" sans "engagement" - ou bien encore lorsqu'un tiers excute la
place du. b]feur, celui-ci est libr; I'"engagement" du dbiteur s'teint
bien que le "devoir" ait t rempli par un autre (1).

Les partisans de cette doctrine lui donnrent bientt une porte


historique. Ils prtendirent que dans les lgislations primitives, les deux
lments qui, de nos jours, se trouvent runis dans l'obligation, talent
alors parfaitement distincts et mme spars, tel point que l'Individu
qui avait rempiir un "devoir" n'tait pas. celui qui tait expos la con-
trainte : l'un tait le garant responsable du devoir dont l'excution in-
combait l'autre. En ce qui concerne l'origine des obligations en Droit

(1) Sur les applications au Droit Moderne : POPA, thse Paris 1935 : "Les
notions de Schuld et Haftung et leur application en Droit Franais Mo-
derne".
. 7 .

Romain, ce point de vue a t soutenu non seulement en Allemagne (Mtteis)


mais aussi en Belgique (Cornil) et en Italie (Marchi) (1).

Ses arguments :

Ces auteurs partent de ce principe que les obligations dlictuel-


les ont prcd les obligations contractuelles. A l'origine, disent-ils,
les rapports d'affaires taient rares, et se faisaient au comptant : il n'y
avait pas de contrat : mais on commettait dj des dlits. On en tait
alors au rgime de la vengeance prive, tempre par le systme des compo-:
sitions volontaires. Or, prtend-on, pareil rgime aboutt invitablement
la distinction de Sckuld et Haftung. Dans le systme de la vengeance pri-
ve, l'effet direct du dlit est de placer le dlinquant dans un tat d'"en-
gagement" l'gard de la victime : le corps et la vie du coupable sont
la merci de l'offens, qui a le droit de se venger. Il y a bien un "engage-
ment" mais pas de "devoir", pas de dette. Le "devoir" apparat si le coupa-
ble, pour viter la vengeance, offre une ranon. Lorsque les parties tom-
bent d'accord sur une composition volontaire, la victime devient cranci-
re de la ranon convenue. Mais le devoir et l'engagement restent distincts
tant que la ranon n'est pas paye, l'offens continue tenir le coupable
sa merci et conserve sur lui I'"engagement". Cet engagement est l'effet
direct du dlit (droit la vengeance) - tandis que.la dette dcoule d'un
accord (composition), qui par lui-mme n'engendre aucune contrainte. Enfin
quand le dlinquant ne payait pas immdiatement sa ranon, Il obtenait sa
mise en libert en fournissant un otage (un parent, un ami) qui le rempla-
ait dans la prison du crancier en attendant que la ranon ft complte-
ment paye. La dette (ranon) tait bien mise la charge du dlinquant,
mais l'engagement (l'emprisonnement) tait support par l'otage : le "dbi-
teur" n'tait pas I'"engag".

Evolution du Droit
d'aprs cette doctrine

Un premier progrs consista substituer des garants aux otages :


la victime du dlit, au lieu de se faire immdiatement livrer.des otages,
se contente d'obtenir l'engagement de rpondants, ventuellement exposs
subir la main-?mse, si le coupable ne payait pas la ranon convenue.

Lorsque les progrs de la vie conomique firent apparatre des con-


trats concernant des rapports d'affaires, ces contrats s'organisrent sur
les mmes principes : le dbiteur ne s'engageait pas lui-mme, mais offrait

(1) Pour l'expos et la critique de cette doctrine : MAILLET, thse Aix 1944
"La thorie de Schuld et Haftung en Droit Romain".
La distinction "devoir-engagement" utilise par de nombreux auteurs (Mo-
nier) est nergiquement repousse par PASTORI : Profilo dogmatioo e stc-
riao dell ' obligazione romana. Milano 1951.
. 8 .

des garants : ceux-ci subissaient la main-mise du crancier, si le dbi-


teur manquait de parole.

Un dernier progrs du droit consista permettre au dbiteur de s


se porter lui-mme son propre garant, de s'exposer lui-mme aux rigueurs
de la main-mise s'il n'excutait pas. On est alors trs prs de la concep-
tion moderne de l'obligation : le mme acte engendre la fois la dette et
l'engagement et les fait peser sur la mme tte.

Pour les obigations dlctuelles, ce progrs fut ralis ds le


jour o le lgislateur, substituant au vieux systme de la vengeance celui
des compositions lgales et obligatoires, se mit fixer, pour diffrents
dlits privs, des peines pcuniaires. Ds lors le mme fait, - le dlit
- ft natre la fois une dette d'argent ayant pour objet la peine lgale
- et un procd de contrainte (l'action pnale). Le mme individu, - le
dlinquant - devait la poena et subissait la contrainte en cas d'inexcu1-'
tlon.

Les obiigtions contractuelles ne tardrent pas bnficier de


la mme volution : on imagina des actes juridiques qui mettaient la char-
ge du- dbiteur lui-mme, la fols la dette et l'engagement. Mais on pr-
tend que jusqu' une poque tardive, le Droit Romain conserva des vestiges
du systme primitif, dans lequel le dbiteur n'tait pas celui qui suppor-
tait la contrainte : on prtend que dans le cas des vades, des pvaedes, le
crancier n'avait de recours, encore l'poque historique, que contre les
garants offerts par le dbiteur.

Enfin, le romaniste Corn II a soutenu que les Romains avalent tel-


lement conscience de la diffrence entre le devoir et l'engagement, qu'ils
forgrent deux mots pour dsigner ces deux choses : le mot debitum exprime
l'Ide de dette, sans y faire entrer celle de contrainte, tandis que les
mots obligare, obligat-io correspondent la notion d'engagement, de garan-
tie : tel point qu'en Latin, si l'on dit qu'une personne, est oblige, on
peut dire aussi d'une chose donne en garantie d'une dette, qu'elle est
obligata.

Critique
de cette doctrine

Que faut-il penser de cette hypothse, assez rcente, puisque les


romanistes n'en avaient nulle Ide avant que les civilJstes allemands al ont
Imagin la "distinction entre Sohuld et Haftung en Droit moderne ?

Il est parfois commode, mme pour les romanistes, de considrer


dans l'obligation tantt son aspect de "devoir", tantt son aspect de "con-
trainte" : mais n'oublions pas que cette distinction tait tout--falt Igno-
re des jurisconsultes romains. Quant la description du trs vieux Droit
Romain propose par les partisans de cette doctrine, elle est purement Ima-
ginaire et ne repose sur aucun Indice srieux : elle parat mme en contra-
diction avec certaines donnes assez sres.
. 9 .

Les auteurs qui ont essay d'introduire en Droit Romain la tho-


rie de Sohuld et Haftung ont commis une erreur capitale qui enlve toute
valeur leur essai de reconstitution historique : Ils partent de ce prin-
cipe que les obligations dlctuelles ont prcd les obligations contrac-
tuelles : or, tout au moins en Droit Romain, c'est le processus inverse qui
a eu lieu. Depuis les travaux de M. de Visscher (VLes origines de l'obliga-
tion ex delicto" dans R.H.D. 1928, p. 335) il parat bien prouv que le sys-
tme des dlits privs s'est dvelopp sur l'ide de composition, en marge
des obligations. C'est dans le domaine des contrats que la notion d'obliga-
tion est apparue et que s'est labore la thorie des obligations : comme
nous le verrons plus loin, c'est assez tardivement que les jurisconsultes
eurent l'ide d'introduire les dlits privs dans l'tude des obligations
et de parler d'obligations ex delicto.

La notion d'obligation parat bien avoir t toujours comprise


chez les Romains comme un tout indivisible, compos et d'un devoir et d'un
engagement, assums l'un et l'autre par la mme personne, le dbiteur. Lors-
qu'un prtendu dbiteur n'est expos aucune contrainte, Il n'y a pas d'o-
bligation; H en tait ainsi dans le cas de l'antique vadmonivun. Le d-
fendeur promettait de comparatre en justice : les vades s'.engagea lent
payer une somme d'argent si le dfendeur ne comparaissait pas. Contre le
dfendeur lui-mme, Il n'y avait aucune sanction s'il ne comparaissait pas.
Aucune obligation n'existait sa charge : ni dette ni engagement. Par con-
tre les vades contractaient une obligation complte : obligation de payer
une somme d'argent - obligation qui comportait leur gard la fois une
"dette" et un "engagement".

Tout ce que l'on peut concder, c'est que les mots obligatio-
obligare, surtout l'poque archaque, avalent conserv un sens trs pro-
che de leur tymologe et veillaient bien plus l'ide d'un lien, d'un as-
sujettissement que celle de dette. Ce mot, dans la langue ancienne, tait
employ dans divers cas d'assujettissements qui n'ont rien de commun avec
les obligations proprement parler : chose donne en sret d'une dette
{rem obligare), individu coupable d'un dlit (ou noxiae se obligare), ou
qui s'est li envers les dieux par un voeu {obligare oaput votis).

Le fait que les vieux Romains aient choisi une telle expression
pour dsigner l'obligation ne prouve pas qu' leurs yeux elle ne comportait
qu'un engagement indpendant de toute ide de dette : cela indique simple-
ment qu'ils avaient t surtout frapps par l'aspect "contrainte" de l'obli-
gation.

B
^ tiS99fi0j_d I = i_PSonne_et = J ! e_ij?fym :

Avant de parvenir la notion d'obligation, le vieux Droit Romain


a connu divers actes ayant pour effet de placer une personne la merci d'u-
ne autre, soit avec l'intervention de l'autorit publique, soit du consente-
ment de la personne ainsi "engage".
. 10 .

- Addiotio :;
En prononant une addiotio, le magistrat duai jubet : Il autorise une per-
sonne emmener puis tenir enchane chez elle une autre personne iad-
diotue). On rencontre cette addiotio dans la procdure de la martus in-
geotio, exerce notamment contre un adversaire dj jug (judieatus) et
qui ne pale pas le montant de la condamnation.

Il est question aussi d'une addiotio par laquelle le voleur pris


en flagrant dlit devient corpus obnoxium, mis la disposition de la vc-
tlme 'du Vol.

- Les praedes :
Les crances de l'Etat talent garanties par des praedes : ces cau-
tions de Droit Public rpondaient sur leur personne et sur leurs biens
l'excution de ce qu'une autre personne devait fournir l'Etat (excution
d'un march de Droit Public ou paiement de l'enjeu du saoramentum par exem-
ple).

- Le nexum ;

Le cas le plus remarquable d'un engagement de la personne, consen-


ti par l'engag, se rencontre dans cette vieille forme de prt Intrt
auquel on donne le nom de nexum. Cet acte tant tomb en dsutude la
suite d'une loi du IV s. av. J.C. (loi Poetilia Papiria), rares sont les
textes qui peuvent nous renseigner sur ce qu'il tait : quelques passages
de TIte-LIve (peu srs) et de Varron (d'Interprtation difficile). Nom-
breux sont les romanistes qui ont essay de percer le mystre du nexum;
des hypothses trs divergentes ont t soutenues (1).

1) Forme du nexum :

Nous donnerons d'abord un aperu des donnes peu prs certaines


en ce qui concerne la forme de ce vieil acte : c'est un prt Intrt, ra-
lis en recourant des formalits qui comprenaient l'utilisation de l'airain
et de la balance, et d'autre part une dclaration solennelle {nuncupati*),
faite par celui qui prtait l'argent.

(1) On trouvera dans l'article de NOAILLES R.H.D. 1940 et 1941 la liste im-
pressionnante des ouvrages et articles qui concernent le nexum. Depuis
l'article de NOAILLES, la liste s'est encore allonge ! (cf. VON L0BT0W
Z.S.S. 1950, p. 112; SCHONBAUER : "Manoipium und Nexus" dans Iura, 1.1950
p. 300; IMBERT : VFides et Nexum" : Studi Aranzio Ruiz 1.1952, pp. 339-
363; WESTRUP : "Sponsio et Nexum" 1950 et c.r. R.H.D. 1951.
11

a) Le nexum est un acte per aes et libram (tmoignage formel de Varron :


"De lingua latina", 7.105).
Un passage des Instittes de GaTus (111.173) est susceptible de
nous renseigner indirectement sur la faon dont s'accomplissait cette
formalit. GaTus ne parle pas du nexum (qu'il semble Ignorer) mais d'une
formalit, encore employe de son temps, pour teindre certaines sortes
de dettes : c'est ce qu'il appelle "un paiement fictif par l'airain et
la balance". Il nous apprend que le dbiteur faisait une dclaration,
par laquelle II faisait savoir qu'il se librait de la dette "en vertu
de l'airain et de la balance"; puis, en prsence des tmoins et du li-
) \bripens, il remettait au crancier un lingot d'airain "en guise de paie-
ment de la dette".

GaTus nous apprend,que ce procd tait employ pour se librer


des dettes rsultant d'un jugement, et de dettes provenant d'actes per
aes et libram. Il est peu probable qu'il fasse le allusion au nexum;
Il signale le cas du legs per damnationem inscrit dans un testament (acte
per aes et librcan). Mais l'poque o le nexum existait, il est bien
vident que c'est ce mode solennel d'extinction des dettes que le nexus
devait employer pour se librer : car c'est un principe bien connu du for-
malisme romain, que les effets qui s'attachent une formalit ne peuvent
s'effacer que par une formalit semblable, mas Inverse (ce qu'on appelle
un oontrarius actu). Le nexus l per aes et libvam devait certainement
employer, pour se dlier, l'acte per aes et libram qufc GaTus dcrit.

Nous pouvons donc reconstituer peu prs srement la forme du


nexum, en utilisant, par symtrie inverse, l'acte de libration. Ce qui
nous conduit au rsultat suivant : le crancier, en prsence de cinq t-
moins et d'un libripens* remettait au dbiteur un lingot d'airain et dcla-
. rat, en termes solennels, que le dbiteur tait li envers lui en vertu
de l'airain et de la balance. Dans la solutio, c'est le dbiteur qui
prend la parole : par consquent, dans l'acte qui sert_ lier (dans le
nexum), c'est le crancier qui prononait une nunaupatio.

b) Nunaupatio :

Cette dclaration qolennelle, dont nous venons d'indiquer les l-


ments essentiels, ne contenait-elle pas encore autre chose ? Bien des hy-
pothses sur ce point ont t proposes.

On a parfois prtendu que le crancier disait au dbiteur "damnas


esto" ~ "sols condamn envers moi". Dans la formule libratoire, que rap-
porte GaTus, le dbiteur dit bien qu'il a t oondemnatus, mais cette for-
mule concerne le cas particulier qu'envisage GaTus : celui d'une dette r-
sultant d'un jugement; le judioatus qui dsire se librer dclare d'abord
qu'il a t condamn. Mais rien ne prouve que pour se librer per aes
et libram, le dbiteur tenu en vertu d'un nexum devait dire "quod darnna-
tus sum"; par consquent rien ne prouve qu' l'inverse, dans le nexum, le
12 .

crancier prononait une darrmatio contre le dbiteur. Nous admettons vo-


lontiers, avec Schnbauer, que le crancier disait : "j'affirme que tu
es nexus envers moi en vertu de cet airain et de cette balance" (1).

2) Nature juridique
et effets du nexum :

Le nexum est-Il un contrat gnrateur d'obligations ? Est-ll au


contraire un acte crateur d'une puissance, un acte comparable la manci-
patlon par laquel le on crait le mxnoipiumsur les f H s de fatjiffJe ?

Ces deux points de vue ont t soutenus. Ils correspondent des


divergences qui, selon Varron, existaient dj entre le jurisconsulte Manl-
IIus (11 s. av. J . C ) , qui considrait le nexum comme un acte de mme natu-
re que la mancipatlon, et Q. Mueius Scaevola (dbut du 1 s. aprs J.C.) qui
y voyait deux actes essentiellement diffrents.

a) yt^e_du_neaum;contrat :

Huschke et Girard pensent que le nexum avait des effets absolument


diffrents de ceux de la mancipatlon. Le nexum tait un acte solennel or-
ganis on vue de crer des obligations; c'tait par consquent un contrat,
la forme ancienne du contrat de prt intrt. C'est pourquoi Girard
tudie le nexum propos des contrats solennels.

A l'poque o I'argent monnay n'existait pas encore, le prt avait


pour objet des lingots d'airain : celui qui consentait le prt remettait
l'emprunteur, en prsence de tmoins, des lingots, qu'il faisait peser par
le Vibripens. Lorsqu'apparut la monnaie, la pese des lingots ne fut plus
qu'une formalit symbolique : ce que l'on prtait, c'taient des pices de
monnaie. Les deniers taient remis l'emprunteur, mais ce simple fait
matriel, l'poque ancienne, ne faisait natre aucune obligation. Pour
imposer l'emprunteur l'obligation de restituer, Il fallait recourir aux
formalits symboliques du nexum : on pesait un petit lingot, symbole du
prt.

Cet acte comportait une nunavepatio que prononait le crancier :


Girard prtend que le crancier adressait I'emprunteur les paroles so-
lennelles "damnas esto" = "sois condamn envers moi pour telle somme".

(1) Mais nous croyons peu vraisemblable le dbut du. discours que Schnbauer
fait tenir au crancier : "de ce que tu me dois tant de livres de mon
airain (aeris mei) ...
13 .

Or, ajoutent les partisans de cette doctrine, toute darnnatio


(qu'elle rsulte d'un jugement, d'un legs per damnationem ou du nexum)
tait sanctionne par une manus injeotio. Par consquent, si l'emprun-
teur ne remboursait pas au jour convenu, le crancier n'avait pas besoin
d'obtenir un jugement : la damnatio qui pesait sur le dbiteur en vertu
du nexum autorisait le crancier saisir son dbiteur, sans jugement pr-
alable. Les malheureux nexi que Tite-Live nous montre jets dans I'er-
gastule, exposs aux mauvais traitements de leurs cranciers, seraient
donc tout simplement des emprunteurs qui subissaient les rigueurs bien
connues de la manus injectio pour n'avoir pas pay leur dette en temps
vouIu.

Ce systme qui a joui pendant un temps d'un grand succs, est ac-
tuellement peu prs abandonn. L'hypothse selon laquelle le nexum
aurait t sanctionn au moyen de la manus injectio est indfendable.
Rien n'autorise croire que la nuneupatio comportait les mots damnas
esto. C'est une hypothse toute gratuite de prtendre que toute darnna-
tio entranait une manus injeotio. La loi des XII Tables parat n'avoir
prvu cette vole d'excution que dans deux cas : celui de \%aes judioa-
tum et celui de Ixaes aonfessum : jugement et aveu in jure. Il n'est
nulle part question d'une manus injeatio pour I'aes nexum.

b) Systeme_du_^OT^-manc2pat|on :

MIttels, Lenel soutiennent que le nexum n'est pas, par nature,


diffrent de la mancipaton. Son effet ne serait pas de faire natre des
obligations, mais de crer une puissance, une sorte de droit rel sur la
personne du nexus. Le lingot d'alran qu figure dans cet acte ne serait
aucunement l'objet (vritable ou symbolique) d'un prt, mais aurait, dans
le nexum le mme rle qu'on lui connat dans la mancipaton : lment
d'une formalit dont l'effet est de transfrer des droits rels ou de
crer une puissance au profit de celui qui apporte l'airain.

Cette doctrine a t expose sous sa forme la plus caractristi-


que par Lenel : elle s'associe la thorie de Sohuld et Haftung : Lenel
voit dans le nexum un acte juridique destin crer un engagement (Haf-
tung) en vue de garantir la dette (Sohuld) rsultant de prt et qui se-
rait par elle-mme dpourvue de sanction.

D'aprs cette doctrine, le nexum aurait t utilis primitivement


dans les arrangements entre dlinquants et victimes de dlits. Le dlin-
quant offrait un parent, un ami comme otage pour garantir le paiement de
la ranon convenue; il le faisait passer, au moyen du nexum, entre les
mains de la victime qui emmenait le nea^s-otage dans sa prison prive.

Puis on admit que le dbiteur pouvait se porter son propre garant.


Au moyen des formalits du nexum, Il offrait en garantie.de la dette son
propre corps (1). Le dbiteur-nexus n'tait pas Immdiatement enchan;

(1) Les partisans de cette doctrine ne sont pas d'accord sur l'objet de cette
sorte de mancipation : pour les uns, le dbiteur donne en gage son corps
14 .

le nexum le plaait sous la puissance du crancier, de la mme faon que


la manclpaton place in manaipio le fils de famille que son pre a man-
clp autrui; le nexus tait" la disposition - la merci - du cr-
ancier.

Le crancier exerait cette puissance sans avoir besoin de recou-


rir une procdure : un matre pour imposer un travail son esclave ou
un fils in manaipio, ou pour les punir, n'a nul besoin d'intenter une
action, ou de mettre en oeuvre une voie d'excution : il lui sufft d'user
de sa puissance. De mme le crancier pouvait, sans procs ni procdure,
s'emparer du nexus quand bon lui semblait.

Cette doctrine soulve de graves objections (1) : il est certaine-


ment inexact que le nexum ait eu pour effet de placer Je nexus sous la
puissance du crancier, la faon d'un fils in manaipio : le mancipium
fait subir une oapitis deminutio; le nexus n'est pas oapite minutus.

c) Le nexum -
0i_20r_Qi_m2DiP!i20 :

Soumettant les textes un examen minutieux, Noailles a apport


dans ce dbat un jour assez nouveau (Rev. Hist. du Droit 1940 et 1941).
Il nous apprend d'abord que les romanistes ont commis un abus de langage
en donnant le nom de nexum l'acte juridique en question. Dans les tex-
tes anciens, le mot nexum n'est pas employ comme substantif, mais comme
adjectif verbal, driv du verbe neoteve = lier. Les vieux auteurs di-
sent que le dbiteur est nexus, que l'airain prt est aes nexum, mais
ils n'emploient pas le mot nexum pour dsigner l'acte per aes et libram
qui fait du dbiteur un nexus.

Selon Noailles, cet acte per aes et libram servait du moins l'o-
rigine raliser le prt : l'airain pes tait primitivement remis
I'emprungeur, comme objet du prt. La nuncupatio du crancier prcisait
le sens de l'acte : Il dclarait que l'airain ne devenait pas la propri-
t de l'emprunteur. A l'appui de cette hypothse, Noailles fait remar-
quer qu'en Latin classique, une dette s'appelle encore aes alienum, ce
qui, au pied de la lettre, signifie "airain d'autrui" (2). Il tait donc

(Lenel, Luzzatto), pour les autres, le dbiteur met seulement son activi-
t la disposition du crancier, il mancipe ses operae (PFLOGER), ce
qui parat plus conforme aux textes anciens.
(1) LEVY-BROHL : "Nexum et Mancipation" (Problmes de l'ancien Droit Romain,
1934) -" SCHONBAUER ("Iura" 1950) n'admet pas non plus l'hypothse d'une
auto-mancipation.
(2) L'explication de NOAILLES sur ce point est trs discutable. SCHONBAUER
;
fait remarquer juste titre que l'emprunteur a besoin d'obtenir la pro-
prit de l'airain pour pouvoir en user. L'aes alienum pourrait bien
tre le petit lingot, employ symboliquement et remis l'emprunteur
pour qu'il le conserve jusqu'au jour du paiement, sans en devenir le
propritaire.
. 15

clairement stipul que la personne qui l'on remettait l'airain ne le


recevait pas titre dfinitif, mais pour le restituer. La nuneupatio
fixait probablement aussi un terme pour le remboursement et dterminait
les intrts.

Le crancier ajoutait enfin "que cet homme soit nexus envers moi
en vertu de cet airain et de cette balance". Cette dclaration plaait
le nexus dans une situation voisine de l'esclavage. Comme le dit Varron,
le nexus offrait suas opras in servitute. L'effet du nexum est trs
diffrent de celui d'une mancipation : l'homme libre mancip est in mon-
oipio, soumis une puissance qui entrane pour lui une oapitis deminu-
tio. Aucune puissance n'est tablie sur la personne du nexus, mais ses
biens et son activit (operae) sont mis la disposition du crancier.
Il est dans une situation voisine de l'esclavage, bien que son status
ne soit pas affect et qu'il reste un homo liber.

Le crancier pouvait tout moment se prvaloir de ce droit : tant


que le dbiteur remplissait ses engagements, il y avait intrt le lais-
ser en libert pour profiter de son activit libre. Mais s'il ne payait
pas sa-dette, le crancier s'emparait d'abord de ses biens (comme l'indi-
que Tite-Live), puis faisait main-mise sur son corps. Noailles suppose
que cette main-mise, sans tre une manus injeetio, se ralisait par des
procds analogues. Il pense qu'elle ncessitait une addiotio du magis-
trat.

Le nexum qui, l'origine, avait servi raliser un prt d'airain,


a pu dans la suite tre employ comme acte symbolique, un prt fictif,
toutes les fois qu'on dsirait faire d'un individu un nexus, pour garan-
tir une dette quelconque : le nexum a pu garantir le paiement de la com-
position volontaire, qui, en vertu de la Loi des XII Tables, tait res-
te en usage pour certains dlits : (cas du voleur pris en flagrant d-
lit, cas du membrum ruptum).

Ainsi prsent l'acte per aes et libram que nous appelons nexum
n'est ni un contrat ni une sorte de mancipation. Ce n'est pas une manci-
pation, aucune puissance comparable au manaipium n'est tablie sur le ne-
xus. Mais ce n'est pas non plus un contrat : un contrat n'a d'autre ef-
fet que de faire natre une obligation la charge du dbiteur, sans mo-
difier pour cela sa condition juridique. Le nexum produit un effet tout
diffrent, il place le nexus dans une condition voisine de la servitude.

L'hypothse de Noailles rend compte de particularits qui parais-


saient Inconciliables tant qu'on voulait voir dans I nexum soit un con-
trat, soit une sorte de mancipation. Mais cette hypothse se heurte fi-
nalement aux mmes objections que celle de Girard : Noailles suppose pour
l'excution contre le nexus l'emploi d'une sorte de manus ingeatio: les
textes n'en parlent jamais. Au surplus, la situation du nexus ne ressem-
ble pas celle de l'Individu qui a subi la manus injeotio : Il n'est ja-
mais question de vendre le nexus comme esclave trans Tiberim.
16 .

M. Imbert a propos une autre hypothse, dont le point de dpart


est un passage de Tite-Ljve (8.28) o, propos du vote de la loi Pote-
lia Papiricii l'historien parle de I Hngens vinculum fidei qui rsultait
du nexum : le nexum tablissait un lien trs fort, fond sur la fides.
Selon M. Imbert, le nexum devait contenir une formalit par laquelle l'em-
prunteur acceptait de se placer sous la fides du crancier et donnait ain-
si sa personne en garantie de la crance en se soumettant au bon vouloir
du crancier tant que la dette n'tait pas paye. Pour venire in fidem
un geste trs simple pouvait suffire : sans doute l'emprunteur offrait-!I
au crancier sa main droite, sige de la fides, selon la croyance des
Romains. L'avantage de cette hypothse est de rendre Inutile l'emploi
d'une manus injectio : le crancier qui tient le nexus sa merci n'a pas
besoin d'une procdure particul1re pour s'emparer de sa personne et le
faire travailler son profit comme esclave.

L'hypothse est Ingnieuse, mais le nexum n'est trait de vincu-


lum fidi que dans un seul passage de T|te-LIve, qui a bien pu employer
cette expression pour en tirer un effet oratoire, et sans lui attacher
une signification juridique aussi prcise. Tout ce-qu'on peut affirmer,
c'est que le nexum, sans faire natre une obligation proprement parler,
procure celui qui a prt I'argent une sorte de droit de gage sur la
personne de l'emprunteur.

3) Les destines du nexum :

Une loi du Ve s. de Rome, sans abolir le nexum, le fit rapidement


tomber en dsutude.

Les deux dispositions

La loi Poetelia Papiria (IV s. av. J.C.), vote dans l'Intrt de


la plbe, apporta des adoucissements au sort des nexi. Cette loi conte-
nait deux sortes d dispositions :

En ce qui concerne les personnes


qui se trouvaient dans une prison prive
(in nervo et oompedibus) au moment du vote de la loi,

Il tait dcid qu'on devait les relcher sous certaines conditions.


La loi distinguait ceux qui talent emprisonns pour une pecunia cr-
dita ( la suite d'un prt) et ceux qui noxam meruissent, c'est--dire
qui avalent commis un dlit (1) : les; premiers, pour tre relchs, de-

(1) Selon M. DE VISSCHER (Mel. Fournier 1929, p. 755 et Etudes p. 315) il


s'agirait de dlinquants qui, en garantie d'une composition volontaire,
avaient consenti devenir nexi au profit de la victime du dlit.
. 17 .

valent simplement jurer qu'ils n'avalent aucune ressource pour dsin-


tresser leur crancier (qui bonam copiant jurarunt (1). Les seconds
ne profitaient de la libration qu'aprs avoir pay la poena (doneo
poenam turent).

b. Pour I'avenir,
cette loi prononait l'abolition
du rgime des nexi :

Le nexum n'tait pas supprim, mais la loi en limitait les effets;


dsormais II n'tait plus permis de placer, par convention, le corps
du dbiteur "en servitude", mas seulement ses biens, pour garantir
sa dette. Cette disposition au surplus ne concernait que les dbiteurs
d'une crdita pecunia, l'exclusion de ceux qui, la suite d'un d-
lit, avalent obtenu un arrangement avec la victime; c'est du moins ce
qui semble rsulter du texte de Tte-Live. La loi disposait qu' l'a-
venir seuls les biens du dbiteur, et non son corps, rpondaient du
prt.

Etendue
2_2-X2Em..i9iJ.ive. :
La., loi Poetelia Papiria, quoique cela ait t discut, ne semble
pas avoir modifi le sort des adicti, de ceux qui talent envoys dans
une prison prive, non la suite d'une convention, mais en vertu d'une
adiotio prononce par le magistrat (judicatus et fur manifestus).

Nous savons qu' partir d'un certain moment, Il ne fut plus permis
de tuer (si cela a jamais t permis) ni mme de vendre comme esclave, le
dbiteur qui subissait la manus injeatio. Faut-Il attribuer la loi Po-
etelia Papiria cet adoucissement des effets de la manus injeotio ? Ce
que nous savons de cette loi par Tite-Live n'autorise gure cette suppo-
sition : elle concernait les nexi, mais ne prtendait pas modifier la
procdure de la manus injeotio. On peut simplement supposer que l'am-
lioration du sort des nexi a pu, par contre-coup, conduire les Romains
humaniser galement le rgime de la manus injeotio.

(1) Que durent exactement jurer les nexi pour obtenir leur libration ? L'ex-
pression bonam oopiam employe par Varron (7.105) est obscure; nous avons
adopt l'explication de Berger ("Studi Arangio Ruiz" II 1952, p. 117) :
c'est un serment d'insolvabilit, qui resta dans les usages romains. Mais
l'insolvable subissait certaines incapacits (lex Julia Municipalis, 1.
213).
. i18 .

Elle fit tomber le nexum


D_^iylyd_i *.__"_^.__
Cette loi entrana en fait la disparition du nexum : les cran-
ciers jugrent Inutile d'employer cet acte compliqu le jour o II ne
devait plus leur procurer un moyen nergique de coercition contre le d-
biteur. Au 11 s. avant notre re, il tait dj en pleine dcadence quoi
qu'encore connu des jurisconsultes Manilius et Mucus; au 11 s. de notre
re, GaTus n'en parle plus.

C) Actes pourvus
d'une sanction religieuse :
SB^saBaBasaa'aBssdss^saBassa
-' ; ,. t ' '
A l'poque archaque,. les Romains n'taient pas encore parvenus
distinguer le jus et le fas : droit et religion se confondaient. A d-
faut d'actes gnrateurs d'obligations proprement parler, on connais-
sait des rites qui entranaient une sanction religieuse pour celui qui
ne tenait pas sa parole.

Nous avons signal l'hypothse de M. Imbert sur le nexum; Il est


bien possible que l'assujettissement du nxus ait t la consquence d'un
appel solennel la desse F ides; I'invocation de la fides mettait l'em-
prunteur la merci de son partenaire s'il ne remboursait pas le prt.

C'est sans doute aussi par un appel cette desse qu'tait primi-
tivement valide la fiducie : celui qui recevait une chose en "fiducie"
s'engageait la restituer et cet engagement tait plac sous le couvert
de la fides.

D'une faon beaucoup plus vraisemblable encore, fa pnsio, origi-


ne du contrat ;uerMs, a d'abord t un acte religieux, comportant proba-
blement un serment et un sacrifice aux dieux : la promesse ainsi place
sous la sauvegarde des dieux exposait des sanctions religieuses (peut-
tre la terrible "sacralit") celui qui manquait. la parole donne.

Mais tant qu'on se trouve ce stade pr-juridique, il est abusif


de parler d'obligations : elles ne peuvent exister qu' partir du-moment
o l'on rencontre des rapports de droit, munis de sanctions juridiques.
9

D) Epoque o les obiIgatlons apparaissent :

1 / Oppofere :
La loi des XII Tables (ml)Ieu du V s. av. J.C.) a procd une
lacisation du droit : la sacralIt ne fut conserve que dans quelques hypo-
thses exceptionnelles (cas du patron qui fait tort son client, cas des
leges sacras). A la place des sanctions religieuses, la vieille loi tablit
des sanctions juridiques, des procdures, qu'elle rglemente : ce sont les
actions de la loi.

Ce qu'il y a de remarquable, c'est qu'en les organisant, le vieux


lgislateur ait dj t capable de distinguer les obligations, qui donnent
lieu des actions in personam et les droits absolus, qui donnent lieu des
vindicationee.

Ainsi la procdure du sacramentum prsente deux varits : sacra-


mentum in rem, sacramentwi in -personam. Bien que l'existence de ce dernier
ait t mise en doute pour l'poque archaque (1), 11 parat difficile de
soutenir que les XII Tables n'aient connu que le premier. En tout cas,
nous savons que les XII Tables avaient expressment prvu, pour sanctionner
la sponsio, l'emploi de la judiais postulatio, et que cette prooSdure com-
portait des paroles solennelles qui sont bien celles d'une action in perso-
nam (GaTus, IV.17 bis).

Dans les vindioationes, les rites procduraux s'accomplissaient


in rem, sur la chose litigieuse qui a t apporte devant le magistrat :
ainsi dans le saoramentum in rem, les deux plaideurs qui se prtendent, l'un
comme l'autre, propritaires de la chose litigieuse, posent leur baguette
sur cette chose; la personnalit de l'adversaire reste indiffrente et ja-
mais l'affaire ne peut conduire l'un exercer sur l'autre la manus injeo-
tio.

Dans les atines in personam au contraire, le demandeur affirme


que son adversaire doit lui fournir telle prestation et il l'affirme en se
servant d'un terme consacr par le jus oivile, le verbe opportere (2): "aio
te dare opportere" = "j'affirme qu'il faut que tu me fournisses telle cho-
se". Ce mot opportere restera travers toute l'volution du droit romain,
le terme technique caractristique de l'obligation. Mais l'poque ancien-
ne, ce trait distinctif s'en ajoutait un autre : si le dfendeur, reconnu
dbiteur et condamn par jugement, n'excutait pas, le crancier exerait fi-
nalement une saisie de sa personne : la manus injeotio Qudioati.

(1) FUENTESECA : "Investigaciones de derecho procesal romano" - Salamanca


1969, pp. 21-41
(2) Sur ce terme, cf. KASER : "opportere und jus oivile", Z.S.S. 83 - 1966,
pp. 1-46 (rec. dans IURA 18/1967, p. 396)
20 .

Droit sur la personne, dfini par un cppovteve> et pouvant aboutir


finalement une saisie de la personne, telles sont les caractristiques de
l'obligation ancienne, sur le terrain procdural.
Ces caractristiques essentiel les se rattachent diverses parti-
cularits qui concernent les modes de formation et les effets de l'Obliga-
tion. -.'.!'::.'.::,.. -

2/ Modes de formation :
Les actes susceptibles de faire natre des obiigations taient en
nombre limit : la loi ne reconnaissait un opportere, sanctionn par une ac-
tion in personam, que dans quelques cas prcis. Les obiigations pouvaient
dcouler soit de certains actes formalistes, trs peu nombreux (la sponsio)
soit encore de certaine clause Insre dans les testaments (fegs pev damna-
tionem). On peut aussi considrer le jugement portant condamnation (le ju-
dicatum) comme une source ancienne d'obiigations, l vrit trs particu-
lires.
Ces actes juridiques faisaient natre des obligations compltes,
jecveux dire par l des obligations comportant la fols un "devoir" et'un
"engagement" la charge du dbiteur.
Trs souvent, le crancier avait des droits, non pas sur un seul
dbiteur, mais sur plusieurs : la sponsio se faisait d'ordina.jre avec plu-
sieurs promettants qui devenaient des codbiteurs sol Ida ires. L'utiIit de
: ce procd est vidente : la dette contracte par un sponsor, comme nous le
verrons plus loin, s'teignait sa mort; aussi tait-!I prudent de faire
assumer la dette par plusieurs personnes. C'tait aussi une-sorte de garan-
tie, antrieure la pratique du cautionnement proprement dit : le crancier
avait la facult de choisir, entre ses dbiteurs, celui qu'il croyait le plus
solvable, pour lui demander paiement. Mais cette pratique ancienne de la so-
lidarit n'a rien de commun avec le rle que les partisans de la thorie de
Sahuld et Eaftung font jouer aux primitifs "garants", selon eux seuls exposs
aux rigueurs de l'engagement.

3/ Effets :
Les anciennes obiigations au point de vue d leurs effets, prsen-
tent deux caractristiques : a) elles sont de droit strict , b) elles psent
sur la personne physique du dbiteur.

a) Les forma11ts emploves pour faire natre des obligations en dterminaient


avec minutie le contenu : de sorte qu'en cas de contestation, le pouvoir
d'apprciation du juge tait trs limit. Les actions en justice qui
. 21

sanctionnaient les obligations appartenaient toutes ce type,que les Ro-


mains dsigneront plus tard sous le nom d'"actions de droit strict". Ce
sont des actions o l'on ne peut gure tenir compte de l'quit ni de
l'Intention vritable des parties; le juge doit s'en tenir la lettre
du contrat; on exige du dbiteur uniquement ce qu'il a promis, en s'en
tenant aux termes formels de sa promesse.

b) Nous avons vu qu'en cas d'inexcution, le dbiteur condamn subissait ia


manus injeatio : c'est en dfinitive le corps du dbiteur qui rpond de
la dette. Cette particularit de l'obligation n'a pas t sans influen-
cer le vocabulaire employ par les vieux Romains. Le mot mme obligatio
veillait primitivement, de faon non douteuse, l'ide d'un lien, d'une
sujtion. Le mot solvere qui l'poque classique, signifie simplement
payer (solvere debitum payer sa dette) avait primitivement un sens
beaucoup plus fort, le sens de dlier, dlivrer, et on lui donnait comme
complment, non pas la chose que l'on payait, mais le dbiteur, qui se
trouvait "dli" : la vieille formule libratoire conserve par Gaus
111.174 est cet gard instructive : "me a te solvo" = "je me rends li-
bre ton gard".

Cette particularit qui concerne les voles d'excution renforait


encore le caractre personnel de l'obligation. Ce droit "sur la person-
ne" ne pouvait exister qu'entre ceux-l mmes qui l'avaient tabli. D'o
les consquences suivantes :

Il n'tait pas possible de devenir crancier ou dbiteur par reprsen-


tation.

L'obligation en principe devait s'teindre par la mort du dbiteur ou


du crancier.

On n pouvait pas cder autrui une crance, ou transfrer une dette.


L'obligation tait Intransmissible et Incessible. Notons cependant que
le caractre trs particulier de I'hres romain .ft admettre assez tt
la transmissibiIit de la plupart des obligations contractuelles :
l'hritier ne fait qu'un avec la personne du dfunt.

3 - EVOLUTION DES OBLIGATIONS

A/ Mode.de.formalion :

Ces modes de formation sont devenus beaucoup plus nombreux.


. 22 .

a) Contrats :

Avec; les progrs de la civilisation, le besoin se fit sentir


d'imaginer de nouveaux actes juridiques destins faire natre des obli-
gations avec l'accord des parties. Les jurisconsultes classiques donneront
finalement le nom de contrats aux actes de ce genre, lorsque leur validit
est reconnue par le jus civile et ils les classeront selon leur mode de
formation en quatre catgories : contrats par paroles solennelles (verbis),
par remise d'une chose ire), par criture ilitteris), enfin quatre contrats
qui n'exigent pas autre chose que l'accord des parties (consensu). Le
grand mouvement des affaires qui suivit les guerres puniques provoqua l'ap-
parition de cette nouvel le catgorie1de contrats : ns de la pratique du
commerce International, ils sont accessibles aux prgrins; tout en tant
sanctionns par le jus civile, ce sont des contrats du jus gentiun.

b) Quasi-contrats :

Le jus civile admit assez rapidement l'existence d'un opportere,


par consquent d'une obligation, dans des hypothses o l'accord des par-
ties faisait compltement dfaut : ainsi l'obligation de restituer l'enri-
chissement injuste. Pour employer un terme moderne, nous dirons que ce sont
des quasi-contrats.

c) Oprations de Droit prtorien :

Le jus civile n'accorde de sanction, ne reconnat un opportere


que dans un nombre limit de cas.

Le prteur s'est efforc d'assouplir cette rgle : Il sanctionna


au moyens d'actions in factum quantit de rapports, de negotia, quelle Droit
Civil avait ngligs ou n'tait pas parvenu faire entrer dans ses cadres.
Mais il Importe de remarquer que dans des cas de ce genre, il n'y avait pas
l'origine d'obi Igtions proprement parler, parce que la sanction n'tait
pas une action civile comportant un opportere. C'est pourquoi les juris-
consultes classiques n'emploient pas volontiers, en de. tel les hypothses,
le mot obligatio, mais prfrent s'exprimer par la priphrase : ex actione
teneri; ce sont des cas o, sans tre "oblig", "on est tenu en vertu d'une
action". Ceci nous montre bien quel point la notion d'obligation restait
troite encore l'poque classique (1).

(1) La question de savoir si l'poque classique la notion dobligatio ne


s'appliquait qu'aux rapports reconnus par le jus civile, ou si au con-
traire elle s'tendait aux negotia du droit prtorien, est trs discu-
te : il est possible que les jurisconsultes aient t tents d'tendre
l'ide .'obligatio aux rapports de Droit prtorien. Cf. SEGRE Mel. Bon-
fante 1930, III p. 499.
23 .

Il y eut de la sorte, en matire d'obligations, la mme dualit


de systme juridique qui est bien connue en matire de droits rels et de
successions : ct de la proprit quirtaire existait la proprit bonl-
taire, ct des heredes du droit civil, les bonorum possessores. De mme
ct des obligations au sens prcis, il y avait le fait d'tre "tenu en
vertu d'une action prtorienne", et ct des contrats du Jus civile, les
negotia du droit prtorien.

Cette dualit est alle d'ailleurs en s'attnuant, parce que bien


souvent les progrs au. Jus civile venaient parfaire l'oeuvre du prteur :
ainsi le dpt, le commodat, qui la fin de la Rpublique n'taient encore
que des negotia munis d'actions in factum, furent rigs avant l'poque de
GaTus, en vritables contrats civils, sanctionns par des actions in jus;
mais certaines situations restrent uniquement prtoriennes (le gage, l'obli-
gation contraria impose au dposant et au commodant). Lorsque s'opra,
la basse-poque, la fusion du droit civil et du droit prtorien, les situa-
tions sanctionnes par le prteur entrrent dans le cadre des obiIgatlons
et constiturent l catgorie des obligations honoraires, que nous trou-
vons signales par Justnien dans ses Insttutes (1.5.3.13.1).

d) Incorporation des dlits


au domaine des obligations :

Une autre catgorie d'e# actipne teneri fut Intgre au domaine


des obiigtions beaucoup plus rapidement : ce sont les obi 1 gtions dlictu-
e11 es.

A bien considrer les choses, le droit de rclamer une poena ne


dcoule pas directement du dlit. Ce qui, primitivement, naissait du dlit,
c'tait le droit de vengeance reconnu la victime. La loi fit disparatre
la vengeance prive en Imposant un systme de compositions lgales sanction-
n par des actions spciales dites "pnales". Il n'y avait pas l une vri-
table obitgatlon, mais bien encore un cas o l'on tait "tenu en vertu d'une
action" : un ex actione teneri. A l'poque de Ccron, nul ne songeait en-
core parler d'"obligations dlictuelles" (1).

Mais les actions pnales produisaient des effets assez compara-


bles ceux des actions qui sanctionnaient les obligations contractuelles :
l'assimilation avec les obligations tait d'autant plus facile qu'il s'agis-
sait, pour le plupart des dlits, d'actions civiles et non d'actions prto-
riennes. C'est sans doute ce qui au 1er ou dbut du 11 sicle de notre re
Incita les jurisconsultes dclarer que, du dlit, naissait la charge du
coupable une obligation de payer le poena lgale : ils parlrent d'obiIga-
tlons ex delicto. Les dlits figurrent dsormais parmi les sources d'obi I-
gations.

(1) La formule de la stipulation aquilienne par exemple, les dsigne par


cette priphrase : quorum rerum mihi tecvm actio ... sit.
. 24 .

B/ ffets=djs_obn gtions :

a) Les actions de bonne fol :

Les anciennes obligations taient toutes de droit strict. Au


cours des sicles, l'action qui sanctionnait les obiigtions consistant en
un dore opportere (objet oertum) conserva toujours son caractre de droit
strict : elle continua au temps de la procdure formulaire, puis de la pro-
cdure extraordinaire, porter ie nom de aondiotiov(aondiotio oertae pecu-
niae pour les obi Igtions de sommes d'argent, aondiotio oertae rei si le
dbiteur doit fournir une chose certaine autre que de l'argent).

Cette action du droit strict sanctionnait non seulement les an-


ciens contrats verbis, mais aussi ds contrats de formation plus rcente :
le contrat litteris et le mutuum. Lorsque la jurisprudence s'inquita de
sanctionner l'enrichissement injuste, ce fut au moyen de la aondiotio ioon-
diotio indebitis aondiotio furtiva, etc . . . ) ; certaines obligations quasi-
contrcTeT7s~Btaient des obiigtions de.droit strict.

Les contrats du dus gentium qui apparurent avec l'expansion du


commerce international (T) furent sanctionrs d'une faon toute diffrente,
au moyen d'actions de bonne foi.

L'origine de ces actions est trs discute. La notion de fides,


qui est leur base, est elle-mme obscure. Certains .contrats verbis comme
la fide promissio contiennent un appel la fides et ont cependant toujours
t sanctionns par une action de droit strict. Pourquoi, dans d'autres
cas, le recours la fides aboutlt-il une sanction, diffrente ?

Les recherches rcentes sur la fides(Z) peuvent nous mettre sur


la voie d'une solution.

La fides a jou un rle important dans la vie publique et la vie


prive des Romains : le culte de la desse Fides passait pour avoir t In-
troduit par le roi Numa; les Romains se vantaient d'tre trs respectueux
de la fides et accusaient Grecs et Carthaginois d'tre des gens sans foi.

Les rapports internationaux taient, l'poque rpublicaine, sou-


vent placs sous la sauvegarde de la fides, qu'il s'agisse de traits Inter-
nationaux ou d'affaires entre particuliers : l'poque o le Droit Romain
tait inaccessible aux trangers, on donnait une certaine efficacit aux
oprations qu'ils concluaient, en y Insrant une Invocation Ja fides.

(1) Sur la formation du jus gentium, voir les tudes de FRZZA et de GROSSO
dans Mel. de VISSCHER 1949.1. (R.I.D.A. II) pp. 259 et 395, rsums dans
Iura I pp. 569 - 572.
(2) PIGANIOL : "Venire in fidem" dans Ml. de VISSCHER IV. 1950 p. 339 -
IMBERT : "Fides et nexum" Ml. ARANGIO-RUIZ 1952 p. 339.
25 .

Mais, comme l'a remarqu Piganiol, le recours \a"fides pouvait


recevoir deux interprtations bien diffrentes : l'une "gnreuse", l'autre
"atroce", comme on peut le constater si l'on examine les effets de la clau-
se venire in fidem, si frquente dans les traits internationaux de l'po-
que rpublicaine. "Venire in fidem populi Romani", cela signifie "s'en re-
mettre la fies du peuple romain", abandonner son destin au bon vouloir
de Rome. Le peuple qui se livrait ainsi pouvait tre trait de la faon
la plus cruelle, ou au contraire, bnficier de la protection de Rome : Ro-
me se comportait selon ce que lui dictait son respect de la fides, son sen-
timent de la justice Internationale.

M. imbert croit pouvoir tablir un lien entre les Ides de fides


et de fraus. La fraus c'est le tort caus autrui de faon Injuste, en
se comportant d'une faon que la morale reue rprouve : faire une fraus
celui qui s'est remis votre fides, c'est violer la fides.

Ces notions peuvent nous aider rsoudre le problme que nous


nous sommes pos. A l'poque o le Droit de Rome ne pouvait pas tre invo-
qu par les trangers, si ceux-ci faisaient une promesse, calque sur les
formes de la sponsio romaine, l'acte tait sans valeur au regard du Droit
Romain, mais s'ils y ajoutaient un appel la fides, la fides leur comman-
dait de se comporter comme il tait honnte de le faire en pareil cas :
c'est--dire de respecter strictement la parole donne, comme aurait t
bien oblig de le faire un Romain, dans le cas analogue d'une vraie spon-
sio. Quand on se dcida sanctionner juridiquement la promesse verbale
des prgrins, faite sous la sauvegarde de la fides, ce fut une action de
droit strict (celle qui existait dj dans le cas similaire de la sponsio
romaine) que l'on employa.

Par contre, pour les oprations du Jus gentium qui ne ressemblaient


aucun des contrats connus du jus civile, il en fut tout autrement. Sans
qu'on ait eu besoin d'invoquer solennellement la desse Fides, Il tait en-
tendu que les affaires avec les trangers taient conclues sous son gide;
les contractants se taisaient "confiance" : ils devaient se comporter comme
il convient entre honntes gens, selon les usages commerciaux de l'poque.
Rien de plus contraire la fides que le dol : tromper un partenaire qui
s'en remet votre fides, c'est vioIer la fides.

Les affaires de ce genre, conclues avec des prgrins, ont d'abord


fonctionn en marge du droit de Rome : iI ne pouvait tre question de les
sanctionner au moyen d'action en justice. En cas de contestation, on recou-
rait l'arbitrage (arbitrium) d'hommes de bien (boni viri). Ceux-ci statu-
aient en tenant compte de l'usage des honntes gens.

A une poque qu'il est difficile de prciser (soit aprs la loi


Aebutia, soit mme un peu avant (1), ces arbitriez se transformrent en v-

(1) Ds avant la loi Aebutia, le prteur, dans des cas de ce genre, a bien
organis des procdures de sa propre autorit (judicia imperio oontinen-
tia) au moyen d'une formule d'action. On ne voit pas comment le prteur
prgrin aurait pu faire autrement.
/:o

ritabl.es "actions". Dans ces nouvelles actions, le juge, comme le faisaient


autrefois ls boni viri, tenait compte de l'quit. Il y tait invit par
la clause ex fide bona que l magistrat insrait dans la formule d'action.
C'est ce qu'on appelle des "actions de bonne foi" : elles laissent au juge
un large pouvoir d'apprciation : le juge doit examiner ce qui est d en
bonne foi (ea; fide bona opportet), dterminer en quit l'tendue de l'obli-
gation.

Tous les contrats consensu - qui appartiennent au jus gentiion -


et la fiducie - qui se fait entre Romains - furent sanctions de cette fa-
on : ce sont des contrats de bonne foi.

La bonne foi rgit galement quantit de situations quasi-contrac-


tuel les : les actions tutelae, rei uxoviae, negotiorvan gestovum sont de
bonne foi.

Enfin l'honntet et l'quit furent prises en considration mme


dans les contrats de droit strict, soit par I'insertion frquente d'une
"clause de dol" dans le contrat, soit par le recours aux mesures prtorien-
nes contre le dol, actio doli et exaeptio doli, au temps de Cicron.

b) Le patrimoine du dbiteur
rpond de la dette :

Le. principe que " j e dbiteur rpond de la dette sur son corps"
ne fut jamais compltement abandonn, puisque l'excution sur la personne
se conserve, sous une forme adoucie, il est vraie - jusqu' 'T fin du Droit
Romain. Mais peu aprs l'introduction de la procdure formulaire l'excution
sur les biens, sous le nom de venditio bonovum* fut organise par le prteur :
elle devint ds la fin de la Rpublique le mode d'excution le plus usit,
parce que plus commode et plus efficace que l'emprisonnement du dbiteur.
Mais avec cette nouvelle procdure prtorienne, ce n'est plus la personne
mais le patrimoine entier du dbiteur qui, en dfinitive, rpond de la det-
te- .'.-.".

La venditio bonorum contenait en germe une Ide qui tait bien sus-
ceptible de bouleverser toute la conception romaine de l'obligation, si on
l'avait pousse jusqu' ses extrmes consquences. Les Romains ne l'ont pas
fait et nos lgislations modernes elles-mmes n'ont pas encore dduit de cet-
te conception nouvelle toutes les consquences qui devraient logiquement en
dcouler.

Lorsque la sanction glisse de la personne sur les biens, l'obliga-


tion prend le caractre.d'un droit patrimonial. Les jurisconsultes le recon-
naissaient d'ailleurs lorsqu'ils rangeaient les obligations parmi les "choses
qui sont dans le patrimoine", mais ils se sont bien gards d'aller plus loin.
. 27 .

En effet si l'obligation n'est autre chose qu'un lment du pa-


trimoine du crancier, consistant en un droit sur le patrimoine du dbiteur,
ce n'est plus un "lien" entre deux personnes; elle met en rapport deux pa-
trimoines. On devrait par consquent s'occuper fort peu de l'individuali-
t du crancier et du dbiteur. Cette chose patrimoniale qu'est l'obliga-
tion devrait pouvoir passer de main en main, comme les autres biens : on
devrait pouvoir changer facilement le sujet actif et le sujet passif de ce
rapport de droit qu'est l'obligation.

Or c'est une ide que les Romains, fidles leurs traditions,


n'ont jamais voulu admettre. A l'poque classique, quand sous la pression
imprieuse des besoins de la pratique, il fallut bien admettre la cession
de crances, les jurisconsultes ne consentirent l'introduire que sous le
dguisement de la procuratio in rem swm, tant il leur rpugnait de substi-
tuer dans le lien obligatoire une personne une autre. Et lorsque le Droit
Romain parvint au dernier stade de son volution, Justinien a trouv bon de
proclamer dans ses Institutes, que l'obi Iga.t|on tait un vnculum jwris : un
I ien personnel. >..

Les lgislations modernes bties sur le modle romain n'ont pas


encore russi s'affranchir compltement de cette conception : nous admet-
tons sans difficult la cession de crances, parce que nous l'avons trouve
dj tablie, par d'habiles dtours, chez les Romains. Par contre, le Droit
Franais ignore encore le transfert de dette, et n'admet qu'assez timidement
la validit de la stipulation pour autrui.

C'est pourquoi certains civilistes reprocheraient volontiers au


Droit Romain de nous avoir lgu, avec sa dfinition de l'obligation, des
scrupules qui ne peuvent qu'entraver le progrs du Droit moderne. A notre
sens, si les lgislations modernes s'avisaient de donner l'obligation un
caractre plus nettement patrimonial, elles ne renieraient pas en cela l'h-
ritage romain, mais paratraient bien plutt faire fructifier la semence lan-
ce par les prteurs qui, peu prs un sicle avant notre re, ont imagin
la venditio bonorum.

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J Paul COLL:^?:T y
A

h iiO
*<:--.
28

PREMIERE PARTIE

LES SOURCES DES OBLIGATIONS

LA.LASSmATiON.DE^OBUGA^

On entend par sources des obligations les actes juridiques ou,les


faits qui leur donnent naissance. La doctrine romaine a reconnu d'abord
deux, puis trois, enfin quatre catgories de. sources d'obligations.

1 ~ LA==LASSJsF^ATjsgN=BJ=PART!J:TE (Insttutes de GaTus)

CONTRATS ET DELITS

GaTus, dans ses Insttutes (111.88) place en tte de son tude


des obligations cette classification : "La classification la plus complte
{surrma divisio) des obligations les rpartt en deux catgories, car toute
obligation nat soit d'un contrat sct d'un dlit". Cette classification
des obligations d'aprs leurs sources fournit GaTus le plan de son ouvra-
ge : il s'occupe' d'abord des contrats (III. 89-181), puis des dlits (III.
182--225). Dans ses Insttutes, GaTus ne parat connatre que ces deux sortes
de sources. :

:
1/ Lf_SDtC|

En Droit Romain, ce mot a fini par avoir un sens trs prcis, as-
sez troit : un contrat n'est pas un acte juridique quelconque : c'est une
convention, faite dans les conditions ou les formes requises par le Droit
CivlI, en vue de donner naissance des obigatons.

2/ y||=dnt| :

Ce ne sont pas tous les faits Illicites, mais seulement les d-


IIts privs, qui peuvent tre considrs comme sources d'obligations. Ce
sont des infractions dont la loi romaine abandonnait la rpression l'Ini-
tiative de la victime. Celle-ci pouvait exiger du coupable une poena en
argent, fixe par la loi : ce droit au paiement d'une poena tait sanction-
n par des actions dites "pnales", qui s'intentaient devant les mmes auto-
29 .

rites et par les mmes moyens que les actions ordinaires entre particuliers,
en se servant de la procdure civile. Les dlits privs furent rangs parmi
les sources d'obligations : on pouvait en effet considrer que le dlit ren-
dait son auteur dbiteur d'une certaine poena en argent, envers la victime,
tandis que celle-ci tait titulaire d'un droit de crance, sanctionn par
la procdure inter privatos, comme toutes les crances.

APPARITION DE CETTE CLASSIFICATION

Cette classification, qui oppose les contrats aux dlits, n'a pas
t Invente par GaTus, mais en la reproduisant, il tint compte d'une doc-
trine nouvel le.

Les notions de deliatum et de eontractus ne semblent pas avoir


t prcises avant le 1er sfcl de notre re.

Le mot delictum n'a pu prendre le sens gnrique que lui donne


GaTus qu' partir de l'poque o les divers dlits privs ont commenc
tre rassembls par les jurisconsultes, pour constituer une catgorie juri-
dique : or l'ide de grouper les diffrents actes illicites, sanctionns par
une peine prive, apparat pour la premire fois dans l'oeuvre de Sabinus (1)

La notion de contrat parat encore plus rcente. Le verbe


semble avoir toujours conserv un sens trs large, et se dit de
tout acte ou fait volontaire, mme en matire de droits rels ou de dlits.
On trouvera chez les jurisconsultes les expressions : contrahere negotium,
delictum, servitutem. Les substantifs contraction et eontractus, tout au con-
traire, ont d'abord t pris dans un sens troit, pour designer des conven-
tions synallagmatques. Ainsi Labon (cit par Ulpien D. 50.16-19) opposait
l'action qui se fait re ou verbis (stipulation, mutuum) le contractum qui,
selon lui, n'est autre chose qu'une opration synallagmatique (vente, loua-
ge).

Le mot eontractus, qui devait finalement I'emporter sur contrac-


tum dans la terminologie juridique, apparat pour la premire fois vers 88
de notre re dans un texte de Quintilien {"Declamationes" 278). Le juris-
consulte Ariston, au dbut du 11 s., connat ce mot, mais il s'en sert (D.
2. 14.7.2) comme Labon faisait du mot contractum, propos d'oprations qui
Impliquent des prestations rciproques (synallagma). Par contre Pdius (ci-
t par Ulpien D, 2.14.1.3), remarque que tout "contrat" comporte une conven-
tion et, prenant comme exemple la stipulation, il montre que ce contrat, qui
se fait verbis, n'en implique pas moins un accord de volont. La stipula-
tion qui, pour Labon n'tait encore qu'un action verbis, oppos au contrac-

(1) DE VISSCHER : "Etudes de Droit Romain" 1931, p. 257.


30 .

tian, fait partie, au temps de Pdius, de la catgorie des "contrats". Ce


mot sert alors dsigner toutes les conventions reconnues par le Droit et
concIues en vue de faire natre des obligations.

Cette notion classique de contrat a fait son apparition dans la


premire moiti du 11 s. Avant cette poque, les jurisconsultes distin-
guaient quatre catgories d'obligations issues d'actes licites : obligations
re, verbis, litteris, oonsensu. GaTus donne toutes ces obiIgatons-l la
dnomination d'obligations contractuelles : il respecte le plan tradition-
nel, en y ajoutant toutefois la notion de contrat; il. tudie successivement
les contrats re, verbis, Htteris, oonsensu.

La distinction des obligations contractuelles et des obligations


dlictuelles, repose sur un critrium parfaitement exact :

Les deux catgories d'obligations s'opposent nettement : les unes


dcoulent d'une convention, les autres ne supposent aucun accord de vo-
lont.

2) Et si nous nous plaons au point de vue des effets des obligations, rien
de plus justifi que cette classification : les obligations dllctuel-
Ies, sanctionnes par des actions dites pnales ont un aspect trs par-
ticulier.

Mais cette classification est incomplte.

INSUFFISANCE
DE LA CLASSIFICATION BIPARTITE

Nombreuses taient, au temps mme de GaTus, les obligations qui


ne trouvaient pas se placer dans cette classification bipartite : l'obli-
gation de restituer l'Indu, l'obligation de restituer la dot, les obiIgatons
du tuteur bu du negotiorum gestor ne dcoulent ni d'un contrat ni d'un dlit.

N'est-II pas alors singulier que GaTus, dans ses Instltutes (III.
88), affirme que "toutes les obligations naissent d'un contrat ou d'un d-
lit", et nous prsente cette classification comme complte (surrma divisio) ?

Si l'on ne veut pas accuser GaTus d'une erreur assez grave, il faut
accepter l'explication propose par M. Van Oven (1) :

(1) VAN OVEN : Iura 1.1950 p. 21.


. 31

Le savant romaniste de Leyde soutient que GaTus donnait au mot


contractus un sens trs large, susceptible d'englober ce que nous appelons
les quasi-contrats. On peut faire remarquer que la notion de eantvntn&
n'tait pas trs ancienne et n'tait peut-tre pas encore fixe au temps
de GaTus; on peut ajouter qu'au surplus GaTus parle des oontfaotus sans d-
finir nulle part cette notion.

Il y a cependant un passage o GaTus semble indiquer ce qu'il en-


tend par contrat ... et ce n'est pas du tout ce que propose M. Van Oven.
En effet, au 111.91, GaTus, s'occupant des contrats re - aprs avoir parl
du mutwAm (qui est bien un contrat au sens prcis du mot), signale l'obli-
gation de restituer l'indu. Cette tude de la restitution de l'indu, dans
un dveloppement consacr aux contrats n'est videmment pas sa place. Ga-
Tus s'en aperoit et dit ceci : "Mais ce genre d'obiigation ne parat gure
dcouler d'un contrat, car l'intention de celui qui fait un paiement n'est
pas de contracter une affaire, mais bien plutt d'en terminer une".

En dclarant ainsi que l'obligation de restituer l'indu n'est pas


contractuelle, GaTus reconnat d'une part que sa classification bipartite
est insuffisante et d'autre part que son dveloppement sur l'indu n'est pas
sa place. M. Van Oven n'accepte pas cet aveu : iI prtend que cette phra-
se n'a pas t crite par GaTus, mais ajoute son texte, une poque o
la notion de contrat s'tait prcise. Mais l'hypothse d'une interpolation
me parat ici tout fait inadmissible, car nous retrouvons cette mme phra-
se rpte dans deux ditions absolument1distinctes des Institutes de GaTus :
dans le palimpseste de Vrone et dans le manuscrit que Justinen a recopi
pour rdiger le passage correspondant de ses Institutes (4.14.1).

Il faut bien nous rsoudre admettre ce contre quoi s'insurge M.


Van Oven : GaTus a rdig cette partie de ses Institutes avec une assez cou-
pable tourderie !

GaTus n'est pas un auteur original : il s'est Inspir de modles


anciens : il les a recopis, en y ajoutant une classification propose par
des auteurs plus rcents. GaTus ne s'est pas tout de suite aperu que cet-
te classification bipartite ne cadrait pas avec son vieux modle, et qu'au
surplus elle tait dj dpasse; il en est rsult certaines maladresses
et des lacunes.

C'est une maladresse que commet GaTus propos de l'indu, au III.


91. Le vieux modle, utilis par GaTus, datait d'une poque o la notion de
oontvaotus tait encore inconnue. Le vieil auteur n'avait prouv aucune
gne parler de l'indu ct du mutuum : M y avait l des "obiigtions"
dcoulant d'un action v& - des hypothses o l'on devait restituer parce
qu'on avait reu. GaTus a reproduit ces dveloppements, s'excusant d'ail-
leurs de faire figurer la restitution de l'indu parmi les contrats. GaTus
n'a pas eu le courage d'apporter son modle les modifications de plan que
la notion nouvelle de contrat rendait ncessaires.
32 .

Par ailleurs les Institutes de GaTus prsentent de graves lacunes


qui proviennent de l'insuffisance de la classification bipartite; dans son
tude des obligations, GaTus ne dit pas un mot des obligations que sanction-
nent les actions -tutelae, rei uxoriae, negotiorum gestorum (actions qu'il
connat bien pourtant, puisqu'il les cite au IV.62, quand il vient par-
ler de la procdure). Mais avec la sunrna divisio, Imprudemment adopte au
111.88, GaTus ne savait vraiment pas o caser l'tude de ces sortes d'obli-
gations.

2 - LA CLASSIFICATION TRIPARTITE tfes Cottidianae)

LES VARIAE CAUSARUM FIGURAE

SI l'on en croit un long fragment du Digeste, le mme GaTus aurait


propos une classification plus satisfaisante dans un autre de ses ouvrages,
les "Res ccttndianae", sorte de manuel lmentaire un peu plus long que ses
Institutes.

L'auteur constate d'abord que les obiigations ne naissent pas


toutes de contrats ou de dlits, mais encore d'autres sources, qu'il range
en bloc sous la dnomination vague de variae causarum figurae (D. 44.7-1)
"sources diverses" (1).

Puis (D.44.7-5) il rpartit les obligations qui dcoulent de ces


"sources varies" en deux groupes, d'aprs leurs effets.

Il fait remarquer que les unes sont sanctionnes par des actions
de bonne foi, les autres par des actions de droit strict, comparables
celles qui concernent les obiigations contractuelles : ce sont des hypoth-
ses dans lesquelles "on est tenu comme en vertu d'un contrat" ("quasi ex
aontvactu tenetur").

Dans d'autres cas, sans qu'il y ait dlit proprement parler, se


rencontrent des actions comparables aux actions pnales : ce sont des hypo-
thses dans lesquelles on est tenu comme en vertu d'un dlit : "quasi ex de-
lioto tenetuv".

Cl) Le sens du mot causa dans ce texte a t discut. ARANGIO RUZ (Ml.
Cornil, I p. 83) lui donne. lef sens de "procs" (comme on dit : plaider
une cause) et y voit une classification des actions. Le' sens de cause
efficiente (source de l'obligation) parat beaucoup plus vraisemblable
(cf. BETTI ; Arch. Giur. 1925 p. 267).
. 33 .

La question qui se pose est de savoir si cette doctrine a t pro-


fesse par GaTus ou si au contraire elle n'est pas l'oeuvre de quelque ju-
riste anonyme de la basse poque. Certains critiques modernes (Di Marzo,
B.i.D.R. 1948) (1) prtendent que les "Res Cottidianae" - qui portent d'ail-
leurs aussi au Digeste le nom (certainement de basse poque) %"Awea" ne
seraient qu'une dition tardive, revue et augmente, des Institutes de Ga-
Tus. Sans aller jusque l, on est bien oblig de convenir que les fragments
des "Res Cot&idianae" qui figurent au Digeste brillent par l'abondance des
Interpolations qu'on y peut dcouvrir (SCHULZ : "Hst" pp. 167 sq.).

Le long fragment relatif la classification des varias oausavum


figurae porte la marque de nombreuses retouches. Nanmoins l'Ide matres-
se nous parat bien tre de GaTus car on la trouve dj Indique - sommai-
rement il est vrai - dans ses Institutes. Au 111.91 II avait dj fait^
cette remarque : "la somme paye indment peut tre rclame par oondiatio
celui qui l'a reue, de la mme faon que s'il avait reu un prt" (pro-
inde ... ao si mutuum aeeepisset). Dans ce cas particulier, GaTus avait
donc dj song comparer les effets d'une obligation qui n'est ni contrac-
tuelle ni dlictuelle, ceux d'un contrat; dans ls "Res Cotttdianae" Il a
systmatis cette Ide. Mais le passage relatif aux quasi-dlits peut dif-
ficilement tre mis au compte de GaTus, comme nous le verrons en tudiant
cette catgorie, mal venue, d'obligations.

3 - LA CLASSIFICATION QUADRIPARTITE

JUSTINIEN RECONNAT
4 SOURCES D'OBLIGATIONS

Les rdacteurs des Institutes de Justnien ont utilis la classi-


fication propose par les "Res Cottidianae", mais en la dformant de la fa-
on la plus malencontreuse. Il est fort probable d'ailleurs qu'ils ont re-
copi une paraphrase compose au V s. sur les "Res Cottidianae".

Dans ses Institutes (rdigs en 533 alors que le Digeste tait


dj presque termin), Justnien distingue quatre sortes d'obligations (Inst.
Just. 3.13.2) : "Aut enim ex contractu sunt3 aut quasi ex contractu aut ex
maleficio aut quasi ex malefioio" : les obligations sont contractuelles, ou
quasi contractuelles, ou dlictuelles ou quasi dlictuelles.

(1) ARANGIO-RUIZ (Studi Bonfante I p. 493 et Inst. p. 294) pense que deux
paraphrases distinctes des Institutes de Gaus ont t composes la bas-
se poque : les "Res ccttCdianae" et les "Aurea"\ l'une proposait la clas-
sification tripartite (conserve au D. 44.7.1) l'autre la classification
quadripartite (adopte par les Inst. de Justinien).
. 34

Il s'agit bien ici d'une classification des obligations d'aprs


leurs sources. Pour Justinen, les- quasi ^contrats et tes quasi-fdl its sont
des sources d'obiigations : les termes qu'il emploie un peu plus loin (Inst.
3.27 pr) au sujet des quasi-contrats ne laissent aucun doute cet gard :
"Nous allons, dit-il, tudier maintenant les obligations qui naissent com-
me d'un contrat" (quae quasi ex aontraotu nasai. videntw?).

CRITIQUE
DE CETTE CLASSIFICATION

La classification ainsi prsente est, en bonne logique, tout


fait Inacceptable. L'auteur des "Res Ccfrtndiccnae" s'tait exprim d'une fa-
on raisonnable, en disant que le tuteur est "tenu" comme en vertu d'un con-
trat; par contre il est tout fait inexact de dire que l'obligation du tu-
teur "nat comme d'un contrat". . La comparaison, parfaitement lgitime quand
elle concerne les effets, devient fausse quand on veut la faire porter sur
Jes sources, sur le mode de formation de l'obligation. Il' est bien clair
que les obiigations quasi-contractuel les naissent de situations dans les-
quelles ne se rencontre pas l'ombre d'une convention : rien ici qui puisse
ressembler de loin ou de prs un contrat. On ne peut donner un sens la
notion de quasi-contrat qu'en prtendant que tout quasi-contrat repose sur
une convention tacite des parties. Justinen ne semble pas avoir song
cette explication : elle serait d'ailleurs pleine d'inconvnients car elle
introduirait en cette matire une fiction absolument contraire la ralit
et conduirait, notamment en ce qui concerne la capacit de s'obliger par
quasi-contrat, des solutions inexactes (1).

SON INFLUENCE
SUR LE DROIT MODERNE

La fcheuse classification des ob M gtions, invente par Justlnien,


a eu le plus grand succs1:; par l'intermdiaire de Pothier (qui a d'ailleurs
ajout une cinquime source, la loi) elle est passe dans notre Code Civil
(1370). Elle a fait l'objet des critiques les plus svres (2) : Planiol

() En Droit Romain:, les personnes incapables de s'obliger par contrat


taient-elles incapables de s'obliger par quasi-contrat ? Le pupille
n'est oblig que dans la mesure de son enrichissement en cas de gestion
d'affaire (D. 3.5 - 3.4- et 37); en cas de rception de l'indu, la ques-
tion tait discute (G. III.91). Mais les textes ne font pas la moindre
allusion ' une convention que le pupille aurait t incapable de faire,
mime tacitement.
(2) VIZIOZ : "La notion de quasi-contrat", th. Bordeaux 1912; Yvonne CHAS-
TAIGNE : "La notion de quasi-dlit", th. Bordeaux 1927 - Essai de r-
habilitation, d'ailleurs prudent, chez E. GAUDEMET : "Thorie gnrale
des obligations" 1937, p. 294.
. 35

et Ripert (Trait Elem. Il N 806 et sv.) n'admettent que deux sources d'o-
bligations : le contrat et la loi (les quasi-contrats, d'aprs ces auteurs,
se ramnent l'enrichissement injuste, lequel n'est qu'un cas de quasi-d-
lit; or les dlits et les quasi-dlits font natre des obligations lgales).
Demogue (Ml. Chironi I p. 105) a propos une lgante classification base
sur le rle de la volont : il distingue les obligations qui naissent d'un
concours de volont, celles qui proviennent d'un acte du dbiteur (dlit),
ou d'un acte du crancier (grant d'affaire); enfin celles qui naissent In-
dpendamment de la volont du crancier ou du dbiteur (enrichissement in-
volontaire, obligations alimentaires).

Beaucoup de lgislations modernes ont russi se dbarrasser des


notions de quasi-contrat et de quasi-dlit (Code allemand, code autrichien,
code portugais, code gyptien).

Pour notre tude des obligations d'aprs leurs sources, nous adop-
terons la classification que nous avons trouve dans les "Res Cottidianae"
contrats, dlits, sources varies. Deux titres seront consacrs l'tude
des contrats : les divers contrats, puis thorie gnrale des contrats.

TITRE PREMIER

=LiS=_DJ.FFER|NTES_=SgRTES=_DE=_gNTRATS=

Nous avons vu que la notion de contrat est apparue assez tard


(fin 1er ou dbut 11 s. de notre re). Pendant des sicles, les Romains
ont accompli des actes juridiques qui faisaient natre des obigtions sans
savoir que ces actes seraient un jour tous runis sous la dnomination com-
mune de contrat. Pour la commodit du langage, on parle souvent des contrats
l'poque ancienne ou sous la Rpublique : c'est un anachronisme. Les actes
juridiques dont on veut ainsi parler sont bien des conventions gnratrices
d'obligations et correspondent bien ce qu'on entend par contrats en Droit
Romain classique, mais ils n'taient pas encore reconnus comme tels.

Les contrats peuvent tre classs de bien des faons

1) Les textes distinguent souvent les contrats "propres aux citoyens romains"
et ceux du jus gentium, dont les prgrins peuvent valablement se servir
(GaTus II1.93).
36

2) Si nous considrons I'objet du contrat, nous pouvons opposer les contrats


dont l'objet est "certain" (certum), et ceux dont l'objet est Incertain
(incertum). Si l'objet est certain, sH le dbiteur doit dare rem cer-
tain, le juge, en cas de procs, jouit de pouvoirs d'apprciation trs li-
mits, en ce qui concerne "ce qui est d". M'en est autrement si l'objet
n'est pas dtermin avec une parfaite prcision dans le contrat.

3) Si nous classons les contrats en considrant leurs effets, nous voyons


qu'il y a des contrats unilatraux, des contrats synaMagmatiques par-
faits, des contrats synallagmatques imparfaits : cette terminologie
n'est d'ailleurs pas romaine.

a. Les contrats unilatraux :

Ils ne. font natre d'obligations qu' la charge d'une seule des
parties. Par exemple, dans la stipulation, celui qui stipule devient
crancier, celui qui promet devient dbiteur : chacune des parties
joue un rle distinct. Et si une contreprestation est envisage par
les parties, elle n'entre pas en ligne de compte et n'est pas indique
dans le contrat. On exprime cette ide en disant que les contrats
unilatraux sont "abstraits".

b. Les contrats synallagmatques parfaits :

Au contraire, Ils font natre des obligations rciproques entre


les parties. Ainsi du mme contrat, la vente, nat une obligation
la charge du vendeur (livrer la chose) et une obligation la charge
de l'acheteur (payer le prix). Chacune des parties est; en vertu du
mme-! contrat, crancire et dbitrice : la contreprestation, envisa-
ge pour chaque cbligation, fait partie du contrat.

c. Les contrats synallagmatques imparfaits :

Ils ne font natre en principe qu'une obligation la charge d'une


des parties, mais peuvent l'occasion en Imposer une l'autre partie.
Ainsi le dpt rend toujours le dpositaire dbiteur de la chose reue
en dpt - mais ce contrat peut l'occasion mettre aussi une obliga-
tion la charge du dposant; si par exemple le dpositaire a d expo-
ser des frais ou a subi un dommage du fait du dpt, le dposant lui
doit une indemnit. Dans le Droit de Justinlen, les contrats synallag-
matques Imparfaits sont sanctionns par deux actions : l'une dite di~
recta, I'autre contraria.
. 37 .

4) On peut aussi classer les contrats d'aprs le genre d'actions qui les
sanctionnent : contrats de droit strict (sanctionns par des actions de
droit strict) et contrats de bonne foi (sanctionns par des actions de
bonne foi).

5) La classification la plus importante des contrats est celle qui tient


compte de leur mode de formation. Cette classification, qui occupe une
si grande place dans les ouvrages des jurisconsultes et qui fournit
GaTus le plan de l'tude des contrats, repose sur un principe fondamental
du Droit Romain : II ne suffit pas pour faire un contrat que deux person-
nes se mettent d'accord.

INEFFICACITE DU PACTE NU

En Droit moderne, "les conventions lgalement formes tiennent


lieu de loi ceux qui les ont faites" (113 CC) : les particuliers peuvent
Imaginer les combinaisons les plus varies.

En Droit Romain, il ne suffit pas d'tre d'accord pour obtenir


des effets sanctionns par le Droit. La simple convention porte un nom :
cela s'appelle un pacte : pactum. Le simple pacte ne suffit pas pour trans-
frer la proprit : iI ne suffit pas non plus pour faire natre une obliga-
tion.

C'est un principe que les jurisconsultes rptent satit et


que Justinien a conserv dans son Digeste : "ex paoto >actionem non auvivi",
"ruda paatio aotionem non parit" (D. 2.14 - 7.5; 19.5 - 15): d'un pacte ne
nat aucune action, le pacte n'engendre pas d'action. Les pactes ne bn-
ficient pas d'une sanction juridique sous forme d'action en justice.

Pour qu'une convention fasse natre des obligations, pour qu'elle


ne soit pas un "pacte nu", et soit rige la dignit de "contrat" muni
d'actions, il faut que l'accord de volont s'accompagne d'un lment sup-
plmentaire. Ce peut tre une formalit orale ou crite prvue par le Droit
et l'on distingue ainsi les contrats vevbis et les contrats littevis, qui
sont des contrats solennels. Dans certaines hypothses, le contrat se for-
me du fait qu'une chose a t remise entre les mains du dbiteur, qui s'en-
gage la restituer : le contrat est alors ce qu'on appelle un contrat re.

Enfin, titre tout fait exceptionnel, pour quatre oprations


bien dtermines (vente, louage, socit, mandat) il fut admis que l'accord
dnu de forme suffirait. Ce sont des contrats aonsensu, qui se forment par
la seule vertu du consentement des parties.
. 38

Il rsulte de ceci que les contrats sont en Droit Romain en nom-


bre limit et se classent en quatre catgories : contrats vevbis, contrats
litteris, contrats ve, contrats eonsensu. C'est d'aprs ce plan que GaTus
et Justinien les tudient.

Il y a lieu de runir les contrats verbis et les contrats litte-


vis, car ils prsentent ce caractre commun d'tre des contrats formels ou
solennels.

Par ailleurs certains pactes ont fini par tre sanctionns et


la thorie des pactes se rattachent les contrats innomms.

Nous tudierons donc successivement en cinq chapitres : les con-


trats solennels, les contrats ve, les contrats aonsensu, les pactes, les
contrats Innomms.

CHAPITRE PREMIER : LES CONTRATS SOLENNELS

Dans ces sortes de contrats, l'accord des parties ne produit d'ef-


fets que si certaines formalits sont accomplies : ce peuvent tre des for-
malits orales, la prononciation de certaines paroles dans un certain ordre;
ce peuvent tre aussi des formalits crites : dans te premier cas, Il s'a-
git de contrats par paroles, verbis, dans le second, de contrats par cri-
tures, littevis.

PRINCIPES GENERAUX

1/ Ce sont des actes abstraits

Ils ne correspondent pas une opration concrte dtermine,


mais peuvent tre utiliss pour faire natre une obligation dans les
circonstances les plus varies : pour raliser un prt, tout aussi bien
qu'une donation ou mme pour oprer novaton. Ce sont*des procds ab-
straits, des formes contractuelles; ce sont des "moules contrats",
des formalits qui permettent de valider les conventions les plus va-
ries.
. 39

2/ es_gn+ra+s_son+_yn|J_atrayx

Ils sont combins de telle sorte que chacune des parties y joue
un rle bien dtermin : l'un y figure comme crancier, i'autre comme
dbiteur. Ce sont des "corps simples" : Il n'en dcoule pas d'obliga-
tions rciproques. Si le dbiteur compte obtenir une contreprestatlon
en change du sacrifice qu'il consent, elle ne figure pas dans le con-
trat et n'a, en principe, aucune influence sur sa validit.

3/ Qes_contrats_sont_de_droj[t_str|t :

Ils sont tous sanctionns par des actions de droit strict : oon-
diotio aertae pecuniae, oondiatio oertae rei, action ex stipulatu (pour
la stipulation d'un inaertum). Dans ces sortes de contrats, l'obliga-
tion rsulte des formalits employes : le sens et les consquences de
ces formalits sont dfinis l'avance par le Droit Civil. En cas de
contestation, le juge n'exerce que des pouvoirs limits : son rle se
borne constater que les formalits ont t rgulirement remplies et
a en tirer les consquences que la loi y attache.

RAISON D'ETRE DU FORMALISME

Nous sommes habitus de nos jours reconnatre la pi us complte


efficacit aux simples conventions des particuliers : aussi sommes-nous ten-
ts de trouver bien singulier le principe du vieux Droit Romain selon lequel
les parties ne parviennent faire un contrat valable qu'en accomplissant
certaines formalits. Tout d'abord ce devait tre trs Incommode. C'tait
de plus la porte ouverte toutes sortes d'injustices : si les rites n'talent
pas scrupuleusement respects, le contrat tait nul pour vice de forme et le
dbiteur ne devait rien. Par contre, si le contrat avait t fait en bonne
et due forme, mais dans des conditions iniques, si par exemple le dbiteur
avait t victime de manoeuvres dolosives, ou s'il avait espr obtenir une
contreprestation qui ne se ralisait pas, le contrat n'en tait pas moins
valable et le dbiteur demeurait tenu strictement de remplir ses engagements.

Le formalisme s'est d'abord impos aux Romains comme une ncessi-


t; lorsque le Droit a commenc se dgager de la religton, il ne parvint
pas tout de suite se librer de cette ide qu'il fallait accomplir des
rites pour obtenir des effets juridiques. Puis lorsque les Romains parvin-
rent un degr de civilisation o II leur devenait parfaitement possible
de se dbarrasser du formalisme - une poque o d'ailleurs nous les voyons
crer des contrats dnus de solennits et mme purement consensuels - nous
constatons qu'ils ont non seulement conserv les contrats verbis dj connus
mais imagin de nouvelles formalits : les contrats litteris.
. 40 .

C'est que le formalisme prsente de grands avantages : les so-


lennits rendent l'acte facile prouver, prcisent le moment o II a t
conclu, ne laissent aucun doute sur les effets qu'on en attend. Un dbi-
teur tenu en vertu d'un contrat solennel peut difficilement. trouver une chap-
patoire. Or dans la pratique des affaires, I est extrmement prcieux de
savoir que les engagements pris seront indiscutables.

Ces raisons - qui de nos jours sont encore valables - talent


Rome encore plus pertinentes. Nous pouvons actuellement nous passer de
formalits parce que nous possdons un ensemble de lois trs complet. Par
ailleurs, la justice est rendue par des magistrats de carrire, habitus
interprter les multiples contrats que peuvent imaginer les particuliers.
A Rome, Il fallut attendre le dveloppement de la jurisprudence pour avoir
un ensemble assez complet de rgles juridiques : de plus la justice pendant
longtemps fut rendue avec le concours de magistrats lus, plus hommes poli-
tiques que juristes - et par des judices qui taient de simples citoyens.
Dans de telles conditions il tait prudent de n'attacher de sanction juri-
dique qu'aux conventions conclues dans des formes connues, sur le sens des-
quelles aucun doute n'tait possible. Les particuliers se trouvaient ainsi
mieux dfendus contre l'arbitraire ou l'Ignorance des magistrats et des ju-
ges.

SECTION I : LES CONTRATS VERBIS

1 - LES DIFFERENTS TYPES DE STIPULATIONS ET LEUR ORIGINE

... Ce qui. caractrise la stipulation, c'est qu'elle est essentielle-


ment un dialogue. Celui qui dsire devenir crancier stipule : Il pose une
question en employant certains mots, par exemple "promtttes ne. oentum" =
"me promets-tu cent". On l'appelle reus stipulandi - le stipulant. Celui
qui consent s'engager promet : il rpond la question, en termes afflr-
mati.fs, en rptant Tes mots que le stipulant a dj prononcs : la ques-
tion "prcmittesne oentum", Il rpond : "pvomitto oentum" - "je te promets
cent". On l'appel le reus promittendi, le promettant.

Mais selon le verbe dont il est fait usage, la stipulation prend


des noms particuliers : on distingue ainsi la sponso, la stipulation pro-
prement dite, la fidepromissio, la f-dejussio. Toutes ces varits ne sont
pas apparues ensemble; nous allons, en les tudiant, faire l'histoire de la
stipulation.
41

A/ LA SPONSIO

La sponsio se caractrise par l'emploi du verbe spondere; c'est


la plus ancienne de toutes les formes de stipulations : la Loi des XII Ta-
bles en avait expressment reconnu la validit, en la sanctionnant au moyen
de la judicispostulatio (GaTus IV.17 a).

SES ORIGINES

Sur l'origine de la sponsio, on ne peut gure proposer que des


hypothses plus ou moins vraisemblables.

a) On a soutenu que primitivement la sponsio servait crer un engagement


(.Haftung) la charge d'une sorte de garant, appel sponsor, qui rpon-
dait de la dette (Sohuld) d'autru (1). Cette doctrine est base prin-
cipalement sur le fait qu' l'poque classique, le mot sponsor est emplo-
y, non pas pour dsigner tout individu qui s'oblige par sponsio, mais
uniquement la caution, qui par une sponsio, garantit la dette d'autru.
On prtend qu' l'origine quiconque s'engageait par sponsio tait spon-
sor, c'est--dire garant. Puis on aurait permis au dbiteur de s'obliger
lui-mme par sponsio, mais on n'osa pas l'appeler sponsor, parce que ce
mot avait tonserv son sens de "garant".

Cet argument terminologique est sans valeur : II ne pourrait faire


Impression que si l'on avait la certitude que le mot sponsor est trs an-
cien dans la langue latine. Or il semble. bien que dans le vieux latin,
celui qui faisait une sponsio ne s'appelait, pas sponsor, mais sponsus
(Varron L.L. 6.69).

b) H convient galement d'carter l'hypothse de Savigny qui ne trouve plus


gure de partisans : d'aprs Savigny, la sponsio proviendrait d'une dgra-
dation des formes du nexum; elle serait un nexum dpouill de; ses formali-
ts per aes et libram et rduit la nunoupatio.

Cette hypothse est insoutenable, car on ne voit pas comment du mo-


nologue qu'est la nimaupatio aurait pu sortir le dialogue qu'est la spon-
sio. Cette hypothse a surtout le tort de faire apparatre la sponsio
beaucoup trop tard, l'poque o le nexum tombe en dcadence, donc aprs

(1) Doctrine de MITTEIS, dveloppe par CORNIL (Ancien Droit Romain p. 93) :
d'aprs ces auteurs, en Droit ancien, le dbiteur, en offrant son cr-
ancier un garant appel sponsor, se librait compltement, et. le sponsor
seul restait oblig.
. 42 .

la loi Poetelia Papiria : or depuis la dcouverte des nouveaux fragments


de GaTus on sait que la sponsio existait dj au temps de la loi des XII
Tables.

c) Le rapprochement qu'on peut faire entre le mot latin sponsio et le mot


grec sppnd avait dj Incit Girard attribuer une origine religieuse
la sponsio : (en Grec, spond signifie "libations" : le pluriel spon-
dai tait employ pouf dsinger particulirement les libations faites
l'occasion d'un trait International, et de l, les traits -eux-mmes).
Cette hypothse a t soutenue avec beaucoup de force par M. Magdelain
(thse Paris 1943). Avant de devenir un contrat verbis du jus civile,
la sponsio a d'abord t une crmonie religieuse compose d'un sacrifi-
ce aux dieux et d'un serment. Celui qui s'engageait par sponsio accom-
plissait des rites qui attiraient sur lui ia colre des dieux s'il ne te-
nait pas parole. M. Magdelain pense mme que celui qui violait la spon-
siodevenait homo sacer, un maudit, que l'on pouvait tuer impunment et
qui risquait d'tre lynch.

Selon M. Magdelain, c'est la loi des XII Tables qui, tout en fai-
sant disparatre le systme de la sacralt, aurait faTcis la sponsio
pour en faire un acte du jus civile, sanctionn par une legis actio.

.L'hypothse d'une origine religieuse de la sponsio trouve un ap-


pui solide dans le fait qu'aprs les XII Tables, l'change solennel des
paroles s'accompagnait encore dans certains cas, de crmonies religleu-
i ses. Ainsi en tait-Il de la sponsio du droit international.. Les trai-
ts internationaux (de paix, d'alliance) pouvaient prendre soit la forme
d'un foedus (avec Intervention de prtres spciaux, les fciaux) - soit
d'une sponsio. Aprs la dfaite des Fourches Caudlnes (433 U.C.) c'est
une sponsio que les consuls passrent avec les chefs Samnltes : cette
sponsio fut accompagne de sacrifices et de serments.

La sponsio du droit priv avait t compltement laTctse; cepen-


dant celle qui servait faire les fianailles (.sponsalia) tait encore
entoure de crmonies religieuses ( " i n t e r p o s i t i s rbus divinis" selon
Festus).

SES DESTINEES

Si nous laissons de ct ces applications assez spciales de la


sponsio, elle n'est l'poque historique, pas autre chose qu'un contrat
verbis, qui se fait en employant le verbe spondere : "Spondesne - spondeo" =
"T'engages-tu ? - Je m'engage". Au temps de GaTus, la sponsio tait encore
trs uslte. MaIs Gaus nous fait savoIr que la' sponsio n'ta11 possIbIe
qu'entre Romains (111.93): si un prgrin se servait du mot spondere pour
stipuler ou pour promettre, l'acte tait radicalement nul. La sponsio est
un acte du droit quiritaire; cependant la sponsio du droit international se
43

fait avec les trangers, puisqu'il s'agit l d'un trait entre Rome et une
puissance trangre; mais comme le remarque finement GaTus, ce n'est pas une
exception la rgle, car la sponsio du droit international et la sponsio
ordinaire appartiennent deux catgories juridiques diffrentes, comme ce-
la ressort de leurs sanctions : celle-ci est sanctionne par une action en
justice, tandis que celle-l n'a d'autre sanction que la guerre {jure bel-
le res vindicatur : G. III.94).

La sponsio occupait une place Importante dans le droit priv des


Romains. Toutes sortes de conventions en vue de faire natre des obliga-
tions entre citoyens pouvaient recevoir une complte validit grce ce
procd. La sponsio jouait par ailleurs un rle dans la procdure civile
(procdure per sponsionem, dj en usage au temps des actions de la loi, se
rencontre encore l'poque classique en matire d'interdits). Les nombreu-
ses stipulations prtoriennes, prvues dans l'dit, se faisaient entre ci-
toyens par sponsio.

Enfin, en matire de cautionement, la sponsio a jou un rle Im-


portant. Ne pouvaient tre garantis par des sponsores que les dettes rsul-
tant d'un contrat verbis, et encore fallait-il que le crancier, le dbiteur
principal et les cautions fussent tous citoyens romains.

Cette forme de cautionnement prsente cette particularit que


l'obligation du sponsor est strictement personnelle, Intransmissible passi-
vement : les hritiers du sponsor ne sont pas tenus. Il est diffici le de
savoir si cette intransmissibilit est une rgle particulire la matire
du cautionnement par sponsio, ou si au contraire elle ne concernait pas
primitivement toutes les obligations provenant d'une sponsio.

Lorsque le droit de cit fut accord tous les habitants de l'em-


pire, Il ne semble pas que les nouveaux citoyens aient profit de cette me-
sure pour employer la sponsio, qui leur tait autrefois Interdite. Par con-
tre, les descendants des citoyens de vie!I le souche cessrent d'utiliser
cette forme de contrat lorsque son emploi cessa d'tre pour eux un privi-
lge; la sponsio tomba en dsutude la basse-poque. Il n'en est plus
question dans la complation de Justinien, du moins de faon visible; nom-
breux sont au Digeste les textes qui concernent en ralit la sponsi mais
qui par interpolation, ont t mis au compte de la fidejussio, autre mode
de cautionnement dont nous parlerons plus loin.

B/ LA STIPULATION
PROPREMENT DITE

Lorsque les relations avec les trangers devinrent frquentes, il


devint ncessaire d'tablir un contrat verbis dans lequel il leur fut permis
de figurer : on se servit du procd dont la sponsio fournissait le modle,
mais en prenant soin de ne pas employer le verbe spondere.
44 .

Un nouveau contrat fut cr : on le plaa sous le patronage de la


Fides, la desse des relations internationales : c'est la fidepromissio qui
se fait dans les termes "fide tua promittesne" ' = "promets-tu sous ta fol".
On se dispensa ensuite d'ajouter cette invocation la fides et I'on vit
apparatre la stipulation proprement dite qui s'est d'abord faite dans la
forme

Le mot "stipulation" est souvent employ dans un sens large pour


dsigner les diffrentes sortes de contrats verbis qui se font par dialogue;
ainsi Gaus (IV.17 bis) dans un passage o il est question d'une sponsio
n'hsite pas dire "quod ex stipulatione petitur". Mais au sens troit, la
stipulation c'est le contrat verbis du jus gentium, accessi.ble aux prgrins
et qui se fait dans la forme "promittesne -promitto". <

L'existence de ce genre de stipulation est attest par un document


de 186 av. J.C. : S.C. des Bacchanales, qui distingue le fait de oonspondis-
se et de aompronrisisse. Elle tait cette date peut-tre en usage depuis
dj longtemps.

Les mots stipulari, promittere veilient l'ide de crmonies qui


ont pu faire primitivement de la stipulation un acte plus compliqu. On
peut songer, avec l'tymologie stips (= monnaie), des arrhes que le dbi-
teur pro-mittebat, mettait devant lui. A moins que promittere ne doive
s'entendre dans le sens de promittere dextram .*= avancer la main droite;
ce qui ferait alors penser une formalit du genre de la paume et qui,
Rome, pourrait avoir un: rapport troit avec la fides. Mais aucun tmoigna-
ge ne permet de vrifier ces hypothses bases uniquement sur l'tymologie.

C/ FORMES UTILISEES
EN MATIERE DE CAUTIONNEMENT

Nous avons vu que la sponsio pouvait servir engager des cautions


appeles sponsoresmas cette forme de cautionnement n'tait possible qu'en-
tre citoyens romains. D'autres procds - du jus cfentium ceux-l - furent
admis : d'abord la fidepromissio puis la fidejussio. Dans, le droit de Jus-
tlnien, de toutes ces varits de cautionnement verbis la fidejussio seule
avait survcu.

D/ CLAUSES
QUI MODIFIENT LA STIPULATION

La phrase qui constitue le contrat verbis peut tre rduite sa


plus, simple expression : el le peut se composer simplement d'un, verbe (spon-
deo, promitto, fidepromitto, etc.) qui exprime le consentement, et d'un com-
plment idccre pecuniam, dari servum) qui Indique l'objet de l'obligation et
dtermine ce qui sera d par le promettant.
. 45

Mais des modalits peuvent tre insres dans la stipulation. Ce


contrat solennel tait beaucoup plus souple que les autres actes formalis-
tes : le cens et la vindicta en matire d'affranchissement, la mancpation
et \Hn jure aessio en matire de transfert de droits rels ou de puissance,
ne pouvaient produire que des effets Immdiats. Il tait au contraire per-
mis de retarder l'excution de la dette, ou mme de subordonner son existen-
ce l'arrive d'un vnement, en insrant dans les paroles de la stipula-
tion un terme ou une condition (1).

On ne devait en principe stipuler qu'une seule chose la fois.


Mais on pouvait ajouter dans toute stipulation une olausula doli, aux ter-
mes de laquelle le dbiteur promettait de s'abstenir de tout dol dans l'ex-
cution de ses engagements. Cette clause accessoire prsentait un grand in-
trt pratique. La stipulation est en effet un contrat de droit strict; si
la promesse faite est excute au pied de la lettre, le crancier n'a pas
se plaindre, mme si le dbiteur a russi par des procds doloslfs lui
causer un grave prjudice. Il en est tout autrement si le contrat contient
la clause de dol : le promettant est alors tenu de s'abstenir de tout dol
et II est strictement responsable de tout prjudice caus au crancier par
ses agissements malhonntes ou malintentionns : par la clause de dol, il
s'est en effet strictement engag ne commettre aucun dol.

Le jus civile assurait le respect de ces modalits et de ces clau-


ses; si le crancier agissait en justice avant le terme convenu. Il commet-
tait une plus petitio. Si le contrat contenait la clause de dol, l'action
mme du contrat {actio ex stipulatu) sanctionnait la promesse de s'abstenir
de tout dol.

2 - LE FORMALISME DE LA STIPULATION ET SA DEGRADATION

Les diffrentes varits de stipulations sont, toutes soumises


des rgles de formes qui leur sont communes. Les exigences de ce formalis-
me, trs rigoureuses l'origine, se sont attnues au cours des sicles :
dans le droit de Justinien, elles se rduisent, somme toute, assez peu de
chose.

A/ LES PRINCIPES ANCIENS

Si nous examinons le formalisme de la stipulation au point de d-


part de son volution, il se caractrise de la faon suivante :

(1) La stipulation conditionnelle a t employe d'assez bonne heure : la pro-


messe de restituer la dot en cas de dissolution du mariage (cautio rei
usoriae) est conditionnelle : elle tait en usage au 11 s. av. J.C. (AU-
LU GELLE 4.3).
. 46 .

a) La stipulation est un acte oral :


C'est pourquoi les sourds et les muets ne peuvent devenir ni cr-
anciers ni dbiteurs par stipulation.

b) C'est un acte solennel


Pour exprimer leur accord, les parties doivent se servir de cer-
tains mots, de certains verbes - ceux auxquels le droit civil reconnat
la vertu de crer des obligations (les verbes spondere, fidspvmritt&vea
promittere).

c) C'est un dialogue :
Un contrat par demande et rponse. La partie qui dsire devenir
crancire parle la premire : elle prend l'initiative du contrat, en
choisit les termes. Aussi, en cas de doute sur ie sens les termes em-
ploys, on doit prfrer l'Interprtation la plus favorable au dbiteur;
il appartenait au crancier de s'exprimer plus clairement.

d) Principe de la concordance (.aongruentia.) :


Celui qui Gonsent devenir dbiteur rpond : primitivement les
Romains, avec une logique un peu lourde, exigeaient que la rponse corres-
pondt point par point la question pose, il fallait non seulement une
concordance de fond (promettre l'objet mme qu'avait stipul le crancier),
mais encore une concordance de forme (promettre en rptant exactement les
mots dont s'tait servi le stipulant). Cette concordance verbale parais-
sait tre le plus sr moyen de manifester l'accord des parties.
e) Le aontinuuB aatus :
La rponse devait suivre immdiatement la question; la stipulation
est un acte solennel dont toutes les formalits doivent tre accomplies
sans interruption, "uno conteetu" (d'un seul trait); c'est un aontinuus
aatus. Ce principe a pour consquence de rendre la stipulation impossi-
ble entre absents : elle exige la prsence des deux parties. Elle ne
peut se faire en envoyant au loin la question ou la rponse par l'Inter-
mdiaire d'un messager, ou dans une lettre.

f) La stipulation ne peut pas se faire par l'intermdiaire


d'un mandataire ;
Aucune reprsentation ne peut tre admise. En effet les verba ren-
dent cranciers ou dbiteurs ceux qui les ont prononces, et l'on ne peut
ni stipuler ni promettre pour autrui.
. 47 .

B/ JURISPRUDENCE CLASSIQUE

L'emploi trs frquent de ce contrat devait fatalement provoquer


une simplification de ses formes. On peut noter cependant que la jurispru-
dence classique en respectait encore les principes essentiels. Sans doute
une certaine reprsentation tait admise : le chef de famille profitait des
stipulations dans lesquelles ses fils ou ses esclaves avaient jou le rle
de cranciers; mais ce n'tait l que l'application d'une rgle gnrale in-
troduite assez tt en Droit Romain : ies fils et les esclaves peuvent ren-
dre meilleure la condition de leur patev en empruntant sa personnalit.

La jurisprudence classique ne ft gure flchir ie formalisme de


la stipulation que sur un point : l'emploi des termes consacrs par le jus
civile cessa d'tre exig. GaTus est dj d'avis qu'il n'est pas indispen-
sable de prononcer les mots spondesne ou promittesne pour faire une stipu-
lation valable : elle peut se faire dans la forme "dabis-dabo" ou "faoies-
faoiam". Il admet mme que les parties s'expriment en langue grecque (Ga-
Tus Il 1.93).

Ulpien va plus loin (D. 45.1.186) : de son temps on mettait enco-


re en doute la validit d'.une stipulation faite dans une autre langue que
le Latin ou le Grec, mais il est d'avis qu'il n'est pas Indispensable que
les parties s'expriment toutes deux dans la mme langue; l'une peut stipu-
ler en Latin, l'autre rpondre en Grec et vice-versa : Il suffit qu'elles
se comprennent ou se fassent comprendre par l'Intermdiaire d'un interprte.

Cette solution indique que la concordance verbale n'est plus exi-


ge et c'est bien ce qu'affirme Ulpien (h.t. 136) : "Si l'objet du contrat
peut tre dsign par des mots diffrents, la stipulation n'est pas nulle
du fait que les parties se sont servies de termes diffrents". Par contre
la jurisprudence classique maintient fermement le principe de la concordan-
ce de fond : si l'un stipule une chose et I'autre en promet une autre, il
est manifeste que les parties ne sont pas parvenues se mettre d'accord :
il n'y a pas de contrat : GaTus 111.102 : "Si je stipule de toi 10 et si tu
me promets 5, la stipulation est nulle".

On tait par consquent parvenu ds l'poque classique dbarras-


ser la stipulation de ce qu'il y avait de plus troit dans son formalisme;
il n'tait plus indispensable d'employer des termes solennels, ni de respec-
ter une parfaite concordance verbale entre la demande -et la rponse. Cette
solution reut sa conscration officiel le beaucoup plus tard, dans une cons-
titution de Lon le Philosophe en 472 (C. 8.37 (38) - 10) : "Les stipula-
tions, quoique non conues en termes solennels et directs, sont nanmoins
valables, pourvu qu'elles expriment le consentement des parties". Cette
constitution concerne, comme nous te verrons, des stipulations qui ne sont
plus orales, mais crites.

La compilation de Justinien attribue aux jurisconsultes classiques


quelques solutions plus hardies : mais il est douteux qu'ils en soient les
auteurs.
. 48 .

- Un texte du Digeste (45.1-11) permet aux parties de laisser


s'couler un certain laps de temps entre la demande et la rponse; mais
cette entorse au principe.du continuas aatus..est-el le bien d'UlpMen ? "Ce
fragment (h. 2) fait dire au mme Ulpien qu'il y a une stipulation vala-
ble si, la question du crancier "dabis ?", le dbiteur rpond "quidni ?"
(pourquoi pas). En s'exprimant ainsi, le dbiteur non seulement ne respec-
te pas la concordance verbale, mais fait une rponse qui n'est pas nettement
affirmative : Il est peu vraisemblable qu'un jurisconsulte classique ait pu
la considrer comme une vraie promesse.

- Envisageant (au 4) le cas o le crancier ayant stipul 20, le


dbiteur rpond en promettant 10, Ulpien dclare (d'aprs le Digeste) que la
stipulation vaut pour 10. il est vident qu'Ulpien n'a pas dit cela : II ne
pouvait que constater la nullit d'une telle stipulation, comme le fait Ga-
Tus dans ses Institutes (111.102).

Ces solutions ont t glisses dans les textes classiques, soit


par des commentateurs de basse-poque, soit par les compilateurs.

A l'poque de Justinlen, des modifications beaucoup plus graves


ont t apportes au formalisme de la stipulation : elles sont I'aboutisse-
ment de toute une volution provoque par la pratique de la stipulation
crite.

C/ LA STIPULATION ECRITE

Il faut toujours distinguer avec soin la forme du contrat et la


preuve du contrat : en Droit Romain, les formalits qui servent faire na-
tre l'obligation n'ont gnralement rien.de commun avec celles que le cran-
cier, s'il est prudent, ne manquera pas de remplir, pour se mnager la preu-
ve du contrat.

La cautio

Ainsi, en matire de stipulation, on peut remarquer que la prsen-


ce de tmoins n'est nullement exige pour que ce contrat soit valable :
deux Individus changent entre eux, dans le plus grand secret, les paro-
les de la stipulation,.: cela suffit, le contrat se forme. Mais d'un tel
contrat, Il est craindre que le crancier ne puisse tirer aucun avanta-
ge : quand il voudra le faire excuter, le dbiteur pourra facilement lui
rpondre : "Vous prtendez que je me suis engag envers vous par stipula-
tion; eh bien, prouvez-le !".
49

Ordinairement le crancier ne manquait pas de prendre ses prcau-


tions pour s'assurer une preuve du contrat. Les Romains ont connu deux
sortes de preuves : la preuve par tmoins, et la preuve par crit. Pour
prouver l'existence de la stipulation, le procd le plus commode consis-
tait remplir les formalits orales du contrat en prsence de tmoins,
puis rdiger un crit qui constatait que la stipulation avait t fai-
te. Les tmoins apposaient leurs cachets sur ce document pour en garan-
tir la sincrit. Cet crit, appel oautio tait remis au crancier;
c'tait le titre qui lui permettait de prouver, le cas chant, l'exis-
tence du contrat.

Ce mode de preuve devint vite usuel : Cicron range la stipulation


parmi les actes qui, son poque, "donnent lieu un crit".

Des documents de la pratique des 1 et 11 s. de notre re permet-


tent de se faire une Ide assez prcise de ce qu'tait une stipulation
crite : ainsi un acte de 162 (FIRA N 123) dclare : "Anduenna a stipu-
l qu'II serait vers 140 deniers et les intrts ... etc., ce que Ju-
lius Alexander a promis". Dans les actes de vente, on trouve une stipu-
lation particulire concernant les vices et l'viction : I'acheteur sti-
pule, le vendeur promet que la chose vendue est exempte de vices et qu'u-
ne Indemnit sera paye l'acheteur si une viction se produit. Ces
critures font apparatre le dialogue : l'une des parties a stipul, l'au-
tre a promis et l'objet de la stipulation est parfaitement prcis. Les
parties ont-elles rellement prononc les paroles de la -stipulation ?
C'est douteux.

Vers la fin de I'poque classique, les scribes ont souvent trou-


v inutile de mentionner dans leurs critures la question pose (ou cen-
se pose) par le crancier et se contentaient d'indiquer que le dbi-
teur avait promis. Paul va mme jusqu' admettre que l'existence d'une
stipulation peut rsulter d'une simple lettre missive par laquelle le d-
biteur reconnat qu'il a promis, condition que les parties aient t
prsentes au moment o le dialogue est cens, avoir lieu (1). Le mme
Paul dans ses Sentences (5.7.2.) est d'avis que si l'crit indique que
le dbiteur "a promis", on doit prsumer qu'il a rpondu une question
pose par le crancier. L'crit, mentionnant la promesse du dbiteur,
jouit d'une prsomption de vrit et suffit pour tablir la preuve qu'une
stipulation a t faite.

La stipulation, formalit orale l'origine, est dvenue une forma-


lit crite, qui consiste indiquer dans I'acte crit que le dbiteur
"promisit". Encore cette formalit fut-elle assoupie par la constitu-
tion de Lon de 472 (C.J. 8.37.10) qui autorise l'emploi, dans les actes
crits, de n'importe quel terme pour Indiquer l'existence d'une stipula-
tion : les termes sacramentels ne sont plus ncessaires.

Dans cette volution, Il y a un lment formaliste, qui existait


dj certes ds l'origine, mais qui va prendre une grande importance :
c'est l'exigence de la prsence des parties. La prsomptjon de vrit

(1) FEENSTRA : "L'epistula comme preuve d'une stipulation". Studi Betti II


p. 407,
. 50 .

qui s'attache la stipulation crite ne peut tenir que si les parties


sont prsentes; si, au moment o la stipulation est cense avoir t
faite, les parties n'taient pas runies, il est vident que cette pr-
tendue stipulation n'a pas pu avoir lieu.

Dans la pratique courante de la b.asee-poque, "en droit vulgaire"


la tentation a t grande de rdiger des stipulations crites, sans ru-
nir les parties. C'tait videmment contraire aux exigences lmentaires
de la stipulation romaine; mais des modifications apportes aux textes
classiques laissent entrevoir ces tendances hrtiques : ainsi le texte
de Paul (Sent. 5.7.2.) commence par poser le principe romain : "l'obli-
gation par paroles se contracte entre personnes prsentes, mais pas en-
tre absents". Puis vient un dveloppement sur la stipulation crite,
introduit par un "quod si" trs suspect : "Par contre si on a rdig un
crit ...". Ce "par contre" a tout l'air de dire que si on rdige un
crit la prsence des parties cesse d'tre Indispensable. Et c'est bien
ainsi que I Hnterpretat-o wislgothique a l'air de comprendre le texte
des Sentences. En prsence de ces tendances contraires aux principes
romains, Justinlen a ragi, pour aboutir finalement une solution de
compromis.

Il restaure la sainte doctrine romaine selon laquelle la stipu-


lation est un contrat vevbis , un contrat en principe oral^ et dans ses
Institutes, il rappelle qu'en consquence, ce genre de contrat est in-
terdt aux sourds et aux muets (Inst. 3.19.7). Mais dans la constitu-
tion de 531 (C.J. 8.37.14) Justinien rgie la question de la prsence
des parties en cas de stipulation crite, en attachant une force pro-
bante exceptionnelle l'crit qui constate une stipulation. Le dbi-
teur ne peut pas facilement arguer de l'absence des parties pour car-
ter la prsomption de vrit dont l'acte crit bnficie. Si le dbi-
teur invoqu I'absence des parties, il devra la prouver "au moyen d'-
crits ou de tmoins irrprochables" et II lui faudra prouver que les
parties n se trouvaient pas dans Ia mme ville le jour o la stipula-
tion est cense avoir t faite. Si les parties se trouvaient dans la
mme ville le jour du contrat, l'crit qui constate la stipulation est
inattaquable, alors mme qu'en fait, elles ne se seraient pas rencon-
tres.

Cela revient dire qu'en vertu de la constitution de 531 la sti-


pulation crite' peut valablement se faire entre absents, si les parties
se trouvent dans la mme ville le jour o le contrat est rdig. Solu-
tion assez logique : la stipulation ayant en fait cess d'tre un con-
trat ore"t, Il n'y avait plus de raison d'exiger la prsence des parties.
Justinlen exige tout de mme qu'elles soient dans la mme ville.
. 51

D/ LA CLAUSE ST1PULATO IRE

C'est une petite phrase ajoute la fin d'un acte crit dans
l'espoir de procurer une plus grande validit toutes les dispositions
qu'iI contient.

il ne faut pas confondre cette clause avec la stipulation crite;


elle s'en distingue bien des gards :

1) Elle ne fait ordinairement aucune allusion un dialogue entre les par-


ties (sauf dans le cas de la clause grecque "interrog, j'ai rpondu").

2) Elle ne contient rien qui permette de savoir s'il s'agit d'une sponsio,
u d'une fidepromissio, d'une Tpvomissio.

3) Elle n'a pas un objet prcis et dtermin : elle a la prtention de va-


lider en bloc toutes les conventions Inscrites dans l'acte.

4) A tel point que si l'acte contient des engagements rciproques, elle


prtend les valider tous, faisant jouer par consquent par chaque par-
tie le rle tout l fois de stipulant et de promettant.

Il ne semble pas que ce genre de clause ait t connu en Occident


l'poque classique. La tablette Herulanum 4 (1 s.) se termine par une
stipulation qui Intresse l'ensemble de l'acte, mais c'est une vritable
stipulation crite, mentionnant le dialogue et Indiquant mme qu'il s'agit
d'une sponsio (stipulatus ... spopondt). A la fin du V s., les tablettes
Albertini ne nous offrent aucun exemple.de clause stipulatolre et contien-
nent par contre des stipulations crites (stipulations de garantie dans
ies ventes), avec Indication du dialogue et du type de stipulation employ.

La clause stipulatolre se manifeste en Occident trs tardivement :


vente faite Ravenne en 591 (FIRA n 140) : l'acte trs long se. termine
par cette clause : "sut stipulatione et sponsione intevposita" = "sous le
couvert d'une stipulation et d'une sponsio qui sont Intervenues". La clau-
se "stipulatione subnixa" se rencontre dans des chartes bavaroises des VII0
0
et VIII s. et plus encore dans des actes de l'poque franque.

En Orient et surtout en Egypte, on trouve, rarement au 11 s,


trs souvent partir du 111 s., cette clause grecque, place la fin
des actes : "kai perttheis hmologsa" - "et ayant t interrog, j'ai
reconnu".

Est-ce une allusion la stipulation, une clause stipulatolre ?


la question a t trs discute.
52

Les Orientaux, bien moins forma11stes que les Romains, avalent


admis ds la plus haute Antiquit, qu'un dbiteur tait valablement oblig
s'il manifestait son consentement, en rdigeant de sa propre main une sor-
te d'aveu : un chlrographe.

La domination romaine en Egypte n'a d'abord rien chang cette


faon de faire. Mais l'dt de Caracalla de 212, ayant donn aux habitants
de l'Egypte la qualit de citoyens romans> ceux-ci furent amens tenir
davantage compte des exigences du Droit Romain. Pour donner aux actes
crits une validit incontestable, du point de vue du Droit Romain, les
scribes crurent adroit d'ajouter leurs critures une allusion une stipu-
lation, cense faite entre les parties.

Cette explication propose par Mltteis a t confirme et prci-


se par Arango-Rulz (Bull. Inst. Egypte 1948)qul, examinant un nombre con-
sidrable de documents papyrologiques, est arriv cette constatation que
c'est un peu aprs l'dlt de Caracalla, exactement partir de 220, que cet-
te clause devient frquente dans la pratique gyptienne. Les scribes, qui
ne savaient pas trs bien ce qu'tait la stipulation romaine et ce que sig-
nifiait cette clause magique, en font un usage intempestif, jusque dans les
testaments.

Et c'est ce qui a provoqu une raction de la part de De Visscher


<Symb. Taubenschlag, 1957 et BIDR 1960) Le savant romaniste belge n'admet
pas quelles scribes gyptiens aient pu tre stupides ce point et en arri-
ve penser que la fameuse clause grecque n'aurait rien voir avec la sti-
pulation romaine; ce serait une formule employe pour valider les critu-
res. Lorsque l'acte est termin, le scribe demande la partie Intresse
(dbiteur ou.testateur), si ce qui est crit correspond bien ce qu'il veut
faire, et la partie reconnat que l'acte est correct : "et: Interrog sur ce
que contient ce document crit, j'ai rpondu que j'tais d'accord". Ce se-
rait l'quivalent de notre actuel "lu et approuv^1.

Mais cette Ingnieuse explication se heurte de trs graves ob-


jections -: dans des actes ou des textes juridiques o il e'agit trs certai-
nement de stipulations romaines, nous constatons que les verbes homologe
et eperta, qui figurent dans notre clause, sont ceux qu'on employait pour
traduire en Grec les termes latins prorritto et stipulari. (cf. SEIDL, 1957,
Deter SIMON t.Stud. zur Praxis der Stip. 1964 et c.r. SEGRE : IURA 1966,
p. 13, AMELOTTI : IURA 1965, p. 236).

Cette clause, introduite dans la pratique orientale pour valider


les actes en y ajoutant une stipulation, n'a pas t toujours trs bien com-
prise des scribes : Ils y ont vu une formule de validation comparable la
clause kyria (= que cet acte ait pleine valdit) qu'iIs avalent, depuis
longtemps, l'habitude d'insrer dans leurs critures.
53

3 - ROLE PRATIQUE DE LA STIPULATION

Tout ce qui peut faire l'objet d'une obligation peut tre promis
par stipulation (dore, facere, pra.estare). La stipulation a t employe
largement, non seulement l'poque ancienne, mas encore au Bas-gmplre :
c'tait une sorte d'estampille juridique dont on pouvait facilement munir
les conventions les plus diverses pour les valider.. On s'en servait pour
assurer la restitution d'un prt, le paiement des Intrts, .pbliger le ven-
deur fournir une garantie l'acheteur, raliser une donation, une cons-
titution de dot, obliger le mari restituer la dot en cas de dissolution,
etc ... La stipulation est le procd dont on se servait pour raliser la
solidarit active et passive, le cautionnement, la novatlon.

Le prteur contraint les particuliers passer entre eux une sti-


pulation dite "prtorienne" dont l'dit fournit le modle, soit pour assu-
rer la marche du procs (oautio judicatum solvi, oautio de rato, etc.) soit
pour sauvegarder des Intrts dignes de protection (stipulations au profit
du pupille, du nu-proprltalre {oautio damni infeoti, collationis, legato-
rum, etc . . . ) . Dans l'intrt du public, les diles curules Imposaient aux
marchands d'esclaves une stipulation en vue de garantir l'acheteur contre
les vices et l'viction (stipulations diIiciennes).

L'obligation rsultant d'une stipulation tait reconnue par le


jus civile : Ge sorte qu'en cas d'inexcution, le stipulant pouvait agir
en justice contre le promettant.-

La Loi des XII Tables prvoyait l'emploi de la judiois postulatio


au cas de sponsio d'une somme d'argent. Puis les lois Silia et Calpurnia
ont cr une nouvelle action de la loi, la oondiotio, pour toutes les cr-
ances ayant un objet "certain" : la stipulation dont l'objet tait de l'ar-
gent ou une'res certu bnficiait de cette nouvelle procdure.

Dans la procdure formulaire, deux actions civlles, in jus, de


droit strict, sanctionnent la stipulation, selon que son objet est "cer-
tain" ou "incertain". Pour la stipulation oerta, la sanction continue
porter le nom de oondiotio. Lorsque la crance a pour objet une somme d'ar-
gent, la oondiotio dite oevtae peouniae prsente des particularits trs In-
tressantes pour le crancier (serment ncessaire in jure, pnalit d'un
tiers rsultant d'une restipulatio tertiae partis). La formule d'action
de la- oondiotio est abstraite, parle de dare opportere sans mentionner la
stipulation, source et cause de cette obligation.

Si la stipulation a un objet Incertain {facere, non faoere, stipu-


lation de dol, etc.), la sanction (qui parat bien driver de l'ancienne
judicis postulatio) est encore une action de droit strctft mais dont la for-
mule (cf.-GaT.us .4.136) prsente "en guise de demonstratio * une praescrip-
tio qui fait savoir que c'est en vertu d'une stipulation que ie demandeur
se prtend crancier : cette actIon ex stipulatu laisse"au juge le soin
d'estimer en argent le montant de la.condamnation, sans pouvoir dpasser
. 54 .

un plafond itaxatio) rsultant de l'estimationfaite par le demandeur lui-


mme au dbut du procs. Du fait que cette action soit mentionne pour la
premire fols dans la loi Rubria (entre 49 et 42 av. J.C.) et que Labon
mette encore des doutes sur la validit de la oautio de dolo, certains au-
teurs soutiennent qu'II n'tait pas possible lpoque ancienne de stipuler
un incertum. Nous objecterons que la sponsio des fianailles est fort an-
cienne (Aulu Gel le 4.4); or c'est une stipulation dont I'objet est un faoe-
re': le fianc promet d'pouser. .

L'action ex stipulatu inserti n'a rien voir avec la ondiatio :


il ne peut tre question de ondiatio que pour des obligations oertae; c'est
par un abus de langage que les juristes de trs basse poque ont donn le
nom de ondiatio inoerti l'action oivilis inoerti, admise par la jurispru-
dence du 1 s. de notre re, en cas d'enrichissement Injuste ayant un objet
incertum. Ce dveloppement donn la thorie de l'enrichissement injuste
est, bien entendu, absolument tranger la stipulation naerti et l'ac-
tion ex stipulatu.

4 - LES CONTRATS VERBIS AUTRES QUE LA STIPULATION

La stipulation est de beaucoup le plus Important des contrats


verbis, mais ce n'est pas le seul. Les Romains ont connu d'autres contrats
qui se forment par la prononciation de paroles solennelles : le jusjurandum
liberti et la diatio dotis. Ces contrats verbis, la diffrence de la sti-
mulation, rpondent des situations concrtes bien.dtermines.

A/ LE JUSJURANDUM LIBERTI ; *-' -

Le serment (jusjurandum) est un acte religieux : l consiste


prendre les dieux tmoin de la vracit de ce qu'on affirme, ou des enga-
gements que l'on assume... Bien qu' Rome, le Droit ait t de bonne heure
spar de la religion, on y a toujours rserv une place Importante au ser-
ment.

Nous rencontrons souvent l'emploi du serment dans la procdure.


Il sert donner plus de poids certaines affirmations; ainsi les tmoins
prtent serment; les plaideurs jurent de ne pas agir par esprit de chicane;
dans quelques actions (comme la revendication, l'a. stipulatu) le demandeur,
ds le dbut du procs, fixe lui-mme sous serment la valeur de l'objet du
litige.

Le serment sert surtout comme moyen de preuve; M s'agit alors d'un


serment probatoire, prt par l'un des plaideurs. Dans certaines actions
(comme la ondiatio oertae pecunie, le serment ncessaire permet de termi-
ner le procs in jure; e toutes faons, le juge peut avoir recours ce mo-
de de preuve : Il peut dfrer le serment l'un des plaideurs.
. 55 .

D'autre part les particuliers ont la facult de terminer l'ami-


able le diffrend qui les oppose, en dcidant d'un commun accord de s'en
remettre au serment que prtera l'un d'eux (nous retrouverons ce serment
volontaire quand nous arriverons l'tude du pacte de serment).

Enfin le serment peut appuyer une promesse : c'est un serment


promssoire - le seul genre de serment dont nous ayons nous occuper pour
le moment. Il s'agit bien l d'une source d'obligations : c'est une sorte
de contrat, qui se forme verbis par la solennit orale du serment.

Aux premiers temps de Rome, alors que le droit et la religion se


confondaient encore, le serment tait probablement le procd le plus usit
pour rendre une promesse efficace : la sponsio primitive comprenait proba-
blement un serment.

La Loi des XII Tables, en procdant la lacisation du droit


priv, en fit disparatre peu prs compltement le serment comme source
d'obligations. Le serment promssoire continua jouer un rle en droit
public et en droit international. En droit priv, il subsista, pour des
raisons particulires, dans le cas trs spcial du jusjurandum lberti :
le serment de l'affranchi.

Il s'agt de l'hypothse du matre qui, tout en voulant affranchir


son esclave, dsire se rserver des droits sur une partie de l'activit de
l'affranchi : il dsire que l'affranchi lui fournisse gratuitement des ope-
rae, c'est--dire un certain nombre de journes de travail tous les ans.
Or un esclave est incapable de s'obliger envers son matre et s l'on at-
tend pour lui demander cette promesse qu'il soit devenu libre, il est
craindre qu'une fois affranchi il refuse de la faire. On tourna la diffi-
cult en utilisant la capacit qui a toujours t reconnue l'esclave sur
le plan de la religion. Avant d'tre affranchi, l'esclave promet les ope-
rae par serment. Ce serment, du point de vue religieux, l'engage vrita
blement. Puis, aprs l'affranchissement, un second serment intervient qui,
celui-l, est un vritable contrat vsrbis muni d'effets civils. On pouvait
aussi faire promettre les operae par Haffranchl par stipulation, qui con-
firmait le serment de l'esclave.

L'obligation ainsi contracte par l'affranchi est sanctionne par


une action en justice : le Qudiaiwn operarum, dont la formule est construi-
te sur le type de la condiotio avec une intent-o aerta.

A premire vue, cela peut paratre trange; promettre des opevae


n'est-ce pas promettre un faoere, donc un incertum ? Mais les journes de
travail avaient une valeur fixe, "certaine".

Une question discute est de savoir s cette action tait civile


ou prtorienne (1).

(i) Cf. notre "Travail des Hommes Libres", pp. 119 & 129, et J.N. LAMBERT
"Les opevae liberti", th. Paris 1934, p. 128.
56 .

B/ DICTIO DOTIS :

Ce contrat verbis servait valider la "promesse de dot". Le


constituant s'engageait envers le futur poux fournir une dot, en pro-
nonant des paroles solennelles : la prsence du futur poux semble bien
avoir t exige, mais il n'avait pas besoin de manifester son acceptation.
Le constituant seul prenait la parole (selon Gaus ,1 H.96ce contrat se fait
uno loquente).

La diotio dotis prsente certaines particularits qui s'expliquent


si l'on admet qu'elle a d'abord t une clause insre dans le contrat de
fianailles. Elle ne peut tre employe qu'avant le mariage. Ne peuvent
s'en servir que la fiance elle-mme, le pre de la fiance et le dbiteur
de la femme, dlgu par elle. Si d'autres personnes (par exemple la mre
de la fiance) veulent promettre une dot, ou si l'on dsire la promettre
seulement aprs la clbration du mariage, la diotio dotis ne peut pas
tre employe et il faut se servir de la stipulation ordinaire (promissio
dotis).

L'obligation rsultant de la diotio dotis tait sans doute sanc-


tionne l'origine par l'action mme qui sanctionnait les fianailles (a.
ex sponsu). A l'poque classique, c'est la oondiotio que le mari peut exer-
cer contre le constituant (Cod. 5.12 - 1, de l'anne 201 : \fp.polliaita-
tio) . ' .

La constitution de Thodose II et Valentinien III, qui en 428 a


reconnu pleine validit la constitution de dot faite par simple pacte (pac-
te lgitime),.fit perdre beaucoup de son intrt pratique la diotio dotis.

En Orient, o elle n'avait jamais t trs employe (1), elle ne


tarda pas tomber compltement en dsutude : la compilation de Justlnlen
n'en parle pas. Par contre en Occident, elle s'est conserve assez long-
temps aprs la constitution de 428 : i I en est encore question dans I ,tfE+
tome Gii", rsum de GaTus compos au V s. et annex la loi romaine des
WIsgoths.'

SECTION II : LES CONTRATS LTTTERIS

Le contrat par jeu d'critures, connu sous le nom d'expensilcr


tio, a fait son apparition Rome dans le courant do l'poque rpublicaine;
Il semble avoir t trs employ au temps de Cicron.

(1) L'emploi de la diotio dotis est cependant attest au 11 s. de notre re,


par un papyrus latin (MICH. 4703) tudi par BERGER. Miscellanea Papy -
^ Milan 1950 p. 98 i-dans ce document la dot compose de deniers t"d'un.'. .-
trousseau est constitue par la femme : une partie de la dot est aesti-
mata : seul exemple connu d'aestimatio dotis dans une diotio dotis.
. 57

C'est un contrat solennel de droit strict, dont l'objet ne peut


tre qu'une somme d'argent (certa pecunia) et un contrat du jus civile qui,
en principe, ne peut se faire qu'entre Romains.

1 - FORME DE UEXPENSILATIO ET SES EFFETS

LE CODEX

La formalit qui caractrise ce contrat consiste dans la rdac-


tion de certaines critures que le crancier porte sur son registre de comp-
tabilit, appel codex acoepti et expensi (Cicron, "Pro Roscio 'Corn. " 3.8).

Pour comprendre le mcanisme de I y expensilatio, il faut savoir


que les Romains, du moins l'poque rpublicaine, apportaient dans la te-
nue de leur comptabilit prive des soins que de nos jours nous n'exigeons
que des commerants. Cela se conoit si l'on songe que chaque famille com-
prenait un grand nombre de personnes, constituait une cellule conomique
Importante, grossie par l'activit des fils et des esclaves. La gestion des
biens d'une famille ncessitait une comptabilit dont l'ampleur justifiait
parfois l'organisation d'un service spcial d'esclaves-comptables.

Le chef de famille avait sa caisse : avca. Les mouvements de cais-


se donnaient lieu des critures comptables. On prenait d'abord note, au
jour le jour, des diffrentes oprations, cela constituait ce qu'on appe-
lait les adversaria, sorte de cahier brouillon qui n'tait susceptible ni
de servir de preuve devant les tribunaux ni de faire natre des obligations.

Mais tous les mois les oprations consignes sur les adversaria
taient reportes au net sur un registre, qui tait tenu avec le plus grand
soin : le codex. GaTus distingue deux sortes d'critures qui taient por-
tes sur ce codex : les arcaria nomina et les transcripticia nomina.

ARCARIA NOMINA

Les arcaria nomina correspondaient des oprations de caisse qui


avalent rellement eu lieu. Le codex mentionnait les accepta (entres de
caisse) et les expensa (sorties de caisse) : d'o le nom de codes accepti et
expensi donn ce registre (1). On y inscrivait les noms {nomina) des per-
sonnes qui avalent reu de la caisse, ou vers la caisse - avec Indication
du montant de l'opration : d'o ie nom d'araaria nomina donn ces critu-
res.

(1) La technique comptable des Anciens parat bien s'opposer l'hypothse,


souvent admise, d'critures portes sur deux colonnes ou deux pages, l'une
pour les entres, l'autre pour les sorties de caisse (JOUANIQUE R.H.D.
1967 pp. 10 sq.).
. 58 .

Leur utilit tait celle de toute comptabilit : renseigner le


chef de famille sur la situation de sa caisse et lui permettre de faire des
vrifications.

Elles pouvaient aussi faciliter la preuve de certaines crances.


Supposons en effet que le chef de famille, Marcus, ait consenti un prt de
10.000 sesterces Titius. A la date o le prt est effectu, Marcus Ins-
crit sur son codex : "expensum Titiosestercium X milia mutui nomine" ("re-
mis Titius 10.000 sesterces titre de prt"); si l'emprunteur Titius est
un homme scrupuleux, il n'a pas manqu lui aussi de mentionner le prt sur
son codex : la mne date on doit y trouver la mention : "acception a Marco
sestercium X milia ex mutuo" ( reu de Marcus 10.000 sesterces provenant
d'un prt").

En cas de contestation sur l'existence du prt, Marcus produit


son codex en justice : si cela ne sufft pas, il exige que Titius produise
aussi le sien; si les deux registres sont concordants, la preuve du prt
est faite. Les arcaria nomina permettent de prouver l'obligation qui r-
sulte d'un contrat de prt (mutuum) qui est un contrat re; comme Je dt
clairement GaTus (111.131) : "les arcaria nomina ne font natre aucune obli-
gation, mais fournissent ta preuve d'une obligation dj ne". Par cons-
quent, ce n'est pas dans ces critures-l qu'il faut chercher le contrat
littris.

TBANSCRIPTICIA NOMINA

-.;.:.. GaTus signale d'autres critures comptables : les transcripticia


nomina, qui constituent la formalit du contrat littris. Selon GaTus, ce
contrat suppose qu'il existe dj une obligation. Son effet est de trans-
former une dette antrieure en une dette nouvelle, au moyen d'un, jeu d'cri-
tures, i -

La trancripiio se prsente sous deux formes : elle peut tre, dit


Gafus, soit "a personadn personam" soit "a re in pereonam".

A/ LA TRANSCRTPTIO A PERSONA IN PERSONAM

(inscription d'une personne pour une autre). Elle sert changer


de dbiteur.

Supposons que le crancier qui Titus doit 100, consente avoir


comme dbiteur Maevius, la place de Titius. Il parvient ce rsultat en
faisant sur son codex un jeu d'critures qui ne correspond aucune opra-
tion vritable de caisse. Il crit qu'il a reu (acception) de Titius la
somme de 100, comme si Titius l'avait paye; puis II inscrit qu'il a remis
(xpenswn) cette mme somme Maevius, qui en ralit ne reoit rien. Titius
est libr et Maevius devient dbiteur sa place : son obligation ne dcoule
pas d'un mutuwn, puisqu'il n'a rien reu : il est oblig par la vertu de l'cri-
tUPe.
. 59

B/ LA TRANSCRIPTIO A RE IN PERSONAM

(inscription d'une personne pour une affaire antrieure). El le mo-


difie la cause d'une obligation dj ne, sans changer ni le crancier ni
le dbiteur.

Le crancier inscrit, l'acception, qu'il a reu le montant de la


dette antrieure, comme si Titius avait pay : puis I'expensum II porte
cette somme comme s'il l'avait remise ce mme Titius. Titius reste ain-
si dbiteur de la mme somme envers le mme crancier : mais au lieu de la
devoir en vertu d'une cause quelconque (vente, prt, dlit, etc ...) il la
doit dsormais en vertu d'un contrat litteris.

Nous verrons plus loin qu' une poque antrieure celle de Ga-
Tus, le contrat litteris ne servait pas uniquement oprer ces sortes de
novations; on pouvait s'en servir dans les hypothses o II n'y avait pas
de dette prexistante entre les parties. "Qu'on li'utilise dans un but ou
dans un autre, ce contrat requiert, pour tre valablement conclu, certa-ins
lments essentiels que nous allons prciser.

ELEMENTS ESSENTIELS
DE VEXPENSILATIO

1) L'obligation rsulte d'une mention porte par le crancier sur son


codex : une inscription correspondante sur le codez du dbiteur n'est
pas ncessaire.

2) Cette mention tait inscrite par le crancier comme expensum: d'o le


nom d'expensilatio donn au contrat. Le crancier crit une sortie
de caisse - d'ailleurs fictive :

Le crancier devait, semble-t-ff, porter une mention correspon-


dante l'acoeptum; sans quoi sa comptabilit n'aurait plus t en
accord avec la caisse : ayant en effet mentionn une sortie qui ne
correspondait aucune sortie vritable, il aurait trouv de l'argent
en trop dans sa caisse, s'il n'avait rtabli l'quilibre de sa compta-
bilit au moyen de l'inscription d'une entre de caisse galement fic-
tive.

Mais si cette Inscription d'un acceptum parat correspondre une


ncessit comptable, elle n'tait pas, au point de vue juridique, un
lment essentiel du contrat litteris : celui-ci rsultait uniquement
de l'Inscription d'un expensum.
. 60 .

3) Cette Inscription, destine faire natre une obligation, se distin-


guelt-elle matriellement des critures comptables relatives de
vraies sorties de caisse ? Cuq, se basant sur le nom donn au con-
trat, pens que les critures qui le constituaient, taient prcdes
des mots "expenswn fevo" ("je porte la sortie de caisse"); c'est
une hypothse bien fragile, car le contrat peut tirer son nom simple-
ment du fait qu'il consiste porter (/erre) un expenswn dans les cri-
tures comptables.

4) Enfin 1'expensilatio - qui est un contrat - ncessite, comme tout


contrat, l'accord des parties : l'Inscription sur le codex du cran-
cier n'a de va Ieur que s i e 11 e a t fa i te avec Ie consentement du
dbiteur. Il est bien vident qu'un chef de famille ne pouvait pas
devenir crancier en Inscrivant, de sa propre initiative, le nom d'une
personne sur son codex ! Un expensum rdig dans de te:l les conditions
aurait t absolument sans valeur.

En cas de contestation, le crancier devait par consquent fournir


la preuve que le dbiteur avait consenti tre Inscrit sur le codex
De quoi cette preuve rsultait-elle ?

Beaucoup de romanistes ont compliqu ce prpblme en l'abordant


avec des conceptions qui n'avalent pas cours chez les Romains. De
nos jours, lorsque nous faisons un contrat par crit, cet crit cons-
titue le contrat et lui sert en mme temps de preuve : nous avons beau-
coup-" d "peine imaginer qu'une criture apte faire natre des obli-
gations ne soit pas, a fortiori, susceptible de servir de preuve. Aus-
si beaucoup d'auteurs se sont figurs que l'criture porte sur le
codex tait la fois la source et la preuve de l'obligation.

Ainsi prsent le contrat littevis 'deviert une nigme : on n'arri-


ve pas en effet comprendre comment le crancier peut se constituer
lui-mme un titre, en portant une criture sur son codex ! Pour ex-
pliquer cette anomale, on a parfois prtendu (1) que les Romains te-
naient leurs registres de comptabiIit avec' une telle ponctualit et
une telle probit qu'on devait tenir pour vridiques les inscriptions
fates par le crancier sur son codex, bien qu'elles eussent un carac-
tre unilatral et bien qu'il et t possible de les rdiger l'insu
du dbiteur. Mais si l'on admet cette explication,1 on se trouve bien
embarrass en prsence d'un passage du "PPO Rosdo Comoedo" (1.1.2) o
Cicron affirme que le crancier ne fournt pas devant les tribunaux
une preuve suffisante en prsentant son propre codes : une criture
que l'on fait de sa propre autorit ne peut pas tre Invoque "en gui-
se de tmoins".

(1) PEROZZI : Inst. II. 264


. 61 .

. L'inscription au codex, source de l'obligation, ne constituait


pas la preuve du contrat. En Droit Romain, il faut toujours distin-
guer d'une part, les solennits qui sont accomplies en vue de donner
une validit juridique l'obligation, et, d'autre part, les prcau-
tions que le crancier doit prendre pour se mnager la preuve de son
droit. Nous l'avons dj constat propos de la stipulation : les
verba suffisent rendre le promettant dbiteur, mais le crancier
n'aurait aucune chance de bnficier de la stipulation s'il ne pre-
nait la prcaution d'en assurer la preuve par tmoins ou au moyen
d'un document crit.

11 en est de mme en matire d'' expensilatio : l'criture porte


sur le codex du crancier fait natre la crance. Mais II importe
que, par un autre procd, le crancier possde le moyen de prouver
que le dbiteur a donn son consentement : cette preuve peut tre as-
sure par toutes sortes de moyens : par tmoins, ou en.faisant inter-
venir des hommes d'affaires, les parrii, dont II est question dans
les textes de Snque {"De benef'."2.23 et 3.15) : ceux-ci mentionnaient
l'acte sur leurs livres et servaient sans doute aussi de tmoins.

Enfin la preuve pouvait rsulter d'un chregraphe manant du d-


biteur lui-mme. Ce procd semble bien avoir t le plus pratique.
Son emploi est attest par une dcouverte rcente. Les fouilles en-
treprises Herculanum ont permis de retrouver un assez grand nombre
de documents sur cire, tous antrieurs l'ruption de 79 qui a dtruit
la ville. Arangio-Ruz a publi des tablettes qui clairent le fonc-
tionnement du contrat litteris (1). Ce sont deux chirographes dont
on ne possde que les indices (des indications sommaires crites
l'encre sur le dos des tablettes). On peut lire "chirographum ex nor
mine facto?. L'expression "ex nomme facto" est technique : elle con-
cerne ie contrat litteris. On peut donc traduire : "Chirographe ma-
nant- de untel, la suite d'une dette contracte par expensilatio".
Muni de ce chirographe, le crancier pouvait facilement prouver que
l'inscription porte sur son codex l'avait t du consentement du d-
biteur.

EFFETS ET SANCTIONS

Le contrat litteris est unilatral et de droit strict.

- Il est unilatral : il n'en rsulte qu'une seule obligation, la char-


ge de celui dont le nom est port sur le codex.

(1) ARANGIO-RUIZ : R.I.D.A. 1.1948, pp. 9-25, et dans "Parola del passato"
1946, pp. 381 et 384 = T.H. III et X. Dragomir STOJCEVIC : "Les tablet-
tes d'Herculanumret Vexpensilatio", IURA 13.1962, p. 53 s.
62

Il est de droit strict et comme son objet ne peut tre qu'une certa
p&oimia, sa sanction est la condictio aevte pecuniae.

2 - DOMAINE D'APPLICATION
DU CONTRAT LITTERIS

Si l'on s'en tient aux indications fournies par GaTus, le contrat


litteris ne parat susceptible d'tre utilis que dans des situations assez
part 1 euIires; nous avons vu en effet que GaTus ne connat l'emploi de Iyex-
pensilatio que dans des hypothses -o il existe dj une dette. D'aprs
GaTus, le contrat litteris est employ soit pour changer de dbiteur soit
pour changer la source de l'obligation. Rduite ces deux sortes d'appli-
cation, I 1 expensilatio devait tre encore d'une grande utilit. La trans-
criptio a persona in personam permettait de faire, distance, des paiements
par dlgation :.je dois 100 Aulus, qui habite Rome; Negidlus, qui est
Lyon, me doit 100. Nous pouvons nous mettre tous les trois d'accord pour
que j'arrive payer Aulus avec ce que me doit Negidus; Aulus me libre en
inscrivant sur son Codex que je lui ai vers 100 (acceptwi centum) - mais
devient crancier de cette somme envers Negidus, en crivant sur son codex
avec l'accord de celui-ci, "expensum Negidio oentum". Nous avons vit de
transfrer du numraire de Lyon Ax et d'Aix Rome. Il a suffi de nous
mettre d'accord par un change de lettres.

Avec la transcriptio a re in personam on pouvait transformer une


obligation de bonne foi en une obligation de droit strict dont le montant
tait rendu Indiscutable par I'inscription sur le codex.

Mais tout porte croire que le contrat litteris avait eu au temps


de la Rpublique un domaine plus tendu que celui que GaTus lui assigne :
son poque Tes particuliers ne tenaient plus rgulirement leur codex; les
hommes d'affaires, les banquiers, taient peu prs les seuls se servir
du contrat litteris, pour faire des rglements par dlgation. Mais ce n'est
l qu'un contrat litteris en dcadence et dont le domaine d'application a t
rduit.

A l'poque o ce contrat a pu faire son apparition (11 s. av. J.


C. ?) quantit d'oprations, qui devaient plus tard devenir des contrats,
n'taient encore que de simples pactes dpourvus d'efficacit juridique. Il
est trs vraisemblable que l'inscription sur le codex servait valider tou-
tes sortes de conventions concernant des sommes d'argent : elle fonctionnait
ainsi dans des hypothses o il n'y avait pas de dette prexistante; sa fonc-
tion n'tait pas ordinairement de substituer une obligation une autre mais
de valider des oprations portant sur de I'argent.

Un texte de Val re-Maxime (1) rapportant des faits qui se situent


au l s. av. notre re, parle d'une donation ralise au moyen d'un contrat
litteris. Un certain Visellius Varro, dsirant faire don de 300.000 sester-

(1) 8.2.2.
. 63 .

ces une femme qui avait eu pour lui des complaisances, dissimula cette
libralit immorale sous couleur d'un prt qu'il aurait reu de cette per-
sonne : il consentit figurer comme dbiteur sur le oodex de son amie.U)
L'expensilatio prsentait dans un cas de ce genre l'avantage d'tre un con-
trat abstrait qui dissimulait, derrire la fiction d'un prt, la cause v-
ritable de l'obligation : une inscription au oodex tait aussi discrte que
serait aujourd'hui la remise d'un chque pour raliser une donation immora-
le.

Si l'on admet que le contrat littevis a pu servir valider tou-


tes sortes de conventions, son rle, au temps de Cicron, devait tre com-
parable celui de la stipulation : c'tait comme la stipulation une sorte
d'estampille juridique qui donnait force obligatoire aux conventions les
plus varies. Ses applications taient cependant moins tendues que celles
de la stipulation.

1) Le contrat littevis ne pouvait avoir pour objet qu'une oevta peounia, tan-
dis qu'on peut stipuler toutes sortes de choses et mme des services.

2) Comme le remarque Gaus, I *expensilatio est un contrat "particulier au


jus civile". En principe, les prgrins ne pouvaient pas l'utiliser.

a. Seuls les citoyens romains peuvent devenir cranciers par expensilatio


et cela peut tenir au fait que l'usage du oodex tait particulier aux
Romains. Il est possible que les prgrins Installs Rome aient
pris les habitudes romaines pour tenir leur comptabilit, mais leurs
registres qui n'taient pas comme ceux des Romains soumis au contrle
des censeurs, n'avalent pas une existence assez officielle pour pou-
voir servir de source des obligations civiles.

b. Un Romain pouvait-!I rendre un prgrn dbiteur en l'Inscrivant sur


son oodex ? En cas de tvansviptio a pevsona in pevsonam, le fait que
le dbiteur inscrit tait prgrin rendait I *expensilatio sans valeur.
Par contre la validit de la tvansviptio a ve in personam faite avec
un dbiteur prgrin tait discute : admise par les Sablnlens, elle
tait repousse par les Procullens.

3) Dans la stipulation, Il tait possible d'insrer des modalits : terme


et condition. Le contrat littevis pouvait peut-tre comporter un terme,
mais ne supportait aucune condition (Papinien, Frg. Vat. 329) : en effet
ce contrat se faisait sous les apparences d'une sortie de caisse : or une
sortie de caisse est un fait qui ne saurait tre conditionnel.

(1) Cf. sur ce texte : MACQUERON : "Cause illicite", thse Paris 1924 et
GALLET : R.H.D. 1942 p. 35.
64

Mas le contrat litteris prsentait sur la stipulation un avanta-


ge immense; Il pouvait tre conclu distance, il n'exigeait pas la pr-
sence des parties. Le dbiteur pouvait, de loin, envoyer au crancier
une lettre pour l'autoriser faire l'Inscription sur son codex. L'In-
trt pratique et la raison d'tre du contrat litteris ct de la sti-
pulation rsident dans cette particularit.

3 - DESTINEES DU CONTRAT LITTEBIS

Malgr les avantages qu'elle prsentait, I *expensilatio tomba en


dsutude bien avant l'poque de Justinen : ce contrat disparut en mme
temps que l'usage du codex qui lui servait de support.

Au temps de GaTus, I'expensilatio n'tait dj gure utilise que


par les banquiers. Au dbut du 111 s., Papinien s'occupait encore de ce
contrat. Dans le courant du III0 s., les procds bancaires des Grecs fi-
nirent par l'emporter et l'on cessa de tenir des codices la faon romai-
ne; au IV s. le Pseudo-Asconius (commentateur de CIcron, sur 2 Verr. 1.
60) constate que IxessgensiXatio est un "vieil usage" compltement tomb dans
l'oubli.

La litteparum cbligatio
iiBlcfQCiQin-a

Mais on a connu dans le monde romain, ds l'poque classique, une


autre sorte de contrat litt&rie, qui n'appartenait pas au Droit Romain, mais
aux coutumes provinciales. GaTus (111.134) en signale l'existence en ces
termes : "Il semble en outre qu'une obligation fonde sur l'criture puisse
dcouler des chirogrtros'i et des syngraphes, c'est--dire lorsqu'on crit
qu'on doit ou qu'en donnera, sans ajouter qu'une stipulation a t faite
ce sujet. Mais ce genre d'obligation est particulier aux prgrins".

Nous verrons ce qu'taient les chrographes- et'tes syngraphes quand


nous parlerons de la preuve des contrats : d'aprs Tes principes du Droit
Romain, ces documents crits - rdigs dans des formes empruntes aux Grecs
- ne pouvaient avoir d'autre fonction que de faciliter la preuve d'un con-
trat : ainsi un chirographe contenant une stipulation crite, servait
prouver un contrat verbis, la stipulation. Si un crit de ce genre ne men-
tionne qu'une convention sans allusion un contrat reconnu par le Droit Ro-
main, le Droit Romain ne lui reconnat aucune valeur.

D'aprs les usages hellniques, ;au contraire, ces crits suffisaient


par eux-mmes faire natre des obligations : celui qui souscrivait un chiro-
graphe dans lequel il se reconnaissait dbiteur de tel le somme, tait oblig
65

par la vertu du chirographe, sans qu'il ft besoin d'y ajouter une stipula-
tion crite. Passs sous la domination romaine, les Orientaux ont continu
se servir des chirographes et des syngraphes comme sources d'obligations.
GaTus, on le comprend aisment, prouve un certain scrupule reconnatre de
telles pratiques : "obligatio videtur fieri" = "il semble qu'une obligation
puisse dcouler" et il conclut en disant que ce n'est pas du Droit Romain,
mais du Droit prgrin.

Une question trs discute est de savoir si Mdit de Caracalla


qui avait fait de tous ces Orientaux des citoyens romains, ne les avait pas
mis dans la ncessit de mettre leurs usages en harmonie avec le Droit Ro-
main et notamment d'ajouter une clause stpulatoire leurs critures. C'est
un fait certain qu'aprs 212, la clause stipulatore devient trs frquente
dans les actes de la pratique en Orient. Collinet semble avoir cependant
dmontr que la clause stipulatore, aux yeux des Orientaux, ne changeait
pas la nature de leurs actes crits : ils ont continu penser que le d-
biteur qui souscrivait un billet tait oblig par la vertu de l'criture.

La littercum obligatio
d|-JytiDlD-i

Justtnien, revenant au pur Droit Romain, ne veut vor dans les


chirographes que des crits destins prouver des contrats. Cependant,
dans ses Instittes, il signale une hypothse trs particulire o le bil-
let, souscrit par un dbiteur, l'oblige par la vertu de l'criture.

Arrive, dans ses Institutes (3.21) l'endroit qui correspond,


dans celles de GaTus, aux paragraphes consacrs I'expensilatio, Justinen
ne peut faire autrement que de constater que ce contrat est tomb en dsu-
tude; mais il envisage l'hypothse de l'individu qui a souscrit un billet
aux termes duquel il reconnat avoir emprunt telle somme, alors qu'en ra-
Iit il'n'a rien reu.

Nous verrons ( propos de la preuve des contrats) que la lgisla-


tion du Bas-Empire permettait au souscripteur d'un tel billet d'en contes-
ter trs facilement la valeur en opposant la querela non nwneratae peauniae
(plainte pour argent non reu); mais les constitutions impartissaent un
court dlai pour recourir cette mesure exceptionnelle : Justlnen avait
fix ce dlai 2 ans.

Pass ce dlai, le souscripteur du billet ne peut pi us.en contes-


ter la sincrit; il faut qu'il paie. Quelle est alors la source de son
obligation ? Il n'est pas tenu r>e<"., en vertu d'un mutuum, remarque Justl-
nen; en effet, cet individu n'a rien emprunt; il est par consquent tenu
de payer par la seule vertu de l'criture.
. 66

Certains romanistes (Gide), prtendent que Justnen, dsireux


de conserver dans ses Insti ttes un titre "De Htterarum obligatione", alors
qu'il n'y avait plus de contrats littevis son poque, aurait t amen
en Imaginer un, en commettant une grossire erreur de raisonnement : ces
auteurs font remarquer qu'aprs le dlai de la querela le souscripteur du
billet n'est pas oblig en vertu de l'criture, mais en vertu d'un mutuum
qu'il est cens avoir contract et dont le billet fournit la preuve Irrfra-
gable une fois pass ie dalai de la querela.

Selon Collinet au contraire ("Etudes du Droit de Justnen", tome


I) Justinien n'a pas commis cette faute. En cette question comme en beau-
coup d'autres, il a ralis un compromis entre le pur Droit Romain et les
usages orientaux : ayant en principe repouss la conception hellnique qui
faisait de l'crit une source d'obligation, il l'a conserve dans ce cas
unique du billet contre lequel la querela n'a pas t invoque dans les
dlais lgaux.

CHAPITRE SECOND : LES CONTRATS RE

Dans les contrats ve les parties n'ont pas besoin d'accomplir de


formalits; mais il ne suffit pas qu'elles soient d'accord : leur conven-
tion, pour produire des effets, doit s'accompagner d'un lment matriel.

Cet lment consiste dans le fait que le dbiteur a reu la chose


ires) qu'il s'engage restituer; il se trouve oblig Te, c'est--dire en
vertu de la ves qu'il a reue.

LA CONCEPTION REALISTE

C'est un systme plus volu que celui du formalisme, mais encore


trs loign de notre consensualisme moderne. Les contrats ve se rattachent
une conception "raliste" du Droit, dont le Droit Romain fournit de nom-
breux exemples.

Ainsi la tradition est un mode raliste de transfert : elle nces-


site, en plus de l'accord des parties, un lment matriel, la remise effec-
tive de la chose l'acqureur. Pour nous en tenir au domaine des obliga-
tions, les contrats ve n'y constituent pas la seule application de la con-
ception raliste : on la retrouve, sous une forme semblable, dans la tho-
rie quasi-contractuel le de l'enrichissement injuste : celui qui s'est enri-
chi sans cause doit restituer, parce qu'il a reu; il est tenu re.
. 67

On la retrouve aussi, mais sous une forme un peu diffrente, dans


les contrats innomms '. dans ces contrats, on se trouve tenu parce qu'on a
reu une chose, ou parce qu'on a bnfici d'un service; mais on est oblig
non pas de restituer ce qu'on a reu, mais de fournir une contre-prestation
prvue dans une convention pralable.

CLASSIFICATION
DES CONTRATS RE

Il convient de distinguer deux sortes de contrats re : d'une part


le mutuum, contrat de droit strict, unilatra}; c'est le plus ancien - d'au-
tre part : la fiducie, le dpt, le commodat et le gage; contrats de bonne
fol, synallagmatiques Imparfaits (dans le droit de Justlnien).

SECTION LE MUTUUM

Contrat re, unilatral, de droit strict, du jus gentium, le mutuum


est un prt de consommation, en principe'gratuit" (non productif d'Intrts).
L'emprunteur reoit une somme d'argent ou des denres : Il est tenu de res-
tituer parce qu'il a reu : Il doit restituer, non la chose mme (qu'il con-
somme), mais son quivalent.

1 - ORIGINE DU MUTUUM

Savlgny a soutenu qu'aprs la loi Poetelia Papiria qui provoqua


sa dcadence, le neseum dpouill de ses formalits serait devenu mutuum.
Cette hypothse ne trouve plus gure de partisans : le mutuum a d'abord t
un prt gratuit, un service entre amis et n'a rien de commun avec le nexum,
prt intrt trs svre pour l'emprunteur. Le mutuum a pu exister ds une
poque ancienne, ct du nexum; les deux oprations rpondaient des be-
soins diffrents.

II y a par cont re un rapprochement faire entre le mutuum et la


thorie quasi-contractuel le de l'enrichissement injuste. A une poque o la
notion de contvaotus n'ta It pas encore bien dgage, Labon classait le mu-
tuum parmi les affaires q ui se font re (aotum re : D.50 16-19). Au II" s.
de notre re, GaTus contl nuait tudier la restitution de l'indu ct du
mutuum parce que ses deva ncters voyaient dans ces deux cas des "obligations
qui se formaient re". La mme action, de droit strict, la oondiatio, sanc-
tionne le mutuum et l'obi Igatlon quasi-contractuelle de restituer l'enri-
chissement injuste.
68

Selon Pernice et Girard, les Romains seraient parvenus sanction-


ner cette opration non formaliste qu'est le mutuum , en invoquant le princi-
pe gnral selon lequel quiconque s'enrichit sans cause est oblig de res-
tituer. En effet, l'emprunteur s'enrichirait injustement s'il ne restituait
pas. Le mutuum n'avait d'abord t qu'une opration entre amis, pratique
en marge du droit : les jurisconsultes lui assurrent une sanction civile,
en Invoquant la thorie gnrale de l'enrichissement injuste.

A notre sens le mutuum, plus ancien que cette thorie, lui a ser-
vi de point de dpart : vers la fin de la Rpublique, il a pu se trouver
ainsi englob dans la thorie de l'enrichissement Injuste. Certaines ques-
tions, cependant, comme par exemple celle de la capacit de s'obliger, se
posaient son sujet d'une autre faon que pour les autres cas d'enrichisse-
ments injustes. Lorsqu'au dbut du 11 s. la notion de contrat se prcisa,
on en vint constater que le mutuum tait un contrat; sa base en effet,
il n'y avait pas simplement un fait matriel, la remise d'une chose - mais
aussi une convention. Le mutuum se spara alors nettement de l'obligation
quasi-contractuelle de restituer l'enrichissement injuste.

2 - LES ELEMENTS ESSENTIELS DU MUTUUM

Le mutuum tant un contrat re, deux lments doivent.tre runis


pour qu'il puisse se former :
A/ Comme tout contrat, iI suppose une convention, un accord des par-
ties.
B/ Mais c'est un contrat re : la convention ne sufft pas; cet l-
ment moral doit s'ajouter un lment matriel, la remise de la cho-
se entre les mains de I'emprunteur : la mutui datio.

Ces deux lments n'ont rien de spcifiquement romain; le mutuum


est un contrat du jus gentium, accessible aux prgrins.

A/ LA CONVENTION DE PRET

Le prteur et l'emprunteur tombent d'accord pour prter et em-


prunter.

C'est par cette convention que le mutuum se distingue de la si-


tuation quasi-contractuelle rsultant d'un enrichissement sans cause.

Modalits

Cette convention comporte ordinairement un terme : si l'on em-


prunte, ce n'est pas pour rembourser immdiatement. Le crancier doit
respecter le terme convenu; en exigeant le remboursement avant terme,
69 .

commettrait une plus petitio tempore. Il peut tre convenu que l'emprun"
teur remboursera "qua die petierit", le jour o le crancier le voudra
(= premire rquisition); cf. F Ira 111.123.

En principe II n'est pas admis que l'obligation de rembourser


puisse tre affecte d'une condition; elle ferait du mutuum un contrat
alatoire. Pour les besoins du commerce maritime cela fut tout de mme
admis exceptionnellement dans le cas du nautioum foenus (cf. infra).

Question
d_!ncapabies :

La convention est un lment essentiel du muticum. Si la conven-


tion elle-mme est nulle, le mutuum ne peut pas se former : c'est ce qui
se produit si le prt est consenti une personne Incapable de s'obliger.

Un pupille, une femme ne peuvent s'obliger contractuellement sans


\ ' aut&ttas de leur tuteur : s'ils reoivent des deniers en prt, le mu-
tuum ne se forme pas, parce que la convention de prt est nul le (GaTus,
111.91).

Mas si l'on examine la situation sur le terrain quasi-contrac-


tuel, la femme et le pupille, en recevant les deniers, se sont enrichis
sans cause; de sorte que si l'on ne peut agir contre eux au moyen de la
condiotio base sur le mutuum, on peut exercer contre eux la condiotio
base sur l'ide d'enrichissement injuste.

Ce n'est pas l une simple subtilit de juristes : les rsultats


sont diffrents. Si l'on invoque l'Ide d'enrichissement Injuste, on ne
s'occupe plus de la convention de prt, ni du terme qu'elle pouvait con-
tenir; enrichis sans cause, la femme et le pupille doivent Immdiatement
restituer ce qu'ils ont reu. D'un autre ct, si l'on Invoque l'Ide
d'enrichissement, l'Incapable ne doit restituer que dans la mesure o il
se trouve enrichi : si par consquent le pupille a stupidement gaspill
l'argent qu'il a emprunt, on ne peut plus rien rclamer de lui, puis-
qu'en effet, il ne s'est pas enrichi.

L=i.i_Madonjen :

Il existe en matire de mutuum une Incapacit particulire rsul-


tant des dispositions du S.C. Macdonien (1 sicle, sous Vespasien). Ce
S.C. Interdit de consentir un prt par mutuum des fils de famille en
puissance, quel que soit leur ge.
; 70 .

Le mutuum consenti un fils de famille n'est pas radicalement


nul : mais, le fils de famille, peut facilement viter de payer, en oppo-
sant son crancier un moyen imagin par le prteur en vue d'assurer le
respect du snatus-consulte : c'est l'exception du S.C. Macdonien. Le
crancier n'a pas mme la facult de dplacer la question sur le terrain
de l'enrichissement sans cause : la thorie de l'enrichissement injuste
ne peut tre d'aucun secours pour rclamer la restitution de ce qu'on a
prt illgalement.

Cependant le fils de famille, devenu sui juris, peut s'il le veut,


remplir ies engagements qu'il a pris : il peut renoncer l'exception ti-
re du Snatus-consulte. En agissant ainsi il ne fait pas un cadeau
son crancier, Il ne fait que payer sa dette. Justinien a rang cette
hypothse parmi les cas d'obligations naturel les. C'est une obligation
dont le crancier ne peut pas exiger I'excution, mais qui peut tout de
mme faire l'objet d'un paiement valable.

La convention de prt est vicie si l'emprunteur s'est tromp sur


l'Identit du crancier : l'erreur sur la personne est prise en consid-
ration (cf. infra : "L'erreur").

B/ LA MUTUI PATIO

Ce qui caractrise le mutuum, ce qui fait de lui un contrat re,


c'est I'exigence d'un lment matriel : l'emprunteur est tenu parce qu'il
y a eu, en sa faveur, une mutui datio. Une chose lui a t effectivement
remise titre de prt.

1/ Qbjet=de_J.a3OTutMi_^to :

GaTus (111.90) dfinit ainsi les choses qui peuvent tre prtes
par mutuum : "ce contrat concerne ... les choses qui se dterminent
par le poids, le nombre ou la mesurey comme une certaine somme de deniers,
du vin, de Mhile, du bl, de l'airain, de l'argent, de l'or, etc ...

Le mutuum est un prt de consommation : l'emprunteur ne s'engage


pas restituer la chose mme qu'il reoit (puisqu'il compte la consommer)
- mais restituer son quivalent. L'effet de ce contrat est de l'obliger
rendre une mme quantit de choses de mme nature et de mme qualit :
s'il a reu 10 boisseaux de bl de premire qualit, c'est une gale quan-
tit de bl de mme qualit qu'il devra restituer.

Par consquent, les choses susceptibles de faire l'objet d'un


mutuum sont les choses qui n'ont pas d'individualit propre et qui peu-
vent facilement se remplacer les unes par les autres; ce sont des choses
de genre qui, par le fait mme, sont fonglbles.
. 71 .

2/ Elle consiste
Q=y2-Eofc=d_PC2Prii :

Il s'agt d'une datio : pour que le mutuum se forme, il est n-


cessaire que l'emprunteur reoive la proprit des choses qu'il emprunte;
pour pouvoir les consommer, il a besoin d'en avoir la proprit.

GaTus (111.90) donne ce propos une tymologie assez curieuse


du mot mutuum : "ex meo tuum" (= la chose que je te prte, de mienne
qu'elle tait, devient tienne) : c'est une tymologie fantaisiste, mais
le fait que les jurisconsultes y aient song montre bien qu' leurs yeux
le transfert de proprit au profit de l'emprunteur tait un lment es-
sentiel de ce contrat.

Ce transfert
se fait par tradition

La mutui datio se ralise au moyen d'une simple tradition : celui


qui prte (le tradens) livre, par tradition, la chose l'emprunteur (ac-
aipin). Cette tradition suffit rendre I*accipiens propritaire. On
sait en effet que la tradition d'une res nec manaipi est susceptible d'en
transfrer la proprit, si elle est faite en vertu d'un juste titre (jus-
ta causa traditionis).

a) Or l'objet du mutuum est toujours une res neo manaipi (les choses de
genre sont toutes neo manaipi).

b) De plus le prt, qui a amen les parties procder la tradition,


est une justa causa, une cause licite, qui justifie un transfert de
proprit.

3/ Conditions de validit
^m^JWit'i.-4^ti.Q.-i

Selon les principes gnraux du' droit, la tradition ne peut ren-


dre \raccipiens propritaire que si, au moment o elle est faite, le tra-
dens est propritaire et capable d'aliner la proprit. Nous retrouvons
l'application de ces principes en matire de mutui datio :

a) Il faut que celui qui consent le prt


soit propritaire de ce qu'il prte :

Celui qui donne en prt une chose qui appartient autrui ne de-
vient pas crancier en vertu d'un mutuum : le mutuum est nul, parce que
la tradition n'a pas pu rendre I } aocipiens propritaire de ce qu'il a
reu.
72

C'est une solution logique, et c'est aussi une solution quitable;


l'emprunteur, n'tant pas devenu propritaire, est expos subir
l'action en revendication du vrai propritaire; Il serait inique de
l'obliger par surcrot restituer quelque chose au pseudo-prteur.
Cependant, si l'emprunteur a consomm de bonne foi la chose, la reven-
dication n'est plus possible contre lui et dans ce cas les textes don-
nent au psudo-prteur une aondiotio qui parat base, non sur le mutu-
um (qui n'existe pas) mais sur l'enrichissement Injuste dont profite-
rait I'aecipiens s'II ne remboursait rien (D.12.1 - 13.1). De mme,
lorsque l'emprunteur se trouve l'abri de la revendication (soit par-
ce que le tvadens est devenu entre temps propritaire, sct parce que
l'emprunteur a lui-mme usucap la chose), Il ne semble pas que le mu-
tvcum, nul ab initio, soit valid aprs coup; mais la oondictio est ac-
corde au pseudo-prteur sur la base de l'enrichissement injuste.

b) Il faut que le prteur


soit capable d'aliner par tradition :

La capacit requise pour prter est distincte de la capacit re-


quise pour s'obliger. Ainsi la^ femme qui, nous l'avons vu, ne peut
pas sans son tuteur s'obliger par mutuwn, peut sans son tuteur con-
sentir valablement un prt, parce qu'elle est capable de disposer par
tradition de la proprit de ses ves nec mancipi.

Par contre, le pupille est incapable non seulement d'emprunter,


mais aussi de prter. Le pupille ne peut rien faire sortir de son
patrimoine sans son tuteur : si par consquent il remet des deniers
un emprunteur, sans faire Intervenir le tuteur, l'emprunteur ne de-
vient pas propritaire des deniers qu'il reoit .:; 11 n'y a pas de da-
tio et par suite pas de mutuwn. Tant que des deniers sont encore aux
mains de l'emprunteur, le pupille, qui en est rest propritaire, peut
les revendiquer. SI l'emprunteur les a consomms, la revendication
n'est plus possible : s'il les a consomms de mauveise foi, le pupil-
le peut exercer l'action ad exhibendum (car l'obligation d'exhiber p-
se sur tout dtenteur de mauvaise foi); s'ils les a consomms de bonne
foi, le pupille peut lui rclamer ia restitution de l'quivalent, au
moyen d'une oondictio base sur I'Ide d'enrichissement sans cause.

4/ Diffrentes faons
^|_|i.i|rag|_C^ti.Qn :

Tradition effective
et sa preuve :

La tradition par laquelle se fait la mutui datio se prsente or-


dinairement sous la forme d'une remise effective de la chose, des mains
du prteur celles de l'emprunteur; il y a d'ordinaire un dplacement
visible, "corporel", de la possession.
. 73 .

La prsence de tmoins n'tait pas exige pour assurer la validi-


t du mutuum : mais en fait, le crancier ne manquait pas de demander
leur assistance, au moment d la mutui datio, pour en assurer la preuve.
Pour plus de prcautions, on pouvait rdiger un instrumentum; cet crit,
scell par les tmoins, contenait la convention de prt et l'affirmation
que la chose avait bien t remise l'emprunteur. Cet acte, le cas ch-
ant, pouvait mentionner une stipulation d'intrts, jointe au mutuum.

Trs souvent, l'emprunteur promettait par stipulation crite,


non seulement de payer les intrts convenus, mais aussi de rembourser
le capital (1).

Cette pratique prsentait l'avantage de permettre des cautions


(sponsores ou fidepromissores) de garantir verbis l'engagement pris ver-
bis par I'emprunteur.

Comment s'analyse juridiquement la situation qui rsulte de cet-


te combinaison muiwwm-stipulation ? On pourrait tre tent de croire
que la stipulation produit novation, transforme en obligation verbis
l'obligation d'abord ne re du mutuum.

Or ce n'est pas ce que pensent les jurisconsultes. Pomponius


(p_. 46.2.7) rejette expressment l'ide de novation et en donne la rai-
son : les deniers ne sont pas verss l'emprunteur pour former un mutu-
um, mais "pour complter la stipulation", autrement dit pour lui procu-
rer une validit incontestable en lui donnant une juste raison d'tre
( dfaut de laquelle le promettant pourrait opposer l'exception de dol,
pour dfaut de cause). Comme Pomponius, Paul (D. 45.1.126.2), Ulpien
(p_. 46.2.6.1) soutiennent que de la combinaison mutwum-stpulaton il ne
rsulte qu'un seul contrat : la stipulation. Cette doctrine correspond
d'ailleurs la ralit concrte : pour parler de novation, il faudrait
que la stipulation- ft postrieure au versement des deniers : or le plus
souvent, les cranciers mfiants ne versaient l'argent entre les mains
de l'emprunteur qu'aprs avoir obtenu de celui-ci une stipulation crite
qui lui donnait l'assurance d'tre rembours.

Ce qui parat singulier, c'est que dans un autre texte du Diges-


te le mme Ulpien (D. 12.1.9.3.) soutienne une doctrine toute diffrente;
l'obligation, dit-il, est en pareil cas contracte tout la fols {oon-
jonotim) re et verbis. Il est possible que les jurisconsultes aient son-
g analyser ainsi la situation, lorsque la stipulation tait frappe
de nullit (pour vice de forme ou stipulation pour autrui).

Avec cette doctrine des deux contrats "conjoints", si l'emprun-


teur ne pouvait tre tenu en vertu d'une stipulation nulle, Il restait
tenu re, en vertu du versement des deniers. Expdient employ par les

(1) Cf. deux contrats de l'anne 162 reproduits dans Textes Girard, pp. 845
sq.9 dans FIRA III n 122/123, MACQUERON : "Document de la pratique",
pp. 39-+7.
. 74 .

Jurisconsultes dans un cas particulier, pour donner satisfaction l'qui-


t, cette analyse a t gnralise par les compilateurs (1).

Les crits destins prouver des prts, qu'ils fussent ou non


pourvus d'une stipulation crite, pouvaient facilement donner lieu des
abus : les usuriers obtenaient des intrts au-dessus du taux licite, en
se faisant dlivrer par l'emprunteur des reconnaissances de dette d'un
montant trs suprieur celui de la somme effectivement prte. Ainsi
en 162 Alexander prte et emprunte 12 $ (FIRA n 122/123) : moins
d'admettre que ce banquier ait t un philanthrope, il est penser qu'il
prtait un taux bien plus lev, que I'acte dissimule. Au troisime
sicle fut Imagine une Institution qui protge les emprunteurs contre
de tels abus : il suffira qu'ils contestent <la sincrit des critures
pour qu'elles cessent de faire foi : c'est la querela non numeratae peau-
niae (la plainte pour argent non vers); cf. Infra "Preuve des contrats".

Tradition animo solo :


La tradition peut rsulter d'un changement du titre en vertu du-
quel celui qui dtenait une chose devient possesseur de celle-ci. Cette
tradition sans dplacement effectif de la "possession corporelle" se fait
animo solo, simplement en vertu de l'Intention des parties. C'est ce
que nos vieux auteurs appelaient une "tradition de brve main".

' Ds l'poque classique, les jurisconsultes ont admis cette forme


de tradition en matire de mutuum. Une personne par exemple dtient des
deniers qui lui ont t confis en dpt : puis le dposant lui prte cet
argent. Cette convention opre tradition des deniers animo solo. La per-
sonne qui les dtenait en qualit de dpositaire, en devient propritaire,
il y a mutui atio et par consquent un mutuum valable (D^ 17.1 - 34 pr et
12.1 - 9.9).

Mutuum par intermdiaire :

On sait que le Droit Romain admet assez facilement en matire de


possession le reprsentation non seulement par les personnes en puissan-
ce (fils, esclaves) mais mme pas des extrana personne : on peut poss-
der oorpore alina'; par l'Intermdiaire de personnes qui gardent, pour
notre compte, contact avec la chose : ainsi le dposant possde la chose
dpose, par le corpus du dpositaire. Il s'ensuit que la tradition - ac-
te qui transfre la proprit par un dplacement de la possession - peut
se faire par intermdiaire. Pour faire tradition d'une chose que l'on
possde oorpore alina, il n'est pas ncessaire de prendre soi-mme con1-
tact avec la chose : on peut acqurir la possession, et par consquent,

(1) DELL'ORO : "A proposito del reg. classico ... dlia obi. re et verbis"
Milan 1950 et IURA 1952 p. 407.
. 75 .

recevoir tradition par l'intermdiaire d'un prpos. Ces principes qui


concernent la tradition, reoivent leur application en matire demutui
datio.

Si nous possdons oorpore alieno des deniers ou des denres, nous


pouvons consentir un mutuum sans remettre nous-mmes ces choses l'em-
prunteur : nous pouvons donner ordre celui qui les dtient en notre
nom (fils, esclave, dpositaire, etc ...) de les remettre l'emprunteur;
le mutuum se forme ds que cet ordre est excut.

A l'inverse, nous pouvons emprunter sans recevoir nous-mmes ce


que nous empruntons : nous pouvons demander au prteur de remettre la
chose une personne habile la recevoir en notre nom : lorsque la cho-
se lui est remise, c'est nous qui devenons propritaires en vertu de cet-
te tradition et par consquent, c'est bien nous qui devenons dbiteurs
par mutuum.

Mais le mutuum par intermdiaire a t pratiqu Rome d'une fa-


on encore plus large : les jurisconsultes admettent des solutions que
les principes en matire de tradition ne suffisent plus justifier.

Il tait possible de prter non seulement les deniers que l'on


possdait chez autrui, mais mme ceux qu'on ne possdait pas du tout.
Une personne qui consent un prt n'a pas la somme ncessaire, mais elle
jouit d'un certain crdit chez son banquier, ou bien encore elle sait
qu'un tiers dbiteur va bientt lui verser de l'argent pour s'acquitter
de sa dette.

Pour faire le prt, cette personne pourrait aller chez son ban-
quier et lui demander la somme ncessaire, ou bien attendre que le dbi-
teur ait fait le paiement attendu; mais il est plus simple et plus rapi-
de de raliser le prt par intermdiaire; cette personne prend ses dispo-
sitions pour que la somme d'argent soit verse entre les mains de l'em-
prunteur, par le banquier ou par le tiers dbiteur.

a) Le banquier verse l'argent l'emprunteur sur les instructions de son


client (volontate), et porte cette somme au dbit du compte de celui-
ci. Cette avance peut tre couverte par des dpts dj faits par ce
client, la banque. Dans le cas contraire, le banquier lui consent
une avance et le client emprunte son banquier pour pouvoir faire lui-
:
mme un prt.

b) Lorsque pour faire un prt, on veut utiliser l'argent que doit verser
un tiers dbiteur, on adresse celui-ci l'ordre (.jussum) d'avoir
se librer entre les mains de telle personne - celle qui l'on d-
sire consentir un prt. On peut aussi, sans avoir besoin d'informer
le tiers dbiteur, donner mandat l'emprunteur d'exiger paiement de
celui-ci.
. 76 .

Que I'on ait employ l'un ou l'autre de ces procds, le mutuum


se trouve form le jour o l'emprunteur reoit effectivement les deniers
du banquier ou du dbiteur. Il les reoit d'ailleurs en proprit, car
la tradition lui en est faite par des personnes qui en ont la proprit.
Ce qu'il y a de remarquable, c'est que l'emprunteur ne se trouve pas obli-
g envers la personne qui lui verse les deniers, mais envers celle qui a
consenti le prt et au nom de qui le versement des deniers a t effec-
tu. Ce sont des hypothses o le mutuum se ralise par reprsentation,
de la faon la plus complte.

C'est une solution commode, mais on ne sait gure quel princi-


pe du. Droit Romain on peut la rattacher. On ne peut invoquer ici l'ide
d'une, tradition aorpore alieno, puisque le prteur n'est ici ni propri-
taire, ni possesseur de quelque faon que ce soit, des deniers qu'il fait
verser par autrui. Girard a essay d'expliquer ces solutions par l'ide
de tradition de brve main : sans doute, comme dans la tradition de br-
ve main, on parvient au moyen d'une seule, tradition (du banquier, par
ex., l'emprunteur) au rsultat qui normalement aurait d ncessiter
deux traditions (du banquier son client - puis du client l'emprun-
teur). Mais dans la tradition de brve-m3in, le tradens dispose, au pro-
fit du dtenteur, d'une chose qu'il possde par le corpus de ce dernier;
tandis qu'ici, celui qui prte dispose de deniers qu'il ne possde pas
du tout, pas mme oorpore alieno.

Il faut constater que c'est une solution anormale, admise titre


exceptionnel, uniquement pour les prts d'argent et en considration des
besoins de la pratique : Julien dit que cette faon de prter de l'argent
tait courante de son temps (Julien chez Ulpien D. 12.1 - 9.68).

Mutuum par dlgation :

Mais on est all plus loin encore. Lorsqu'une personne consent


un prt, alors qu'elle n'a pas l'argent, elle peut, nous l'avons vu, uti-
liser une crance en donnant ordre un tiers dbiteur de s'acquitter en-
tre les mains de l'emprunteur. Mais elle peut aussi avoir recours au pro-
cd de la dlgation (D. 12.1-32) : elle dlgue son dbiteur l'em-
prunteur. Elle les met tous deux en rapport : le dbiteur promet de pa-
yer l'emprunteur, qui prend ainsi la place du crancier primitif - le i
dlgant. Le mutuum se forme au moment-mme o la dlgation est faite,
parce que la dlgation "vaut argent comptant" (Julien D. 46.1-18-5.

En fait, ce que l'emprunteur obtient du prteur, ce n'est pas de


l'argent, mais une crance - c'est--dire le moyen de se procurer les de-
niers, qui constituent en dfinitive l'objet du prt.
. 77 .

Mutuum
par translation
d'une valeur :

Il y avait l une.ide susceptible de recevoir une applIcation


plus large : si par exemple je n'ai pas de deniers offrir, ne pourrais-
je pas faire malgr tout un prt d'argent, en donnant l'emprunteur,
avec autorisation de la vendre, n'importe quelle chose, dont il pourra
tirer les deniers qu'il dsire ?

La jurisprudence classique n'admettait pas cette combinaison :


par le mutuum, l'emprunteur est tenu re, de restituer des choses de m-
me nature que celles qu'il a reues; s'il a reu des boeufs, il ne peut
pas tre tenu ve de rembourser de Mangent ! (Africain, D_. 17.1-34 pr).

Au dbut du lll s., Ulpien (0. 12.1-11 pr) admet cependant


qu'il y a mutuum si la chose remise I'emprunteur la place de l'ar-
gent, objet du contrat - est une chose dont la valeur en argent monnay
est facile connatre : lingot de mtal prcieux, plats d'argent mas-
sif, et Ulpien est d'avis que le mutuum ne doit se former qu' partir
du jour o le mtal a t vendu, parce que c'est seulement partir de
ce moment-l que l'emprunteur est en possession des deniers qu'il em-
prunte.

Pendant la crise conomique du 111 s. la raret du numraire


ft flchir les principes; en 283 Diocltien permit de faire des prts
d'argent, en remettant l'emprunteur du btail et l'emprunteur tait
tenu de rembourser la valeur d'estimation convenue entre parties (CJ.
4.2.8.). Cette obligation devait, semble-t-il, prendre naissance ds
le jour du contrat, puisque son x>bjet est la somme d'estimation et non
le produit vritable de la vente.

Cette forme de mutuum pouvait donner lieu bien des abus : il


tait facile de raliser un prt usuraire en estimant le btail trs au-
dessus du prix que l'emprunteur pouvait en tirer.

3 - LES EFFETS DU MUTUUM

Le mutuum est contrat unilatral; il n'oblige qu'une des deux


parties, l'emprunteur. Cette obligation est sanctionne par une action
de droit strict, la aondictio oertae peauniae ou la oondiotio oertae
x>ei, selon que l'objet du prt est une somme d'argent ou une autre chose
de genre (denres, bl, etc . . . ) .

L'emprunteur doit restituer ce qu'il a reu : l'objet de son obligation


correspond exactement la datio 'qui lui a t faite.
; 78 .

1) Il doit faire une datio : le paiement consiste faire, au profit


du crancier, une tradition translative de proprit.

2) Cette datio porte sur une chose de genre, puisque c'est une chose de
..genre que l'emprunteur a reue. Il en rsulte que la perte fortuite
de la chose due ne I ibre pas l'emprunteur, car les choses de genre
prissent toujours aux risques de celui qui les doit, en vertu de la
rgle "gnera non pereunt".

3) L'emprunteur ne restitue pas la chose mme qu'il a reue, mais une


chose semblable;: Il doit rendre une quantit gale de choses de m-
me nature et de mme quaiit. II est tenu Te, dans la mesure de ce
qu'iI a reu et pas davantage. Cette quivalence parfaite entre la
chose due et la chose reue donne au mutuum le caractre d'un prt
essentiellement gratuit. Le crancier ne peut pas obtenir, en vertu
du mutuum, des Intrts en sus de ce qu'il a prt. Le juge, statu-
ant sur la oondiatio qui sanctionne ce contrat, ne pourrait mme pas
condamner le dbiteur payer les intrts moratoires, s'il a tard
rembourser.

Mais le mutuum, qui avait t l'origine un contrat de bienfai-


sance, pratiqu entre amis, tait couramment employ l'poque classi-
que pour prter intrt. On joignait au mutuum une stipulation d'in-
trt. L'emprunteur tait oblig re en vertu du mutuum, de rembourser
le capital reu (.sors) et par ailleurs il tait oblig verbis, en vertu
d'une stipulation, de payer des intrts (.ueurae). Il fallait une sti-
pulation; une simple clause, un pacte joint au mutuum n'auraient pu suf-
fire. Le simple pacte d'intrts joint au mutuum est sans valeur, sauf
dans quelques cas exceptionnels; ds l'poque classique un pacte suffit
donner droit des intrts dans le nautiaum foenus, et dans le cas
de prts consentis par des cits (contrat de droit public). Justinen
ajouta deux autres exceptions la rgle : le prt de denres et les
prts consentis par des banquiers.

L'emprunteur doit payer les intrts qui ont t stipuls et les


payer aux dates prvues. S'il n'excute pas ses obligations et si le
crancier l'actionne en justice, la litis oontestatio fait courir les
intrts, lorsque le mutuum n'a pas t consenti gratuitement.

4 -LA REGLEMENTATION DU PRET A INTERET

Selon les fins conomiques auxquelles il rpond, le prt int-


rt peut tre bienfaisant ou nfaste. Les prts consentis des Industriels
ou des commerants sont des facteurs de prosprit : U s empruntent en ef-
fet pour donner plus de dveloppement leurs affaires et ils empruntent
d'ordinaire des taux raisonnables, car ils sont en mesure d'offrir des
garanties et en tat de se dfendre contre les prtentions des prteurs.
. 79

Les prts consentis la consommation sont au contraire presque


toujours nfastes. Au point de vue conomique, ils sont striles : les ca-
pitaux qu'ils dranent ne servent pas produire des richesses, mais pa-
yer la consommation de richesses dj produites. Au point de vue social,
ils sont dangereux : I'individu qui emprunte pour faire face des dpenses
qui dpassent ses moyens, n'a pas d'ordinaire de srieuses garanties of-
frir; press par le besoin, il n'est pas en mesure de discuter les condi-
tions qui lui sont imposes; les prts de ce genre deviennent facilement
usuraires.

Or les Romains n'ont gure connu l prt intrt - le foenus,


qui se ralisait par stipulation, ou au moyen d'un mutuvm complt d'une
stipulation d'intrts - que sous la forme la moins recommandable. En ef-
fet, lorsque les hommes d'affaires -financiers ou commerants - avaient
besoin de capitaux, ce n'tait pas au foenus qu'ils avaient recours; ils
fondaient des socits, intressaient les capitalistes leurs affaires en
qualit de soaTT.

Les prts intrt taient ia plupart du temps consentis des


besogneux : paysans ruins par les ravages de la guerre ou plbe urbaine,
attire par le mirage de la grande ville et qui y vivait misrablement.

Sous la Rpublique, la question des dettes fut, avec la question


agrafre, le grand problme social qui opposait une bonne partie de la popu-
lation la classe riche : nombreuses furent les lois qui concernent cette
matire.

Lorsqu'aprs des abus trop criants, la situation paraissait trop


tendue, le lgislateur accordait une remise de dettes (comme le fit par ex-
emple la loi Poetelia Papt-ria). Les exigences souvent menaantes de la
plbe amenrent le lgislateur fixer de plus en plus bas le taux des in-
trts qu'il tait licite de percevoir : les progrs conomiques d'ailleurs
devaient entraner un abaissement du taux de l'intrt.

L'attitude du Droit Romain en cette matire fut trs diffrente


de celle de beaucoup de lgislations anciennes : le droit hbreux, le droit
canonique (1), le droit musulman, prohibent la perception d'intrts quel
qu'en soit le taux.

Les lois romaines au contraire (sauf la loi Genioia qui ne fut


pas longtemps applique) partent de cette ide que le prt intrt est
licite : l'intrt, s'il est modr, est le juste loyer de l'argent prt.
Les lois romaines se contentrent d'empcher des abus, en fixant un taux
maximal, au-dessus duquel la perception d'intrts devenait illicite.

(l) Les canonistes fondent la prohibition du prt intrt sur un passage


des Evangiles (St. Luc 6.35) "mutuvm date nhil inde sperantes" - et
sur le principe formul par ARISTOTE dans sa "Politique" (1.3-23) =
"l'argent ne fait pas de petits".
. 80 .

Quels ont t les taux limites autoriss par la loi ? Quelles


furent les sanctions appliques aux usuriers qui; dpassaient ces limites ?

La limitation lgale
du taux de l'intrt :
ssese3B38asse=ss=ass

Les textes nous font savoir que ds une poque trs ancienne,
le lgislateur romain s'tait dj souci de limiter le taux de l'intrt,
en cas de prt d'argent. Cette mesure, souvent attribue aux XII Tables,
semble en ralit avoir t prise un peu plus tard par une loi Duilia Men-
nia, plbiscite vot l'instigation des tribuns de la plbe entre 357 et
352 av. J.C.

Le vieux lgislateur considrait comme licite la pratique de


l'unciarum foenus, qui consistait exiger une once d'intrt par as prt.
Comme I'as comprenait 12 onces, cela faisait un intrt de 1/12 du capital,
soit sembie-t-il de 8,33 % par an.: Mais Appleton a dmontr que les vieux
romains n'ont jamais song calculer les intrts par an : Ils les calcu-
laient par mois; le dbiteur devait les payer au dbut de chaque mois, aux
Calendes : c'est pourquoi le registre sur lequel les prts taient consi-
gns s'appelait Kalendarium et l'action en rclamation d'intrts s'appe-
lait "action Kalendaria", Vunoiarum foenus, autoris par les vieil les lois
de Rome tait donc bel et bien un prt sur le pied de 1/12 du capital par
mois, soit 12/12 par an, c'est--dire 100 %.

Ce taux fut rduit de moiti, en 347 isemi unoicum foenus). Des


intrts aussi excessifs pesaient lqurderont sur la plbe endette. En 342
la loi Genicia en vint interdire la perception de tout intrt quel qu'en
ft le taux : mais cette mesure, trop nergique, tomba vite en; dsutude.
Au temps de Cicron (1 s. av. J.C.) le taux licite tait de 1 % par mois :
c'est ce qu'on appelait les aentesimae usurae (soit 12 % par an) (1).

Ces mesures ne; concernaient ni; ie prt de denres., ni le prt


maritime, pour lesquels II n'existait aucune; limitation. Pour les prts
d'argent, il ne semble pas que les capitalistes de l'poque se soient beau-
coup soucis de respecter la limite lgale. La loi romaine ne protgeait
que l'emprunteur romain : on pouvait prter usure aux trangers : rois
en difficults ou cits; ruines par l'occupation romaine. Les amis de Ci-
cron, J. Brutus, Atticus, l'affairiste Rubirius ne trouvaient sans doute
pas convenable de consentir de petits prts usuraires Rome, mais ils fai-
saient d'normes avances aux rois et aux cits des taux qui atteignaient
souvent 48 % et parfois mme 100 %. Dans les prts entre Romains, on tour-
nait la loi en se servent de prte-noms trangers, souvent de Latins.

(1) Un taux plus bas : 10 % avait t dict peu avant Cicron, par une loi
Pompeia, vote l'instigation de Sylla (FESTUS V "Lex Unoiavia").
81 .

Le rgime imprial mit fin cette exploitation des pays allis


ou conquis. D'ailleurs la prosprit gnrale devait ramener le loyer de
l'argent des taux plus bas. Des tmoignages des 1 et IIe s. de notre
re nous montrent qu'on plaait alors normalement son argent des taux qui
varient entre 4 et 6 % (ainsi, sous Trajan, la fondation charitable dont
parle l'inscription des Ligures Baebiani tait alimente par les revenus
d'un capital plac 5 %). Le maximum licite reste 12 % (pratiqu dans les
actes de Transylvanie au 11 s. de notre re).

A la mme poque, des taux bien suprieurs talent pratiqus en


Egypte et en Msopotamie, mais la fertilit extraordinaire de ces pays peut
sans doute expliquer ce phnomne.

Avec la grande crise du 111 s., la rarfaction du numraire ne


devait pas manquer de rendre les emprunts trs onreux pour ceux qui taient
obligs d'y recourir. Les empereurs chrtiens essayrent de lutter contre
l'usure : Constantin, en 325 (C. Thod. 2.33-1) rappelle qu'en matire de
prt d'argent, le taux lgitime est toujours celui des oentesimae usiae
(12 %) et pour la premire fois introduit une rglementation du prt de den-
res, autorisant d'ailleurs le taux trs lev de 50 % : trois boisseaux de
bl rendre pour deux reus.

Justinien dcida d'abaisser considrablement le taux de l'int-


rt en soumettant toute cette matire une rglementation dtaille. Dans
cette lgislation, le taux normal est de 6 % par an, mais les commerants
sont autoriss pratiquer le taux plus lev de 8 %, tandis que les per-
sonnes illustres ne peuvent exiger plus de 4 %. Les cultivateurs qui em-
pruntent bnficient d'un taux particulirement avantageux : 1/24 du capi-
tal, soit un peu plus de 4 %; mais des taux plus levs sont permis en ma-
tire de prt maritime (12 %) et de prt de denres (12,5 %). Le taux est
rduit de 24 % 12 % pour les intrts lgaux qui, en cas d'inexcution,
courent de plein droit quatre mois aprs la date du jugement portant condam-
nation de payer une somme en capital.

Par ailleurs, Justinien interdisait, plus compltement que ses


prdcesseurs, la pratique de l'anatocisme {uswcae usurmm) (CJ_. 4.32-28).
Il dcidait en outre (dans la Nov. 121) que les intrts, bien que stipuls
un taux licite, cesseraient d'tre ds partir du moment o le total des
arrrages successivement pays viendraient ga^r.Le capital, h force de
vouloir user de douceur et de charit envers le dbiteur, Jus-ftnlen prenait
l une mesure injuste et maladroite puisqu'elle frappait surtout le cran-
cier qui laissait de trs longs dlais l'emprunteur pour s'acquitter.

Toute cette rglementation minutieuse et inspire de bons senti-


ments avait le tort de ne tenir aucun compte des ralits conomiques ni
surtout des ncessits partieuIires certaines rgions de l'empire : elle
souleva de vives protestations et ne fut gure respecte.

Les sanctions
:sss3S3==:

Le fait d'exiger des intrts suprieurs ceux que la loi auto-


rise constitue I'usure. L'usure fut d'abord considre comme un dlit, en-
tranant des sanctions pnales. Les vieilles lois romaines (peut-tre dj
82

les XII Tables) organisaient contre les usuriers une action populaire -
(c'est--dire ouverte quiconque voulait se porter accusateur) - aboutis-
sant frapper l'usurier d'infamie et lui faire payer une peine pcuniai-
re au profit de l'accusateur; cette peine tait fixe au quadruple des in-
trts perus en trop.

Cette rpression svre tomba assez rapidement en dsutude :


avec la loi Mccia (111 s. av. J.C.), c'est une simple sanction civile,
nergique il est vrai, qui est institue : l'emprunteur peut faire "manus
injeetio pura" sur la personne de l'usurier, pour obtenir restitution des
Intrts Illgalement perus.

Sous l'Empire, la sanction de l'usure fut nouveau porte sur


le terrain pnal : une juridiction spciale, une quaest-io, fut mme tablie
pour;juger les affaires d'usure et d'accaparement, sur des poursuites publi-
ques. Les usuriers sont.nots d'infamie (CJ_. 2.11-20; Diocltien 290).

Au Bas-Empire, l'influence chrtienne devait porter les empereurs


se montrer svres l'gard des usuriers : une constitution de 386 (C.Th.
2.33.2) remit en honneur le vieux systme de la peine du quadruple, mais
cette peine au lieu d'tre rclame par n'importe quel accusateur, ne pro-
fitait qu' la victime.

Justlnien, qui avait abaiss considrablement le taux de l'int-


rt, dut adoucir les sanctions : l'usurier tait encore frapp d'infamie,
mais chappait toute peine pcuniaire : les intrts usuraires dj per-
us devaient tre simplement imputs sur le capital.

5 - LE NAUTICUM FOENUS

Nous avons signal plusieurs reprises l'existence de rgles


particulires en matire de prt maritime. Les Romains ont connu, sous le
nom de nauticum foenus, un contrat alatoire assez comparable au "prt la
grosse aventure" dont s'occupe l'art. 331 de notre Code de. Commerce.

Dans l'Antiquit, les armateurs ne se contentaient pas d'affr-


ter des navires : ils achetaient une cargaison dans un port, la transpor-
taient et la revendaient dans un autre port. Ce grand commerce internatio-
nal ncessitait d'importants capitaux : les armateurs les empruntaient. A
la diffrence du mutuum, ce prt n'est pas destin la consommation, mais
rpond aux besoins du commerce. Les :Romains l'ont organis en s'inspirant
des usages pratiqus avant eux par Ies commerants grecs. Ce qui fait l'ori-
ginalit de cette forme de prt, c'est que le bailleur de fonds est associ
aux risques de la navigation : si le navire fait naufrage, l'armateur ne rem-
bourse rien; si au contraire le navire arrive bon port, l'armateur doit,
en plus du capital, payer de trs gros Intrts.

Le nautiaumfoenus a d'abord t utilis pour le commerce d'impor-


tation : l'armateur chargeait sur son navire l'argent qu'il avait emprunt,
en vue d'acheter .une cargaison dans un port lointain. Cet argent qui traver-
. 83 .

sait les mers porte le nom de trajeot-toia gecunia : il n'y avait pas le
rembourser s'il sombrait avec le navire.

Puis le systme fut tendu au commerce d'exportation : avec l'ar-


gent emprunt, l'armateur achetait sur place une cargaison qu'il transpor-
tait et vendait au loin. Ce n'tait plus l'argent qui tait charg sur le
navire, mais la marchandise achete avec cet argent : si cette cargaison
prissait en mer, l'armateur n'avait rien rembourser.

Finalement on soumit au mme rgime tout prt consenti en vue


des besoins de la navigation : argent emprunt pour rparer le navire, pour
payer le salaire des marins. Le nautiaum foenus devint un prt consenti
un armateur, et qui n'obligeait celui-ci rembourser que si tel navire re-
venait au port.

Cette forme de prt tait dj en usage Rome ds la fin de la


Rpublique : mais les jurisconsultes se demandaient dans quelle catgorie
juridique connue du droit romain pouvait bien entrer ce contrat emprunt
aux Grecs. Pour que la validit de cette opration ne ft pas douteuse,
ils conseillaient d'y ajouter une stipulation de peine. Sous l'Empire, on
fit entrer finalement cette opration dans les cadres du mutuum; mais c'est
un mutuvm qui prsente de nombreuses singularits :

1) I I est affect d'une condition suspensive :

L"emprunteur n'est oblig de restituer que si le navire revient


bon port.

2) Les intrts n'ont pas besoin d'tre stipuls : un pacte suffft pour
qu' i Is soient ds.

3) Le taux de l'intrt n'est pas limit (sauf dans le droit de" Justinien,
12 %).

4) Ce prt est garanti par une hypothque sur le navire, f

5) Enfin, de nombreuses clauses annexes concernent le prpos (d'ordinaire


un esclave) que le bailleur de fonds installait sur le navire pour sur-
veiller la navigation et rendre plus difficile la fraude, qui aurait con-
sist, de la part de l'armateur, soit, faire sombrer le navire, soit
prtendre qu'il avait sombr, pour n'avoir rien rembourser.
. 84

SECTION II : LES CONTRATS RE DE BONNE FOI

Les InstIttes de Justinlen (3.14-2) signalent trois contrats de


bonne foi : le dpt, le commodat et le gage : Il convient d'en ajouter un
quatrime,-..la_ fiducie, dont Justinien ne parle pas parce qu'elle avait ces-
s d'tre-en usage.
Ces quatre contrats sont comme le mutuwn, des contrats re : le d-
biteur est encore ici tenu de restituer parce qu'il a reu, et de restituer
ce qu'il a reu. Mais tous autres gards, Ils sont diffrents du mutuum :
Ils sont sanctionns par des actions de bonne foi; ils sont synallagmatiques
Imparfaits; enfin Ils obligent le dbiteur restituer, non pas l'quivalent,
mais l'objet mme qu'il a reu. En effet, tandis que dans le mtuum le d-
biteur reoit une chose de genre pour la consommer - dans ces quatre contrats
de bonne foi, 11 reoit une chose d'espce (ou considre comme tel le)
charge de la conserver et de la restituer dans son Identit.

Les besoins pratiques auxquels correspondent le dpt, I prt ;


usage et le gage ont d'abord reu satisfaction au moyen de la fiducie :
dans ce contrat, \yaceipiens devenait propritaire de la chose et prenait
I'engagement de la restituer. Dans le courant de la RpublIque, on jugea
plus commode de raliser ces mmes oprations sans transfrer la proprit;
ainsi sont apparus le dpt, le commodat, le gage - d'abord de simples ne-
gotia sanctionns par le prteur, au moyen d'actions in factura - puis vri-
tables contrats munis d'actions civiles in jus de bonne foi, dans le dernier
tat du droit romain. A ct de ces nouveaux contrats.,-, lai:fiducie continua
tre employe pendant l'poque classique.

1 - LA FIDUCIE

La fiducie est un acte par lequel un individu appel acqureur


fiduciaire reoit une chose en proprit, ou une personne, en maneipium,
par un procd solennel et s'engage soit restituer cette chose, soit af-
franchir la personne du maneipium.

Cet engagement tait sanctionn l'poque classique par I'action


fiduciaire, action de bonne foi mise la disposition de l'allnateur fidu-
ciaire : la fiducie est par consquent un contrat de bonne foi. C'est un
contrat re, parce qu'elle comporte un lment rel : la remise de la chose
en proprit entre les mains de l'acqureur fiduciaire.

A/ La fiducie l'poque classique :

1/ Formation du contrat :

Contrat re, la fiducie ncessite la runion de deux lments :


a) un accord de volont : il est convenu que l'acqureur fiduciaire ne
conservera pas la proprit ou le maneipium; b) un lment rel : le trans-
. 85 .

fert de la proprit ou l'tablissement du manoipium j>er un procd solen-


nel. Selon GaTus (11.59) la fiducie se ralise soit au moyen de la man-
cipation., soit au moyen de \Hn jure oessio. La ncessit de recourir
ces modes formalistes de transfert1 rend la fiducie impossible avec des
prgrins. LHn jure cessio, trs Incommode parce que requrant la com-
parution des parties devant le magistrat, ne devait gure tre employe
que dans les cas o la mancipation n'tait pas possible ves neo manci-
pi (1), ou quote part de proprit. En fait, les actes de la pratique
(tous du 8 s.) ne nous prsentent que des fiducies ralises par mancl-
paton et ayant pour objet des esclaves ou des terres ires manoipi),

D'aprs une doctrine (Girard) qui trouve encore des partisans,


le contrat de fiducie serait compos de deux lments distincts, chacun
produisant un effet particulier : d'une part la mancipation qui ne pro-
duit qu'un effet "rel", le transfoert de la proprit, d'autre part le
paotum fiduoiae, convention par laquelle l'acqureur prend l'engagement
de restituer.

Cette faon de se reprsenter la fiducie nous parat Indfenda-


ble. D'abord on ne voit pas bien comment un pacte peut faire natre une
-obligation sanctionne par une action civile, I^aotio fiduoiae (2). D'au-
tre part, les actes de la pratique nous mettent bien en prsence d'un
paotum oonoentum, reproduit aprs le procs-verbal de mancipation : mais
ce paotum, loin de faire natre la charge de l'acqureur l'obligation
de restituer, l'autorise conserver la chose sous certaines conditions
et mme dans certains cas ne pas la restituer du tout (3). Ce n'est
pas par consquent du ct du pacte qu'il faut chercher la source de
l ' o b l i g a t i o n de r e s t i t u e r .

A notre sens, elle dcoule de la mancipation elle-mme : le m-


canisme est comparable celui que nous avons rencontr en matire de
mutuwn : l'obligation de restituer le somme emprunte rsulte du fait
que les deniers ont t remis " titre de prt". De mme dans la fidu-
cie, l'acqureur est oblig de restituer parce que la chose lui a t
transfre en proprit "fiducial rement".

La mancipation, en matire de fiducie, n'est pas une mancipation


ordinaire, elle est faite " titre de fiducie", "fiduoiae causa" et pour
un prix fictif nummo uno.

2/ Utilisations pratiques de la fiducie :

On se sert de la fiducie quand on dsire qu'une personne ne con-


serve pas la proprit ou le manoipium qu'elle acquiert, mas ne les ait

(1) Contra ERBE : "Die Fiduzia" (1940) p. 13


(2) La rgle formule dans les XII Tables : "ut lingua nunaupassit" valide
les leges manoipi, jointes une mancipation; mais la lex manoipi dfi-
nit le statut de la chose mancipe et n'est pas un pacte conclu en vue
de faire natre une obligation.
(3) GROSSO : SDHI 1941, pp. 425 sq.
. 86 .

que de faon temporaire. On pourrait1 obtenir Ce rsultat trs simplement


en introduisant dans le transfert de proprit une condition rsolutoire.
Mais: le Droit Romain est hostile : l'ide d'une proprit rsoluble. Avec
la fiducie, le rsultat dsir est obtenu, mais avec des effets juridiques
moins efficaces et des complications.

Avec un transfert sous condition rsolutoire, l'acqureur, l'ar-


rive de la condition, cesse automatiquement d'tre propritaire : sa pro-
prit s'vanouit. Avec la fiducie, l'acqureur fiduciaire ne perd pas
automatiquement sa proprit : il y a simplement pour lui l'obligation de
s'en dpouiller par un acte volontaire (retransfrer la proprit, affran-
chir).

.-' La fiducie a t utilise dans bien des hypothses qui intressent


le droit des biens et aussi le droit des personnes :

a) Dans le droit des biens, GaTus (11.60) signale deux varits de fidu-
cies : l'une avec un crancier (ewm creditore), l'autre avec un ami
(cum amiao). Il est probable qu' l'origine il n'existait pas de dif-
frences entre ces deux catgories d'applications, mais la fiducie
pum creditore s'est, au cours des sicles, enrichie d'un paotum de plus
en plus favorable au"crancier", au point de donner cette fiducie
une physionomie bien' diffrente de la fiducie cum miao.

a) L fiducie cum cteditore est une faon d'offrir une sret relle
son crancier : le dbiteur lui transfre la proprit, par exem-
ple d'un esclave. Quand la dette sera paye, le crancier devra
restituer au dbiteur la proprit de cet esclave. Le Droit Romain
connat une sret relle qui ncessite beaucoup moins de complica-
tions : le pignus, qui se.fait en remettant au crancier la simple
possession du gage, et qui a mme pu se faire sans dplacement de
la possession, par convention. La fiducie a subsist ct du pi-
gnus, parce qu'$n accordant au crancier la proprit1de la chose
donne en garantie, elle est plus avantageuse pour lui.

B) La fiducie cum amiao rpond au mme besoin pratique que le dpt.


Mais, comme le remarque GaTus, la fiducie prsente, l'gard du
dpt, un avantage certain : en effet, avec la fiducie, la chose
devient la proprit, de celui qui la prend en dpt; la chose est
ainsi plus en scurit. Uaccipiens, devenu propritaire, peut d-
fendre la chose contre les tiers; il dispose de l'action en reven-
dication, de l'actio furti, de I'actio legis quiliae, actions qu'il
n'aurait pas si l'on avait employ le contrat de dpt qui ne procu-
re pas autre chose au dpositaire que la simple'dtention.

b) La fiducie trouve sa place dans un acte que l'on rencontre l'origine


du testament civil per aes et libram. La mancipatio familiae tait
une mancipation fiduciaire : le familiae emptpr acqurait tout le pa-
trimoine du testateur, et s'engageait remettre les biens de la suc-
cession divers bnficiaires que le testateur lui indiquait.
. 87 .

La donation cause de mort pouvait aussi se raliser au moyen


d'une fiducie : le donataire, ayant reu la chose par mancipation fi-
duciaire, s'engageait la restituer s'il ne survivait pas au donateur

c) Enfin il ne faut pas oublier la place qu'occupait la fiducie en matire


de rnanus et de puissance paternelle. L'mancipation fiduciaire, la
coemptio fiduoiaria se faisaient au moyen d'une fiducie : celui qui
acqurait une puissance s'engageait soit affranchir soit retrans-
frer cette puissance. Il y avait aussi la fiducie en vue de faire
affranchir un esclave par l'acqureur fiduciaire.

3/ Effets de la fiducie :

Puisque la fiducie est un transfert de proprit avec convention


de restitution, Il faut envisager ses effets deux points de vue : a) au
point de vue du droit rel tabli sur la chose; b) au point de vue des
obligations qui en dcoulent.

a) Au point de vue

L'alnateur fiduciaire se dpouille de la proprit, en proc-


dant la mancipation. Si par consquent la chose ne lui est pas res-
titue comme il a t convenu, il ne peut pas exercer la revendication
pour la rclamer.

Mais s'il parvient s'emparer de la chose, Il peut trs rapide-


ment en rcuprer la proprit par une usucaplon. spciale,'l'usurecep-
tio fiduoiaria, qui fonctionne au bout du dlai d'un an de possession,
mme pour les Immeubles, et qui n'exige du possesseur ni juste titre
ni bonne foi, contrairement aux rgles ordinairement admises en mati-
re d'usucapon.

L'alnateur fiduciaire bnficie de ce genre trs avantageux de


prescription, sans aucune restriction, dans la fiducia oum amiao. Par
contre, en cas de fiducia oum cveitove, il y a lieu de faire certai-
nes distinctions. Si le dbiteur a pay son d, le crancier est dans
son tort en conservant la chose : le dbiteur peut essayer de mettre
la main sur elle, et s'il y parvient, il peul* au bout d'un an, invo-
quer I'usureoeptio fiduoiaria. Si le dbiteur n'a pas compltement
pay sa dette, I'usureoeptio est encore en principe possible : elle
lui est cependant refuse s'il se trouve en possession de la chose en
vertu d'une convention consentie par le crancier (convention de loua-
ge, ou de prcaire) : il serait trop inique que le dbiteur puisse ti-
rer avantage, I'encontre de son crancier, d'une possession qu'il
tient de la bienveillance de cli-ci.
. 88 .

b) Obiigtions
c
iyI_^2yin_e._i._i!yle.

a) La fiducie oblige celui qui a reu la chose la restituer en pro-


prit. Cette obligation est sanctionne par une action in perso-
nam, l'action fidueiae : elle est civile, de bonne foi, avec une
formule, in jus, incerta. Cette action est infamante (G. IV.182).
El le est transmissble activement et passivement.

8) La fiducie fait-elle natre par ailleurs une obligation la char-


ge de l'alinateur fiduciaire, dans le cas o celui qui a reu la
chose a fait des frais pour en assurer la conservation ou en aug-
menter la valeur ? La fiducie est-elle un contrat synallagmatque
imparfait?

Dans plusieurs textes du Digeste qui parlent du pignus, mais que


les jurisconsultes avaient crits propos de la fiducie, Il est
question d'une action contraria (action en sens contraire de l'ac-
tion normale). Lenel (Edt. 11-5) ne met pas en doute l'existence
d'une aotio fidueiae contraria au profit de l'acqureur fiduciaire.
Par contre, Biondo-Biondi souponne les compilateurs d'avoir inter-
pol non seulement le mot pignus, mais aussi la mention de cette
action contraria : l'poque classique l'acqureur fiduciaire, pour
obtenir remboursement de ses frais, n'aurait eu d'autre moyen que
d'exercer un droit de rtention sur la chose, quand on la lui r-
clamait par I*actio fidueiae. Mais un texte des Sentences de Paul
(11.13.7) parat peu favorable cette faon de voir : ce texte en-
visageant le cas d'une fiduoia cum oreditore, alors que le crancier
a fait des frais pour amliorer la chose reue en garantie, dit ce'
ci : "Le crancier rendra, par l'action de fiducie, son dbiteur
redevable des dpenses faites". Ce texte peut concerne si l'on
veut, un droit de rtention exerc au moment o s'Intente I } aetio
fidueiae directa; mais il faut convenir qu'il s'entend beaucoup mieux
encore d'une action fidueiae contraria Intente par le crancier.

B/ H||toire=de=ia_fiducie :

1/ Or i g i ns :

La fiducie est trs ancienne, mais elle a longtemps fonctionn


saris que l'obligation de restituer ft sanctionne au moyen d'une action.
On peut admettre que ds l'origine, la mancipaton fiduciaire se caract-
risait par une dclaration de l'acqureur, une nuncupatio par laquelle
II reconnaissait que si la chose devenait sienne, c'tait "fidueiae cau-
sa". Cela signifiait que la chose tait abandonne sa fides. M. im-
bert (1), appliquant en matire de fiducie son hypothse sur le caract-

(1) IMBERT : "Fides et nexum" - Studi Arangio Ruiz 1.1952, p. 333.


89 .

re ancien de la fides, dfinit la fiducie primitive comme un abandon to-


tal et solennel d'une ves manoipi un ami ou un crancier. L'alina-
teur fiduciaire s'en remettait entirement au bon vouloir de l'acqureur.
Celui-ci ne prenait sa charge aucune obligation : le fait que la chose
tait remise sa fides emportant simplement pour lui le devoir moral et
religieux de ne pas faire de tort l'alinateur fiduciaire : par exem-
ple, dans la fiduoia eum oveditove, le crancier aurait fait tort au d-
biteur en conservant le gage aprs avoir reu paiement. Mais il n'y
avait l aucune obligation de caractre juridique - et aucune action en
justice pour le contraindre restituer.

Avec l'volution de la notion de fides, la fiducie imposa l'ac-


qureur fiduciaire des devoirs plus prcis : iI ne devait pas tromper la
confiance que l'alinateur lui avait faite. Ce devoir n'a d'abord t
qu'un devoir moral sanctionn par l'opinion publique : il tait dshono-
rant d'abuser de la confiance. Puis des sanctions juridiques furent tma-
g i nes.

Ds l'poque des XII Tables, la fiducie, sans tre encore un con-


trat sanctionn par une action, tait dj une opration prise en consi-
dration par le jus civile : en effet on trouve dans la Loi des XII Ta-
bles des dispositions relatives I'usureceptio fiduoicia. Cette for-
me d'usucapion permettait l'alinateur fiduciaire de rcuprer facile-
ment la chose; c'est, si' l'on veut, une sanction indirecte, mais encore
bien imparfaite de la fiducie.

2/ L'action fiduoiae :

A une poque qu'il est difficile:de prciser, la fiducie a t


sanctionne. Q. Mucius Scaevola (consul en 95 av. J.C.) faisait figurer
la fiducie dans la liste des actions de bonne foi connues de son temps.

Mais Cicron ("De Offiaiis" 3.15.61), reproduisant une partie de


ia formule de l'action de fiducie, cite des termes qui ne sont pas ceux
qu'on rencontre ordinairement dans une formule de bonne foi. Ce Merci,
l'poque classique, se caractrise par les mots "ex fide bona ... oppor-
tet". Or Cicron nous parle d'une action de fiducie dont la formule con-
tenait les mots "ut inter bonos agire" = "comme il convient d'agir entre
honntes gens".

Beaucoup d'auteurs prtendent que la formule, cite par Cicron,


n'est pas celle d'une action civile de bonne foi, mais ne peut tre que
celle d'une action prtorienne in faotum. On en a dduit l'hypothse sui-
vante : la fiducie aurait d'abord t un negotium pris en considration
par le prteur, avant d'tre rige en contrat de bonne foi. A l'poque
de Cicron, la formule de bonne foi tait dj en usage, puisque Q. Muci-
us, antrieur Cicron, la connaissait. Il y avait donc la fin de la
Rpublique deux formules possibles en matire de fiducie : une formule
in faotum, ancienne, et une formule civile de bonne foi, plus rcente. Ce
. 90 .

phnomhe ne doit pas nous tonner : la mme dualit de formules existait


au temps de GaTus en matire de dpt. La fiducie aurait connu, la fin
de la Rpublique, le mme processus, historique qui s'est renouvel un ou
deux sicles plus tard pour le dpt.

A quelle poque.ces deux actions de fiducie ont-elles pu appara-


tre ? Girard pense q'elles supposent dj l'existence de la procdure
formulaire : elles ne sauraient tre antrieures la loi Aebutia que
Girard situe entre 149 et 126 av. J.C. Localise entre la loi Aebutia
et l'poque de Quintus Mucius, l'apparition de l'action fiduoiae se situe-
rait dans le milieu ou la fin du 11 s. av. J.C.

Cette doctrine nous parat discutable. Tout d'abord, il n'est


pas prouv que l'action fiduoiae ait d'abord t connue sous la forme
d'une action prtorienne in faatum. A l'poque de Cicron, les formules
n'avaient pas encore pris leur forme dfinitive : la clause "ut inter
bonos agire", a bien pu tre, au temps de Cicron, l'quivalent de "ex
fide bona" : la formule cite par Cicron n'est probablement pas autre
chose que la formule in jus de bonne foi, que connaissait Q. Mucius.

D'autre part, beaucoup d'auteurs admettent maintenant, contrai-


rement a la doctrine de Girard, que des actions de bonne fol ont pu exis-
ter avant I 'introduction de la procdure formulaire, sous la -forme d'une
legie aotio per judicis poetulationem. II est donc possible de faire
remonter l'action fiduaiae une poque antrieure la loi Aebutia :
cette faon de voir semble confirme par des allusions l'action fidu-
aiae que l'on rencontre dans quelques vers de Plaute (mort en 184).

:
3/ Disparition de la fiducie :

La fiducie n'est jamais mentionne dans la Compllatlon de Justi-


nien.

La disparition de la fiducie soulve plusieurs problmes.

a) Pourquoi : la fiducie
a-t-elle cess d'tre en usage ?
et__que_Me_poque_?

A l'poque classique, la fiducie tait encore une institution


, bien vivante, surtout sous la forme de la fiduoia cum areditore, qui
ne parat pas avoir beaucoup souffert de la. concurrence que pouvait
lui 'aire le pignus.

Les causes de la disparition de la fiducie ont t mises en lu-


mire par Collinet ("Etudes du droit de Justlnien" I) .: la fiducie se
faisait en employant surtout la mancipation. Son sort a t I l ce-
. 91 .

lui de ce vieil acte essentiellement romain. Les Orientaux n'ont ja-


mais utilis volontiers la mancipation - et par consquent n'ont gu-
re connu la fiducie : il est comprhensible que Justinien l'ait fait
disparatre, comme il fit disparatre toute allusion la mancipation.
Par contre, dans les pays de vieille culture latine, en Occident, la
mancipation et la fiducia oum oreditore se sont conserves trs long-
temps : l'dition wisigothique des Sentences de Paul mentionne la fi-
ducie (11.13.1.2.3.5.6.7) : I'"Interpretatio" cependant ne conserve
le mot qu'une fois (11.13.7) et dans les autres paragraphes substitue
fiduoiarius I es termes ves pvo dtito posita, oppignevatust et mme
pignus (5.6).

b) Sources utilisables

Le fait que la fiducie ne figure pas dans la Compilation de Jus-


tinien semble au premier abord rduire considrablement les rense-
gnemenvs que l'on peut runir pour l'tude de ce contrat, puisque no-
tre source ordinairement la plus riche, le Digeste, fait ici dfaut,
ll existe videmment quelques indications en dehors du Digeste : Ga-
Tus (II.59.60; IV.62) - quelques passages de Ccron - quelques docu
ments de la pratique (table Btique et tablette de Pompi et d'Hercu-
lanum).

Mais depuis la remarquable dcouverte de Lenel, il est possible


de retrouver dans le Digeste quantit de textes relatifs la fiducie.
Certains textes, qui au Digeste paraissent concerner le pignus, provien-
nent en ralit de dveloppements classiques relatifs la fiducie.
Les compilateurs ont fait passer ces textes au compte dupignus en sub-
stituant le mot pignus au mot fiducia.

Lenel fit cette dcouverte en 1882, alors qu'il travaillait la


reconstitution de l'Edit Perptuel : pour retrouver le plan de l'dit,
Lenel utilisa la mthode dite des "Inscriptions", qui consiste clas-
ser les fragments de chaque auteur cit au Digeste d'aprs les Indica-
tions fournies par l'inscription qui les prcde, Lenel eut ainsi la
surprise de constater que GaTus, Paul, Ulpien, dans leurs libri ad
ediotum, s'occupaient du pignus deux endroits diffrents. Une rp-
tition de ce genre ne peut tre impute ni l'Edit, ni aux juriscon-
suites qui l'ont comment. Dans un des deux endroits, l'Edit et les
commentateurs de l'Edit devaient parler d'autre chose que du pignus;
ils y parlaient de la fiducia oum cveditove.

On sait maintenant que l'on peut utiliser pour l'tude de la fi-


ducie les fcextes du Digeste relatifs au pignus, quand ces textes pro-
viennent de certaines parties des commentaires de l'Edit (libvi ad
ediotum) : livre 30 pour Ulpien, 31 pour Paul, 10 pour GaTus.
92

2 - LE DEPOT, LE COMMODAT ET LE GAGE

H^sto.re :

La fiducie prsentait pour l'allnateur fiduciaire le grave In-


convnient de le dpouiller de la proprit de la chose : on eut bientt
l'ide de raliser les mmes oprations, sans transfrer la proprit.

Celui qui voulait faire un dpt, prter usage, donner an gage,


remettait la chose au dpositaire, au commodataire, au crancier gagiste,
sans employer de solennit, en faisant une simple tradition non-translative
de proprit. Si I'aocipiens ne restituait pas comme convenu, le tradens
rest propritaire pouvait la rclamer au moyen de l'action en revendication.
Solution encore imparfaite : Il n'est pas toujours facile de prouver la pro-
prit; de plus le tradens peut ne pas tre propritaire.

C'est pourquoi ces oprations ont fini par tre sanctionnes au


moyen d'actions in personam : une obligation de restituer fut mise la char-
ge de raooipiens.
Ce fut d'abord le prteur qui Introduisit dans son dit des ac-
tions in faotum pour le dpt, le commodat, et le gage. : Vers la fin de la
Rpublique, ces trois oprations n'taient pas encore des contrats, mais
des negotia, des affaires, auxquelles le prteur s'intressait.

Dans le courant du 1 s. de notre re, le dpt et le commodat


firent natre une vritable obiigatron re, sanctionne par une action civi-
le, in jus, de bonne foi. GaTus laslgnale ct de l'action in faotum,
qui n'avait pas disparu : le demandeur avait le choix entre ces deux sortes
de formules. Pour le gage, cette volution ne semble pas encore accomplie
au temps de GaTus : l'action civile en matire de pignus n'a sans doute t ~
organise qu' la fin de l'poque classique.

Ces trois contrats rece bonne foi appartiennent par consquent


une formation historique trs postrieure celle de la fiducie.

GaTus, dans ses Instittes (111.90 et 91) ne signale ni le dpt


ni le commodat dans son tude des"contrats re (1) bien qu'il .les connaisse,
puisqu'il cite leurs formules in jus et in faotum quand il tudie la proc-
dure (IV.47 et 60). Justlnien, dans ses Instittes consacre des dveloppe-
ments nos trois contrats sous le titre "Des obligations qui se forment-re"
(Inst. 111.14 - 2 4) s'inspirant en grande partie des "Res oottidianae" at-
tribues GaTus (D. 44.7-1 3-6)v

(1) WUBBE : "Gaus et les contrats rels" TR. 35 1967 p. 50Q, propose une
explication ingnieuse mais discutable de cette omission. Il parat
plus simple de supposer que Gus a reproduit un auteur plus ancien qui
s'occupait des obligations re(et non des contrats, notion alors incon-
nue; cf. sup. p. 23) une poque o l'dit ne prvoyait pas encore une
formule in jus pour le dpt et le commodat.
,-'-''"' -r' (- n r ^ As.
X-'.S
93
if f. - -

Caractres communs H\ *'<:

A/ Modes de formation :
- Ces trois contrats se forment re.
- Ils ont pour objet des choses d'espce ispecies), envisages dans leur
individualit propre : I r accipiens doitrestituer la chose mme qu'il
a reue.
- Pour que ces contrats se forment, il faut que la chose ait t remise
{'accipiens (dpositaire, commodataire, crancier gagiste); cette remi-
se se fait sans forme, par simple tradition : c'est pourquoi ces con-
trats sont accessibles aux prgrins : ce sont des contrats du jus gen-
tium.
- Cette tradition, mme si elle a :pour objet des Tes nec mancipi (par
exemple de l'argenterie, des bijoux) ne rend pas \*accipiens propri-
taire; dpt, commodat et gage ne sont pas des justae oausae traditio-
nie.
- En consquence pour dposer, prter usage, donner un gage, il n'est
pas ncessaire d'tre propritaire de la chose : ainsi un simple dten-
teur peut valablement faire un dpt d'une chose dont il n'est ni pro-
pritaire ni mme possesseur au sens strict du mot.

B/ Effets

a) Au point de vue
du droit rel :

Dans le dpt et le commodat, la tradition purement corporalis -'


de la chose, rend I'accipiens simplement dtenteur : il n'a pas la
possession ad interdicta. Le crancier gagiste au contraire reoit
la possession ad interdicta. Mais ni les uns ni les autres ne peuvent
devenir propritaires de la chose par prescription; ils n'ont pas la
possessio ad usucapionem - et par consquent l'action Publlcenne leur
est refuse. C'est le tradens qui} continue, pour I'usucaplon, pos-
sder la chose par le corpus de \ acoipiens, et c'est lui qui peut
exercer contre les tiers l'action Publicenne en attendant d'usucaper,
s'il n'est pas dj propritaire.

b). Obligations
quj, dcoulent de ces contrats

Ces trois contrats mettent la charge de I % accipiens l'obliga-


tion de restituer - sous certaines conditions qui varient dans chaque
contrat; cette obligation est sanctionne par une action inpersonam.
. 94 .

A l'poque de GaTus, pour le dpt et le commodat, l'action comportait


deux formules, l'une civile in jus et de bonne foi - l'autre in fac-
tura. Le pignus tait alors sanctionn simplement par une formule in
faotum.

Dans le droit de Justinien, ces contrats sont tous les trois de


bonne foi, sanctionns par des actions civiles de bonne foi. Ce sont
de plus des contrats syna11agmat i ques Imparfaits : dpositaires, com-
modataires, cranciers gagistes peuvent rcIamer le remboursement des
frais qu'ils ont faits pour conserver ou amliorer la chose : ils dis-
posent cet effet d'une action contraria, civile, in jus et de bonne
foi. Mais cette action a probablement t imagine par les compila-
teurs. A l'poque classique, on avait d'abord permis l'accipiens
qui avait fait des frais, d'en rclamer le remboursement par un judi-
oium aontrarium, c'est--dire une demande reconventionnelle qu'il pou-
vait porter devant le juge, lorsqu'il tait lui-mme actionn en res-
titution de la chose. Puis on lui permit d'intenter ce judiaium aon-
trarium de faon indpendante et de prendre ainsi lui-mme l'Initiati-
ve d'un procs, mais semble-t-ll, au moyen d'une action in faotum. Jus-
tinien en fit une action civile et de bonne foi.

Caractres particuliers :
saasBssasaa' sssasesescs - . .

A/ Dpt :

Le dpt consiste confier une chose mobiIire une personne


qui doit la conserver, pour la restituer premire rquisition.

Le dpositaire rend un service gratuit : Il n'a^droit aucune


rmunration. Si le contrat prvoit un salaire, ce n'est plus un dpt,
mais une looatio operis faoiendi, dont les effets sont trs diffrents.

Le dpositaire n'a pas droit aux fruits que ,1a chose peut produi-
re pendant qu'il la dtient : il n'a pas non plus le droit de s'en servir;
s'il use de la chose dpose, Il commet un vol d'usage (furtum usus), et
/.,: tombe sous le coup des peines prvues contre les voleurs.

Le dpositaire, ne recevant aucun salaire, n'est pas oblig de


veiller la garde de la chose, il n'est mme pas responsable si la cho-
se prit par sa faute. Tout ce qu'on lui demande, c'est de restituer -
et de ne rien faire volontairement qui rende la restitution impossible*:
Il ne rpond que de son d6l. Le dpositaire qui ne peut plus restituer
le dpt n'est condamn que si on peut lui reprocher des agissements mal
Intentionns ou indlicats. Aussi I'action depositi est-elle Infamante.

Il existe des varits particulires de dpts :


- le dpt squestre (qui peut porter sur des immeubles);
- le dpt irrgul ier koortmendatio) dans lequel le dpositaire est auto-
ris disposer des deniers qui lui sont confis;
. 95

le dpt ncessaire ou misrable : sanctionn par le prteur au moyen


d'une action au double.

B/ Commodat
ou prt usage :

Ce contrat consiste confier une chose une personne pour


qu'elle s'en serve dans certaines conditions, charge pour elle de la
restituer aprs usage. Il a concern d'abord des choses immobilires
et a t bientt tendu aux immeubles (1).

C'est un contrat de bienfaisance : le commodant prte la chose


gratuitement : s le contrat lui permet d'exiger un loyer, ce n'est plus
un commodat, mais une looat-io vei. Le commodatare ne doit pas se ser-
vir de la chose autrement qu'il a t convenu. S'il- en use de faon
abusive, Il commet un fuvtum usus. Il doit la restituer sans retard
aprs l'usage prvu, il doit aussi restituer les fruits et produits qui
sont ns pendant qu'il dtenait la chose.

En cas de perte, sa responsabilit est le plus souvent engage :


car on exige de lui qu'il veille la conservation de la,chose qui lui
a t prte gratuitement : iI rpond de la austodia (la garde) : de sorS
te qu'il est responsable non seulement de son dol, de sa faute, mais m-
me de certains cas fortuits, comme le vol commis par des tiers. C'est
d'ailleurs pour cette raison qu'on lui donne l'action furti contre les
voleurs, bien qu'il ne soit ni propritaire, ni mme possesseur ad in-
terdiota; mais il a intrt ce que le vol n'ait pas lieu, parce qu'il
en demeure responsable. On--iaa iie^ttemt;-.quitte --que ,s\ le ,diat de resti-
tution a pour cause la force majeure (naufrage, fait de guerre, foudre).

Si le commodataire a subi quelque prjudice du falt;de -la chose


qu'il a emprunte, la responsabilit du ; commodant est apprcie avec beau-
coup de bienvaiI lance : Il rpond uniquement de son dol; il serait en ef-
fet Inique d'imposer une responsabilit plus tendue au commodant, en
raison d'une affaire qui ne lui rapporte aucun avantage.

C/ Pignus ou gage :

Le mot pignus dsigne la fois la ga ra nt i e re 11 e offerte au cr-


ancier et le contrat re, en vertu duquel le crancier gagiste est tenu
de restituer la chose qu'il a reue en garantie de sa crance.

On peut donner en gage des meubles ou des immeubles.

Le crancier gagiste n'est:pas propritaire du gage ( la diff-


rence du crancier qui bnficie d'une fzduoia aum oreditore). Il a la
possession ad interdieta, et en cas de vol par des tiers, iI peut exercer
contre eux l'action furti.

(1) PASTORI : "Il corrmodato" 1954; FAHRI ABOU SEIF MABROUK : "Le prt usa-
ge''en Droit Romain et en Droit Musulman", thse Aix 1968.
. 96

Il ne doit pas se servir de la chose. Il n'a pas droit aux


fruits (sauf convention spciale, les fruits qu'il peroit sont imputs
sur la dette).

Le crancier gagiste a le droit de conserver la chose tant qu'il


n'est pas pay : mais en principe il n'a pas le droit de la vendre; le
pignus en Droit Romain n'est pas un moyen d'accorder au crancier une
satisfaction indirecte : c'est un moyen de pression sur le dbiteur. On
compte qu'il paiera pour retrouver sa chose. Si le crancier gagiste
vendait le gage, il commettrait un vol.

Cependant une clause spciale du contrat de gage peut accorder


au crancier le QU8 distrahendi, le droit de vendre et de se payer sur
le prix. Cette clause a fini par tre sous-entendue en matire d'hypo-
thque qui n'est qu'une forme volue du pignus.

Lorsque le crancier gagiste a obtenu paiement, Il doit resti-


tuer le gage : son dbiteur peut l'y contraindre au moyen de l'action
pignevaticia direata. Le crancier gagiste est responsable s! la chose
a pri par son dol ou sa faute. Par contre II peut Intenter l'action
pignevaticia oontraria pour exiger de son dbiteur le remboursement des
Impenses ncessaires et des Impenses utiles qu'il a faites sur la chose.

Notre conception moderne, selon laquelle la volont des parties


suffit faire natre des obligations, avait d'abord t compltement tran-
gre au Droit Romain : elle a fini par tre admise pour quatre oprations
trs Usuelles : vente, louage, socit et mandat. Ces quatre contrats pr-
sentent la particularit de se former solo consens, par fa seule vertu du
consentement.

DATE D'APPARITION

Les actions de bonne foi relatives ces contrats figurent dj


dans la liste des actions de bonne foi connues de Qulntus Muclus Scaevola
(consul en 95 av. J.C.). SI l'on admet le point de vue de Girard, qui ne
croit pas possible l'existence de ces actions dans la procdure des actions
de la loi, nos quatre contrats consensuels auraient fait leur apparition
entre la loi Abutia et l'poque de Q. Mucus. Mais le systme de Girard
est trs contestable et beaucoup de romanistes admettent actuellement que
les contrats consensuels, et les actions de bonne foi qui les sanctionnent,
ont pu fonctionner au peu avant la loi Abutia, au moyen de formules dli-
vres par le magistrat (judieia imperio oontinentia).
97

CARACTERES COMMUNS

Ces contrats prsentent les caractristiques suivantes :

1/ II s se font solo aonsensu :

Ils ne ncessitent aucune solennit ni verbale ni crite, ni m-


me la ralisation d'un lment de fait. Ces contrats sont valablement con-
clus ds que les parties sont d'accord (cf. GaTus II 1.136). Il rsulte de
cette particularit :

a) Que ces contrats peuvent se faire entre absents, distance (le consente-
ment peut se manifester par une lettre, ou par l'intermdiaire d'un nun-
tius).
b) Qu'ils peuvent tre affects de toutes sortes de modalits; ces contrats
peuvent comporter un terme ou une condition; aucune exigence formaliste
ne s'y oppose.

2/ Ces contrats
sont synallagmatiques

A l'poque classique nos quatre contrats taient synallagmatiques


parfaits; la vente, le louage, la socit ont toujours conserv ce caractre;
ils font ncessairement natre des obligations rciproques entre parties.
Par contre, le mandat, dans le droit de Justnien, fat figure de contrat sy-
nal lagmatique imparfait : il Impose ncessairement une obligation au manda-
taire, expos l'action mandati direota, mais peut l'occasion obliger le
mandant indemniser le mandataire, qui dispose en ce cas d'une action man-
dati, aontraria.
Dans ces contrats synallagmatiques, un lien de dpendance existe,
au moins au moment de la conclusion de contrat, entre les deux obligations
rciproques : en Droit Franais actuel, nous exprimons cette ide d'interd-
pendance des obligations, en disant que l'obligation de l'une des parties
sert de cause l'obligation de l'autre.

Les Romains n'ont pas senti le besoin de faire intervenir la no-


tion de cause dans les contrats consensuels : au surplus ils n'ont pas pous-
s jusqu'au bout l'ide d'interdpendance des obligations; nous verrons par
exemple que dans la vente, l'obligation de l'acheteur peut subsister alors
mme que celle du vendeur vient s'teindre (question des risques).

3/ Ces contrats
sont tous de bonne foi

Ils sont sanctionns par des actions civiles in jus, inoertae,


avec la clause "ex fide bona".
98

Si le dfendeur se prtend victime d'un dT, 11 n'a pas besoin,


pour s'en prvaloir, de faire Insrer une exception de doI dans la formule.
L'tendue de son obligation est apprcie "en bonne foi". Il rpond toujours
au moins de son dol. Enfin le juge peut procder une compensation judi-
ciaire entre les obligations qui dcoulent du mme contrat de bonne foi.

4/ Ces contrats ......... ;


appartiennent au pus gentium :

Certains de ces contrats ont trouv leur origine dans la pratique


du commerce international.

DEUX GROUPES

Si nos quatre contrats ont un certain nombre de traits communs,


il convient, certains gards, de les rpartir en deux groupes :

1/ La vente et le louage :

Ils tablissent entre parties des rapports d'affaires. Ces deux


contrats prsentent un caractre synallagmatique trs prononc, tel point
qu'Is portent en Latin des noms doubles : la vente se dit emptio-venditio
(achat-vente), le louage se dit loctio-oonduoti (contrat qui consiste
donner et prendre en louage). Cette dualit de termes correspond une
dualit de sanctions; la vente est sanctionne par deux actions distinctes :
l'une donne a l'acheteur {aotio mpti), I'autre au vendeur (aatio venditi);
de mme pour le louage, nous trouvons une aatio looati (donne au bail leur)
et une aotio oonduati (donne au locataire).

Comme le remarque GaTus : entre vente et louage existe "un air


de famille" {familiaritatem liquam : G. 111.145).

2/ Le Mandat et la Socit :

IIs constituent un groupe tout diffrent: ces deux contrats sup-


posent ou crent entre les parties des liens d'amiti. Dans le mandat, le
mandataire rend1 gratuitement un service au mandant. Dans la socit, les as-
socis ont des intrts communs r la socit tablit entre eux *'une sorte de
fraternit".

Dans ces deux contrats, la place faite la confiance est consi-


drable : a) c'est pourquoi ces contrats se concluent intuitu personae, en
considration de la personne; b) les actions qui les sanctionnent sont Infa-
mantes (tromper un ami ou un associ est une grave dloyaut); c) enfin ces
contrats prennent fin quand la confiance cesse : lis sont rvocables et ne
survivent pas aux parties qui les ont conclus.
. 99 .

SECTION I : LA VENTE

La vente (emptio-venditio) est en Droit Romain un contrat consen-


suel par lequel le vendeur (.vend-tor) s'engage livrer l'acheteur (emp-
tor) la possession paisible et durable d'une chose imerx ou res) moyennant
un prix en espces monnayes (pretium) que l'acheteur s'engage livrer en
proprit au vendeur.

Tandis que la vente franaise (C.C. 1138) rend l'acheteur pro-


pritaire, la vente romaine le rend simplement crancier : elle est unique-
ment gnratrice d'obligations et n'a pas d'effets translatifs de droits
rels. Le vendeur ne s'engage mme pas rendre l'acheteur propritaire;
il doit simplement lui procurer la possession paisible et durable de la cho-
se vendue (tradere vaouam possessmem).

1 - ORIGINE DU CONTRAT CONSENSUEL


DE VENTE

Bien avant de connatre le contrat consensuel qui porte le nom


d'emptio-venditio, les Romains ont pratiqu la vente sous la forme d'un ac-
te au comptant. L'effet de cet acte n'tait pas de crer des obligations,
mais de transfrer une chose contre paiement immdiat d'un prix.

La vente-transfert a prcd ia vente-contrat.

A/ VENTE-TRANSFERT

Les peuples primitifs pratiquent Je troc : c'est un fait que les


jurisconsultes romains eux-mmes constataient en lisant I'"Iliade", o
l'on voit les hros d'Homre changer du vin contre des peaux de btes
(GaTus I 11.141).

Mais, comme GaTus le remarque trs judicieusement, le troc est


trs incommode. Il suppose un concours exceptionnel de circonstances;
il faut q'un heureux hasard mette en prsence deux personnes dont chacu-
ne a besoin de la chose dont l'autre veut se dfaire.

C'est pourquoi un des premiers progrs de la civilisation a con-


sist considrer certaines choses comme des talons de valeur, desti-
ns servir d'instruments d'change : le btail joua d'abord ce rle,
puis l'airain brut, puis la monnaie.

C'est ce moment qu'apparat la vente, comme une opration dif-


frente du troc : la vente est un acte qui permet d'acqurir toutes sor-
tes de choses en offrant un prix, c'est--dire une certaine quantit de
ces objets qui ont reu le caractre d'talon de valeur.
100

Au point de vue conomique, c'est un acte bien plus pratique


que le troc : l'une des parties, l'acheteur, offre une chose que tout
le monde peut utiliser, que tout le monde dsire par consquent.

Au point de vue juridique, cet acte d'emploi courant fut rapide-


ment pourvu d'une rglementation assez perfectionne qu'on n'avait jamais
song tablir pour une opration aussi malaise que le troc.

Distincte du troc, la vente fut cependant, comme le troc, tout


d'abord un acte".au comptant,; qui se ralisait donnant-donnant; elle ren-
dait l'acheteur immdiatement propritaire, tandis que celui-ci payait
sur le champ le prix convenu. Lorsqu'il s'agissait de vendre une l'es rnan-
cipi, on procdait la mancipation : c'tait primitivement une vente
au comptant. L'acheteur recevait solennellement la chose; il affirmait
sa proprit sur elle, en mme temps qu'il payait le prix en lingots,
pess et vrifis par le libripens. Pour les res nec mancipi on se con-
tentait d'une simple tradition (1).

Cette vente-transfert suffisait aux besoins des; vieux Romains.


Dans un rgime d'conomie domestique, chaque famiI le s'efforait de pro-
duire elle-mme de quoi subvenir aux besoins de tous ses membres; les
changes taient rares. Une certaine activit commerciale rgnait ce-
pendant les jours de march, aux nundinae, qui attiraient Rome les pay-
sans des alentours; on y vendait des boeufs, des outiIs, des esclaves;
toutes ces oprations, faites sur la place publique, se ralisaient au
comptant.

On peut cependant trouver dans les XII Tables la preuve que la


vente crdit n'tait pas tout fait inconnue : il y est question d'une
pignonis aapio au profit de celui qui a vendu crdit une bte destine
tre sacrifie aux dieux; les vieux Romains, pour ne pas faire attendre
les dieux, savaient l'occasion faire attendre le vendeur qui fournis-
sait la victime.

(1) D'aprs une doctrine assez rpandue (DE VISSCHER, MONIER, MEYLAN contra
ARANGIO-RUIZ) la mancipation, l'poque ancienne, ne transfrait pas
la proprit, mais n'avait pas d'autre effet que d'obliger le vendeur
'' fournir l'ouctoritas, c'est--dire garantir l'acheteur contre toute
prtention, en attendant qu'il devienne propritaire par usucapion. Il
existe un lien certain entre usucapion et auctoritas (dlai, expression
usus-auctoritas). Mais VARRON (R.R. 2.10.4) reproduisant un vieux trai-
t de Droit, cite dj la mancipation parmi les modes d'acquisition du
bminium. Quant la tradition des res nec mandpxme doctrine (B0N-
FNTE) prtend qu'elle ne transfrait pas primitivement la proprit,
pour la bonne raison qu'il n'y avait pas de dominiian possible pour ces
sortes de choses, pas d'action en revendication et seulement "Lyactio
furti. Ce qui est contredit par le texte de Gaus (M-.17) o il est ques-
tion de l'emploi du sacramntum in rem pour revendiquer des res nec man-
cipi. Mancipation et tradition sont des modes d'acquisition du onrnium
lorsque cette notion se dgage de celle, plus ancienne, de mancipium,
une poque probablement un peu postrieure aux XII Tables.
tt

L'emploi de la vente crdit est attest par une autre disposi-


tion des XII Tables, trs conteste il est vrai : la vieille loi semble
bien avoir dcid qu'en cas de tradition I'accipiens ne devenait propri-
taire qu'aprs avoir pay le prix au tradens (I.J. 2.1.41).

La vente crdit - d'usage sans doute encore peu courant -


tait encore une vente-transfert : la chose vendue tait remise immdia-
tement l'acheteur. Cette vente n'tait pas un contrat, elle ne faisait
natre aucune obligation. La vieille loi avait simplement organis des
garanties au profit du vendeur non pay, lorsque le paiement du prix
tait diffr.

B/ VENTE-CONTRAT

Le dveloppement du commerce fit apparatre une forme de vente


qui permettait non seulement l'acheteur de ne pas payer au comptant,
mais aussi au vendeur de vendre des marchandises qu'il n'avait pas enco-
re sa disposition : c'est la vente-contrat, qui met la charge des
deux parties uniquement des obligations. Ce genre de contrat peut re-
cevoir une excution immdiate et intervenir pour raliser une affaire
au comptant; mais on peut aussi y recourir quand on dsire remettre
plus tard soit le paiement du prix, soit la livraison de la chose, soit
les deux la fois.

Au temps de Q. Mucius Scaevola, le contrat e vente existe dj


avec ses traits essentiels : contrat consensuel, de bonne foi, du jus
gentium, obligeant le vendeur livrer simplement la vacua possessio.

Quelle est l'origine de cette vente consensuelle ?

De nombreuses hypothses ont t proposes.

Types intermdiaires
de ventes-contrats :
ssssaassassasesBsssa

1/ Plusieurs auteurs pensent qu'entre le systme de la vente-transfert


et celui de la vente-contrat consensuel, les Romains auraient connu
une forme intermdiaire de vente-contrat.

Vente-contrat re :

a) L'hypothse d'une vente-contrat re, du type "do ut des" a t sou-


tenue par Pernice et Huvelin : l'acheteur aurait d'abord t oblig
re, parce qu'il avait reu la chose vendue. On peut objecter qu'un
contrat de ce genre ne serait pas autre chose qu'un coi.rat innom;
or les contrats innoms n'ont commenc tre reconnus et sanction-
102

ns qu'assez tardivement, une poque o la vente consensuelle


existait :depuis bien longtemps. De plus la sanction la plus an-
cienne pratique en cas de "do ut des" a t laoondictio (base
sur l'ide d'enrichissement injuste); or on ne trouve pas de tra-
ce d'une condictio en matire de vente.

b) Vente par deux contrats vrbia :

; , L'hypothse d'une vente ralise par deux stipulations d tinc-


tes a t soutenue par Bekker, Ihering : reprise par Girard, elle
a trouv de nombreux partisans (Arangio-Ruiz).

On soutient qu'avant de mettre sur pieds la vente consensuelle,


les Romains auraient russi faire une vente-contrat, en se ser-
vant du contrat le plus courant : la stipulation. Le vendeur s'en-
gageait verbis livrer la chose.; Par une autre stipulation, l'a-
cheteur promettait de payer un.prix.

On a fait valoir de nombreux arguments l'appui de cette doctri-


ne : d'abord .la "fait que la vente porte un nom; double : phnomne
qu'explique fort, bien l'existence, l'origine, de:deux stipula-
tions : une stipulation *emptio et une stipulation de venditio.
On peut expliquer aussi-de cette faon la solution singulire ad-
mise en Droit Romain, en matire de risques : ^'acheteur doit pa-
yer le prix, mme si la chose, ayant pri, ne peut plus lui tre
livre. A I'poque o I'obiigatlon de l'acheteur rsultait d'une
stipulation, contrat de droit strict, cette:solution allait de sol :
chaque stipulation.tait en effet indpendante de l'autre. On fait
aussi remarquer qu' l'poque o la vente est devenue un contrat
consensuel, certains effets de la vente (la garantie) continuaient
rsulter de stipulations jointes au contrat consensuel.

Mais cette doctrine se heurte des objections qui nous parais-


sent dcisives :

On ne volt pas comment deux stipulations - deux contrats de droit


strict - auraient pu se transformer en un seul contrat consensuel
et de bonne foi.

On ne voit pas.non plus comment se serait tablie dans la vente


le principe que-l'obiigation de l'acheteur ne peut pas natre, si
au moment de la conclusion du contrat, l'obligation du vendeur n'a
pas d'objet. Cette interdpendance des deux obligations, au moment
de la formation du contrat, est normale dans un contrat synallagma-
tlque; par contre, si la vente s'tait faite, une certaine poque,
par deux stipulations* c'est, un principe tout oppos qui se serait
impos. En effet; la nullit de la promesse faite par le vendeur
n!aurait pas affect la validit de l'autre promesse faite par
, I, 'acheteur.
. 103 .

Dans les vieux formulaires de vente cits par Varron, il est


question d'une stipulation du prix, mais jamais on ne voit le ven-
deur s'engager par stipulation, livrer la chose. Ces formulai-
res permettent de supposer que, pour raliser la vente crdit,
les vieux Romains joignirent la vente-transfert (tradition, man-
cipation), un contrat verbis concernant le paiement du prix. Mais
cette pratique n'a rien de commun avec l'hypothse selon laquelle
la vente se serait faite par deux stipulations.

Vente consensuelle
sortie directement
de ta vente-transfert

2/ Il faut admettre que les Romains sont passs directement du systme


de la vente-tranfert celui de la vente-contrat consensuel, puis-
qu'on ne trouve aucune trace certaine d'une autre forme contractuelle
antrieure.

a) Cuq pense que la vente consensuelle se serait introduite en Droit


priv l'imitation du systme dj admis dans les ventes du Droit
public romain : les marchs de fournitures que passaient les magis-
trats pour le compte de l'Etat se faisaient sans solennit (1).
Mais cela on peut objecter que la vente consensuelle du Droit
priv n'est pas soumise aux rgles spciales que l'on trouve dans
les ventes de droit public.

b) L'tude attentive des clauses jointes la manclpation a conduit


M. Georgesco ("Leges privatae" 1932) penser que ces leges mccnoi-
pi ont pris de plus en plus d'importance et sont devenues les le-
ges venditionis des vieux formulaires de vente. Ces conventions
taient trs varies. Les jurisconsultes parvinrent peu a peu
dgager un certain nombre de principes qui ont fini par constituer
les lments essentiels de toutes ventes.

c) Mais c'est, notre eens, faire fausse route, que de chercher les
origines de vente consensuelle du ct de la mancipation : la ven-
te consensuelle est un contrat du jus gentium; elle n'oblige pas
le vendeur transfrer la proprit qui ri ta ire. C'est une opra-
tion qui se rattache plutt la tradition et une opration ne de
la pratique des affaires avec les prgrins.

l) CANCELLI : "L'origine del oontratto consensuelle di aompravendita" 1963,


croit trouver l'origine de la vente consensuelle dans la vente aux en-
chres de Droit public, qui comportait une lex venditionis. GALLO (SDHI
30.1964, p. 299) prfre chercher du ct des leges venditionis des ven-
tes aux enchres prives. Sur ces leges, intressantes rflexions de
MICHEL (RDA 13.1966, p. 375) : le vendeur a une position prminente et
impose sa lex : c'est le vendeur qui "fait la loi du contrat".
. 104

Les conventions de vente n'taient primitivement sanctionnes


que par le procd de l'arbitrage : en cas de contestation les par-
ties s'en remettaient \ ^cbitvivm d'>un bonus viv qui statuait
sans rgle juridique prcise, en quit. Il est question de I'ar-
bitrabus boni viri chez le vieux Caton et chez Sextus Aelus (D 19.
1.33).-':'''

Date d'apparition
des actions empti et venditi :
sassesssesssvnasssseassssas
A quel moment a-t-on substitu I'arbitrium, des,actions civiles
et de bonne foi ? A quel moment la convention de vente a-t-el le t re-
connue et sanctionne par 1^ Droit de la Cit ?

Collinet a propos une hypothse trs vraisemblable : les actions


empti et venditi auraient t cres par le prteur prgrin.

Quand les trangers vinrent en grand nombre se livrer Rome


un commerce actif, Il devint ncessaire d'imaginer une sanction rguli-
re. Elle fut calque sur l'ancien arbitrium : le prteur prgrin In-
troduisit, l'usage des prgrins, une action de bonne fol. La prture
prgrine ayant t.tablie en 242 av. J.C., c'est aprs cette date qu'il
faut situer I'apparition des actions empti et venditi au 11 s. av. J.C.
sans doute : la fin du 11, dbut du 1 (poque de Q. Mueius, la vente
consensuelle prsentait dj ses caractristiques essentielles. Cepen-
dant certaines consquences de la bonne foi du contrat ne seront ddui-
tes par la jurisprudence que beaucoup plus tard et la thorie de la ga-
rantie, lentement labore, ne reut son couronnement qu' la fin de
I'poque.classique ou mieux au Bas-Empire.

i_2 -LES ELEMENTS ESSENTIELS DE LA VENTE

La vente se forme sans solennit solo oonsensu; mais pour qu'une


simple convention suffise produire des effets, encore faut-II qu'il s'agis-
se vraiment d'une vente; certains lments constitutifs doivent se trouver
runis : ce sont des conditions de fond concernant l'objet,, le prix et le
consentement.

A/iL'OBJET DE LA VENTE

Comme toute convention, la vente doit avoir un objet : une chose


vendue.

Toutes sortes de choses peuvent tre vendues : des choses corpo-


relles (meubtesou immeubles), des choses Incorporelles : des crances.
Certains droits incorporels sont cependant incessibles, en raison de leur
caractre personnel : on ne peut vendre un usufruit, un droit d'usage. On
rie peut vendre une servitude prdiale sparment du fonds au profit du-
quel elle a t gabfie, ni une hypothque sparment de l crance qu'el-
le sert garantir.
. 105 .

On peut vendre une chose dtermine (un esclave, une terre), mais
aussi une universalit de biens (une hrdit ouverte, un pcule).

Les textes juridiques parlent presque toujours de ventes portant


sur des choses d'espce (epeoies) : un esclave, une maison, etc ... Faut-
il en dduire que la vente consensuelle ne pouvait avoir pour objet que
des choses d'espce ? Pour vendre des choses de genre (gnera} - par-ex-
emple une certaine quantit de denres - les Romains,*prtend-on, n'au-
raient pas employ le contrat d'emptio-venditio, mais la stipulation.

En ralit, les textes fournissent des exemples de ventes consen-


suelles ayant pour objet des choses de genre : Papinien <Fg. Vatican 16)
parle d'une vente de 1.000 amphores de vin. La vente de choses de genre
tait soumise des rgles assez particulires, notamment en ce qui con-
cerne le moment de sa conclusion et aussi les risques.

Pour que la vente soit valable, les conditions relatives l'ob-


jet sont celles que l'on exige, d'une faon gnrale, pour la validit
de toutes les conventions. Il faut que I'objet soit possible, il faut
qu'il soit I ici te et qu'il prsente un i ntrt pour le crancier (pour
I'acheteur).

1/ L'objet doit tre possible :

Si l'objet est impossible, la vente est radicalement nulle, aussi


nulle que si elle n'avait pas d'objet. Il y a lieu de distinguer l'im-
possibilit matrielle et l'impossibilit juridique.

Impossibilit matrielle :

L'objet de la vente est impossible, si la chose vendue elle-mme


n'est pas susceptible d'exister ou n'existe dj plus au moment du con-
trat : on a vendu un animal qui n'existe que dans l'imagination des po-
tes (un hippocentaure), pu un esclave dj mort.

Mais il n'est pas ncessaire que la chose existe dj : il suffit


qu'elle soit susceptible d'exister : la vente d'une chose future est
valable. Elle peut prendre deux aspects fort diffrents, selon l'in-
tention des parties. Ce peut tre une venditio spei : vente d'un es-
poir, si la volont des parties a t de faire une vente ferme : c'est
alors un contrat alatoire. L'acheteur consent payer un prix pour
courir sa chance; si par exemple II a achet un coup de filet, il doit
payer le prix convenu alors mme qu'on ne trouve pas un seul poisson
dans le filet.

Mais les parties peuvent dsirer faire urte venditio rei speratae :
vente d'une chose espre. Si l'espoir ne se ralise pas, l'acheteur
n'a pas de prix payer. Le contrat s'analyse comme une vente sous
condition suspensive : elle est conclue sos la condition que la chose
naisse et si elle ne nat pas, la vente ne se forme pas.
106 .

ImpossbiIit juridique :

Il y a impossibilit juridique lorsque les principes du Droit


s'opposent l'excution de la prestation*du vendeur. Le vendeur s'en-
gage a livrer une chose : la dlivrance de certaines choses est juri-
diquement irralisable.

a
^ l}2_b2!l_y_2!!!!!!-2e. :

Certaines choses ne, sont pas susceptibles de figurer dans le pa-


, trimoine d'un particulier : on a vendu une res publioa (le forum),
ou une res eammunis (l'eau de la mer, le rivage de la mer), une
res sacra (un temple), ou une res religiosa (un spulcre), ou en-
core on a vendu un homme libre, croyant que c'tait un esclave.

C'est un principe impos par la logique mme des choses que tout
contrat dont l'objet est hors du commerce est radicalement nul. En
matire de vente, si la chose est hors du commerce, le vendeur ne
peut pas en faire livraison, pas plus d'aiI leurs que l'acheteur ne
pourrait en recevoir livraison.

La nullit de la vente conduit aux consquences suivantes : l'a-


cheteur ne peut pas se servir de l'action empti pour rclamer le
prix. Si l'acheteur a dj pay, iI a pay ce qui n'tait pas d;
il peut en exiger la restitution au moyen d'une aondictio, base
sur l'ide extra-contractuelle d'enrichissement injuste dont pro-
fiterait le vendeur s'il conservait le prix.

Mais cela n'est pas suffisant : l'acheteur auquelon rembourse


le prix indment vers subit encore un prjudice du fait qu'il ne
peut pas conserver la chose dont. iI avait besoin et sur laquelle
il comptait. Il serait quitable de 4'indemniser, surtout s'il
est de bonne foi, c'est--dire s'il ignorait la nature de la cho-
se r C'est pourquoi, dans, le cas particulier de la.vente d'un hom-
;me libre, certains jurisconsultes proposrent de donner l'ache-
teur de bonne foi l'action mme du contrat : I'action empti, pour
rclamer du vendeur des dommages-Intrts (1).

C'est une solution illogique : d'une vente, qui est nulle, on


fait sortir une obligation la charge du vendeur, puisqu'on le
contraint payer des dommages-intrts au moyen de l'action emp-
ti. Aussi n'tait-ce, l'poque classique, qu'une solution ex-
ceptionnelle, admise seulement dans le cas de vente d'un homme li-
bre, parce que, comme le remarque Paul (]}. 18.1.5) quand on achte
un esclave il est trs diffici le de savoir si ce n'est pas en ra-
lit un homme libre.

(1) JULIEN . 21.2-39.3,-suspect par-LENEL : JULIEN parlait sans doute non


de l'action empti, mais d'une garantie dcoulant d'une satisdatio, ou
mme de l'action cuctbritatis. Lid de donner l'action empti n'a pr-
valu qu' la fin de l'poque classique : elle est accepte par L. RUFI-
NUS, un-disciple de PAUL (D.18.1-70). Ce texte suspect par HAYMANN est
considr comme pur par Carlo L0NG0 (Ml. Bonfante III.300).
107 .

Les compilateurs ont gnralis cette solution : par vole d'inter-


polation, ils l'ont tendue aux diffrentes hypothses de ventes de
choses hors du commerce, vente de ves saarae ou de ves pubtioae'A ) ) .

Les Byzantins ne voyaient l rien d'iI logique car ils considraient


que la bonne foi de l'acheteur procurait la vente une certaine va-
lidit. La situation de celui qui, de bonne foi, a achet une chose
hors du commerce leur paraissait comparable celle de l'individu
qui, de bonne foi, achte "a non domino" et se trouve ensuite vin-
c. L'acheteur vinc peut se servir de l'action empti pour faire
valoir la garantie que lui doit le vendeur. Les Byzantins pensent
que l'acheteur peut galement rclamer la garantie lorsqu'il ne peut
pas conserver la chose, parce qu'elle est hors du commerce. Cette
faon de raisonner apparat clairement dans les Institutes de Jus-
tinien (III.23.5); si la chose est hors du commerce, l'acheteur peut
se plaindre "quod non habere ei lioeat", c'est--dire du fait qu'il
ne lui soit pas permis de la conserver. C'est exactement le repro-
che que pourrait faire au vendeur l'acheteur qui, ayant acquis de
bonne foi "a non domino", subit ensuite une viction.

Cet chafaudage ingnieux pche par la base. Une chose hors du


commerce ne peut pas faire l'objet de la vente; en bonne logique,
la vente ne peut tre que radicalement nulle et la bonne foi de l'a-
cheteur ne saurait suffire lui procurer un semblant de validit.
Mais les Byzantins faisaient volontiers ce genre d'entorse la lo-
gique : on peut faire yn rapprochement avec leur thorie du titre
putatif en matire d'usucapion : l aussi la bonne foi parvient
donner un semblant de validit des actes juridiques nuls.

b) hoses_j_naJ_]nabJ_es :

Certaines choses, qui sont dans le commerce, peuvent tre rendues


inalinables par convention, par testament, ou en vertu d'une dispo-
sition de la loi.

En principe les particuliers ne peuvent pas par une convention


(paotvan) rendre ur.e chose inalinable : une convention de ce genre
n'aurait d'effets qu'inter partes : celui qui aline une chose qu'il
a promis de ne pas aliner, fait une vente valable, mais doit payer
des dommages-intrts la personne envers laquelle il avait pris
l'engagement de ne pas aliner (D. 19.1-21.1-21.5 : vente avec clau-
se que l'acheteur ne revendra pas d'autres qu' son vendeur; 45.1.
135.3 : stipulation d'inalinabiIit (2).

(1) MODESTIN (ht.62) est interpol : il ne parlait pas de l'action empti,


mais soit de l'action doli, soit plus probablement d'une action in factwn.
(2) Des clauses dinalinabilit se rencontrent en matire d'hypothque : le
dbiteur, rest propritaire de la chose hypothque, peut promettre au
crancier qu'il ne la vendra pas (D 20.5-7.2). MARCIEN est d'avis que la
vente faite en violation de ce pacte est nulle (itp ?). D'autre part, si
le crancier hypothcaire renonce son droit de vendre la chose hypoth-
que (pactum de non distrahendo), cela ne l'empche pas de vendre, mais
l'oblige simplement faire des formalits supplmentaires avant de pro-
cder la vente (D 13.7-4).
. 108 .

En Droit Romain, Il tait dans une certaine mesure possible de


rendre, par testament, certains biens de la succession inalinables.
Si le testateur prenait cette mesure dans l'intrt de ses affran-
chis, ou de ses descendants, ou des descendants de l'hritier, elle
tait licite et valable (MARCIEN D. 30.114.4, citant un rescrit de
Svre et Caracalla); Lorsqu'un testateur obiige son hritier
transmettre aprs lui tel bien ses descendants, il y a ce qu'on
appelle un fideicorrmis de famille : ce genre de disposition est
actuellement prohib en Droit franais, mais tait valable en Droit
Romain et dans notre ancien Droit : si l'hritier vendait la chose
rendue indisponible, cette vente tait nulle (D. 32.38 pr).

Enfin I'inalinabiIit peut rsulter de dispositions lgislati-


ves : si l'objet de la vente est une chose que la loi interdit d'a-
liner, la vente est illicite; mais il s'agit alors d'une autre r-
gle : l'objet de la vente doit tre licite.

2/ Llobjet_doit s |tre = j i iite :

a) La chose vendue, doit e1Ie-mme tre licite : GaTus (D.18.1-35.2)


est d'avis que la vente de poisons est nulle, s'il s'agit de poi-
sons impropres servir de remde et qui ne peuvent qu'tre nuisi-
bles.

b) D'autre part, si la chose vendue ne prsente rien en soi qui puis-


se paratre "contraire aux bonnes moeurs", la vente peut encore tre
illicite, s'il s'agit d'une chose que le lgislateur a rendue Ina-
linable. Dans ce cas, c'est I'engagement que prend le vendeur qui
est illicite : il s'engage faire une alination prohibe.

A l'poque rpublicaine, les diffrentes lois agraires qui dis-


triburent aux citoyens des parcelles de I}ager publicuB, Interdi-
saient aux bnficiaires de vendre leurs lots : cette prohibition
ft rapidement leve.:

L*inaIinabiIit se prsente souvent comme une mesure de protec-


tion tablie dans } ' intrt de certaines personnes : Inal inabi H -
t des immeubles dotaux et des immeubles compris dans la dona- .
tion ante nuptias, - inalinabiIit des immeubles appartenant
des pupilles ou des mineurs de 25 ans (Oratio Sev&vi, de 195).
Les personnes dans l'intrt desquelles I'inalinabiIit tait pr-
vue pouvaient attaquer les alinations accomplies au mpris de la
loi : Il y avait l une sorte de nullit relative.

c) Enfin la lgislation de la Basse-Epoque prohibait la vente de suc-


cessions futures et la vente de droits litigieux :
. 109 .

La vente d'une succession non encore ouverte :

Elle avait d'abord t considre comme licite : Ulpien y voit


une vente de chose future, du type venditio sgei (D_. 18.4-11).
Mais une constitution de Diocltien de 293 (C.J. 8.38-4)dclare
radicalement nulles toutes conventions sur successions futures,
comme tant "contra bonos mores". Ces conventions en effet ris-
quent d' inspi rer aux parties un votum mortis, le dsir de la mort
de la personne dont elles mettent dj la succession en cause.
Justnien admet la validit de ces conventions si la personne dont
la succession est en cause y participe : cette personne conserve
d'ailleurs la libert de prendre ensuite toutes les dispositions
de dernires volonts qu'elle voudra, et de rendre ainsi sans ef-
fet les conventions relatives sa succession.

La vente de droits litigieux :

Elle a t interdite au Bas-Empire, en vue de dcourager la sp-


culation (cf. infra : "Cession de crances").

d) Validit de la vente
de la chose d'autrui :

En Droit Romain, la vente de la chose d'autrui n'est pas illici-


te, et elle est parfaitement valable. Sur ce point la solution ro-
maine est l'oppos de celle de notre Code Civil (art. 1595). En
Droit franais, la nullit de la vente de la chose d'autrui se rat-
tache ce principe que la vente est translative de proprit : or
le vendeur ne peut videmment pas transfrer la proprit, s'il ne
I'a pas.

Par contre en Droit Romain, la vente est simplement gnratrice


d'obligations : c'est pourquoi les jurisconsultes admettent sans
hsitation qu'on puisse vendre une chose dont on n'a ni la propri-
t ni mme la possession : entre le jour du contrat et celui qui a
t fix pour son excution, le vendeur tchera de se procurer la
chose de faon pouvoir la livrer.De plus, comme en Droit Romain,
le vendeur n'est pas oblig de transfrer la proprit, mais sim-
plement de "vaeuam possessionem tradere", Il n'est mme pas nces-
saire qu'il acquire la proprit, pour s'acquitter correctement de
son obligation de dlivrance.

Une autre question est celle de savoir quelle situation le Droit


Romain fait celui qui achte une chose un vendeur quf n'en est
pas le propritaire.

Si cet acheteur est de bonne foi (s'il crot acheter du vrai pro-
pritaire), il acquiert rapidement la proprit par usucapio En
attendant, Il peut dj revendiquer la chose au moyen de l'action
publcienne, mais ses chances de succs sont limites : c'est un
. 110 .

acqureur "a non domino". Les tiers dtenteurs contre lesquels il


exerce la Publicienne peuvent avoir des droits gaux ou suprieurs
aux siens. S'il attaque le vrai propritaire lui-mme, celui-ci
lui opposera victorieusement I'exception justi dominii.

Enfin cet acheteur risque fort, tant qu'il n'a pas usucap, d'tre
vinc par le vrai propritaire. Si ce dernier intente l'action en
revendication, I'acheteur n'a aucune exception lui opposer et perd
fatalement le procs. L'acheteur peut alors se retourner contre
son vendeur. Celui-ci, comme nous l verrons, doit garantir l'ache-
teur contre l'viction; moins que la vente n'ait t faite "sans
garantie", genre de vente auquel les parties songeront normalement,
quand elles sauront que la chose vendue appartient un tiers.

3/ L'objet doit prsenter un intrt


pour I'acheteur :
1
s s s s x.a B a s s s s x a s s s s s s s s a a e a a B s a s a

Si le vendeur n'excute pas ses obligations, le juge, saisi de


l'action empti, le condamne une somme d'argent, calcule d'aprs l'in-
trt qu'avait l'acheteur obtenir l'excution du contrat : si cet int-
rt n'existe pas, le vendeur peut Impunment ne pas remplir ses engage-
ments .

Il y a dfaut d'intrt par exemple, lorsqu'une personne achte


une chose qui lui appartient dj. Si elle a pay le prix, elle l'a pa-
y sans cause et peut en rclamer la restitution par une oondiotio (enri-
chissement injuste).

B/ LE PRIX

La vente suppose toujours un prix que l'acheteur doit payer. Le


prix doit rempIir;certains conditions : Il doit tre en argent, il doit
tre srieux/ certain, mais il n'est pas en principe indispensaole qu'il
soit juste. :.!")

a) Le prix doit tre fix


D_C9D_!D2DDSy_i.

Il faut qu'il consiste en une certaine somme de deniers : pecu-


nia. Si en guise de prix une partie s'engage fournir l'autre une
chose quelconque, il ne s'agt plus d'une vente, mais d'un change.
Or, II existe de profondes diffrences au point de vue juridique entre
la vente, qui est un contrat consensuel et l'change qui est un contrat
Innpm du type "do ut des". D plus la question des risques, et la ques-
tion :de. la garantie contre l'viction ne se prsentent pas dans ces deux
contrats de la mme faon.
111

C'est probablement pour tendre l'change les perfectionnements


dont jouissait la vente, que les Sabinlens ont prtendu que l'change
n'tait qu'une varit de vente : Ils invoquaient mme l'appui de
cette thse un passage de I'"Iliade" d'o il ressort qu'avant de pra-
tiquer la vente, les hommes ont d'abord connu le troc (GaTus, 111.141
complt par Inst. Just. 4.23.2).

Les Proculiens critiquaient cette doctrine : ils faisaient remar-


quer, non sans raison, que s l'on confond la vente et l'change, Il
n'y a pas de raison pour considrer comme constituant le prix, une des
deux choses changes plutt que l'autre. La doctrine proculenne fi-
nalement triompha : il n'y a pas de vente sans un prix en argent mon-
nay.

Mais, pendant la crise du lll s., le numraire devenant rare, on


fut encore tent de considrer l'change comme une varit de vente.
Une constitution de Gordien, en 238 (C.J. 4.64-1) accorde une action
"ad exemplwn ex empto", sur le modle de l'action de vente, lorsqu'on
offre, en fait de prix, une terre (possessio).

Diocltlen entreprit de remettre en vigueur la saine doctrine


classique : dans une constitution de 294 (C.J. 4.64-7) jl invoque l'au-
torit de l'ancienne jurisprudence {pridem placuit), pour rappeler
qu'changer n'est pas vendre.

b) yLPEl*..2i_C.-LLyx ivevum) ' :

Si le vendeur n'a pas l'intention d'exiger le paiement du prix


convenu, ou si le prix est drisoire, Il n'y a pas de vente, mais une
libralit dguise; la vente est fictive.

c
^ L_PCix_d2l_ICe._.ein. :

Le montant doit en tre fix au moment de la conclusion du con-


trat. Il est cependant possible de faire une vente pour un prix que
1
l'on fixera plus tard; mais il faut que l'on trouve dj dans le con-
trat tous les lments qui permettront de le dterminer. Si par exem-
ple Il est convenu que le prix sera fix par un arbitre, Il faut que
les parties soient dj tombes d'accord sur le choix de l'arbitre :
si l'arbitre n'est pas choisi, la vente n'est pas conclue; en effet,
l'une des parties n'aurait qu' refuser tous les arbitres qu'on lui
propose pour que le prix ne soit jamais fix; GaTus (111.140) fait
tat de la discussion entre jurisconsultes sur cette question. Cer-
tains textes parlent de ventes faites "au prix couramment pratiqu sur
le march" ou pour une somme qui se trouve dans un coffre : dans ces
deux cas, les parties ignorent la somme laquelle sera fix le prix,
mais le contrat est valable parce qu'on y a indiqu les lments qui
permettent de dterminer le prix. Par contre la vente n'est pas vala-
112 .

ble si l'on convient que le prix sera laiss l'apprciation d'une


des parties : dans ce tas, l'acheteur pourrait fixer le prix de faon
si ridicule que ce ne serait plus vraiment un prix (D. 18.1-35-1).

d) En principe,
il n'est pas ncessaire

Quand le prix n'est pas juste, Il y a lsion : lsion pour l'ache-


teur si le prix est trop lev, lsion pour le vendeur s'il est trop
bas. Mais la lsion, en principe, n'empche pas les conventions d'tre
valables. Il existe cependant une exception Importante cette rgle,
en matire de vente d'immeubles (cf. Infra : "Lsion").

C/ CAPACITE
ET CONSENTEMENT DES PARTIES

. Capac t :

La vente, pour tre valable, doit tre contracte entre des per-
sonnes capables de s'obliger : pour vendre, comme pour acheter, le pu-
pille et la femme (1) ont besoin de I *auctovtae de leur tuteur.

. En ce qui concerne le pupille, le principe qu'il peut, seul, ren-


dre sa condition meilleure et qu'il n'a besoin de I % quotoritas que pour
rendre sa condition pire, aboutissait, l'poque classique, valider
"vno lateve" les oprations synallagmatiques qu'il faisait sans son tu-
teur, si par exemple un pupille achetait sans son tuteur, il n'tait pas
oblig de payer le prix, mais pouvait exiger du vendeur la livraison de
la chose.

; Cette solution est encore indique dans les Instltutes de Just-


nien (1.21 pr) : les compilaturs I'ont reproduite par inadvertance;
en effet, leur poque, le vendeur pouvait en pareil cas refuser de li-
vrer, en usant de son droit de rtention, que le droit du Bas-Empire
; avait rendu opposable au pupille (texte Interpol de PAUL:: D. 18.6-7 :

(1) La jurisprudence classique attachait cependant certains effets la ven-


te consentie par la femme sans son tuteur, et mme quand l'objet tait une
Teswmeipi : JULIEN (Vat. 1) soutient que l'acheteur peut usucaper pro
emptere, s'il a pay le prix; cette vente est donc considre comme vala-
ble j puisqu'elle peut servir de justa causa en matire d'usucapion : la
femme ne peut pas sans son tuteur aliner la proprit d'une Tes nec man-
oipi3 mais elle peut "possessionem alienare". ;
113

"sed agente eo retent-iones competant"). De plus, au temps de Justi-


nien, le pupille est toujours au moins tenu dans la mesure de son en-
richissement : cependant s'il paie le prix sans son tuteur, il ne rend
pas l'acheteur propritaire des deniers qu'il lui remet (Inst. 2.8-2
in fine).

Vices du consentement :
a s a a a a a a = a s s a a c: a a s s s

L consentement peut tre vici par l'erreur, le dol ou la vio-


lence. Nous verrons, en tudiant les vices du consentement, les con-
squences qu'ils peuvent avoir sur la validit de la vente.

Vente par crit :

Dans le Droit Romain classique, la vente est un contrat purement


consensuel : elle est conclue ds que les parties sont tombes d'accord
sur la chose et sur le prix "quoique la chose n'ait pas encore t li-
vre ni le prix pay" comme dit encore l'article 1583 de notre Code CI-
vil.

Il est parfois difficile de savoir quel moment prcis la vente,


purement consensuelle, a t conclue, parce que dans un acte aussi d-
pourvu de formalits, Il n'est pas toujours ais de distinguer si les
parties en sont encore la priode des pourparlers, ou si elles sont
arrives un accord dfinitif et irrvocable. Or. il y a le plus grand
intrt connatre la date de la vente : quand ce n serait que pour
savoir partir de quel moment les risques commencent tre supports
par I'acheteur.

En fait, la date de la vente tait d'ordinaire facile dtermi-


ner : elle tait mentionne dans l'crit, IHnstrumentum, que l'on pre-
nait la peine de rdiger, mme lorsque l'objet de la vente n'tait pas
d'une valeur considrable (1).

L'acte de vente tait remis l'acheteur : II en avait besoin


pour faire valoir en justice les droits qu'il tenait du contrat; si
l'acte contenait quittance du prix, il y trouvait la preuve du paiement
qu'II avait fait.

L'emploi frquent d'critures aboutit sous Justinien distinguer


deux sortes de ventes.

(1) De. nombreux actes de vente nous sont parvenus : les tablettes d'Hercula-
num (N 59-64) sont du 1 s. Les triptyques de Transylvanie (11 s.) et
d'autres actes plus tardifs (descendant jusqu'au VII s.) sont runis
dans FIRA III N 87-90 et 132-142. Le papyrus publi dans The Journal
of Papyrus 1948, p. 115, concerne la vente d'un petit ne.
114 .

Une importante constitution de 528 (C. 4.21 17) soumit la rdac-


tion des actes juridiques de multiples et mticuleuses formalits.
Elle dispose que lorsque les parties dcident de rdiger un crit
l'occasion d'une vente, le contrat ne peut tre considr comme dfi-
nitivement conclu, que lorsque toutes les formalits, prvues pour la
validit des actes crits, sont parfaitement remplies. Tant que l'crit
n'est pas "parfait" (.perfection), la vente n'existe encore qu' l'tat de
projet, alors mme que les parties seraient dj d'accord.

Il existe par consquent, l'poque de Justinen, deux sortes


de ventes, tout fait diffrentes au point de vue de leur mode de for-;
matIon :

1. La vente sans crit qui, selon les principes du pur Droit Romain,
continue se former solo aonsensu, ds que les parties sont d'ac-
cord .

2. La vente par crit qui n'est conclue qu' partir du, moment o l'acte
crit est perfeetum.

Vente avec arrhes :


as a s a = s s n s a = s s s s m

La vente avec arrhes 0st encore un autre exemple de vente o un


lment s'ajoute au consentement des parties. L'usage des arrhes n'est
pas particulier la vente : on entend par arrhes (arra) une chose, d'or-
dinaire une somme d'argent, qu'au moment de la conclusion d'un acte juri-
dique, une des parties donne l'autre, en attendant que l'acte reoive
sa pleine excution.

Cette pratique, connue aussi bien des Romains que des Grecs,
n'tait pas utilise dans J e mme but Rome et en Orient.

Conception romaine :

L'usage de donner des arrhes se rencontre dans le plus ancien


Droit Romain : dans les antiques sponsalia, le fianc remettait la
future pouse un anneau, titre d'arrhes du contrat. En matire de
vente, GaTus signale que le contrat peut comporter des arrhes et II ne
leur reconnat d'autre fonction que celle de faciliter la preuve du
contrat (GaTus 111.139) : "la vente, dit-Il, est conclue ds qu'on est
tomb d'accord sur le prix : il n'est pas besoin que le prix soit pay;
il n'est mme pas ncessaire que des arrhes soient verses : si l'on
donne des arrhes, c'est la preuve que la vente est dfinitivement con-
clue" : "nom quod arvae nomine datur, cgumentvm est emptionis et vendz-
tionis contvactae".
115

En effet, l'acheteur, en versant des arrhes; paie dj un acomp-


te valoir sur le prix; il commence excuter, en partie, son obli-
gation, et cela prouve bien que la vente est conclue de la faon la
plus ferme.

Envisages sous cet aspect d'argumentum emptionis, de preuve du


contrat, les arrhes se rduisent ordinairement une petite somme.

Conception orientale :

Les documents provenant des provinces de culture hellnique (pa-


pyrus du 11 s., livre syro-romain de la fin du V s.) montrent que
les Orientaux avaient en cette matire des conceptions tout fait dif-
frentes .

Les auteurs qui se sont occups de cette question n'ont d'ail-


leurs pas toujours correctement compris le rle que les arrhes jou-
aient dans la pratique orientale.

On trouve par exemple cette rgle dans le livre syro-romain (1.51)


"quand une personne a achet quelque chose et a vers des arrhes, si
le vendeur ne donne pas suite au contrat> la loi dcide qu'il devra
restituer le double des arrhes qu'il a reues. Si l'acheteur ne veut
plus acheter, il perd les arrhes qu'il a donnes" (1).

Beaucoup d'auteurs modernes ont interprt ce texte de la faon


suivante : les contractants, en versant ou en acceptant des arrhes,
manifestent leur intention de se rserver la facult de se ddire. On
a mme donn un nom ce "droit de se ddire" : on l'appelle jus poe-
nitendi (droit de se repentir). D'aprs cette interprtation, les ar-
rhes auraient eu pour but, dans la pratique orientale, d'enlever au
contrat son caractre irrvocable; on exprime cette ide en disant que
les arrhes avaient une "fonction pnitentielle" (2).

Cette faon de comprendre le rle des arrhes est pour le moins


surprenante : et le a t vivement critique par Carusi (3). Pour se
faire une ide exacte de l'utilit des arrhes dans la pratique orien-
tale, il Importe d'abord de remarquer que le droit hellnique ne don-
nait pas aux contrats le caractre irrvocable qu'iIs prsentent en
Droit Romain. Tant qu'une convention n'tait pas compltement excu-
te de part et d'autre, les parties pouvaient facilement se ddire (4).

(1) FIRA II : Le livre syro-romain, sous le nom de "Leges Saeculces" a t


rdit dans cette collection par les soins de FURLANI.
(2) POPESCO : "La fonction pnitentielle des arrhes dans la vente, sous Jus-
tinien", thse Paris 1925.
(3) CARUSI : dans Ml. Bonfante 1930 IV p. 503.
(4) Conception hellnique qui a galement exerc son influence sur les con-
trats innoms (cf. infra : "La conictio proptev poenitentiam").
116

Mais avec cette trs large facult de ddit, le droit hellnique


rendait les conventions bien fragiles et cela prsentait de graves in-
convnients : on n'tait jamais sr d'obtenir ce qui avait t convenu.

La pratique orientale porta remde cette situation, au moyen des


arrhes; si des arrhes sont verses, la partie qui se retire du contrat
est pnalise; comme le dit le livre syro-romain, le vendeur qui ne veut
plus vendre rend le double des arrhes reues, et l'acheteur qui ne veut
plus acheter perd les arrhes qu'il a verses.

Il ne faut donc pas parler d'une fonction pnitentielle, mais


bien plutt d'une fonction punitive des arrhes : si des arrhes taient
verses et reues, ce nttait pas pour faciIiter le ddit^ mais bien au
contraire pour l'intedire, en menaant d'une peine celui qui voulait re-
venir sur ce qui avait t convenu. On ne peut vraiment pas considrer
comme permettant de faire une chose la convention qui pnalise celui
qui l'accomplt : ce compte, remarque Carusi, on devrait dire que le
Code Pnal reconnat aux particuliers le droit de voler condition
qu'ils aillent en prison !

Envisages comme une pnalit destine dtourner les parties de


la pratique de ddit, les arrhes taient d'ordinaire assez Importantes :
dans les actes orientaux qui nous sont parvenus, elles atteignent le
tiers, parfois la moiti du prix convenu.

Pratique
connue en Droit Romain :

Cette conception est trs diffrente de celle que nous avons ren-
contre chez GaTus. Le Droit Romain cependant n'ignorait pas tout fait
cette faon d'utiliser les arrhes. Il tait possible en Droit Romain
d'introduire dans le contrat de vente une clause appele lex commisso-
ria aux termes de laquelle il tait convenu qu'il y aurait rsolution
du contrat, si telle date l'acheteur n'avait pas pay compltement le
prix; on pouvait joindre cette clause le Versement d'arrhes et conve-
nir qu'en cas de rsolution du contrat pour non paiement du prix, le ven-
deur conserverait les arrhes; il tait permis aux parties de donner ain-
si aux arrhes le caractre d'une indemnit forfaitaire, prvue au profit
du vendeur, pour le cas o la lex oonmissoria entrerait en action. Mais
pour atteindre ce rsultat, il faI lait insrer dans la vente des clauses
spciales. Ces clauses, les jurisconsultes les connaissent : Cervidius
Scaevola, jurisconsulte du 11 s., particulirement g u courant des usa-
ges orientaux, donna plusieurs fois des consultations leur sujet (D/
18/3-6 pr et 8). Il en est question galement dans une constitution de
Caracalia de 216 (C.J. 4.54*1).

Droit de Justinien :

Justinien a rgl la question des arrhes dans le 2 de la Consti-


tution de 528 dj cite (C.J. 4.21-17), et dans le commentaire de cette
constitution, qui figure aux Institutes (3.23 pr). Ces deux textes ne
117 .

brillent pas par la clart de leur rdaction. Leur interprtation a


t encore obscurcie par la malencontreuse doctrine moderne des "ar-
rhes pnitentielles". SI l'on part de cette Ide que Justinlen volt
dans les arrhes un procd destin procurer aux parties "le droit de
se ddire" {jus poenitendi), on doit videmment trouver Inconcevable
qu'il puisse les faire fonctionner dans des ventes contractes de fa-
on dfinitive et irrvocable, comme la vente sans crit ou la vente
crite perfeota. Des phrases comme celle-ci : "sive in soriptis sive
sine soviptis venditio oelbvata est", qui Indiquent clairement que le
rgime des arrhes concerne mme les ventes non crites, ont fait le d-
sespoir des commentateurs, d'autant que l'empereur a commenc par dire
qu'"en matire de vente non crite, il n'tait apport aucune innova-
tion".

Il devient au contraire possible de donner un sens acceptable


ces textes si l'on veut bien comprendre que la question du jus poeni-
tendi n'a rien voir avec celle des arrhes, et que les arrhes sont un
procd dont le but n'est pas de faciliter, mais au contraire d'emp-
cher le ddit.

La rforme opre par Justinien, tout en tenant assez largement


compte des conceptions orientales, se rduit en somme ceci :

1. Justinien a donn force lgale un systme dj pass dans la pra-


tique, telle qu'elle apparat dans le livre syro-romatn : le vendeur
a le droit de conserver les arrhes si l'acheteur refuse de payer le
prix; et l'acheteur obtient restitution des arrhes, grossies d'une
somme gale, si le vendeur refuse d'excuter. Justinien dcide que
le versement d'arrhes produira cet effet, alors mme que les parties
ne se seraient pas formellement exprimes l-dessus dans le contrat.

2. Justinlen parat bien avoir, notre avis, perfectionn une pratique


que connaissaient dj les jurisconsultes classiques. A l'poque
classique la combinaison des arrhes avec la lex commissoria rsul-
tait de l'insertion d'une clause spciale dansJle contrat. Dans le
droit de Justinien, c'est devenu l'effet naturel du versement d'ar-
rhes : du fait que des arrhes ont t verses, II y aura rsolution
de la vente en cas d'inexcution et la partie fautive perdra les ar-
rhes.

Les textes de Justinlen tant ainsi compris, les rgles qu'ils ta-
blissent paraissent aboutir aux solutions suivantes :

1. Lorsque la vente est dfinitivement conclue (dans la vente sans


crit, ds que les parties sont d'accord, dans la vente par crit,
lorsque l'crit est perfeatum), le contrat est Irrvocable. Si
l'une des parties refuse de remplir ses engagements {"rcust adim-
plere oontraotum" disent les Institutes), l'autre peut intenter l'ac-
tion du contrat pour obtenir des dommages-Intrts que le juge arbi-
tre, selon les circonstances et en quit. Mais si des arrhes ont
t verses, le refus d'excution par l'une des parties entrane la
rsolution de la vente et l'autre partie a droit une indemnit que
le juge n'a pas arbitrer, et dont le montant n'est autre que celui
des arrhes.
118 .

2. Lorsque la vente est "imparfaite" (dans le cas de vente par crit,


quand l'crit n'est pas encore perfeotur.} 'es parties, selon les prin-
cipes du Droit oriental, ont le droit de se ddire : l'existence d'un
jus poenitend- est ici non douteux. Ordinairement, les parties peu-
vent exercer ce droit "impunment";: "sine poerta reoedere ab emptio-
ne". Par contre si la vente a t tate avec arrhes, Justinien, fi-
dle la conception orientale, voit dans les arrhes un procd des-
tin pnaliser l'exercice du jus poenitendi v la partie qui se d-
dit perd les arrhes.

3 - LES EFFETS DE LA VENTE

; La vente est un contrat synallagmatque : elle donne naissance


des obiigtions rciproques; celle du vendeur, sanctionne par I r actio emp-
t i , et celle de l'acheteur sanctionne par l'act-o veridti.

j:auses=part].uiire|. :

Les parties ont la facult de modifier les effets normaux de la


Vente, en insrant des clauses particulires dans le contrat : ces leges,
ces pactes, sont sanctionns par les actions mmes du contrat (actiones emp-
ti et vertdti). Ces clauses en effet peuvent tre considres comme faisant
corps avec le contrat; la vente est un contrat consensuel, fond sur la vo-
lont des parties : les clauses particulires ne font que prciser cette vo-
lont.

Il y a lieu cependant de faire des distinctions entre ces clauses


selon que les effets qu'elles tendent modifier sont'.des effets essentiels,
naturels ou accidentels de la vente (1).

Les effets essentiels sont ceux que l'on ne saurait carter sans
anantir la vente ou la transformer en acte juridique diffrent. Si par ex-
emple il est convenu que le vendeur n'exigera pas de prix, il ne s'agit plus
d'une vente.

Les effets naturels sont ceux qui se produisent sans que les par-
ties aient besoin d'en parler dans le contrat. Mais ils peuvent tre modi-
fis et mme carts par des clauses particulires. Ainsi les risques sont
en principe pour l'acheteur, mais on peut convenir qu'ils seront supports
par le vendeur.

(1) Cette distinction n'est pas classique. Ce sont les juristes de la Basse-
Epoque qui se sont proccups de savoir ce qui tait essentiel, naturel
ou accidentel dans les actes juridiques et dans de's actions en justice.
^

119 .

Les effets accidentels sont ceux qui ne se produisent que si les


parties le dsirent; il faut les prvoir par une clause spcialement ins-
re dans le contrat; ainsi la rsolution de la vente pour non paiement du
prix ne peut rsulter que d'une convention ajoute la vente : la lex aom-
missoria.

Certains effets qui avaient d'abord t accidentels devinrent fi-


nalement de la nature du contrat : par exemple la garantie contre l'viction
et contre les vices cachs.

DIVISION I : LES OBLIGATIONS DU VENDEUR

Selon Paul (D. 19.4.1 pr), l'obligation du vendeur consiste


"garantir l'acheteur contre l'viction, lui procurer la possession de la
chose vendue et s'abstenir de tout dol". L'obligation de s'abstenir de
tout dol n'est pas particulire au vendeur; elle s'impose galement l'ache-
teur : Paul insiste sur cette obligation sans doute parce que primitivement
on prenait la prcaution d'ajouter la vente une "stipulation de dolo", aux
termes de laquelle le vendeur promettait de s'abstenir de tout dol, "purga-
ri dolo malo". Le caractre de bonne foi de la vente rendit cette stipula-
tion inutile. L'ide de bonne foi domine tout le contrat, colore tous ses
effets : la jurisprudence classique a su en tirer, comme nous le verrons,
d'importantes consquences.

L'obligation de s'abstenir de tout dol mise part, la vente im-


pose au vendeur :
1. Une certaine responsabilit en ce qui concerne la conservation de la cho-
se jusqu' sa Iivrai son.
2. L'obligation de dlivrance.
3. L'obligation de garantir l'acheteur contre l'viction,
4. et contre les vices cachs.

Toutes ces obligations sont "incertaines", leur objet tant un


inoertwn ; ta formule de l'action empti comprend une intentio -inaerta, ca-
ractrise par l'emploi du mot quidquid : "tout ce qu'il convient qu'en bon-
ne foi le vendeur fasse et fournisse ..."

A/ La responsabilit contractuelle du vendeur :

Lorsque le contrat laisse au vendeur un dlai pour procder la


dlivrance, la chose vendue reste un certain temps entre les mains du
vendeur. Quels sont ses droits l'gard de cette chose ? Est-il res-
ponsable si elle prit, disparat ou est endommage ?
. 120 .

Tandis qu'en Droit franais, la vente rend l'acheteur immdiate-


ment propritaire,: en Droit Romain, au contraire, le vendeur conserve la
proprit de la chose vendue tant qu'il n'a pas procd son transfert
par un des modes appropris (mancipation ou tradition).

Mais le droit de proprit que le vendeur conserve ne lui procu-


re plus les avantages qui s'y rattachent d'ordinaire : le contrat de ven-
te lui interdit, sous peine d'tre condamn des dommages-intrts, de
profiter de son droit de proprit.

Aprs la vente, le vendeur ne jout ni de Iyusus ni du fruotus :


il ne doit ni se servir de la chose, ni en recueillir les fruits pour son
compte.

A plus forte raison n'a-t-iI plus I*abusua : il doit s'abstenir


de dtruire ou .d'aliner la chose. Etant encore propritaire, Il trans-
fre valablement la proprit s'il mancipe la chose un tiers; mais en
agissant ainsi, il rend sciemment et volontairement impossible la livrai-
son au prof it: de l'acheteur; celui-ci, en intentant l'action empti, rcla-
mera des dommages-intrts, car le vendeur est responsable du dfaut de
dIivrance, quand il a rendu cette dlivrance impossible, par suite de
ses agissements dolosifs.

Mais le vendeur ne rpond pas seulement, de son doi\ : iI ne doit


pas seulement s'abstenir d'actes mal intentionns:.qui rendent la livrai-
son impossible : jusqu' quel point exige-t-on qu'M veI je la conser-
vation de la chose ?

C'est poser tout le problme de la responsabilit contractuelle


du vendeur.

Il est malais de se faire une. ide exacte de ce qu'elle tait


l'poque classique cause des interpolations que les compilateurs ont
fait subir aux textes. Les contradictions qu'iIs prsentent peuvent aus-
si s'expliquer par le fait que les parties pouvaient, par des clauses ajou-
tes la vente, restreindre ou tendre cette responsabilit. Certains
textes, prsents au Digeste comme ayant une porte gnrale, pouvaient
n'avoir concern, l'poque classique, que des types particuliers de
ventes. -

Beaucoup d'auteurs pensent qu' l'poque classique le vendeur as-


sumait en l'absence de clauses spciales, une responsabilit trs ten-
due, base sur l'ide de austodia, de garde. Le vendeur gardien de la
chose vendue, rpondait de toutes les pertes et dtriorations, sauf cel-
les causes par la force majeure (incendie par la: foudre, faits de guer-
re, incursion des pirates) : d'aprs cette doctrine, le vendeur serait
responsable en cas de vol commis par des tiers, ou en cas de fuite de
I'esclave vendu.

Cette responsabilit svre apparat bien dans certains textes, .


mais elle nous parat tre exceptionnelle, rsulter soit d'une convention
des parties (.18.1-35.4), soit d'usages admis pour certains types de ven-
te (vente de vin : D.18.6-2 1 et 6 3).
121 .

A notre avis, le vendeur l'poque classique ne rpondait que


de son dol et de sa faute; iI ne rpondait pas des cas fortuits (vol par
des tiers) (D.13.6-5.2).

Dans le droit de Justinien, le vendeur rpond de son dol et de


sa faute lgre (oulpa levis) : il assume une obligation de garde qu'il
doit remplir en agissant comme le ferait un bon pre de famille : PAUL,
J. 19.1 -36 : "oustodiam et diligentiam praestare dbet -V.-. ";: h.t. 54 pr,
o la faute (eulpa) consiste faire ce que ne ferait pas un "diligens
et prudens paterfanrilias". Le vendeur ne rpond du vol ou de la fuite
de 'l'esclave que si par convention spciale il a accept d'tre gardien
de la chose {"si oustodiam susoeperit") : dfaut de cette clause, le
vendeur, en cas de perte fortuite, est seulement tenu de cder I'ache-
teur les dbris juridiques (actio furti, aotio darnni injuriae) (Inst.
Just.3.25.3); le vendeur ne rpond pas de la validit des droits et ac-
tions qu'il cde l'acheteur (D.19.1.31 pr).

La responsabilit du vendeur peut se trouver modifie par les


effets de la demeure. Le vendeur qui tarde livrer est en demeure : la
chose est alors compltement ses risques. A l'inverse si l'acheteur
tarde prendre livraison, l est en demeure en tant que crancier de la
chose {mora areditoris), ce qui allge la responsabilit du vendeur; ce-
lui-ci ne rpond plus que de la perte due son dol.

B/ L^ob^gat|on_de_diiyrane :

Son objet : Le vendeur loi + livrer la chose avec ses accessoires.

a) La chose vendue :

Le contrat peut parfois laisser des doutes sur ce qui constitue


l'objet de la vente. On a vendu telle maison : a-t-on entendu vendre,
avec la maison, l'installation hydraulique dont elle est munie ? On
a vendu une ferme : la ferme comprend-elle, en plus des terres et des
btiments, le btail et les instruments aratoires ?

Ce qui fait partie de la chose est vendu avec elle : les juris-
consultes ont cherch dterminer ce qu'il fallait entendre par pars
aedium ou pars fundi (ce qui fait partie d'une maison, ou d'ur domai-
ne) : ils considrent que les tuyaux installs de faon dfinitive
sont pars aedium, le fumier entass non pour tre vendu, mais pour
fumer le domaine est pars fundi. Les principes qui ont t poss en
Droit Romain propos de l'objet de la vente ont t utiliss par nos
vieux auteurs pour arriver notre thorie moderne des immeubles par
destination, ce quoi n'avaient pas pens les jurisconsultes romains
en rdigeant ces textes.
. 122 .

Les jurisconsultes dclarent par contre que les choses qui consti-
tuent l'quipement d'un domaine (btail, esclaves, instruments aratoi-
res), ne sont pas pars fundi : ces sortes de choses ne sont comprises
dans la vente du fonds que si le contrat prcise expressment que le
fonds est vendu "tout quip"; ce qui rsulte de I'emploi de la clau-
se fundum instruction.

b) Le vendeur r
" d o i t livrer les accessoires :

Tout ce que la chose a pu produire, tous ses accroissements de-


puis le jour du contrat. Ainsi l'acheteur profite des alluvions qui
ont donn une plus grande tendue au domaine et de tous les fruits que
la chose a produits. Des conventions particul1res rglaient souvent
cette question des fruits : le vendeur pouvait se rserver la rcolte
qui tait sur pied au jour du contrat (.18.1-40 3 et 80).

Les "fruits civils" n'taient pas traits comme des fruits en


Droit Romain. Les loyers et fermages sont ds en vertu de contrats
qui ne produisent d'effets qu'entre ceux qui les ont passs : par con-
squent, l'acheteur d'une maison ignore les baux consentis antrieure-
ment par son vendeur : 1I ne peut pas rclamer les loyers chus entre
le jour du contrat de vente et le jour de sa mise en possession; par
contre rien, en Droit Romain, ne s'oppose ce que l'acqureur d'un
immeuble expulse le locataire. Celui-ci, en effet, ne peut se prva-
loir du contrat de Touage qu'envers son bailleur, le vendeur : s'il
est expuls par l'acheteur, il peut simplement rclamer de son bailleur
des dommages-Intrts. Les vendeurs, pour viter de tels dsagrments,
prenaient ordinairement leurs prcautions : Ils faisaient insrer dans
le contrat de vente une clause par laquelle l'acheteur s'engageait
respecter les baux en cours : mais dans ce cas, l'acheteur avait droit
aux loyers depuis le jour de la vente (D.18.1-68 et 19.1.53 pr).

La dlivrance consiste
tradere vaaua^jpQssessionem :

Pour remplir son obligation de dlivrance, le vendeur doit simple-


ment "tradere vaauam possessionem" : il doit mettre l'acheteur en pos-
session et lui procurer une possession paisible et durable.

Il est tout fait remarquable que la vente romaine n'oblige pas


le vendeur dore rem, transfrer la proprit. Si l'on avait obli-
g le vendeur transfrer la proprit idominivm), la vente n'aurait
eu qu'une utilit restreinte : elle n'aurait pas pu tre employe par
les prgrins, ni relativement aux fonds provinciaux, ni mme relati-
vement aux choses sur lesquelles on n'avait qu'une proprit bonitai-
re. Les Romains ont jug tout fait inutile d'exiger du vendeur qu'il
transmette le dominium; il suffisait qu'il assurt l'acheteur les
avantages pratiques de la proprit, c'est--dire une possession pai-
sible et durable.
123

Pouvait-on modifier cet effet de la vente ? Pouvait-on, par une


clause partculire, mettre la charge du vendeur l'obligation de du-
re rem* c'est--dire de rendre l'acheteur propritaire ?

Selon Celsus (D.12.4-15), si je vous donne de l'argent pour que


vous me donniez l'esclave Stichus en proprit, nous ne sommes plus
en prsence d'un contrat consensuel de vente, mais d'un "do ut des".
Par consquent, si je n'obtiens pas de vous I'esclave Stichus, je ne
peux pas exercer contre vous l'action empti, mais reprendre l'argent
que j'ai vers, en me servant de la oondiotio ob >em dati. Ulplen ap-
prouve ce point de vue (1). Par contre, Paul n'hsite pas reconna-
tre qu'il y a vritablement une vente "si peouniam dem ut rem aaoi-
piam" (D.19.5-5.1) : c'est une vente qui prsente deux particularits :
l'acheteur paie comptant et d'autre part le vendeur s'engage transf-
rer la proprit.

Sauf ces clauses spciales, dont les effets ont pu tre discuts,
le vendeur devait simplement procder une tradition. Cette tradi-
tion doit procurer l'acheteur la possession, c'est--dire le mettre
dans une situation telle qu'il puisse, en cas de troubles, bnficier
de la protection des interdits possessoires. Cette possession doit
tre paisible et durable : le vendeur doit faire en sorte que l'ache-
teur n'ait pas craindre des prtentions fondes sur des droits sup-
rieurs aux siens.

Dlivrance
_CDfeC=d_PC2Pit =

Ainsi dfinie, l'obligation de dlivrance, bien qu'elle ne consis-


te pas transfrer la proprit, atteint bien souvent ce rsultat.

Il importe d'abord de remarquer qu'en bien des cas la tradition rend


l'acheteur propritaire : si le vendeur a le dominium, et si la cho-
se est nea mancipi, la tradition, effectue en excution de la ven-
te, est une tradition faite "ex jus-ba causa"; elle est translative
de proprit.

(1) Le texte de CELSUS a t tudi par MEYLAN dans R.I.D.A. 1918 pp. 133-
152 (rsum dans IURA 1 p. 608) : le savant romaniste de Lausanne ne pen-
se pas que la clause obligeant le vendeur transfrer la proprit puis-
se suffire enlever au contrat le caractre d'une vente. CELSUS n'envi-
sage pas une vente avec une clause de ce genre, mais une hypothse dans
laquelle on a commenc par faire une datio peouniae^ en vue d'obtenir en-
suite une datio Stiaki : or les Romains ont connu l'origine une vente
dans laquelle l'acqureur obtenait la chose avant de payer le prix; l'opi-
nion de CELSUS serait une survivance de cette ancienne conception, selon
laquelle il ne s'agit plus d'une vente si l'on commence par payer avant
d'obtenir la chose.
124

2. De nombreux textes laissent entendre que l'acheteur peut sans in-


voquer de clauses spciales, en vertu du seul contrat de vente,
exiger que le vendeur procde une manclpatlon {acte solennel dont
l'effet est de transfrer la proprit des Tes manoipi.).

Ainsi GaTus (IV.131.a) dcrivant la procdure formulaire, signale


une presariptio de fundo manoipando que l'on ajoutait la formule
de I*actio empti, quand l'acheteur dsirait exercer cette action
uniquement pour exiger que le vendeur fasse la manclpatlon. Il est
. question galement de cette obligation de manclper chez Paul (Sent.
1.13 A.4).

Ces textes paraissent en contradiction complte avec le principe


que le vendeur doit simplement livrer une vaauam possessionem.

Certains auteurs (Girard) ont essay de rsoudre le problme en


prtendant que I'obiigatoh de manclper tait comprise dans l'obli-
gation de dlIvrance, comme une forme possible de l'obligation de
traer vaeuam possessionem mais c'est confondre deux choses tout
fait diffrentes. GaTus d'a I leurs les oppose nettement : Il
fait savoir que l'on peut-Intenter I x aotio empti d'abord pour obte-
nir la manclpatlon, puis une seconde fols pour.rclamer la
posessionem (GaTs IV.131.a).

L'explication propose par M. Monlr (Ml. CorniI. 1926 II.142)


parat bien tre la plus satisfaisante : l'obligation de manclper
est une consquence du caractre de bonne foi du contrat. Le ven-
deur doit s'abstenir de tout dol en excutant, ses obligations : or
Il commettrait un dol si, tant propritaire de la chose, il refu-
sait de la manclper, et conservait par devers lui la proprit.
Mais si le vendeur n'est pas propritaire qulrltalre, l'acheteur
ne saurait exiger de lui la manclpatlon.

3. Une autre difficult rsulte d'un texte d'Africain (D. T9.1.30.1),


ainsi conu : "SI je vous ai achet de bonne fol'une chose que vous
saviez appartenir autrui, je peux exercer contre vous l'action
empti, titre utile, avant mme que je sois vinc, et je peux ain-
si vous rclamer rparation du prjudice que je subis du fait que
la chose n'est pas devenue ma proprit".

Ce texte est, premire vue, trs embarrassant : Il semble ren-


dre le vendeur responsable du fait qu'il n'a pas rendu l'acheteur
propritaire; autrement dit, ce texte parat Imposer au vendeur
l'obligation de transfrer le dominium.

Mais II Importe de bien considrer l'hypothse envisage : l'ache-


teur a cru qu'il obtenait la proprit et le vendeur l'a tromp.
Africain est d'avis que le vendeur de mauvaise foi doit indemniser
l'acheteur de tout le prjudice que lui cause l'ventualit d'une
viction. D'aprs le Droit commun, l'acheteur doit attendre d'tre
125

vinc pour faire jouer la garantie contre l'viction, tandis qu'i-


ci, une action "utile" permet d'obtenir une sorte de garantie pr-
ventive. Le texte d'Africain concerne la garantie et n'apporte
aucune drogation aux principes en matire de dlivrance.

C/ La garantie contre I'viction :

Le vendeur qui a rempli son obligation de dlivrance n'est pas


encore quitte : il reste responsable envers l'acheteur, si celui-ci su-
bit une viction ou dcouvre certains vices. Le vendeur doit garantir
l'acheteur contre l'viction et contre les vices cachs.

Ces deux-garanties n'ont d'abord t que des effets accidentels,


rsultant de conventions particulires. Ds l'poque classique, elles
devinrent de la "nature du contrat"; mais elles ne furent jamais consi-
dres comme de I'essence de la vente : Il tait possible de vendre sans
garantie, condition, bien entendu, qu'il n'y et en cela aucun dol, car
on ne pourrait pas, par une clause du contrat, se rserver la facult de
tromper impunment son partenaire.

La garantie contre l'viction prsente en Droit Romain un int-


rt pratique considrable du fait qu'en Droit Romain la vente de la cho-
se d'autrui est valable. Cette garantie a longtemps rsult de divers
procds qui fonctionnent ct du contrat de vente : l'Ide qu'elle
puisse dcouler du contrat lui-mme est l'aboutissement d'une longue
volution.

La notion mme d'viction s'est modifie au cours des sicles.


A l'origine, c'est une notion trs simple : Il y a viction quand l'ache-
teur a t "vaincu en justice" par un tiers qui a prouv contre lui sa
qualit de propritaire. Cela correspond l'hypothse de l'Individu
qui achte de quelqu'un qui n'est pas propritaire, et qui doit ensuite
restituer la chose au Vrai propritaire, la suite de l'action en reven-
dication exerce victorieusement par celui-ci.

La garantie
dans la vente-transfert =

A l'poque o la vente-contrat n'existait pas encore, fonction-


nait dj une garantie dans la vente-transfert lorsqu'elle tait ra-
lise au moyen de la mancipation. L'acheteur menac d'viction pouvait
exiger de son vendeur qu'il lui fournisse son auctoritas, c'est--dire
son soutien. La mise en oeuvre de cette obligation lgale ^auotori-
tas tait assure par une action auatoritatis prvue par la loi des XII
Tables : elle aboutit faire condamner le vendeur payer l'ache-
126 .

teur le double du prix pay. Ce double est-ll la pene pcunare d'un


dlit priv que l'on reproche au vendeur ? Girard l'a soutenu. Mais
rien en ralit ne permet d'affirmer que \yactio aiictortatis soit une
action pnale. Cette action tait Intente contre le vendeur quand II
refusait d'apporter son assistance l'acheteur dans le procs qui lui
tait fatt, mais aussi lorsque cette assistance n'avait pas empch
l'acheteur de perdre le procs et d'tre vinc. Le vendeur ne devait
I * auctoritas que s'il avait reu le prix, et ne la devait que pendant
le court dlai d'usucapion (un ou deux ans) : en effet, pass ce dlai,
l'acheteur a d, en principe, devenir propritaire par prescription et
n'a plus rien craindre : s'il a nglig de possder et n'a pas usu-
cap, Il n'a qu' s'en prendre lui-mme.

La garantie lgale, rsultant de I^auctoritas n'existait que dans


le cas de vente d'une res mancipi, ralise au moyen de la manclpatlon;
la tradition et \Hn gie oessio ne comportaient rien de semblable.

A dfaut de garantie lgale s'tait organise, notamment en cas


de vente ralise par simple tradition, une garantie conventionnelle :
le vendeur promettait verbis que l'acheteur ne serait pas troubl dans
la jouissance de la chose vendue.

La garantie
dans la vente-contrat :

Les procds anciens de garantie continurent 'tre employs


dans la vente-contrat consensuel.

1) Auotoritas :
Si, en excution du contrat, les parties procdaient la mancl-
pation, la chose vendue tant res mancvpi, l'acheteur bnficiait
de la garantie lgale, mise en oeuvre au moyen de l'aetio auctorita-
tis, aboutissant, en cas d'viction, une Indemnit du double du
prix. Cette garantie subsista aussi longtemps que la manclpation :
Il en est encore question dans les Sentences de Paul (2.17.1); la
compilation de Justinen n'en parle plus. Lorsque les parties dsi-
raient faire une vente sans garantie, elles ne mentionnaient dans
la mancipaton que le prix fictif d'un denier (manclpatlon nummo
uno).

2) Stipulation de garantie : ;

Il tait d'usage de faire une stipulation de garantie au moment


o I'on procdait la dlivrance. Varron (R.R. 2.10.4) talsse sup-
poser que de son temps cette stipulation n'tait fate qu' dfaut
127 .

de I *auctovitas, quand on ne procdait pas une mancipatlon :


"si manoipio non datur". Mais dans les actes de vente des 1
et 11 s., on trouve invariablement une stipulation de garan-
tie contre l'viction, mme lorsqu'il y a une mancipation :
dans les actes de TransyIvane, lI tait peut-tre prudent de
faire cette stipulation parce que la validit de la mancipa-
tion entre non-citoyens parat douteuse. Cette explication
ne tient pas pour les ventes d'Herculanum (tab. Herc. 61).
Sans doute pensait-on que deux garanties valent mieux qu'une
seule !

On connaissait plusieurs types de stipulations de ga-


rantie : divers noms leur sont donns : satisdatio seoundum
manoipium^ stipulatio duptce ou simpla&i stipulatio habere li-
oere (1).

. satisdatio secimdum manoipium : cela parat bien singulier


"cautionnement aprs une mancipatlon". C'est une stipula-
tion qui transforme en une obligation verbis, conventionnel-
le, ['obligation lgale d'auotoritas, de faon pouvoir la
renforcer d'un cautionnement. . On sait en effet que les cau-
tions les plus anciennes (spcnsores et fidepromissores) ne
pouvaient garantir que des obligations elles-mmes formes
verbis. D'autre part, le terme satisdatio Indique bien qu'il
s'agt d'un cautionnement (2).

. La stipulatio habere lioere est un contrat verbis par lequel


le vendeur promet l'acheteur qu'il, lui sera loisible Lli-
oere) de conserver la chose {habere). Si l'acheteur est vin-
c par un tiers, Il n'a pas obtenu ce que le vendeur lui a
promis : II peut par consquent exercer contre lui I y aotio
ex stipulatu pour rclamer rparation du prjudice que lui
cause l'inexcution de la stipulation; en d'autres termes,
M obtient des dommages-Intrts calculs au simple de la
valeur de la chose au jour o l'viction s'est produite (.quan-
ti ea res erit) ou du prjudice caus par l'viction (quanti
interest).

(1) La table de Btique (FIRA N 92), formulaire d'une fiducia aum oredito-
re, prsente une clause par laquelle le crancier se rserve la facult
de vendre le gage sans garantie; ?a clause prcise qu'il pourra faire
la mancipation nummo uno, qu'il ne fera pas les stipulations de garan-
tie, ni la satisdatio seoundum manoipium, ni la promesse au simple ou au
double. Les actes de la pratique ne nous ont donn jusqu' prsent au-
cun exemple de stipulation habere lioere i Par contre VARRON (R.R. 2.2
5.3 5.4- 5) reproduit les termes prcis de cette stipulation pro-
pos de vente d'animaux nec-manaipi et les jurisconsultes en parlent quel-
N quefois.
(2) Selon MEYLAN (RHD.1948 p. 1) cette stipulation n'aurait rien voir avec
l'viction mais~bligerait le vendeur qui a fait mancipation mettre l'a-
cheteur effectivement en possession. Cette doctrine a rencontr peu de
partisans^ elle a contre elle la table de Btique o notre satisdatio est
indique a propos des garanties contre l'viction qu'un vendeur dsire ne
pas fournir.
. 128 .

Un texte du Digeste (Olplen, . 45.1-38 pr) met en dou-


te la validit de cette stipulation en vertu du principe de
la nul Iit des promesses pour autrui : en effet promettre que
l'acheteur ne sera pas vinc, n'est-ce pas promettre que des
tiers n'vinceront pas ? Beaucoup d'auteurs modernes, trouvant
singulier qu'Ulpien s'en prenne une stipulation employe de-
puis trs longtemps, ont suspect ce texte d'interpolation (1)
tort, semble-t-ll : l'poque d'Ulpien, l'acheteur pouvait
obtenir directement en vertu du contrat, avec l'action empti,
la rparation qu'aurait pu lui procurer en cas d'viction, la
stipulatio habeve lioeve; aussi ne I'employait-on gure et Ul-
plen pouvait sans grand Inconvnient pratique la condamner au
nom des principes juridiques. Paul (D>. h.t. 85 pr) a eu, lui
aussi, conscience de l'objection, mas parvient valider la
stipulatio habere lioeve en soutenant que le vendeur promet
son propre fait : faire en sorte qu'il n'y ait pas d'viction
(2). A l'poque ancienne,-ces scrupules talent inconnus par-
ce que le principe de la nullit des promesses pour autrui
n'tait pas clairement dgag (3).

. Les stipulations simptce et duptee vitent cette difficult.


L'viction certes y est envisage, mais n'en constitue pas
l'objet; leur objet est une peounia, une somme d'argent au
simple ou au double. L'ventualit d'une viction Intervient
comme condition suspensive : le vendeur promet de payer une
somme d'argent l'acheteur au cas o une dfaite judiciaire
le priverait en tout ou en partie de la jouissance de la cho-
se. Une condition peut trs bien consister dans le fait d'un
tiers. Ex. : si TItius monte au Capltole.

La simpla, comme l'Indique son nom correct : "stipulatio


simplae peouniae", a bien pour objet une somme d'argent et
ne se distingue de la dupla que par la quotit de cette som-
me : un acte de Transylvanie (CIL. III p. 940) nous montre
mme qu'il suffit d'ajouter duptcan entre les lignes pour
transformer une simpla en dupla. La stipulatic simplae est
par consquent diffrente de la stipulatio habeve lioeve :
il ne faut pas les confondre (comme le font tort Rabel et
Schulz).

Des doctrines trs divergentes ont t soutenues sur


l'origine et la nature des stipulations de garantie. La doc-
trine ancienne de Girard, en grande partie reprise par Kaser

(1) BESELER : ZSS 43 p. 554; KASER : ZSS 54, p. 1657. Contra ARANGIO-RUIZ :
"Compvavendia" 1954, p. 338.
(2) Comme en droit moderne le porte-fort.
(3) COUDERT : "Stipulations et promesses pour autrui" 1957, pp. 104 sq., ad-
met que le texte d'Ulpien est, pour le fond, classique, et indique une
volution au sujet de cette stipulation.
129

(ZSS 54.1934) tablit une opposition plus profonde entre


deux systmes de garantie conventionnelle, rsultant d'une
part de la stipulatio duplae, d'autre part de la stipulatio
habere licere.
La dupla aurait t imagine pour procurer l'ache-
teur Ies avantages qu'il aurait obtenus avec I^actio aucto-
ritatis s'il y avait eu une mancipation : calque sur \'auc-
tovitas, cette stipulation serait au double du prix et n'in-
terviendrait que dans les ventes de res manoipi. La stipu-
latio simplae ne serait qu'une dformation de la dupla, r-
duite au simple du prix.

La stipulatio habere licere, sans rapport avec I } aucto-


ritas, serait apparue plus tardivement, pour procurer une
rparation du prjudice caus par l'viction en cas de ven-
te de res ne manoipi. Cette doctrine, fortement branle
par Rabel (en 1902), est rejete par Monier et J.Ph. Lvy.
L'examen des documents de la pratique permet de faire d'ins-
tructives constatations : 1) les stipulations de garantie
ayant pour objet une pecunia (au simple DU au double) n'ont
aucun rapport avec l'action auctoritatis, mais reprennent
les termes de la stipulatio habere licere, en les faisant
passer dans la phrase o l'viction est prvue comme condi-
tion; 2) la pecunia peut tre calcule sur la base du prix
mais souvent aussi sur la base du prjudice, tantt au sim-
ple, tantt au double. Comme le remarque trs bien J.Ph. L-
vy (1), la libert contractuelle jouait pleinement en cette
matire, sauf dans le cas de ventes d'esclaves soumises au
contrle des diles (dans la stipulation dilicienne, la ga-
rantie est au double du prix). Mas si l'esclave n'est pas
vendu in foro la stipulation est parfois au double, non pas
du prix, mais du prjudice, ou mme au simple du prjudice
(2). Des textes de jurisconsultes et des documents papyro-
logiques nous montrent que la garantie contre l'viction pou-
vait aller jusqu' menacer le vendeur d'une pnalit du tri-
ple ou mme du quadruple.

Tout lien entre les stipulations de garantie et Iyauc


tovitas tant exclu, la stipulation habere licere est probable-
ment antrieure la stipulation dupla ou sitnpla : celle-ci
n'tant q-y'une stipulatio habere licere perfectionne. ?

(1) J.Ph. LEVY : "Les stipulations de garantie contre l'viction dans la


vente romaine", RHD 195H, p. 350.
(2) J. MACQUERON : "Etude de documents de la pratique" (polycopi), p. 127.
. 130 .

Garantie
dcoulant :de le vente
ssasssBai

Avec I % auctoritas et les stipulations, la garantie contre l'vic-


tion s'tait organise ct et en dehors du contrat de vente. Elle
finit, ds l'poque classique, par constituer un effet naturel de la
vente.

a) On considra d'abord qu'en vertu de la bonne fol du contrat, le ven-


deur ne peut refuser de faire une stipulation de garantie : le con-
trat de vente met la charge du vendeur l'obligation de faire cet-
te stipulation : "aaoere de evietione". Vers la fin du premier si-
cle, Neratius (.19.1-11.8) dclare, propos d'une vente d'esclave,
que l'acheteur, avant toute viction, peut exercer contre son ven-
deur I'actio empti, s'il refuse de faire la stipulation habere li-
aere. Mats bientt fut admis le principe que le vendeur doit faire
le genre de stipulation qui est en usage dans la rgion (GaTus .
21.2.6) propos de fonds provinciaux) : dans certains cas, le ven-
deur devra faire la stipulatio duplae (le plus souvent au double du
Prix). "::V.

b) Si l'viction se produit avant que I'acheteur ait eu le temps d'ob-


tenir du vendeur qu'il fasse la stipulation, l'acheteur obtiendra
avec l'action mme du contrat une indemnit. Il fut d'abord ques-
tion d'accorder I'acheteur vinc simplement la rparation du pr-
judice caus par l'viction (JAVOLENUS D. 21.2.60 " "quod interest";
JULIEN, h.t. :. le vendeur doit assurer son acheteur la facult de
conserver la chose > "obligatus ut praestet habere liaere"). A I'-
poque des Svres, Paul (Sent. 2.17.2) va plus loin : l'acheteur
vinc obtiendra avec l'aatio empti ce que lui aurait procur la sti-
pulation d'usage si elle avait t faite.

Ds lors, la garantie contre l'viction dcoule directement d'un


contrat et si les parties sont d'accord pour faire une vente sans
garantie, il faut qu'elles manifestent clairement cette volont par
un pacte de non garantie {paotum de non praestanda eviotione).

, L'acheteur vinc tant sr d'obtenir, en.vertu du seul contrat de


. yen,te., au moins la rparation du prjudice, la stipulation habere
ticere, qui n'offrait aucun avantage supplmentaire, cessa d'tre
employe. Par contre des stipulations plus avantageuses,stipula-
tiones duplae, continurent figurer dans ls actes i l 'acheteur
vitait ainsi toute contestation sur le point, de savoir slvc genre
de stipulation tait ou non d'usage.

Il y avait par consquent, ds l'poque classique, deux systmes


de garanties : l'un mis en oeuvre par le dtour d'une stipulation et
l'action ex stiputatu de droit strict, l'autre dcoulant du contrat
de vente et de l'action empti, de bonne foi. Ces deux systmes pr-
sentent des points communs et des diffrences.
131

Points communs :

La garantie ne joue que si l'viction est imputable au vendeur :


il n'avait sur la chose aucun droit ou des droits incomplets. La
garantie ne joue pas si l'viction n'est pas imputable au vendeur :
fait du prince, erreur judiciaire (cas de \Hngvtria judics). Elle
ne joue pas non plus si l'acheteur n'a pas fait le ncessaire pour
viter l'viction : Il ne s'est pas dfendu au procs, n'a pas pr-
venu le vendeur; n'a pas usucap comme II aurait pu le faire ioulpa
emptoris).

Pi ffrences :

a) Les conditions d'exercice


s
.20_!iiED2s._i

Vaotio ex stipulatu sanctionne une stipulation, contrat


de droit strict, elle ne peut tre intente que dans le cas envi-
sag par la stipulation; dfaite judiciaire subie par l'acheteur
dfendeur ou demandeur dans un procs en revendication. L'vic-
tion peut aussi rsulter de l'exercice de l'action hypotcalre,
par un tiers crancier, ou de I'actio oonfessoria par le bnfi-
ce d'un usufruit. Mais l'existence d'une servitude prdiale qui
grve le fond ne constitue pas une viction : le fond s'en trou-
ve "moins bon" : c'est un vice cach, ce n'est pas une viction.

Vaotio empti permet l'acheteur d'obtenir des domma-


ges-intrts non seulement lorsqu'il est vinc au sens prcis
du mot, mais encore toutes les fois qu'il subit un prjudice du
fait qu'il n'a pas obtenu sur la chose des droits suffisants, et
cela, alors mme qu'il n'y aurait pas "viction" au sens prcis
du mot. Ainsi, l'acheteur, pour viter une dfaite judiciaire,
a transig avec le vrai propritaire; ou bien il n'a pas t vin-
c, parce qu'il a hrit du vrai : propritaire. Ce sont l des
cas dans lesquels l'acheteur ne peut se prvaloir de la stipula-
tion : il n'a pas t vinc; I y aotio empti lui permet au contrai-
re d'obtenir une indemnit, en rparation du prjudice qu'il a
subi du fait que le vendeur lui a procur des droits Insuffisants.

b) Les deux systmes de garantie


:
PE2^i!i2D_S_f_!iiEn

Par I'actio ex stipulatu l'acheteur obtient la peaunia


prvue, bien souvent le double du prix qu'il a vers, en cas
d'viction totale. Le montant de cette Indemnit ne prte au-
cune discussion.
. 132 .

Par I r actio empti : l'acheteur obtient une indemnit,


que le juge arbitre "ex fide bona", en estimant le prjudice
d'aprs la valeur de la chose^ au jouno l'viction s'est pro-
duite : si la chose a baiss de valeur, I'acheteur obtiendra
moins que le prix qu'il a pay (la solution contraire admise
en droit franais par I'art. 1631 C.C. vient d'un contresens
commis par Dumoulin).

Ge rgime de garantie, tabli par la jurisprudence, se


conserva trs longtemps : on le trouve encore dans des actes de
l'Afrique Vandale, au V s. (tablettes Albertini).

Les actes de la Basse-Epoque sont svres pour le ven-


deur : dans les stipulations de garantie se manifeste le souci
d'assurer l'acheteur vinc une Indemnit qui tienne compte de
la plus-value acquise par Ja chose depuis la conclusion de la
vente : l'acte laisse parfois l'acheteur le choix entre le dou-
ble du prix ou la valeur au jour de I'viction (tab. Albertini)
mais peut aussi lui permettre de cumuler le double du prix et de
la valeur de la res meliovata (Ravenne, F IRA III N 140).

Droit de Justinien

Dans le droit de Justinien, I*aatio auctoritatis a compltement


disparu (comme tout ce qui se rattache la mancipation). La stipula-
tion rem habere liceve tait depuis dj longtemps tombe en dsutude.
Par contre il est encore question dans la compilation, de la stipula-
tio duplae au sujet de ventes d'esclaves ou de choses prcieuses. Les
compilateurs ont fait passer au compte de la stipulation duplae des
textes relatifs I'auotoritas, de sorte que le duplum est le double
du prix.

A dfaut de stipulation, l'acheteur peut toujours obtenir la ga-


rantie au moyen de Vaot-io empt-i : Il obtient une Indemnit calcule
selon I'intrt qu'i I avait ne pas tre vinc. Cette indemnit ne
doit jamais dpasser le double du prix (p_. 19.1.43 itp).

C/ La garantie
2Q = i_vies_ahs :

Dans le dernier tat du Droit Romiri, l'acheteur jout d'un re-


cours contre le vendeur s'il dcouvre que la chose vendue est affecte
de vices qui la rendent impropre l'usage ou qui diminuent sa valeur.
. 133 .

Comme la garantie contre l'viction, cette garantie contre les


vices a d'abord t obtenue par des procds qui fonctionnaient en de-
hors du contrat de vente : c'est seulement dans le droit de Justinien
qu'elle devnt un effet naturel de la vente, dcoulant du contrat lui-
mme. L'volution a donc t plus lente que pour la garantie contre
l'viction : elle prsente de plus cette particularit qu'elle a t in-
fluence par les diles curules.

Ancien droit :

Lorsque la vente se faisait par mancipation, une garantie rsul-


tait de la clbre disposition des XII Tables : "oien nexum faoet manai-
piumque ..." = "quand on procde une mancipation, les dclarations fai-
tes au sujet de la chose mancipe ont pleine validit". En vertu de cet-
te rgle, le vendeur tait responsable des dclarations qu'il avait fai-
:
tes. ~-

Il existait une sanction contre lui si la chose ne prsentait pas


les qualits annonces (CICERON : "De officiis" 3.16.65). Les Romains
ont conserv, jusqu' une poque trs tardive, des applications de cet-
te rgle antique, en matire de mancpations immobilires.

a) En cas de mancipation d'une terre, si le fonds n'a pas la contenance


annonce, l'acheteur peut intenter contre le vendeur une action ta-
blie par la loi des Xil Tables : I%aotio de modo agri. C'est une ac-
tion de caractre pnal, aboutissant faire payer par le vendeur une
peine pcuniaire calcule au double de la valeur de la superficie man-
quante (1). Cette vieille action est reste en usage jusqu' une po-
que tardive : il en est encore question dans I'dition, wlslgothique
des Sentences de Paul (Sent. 2.17.4).

b) Si au moment de la mancipation le vendeur a dclar que le fonds tait


optimus maximus (libre de toute charge, de toute servitude), il est
responsable au cas o cette affirmation serait mensongre. On ne sau-
rait affirmer si l'action tait au simple ou au double du prjudice :
un texte (D. 41.1-20-1) signale une action au simple; ce texte parle
d'une tradition, mais concernait sans doute la mancipation, sous la
plume d'Ulpien.

(1) Les Sentences de PAUL dclarent que cette action "crot au double contre
celui qui nie" : c'est une erreur, provenant d'une confusion commise par
un annotateur tardif de PAUL. Cette action, comme le dit CICERON (l.c)
tait donne au double contre celui "qui infitiatus esset"3 c'est--dire
qui, au moment de la mancipation n'avouait pas la contenance vritable.
L'annotateur, mal inform, a cru qu'il s'agissait d'une infitiatio faite
au dbut du procs et a ainsi donn, fautivement, cette action, le ca-
ractre d'une action litiscrescence.
. 134

En dehors de ces anciens recours qui taient des effets accessoi-


res de la mancipation, l'acheteur pouvait toujours s'assurer une ga-
rantie contre les vices en prenant la prcaution de passer avec son
vendeur une stipulation de garantie : le vendeur prenait verbis I'en-
gagement que la chose n'tait pas affecte de tels ou tels vices. Si
ces vices se rvlaient, l'acheteur obtenait des dommages-intrts en
exerant \yaotio ex stipulatu.

Des stipulations de ce genre pouvaient accompagner toutes sortes


d'actes de transfert : mancipation, in Quve oessio ou tradition : on
y joignait d'ordinaire une stipulation de garantie contre l'viction.
Varron ("De ve rustioa" Il 3.5) fournit des modles de stipulations
de garantie pour les ventes de chvres et pour les ventes d'esclaves.

La garantie
dans la vente consensuelle :
HB8S3SBSS8S85BSS8BBB8BaSS

a) On continua, dans la vente consensuelle, employer ces anciens pro-


cds de garantie, et notamment la stipulation concernant la fols
; l'viction et les vices. Ctte solution n'tait pas pleinement sa-
tisfaisante : d'abord I'acheteur n'tait garanti contre les vices que
si le vendeur voulait bien faire la stipulation. De plus la stipula-
tion, contrat de droit strict, est d'Interprtation troite : le ven-
deur ne doit d'indemnit que pour les dommages causs directement
I'acheteur par le vice de la chose vendue. Ainsi Paul (D_. 19.1-4)
prend comme exemple.le cas d'un vendeur qui promet, par stipulation,
que I'esclave vendu n'est pas voleur : I!acheteur s'aperoit que l'es-
clave est un voleur, lia pay trop cher un mauvais sujet : mais II
ne peut pas exercer I'aotio ex stipulatu pour obtenir une rduction
du prix. :ll ne peut pas se prvaloir de la stipulation, sauf si des
vols, commis par l'esclave, lui causent un dommage (l'esclave lui d-
robe quelque chose, ou bien l'acheteur est poursuivi noxalitev, par
une personne qui a t victime d'un vol commis par l'esclave).

b) Indpendamment de ces stipulations, I'acheteur peut obtenir du vendeur


. des, dommages-intrts, en Intentant h'aotio empti, s'il peut prouver
que le vendeur a commis un do!, c'est--dire l'a tromp en dissimulant
sciemment un vice. . - ,

L'acheteur victime d'une tromperie pouvait arguer du caractre


de bonne foi du contrat de vente, pour obtenir des dommages-intrts
en exerant l'action mme du contrat, I%aotio empti. Cette solution
tait dj admise au temps de Cicron, comme le prouve une anecdote
qu'il rapporte dans le "De Offioiis" (3.16.66) : un Individu qui avait
reu des augures L'ordre de raser sa maison, s'empressa de la vendre,
sans faire connatre l'acheteur la dcision prise par les augures;
ayant t oblig de dmolir la maison, I'acheteur ft un procs son
. 135 .

vendeur. Le juge fut d'avis que le vendeur qui avait connu la mena-
ce et ne l'avait pas fait connatre, devait rparer le prjudice subi
par I'acheteur.

L'avantage de cette garantie, c'est d'abord qu'elle n'a pas besoin


d'tre spcialement prvue. De plus, l'acheteur n'a pas besoin d'at-
tendre que le vice lui cause un tort pour obtenir des dommages-Int-
rts : il y a droit, en vertu du contrat de vente, du seul fait que,
victime d'un dol, il a pay trop cher : le texte de Paul (D. 19.1.4)
est significatif cet gard.

Mais pour faire jouer cette garantie, l'acheteur doit tablir que
le vendeur a commis un dol : il faut qu'il prouve que le vendeur avait
connaissance du vice au moment du contrat, et qu'il l'a cach. Cette
preuve n'est pas toujours facile apporter. Au surplus ne serait-il
pas bon que l'acheteur puisse avoir un recours, mme au cas o le ven-
deur serait de bonne foi ?

La garantie fut organise sur des bases bien plus sagisfaisants,


dans les ventes soumises la juridiction des Ediles Curules. Ces ma-
gistrats exeraient un contrle sur les marchs qui se tenaient sur la
place publique : les procs, qui pouvaient natre l'occasion des ven-
tes faites sur le forum, appartenaient leur comptence* Ils Introdui-
sirent dans leurs dits des mesures destines protger les acheteurs
contre les artifices des lenones et des maquignons.

L'intervention des diles en cette matire date d'une poque as-


sez ancienne : les comdies de Plaute (mort en 184 av. J.C.) y font dj
al lus ion.

Ils ont apport des Ides absolument nouvelles : d'abord ce prin-


cipe que le marchand doit connatre sa marchandise : il est responsable
des vices cachs, qu'iI les ait connus ou non. Les recours que les di-
les mettent la disposition de l'acheteur sont galement nouveaux : l'a-
cheteur peut demander soit la rsolution de la vente, soit une rduction
du prix.

Les dispositions prises par les diles figuraient dans deux dits
distincts : l'un concernait les ventes d'esclaves (dit de maneipis);
l'autre les ventes de btail (dit de jumentis).

a) Edit de manoipis :

Les diles obligeaient les marchands placer prs de l'esclave


qu'ils vendaient, un petit criteau (titulus) sur lequel ils devaient
inscrire les vices et les qualits de cet esclave. Le marchand tait
136 .

responsable des quai i ts qu'il: annonait, mais, on ne lui tenait pas


rigueur des louanges sans prcision, qu'iI pouvait faire de l'escla-
ve : les vendeurs ont coutume de vanter leur marchandise, c'est un
dolus bonus qui ne trompe personne.

Le marchand devait faire connatre les vices physiques de l'escla-


ve (maladies, infirmits, etc ...) et les vices juridiques (esclave
fugitif, ou expos des poursuites comme auteur d'un dlit). Le mar-
bhand n'avait pas en principe dclarer les vices apparents (les ju-
risconsultes discutaient sur le point de savoir si le vendeur devait
dclarer que l'esclave tait-borgne : 0^21.1-14.10), ni les vices In-
tellectuels ou moraux.

Les diles Imposaient d'autre part au marchand d'esclaves une sti-


pulation de garantie dont Ils avaient arrt les termes : cette stipu-
lation diltlenne est souvent dsigne sous le nom de stipulatio du-
plae, car elle comportait la promesse de rembourser l'acheteur le
double du prix en cas d'viction; mas elle comportait aussi la pro-
messe de l'indemniser au simple au cas o certains vices se rvlaient.
Cette stipulation tait sanctionne, selon les principes du droit com-
mun, par I yactio ex stipulatu.
Pour contraindre les marchands se conformer aux dispositions
qu'ils avaient prises, les diles avaient cr deux actions, qu'ils
mettaient la disposition de l'acheteur, soit pour exiger la stipu-
lation de garantie, soit pour se plaindre lorsqu'un vice venait se
rvler. ,.<

Par I'actio redhibitoria, l'acheteur obtenait la rsolution de la


vente; Il rendait l'esclave, mais rclamait la restitution du prix
grossi d'une indemnit pour le prjudice subi. Cette action "rdhi-
bitoire" est in faotum. Il est douteux qu'elle ait un caractre p-
nal; le seul texte qui parle, son sujet, d'une condamnation au
double, est assez suspect (D. 21.1.45).

2. Par l } atio quanti minoris ou aestimatovia I'acheteur obtenait une


rduction du prix : le juge "estimait la moins value" quanti minovis.

Ces deux actions taient soumises de trs courts dlais de pres-


cription. La premire devait tre Intente, selon les circonstan-
ces, dans les 2 mois ou dans les 6 mois utiles qui suivaient la
vente; la seconde dans les 6 mois utiles ou dans l'anne. Si, en
effet, un vice se dcouvre longtemps aprs le contrat, il devient
difficile de prouver qu'il existait dj au moment de la vente.

Le systme imagin par les diles aboutissait pratiquement aux


rsultats suivants :
. 137 .

Avant mme qu'un vice se rvle, l'acheteur peut exiger que le


marchand fasse la stipulation prvue dans l'dit : si le mar-
chand refuse, l'acheteur peut exercer contre lui dans les deux
mois qui suivent la vente: soit I*aetio vehibitovia, soit I'ac-
tio quanti minovis. Pass ce dlai, il ne lui reste plus que
I *aotio quanti, minovis, qui pouvait encore tre intente dans
les six mois qui suivent la vente, pour obtenir la stipulation
de garantie.

3) Dans l'hypothse o un vice se rvle : si le marchand a dj


fait la stipulation, l'acheteur obtient une indemnit au moyen
de I'actio. ex stipulatu dont l'exercice, selon les rgles du
droit commun, n'est soumise aucun dlai.

SI le marchand n'a pas encore fait la stipulation, l'a-


cheteur peut malgr tout obtenir satisfaction en employant les
actions dilltlennes : pendant six mois, Il a le choix entre
1'actio vehibitovia et I*actio quanti minovis. Pass ce dlai,
Il dispose encore de I } actio quanti minoris, qui peut tre exer-
ce pendant l'anne qui suit la vente, quand un vice se rvle
(Ulpien D. 21.1-19.6).

b) Edit de g'umentis :

Cet dit concernait les ventes de btes de trait (gumenta); Il fut


rapidement tendu aux ventes de btaII.

Le marchand de btail devait dclarer les vices et rpondait des


qualits qu'il annonait.

Mais il n'y avait pas ici de stipulation dilttlenne : les parties


pouvaient faire une stipulation de garantie de leur plein gr et dans
les termes qu'elles voulaient. Indpendamment de toute stipulation,
si un vice se rvlait, l'acheteur pouvait demander'la rsolution, par
:
I*actio vehibitovia, dans les six mois de la vente, ou une diminution
de prix, par \}aotio quanti minovis dans l'anne de la vente.

Gnralisation du systme des diles


et droit de Justinen :
S3SBSSSSSSSSS&SSSS3ESCSS33&SSSS3SSSS

La rglementation imagine par les diles ne concernait l'origi-


ne que les ventes soumises la juridiction de ces magistrats : ventes
faites sur la place publique, au march. Or dans la compilation de Jus-
tinien, les principes poss par les diles sont prsents comme concernant
toutes les ventes.
138 .

Cette gnralisation n'a pas t ralise l'poque classique,


aussi rapidement ni aussi compltement que la Compilation pourrait le
laisser croire. Au Digeste, en tte du titre "De aedilioio edioto" fi-
gure un texte d'Ulpen (D, 21.1.1) ainsi conu : "Labon a crit que
l'edit des diles concernait les ventes de toutes sortes de choses, meu-
bles ou Immeubles". M'est bien improbable qu'au temps d'Auguste, Lab-
on ait song donner une telle extension l'edit des diles : ce texte
est Interpol.

Par contre, Il est certain que dans les ventes d'esclaves faites
entre particuliers, on reproduisait volontiers la stipulatio duplae qui
figurait dans I'dt des diles (FIRA. III N 87); certains actes ren-
voient mme purement et simplement cet dit (ainsi l'esclave est d-
clar "sanum ex edioto" FIRA III N 132; ou l'on promet la somme prvue
"ex imperio aedilium cuvulium ita ut adsclet hoc anno de manoipiis man-
ais ..." (tab. Herc. N 60).

Il est par consquent assez normal que les jurisconsultes classi-


ques aient song tendre les dispositions de l'edit des diles aux ven-
tes d'esclaves et de btail, mme si elles n'taient pas faites in fore.

Il est mme possible qu'UlpIen, au dbut du lll s., ait connu


l'application de l'action redhibitoria en matire de ventes immobili-
res (D. 21.1-49).

Dans le droit de Justinlen, l'acheteur peut toujours, dans un


court dlai aprs la vente, se plaindre que la chose ne soit pas telle
qu'il tait en droit de I'esprer, et sans qu'il ait besoin de prouver
la mauvaise foi du vendeur.

Justinlen a par ailleurs modifi la procdure suivre pour met-


tre en oeuvre cette garantie : il n'est plus besoin de recourir une
stipulation de garantie : la garantie ne dcoule plus d'une stipulation
mais du contrat de vente lui-mme.

C'est par l'action empti que l'acheteur obtint ds lors les r-


sultats que l'on atteignait autrefois au moyen des actions diIitiennes.

L'acheteur, en exerant l'action empti dans les dlais autrefois


prvus par les diles, peut obtenir soit la rsolution du contrat, soit
une rduction du prix : les actions redhibitovia et quanti minoris, dont
le Digeste parle encore, ne sont plus que des faons d'intenter l'action
empti.

Enfin Justinlen n'a pas aboli le principe classique, que l'ache-


teur peut rclamer des dommages-intrts par l'action empti, lorsqu'il
a t tromp par le vendeur. En prouvant la mauvaise foi du vendeur,
1'acheteur fait valoir une garantie qui n'est soumise aucun dlai. Cet-
te garantie, fonde sur le dol, lui procure la rparation la plus compl-
te (sans attendre que le vice ait produit des consquences dommageables).
. 139 .

La garantie contre les vices tait devenue dans le droit de Jus-


tinien un effet naturel de la vente : l'acheteur pouvait y renoncer, sans
que cela puisse autoriser le vendeur tromper son partenaire : aucune
clause d'exonration de responsabilit ne peut empcher le vendeur de
rpondre des vices qu'il a sciemment dissimuls, car on ne peut pas dans
un contrat se mnager la facult de commettre un dol.

DIVISION 2 : L'OBLIGATION DE L'ACHETEUR

A/ Que doit I'acheteur ?

Que peut exiger le vendeur en exerant l'action venditi ?

a) L'acheteur doit payer le prix convenu (dore pretivm). D'autres presta-


tions peuvent ventuellement s'ajouter au prix : c'est pourquoi l'action
venditi a une intentio incerta.

b) SI l'acheteur tarde payer le prix, il est "en demeure", et il en rsul-


te pour lui des obligations supplmentaires; il doit payer les intrts
du prix partir du jour o la chose lui a t livre. L'action venditi
tant une action de bonne foi, le juge accorde les Intrts au vendeur
sans qu'il ait besoin d'introduire une demande spciale leur sujet.

e) Si l'acheteur tarde prendre livraison de la chose, la mord creditoris


(la demeure du crancier) fait natre sa charge certaines obligations.
Il doit payer au vendeur les frais occasionns par ce retard : frais de
gardiennage.

d) Enfin le vendeur a droit au remboursement des Impenses : non seulement


les frais qu'il a exposs pour assurer la conservation de la chose avant
la livraison, mais aussi toutes les dpenses que l'acheteur aurait sup-
portes si la chose lui avait dj t livre : par exemple frais de fu-
nrailles de l'esclave mort aprs la vente et avant le jour fix pour la
dlivrance.

B/ Qy|nd_Maheteur = dgJ : t-Ii = payer_|e = prix ?

La question ne prsente aucune difficult si les parties ont fix


un terme pour le paiement : l'acheteur doit payer au jour convenu.
140 .

Mais si le contrat ne contient aucune disposition cet gard,


qui, du vendeur ou de l'acheteur, doit excuter le premier ?

Principe
d_i_simuitanit=d|excutIon :

En principe, sauf convention contraire, les deux obligations doi-


vent tre excutes simultanment : la vente, contrat synallagmatique,
doit s'excuter "trait pour trait" : c'est ce qu'en droit moderne nous
appelons le principe de la simultanit d'excution,, et nous dsignons
sous le nom rexceptio non adempleti'contractas le moyen de dfense
qu'un contractant peut opposer l'autre, si celui-ci prtend exiger
ce qui lui est d, sans excuter lui-mme ce qu'il doit. Mais cette
terminologie n'est pas romaine : l'expression "xcptio non adempleti
contractas" a t imagine par les commentateurs au XVI s. (1).

En droit romain on considrait que le demandeur commettait un dol


en faisant un procs dans de telles conditions. La prtendue exceptio
non adempleti contractus ne pouvait tre autre chose que l'exception
doli. Dans un contrat de bonne foi, comme est la vente, Il est mme
trs probable que pour opposer ce genre de dol, l'acheteur n'avait pas
besoin de faire insrer l'exception de dol dans la formule de l'action
venditi; il pouvait s'en prvaloir comme moyen de dfense au fond, am-
plement justifi par la clause "ex fide bona" de cette formule.

Se fonde en droit romain


sur la bonne foi :

En droit moderne, nous justifions le principe de simultanit


d'excution en invoquant la thorie de la cause. Dans les contrats
synallagmatques les obiigtions de chacun des contractants dpendant
l'une de l'autre, l'obligation de l'un a pour cause celle de l'autre.

Les Romains, nous le verrons plus loin, n'ont pas eu nettement


conscience du rle de la cause et de I'interdependance des obligations
dans les contrats synallagmatiques : au lieu de rattacher le principe
de Ta simultanit d'excution la notion de cause, ils y ont vu une
consquence de:la bonne foi, un corollaire de ce principe que dans la
vente les parties doivent s'abstenir de tout dol.

Evolution du droit

C'est d'ailleurs une consquence qu'ils n'ont pas tout de suite


song dduire du caractre de bonne foi du contrat. Selon M. Mey-
lan (R.I.D.A* 1948) les Romains ont d'abord connu une vente dans laquel

(1) Thse CASSIN - Paris 191H.


141 .

le l'acheteur acqurait la chose avant de payer le prix : cette con-


ception a exerc une influence pendant longtemps sur la vente consen-
suelle. Un texte de Varron (R.R. 2.26! nous apprend qu' la fin de la
Rpublique il fallait insrer dans le contrat une clause expresse pour
empcher l'acheteur d'exiger livraison alors qu'il n'tait pas encore
dispos payer le prix. Cette clause tait encore en usage au dbut
de l'Empire : Labon la connat (D. 18.1.78.2). Mais le mme Labon
tait dj arriv cette Ide que la bonne foi s'oppose ce que l'a-
cheteur exige livraison, s'il n'offre pas de payer le prix.

Il envisage (D. 19.1.50) l'hypothse d'une remise gnrale de det-


tes accorde par le lgislateur : l'acheteur peut invoquer le bienfait
de la loi pour se dispenser de payer le prix, s'il a dj reu livrai-
son; mais si la chose n'a pas encore t livre, Il serait contraire
la bonne foi de contraindre le vendeur faire livraison, alors que
l'acheteur invoquerait le bnfice de la loi pour ne pas payer le prix.

Les jurisconsultes du 11 s. (Marcel lus, Scaevola) non seulement


font triompher le principe que l'acheteur ne peut pas exiger livraison
tant qu'il ne paie pas, mais reconnaissent au vendeur un vritable
droit de rtention : il peut conserverMa chose vendue, en guise de
gage, "quasi pignoris loco" tant que l'acheteur n'a pas compltement
pay ce qu'il doit (D. .21.1.31.8 et 18.4.22), moins qu'un terme n'ait
t convenu pour le paiement du prix.

Ce principe parat solidement tabli l'poque classique : l'ache-


teur doit'offrir le prix, pour pouvoir exiger livraison; c'est ce que
nos vieux auteurs exprimaient en disant "emptor venire dbet aum saoco".
Cette solution est passe dans l'art. 1612 du Code Civil. Le principe
tant ainsi pos, son application peut dans certains cas prsenter des
difficults.

Hypothses
dans lesquelles
i c PiflDQ_Piy_!C!_J9yCQ# :

a) Certains textes de la Compilation affirment que l'acheteur peut


exiger livraison, bien qu'il n'ait pas encore pay le prix, et dans
des hypothses o il ne semble pas qu'un terme ait t convenu pour
le paiement du prix.

Ces textes parlent d'une "exaeptio merois non traditae" : l'ache-


teur poursuivi en paiement du prix vite condamnation en Invoquant,
comme moyen de dfense, le fait qu'il n'a pas encore reu livraison.
Si ces textes avaient une porte gnrale, si, dans toutes les ven-
tes, l'acheteur pouvait invoquer ce moyen de dfense, que deviendrait
le droit de rtention reconnu au vendeur ?
142

En ralit, l ' e x c e p t i o mevois non traditae ne s'applique que dans


des hypothses particulires : lorsqu'un terme a t prvu, expres-
sment ou tacitement, pour la Iivrai son. Si au jour fix pour la
livraison, le vendeur n'excute pas et veut malgr tout obtenir paie-
ment, I.'acheteur lui oppose victorieusement l'exception tire du
fait que la chose vendue n'a pas t livre au jour convenu.

Ainsi Julien (. 19.1.25) envisage le cas d'une vente de vendange


sur pied : cette vente comporte en soi un terme : le moment o les
raisins seront mrs. La vendange tant arrive maturit, l'ache-
teur se voit refuser l'accs du vignoble; le vendeur prtend obte-
nir d'abord le paiement du prix. Julien est d'avis que l'acheteur
peut repousser cette prtention en opposant I ' e x c e p t i o mevois non
traditae. .

b) D'autre part le droit romain autorise l'acheteur qui a reu livrai-


son ajourner le paiement lorsqu'il est srieusement menac d'vic-
tion, ou s'il prouve que le vendeur l'a tromp en lui vendant dolo-
sivement la chose d'autrui, ou s'il dcouvre sur la chose une hypo-
thque consentie antrieurement la vente.

Papinien, envisageant le cas o l'acheteur est menac d'viction


(Frag. Vatican 12) dt ceci : "Si un tiers fait un procs l'ache-
teur au sujet de la proprit de la chose vendue, alors que le prix
n'est pas encore pay, I'acheteur ne peut tre contraint payer le
prix, alors mme que le vendeur lui offrirait des cautions (fidejus-
seurs)'".

Cette solution tait quitable, mais elle pouvait trop facilement


donner lieu des abus : un acheteur, peu press de payer le prix,
pouvait gagner du temps en se faisant faire un procs de pure chica-
ne par un compre. C'est pourquoi Diocltien (C.J. 8.44-24) dcida
en 294 que, malgr la menace d'viction, le vendeur pouvait exiger
le prix, condition de fournir des cautions qui donnaient l'ache-
teur l'assurance d'obtenir l'indemnit rsultant de la garantie con-
tre l'viction (au cas o le procs tait srieux et aboutissait
l'viction de l'acheteur). Justnlen, reproduisant au Digeste le
texte de Papinien sus-ndiqu, l'a mis en harmonie avec cette lgis-
lation (D. 18.6.19.1).

C/ Ls_risqyes_dan| j.a_yente :

La question des risques n'est pas particulire la vente : on la


rencontre dans tous les contrats synaMagmatiques. Elle se pose lorsque
la chose due prit dans des conditions qui ne sont pas imputables celui
qui devait la fournir, notamment Lorsque la chose prit par cas fortuit.
. 143 .

La perte fortuite d'une chose d'espce libre celui qui la doit :


son obligation s'teint parce qu'elle est devenue impossible. L'obliga-
tion de l'autre partie, reste possible, est-elle teinte ?

Si nous considrons que dans les contrats synallogmatiques, J'obli-


gation de l'une des parties sert de cause celle de l'autre, l'extinc-
tion d'une des obligations doit entraner l'extinction de l'autre : en
bonne logique, le dbiteur qui ne peut plus fournir la chose, parce qu'el
le est perdue, ne devrait pas pouvoir exiger la contreprestation conve-
nue : ce qui revient faire supporter la perte, les risques, par le d-
biteur de la chose qui prit.

C'est bien ce qu'admet d'ordinaire le droit romain (qui justifie


cette solution, sans faire intervenir, d'ailleurs, l'ide de cause, mais
en invoquant plutt le caractre de bonne foi du contrat); ainsi en ma-
tire de louage : si la chose loue prt par cas fortuit, le bailleur
ne peut plus exiger du locataire le paiement du loyer prvu dans le con-
trat.

La rgIe
"vesjperit emptori" :
a asa a s s a s s a*s a a a a a

Mais en matire de vente il en est tout autrement. Les Institu-


tes de Justinen s'expriment ce sujet de la faon la plus catgori-
que (Inst. 3.23.3) : "Une fois que la vente est conclue, la chose est
immdiatement aux risques de l'acheteur, encore qu'il n'en ait pas re-
u livraison : si l'esclave vendu meurt, ou s'il est bless, ou si la
maison vendue disparat en tout ou en partie dans un Incendie ... le
dommage est support par l'acheteur qui reste tenu de payer intgrale-
ment le prix convenu".

Ainsi l'acheteur reste tenu de payer le prix sans rien recevoir,


ou en ne recevant quiune chose amoindrie : c'est ce qu'exprime la r-
gle "res prit emptovi" : l'acheteur supporte les risques.

Cette solution est passe dans notre droit franais (art. 1138 CC).
Mais elle s'y justifie bien plus aisment qu'en droit romain : dans no-
tre droit, en effet, la vente opre Immdiatement transfert de la pro-
prit; il est normal que l'acheteur, devenu propritaire depuis le jour
du contrat, subisse la perte, conformment la rgle "oasym sentit do-
minus".
Par contre en droit romain, tant que la livraison n'est pas effec-
tue, l'acheteur est simplement crancier de la chose; or, contrairement
ce qui se passe ordinairement dans les contrats synallagmatlques, l'a-
cheteur, crancier de la chose, en supporte la perte : en matire de
vente, "res pevit areditori". C'est une solution tout fait anorma-
le.
144

Justnien s'efforce de la justifier en faisant remarquer que l'a-


cheteur doit sapporter la perte, parce qu'il profit des gains partir
du jour du contrat. Cette justification est Insuffisante car l'espoir
de profiter d'accroissements ventuels est loin de compenser le risque
de tout perdre.

On peut invoquer un autre argument : en cas de perte fortuite,


I'acheteur peut encore exiger du vendeur qu'il lui livre les dbris
matriels et juridiques, comme par exemple les actions contre les tiers
qui ont dtruit la chose vendue, mais il faut convenir que c'est une
maigre consolation pour l'acheteur qui reste oblig de payer le prix
intgralement.

QgQd].tlgQS_d^appiiaton :

Ce qui rend supportable cette rgle singulire, c'est qu'en ra-


lit elle trouve assez rarement s'appliquer. Pour que la chose soit
aux risques de l'acheteur, il faut en effet que beaucoup de conditions
soient remplies :

1) Il faut que la vente soit conclue dfinitivement. Dans le droit de


Justnien, si les parties dcident de faire un acte crit, la vente
n'est dfinitive qu' partir du moment o l'crit est "parfait".

Ou bien encore si l'on a introduit une condition suspensive dans


le contrat, la vente ne dvient dfinitive qu' l'arrive de la con-
dition : si entre temps la chose prit, la vente ne peut plus se
former, faute d'objet; Il n'y a donc pas de vente, pas d'acheteur.
Ceci n'est d'ailleurs exact qu'en cas de perte totale, mais l'ache-
teur supporte les risques de perte partielle (1).

2) Si la vente a pour objet une chose de genre, la perte de cette cho-


se ne libre pas le vendeur, selon la rgle "gnera non pereunt" :
l'acheteur ne commence supporter les risques qu' partir du moment
o la quantit qui lui est vendue est devenue distincte de la masse,
par un procd d'individualjsation, variable selon les choses envi-
sages, et que les textes considrent comme quivalent une tradi-
tion de la chose. Ainsi, en cas de vente de bois de construction,
les risques ne sont pas pour l'acheteur ds le jour du contrat, mais
partir du moment o iI a mis sa marque sur les poutres qu'il a ache-

(1) Les glossateurs formulent ainsi cette rgle "perioulum detevLora.ti.onis


pro emptores perioulum interitus pro venditore". Sans formuler un ada-
ge aussi lapidaire, PAUL exprimait dj cette ide (. 18.6-8 pv).
145

tes (PAUL : D, 28.6-15.1). Papinien {;Frag. Vatican 16) opine dans


le mme sens, envisageant le cas o le vin vendu a aigri : "si l'on
a vendu mille mesures de vin pour un prix dtermin, sans qu'on ait
individualis ce qui doit tre livr, l'acheteur ne supporte aucun
risque".

3) Pour parler de risques, il faut d'autre part que le vendeur ne soit


pas responsable de la perte : si la chose a pri par la faute du
vendeur, ce n'est plus la question des risques, mais celle de la
responsabilit contractuelle qui se pose.

4) De mme, si le vendeur est en demeure. Le vendeur qui tarde livrer


rpond de tout ce qui peut arriver la chose, mme par cas fortuit.

5) Des clauses insres dans le contrat peuvent modifier te rgime des


risques en modifiant celui de la responsabilit contractuelle : ain-
si le vendeur peut assumer une responsabilit plus tendue que celle
de droit commun : on peut convenir qu'il rpondra de la custodia; il
rpond alors de certains cas fortuits (comme le vol commis par des
tiers) qui ne sont plus aux risques de l'acheteur.

6) Enfin la rgle "res prit emptori" n'est pas de l'essence de la ven-


te : les parties peuvent dcider par une clause dy. contrat que la
chose restera, jusqu' livraison, aux risques du vendeur.

Cette rgle
lii_is|qye ?

En dpit de toutes les conditions auxquelles se trouve soumise son


application, la rgle qui fait supporter les risques par,l'acheteur
n'en est pas moins singulire. Nombreux sont actuellement les auteurs
qui lui dnient tout caractre classique et prtendent qu'elle aurait
t Introduite par Justinien, sous l'influence de conceptions hellni-
ques qui prvalaient dans la partie orientale de l'empire romain.

On invoque l'appui de cette thse divers arguments. On fait re-


marquer qu'en droit grec les risques taient pratiquement pour l'ache-
teur : la vente grecque iprasis) rend l'acheteur propritaire quand il
a pay le prix : c'est un change d'une chose contre un prix. SI le
vendeur ne paye pas immdiatement, il souscrit un engagement idaneion)
sur la base duquel il obtient le transfert de la chose : cet engagement
est "abstrait", l'acheteur doit l'excuter, quand bien mme la chose
viendrait prir.
146 .

On: prtend que Justin!en aurait introduit cette conception grecque


dans la-Gompilation par voie d'interpolation.

D'aprs cette doctrine, le droit romain classique connaissait un


rgime diamtralement oppos celui que ft prvaloir Justinien. A
l'poque classique, les risques taient pour le vendeur, selon le prin-
cipe ordinaire "res prit debitori". On prtend que cette solution est
encore visible dans quelques textes du Digeste que les compilateurs au-
raient otibli d'interpoler.

Nous ne croyons pas que cette doctrine puisse tre retenue : les
textes de la compilation o l'on trouve des applications de la rgle
"res prit emptori", sont trs nombreux : certains d'entre eux prsen-
tent peut-tre des traces de remaniements qui touchent la forme, plus
qu'au fond (les textes les plus suspects sont : D.. 19.5-20.1; 43.24-11.
12; 47.2- 14 pr); par contre nombreux sont ceux dont l'interpolation
ne parat nullement prouve (notamment le texte de Labon, p_. 19.1-32.
33, qui envisageant le cas o l'esclave est mort avant d'tre livr,
oblige l'acheteur rembourser au vendeur les frais de: maladie et les
frais de funraiI les).

Quant aux textes o l'on a cru trouvef de prtendues survivances


de la rgle "res prit venditori", ils n'ont rien voir avec la ques-
tion des risques, mais concernent des hypothses o le vendeur est res-
ponsable de la perte qu'il a cause par sa faute (D.18.6-13 : l'dile
a fait, briser les meubles que le marchand avait installs dans la rue
en attendant de les livrer l'acheteur; D. 12.2,33 : l'Immeuble vendu
est confisqu avant que l'acheteur soit mis en possession : le vendeur
est responsable, car la confiscation est une peine qu'il a encourue pour
quelque dlit : si l'acheteur devait malgr tout payer le prix, c'est
lui qui serait puni ! ) .

Une doctrine plus nuance a t rcemment soutenue par M. Meylan


(ml. de Visscher 11.1948, p. 193 et JURA 1950 p. 253). Cet auteur
pense qu' l'poque classique la question des risques, tout au moins
des risques de perte totale, tat: rgie par la rgle de.bon sens "res
prit domino" :'" la chose tait aux risques de son propritaire.

Pourries res mancipi, l'acheteur supportait les risques de perte


totale ds le jour du contrat, parce qu'en: gnral, c'tait aussi celui
de la mancipation qui transfrait l'acheteur la proprit de la cho-
se.

Pour les res neo manoipiv les risques de perte totale


n'taient l'acheteur qu' partir du jour fix pour le paiement du
prix {dies pretii solvendi). Ce critre n'apparat gure dans la com-
pilation, parce que Justinien l'a fait! disparatre au profit de la ma-
xime "res prit emptori". Mais M. Meylan croit retrouver des traces de
ce systme dans un texte de Paul (D_. 21.2-11 pr) et dans un responsum
de Papinlen (F.Vat. 16).
. 147

C.es textes ne nous paraissent pas justifier la thse de M. Meylan;


celui de Paul ne concerne pas la question des risques : il s'agit d'une
viction totale dont le vendeur ne rpond pas; viction provenant du
fait du prince, postrieurement la vente. Le texte de Papinien en-
visage le cas d'une vente de chose de genre (du vin) : la perte est
partielle (le vin s'est gt) : il est audacieux de tirer de ce texte
des dductions pour le cas de perte totale dans toutes les ventes de
ves neo mancipi.

Nous pensons que dans le droit classique, I 'acheteur, sauf conven-


tion particulire, ou usages propres certaines ventes, supportait les
risques.

Cette rgle singulire ne peut s'expliquer que comme la survivance


d'une solution qui, dans un tat de droit antrieur devait tre normale
et naturel le.

Girard expliquait l'existence de cette rgle, par l'hypothse d'un


contrat de vente qui se serait fait l'origine au moyen de deux stipu-
lations. La stipulation est un contrat unilatral et abstrait; si une
stipulation cesse d'tre valable, faute d'objet, cela n'empche pas
l'autre concernant le prix, de produire tous ses effets.

Cette explication est ingnieuse, mais ne correspond pas aux rali-


ts historiques : on ne connat pas un seul exemple de vente ralise
par deux stipulations.

Il nous parat plus vraisemblable d'admettre que les Romains ont


conserv dans la vente-contrat consensuel, la solution qui pendant des
sicles avait t celle qui s'Imposait dans la vente-transfert : quand
la vente se faisait par mancipaton ou tradition, l'acheteur supportait
la perte de la chose, qu'on avait mise entre ses mains. Comme les Ro-
mains sont passs directement du systme de.la vente-transfert celai
de la vente consensuelle, il est assez comprhensible qu'ils y aient
transport la solution dj connue en matire de risques.

D/ Les garanties
y=pi-d.y_o;yn

Le vendeur, crancier du prix, est un crancier digne d'intrt,


car il a fait entrer dans le patrimoine du dbiteur un lment nouveau :
la chose vendue. C'est pourquoi notre droit actuel met la disposition
du vendeur de nombreuses garanties. Elles viennent du Droit Romain, mais
tandis qu'en droit franais elles dcoulent de la loi pt profitent tous
les vendeurs, en droit romain, elles taient souvent conventionnelles :
la plupart de ces garanties n'existaient que si le vendeur prenait la pr-
caution de se les faire accorder par l'acheteur.
148 .

1) Vente au comptant :

Les principes gnraux du droit romain ne donnent de plein droit


une garantie au vendeur que dans le cas de vente conclue au comptant,
c'est--dire, sans laisser .l'acheteur un dlai pour s'acquitter.
Dans la vente au comptant, le vendeur est muni de deux garanties.

a) L'effet de la tradition
s._s.Hs.e.ns!y_i
SI la chose est livre par tradition, celle-ci n'opre pas tout
de suite le transfert de la proprit; l'effet de la tradition est
suspendu jusqu' ce que le vendeur ait obtenu pleine satisfaction.
Tant que le prix n'est pas pay, le vendeur conserve la proprit
de la chose, mme s'il en a fait la dlivrance; Il peut par cons-
quent la revendiquer contre quiconque la dtient, l'acheteur ou des
tiers. On ne peut imaginer plus belle garantie.

Justinien qui, dans ses Institutes (Inst. 2.1.41),;expose cette


rgle, dclare ne pas l'avoir invente : "elle dcoule, dit-il,
d'une disposition des XII Tables, mais elle est galementconforme
au jus gentivm, c'est--dire au droit naturel".

Les renseignements que Justinien prtend fournir sur I'ancien


droit romain sont toujours sujets caution : ce qu'iI .dit Ici des
XII Tables peut paratre d'autant plus suspect que GaTus (G. 11.20)
dans un passage o il s'occupe des effets de la tradition, ne souf-
fleras un mot,de cette disposition des XII Tables.

Que dIsaIt exactement cette disposition des XII Tables laquelle


Justinien fait al Iuslon ? La question est trs controverse; on a
parfois soutenu que Justinien avait appliqu en matire de tradi-
tion, une rgle des XII Tables concernant I } aetio auotovitatis.
On s'accorde remarquer que la solution attribue aux XII Tables
est surtout conforme aux usages hellniques qui tablissaient en
effet un lien entre le paiement du prix et le transfert de la pro-
prit.

Malgr tout, ce que Justinien dit des XII Tables pourrait bien
tre, dans une grande mesure, exact : sans doute l'poque ancien-
ne cette rgle ne pouvait pas concerner toutes sortes de choses,
comme dans le droit de Justinien, mais seulement les ves neo man-
cvpi qui, seules, pouvaient tre alines valablement par tradition.

Dans ce domaine limit il est fort possible que le vieux lgisla-


teur ait dj song protger le vendeur, en retardant l'effet
translatif de la tradition jusqu'au parfait paiement du prix.
. 149 .

Si Gaus n'en parle pas, c'est parce qu' son poque le droit
prtorien avait en fait compltement ruin la rgle des XII Ta-
bles. Tant que l'acheteur n'avait pas pay, le vendeur conservait
jure eivili, le dominium sur le chose qu'il avait livre, mais le
prteur de son ct reconnaissait l'acheteur I'"in bonis haber
re". Si le vendeur se permettait d'invoquer la loi des XII Tables
et revendiquait la chose, l'acheteur lui opposait l'exception rei
venditae et traditae, et jamais le prteur n'a subordonn le suc-
cs de cette exception au paiement pralable du prix.

Justnien, dsireux d'tablir conformment au droit grec un lien


entre le paiement du prix et le transfert de proprit, a t bien
content de pouvoir placer cette solution du jus gentivm sous l'au-
torit des XII Tables, dont on avait depuis longtemps perdia la dis-
position relative la tradition.

Mais Justinien, tout en posant le principe qu'en cas de vente le


transfert de la proprit est subordonn au paiement du prix, s'em-
presse d'y apporter des drogations, dont l'une parat lui enlever
toute existence pratique.

Il admet d'abord que I'acheteur acquiert la proprit, avant mme


de payer le prix, s'il fournit au vendeur une "satisfaction qui-
valente", c'est--dire s'il offre des cautions ou une sret rel-
le qui garantissent le paiement du prix : cette solution parat
tenir compte d'une conception admise en "droit vulgaire".

Puis Justinien fait savoir qu'il en sera encore de mme si le ven-


deur "a suivi la.fol de son acheteur" : "fidem emptoris sequi".
Cette disposition a fait le dsespoir des commentateurs. Si l'on
entend par l faire confiance, ne pas exiger de garanties, le prin-
cipe pos au dbut du texte se volatilise : l'acheteur qui n'a pas
pay obtient fa proprit par tradition : 1. quand il offre des ga-
ranties, 2. quand on le dispense d'en donner : autrement dit, dans
tous les cas !

Les exgtes, pour donner un sens acceptable au texte des Insti-


tutes, ont compris la fidem squi comme visant le cas o des dlais
ont t consentis l'acheteur pour payer le prix : le transfert de
proprit est subordonn au paiement du prix si la vente est au
comptant; il ne l'est pas si la vente est consentie crdfct. Mais
cette interprtation est videmment arbitraire. Il est trs possi-
ble que l'expression "fidem sequi" qui est classique, vise le cas
d'une expromissio, une stipulation par laquelle l'acheteur, sans
adjonction de oautiones, a promis de payer le prix. Des juriscon-
sultes classiques ont bien pu trouver l encore un moyen pour ex-
clure la vieille rgle des XII Tables (1).

(1) FEENSTRA -."Fidem emptoris sequi" , Studi Paoli 1955, p. 273,


150 .

b* 2C2l_^_EDi2D :
La rgle des XII Tables ayant t en fait carte l'poque clas-
sique, la jurisprudence vint au secours du vendeur non pay en
l'autorisant conserver la chose "en guise de gage" jusqu' par
fait paiement : ce droit de rtention est admis par des jurlscon^'
suites du II0 s.

Le droit franais connat ce droit de rtention (1622 C.C.), mais


rien qui puisse rappeler la rgle formule par Justinien dans ses
Instltutes.

2) Vente crdit :

Le vendeur qui accorde des dlais I'acheteur pour s'acquitter,


renonce par l-mme au droit de rtention. Et d'aprs l'interprta-
tion que les exegtes ont donn au texte des Instltutes, le transfert
de la proprit n'est pas subordonn au paiement du prix dans les ven-
tes crdit. Dans ce genre de vente, le vendeur n'a, en droit ro-
main, que les garanties qu'il a pris la prcaution de se faire consen-
tir, soit au moment de la conclusion du contrat, soit en procdant
la tradition.

a) Au moment de la conclusion du contrat, le vendeur peut exiger des


srets personnelles, des cautions qui garantissent le paiement du
prix convenu; ou encore Introduire dans le contrat une lex cormtis-
soria qui entranera la rsolution de la vente si l'acheteur n'a
pas pay telle date. En droit franais la rsolution des con-
trats pour inexcution est un principe lgal (art. 1694 C.C.); en
droit romain elle n'existe que si les parties l'ont prvue.

b) En procdant la dlivrance par tradition, le vendeur peut se r-


server sur la chose une hypothque : origine du privilge du ven-
deur (art. 2102 C.C.) mais en droit romain c'est une hypothque
conventionnel le.

En faisant tradition, le vendeur peut aussi y joindre un pacte


par lequel II se rserve la proprit jusqu' parfait paiement
ipactum reservati dominii) : c'est une solution qui n'a d appa-
ratre que tardivement. Par contre, ds l'poque classique, les
vendeurs ont pu songer joindre la tradition une clause lais-
sant entendre que l'acheteur recevait pour le moment la chose
titre de louage ou de prcaire, en attendant que le prix soit pa-
y. Pour reprendre la chose en cas de non paiement, le vendeur
n'avait pas besoin de prouver sa proprit : il lui suffisait d'e-
xercer l'action looati ou l'interdit de preoario.
. 151 .

4 - TYPES PARTICULIERS DE VENTES

VENTES SOUS CONDITION RESOLUTOIRE

Ds une poque assez ancienne, la pratique imagina dans l'intrt


du vendeur ou de l'acheteur, des clauses prvoyant la rsolution de la ven-
te pour diverses raisons.

A/ In diem addiotio :
ssoasssassacaisas
(attribution dans un certain dlai)

La vente est conclue sous cette condition qu'un meilleur prix


ne sera pas offert dans un certain dlai par un second acheteur : le pre-
mier acheteur t en ce cas cart et la vente est conclue avec le second.
Ce type de vente rpond au mme dsir que la vente aux enchres (auotio),
qui tait largement pratique non seulement en droit public mais aussi en-
tre, part Jeu I ers (comme le prouvent les quittances de Pompi). Dans \%auo-
tio \\ n'y a gure lieu de se proccuper de la situation juridique des par-
ties pendant le trs court laps de. temps qui s'coule entre les enchres
des uns et des autres. Dans \Hn diem addiotio au contraire, un temps as- .
sez long peut s'couler entre les offres successives. L'intrt pratique
de ce. type de vente est facile comprendre : une poque o les vendeurs
n'avaient pas leur disposition des agences immobilires et les petites an-
nonces dans la presse, IHn diem addiotio leur permettait de ne pas traiter
dfinitivement avec le premier amateur qui se prsentait et de se rserver
la facult de vendre dans les meilleures conditions (1).

B/ Paotum disvlioentiae :
s: a s: s ss s: s s s ss*sz S I st sa sa s= a s ss rs

(ou "pacte de dplaisance")

C'est une vente l'essai. L'acheteur a la facult de ne pas don-


ner suite au contrat si la chose, dans un certain dlai, a cess de lui plai-
re. Ds l'poque de Plaute, les esclaves taient souvent vendus sous cette
clause; les diles s'taient intresss son bon fonctionnement et avaient
tabli une action in faotum par laquelle l'acheteur pouvait rclamer resti-
tution du prix en offrant de rendre l'esclave.

C/ La_LeK_ommi8Sorig :

Elle est d'une poque plus tardive : c'est la clause par laquelle
le vendeur se rserve le droit de reprendre la chose vendue, si le prix ne
lui est pas.vers dans un certain dlai. En droit romain, la rsolution de

(1) DE FONTETTE : "Recherches sur l'in diem addiotio11, Studi De Francisco.,


1955 III p. 541.
. 152

la vente pour non paiement du prix n'existait pas de plein droit : c'tait
une garantie conventionnelle que le vendeur se rservait au moyen d'un pac-
te joint au contrat de vente.

D/ Pactum de rtro vendendo :


sssBssassBBSssaasaaesasa

(ou clause de rmr)

Le vendeur se rserve le droit de racheter-la chose dans un cer-


tain dlai, en restituant le prix : cette clause permet au vendeur, si ses
affaires s'amliorent, de revenir sur une vente qu'il a conclue, press par
des besoins d'argent.

INTERPRETATION
DE CES CLAUSES

Le droit romain est arriv valider ces diffrents types de ven-


tes saris admettre, proprement parler, la condition rsolutoire : celle-ci
n'a jamais t range par les jurisconsultes parmi les modes d'extinction
des obligations.

Il y eut d'abord discussion sur le point de savoir si dans toutes


ces hypothses, la vente n'tait pas fate sous condition suspensive : ain-
si, dans le cas de la lex convrrssoria, on a d'abord soutenu qu'il s'agissait
d'une vente conclue sous la condition que le prix sera pay (1). La validi-
t de la condition suspensive ne prsentait aucune difficult; mais avec
cette Interprtation, la vente n'tait dfinitivement conclue qu' l'arri-
ve de la condition : si la chose prissait par cas fortuit avant le paie-
ment du prix, la vente ne se formait pas; les risques taient ainsi pour le
vendeur. Cette clause, Insre dans I'intrt du^vendeur, comme une garant
tie en cas de non paiement du prix, se retournait contre lui, en cas de per-
te fortuite.

Jul;len proposa une autre Interprtation : il considre que la lex


corrmissoria est un pacte joint la vente; c'est un pacte de rsolution sous
cond111on suspenslve. Les parties, par un acte distinct de la vente, un pac-
te, sont convenues de procder la rsolution de celle-ci, au cas o le prix
ne serait pas pay. Si le prix n'est pas pay, la condition suspensive est
ralise et le pacte entre en vigueur. La validit de ce pacte ne prsente
aucune difficult. C'est n pacte adjoint un contrat consensuel - par con-
squent valable, et il est parfaitement correct d'introduire une condition
suspensive dans un pacte (2)
(1) Interprtation la plus ancienne, soutenue par SAB1NUS, et plus tard par
POMPONIUS, PAUL D. 18.2.4; 11.; 18.6.8 pr. Sur le concept de melior oon-
ditio dans la jurisprudence, cf. THOMAS : T.R. 1967, pp. 557-^572.
(2) La doctrine de JULIEN est suivie parULPIEN.
153

Entre la thorie de la vente sous condition suspensive et celle


du pacte de rsolution, la jurisprudence classique est reste hsitante.
Justlnen laisse le choix aux parties - sauf dans le cas du paotun displi-
cent-iae qui rie peut tre qu'un pacte de rsolution, moins que les parties
ne manifestent une volont contraire ( I .J . Il 1.23.4).

EFFETS

Les rsultats que nous obtenons de nos jours avec la condition


rsolutoire, les Romains parvenaient les atteindre par le dtour du pacte
de rsolut ion : aussi n'taient-Is pas tout fait les mmes que ceux que
notre droit moderne connat.

A/ Pndente aqndtzqne :

Dans la conception romaine, la vente accompagne d'un pacte de


rsolution n'est pas elle-mme conditionnelle : la condition affecte le pac-
te. Comme le dit trs clairement Ulpien ( propos de \Hn diem addiatio) :
"pura est empt-iOj sed sub oonditione resolvitur" ([J. 18.2-2 pr). Tant que
la condition n'est pas ralise, le pacte n'entre pas en action et la vente
produit tous ses effets, comme une vente pure et simple. L'acheteur peut
recevoir la proprit par tradition, il peut usucaper car la vente existe
et constitue une justa causa. L'acheteur peut tre contraint de payer le
prix par l'action venditi et la chose est ses risques ds le jour du con-
trat.

B/ Qnditio_deicit :

L'vnement ne se ralise pas : le pacte est dnu d'effets. La


vente devient dfinitive et se comporte comme si aucune condition n'avait
t prvue.

C/ onditio_existt :

Le pacte entre en action.

Si la vente n'a encore reu aucune excution, le pacte de rsolu-


tion peut tre oppos, comme moyen de dfense au fond - -ipso jure - celle
des parties qui prtendrait obtenir excution malgr l'arrive de la condi-
tion.

Si la vente a dj t excute, il faut que l'acheteur restitue


la chose, et le vendeur le prix. L'acheteur est responsable si la chose
est endommage par sa faute et l'on discutait sur le point de savoir s'il
devait rendre galement les fruits. Comment pouvait-on exiger ces restitu-
. 154 .

tions ? Les Proculiens proposaient une action in faotum; les Sablniens sou-
tenaient au contraire qu'on pouvait se servir de l'action mme du contrat;
puisqu'il s'agit d'un pacte adjoint un contrat consensuel, le pacte fait
partie du contrat et rlc.it bnficier de sa sanction. Justinjien, selon les
cas, provot une action > n faction ou l'action du contrat et plus souvent
l'action praescriptis vevbis, parco qu'il voit :ians le pacte :ie rsolution
un contrat innom.

EFFET REEL
DE LA CONDITION RESOLUTOIRE

Il est un autre point sur lequel le systme romain et le systme


moderne s'opposent plus nettement encore : c'est en ce qui concerne l'effet
qu'exerce la condition rsolutoire sur le transfert de la proprit.

En droit moderne, la condition rsolutoire a un effet "rel"; les


droits rels obtenus en vertu d'un acte affect d'une condition rsolutoire
s'vanouissent ds que la condition se ralise.

Cette solution prsente un grand avantage pratique : en cas de


rsolution de la vente,, le vendeur est considr comme n'ayant jamais ali-
n la proprit; il peut revendiquer la chose.

Cette solution n'est gure conforme I'esprit du droit romain


qui n'admet pas le transfert ad tempus de la proprit, en raison du carac-
tre perptuel de ce droit.

Le droit romain classique aboutit aux solutions suivantes :

- Les jurisconsultes qui considrent qu'il s'agit d'une vente sous condi-
tion suspensive, professent que la tradition faite a l'acheteur condition-
nel ne peut pas le rendre propritaire, parce que faite sans juste cau-
se; si la condition ne se ralise pas (par exemple dans.le cas de lex com-
missoria si le prix n'est pas pay) l'acheteur n'a jamais t acheteur :
le vendeur,peut employer l'action venditi ou une action in faotum pour re-
prendre facilement la chose, mais n'ayant jamais abandonn la proprit,
Il pourrait aussi exercer l'action en revendication.

- Par contre si nous considrons qu'il y a une vente ferme, accompagne d'un
pacte de rsolution, la tradition faite l'acheteur l'a rendu propritai-
re ou lui a permis d'usuaper. Si le pacte entre en vigueur 11 n'en rsul-
te pas autre chose qu'une obligation : obligation de restituer la propri-
t au vendeur, et que le vendeur met en oeuvre par une action in faotum
ou I y actio venditi, selon les jurisconsultes.

C'est seulement dans :le droit de Justlnien qu'on a admis l'effet


rel en matire de donation sub modo et mortis causa, et avec effet rtro-
actif (1). Mais ces'solutions, trs dangereuses pour les tiers qui acqul-

(1) La question est tudie de faon dtaille dans GIRARD : p. 767 s.


155 .

rent d'un propritaire menac de rsolution, ne sont pas classiques et ont


t introduites dans les textes par voie d'interpolation, mme dans le cas,
souvent discut, de \Hn diem addictio (texte de Marcel lus cit par Ulpien
D. 18.2.4.3) : l'hypothque consentie par le premier acheteur est teinte
du fait qu'un meilleur acheteur s'est prsent.

SECTION II : LE LOUAGE

Le louage est un contrat consensuel, synallagmatique et de bonne


foi dans lequel l'une des parties (looator) met a la disposition de l'autre
(conductor) pour un temps dtermin une chose qui devra lui tre restitue
l'expiration du contrat : la partie laquelle le contrat procure un avan-
tage doit payer I'autre .une rmunration {meraes).

Le aonduotor n'obtient en principe sur la chose qu'il reoit ni


la proprit ni mme la possession, mais une simple dtention (1).

La rmunration (meraes = loyer, salaire) doit tre en argent mon-


nay et le contrat n'est pas conclu, tant que le montant n'en est pas dter-
min (GaTus 111.142 144). Si aucune rmunration n'est prvue, il ne s'a-
git plus d'un louage, mais d'un autre contrat (commodat, ou mandat). La ju-
risprudence classique rpte au sujet de la meraes peu prs les principes
qu'ils formulent en ce qui concerne le prix dans la vente, mais leur appli-
cation est plus souple en matire de louage. A I'poque de Caton, la meroes
pouvait tre indtermine et paye en nature : l'exigence d'une meroes "oer-
ta" et en argent provient d'un durcissement du droit ralis par les juris-
consultes. Le colon partialre (mtayer) ne paie pas un loyer en argent mais
partage les fruits avec le propritaire : GaTus (D_. 19.2.25.6) est d'avis
que ce genre de louage contient "une sorte de socit".

1 - UNITE OU TRICHOTOMIE
DU LOUAGE

Le louage a t employ en droit romain dans des situations trs


varies. II est d'usage de distinguer trois sortes de louages :

(1) ULPIEN : jD. 19.2.39 : Le transfert de proprit est exceptionnel. Ce-


pendant une mutatio dominii est signale par ALFENUS VARUS (D. 19.2.31)
transport maritime de choses de genre provenant de plusieurs chargeurs;
ceux-ci cessent d'tre propritaires du bl charg et sont cranciers
envers l'armateur d'une certaine quantit : cf. DE ROBERTIS.: ."Rappor- '
ti di luvoro", p. 155 et "LAVORO" 1963, p. 157.
. 156 .

1/ Le louage de_choses
(locao rei) '
issassasascse::

Le bailleur (looator) met pour un temps dtermin une chose (mobi-


lire ou immobilire) la disposition du preneur (.aonduotor) pour qu'il
puisse s'en servir : il lui en assure la jouissance pour toute la dure
du contrat. En retour le preneur devra lui payer le loyer {meroes) con-
venu.

2/ Le louage de services
(looatio qperarum) :
s n e s s s s s s s 1 ' a sa a as sa

C'est le contrat de travail ": un ouvrier (looator)^ met son activi-


t, ses journes de travail, la disposition d'un employeur (aonduotor);
celui-ci s'engage lui payer un salaire (meroes), d'o le nom de merce-
narius donn au salari.

Dans ces deux applications du louage, c'est le looator qui reoit


une meroes, contrepartie de l'avantage qu'obtient le aonduotor du fait
qu'il profite de la jouissance de la chose loue, ou de l'activit de
I'ouvrier.

3/ Le louage d'ouvrage
(looatio operis faoiendi) :

Une personne, le looator, remet une chose une autre (le aonduo-
tor) pour qu'elle ralise sur cette chose un opus, un ouvrage dtermin;
par exemple nettoyer le vtement qui lui a t confi, faire un vtement
avec l'toffe qui lui a t apporte. Dans ce type de louage, c'est le
aonduotor (et non plus le looator) qui a droit la rmunration (meroes)
en contrepartie de l'avantage qu'il procure au looator en lui nettoyant
son vtement ou en lui taillant un vtement. Les applications de ce lou-
age sont varies : est "oonduator" l'entrepreneur qui se charge de cons-
truire une maison, ou d'excuter de gros travaux agricoles forfait. Est
encore aonduotor l'armateur qui se charge de transporter des marchandises
pour le compte d'un chargeur. La plupart des romanistes pensent actuel-
lement que sous cette dnomination de looat-o-oonduat-io, Il s'agit non
pas de trois contrats distincts mais d'applications varies d'un seul et
mme contrat (1). Il est de fait que les jurisconsultes ne paraissent
voir aucune diffrence entre ces trois sortes d'applications et passent
de l'un l'autre avec la plus grande facilit. Dans les trois cas, les
mmes termes techniques sont employs, les mmes formules d'action sont

(1) Flix OLIVIER-MARTIN : R.H.D. 1936, p. 419 s.


. 157 .

proposes, les mmes lments constitutifs se retrouvent : une rmunra-


tion kmerces) et.un objet du contrat ires looata). Mais de srieuses
difficults commencent se prsenter ds qu'on essaye de dfinir en
quoi consiste la res looata dans chaque catgorie de louage.

a) Dans le louage de choses,

il est ais de dterminer l'objet du contrat : la chose loue, c'est


l'appartement ou le cheval qui ont t mis la disposition du pre-
neur et que celui-ci devra restituer au bailleur l'expiration du
contrat.

k) Dans le louage de services,

quelle est la res looata ?

Les services ? Ces operae, ce sont des journes de travail qui


ne commencent avoir une ralit que lorsqu'elles ont t complte-
ment excutes. Ce sont des choses futures. On peut admettre sans
trop de difficult qu'un louage puisse avoir pour objet des choses
futures. Mais ce qui est beaucoup plus embarrassant c'est de savoir
ce que, dans ce genre de louage, le oonduotor (I'emplcyeur) devra res-
tituer l'expiration du contrat. Il doit restituer la res locata; si
nous considrons que la res looata ce sont des journes de travail,
toute Ide de restitution est absurde (1). Il semble donc que le con-
trat de louage ne puisse en aucune faon servir de cadre juridique au
contrat de travail. C'est cependant ce qu'en a fait le droit romain.
Cette anomalie peut, historiquement, s'expliquer. Les romains ont
d'abord connu le cas du matre qui pour tirer argent de l'activit de
son esclave le donnait en louage une personne qui avait besoin de
main-d'oeuvre. Ce n'tait pas autre chose qu'une looatio rei : la
chose loue, c'tait l'esclave.; l'expiration du contrat, l'emplo-
yeur le restituait son propritaire.

Le contrat par lequel un matre louait son esclave a servi de mo-


dle au contrat de travail conclu par l'ouvrier homme libre. La si-
tuation tait cependant assez diffrente : dans le cas de l'ouvrier
libre, le contrat est conclu par le travailleur lui-mme, en son nom
et pour son propre compte et c'est lui qui a droit au salaire convenu.
On est pass facilement d'une situation l'autre par l'intermdiaire
de l'hypothse de l'esclave qui, lui-mme et de sa propre Initiative,
se mettait la disposition d'un employeur : le salaire allait au ma-
tre, mais pouvait aussi tomber dans le pcule de l'esclave. .(.Q, 33*2.2
si servus se looaverit).

(1) DESCHAMPS : "Sur l'espression looare opras", Ml. Grardin 1907 p. 163;
THELOHAN : "De la stipulatio operarum", Etudes Girard 1912.
. 158 .

Caton l'Ancien, dans son trait d'agriculture, fait allusion


l'emploi du louage pour embaucher des ouvriers qui semblent bien tre
des hommes libres (1).

A cette poque, la situation qui rsultait de ce genre de louage


tait analyse dans toute sa brutale ralit : I'objet du louage, la
res loaata, c'est la personne du travailleur. Chez Caton, nous voyons
le propritaire foncier "oonduoere operaros", prendre en location des
ouvriers; jamais n'apparat chez Caton l'expression "louer des servi-
ces" {looare opras) : c'est la personne du travailleur qui est con-
sidre comme l'objet du contrat. A l'poque rpublicaine, on consi-
dre que l'ouvrier libre qui passe avec un employeur un contrat de
travail ne loue pas ses services mais "se loue" lui-mme; l'expres-
sion "se looare" est frquente chez Plaute et figure dans le texte de
la loi JuUa (Coll. 9.2.2) (2).

Cependant ce genre de louage tait conclu dans un but prcis : ce


que le oonduotor dsire, c'est l'activit, les operae du travailleur;
Il n'a pas l'intention d'en tirer d'autre avantage que celui-l (3).
Il est assez comprhensible que l'on en soit arriv dire que l'em-
ployeur prenait en louage les operae, alors qu'en ralit ce qui tait
lou, c'tait le fournisseur de ces perae, le travailleur : on en
vint employer l'expression "looare opras". Cette terminologie, en
ralit boiteuse, prsentait un avantage : c'est en effet un principe
en droit romain que la personne de l'homme libre est hors du commerce;
elle ne peut pas faire l'objet d'un louage. Aussi par une sorte de
pudeur ou de scrupule juridique, les jurisconsultes de l'poque Imp-
riale vitent d'employer propos de l'ouvrier homme libre l'expres-
sion se looare et prfrent la tournure "looare opras", feignant de
croire que l'ouvrier ne louait pas sa personne mais ses services.

L'explication que nous proposons arrive cette conclusion que


dans le louage de services il y a bien une res looata qui devra tre
restitue la fin du contrat. Cette res ce ne sont pas les services-
les operae, mais en ralit le travailleur lui-mme : la looatio ope-
rarvm, ce n'est qu'une varit, dguise, du louage de choses.

c) Est-M possible
de faire entrer dans ce mme cadre
: le louage d'ouvrage ?

L'identification de lares looata est ici discutable. Lorsqu'on


confie un tailleur une pice d'toffe pour qu'il fasse un vtement,

(1) MACQUERON : "Travail des hommes libres", Aix-en-Provence, p. 68.


(2) MACQUERON : "Rflexions sur la looatio operarwn", RHD 1959, p. 600 s.
(3) MARINI : "Mercennarius"> 1968, p. 15 s.
. 159 .

on a souvent prtendu que la res locata, c'tait la pice d'toffe.


C'est discutable car le tailleur ne restitue pas cette pice d'tof-
fe mais un vtement. Et le problme est encore plus dlicat lorsqu^on
demande un maon de btir une maison : la res loeata serait d aprs
beaucoup d'auteurs le terrain et les matriaux mis la disposition
du maon. Mais ce n'est pas ce que disent les textes : ils parlent
de "locare domum aedifioandam". L'objet du contrat, c'est la maison
qu'on va btir, une chose future, et c'est la maison btie que le ma-
on remettra au looator lorsque le contrat prendra fin. II en est de
mme dans le cas du tailleur, du transporteur : l'objet du contrat
est bien un opus, un ouvrage faire, le vtement que confectionnera
le tailleur, le transport qu'effectuera l'armateur (1). Cette analy-
se qui nous parat exacte permet de faire entrer le louage d'ouvrage
dans les cadres de la looatio-oonductio : en effet elle parvient, sans
forcer les ralits auxquelles le louage d'ouvrage correspond, y re-
trouver la prsence d'une res locata, lment caractristique du lou-
age.

Cependant la locatie. operis ffieni? prsente des particularits


qui en font un contrat assez diffVert des deux autres applications
du louage :

o. Dans la looatio operis faciendi comme nous l'avons signal, ce


n'est pas le looator qui a droit une rmunration, mais le oon-
duotor.

8. La responsabilit contractuelle du oonduotov (artisan, entrepre-


neur) parat tre trs variable selon le genre d'opus envisag; el-
le est sans rapport avec celle que l'on admettait dans les deux au-
tres louages.

y. La looatio operis faciendi du droit priv a t fortement Influen-


ce par l'exemple des looationes de droit public : l'affaire est
souvent conclue aux enchres, le oonduotor est parfois dsign par
le mot redemptor, terme technique dans les adjudications de travaux
publics.

2 - HISTOIRE DU LOUAGE

Dans la Rome primitive, chaque famille avait sa maison et ses ter-


res, il n'tait pas question de louer des immeubles. Par contre on louait
du btail : en vertu des XII Tables (Gaus IV.28) celui qui donnait son
boeuf en location dans un but pieux pouvait exercer la pignoris oapio contre
le preneur qui ne payait pas le loyer convenu. Mais en dehors de ce cas

(1) ALZON : "Rflexions sur l'histoire de la locatio-oonductio", RHD. 1963,


p. 18 s.
160

trs parti culier on ne voit pas quelle procdure le vieux droit romain au-
rait pu mettre la disposition de ceux qui faisaient entre eux une simple
convention de louage.

Aprs la deuxime guerre punique (202 av. J.C.) ce genre d'opra-


tion devient frquent : dans son trait d'agriculture, Caton (censeur en
184) s.ignale l'utilisation du louage dans ses trois applications : louage
de choses, d'ouvrage, de services. Or c'est plus tard, au temps de Q. Mu-
cus Scaevola, le consul de 95, qu'est atteste l'existence des actions de
bonne foi locati et bonducti. Antrieurement leur cration, comment par-
venait-on procurer au louage la protection du droit ?

L'hypothse de deux contrats verbis, de deux stipulations rcipro-


ques, que nous avons signale propos de l'origine de la vente, est en ce
qui concerne le louage encore moins vrifie que pour ! a vente. Il nous
parat plus vraisemblable de supposer l'origine le recours un arbitrage
(arbitrium boni vivi), sur le modle duquel le magistrat a organis, en de-
hors du jus civile, un judicium, d'o.est sortie finalement l'action de
bonne foi.

Cette volution, d'aprs une doctrine assez rpandue, se serait


ralise en s'inspirant de l'exemple du droit public. Les marchs de droit
public se concluaient sans formalit : l'ide que l'on puisse faire une op-
ration valable sans formalit viendrait du droit public. En ce qui concer-
ne le louage, cette opration n'aurait t d'abord employe qu'en droit pu-
blic : l'Etat consentait des locations sur des parcelles de terre ou sur le
droit de lever les impts; l'Etat pratiquait la looatio operarum lorsqu'il
embauchait le petit personnel (appariteurs, licteurs) mis la disposition
des magistrats. L'Etat employait frquemment la looatio operis faoiendi
pour l'excution des travaux publics.

Le louage se serait introduit en droit priv en conservant les


particularits qu't avait acquises en fonctionnant d'abord en droit public.

Cette doctrine parat peu fond en ce qui concerne le louage de


choses ou le louage de services. L'Etat louait des terres, ou le droit de
percevoir les impts : or en droit priv le louage des choses a d'abord con-
cern, non pas des terres, mais des meubles, du btail. D'autre part les
petits auxiliaires des magistrats, peu nombreux, ne devaient pas attirer
l'attention au point d'inciter les particuliers organiser le contrat de
travail leur exemple. Par contre, il nous parat difficile de ne pas re-
connatre I'influence du droit public sur la looatio operis faoiendi, telle
qu'elle est encore pratique au temps de Caton : l'affaire est conclue aux
enchres, une sorte de cahier des charges (lex looationis) est tablie au
pralable, cette teai peut contenir des dispositions en faveur ou la char-
ge de tiers, l'entrepreneur est parfois dsign par le terme de redemptor.
Mais il importe de signaler qu' ct de leges looationis manifestement in-
fluences par la technique du droit public, nous rencontrons chez Caton des
louages d'ouvrage qui n'ont rien de commun avec celle-ci : notamment ces
161 .

contrats conclus avec un partiarius, artisan que l'on paie en lui abandon-
nant une partie des produits fabriqus (CATO : Agr. 16 et 137) ou avec ce
politor (ibid. 136) qui nous parat bien tre un moissonneur (cf. VON LUB-
TOW : "Catos legesn) pay en nature.
Enfin un fait important pour l'histoire du louage ne doit pas
tre perdu de vue : l'origine vente et louage sont souvent confondus et
sont confondus encore par Caton (la location d'un pr pendant l'hiver de-
vient chez lui vente du fourrage d'hiver, op. cit., chap. 149) (1).

3 - ELEMENTS CONSTITUTIFS

Tout louage doit avoir un objet et comporter une rmunration :


le contrat est conclu ds que les parties sont d'accord sur ces deux l-
ments constitutifs.

A/ Objet :

La looatio rei peut avoir pour objet un meuble, un Immeuble ou m-


me un droit incorporel. La looatio operarvm a pour objet en ralit la
personne du travailleur, mais en vue du travail que le eonduotor attend
de lui. Le contrat prcise le genre de travail, si le looator exerce une
activit spcialise (scribe, peintre, mdecin). Si le looator est un
tcheron (operarius, rneroermarius) le contrat n'indique pas le genre d'ac-
tivit qu'il devra fournir : il peut tre employ pour toutes sortes de
besognes. Le travailleur accepte de se trouver, pour la dure du contrat,
dans une situation comparable celle d'un esclave de l'employeur; aussi
le contrat de louage ne convient-il pas pour des activits considres
comme honorables (2). Sans doute Proculus, en cas de faute profession-
nelle, commise par un mdecin, parle de faire jouer sa responsabilit sur
. la base du louage (ex looato, p_. 9.2.7.8). Mais c'est surtout le fait de
recevoir un salaire, une meroes, en vertu d'un contrat de louage, qui pa-
rat tre dgradant. Cicron ("De offioiis" 1.42.150) considre la meroes
comme le prix de la servitude kauotoramentvm servitutis). Aussi de plus
en plus nombreux sont devenus les travailleurs qui prtendent recevoir non
pas un salaire, mais des "honoraires", manifestation de gratitude des per-
sonnes auxquelles ils rendent service. Cette rmunration, ils ne la r-

(1) ALZON : "Rflexions sur l'histoire de la looatio", RHD 1963, soutient


que le louage sous ses trois formes, serait sorti de la vente de choses
futures. Doctrine trop systmatique niais qui part d'une ide juste.
(2) DE ROBERTIS : "Irapporti di lavoro" 1946, p. 138 s.; "Lavoro e lavora-
tori" 1963, p. 63 s. - MACQUERON : "Travail des hommes libres" pp. 170-
175.
162

clament pas au moyen de \'actio looati, mais par un recours la oogni-


tio extraordinaria des magistrats : l'poque d'Ulpien longue est la
liste des professions qui bnficient de ce rgime : mdecins, profes-
seurs, avocats, nourrices, etc. (. 5.Q..J.3....1 )__ (1 ).
Dans la looatio operis faoiendi, les parties se mettent d'accord
surl'opus, l'ouvrage raliser. Q| aonduotor qui se charge de le fai-
re ne fournit pas la matire premire; s'il la fournit l'opration s'ana-
lyse, selon Cassius, comme une vente de la matire accompagne d'une lo-
oatio operarum, mais GaTus (111.147) prfre n'y voir qu'une vente du
produit fabriqu. Cependant cette analyse est rejeter dans le cas du
maon qui construit en fournissant les matriaux. Celui qui fait btir
la maison ne peut pas tre acheteur d'une chose qui lui appartient dj;
propritaire du terrain, il est devenu propritaire de la maison par ac-
cession. En cette hypothse, le contrat conclu avec le maon ne peut
tre qu'une looatio operarum (D. 18.1.20 et 19.2.22).

B/ La rmunration
ssaas3=x

Tout louage repose sur une meroes. Le montant en est librement


fixe par les parties : si elle est exagre ou trop faible, il en rsul-
te une lsion pour I'une des parties, mais la lsion ne vicie pas le lou-
age, moins qu'ail n'y ait dol ou violence.
Dans la looatio rei, s'il s'agit d'une location agricole, le loyer
n'est pas ncessairement en argertt"; 11 petit tre en nature.
En ce qui concerne la meroes dans la looatio operarum, es contrats
de travaiI trouvs en Transylvanie nous donnent une ide des salaires que
touchaient les ouvriers qui travaillaient au 11 s. de notre re dans les
mines d'or : les salaires sont trs faibles, mais l'ouvrier est nourri
par l'employeur. Le contrat prvoit comme salaire une somme globale pour
toute la dure du contrat, mais elle est verse l'ouvrier par tranches
certaines dates de i'"anne.
Dans la looatio operis faoiendis le aonduotor (artisan, entrepre-
neur) ne reoit la totalit de la rmunration convenue que lorsque l'ou-
vrage compItement termin est reu et approuv par celui qui l'a fait
faire; mais une avance peut lui tre consentie au moment o II fournit
des garanties relles (table de Pouzzoles : adjudication de travaux pu-
blics, fin 11 s. av. J.C. ).

(1) BERNARD : "La rmunration des professions librales eh droit romain",


1935.
163

4 - LES EFFETS DU LOUAGE

Le louage fait natre des obligations charge de chacune des


parties. Pour faire valoir leurs droits en justice, le looator dispose
de I'aotio looati, le conduotor de I'actio oonduoti. Ce sont des actions
de bonne foi. Les parties doivent excuter leurs obligations loyalement
et en cas de procs le juge dispose d'un large pouvoir d'apprciation.

A/ Lqaqtio_rei_:

Le bai I leur doit :

1/ Praestare rem :

Mettre la chose la disposition du locataire pour qu'il puisse


s'en servir.

2/ Lui assurer au jour le jour pendant toute la dure du contrat la pos-


sibilit de jouir de la chose (frui lioere) : ce qui peut obliger le
bailleur faire des rparations en vue de rendre la chose utilisable.

3/ A l'expiration du contrat, rembourser au locataire les dpenses qu'


a faites pour la conservation de la chose.

De son ct, le locataire doit :

1/ Payer le loyer aux termes convenus.

2/ Se servir de la chose conformment sa destination, naturel le.

3/ La restituer l'expiration du contrat.

Ces obligations sont parfois garanties d'une faon particul1re :


le bailleur, en cas de location d'une maison ou d'un appartement, exerce
un droit de rtention sur le mobilier apport par le locataire : Il peut
s'opposer sa sortie tant que des loyers sont rests ds. Pour le bail-
leur d'une terre, ce droit- d perolusio aurait t bien difficilement
exerc; il fallut trouver autre chose. Le bailleur se faisait reconna-
tre sur le matriel agricole (inveota iltataque) apport par le locatai-
re (oolonus) un droit de gage, un pignus, sans en dpossder le oolonus
(qui en avait le plus grand besoin). Cette prcaution prise par les bail-
leurs de terres devint si frquente que le droit de gage fut sous-entendu
164 .

dans tout bail agricole. Ds l'poque rpublicaine, le droit prtorien


prcisa sa mise en oeuvre; le bailleur qui n'obtient pas paiement du lo-
yer peut, par un Interdt Salvien, se mettre en possession des inveota
illataque qui garnissent la ferme. Si ce matriel agricole en est sorti
le bailleur conserve sur lui un droit de suite, au moyen de l'action ser-
vlenne.

Ce cas particulier du pignus sans dpossession, reconnu au bal If.


leur d'une terre, est l'origine de l'hypothque romaine et l'action
hypothcaire a d'abord port le nom d'action quasi servienne.

Dans le louage, les obligations rciproques des parties sont troi-


tement lies entre elles : l'obligation de payer le loyer, bien qu'excu-
te termes fixes, est successive, nat au jour le jour parce qu'elle
est la contrepartie du droit la jouissance de la chose, qui est un droit
successif. Il en rsulte qu'en cas de destruction fortuite de la chose
loue, l'obligation du bal I leur s'teint, faute d'objet, mais les loyers
cessent d'tre ds partir du jour o la jouissance a elle-mme cess.
Les risques sont par consquent supports par le locator, le bailleur,
qui, ayant perdu sa chose par cas fortuit, perd en mme temps le droit
aux loyers; contrairement ce que nous avons vu pour la vente, dans le
louage, les risques sont supports par celui qui doit fournir la chose
(ree prit debitori).

En matire de baux agricoles, cette rgle est applique avec cer-


taines prcautions. Le colonus (locataire) doit supporter les risques
agricoles normaux, que l'anne soit plus ou moins bonne pour la culture,
cela ne doit pas modifier le loyer. Mais si des vnements anormaux ont
fait perdre la rcolte (inondation, scheresse anormale) le colonus bn-
ficie d'une Temissio mercedis', et si les annes suivantes II fait de trs
bonnes rcoltes, il devra payer les loyers dont on lui avait fait grce
et qui taient rests Impays (1).

Le louage de chose expire l'arrive du terme que les parties,


ordinairement, ne manquent pas de prvoir dans le contrat : les baux ru-
raux talent faits bien souvent pour cinq ans, I'imitation des loea-
tiones consenties par les censeurs pour une dure d'un lustre. A l'Imi-
tation encore du droit public, Ils se prolongent pendant un an, par "ta-
cite reconduction", si les parties ne manifestent pas une volont con-
traire.

(1) G. LONGO ("Osservazioni sulla disciplina giustinianea dlia loaatio-oon-


duatio" Studi BIONDI 2 (1965) p. 283 s.) attribue Justinien cette r-
glementation qu'inspire un esprit d'quit et de modration et suspecte
D.. 19.2.15 par "4.6.7 et CaJ. 4*65.8.
. 165

A la basse poque, les empereurs prirent des mesures anormales


qu'explique la crise conomique : il fut permis au bailleur de repren-
dre la chose loue, avant l'expiration du bail, si le juge reconnat
qu'il en a un: besoin urgent (C.J. 4.65.3). Plus tard Zenon (h.t. 34)
va jusqu' reconnatre aux deux parties un jus poenitendi en leur per-
mettant de renoncer au bail pendant une anne, sans avoir payer de
dommages^- i ntrts.

Le louage de chose ne s'teint pas par les dires des parties,


mas continue produire ses effets au profit et la charge de leurs
hritiers. Le bailleur, en vendant un tiers la chose loue, n'teint
pas le bail : le locataire, la diffrence d'un usufruitier, n'a aucun
droit rel a opposer l'acqureur et celui-ci peut l'expulser. Mais
le locataire se retourne contre son bailleur, exerce contre lui \,aotio
oonducti, pour obtenir rparation du prjudice qu'il subit du fait que
la jouissance de la chose ne lui est plus assure.

Le bailleur qui dmolit la maison loue est trait de faon dif-


frente selon les raisons qui l'ont Incit prendre cette dcision : si
la maison tombait en ruine, il doit simplement restituer les loyers per-
us d'avance, mais si le bailleur dmolit pour raliser une spculation,
il doit au locataire une rparation complte du prjudice qu'il lui cau-
se (jD. 19.2.30 et 35 : selon G. Longo, op. cit, ces solutions seraient
dues Justinlen).

B/ Loaatio operarum :

Bien que le salaire soit pay des dates convenues, il n'en est
pas moins d au jour le jour en contrepartie des operae effectivement
fournies : le salaire n'est pas d pour les journes o l'ouvrier pour
une raison quelconque n'a pas'travail-l; selon les principes dj vus,
dans le louage les risques sont pour le locator : dans le louage de ser-
vices, Ils sont pour l'ouvrier. Mais la jurisprudence, envisageant le
problme non plus sous l'angle des risques, mais de la responsabilit
contractuelle, tait arrive une solution plus favorable au travail-
leur (D. 19.2-38) : il a droit au salaire si la non excution des operae
est due une cause qui ne lui est pas imputable. Mais les contrats de
travail de Transylvanie nous montrent que dans la pratique, les emplo-
yeurs pouvaient expressment carter cette jurisprudence : en cas de ces-
sation injustifie du travail, l'ouvrier non seulement perd son salaire,
mais doit payer une forte pnalit; il s'engage fournir des operae d'hom-
me valide, autrement dit, s'interdit d'tre malade; enfin il est express-
ment convenu que l'ouvrier n'aura droit aucun salaire pour les jours o
il ne pourra pas travailler cause de l'inondation de la mine (ce qui est
cependant un cas de force majeure qui ne lui est pas Imputable).
. 166 .

Le contrat de travail expire, l'arrive du terme convenu. Il


prend fin au dcs du travailleur {loaator) : si les operae sont consi-
dres comme objet du contrat, ce sont les operae de tel ouvrier et non
de ses hritiers. Mais la solution est encore bien plus claire si nous
admettons que la res locata est en ralit la personne du travailleur :
si celui-ci dcde, le contrat s'teint faute d'objet; partir du jour
du dcs, les operae et le salaire cessent d'tre ds. Le dcs de l'em-
ployeur (oonduator) met-il fin au contrat de travail ? En principe non.
Les hritiers de l'employeur peuvent exiger les operae et doivent payer
le salaire. Mais le dcs de l'employeur peut parfois rendre Impossible
l'excution des operae prvues : un magistrat, pour les besoins de sa ma-
gistrature, a lou les services d'un exaeptor (greffier) : ce magistrat
dcde; les hritiers, qui ne sont pas magistrats, n'ont que faire d'un
greffier. Le travailleur se trouve dans l'impossibilit de fournir les
operae, pour des raisons qui ne lui sont pas imputables. Mais le contrat
subsiste, tant et si bien que les hritiers du magistrat devront payer le
salaire convenu, si le greffier ne trouve pas offrir ses services un
autre magistrat (D. 19.2.19.9).(1).

C/ Loaatio gperis faoiendi :


SBsoQS):er BSSSESSSSSSSS

Par ce contrat, le oonduator (artisan, entrepreneur) prend l'en-


gagement d'excuter un opus, un certain ouvrage. Quand cet opus est ter-
min, la question qui se pose est de savoir s'il a t fait correctement,
s'il correspond bien ce que les parties avaient convenu.

Dans le droulement de ce contrat un rle dterminant est jou par


cette opration qui porte le nom de probatio : la rception et l'approba-
tion de l'ouvrage par le loaator, qui a command l'ouvrage. S'il accorde
son approbation, il ne peut plus soulever de contestations relativement
la conformit et la qualit de I'opus ralis. Aussi, pour les tra-
vaux publics des prcautions taient-elles prises pour que cette probatio
ne;soit pas donne la lgre par les magistrats ou avec leur complici-
t (cf. table de Pouzzoles FIRA III N? 153, lignes 6 11). Caton pro-
pose pour les contrats d'entreprises des formulaires qui accordent au lo-
cator un pouvoir souverain d'apprciation : l'ouvrage sera approuv "ar-
bitratu domini". Cette clause tait encore en usage sous l'Empire; mais
les jurisconsultes l'interprtent comme l'quivalent de la clause boni
vir arbitratu (Paul D. 19.2.24) (2) : la bonne fol qui Inspire tout le
contrat exige que. l'on apprcie son excution comme le ferait un honnte
homme. Ordinairement le contrat prvoit un dlai dans lequel l'opus de-

(1) LALAZZOLO : S.D.H.I. 1964, p. 28M- s., contrairement PROVERA, explique


cette solution par les rgles qui concernent la responsabilit contrac-
tuelle et non les risques.
(2) MACQUERON : "Travail des hommes libres", p. 98.
. 167 .

vra tre termin : une stipulation de peine peut obliger l'entrepreneur


payer une indemnit en cas de retard (D. 45.1.72).

Le contrat de louage, utilis comme cadre du contrat de transport


maritime produit des effets particuliers : il existe un droit maritime
romain qui s'est tabli en faisant largement appel des usages depuis
longtemps adopts par les peuples marins de la Mditerrane orientale;
ces usages avaient t particulirement mis au point Rhodes. Le droit
romain se rfre souvent la lex Rhodia et particulirement en matire
d'avarie commune (d'aprs la lex Rhodia de jaotu, si le navire n'a pu
tre sauv qu'en jetant la mer une partie de la cargaison, une indemni-
t sera alloue aux propritaires de marchandises perdues, en rpartis-
sant quitablement cette charge entre l'armateur (dont le navire a t
ainsi sauv) et les propritaires des marchandises qui n'ont pas t je-
tes la mer.

5 - LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE
EN MATIERE DE LOUAGE

La question se pose principalement pour le oonduotor : s'il ne


peut pas.restituer la chose en bon tat, doit-il des dommages-Intrts au
'looator ? A quelles conditions le tient-on responsable de la perte ou de
la .dtrioration ? Justinien ( I .J . 3.24.5), envisageant la looatio rei,
dclare : "On exige du locataire la garde {oustodia) qu'un pre de famiI le
trs diligent apporterait pour la conservation de son propre bien : si le
locataire s'est ainsi comport et si malgr tout la chose loue a pri par
cas fortuit, il n'est pas responsable du dfaut de restitution".

Le droit de la basse poque s'est beaucoup occup des problmes


de responsabilit, en faisant intervenir la notion de faute (oulpa) beau-
coup plus que ne l'avaient fait les classiques. Quelle tait, I'poque
classique, la responsabilit du oonduotor ? C'est une question trs discu-
te.

Une doctrine, base sur la critique des textes et la recherche


des Interpolations, prtend qu' l'poque classique nombreux taient les
dbiteurs auxquels on imposait, sous le nom de oustodia, une responsabilit
trs tendue. Responsabilit objective, sans faute, la oustodia aboutis-
sait un partage des risques entre le crancier et le dbiteur : si le d-
biteur doit praestare oustodiam II supporte peu prs tout ce qui peut ar-
river de fcheux la chose due, sauf certains cas de force majeure, comme
la foudre et l'incursion des pirates; mais il est responsable notamment si
la chose a t enleve par des voleurs.

Telle serait, selon beaucoup d'auteurs, la situation faite par le


droit classique au oonduotor dans toutes les varits de louages. Des tra-
ces de ce systme subsistent dans les textes o Justinien a conserv le mot
. 168 .

oustodia, tout en lui donnant un sens nouveau : celui d'obligation de garde,


que le locataire doit excuter avec la plus grande vigilance (diligentia).
Les textes qui font reposer la responsabilit du locataire sur la faute {oul-
pa) sont interpols. L'application de la oustodia objective au louage d'ou-
vrage est formellement atteste par GaTus (III. 205/206) qui signale le
teinturier et le tailleur parmi les dbiteurs qui doivent praestare austo-
diam et qui sont, en consquence, responsables de la disparition de la cho-
se en cas de vol par des tiers.

Cette doctrine qui a encore de nombreux partisans (1) est actuel-


lement assez branle.

Dans le louage de chose, le contrat prcisait bien souvent ce qui


tait permis ou interdit au locataire : genre de culture autorise, inter-
diction d'allumer du feu (cf. D. 19.2-25; 11.1) : le locataire est videm-
ment responsable si, en ne respectant pas ces conventions, Il endommage la
chose. A dfaut de rgles conventionnelles particulires, l'activit ou
l'abstention qui ont caus le dgt sont volontaires, mais rprhenslbles :
Il rpond de son dol ou de sa faute. Le locataire ne doit pas de dommages-
intrts si la chose loue disparat par cas fortuit, notamment la suite
d'un vol, moins qu'on ne puisse lui reprocher d'avoir t complice (D. 19.
2-9.4) ou au moins fautif (D. 47.2-14.12).

Dans la looatio operarum, le systme de Ia oustodia objective de-


vrait aboutir a rendre l'employeur automatiquement responsable de tous les
accidents du travail survenus l'ouvrier : solution qui n'apparat dans au-
cun texte.

Dans la loeatio operis faoiendi, la responsablIIt objective, di-


te de la oustodia, a t indubitablement Impose par le droit classique
certains oonduotores, mais II faut se garder d'en faire une rgle gnrale.
Nous savons par GaTus que dans le cas du teinturier et du tailleur, la lo-
oatio operis faoiendi obligeait le oonduotor praestare austodiam : rgime
particulier que justifient les conditions dans lesquelles ces artisans tra-
vaillaient, installs dans la rue, ce qui facilitait le vol des vtements
et toffes qu'on leur confiait.

Il est assez naturel que le gardien salari rponde de la ousto-


dia, puisqu'il est pay pour cela (D. 19.2.40). Encore faut-lI signaler
que I'entreposltaire ne rpond pas de la oustodia : Vhorrearius (qui est
un commis de l'entrept) en rpond, si on le pale pour veiller spcialement
sur des objets entreposs (2). La notion de oustodia d'autre part ne per-
met pas de rsoudre le problme le plus Important en matire de louage d'ou-
vrage, qui est de savoir si le travail a t fait selon les rgles de l'art;

(1.) METRO : "L'obbligazione di austodire" 1966, p. 166-178.


(2) ALZON : "Problmes relatifs la location des entrepts en droit ro-
main" 1966.
169

ce n'est plus une question de "garde" mais de faute professionnelle. Or


les jurisconsultes savaient fort bien faire la distinction entre les dgts
provenant d'un vice de la matire et ceux qui sont imputables I ' i m p e r i t i a
de l'artisan (D. 9.2-27.29).

Il peut exister parfois une responsabilit contractuelle la


charge du looator : lorsque la chose cause un prjudice au aonduator. Je
prends en location des tonneaux pour y conserver mon vin : ces tonneaux
fuient et mon vin se rpand. Si le bailleur savait que ses tonneaux taient
en mauvais tat, il a commis un dol en les louant et la bonne foi du contrat
me permet de lui rclamer rparation du prjudice caus par son dol. Mais
quelques jurisconsultes sont alls plus loin : que le bailleur ait su ou
n'ait pas su, il est responsable : son Ignorance ne l'excuse pas (p_. 19.1.
6.4 et 19.2.19.1).

SECTION III : LA SOCIETE

Le contrat de socit est un contrat, consensuel, du jus gentiwn,


de bonne foi, par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en commun des
biens ou leur activit en vue de raliser des gains et de les partager en-
tre e11 es.

1 - ORIGINE

A/ La socit entre frres

Le contrat ainsi dfini n'existait pas l'poque ancienne, mais


le vieux droit romain connaissait sous le nom de socit "eroto non oito"
(proprit non partage) une institution d'origine familiale, dont II est
question dans les "Nouveaux fragments de GaTus" (111.154 a) dcouverts en
Egypte en 1933.

Lorsque les heredes sut ne procdaient pas au partage des biens


laisss par leur pre, il s'tablissait de plein droit entre eux une "so-
cit entre frres"; il en rsultait un rgime bien plus commode que ce-
lui qui rsulte de l'indivision ordinaire. Dans celle-ci en effet, aucun
acte important relatif aux biens indivis ne peut tre valablement fait
sans le concours de tous les indivisaires. Or GaTus nous apprend qu'avec
le rgime de la socit entre frres, l'un quelconque des cohritiers
pouvait faire valablement tout seul les actes concernant les biens Indi-
vis : aliner la proprit par mancpatlon, affranchir un esclave. Les
autres hritiers, s'ils n'taient pas d'accord, pouvaient probablement
170 .

empcher l'acte d'tre accompli en s'y opposant, le rgime est compara-


ble ce qu'tait, en droit public, celui de la collgialit : un con-
sul peut faire seul un. acte tant que son collgue n'oppose pas son in-
teroessio.

Primitivement, alors que la famille tait un groupe trs cohrent,


il est possible que la socit entre frres tait faite pour durer ind-
finiment. Mais un esprit plus individualiste se manifeste dj dans la
loi des XII Tables : non contente d'tablir le partage de plein droit
des crances et des dettes (solution attribue aux XII Tables par les
constitutions de Gordien et de Diocttien : C.J. 3.36.6 et 2.3.26), la
vieille loi, selon Gaus (p_. 10.2.1 pr) a tabli le principe que "nul
n'est contraint l'Indivision", en crant l'action familiae eroisotm-
dae, par laquelle tout hritier peut provoquer le partage judiciaire.

Mais l'poque des XII Tables, la socit ercto non cito est de-
venue plus fragile, le rgime qui en rsultait a t tendu en dehors
de la famille, en raison des avantages qu'il prsentait. Les nouveaux
fragments de GaTus nous font savoir en effet ceci : des personnes qui
n'taient pas cohritires et n'avaient aucun lien de parent pouvaient
tablir entre elles une socit. Imite de celle qui existait entre fr-
res cohritiers, "cpepta legis aatione", c'est--dire en accomplissant
devant le magistrat les formalits d'une action de la loi. Elles deman-
daient au magistrat d'exercer sa juridiction gracieuse, en accomplissant
les formalits d'un procs fictif, dont le rsultat tait de les placer
fictivement dans la situation de frres cohritiers rests dans l'indi-
vision.

Cette socit ercto non eto est trs diffrente du contrat clas-
sique de socit :

1. GaTus prcise que cette antique socit est "particulire aux cito-
yens romains"; tandis que le contrat de socit est du "eus gentiian".

2. Cette antique socit est une institution familiale; prvue pour les
frres cohritiers, on l'a tendue d'autres personnes, mais celles-
ci se mettent fictivement dans la situation de frres. Le contrat de
socit n'a pas pour but de faciliter la gestion d'un patrimoine fa-
milial, mais de faire des affaires.

3. La socit entre frres ne ncessite aucun accord entre eux, rsulte


du fait qu'ils n'ont pas procd au partage : c'est un rgime parti-
culier d'indivision entre cohritiers, qui peut d'ailleurs tre fic-
tivement tendu d'autres personnes. Le contrat de socit n'a rien
voir avec l'indivision et ncessite le consentement des associs
pour se former.

Il rsulte de ces constatations que la socit ercto non oito ne


peut pas se trouver l'origine du contrat de socit : tout au plus a-
t-elle exerc sur lui une certaine influence : par l s'explique peut-
171

tre la place qu'occupent dans le contrat de socit la confiance rci-


proque entre associs et l'amiti qu'elle suppose ou doit tablir entre
eux.

B/ Premires manifestations
dy_2QC_d_9ci_l_

Quand voit-on apparatre Rome un type de socit qui soit :


1 une institution du jus gentivm accessible aux trangers,
2 reposant sur le seul accord des associs,
3 en vue de raliser et partager des gains ?

Les socits de publicans prsentent bien ces caractres, mais


par ailleurs beaucoup de particularits qui tiennent au fait qu'elles
travaillent avec l'Etat (1). Elles appartiennent dans une certaine me-
sure au droit public et l'on ne peut pas les considrer comme le modle
sur lequel se serait model le contrat de socit, de droit priv.

Par contre ce type de socit apparat ds le deuxime sicle av.


J.C., chez Caton ("De Agr." 144) qui fait allusion des socits tablies
entre des entrepreneurs, qui se chargent d'excuter, forfait, de gros
travaux agricoles. A l'poque de Q. Mucius Scaevola l'aetio pro soo-io,
civile et de bonne foi, existe dj : la socit est ds cette poque une
opration susceptible de faire natre entre parties des obligations offi-
ciellement reconnues et sanctionnes par le dro-it. Lorsqu'apparut la no-
tion de contrat, la societas fut, sans hsitation, range parmi les con-
trats oonsensu (GaTus III.135).

(1) L'existence de socits de Publicains n'est pas douteuse ds le 11 s.


av. J.C. Ces grandes socits financires avaient besoin de capitaux
considrables et ne faisaient pas fi de ceux que les prgrins leur ap-
portaient. Leur but tait bien de raliser des bnfices en traitant
avec l'Etat (notamment pour la ferme des impts). Mais leur organisa-
tion, trs perfectionne, est trs diffrente de celle les socits de
pur droit priv : d'abord elles jouissent de la personnalit morale,
d'autre part elles ressemblent nos actuelles socits par actions :
elles mettent en circulation des partes (= des actions) que les parti-
culiers pouvaient acheter et vendre des prix trs variables selon la
situation plus ou moins florissante de la socit. Celle-ci tait di-
rige par le corpus publioanorum, sorte de Conseil d'Administration.
. 172 .

2 - ELEMENTS CONSTITUTIFS

A/ Consensus :

Il suffit que les parties manifestent leur volont d'tre associes pour
que le contrat se forme : c'est un contrat "consensuel". Mais cette vo-
lont est indispensable : en cela la socit se distingue de l'indivision
qui rsulte du seul fait qu'il n'y a pas eu de partage.

D'autre part, il ne s'agit pas en matire de,socit d'une volon-


t quelconque : elle comporte une intention prcise, affeotio sooietatis,
l'intention d'avoir pour associ telle personne. Le contrat de socit
se conclut "intuitu personae" .: Il suppose entre associs des liens d'ami-
ti, une grande confiance : considrations trangres nos actuel les so-
cits commerciales, et qui pourraient bien tre en droit romain un legs
de l'antique socit entre frres.

Cette affeotio sooietatis doit exister de faon permanente : la


socit cesse d'exister chez l'un des associs : le changement de volon-
t d'un seul suffit pour mettre fin au contrat (1).

B/ Les apports :

Toute socit Implique des apports (2). Selon le genre d'apport


on peut distinguer divers types de socits.

1. Sooietas omnium bonorum

Socit universelle. Les associs conviennent de mettre en com-


mun tous leurs biens, prsents et venir. Le but d'une telle soci-
t est moins de faire des affaires que d'tablir une communaut ordi-
nairement familiale. Les jurisconsultes signalent des cas de socits
universelles convenues entre poux (SCAEVOLA, 2^34.1-16.3). Ce genre
de socit rappelle l'antique socit entre frres, mais la diff-
rence de cette dernire, elle est volontaire. C'est ce type de soci-

(1) A comparer avec la conception romaine du mariage qui repose sur une af-
feotio maritalis permanente : ds que l'intention d'tre uni tel con-
joint disparat chez l'un des poux, plus forte raison chez les deux,
c'est le divorce.
(2) Certains auteurs ont soutenu que dans la coupure du palimpseste de Vro-
ne (GAIUS III. 15.4-) Gaus devait parler d'une socit-contrat vet forme
par constitution d'apports. La dcouverte du "nouveau Gaus" a complte-
ment ruin cette hypothse, puisque nous savons maintenant qu'en cet en-
droit Gaus s'occupait de la vieille socit "evcto non oito" et non d'u-
ne prtendue socit "ve contracta". ' '
. 173 .

t que le prteur a envisag lorsqu'il a tabli la formule de I % aatio


pro soaio, et c'est pourquoi, dans les commentaires de l'dit, cette
socit occupe la premire place.

2. Sooietas alicujus negotii :


Socit pour faire des affaires : le but est de raliser des gains
c'est une sooietas quaestus. Il peut s'agir d'exploiter un commerce,
une banque (socit pour faire des prts : danista, cf. F IRA. III ne-
gotia n 157). La socit peut tre tablie en vue d'une seule opra-
tion : acheter un fonds, lever une statue (D. 17.2-52 pr 17).

3. Socit en commandite

Tandis que l'un des associs apporte des capitaux, l'autre apporte
son activit et ses connaissances techniques pour l'exploitation d'un
commerce, d'une banque ou d'une Industrie ou des talents artistiques
d'un esclave acteur. Q. Mucius Scaevola contestait la validit de ce
genre de socit. Servus Sulpicus l'admet, car "il arrive que le
travail fourni vaille de l'argent" (GAUS 111.149).

C/ iQ_O(DmyQ ux_socis :

Le but de la socit doit prsenter un Intrt patrimonial. SI


des personnes qui mettent en commun des biens et leur activit ont en vue
un but dsintress, ce n'est plus une socit, mais un oollegium, une as-
sociation.

Le oollegium, en raison mme de son caractre dsintress, susci-


te la dfiance des pouvoirs publics, surtout s'il devient un foyer d'agi-
tation politique. Le vieux droit romain ne mettait aucun empchement
la cration de oollegia. Jules Csar qui s'tait servi des oollegia pour
arriver au pouvoir, sachant le danger qu'ils prsentaient, s'empresse de
prononcer leur dissolution, ne conservant que les plus anciens. Sous Au-
guste, la loi Julia de oollegiis exige, pour la cration d'un oollegium,
une autorisation du snat et de l'empereur.

Les socits but lucratif, par contre, se contractent librement,


sans contrle de l'Etat.

D/ Caractre licite du but


t_bonne_foi_du_ontrat_:

Le but de la socit ne doit tre contraire ni aux lois ni aux bon-


nes moeurs : est videmment nulle la socit tablie entre des voleurs pour
partager le fruit de leurs rapines.
174 .

D'autre part c'est un contrat de bonne foi : la rpartition des


gains et des pertes doit tre prvue dans le contrat de faon quitable :
c'est en principe un rgime d'galit qui doit rgler cette rpartition;
si cependant les apports sont ingaux, il est quitable.de proportionner
la part de chacun ses apports. La socit dans laquelle l'un subit les
pertes et l'autre se rserve les gainsserait une "socit lonine" : el-
le est nul le.

3 - EFFETS DU CONTRAT DE SOCIETE

Le contrat ne peut produire d'effets qu'entre les associs qui


l'ont conclu. En droit romain, la socit n'a aucune existence juridique
l'gard des tiers (1). Elle n'a pas la personnalit morale : elle n'est
ni propritaire, ni crancire, ni dbitrice. L'associ qui, agissant pour
la ralisatiori du but social, fait des actes juridiques, devient propritai-
re, crancier, dbiteur. Mais les gains et les pertes doivent tre ensuite
rpartis entre tous les associs; celui qui a agi pour le compte de tous r-
clame chacun de lui rembourser sa part contributive des frais et des avan-
ces, par contre il doit verser chacun la part laquelle il a droit des
gains raliss.

Ces rglements de compte entre associs, s'il s donnent lieu con-


testation, donnent lieu l'exercice de l'action pvo socio, intente par un
ou plusieurs co-assocls. Comme cette action est de bonne foi, le juge a le
pouvoi-r de teni r compte des droits qui rsultent du contrat de socit pour
les uns et les autres et faire compensation : il condamne le dfendeur au
solde qu'il reste devoir ses co-associs.

L'action pvo socio prsente des particularits quis'expIiquent


par cette ide qu'il doit exister entre associs un esprit de "fraternit" :

1) Elle est infamante : l'associ condamn a gravement manqu ce devoir


de fraternit.

2) Elle peut comporter pour le dfendeur le bnfice de comptence : condam-


n dans la mesure de ce qu'il est en tat de payer, il vite la contrain-
te par corps. Mais cette faveur est accorde par le magistrat "cognita
causa'1 : elle est refuse l'associ qui a commis un dol.

(1) Il y a des exceptions cette rgle : les socits de publiains ont la


personnalit morale et sont reprsents par leurs administrateurs. Les
argentarii qui exploitent une banque en socit bnficient d'une soli-
darit active et passive : un des associs engage pour le tout chacun
des co-associs et les rend crancierspour le tout.
. 175 .

Par l'action pro socio, les associs peuvent exiger rparation


des pertes causes par l'un d'eux. En principe cette responsabilit est,
l'poque classique, limite au dol : l'associ est condamn s'il a t
malhonnte ou volontairement malfaisant; ce qui justifie I'Infamie. Ce-
pendant des textes, non suspects d'Interpolation, le rendent responsable
de IHmpevitia, de sa faute professionnelle. En effet, dans la socit en
commandite, H commandit, en guise d'apport, offre ses connaissances tech-
niques et si elles font dfaut, Il y a eu de sa part une sorte d'escroque-
rie qui est svrement apprcie.

Dans le droit de Justlnien, la socit ayant pris un aspect moins


fraternel et davantage commercial, la responsabilit de l'associ est com-
prise plus svrement : il doit indemniser ses co-assocts des pertes qu'il
a causes en se montrant moins soigneux pour les choses sociales que pour
les siennes propres. Il rpond de sa aulpa levis in oonoveto.

4 - EXTINCTION DE LA SOCIETE

a) Le contrat de socit prend fin par l'arrive du terme si le contrat


l'a prvu; par la ralisation complte du but envisag dans le contrat,
ou si les biens mis en commun n'existent plus : dans ces hypothses la
socit n'a plus de raison d'tre ou n'a plus les moyens de fonctionner.

b) Contrat conclu Hntuitu personae", la socit s'teint au dcs d'un des


associs.

c) Contrat bas sur \*affectio sooietatis, un associ peut se retirer s'il


ne veut plus tre associ. Mais il ne faut pas que cette dcision soit
dolosve. GaTus 111.151 raisonne sur le cas d'une socit universelle :
une succession va tre dvolue l'un des associs; celul-c, pour ne
pas la partager avec ses co-associs, dclare qu'il se retire : c'est
un dol. Toute dissolution provoque "dolo malo" rend celui qui la pro-
voque responsable du prjudice qui en rsulte pour les autres associs.

SECTION IV : LE MANDAT

Le mandat est un contrat consensuel et de bonne foi, pour lequel


une personne immator), charge une autre (mandatarius) de faire gratuite-
ment quelque chose (1).

(1) ARAHGIO-RUIZ : "Il Manato in diritto romano" 1949 - et cr. de SANFI-


LIPPO. IURA 1950, p. 490.
. 176 .

1 - ORIGINE

.l'poque ancienne les romains n'avaient gure besoin de recou-


rir aux services dejpersonnes -trangres la famille pour la gestion de
leurs affaires : ce qu''Js .rie pouvaient pas faire eux-mmes, Ils le fai-
saient faire par leurs esclaves, leurs fils ou leurs affranchis. Dans les
grandes familles romaines, jusqu' une poque tardive, des esclaves spcia-
liss s'occupaient d'administrer les biens de leurs matres : servi, aoto-
res. A l'poque ancienne, les esclaves les mieux dous talent affrahcnis
et continuaient exercer leur activit pour le compte du patron.

Lorsqu'une pi us grande Indpendance fut reconnue aux affranchis,


les affaires devenant d'ailleurs plus compliques et plus tendues, Il fal-
lut souvent faire appel des personnes trangres la famille. la fin
de la Rpublique, il y avait Rome des Individus qui faisaient mtier de
grer le bien d'autrui : les Procuratores.

Nous aurons parler des proauratores quand nous parlerons de la


gestion d'affaire. Ce n'est pas de ce ct-qti' H faut: chercher l'origine
du mandat : l'poque classique les relations entre Ie, proouvator et son
client n'taient pas; envisages sous l'angle du mandat :. c.'est seulement
une poque assez tardive, qu':on songea faire un rapprochement entre le pro-
curtor et le mandataire. ' ,.. .

Le mandataire n'est pas un homme qui fait mtier de grer les af-
faires d'autrui. Il ne reoit aucun salaire. Le mandataire est un ami qui
rend un service gratuit.

Pendant trs longtemps le mandat a pu tre en usage Rome, sans


tre un contrat, sans tre, sanctionn par le droit : il reposait alors en-
tirement sur. la confiance, rciproque et l'honntet des parties.

Le premier tmoignage que nous ayons d'une action eh justice en


matire de,mandat, concerne des vnements qui se situent en 23 av. J.C.
Cicron het.. ad. Herennium) raconte qu' cette date un prteur avait re-
fus de donner le judioium mandata, contre les hritiers du mandataire. Cet-
te solution tait tout fait injustifie : le fait qu'un prteur ait pu
commettre une telle erreur laisse penser qu' cette date le contrat de
mandat n'avait pas encore t dfini avec prcision par la jurisprudence.
De plus le fait qu'un prteur ait pu refuser l'action se comprend plus ai-
sment s'il s'agissait d'une action prtorienne -in factunr que s'iI s'tait
agi d'une action in jus. On peut donc supposer qu'en 123 existait en mati-
re de mandat une action prtorienne, de cration rcente.

L'action mandati, civile et de bonne foi. ne tarda pas faire en-


suite son apparition. Q. Mucius Scaevola (consul en 95 av. JC.) la connais-
sait. Ds cette poque, le mandat fait natre de vritables obligations,
reconnues par [e jus civile. , -
. 177

2 - ELEMENTS ESSENTIELS

Le mandat ne ncessite aucune formalit : I se forme par le seul


accord de volont des parties. Ce contrat peut se faire par correspondan-
ce. Il est possible d'y insrer une modalit : terme ou condition.

L'objet du mandat est un acte que le mandataire s'engage accom-


plir. Ce n'est pa, la diffrence de ce qui.est admis en droit franais,
ncessairement un acte juridique. En droit romain on peut donner mandat de
rparer ou de nettoyer un vtement : si ce service doit tre rendu gratuite-
ment, c'est un mandat. Par contre si ce travail doit tre rmunr, c'est
une looatio opevis faaiendi (1).

Le mandat le plus intressant au point de vue juridique est vi-


demment celui par lequel on demande au mandataire d'accomplir un acte juri-
dique : acheter, vendre, faire un procs, se porter caution. Les juriscon-
sultes ont eu souvent recours l'ide d'un mandat, vritable ou prsum,
pour justifier des solutions qu'il tait dsirable de faire admettre; nous
verrons que la cession de crance se ral Isait au moyen d'un mandat (.pvoou-
vatio -in rem snam). Le mandat de prter de l'argent (.manatum credendae
pecuniae) est une forme de cautionnement, et c'est encore en Invoquant l'i-
de d'un mandat que la jurisprudence est parvenue mnager un recours
la caution contre le dbiteur principal.

Mais II ne faut pas perdre de vue qu' I'poque classique le man-


dat fonctionne sans qu'il y ait une reprsentation parfaite (ou directe) du
mandant par le mandataire : l'acte qu'accomplit le mandataire produit ses
effets sur sa propre tte : c'est le mandataire qui devient propritaire,
crancier ou dbiteur la suite des actes qu'il a accomplis en excution
du mandat et les tiers ne connaissent que lui. Des rglements de comptes
se font ensuite entre le mandant et le mandataire : le mandant obtient de
son mandataire le transfert des choses et des crances acquises pour son
compte et rembourse au mandataire ce qu'il a pay pour lui. C'est ce qu'on
pourrait appeler une "reprsentation par cascades successives";

CONDITIONS DE VALIDITE

1/ L'objet du mandat doit prsenter un intrt

C'est ce qui rsulte des Instltutes de Justlnlen III.26 pr, texte


Inspir de Gaus, mais qui dforme compltement sa pense.

(1) Comme le remarque judicieusement DUMONT ("La gratuit du mandat", Studi


Arangio-Ruiz 1952 p. 311) il peut s'agir d'une feinte gratuit : en dis-
simulant le salaire, les parties parvenaient transformer un louage
d'ouvrage en mandat, ce qui rduisait normment la responsabilit con-
tractuelle de l'artisan, en cas de perte du vtement.
178 .

GaTus (111.156) procdant une classification des mandats dis-


tingue le mandat mea, alina, tua gratia.

A/ Mea gratta : . . ' . .


Mandat dont l'objet me concerne (mol le mandant) : je vous demande
de grer mes propres affaires (ut mea negtia gras) par exemple d'a-
cheter une maison pour moi.

B/ Alina gratia :

Mandat dont l'objet concerne un tiers : je vous demande de grer les


affaires de Titlus (ut negotia lterius gras), par exemple d'acheter
une maison pour Titlus.

Ces deux sortes de mandats sont valables (1). Par contre, nous
dit GaTus, le mandat tua. gratia est nul : c'est un mandat dont l'objet
ne concerne que vous, \e mandata ire : je vous demande de grer vos pro-
pres affaires. C'est superflu, car vous n'avez pas besoin de recevoir
un mandat pour administrer vos biens : vous le faites comme bon vous
semble.

La jurisprudence avait assoupli dans certains cas la rigueur des


principes. D'abord dans le cas du mandatum oredendae pecuniae : je vous
donne mandat de: prter votre argent Titlus, tant bien entendu que si
Titlus: ne vous: rembourse pas, je serai responsable, comme mandant, du
prjudice que vous aura caus ce mandant. Le manator est une caution,
et c'est sur sa garantie qu'est faite l'opration (par exemple le prt)
d'o natra l'obligation; principale. La validit de ce mode de caution-
nement avait: d'abord t conteste : les:jurisconsultes, la fin de la
Rpublique, n'y voyaient qu'un mandat tua gratia, radicalement nul. Sa-
binus le dclara valable, parce que, dit-il, le mandataire n'a consenti
le prt Titius qu'en considration du recours qu'il pourrait exercer
contre le mandant, en cas d'insolvabilit de l'emprunteur.

Une autre entorse fut faite aux principes dans le cas de la pro-
Quratio in rem suam, qui est un moyen dtourn-de procder une cession
de crance. Le cdant donne au cessionnaire mandat d'exiger en justice
ce que lui doit le dbiteur cd. Ce mandat d'agir en justice est donn
dans l'intrt du seul mandataire : tel point qu'aprs avoir obtenu
paiement, il en conserve pour lui tout le bnfice, sans avoir de comp-

(1) La validit du mandat lterius gratia peut surprendre : n'est-ce pas


un contrat pour autrui ? Cependant si le mandant est un negotiorum
gestor qui gre les biens de Titius, il peut certainement faire faire
un acte de gestion par un mandataire qu'il choisit et qui lui devra des
comptes.
. 179 .

tes rendre au mandant; ce qui est bien naturel, puisque la crance


lui a t cde, mais ce qui est tout de mme bien singulier, si l'on
songe qu'il s'agit d'un mandat. Le mandataire agit Ici "in rem suam",
pour son propre compte.

Justinien a repris la classification des mandats mea, alina,tua


gvatia, mais en lui donnant un tout autre sens : il prend en considra-
tion le profit qui rsultera de l'excution du mandat : qui profite
le mandat ? Dans l'intrt de qui est-iI donn ? Comme les intrts
de deux personnes peuvent tre envisags, Justinien invente de nouvel-
les combinaisons auxquelles GaTus ne pouvait videmment pas songer :
mandat sua et tua, sua et alina, tua et alina gvatia : la fois dans
mon intrt et le vtre ou dans mon intrt et celui d'autrui ou dans
votre intrt et celui' d'autrui.

Ainsi lorsque je vous demande de prter votre argent Titius,


s'il s'agit d'un prt gratuit, le mandat est alina gvatia, dans l'in-
trt uniquement de Titius (qui a intrt ce qu'un prt lui soit con-
senti), mais s'il s'agit d'un prt Intrt, le mandat est tua et
alina gvatia dans votre intrt vous mandataire (pour que vous tou-
chiez des Intrts) et dans l'intrt de Titius. De toutes faons, la
difficult que soulevait la validit du mandatum cvedendae peouniae est
escamote, les mandats alina gvatia tua et alina gvatia taient vala-
bles.

Justinien n'a pas Invent cette solution : Il l'a trouve dans


les "Res oottidianae" (ouvrage tardif, attribu GaTus) : cf. [). 17.
1.2). Le mandat est nul, comme tant dans le seul Intrt du mandatai-
re itua tantum gvatia) si je vous donne mandat de prter votre argent
intrt, sans vous Indiquer qui : le tiers bnficiaire restant In-
connu, le mandat ne peut pas tre considr comme donn dans l'Intrt
d'autrui : c'est un simple conseil que je vous donne, et ce conseil n'en-
gage personne, ni celui qui le reoit ni celui qui le donne (JD. 17.1.6 =
I.J. 3.26.6).

2/ Le mandat d'accomplir un acte immoral ou illicite


es-Cdigalement^nyi,! = =====

Si le mandataire subit un dommage du fait de l'excution d'un tel


mandat, aucune action ne lui est accorde contre le mandant, et le man-
dant ne saurait davantage rclamer du mandataire qu'il lui transmette
le produit d'une opration dshonnte.

Si par exemple un individu donne mandat un autre de commettre


un vol, le mandataire ne pourra pas rclamer du mandant rparation du
dommage que lui cause l'application des peines prvues contre les vo-
leurs, et le mandant n'a videmment pas l'action rnandati pour exiger que
le voleur lui cde le produit du vol !
. 180 ,

3/ Caractre gratuit du mandat


et mandat salari (1) :

Aussi bien par ses origines qu' cause de l'Ide d'amiti qui est
sa base, le contrat demandt s'oppose au louage d'ouvrage.

L'homme libre qui loue ses services fournit des crpevae comparables
celles que l'on pourrait attendre d'un esclave et qui ont une valeur
marchande : l'ouvrier a droit un salaire, prix de son travail. Le man-
dataire au contraire remplit une mission qu'on ne confierait pas un es-
clave : il rend un service d'ami, qui n'est pas apprciable en argent.

Au temps de Cicron ("Pro Roso.-Am. " 38.9.11 ; "De offioiis" 1.42.


50), ce qui oppose le mandat au louage c'est la nature des services qu'on
attend du mandataire : la gratuit du mandat n'est alors qu'une cons-
quence du caractre des services qui en font l'objet.

Mais avec le dveloppement des affaires, des services qu'on atten-


dait autrefois de ses amis, on en .vint les demander frquemment des
hommes libres qui faisaient profession de les rendre : ces sortes de man-
dataires entendaient obtenir une rmunration. Le louage et le mandat
risquaient bien, dans la pratique, de ne plus avoir de frontires bien
prcises. Les jurisconsultes, en hommes de doctrine, dsireux de con-
server chaque contrat sa physionomie propre, s'opposrent ces mena-
ces de confusion entre le louage et le mandat, en rigeant en principe
la gratuit du mandat. -A la suite de Javolenus (fin du 1er sicle de
notre re : p_. 17.1-36.1) Ils soutiennent que le mandat dans lequel on
prvoit une rmunration pour le mandataire est nul en tant que mandat,
. et doit entrer dans une autre catgorie juridique (louage d'ouvrage, ou
contrat innom du type do ut facias). Dans cette doctrine classique le
mandat se caractrise par sa gratuit et non plus par la nature des ser-
; vices que rend le mandataire : tel point que selon GaTus (III.162) le
mme service (racommoder un vtement) peut faire l'objet d'un mandat ou
d'un louage selon qu'il est rendu gratuitement, ou moyennant un salaire.

Ces efforts doctrinaux ne pouvaient endiguer une volution irr-


sistible : en bien des cas il aurait t contraire aux usages reus et
contraire l'quit d'Interdire toute rmunration quand II tait au
surplus Impossible de lui reconnatre le caractre d'un salaire d en
vertu d'un louage d'ouvrage : les jurisconsultes ont imagin des solu-
tions qui, tout en respectant le principe de la gratuit du mandat, per-
mettaient cependant de rtribuer le mandataire.'

(1) A. BERNARD : "La rmunration des professions, librales en droit ro-


main" - Paris 1935; DUMONT : "La gratuit du mandat", op. cit. 1952.
181

La question s'est d'abord pose pour le procwatov qui se charge,


moyennant une rtribution convenue d'avance, d'administrer un patrimoi-
ne ou de reprsenter une personne en justice : de tels services ne pou-
vaient pas tre considrs comme un travail susceptible de faire l'objet
d'un louage d'ouvrage. Le prcaiator a d'abord travaill dans le cadre
de la n&gotiorum gestio (1) et la rmunration qu'il recevait ne devait
pas soulever de difficults : celles-ci se manifestrent lorsqu'on com-
mena voir dans le pvocuvatov un mandataire. Papinien fut d'avis de
permettre au procuratov d'obtenir le salarium convenu, non pas en exer-
ant l'action ne du mandat, le mandat est en soi gratuit, mais par une
procdure administrative, la oognitio xtraordinar-a (D_. 17.1.17) : les
procurateurs Impriaux, fonctionnaires de l'Etat, touchaient un sala-
rium, sorte de traitement : Papinien a sans doute trouv quitable de ne
pas traiter moins bien les pvoovatoves du droit priv, qui travaillaient
pour le compte des particuliers.

Ulpien (D. 17.1.6.pr.) prcisa la solution propose par Papinien :


la rmunration laquelle peut prtendre le mandataire prend, sous sa
plume, le nom d'honor remnerandi gratia : ce n'est pas un salaire, prix
des services remdus, mais ce sont des "honoraires", c'est--dire un pr-
sent destin manifester l'estime et la reconnaissance que l'on prouve
envers le gratifi.

Ce genre de rmunration peut tre accord non seulement des


pvoouratores, mais dans diverses hypothses o il serait choquant de
vouloir discerner un louage d'ouvrage : arpenteurs, professeurs de lit-
trature, mdecins, nourrices, avocats peuvent recevoir des honoraires
(D. 50.13-1) : ils peuvent les rclamer par procdure extraordinaire et
le magistrat comptent en fixe lui-mme le montant (comme de nos jours
les honoraires des auxiliaires de la justice sont "taxs" par le Tribu-
nal) (2).

Enfin une autre faon de tourner le principe de la gratuit con-


sistait, sous couleur de remboursement de frais, allouer une rmunra-
tion au mandataire. Ainsi une personne place un de ses esclaves en ap-
prentissage chez un de ses amis qui est forgeron : aucun salaire n'a t
convenu pour paiement de l'apprentissage. Ce n'est donc pas un louage;
c'est un mandat. Mats le forgeron aura droit sur la base mme du man-
dat, non seulement au remboursement des frais d'entretien de l'apprenti,
mais une merces pour l'indemniser du temps qu'il a perdu Instruire
l'esclave (PAUL : D. 17.1.26.8).

(1) Cf. infra, les origines de la negotioTum gestio.


(2) Il est trs douteux qu'on ait song faire entrer ces professions dans
le cadre du mandat. Les. mdecins, qui pour recevoir une rmunration
jouissent du systme de la cognitio extraordinaria, sont tous autres
gards (notamment en cas de faute professionnelle) soumis au rgime de
la locatio (_D. 9.2.7.7 : ex loaato ... oompetere actionem).
. 182 .

3 - EFFETS DU MANDAT

Le mandat fait natre au profit du mandant le droit d'exiger l'ex-


cution du mandat et de rclamer des comptes. Le mandant peut, cet effet,
exercer contre le mandataire l'action mandati : c'est une action civile, de
bonne foi, infamante, transmissibie. Dans la compilation de Justinen, cet-
te actionest qualifie d'action mandati direota.

Le mandat fait natre une autre obligation, en sens inverse, la


charge du mandant; il doit indemniser le mandataire de tous les frais et
dommages!que l'excution du mandat a pu lui causer. Dans le droit de Jus-
tinen cette obligation est prsente comme n'existant que de faon occa-
sionnel le et elle est sanctionne par une action distincte, l'action man-
dati contraria, civile et de bonne foi. Ce qui revient dire que, pour
Justinen, le mandat est ce que nous appelons aujourd'hui un contrat synal-
lagmatique Imparfait.

En a-t-II toujours t ainsi ? L'existence, ds l'poque classi-


que, de deux actions distinctes en matire de mandat est admise par Lenel,
et encore par Arangio-Ruiz. Par contre beaucoup d'auteurs pensent qu'
l'poque classique le mandat tait un contrat synallagmatique parfait, d'o
dcoulaient ncessairement des obligations rciproques : ces obligations
taient sanctionnes par une seule et mme action, I'action mandati, qui
pouvait tre Intente aussi bien par le mandant contre le mandataire, qu'in-
versement. Cette doctrine, soutenue par Partsch, Biondo-jBiondl, accepte
par Monier, se fonde principalement sur un texte, assez p'robant, de GaTus
(111.155). Reproduisant en partie les termes de la formule de l'action
mandati ("quod ... bona fide praestare oportet), GaTus les applique aus-
si bien au cas o l'action est Intente par le mandant qu'au cas Inverse :
"Lorsque je vous donne mandat de faire quelque chose pour moi ... nous
sommes tenus rciproquement l'un envers l'autre tout ce qu'il convient
qu'en bonne foi je rponde envers vous, ou que vous rpondiez envers moi".

Qu'il y ait eu une ou deux actions I'poque classique, le man-


dat a toujours t susceptible de faire natre des obligations rciproques.

A/ Qbiigation^du_mandata]_re :

Le mandataire doit remplir la mission qu'ila accepte.

Il rpond de son dol, c'est--dire des actes et des abstentions


prjudiciables aux intrts du mandant, et dont il s'est rendu coupable
sciemment et volontairement. Comme II rend gratuitement un service on ne
lui en demande pas davantage : l'poque classique on n'exige pas de lui
qu'il fasse preuve d'adresse et de prvoyance : il ne rpond pas de sa
faute (MODESTIN : "Coll." 10.2.3.).
. 183 .

Justinlen s'est montr plus svre et rendit le mandataire res-


ponsable non seulement de son dol, mais aussi de sa faute : il doit se
comporter, dans l'excution du mandat, en homme prvoyant et diligent
(D. 50.17.23).

A la fin du mandat, le mandataire doit rendre compte de sa ges-


tion : il doit transmettre au mandant les choses, les droits et les ac-
tions qu'il a acquis en excution du mandat.

B/ Obligation du mandant :

Le mandataire ne tire aucun profit de l'opration : mais II est


juste qu'il soit entirement rembours de tous les frais qu'il a faits
et indemnis de tout le prjudice que le mandat a pu lui causer.

A la fin du mandat, si ie mandataire a pris des engagements


l'gard de tiers, le mandant doit le dgager de ces obligations ou lui
fournir les moyens de les remplir.

Qu'advient-il si le mandataire a outrepass ses pouvoirs ?

Charg par exemple d'acheter tel immeuble pour 100, il l'a pay
150. Le mandataire ne peut videmment rclamer 150 du mandant, alors
que celui-ci lui avait donn mission d'acheter pour 100. Le mandatai-
re peut-II au moins contraindre le mandant accepter l'opration dans
les limites par lui prvues ? Les Sabinens en pareil cas refusaient
compltement l'action mandati au mandataire, parce qu'il avait agi "en
dehors du mandat". Les Proculiens au contraire considraient que le man-
dant devait ratifier l'opration dans la mesurio elle est conforme aux
instructions qu'il avait donnes. Cette solution finit par prvaloir.

Lorsque le mandant ratifie I'activit de son mandataire, il ne


peut plus dsavouer ce qui a t fait. La ratification ne peut que pro-
fiter, et ne doit jamais nuire au mandataire : elle ne peut pas_..avoir
pour effet notamment de l'exposer l'action mandati, qui est Infaman-
te, la place de l'action de gestion d'affaire qui ne l'est pas.

4 - EXTINCTION DU MANDAT

a) Le mandat prend normalement fin lorsque le mandataire a termin sa mis-


sion.

b) Mais le mandat est un contrat bas sur la confiance, un contrat "intui-


tu personae" qui, de ce fait, est fragile. Il prend fin par la mort de
l'une: ou l'autre des parties. C'est pourquoi on ne peut pas donner au
184

mandat comme objet un acte qui ne doive tre accompli qu'aprs la mort
soit du mandant, soit du mandataire. Le mandat qui doit tre excut
post mortem mandatarii, aprs la mort du mandataire, par ses hritiers,
est certainement nul : GaTus l'affirme (111.158). Le mandat post mor-
tem mandatoris, c'est--dire pour aprs la mort du mandant, tait-Il va-
lable ? C'est une question trs discute (1).

c) Le mandat peut tre rvoqu par le mandant, et le mandataire peut renon-


cer au mandat.

Si le mandat s'teint alors que son excution n'a; pas encore t


commence, il ne produit aucun effet. Mais s'il prend fin par la mort
d'une des parties ou par la rvocation ou par la renonciation, alors
qu'il a dj; reu un commencement.d'excution, les-obligations dj nes
susbistent : I'action mandati, relativement aux oprations accomplies du
vivant des parties peut tre intente contre leurs hritiers et par leurs
hritiers.

La renonciation au mandat, si elle est intempestive et prjudicia-


ble aux Intrts du mandant, rend le mandataire responsable du dommage
qu'iI cause.

dAPiI8E_gyAIRiEME_i_LES_PAIES

LA NOTION DE PACTE

Le mot paotum (qui se rattache au verbe paoere et la forme plus


rcente paoisai) a d'abord servi dsigner des accords conclus entre des
personnes dj juridiquement lies l'une envers I'autre, en vue de rompre

(1) BONFANTE("Scrit. Giu." 3.263) considre comme interpols tous les tex-
tes qui admettent la validit du mandat post mortem mandatoris. ARANGIO-
RUIZ s'est ralli cette doctrine. Mais en sens contraire : SANFILIPPO
dans "Studi Solazzi" 1949 p. 554 et son compte-rendu de l'ouvrage d'ARAN-
GIO-RUIZ dans IURA 1950 p. 493. SANFILIPPO soutient la validit du man-
dant post mortem mandatoris sur la base du passage deGaus II1.117 o
1''adstipulator excute un mandat donn par un dfunt. En ralit ce man-
dat a t excut du vivant du mandant (1'' adstipulatio a t faite du vi-
vant du stipulant mandant et 1'adstipulator doit des comptes aux hritiers
de son mandant. Que le mandat post mortem mandatoris ait t considr
comme valable ou non par les jurisconsultes, ce genre de mandat tait con-
nu dans la pratique : nous renvoyons aux documents que nous avons signa-
ls dans notre commentaire du Testament d'Antonius (RHD. 1945, p. 154).
. 185 .

ce lien. C'est en ce sens que la Loi des XII Tables emploie le verbe pa-
oeve dans une disposition concernant le dlit de coups et blessures : la
vieille loi dispose que le dlinquant doit tre expos au talion, "ni cum
eo paait" , " moins qu'il ne fasse un arrangement avec la victime". Le
paotion c'est l'accord par lequel la victime renonce son droit de vengean-
ce, et fait la "paix", avec le dlinquant.

Le jus civile a conserv le souvenir de ce genre de pacte : l'ac-


tion d'injure et I'action fuvti s'teignent par un simple pacte.

C'est encore le mme sens que le prteur donnait au mot paotum,


dans la clbre disposition de l'dt "Paota conventa servabo" : "je ferai
respecter les pactes conclus entre parties". Par cette disposition, le pr-
teur n'entendait pas sanctionner n'Importe quelle convention, mais seulement
les accords conclus en vue d'teindre ou de restreindre les droits dont une
des parties se trouvait dj nantie envers l'autre.

Cette disposition, qui figurait dans l'dt- dj au temps de Ci-


cron {"De Officiis" S.24), concernait le pacte, que l'on connat l'po-
que classique, sous le nom de "paotum de non petendo" : c'est une renoncia-
tion au droit d'exercer une action.

Le prteur assurait le respect des conventions de ce genre au mo-


yen d'une exception : I'exceptio paoti conventi. SI, en dpit du pacte, le
crancier poursuivait son dbiteur, celui-ci demandait l'Insertion de l'ex-
ception paoti dans la formule : il lui suffisait ensuite de prouver, in ju-
dioio, l'existence du pacte pour obtenir son absolution.

Considr sous cet aspect d'arrangement conclu en vue d'tendre


des droits, le pacte, ds la fin de la Rpublique, tait valable; en vertu
du droit civil (quand II s'agissait d'teindre certaines obligations dlc-
tuelles) et dans tous les autres cas, en vertu du droit prtorien, grce
l'exception paoti. Le pacte produisait donc toujours au moins un effet n-
gatif.

Mais la notion de pacte reut l'poque classique une plus large


extension. Les jurisconsultes considrent qu'il y a pacte, non seulement
en cas de conventions conclues en vue d'tendre des droits, mais aussi
lorsqu'un accord intervient en vue de crer des droits : faire natre une
obligation, tablir un droit rel. Le pacte peut tre une con \ention dont
on attend des effets positifs.

Est-II susceptible de les produire valablement ? En principe


non. Les textes classiques rptent que "la proprit se transfre par
usucapon ou par tradition et non par un simple pacte" (1). La convention

(1) La rgle ex paoto actionem non nasoi tait passe en adage, comme l'in-
dique une constitution d'Alexandre Svre (CJ.2.3-10 : "quod dici so-
let ...". Cette constitution rappelle d'ailleurs que la rgle ne con-
cerne que le paotum nudum : "hoo jure utimur cum paotum nudum est".
186 .

qui n'entre pas dans les cadres du droit civiI >et .laquelle aucun autre
lment ne s'ajoute est un paatvm nudum, ,un pacte nu, qui en principe est
;
dnu d'effets positifs. : >

Avec le progrs du droit' ce principe reut de nombreux tempra-


ments. Si nous laissons de ct les pactes concernant la constitution de
droits rels et si nous ne considrons que les pactes destins produire
des obi 1 gtions, nous constatons qu'un grand nombre de ceux-ci on+ t fi-
nalement valids grce aux efforts conjugus de la jurisprudence, du droit
prtorien et de la lgislation impriale.

Mas pour qu'un pacte puisse produire un, effet, ngatif ou posi-
tif, il est Indispensable qu'il remplisse certaines conditions gnrales.

Le pacte doit tre licite. C'est une condition que le prteur


n'avait pas manqu de prciser dans son dlt : "Je ferai respecter les pac-
tes condition qu'iIs ne soient conclus ni; par dol, ni en violation des
i'dis et snatus-consultes, ni-en. fraude de ceux-ci".

Le pacte ne doit pas tre contra honos mores contraire l'or-


dre public. Sont nuls, comme prsentant ce caractre, les pactes qui por-
tent attetnte la libert du mariage, ou autorisent une partie user de
dol, ou concernent des successions futures.

SECTION I : LES PACTES ADJOINTS

Les; pactes adjoints sont ds pactes ajouts: un contrat pour en


modifier les effets. Les jurisconsultes, interprtes du jus civile, ont
russi: souvent valider ces pactes;: d'aprs les principes du jus oivile,
lorsqu'ils peuvent tre considrs comme faisant partie d'un contrat (ines-
se oreduntvx').

La chose n'tait videmment possible que si le pacte n'tait pas


contraire la nature.du contrat auquel on essayait de l'Incorporer.

ORIGINE

D'aprs les principes du vieux droit-romain, chaque contrat cons-


tituait un tout qui se suffisait lui-mme : rien n'y pouvait tre ajout
aprs coup. Les conventions conclues en vue de modifier oui de complter
un contrat n'taient que des "pactes nus", dpourvus d'ef+etspositifs.

,VM Cependant ces pactes pouvaient, en vertu du droit prtorien, pro-


duire un e.ffet ngatif : le pacte conclu en vue d'I lger. ls charges que
leocontrat .Imposait au dbiteur pouvait tre Invoqu par celui-ci, en op-
posant aux prtentions du crancier I'exceptio paati.
. 187

Quant aux pactes destins augmenter les droits des cranciers,


les jurisconsultes cherchrent dans le droit civil lui-mme ie moyen de
les valider : certains prcdents les autorisaient prtendre que ie pac-
te tait Inclus dans le contrat et devait ainsi bnficier de ia sanction
assure par I'action du contrat.

Le droit civil avait en effet toujours admis la.validit des le-


ges, dclarations faites au moment o l'on passe un acte juridique, pour
en prciser l'objet; ainsi les leges manaipi, clauses jointes la mancl-
pation en vue de dfnir l'objet et son statut juriqique, talent d'une
validit incontestable, en vertu de la rgle "uti lingua nunoupasset" ...

A la vrit, ces sortes de leges n'taient pas -des pactes : ces


dclarations avaient un caractre unilatral,; Mais la jurisprudence fit
un rapprochement entre ces dclarations et les conventions ajoutes au con-
trat par le commun accord des parties.

De cette laboration doctrinale sortit la thorie subtile des


pactes adjoints, qui ne reut sa forme dfinitive qu' la Basse-Epoque.

CLASSIFICATION
DES PACTES ADJOINTS

1) Il faut distinguer les pactes "ad augendam obligationem" (pour augmen-


ter l'obiigatoh) et les pactes "ad minuendam obligationem" (pour la di-
minuer) : autrement dit les pactes dans l'intrt du crancier et les
pactes dans l'intrt du dbiteur : ces derniers, dans la pire des hy-
pothses, bnficient toujours au moins d'une sanction prtorienne :
I 'exceptio pacti. Pour sanctionner les autres pactes, il faut une ac-
tion et il n'est pas toujours possible de l'accorder.

2) Un pacte in oontinenti, est celui qui est ajout au contrat au moment


mme o-I1 est conclu : ce pacte-prend ordinairement la forme d'une
clause crite la suite du texte du contrat. Le pacte ex intervallo
est ajout un certain temps aprs la conclusion du contrat. 11 est
plus facile de soutenir que le pacte "fait corps avec le contrat" dans
le premier cas que dans le second.

3) Enfin le pacte peut tre joint un contrat de bonne fol ou un con-


trat de droit strict. Le contrat de droit strict a des contours pr-
cis : Il est difficile de les modifier par un pacte.

1 - PACTES ADJOINTS
A DES CONTRATS DE BONNE FOI

A/ In oontinenti : pas de difficults pour en admettre la validit : ce gen-


re de pacte n'est qu'une clause du contrat.
. 188 .

a) ad augendam : le crancier peut s'en prvaloir par l'action mme du


contrat : un contrat de gage est complt d'une cause qui reconnat
au crancier le droit de vendre le gage (.jus distrahendi) : le cr-
ancier usera \^aotio pigneratioia s'il est gn par le dbiteur dans
l'exercice de ce droit.

b") ad minuendam : le dbiteur n'a pas besoin de faire insrer l'exoep-


tio paoti dans la formule d'action : poursuivi en justice contraire-
ment au pacte, Il peut en invoquer les dispositions comme moyen de
dfense au fond, tout moment de la procdure.

B/ Ex intervalle) .; on peut difficilement prtendre que le pacte conclu un


certaln temps, aprs le contrat fait corps avec celut-c! : si les;parties
veulent modifier le contrat, elles n'ont qu' l'anantir et, en faire un
autre la place.

. ; . a) Cependant s'il s'agt d'un pacte ad minuendam, le dbiteur peut tou-


jours s'en prvaloir au moyen de l'exception paoti (PAPINIEN : p_. 18.1
72 et Constitution trs claire de MAXIMIEN : CJ 11.3,13,. ds 236 : "dans les
contrats de bonne foi, l'action du contrat ne sanctionne le pacte que
s'il est joint in continenti : le pacte qu'on a jug bon d'ajouter par
la suite ne fait natre aucune action, mais peut tre Invoqu par le
moyen d'une exception".

b) Enfin si l pacte est joint un contrat oonsensu, une interprtation


' .-plus favorable peut tre admise. Les contrats consensuels prsentent
en effet" cette particularit de se former "solo oonsensu" : ce que le
consentement a fait, le simple consentement, le simple pacte suffit
le dfaire (. 50.17-35). Le pacte joint ex intervalle un contrat
consensuel peut tre considr comme anantissant le contrat pour lui
en substituer un nouveau (PAUL _: D. 18.1-72, note sur Paplnlen "nova
emptio interoessisse videtur".

Cette solution n'est possible que si le pacte "rnov" le contrat :


Il faut en consquence que \e contrat n'ait encore reu aucun commen-
cement d'excution (rbus adhuo integris); M faut de plus que le pac-
. te modifie un lment essentiel du contrat (par exemple le prix dans
la vente); par contre le pacte qui modifie 'simplement les "adminiou-
la emptionis", par exemple la garantie, ne peut pas passer pour rno-
ver la vente.

2 - PACTES ADJOINTS
AUX CONTRATS DE DROIT STRICT

Les jurisconsultes ont prouv beaucoup de difficult faire


admettre qu'un pacte puisse tre considr comme l'annexe d'un contrat de
droit strict. Joint un contrat de droit strict, le pacte ne peut gure
189

bnficier que des dispositions gnrales de Ildt relatif aux pactes : si


le pacte est ad minuendam, le dbiteur pourra s'en prvaloir, en opposant
i ^exoeptio paoti.

Mais le pacte ad augendam tait en principe sans valeur : solu-


tion rigoureuse qu'il a t impossible d'amender en ce qui concerne les pac-
tes joints ex intervalle. Par contre la jurisprudence est arrive parfois
faire flchir les principes, en ce qui concerne les pactes joints in con-
tinenti, soit au mutuum, soit une stipulation.

a) En matire de mutuum :

Les pactes ajouts au bas d'un acte de prt ne sont pas tous valables :
si la clause concerne l'objet mme du contrat, modifie l'tendue de l'o-
bligation, elle est sans valeur. Celui qui a emprunt 100 ne peut pas,
par une clause, s'engager rendre 110. Si le crancier dsire toucher
des Intrts en plus du capital, Il faudra recourir un contrat verbis
en bonne forme, une stipulation d'intrts. Par contre si le pacte
concerne une modalit, on peut le considrer comme Incorpor dans la con-
vention de prt : si par exemple on joint au mutuum un pacte ad minuen-
dam accordant au dbiteur de se librer par des versements successifs,
le crancier commettrait une plus L-etitio en rclamant le remboursement
du capital en une seule fois. Le pacte tablissant la solidarit entre
co-emprunteurs (pacte ad augendam) permet au crancier d'agir pour la
totalit contre l'un des dbiteurs (D. 46-1-71 - itp ?).

b) En matire de stipulation :

Un texte clbre de Paul (D. 12.1-40 : la loi leota, qui est une orux
juvis) parle d'une affaire qui fut porte devant: Papinien, prfet du
prtoire. Par stipulation, un dbiteur avait promis le remboursement
d'un capital telle date, et en cas de non paiement cette date des
Intrts 1 % par mois. Puis sous, les stipulations, l'acte crit men-
tionnait un pacte, accordant au dbiteur la facult de se librer en 50
versements mensuels de 300 deniers. Le dbiteur n'avait rien pay. Si
l'on s'en tenait aux stipulations, Il devait les Intrts sur l'ensemble
du capital partir du jour du prt. Par contre Paul soutient que le
pacte a transform le contrat en une stipulation de 50 mensualits et
que les intrts ne sont ds que pour chacune des mensualits non payes.
Le texte attribue Paul le principe gnral "le pacte joint in continen-
ti une stipulation est cens en faire partie". M est peu vraisembla-
ble que Paul ait soutenu pour la stipulation une doctrine qui n'tait
admise de son temps que pour les contrats de bonne foi. Le texte est
trs suspect : cf. RICC0B0N0 : "Stipulatio et instrumentum", Z.S.S.43 1922
P.345, et R0USSIER : "Le pacte adjoint in continenti la stipulation"
In "Studl Bett" 1962, IV p. 3.
190

SECTION II : LES.PACTES PRETORIENS :

Le prteur a souvent pourvu les pactes d'effets positifs. Nous


ne parlerons pas Ici des pactes prtoriens gnrateurs de droits rels (pac-
tes de servitudes, pactes constitutifs d'hypothques) et n'envisagerons que
les pactes susceptibles de faire natre des obligations.

i' A un certain moment les pactes de ce genre ont d tre fort nom-
breux : peu peu leur nombre s'est trouv rduit, parce que beaucoup de
ces pactes ont t rigs la dignit de contrats. Des oprations comme
le dpt, le commodat ont d'abord t des pactes, sanctionns par le pr-
teur au moyen d'actions in faction avant de devenir des contrats munis d'ac-
tions in jus et de bonne fol (GATUS IV.47). Les contrats Innoms ont t
des affaires sanctionnes par le prteur avant de devenir des contrats.
Sont restes pactes prtoriens les oprations suivantes :.:

1 - LE PACTE DE SERMENT

Dfinition :

Deux personnes entre lesquelles s'est lev un diffrend peuvent


y mettre fin en recourant spontanment un serment : vous prtendez que
je vous dois 10, mon avis je ne vous dois que 5; mais si vous jurez que
je vous dois 10, je ne discuterai plus et vous paierai les 10.

Rien n'obligeait les parties terminer ainsi leur diffrend :


elles auraient pu faire un procs. Elles ont prfr recourir cet arran-
gement amiable : elles ont fait entre elles une convention, un pacte, aux
termes duqueL elles dclarent s'en remettre au serment..

Le serment, qui est prt la suite de ce pacte est volontaire,


ou conventionnel. Il faut bien se garder de le confondre avec le serment
ncessaire que la procdure romaine prvoit dans certaines actions (comme
la oondiotio oertae pecuniae) : le serment ncessaire est un procd admis
dans .certaines actions pour terminer rapidement le procs : le demandeur a
la facult dans certaines actions de dfrer le serment, in jure, son ad-
versaire, qui doit alors jurer ou rfrer le serment. A la diffrence du
serment ncessaire, le serment volontaire : 1) suppose un accord pralable
des parties; 2) peut Intervenir dans toutes sortes d'affaires (litiges por-
tant sur des crances ou des droits rels); 3) ne ncessite; pas la prsen-
ce du magistrat; ce serment pegt se faire avant tout procs pour l'viter,
ou au cours d'un procs alors qu'il s'agit d'une action qui ne comporte pas
l'emploi du serment ncessaire, et c'est alors une faon de terminer rapi-
dement l'affaire; 4) enfin le serment volontaire produit des effets qui
sont dtermins par la convention des parties et sanctionns par le prteur.
. 191 .

Effets :

Quand le serment est prt la suite d'un pacte de serment, ce-


lui qui l'a dfr est-II oblig de respecter les engagements qu'il a pris ?
Il s'est engag par un simple pacte et l'on sait que "jure civili", le sim-
ple pacte n'a aucune valeur juridique.

Il a fallu une Intervention du prteur pour rendre efficace le


pacte de serment : deux sanctions prtoriennes sont mises, selon les cas,
la disposition de celui qui a jur.

1/ Sanction ngative :
exoeptio paati conventi :
On emploie cette sanction lorsque le pacte doit produire un effet
ngatif : une personne s'est engage ne plus rien rclamer, si son ad-
versaire jure qu'il ne doit rien. Si cette personne, malgr le serment
prt par l'autre partie, persiste dans sa prtention et exerce une ac-
tion en justice, son adversaire lui opposera l'exception de pacte.

2/ Sanction positive :
action gusQurandi :

Cette action prtorienne sanctionne le pacte qui produit un ef-


fet positif : une personne s'est engage donner satisfaction son
adversaire si celui-ci affirme sa prtention sous serment. . SI cette
personne, malgr le serment prt par son adversaire, persiste ne pas
payer, on pourra la contraindre excuter ce qui tait convenu, en exer-
ant contre elle l'action g'usg'urand-i (ou de jureg'urando) : action prto-
rienne in faotvm. Cette action ne fait pas disparatre celle qui, nor-
malement, pouvait tre exerce pour faire valoir la prtention contes-
te : celui qui a jur a le choix entre les deux actions.

Ainsi une personne n'arrive pas se faire restituer une chose


dont elle se dit propritaire. Le possesseur de la chose lui propose
cet arrangement : "si vous jurez que vous tes propritaire, je vous
rends la chose". Le propritaire jure et n'obtient pas de restitution.
Il peut exercer soit la revendication, soit l'action jusj'urandi. Ou
bien, une contestation s'lve propos d'un prt : le dbiteur propo-
se de faire un pacte de' serment; le crancier jure et n'obtient pas paie-
ment. Il peut agir "ex mutuo" (par oondiotio) ou en vertu du serment par
l'action gusg'wandi.

Il est beaucoup plus avantageux d'employer l'action gusgurandi :


le demandeur n'a pas besoin de prouver l'existence du droit contest
(proprit ou mutuum par exemple) : la formule de cette action demande
simplement au juge de constater si le demandeur a jur la suite d'un
pacte : "an ex.paoto aotor guraverit"; et cela suffit pour condamner le
dfendeur. Celui-ci n'a pas la facult de prtendre que son adversaire
a fait un faux serment; il. doit respecter l'arrangement tel qu'il l'a
consenti.
192 .

Mais comme beaucoup d'actions prtoriennes, l'action jusQicmndi


se prescrit vite : elle est donne "intra annum". Au bout d'un an ce-
lui qui a jur ne peut plus exercer l'action jusjurandi, mais II peut
encore faire valoir l'action qui sanctionne normalement le droit contes-
t.

Droit de Justinien :

Les rformes procdurales ralises par Justinien ont rduit le


domaine d'application du pacte de serment. Dans le droit de Justinien,
quel que soit l'action que l'on intente, on peut toujours, devant le Tri-
bunal, dfrer le serment son adversairee-f-ce I u i-c l est alors forc de
jurer ou de rfrer le serment. Tout serment dfr au cours d'un procs
devient, dans le droit de Justinien, un serment ncessaire : le pacte de
serment ne peut.ds lors tre employ qu'avant tout procs, et le serment
volontaire qui l'accompagne ne peut plus tre qu'un serment extra-judiciai-
re.

_2 - LE CONSTITUT

Le constitut est un pacte par lequel une personne s'engage pa-


yer une dette qui existe dj, la sienne ou celle d'autrul. Justinien y a
vu surtout un mode de cautionnement comparable au cautionnement par stipu-
lation, mais plus commode, parce que non formaliste : ce qui l'amena mo-
difier profondment l'Institution par une constitution de 531 (C. 4.18-2)
(cf. ROUSSIER : "Le Constitut" 1958).

M QCi9iD_du_dfoJ_t_cj.auJ.qe :

C'est I'origine un pacte qui Intervient en matire de prt


: d'argent (mutuurn) et par lequel l'emprunteur prend l'engagement ferme
de remboursera telle date : "constituere diem" signifie "fixer une da-
te". SI au jour convenu le dbiteur n'a pas pay, l'dit du prteur pr-
voit contre lui une action de constitutive peounia constituta) calque
sur la oondiot-io (l'action civile qui existe en cas de mutuvm), mas plus
svre que celle-ci.

Ainsi valid par le prteur, le constitut reut de nombreuses


applications :

1) Constitut debitir proprii : constitut de sa propre dette.

a) Faon d'accorder I'emprunteur un dlai de grce : c'est l'hypo-


thse envisage par la "Paraphrase" de Thophile;(4.6.68) pour jus-
tifier la svrit de l'action de constitut : le,dbiteur ne mrite
193 .

aucune indulgence s'il manque de parole aprs avoir obtenu un d-


lai. Cette explication - tardive - ne correspond probablement pas
aux raisons qui ont conduit le prteur crer l'action de consti-
tut : Roussier (op. cit. p. 43) parle de la "fable raconte par
Thophile".

b) Le constitut a surtout pour fonction de procurer au crancier un


droit ferme, difficilement contestable, muni d'une sanction dont
la svrit Incite le dbiteur se montrer ponctuel.

c) Ce peut tre aussi une faon de faire bloc de diverses dettes : le
paiement de la somme globale est assur par un constitut.

d) Le dbiteur peut s'engager payer entre les mains d'un tiers : le


caractre classique de ce constitut au profit d'un tiers a t con-
test mais il en est dj question chez Cicron (cf. ROUSSIER : op.
cit. p. 80).

2) Constitut debiti alieni :

Le constituant est Ici une personne qui s'engage envers le cran-


cier de Tltus, lui payer ce que lui doit celui-ci : il prend ainsi
sa charge la dette de Titius - mais ce peut tre aussi une faon de
cautionner Titius (D. 13.5.5.3 : caractre classique discut).

Conditions de validit

1) A l'origine le constitut ne pouvait avoir pour objet qu'une somme


d'argent : mais le mot peounia employ dans l'dit a reu une inter-
prtation large et peut dsigner toutes les choses fonglbles qui peu-
vent faire l'objet d'un mutuum.

2) Il faut qu'une dette existe et soit valable : par constitut on fixe


un jour pour le paiement d'une dette, encore faut-il qu'il y ait une
dette ! Le Digeste prcise que cette dette peut tre pure et simple
ou conditionnelle, civile ou mme simplement naturel le (les glossa-
teurs ont bti l-dessus leur thorie des "pactes gmins"; deux pac-
tes successifs font natre une obligation valable; du premier rsulte
une obiigation naturel le (d'aprs les glossateurs, mais c'est Inexact !)
et le second est un constitut. . En cas de constitut de la dette d'au-
trui, le constituant peut se prvaloir des moyens de dfense et excep-
tions que le dbiteur aurait pu opposer.

3) Enfin le constitut doit comporter un terme fix entre parties pour le


paiement.
. 194 .

Effe.t :

L'obligation qui dcoule du constitut est sanctionne par une ac-


tion prtorienne, in factum, l'action de constitut {de peounia oonstitu-
ta) qui prsente les caractristiques suivantes :

a) Calque sur la oondiotio aevtae pecimiae, elle comporte une pnalit


pour le dbiteur qui perd le procs : cette pnalit rsulte d'une
sponsio que les plaideurs font au dbut du procs, devant le magis-
trat : dans la oondiotio la pnalit tait du tiers {spmnsio tertiae
partis); dans l'action de constitut, le prteur l'a porte la moi-
ti {sponsio ditnidiae partis) : autrement dit, si le constituant pour-
suivi perd le procs, il doit payer 50 % en plus de ce qu'il doit <GA-
TUS IV.171) : il a le plus grand intrt remplir ses engagements et
s'abstenir de chicaner !

b) Calque sur la oondiotio, le constitut donne au crancier la facult


de terminer rapidement le procs en dfrant le serment au dfendeur
(serment ncessaire in jure, affirm en matire de constitut par D.
12.2.14). Si le crancier use de cette facult, iI se gardera bien
de faire la sponsio dimidiae partis car cela l'exposerait payer 50 %
de sa prtention son adversaire, si celui-ci jure qu'il ne doit rien

c) L'action de constitut est annale et Intransmissible passivement, com-


me le serait une action pnale : sans tre vraiment pnale, cette ac-
tion a une certaine coloration pnale.

d) A l'poque classique, le constitut ne produit pas novation : n'teint


jamais la dette antrieure. Le crancier peut, s'il le prfre, se
servir de l'action qui sanctionne la dette antrieure : et c'est elle
seule qui subsiste quand s'est coul le dlai d':uri an prvu par l'ac-
tion prtorienne.

Droit de Justnien :

Justnien a fait du constitut un procd commode de cautionnement.

1/ Le constitut peut avoir pour objet tout ce qui pourrait faire l'objet
d'une stipulation. La constitution de 531 qui supprime l'action re-
oeptioia, donne au constitut un domaine d'application aussi large que
celui qu'avait le receptvm argenterii. Au Digeste, les textes relatifs
ce roeptwn sont passs au compte du constitut (D. 13.5-12, 26, 27
et 28).
195 .

2/ La fixation d'un jour pour l'excution n'est pas Indispensable :


dfaut de terme prvu dans le pacte, le constituant jouit d'un dlai
de 10 jours.

3/ Les svrits de l'action de constitut ne se justifient plus lorsqu'il


s'agit d'un cautionnement : la pnalit de 50 % disparat; il semble
bien que Justinieri ait voulu en faire une action transmisslble et per-
ptuelle (^ ht. 2.1).

4/ Le bnfice de division est tendu aux cautions engages par consti-


tut (ht. 3).

5/ Le constitut (pas plus qu' l'poque classique) ne produit novatlon :


pour faire novation, il faut une stipulation. Mais dans le systme
de Justinen, si les parties ont l'intention de nover, Il est proba-
ble que le constitut teindra la dette ancienne, par le dtour d'une
exception de pacte.

3 - LE RECEPTUM

Sous le titre "De reaeptis" le prteur avait runi dans son dt


des dispositions concernant des situations qui, premire vue, ne parais-
sent avoir entre elles aucun rapport. On y trouve trois sortes de "reoep-
ta" : celui de l'arbitre, celui des bateliers, aubergistes et loueurs d'cu-
ries, enfin celui des banquiers.

Ce sont l fonctions et mtiers sur lesquels le prteur exerce un


contrle.

Le terme receptwn dsigne probablement un lment commun ces si-


tuations si diverses, mais on est loin d'tre d'accord sur cette notion de
recipeve. Pour les uns (Andt) ce serait le fait de recevoir quelquechose
(marchandises transporter, bagages et chevaux des clients) ou une mission
(arbitre), tandis que pour d'autres (Mnager), cela signifierait "prendre
l'engagement de faire quelque chose", explication qui parat beaucoup plus
acceptable.

A/ Receptum cbitvii :

Lorsque deux personnes dcident de s'en remettre la dcision


d'un arbitre qu'elles ont choisi et qui a accept de remplir cette fonc-
tion, diffrents rapports de droit s'tablissent, d'une part entre les
parties, et d'autre part entre les parties et l'arbitre.
.196 .

Entre les parties, Il y a un compromis dont il sera question


plus loin ("Pacte lgitime").

D'autre part, l'arbitre, en acceptant la mission que les parties


lui ont demand de remplir, se trouve oblig envers elles la mener
bonne fin : son gard, il y a rception : c'est le rception arbitrii..

Le prteur sanctionnait cette obiigation, non au moyen d'une ac-


tion en justice, mais par voie de contrainte administrative qu'il exer-
ait sur l'arbitre, en vertu de son imperivm : le prteur pouvait lui
infliger une amende {muleta), ou procder une "prise de gage" sur ses
biens.

B/ Recevtum nautarum. cauponum. stabuliarorum :


= = S = 8 3 S 3 3 S S S S a a ' 3 S 3 B = S S S ' 3=3SE3E3: = S 3 C S S 3 f 3 = : r : 3 2

En vertu des dispositions de l'dit, les bateliers taient res-


ponsables des marchandises charges sur leur navire, les aubergistes,
des bagages apports par leurs clients dans leur tablissement, enfin
les loueurs d'curies, des btes que leurs clients logeaient dans leurs
curies.

Dans toutes ces hypothses, il y a rception : bateliers, aubergis-


tes ont pris l'engagement que les choses de leurs clients seraient con-
serves en bon tat : "quod salvum fore receperunt'Met cette obligation
est sanctionne au moyen d'une action prtorienne in faction l'action
recepticia.

On peut se demander pourquoi le prteur s'est souci d'organiser


cette action, alors que les clients pouvaient exercer l'action rsultant
du contrat de louage. Mais le rception impose aux bateliers, aubergistes
et loueurs d'curies une responsabilit contractuelle bien plus tendue
que celle qui rsulterait d'un contrat de louage : dans le louage la res-
ponsabilit se fonde sur la faute. En matire de rception fonctionne une
responsabilit objective, sans faute ("s-ne culpa", dit un texte du Di-
geste 4.9.3.1 ) : bateliers, aubergistes, etc. sont, sauf force majeure,
responsables de tout ce qui peut arriver aux choses que leurs clients leur
remettent : ils rpondent non seulement du vol, mais mme des dommages (1)
commis par des tiers trangers au navire ou l'tablissement (2).

(1) Cela va plus loin que la responsabilit dite de la custodia, qui ne


semble pas comprendre les dommages causs par des tiers (JULIEN : JD.
13.6.19 et 19.2.41).
(2) Ne pas confondre cette responsabilit contractuelle dcoulant du rcep-
tion avec la responsabilit quasi-dlictuell que l'dit tablit la
charge des bateliers, en cas; de vol commis par leurs prposs (escla-
ves ou libres) : l'action pnale est donne contre les exercitores com-
me s'ils taient les auteurs du dlit (D. 17.5.1).
197 .

Dans la Compilation de Justinien, le contrat qui lie les bate-


liers, aubergistes etc. leurs clients parat bien tre un louage :
mais le louage aboutit un systme anormal de responsabilit, systme
tabli par le prteur dans l'intrt du public, lorsque ce contrat est
conclu avec des bateliers, aubergistes, etc., individus suspects, capa-
bles de s'entendre avec des voleurs pour dvaliser leurs clients. Ce
sont l des explications imagines par les juristes de la Basse-Epoque
qui ne comprenaient plus rien au reaeptum classique. Les recherches
entreprises par De Robertis {"Reoeptum nautarum" 1952) puis par Mnager
("Naubum et reaeptum" RHD i960, 177-213 et 385-411) nous permettent de
mieux comprendre ce qu'tait le reoeptwn dans I'dt du prteur. Cet
dit ne parlait que des nautae (bateliers) : l'extension du rception aux
aubergistes et loueurs d'curies s'est faite une poque plus ou moins
tardive. A l'origine, Il s'agissait d'un contrat de transport maritime,
inspir de la pratique grco-orientale, et prsentant cette particulari-
t que le transporteur garantissait le chargeur contre tous les risques
y compris ceux de la navigation. Valid par le prteur, ce contrat exis-
tait ct du contrat civil de looatio, qui en matire de transport ma-
ritime, ne donnait pas au chargeur les mmes garanties, mais lui cotait
moins cher.

Le fait que I'dit ait employ le mot nautae indique qu'il est as-
sez ancien, remonte au temps o le commerce maritime de Rome ne connais-
sait pas encore de grands navires frts par de riches exercitores. Lors-
que ceux-ci sont devenus puissants, ils obtinrent un adoucissement du re-
oeptwn, avec l'exception dite Labonlenne, qui les dcharge des risques
de la navigation.

C/ Reoeptum _argentari' :

C'est un pacte par lequel un banquier iargentarius), sur la de-


mande de son client, consent payer un tiers une valeur dtermine.

Le reaeptum des banquiers est un mode de cautionnement : une per-


sonne qui,, pour traiter une affaire, a besoin de crdit, donne la garan-
tie de son banquier. C'est une bonne garantie : le banquier est d'ordi-
naire un homme connu et solvable.

Comme le constitut debiti alieni, le reoeptum est un mode de cau-


tionnement non formaliste : mais il diffre du constitut bien des gards

1) Le reoeptum est particulier aux banquiers.

2) Tandis qu' l'poque classique le constitut ne peut avoir pour objet


qu'une oerta peounia (argent ou choses fongibles), on peut garantir
par rception les dettes les plus varies : dans l'Antiquit en effet
les banquiers faisaient des oprations qui pouvaient porter sur tou-
tes sortes de choses.
198 .

3) L'engagement du banquier a un caractre abstrait : Il vaut par lui-


mme, Indpendamment de l'obligation contracte par son client. Le
banquier peut donner sa garantie avant que son client ait contract
la dette; trs souvent, c'est la garantie donne par le banquier qui
permet au client de traiter l'affaire qu! le rendra dbiteur. Que
la dette du cl lent soit valable ou non et que ce client ait ou non
un dpt chez le banquier, celui-ci est tenu en vertu du receptum.
Le banquier se trouvait, avec le reaeptum, dans une situation compa-
rable celle d'une personne qui, de nos jours, accepte une lettre
de change.

4) Enfin I'action recepticia qui sanctionne le receptum ne prsente pas


les.caractristiques trs particulires de l'action de constitut ...

C'est, comme l'action de constitut, une action prtorienne, in


factum, mais elle est perptuelle, transmsslble contre les hri-
tiers, ne comporte pas la pnalit de 50 % ni le serment ncessaire.

Une question trs discute est de savoir qui peut intenter con-
tre le banquier l'action receptici-a. Il ne semble pas que l'action
puisse appartenir au tiers crancier, car ce n'est pas avec lui que
le banquier a conclu le receptum, mais avec son client : c'est donc
celui-ci qul: doit pouvoir agir en excution du pacte. Mais si le
crancier n'a pas d'action contre la caution, ce cautionnement est
Illusoire. On peut supposer qu'iI y aurait le un engagement par
promesse unilatrale du banquier (cf. HILAIRE : RHD 1959)', ainsi
oblig envers le tiers crancier.

Le reaeptum des banquiers a t supprim par Justnien : conser-


vant le constitut, il a transport au profit de celui-ci certains
avantages que prsentait le receptum (action perptuelle, transms-
slble, possibilit de garantir des dettes portant sur toutes choses)!

Justnien (_. 4.18-21) dclare qu'il a aboli le receptum des


banquiers " cause de son formalisme archaque". Cette singulire
affirmation a induit en erreur beaucoup de romanistes qut ont cher-
ch quelles pouvaient bien tre les "formalits" du receptum; en r-
alit le receptum est un pacte qui ne comporte aucune solennit. Com-
ment Justnien a-t-II t amen commettre une telle erreur ? Le re-
ceptum des banquiers n'tait pas entr dans les usages des orientaux :
les compilateurs le connaissaient mal. Le fait que le banquier puis-
se tre tenu, alors mme que la dette de son client n'est pas vala-
ble, les a choqus. Le caractre abstrait de l'engagement se rencon-
tre dans les vieux actes solennels, et c'est sans doute cela qui a
conduit les compilateurs se figurer que le receptum tait un vieil
acte formaiiste.
199

SECTION III : LES PACTES LEGITIMES

Les constitutions Impriales ont, la Basse Epoque, sanctionn


divers pactes, que l'on a couturty pour cette raison, d'appeler pactes l-
gitimes. La sanction qu'accordent les empereurs en pareiI cas est une con-
detio, dite oondiotio ex leg, parce qu'elle dcoule des constitutions Im-
priales, alors appeles leges.

i_L " PACTE DE COMPROMIS

A l'poque classique, la convention par laquelle deux personnes


s'engageaient excuter la dcision qu'allait prendre l'arbitre choisi par
elles, prenait force obligatoire au moyen d'une stipufa&Wtipenae (promesse
d'une somme d'argent au profit de la partie adverse, au cas o l'on ne res-
pecterait pas l'arbitrage).

Une constitution de Justinien, de 529 (C. 2.55-4) oblige les par-


ties respecter le pacte de compromis, si elles l'accompagnent d'un ser-
ment : mais la Novehie 82 vint Interdire l'emploi du serment. D'aprs une
constitution de 530 le compromis a force obligatoire si les parties donnent
leur adhsion crite la sentence prononce par l'arbitre ou ne l'attaquent
pas dans le dlai de 10 jours (C. 2.55-5).

\
2 - PACTE DE DONATION / ^> V ^ B U C T r ^ G U t
t

. ; \ , _ W 'P^'l CO-..L'NFr .. " *


. Principes gnraux : '-,

Il n'existait pas en droit romain un acte juridique spcialement


organis en vue de raliser des donations. La donation pouvait se faire
en utilisant toutes sortes de formes juridiques quii pouvaient tout aussi
bien tre employes pour des actes titre onreuxJ Tout au plus peut-on
signaler que la mancipation faite en vue de raliser une donation ne com-
porte pas l'indication d'un prix vritable et se fait "nvonrno uno". Enco-
re n'est-ce pas la un signe distinctif de la donation, car la mancipation
se fait aussi, "nwrvno uno" dans des oprations qui i)e sont pas des donations,
par exemple en matire de fiducie. On peut faire une donation par tradi-
tion ou en consentant devenir dbiteur par stipulation ou par contrat
litteris ou en faisant gratuitement une remise de dette par aooeptilatio
etc ...

Ce qui caractrise la donation, ce n'est pas la forme de l'acte


juridique que l'on emploie, mais le fait que cet acte est accompli "donan-
di animo", dans une intention librale.
. 200 .

Les donations n'en constituent pas moins une catgorie juridique


particulire : elles obissent des rgles qui leur sont propres.

1) La loi Cinaia (204 av. JC) avait prohib les donations Importantes,
sauf entre certains proches parents. Tant que la donation prohibe
n'tait pas excute, le donateur pouvait refuser de remplir sa pro-
messe de donation en opposant l'exception de la loi Cinaia. Mais une
fols qu'il avait excut, le donateur ne pouvait revenir sur ce qu'il
avait fait : la oondiotio lui tait refuse.

2) Les donations entre poux talent Interdites et frappes de nullit,


en vertu d'une rgle tablie en coutume vers la fin de la Rpublique.

3) Le donateur bnficie de diverses rgles bienveillantes :

a. Bnfice de comptence :

SI la donation s'est ralise par un acte juridique qui rend le b-


nficiaire crancier du donateur (par ex. en vertu d'une stipulation)
on ne veut pas que le donataire, en faisant valoir son droit de cr-
ance, puisse imposer la contrainte par corps son bienfaiteur : le
donateur rie peut tre condamn que "dans la mesure de ses ressources".

b. SI la donation a t excute, le donataire ne peut pas Inquiter le


donateur, s'il est vinc par des tiers : le donateur ne garantit pas
le donataire contre l'viction. Le mancipans, notamment, ne doit pas
\}auotorita8 quand la manclpatlon est faite "raarmo tmo".

4) Les donations prsentent cette particularit qu'elles sont sujettes


r-ocatlon, dans diverses hypothses.

La rvocation peut tre obtenue par les proches du donateur, lors-


que la donation est "Inoffcleuse", c'est--dire contraire aux intrts
de I a fam111e.

La rvocation peut tre obtenue par le donateur lui-mme en cas


d'ingratitude grave du donataire.

5) Au Bas-Empire la lgislation Impriale s'est souvent occupe des dona-


tions. Sous Constantin, la prohibition rsultant de la loi fut
abolie, mais cet empereur prit des mesures de dfiance l'gard des
donations : on peut toujours craindre en effet qu'une libralit soit
le rsultat d'une extorsion, ou qu'elle ait pour but de raliser quel-
que dissimulation frauduleuse.

A l'poque de Constantin la validit des donations est soumise


des rgles svres : la donation n'est dfinitive que lorsque le dona-
taire a reu tradition de la chose donne. Cette tradition, si l'objet
de la tradition est un immeuble, devra se faire en prsence des voisins
pris tmoin. Les donations ncessitent la rdaction d'un crit, et
cet crit est soumis la formalit de l'Insinuation, c'est--dire de
l'enregistrement dans les aota publiaa d'un gouverneur ou d'un magis-
201

trat local. Ces exigences ne furent pas maintenues, sauf la formalit


de l'insinuation : les constitutions, insres au Code Thodoslen, en
parlent encore.

Justlnien se montra trs favorable aux donations, surtout lors-


qu'elles sont faites dans un but pieux ou charitable : ces sortes de
donations, comme aussi les donations ante nuptias et les donations
pour le rachat des captifs furent dispenses de la formalit de l'in-
sinuation. Pour les autres donations, Justlnien n'exigeait d'ailleurs
l'Insinuation que si'elles taient assez importantes.

La Constitution de 530 :

Enfin Justlnien donna pleine validit la simple promesse de do-


nation. Celui qui, sans employer de formalit, promet de donner, doit
excuter sa promesse : le lgislateur reconnat sa charge l'existence
d'une vritable obligation, sanctionne par une oondiatio ex lege. Cet-
te obligation est transmlssble activement et passivement.

Cette Innovation a t ralise par Justlnien en 530 par une cons-


titution insre au Code 8.53-35 et rsume dans ses Institutes 2-7-2.

D'aprs la doctrine traditionnelle, Il y aurait l un pacte sanc-


tionn par la lgislation impriale.: un pacte lgitime.

Depuis les recherches faites par Ph. Lvy sur la question (1), 11
semble qu'on doive apprcier tout autrement le sens et la porte de la
constitution de 530.

Doctrine traditionnelle
:S3B9===ss:

Nous exposerons d'abord la doctrine traditionnelle. Les romanis-


tes ont coutume de distinguer deux faons de faire une donation : par da-
tio ou par pvomissio.

Il y a atio lorsque l'acte juridique utilis procure Immdiate-


ment au donataire tout l'avantage qu'il peut tirer de la libralit : Il
a reu la chose donne, par mancipatlon, ou par tradition, ou bien un usu-
fruit a t tabli son profit par un acte rgulier, ou bien II profite
d'une remise de dette, que le donateur a consentie en sa faveur, ou se trou-
ve libr d'une de ses dettes parce que le donateur a pay sa place ou
bien s'est oblig sa place (donation par intevoessio).

(1) "Essai sur la promesse de donation", Ml. de Visscher RIDA 1949, pp. 91-
136.
202

Il y a promisaio quand le donateur, sans se dpouiller Immdia-


tement, promet de livrer plus tard la chose qui fait l'objet de la dona-
tion.
A l'poque classique, la promesse n'engageait juridiquement le
donateur que si elle prenait la forme d'un contrat susceptible de produi-
re une obligation : stipulation ou contrat litteris.

D'aprs la doctrine traditionnelle, la constitution de Justlnlen


aurait eu pour but de faciliter les donations en dispensant les parties
de toute formaiit : une simple convention sans forme (un simple pacte
conclu entre le donateur et le donataire) suffisait pour mettre la char-
ge du donateur une obligation juridiquement sanctionne au moyen d'une
oondiotio ex lege.

Justinien a sanctionn
une pollioitatio :
s s & ssks s a a B s a s a a B S Ss S
esi assois:

Ph. Lvy comprend tout autrement \a promissio dont II s'agit.


Jusqu' l'poque de Justlnlen, Il est trs rare qu'une donation mette
la charge du donateur une obligation : cela n'existait que dans l'hypo-
thse o une stipulation tait conclue entre le donateur et le donataire.
Or ce genre, de stipulation n'tait gure employ que dans des hypothses
particulires, quand une excution immdiate tait Impossible, notamment
lorsque l'objet de la donation tait une rente verser tous les ans. Nor-
malement la donation rsultait d'une promissio, manifestation unilatrale
de volont, qui n'engageait nullement le donateur : de sorte que la dona-
tion ne devenait dfinitive - perfeota - que lorsqu'elle tait excute.

Il est certain que c'est bien ainsi que les constitutions de Bas-
se Epoque prsentent les choses : la donation n'est perfeota qu' partir
du moment o le donataire reoit tradition de la chose donne. Tant que
la tradition n'est pas faite, la promissio est une simple pollieitatio,
qui laisse toujours son auteur la facult de se repentir.

C'est cette facult de se repentir que Justinien trouve scanda-


leuse. La constitution de 530 l'enlve celui qui a manifest la volon-
t de donner (rserv faite d'ailleurs de la formalit de l'Insinuation,
si la donation est importante).

Ce que Justinien a en vue ne serait donc pas un pacte : un pacte


est -une convention, un accord de volonts. Or Justinien ne s'occupe nul-
lement de savoir si la promesse est accepte par le donataire. Le texte
des Instittes s'exprime assez clairement : "perfioiuntur aum donator suam
voluntatem ... manifestaverit" : "les donations sont dfinitives quand
le donateur a manifest sa volont". Autrefois la donation n'tait per-
feota qu' partir de la tradition : avec la constitution de 530, la dona-
tion est parfaite ds que la volont de donner a t exprime.
. 203 .

SI nous admettons cette Interprtation, ce n'est pas un pacte


que Justlnien a sanctionn, mais une poll-ioitatio, et la constitution
de 530 sur les promesses de donation devrait tre tudie, non pro-
pos des pactes lgitimes, mais parmi les cas o la pollioitatio suffit
obliger son auteur.

Cette nouvelle doctrine rend bien compte de l'tat du droit avant


Justlnien et parat justifie par les termes dans lesquels Justlnien s'est
exprim. Nous ne ferons qu'une objection : les Institutes comparent la
promesse de donation la vente {ad exemplum venditionis) : ce qui voque
l'ide, non d'une poilictation, mais bien plutt d'un contrat qui se con-
clut "solo oonsensu".

3 - PACTE DE DOT

Pour s'engager remettre une chose titre de dot, Il n'est pas


besoin d'employer la stipulation ou la diotio dotis : un pacte suffit et
il est sanctionn par la oondiotio ex lege, en vertu d'une constitution de
Thodose II de 428.

CHAPiIBE_CINQUiEME_: LES CONTRAIS INNOMES

Thorie
des contrats Innoms
SSSS3SSDS3SSSB-SSSS5

L'tude des contrats Innoms se rattache celle des pactes : ce


sont des pactes bilatraux. Le Digeste contient un titre qui les concerne
(19.5 : "De praescriptis verbis vel in faction actiorvibus"). Mais c'est sous
le titre des Pactes (D_. 2.14-7) que nous trouvons expose la thorie gnra-
le des contrats Innoms.

Ce texte, qui provient d'Ulpien, s'exprime ainsi :


"Les conventions du jus gentivan (les pactes) font natre les unes
des actions, les autres des exceptions. Celles qui font natre des
actions ne conservent pas leur nom de conventions, mais prennent le
nom particulier de quelque contrat comme vente, louage, socit,
commodat, dpt ou de tous autres contrats. Cependant si l'affai-
re ne prend pas figure de quelque contrat, et si une prestation a
t excute, Ariston dans une consultation adresse Celsus a d-
clar qu'il y avait une obligation : comme par exemple si je vous
ai donn une chose pour que vous me donniez en retour autre chose,
ou si je vous ai donn une chose pour qu'en retour vous me rendiez
. 204

un service : c'est ce qu'on appelle un synallagma, et de l


dcoule une obligation reconnue par le jus civile".

Le texte nous apprend ensuite qu'en pareil cas II y a bien un


contraction et que l'obligation qui en dcoule est sanctionne par une ac-
tion du jus civile, appele "action praescriptis verbis".

Terminologie

Le texte n'emploie pas, comme on peut le constater, l'expression


"contrat innom" : ces pactes bilatraux, Ulpien la suite d'Ariston, les
appelle d'un mot grec synallagma. Cependant l'expression "synallagma Inno-
ms" figure dj dans un commentaire byzantin du VI 0 s. et le terme "con-
trats innoms" est traditionnellement employ depuis les glossateurs. Il
se trouve d'ailleurs justifi par le texte mme d'Ulpien, qui oppose les
synallagma aux conventions "qui prennent le nom particulier d'un contrat".

Il importe de remarquer qu'il est encore question eh Droit Civil


moderne de contrats Innoms : l'article 1167 distingue "les contrats qui
ont une dnomination propre et ceux qui n'en ont pas". Mais cela n'a rien
de commun avec la thorie romaine des contrats Innoms : le lgislateur mo-
derne oppose simplement les contrats qui ont fait l'objet de dispositions
particulires dans le Code Civil ceux qu'il n'a pas pris le soin de rgle-
menter de faon particulire : mais les uns comme les autres se forment de
la mme faon, par l'accord de volont.

Comparaison
vec_J,es_ontrats=,re

En droit romain, au contraire, les contrats Innoms se forment


d'une^faon particulire : ces pactes ne deviennent contrats et ne sont mu-
nis de sanction qu' partir du moment o l'une des parties excute sponta-
nment la prestation convenue.

Comme les contrats re, les contrats innoms ont besoin, pour se
former, de la ralisation d'un fait matriel : le fait qu'une prestation a
t effectivement fournie.

La comparaison avec les contrats ve ne doit pas d'ailleurs tre


pousse plus loin : les contrats innoms appartiennent une conception r-
aliste du droit, mais ne se confondent pas avec les contrats Te.

IKDans les contrats>e, celui qui a reu une chose doit restituer cette
ichosef0U: son quivalent, tandlsicjue, dans les contrats Innoms, celui
qui bnficie de la prestation effectue par son partenaire doit non pas
-. restituer mais excuter son tour la contre-prestation prvue sa char-
ge.
205

2) Dans les contrats re, l'lment "rel" consiste en un transfert de la


proprit ou de la possession d'une chose corporelle. Dans les contrats
innoms, la prestation qui valide la convention peut tre un dore (un
transfert), mais aussi un foere (un service).

Classification

Les textes de la Compilation distinguent deux sortes de presta-


tions qui peuvent faire l'objet d'un pacte synallagmatique : dare et faoere.
Dare, c'est remettre une chose corporelle; faoere, c'est rendre un service.

Cela permet de classer les contrats innoms en 4 catgories :

1. Do ut des : je vous donne une chose, pour que vous m'en donniez une autre.

2. Do ut facias : je vous donne une chose pour que vous me rendiez un servt-
ce.

3. Fado ut faoias : service contre service.

4 Faoio ut des : je vous rends un service pour que vous me donniez une cho-
se.

Il serait videmment possible de faire entrer dans ces cadres tous


les contrats synallagmatiques, mme ceux qui sont "nomms" : mais cette clas-
sification n'est utilise que pour les conventions synallagmatiques qui n'en-
trent pas dans les cadres des contrats connus et nomms. Ces conventions
sont en nombre Illimit : la pratique peut toujours Imaginer de nouvelles
oprations qui entrent dans l'une des quatre catgories que nous venons de
dfinir.

Nous sommes par consquent Ici en prsence d'un principe d'une por-
te gnrale : toute convention synallagmatique que le droit n'a pas dj
rige en contrat devient un contrat efficace et valable ds que l'une des
parties excute.

La thorie des contrats innoms n'a pris cette forme dogmatique


et gnrale qu' la Basse Epoque : elle a t labore par les compilateurs
en utilisant des matriaux dj prpars par la jurisprudence classique.

1 - ORIGINE ET HISTOIRE
DES CONTRATS INNOMES

L : i atJ i on = eD I .restitution_(gwdietio) :
Lorsqu'une datio est fate en vue d'obtenir une contre-prestation,
s! celle-ci n'a pas lieu, l'Individu qui la datio a t faite et qui ne
donne rien en retour s'enrichit injustement.
206

Les romains ont rapidement compris qu'il serait quitable de con-


traindre cet individu restituer ce qu'il a reu.

Se plaant, non pas au point de vue:contractuel, mais au point


de vue quasircontractueI de l'enrichissement injuste, les romains ont
d'abord song, dans le cas d ' une datio , accorder autans une action en
restitution, une condictio . I I est question de cette condictio dans de
nombreux textes de la Compilation, qui lui donne tantt le nom de "con-
dictio ob rem dati", tantt celui de "condictio causa data causa non se-
cuta", ce qui signifie : "action en rptition de ce qu'on a donn en vue
d'une chose (qu'on n'a pas obtenue)" ou "action en rptition, une chose
ayant t donne et la prestation espre ne s'en tant pas suivie".

Cette action en restitution existait sans doute dj ds la fin


de l'poque rpublicaine. Mais son domaine tait assez limit. On pou-
vait l'Intenter pour reprendre ce qu'on avait donn, mais on- n pouvait
pas "reprendre" un service qu'on avait rendu : "nemo potest condicere
factum", on ne peut pas demander restitution d'un facve . Les romains
ont fini par admettre en pareil cas la possibilit de rclamer un ddom-
magement, mais ce recours n'a commenc tre connu que vers la fin du
Premier Sicle (sous Trajan) sous le nom d'action civilis incerti et pren-
dra la Basse Epoque celui de condictio incerti.

L'action en excution

La condictio aboutit un rsultat peu satisfaisant. Nous conve-


nons d'changer mon boeuf contre vos deux moutons : je vous donne le boeuf
et vous gardez vos moutons. Avec la condictio je peux reprendre le boeuf
(ou plutt sa valeur), mais je n'obtiens pas les moutons : or si j'ai con-
venu avec vous de cet change, c'est que je n'ai que faire de mon boeuf et
que j'ai besoin des deux moutons. Pour que j'obtienne satisfaction, Il
faudrait que je puisse vous contraindre excuter la convention et me
fournir ls moutons.

Cette action en excution, nous la trouvons dans les textes du Di-


geste o elle porte le nom d'action "prascriptis verbis" : on la prsente
tantt comme .tant une action in factum, tantt comme tant une action ci-
vile, incerta et de bonne foi. Certains textes la qualifient mme d'action
"civilis in factum". Il n'est pas possible que des jurisconsultes classi-
ques aient tenu ce langage : l'poque classique, si une action est civi-
le, elle ne peut pas tre in factum; si elle dcoule du jus civile, elle
ne dcoule pas du droit prtorien; si sa formule est rdige dans les ter-
mes du jus civile avec un oportere, elle n'est pas in factum. Les juris-
tes de la Basse Epoque, qui ne voyaient plus fonctionner sous leurs yeux
la procdure formulaire, n'attachaient plus le mme sens ces expressions
techniques : pour eux, une action in factum est une action que l'on donne
en dehors des cadres prvus, pour combler des lacunes : si la lacune est
comble par le jus civile, l'action civile est tout de mme, leurs yeux,
une action in factum.
. 207

Le sens que ces expressions prennent dans certains textes du Di-


geste dcle l'Intervention des juristes de Basse-Epoque : les textes
sur l'action en excution des contrats innoms ont t trs fortement
Interposs. Aussi est-il bien difficile de retracer l'histoire de cet-
te action et de dterminer le caractre qu'elle avait l'poque classi-
que.

fes hypothses :
asss'bsesssss

Bien des hypothses ont t proposes sur la formation histori-


que des contrats Innoms et l'origine de l'action praesariptis verbis.

1) La doctrine d'Accarias eut au sicle dernier un grand succs : clas-


sant chronologiquement les textes relatifs l'action praesariptis
verbis, cet auteur avait cru pouvoir retracer les tapes de son his-
toire :

Cette action aurait d'abord t propose par Labon (J3. 19.5-1.1)


dans des cas o il y a certainement contrat connu et nomm, mas o
on hsite sur la formule qu'il convient d'employer : par exemple, quand
on hsite dfinir une opration comme louage de chose plutt que com-
me louage d'industrie, on ne sait si l'on doit demander au prteur
l'action aonduoti ou l'action loaati : pour viter toute erreur, on
demande une formule spciale, avec des praesoripta verba, c'est--di-
re un expos de l'affaire en tte de la formule.

Puis les jurisconsultes auraient song tendre cette action


dans des cas o il n'y a certainement pas de contrat connu : d'abord
dans le cas du do ut des et du do ut fadas, ds l'poque de Trajan;
puis pour le facio ut facias au temps de Paul (premires annes du
111 s.), enfin pour le faaio ut des (sous Alexandre Svre).

La thorie gnrale des contrats innoms aurait donc dj reu


son complet dveloppement vers la fin de l'poque classique.

Mais -la dcouverte de nombreuses interpolations rend actuellement


la doctrine d'Accarias insoutenable. Tous les romanistes s'accordent
reconnatre : 1. que la thorie gnrale des contrats innoms, avec
leur classification en quatre groupes, est une invention tardive; 2.
que le nom aotio praesariptis verbis donn l'action en excution est
inconnu I'poque classique, et n'apparat, en dehors de la Compila-
tion, que chez les juristes de Beyrouth.

2) Les auteurs qui ont pouss avec le plus d'audace la recherche des In-
terpolations (De FrancIsei-Bese1er) arrivent cette conclusion : le
principe que la prestation fournie en vue d'une contreprestation cre
la facult d'exiger celle-ci r est un principe propre au droit de Jus-
208

tnen : le droit classique accordait simplement l'auteur de la


prestation, soit une action pour rclamer la restitution (oondiatio
ob rem dati), soit le remde pnal de l'action doli. Dans quelques
cas, voisins de contrats connus, le prteur a pu, des l'poque clas-
sique, accorder parfois une action in factura en excution, comme cela
semble s'tre produit en matire d'aestimatum, opration qui tenait
la fois de la vente et du louage d'industrie : les oprations ain-
si sanctionnes taient des negotia du droit prtorien : faute de
sanction civile, ce n'taient pas des contrats (1).

') M. Giffard (2) lui aussi pense que pour obtenir excution des conven-
tions synallagmatques qui n'taient pas des contrats connus, les
classiques en taient rduits recourir des expdients : l'action
doli, ou des actions in faotien accordes par le prteur dans divers
cas particuliers, en dehors des prvisions de l'dit (actions dcr-
ta les). M. Giffard, lui aussi, considre comme une invention de Jus-
tinien i'action en excution, civile et de bonne foi;, dite praeserip-
tis verbis.

Par contre, il admet le caractre classique de l'action aivilis


dont II est question dans les Sentences de Paul (5.6.10) propos du
prcaire et dans le Code (C. 8.53-9 et 22) propos des donations
avec charge : selon M. Giffard, il s'agirait l, non pas d'une action
de bonne foi en excution, mais d'une action de droit :striet en resti-
tution, I 'action oivilis inoevti. Justinen l'a identifie avec l'ac-
tion en excution : il a fusionn sous le nom ^aotio pvaesoviptis
verbis deux choses qui talent trs diffrentes l'poque classique :
l'action in faotum et l'action oivilis inaerti.

') Plus modr est le systme propos par Collinet (3) en se basant sur
le texte d'Ulpien (p_. 2.14.7 dont nous avons donn plus haut la tra-
duction). Ds le dbut du II0 s. les jurisconsultes se sont soucis
d'organiser une action en excution, mais Ils n'taient pas d'accord
sur la forme qu'il convenait de lui donner : l o Julien tait d'avis
d'employer une action in faotum, Ariston prconisait une action civi-
le. Ce jurisconsulte du dbut du ll s. peut tre considr comme
le pre des contrats Innoms puisque c'est lui. qui, le premier, sou-
tint que le pacte bilatral faisait natre une vritable obligatio et
devenait par consquent un contrat ds que l'une des parties excu-
tait. / ;

L'existence de cette action civile l'poque classique est con-


firme par une scholie de Stphane insre aux Basiliques (HEIMBACH
I, p. 560 : "Scholie Mathon"). Ce juriste du VI s., qui connaissait

(1) ARANGIO-RUIZ : : Ist. lOme dition 1951, p. 318.


(2) GIFFARD : Prcis II, n 247.
(3) COLLINET : "L'invention du contrat innom" - Mel. Pappoulias, Athnes
1934, pp. 73-100.
. 209 .

bien les auteurs classiques, fournit une indication sur la formule


de l'action an matire de contrats innoms : formule in jus, avec
une intentio inoerta (1 ).
Cette doctrine de Collinet permet d'expliquer pourquoi l'action
praescriptis verbis est qualifie parfois d'action civilis in fac-
tura : les compilateurs ont runi en une seule et mme action les deux
sanctions - l'une civile, l'autre prtorienne - entre lesquelles les
classiques hsitaient.

Les compilateurs ont, d'autre part, imagin une thorie gnrale


l o les classiques n'avaient vu que des cas d'espce. Enfin - com-
me nous allons le voir - ils ont tabli entre l'action en excution
et l'action en restitution un lien qui n'existait probablement pas
I'poque classique.

)_2 - LA SANCTION DES CONTRATS INNOMES


DANS LE DROIT DE JUSTINIEN

Arrivs leur complet dveloppement dans le droit de Justinien,


les contrats innoms donnent Iieu trois actions :

A/ L'action en excution
praescriptis_verbis=:

Celle des deux parties qui a accompli la datio ou le faoeve peut


exiger que l'autre excute son tour : elle peut l'y contraindre en
exerant une action dite "praescriptis verbis". Cette action est in
factvm en ce sens qu'elle est en dehors des cadres normaux et demande
un expos particulier de l'affaire dans chaque cas particulier : ce qui
ne l'empche pas d'tre dans le droit de Justinien une action civile :
elle est incerta et de bonne foi.

B/ \=d_eondi:CtiC!.Qp.-P&=4Gti '

Mais Justinien n'a pas fait disparatre des textes l'action en


rptition. La partie qui a excut et qui n'obtient pas satisfaction
a par consquent le choix entre deux solutions : soit exiger qu'on donne
ou qu'on fasse ce qui tait convenu,-- soit rclamer restitution de la
prestation qu'elle a fournie.

(1) M. GIFFARD par contre soutient.que Stphane dcrit la formule de l'ac-


tion aivilis inaerti (action en restitution) et non celle d'une action
en excution.
. 210 .

Dans le droit de Justinien, cette oondiotio n'est plus une action


sanctionnant une obligation quasi-contractuelle : c'est une sanction du
contrat, une action en rsolution pour inexcution. On ne peut rclamer
la rsolution que si l'inexcution est fautive. Par consquent lorsque
la chose due prit par cas fortuit, celui qui a excut le premier ne
peut plus rien rclamer : ni excution ni restitution de ce qu'il a lui-
mme donn. Ce qui revient dire que les risques sont pour lui, bien
qu'il soit crancier de la chose; ici comme dans la vente "res prit are-
ditori" (C. 4.6-10 itp. et PAUL D 19.5.5.1 itp).

Il en tait autrement l'poque classique quand la


tait fonde sur l'ide extra-contractuelle d'enrichissement injuste '
(GELSUS : D 12.4-16).

C/ L3_qqndiqtiqj>r^oj>terjpqenitenti(m :

Enfin, dans le droit de Justinien, celui qui excute le premier


peut, tant que son partenaire n'a pas excut, reprendre ce qu'il a d-
j donn, simplement parce qu'il a chang d'avis et ne veut plus donner
suite au contrat.

Ce jws poenitendi, cette facult de ddit, peut paratre extra-


ordinaire : elle rend le contrat innm bien fragile : en somme il ne
devient dfinitif et irrvocable que lorsqu'il a t excut de part et
d'autre.

Beaucoup d'auteurs modernes ont peine croire qu'une telle facul-


t de ddit ait pu jouer d'une faon gnrale dans tous les contrats in-
noms : ils pensent qu'elle ne devait exister que dans certaines hypoth-
ses o, pour des raisons particulires, elle peut se justifier. Ainsi,
Justinien parle de cette oondiotio dans le cas o je donne de l'argent
une personne pour qu'elle fasse un voyage : tant qu'elle n'est pas par-
tie, je peux anantir la convention et reprendre l'argent : cette solu-
tion se justifie parce qu'on se trouve dans une situation trs voisine
du mandat de faire un voyage; or le mandat est rvocable.

En ralit la Compilation parle.de cette conditio propter poe-


nitentiam sans lui reconnatre le moins du monde un caractre exception-
nel : il y a tout lieu de croire que Justinien a voulu lui donner la plus
large extension : \\ a introduit dans les contrats nnoms un jus poeni-
tendi qui est tout fait en harmonie avec les conceptions hellniques
en matire de contrats.

3 - ETUDE DE QUELQUES CONTRATS INNOMES

Les contrats "innoms" portent souvent un nom : mais ce nom n'a


pas de valeur technique : iI ne correspond pas celui d'une action.
211

1/ Aestimqtm :

Ce contrat tait d'utilisation courante. Un fabricant, pour


couler sa marchandise, la confie un colporteur, sans lui en trans-
frer la proprit et il fixe, d'accord avec lui, une valeur d'estima-
tion de cette chose. Le colporteur doit rapporter soit la chose, soit
le prix d'estimation. S'il russt la vendre beaucoup plus cher, c'est
son bnfice; mais s'il perd la chose, mme par cas fortuit, il doit tout
de mme payer au fabricant le prix d'estimation : c'est son risque.

Comme on ne savait trop si cette opration tait un louage d'ou-


vrage ou un mandat, le prteur prit le parti de prvoir une action sp-
ciale dont I'dit fournissait le modle : de tous les contrats innoms,
c'est le seul qui ait t prvu de faon permanente dans l'dit.

2/ Fevmutatio
s=rsc3 = =c=!E = = ar=
(change)

Type par excellence du "do ut des". Transfert de proprit, con-


tre transfert de proprit. Nous avons vu que les Sabiniens avaient es-
say, mais sans succs, de l'assimiler la vente.

L'change est diffrent de la vente :

a) L'change ne se fait pas "solo oonsensu" : ce contrat n'est conclu


qu' partir du moment o l'une des parties a effectu la datio pr-
vue sa charge.

b) On peut vendre la chose d'autrui; on ne peut pas offrir dans un chan-


ge la chose d'autrui, car il faut transfrer la proprit, faire une
datio, pour que le contrat se forme (Pdius chez PAUL : D. 19.4.1.3).

c) La rsolution de la vente pour non excution ne peut exister qu'en


vertu d'une clause expresse (lex commissoria). Dans l'change, celui
qui, ayant excut le premier, n'obtient rien en retour, a le choix
entre deux solutions : ou rclamer la contreprestation convenue en
exerant l'action praesariptis verbis, ou poursuivre la rsolution du
contrat et reprendre ce qu'il a donn en exerant la oondiotio ob rem
dati (C. 4.64.7).

Mais le droit de Justinien marque une tendance rapprocher l'-


change de la vente.

Au point de vue des risques, celui qui le premier fait la datio


supporte la perte fortuite de la chose qu'il esprait obtenir en re-
tour. N'obtenant rien il ne peut reprendre ce qu'il a lui-mme don-
212 .

n (nous l'avons signal propos du mcanisme de la oondiatio) : sa


situation s'est aligne sur celle de l'acheteur.

Les compliateurs ont tendu l'change la garantie contre l'vic-


tion et contre les vices.

Contre l'viction : si celui qui excute ie premier n'est pas


propritaire de ce qu'il donne, le contrat d'change, comme nous l'a-
vons vu, ne se forme pas, faute d'une datio vritable. Mais s'il
fait une datio correcte, il jouit en ce qui concerne la prestation
qu'il reoit de la mme garantie qu'un acheteur : il peut exiger les
stipulations de garantie (D. 12.4.16 in fine itp.) et s'il est vinc
exercer une action "ad exemplum ex empto" (. 4.64.1):. ;

Quant la garantie centre les vices, elle fonctionne au profit


des deux changistes, parce qu'on peut les considrer comme tant,
l'un comme,I'autre, la fois acheteur et vendeur (D. 21.1-19.5).

3/ Prcaire :

Le prcaire, concession titre gratuit et rvocable, est une


trs vieille institution. Celui qui avait donn une chose en prcaire
avait primitivement, pour la reprendre, l'interdit de preaario.

A la Basse-Epoque, le prcaire est considr comme un contrat qui


met la charge d'une partie l'obligation de restituer : en Occident, on
y voit un contrat voisin du commodat : on le sanctionne au moyen d'une ac-
tion aivilis, sans doute calque sur l'action commodati (Sentences de Paul,
ditions Wsgothiques, 5.6.10). En Orient, le prcaire est devenu un
contrat innom sanctionn par I'action praesariptis verbis que quelques
textes confondent avec la oondiatio inoevti (D. 43.26.19.2).

:
4/ QSDi2Q_^_^?^g

Dans la donation avec charge, le donateur fait tradition de la


chose donne en ajoutant une clause ilex) qui met la charge du donatai-
re certains services au profit du donateur (par exemple payer certaines
dettes ou lui fournir des aliments). C'est une opration du type "do ut
facias ".

SI la charge n'est pas excute, le donateur a le choix entre deux


solutions : soit en exiger l'excution en exerant l'action praeseriptis
Verbis, soit reprendre ce qu'il a donn en exerant la oondiotio.
. 213 .

5/ lansat]on :

Une personne renonce un droit contest moyennant une prestation


que son adversaire s'engage lui fournir. C'est une faon de terminer
l'amiable un diffrend. A l'poque classique il fallait recourir
des stipulations pour donner force obligatoire la transaction, sinon
cette convention n'tait qu'un pacte nu, sanctionn simplement par l'ex-
oeptio pacti : celui qui avait renonc ses droits n'avait pas d'action
pour exiger ce que l'autre partie lui avait promis. Cependant une cons-
titution de 230 (C. 2.4.6.1) permit, dfaut de l'action ex stipulatu,
d'exercer une aotio utilis, qui pour Justinien n'est autre que Pacton
praeeeriptia vevbis ' dans la Compilation, la transaction est devenue un
contrat innom du type "faeio ut des".

La thorie des contrats innoms n'est pas passe dans notre droit
moderne : notre principe du consensualisme permet de valider les conventions
sans qu'il soit besoin d'attendre qu'une des parties ait excut.

Les contrats innoms prsentent malgr tout un grand intrt his-


torique : nous trouvons l le premier exemple d'un systme gnral embras-
sant quantit de conventions. De plus, ce sont les textes relatifs aux con-
trats innoms qui ont fourni nos vieux-auteurs les lments qui sont la
base de la thorie moderne de la cause et la rsolution des contrats pour
inexcution.

TITRE SECOND

THEORIE GENERALE DES CONTRATS

Les questions que nous allons tudier maintenant intressent tous


les contrats : ce sont d'abord les rgles qui rgissent les conventions; el-
les concernent tous les contrats, puisque ceux-ci comportent tous une con-
vention : la preuve des contrats est aussi une question qui se pose pour tous
les contrats.
214

CHAPITRE=PREMIER=4=LA=CgNVENTI0N

DEFINITION

Les mots oonventio, convenire, ont en latin un sens concret, trs


prs de leur tymclogie. Comme le.remarque Ulpien (D_. 2.14.1.3), on dit
oonvenire de personnes qui, partant de lieux diffrents, se runissent et
se rencontrent en un mme endroit. Dans la langue juridique, ces mots ont
un sens abstrait : Ulpien ajoute : "...' de mme dit-on de ceux qui, pous-
ss par des mobiles diffrents, tombent d'accord sur une mme chose".

La convention, c'est l'accord de volont entre deux ou plusieurs


personnes, qui dsirent ensemble obtenir un certain effet juridique. Con-
venir, c'est arriver un vouloir commun, c'est consentir.

Ainsi dfinie, la convention est une notion trs large, une no-
tion "gnrale" comme le dit Ulpien.

Toute convention n'est pas un contrat : la convention peut avoir


pour objet autre chose que ia cration d'une obligation (elle peut interve-
nir pour crer des droits rels, teindre des droits). Lorsque la conven-
tion est conclue pour crer des obligations, elle ne devient un contrat que
si -elle entre dans les cadres des contrats reconnus par le droit positif.
Une convention peut n'tre qu'un "pacte nu".

Par contre, tout contrat suppose une convention : comme Pedlus


le dit avec lgance, "il n'y a pas d'obiitatlon, pas de contrat, re ou
verbis, qui ne contienne en soi une convention : la stipulation, qui se for-
me par la prononciation de certaines paroles, est sans valeur si elle n'a
pas sa base un consentement vritable des parties" (1).

(1) D. 2.14.1.3 - PEDIUS est de peu antrieur GAUS. Ce texte clbre


prsente de grosses difficults : dire que "toute obligation" requiert
une convention, c'est ignorer les obligations dlictuelles et les obli-
gations quasircontractuelles. Faut-il alors supposer que Pedius ignore
encore l'extension du concept d'obligation aux dlits ? Supposer qu'il
donne au mot contractus \;omme Labon le faisait pour contraction) le seps
troit de contrat synallagmatique et l'oppose aux "obligations" fe et
verbis ? Supposer que l'obligation de restituer l'indu est pour lui une
, obligation re, rsultant d'un acte conventionnel, le paiement (fait par
l'un, accept par l'autre) ? Nombreux sont les auteurs qui escamotent
les difficults en proposant de nombreuses interpolations. Pour GROSSO :
"Da Pedio ai Byzantini", Studi Volterra 1969 I pp. 55 sq.) la classifica-
tion des obligations a donn lieu une volution doctrinale et Pedius
reprsente un stade intermdiaire entre Labon et Gaius. Le texte int-
resse d'autre part 1'"elegantia", qui signifie, non une lgance de sty-
le, mais un sens parfait de la technique juridique.
. 215 .

Les lments essentiels des conventions sont par consquent les


lments essentiels de tout contrat. D'aprs notre Code Civil (art. 1408)
"quatre conditions sont essentielles pour la validit des conventions : le
consentement de la partie qui s'oblige - sa capacit de s'obliger - un objet
certain qui forme la matire de l'engagement - une cause licite dans l'obli-
gation".

Le droit romain considrait dj les trois premiers lments com-


me essentiels : il est par contre douteux qu'il ait fait la notion de cau-
se une place aussi importante. La capacit de s'obliger est une question
qui appartient au droit des personnes. Nous nous occuperons ici du consen-
tement, de l'objet et de la cause.

DIVISION I : LE CONSENTEMENT
ET LES VICES DU CONSENTEMENT

INTRODUCTION
Une manifestation unilatrale de volont ne sufft pas pour faire
natre une obligation : il faut un accord de volont.

A/ CONVENTION ET POLLICITAT ION

La promesse unilatrale engage-t-elle son auteur avant mme d'tre


accepte ? La doctrine de "l'engagement par manifestation unilatrale de
volont", lance par Siegel en 1874, se prononce pour l'affirmative. Du
point de vue logique on conoit en effet qu'une volont puisse lier son au-
teur sans attendre l'intervention de la volont d'autrui. Du point de vue
moral, le fait que la promesse soit accepte importe peu : celui qui fait
une promesse doit tenir parole. Mais cette doctrine prsente un danger :
elle risque de confondre l'offre, qui n'est encore qu'un projet de contrat
- projet encore sujet discussion - avec la promesse irrvocable et dfini-
tive. C'est pourquoi, cette doctrine ne peut tre utilise qu'avec prudence.
Les civilistes s'en servent pour expliquer les effets du titre au porteur,
pour valider les promesses de rcompenses, ou pour dterminer le moment o
se forme l'obligation dans les contrats par correspondance.

Dans ces limites, certaines lgislations admettent actuellement


la validit de la promesse unilatrale (Code civil allemand - Code fdral
suisse des obligations - Projet franco-itaIien d'un Code des obligations en
1936).

La doctrine franaise est, dans son sensemble, assez rticente :


les cvlistes remarquent que dans le Code Civil, la manifestation unilat-
rale suffit pour produire certains effets (acquisition de proprit par oc-
cupation, accession, renonciation une succession, etc.) : mais en matire
216 .

d'obligations, si elle peut rompre un lien (mandat 2003 - contrat de tra-


vail, 1780 - Socit 1809) elle n'est jamais consid.r.e comme source d'obli-
gations.

En droit franais la manifestation unilatrale de volont ne fait


pas natre d'obligations la charge de son auteur : cette conception nous
vient du Droit romain.

L_gQ|].iltati_gn :

Les romains employaient le mot Tpollici-tatio pour dsigner la sim-


ple promesse non encore accepte. Ulpien (D. 50.12-3) oppose ainsi pol-
licitati-o paotwn : "le pacte c'est le consentement et la convention de
deux personnes, la pol I citation, c'est la promesse de celui-l seul qui
fait une offre" (offerentis solius pronrssum).

Or, selon Paul (Sentences 5.12.7) : "ex nuda pollicitat-ione nul-


la actio nasoitur" : d'une simple polIcitation ne nat aucune action. Le
principe parat donc bien tabli en droit romain : la promesse unilatra-
le n'oblige pas.

Il existe cependant quelques exceptions cette rgle (cf. VILLERS


RHD 1939.1 - R0USSIER RIDA 1949.295 et "Studi Arangio-Ruiz" 2.31) :

1 ) En dro-ft publ le :

Un titre du Digeste (50.12) est entirement consacr l'tude de


la "polIicitation" : Il s'agit l d'une institution du droit public.
L'offre, faite une cit, oblige son auteur. Le candidat une magis-
trature municipale qui , pour emporter les votes, promet de btir ses
frais un difice public, est oblig d'excuter sa promesse, alors mme
que les magistrats en fonction auraient nglige de l'accepter. Cette
rgle avait t imagine pour que la Cit n'et pas souffrir des n-
gligences, peut-tre Intresses, des magistrats en fonction. Cette
solution avait un caractre exceptionnel : admise en faveur des Cits,
elle ne l'tait pas au profit du fisc imprial. De plus, pour obliger
son auteur, la poliicitation devait tre dtermine par un bon motif,
une justa causa : honneurs que l'on brigue, dsir de secourir une cit
prouve par un dsastre, etc ... Il n'tait d'ailleurs plus ncessai-
re d'tablir l'existence d'une justa aauset, lorsque le pollictant avait
commenc excuter, ou lorsque la cit avait dj prpar l'emplacement
destin recevoir le monument.

2) En droit religieux :

Le voeu (.votum) oblige son auteur envers les dieux. . Les romains
avalent transport dans leurs rapports avec les dieux les notions et
mme le vocabulaire du droit : l'individu qui promettait une offrande
217 .

un dieu pour en obtenir une faveur, s'engageait envers le dieu par


un votum ou voti sponsio : i I en rsultait une obligation. L'auteur
du voeu tait "voti reus", dbiteur envers le dieu; mais sa dette tait
conditionnelle : elle ne devait tre excute que si le dieu accordait
la faveur : en ce cas, le vovens devenait "voti damatus" et I I ne lui
restait plus qu' "payer" (solvere votum).

A considrer les choses d'un point de vue moderne et positif, le


voeu est un engagement par manifestation de volont du seul promettant.
Mais les Anciens n'envisageaient sans doute pas les choses de cette fa-
on : ils pensaient que le dieu, en accordant la faveur, acceptait l'of-
fre qui lui tait faite : le voeu tait par consquent une sorte de con-
trat - une sponsio - conclue entre le vovens et le dieu.

Ce contrat se distinguait des actes de droit priv par sa sanc-


tion qui ne pouvait tre que religieuse : le vovens qui n'excutait pas
son voeu s'exposai 1 la colre du dieu : sanction efficace, car l'in-
dividu qui croit possible une intercession bienfaisante du dieu, doit
galement craindre sa colre.

3) En droit priv :

La promesse de rcompense adresse une personne Incertaine est


un cas o la manifestation unilatrale de volont produit des effets.

Des dcouvertes archologiques ont permis d'tablir que ces pro-


messes talent en usage chez les romains. On a retrouv de petites m-
dailles que l'on suspendait au cou des esclaves dont on craignait la
fuite : sur ces mdailles le matre fait connatre son nom et promet
une rcompense quiconque lui ramnera l'esclave fugitif. Sur les
murs de Pompi, on a pu lire cette inscription : "Il a t vol dans
tel le taverne un vase de bronze : rcompense de 15 sesterces qui le
retrouvera, rcompense de 20 sesterces qui fera connatre le voleur".
Mais les textes juridiques ne s'occupent gure de cette pratique et
l'on peut se demander si., en droit, ces promesses de rcompense obli-
geaient leurs auteurs.

Par contre la promesse de rcompense faite une personne dtermi-


ne est prsente au Digeste (D. 19.5.15) comme un contrat innom, sanc-
tionn par l'action praesoriptTs verbis : le texte envisage le cas d'une
"paatio ob indioivm" : un matre promet une certaine somme un individu
pour que celui-ci lui rvle l'endroit o se cache son esclave fugitif.

Enfin, comme nous l'avons signal, le pacte reoeptum avgentarii


repose peut-tre sur une promesse unilatrale du banquier, et dans le
droit de Justlnien, la promesse de donation serait dans le mme cas si
l'on admet l'interprtation que M. Ph. Lvy propose pour la constitu-
tion de 530.
. 218

En conclusion, la promesse unilatrale n'a t prise en consid-


ration par le droit priv que dans des hypothses trs rares et d'ail-
leurs discutables. Le principe romain est donc bien celui-ci : pour
faire natre une obligation il faut le concours de deux volonts. Cet-
te Conception a trouv, ds une poque ancienne, son expression la plus
claire dans le formalisme de la stipulation : le dialogue du contrat
verbis est bien fait pour rendre sensible l'accord de deux volonts.

B/ QUALITES
QUE LE CONSENTEMENT DOIT PRESENTER ....

Pour qu'un contrat soit valable, le consentement doit prsenter


les caractres suivants :

t) k_QQsentement_dgit_tre_exprs : .

Un consentement tacite, une prsomption de volont suffisent pour


teindre une obligation : ainsi le pacte de remise peut rsulter du seul
fait que le crancier se dmunit du titre (eautio) qui lui permet de prou-
ver sa crance (LABEON, chez PAUL : 2.14.2); le crancier qui remet au d-
biteur le~titre de crance est cens renoncer son droit.

Par contre pour faire natre une obligation, un consentement taci-


te ne suffit pas : la volont de s'obliger ne se prsume pas; il faut
qu'elle s'exprime expressment.

Le fait de se taire est parfois considr comme une faon d'expri-


mer une volont. Sans doute le silence de celui qui Ignore de quoi il
s'agit est dnu de toute valeur : mais celui qui se tait, alors qu'il
sait, ne peut-il pas tre considr comme consentant, selon l'adage "qui
ne dit mot consent" ? En droit romain cette attitude porte un nom : ce-
la s'appelle "patientia" et la patientia est susceptible de produire cer-
tains effets juridiques : en matire de constitution de servitudes par
quasi-tradition, il est question d'une patientia du propritaire du fonds
servant; en cas de dommage caus par un esclave, la patientia du matre a
pour consquence de rendre celui-ci personnellement responsable du domma-
; ge envers les tiers. Mais I'poque classique la patientia n'est pas
prise pour une forme de volont : pour conclure un contrat il fallait une
"voluntas" (1 ).

(1) DONATUTI : "Le silence comme manifestation de volont" - Ml. Bonfante


1930, U p. 4-59. Il serait intressant de voir comment on est passe de_
l notion de scientia (connaissance de cause) celle de patientia (lais-
ser faire) - cf. ALBANESE : "Sulla vesp. del dominus soiens" BIDR 1967
p.
Y 119. Sur la fmme qui ( propos de la restitution de dot a un tiers)
'passa est sUpulaxn,*, GAiWLTT: "Ogqetto de% legatv"' 1 p. 225% il y
aurait examiner le cas du matre qui laisse son esclave exercer un com-
merce (&. tributoria), le cas du dbiteur qui "se laisse" cautionner par
autrui.
. 219 .

Dans le droit de Justlnien au contraire, le silence est volontiers


considr comme une forme de volont : c'est la volont de ne pas s'oppo-
ser. Elle suffit parfois pour perptuer ou mme pour faire natre des
obligations : ainsi le louage peut, l'expiration du contrat, se renou-
veler par "tacite reconduction"; ou bien lorsqu'un capitaine de navire
se fait remplacer dans ses fonctions au su et vu de l'armateur, la pa-
tientiez de ce dernier a pour effet de l'exposer l'action exercitovia,
en raison des dettes contractes par le nouveau prpos qu'il a tacite-
ment accept; lorsqu'un fils de famille devient dcurion au su et vu de
son pre, celui-ci est considr comme ayant consenti tacitement caution-
ner des dettes de gestion de son fils; enfin nous avons dj vu que dans
le droit de Justinien, la stipulation n'est pas nul le si Je dbiteur pro-
met moins que ce que le crancier a stipul : le crancier est cens, en
ne protestant pas, accepter le contrat sur les bases nouvelles proposes
par le dbiteur.

2) Le consentement doit tre srieux

Le consentement donn "jooandi causa", par plaisanterie, n'oblige


pas : ainsi en est-II de l'acteur qui, pour jouer son rle, doit pronon-
cer les paroles de la sponsio. Le formalisme avait primitivement une
telle force qu'on pouvait se demander si les paroles de la sponsio n'obli-
geaient pas ncessairement celui qui les prononait, ft-ce par jeu. Mais
ds la fin de la Rpubl ique, Varron (_LL_. 6.72) est dj d'avis qu'une
sponsio prononce sur la scne n'a aucune valeur juridique et l'on re-
trouve la mme opinion chez Paul (D. 44.7.3.2).

.3) Le_onsentement_ne_do|t_pas_tre_simui :

Lorsque des particuliers feignent de passer entre eux un contrat


pour dissimuler l'opration qu'ils font en ralit, Il est craindre
qu'ils soient mus par des mobiles inavouables, le dsir de tromper un
tiers - ou de tourner la loi (1).

Avec le formalisme ancien, les actes fictifs taient cependant


valables; du moment qu'ils taient faits en bonne forme, il n'y avait
pas rechercher les ralits qu'ils dissimulaient : on ne se proccu-
pait pas de la volont vritable des parties, mais seulement de la volon-
t que l'accomplissement des formalits avait manifeste.

Lorsque s'tablit, vers la fin de la Rpublique, la prohibition


des donations entre poux, il devint ncessaire d'abandonner cette con-
ception. La jurisprudence fut d'avis que les poux qui, pour dguiser

(1) Il importe cependant de ne pas confondre simulation et fraude la loi


cf. ROTONDI : "Gli atti in froe alla legge" (1911)i les actes fraudu-
leux sont nuls.
. 220 .

une donation prohibe, passaient entre eux une vente fictive, ne fai-r : i
salent rien de valable. Mais il ne semble pas qu' l'poque classique
cette solution ait t admise en dehors du cas spcial des donations en-
tre poux. En principe l'acte apparent tait valable, sans qu'on ait
rechercher l'intention vritable des parties.

A la Basse-Epoque, c'est la solution inverse qui finit par prva-


loir. Une constitution de Diocltien de 293 dclare nul l'acte fait en
fraude de la loi. L'acte apparent est sans valeur. Mais si l'acte que
les parties ont dissimul n'est pas Illicite, il est valable : c'est ce
qu'exprime Diocltien par la maxime : "simulata non valent, dissimulata
valent" (. 22.1-2 et 2.4.21).

Notre droit moderne a repris cette ide : la simulation n'est pas


elle-mme une cause de nullit dans les rapports entre parties.

4) Le consentement doit tre exempt de vices

LES VICES DU CONSENTEMENT


0 3 sssssBsasssssgssssssssssszsasssssssass

Le droit civil franais frappe d'une nullit relative les contrats


entachs de certains vices du consentement. Ces vices sont l'erreur, le dol,
la violence et dans certains cas, la lsion.

Le systme moderne trouve son origine dans le droit romain, mais en


droit romain, les choses se prsentaient sous un angle assez diffrent : en
droit romain, lorsqu'un vice du consentement est pris en considration, la
sanction n'est pas ncessairement la nullit du contrat; d'autres solutions
sont possibles et lorsque le jus civile admet la nul Iit, c'est une nullit
radicale : les romains n'ont pas connu-une thorie des nullits aussi nuan-
ce que celle qui figure dans nos lgislations modernes, avec la distinction
des nullits absolues et des nullits relatives. Ce que l'on trouve en droit
romain, c'est une opposition entre les actes dclars nuls "ipso jure", par
le droit civil, et les actes privs pratiquement d'effets par des procds
prtoriens (notamment eocoeptiones).

1 - L'ERREUR

L'erreur consiste croire une chose qui est contraire la rali-


t. Il peut y avoir erreur de droit ou erreur de fait. '

. L'erreur de droit ; ne peut pas, en principe, tre invoque par celui qui
l'a commise : nul n'est cens ignorer la loi. Le droit romain se montre
cependant en cette question beaucoup moins rigoriste que notre droit moder-
221

ne : les mineurs, les femmes, les soldats ne devaient pas souffrir les con-
squences dommageables de leur ignorance du droit : ces personnes pouvaient
invoquer l'erreur de droit pour viter une perte; mais elles ne le pouvaient
pas pour raliser un gain.

L'erreur de fait ne constitue pas ncessairement un vice du consentement.


Le droit romain ne tient compte que de I'errer essentialis, l'erreur qui
exclut le consentement. L'erreur est essentielle lorsqu'elle porte sur un
lment essentiel du contrat :

1. Ce peut tre une erreur in negotio, portant sur la nature de l'acte ju-
ridique auquel on consent : par exemple on se figure recevoir une chose
titre du prt usage, alors qu'en ralit elle est remise en dpt :
il n'y a ni dpt ni commodat.

2. Ce peut tre une erreur in persona, portant sur l'identit de la person-


ne avec laquelle on contracte. Dans la plupart des contrats cette er-
reur n'est pas considre comme essentielle : peu importe que le vendeur
soit Seius ou Titius, du moment qu'on obtient bien la:chose qu'on dsi-
rait acheter.

L'erreur sur la personne n'est essentielle que dans les contrats


conclus "intuitu personae", comme le mandat, la socit, et dans les con-
trats dsintresss, ou de bienfaisance comme la fiduoia cum amioo, le
prt usage, le dpt. Il en est de mme en matiro de mutuum, qui est
en soi un prt gratuit : Celsus considre que le mutuum n'est pas vala-
ble si le prt est consenti par une autre personne que celle de qui l'em-
prunteur comptait recevoir les deniers : l'obligation de restituer d-
coule alors non du contrat de mutuum, mais du principe de l'enrichisse-
ment sans cause (.aondiotio Juventiana cf. D. 12.1-32).

3. Enfin on considre comme essentielle I'erreur in oorpove, portant sur


l'identit mme de l'objet du contrat : "Si tu croyais vendre le fonds
Sempronen alors que moi je croyais t'acheter le fonds Cornlien, la
vente est nulle parce que nous ne sommes pas d'accord sur l'objet" (UL-
PIEN 18.1.9).

Lorsqu*une erreur essentiel le se produit chez l'un des contrac-


tants, les deux volonts ne se sont pas rencontres; le contrat ne peut pas
se former : il est radicalement nul. Si une prestation a t dj fournie
en excution du contrat, elle a t fournie tort et peut tre reprise au
moyen d'une oondiatio : on a pay ce qui n'tait pas d.

Il faut bien remarquer que l'erreur sur l'objet n'est essentielle


que si elle porte sur l'identit de l'objet (error in oovpove) : l'erreur
sur la qualit de l'objet n'empche pas en principe le contrat d'tre vala-
ble. Cette solution est affirme aussi bien en matire de vente, contrat de
bonne foi (D. 19.1-21.2) qu'en matire de stipulation, contrat de droit strict
(D. 45.1-28).
. 222 .

Cette solution, svre pour la victime de l'erreur, reut, du


moins en matire de vente, d'importants correctifs :

- Tout d'abord l'erreur sur certaines qualits fut considre comme por-
tant sur la nature mme de l'objet : ainsi l'erreur sur le sexe-de l'es-
clave que l'on achte est une erreur essentielle. Par contre II n'y s
pas d'erreur essentielle s l'on s'est tromp sur l'ge de l'esclave, ou
si l'on a cru vierge une femme esclave qui ne l'tait pas (ULPIEN : D.
18.1-1).

De plus les jurisconsultes se sont occups particulirement de


l'erreur vn substantiel : l'erreur sur la matire dont la chose est fai-
te.

a) En matire de stipulation,

contrat de droit strict, il n'tait gure possible de prendre ce gen-


re d'erreur en considration. Si le stipulant craignait de se trom-
per sur la matire, il n'avait qu' prendre ses prcautions, en in-
troduisant une stipulation de peine, ainsi conue : "me promets-tu
en outre 10.000 sesterces si cet objet que j'ai stipul de toi n'est
pas en or ?".

Ou bien si le stipulant craignait d'tre tromp par son partenai-


re, il pouvait ajouter au contrat une "stipulation relative au dol"
(cautio de dolo) : mais II n'obtenait alors de dommages-intrts
qu'en prouvant qu'une escroquerie avait t commise par son parte-
naire qui iu avait fait par exemple prendre du bronze dor pour de
l'or.

b) En matire de vente,

une solution plus avantageuse pour l'acheteur fut admise l'poque


classique. Julien (dbut du II0 s.) fut le premier soutenir que
l'erreur sur la matire devait entraner la nullit de la vente,
alors mme que le vendeur serait de bonne foi (p_. 18.1-41.1). Mais
cette opinion ne fut pas-partage p.ar tous- les jurisconsultes : Mar-
cel lus (milieu ll s.) tait d'avis'que "la vente est valable, alors
mme qu'on s'est tromp sur la matire de l'objet vendu" (cit par
ULPIEN : D. 18.1-9.2)..

Ulpen, qui critique cette doctrine, se rallie l'opinion de Ju-


lien, en faisant intervenir des notions philosophiques. A la base de
toutes ces discussions nous trouvons en effet de profondes divergen-
ces philosophiques : les disciples d'Aristote considraient que la
forme est ce qu'il y a d'essentiel en toutes choses : une table est
une table, qu'elle soit de bois ou d'argent. Telle tait l'opinion
soutenue par Marcel I us.
223

Les stociens, au contraire, pensaient que c'est la matire qui


constitue la nature essentielle, "ousia", des choses : la forme ne
fait qu'ajouter la matire des qualits accidentelles. L'or est
toujours de l'or, qu'on en fasse un vase, un collier ou une statue.
C'est l'opinion que professe Ulpien : si l'on achte une chose que
l'on croit en or alors qu'elle est en bronze, il y a erreur sur la
"substance", sur la nature essentielle de la chose; cette erreur est
exclusive du consentement; la chose qu'on vous offre n'est pas celle
que vous aviez en vue.

L'expression "erreur sur la substance" qui figure dans l'art. 1110


de notre Code civil vient de ce texte d'Ulpien, transmis par Pother.
Mais Pothier et nos civilistes modernes entendent par l "l'erreur
qui tombe sur les qualits que les contractants ont eu principalement
en vue"; alors que pour Ulpien., il s'agissait uniquement de l'erreur
sur la matire dont la chose est faite.

De plus, en droit moderne, l'erreur sur la substance peut tre In-


voque dans toutes sortes de contrats : en droit romain, il n'en est
question qu'en matire de vente. Les solutions proposes par les ju-
risconsultes propos de la vente peuvent, peut-tre, concerner aussi
d'autres contrats consensuels, mais elles ne s'appliquent pas aux con-
trats re : l'erreur sur la matire dont est fate la chose donne en
gage n'entrane aucunement la nullit du contrat de pignus. Enfin
elles ne sauraient videmment tre tendues aux contrats de droit
strict.

Ainsi limite quelques contrats, la thorie de l'erreur sur la


substance y est applique de faon assez restrictive : les textes du
Digeste admettent la validit de la vente d'une chose en or, alors
que l'or n'a pas le titre que l'on croyait, ou si la chose n'est que
partiellement en or. Marcien et Paul dclarent que la vente est va-
lable si ia table vendue n'est pas en citronnier comme on le croyait,
ou si le vase est de vermeil alors qu'on le croyait en or (D. 18.1.45;
19.1-21.2).

Mais il est fort possible que ces textes aient t remanis par
les compilateurs : dans le droit de Justinien en effet, plutt que
d'admettre la nullit de la vente, on prfre la dclarer valable et
accorder l'acheteur l'action empti pour qu'il obtienne des dommages
intrts en invoquant la thorie de la garantie contre les vices, com-
prise cette poque de faon trs large. ,^^-~^>.,

2 - LE DOL ET LA VIOLENCE

Principes gnraux

Celui qui contracte sous l'empire d'une contrainte n'est pas libre.
Celui qui contracte sous l'empire du dol est victime de manoeuvres trompeu-
224 .

ses. On peut prsumer que ces personnes n'auraient pas consenti, si leur
volont avait t libre et claire. C'est pourquoi le droit moderne voit
dans le dol et la violence des vices du consentement, et dict la nullit
relative des actes juridiques conclus par des personnes dont le consentement
a t ainsi extorqu.

Mais ces considrations talent trangres au vieux droit romain :


dans l'ancien droit romain les actes juridiques entachs de dol ou de violen-
ce taient parfaitement valables. Les- vieux romains pensaient que l'indivi-
du qui consentait press par une contrainte, consentait tout de mme : "co-
actus volui, tamen volui". La victime de la violence faisait un choix : el-
le prfrait passer l'acte juridique plutt que de subir de mauvais traite-
ments : elle manifestait ainsi sa volont.

Quant au dol, les vieux romains n'y voyaient qu'un bon tour jou
par un homme habile un partenaire trop naTf : la victime n'avait qu' s'en
prendre elle-mme d'avoir t assez sotte pour se laisser duper.

Ces conceptions simplistes furent abandonnes avec les progrs de


la civiIisaton. l'apparition des contrats de bonne foi manifeste dj le
souci de faire triompher l'honntet dans les rapports juridiques. Dans ces
sortes d'affaires les parties doivent se comporter selon l'usage des honn-
tes gens : rien n'est plus contraire la bonne foi que d'extorquer un con-
sentement par menaces ou tromperies. Les actions qui sanctionnent ces con-
trats donnent au juge la mission d'apprcier ce qui est d, conformment
la bonne foi : le juge doit donc tenir compte du dol ou de la violence dont
l'une des parties a pu tre victime.

Dans les contrats de droit strict le crancier pouvait se prmu-


nir contre le do! de son partenaire, en insrant dans te contrat une "cau-
tio de dolo", une stipulation par laquelle le dbiteur s'engageait formelle-
ment ne commettre aucun dol. De plus la loi Plaetcria s'tait occupe de
rprimer, sous le nom de oirawiseriptio, le dlit qui consiste abuser de
l'inexprience d'un mineur de 25 ans.

Mais c'est l'initiative du prteur que revient tout l'honneur


des dispositions capitales en matire de dol et de violence. Dans sa forme
dfinitive l'dit du prteur contenait en matire de dol et de violence des
mesures symtriques : pour le dol comme pour la violence, trois recours pr-
toriens taient prvus au profit de la victime : une action, une exception,
une reetitutio in integrvm.

Le recours le plus ancien est l'action. Considrant le dol et la


violence comme des agissements dlictueux - le prteur avait d'abord organi-
s une rpression de ces dlits au moyen d'actions pnales : sous couleur
de peine pcuniaire, ces actions aboutissaient procurer la victime une
rparation du prjudice qu'elle avait subi du fait du dol ou de la violen-
ce.
. 225 .

Enfin le prteur ne s'en tint pas cette mesure rpressive : il


corrigea le systme de droit civil. Au moyen de l'exception et de la res-
titution in integrum, il frappa d'une Invalidite prtorienne des actes qui,
bien que conclus sous l'empire du dol ou de la violence, taient valables
d'aprs le jus civile. Au moyen de l'exception la victime pouvait refuser
d'excuter le contrat; au moyen de la restitutio in integvum elle obtenait
la rescision du contrat : sa libration, si elle n'avait pas encore excut
ou, si elle avait excut, la restitution de ce qu'elle avait pay.

A/
Le=doj= :

. Dfinition :

L'expression "dolus malus" correspond dans la langue juridique


deux notions distinctes. Trs souvent, on entend par l l'intention
mauvaise, la volont de nuire : nous rencontrerons ce sens du mot dol
quand nous nous occuperons des dlits : d'ordinaire l'auteur d'un acte
dlictueux n'est punissable que s'il a agi "dolo malo", c'est--dire
intentionnellement. Nous trouverons aussi ce sens du mot dol dans l'ex-
pression "praestare dolum" = rpondre de son dol : lorsque l'excution
d'une obligation est devenue impossible, le dbiteur est responsable
si, ''dolo malo", Il l'a rendue impossible, par exemple en dtruisant
volontairement la chose due.

Mais le dol dont nous avons nous occuper ici, comme vice du
consentement, est autre chose. Labon le dfinit ainsi : "toute su-
percherie, toute fraude, toute machination employes en vue de trom-
per, de dcevoir autrui" (D. 4.3.1.2).

Dol et erreur :

Le dol est le moyen employ pour provoquer une erreur. La notion


de dol ne fait pas cependant double emploi avec celle d'erreur. D'abord
il peut y avoir erreur sans dol, si l'une des parties se trompe elle-
mme; : en cas de dol, la victime est trompe par son partenaire. De
plus l'erreur n'est pas toujours prise en considration : nous avons
vu que d'ordinaire l'erreur sur la qualit n'empche pas le contrat
d'tre valable; mais si cette erreur a t provoque par les manoeu-
vres de l'un des contractants, l'autre peut se prvaloir des mesures
qui protgent la victime du dol.

Quel le sorte de dol


prend-on en considration ?

a) Toute tromperie n'est pas ncessairement un dol dont on puisse faire


tat : le droit n'attache de consquence qu' la tromperie qui est
vraiment susceptible d'induire en erreur. Ainsi le marchand qui van-
226

te sa marchandise, qui la prsente de faon la rendre plus plai-


sante, agit selon des usages qui ne doivent tromper personne : c'est
un dous bonus.

b) Le droit civil franais fait une distinction entre le dol principal


et le dol incident : le dol principal rend le contrat annulable tan-
dis que le dol incident ouvre simplement au profit de la victime le
droit d'obtenir des dommages intrts.

M y a dol principal "lorsque les manoeuvres pratiques par l'une


des parties sont telles qu'il est vident, que sans ces manoeuvres
l'autre partie n'aurait pas contract (art. 1116 C.C.). C'est ce
que les glossateurs appelaient le "dolus oausam dans oontraatui" :
le dol qui a incit contracter. Le dol est incident lorsqu'il
n'a pas dtermin la volont de contracter, mais a incit la victime
consentir des conditions plus onreuses pour elle.

Cette distinction n'est pas romaine : les rdacteurs du Code Civil


l'ont emprunte Pothier, et Pothier s'tait inspir des glossa-
teurs. Ceux-ci avaient imagin cette distinction pour expliquer un
texte obscur du Digeste dont nous parlerons plus loin. Le droit ro-
main classique et, semble-t-II aussi le droit de la Compilation, at-
tachent au dol les mmes effets, sans qu'on ait savoir si, d-
faut de tromperie, la victime se serait ou non abstenue de conclure
le contrat.

c) Enfin - et c'est un point sur lequel on ne saurait trop insister, la


victime du dol n'a de recours que contre l'auteur mme du dol. Cette
solution est passe dans notre lgislation moderne.

Si en contractant, une des parties est victime d'un dol commis par
un tiers, elle n'a aucun recours contre l'autre partie : il est pos-
sible que celle-ci ait profit du dol, mais si elle ne l'a pas com-
mis elle-mme, elle n'en est pas responsable. La victime en pareil
cas ne peut trouver dans le contrat aucun remde contre le dol. Mais
le droit romain considre que le tiers, auteur du dol, a commis un
dlit et cela peut justifier, au profit de la victime, l'exercice
d'une action trangre au contrat - l'action du dol - contre l'au-
teur du dol.

De quelle faon le droit romain parvenait-iI protger la victi-


me du dol ? Dans les contrats de bonne foi le dol tait pris en consid-
ration, en vertu des rgles mmes du jus oivi-le, qui rgissent les ac-
tions de bonne foi.
227 .

Lorsque ces rgles ne pouvaient pas tre invoques - notamment


dans les contrats de droit strict - le prteur venait au secours de la
victime. Il y avait donc deux systmes en matire de dol : l'un civil,
I'autre prtorien.

Systme du jus civile :

Dans les contrats de bonne foi, d'aprs les principes du jus ci-
vile, le dol ne rendait le contrat ni nul ni mme annulable. L'ide
que le dol puisse tre une cause de nullit est tout fait trangre
au droit romain classique et probablement au droit de Justlnien.

Il n'existe dans toute la Compilation qu'un seul texte (D. 4.3-7


pr) qui parle d'une nullit de la vente pour cause de dol : ce texte
obscur a toujours embarrass les commentateurs. Le romaniste hollan-
dais, M. Van Oven (1) est parvenu dmontrer que la phrase o il est
question de la nullit de la vente est une glose ajoute au texte d'Ul-
pen par quelque juriste de Basse-Epoque, avant Justinien. Les juris-
tes orientaux ont t parfois tents de voir dans le dol une cause de
nullit des contrats de bonne foi : cette conception apparat encore
aux Basiliques, dans une scholie de l'Anonyme sur ce texte du Digeste
(Bas. 10.3.7 - Heimb. 1 p. 498). Mais cette conception n'tait cer-
tainement pas celle des jurisconsultes classiques, ni mme des Compi-
lateurs : c'est par inadvertance qu'ils ont reproduit la glose obscu-
re qui figurait dj dans l'dition d'Ulpien dont ils se sont servis
pour rdiger ie Digeste.

Si^le dol n'entranait pas la nullit des contrats de bonne foi,


quel tait donc son effet ?

Ces contrats taient sanctionns par des actions, dont la formule,


avec la clause "ex fide bona", invitait le juge apprcier l'existence
et l'tendue de l'obligation du dfendeur, en tenant compte de la bon-
ne foi : le juge avait ainsi le pouvoir de prendre en considration le
dol commis soit par le demandeur, soit par le dfendeur. Bien entendu,
il ne pouvait pas s'occuper du dol commis par un tiers.

a) Le dbiteur - dfendeur au procs - se prtend victime d'un dol com-


mis par le demandeur : il n'a pas besoin pour s'en prvaloir de fai-
re insrer l'exception de dol dans la formule : il peut invoquer le
dol comme un moyen de dfense au fond. Si le juge constate que le
dfendeur a t victime d'un dol commis par le demandeur, l en ti-
rera les consquences que l'quit parat imposer : le juge peut ab-
soudre compltement le dfendeur, s'il apparat qu'en bonne foi il

(1) VAN OVEN : D. *+.3-7 pr : "Contribution l'histoire du dol" dans "Studi


Albertario" 1950 p. 275. C'est pour expliquer ce texte que les glossa-
teurs ont imagin leur distinction du dol principal et du dol incident.
228 .

ne doit rien. Il peut aussi, selon nous, se contenter de rduire


la condamnation.

b) Le crancier a t victime d'un dol : il peut se servir de l'action


mme du contrat pour rclamer des dommages-intrts. Nous avons ren-
contr de nombreuses applications de cette solution en matire de
vente : l'acheteur peut exercer l'action empti pour rclamer des dom-
mages-intrts lorsque le vendeur l'a tromp soit en lui faisant
croire qu'il lui cdait la proprit qu'il n'avait pas, soit en dis-
simulant un vice cach.

Systme prtorien :

Lorsque l'action du contrat ne permet pas de secourir la victime


du dol, le prteur met sa disposition divers moyens : action doli,
exception doli, vestitutio in integvwn ob dolum. Ces moyens entrent
en jeu lorsque le contrat est de droit strict, sans clause de dol; ou
bien encore lorsque dans un contrat de bonne foi l'une des parties a
t victime d'un dol commis par un tiers.

! 0 ) Ation_don :

Cette action a t cre par AquiIius GaLluSj ami de Cicron et


prteur prgrin en 66 av. JC. (CIC : "De 0ff."3.).\).

Elle est dirige contre l'auteur du dol : contre la personne avec


laquelle la victime a contract, si le dol mane de celle-ci - ou
contre un tiers, si le dol n'mane pas du co-contractant.

L'action doli est infamante : elle entrane l'infamie pour celui


qui est condamn, Elle revt mme certains gards l'aspect d'une
action pnale : elle se prescrit rapidement (annale); elle se donne
"noscaliter" contre le pre ou le matre si le dol a t commis par
son fils ou son esclave. Ces particularits laissent supposer qu'aux
yeux du prteur le dol tait un dlit.

Cependant faction doli remplit une fonction indemnisatrice et de


ce fait son caractre pnal se trouve attnu : la victime obtient
en effet une somme d'argent calcule au simple (prjudice subi).
L'action doli, dans le droit de Justinen tout au moins, est arbi-
traire : l'auteur du dol est d'abord invit par le juge procder
des restitutions en nature et c'est seulement s'il n'obtempre
pas qu'il est condamn une somme d'argent.

Contrai rement ce qu'on trouve ordinairement dans les actions p-


nales, l'action doli se transmet contre les hritiers, tenus seule-
ment il est vrai dans la mesure de l'enrichissement que leur procu-
re l'acte dolosif du dfunt.
. 229

Enfin l'action doli, non seulement ne se cumule pas avec les au-
tres voies de droit qui appartiennent la victime, mais a mme un
caractre subsidiaire : le prteur ne l'accorde que si la victime
n'a pas d'autre moyen d'obtenir rparation du prjudice.

Cette solution est sans doute dicte par le dsir de ne recourir


une action infamante qu'en dernier tat de cause. Pour la mme
raison l'action doli est donne sous une forme particulire, "in
factwn" non infamante, dans des cas o le prteur juge opportun
d'viter l'infamie au dfendeur, notamment lorsque l'auteur du dol
est un proche parent de la victime.

Prvue par le prteur avec une certaine parcimonie, l'action doli


reut, sous l'impulsion de Labon, de trs nombreuses applications.
Labon en prconise l'octroi dans toutes sortes d'hypothses o il
ne s'agit nullement de tromperies dans un acte juridique, mais d'a-
gissements rprhensibles qui ne tombent sous le coup d'aucune loi.
Cette jurisprudence fit de l'action doli une panace, un remde au-
quel on avait recours pour combler des lacunes du droit positif,
toutes les fois qu'il paraissait quitable de trouver une sanction.

2) L'exception doli :

Elle a t tablie soit en mme temps que I'action, soit trs peu
de temps aprs sa cration. C'est une exception perptuelle et p-
remptore.

En faisant Insrer l'exception de dol dans la formule, le dfen-


deur obtient son absolution, s'il parvient prouver devant le ju-
ge que le demandeur a commis un dol son gard. Le dbiteur qui
a contract sous l'empire du dol peut de cette faon refuser d'ex-
cuter : le contrat entach de dol, alors mme qu'il est valable "ju-
re oivili", est frapp d'une sorte de nullit prtorienne : l'ex-
ception en paralyse les effets.

Lorsqu'un dbiteur prtend en justice que son consentement a t


extorqu par dol, il invoque un dol contemporain du contrat, par
consquent un dol pass : doluspraeteritus.

Mais on peut aussi recourir l'exception doli lorsque le deman-


deur commet un dol au moment du procs et par le fait mme qu'il
ose faire le procs : le dol est alors un dol "prsent" : dolus
praesens. Ce genre de dol n'est pas une manoeuvre trompeuse, mais
consiste dans le fait d'exercer une action en justice quand il se-
rait honnte de ne pas le faire.

L'exception "de dol prsent" est une exception gnrale qui peut
tre utilise dans des hypothses trs diverses : elle remplace tou-
tes les exceptions particulires, car c'est commettre un dol qu'n-
. 230 .

tenter une action quand une exception particulire peut tre oppo-
se. Nous trouverons une application de cette exception doli en
matire de compensation : c'est aumoyen d'une "exception doli prae-
sentis" que le dbiteur peut, dans les actions de droit strict, con-
traindre le crancier oprer la compensation.

3) L vestitutio in integrum ob dolwi ne fonctionne que dans de rares


hypothses. Ce moyen a t introduit dans Mdit assez tardive-
ment pour complter le systme de l'action et de l'exception et en
combler quelques lacunes.

B/ La violence :
sssss&scssa

A l'poque des guerres civiles les prteurs furent amens pren-


dre des mesures contre les Individus qui extorquaient le bien d'autrui en
usant de violences. S'inspirant sans doute des lois "de repetundis", qui
prvoyaient les extorsions commises par les magistrats au dtriment de leurs
administrs, les prteurs appliqurent la peine du quadruple aux particu-
liers qui s'emparaient du bien d'autrui par violence. C'est cette peine du
quadruple que Lucullus introduisit dans Mdit en 76 av. JC. pour punir -
sous la dnomination de rapina - les actes de brigandage commis sur la pro-
prit d'autrui. Nous reviendrons sur la rapina propos des dlits.

En 71, aprs la dictature de SyI la, le prteur Octavius s'occupa


de faon particulire des violences employes en vue de dterminer une per-
sonne passer un acte juridique. Le prteur dclarait qu'il ne tiendrait
pas pour valables les actes conclus sous l'empire de la violence : "quod me-
tus causa gestum eritt ration non habeho".

Le terme employ par Mdit n'est pas le mot vis (violence), mais
bien le mot metus = crainte inspire par la violence. Il peut s'agir d'une
contrainte physique, mais aussi de menaces. Le prteur ne tient compte de
la violence que si elle.est considrable, de nature branler un homme cou-
rageux ihomo oonstantissimus).

L'Edit de Jullen prvoyait en matire de metus trois moyens qui


paraissent bien avoir t imagins par des prteurs successifs, dans Mor-
dre suivant :

1) L'action metus causa


ou action metus :
Cre par Octavius : c'est la "formula Ootaviana" dont parle Cic-
ron.
231 .

La metus est un dlit prtorien : l'action metus prsente mme un


caractre pnal beaucoup plus accentu que l'action doli. Comme l'action
doli, elle est annale, se donne noxaliter, mais la diffrence de l'ac-
tion do H elle aboutit une vritable peine pcuniaire trs suprieure
la valeur du prjudice : elle est au quadruple du dommage caus si on
l'intente dans l'anne du dlit : elle est ensuite au simple.
L'action metus remplit cependant une fonction indemnisatrice qui
l'oppose certains gards aux vraies actions pnales.
Elle peut tre exerce contre les hritiers : ceux-ci, il est vrai,
ne sont tenus que dans la mesure de leur enrichissement au simple.
Contrairement aux vritables actions pnales elle ne se cumule pas
lorsqu'il y a plusieurs coupables, et son cumul avec les autres voies de
droit est ordinairement cart. Ainsi Julien n'admet pas qu'on puisse
opposer I'exception de violence quand on a dj exerc I'action metus.
Enfin dans le droit de Justinlen, l'action metus, comme I'action
doli, est arbitraire : elle n'aboutit la peine du quadruple que si le
dfendeur ne procde pas aux restitutions qui lui sont d'abord ordonnes
par le juge. Le but poursuivi est donc, moins de punir, que d'obtenir
l'anantissement des effets de I'acte juridique entach de violence.
Il existe entre l'action de dl et l'action de violence une diff-
rence remarquable; tandis qu'on ne peut exercer I'action doli que contre
l'auteur du dol, on peut poursuivre par l'action metus, non seulement ce-
lui qui a commis la violence, mais toutes les personnes qui ont profit
de l'acte entach de violence, mme les tiers acqureurs de bonne foi :
c'est pourquoi un texte du Digeste dit que cette action est "in rem sorip-
ta" (MARCELLUS chez ULPIEN : D. 4.2-8.8), bien qu'il s'agisse videmment
d'une action personnelle.

2) Exception metus :
Par l'action, la victime prend I'initiative d'attaquer l'acte qui
lui a t extorqu : par l'exception, au contraire, elle se dfend, si on
Veut l'obliger excuter sa promesse. L'exception de violence est perp-
tuelle et premptoire.

3) In integrum restitutio ob metum :


Ce moyen est accord par le prteur avec une certaine prudence :
"eogrdta causa", aprs avoir examin lui-mme l'affaire. Par la restitu-
tio , Ia victime prend l'initiative d'attaquer l'acte entach de violence,
mais sans demander l'application d'une peine. La restitutio a pour effet
de produire la rescision de l'acte. Ce moyen est parfois plus avantageux
. 232 .

que l'action : notamment lorsque le bnficiaire de l'acte attaqu est


un insolvable : La peine du quadruple n'offre pas grand intrt si celui
qui doit.la payer est Insolvable. La restitutio in int&grum au contrai-
re effac ls-alinations qui ont t faits/et permet d'exercer des ac-
tions relles qui, "restitues" contre les tiers, permettent de repren-
dre la chose.

.3 - LA LESION

Il est d'usage d'tudier la lsion la suite du dol et de la vio-


lence; la lsion n'est cependant pas un vice du consentement : c'est une
notion conomique.

La lsion n'est pas autre chose que le prjudice qu'prouve une


des parties, dans un acte titre onreux, lorsqu'il existe une dispropor-
tion marque entre la prestation qu'elle obtient et le sacrifice qu'elle
consent : il y a lsion quand, par exemple> un acheteur achte trop cher,
ou quand un vendeur vend trop bas prix.

La lsion ne peut pas exister dans les contrats de bienfaisance


(comme le dpt, le commodat, le mandat) : dans des contrats qui ne compor-
tent -pas:de prestations rciproques, il n'y a pas essayer de savoir si el-
les sont quivalentes.

Il ne peut davantage tre question de lsion dans les contrats


alatoires : par leur nature mme ces contrats impliquent des risques accep-
ts par les parties, de leur plein gr.

En dfinitive la lsion n'intresse que les contrats titre on-


reux et commutt ifs.

Est-il opportun que le lgislateur fasse de la lsion une cause


de nullit dans les contrats de cette catgorie ? D ' u n pointde vue moral,
lorsque les prestations rciproques sont trop Ingales, le contrat n'est pas
honnte et ne.mrite pas la protection des lois. Tel tait le point de vue
des canonistes avec teur doctrine du "juste prix", et le Code civil allemand
considre comme "contraire aux bonnes moeurs" I'acte dans lequel l'quivalen-
ce des prestations fait dfaut "de faon anormale".

D'un point de vue simplement juridique, il y aurait un avantage


technique incontestable faire de Ta'TsTon une cause de nullit : ce se-
rait une faon de complter la thorie des v>ces du consentement : l'ordi-
naire le consentement d'une personne qui passe un contrat qui la lse est
un consentement vici de quelque manire : dans des cas o il peut tre dif-
ficile de prouver une erreur,, un dol ou une violence, la lsion, qui laisse
supposer I'existence d'un de ces vices, pourrait tre une cause opportune de
nul Iit.
. 233

Mais on peut objecter qu'une lgislation qui admettrait facile-


ment l'annulation des contrats pour cause de lsion risquerait de lui en-
lever toute stabilit. Sous prtexte de lsion il serait possible de les
attaquer toutes les fois qu'on regretterait de les avoir conclus. Ce dan-
ger se trouve encore aggrav par le fait qu'il est trs difficile d'appr-
cier la valeur des choses. La notion de valeur est complexe. Il serait
imprudent de faire dpendre la validit des contrats d'une notion aussi su-
jette discussion.

C'est pourquoi notre Code Civil ne tient compte de la lsion qu'


titre tout fait exceptionnel, "dans certains contrats et l'gard de
certaines personnes" (art. 1118).

Cette solution moyenne tait dj celle du droit romain qui ne


tient compte de la lsion que dans les cas suivants :

1. Lorsque la victime est un mineur de 25 ans : elle peut obtenir la resti-


tutio in integrum oh aetatem, c'est--dire la rescision de l'acte, con-
dition que la lsion ait pour cause son inexprience.

2. Les.majeurs ne peuvent attaquer, pour cause de lsion, que les actes sui-
vants :

a) En matire de socit, lorsque les associs s'en remettent un arbi-


tre pour dterminer la rpartition des bnfices : si la rpartition
lse un associ, il lui est permis d'attaquer la dcision de l'arbi-
tre.

b) En matire de vente d'immeubles : le vendeur peut demander la rescision


du contrat si le prix n'atteint pas la moiti de la valeur de la chose
vendue. Mais l'acheteur peut viter la rescision et conserver l'Immeu-
ble en versant un complment de prix.

Cette solution est passe dans notre droit moderne (lsion des
7/12 dans les ventes d'immeubles). Elle apparat dans des constitu-
tions de Diocltlen (285 293). Il est possible que la crise cono-
mique qui a conduit Diocltien protger les acheteurs en tarifant
les denres (dit du Maximum) - ait aussi incit cet empereur orga-
niser, en faveur des vendeurs d'immeubles, la rescision pour cause de
lsion.

Mais il est fort possible aussi que Justnien, qui a reproduit ces
constitutions, les ait interpoles (C. 4.44-2 14); Justinien a bien
senti le besoin, non pas, comme on l'a dit parfois,.de faire triompher
la doctrine chrtienne du juste prix - mais de protger les "hurnilio-
reeffqui, accabls par la misre, taient tents de vendre leurs ter-
res vil prix des "potentes".
234

Bien que les constitutions ne s'expriment pas nettement sur ce


point, la rescision de la vente pour cause de lsion semble bien
:
n'avoir concern que les ventes d'immeubles : la constitution C. 4.
44.2, aprs s'tre exprime en termes gnraux, ne parle ensuite que
de fonds de terre.

c) Enfin le droit du Bas Empire admet la rescision des partages pour


cause de lsion (DIOCLETIEN : C. 3.38.3 = Col. 2.6) l'article 887
CC ne l'admet que si la lsion est de plus d'un quart.

DIVISION I I : L'OBJET DE L'OBLIGATION

Pour la commodit du langage on appelle "objet du contrat" ce qui


en ralIt constitue l'objet de l'obligation : pour qu'un contrat soit vala-
ble, il faut que l'obligation que les parties conviennent d'tablir entre
elles ait un objet remplissant certaines conditions.

A considrer les choses de plus prs, on peut mme remarquer


qu'on s'exprime improprement quand on dt que l'obligation a pour objet
telle chose, par exemple l'esclave Stichus. En ralit, quand un dbiteur
s'engage "dare Stiohum", son obligation a pour objet une datio, c'est-- i
dire un transfert qu'il ralisera par mancipatlon ou tradition; Stichus
est l'objet de cette mancipation ou de cette tradition que le dbiteur
doit accompi r.

Cette prcaution tant prise, nous pourrons parler de l'objet


des contrats, sachant que c'est une faon commode, mais elIiptique de s'ex-
primer.

1 - CLASSIFICATION DES OBLIGATIONS


D'APRES LEUR OBJET

Il existe une classification des obligations - et par le fait m-


me des contrats - d'aprs leur objet.

1) L'obligation peut consister dare, ou faoere, ou praestare.

Cette classification tri parti te tait susceptible, l'poque


classique, d'embrasser toutes les prestations possibles (PAUL : D_. 44.
7.3). Mais il n'est pas toujours ais de prciser l sens que les ju-
risconsultes entendaient donner ces trois termes. . Ordinairement da-
. 235 .

re, c'est transfrer la proprit, faoere c'est faire quelque chose,


rendre un service, et praestare c'est fournir une prestation quelconque
sans transfrer la proprit. Mais la terminologie juridique est loin
d'avoir toujours cette rigoureuse prcision.

faoere, au sens large, englobe services et abstentions {non fa-


oere) , englobe aussi - ce qui est plus grave - des prestations que l'on
dsigne aussi par le mot praestare. Cela tient sans doute des rai-
sons historiques : sous la Rpublique - l'poque o le prteur a t-
bli le modle de la plupart des formules d'actions, l'ensemble des pres-
tations possibles tait alors dfini par les deux verbes dore et faoe-
re : iHntentio des actions de bonne foi est ordinairement ainsi con-
ue "quidquid ... dare faoere oportet ex fide bona" (1). Avec cette
classification bipartite, on devait faire entrer dans le faoere tout ce
qui plus tard devint le domaine du praestare.

Dare, d'autre part, n'indique pas ncessairement un transfert de


proprit. Ce mot figure dans \*intentio de l'action empti; or l'obli-
gation de vendeur ne consiste pas transfrer la proprit de la chose
vendue, mais seulement la "vaoua possessio". Les expressions "dare pi-
gnus", "pignori dare" sont courantes pour dsigner la constitution de
gage (cf D_. 20.1-1 pr, 1.2.3.4 etc.) : or le gage ne comporte nullement
un transfert de la proprit et rend le crancier gagiste simplement
possesseur. Alfenus parle mme de "dare opras" propos des services
dus par l'affranchi son patron (D. 38.1-26.1).

La notion de praestare soulve des difficults encore plus gra-


ves. La runion des trois verbes : dare, faoere, praestare se rencon-
tre pour la premire fois dans le chapitre 22 de la lex Gallia Cisalpi-
na (49-42 av. JC) mais suivie d'un quatrime verbe : restituireve :
la classification tripartite n'avait pas encore pris sa forme dfiniti-
ve. Dans cette classification, que signifie praestare ? Son sens le
plus original - et peut-tre le plus voisin de son tymologie (praes)
est celui de responsabilit : praestare dolwn, praestare oulpam, c'est
rpondre de son dol ou de sa faute. Mais il arrive aux jurisconsultes
d'employer le verbe praestare propos de toutes sortes de services et
de prestations qui pourraient tre appels faoere ' services d'un man-
dataire ou d'un affranchi, obligation du bailleur ou du colon. Il im-
porte cependant de remarquer que les jurisconsultes, lorsqu'il s'agit
d'une obligation de droit strict prfrent s'en tenir au term faoere :
c'est dans le cadre des actions de bonne foi que la notion de praestare
s'est introduite tantt pour dsigner un genre de responsabilit qui
tait tranger aux oprations de droit strict, tantt pour dsigner une
catgorie d'activit dtache du domaine ancien du faoere.

(1) Telles sont les formules des actions depositi, empti, looati (cf. GAUS
. IV.Hl, IV.131 a). Pour les actions pro sooio et mandati, LENEL (dit.
108, 109) propose "Quidquid ... dare, faoere, praestare oportet"'. Si
oette reconstitution est exacte on devrait considrer les actions mandati
et pro sooio comme plus rcentes, ce qui est discutable.
236

2) L'objet peut tre un genus ou un species.

. Genus = chose de genre, chose dont l'individualit n'est pas prise


en considration par les parties.

. Species = chose d'espce, chose dont les parties ont envisag l'ndi-
vidualit.

Cette classification prsente un grand intrt en matire de res-


ponsabilit contractuelle : "gnera non pereunt" : les choses de genre
sont censes ne jamais prir (on peut les remplacer par d'autres).

3) L'objet peut tre certain ou incertain. Une stipulation peut tre cer-
ta ou inoevta selon son objet.

GaTus (D. 44.1.74) propos de la stipulation, dfinit ainsi l'ob-


jet certain : "l'objet est certain lorsque les termes de la stipulation
permettent de dterminer ce qu'est la chose (quid), de quelle qualit
elle est (quale), et quelle est la quantit promise (quantum)". Cette
faon de parler ne convient qu'aux choses de genre. En ce qui concerne
les choses d'espce il n'y a pas parler de leur qualit ni de leur
nombre : Il s'agit en effet d'une chose que les parties ont envisage
dans son individualit propre : cet objet est certain si les parties
s'en font une ide prcise : c'est tel esclave. Mais si l'on donne pour
objet au contrat l'enfant que telle femme esclave mettra au monde, cet
enfant, qui n'existe pas encore, est une "res incerta".

Est "certain" l'objet parfaitement dtermin sous tous tes rap-


ports au moment o se forme l'obligation.

- L'obi igation qui consiste "dare rem" est certa ou incerta, selon
'que la ,fresf! est certa ou -inoerta: L'obligation qui a pour objet le
transfert de proprit de telle chose d'espce ou d'une chose de gen-
re dont on connat le quid, quale, quantum - est une obligation cer-
ta. Est encore certa l'obligation de constituer une servitude pr-
diale dtermine.

Par contre l'obligation de dare est incerta si l'on s'est engag


transfrer la proprit d'une chose future, ou d'une chose de gen-
re dont on n'a pas prcis ta qualit ou la quantit, ou si l'on a
promis une rente viagre, ou un usufruit.

- L'obligation qui consiste en un facere ou un praestare est toujours


incertaine. -

La distinction des obligations certaines et incertaines prsente


un intrt considrable au point de vue procdural.. Les' obi Igatlons
certaines sont sanctionnes par des actions de droit strict, la condic-
. 237

tio certae pecuniae et la aondiatio aertae vei. Dans ces actions, le


demandeur court le risque de commmettre une "plus petitio re" - et les
pouvoirs d'apprciation du juge sont limits. Les obligations incertai-
nes sont sanctionnes soit par des actions de droit strict (action ex
stipulatu inoerti) - soit par des actions de bonne foi. Ces actions
laissent au juge un plus grand pouvoir d'apprciation et la plus peti-
tio re n'est pas craindre.

4) Obligation cumulative, obligation alternative, obligation facultative.

Cette classification concerne des hypothses o plusieurs objets


sont donns en mme temps au contrat.

- L'obligation est cumulative lorsque le dbiteur s'engage fournir


tous les objets envisags dans le contrat : il a promis par exemple
de fournir Stichus et Pamphle.

- L'obligation est alternative lorsque le dbiteur ne doit fournir que


l'un des objets envisags dans le contrat : le contrat accorde au d-
biteur la facult d'opter entre l'une des deux choses. Ainsi le d-
biteur a promis de fournir Stichus ou Pamphile. Le contrat n'a en r-
alit qu'un seul objet, une seule des deux choses est due, mais elle
reste indtermine : l'objet se trouvera dtermin par le choix que
fera le dbiteur au moment d'excuter.

Si l'un des deux objets prit par cas fortuit, le dbiteur reste
tenu de fournir l'autre, aussi bien en cas d'obligation cumulative que
d'obligation alternative.

- Il en est autrement dans l'obligation facultative : deux choses sont


encore mentionnes dans le contrat, mais une seule constitue l'objet
de l'obligation, l'autre n'est indique que pour mnager au dbiteur
une facilit de paiement : cette seconde chose n'est pas "in obliga-
tione", mais "in solutione" : elle est mentionne dans le contrat, non
comme objet de l'obligation, mais "in faaultate solutionis"t comme mode
possible de paiement. Par consquent si l'objet d titre principal
prit, le dbiteur est compltement libr.

5) Obligations successives, et non successives.

L'obligation est successive lorsque l'objet consiste en une suite


d'actes susceptibles d'tre accomplis pendant un certain laps de temps :
ainsi en matire de louage - ou bien encore toutes les obligations de
ne pas faire. Les obligations non successives au contraire s'excutent
en une seule fois.
238

2 - CONDITIONS
QUE L'OBJET DOIT REMPLIR

Pour qu'un contrat soit valable il faut que son objet remplisse
plusieurs conditions :

1) L'objet doit tre le fait du dbiteur. Deux personnes qui passent entre
elles un contrat ne peuvent pas prvoir une obligation qui serait la
' charge d'un tiers. Les promesses pour autrui sont nul les, sauf accomo-
dements que nous verrons plus loin.

2) L'objet doit tre possible. Nous avons trouv des applications particu-
lirement intressantes de ce principe en matire de vente, avec la dis-
tinction de l'impossibilit de fait et de I'impossiblIit de droit. Il
s'agit l d'une rgle qui concerne toutes les obiigations : comme le dt
Celsus (D_. 50.17-185) : "impossibilium nulla obligtio"; l'obligation dont
l'objet est impossible est nulle.

3) L'objet doit tre licite. Nous l'avons constat pour la vente : c'est
galement vrai pour tous les autres contrats.

4) L'objet doit tre suffisamment dtermin.

Cette condition n'est pas en contradiction avec le fait qu'il exis-


te en droit romain des "obligations incertaines" parfaitement valables,
par exemple celle qui rsulte d'une "stipulatio inoevti".

Un contrat dont l'objet est "incertain" est dnu de valeur s'il


ne contient aucun lment qui permette de dterminer par la suite ce qui
est d. Si par exemple on a stipul du bl sans indiquer la quantit, le
contrat est nul, parce que le promettant pourrait se librer en offrant
un grain de bl.

De mme, si dans une vente on dcide que le prix sera fix par un
arbitre, le contrat est nul si les parties n'ont pas choisi l'arbitre.

Par contre un contrat est valable quoique son objet soit Hnaev-
twi", s'il contient les lments qui permettent dans la suite de dtermi-
ner ce que le dbiteur doit fournir ou doit faire.

Si dans une vente le prix doit tre fix par un arbitre dj dsi-
gn dans le contrat, le prix est Inconnu le jour o le contrat est pass,
niais on connat dj les moyens qui permettront de le dterminer. De m-
mesi une femme se constitu une dot sans fixer le montant, elle est vala-
blement obi ige : le juge dterminera le montant de la dot en considra-
tion des ressources de cette femme et de la condition sociale du mari.
239 .

Les obligations ayant pour objet un faceve, praestare, sont tou-


tes incertaines : cela ne les empche pas d'tre valables, si le juge
trouve dans le contrat des lments qui lui permettent de dterminer leur
tendue : ainsi, celui qui s'engage btir une maison contracte une obli-
gation de faceve, obligation Hncerta" : pour que le contrat soit valable,
il faut que l'on ait prcis l'importance de la construction envisage,
et mme, selon Marcellus, que l'on ait dj connaissance du terrain sur
lequel s'lvera la construction : sans quoi l'objet ne serait pas suf-
fisamment dtermin.

Les contrats de bonne foi ont tous pour objet un inoertum : ils
sont valables si les parties sont tombes d'accord sur les lments es-
sentiels du contrat (par exemple prix et chose dans la vente) car le ju-
ge est ainsi en mesure de dterminer l'tendue de toutes les obligations
qui sont susceptibles d'en dcouler.

5) L'objet doit prsenter un intrt pour le crancier.

Si le crancier n'a aucun intrt obtenir l'excution du con-


trat, aucune action ne lui sera accorde si le dbiteur ne remplit pas
ses engagements : pas d'intrt, pas d'action. C'est pour cette raison
que la stipulation pour autrui est nulle.

A l'poque classique il faut mme un intrt pcuniaire, c'est--


dire apprciable en argent. Dans la procdure formulaire le juge ne pou-
vait condamner qu' une somme d'argent : il fallait par consquent qu'il
puisse procder une estimation pcuniaire. Le contrat qui ne prsen-
tait pour le crancier qu'un intrt moral ou d'affection tait dpourvu
de sanction. C'est bien ce qu'affirme Ulpien : "on ne peut faire entrer
dans une obligation que ce qui peut se payer et se fournir en argent"
(D. 40.7-9.2).

Quelques textes du Digeste apportent cette rgle des tempra-


ments. Ainsi Papinien tient compte de l'intrt d'affection en matire
de mandat (j. 17.1-54 pr) : on a donn mandat d'affranchir un esclave
dont on est le pre naturel : Papinien accorde l'action de mandat pour
obtenir excution.

Paul (Ci. 21.2-71) envisage le cas d'un pre qui dote sa fille avec
un immeuble qu'il vient d'acheter : ce pre peut faire valoir la garantie
contre l'viction car I a un intrt d'affection ce que sa fille soit
dote, mme si la dot ne doit jamais faire retour entre ses mains lui.

Il est possible qu'en matire de contrats la procdure extraordi-


naire ait permis d'exercer des actions en se basant sur un simple Int-
rt d'affection, au moins dans quelques cas, ds l'poque classique-.
. 240

Les compilateurs ont gnralis et appliqu cette solution tou-


tes les actions de bonne foi. On peut les suspecter d'avoir ajout, au
texte de Papinien dj cit (D. 17.1.54), cette parenthse : "les meil-
leurs jurisconsultes sont d'avis que dans toutes les actions de bonne foi
il faut tenir compte de l'intrt d'affection". Par contre la Compila-
tion s'en tient encore la solution classique en matire d'obligations
dlictuelles : ainsi, en matire de dommages, l'action legis Aquiliae ne
permet pas d'obtenir rparation d'un prjudice moral ou d'affection CD.
9.2-33 pr). Sur cette question, cf. MACQUERON : "L'intrt moral ou
d'affection dans les obligations dlictuelles en Droit Romain" (Etudes
Audinet, 1968 p. 173).

Le Code Civil (art. 1108 et 1131) fait de la cause un lment es-


sentiel des conventions : il n'est pas ncessaire qu'elle soit exprime (art.
1132) mais II faut qu'elle existe et qu'elle soit licite. En tait-il ainsi
en droit romain ? C'est une question discute (1). Qu'entend-on d'abord par
l ? En droit moderne il semble qu'il s'agisse de la cause finale, le but
que le dbiteur veut atteindre lorsqu'il consent s'obliger. Le but est
connu des deux parties et se distingue en cela des motifs Individuels. Par
exemple Titius vend son argenterie parce qu'il a grand besoin d'argent et
qu'il est cousu de dettes : voil le motif. Par le contrat de vente II s'est
oblig livrer l'argenterie 5 son acheteur : cette obligation de dlivrance
a t consentie en vue d'obtenir le prix convenu : voil le but. L'obligation
de l'acheteur (de payer le prix) est la cause qui justifie l'obligation du
vendeur (de livrer la chose).

Le droit romain faisait-il une place la notion de cause ainsi d-


finie ? Il n'en a certainement pas fait une condition essentielle d'une fa-
on gnrale pour toutes les conventions. La question demande tre exami-
ne sparment pour diverses catgories de contrats.

SECTION

1 - LA CAUSE DANS LES CONTRATS FORMELS

Ces contrats sont abstraits, unilatraux : la contre-prestation


qu'espre obtenir celui qui s'engage n'entre pas dans le contrat, et n'a au-

(1) Sur la cause en droit romain : J. MACQUERON : "La cause illicite ou immo-
rale" 1924, et dans l'ouvrage de CAPITANT : "La Cause" 1927, l'expos his-
torique de M. LE BRAS.
241

cune influence sur sa validit. Le contrat ne laisse mme pas entrevoir si


le dbiteur espre obtenir un avantage quelconque.

La notion de cause a donc t tout d'abord absolument trangre


ces sortes de contrats. Celui qui s'engage par stipulation est tenu, en
vertu des paroles qu'il a prononces : il importe peu que sa promesse ait
ou non une cause.

Mais il devint bientt ncessaire de s'occuper de la cause, le


jour o le lgislateur romain commena soumettre les donations des r-
gles particulires. La loi Cinoia, en 204 av. J C , se montre dfavorable
aux donations : les donations importantes sont prohibes.

Or, en droit romain, rien, au point de vue formel, ne distingue


la donation d'un acte titre onreux : les mmes actes juridiques, manci-
pation, tradition, stipulation, etc ... sont employs aussi bien pour fai-
re une libralit que pour ralser une opration titre onreux.

L'acte titre gratuit ne se distingue des autres que par le but


qui inspire l'auteur de la donation ou de la promesse : c'est l'intention
librale qui, en droit romain, permet de caractriser la donation.

En droit franais, quand nous disons que l'intention librale est


la cause de la donation, nous nous livrons un .verbiage inutile : nous ex-
primons par l tout simplement que la libralit ... est une libralit !
En droit romain au contraire, lorsque nous disons qu'une stipulation est
faite "donandi causa", dans une intention librale, cette constatation est
du plus grand intrt : elle nous permet de dire que cette stipulation est
une donation et se trouve ainsi soumise aux rgles spciales qui rgissent
cette catgorie juridique.

La stipulation, conclue en vue de raliser une donation prohibe


par la loi Cinoia, est une stipulation dont la cause est illicite. C'est
propos des donations prohibes que le droit romain s'est d'abord occup de
la cause : il s'agissait, on le voit, de la cause .illicite.

Le promettant, en cas de donation prohibe, pouvait refuser d'ex-


cuter la stipulation, en invoquant le caractre illicite de la cause. A l'-
poque classique, le prteur mettait sa disposition un moyen de dfense :
l'exception "legis Cinoiae". Mais s'il excutait, la loi Cinoia ne lui per-
mettait pas de revenir sur ce qu'il avait fait : elle ne lui accordait aucu-
ne action en restitution.

Tel fut le point de dpart.

A l'poque classique la cause, sans tre reconnue comme un lment


essentiel des contrats solennels, est tout de mme prise en considration :
quand une stipulation n'a pas de cause, ou lorsque sa cause est Illicite, el-
le est ''jure oivili" valable, mais deux remdes permettent de corriger ce
principe : l'exception de dol et les oondiotiones.
. 242 .

xeption_de_do.[ :

L'exception de dol est un remde prtorien. La jurisprudence


classique considre que c'est une malhonntet - un dol - de rclamer
en justice l'excution d'un contrat qui n'a pas de cause - ou dont la
cause est vicieuse.

Gaus (IV.116) envisage le cas d'une personne qui, esprant ob-


tenir un prt, s'engage dj par stipulation rembourser. Si le cran-
cier rclame l'excution de cette stipulation, alors qu'il n'a pas prt
les deniers, le dbiteur peut lui opposer l'exception de dol. Paul (p_.
12.5-8) accorde l'exception de dol celui qui s'est engag par une sti-
pulation dont la cause est honteuse (turpis causa).

Par le dtour de l'exception doH, en invoquant l'ide de dol, la


jurisprudence tait donc arrive tenir compte de la cause dans les con-
trats formels : le dbiteur oblig sans cause ou en vertu d'une cause il-
licite pouvait refuser d'excuter.

Ls_gondi$iones :

La condictio esf une action que l'on peut exercer pour revenir sur
une datio que l'on a faite. Si la datio a t accomplie "sine causa", ou
pour une "causa turpis", la jurisprudence admet la possibiIIt de "rp-
ter" - de rclamer Ta valeur de la chose que I ';ri: a transfre. 'Celui
qui a reu est oblig de restituer, parce qu'il s'est enrichi Injustement,
c'est une obligation quasi-contractuelle.

C'est propos des condictiones que les jurisconsultes ont sans


aucun doute possible compris l'importance et l'utilit de la notion de
cause. Ils ont procd une classification des dation&s^ d'aprs la
cause, d'aprs le but poursuivi par I'auteur de la datio : la datio peut
tre faite ob ?em (en vue d'obtenir une contrepartitlon) - ob oausam (pour
une cause antrieure, par exemple pour excuter un contrat).

On parvenait aux rsultats suivants :

1. Supposons d';abord une stipulation sans cause. Par exemple j'ai promis
10 parce que je comptais recevoir ces 10 titre de prt : ils ne m'ont
pas t verss. J'excute l'obligation rsultant de la stipulation, me
figurant avoir reu les 10.

Ayant pay, alors que j'aurais pu opposer une exception de dol,


j'ai pay l'indu : je peux donc rclamer du crancier restitution, en
me servant de la condictio indebiti.
. 243 .

2. Supposons maintenant une stipulation dont la cause est illicite ou


immorale.

Si le promettant excute, il ne pourra pas toujours exercer la


oondiatio ob turpem vel injustam aausam : il faut en effet distinguer
selon qu'il y a turpitude pour les deux parties ou seulement pour ce-
lui qui reoit.

a) Un individu promet 10 pour que quelqu'un commette un crime, puis


paie cette somme. La datio faite pour rmunrer un crime est tur-
pis, aussi bien pour celui qui donne que pour celui qui reoit. Les
jurisconsultes trouvent qu'il est en pareil cas bien inutile de fai-
re un effort pour protger celui qui a fait la datio. Quand les
deux parties ne sont pas plus intressantes l'une que l'autre, le
mieux est encore de laisser les choses en l'tat o elles sont :
"in pari causa turpitudinis meliov est causa possidentis" : " ga-
lit de turpitude, on doit donner la prfrence celui qui est en
possession".

Cette solution est passe dans notre jurisprudence actuelle, mais


on la justifie en invoquant une maxime diffrente, qui n'est pas ro-
maine et qui se rencontre pour la premire fois chez les canonistes
du XIV s, : c'est la maxime "nemo auditwc pvopviam turpitudinem al-
legans ",

b) Si la turpitude n'existe que du ct de celui qui a reu, celui qui


a donn peut intenter la condiotio. Ainsi j'ai promis un individu
10 pour qu'il ne commette pas un crime : j'ai fait une bonne action
en incitant un malfaiteur rester tranquille : mais lui, il a com-
mis une turpitude en exigeant de l'argent pour s'abstenir d'un cri-
me. Si j'ai pay les 10, je peux en rclamer la restitution : les
10, reus par le malfaiteur, constituent en effet pour lui un enri-
chissement injuste.

c) Nul Iit du contrat :

Il est permis de se demander si la jurisprudence classique n' +


pas alle plus loin : elle parat bien avoir admis la nullit "gure
oivili" du contrat formel, au moins dans l'hypothse de donations
immorales ou illicites.

Cette tendance s'tait dj manifeste dans un procs qui fut plai-


d au 1er s. ante JC. - et que nous connaissons par Va 1re Maxime
(8.2.2). Un certain Visellius Varro, se croyant prs de mourir et
dsirant faire une libralit une dame qui avait eu pour lui des
complaisances, dissimula la donation sous couleur d'un contrt lit-
244 .

tevis : il consentit figurer comme dbiteur, sur le Codex de son


amie, pour une forte somme (1).

il s'agissait en l'espce d'une donation immorale. Ce personna-


ge ne mourut pas aussi rapidement qu'on pouvait le penser et la da-
me, qui tait aussi cupide que peu vertueuse, poursuivit notre hom-
me en justice, pour excution du contrat litteris. -Va 1re Maxime
nous apprend que le juge, qui n'tait autre que le clbre juriscon-
sulte Aquilius Gai lus, fut fort embarrass. En droit strict, Varron
devait tre condamn excuter le contrat. Mais il paraissait re-
grettable de donner gain de cause une demanderesse aussi peu digne
d'intrt : finalement il dbouta la demanderesse.

Dans ce cas particulier, Aquilius Gai lus, comme juge, avait admis
la nullit du contrat litteris en raison du caractre immoral de sa
cause. Cette dcision tait assez peu conforme aux principes du
droit en vigueur et II est probable qu'elle resta isole.

Mais ce point de vue finit par triompher dans le cas de donations


entre poux. La stipulation faite en vue de raliser ce genre de
donation prohibe, est un contrat dont la cause est illicite : or
Ulpien affirme qu'une telle stipulation est radicalement nulle, ip-
so jure, d'aprs les principes du droit civil (D. 24.1.3-10).

On voit donc se dessiner, ds l'poque classique, en matire de


contrats formels, la solution qui est passe dans notre droit mo-
derne : le caractre immoral ou illicite de la cause entrane la
nul 11t du contrat.

Cette solution ne se rencontre,, il est vrai^ qu'en matire de dona-


tions : c'est dans ce domaine d'lection que la notion de cause
avait fait son apparition : c'est aussi dans ce domaine qu'elle de-
vait raliser les plus rapides progrs.

En ce qui concerne les stipulations titre onreux, Il ne semble


pas que la jurisprudence classique ait song une nullit "jure ai-
vili"', en raison du caractre immoral de la cause : elle se conten-
tait des remdes qu'apportaient l'exception de dol et les oondia-
tiones.

C'est seulement l'poque de Diocttien -que nous voyons la lgis-


lation impriale refuser purement et simplement l'action en justice
au crancier qui se prvaut d'une stipulation dont la cause est im-
morale (C. 4.1-5 et 8.39-9). Avec la procdure extraordinaire, le
systme de la nullit radicale du contrat finit par l'emporter sw
celui de la nullit prtorienne, rsultant de I }exaer>tio doli. Dans

(1) Sur ce texte, cf. thse MACQUERON, op. cit. - et GALLET : RHD 1942.
p. 48.
. 245 .

le droit de Justinien, la stipulation "ob turpem oausam" est nulle


c'est ce qu'affirme un texte, probablement interpol, de Papinien
(D. 45.1.123) (1).

Par contre, le dfaut de cause, mme dans le droit de Justinien,


n'entrane pas la nullit ipso jure de ia stipulation. Le dfaut
de cause permet seulement au dbiteur d'opposer l'exception doli,
et dans certains cas la querela non numeratae peauniae.

2 - LA CAUSE
DANS LES CONTRATS NON FORMELS

Dans les contrats non formels l'engagement consenti sans cause ou


pour une cause immorale n'oblige pas celui qui l'a pris : mais ce rsultat
s'obtient la plupart du temps sans qu'il soit besoin de faire intervenir
I'ide de cause.

1) G20rats=re :

Dans les contrats re, l'obligation a pour cause la "res" : le d-


biteur consent restituer parce qu'il a reu. Mais la remise de la cho-
se est "cause efficiente" du contrat, la source de l'obligation.

Ainsi, dans le mutuvm, st l'emprunteur n'a pas reu les deniers,


le contrat n'existe pas; il en est ainsi parce que la mutuidatio est un
lment essentiel de ce contrat re : inutile d'invoquer l'ide de cause.

La cause dont il est parfois fait tat en matire e'mutuum n'est


pas vraiment la cause de l'obligation, mais le motif. Le motif illicite
peut justifier l'octroi d'une exception : ainsi l'individu qui emprunte
pour se livrer un jeu d'argent peut opposer l'exception de jeu et Jus-
tinien (C. 3.43-2. de 529) prvoit la confiscation des gains raliss en
jouant aux petits chevaux (equi lignei).

2) QDCl_iDD9m :

La situation est assez voisine de celle que nous trouvons dans les
contrats re.

- Celui qui excute le premier fait une datio ob rem : la contre-


prestation qu'il escompte est bien la cause de sa datio. Aussi, s'il
n'obtient rien, peut-il reprendre ce qu'il a donn, en exerant la oon-

(1) GIFFARD : c.r-. v la thse MCOUEROFT (RHD 1927., p". 321):


. 246 .

dictio ob rem dati. Mais ce n'est pas Ici la cause d'une obligation,
mais d'une datio.

.- D'un autre ct, celui qui bnficie de cette datio doit ex-
cuter : il se trouve oblig, et son obligation a pour cause ta datio qui
lui a t faite : mais cette datio est en ralit cause efficiente, sour-
ce de son obligation, l'lment qui permet au contrat innom de se for-
mer.

En somme la notion de cause, envisage comme cause finale, buv


qui justifie l'obligation, n'intervient pas ici. C'est cependant en
partant des textes relatifs aux contrats innoms que Domat a jet les
fondements de la doctrine moderne de ia cause : dans ces textes les ju-
risconsultes s'taient en effet beaucoup proccups de la "causa" en
vertu de laquelle la datio est accomplie.

:
3) G9D=20iDyfi

Les jurisconsultes ne font pas intervenir l'ide de cause pour


expliquer l'interdpendance qui existe entre les obligations rciproques
qui dcoulent de ces contrats synallagmatiques.

Si par exemple la chose vendue a cess d'exister avant que le con-


trat soit pass, l'acheteur n'a pas payer de prix : en droit moderne
nous disons que son obiigation est nulle pour dfaut de cause. Paul se
contente de dire que l'acheteur ne doit rien, parce qu'il n'y a pas de
vente {nih.il vendisse i Dj. 18.1-57 pr) - Le principe de |a simultanit
d'excution (ce qu'on appelle improprement l'exception non adempleti
contractas) se rattache de nos jours l'ide de cause : les romains la
justifient par l'ide de bonne foi : il serait contraire la bonne foi
d'exiger l'excution quand on n'est pas soi-mme dispos excuter.

On rencontre au surplus, en matire de vente, des solutions qui


montrent assez que le droit romain n'avait pas tabli entre les obliga-
tions de l'acheteur et du vendeur une interdpendance absolue : ceci ap-
parat clairement dans la faon de rgler la question des risques. De
telles solutions indiquent assez que les romains ont: organis la vente
sans se soucier de l'ide de cause.

Dans le louage, l'interdpendance des obligations est beaucoup


mieux respecte : les solutions que proposent les textes sont en harmo-
nie avec la thorie de la cause, mais celle-ci n'est la vrit jamais
invoque pour les justifier.

De mme on serait tent de retrouver l'Ide de cause dans les tex-


tes qui dclarent nulle la socit lonine.: l'associ. qu.i accepte les
charges sans participer aux gains s'oblige sans cause. Mais la nullit
. 247 .

de la socit lonine s'explique en droit romain tout simplement par


cette ide que l'galit est de l'essence de la socit.

4) Pactes :
S S S S SES

Paul semble, premire vue, frapper de nullit le pacte dont la


cause est Immorale : D. 2.14-27.4 "Paata quae turpem causant continent
non sunt observanda". Mais l'exemple qu'il fournit nous indique ce qu'il
entend par "causa turpis" : "Si je fais avec vous un pacte dans lequel je
renonce intenter contre vous l'action furti ou l'action d'injures au
cas o vous commettriez ces dlits ...". Une convention de ce genre n'a
pas proprement parler une cause illicite, mais elle est contraire
l'ordre public : celui-ci exige en effet que la crainte d'une peine re-
tienne les dlinquants ventuels.

SECTION II : LA PREUVE DES CONTRATS

INTRODUCTION

Il ne suffit pas qu'un contrat remplisse toutes les conditions de


fond et de forme requises pour sa validit : il faut encore que son existen-
ce puisse tre prouve. Si cette preuye ne peut pas tre apporte, la vali-
dit du contrat reste toute thorique, son excution dpend du bon vouloir
du dbiteur. On peut faire la mme remarque au sujet des actes destins
teindre une obligation : le dbiteur qui paie a besoin de pouvoir prouver
qu'il s'est dfinitivement libr.

L'tude des preuves se rattache la procdure : la preuve n'est


autre chose qu'un procd employ en vue de convaincre le juge de la vraci-
t d'un fait. Si un acte juridique peut tre facilement prouv il est pro-
bable qu'il n'y aura pas de contestation son sujet; Il n'en demeure pas
moins vrai qu'une preuve ne mrite ce nom que si elle est susceptible, le
;cas chant, d'tre produite en justice et d'emporter la conviction du ju-
ge. Depuis la publicatin des Dcrta les, les canonistes s'occupent des
preuves propos de la procdure et c'est bien la place la plus convenable.
Mais une tradition qui remonte la compilation de Justnlen a conduit les
rdacteurs du Code Civil placer les articles qui concernent les preuves
sous le titre "Des Conventions". Nous ferons de mme; dcids toutefois
ne pas sortir des cadres de la thorie des contrats, nous ne ferons pas ici
une tude gnrale des preuves, et nous nous bornerons parler de la preu-
ve des contrats (1).

(1) La question des preuves est beaucoup trop nglige par les romanistes.
Nous signalerons la thse trs utile de M. KROELL : "Du rle de l'crit
dans la preuve des^contrats en droit romain" Nancy 1906 - La thse de M.
D V T8yHL hr L i tmoignage instrumentais en droit romain" Paris 1910 -
Pn. LEVY : "La formation Qe la thorie romaine des preuves" Studi Solazzi
1948 et "L'Autorit des Instrumenta publie confecta" Ml. Dumas Aix 1950-
"Lss actes d'tat-civil romains" RHD 1952 pp. 445 sq., "L'volution de la
preuve" Recueil de la St J. Bodn~XVII.9 1965.
248 .

EVOLUTION
DU REGIME DES PREUVES

Pendant toute I'poque classique cette matire est reste rgle-


mente de faon assez sommaire; au Bas-Empire au contraire, elle a souvent
attir l'attention du lgislateur. Ce phnomne n'est pas fortuit : il est
en liaison troite avec la transformation de la procdure.

On pegt distinguer eri matire de preuves, deux groupes de systmes


possibles, entre lesquels se rpartissent les diverses lgislations.

1) Systme de la libert

Lorsque la justice est rendue par de simples citoyens, le systme


gnralement admis est celui de la libert de la preuve, qu'accompagne le
principe de l'Intime conviction du juge. Il serait en effet imprudent d'o-
bliger de simples citoyens, qui ne sont pas des juristes, respecter des
rgles compliques en matire de preuves; de plus les simples particuliers
auxquels on confie la fonction judiciaire jouissent de la confiance de la
socit ou des plaideurs : on s'en remet leur conscience et on leur lais-
se la facult d'apprcier les preuves selon leur intime conviction.

Tel est encore actuellement le point de vue de notre lgislation


l'gard des jurs; en Cour d'Assises, Telle fut pendant des sicles l'at-
titude du droit romain l'gard du judex venus : tant que la procdure or-
dinaire fut en vigueur, la rglementation des preuves fut rduite peu de
chose. On trouve dans le vieux droit romain quelques principes qui font
honneur au bon sens des Anciens : la rgle "aotori incurribit probatio" (le
fardeau de la preuve incombe au demandeur), bientt complte par cette au-
tre rgle "reus in exoipiendo fit aotor" (le dfendeur qui oppose, une excep-
tion doit apporter la preuve et devient ainsi demandeur).

Quelques lois de I'poque rpublIcaine, des snatus-consultes du


temps de Nron avaient pris d'utiles prcautions pour rendre plus diffici-
le la falsification des preuves crites. Mais le juge pouvait accepter tou-
tes sortes de preuves et |l les apprciait en toute libert : comme le dit
;encore un rescrlt d^Hadrien adress un juge (p_. 22.5-3.2) : "vous devez
apprcier les preuves d'aprs votre intime conviction {ex sententia animi
tuiVK
La rglemenation des preuves, assez rduite, ne devait gure atti-
rer l'attention des jurisconsultes; Ils n'ont jamais song en faire un ex-
pos complet, ni consacrer cette matire une partie dtermine de leurs
traits de droit : la question des preuves leur paraissait appartenir p-lus
au domaine de la rhtorique qu' celle du droit, plus l'art de l'avocat
qu' la,science du juriste. C'est chez des rhteurs, comme QuintMien, que
l'on peut trouver un expos mthodique des diffrentes sortes de preuves :
. 249

mais les rhteurs ne s'embarrassaient gure de rgles juridiques; leur but


tait d'enseigner aux orateurs l'art de convaincre les juges.

2) y|(I!_des_preyyes_J.gaXes :

Lorsque la justice est rendue par des fonctionnaires, un systme


de preuves (gales, compris de faon plus ou moins troite, s'impose
presque fatalement. On ne peujt pas faire une confiance illimite
des juges de ce genre : le lgislateur prend des prcautions pour prot-
ger les justiciables contre l'arbitraire ou la ngligence toujours pos-
sibles des fonctionnaires investis du pouvoir de juger : l'administra-
tion des preuves se trouve ainsi soumise une rglementation minutieu-
se - rglementation qui au surplus ne prsente pas d'inconvnient puis-
qu'elle s'adresse un juge de mtier, en principe capable de compren-
dre une lgislation complique.

Cette rglementation peut aller jusqu' enlever au juge la liber1-'


t d'apprcier sa guise la valeur dmonstrative des preuves. A cet
gard le systme des preuves lgales peut tre compris d'une faon plus
ou moins rigoureuse : dans notre ancien droit, le pouvoir d'apprciation
du juge tait limit trs troitement : certains tmoignages ne comptaient
que pour 1/2 ou 1/4 de tmoin ! Le rle du juge consistait moins appr-
cier qu' additionner et deux tmoins concordants constituaient une preu-
ve que le juge devait tenir pour suffisante.

Notre droit moderne fait davantage confiance au juge. En certai-


nes matires cependant (en matire de filiation par exemple) certaines
preuves sont seules admises et il existe une hirarchie des preuves. Pour
les contrats dont l'objet dpasse un certain taux, la preuve par tmoins
ne suffit pas, il faut un crit.

En droit romain, avec la procdure extraordinaire, la fonction ju-


diciaire se trouva exerce par des fonctionnaires : aussi au Bas-finpre
les constitutions commencent tablir une rglementation des preuves,
assez importante pour qu'on puisse en faire un expos mthodique : dans
le Code Thodosien un titre est consacr aux tmoignages et aux preuves
par crits: Justinien expose la thorie des preuves dans trois t'tres du
Djgeste (D. 22.3, 4 et 5) et dans trois titres du Code (C. 4: 19, 20 et
217, placs aprs des titres consacrs divers contratsT

C'est la lumire de ces notions sur l'volution du rgime des


preuves que nous allons nous occuper de la preuve des contrats.

Pcyy_pc|sDiy| :

A l'poque classique l'existence d'un contrat pouvait tre prouve


par tous les moyens : tmoignages, crits, aveu, serment, indices, pr-
somptions ... Nous bornerons notre tude aux preuves prconstitues. Ce
250 .

sont des moyens de preuve que les parties ont pris la prcaution d'ta-
blir avant toute contestation, le plus souvent au moment mme o le con-
trat a t conclu.

Pour assurer la preuve d'un contrat, nous trouvons deux procds


possibles :

1. L'un consiste passer le contrat en prsence de tmoins; ceux-ci, en


cas de contestation, pourront tmoigner de ce qui a t dit et fait.

2. L'autre consiste rdiger un crit, susceptible de faire foi de ce


qui a t convenu et conclu.

Tant que l'criture n'a pas t Rome d'utilisation courante, on


se mnageait la preuve des actes juridiques en les accomplissant devant des
tmoins. Les vieux actes romains taient oraux : il est bien naturel qu'on
ait eu recours la parole, c'est--dire au tmoignage oral, pour les prou-
ver.

Lorsqu'on commena se servir de l'criture, le tmoignage con-


tinua jouer un rle prpondrant, jusque dans les documents crits; ceux-
ci ont longtemps jou le rle de mmento, destins faciliter l'administra-
tion de la preuve par tmoins.

Les tmoins qui assistent la confection d'un acte juridique peu-


vent, selon les cas, jouer des rles diffrents :

1) Ils interviennent "ad soiemnitatem" quand leur assistance constitue une


des formalits ncessaires la validit de l'acte. Ainsi, pour que la
mancipation soit valable, le Que oivile exige qu'elle soit fate en pr-
sence de cinq tmoins.

Ces tmoins pourront le cas chant apporter la preuve de l'acte,


mais ce n'est pas leur fonction principale : ils interviennent moins
pour assurer la preuve que pour donner l'acte une certaine publicit,
peut-tre mme pour le contrler. Le vieux droit romain, en exigeant la
prsence de tmoins citoyens et pubres, entendait par l soumettre ces
actes au contrle de l'opinion publique reprsente par les tmoins (1).

uer des tmoins judiciaires, qui viennent dposer devant ^es tribunaux.
ette terminologie (que M. LEVY-BRUHL a adopte dans sa thse) est discu-
table : les tmoins instrumenta ire. s, proprement parler, sont ceux qui
collaborent la confection^!un vnstmffnenvwn. c'est--dire,d"un document
crit : ce nom convient parfaitement aux tmoins qui, pour donner force
probante un acte ecrij, apposent leurs cachets sur des Tablettes, ou
qui participent la clture d'un testament ecrit> Par contre, il me pa-
rait abusifae designer de cette faon les cinq tmoins de la mancipation,
acte en soi oral.
. 251 .

2) Les tmoins interviennent "ad probationem", quand leur assistance a t


dsire par les parties pour faciliter la preuve d'un acte juridique,
alors que leur prsence n'tait pas une condition de validit. Ainsi,
la stipulation se fait ordinairement en prsence de tmoins parce que
le crancier tient pouvoir prouver l'existence du contrat; mais ce
n'est pas un lment essentiel, car mme faite sans tmoin, la stipu-
lation pourrait tre valable.

En droit romain, nous rencontrons des tmoins "ad solemnitatem"


en matire de transfert de proprit ou de puissance et en matire de
testament civil; par contre l'assistance des tmoins n'est pas un l-
ment essentiel des contrats, pas mme des contrats solennels (sauf dans
le cas de fiducie, parce qu'elle ncessite une mancipation).

Nous ne rencontrons par consquent, dans les contrats romains,


que des tmoins "ad probationem".

Etant donn le principe de la libert des preuves - qui est rest


en vigueur pendant l'poque classique - !a loi ne dterminait pas le nom-
bre de tmoins qu'il fallait produire devant le juge pour tablir la
preuve d'un contrat. On tait par consquent Itbre de faire assister
la confection du contrat le nombre de tmoins qu'on voulait. Mais il
est vident qu'on avait intrt ce qu'ils fussent nombreux : d'abord
parce que les tmoins sont mortels; en appelant un grand nombre de t-
moins, on peut esprer qu'ils ne seront pas tous morts quand on aura be-
soin de les faire tmoigner devant le juge. De plus des tmoignages nom-
breux et concordants ont plus de chance d'emporter la conviction du juge.

L'usage s'tait donc tabli de faire intervenir d'assez nombreux


tmoins, souvent sept. Lorsque le lgislateur fut amen fixer le nom-
bre des tmoins pour certains actes, c'est toujours ce nombre sept qu'il
retint : diffrentes lois qui prvoient des "significations" ou des "cons-
tats", "testationes" ou "denuntiationes" exigent sept tmoins : loi Aelia-
Sentia, pour prouver le mariage de l'affranchi de moins de trente ans;
loi Julia de adulteris, pour la preuve du vepudivon (GATUS 1.29; D_. 24.2.
9 et 38.11.1.1) etc ...

Les lois ne se contentaient pas de dterminer, pour certains ac-


tes, le nombre des tmoins : elles exigeaient qu'1Is fussent citoyens
et pubres, comme les tmoins ad solemnitatem du vieux droit romain. Mais
il n'est pas certain que cette exigence ait concern les tmoins appels
assister la conclusion d'un contrat entre particuliers.

Il ne faut pas croire que le droit du Bas-Empire ait t dfavo-


rable la preuve par tmoins : une constitution de Constantin, conser-
ve par Justinien dans son Code (C_. 4.21.15) affirme que la preuve par
tmoins n'est pas infrieure la preuve par crit. Justinien a conser-
v dans sa Compilation des actes oraux - testament nuncupatlf, donation
"sine litterarwn suppositione", vente sine scriptura - actes dont la preu-
ve ne pouvait gure se faire autrement que par tmoins.
. 252

Mais la lgislation du Bas-empire prend des prcautions pour ren-


dre ce moyen de preuve plus sr. Constantin a. emprunt la Bible la
rgle "testis unus3 testis nullus" (C. Th. 11.36.3) : cette constitu-
tion de 334 ne figure d'ailleurs pas dans le Code de Justinien. Mais
bien souvent Justinien exige, pour prouver un acte juridique, cinq t-
moins, dfaut d'crit (en matire de donation mortis causa, de quit-
tance). Il insiste souvent pour qu'on ne prenne comme tmoins que des
gens de bonne rputation {probatae et integvae opinionis) : il allonge
ta liste des personnes incapables de tmoigner; le tmoignage des peti-
tes gens et des trangers ne lui parat pas sr.

Il est cependant des cas o Justinien considre l'crit comme une


preuve suprieure au tmoignage; des cas o il ne permet pas d'anantir,
au moyen de tmoignages, la preuve apporte par crit : iI en est ainsi,
en matire de stipulation crite et pour les crits contre lesquels on
n'a pas oppos la querela non numeratae pecuniae dans" les dlais lgaux.

2 - LES ECRITS PROBATOIRES

L'criture qui joua un rie si important chez les Orientaux, ds


la plus haute Antiquit, ne devint d'usage courant Rome qu'assez tardive-
ment. Ds le dbut de la Rpublique, les romains se servaient dj de l'-
criture pour assurer la conservation de leurs lois, peut-tre aussi pour les
revtir d'une sorte d'autorit magique (la Loi des XII Tables a t crite
et affiche et la tradition la situe en 449 av. JC).

Mais ce n'est gure que vers le 11 s. avant notre re qu'on se


mit Rome confectionner des crits pour faciliter la preuve d'actes ju-
ridiques entre particuliers. Cette pratique, peut-tre emprunte aux Grecs,
s'avra trs commode. Au 1 s. av. J C , Ccron constate qu'on employait
couramment la preuve par crit, mme en matire de stipulation (acte en soi
ora I "vevbis").

L'crit destin faciliter la preuve d'un acte juridique porte


le nom gnral Hnstrumentum : l'crit qui apporte la preuve d'une dette
porte le nom particulier de caut-io. Tandis que l'crit qui constate un paie-
ment s'appel le apooha (quittance).

La faon de rdiger ces crits n'a pas toujours t la mme : il


y eut, en cette matire, toute une volution.

A/ L_lDstrument|_de_type_|ass|que_romam :

Des documents des I'' et 11 sicles de notre re ont t dcou-


verts en assez grand nombre. Ils nous permettent de connatre les ca-
. 253 .

ractristlques de la pratique romaine classique, en quoi elle est diff-


rente par exemple des pratiques msopotamenne et gyptienne (1)

. Les Tabulae :

Tandis que les Babyloniens ont employ l'argile, les Egyptiens le


papyrus, les Romains, pendant toute l'poque classique, se sont servis
du bois revtu de cire pour confectionner leurs "instrumenta". Il est
probable qu' l'origine ils ont utilis ce matriau parce qu'ils n'en
avaient pas de plus commode leur disposition. Puis, lorsque les re-
lations commerciales avec l'Orient s'intensifirent, le papyrus impor-
t d'Egypte fut connu en Italie. Mais on s'en servit surtout pour di-
ter les "libvi", dont les rouleaux, au temps de Cicron, garnissaient
les bibliothques (comme celle des Pisons, dcouverte Herculanum).
Mais encore au l s. de notre re on se servait normalement de tablet-
tes pour crire des lettres, prendre des notes (comme le prouvent les
portraits de la boulangerie et d'une jeune fille trouvs Pompi) et
sous Trajan, Pline le Jeune raconte que pendant une partie de chasse il
a pris des notes sur de petites tablettes qu'iI emportait toujours sur
lui.

Les tablettes tant restes d'usage courant dans le monde romain,


il est normal qu'on ait continu s'en servir pour la rdaction des
actes juridiques. Lorsqu'en 61 le snatusconsulte nronen impose cer-
taines prcautions, ce sont uniquement des documents sur bois que le l-
gislateur envisage : partir de cette date, il faudra se servir de ta-
blettes si l'on veut faire un "instrumentum" conforme aux exigences du
droit romain. C'est ainsi qu'elles seront employes dans des provinces
lointaines et mme en Egypte, pays du papyrus, parfois parce que les
parties vivent sous l'empire de la loi romaine, souvent aussi parce
qu'elles se piquent de suivre les faons de faire des Romains.

Les "tabulae aeratae" sont des tablettes (ordinairement assez pe-


tites, de l'ordre de 10 cm x 15 cm environ) sur lesquelles s'tend une
fine pellicule de cire noire (2). L o la cire a t coule, le bois
a t lgrement creus, en laissant une marge autour de la tablette :
la cire se trouve ainsi en retrait par rapport au bois nu qui l'encadre.

(1) Les triptyques de Transylvanie (11 s.) : C.I.L. III pp. 924- sq.; les
Tablettes de Pompi (1 s.) : C.I.L. IV sup. n 3340. On trouve certains
de ces documents reproduits dans Bruno, Fontes ; Textes Grard, FIRA III;
les Tablettes d'Herculanum (T.H) du 1 s. (publies dans une revue napo-
litaine, "Pardla del passato", de 1946 1961; nouvelles Tablettes de
Pompi, en voie de publication (cf. BOVE, Rend. Ace. Napoli 1970, pp.
25 sq.); les tables trouves en Egypte ont t publies dans diverses
collections papyrologiques.
(2) Le terme "tabulae oeratae" est employ par les Anciens, alors mme que
la matire employe n'est pas de la cire : les tablettes de Pompi sont
en ralit revtues de gomme-laque (cf. AUGUSTI : "Les Tablettes de Pom-
pi ..." Archeologia 1966, p. 43).
. 254 .

De cette faon ce sont les marges de bois (le cadre) qui supportent
les pressions et frottements et non la cire, matire fragile. Elle
est si fragile qu'on doit toujours la protger, en plaant sur la face
cire une autre tablette : de sorte que les documents sur cire compor-
tent ncessairement au moins deux tablettes : ce sont des diptyques,
des triptyques, plus rarement des polyptyques (testaments). Sur les
faces internes du document se trouve la cire : l'criture y est gra-
ve au moyen d'un poinon (.graphium} stilus). Les faces externes sont
en bois nu : si l'on dsire y porter des critures, elles le seront
l'encre (.atramento.) (1).

Prcautions
pour assurer l'authenticit
des critures :

Sauf dans le cas des chirographes, les actes n'taient pas de la


main des parties, mais rdigs par les scribes, crivains pub!ics, ta-
bellions, qui n'avaient aucun caractre officiel et ne conservaient au-
cune trace, aucune "minute" des actes qu'ils avaient tablis : le docu-
ment, une fois termin, tait remis celle des parties qui en avait
besoin pour prouver ses droits (le crancier qui a prt l'argent, ou
l'acheteur en cas de contrat de vente). Pour authentifier les critu-
res, les parties n'y ajoutaient pas une "signature" - chose inconnue
dans l'Antiquit -. Si l'on ajoute cela qu'il tait extrmement fa-
cile d'effacer ce qui tait crit sur cire, On comprend qu'il fallut
imaginer diverses prcautions pour rendre les fraudes moins aises. On
pouvait craindre la confection d'actes supposs; on pouvait craindre
aussi la falsification d'actes rdigs correctement, et abusivement mo-
difis aprs coup par un faussaire. Pour donner aux tablettes une va-
leur probante, les Romains ont compt sur les tmoins : ils assistent
la confection des critures, et procdent la clture des tablettes.
Ils mettent leur cachet (signum) sur une goutte de cire qui tient coll
le fil de clture, et ct de leur cachet, ils crivent leur nom (or-
dinairement au gnitif = "ceci est le sceau de un Tel"). Si une contes-
tation ..., s'lve au sujet de la sincrit de l'acte, les tmoins sont ap-
pels. Dans le cas o l'acte a t faussement fabriqu, cachets et noms

(1) On peut se demander pourquoi les Romains ne se sont pas contents d'cri-
re l'encre sur le bois des tablettes ? Ils auraient ainsi conomis
la cire; d'autre part l'exprience prouve que les critures "atramento"
sur bois se conservent mieux que les critures "graphzo" sur cire. Il
est possible que les Romains,'habitus voir le texte des lois grav
sur pierre ou sur bronze, aient, eu ce prjug qu'un texte grav, ft-ce
sur cire, tait plus digne de respect qu'un texte crit l'encre ? De
toute faon, par divers;progrs techniques, les Romains ont, dans leurs
tablettes, essay d'agrandir la partie cire et de rduire les critures
l'encre : triptyques prfrs aux diptyques, meilleure utilisation de
la page 4 des triptyques.
255

de tmoins sont faux : les personnes, dont le nom a t abusivement


crit sur le document, diront que le cachet n'est pas le leur et qu'el-
les n'ont jamais concouru pareil acte. Quant aux corrections fraudu-
leuses, elles sont impossibles une fois que les tablettes sont closes
et scelles : pour modifier le texte il faudrait couper le fil, ou bri-
ser les cachets et de tels dgts enlvent toute valeur probante au
document. Pour plus de sret encore, le snatusconsulte nronien or-
donna de faire passer le fil de clture dans des trous mnags dans les
marges des tablettes : avec des "tabulae pertusae" (troues) il deve-
nait impossible de substituer une fausse tablette une vraie.

Grce ces prcautions, les critures se trouvaient l'abri de


l'entreprise des faussaires, mais une fois les tablettes closes et
scelles, il devenait impossible de les consulter.

Cette difficult trouva de bonne heure une solution, avec le pro-


cd qui consiste rdiger l'acte deux fois sur les tablettes, le
faire en deux originaux runis : c'est ce que les Allemands appellent
le "Doppelurkunde" = le document en double. Une des deux rdactions
sera inaccessible lorsque les tablettes sont scelles : c'est l'cri-
ture intrieure (.scriptura interior). L'autre rdaction, criture ex-
trieure (scriptura exterior) se trouve dans la partie du document qui
reste accessible mme aprs clture des tablettes. Ce texte peut
tout moment tre lu, invoqu, mais matriellement rien n'empche un
faussaire de le modifier, mais le faux sera vite vident : le juge fe-
ra ouvrir l'criture Intrieure, reste intacte, et les corrections
frauduleuses apportes l'criture extrieure seront rendues paten-
tes, en comparant les deux textes. L'criture intrieure garantit
l'authenticit de l'criture extrieure. De plus, sur cette dernire,
le dbiteur ajoutait parfois son signum, son cachet, ce qui tait chez
les Anciens leur faon de signer.

Compte tenu de ces prcautions, les documents se prsentent ainsi :

1. Les diptyques, avec 2 tablettes ont 4 faces ou pages : sur les pa-
ges 2 et 3, criture intrieure sur cire. Le fil de clture passe
sur la page 1, dans une petite rainure : les deux extrmits du fil
se rejoignent sur la p. 4, o est mnage une rigole o les "signa-
tores" mettent leur cachet, sur le fil : ils crivent leur nom l'en-
cre droite de leur cachet. A gauche de la rigole et paralllement
au fil, est porte, l'encre, l'criture extrieure qui, si elle est
longue, peut se terminer, galement l'encre, sur la page 1.

2. Les triptyques : 3 tablettes, 6 faces ou pages.

Les faces externes (1 et 6) en bois nu, ne sont pas, en principe,


utilises : criture intrieure sur cire aux pages 2 et 3. Lorsque
le document est clos, les deux premires tablettes sont lies entre
elles, par un fil dont les extrmits sont noues sur la p. 4.
. 256

La troisime tablette est un volet qui reste libre, mme quand


l'acte est scell : l'criture extrieure est porte sur la cire de
la page 5, mais dbute parfois sur la page 4. Cette page 4 se pr-
sente de faon diffrente dans la rgion du Vsuve au 1 s., et en
Transylvanie (11 s.). De toute faon la page 4 d'un triptyque pr-
sente, pour recevoir le fil et les cachets, une gorge plus importan-
te que la rainure que l'on trouve sur la page 4 des diptyques.

Dans les triptyques de type Vsuvien, la page 4 (sauf cas excep-


tionnels) ne reoit pas de cire et les critures y sont faites
l'encre. Bien souvent ces critures ne donnent pas autre chose que
le nom des "signatures", soit droite des cachets, soit de part et
d'autre des cachets. Mais parfois, les noms n'occupent que le ct
droit, et le ct gauche est utilis pour donner, l'encre, un troi-
sime exemplaire de l'acte, qui peut en cas de besoin se terminer -
l'encre - sur les pages 1 ou 6. Cette criture l'encre, dans
les actes d'Herculanum, s'est beaucoup mieux conserve que les deux
autres critures sur cire. S'agt-il d'un rsum assez dvelopp de
l'acte ? ou d'un troisime exemplaire ? Et pourquoi cette criture
extrieure supplmentaire ? Aucune explication certaine n'a pu en
tre jusqu' prsent fournie.

Les triptyques de Transylvanie ont profit d'un progrs technique


visible: on est parvenu trouver une plus grande place pour rdiger
- sur cire - l'criture extrieure. On y est parvenu en dplaant
un peu la gorge o passe le fil et la page 4 a t dote de deux com-
partiments qui peuvent recevoir de la cire : l'un droite, pour les
noms des signataires, l'autre gauche, et plus large, contient le
dbut de l'criture extrieure (sur cire), qui se prolonge (sur ci-
re) la page 5.

Le style des actes :

Les "instrumenta" ont d'abord t conus comme des tmoignages


crits : ce sont des constats, des procs-verbaux - testationes -, r-
digs en style impersonnel ( la 3me personne) : "Un Tel reconnat
avoir reu en prt, etc ...". Comme toute la force probante de ces
documents repose sur les tmoins, on en fait intervenir un assez grand
nombre pour sceller les tablettes (assez souventS tmoins). Ces actes
se terminent par "aotwi" et indication des lieux et date (par les con-
suls). Mais la pratique romaine, s'inspirant d'usages grecs, se mit
employer le chirographe : c'est un aveu rdig en principe par celui
qui il peut tre oppos. L'acte est en style personnel ( la 1re per-
sonne) : "Moi Un Tel, j'ai crit que j'ai reu de Ttius, etc ...". Le
chirographe, aveu crit de la main du dbiteur, pouvait, de faon trs
opportune, renforcer le constat authentifi par les tmoins : on en
vient ainsi runir sur les tablettes une testatio et un chirographe
(T + C) : les deux critures ne sont plus Identiques,: l'criture ext-
rieure (chirographe) reprend en style personnel ce qui a t exprim
. 257

en style impersonnel (.testatio) dans l'criture intrieure. Mais de


bonne heure on fit des actes dont les deux critures sont en forme de
chirographes (C+C) (1).

Le chirographe inspire confiance parce qu'il porte la marque de


l'intervention personnelle de celui qui il est opposable : il l'a
rdig de sa propre main (2) : on fait cependant intervenir des tmoins
pour sceller les tablettes, mais il n'est pas ncessaire qu'ils soient
nombreux : un ou deux tmoins suffisent. A ct de leur cachet, l'au-
teur du chirographe appose le sien (souvent plusieurs fois), agissant,
non pas certes comme tmoin, mais comme signator, participant la cl-
ture de l'acte et son authentification.

Pratiques mixtes :

Dans les provinces, les usages romains ont t, ds l'poque clas-


sique, contamins par les pratiques trangres, tant au point de vue du
fond que de la forme des actes. On y trouve des clauses qui se ratta-
chent des-conceptions juridiques beaucoup pi us orientales que romai-
nes : confusion entre prt et dpt, ou reconnaissance de dette sans
employer la stipulation, etc ...

Pour nous en tenir aux questions de forme, deux faits sont cons-
tater : 1. rdaction des_actes en grec, 2, emploi du papyrus.

La rdaction en grec peut trs bien se concilier avec le droit ro-


main : Gaus (III.93) ne nous dit-il pas qu'on peut faire une stipula-
tion en grec ? Et de fait on a trouv des actes'qu reproduisent en
grec des clauses trs connues en droit romain (3). Par contre, avec
l'emploi du papyrus on se trouve en dehors des prvisions du snatus-
consulte nronien : celui-ci imposait l'emploi deHabulae pertusae"
(tablettes perfores). Il exigeait aussi la rdaction en deux critu-
res, l'une intrieure, l'autre extrieure : quelques actes sur papyrus
respectent cette exigence : une partie de la page de papyrus, roule et
scelle, contient une criture intrieure (4). Mais le plus souvent,

(1) BOVE : "A proposito di nuove tdbulae Pompeianae", Napoli 1970 p. 43 : un


acte de l'an 37 (T. Pomp. N 7) est dj rdig sur le type C+C et porte
un index qui le qualifie de chivogvaphwn. Nous ne croyons pas vrifie
l'hypothse selon laquelle la pratique romaine, partie du type T+T, aurait
fait une place au chirographe, sous l'influence grecque, en passant par la
forme intermdiaire T+C.
(2) Pour confirmer cette intervention, l'auteur du chirographe appose souvent
son cachet ct de l'criture intrieure ou extrieure.
(3) FIRA III N 133 : cette vente, faite en_Eamphilie en 151 p . C , a donn
lieu la rdaction d'un acte en forme de testatio, o les clauses les
plus connues de la pratique romaine sont fidlement traduites en grec.
Mais cet acte, rdig sur papyrus, est authentifi par des procds qui
n'ont rien de romain.
(4) FIRA III N 132 de l'anne 166 p.C. L'acte rdig en latin contient des
"subsoriptiones".
. 257 bis .

Page H d'un diptyque


\ \ Primi

fcf Seundi ...


> f ( l'encjre)
O !
1,3
f ' / Tertii
i )
v !
' )
t i i
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P. M- d'un triptyu;g vsuvien

C. Lucii 0 Titii
(criture 4i 'encre) 2 C. Lucii
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criture
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J
^- transylvanien
J

Commencement ......noms ']


de l'criture des _
extrieure,
signature^
crits
surair*

IL
. 258 .

les documents sur papyrus ne comportent qu'un seul exemplaire de I'ac-


te : la personne laquelle l'acte est opposable (par exemple le dbi-
teur) y ajoute de sa propre main-une "sbscriptio" : c'est une ; f ORTJU I e
d'approbation qui rpte ce qu'il y a d'essentiel dans l'acte. Cette
sbscriptio n'est pas proprement parler un chirographe (un chirogra-
phe est un acte complet avec indication de lieu et date), mais en a
les vertus : c'est une criture olographe (1). Sous cette sbscriptio
les tmoins, de leur propre main, crivent la leur, trs courte (par
exemple : "Moi Untel, je suis tmoin" ou "j'ai t prsent"). Le pro-
cd qui consiste authentifier les critures en les faisant approu-
ver par une sbscriptio de la partie intresse s'est gnralise : on
en trouve des exemples mme en Italie (2).

B/ Lf-i2^?2]ta_y_Bas-Empi_re :

A la Basse-Epoque, les actes juridiques sont le plus souvent r-


digs sur papyrus (chrtae), plus rarement sur parchemin (membranae),
matire trop onreuse. Les tablettes revtues de cire n'tant plus gu-
re en usage (3), les rgles classiques qui les concernaient sont tombes
en dsutude : plus de double criture, plus d'criture scelle. Les ac-
tes sont authentifis par des subscriptiones que les parties et les t-
moins y ajoutent de leur propre main : on fait confiance l'criture
olographe. Ces subscriptiones peuvent tre trs longues, elles peuvent
rpter l'essentiel de l'acte (4); elles peuvent aussi se rduire un

(1) FIRA. III N 121 de 153 p.C. Cet acte de prt est un chirographe en for-
me de lettre missive adresse par l'emprunteur au crancier. Cet acte
rdig en latin, est tabli comme une "homologie" de la pratique gyp-
tienne : le dbiteur reconnat qu'il a emprunt (fateor = le homolog
des actes grco-gyptiens). Cet acte latin n'est pas de la main du d-
biteur : celui-ci a ajout en grec sa sbscriptio : ce n'est donc pas un
chirographe vritable puisque l'criture n'en est pas olographe, mais
la sbscriptio l'est. En Egypte, lorsqu'on rdigeait un acte en latin
pour une personne qui savait mal cette langue, on ne manquait pas de lui
faire une "hypographie" (sbscriptio) en grec, par laquelle elle approu-
vait ce qui avait t crit en latin (ainsi dans le prt sus-indiqu,
de mme dans le testament d'Antonius Silvanus).
(2) FIRA. III N 95 de 295 p.C. : donation de Statia Iren.
(3) La constitution de Constantin (Fg.Vat. 249.6) envisage encore en 316
qu'un acte de donation puisse tre fait sur des tabulae. A la fin du V
s., les Tablettes Albertini ont des documents sur bois : leurs rdac-
teurs, faute de mieux, ont gratt et remploy de vieilles tablettes,
dpourvues de cire, et ils ont crit l'encre sur le bois, sans songer
raliser deux critures.
(<+) Ainsi dans les papyrus de Ravenne (VI s.) : cf. FIRA. I N 140.
259 .

signian, qui n'est plus un sceau imprim dans la cire, mais un simple si-
gne trac l'encre (1).

A une poque o l'ingrence de l'Etat se fait sentir en tous les


domaines; elle ne pouvait manquer de se manifester dans la rdaction des
actes juridiques. Des proccupations d'ordre fiscal ne sont pas tran-
gres certaines mesures : Justinien, en exigeant, pour les actes rdi-
gs dans la capitale, l'emploi d'un papyrus orn du sceau du ministre
des finances, avait imagin une source de revenus, comparable notre pa-
pier timbr. Mais l'intervention des pouvoirs pubiics fut trs souvent
bienfaisante :

1) L'insinuation, comme nous le verrons, prsente de grands avantages


cette Institution permet aux particuliers d'introduire leurs actes
vs dans les registres et les archives d'une autorit publique.

2) La profession de tabellion n'est plus exerce de faon anarchique.


Les tabellions ne sont pas devenus des officiers publics, comme le
sont nos notaires, et ils ne conservent pas la minute des actes qu'tls
dressent : mais au Bas-Empire, leur activit est soumise des rgle-
ments qu'ils doivent respecter sous menace de pnalits plus ou moins
svres. Surveills par les pouvoirs publics, ils jouissent de leur
confiance : si une contestation s'lve propos de la sincrit d'un
acte sorti de leur officine, le juge entendra leur tmoignage, auquel
s'attache une force probante particulire.

3) Enfin les empereurs ont mis sur pied une abondante lgislation sur la
faon de confectionner les instrumenta, sur leur force probante et les
contestations qu'Is peuvent soulever. La constitution la plus impor-
tante sur la forme des instrumenta est celle que publia Justinien en
528 (. 4.21.17).

Il rsulte de toute cette lgislation qu'il y a Iieu de distinguer


trois sortes d^instrumenta . 1. les actes rdigs par de simples par-
ticuliers (par exemple, le chirographe crit de la main du dbiteur);
2. les actes rdigs par un tabelI ion; 3. enfin les actes insinus,
c'est--dire vrifis et conservs par une autorit publique.

a :
' LI_5_P!li
La constitution de 528 a"tabli des rgles gnrales qui concer-
nent aussi bien les actes privs que les actes rdigs par un ta-
bellion. Un acte ne peut tre pris en considration que s'il est

(1) Ainsi dans les Tablettes Albertini : le rdacteur de l'acte se fait par-
fois connatre et dclare y souscrire : "Ego Montius hune instrumentum
mea manu saripsi et subsaripsi" (acte III).
. 260 .

rdig "in mundum", mis au net : tant qu'il n'existe qu'un brouil-
lon Ischeda), l'acte est I'tat de projet, il n'est pas "perfec-
tion" et n'a aucune valeur.

D'aure part tout acte doit tre authentifi par des subscriptio-
nes; c'est une formule d'approbation que la partie de qui mane
l'acte doit crire de sa propre main. Des tmoins devront aussi
ajouter leur-subscriptio et Justinien exige trois tmoins pour tout
chirographe relatif une dette de plus de 50 sous d'or.

b. Ls actes

En plus des formalits que nous venons de signaler, l'acte est sou-
mis des rgles particulires s'il est- rdig par un tabellion. Les
tabellions avaient leurs bureaux istationes) sur la place publique
(forum); c'est pourquoi les actes faits par les tabellions portent
le nom de "scripturae forenses". Le tabellion peut faire prparer
l'acte par un de ses commis, mais l'acte au net, le mundum doit tre
prsent aux parties en prsence du tabellion lui-mme et les for-
malits qui authentifient l'acte se font devant lui.

Les actes faits par un tabellion prsentent deux formes possibles


de rdaction : s'exprimant- la premire personne, il relate ce
qu'il a constat : "Requis par X, j'ai rdig le prsent acte en
sa prsence. Il apparat que X a vendu Y, etc ..."; ou bien,
c'est le requrant lui-mme qui s'exprime dans l'acte, le tabel-
lion crivant sous sa dicte : "Moi Untel, j'ai donn l'Eglise
de Ravenne telle terre ... Cette oharta je l'a dicte N, ta-
bellion par moi requis (rogatorio meo)". On donne le nom de "clau-
se de rogaton" cette disposition finale.

L'acte tant rdig au net, le tabellion demande au requrant et


aux tmoins (souvent au nombre de trois) d'y ajouter, de leur pro-
pre main, leurs subsoriptiones.

Enfin pour que I Hnstrumentwn soit "perfection" et valable, la cons-


titution de 528 exige qu'il soit "completum et absolution"', sans pr-
ciser en quoi consistent ces deux formalits. La completio est une
formalit que le tabellion doit remplir : la constitution dit en
effet : "b ipso complta" : il crit en bas de l'acte "crmplevi",
ce qui signifie qu'il a termin l'acte lui-mme, comme la loi l'exi-
ge. Vabsolutio est une formalit beaucoup moins claire : la cons-
titution, en disant "postremo a partibus absoluta", indique qu'aprs
la completio du tabellion, les parties procdent I'bsolutio : ce
pourrait tre soit leur approbation, soit plutt la remise de IHns-
trumentum faite par le requrant l'autre partie. Mais dans les
261

Institutes, Justnien s'exprime autrement : "et fuerint partibus


bsoluta" : ici le mot partibus est un datif : \}absolutio serait
a lors une formalit remplie par le tabellion, qui remet l'acte aux
parties. Les tabellions de Raverineont compris les choses de cet-
te faon, puisqu'ils crivent la fin des actes "aomplevi et ab-
solvi" = "j'ai procd .la aompletio et I^absolutio".

Ce qu'il y a de certain, c'est qu'une fois l'acte termin, il


tait remis celle des parties qui en avait besoin (donataire,
acheteur, par ex.) : le tabellion ne conservait ni l'original, ni
mme une copie : cela prsentait au moins deux Inconvnients : l'ac-
te pouvait s perdre - I'acte-pouvait tre falsifi aprs se con-
fection, par.ia personne qui le dtenait : inconvnients que l'on
vite avec l'insinuation.

c
- Lgs_act;es__[nsJ[nus :

Cette institution, dont les origines restent obscures (1), fonc-


tionne couramment partir du 1V s. : elle consiste faire "mi-
grave apud aata", faire passer dans les registres publics les
actes juridiques des particuliers. Diverses autorits publiques
conservaient dans leurs archives des registres o l'on conservait
la trace de ce qu'elles avaient fait ou dcid (.aata-gesta) : pro-
cs-verbaux des audiences de juridiction contentieuse ou gracieu-
se, ou de mesures administratives. Avec l'insinuation, les parti-
culiers se prsentent devant une autorit publique jouissant du
"jus aata oonfiaiendi" et demandaient que I Hnstrumentum priv
qu'elles ont tabli (elles-mmes ou par l'intermdiaire d'un ta-
. bel lion) soit insr dans les registres de cette autorit.

Les autorits ayant le "jus aata aonfiaiendi" sont : Constant!-


nople, le prfet de la ville et le magister Census; en province,
le gouverneur; dans les cits la curie municipale (et c'est devant
cet organisme local que les choses se passent le plus souvent).

Le requrant se prsente l'audience avec IHnstvumentum, dj


tabli (2) de l'acte qu'il dsire faire insinuer. Le magistrat

(1) SATIER : "Recherches sur les Ecritures publiques dans le monde romain"
thse Droit Aix 1969, excellent travail d'approche de la question.
(2) Nous envisageons ici le cas o l'on procde l'insinuation "apud aata"
d'un instvumentum dj rdig. Mais l'autorit publique prtait souvent
son concours d'une autre faon. Certains actes ncessitaient son inter-
vention : actes de juridiction gracieuse (affranchissements, mancipa-
tions, adoptions) ou encore dclaration de naissance et ouverture de tes-
taments.. Dans les cas de ce genre l'autorit comptente coutait le plus
souvent les dclarations orales et faisait coucher l'acte par crit par
les bureaux, qui rdigeaient le procs-verbal. Cette faon de procder
a t connue, en ce domaine, ds l'poque classique.
. 262

fait lire ce document par le greffier et lui donne ordre de l'ins-


crire dans les registres du tribunal : mais il ordonne aussi une
vrification de la sincrit de l'acte ; si par exemple il s'agit
d'un acte de donation prsent par le donateur, le magistrait fait
vrifier si le donateur est d'accord, en le faisant interroger, en
cas de besoin domicile, par un membre du tribunal. Le greffier
dresse de toutes ces oprations un procs-verbal dans lequel est
recopi le texte de l'acte. L'intress (par exemple le donatai-
re) obtient une copie de ce procs-verbal et l'original de l'acte
lui est probablement restitu.

L'insinuation est beaucoup plus qu'un simple enregistrement, puis-


que l'autorit publique vrifie la sincrit de l'acte.

Les avantages qu'elle prsente sont vidents : elle prooure l'ac-


te une certaine publicit, vite des fraudes, assure la conserva-
tion de I'acte.

On a souvent prtendu que les actes insinus, jouissant de la "fi-


des" qui s'attache aux actes publics, constituaient une preuve inat-
taquable : en ralit aucun texte ne l'affirme. Mais il devait tre
en fait bien difficile de contester la sincrit d'un acte que le
tribunal avait fait vrifier, difficile galement de le prtendre
falsifi aprs coup, puisque les critures conserves "apud aota"
permettaient de constituer ce que l'acte contenait au moment de
I'insinuation.

Cette formaiit (complte par bien d'autres encore !) fut rendue


obiigatoire pour les donations par une constitution de Constantin
de 316 (Fg.Vat. 249.7) (1). Thodose II et Valentinen III exemp-
trent de cette formalit les donations ante nuptias infrieures
200 sous d'or (C.Th. 3.5.13). Enfin Justinen ne l'exige que pour
les donations suprieures 500 sous d'or, encore en exempte-t'II,
quel que soit leur taux, certaines donations (pour cause de maria-
ge, pour constituer une dot, racheter des captifs, etc..) (C. 8.
53.36).

3 - FORCE PROBANTE DES INSTRUMENTA

A l'poque classique, dans un systme de compIte Iibert de la


preuve, la preuve crite ne jouissait d'aucune autorit particulire : on
pouvait contester un acte crit en lut opposant d'autres preuves.

(1) Fg.Vat 266 a nous apprend que dj en 229 on faisait des "professiones
donationis" (des promesses de donations) "apud aota".
. 263 .

Au Bas-Empire, une valeur particulire fut accorde dans certains


cas l'criture : des procdures particulires sont prvues pour la contes-
ter. Pour comprendre cette rglementation, II importe de rappeler que les
crits peuvent donner lieu deux sortes de contestations :

A. On peut contester les critures elles-mmes, prtendre qu'elles sont apo-


cryphes ou falsifies : on s'attaque leur authenticit (faux matriel).

B. Sans contester les critures, on peut prtendre que les dclarations


qu'elles expriment sont mensongres. Ainsi, un dbiteur souscrit un
billet par lequel il reconnat avoir reu telle somme qui, en ralit,
ne lui a pas t prte : le billet n'est pas apocryphe, il est bien de
la main du dbiteur et n'a subi aucune altration; mais il est mensonger
(faux intellectuel).

A/ Contestations
yCa!lybQii_de_ilrit :

Les critures n'Inspirent pas toutes la mme confiance. La fa-


on de classer cet gard les actes crits a donn lieu des divergen-
ces entre les romanistes. Bethmann-Holweg, suivi par J. Kroell, pense
que les actes rdigs par les tabeII ions bnficiaient d'une autorit
particulire. Sachers au contraire a soutenu que les saripturae foreu-
ses n'taient pas mieux traites que les actes privs passs devant trois
tmoins. Un examen minutieux du texte grec, la Novelle 73, a conduit M.
Ph. Lvy confirmer ce point de vue (1).

La classification des actes, au point de vue de leur authentici-


t, parat bien tre, au temps de Justnien, la suivante :

1) Il convient de mettre part les actes insinus : rien ne semble s'op-


poser ce qu'ils puissent tre contests : mais nous avons vu qu'en
fait il est difficile de prtendre qu'ils ont t falsifis.

2) A l'autre extrmit de I'chelle se situent leschirographes rdigs


sans tmoin, et portant simplement la subscriptio de leur auteur. Jus-
tnien dclere que ces instrumenta "inoaute composita" (rdigs sans
prcaution) sont dans bien des cas insuffisants pour servir de preuve.
Le dbiteur qui a souscrit un billet de ce genre peut toujours prten-
dre qu'il est apocryphe et que la souscription n'est.pas de sa main.

(1) LEVY, dans Mlanges Dumas. Annales de la Facult de Dr-bit d'Aix, 1950.
pp. 173 sq.
. 264

3) Les instrumenta "private aonfeata", s'ils sont passs devant au moins


trois tmoins, ont une valeur beaucoup plus considrable.

Si le dbiteur conteste un crit de ce genre, le crancier doit


essayer d'en tablir l'authenticit, en recourant la procdure de
vritication d'criture. Dans cette procdure, Justinien accorde tou-
tes ses prfrences aux tmoins : on fera venir devant le juge les t-
moins qui ont assist la confection de l'acte. Si les tmoins re-
connaissent l'acte, le dbiteur perd le procs et subit diverses p-
nalits : amende de 24 aurei, interdiction d'opposer ensuite, pour la
mme dette, la querela non numeratae peouniae.

SI les tmoins sont morts, ou ne peuvent tre retrouvs, il faut


alors recourir une procdure sujette bien des erreurs, et pour
laquelle Justinien prouve une grande rpugnance : c'est la procdure
de comparaison d'critures. Elle consiste comparer l'criture con-
teste avec l'criture que l'on sait mane de la mme personne, dans
d'autres actes. Justinien impose toutes sortes de prcautions : on ne
pourra confronter l'criture conteste qu'avec des critures dont l'au-
thenticit mrite confiance : actes qui ont t insinus, ou passs de-
vant un tabellion, ou souscrits par trois tmoins.

Le dbiteur qui oblige le crancier employer cette procdure


doit jurer qu'il n'agit pas par esprit de chicane et s'il succombe,
une amende de 24 aurei lui est inflige.

4) Les instrumenta "publice aonfeata", c'est--dire rdigs par un tabel-


. lion, ne jouissent pas d'une autorit plus grande : le dbiteur peut
prtendre qu'ils sont faux. La Novelle 73 prcise comment, en pareil
cas, se droulera la procdure de vrification d'critures.

Ordinairement le tabellion trs occup faisait rdiger l'acte par


un de ses commis : parfois l'acte ncessitait l'intervention d'un ad-
numerator (qui parat bien tre le caissier du tabellion).

Si l'acte est contest, le juge entend les dispositions du commis,


de I y adnumerator et du tabellion lui-mme; il se contentera du tmoi-
gnage du tabellion seul, s'il a fait l'acte lui-mme sans le concours
de ses auxiliaires, ou si ces auxiliaires ont disparu.

Si le tabellion est mort, le juge tchera d'entendre le commis et


I x adnumerator; et c'est seulement si ceux-ci sont introuvables, ou
n'ont pas collabor l'acte, qu'il faut se rsoudre employer la
. . procdure scabreuse de la comparaison d'critures. Elle consiste
comparer l'criture faite par le tabellion sur l'acte contest avec
d'autres critures portes par le mme tabellion sur d'autres actes :
dans tout acte manant de l'officine d'un tabellion, il y avait tou-
jours au moins une partie rdige de sa propre main : la avmpletio.
265

Il rsulte de tout ceci que l'acte pass devant un tabellion,


la diffrence de nos actuels actes notaris, pouvait tre facilement
attaqu, sans avoir besoin de recourir la procdure d'inscription
de faux. Mais il faut noter que les tmoignages du tabellion et de
ses auxiliaires jouissaient d'une grande considration : mieux que
quiconque, ils taient en mesure de reconnatre si l'acte provenait
de leur statio ou s'il avait t falsifi aprs sa confection.

B/ Contestations
syr=ia_sinr|t_des_noniations :

Un document crit, sans tre faux matriellement, peut contenir


des enonciations mensongres.

Dans notre droit actuel, il faut employer la procdure d'inscrip-


tion de faux pour contester les enonciations que le notaire dclare avoir
recueillies de la bouche des parties. Les actes rdigs par les tabel-
lions ne jouissaient pas d'une telle autorit : le juge en pareil cas de-
vait se faire une opinion en recueillant les tmoignages du tabellion,
de ses auxiliaires et des tmoins.

Dans la'Novell 44, Justinien n'a rien chang cet tat de cho-
ses, et s'est content d'imposer aux tabellions certaines prcautions :
Il leur est ordonn, sous peine de destitution, de recevoir eux-mmes, en
personne, la dclaration des parties et d'tre prsents la oompletio
et I ' a b s o l u t i o . De cette faon, le tabellion, en cas de contestation,
sera en mesure de fournir un tmoigange susceptible d'clairer le juge.

Justinien a cependant apport, dans quelques cas spciaux, d'Im-


portantes restrictions cette facult de contester les enonciations con-
tenues dans un crit. Dans certains cas l'crit a la valeur d'une vri-
table preuve lgale, jouit d'une prsomption irrfragable de vrit.

II en est ai nsi :

1) En vertu d'une constitution de 531, en cas de stipulation crite; si


les deux parties se trouvaient dans la mme viI le, le jour o l'crit
y a t rdig, le dbiteur n'a pas le droit de contester, en prten-
dant qu'il n'a pas prononc les paroles de la stipulation, en prsen-
ce du crancier.

2) Le dbiteur qui n'a pas exerc dans les dlais lgaux la querela non
numeratae peeuniae, ne peut plus contester le billet qu'il a souscrit.
Mais le systme de la querela prsente encore au point de vue de la
preuve de plus grandes singularits.
266

4 - LA QUERELA NON NUMERATAE PECUNIAE

L'tude de la quevela se rattache la question de la force pro-


bante dont jouissent les crits.

Origines :

Cette institution n'a d'abord concern que les billets (cautio-


nes) contenant reconnaissance d'une dette d'argent.

Nous avons vu que le prt d'argent donnait ordinairement Iieu


une "occutio", une stipulation crite concernant le capital et les Int-
rts : dans cet crit l'emprunteur dclarait qu'une stipulation avait t
faite, aux termes de laquelle il avait promis de payer telle somme et tels
intrts tel le date.

Cette pratique pouvait donner lieu . des abus : les usuriers fai-
saient souscrire par leurs emprunteurs des billets qui Indiquaient des
sommes trs suprieures celles qui taient effectivement prtes : la
diffrence entre la somme porte dans l'acte et la somme rellement pr-
te constituait les intrts usurares, que l'usurier commenait par re-
tenir avant de verser l'argent l'emprunteur et sans que cela appart
dans le contrat.

GaTus (4.116) nous dt que, d'aprs les principes de la stipula-


tion, le dbiteur doit la somme qu'il a promise, mme s'il n'a pas reu
cette somme : mais comme le rsultat serait inique, le prteur permettait
au dbiteur d'opposer l'exception doli (comme nous l'avons vu propos de
la cause des obligations).

L'exoeptio doli est perptuelle; aucun dlai n'est impos au dbi-


teur pour employer ce moyen de dfense. Mais en vertu de la rgle "reus
in exoipiendo fit actor", le dbiteur qui opposait cette exception devait
apporter la preuve ^des faits qui la justifiaient : il devait prouver que
la somme porte dans la eautio ne lui avait pas t verse. C'est une
preuve qu'il n'est pas facile d'apporter; il est plus ais de prouver un
fait que l'absence d'un fait, une existence qu'une inexistence.

C'est pourquoi la lgislation impriale fut amene imaginer en


faveur de l'emprunteur un moyen de dfense - beaucoup plus.commode : c'est
la quevela non nwnevatae peauniae, la plainte pour non versement des de-
niers. Elle apparat dj dans une constitution de CaracaMa de 215 (1);
c'est alors uniquement un moyen de dfense, auquel les textes donnent le

(1) C. U.30.3.
. 267 .

nom 'exceptio non numeratae peouniae, bien qu'il ne s'agisse pas d'une
exception au sens prcis du mot; ce n'est certainement pas, comme nous
allons le voir, une exception insre dans une formule d'action.

L'effet de ce moyen de dfense tait nergique : le dbiteur pour-


suivi en paiement n'avait qu' prtendre que l'argent en question ne lui
avait pas t remis : cette prtention suffisait priver la oautio de
toute force probante; il fallait que le crancier prouvt qu'il avait
bien prt cette somme et qu'il le prouvt autrement que par le billet.

En un mot, la querela produisait, un renversement du fardeau de


la preuve.

Ceci Indique assez qu'il ne s'agit pas d'une vritable exception.


Dans la procdure formulaire, le dfendeur qui oppose une exception doit
toujours apporter la preuve des faits qu'il invoque. La querela est une
institution trop contraire au rgime des preuves dans la procdure formu-
laire, pour qu'elle ait pu y trouver sa place. Elle appartient la pro-
cdure extraordinaire. A une poque o la procdure formulaire existait
encore, le domaine d'application de la querela devait tre limit; elle
n'tait recevable que dans les procs relevant de la "cognitio extraordi-
naria" (1 ).

Mais au Bas-Empire, avec le triomphe de la procdure extraordinai-


re, ii devient possible de lui donner un plus grand dveloppement : cet-
te poque, la querela n'est plus simplement un moyen de dfense; le dbi-
teur peut l'employer pour prendre \'initiative d'attaquer le billet qu'il:
a imprudemment souscrit.

Il peut paratre singulier qu'au moment o la lgislation se mon-


tre favorable la preuve par crit, une institution comme la querela non
numeratae peouniae ait pu se dvelopper. Cette anomalie a t impose
par des considrations d'ordre social : les riches* les potentes, abusaient
de leur puissance et de leur influence, pour pressurer les "hurrrliores".
Il tait devenu difficile d'obtenir justice contre eux; les tmoins, les
juges, parfois mme les gouverneurs craignaient de leur dplaire. Les em-
pereurs ont vu dans la querela une mesure indispensable pour protger les
humiliores contre les abus des potentes.

E2Qgi2gQmQ :

Recours de caractre anormal, la querela a toujours t soumise


de courts dlais. Le dbiteur doit l'invoquer peu de temps aprs avoir

(1) COLLINET : nLa nature des actions ..." 1946 - a bien montr que toutes
les "querelae" sont des procdures qui intressent la "cognitio" du ma-
gistrat "extra ordinem".
268 .

souscrit le billet. A l'origine, le dlai tait d'un an; Diocltlen le


porta 5 ans; Justinien le ramena 2 ans.

Au Bas-Empire, la quevela existait sous trois formes :

1) Exceptio non numevatae pecuniae :


Moyen de dfense que le dbiteur oppose au crancier lorsque ce-
lui-ci rclame remboursement de la somme constate par le billet. C'est
la forme la plus ancienne. Elle doit tre employe dans un court dlai,
cependant elle devient perptuelle, et profite aux hritiers, si le d-
biteur a entam dans les dlais une instance judiciaire (Alex.Svre :
C. 4.30.8.1 en 228).

2) Condictio oautionis :
Si le crancier laisse passer les dlais de la quevela sans pour-
suivre le dbiteur, celui-ci ne peut plus opposer l'exception : aussi
est-iI ncessaire qu'il puisse, dans les dlais de la quevela, prendre
l'initiative d'une procdure; il exerce la quevela pour rclamer resti-
tution du billet qu'il a imprudemment souscrit : elle aboutit alors
l'exercice d'une oondictio, d'une action en restitution, ayant pour ob-
jet l'acte crit (oautio).

Le crancier doit rendre le billet s'il ne parvient pas prouver


que la somme qui y est porte a bien t prte (Alex. Svre : _. 4.30.
7 en 223).

3) Contestat-ios denuntiatio :
Sans porter l'affaire devant la justice, le dbiteur peut, avant
d'tre poursuivi en paiement, protester contre le billet, en adressant
une dclaration au crancier, ou si celui-ci est un personnage consid-
rable et redout, au gouverneur de la province, ou au defensov oivita-
tis. Si le crancier exerce dans la rgion une trop grande influence,
Justinien autorise le dbiteur adresser sa protestation I'vque,
qui jouit, mme l'gard des plus puissants, d'une indpendance com-
plte. Si dans la suite, et mme aprs les dlais de quevela, le cr-
ancier vient rclamer paiement, le dbiteur peut encore se prvaloir
de la quevela, s'il a fait la denunt-iat-io dans les dlais lgaux. Cet-
te forme de quevela, connue sous Dioclten, n'a reu son organisation
dfinitive que sous Justinien.
269

Lgislation
:
<jj_Jystin_et_JystInien

Au Vl s. la lgislation de Constantinople se montre assez rtl-


cente l'gard de la querela : son exercice fut subordonn des condi-
tions nouvelles. Justin, le prdcesseur immdiat de Justinien (entre
518 et 527) promulgua sur la matire une importante constitution (C. 4.30.
13) o II est question des contestations qui peuvent s'lever au sujet des
nonciations contenues dans les actes crits.

La constitution distingue cet gard deux sortes d'crits conte-


nant reconnaissance de dette : la oautio disoreta et la oautio indieoreta.

1/ La oautio disoreta :
C'est le "billet caus", la reconnaissance de dette, avec Indica-
tion de la cause de la dette; ainsi le billet Indique que la somme a
t reue titre de prt.

La constitution de Justin fait confiance aux billets de ce genre :


le dbiteur ne peut pas leur opposer la querela. S'il prtend que le
billet est mensonger, il faut, selon les rgles du droit commun, qu'il
apporte la preuve de ce qu'il prtend; il faut qu'il prouve que l'ar-
gent ne lui a pas t remis.

2/ La oautio indisoreta :
C'est le "billet non caus" : un individu reconnat dans un acte
crit qu'il doit tel le somme, sans dire pourquoi. La constitution de
Justin considre qu'un billet de ce genre est suspect; le dbiteur peut
facilement anantir la force probante de ce billet en se servant de la
querela.

Il est permis de croire qu'aprs cette constitution, la querela


a du perdre beaucoup de son Intrt pratique; pour viter les risques
d'une querela, le crancier n'avait qu' faire insrer dans l'acte quel-
que clause de style, indiquant un prt.

Justinien., qui avait probablement Inspir la constitution de Jus-


tin, prit ensuite lui-mme plusieurs mesures, galement peu favorables
la querela.

Dans le droit de Justinien, elle est refuse au dbiteur qui a


d'abord essay, sans succs, de s'en prendre l'authenticit des critu-
res. De plus, le dbiteur qui oppose tort la querela est puni : Il faul
qu'il paie le double. Enfin, le dlai est ramen de 5 ans 2 ans. Et
lorsque le dlai est rvolu, Justinien donne au billet une force probante
. 270 .

tout fait extraordinaire : non seulement le dbiteur ne peut plus an-


antir le billet en dclarant qu'il n'a rien reu, mais contrairement aux
rgles du droit commun, il ne peut essayer de prouver que'le-bi11et est
mensonger : on ne lui permet pas d'apporter la preuve qu'il n'a rien reu.
Le billet, aprs le dlai de querela, jouit d'une prsomption irrfraga-
ble de vrit.

Cette solution est en somme assez judicieuse; en ne protestant pas


pendant deux ans, le dbiteur a pour ainsi dire reconnu la sincrit du
billet.

Tout en soumettant la querela des conditions plus svres, Jus-


tinien largissait son domaine d'application :

1/ La querela non numeratae peouniae va pouvoir tre employe non seule-


ment dans le cas de billet concernant des dettes d'argent, mais pour
des billets qui constatent toutes sortes de dettes, portant sur des
choses certaines.

2/ Justinien a organis une querela au profit du crancier qui donne quit-


tance, alors qu'il n'a pas reu paiement : c'est la querela non numera-
tae solutionis. Un court dlai d'un mois est imparti au crancier pour
exercer cette procdure.

3/ Enfin une querela non numeratae dotie tait prvue dans l'Intrt du
mari qui avait reconnu avoir reu une dot qui, en fait, ne lui avait
pas t verse.

TITRE TROISIEME

.Li--=-2-l-k-i--l.
LA NOTION D'OBLIGATION DELICTUELLE
EN DROIT ROMAIN

1 - DELITS PRIVES,
DELITS PUBLICS

Les obligations dlictuelles, qui ont subsist en droit romain jus-


qu' la fin de son volution, constituent une survivance d'un systme pnal
archaque, dont nos lgislations modernes se sont compltement dbarrasses.
. 271 .

If existe bien dans notre droit moderne des obligations qui ont pour source
le dlit : l'auteur d'un fait iII ici te - dlIt pnal ou dlit cviI - est
obiig de rparer le dommage qu'il a caus : nous donnons cette obligation
t nom de.MresponsbiIit civle",

En droit romain, les obligations dlictuelles correspondent une


conception toute diffrente : certains dlIts taient sanctionns au moyen
de peines pcuniaires que le dlinquant devait payer la victime. On en-
tend par "obligatio ex delicto" cette obligation que la loi prvoyait la
charge du dlinquant au profit de la victime. Il s'agissait l, non d'une
rparation du dommage caus par le dlit, mais bien d'une peine, c'est--dire
d'un chtiment, souvent sans rapport avec le prjudice caus : c'est une pei-
ne prive.

Nos lgislations modernes n'admettent plus ce genre de rpression


exerce dans un intrt priv : lorsqu'un acte dommageable constitue en mme
temps une Infraction prvue par la loi pnale, notre droit moderne distingue
soigneusement la responsabilit pnale et la responsabiIit civile, l'action
publique et l'action civile. Cette distinction repose sur ce principe que
la peine n'est jamais prononce dans l'intrt de la victime mais toujours
dans l'Intrt suprieur de la socit, mme dans le cas o le dlit porte
atteinte.aux droits:d'un particulier.

Cette Ide d'un chtiment appliqu dans l'intrt social, n'tait


pas trangre aux Anciens : la rpression de certains dlits avait t orga-
nise, ds la plus haute Antiquit, dans cet esprit. De sorte qu'il existe
en droit romain une distinction fondamentale entre les dlits publics et les
dlits privs. ,

Les dlits publics sont des actes Illicites qui sont considrs
comme troublant I'ordre public, comme mettant en cause les intrts suprieurs
de la Cit : l'homicide volontaire d'un homme libre, la concussion, le faux,
taient des dlits publics.

Comme II n'y avait pas de ministre public, tout citoyen pouvait


prendre l'initiative du procs criminel qui porte le nom de "crtmen".

L'action tait porte ; devant des juridictions tout fait distinc-


tes de celles qui statuaient eh"matire civile : primitivement les procs
criminels taient jugs par le consul, puis ports devant le peuple lui-mme
assembl en comices. Au il0 s. a.J'.C." furent Institues des juridictions
spcialises pour juger certaines catgories d'affaires : ce sont les quaes-
tiones perpetuae, sortes de jurys criminels, constitues par vole de tirage
au sort. Les peines que-les juridictions criminel les pouvaient prononcer
(mort, interdiction de l'eau et du feu, exil, confiscation gnrale, amen-
de, etc ...) taient inspires la fois de l'Ide de vengeance sociale, et
de celle d'exemplarit.

Pour les dlits privs au contraire (coups et blessures, vol) la


peine tait ordinairement une pCna pcuniaire, alloue la victime : l'ac-
tion pnale, qu'exerait la victime pour obtenir cette somme, appartenait-a
272

la comptence des juridictions ordinaires et l'affaire se droulait selon


les rgles en usage dans les procs entre particuliers (ordo judiciorum pri-
vatovum) \ actions de la loi, puis procdure formulaire.

La liste des dlits publcs est alle en s'accroissant : certains


faits illicites qui n'avaient d'abord t que des dlits privs, ont fini
par donner lieu des poursuites criminelles, devant les juridictions r-
pressives. Certains faits illicites restrent cependant, jusque dans le
droit de Justnien, des dlits privs.

Dans une tude des obligations, nous n'avons pas nous occuper
des dlits publics, mais uniquement des dlits privs, envisags comme sour-
ce d'une obligation tablie la charge du dlinquant et au profit de la
victime.

2 - ORIGINE DU SYSTEME DES DELITS PRIVES

Ce systme qui permet la victime de poursuivre elle-mme le ch-


timent du coupable et d'obtenir une poena dont elle profite, est une survi-
vance de l'antique justice prive. L'obligation dlictuelle, telle qu'on
la rencontre l'poque classique, est l'aboutissement de toute une volu-
tion.

On peut supposer qu'au temps des tribus patriarcales, les coutumes


alors en usage autorisaient celui qui l'on avait fait tort, se venger
sur la personne du coupable. Un progrs fut dj ralis lorsque les cou-
tumes imposrent des limites ce droit de vengeance, avec la rgle du ta-
lion. Le principe du talion que l'on trouve dans la loi de MoTse (EXODE 21,
23) tait encore en honneur chez les romains de l'poque des XII Tables (Ta-
ble 8.2) dans certains cas.

Le coupable essayait d'chapper aux rigueurs de la vengeance en


proposant un arrangement : il offrait du btail, ou une somme en airain pour
que la victime renonce au droit que la coutume lui permettait d'exercer sur
le corps du dlinquant. C'est le rgime de la "composition volontaire". Le
mot poena a d'abord servi dsigner la somme d'argent que le coupable payait
comme prix de cet arrangement.

Lorsque la Cit s'organisa, le vieux systme de la vengeance pri-


ve, source de querelles interminables, ne pouvait plus tre entirement con-
serv : le lgislateur, dans bien des cas, contraignit la victime renoncer
son droit sur le corps du dlinquant et se contenter d'une somme d'ar-
gent, dont il fixait le montant : c'est le rgime de la composition obiIga-
toire et lgale.

La loi des XII Tables se place une poque o les deux conceptions
coexistent : dans certains cas le vieux lgislateur parle encore du talion,
avec possibilit de l'viter, si la victime veut bien se contenter d'une ran-
on dont le montant reste discut entre parties. Mais pour la plupart des
. 273

dlits privs, la loi contraint la victime se contenter d'une poena lga-


le, d'une composition dont elle fixe elle-mme le montant. A l'poque rpu-
blicaine, les derniers vestiges de vengeance prive ont disparu : la victime
d'un dlit priv a droit une peine pcuniaire, fixe par la loi ou l'dit
et qu'elle rclame en exerant une action ditepnale. Mais il ne vint pas
tout de suite l'esprit des romains qu'il pouvait s'agir l d'une obliga-
tio, susceptible d'tre compare celle qui dcoulait de l'accomplissement
de certains actes juridiques. Comme nous l'avons dj vu, ce sont des juris-
consultes, un peu antrieurs GaTus, qui eurent l'Ide de faire entrer les
dlits privs dans la thorie des obiigations.

3 - CARACTERISTIQUES
DES OBLIGATIONS DELICTUELLES

Les obligations dlictuelles sont, bien des gards, tout fait


diffrentes des obligations contractuelles : cela n'est pas surprenant si
l'on considre que la rglementation des dlits privs a t tablie compl-
tement en.dehors de la thorie des obligations, une poque o celle-ci con-
cernait seulement les obligations contractuelles et quasi-contractuel les.

Cette opposition apparat clairement quand on compare les actions


qui les sanctionnent.

Les actions que la victime d'un dlit priv peut intenter pour ob-
tenir la poena laquelle elle a droit appartiennent toutes, quel que soit
le dlit, la catgorie des actions pnales.

Aux actions pnales s'oppose la catgorie des actions dites "r-


iperscutoires"; cette dnomination, fabrique par les romanistes, est le
dcalque commode des expressions que l'on trouve dans les textes : GaTus
(IV.7) parle des actions par lesquelles "rem persequimur" (nous rclamons
la chose). Les actions riperscutoires sont celles par lesquelles on pr-
tend faire rentrer dans le patrimoine un lment qui doit y figurer : l'ac-
tion en revendication, mais aussi les actions qui sanctionnent des obliga-
tions contractuel les ou quasi-contractuel les sont riperscutoires.

L'action pnale s'oppose d'abord l'action riperscutoire par


son objet : elle n'a pas pour but de rtablir le patrimoine dans son tat
normal, elle ne poursuit pas la rparation d'un prjudice,, mas elle tend
faire appliquer une peine.

De ce caractre fondamental, drivent toutes sortes de consquen-


ces ; la poena ...

1/ QiPse=|a_rparation :

La poena n'est pas une amende : l'amende (mulota) est perue par
le trsor public; la poena profite la victime. Mais ce n'est pas pour
cela une rparation du prjudice. Et ce qui le prouve bien, c'est que
. 274 .

cette poena est trs souvent bien plus leve que ne Je serait une ln,demni
t : la poena est souvent calcule au double, au triple, parfois mme au
quadruple du prjudice.

2/ Se_gymyIe_cgptrg=ifS_giigqygD|.:

L'action pnale peut tre intente pour la totalit de la peine,


autant de fois qu'il y a de dlinquants. Si le dlit a t commis par
plusieurs co-auteurs, chacun mrite la peine; il y a donc cumul au profit
de la victime. La solution est toute diffrente en cas de contrat conclu
avec plusieurs co-dbiteurs : le crancier ne peut videmment pas obtenir
plusieurs fois la prestation prvue dans le contrat : chaque dbiteur
n'est tenu que pour une partie - ou, s'il y a solidarit, le paiement
complet fait par l'un libre les autres.

3/ Se_umuJ:e_aye_d^aytres_agtj.ons :

Les actions pnales se cumulent avec les actions riperscutoires,


les actions riperscutoires ne se cumulent pas entre elles. La victime
d'un vol, qui fait appliquer au voleur le chtiment qu'il mrite ne perd
videmment pas pour cela le droit de rclamer la chose au moyen de l'ac-
tion en revendication : l'action fwct-i (action pnale) se cumule avec l'ac-
tion en revendication (action riperscutoire).

Si au contraire on dispose de deux actions riperscutoires pour


rclamer la mme chose, on ne peut pas les intenter successivement, par-
ce qu'alors on obtiendrait deux fois ce qui est d : celui qui prte une
chose usage peut intenter soit I'action de commodat puisqu'il y a con-
trat de commodat, soit l'action en revendication puisqu'il est propri-
taire de cette chose; mais il ne peut pas intenter successivement les
deux autres actions.

D'aprs certains jurisconsultes, il y aurait mme possibilit


d'intenter cumulatvement plusieurs actions pnales pour le mme fait
s'il constitue plusieurs dlits privs (1).

(1) Les jurisconsultes n'taient pas d'accord. Lorsqu'un individu blesse


l'esclave d'autrui (= dcatmon) dans l'intention d'outrager son matre
(= -injtwua), ce matre peut-il exercer cumultivement l'a. leg.Aquiliae
-.+ a.injur-arum ? LABEON l'admet (D. 47.10-15,46) mais PAUL le refuse
(44.7-34 pr.). Le cumul a.leg.Aqwiiae + a avboribus aaesarum est admis
par LABEON, refus par TREBATIUS (D. 47.7.1). Si l'on en croit HERMOGE-
NIEN les partisans du cumul l'auraient finalement emport aprs bien des
discussions (44.7.32). MODESTIN (III0 s.) n'tait pourtant pas de cet
avis (. 44.7.53) : il reconnat que d'un mme fait qui constitue plu-
sieurs dlits (concours idal d'infractions) rsultent plusieurs actions
mais une seule de ces actions peut tre exerce : il y a concours mais
pas cumul.
275 .

, Le principe que l'action pnale ne poursuit pas une rparation du


prjudice est trs net quand il s'agit de I'actIon furti, de l'action d'in-
jures - beaucoup moins net dans d'autres; cas, notamment avec l'action de
la loi Aquilia : la poena prvue en matire de damnum est la fois un
chtiment, et une indemnit. Justinien a imagin la catgorie des actions
mixtes : ce sont des actions pnales, qui ne se cumulent pas avec des ac-
tions riperscutoires, parce que la poena qu'elles procurent la victi-
me contient une "reiperseoutio" (Inst. 4.6-16 et 19).

4/ Modes_d^extint]on :

a) Il suffit d'un simple pacte pour teindre "jure oivili" la plupart des
obligations dlictuelles : un pacte de remise n'teint pas jure oivili
une obligation contractuelle, mas permet simplement au dbiteur d'op-
poser au crancier I'exception paoti oonventi.

b) Les obligations dlictuelles s'teignent par la mort du dlinquant :


il faut cependant noter que, dans ia Compilation de Justinien, Il est
admis qu'en cas de dcs du dlinquant, la victime puisse poursuivre
les hritiers du dlinquant : ceux-ci restent tenus dans la mesure de
l'enrichissement que leur procure le dlit {in id quod ad eos perve-
nit). Cette solution tait admise ds.l'poque classique par le pr-
teur, dans quelques cas partlculIers, et pour des actions dont le ca-
ractre pnal n'tait pas trs net, comme l'action doli : elle a t
gnralise par Justinien. On peut trouver l le germe de notre sys-
tme moderne de la responsabilit civile des hritiers. Mais le prin-
cipe classique semble bien tre que les actions pnales sont intrans-
missibles passivement, et d la faon.la plus complte.

Certaines actions pnales (I'action injuriarum) sont mme intrans-


missibles activement et s'teignent par le dcs de la victime.

./... Plusieurs textes de la Compilation affirment le contraire : ULPIEN 4-4.7.


60 et 50.17.130 rpt dans Inst. 5.4.9.1, o le principe du cumul est
pos, pour les actions pnales en termes gnraux.
La question est d'autant plus obscure qu'en ralit les textes sur la
question ne parlent probablement pas de la mme chose ! "eadem pecu-
nia" (44.7.60), "eadem re" (50.17.130 et 44.7.53), "unum deliotum" (4-4.7.
32) ne sont pas des expressions quivalentes. Quant aux textes qui per-
mettent la victime d'exercer la seconde action pnale seulement pour
rclamer le surplus de peine que la premire ne pouvait lui procurer,
ils sont trs suspects d'interpolation; cf. E. LEVY : "Konkurrenz" II,
pp. 178-238.
Un autre problme de cumul se pose, lorsqu'un dlit priv constitue aussi
un dlit public : la victime peut ou criminaliter agere> ou rclamer la
poena prive, mais elle ne peut pas exercer successivement les deux ac-
tions (cf. infra : "Injuria *t furtum, dlits publics").
. 276

Les obligations contractuelles sont au contraire presque toujours


transmissibles aux hritiers et contre les hritiers.

c) La oapitis d&minutio du dbiteur qui teint, du moins jie civili,' les


obligations contractuelles, n'teint nullement les obligations dlic-
tuelles : l'homme sui juris qui commet un dlit priv et devient en-
suite fils de famille par adrogation, rpond encore de son dlit; l'ac-
tion pnale est en pareil cas exerce sous forme noxale (noxaliter) con-
tre I'adrogeant.

d) L'exercice des actions pnales est souvent soumis des dlais qu'on
ne rencontre gure dans les actions rperscutoires : les actions p-
nales prtoriennes sont annales.

5/ paj_t_de_s2QMiger :

La capacit de s'obliger n'est pas la mme en matire dllctuelle


et en matire contractuelle.

La femme, du moins dans l'ancien droit, ne peut pas contracter de


dettes valablement sans son tuteur. Elle rpond de ses dlits.

L'impubre ne peut pas s'obliger par contrat, sans I } auotoritas de


son tuteur. Les dettes qu'il contracte seul sont radicalement nulles,
l'poque de GaTus - valables peut-tre comme obligations naturelles l'-
poque post-classique - et valent "dans la mesure de son enrichissement",
dans le droit de Justinien. Par contre, l'impubre rpond entirement de
ses dlits, s'il est "doli aapax".

6/ Noxalit :
= =s = = !=e

Une des caractristiques les plus saillantes des actions pnales


apparat dans le cas o le dlit est commis par une personne en puissan-
ce, fils de famille ou esclave : l'action pnale est donne contre le ti-
tulaire de la puissance, pater ou matre, sous une forme particulire,
"noxaliter", qui permet celui-ci de se librer en abandonnant le coupa-
ble la victime; c'est ce qu'on appelle une action noxale. .

Il n'existe rien de semblable pour les dettes contractuelles : en


ce qui concerne les dettes contractes par des fils ou des esclaves, le
pre (ou le matre) peut tre parfois poursuivi, au moyen d'actions ad-
jeotioiae qualitatis (a. quod jussu, institoria, exeroitoria) - il est tou-
jours responsable dans une certaine mesure (a. de peculio aut de in rem
verso) : mais toutes ces. actions prtoriennes n'ont absolument rien de com-
mun avec les actions noxales.
. 277

Le fait qu'une action peut tre exerce dans la forme noxale est
un critre qui permet de la classer infailliblement dans la catgorie des
actions pnales.

Le rgime de la noxalit est si caractristique que nous lui con-


sacrerons un chapitre spcial, aprs l'tude des diffrents dIits.

CHAPITRE PREMIER : L'INJURIA


= r s s = 3 = s = = s a 2 = r a a = s = a a n a va ta es es

L_nQQn-LinJia

A l'poque classique, les jurisconsultes reconnaissent que le mot


injuria prsente deux sens. Au sens large, \Hnjuria c'est tout acte Injus-
te (in-jus = contraire au droit) : le mot est pris dans ce sens dans l'ex-
pression "damnum injuria dation" = dommage caus injustement. Au sens troit,
injuria est synonyme de oontumelia (outrage); on englobait sous cette dno-
mination divers dlits contre la personne.

Atteintes=_!a_persgnne=physique :

A l'poque classique on dsigne sous le nom d'injuria les attein-


tes la personne physique : les coups et blessures. I1 est possible qu'
l'poque ancienne, dans les XII Tables, le mot injuria n'ait pas t emplo-
y de cette faon; mais dans la langue classique, les coups et blessures
constituent la forme la plus typique du dlit d'injuria.

Les faits de ce genre ont longtemps t considrs Rome comme


de simples dlits privs, donnant lieu, au profit de la victime, une pei-
ne pcuniaire. Cette forme de rpression en pareille matire n'est pas par-
ticulire au droit romain : on la rencontre dans la plupart des lgislations
archaques (lois germaniques, loi salque notamment).

QyigD_dlhom||de :

Par contre, en ce qui concerne la rpression de l'homicide, Il


existe une profonde diffrence entre le droit romain et les autres lgisla-
tions primitives. CeIles-ci autorisent la. famille de la victime venger
le mort ou rclamer du meurtrier le prix du sang : Wehrgeld chez les Ger-
mains, dieht chez les Arabes. Nous ne trouvons rien de semblable en droit
romain, mme l'poque la plus ancienne.

Les romains - ds l'poque royale - faisaient dj la distinction


entre l'homicide volontaire et l'homicide involontaire de l'homme libre. Le
meurtre d'un citoyen tait considr comme intressant toute la cit : c'taif
. 278 .

dj un dlIt public : le meurtrier tait juge par le peuple et la peine de


mort pouvait lui tre inflige.

Par contre, celui qui, accidentellement, par imprudence ou mala-


dresse, tuait un citoyen, devait simplement faire un sacrifice expiatoire
pour apaiser les mnes de la victime.

Sous la Rpublique, le prteur et les diles organisrent la r-


pression de certains homicides involontaires, sans en faire d'ailleurs de
vrais dlits privs : ce sont des "quasi-dlits" (cf. Infra).

L'injuria comprend aussi les atteintes l'honneur, la rputa-


tion, la pudeur; la loi des XII Tables qui prvoyait expressment sous le
nom 'injuria des violences lgres, les prenait en considration en raison
de leur caractre "injurieux". Mais c'est surtout le droit prtorien qui
donna une large extension dans cette direction la notion 'injuxn-a.

Il y eut en matire d'injuria toute une volution du droit en ce


qui concerne et la faon de comprendre ce dlit et la faon de le rprimer.

1 - SYSTEME DES XII TABLES

' La loi des XII Tables prvoyait trois sortes de dlits contre la
personne (GAUS 223) :

1/ Memtoyimjpuptwn :

Les auteurs modernes entendent ordinairement par l les blessu-


res, les coups entranant la perte d'un membre, des mutilations : perte
d'un bras, oeiI crev, etc ... Nous verrons tout l'heure que cette
interprtation est inexacte : "membrym ruption" signifie : "partie quel-
conque du corps endommage de faon durable".

Pour ce dlit, la vieille loi prvoyait l'application du talIon


au dlinquant, s'il ne parvenait pas conclure un arrangement avec la
victime.

2/ Q8_ractTmjJel_ollisum :

Fracture ou luxation d'un os. Les XII Tables prvoyaient Ici une
peine fixe : 300 as si la victime est un homme libre, 150 as au profit
du matre, s'il s'agit d'un esclave.
. 279 .

3/ Injuria ;
Sous le nom Hnjuria, les XII Tables visaient les violences l-
gres qui prsentent un caractre injurieux, par exemple des soufflets :
une petite peine fixe de 25 as tait prvue au profit de la personne in-
jurie.

Ces trois dlits taient, intentionnels : les blessures causes ac-


cidentellement ne tombaient pas sous le coup de ces dispositions.

Il nous reste dterminer le sens exact de "membrum ruptum". L'in-


terprtation courante - "partie d'un membre" - aboutit des rsultats bien
tranges. On peut bon droit supposer que les blessures les plus courantes
taient celles que l'on causait au moyen d'une arme coupante : poignard,
pe, couteau. SI.l'arme ne tranche pas un membre et ne casse pas un os
(ce qui est le cas normal ) , il n'y a pas "os fraatum", et d'aprs l'inter-
prtation courante, i I n'y a pas davantage "membrum ruptum". La victime
devait-elle alors se contenter de la petite peine de 25 as, prvue pour les
autres cas d'injures ? Cette rpression est manifestement Insuffisante.

Il n'est gure vraisemblable que le vieux lgislateur ait oubli


de prvoir des blessures aussi courantes; il est bien imprudent par ailleurs
d'accuser GaTus de nous fournir un aperu incomplet des XII Tables. Il est
plus sage d'admettre avec Appleton (Ml. CorniI 1926) que les romanistes
commettent tout simplement un contre-sens en traduisant "membrum ruptum"
par "membre rompu, arrach". Les latinistes savent qu'il est dangereux de
traduire les mots latins par les mots franais qui" leur ressemblent : dans
le cas prsent, "membrum"'. ne signifie pas membre, mais partie quelconque du
corps, t "ruptum" ne signifi pas rompu, mais endommag de faon durable.

Cette disposition des XII Tables concernait les coups et blessu-


res qui laissaient sur le corps des traces visibles et durables : les coups
de couteau entrent dans cette catgorie.

Ainsi compris, le systme des XII Tables prsente une simplicit


qui contraste avec la complication des lois barbares sur la mme matire.
La loi sa II que par exemple, avec une naTve gaucherie, en arrive tarifer
les diffrentes parties du corps, et mme chaque doigt de la main. Le vieux
lgislateur romain a fait preuve d'un sens juridique beaucoup plus sr :
lorsqu'il lui parat possible d'estimer lui-mme l'avance la gravit des
faits, il dict une peine, fixe; ainsi lorsqu'il y a fracture, ou s'il s'agit
de violences lgres qui sont surtout des' offenses morales.

Dans les autres cas, il se rend compte qu'il serait imprudent de


prvoir l'avance le montant de la peine, parce que les blessures peuvent
tre infiniment varies; il prfre laisser aux intresss eux-mmes le soin
de dbattre entre eux le montant de la peine; car c'est cela, pratiquement,
que conduisait le principe de talion ainsi formul par la loi : "qu'il y ait
talion, moins que les parties ne fassent entre elles un arrangement".
280

2 - SYSTEME PRETORIEN
EN MATIERE D'INJURIA

Cette lgislation antique tomba compltement en dsutude dans le


courant de l'poque rpublicaine : elle fut remplace par des dispositions
de droit prtorien.

A/ iif9ifmD_d_l!_DeiQD_dligJ^^? '

Les dispositions de l'Edit :

Le prteur fit entrer sous la dnomination iHnjuria quantit de


dlits contre la personne : ces extensions ont t ralises par re-
touches successives. Dans la codification de Julien (11 s.), on trou-
ve sous le titre "De injuriis", d'abord un dit gnral qui concerne
les voies de fait : les coups et blessures constituent le cas type
d*injuria* puis des dispositions sur les paroles Injurieuses, les crits
diffamatoires, l'outrage la pudeur.

Certains faits, trs svrement punis par la loi des XII Tables,
parce qu'ils correspondaient primitivement des pratiques magiques
malfaisantes, ont compltement perdu cet aspect avec l'volution des
moeurs : ce ne sont plus, dans l'dt du prteur, que des outrages,
des affronts considrs comme des dlits privs.

Ainsi, la loi des XII Tables prvoyait la peine de mort contre


l'auteur d'un "malum oarmen" : il s'agissait de l'individu qui, en pro-
nonant des formules magiques, tait cens mettre en pril la vie et
les biens d'autrui. Lorsque ces superstitions furent prises moins au
srieux, on considra comme une varit dHnjuria le "oarmen famosum",
qui n'est plus alors qu'un crit diffamatoire, un pamphlet.

La loi des XII Tables prvoyait comme crime capital I'oooentatio,


visant par l des manifestations collectives diriges contre une person-
ne, le "charivari" que I'on rencontre chez certains peuples primitifs
et qui a bien l'aspect d'un rite magique malfaisant. Dans l'dt, Il
n'est plus question de ces pratiques archaques, mais du "oonvicium" :
l'esclandre fait en public en vue de porter atteinte l'honneur ou
la considration d'une personne, et c'est une varit dHnjuria.

Pour complter toutes ces dispositions, le prteur avait tabli


un dit "ne quid infamandi causa fit", Interdisant, en termes gnraux,
tout acte susceptible de nuire la "fama"', la bonne renomme d'une
personne.
281

la Jurisprudence :

Les jurisconsultes se chargrent de donner aux dispositions de


l'dit la plus large extension. Ils admettent qu'il y a dlit d'in-
juria lorsqu'un crancier, au lieu de demander paiement son dbiteur,
qui est solvable, s'adresse directement aux cautions : cette attitude
est Injurieuse l'gard du dbiteur, dont on a l'air de suspecter la
solvabiIIt.

D'une faon plus gnrale encore, on considre qu'il y a injuria


lorsqu'on empche un homme libre de jouir des droits et des avantages
que la socit reconnat chacun : droit de circuler, droit d'user
des choses communes et des choses publiques. Ainsi la squestration
arbitraire est une injuria. De mme il y a injuria si l'on empche une
personne de prendre un bain dans la mer, ou d'entrer au thtre.

Condition du dlit :

En dpit de la varit des faits que l'on runit sous cette dno-
mination, I ' i n j u r i a prsente une certaine unit. On trouve, dans tous
les dlits d'injures, des conditions qui leur sont communes.

L'injuria est toujours un dlit intentionnel (dolo malo), tel


point qu'on ne peut pas par'er 1injuria l o il n'existe aucune in-
tention d'outrager : "L'injuria rside dans l'intention de son auteur"
dit Ulpien, et il en tire cette consquence que ni les fous ni les en-
fants Incapables de discernement ne peuvent commettre ce dlit (. 47.1
10-3.1). A l'inverse, il n'y a injuria que si la victime est capable
de sentir l'affront qui lui est fait : l'enfant en bas ge ne souffre
pas des paroles injurieuses qu'on lui adresse.

On peut tre victime d'une injuria en raison de faits qui attei-


gnent directement d'autres personnes : le pre de famille souffre de
l'injure faite son fils ou sa femme - et ceux-ci, qui sont person-
nellement victimes, ont droit aussi la poena.

De.sorte qu'en cas d'injure faite une femme marie reste en


puissance de son pre, il existe trois actions distinctes contre I'au-
teur, du dlit : l'action de la femme elle-mme (cette action est inten-
te, du chef de celle-ci, par son pre, qui exerce la puissance) - l'ac-
tion du pre et enfin l'action du mari qui tous peuvent se prtendre
personnellement Intresss.

A l'poque classique, il n'y a en principe Hnjuria qu' l'gard


des personnes libres. Dans le cas de blessures faites un esclave,
la loi des XII Tables, nous l'avons vu, prvoyait une peine, d'ailleurs
rduite (150 as pour l'os fraotum), que pouvait obtenir le matre. Dans
la suite, avec la loi Aquilia, les blessures faites l'esclave consti-
tuent un damnum, un dommage la proprit du matre, ot ds lors cl est
au moyen de l'action de la loi Aquilia que le matre obtient une poena.
. 282 .

Mais il n'est jamais question, du moins l'poque classique, de consi-


drer l'esclave comme personnellement atteint par \Hnjuria : tel
point qu'il ne peut pas exercer l'action d'injures s'il devient capable
d'agir en justice, par suite d'un affranchissement postrieur au d-
lit. Cependant les faits injurieux, s'ils sont graves, peuvent tre
ressentis par le matre. Gaus nous apprend (111.222) que le matre
pouvait intenter de son propre chef l'action d'injures avec une formu-
le spciale contre l'individu qui avait fouett de verges son esclave.
Par contre des paroles offensantes adresses un esclave ne pouvaient
justifier l'exercice de l'action d'injures par le matre, ni du chef
de son esclave, parce que celui-ci est incapable d'tre victime d'une
injuria - ni de son propre chef, parce qu'il n'est pas personnellement
atteint en pareil cas.

B/ L2stjmation=de_ia_pe|ne :

Au 11 s. av. J.C., on commena trouver peu satisfaisantes les


peines tablies par la loi des XII Tables. Le talion, qui n'avait gure
t utilis, n'tait plus du tout en harmonie avec l'tat des moeurs,
beaucoup plus polices, des romains; les peines fixes, ia suite de la
dprciation norme de la monnaie, taient devenues tout fait Insuffi-
santes : Au lu Celle raconte l'anecdote d'un chevalier romain qui, :pour
tourner la loi en drision, souffletait les passants tandis qu'un de ses
esclaves distribuait chaque victime les 25 as auxquels la loi lui don-
nait droit.

A la place des diffrentes peines tablies par la loi, le prteur


laissa aux juges le soin de dterminer dans chaque cas, et en quit, ia
peine qu'ils trouveraient convenable. L'action prtorienne qui permet
d'atteindre ce rsultat est dsigne par les modernes sous le nom d'ac-
tion "estimatoire d'injures".

Ce n'tait pas une innovation tellement hardie : on sait par Aulu


Gel le que, ds une poque ancienne, dans les .c.as_.o.. la loi prvoyait le
talion, le dlinquant pouvait l'viter, mme s'il n'arrivait pas se
mettre d'accord avec la victime sur le montant de la composition pcu-
niaire : la somme tait en ce cas fixe par un arbitre qu'on saisissait
de l'affaire. Cependant les ressemblances avec la "dik aikias" du droit
grec sont si frappantes, qu'on est port croire que le prteur s'est
inspir du droit grec pour crer son action estimatoire. Elle a figur
probablement d'abord dans l'dit du prteur prgrin; c'est pourquoi les
affaires d'injure taient juges non par un judex unus, mais par des r-
cuprateurs (AULU GELLE : 20.1.13).

C'est une action in faotum, dont la formule dbute par un expos


des faits (1). La condemnatio inoerta donne aux juges le pouvoir de pro-

(1) LENEL (Edit. 190) propose une formule avec une demonstratio suivie
d'une clause estimatoire. La formule commenait certainement par "quod
A'' pugno mata dolo N'N' peroussa est''. Mais est-ce une demonstratio ?
Les actions in bonum et aeqtaan sont in faotum et comportent un expos
des faits qui tient lieu la fois dHntentio et de demonstratio.
\ 283 *.

noncer une peine pcuniaire dont ils devront tablir le montant en qui-
t "in bonum et aequum", sans dpasser un maximum qui leur est indiqu :
la formule contient en effet une taxatio. Ordinairement on reproduisait
dans ta taxatio la somme indique par le demandeur lui-mme, au dbut du
procs, comme montant de sa prtention. Cependant si IHnjuria tait par-
ticulirement grave (atrox), l magistrat prenait soin lui-mme de dter-
miner la taxatio, et les juges, par respect pour l'autorit du magistrat,
condamnaient cette somme. Une injuria tait atrox soit en raison de la
gravit objective des faits - soit en raison de la qualit de la victime -
soit en raison du lieu o le dlit avait t commis (paroles injurieuses
profres dans un lieu trs frquent).

L'action d'injure est infamante (G. IV.182) : aussi ne doit-on pas


l'intenter la lgre : le demandeur dbout subit la peine des plaideurs
tmraires : 1/10 de la somme qu'il rclame tort (G. IV.177).

L'action d'injures est annale; si la victime tarde trop agir, on


peut prsumer qu'elle a pardonn (en droit moderne, notre loi de 1881 pr-
voit de trs courts dlais de prescription en cas d'injures ou diffama-
tions par la presse).

Comme toutes les actions pnales, elle s'teint par la mort du d-


linquant. Elle s'teint aussi par un simple pacte - (par le pardon de la
victime : p_. 47.10.11.1). De plus elle prsente cette particularit de
s'teindre par la mort de la victime : c'est une action qui "respire la
vengeance", et qui, pour cette raison, reste personnelle la victime.

Si l'auteur de I'injuria est un esclave, l'action se donne noxa-


Uter contre son matre, mais celui-ci peut chapper l'action noxale
d'injures en autorisant la victime fouetter l'esclave iexhibere verbe-
ranum : D. 47.10-17.4).

3 - REFORMES LEGISLATIVES :
L'INJURIA DELIT PUBLIC

Ds le premier sicle avant notre re, se dessine la tendance


voir dans les cas les plus graves d'injures des dlits publles; de tels faits
sont considrs comme troublant la paix sociale et paraissent justifier l'ap-
plication de chtiments dans l'intrt gnral.

En 81, une loi de SyMa, la loi Cornelia de injuriis - rdige


une poque o la guerre civile ne rendait que trop frquentes les violences
contre les particuliers - rigea en dlit public le fait de "pulsare, verbe-
rare j vi domum introre" : les coups et blessures et la violation de domici-
le. Les affaires de ce genre pouvaient tre portes devant des juridictions
rpressives (quaestiones perpetuae), pour faire appliquer des chtiments
corporels. Ces poursuites criminelles ne pouvaient tre mises en mouvement
que par la victime elle-mme : l'action, bien qu'exerce "dans l'Intrt g-
nral", restait malgr tout une "action prive" (PAUL : D. 3.3-42.1).
284 .

Sous l'Empire se sont multiplies les hypothses dans lesquelles


\Hnjiia peut donner lieu des poursuites criminelles exerces "extra or-
dinem" : iI en est ainsi toutes les fois que IHnjiia est atrox.

Les lois qui permettaient la victime d'agir "extra ordinem"


ne lui enlevaient pas fa facult de rclamer une poena selon le droit an-
cien (contest tort par Girard).

Dans la plupart des cas, la victime d'une injuria disposait de


deux procdures possibles : elle pouvait exercer l'action estimatolre pour
obtenir une peine pcuniaire et c'est ce que les textes appellent "civili-
ter agere"; elle pouvait aussi saisir les juridictions rpressives pour fai-
re appliquer au coupable un chtiment corporel (criminaliter agere).

Les textes de la Compilation lui rservent expressment le droit


d'opter entre ces deux procdures, mais ne lui permettent pas de les exer-
cer successivement (PAUL : p_. 47.10-6).

Au Bas-Empire, les deux actions appartenaient la comptence des


mmes juges, se droulaient selon les mmes rgles de la procdure extraor-
dinaire : mais elles aboutissaient des peines diffrentes. En fait, la
"vole civile" semble avoir t rarement en usage dans les affaires de quel-
que gravit, ds l'poque d'Hermognien (IV0 s.) (D. 47.10-45).

SyiB|=iiGQNQ- i _ LE JURTUM

Le furtum, c ' e s t le v o l , au sens large du mot, et c ' e s t un d l i t


priv.

Les romains, ds la plus haute Antiquit, se sont soucis de pro-


tger la proprit :.la loi des XII Tables prvoyait non seulement le fur-
tum, mais d'autres agissements malhonntes, voisins du vol, qu'elle sanc-
tionnait au moyen d'actions qui ressemblent l'action fuvti, comme par
exemple :

- l'action "de tigno junato" (au double), contre l'individu qui utili-
se la poutre d'autrui pour btir sa maison (cf. MONIER, thse Paris
1924; MELLITO, Kapoli 1964);

- l'action contre le dpositaire infidle (au double);

- l'action rationibus distrahendis, contre le tuteur qui dtourne les


biens de son pupille (au double).

Pour nous en tenir ici au fvtum, il nous faut tenir compte de


l'volution du droit :
. 285 .

Section 1) La loi des XII Tables constitue la base du systme du


en cette matire;
Section II) Avec les progrs du droit, la dfinition du dlit s'est
prcise et sa rpression dans certains cas s'est trouve
mod f i e;
Section III) Enfin la peine pcuniaire n'est pas la seule satisfaction
laquelle puisse prtendre la victime du vol : elle peut
exercer, en plus de l'action pnale, des voies de droit
de caractre reiperscutore, notamment la eondictio fur-
tiva.

SECTION I : SYSTEME DES XII TABLES

L_DQi9D_inSiDD :

Dans la langue classique, i :mot furtum signifie "vol"; dans la


langue archaque des XII Tables, ce mot signifie aussi chose vole. On con-
sidrait alors qu'il y avait furtum (chose vole) lorsqu'une chose mobili-
re tait enleve, soustraite : le dlit consistait "amvere". Il pouvait
avoir pour objet non seulement des choses mobilires, mais aussi des escla-
ves et mme des personnes en puissance : Il y avait furtum si l'on procdait
l'enlvement d'une femme marie aum manu, ou d'un fils en puissance, ou
d'un dbiteur addiatus (1).

La loi des XII Tables faisait dj la distinction fondamentale en-


tre le furtum manifestum et le furtum nec manifestum (le vol flagrant et le
vol non flagrant) qui se conservera dans toute l'volution du droit romain.

En droit romain, le vol flagrant est puni bien plus svrement


que le vol non flagrant. Cela peut paratre choquant : que le dlinquant
soit dcouvert Immdiatement ou longtemps aprs le dlit, cela n'en change
pas la gravit. Dans nos lgislations actuel les, la flagrahce n'exerce au-
cune influence sur la peine, mais autorise simplement l'emploi d'une proc-
dure simplifie, parce que la culpabilit de l'accus sembl plus faclle
tablir.

On pourrait tre tent de croire qu'en cas de vol flagrant les ro-
mains appliquaient des peines plus svres parce qu'en pareil cas on est sr
de frapper le vrai coupable. Mais la raison est autre : Il ne faut pas ou-
blier que la poena, par ses origines historiques, a le caractre d'une ran-
on paye par le dlinquant pour chapper aux mains de la victime, qui a un

(1) Le rapport qui existe entre les mots furtum et furtim (clandestinement) a
conduit HUVELIN ("Le furtum dans l'ancien droit" et Cours D.R. II 1929)
soutenir qu' l'origine le dlit de furtum englobait toutes sortes d'ac-
tes commis en cachette contre le bien d'autrui; en ralit dans les XII
Tables, le furtum est un vol par soustraction, notion assez troite (AL-
BANESE : "Le nozione del furtum fino a Nerazio", Palerme 1953, pp. 10 sq.
. 286 .

droit sur son corps. Lorsque le vol est flagrant, le ressentiment de la


victime est plus fort; Il est naturel qu'elle se montre exigeante pour re-
lcher le coupable qu'elle a pris sur le fait et qu'elle tient sa merci.

Que faut-il entendre exactement par furtum manifestum ? A l'po-


que des XII Tables, la notion de flagrance devait tre assez simple : le vol
tait "manifeste" quand le voleur tait pris sur le fait, tenant encore la
chose "en mains". Puis les jurisconsultes, beaucoup plus tard, ont ratioci-
n sur' a dfinition avec une tendance tendre la flagrance : GaTus (III.
184) admet que le vol est encore manifeste lorsque le voleur est trouv, peu
de temps aprs le dlit, dans les lieux o II l'a commis; par contre, GaTus
critique la doctrine qui prolonge dmesurment la flagrance, en considrant
comme "manifestus" le voleur qui est trouv en train de transporter le pro-
duit de son vol, mme assez longtemps aprs le dlit.

lDs_app|iabies :

Au point de vue des peines appliquer, les XII Tables distinguent


le furtum manifestum, le furtum neo manifestum, enfin le recel.

1 - FURTUM MANIFESTUM :

Le chtiment est diffrent selon que le voleur est un esclave, un


homme libre, un impubre : enfin des dispositions particulires concernent
le vol manifeste accompagn de circonstances aggravantes.

A/ Vol flagrant
2mml_par_un_esiaye :

La loi reconnat la victime le droit de s'emparer de i'esclave


et de le conduire sance tenante devant le magistrat. La flagrance rend
Inutile le renvoi de l'affaire devant un juge : le magistrat peut facile-
ment se rendre compte de la euIpabi11t de l'esclave. Il ordonne Imm-
diatement de lui faire subir la peine des verges (.verberatio), peine que
la vieille loi prvoit toujours en cas de vol flagrant. Le magistrat peut,
de plus, et s'il le juge convenable, faire prcipiter l'esclave du haut de
la Roche Tarpenne : c'est donc la peine de mort pour l'esclave.

B/ Vol flagrant
onmls_par_un_homme_|]bre :

La victime s'empare du voleur, le trane devant le magistrat. Ce-


lui-ci ordonne d'abord la peine des verges, puis prononce une addiotio, aux
287 .

termes de laquelle il autorise la victime emmener chez elle son voleur :


le voleur est "addiotus", adjug la victime.

La loi, en prvoyant cette mesure, ne faisait que rgulariser une


trs ancienne coutume : primitivement le voleur rpondait du dlit sur
son corps. La loi a consacr ce droit qu'avait la victime de faire main-
mise sur le voleur, mais a soumis l'exercice de ce droit au contrle du
magtstrat.

Quelle tait la condition juridique de voleur "addiotus" ? Les


vieux jurisconsultes n'taient pas d'accord sur ce point : les uns pr-
tendaient que i*addietus devenait immdiatement esclave de la victime du
vol, les autres soutenaient que \,addiotus tait encore un homme libre,
plac dans la mme situation qu'un dbiteur incarcr chez son crancier
la suite d'une manus injectio : iI ne devenait esclave qu'au bout d'un
certain dlai, quand la victime le vendait "trans Tiberm".

Ce qu'il y a de certain, c'est que la loi PoeteHa Papiria (qui a


adouci le sort des nexi) n'a pas entendu modifier la situation des vo-
leurs addioti.
Le plus souvent, le voleur ou sa famille, pour chapper une si-
tuation aussi critique, proposaient de payer une ranon la victime. Le
voleur n'hsitait pas offrir des sommes considrables pour retrouver sa
libert : cette composition pcuniaire, discute entre parties, dpassait
de beaucoup la valeur de la chose vole.

C/ Vol flagrant
omm|s_par_un=impubre :

L'enfant pris en flagrant dlit de vol tait, lui aussi, conduit


devant le magistrat et lui aussi subissait la peine des verges. Aprs
quoi il tait relch, mais il devait rparer le dommage (noxiam saroi-
vi ).

La disposition des XII Tables relative aux impubres est signale


; par Aulu-Gelle et par Labon (. 9.2-5.2) : son existence n'est donc pas
douteuse. Mais elle est assez surprenante : il rsulte en effet de cette
disposition que I'impubert n'tait pas une cause d'irresponsabilit en
matire de-vol. Cela nous porte a croire que l'ancien droit romain se
souciait peu de savoir si l'auteur du vol avait agi intentionnellement :
cette impression sera confirme par ce que nous verrons plus loin, pro-
pos du receI.

D/ Vol flagrant
agmpagn_de_ironstanes_aggrayantes :

La loi des XII Tables prvoyait deux hypothses dans lesquelles le


voleur pris en flagrant dlit risquait une sanction particulirement sv-
. 288 .

re : 1) lorsque le vol tait commis la nuit; 2) lorsque le vol tait com-


mis le jour, mais main arme.

Dans ces deux cas, la loi reconnaissait la victime du vol le


droit de tuer le voleur sur place. C'est un acte de justice priv. Mais
pour que cette excution sommaire ne se confonde pas avec un meurtre, la
loi exige que la victime du vol entoure cet acte de justice d'une certai-
ne publicit : avant de tuer le voleur, la victime doit pousser des cris,
ameuter les voisins.

Cette vieille disposition des XII Tables s'est conserve travers


les sicles, en droit romain, puis dans notre droit pnal : mais elle a
chang tout fait de caractre. Dans une lgislation qui n'admet plus
la justice prive, la mise mort du voleur ne peut se justifier qu'en
invoquant la lgitime dfense et c'est ce que font les jurisconsultes
classiques (1).

2 - FURTUM NEC MANIFESTUM

Lorsque le vol n'est pas manifeste, la vieille loi ne permet plus


la victime d'exercer un droit sur le corps du dlinquant : elle devra se
contenter d'une somme d'argent.

Primitivement, la composition pcuniaire, en matire de vol, por-


tait le nom de "noxa", tandis qu'en matire Hnjuria on l'appelait "poena".
La poena, c'est la somme que l'on pale pour viter les effets de la vengean-
ce. Pour chapper au droit qu'a la victime d'incarcrer le voleur, celui-ci
ne paie pas une poena, mais une noxa. Ces nuances se sont effaces dans le
langage, en mme temps que s'estompait le souvenir de l'ancienne justice pri-
ve. A l'poque classique, la somme que peut exiger la victime du vol porte
le nom de poena (cf. DE VISCHER : "Etudes sur la noxalit" p. 117).

En cas de vol non manifeste, l'individu souponn comme auteur du


dlit peut proposer de payer une composition : la victime, si elle n'a pas
sous la main de preuves trs dcisives, acceptera volontiers cet arrangement,
mme pour une somme infrieure celle qu'elle pourrait obtenir en faisant un
procs.

(1) b'elcn POMPONIUS, la disposition des XII Tables sur le voleur nocturne ou
qui "se telo dfendit" tait tombe en dsutude (Coll. 7.3.2 : "Pompo-
nius dubitat num haea lex non sit in usu"). La loi Cornelia sur le meur-
tre peut s'appliquer celui qui tue le voleur alors qu'il pouvait le re-
pousser sans danger (abus de lgitime dfense) : cf. Coll. l.c = D_. 9.2.5
pr et 48.8.9 (itp ?). Par une longue tradition notre Code Pnal (art.
329) admet une prsomption de lgitime dfense au profit de celui qui tue
l'individu qui s'est introduit la nuit dans une maison habite.
. 289 .

Il est fait msn+ion de cet arrangement amiable dans divers textes


et iI y est encore fait allusion, en pleine: poque classique, dans la formu-
le de l'action furti, o figurait la vieille expression : "pvo fuve damnum
deoidere", qui a donn lieu bien des controverses. M. de Visscher (op. cit.
p. 293) a dmontr qu'elle ne signifiait pas "rparer le dommage en qualit
de voleur", mais bien "composer pour la personne du voleur". C'est son corps
qui rpondait du dlit; il rachetait sa libert en composant.

Mais si les parties n'arrivent pas se mettre d'accord sur la com-


position (notamment lorsque l'individu souponn prtend que ce n'est pas lui
qui a commis le vol) la loi des XII Tables donne la victime une action :
l'action furti. Cette action aboutit faire payer par le voleur une compo-
sition lgale fixe au double : le dfendeur reconnu coupable du vol est con-
damn au double de la valeur de la chose vole. Cette action, l'poque
des XII Tables, s'intentait par saovamentum in personam (1).

Si le vol non manifeste tait commis par un esclave ou par un fils


en puissance, l'action furti tait donne contre le matre ou le pre, sous
forme noxale : l'action noxale, en matire de furtum nea manifestum, tait
expressment prvue par la loi des XII Tables.

3 - LE RECEL

Cette loi prvoyait enfin le cas o la chose vole tait dcouver-


te la suite d'une perquisition domiciliaire.

Dans l'ancienne Rome, la perquisition n'tait pas faite, comme de


nos jours, par des reprsentants de l'autorit publique., mais par la victime
elle-mme : c'tait un acte de justice prive. La maison d'un romain, tem-
ple des dieux domestiques, tait inviolable : aussi la perquisition n'tait-
elle permise que si elle tait faite avec des formalits compIiques. Cette
procdure de perquisition avait t rgle par des coutumes bien plus vieil-
les que la loi des XII Tables elle-mme. Cet acte solennel est connu sous
le nom de "perquisitio lance lioioque" : la perquisition avec le plateau et
le pagne. La victime duvvol qui dsirait procder une perquisition se pr-
sentait nue, vtue d'un simple pagne (licium) et portant la main un pla-
teau (.lanx).

Gaus, qui ne comprend rien ces vieilles formalits, les trouve


ridicules (111.193) : la loi, dit-il, qui interdit de perquisitionner quand

(1) Le demandeur prononait devant le magistrat des paroles que nous connais-
sons par CICERON ("De nat, deorum" 3.30.74); il est probable qu' l'poque
des XII Tables, elles, taient diffrentes, car les mots "ope oonsilioque
tuo" font tat, en matire de vol, d'un lment intentionnel (consilio)
que nous croyons tranger la notion originaire du furtum.
290 .

on est habill, devrait bien davantage l'interdire quand on est nu ! Il


comprend que le pagne soit exig pour raison de dcence - mais il n'arri-
ve pas comprendre ce que vient faire le plateau en cette affaire. Est-
ce pour y dposer l'objet quand on l'aura trouv ? Mais si l'objet est vo-
lumineux, il ne tiendra pas dans le plateau ! On peut trouver ce plateau
une autre utilit : peut-tre est-iI l pour occuper les mains de celui qui
fait la perquisition, l'empcher de faire le prestidigitateur qui fait sur-
gir l'objet dans une maison o il n'tait pas. On peut supposer que l'obli-
gation de se prsenter nu prsente la mme utilit : de cette faon on est
sr que l'objet n'est pas apport dans un pli de la toge.

Les sociologues modernes qui ont essay de retrouver le sens pri-


mitif de ces rites ont propos des hypothses plus pittoresques que sres :
la nudit n'tait-elle pas, dans l'esprit des Anciens, la tenue la plus con-
venable pour dcouvrir la vrit dans une tnbreuse affaire de vol, puis-
que selon les traditions les mieux tablies, la vrit a coutume de se mon-
trer toute nue ! Elle porte, il est vrai, un miroir; mais le fameux plateau,
qui embarrasse tant GaTus, aurait bien pu tre primitivement un miroir !
Quant au lic-Cum, en fait de pagne, ce n'tait peut-tre qu'un fil, le fil
conducteur, le fil d'Ariane qui mne celui qui cherche. Il faut avouer que
tous ces vieux rites restent pour nous aussi mystrieux qu'ils l'taient
dj pour GaTus.

Ce qu'il y a de certain, c'est que, lorsqu'une chose vole tait


retrouve la suite de cette perquisition solennelle, le matre de maison
tait trait comme un voleur pris en flagrant dlit : conduit devant le ma-
gistrat, il devenait "addictus" chez la victime du vol (G. : 111.193/194).

Mais GaTus nous apprend qu'il existait dans la mme loi des XII
Tables deux actions au triple concernant le recel : elles soulvent de s-
rieuses difficults.

1/ Il y avait une action

Furtum aonceptum, cela signifie "chose vole qui a t trouve,


qui a t saisie". C'est donc une action donne dans le cas o la cho-
se est retrouve aprs une perquisition.

- Comment concilier cette action au triple avec cette autre dis-


position des XII Tables signale par GaTus : "quand on trouve la chose
aprs une perquisition lance liaioque, la loi dcide que c'est un fur-
tum manifestum" ?

On avait d'abord pens que la loi envisageait deux sortes de per-


quisitions : l'une solennelle, aboutissant \} add-otio ; l'autre, non
solennelle, aboutissant une peine au triple. Mais depuis les recher-
. 291 .

ches de Huvelin sur le furtum (1), il est prouv que la loi des XII Ta-
bles ne connaissait et ne tolrait qu'une seule forme de perquisition :
celle qui se faisait nu, avec le pagne et le plateau. Huvelin accuse
GaTus d'attribuer aux XII Tables une action au triple qui serait plus
rcente : cette explication est bien hasardeuse, car GaTus connat bien
la loi des XII Tables. On peut songer l'explication suivante : si la
perquisition lance liaioque tait faite chez le voleur lui-mme, celui-
ci tait trait comme "voleur manifeste"; mais si cette perquisition
tait faite chez un receleur, celui-ci n'tait pas assimil au voleur :
la loi prvoyait contre lui une action au triple.

2/ II y avait d'autre part

Egalement au triple. Furtum cbatum, cela signifie "chose vole qui


a t offerte". Cette action est donne celui chez qui la chose a t
trouve, et qui a t oblig de payer la peine du triple la suite de
l'action furti oonoepti. La loi lui donne un recours pour rcuprer ce
triple, en poursuivant la personne (le voleur ou un autre) qui lui a
jou un mauvais tour en lui donnant ou en lui confiant une chose vole.

L'existence de cette action nous conduit penser que l'action


furti oonoepti au triple se donnait contre tout individu chez lequel on
trouvait la chose vole, sans se proccuper de savoir s'il tait de bon-
ne ou mauvaise foi, s'il savait ou ignorait qu'elle provenait d'un vol.
En effet, il serait invraisemblable que la loi se soit mise en peine
d'organiser un recours au profit d'individus qui auraient t uniquement
de vritables receleurs, connaissant l'origine de la chose qui leur tait
donne ou confie.

Ceci confirme ce que nous avons indiqu plus haut, propos des
impubres : en matire de vol, le trs vieux droit romain ne tenait au-
cun compte de l'intention dlictuelle. Cette constatation nous conduit
penser que l'action furti oblati tait accorde, sans distinction, aus-
si bien au dtenteur de bonne foi qu'au receleur proprement dit, du mo-
ment qu'ils avaient t obligs de payer la peine du triple.

(1) HUVELIN : "Etudes sur le furtum dans le trs a^ien droit romain", Lyon
1915.
292

SECTION II - EPOQUE CLASSIQUE


ET DROIT DE JUSTINIEN

L'volution du droit s'est manifeste en cette matire de deux


faons

1/ La notion de furtum s'est largie, et 2/ les peines prives dictes


par la vieille loi n'ont pas toutes t maintenues. De plus, une forme
de rpression toute diffrente est apparue : le vol est devenu, en bien
des cas, un dlit public.

1 - LA NOTION DE FURTUM

Les vieux jurisconsultes de l'poque rpublicaine, ne sachant com-


ment assurer la rpression de certains agissements rprhensibles, propo-
saient l'emploi de l'action furti dans bien des hypothses o il n'y avait
pas de soustraction : cas de l'individu qui nie le dpt qu'il a reu, ou
de celui qui facilite la fuite d'un esclave, ou du fermier qui vend le do-
maine qu'il a pris en location. Cette jurisprudence admettait que le vol
pt avoi r pour objet un immeuble (1).

Ces extensions assez abusives de la notion du furtum ne se justi-


firent plus lorsqu'il devint possible de recourir des sanctions mieux ap-
propries : ainsi les peines prvues par les lois Julia et Plautia "de vi"
s'appliquaient en cas de dpossession violente d'un immeuble (D_. 48.6-3.6).
Les jurisconsultes du Premier sicle prconisent bouvent l'emploi de l'ac-
tion de dol - que le prteur venait de crer - dans des cas o leurs prd-
cesseurs accordaient I'action furti : ainsi dans l'hypothse de l'individu
qui, sans intention de prter aide des voleurs, facilite la fuite d'un es-
clave ou met en fuite le btail d'autrui. Mais comme leurs prdcesseurs,
ils admettent que la soustraction n'est pas la seule faon de voler : un
furtum sans dplacement de possession et consistant dans le fait de conser-
ver ou d'utiliser malhonntement une chose (furtum mproprium des commenta-
teurs) prend place ct du furtum avec soustraction (furtum proprium).

Les jurisconsultes finirent par:donner du vol cette dfinition c-


lbre : "furtum est oontreotatio fraudulosa" (Inst. 4.1 et D. 47.2.1.3) : le

(1) Les "veteres" ont donn une grande extension la notion de furtum, com-
me le prouve l'tude d'ALBANESE (op. cit. p. 4-6, p. 163 : action furti
admise contre celui qui fait un acte qui prive une personne de son bien,
sans s'occuper de savoir qui en profite; et pp. 56 sq. sur le "furtum
fundi" (texte fondamental d'AULU-GELLE, N.A. 11.18.13).
. 293

vol consiste dans une manipulation frauduleuse. Dfinition dj en germe


chez Sabinus (qui parle d'attreetatio : AULU-GELLE, N.A. 11.12.20).

1/ ontretqtio :

On peut "manipuler" sans commettre une soustraction : ainsi le d-


positaire qui se permet de dpenser les deniers qu'on lui a confis, les
manipule frauduleusement, mais n'a pas besoin de "soustraire" ceux-ci,
puisqu'il les a dj en mains.

La dfinition romaine du furtum est par consquent bien plus lar-


ge que celle que notre Code Pnal donne du vol : art. 379 "quiconque a
soustrait frauduleusement une chose qui ne lui appartient pas est coupa-
ble de vol". Le droit romain fait entrer dans le furtum des dlits qui
reoivent actuellement d'autres qualifications.

Les divers faits qui sont susceptibles de constituer un furtum


ont t classs par les jurisconsultes en trois catgories. Ils distin-
guent ainsi :

a) Le furtum rei :

Vol d'une chose : c'est le vol avec soustraction, qui suppose un


dplacement de la chose : aussi ce genre de vol ne peut-iI avoir pour
objet que des choses mobiIires. II faut de plus que la chose appar-
tienne autrui : on ne se vole pas soi-mme; il n'y a pas vol non plus
si l'on s'empare d'une chose sans matre, ou d'une chose non suscepti-
ble d'appropriation prive.

Le furtum vei peut aussi avoir pour objet une personne (fils de fa-
mi I le, femme in manu, judiaatus, auctoratus: GATUS II1.199).

b) Le furtum possess-onis :

Vol de possession. L'objet du vol n'est pas ici la chose elle-


mme, mais sa possession. Ainsi un dbiteur, avant d'avoir pay sa
dette, reprend frauduleusement la chose qu'il avait offerte son cr-
ancier, en garantie de la dette : il enlve au crancier la possession
laquelle celui-ci avait droit en vertu de la convention de pignus
(gage). Ce qu'il y a de remarquable dans ce genre de vol, c'est qu'il
peut tre commis par un individu qui est propritaire de la chose :
dans l'hypothse que nous avons envisage, le dbiteur est propritai-
re de l'objet offert en garantie et en reste propritaire pendant que
le crancier la dtient titre de gage.
294 .

c) Le furtum usus :
Vol d'usage. Ce vol se ralise sans soustraction. Une personne
dtient la chose d'autrui dans des conditions parfaitement licites,
par exemple en vertu d'un dpt ou d'un commodat : cette personne com-
met un furtum si elle se sert de la chose alors qu'elle n'avait pas
le droit de le faire (cas du dpositaire), ou si elle s'en sert au-
trement qu'il tait convenu (cas du commodataire qui emporte en vo-
yage la vaisselle qu'on lui a prte pour donner un banquet chez lui).
Dans notre droit moderne, nous parlons, en pareil cas, d'abus de con-
fiance.

2/ Fraudulosa .
c c B s i aIsBa3iB

La manipulation, pour tre rprhensible, doit tre frauduleuse.

a) Il faut qu'elle soit accomplie sans droit : si par exemple une clau-
se du contrat de dpt autorise le dpositaire employer les de-
niers qui lui sont confis (dpt irrgulier) il ne commet pas un
furtum s'il les dpense. On ne commet pas de dlit quand on use de
son droit.

Il faut bien remarquer qu'on n'a pas le droit de se faire justice


soi-mme : le propritaire qui, ayant perdu sa chose, l'aperoit
chez un possesseur de bonne foi, peut la revendiquer; mais il com-
met un vol s'il s'en empare l'insu du possesseur (c'est un fur-
tum possession-us ).

b) Les actes constitutifs du vol doivent tre commis contre le gr de


la personne laquelle ils font tort. Ainsi le furtum rei doit tre
commis "invito domino", sans l'assentiment du propritaire de la
chose. En effet, ne peut se dire victime d'un vol celui qui auto-
rise l'enlvement de sa chose : i I en est ainsi alors mme que I ' i in-
dividu qui s'en empare croirait la voler.

c) Enfin le furtum est devenu un dlt intentionnel. Les jurisconsul-


tes de l'poque rpublicaine s'taient carts sur ce point de la
conception des XII Tables : ils soutenaient que le furtum n'existait
qu'autant qu'il tait commis dessein (oonsilio) : les jurisconsul-
tes classiques expriment cette ide autrement : ils proclament que
le furtum n'est punissable que s'il est commis "dolo malo", ce qui
signifie "volontairement et en connaissance de cause" (GATUS III.
197 : furtum sine dolo malo non oommittitur) - Ainsi le commodatai-
re qui se sert abusivement de la chose qu'il a emprunte ne commet
pas un furtum usus s'il croit que le commodant lui a permis d'en
faire cet usage.
. 295

L'exigence de cette nouvelle condition devait avoir pour cons-


quence de rendre irresponsables les fous et, -depuis Julien, les im-
pubres incapables de discernement {doli non capaces).

Cet lment intentionnel, le dolus malus, en matire de vol n'est


pas une intention vague de mal faire : II ne suffit pas, pour tre
un voleur, de mettre la main sur une chose que l'on sait appartenir
autrui : ainsi celui qui s'empare du bien d'autrui pour le jeter
la mer agit par mchancet, mais n'est pas un voleur. Ce qui ca-
ractrise le voleur, c'est qu'il dsire profiter, ft-ce momentan-
ment, de la chose. Les textes, pour prciser cet aspect particulier
de l'intention dlictuelle, parlent parfois de \,animus furandi ou
animus luori faoiendi. Ces textes ont t souvent dclars suspects,
mais bien tort (1).

3/ La_omp_[|]_t=de_vo| :

A l'poque archaque o, semble-t-il, on ne s'occupait pas de l'in-


tention en matire de vol, il devait tre impossible de punir la complici-
t proprement dite : on devait se contenter de punir ceux qui avaient ma-
triellement collabor au vol, comme co-auteurs.

A l'poque classique, par contre, les peines prvues contre les vo-
leurs s'appliquent indubitablement aux complices. Les romains semblent
avoir vit les complications qu'apporte dans notre droit franais notre
thorie de la "complicit dlit unique". Gaus a tout l'air d'envisager

(1) HUVELIN, ALBERTARI, JOLOWICZ et d'autres ont soutenu que les expressions
animus luori faoiendi (intention de lucre), animus furandi (intention de
voler), furti faoiendi causa (en vue de commettre un vol) seraient inter-
poles, les byzantins ayant introduit ainsi dans les textes des consid-
rations inconnues des classiques. Cette doctrine hypercritique a t
juste titre critique par BUCKLAND- Tijd. 1930, p. 135; THOMAS, "Animus
furandi" IURA 1968, pp. 1-32; ALBANE5 op.cit. pp. 164 sq. Nous signa-
lons notamment l) D. 41.1.5 : TREBATIUS (contemporain de CICERON) a crit
"eo animo ut ipsi luori faoeret'\ ce qui est bien voisin de "animus luori
faoiendi" ! 2) AULU-GELLE, NA. 11.18.20 (certainement pas itp ! ) , repro-
duit un passage de SABINUS (contemporain de TIBERE) ainsi conu : "alie-
num luori faoiendi causa sustulit". Quant Vanimus furandi, il n'est
pas prouv qu'il soit itp dans D. 47.43.5, et sont encore moins suspects
les textes qui parlent de "furti faoiendi causa" comme D. 47.2.50.4 (LA-
BEON ?). En ralit, ces expressions, loin de manifester des laborations
byzantines, me paraissent appartenir des jurisconsultes assez anciens :
de leur temps, la terminologie pour dsigner l'lment intentionnel (
part le mot aonsilio) n'tait pas fixe et ils employaient des locutions
qui envisagent les choses d'une faon assez concrte : plus tard,concse
servira volontiers de la notion plus gnrale, plus abstraite de "dolus
malus'\ comme le fait GAIUS (III.202).
. 296 .

la complicit comme une des formes possibles du vol, comme une des fa-
ons de commettre un vol : (G. 111.202) "Est tenu en vertu de l'action
furti galement celui qui n'a pas commis lui-mme le vol, tel celui par
l'aide intentionnelle de qui le vol a t fait". GaTus donne cet exem-
ple : une personne se promne, tenant la main des pices d'argent;
deux individus, pour voler cet argent, se rpartissent les rles : l'un
bouscule le passant pour qu'il laisse tomber les pices, et l'autre les
ramasse. Ce dernier commet le vol, en s'emparant des pices, mais l'au-
tre l'a commis "opev aonsilio", ayant apport son aide (ope) avec l'in-
tention (aonsilio) de faciliter le dlit.

A l'poque de GaTus, l'expression "ope aonsilio" a un sens techni-


que invariable : c'est la faon d'indiquer la complicit. A l'poque
des Veteres, on employait dj ces deux mots accols, mais ils n'avaient
alors aucun rapport avec la complicit : ils servaient indiquer les
deux lments constitutifs de la responsabilit du voleur lui-mme :
l'lment matriel (ope = en fait) - et l'lment moral (aonsilio = et
de consentement) (1).

2 - LES PEINES EN MATIERE DE FURTUM


A L'EPOQUE CLASSIQUE

A/ P|0|_dy_2i_diit_priy :

Tout en continuant considrer le vol comme un dlit priv, le


prteur fut amen modifier sur certains points les sanctions prvues
par les XII Tables, complter sur d'autres le systme ancien.

En matire de furtum manifestum, avec l'adoucissement des moeurs,


la mise mort de l'esclave paraissait trop svre; I'adiptio de l'homme
libre tait tombe en dsutude : le prteur remplaa ces anciennes sanc-
tions par une peine pcuniaire du quadruple (rclame au matre, par une
action noxale, si le voleur manifeste est un esclave).

(1) Ope oonsilioque se rencontre dans les paroles du saaramentum employ pour
exercer l'action furti nec manifesti : l'action tait intente contre le
voleur. Ces mots ne peuvent pas concerner la complicit et signifiaient
"en fait et dlibrment" l'poque des actions de la loi. Par contre,
LABEON (contemporain d*AUGUSTE) emploie cette expression en matire de
complicit, et l'interprte "sepcatim" en faisant la distinction entre
"ope" (aide) et aonsilium malignum (intention dlictuelle), deux lments
qui doivent tre runis pour qu'il y ait complicit punissable (PAUL ci-
tant LABEON : D. 50.16-53.2).
. 297 .

En matire de recel, la perquisition lance lioioque n'tait plus


en usage : le prteur organisa en cette matire des actions au quadru-
ple.

Ainsi donc, l'poque classique, le vol, considr comme dlit


priv, a toujours pour sanction des peines pcuniaires.

Pour rclamer la somme d'argent laquelle elle avait droit, la


victime disposait d'une action, dite "action furti". Selon le cas envi-
sag, selon la peine applicable, cette action donne lieu une rdaction
particulire de la formule et porte un qualificatif propre. A l'poque
classique, il n'existe pas moins de six varits d'actions en matire de
vol : 3 actions dcoulent des XII Tables, et sont civiles; 3 sont prto-
riennes.

) (a. fwcti manifesti


( A. Prtoriennes au quadruple )al fwcti prohibiti (recel)
) (a. fwcti neo exhibiti (recel)
TABLEAU (
) au triple (a. furti aonaepti (recel)
( A. C i v i l e s )a. fwcti oblati (recel)
) au double (a. furti neo manifesti

a) En cas de flagrant dlit : action fvti manifesti : prtorienne,


au quadruple.
b) En cas de vol non flagrant : action fwcti neo manifesti : au oouble :
c'est la plus importante, la plus courante : c'est une action civile,
le prteur ayant ici conserv l'action prvue par les XII Tables.

c) Question du.recel.

A l'poque classique, les perquisitions n'exigent plus de formali-


ts compliques et pittoresques : elles se font devant tmoins. D'autre
part, le prteur complta le systme des XII Tables, en crant deux ac-
tions nouvelles, prtoriennes, au quadruple, dans le but de rendre les
perquisitions plus rapides :

1) L'action fwcti prohibiti :

Conte la personne qui s .'oppose ce qu'on perquisitionne chez el


le.
. 298 .

2) L'action furti neo exhibiti :

Contre l'individu qui n'a pas tout de suite prsent iexhibere)


la chose qu'on vient chercher chez lui. Cet individu doit tre puni
svrement : iI esprait sans doute qu'on ne parviendrait pas la
trouver : en tout cas il a rendu la perquisition plus difficile, plus
lente, par sa mauvaise volont.

Si au contraire, Il "exhibe" la chose qu'il a chez lui, il en est


quitte pour la peine civile du triple (action furti oonoepti). Et il
peut exercer un recours contre celui qui lui a donn ou confi la cho-
se et lui demander restitution du triple qu'il a d payer (action fur-
ti oblati).
A l'poque classique ces diffrents multiples ont pour base uni-
taire, non plus la valeur marchande de la chose vole, mais tout le
prjudice que le vol a caus la victime. Dans le droit de Just-
nen, le receleur est trait comme voleur non manifeste : les deux
actions civiles au triple, les deux actions prtoriennes au quadru-
ple contre le receleur ont disparu : ne subsistent que I'action fur-
ti mmifesti, et l'action furti neo manifesti.

L'action furti, dans toutes ses varits, prsente toujours les


caractres suivants : c'est une action pnale : intransmissible pas-
sivement, mais transmssible activement. Elle se donne noxaliter si
le coupable est un alieni juris. Elle est infamante. Enfin elle est
perptuelle, mme lorsqu'elle est donne sous une forme prtorienne.
Il s'agit en effet d'un dlit prvu par le droit civil; la sanction
prtorienne, donne la place d'anciennes sanctions civiles abolies,
devait tre, comme celles-ci, perptuelle.

:
B/ gnditions_d^exerie_de_PiQD_,f^*^

Qui peut intenter l'action ? - La victime.

On considre comme victime du vol, quiconque a intrt ce que


la chose ne soit pas vole. Ce n'est pas ncessairement le propritaire
de cette chose.

- Ainsi, dans le cas de furtum possessionis l'action est donne


celui qui avait droit la possession, et en cas de besoin contre le
propritaire, qui comme nous l'avons vu, peut tre en effet le voleur.

- L'action furti est accorde aux personnes sur lesquelles pse


une responsabilit base sur la euetodia (personnes qui assument la gar-
de de la chose) (1). Ainsi le commodataire peut exercer l'action furti

(1) G. III.203 : "Furtiautem aatio ei oompetit cuj'us interest rem sal-


vam esse" : crancier gagiste, foulon et tailleur faon, commoda-
taire.
. 299

contre le voleur, parce qu'il est responsable envers le commodant de la


perte de la chose par suite d'un vol. Le commodataire, en raison de la
responsabilit que le contrat met sa charge, a intrt ce que la
chose ne soit pas vole. Justinien a lgrement modifi cette solution :
iI donne l'action furti au commodant, contre le voleur, s'il prfre
l'exercer plutt que de rendre le commodataire responsable; mais en pour-
suivant le voleur, il dcharge le commodataire de sa responsabilit (1).

Toujours en vertu du mme principe que l'action furti compte


celui qui a intrt ce que le vol n'ait pas lieu, on la refuse au pos-
sesseur de mauvaise foi, car en cas de revendication du vrai propritai-
re, il n'est pas responsable de la perte fortuite antrieure la litis
contestatio; or le vol commis par un tiers est un cas fortuit.

L'action furti est refuse la personne qui est simplement cran-


cire de la chose, si cette chose est vole par un tiers avant le moment
fix pour sa livraison : ainsi dans le cas o la chose vendue est vole
par un tiers alors qu'elle se trouve encore chez le vendeur, l'action
furti n'est pas donne l'acheteur, mais au vendeur. Cependant, en ver-
tu du principe que l'acheteur peut toujours rclamer qu'on lui dlivre
les dbris juridiques, le vendeur devra lui cder l'action furti qui
d'abord commence par lui appartenir.

Les actions en matire de vol ayant t l'origine prvues par


le jus civile ne peuvent tre en principe exerces qu'entre citoyens ro-
mains; si la victime ou si le voleur sont prgrins, le prteur dclivre
l'action furti sous la forme "utile", avec une fiction "si civis esset"
dans la formule dont GaTus nous fournit les termes (G. IV.37).

Enfin, en raison de son caractre infamant, l'action furti ne peut


pas tre intente entre certaines personnes : elle n'est pas admise entre
poux. En cas de dtournement commis par une personne au prjudice de
son conjoint, Il existe une action "rerum amotarum"; cette, action n'est
pas infamante, et n'est mme pas pnale : elle tend simplement la rpa-
ration du prjudice.

C/ Le_voJ_-dJit_pyb|i

Ds l'poque classique, les peines pcuniaires tablies au profit


de la victime parurent, dans bien des cas, insuffisantes : on sentit le
besoin d'organiser une rpression plus svre, avec des chtiments corpo-
rels, "pour lutter contre la tmrit des dlinquants" (ULPIEN 47.2-93) (2),

(1) Constitution de 530, C. 6.2.22, analyse dans thse Fakhri MABROUK, Aix
(2) .pompte
Il ne faut.pas 'croire qu'avecdel'action noxalelel'esclave sons'en-tire bon
: al'esclave .suspecte vol.risquait pire,,: matre pouvait
J livrer la victime en vue de.lui faire supir la "auaeetlO ,1 torture;.
Celle-ci.pouvait trouver plus simpleede le geferer fi4Tpreret des, Vigiles,
qui infligeait facilemepir la peine Tmprt tcf.^POMFOlJiys fi. 12.4.,137 fi-
tes etudies^par H.S,.W0EF,? Fet. von LuStow^ 1070. pp. 532-sq. ; an.Ie
cas envisage^la victime ndu^r-ours
a pas respecte les\roifs^au
exercer,> matre et les nu? ^
risconsultes ,sToccupent 6u T
i il peut l'esclave ayant ete
excute par dcision du prfet. *- J
. 300 .

Quantit de vols furent rigs en dlits pub Iies, pouvant donner


lieu des poursuites criminelles, mises en mouvement sur l'initiative de
la victime. II en tait dj ainsi en cas de vol main arme, en vertu
d'une loi de SyI la, la loi Covnelia de Sioariis. Sous l'Empire, le vol
de choses publiques ou sacres, le vol de btail, le vol commis sur les
chemins publics, le vol avec effraction devinrent leur tour des dlits
publics
*z>

Au Bas-Empire, la rpression criminelle tait devenue possible dans


la plupart des cas; mais elle n'avait pas fait disparatre les peines p-
cuniaires et l'obligation ex delieto. La victime avait le choix entre les
deux procdures et selon le parti qu'elle prenait, les peines que subis-
sait le voleur taient trs diffrentes. Mais on ne pouvait pas cumuler
les deux actions (D. 47.2, 57.1) : ce texte laisse d'ailleurs entendre
qu'en cas de poursuites criminelles, le juge v^ se contentait pas de pro-
noncer des chtiments corporels; il condamnait le voleur une certaine
somme d'argent, assez largement calcule, au profit de la victime : cel-
le-ci ne faisait donc pas un trop grand sacrifice en renonant aux peines
pcuniaires qu'elle aurait obtenues en optant pour la voie civile.

SECTION III - ACTIONS REIPERSECUTOIRES


SQQ32il==k=iQJ=Mi==
La victime du vol peut exercer en plus de l'action furti - qui est
pnale - diffrentes actions reiperscutoires qui sanctionnent soit son droit
de proprit, soit un droit de crance qu'elle tient d'un contrat. Le cumul
de ces actions avec l'action furti se justifie : la victime qui obtient le
chtiment du coupable n'a pas perdu pour autant sa qualit de propritaire
ou de crancire en vertu d'un contrat. Elle peut donc intenter, en plus
de l'action furti contre le voleur, l'action en revendication contrerquicon-
que dtient la chose vole (l'action en revendication, en cas de vol, a d'au-
tant plus de chances de russir, que le possesseur, ft-il de bonne foi, ne
peut pas usucaper : les choses voles sont imprescriptibles.

La victime du vol peut exercer l'action ad exhibendum et les inter-


dits possessores : en cas de furtum usus, elle est d'ordinaire crancire
en vertu d'un contrat : par exemple un dpositaire a dispos de la chose
qu'on lui avait confie; le dposant peut faire condamner ce dpositaire in-
fidle comme voleur - ce qui ne l'empche pas d'exercer contre lui l'action
depositi, parce que ce dpositaire n'a pas rempli les engagements qu'il avait
contracts.

Mais de toutes les actions reiperscutoires que peut intenter la


victime, il en est une qui mrite un examen particulier, parce qu'elle est
une consquence du dlit : c'est la oondictio furtiva.
. 301 .

)=-QQnditio_urtivq :

Cette eondiotio fait partie des actions en restitution, bases


sur l'ide d'enrichissement injuste. L'obligation, que cette action in
pereonam sanctionne, est une obligation quasi-contractuel le. Le voleur
s'enrichirait injustement s'il conservait la chose vole ou sa valeur; aus-
si est-iI oblig de restituer. La oondictio furtiva est une des oondio-
tiones les plus anciennes en matire d'enrichissement injuste : les juris-
consultes de la fin de la Rpublique (les Veteres) en parlent dj comme
d'une institution connue depuis longtemps.

1) Cette action n'est pas donne n'importe quelle victime d'un vol, mais
seulement la victime qui est propritaire de la chose le jour du vol
et mme encore aprs le vol : la victime se voit refuser ce recours si,
aprs le vol, elle perd la proprit par son propre fait, par exemple
en alinant la chose : et l'acqureur n'a pas non plus la oondictio,
parce qu'il n'tait pas propritaire au moment du dlit (ULP. D_. 13.1-
10.2). La oondictio furtiva est une action en restitution que la vic-
time exerce, soit la place de la revendication, soit dfaut de cel-
le-ci .

2) La oondictio furtiva s'intente contre le voleur. Elle peut tre gale-


ment exerce contre ses hritiers, car c'est une action reiperscutoi-
re : Elle est transmissible passivement.

De ce caractre reiperscutoire dcoule cette autre consquence :


lorsqu'il y a plusieurs co-auteurs du vol ou des complices, la eondio-
tio, la diffrence de l'action furti, ne peut pas tre intente au-
tant de fois qu'il y a de coupables : un tel cumul aboutirait en effet
rparer plusieurs fois le mme prjudice. Mais la victime peut in-
tenter la oondictio pour le tout contre l'un quelconque des voleurs (so-
lidarit lgale).

3) La oondictio furtiva procure la victime une indemnit en argent cal-


cule d'aprs la plus haute valeur que la chose a pu atteindre depuis
le jour du dlit, mode de calcul particulirement avantageux pour la
victime.

4) La eondiotio furtiva prsente deux singularits inspires du mme es-


prit de svrit l'gard du voleur et de faveur pour la victime.

a) Il est d'abord tout fait anormal que l'on donne la victime une
action personnelle en restitution alors qu'elle a dj la revendica-
tion; anormal que l'on considre le voleur comme tenu de "dore rem'',
. 302

de transfrer la proprit au profit de la victime, alors que celle-


ci est reste propritaire.

C'est un principe de bon sens que nul ne peut rclamer par oon-
diotio sa propre chose : "nemo potest rem suam oondioere".

Une exception cette rgle a t admise en matire de


furtiva : les jurisconsultes justifient cette entorse aux principes
en reconnaissant qu'elle est admise "en haine des voleurs".

b) La oondiotio furtiva prsente cette autre particularit, que le vo-


leur, dbiteur de la chose vole, n'est pas libr si cette chose
vient prir par cas fortuit. C'est une entorse cet autre prin-
cipe que la perte fortuite libre le dbiteur d'un corps certain.

Cette solution est passe dans notre Code Civil, art. 1302 : "la
perte de la chose vole ne libre pas le dbiteur".

Les jurisconsultes en donnent une explication rationnelle : par


le fait mme du vol, le voleur est en demeure de restituer partir
du jour du vol : "fur moram faoere videtur". Or c'est un principe
que la demeure met la chose aux risques du dbiteur. Le systme de
la demeure prsente cependant en cas de vol des particularits : tout
d'abord, la demeure se produit ici automatiquement, par le seul fait
du vol : c'est un cas de "mora ex re". De plus, l'gard du voleur,
les effets de la demeure sont compris avec une svrit particuli-
re : d'ordinaire le dbiteur en demeure cesse de rpondre de la perte
fortuite s'il parvient dmontrer que la chose aurait t de toutes
faons perdue pour le crancier, mme si elle lui avait t Iivre
au moment o elle devait l'tre. Or on ne permet pas au voleur d'in-
voquer cette clause d'exonration : le voleur assume tous les ris-
ques.

5) Tout l'intrt pratique de la oondiotio furtiva repose prcisment sur


cette responsabilit exceptionnelle du voleur :

a) Lorsque la chose existe encore la victime a le choix entre deux ac-


tions reiperscutoires : elle peut intenter soit l'action en revendi-
cation (action in rem) contre celui qui dtient la chose, soit la
oondiotio furtiva (action in personam) contre le voleur ou son hri-
tier. Mais, ces deux actions tant reiperscutoires, il est vident
qu'elle ne peut pas les cumuler.

Si la chose a t dtriore fortuitement, ou si aile prsente une


moindre valeur, par suite d'un effondrement des cours, Ia victime a
intrt intenter la oondiotio plutt que la revendication : par la
revendication, elle obtiendrait la chose telle qu'elle est - tandis
303

qu'avec la condictio, elle profite d'une indemnit calcule sur la


plus haute valeur de la chose entre le jour du dlit et le jour du
procs.

Si au contraire, pour quelque raison, la victime prfre retrou-


ver la chose elle-mme, c'est l'action en revendication qu'elle de-
vra intenter.

b) Si la chose a compltement pri par cas fortuit, ou si l'on ignore


ce qu'elle est devenue, la revendication est impossible : contre qui
pourrait-on l'intenter ? Dans ce cas, la victime n'a pas d'autre re-
cours que la oandiotio furtiva contre le voleur ou ses hritiers.

HAPITRE_TROIS|EME : LE DELIT DE LA LOI AQUILIA


OU DAMNUM INJURIA DATUM

La loi des XII Tables avait prvu diffrents dommages qui pouvaient
tre causs la proprit - surtout la proprit agricole. Elle faisait
preuve dans certains cas d'une grande svrit : l'individu qui mettait le
feu une maison tait brl vif (sorte de talion). Celui qui dtruisait
des rcoltes tait pendu l'arbre de Crs.

D'autres dommages n'taient que de simples dlits privs, entra-


nant une peine pcuniaire au profit du propritaire de la chose endommage :
le mot "noxia" servait dsigner ces diffrents dommages. La vieille loi
prvoyait ainsi le fait de couper les arbres d'autrui (action arboribus sua-
oisis), le fait d'envoyer son btail patre chez le voisin (action de pas-
tu), les dgts causs par les animaux domestiques (action de paupere), sans
compter les blessures faites l'esclave d'autrui, dlit qui entrait alors
dans les cadres des dlits contre la personne (cf. Injuria : Os fraatum).

L'inconvnient de cette vieille lgislation rsidait dans cette


mthode analytique, la seule d'ailleurs dont sont capables les peuples en
enfance. Le lgislateur avait prvu des sries de cas particuliers, sans
dgager de principes gnraux. Comme il n'avait pas pu envisager tous les
cas possibles, beaucoup d'agissements dommageables restaient impunis et les
peines qu'il avait dictes taient souvent insuffisantes.

C'est pourquoi fut vote dans le courant de l'poque rpublicaine


un clbre plbiscite, la loi Aquilia, qui apporta en matire de dommages
des dispositions un peu moins imparfaites : tout en prvoyant encore des
cas particuliers, cette loi contenait aussi une disposition susceptible de
s'appliquer de trs nombreuses hypothses, y compris la plupart de celles
dont s'tait dj proccupe la loi des XII Tables. Ulpien prtend que la
304 .

loi Aquilia a abrog, en matire de dommages, les dispositions prises par


les lois antrieures; ce n'est pas tout fait exact. La loi Aquilia ne con-
tenait aucune clause d'abrogation, mais le systme qu'elle tablissait, par
le fait qu'il tait plus satisfaisant, fit tomber l'ancien en dsutude :
quelques actions des XII Tables, comme l'action arboribus suoaisis, semblent
pourtant avoir survcu.

Cette loi Aquilia est reste pendant des sicles la disposition


lgislative invoque en matire de dommages : c'est en commentant son tex-
te que la jurisprudence classique est parvenue formuler sa thorie du dam-
num. Les byzantins lui donnrent une porte plus gnrale; les textes de
la Compilation ont t explicits par nos vieux auteurs : de sorte que la
loi Aquilia peut tre considre comme l'anctre lointain de l'art. 1382 de
notre Code CiviI.

Mais entre notre conception moderne et le systme romain deux dif-


frences essentielles doivent tre tout de suite signales :

1) L'art. 1382 a une porte absolument gnrale "tout fait quelconque de


l'homme ...". Les jurisconsultes, par des prodiges d'interprtation,
parvinrent tendre le plus possible l'application de la loi Aquilia
et les byzantins prodigurent les "actions en extension de la loi Aqui-
lia", Malgr tout, le droit romain n'est jamais parvenu atteindre
tous les dommages.
i

2) Dans notre droit moderne, le dommage fait natre la charge de son au-
teur une responsabilit civile : pour nous'servir de notions romaines,
nous dirons que l'action que l'on peut intenter sur la base de l'art.
1382 est une action reiperscuteire, tendant la rparation du prjudi-
ce. L'obligation que la loi Aquilia met la charge de l'auteur du dam-
num est au contraire une obligation dlictuelle, ayant pour objet une
poena. Ce caractre pnal de l'action legis Aquiliae est all en s'es-
tompant : il n'a jamais t compltement perdu de vue.

Le droit romain s'est approch de notre conception moderne et l'a


prpare, sans toutefois russir l'atteindre.

SECTION I : l^A0\==AQUILIA ;:

1 - DATE DE CE PLEBISCITE

La loi Aquilia est un plbiscite vot sur l'initiative d'un tribun


du nom d'Aquilius (D_. 9.2, 1.1). Le fait qu'il s'agisse d'un plbiscite a
conduit certains romanistes soutenir que la loi Aquilia aurait t inspi-
. 305

re de considrations d'ordre social : ils supposent que les patriciens pro-


fitaient de l'insuffisance des XII Tables pour causer impunment toutes sor-
tes de dommages aux biens des plbiens : la loi Aquilia serait une mesure
de protection vote par la plbe, dans son propre intrt.. On va mme jus-
qu' prtendre que la plbe aurait pris cette dcision lors d'une scession
et l'on incline pour la dernire scession, celle de 286 av. J.C).

Toutes ces hypothses nous paraissent sans fondement : elles re-


posent sur le tmoignage d'auteurs byzantins, qui ne disent d'ailleurs rien
de semblable : les byzantins, commentant la phrase d'Ulpien "lex Aquilia
plebiscitum est ...", sentirent le besoin d'expliquer les mots plebiscitum
et tribunus, qui n'avaient plus grand sens pour leurs contemporains : et
c'est propos de la cration des tribuns (et non de la loi Aquilia) qu'ils
parlent d'une scession de la plbe (Basiliques : 60.3 HEIMB. p. 263 sch.
Akoulios). Quant la Paraphrase de Thophile (1.5. 4.3.15) Ile s'inspire
d'un texte de Pomponius (p_. 1.2.2.3) qui concerne, non la loi Aquilia, mais
la loi Hortensia (de 287 av. J.C).

A une certaine poque beaucoup de lois ont t votes par les co-
mices tributes sur l'initiative des tribuns : ce sont des plbiscites, mais
cela n'implique pas qu'il s'agisse ncessairement de mesures prises dans l'in-
trt de la plbe.

Quant la date de la loi, on peut affirmer qu'elle est antrieu-


re Junius Brutus, jurisconsulte du 11 s. a.J.C, dont nous connaissons
l'opinion sur une des dispositions de cette loi (D. 9.2 - 27.22). Rdige
en termes parfois archaques, elle est certainement assez ancienne. Le fait
que les peines y taient indiques en monnaie d'airain permet mme de la si-
tuer une poque o l'argent ne servait pas encore d'unit montaire : le
denier d'argent existe ds avant 213 (fouilles du temple de Mcrgentina). La
loi Aquilia parat tre une loi du lll, peut-tre du IV s. av. J.C) (1).

2 - LES TROIS CHAPITRES


DE LA LOI AQUILIA

Les jurisconsultes nous font savoir que la loi Aquilia visait trois
catgories de dommages, dans trois chapitres distincts (GATUS 111.210-219 et
D. 9.2 2pr., ULPIEN : D. ht. 27.4 et 5).

(1) BISCARDI : "Sulla data dlia lex Aquilia", St. Giuffre I, 1967, p. 175,
soutient que la loi Aquilia doit tre antrieure 24-2, date de la cra-
tion de la prture prgrine, en se basant sur la fiction "si aivis es-
set" signale par GAIUS IV.37. A notre sens, c'est une supposition gra-
tuite. GAUS parle d'une fiction employe dans la procdure formulaire ;
rien ne prouve qu'elle ait t connue 1) dans les actions de la loi,
2) et avant la cration de la prture prgrine.
306 .

1/ Le premier chapitre concernait le dlit qui consiste tuer {oooidere)


injustement {injuria) soit l'esclave d'autrui, soit certains animaux do-
mestiques appartenant autrui. Les animaux viss dans ce chapitre sont
uniquement les "quadrupdes du genre peaudes", ce qui comprend tous les
animaux res manoipi (boeufs, nes, mulets, chevaux) mais aussi les mou-
tons et les chvres. Les btes sauvages, mme apprivoises, et les chiens
taient en dehors de cette catgorie.

L'auteur du dlit est condamn (damnas esto) payer au propri-


taire une somme en airain, quivalant la plus haute valeur que l'escla-
ve ou l'animal ont pu avoir pendant I'anne qui a prcd le dlit {quan-
ti plurimi in eo anno). Il s'agit l d'une valeur objective : le prix
qu'on aurait pu obtenir en vendant l'esclave ou l'animal. Ce mode d'es-
timation est trs quitable : en effet le prix du btail variait selon
les saisons : si une bte est tue quand les cours sont bas, il serait
inique d'accorder au propritaire une somme calcule sur une baisse tem-
poraire des prix.

2/ Le deuxime chapitre envisageait le cas de I'adstipulator (crancier ac-


cessoire) qui cause frauduleusement un prjudice au crancier principal
en librant le dbiteur par aoaeptilatio (faon de donner quittance, que
la dette soit paye ou non).

Le dommage dont il est ici question est trs diffrent de ceux qui
sont prvus dans les chapitres I et III. Le dlit du chapitre II concer-
ne la pratique de !'adstipulation. Au moment o l'on fait une stipula-
tion, le crancier peut s'adjoindre un crancier en second, appel "ad-
stipulator". Celui-ci est habilit poursuivre le dbiteur, recevoir
paiement, consentir une remise de dette, comme pourrait le faire le
crancier lui-mme. Ce procd prsentait un intrt pratique; si le
crancier s'absentait (ou mme dcdait), I *adstipulator tait encore
l pour faire valoir la crance.

Mais I'adstipulator, abusant de ses pouvoirs, pouvait s'entendre


avec le dbiteur, au prjudice du crancier : s'il lui accordait une re-
mise de dette, le dbiteur tait valablement libr, et le crancier tait
frustr de sa crance. Telle est la collusion que la loi Aquilia visait
dans son deuxime chapitre : elle accordait au crancier le droit d'exi-
ger de I'adstipulator une somme d'airain quivalant au montant de la cr-
ance {quanti ea res est). Le dommage ne provient pas ici de dgts cau-
ss des choses corporelles, mais de la perte d'un droit de crance -
droit incorporel.

3/ Le troisime chapitre a donn lieu beaucoup de discussions. On a mme


prtendu qu'il n'existait pas dans la loi et qu'il aurait t imagin par
les jurisconsultes. On fait remarquer qu'il est rdig selon des procds
. 307

qui dnotent un esprit juridique plus volu; tandis que les deux pre-
miers chapitres visent des hypothses particulires, ce chapitre III est
rdig en termes plus gnraux, susceptibles de recevoir une large in-
terprtation. Il peut de plus paratre singulier que le lgislateur,
aprs le chapitre deuxime, revienne nouveau, dans un chapitre troi-
sime, sur la question des dommages matriels causs des choses cor-
porelles, hypothses dont le chapitre premier a dj prvu des exemples
particuliers.

Nous ne croyons pas cependant que les jurisconsultes - qui suivent


de trs prs dans leurs commentaires le texte mme de la loi - aient pu
se permettre d'y ajouter un chapitre de leur cr. Mais il est fort pos-
sible que ce chapitre troisime ait t ajout aprs coup, par une loi
postrieure ou mme plusieurs lois successives (LENEL : Z.S.S.43 (1922)
p. 75).

La reconstitution du texte de ce chapitre est discute : le Diges-


te, qui prtend le reproduire (p_. 9.2-27.5) n'en fournit manifestement
qu'une paraphrase assez amaladroite. Sans entrer dans le dtail des hy-
pothses tout fait opposes qui ont t soutenues par des auteurs an-
glais (J0L0WICZ, DAUBE) et qui ont le tort d'attribuer aux jurisconsul-
tes des modifications qu' notre avis, ils n'auraient jamais os appor-
ter au systme lgal, nous proposons, en nous appuyant sur les commentai-
res des jurisconsultes, la reconstitution suivante, ou quelque chose d'ap-
prochant :

"Si quelqu'un fait autrui un autre dommage (1) en brlant, ca s-


sant, brisant injustement la chose d'autrui (2), qu'il soit condamn
donner au propritaire une somme d'airain quivalant la valeur de ce
dommage apprci dans les trente jours".

Ce texte ne vise pas n'importe quel dommage : il s'agit unique-


ment de dgts matriels, de choses corporelles, dtruites ou dtrio-
res par l'un des trois moyens que vise la loi : urere, frangere, rum-
pere. D'autre part sont exclus du chapitre III les dommages dj viss
dans le chapitre I (ceterum damnum).

Les choses protges par cette disposition peuvent tre ainsi clas-
ses :

a) Les esclaves et les pcudes dj prvus par le chapitre premier : tan-


dis que le chapitre premier s'applique lorsqu'on les tue et aboutit
une peine assez forte (la plus haute valeur dans l'anne) le chapitre

(1) Cetenm damnum faxit est fourni par GAlUS (aetero damno) : ULPIEN (Ht.
27.5) parle de oeterae res, et nous fournit "alteri damnum faxit".
(2) Les verbes "urere, frangere, rumpere", souvent comments, figuraient in-
dubitablement dans la loi.
. 308 .

troisime est Invoqu lorsqu'il s'agit de blessures - et la peine est


calcule d'une autre faon. Selon Daube (Law. Q. Rev. pr 253) le tex-
te du ch. III n'envisageait que cette hypothse.

b) Les animaux non prvus dans le cteptre premier (chiens, volailles,


animaux sauvages devenus objet de proprit) soit qu'tls aient t
tus, soit qu'ils aient t blesss.

c) Toutes les choses Inanimes, susceptibles de faire l'objet d'un droit


de proprit, meubles ou Immeubles; la loi trouve son applIcatlon quand
ces choses ont t dtruites ou endommages.

Quelle tait la peine prvue par ce chapitre ? - Les jurisconsul-


tes classiques tablissent un certain paralllisme avec celle du pre-
mier chapitre; tandis que celle-ci est calcule d'aprs la plus haute
valeur de la chose dans l'anne qui a prcd le dlIt, celle-l de-
vait tre, disent-!Is, dtermine d'aprs l plus haute valeur de la
chose dans les trente jours qui ont prcd le dlit. Mais Ils con-
viennent qu'en ralit la loi ne disait pas cela, et qu'on arrive
ce rsultat en ajoutant au chapitre troisime le mot "plurmi", qui
n'y tait pas (1). D'autre part les textes ve sont pas d'accord sur
le point de savoir si, propos de l'estimation de la valeur, la loi
disait"erit" ou "fuisset" : on peut se demander si, d'aprs le tex-
te original de la loi, l'estimation devait se' faire d'aprs la valeur
de la chose pendant le mois qui prcdait le dlIt, ou au contraire,
pendant le mois qui suivait le dlIt.

Il parat singulier, en cas'de blessures faites un esclave,


qu'on accorde au matre toute la valeur de l'esclave : l'esclave peut
gurir et retrouver sa valeur primitive.

Il serait bien plus raisonnable d'accorder au matre, non pas la


valeur de l'esclave, mais une somme correspondant au prjudice subi
par le propritaire. Or le prjudice ne peut pas tre estim avant
le dlit, alors qu'il n'existe pas encore : on peut au contraire,
dans le mois qui suit le dlit, se rendre compte'si la blessure en-
trane une Importante diminution de la valeur de l'esclave.

Nous pensons avec Daube que le troisime chapitre, en cela trs


diffrent du premier, fixait la peine, non d'aprs la valeur marchan-
de de la chose, mais d'aprs le damnum, c'est--dire le prjudice,
apprci aprs le dlit. C'est pourquoi le mot damnum, qui ne figu-
re pas dans le chapitre premier, est au contraire employ dans le
chapitre troisime.

(1) GlUS affirme que le mot "plurimi" (la plus haute valeur) ne figurait
pas dans le chapitre II et que c'est SABINUS qui a, le premier, propo-
s de l'interprter comme si ce mot tait sous-entendu.
. 309 .

Mais la diffrence de Daube, nous pensons que ce chapitre 111


ne visait pas uniquement les esclaves et les animaux blesss, mais
tous les dgts matriels autres que ceux du premier chapitre.

SI notre hypothse est exacte, c'est dans le chapitre troisime


que les jurisconsultes auraient trouv les lments qui leur ont per-
mis t) de dgager la notion de danmum, 2) d'Introduire dans le mode
de calcul de la peine l'Ide de prjudice {intresse).

5 - REGLES COMMUNES
AUX TROIS CHAPITRES

Les diffrents faits prvus par la loi sont punissables sans qu'il
y ait s'occuper'de l'intention de leur auteur : la loi exige simplement
que les actes dommageables aient t accomplis "injuria", Injustement. La
jurisprudence classique fera sortir de ce mot "injuria" l'Ide de faute {oul-
pa), mais elle n'tait pas dans la loi : celle-ci prvoyait des faits accom-
plis sans droit, ou contrairement au droit.

Ces faits talent envisags comme constituant des dlits : la


sanction prvue tait une peine pcuniaire.

Dans les hypothses vises par les chapitres I et 111, la peine


ne pouvait tre exige que par le propritaire de la chose endommage ou
dtruite : la loi s'exprimait l-dessus de faon formelle, dsignant d'ail-
leurs le propritaire au moyen du vieux mot erus.

Par quelle vole de droit la victime pouvait-elle rclamer cette


peine ? - C'est une question trs discute.' A l'poque classique, la vic-
time peut poursuivre l'auteur du dommage au moyen d'une action dite "aatia
legis Aquiliae", qui prsente cette particularit d'tre une action 1Itls-
crescence : si le dfenseur avoue ds le dbut du procs {in jure), la con-
damnation est au simple : s'il nie et est ensuite reconnu coupable, la con-
damnation est porte au double.

Or, d'aprs une doctrine, toutes les actions IItlscrescence con-


nues l'poque classique proviendraient.d'une manus' injeatio employe au
temps des actions de la loi. Ainsi donc, au temps de la loi Aquilia, la
victime, d'aprs cette doctrine, pouvait, sans avoir besoin d'obtenir ju-
gement, faire manus injeatio sur l'auteur du dommage; si celui-ci s'oppo-
sait la manus injeatio, prtendait qu'elle tait exerce sans raison con-
tre lui, Il y avait procs; et s'il tait reconnu coupable, Il tait trait
de la mme faon qu'un vindex qui s'est oppos tort une manus injeatio :
Il tait condamn au double.

Cette doctrine est de plus en plus abandonne; parmi les actions


Iitlscrescence de l'poque classique, Il n'y a gure que l'action judioa-
ti et 1'action defensi qui aient pour origine une manus injeatio.
. 310 .

En ce qui concerne la sanction de la loi Aquilia, l'hypothse


d'une manus injeatio est Insoutenable. La manus injectio suppose toujoursx
une crance d'argent dont le montant est connu; or la poena que doit payer
l'auteur du dommage est "inoerta" et ncessite une estimation. Au surplus
la 1Itlscrescence ne provient pas Ici d'une manus injectio, pour l'excel-
lente raison qu'elle rsulte d'une disposition formelle de la Ici Aquilia
elle-mme : D. 9.2 - 2.1 : GaTus dclare formellement "et infra aavetur ut
adversus inftiantem in duplum actio esset" "et au-dessous de ce chapitre
I, la loi prvoyait que l'action serait du double contre celui qui nie". La
preuve du dommage pouvant tre difficile apporter, le vieux lgislateur
accordait une sorte de prime au coupable qui avouait : en cas d'aveu il n'y
avait de procs que si les parties n'talent pas d'accord sur le montant de
la poena. L'estimation de la peine se faisait alors au moyen de la judicis
arbitrive postulatio - et la peine tait calcule au simple.

SI au contraire le dfendeur prtendait, ds le dbut du procs,


qu'il n'tait pas l'auteur du dlit, ou que le fait n'tait pas un dlit
punissable, Il fallait arriver dpartager deux prtentions radicalement
opposes : on y parvenait au moyen du saovamentum in personam. Pour qu'on
puisse dterminer l'enjeu du saovamentum (50 ou 500 as) qui variait selon
l'Importance du litige, le demandeur Indiquait ds le dbut du procs la
somme qu'il estimait pouvoir rclamer comme poena. Un juge tait nomm;
s'il constatait la culpabilit du dfendeur, Il procdait l'estimation
de la poena et condamnait le coupable au double de cette estimation.

De ces deux procdures distinctes sont Issues dans la procdure


formulaire deux formules d'action : la formula aonfessoria au simple, quand
le dfendeur plaide coupable, la formula infitiatoria, au double, quand II
plaide non coupable (D. 9.2 - 23.11).

Le systme de la noxalt s'applique aux dlits de la loi Aqui-


lia, non en vertu d'une disposition de cette loi-, mais en vertu des prin-
cipes gnraux tablis par la loi des XII Tables relativement aux dlits
contre les biens (noxia). Par contre, la loi Aquilia avait Introduit une
nouveaut, en rendant le chef de famille personnellement responsable des
agissements dommageables de ses fils et de ses esclaves, lorsqu'il en avait
connaissance (scientia domini).

Notons enfin que l'action de la loi Aquilia ( la diffrence des


actions en matire d'injuria et de furtum : D. 1.14.17.1) ne peut s'tein-
dre par un arrangement amia ble entre les parties (paatio), parce que c'est
une action Iitlscrescence (Sent. Paul 1.19.2).

SECTION 11 - NOTION DE DAMNUM


A L'EPOQUE CLASSIQUE
ET AU BAS-EMPIRE
ssnanisasBBaBatsssccaa

A l'poque classique, les dispositions du deuxime chapitre, rela-


tives \ 'adstipulator, avalent perdu tout Intrt pratique. Quand le con-
trat de mandat fut reconnu et sanctionn, I *adstipulator fut considr corn-
311

me un mandataire du crancier principal : il devnt alors possible, sans


Invoquer la loi Aquilia, de I rendre responsable, au moyen de I } aotio
mandati, du prjudice qu'il causait son mandant (GaTus, dans ses Instl-
tutes, commente encore les dispositions de la loi Aquilia en cette mati-
re, tout en disant qu'elles lui paraissent Inutiles. Ulplen, un peu plus
tard, constate que ce chapitre de la loi "n'est plus en usage" (D. ht - 27.
4).

Par contre les deux autres dispositions de la loi Aquilia donn-


rent lieu une Interprtation jurlsprudentlelle trs riche : commentant
les termes de la loi, les jurisconsultes sont parvenus dgager les l-
ments du dlit de darnnum, dlit qui pour eux rpond aux mmes conditions
gnrales dans le chapitre premier et dans le chapitre troisime : Ils con-
sidrent que les deux dispositions concernent deux varits du mme dlit
et ne les distinguent que pour le mode de calcul de la peine.

Les lments constitutifs du damnwn ,-.

La jurisprudence s'est visiblement efforce d'Interprter les ter-


mes de la loi de faon atteindre le plus de dommages possible : elle pr-
tendit par exemple que le mot "rumpere" (briser, broyer), du troisime cha-
pitre tait synonyme de "oorrvmpere" (dtriorer) : ce qui permit de dire
qu'il y avait darnnum lorsqu'on provoquait I'avortement d'une femme esclave
en la frappant (dj admis par Junlus Brutus : ht - 27.22) ou lorsqu'on g-
tait du vin en y versant un mauvais liquide, ou en le rpandant terre (CEL-
SUS ht. 15).

Malgr tout, la jurisprudence tait bride par les termes de la


loi : elle ne pouvait pas donner au darnnum une extension indfinie. Pour
que l'action de la loi Aquilia puisse tre Intente avec succs, Il .faut
que l'on se trouve dans une situation qui rponde aux prvisions de cette
loi. Les jurisconsultes ont prcis les conditions qui doivent tre ru-
nies pour qu'il y ait le dlit d la. loi Aquilia, qu'ils appellent "darnnum
injuriae".

1 - CORPUS LESUM

Il faut d'abord qu'une chose corporelle, objet de proprit, ait


t dtruite ou endommage : il faut un "corpus lesum". C'est ce que nos
vieux commentateurs exprimaient en disant que le darnnum doit tre "oorpori
dation" : fait au corps (1).

(1) Faon de parler peu conforme au langage du droit romain : le mot darnnum
ne vise pas le dgt subi par la chose, mais le prjudice caus au pro-
pritaire (DAUBE : Cambridge law. G. 1939, pp. 40 sq.).
312 .

11 rsulte de ceci que la loi ne s'applique pas lorsque le domma-


ge rsulte de la perte d'un droit Incorporel (sauf le cas trs spcial vis
dans le deuxime chapitre). 1! n'y a pas non plus de darnnum st un propri-
taire perd sa chose sans que celle-ci soit matriellement endommage; par
exemple, lorsque quelqu'un facilite la fuite d'un esclave; l'esclave en fui-
te se porte fort bien; Il n'y a pas de aorpue lesurn. Il n'y a pas davanta-
ge de anmum si la chose est dtruite conformment sa nature: si par exem-
ple on a mang le bl d'autrui; ce n'est pas en effet "oorrompere" du bl
que de le consommer I

2 - PREJUDICE

Le darnnum est un dlit de rsultat : Il n'y a pas de damnvm si le


dgt matriel n'entrane aucune perte pour le propritaire (c'est le pr-
judice subi par le propritaire que l'on dsigne sous le nom de darnnum, et
non pas le dgt support par la chose).

Ainsi, celui qui, de l'esclave d'autrul, fait un eunuque, ne tombe


pas sous le coup de la loi Aquilia ; il y a bien "corpus lesum", mais aucun
prjudice pour le propritaire, car son esclave est devenu de ce fait plus
prcieux; d'autres sanctions existaient, Il est vrai, dans ce cas, mais pas
sur la base du darnnum lD. ht. 27.28).

3 - CAUSE PAR UN FAIT POSITIF *

Ne rpond du dlit de darnnum que celui qui accomplit les actes po-
sitifs prvus par la loi : celui qui a tu, brl, bris, dtrior.

Le darnnum est un dlit de commission. Ainsi celui qui laisse mou-


rir de faim l'esclave d'autrul ne tombe pas sous le coup de la loi Aquilia :
cette loi punit celui qui tue ( " o o o i d e r e " ) , elle ne punit pas celui qui s'ab-
stient de fournir des aliments. *

4 - DIRECTEMENT

L'action de la loi Aquilia se donne contre l'Individu qui cause


dlrectement le dommage : les jurisconsultes disaient que l'action se donne
contre celui qui cause le dommage "oorpore suo" par son propre corps.

Il-.n'est pas ncessaire cependant que l'agent cause l'acte domma


geable par un contrat direct de son corps : Il est responsable si le dgt
a t fait par une arme qu'il tenait, une voiture qu'il conduisait, un na-
vire qu'l1 dirigeait.
. 333 .

Mais le dlit ne s'applique pas si le dgt provient d'une cause


extrieure, que l'agent a laiss ou, mme fait jouer : par exemple, un Indivi-
du, par des gestes et des cris fait peur un cheval qui passe sur un pont :
le cheval effray se jette l'eau et se noie : l'action de la lot Aquilia
ne s'applique pas, car c'est le cheval qui s'est lui-mme jet l'eau. Il
en serait autrement si on l'avait jet l'eau en le bousculant. Ulplen,
dans le cas o l'on fait boire un esclave un poison qui le tue, va jus-
qu' faire cette distinction : si l'on porte la coupe' aux lvres du malheu-
reux, la loi Aquilia s'applique, le damnum est "oorpore datum"; par contre,
elle ne s'applique pas si l'on Incite simplement l'esclave boire, car dans
ce cas, c'est l'esclave qui s'empoisonne lui-mme (D_. ht. 9)..

On peut remarquer que cette condition concide avec la prcdente


car lorsque le dommage provient d'une abstention, Il n'est pas caus "aor-
pore". Celui qui laisse mourir un esclave de faim ne le tue pas "oorpore
suo".

Les Proculiens comprenaient plus troitement que les Sablnlens


les conditions de la responsabilit en matire de damnum : 11 y avait di-
vergence entre les deux coles dans 1'hypothse de dgts causs par rper-
cussion. Un Individu en bouscule un autre sans lui faire de mal : mais ce-
lui-ci, sous le choc, tombe et casse un vase prcieux : d'aprs les Procu-
Itens, le propritaire du vase ne peut agir ni contre celui qui a t bous-
cul, parce qu'il n'est qu'un simple agent de transmission Involontaire, ni
contre celui qui a bouscul, parce que le vase n'a pas t cass par lui
"aorpore suo". Alfenus Varus et les Sablnlens au contraire considraient
que la personne bouscule jouait en pareille affaire le mme rle qu'une ar-
me avec laquelle on causerait des dgts, en la maniant : celui qui bouscule
et cause un dgt par rpercussion est responsable comme celui qui tue en
lanant un javelot (D. ht. 7.3 et 52.2).

5 - L A FAUTE (CULPA)

Le dlit de la loi Aquilia n'est pas un dlit Intentionnel : on


peut tre responsable d'un dommage que l'on a caus s?ns intention de nui-
re (ULPIEN D. ht. 5.1).

a) Cependant, d'aprs les termes mmes de la loi, le dlit n'est punissable


que s'il est commis "injuria". Le vieux lgislateur entendait par l "In-
justement". La jurisprudence prend encore souvent 1e mot dans ce sens :
l'auteur du dommage pouvait viter d'tre condamn s'I ! parvenait prou-
ver qu'il avait agi "jure", bon droit, si par exemple1II tait en tat
de lgitime dfense, quand il avait tu l'esclave d'autrui. L'exigence
de I ' " i n j u r i a " comme condition du dlit permet au dfendeur d'Introduire
un moyen de dfense, mais il lui incombe d'apporter la preuve qu'il a agi
"jure" : Il appartient l'accus de prouver les faits justificatifs qu'il
Invoque (CICERON : "Pro Tullio" 16.40).
. 314 .

b) Les jurisconsultes classiques ont greff sur le mot injuria une Interpr-
tation audacieuse : Ils sont arrivs soutenir que l'auteur du dommage
n'tait responsable que s'il avait commis une faute. La jurisprudence
a Introduit en cette matire la notion de "oulpa" qui n'tait ni dans le
texte ni dans l'esprit de la vieille loi.

Les commentateurs donnent souvent le nom de faute aqulllenne la


faute qui est requise pour justifier la responsabilit dllctueMe en ma-
tire de damnum et on l'oppose la faute que l'on rencontre en matire
de responsabilit contractuelle.

La notion de faute n'avait l'poque classique ni la significa-


tion ni l'Importance que lui donne la Compilation de Justlnlen : les tex-
tes qui parlent de la oulpa sont suspects. Certains auteurs en viennent
penser qu'en matire de damnum les classiques n'avalent jamais parl de
la oulpa (1). Cette doctrine parat condamne par le texte des Instlt-
tes de GaTus (111.211) - qu'il est bien Imprudent de suspecter - et o
GaTus parle de "oulpa" propos du chapitre I de la loi Aquilia : "est
considr comme ayant tu celui par le do) ou la faute duquel cela est
arriv". GaTus oppose la oulpa le oasus : n'est pas punissable celui
qui sans faute ni dol a caus fortuitement (casu) un dommage".

. Les auteurs classiques ont bien employ le mot oulpa en matire


de dommage, mais plus rarement que la Compilation le laisse supposer; la
oulpa n'est pas pour eux la pice matresse de la responsabilit. Ce mot
semble utilis par les classiques pour indiquer un lien de causalit en-
tre l'activit de l'agent et le dommage, avec cette Ide que cette acti-
vit est rprhenslble, en raison des circonstances objectives dans les-
quelles se trouvait l'agent (2).

La plupart du temps les jurisconsultes Insistent sur des circons-


tances de fait, sans parler de oulpa : Ils rendent le muletier responsa-!
ble de l'accident qu'il cause par dfaut de vigueur physique et ce n'est
gure une faute au sens actuel du mot ! (. ht. 8.1).

Celui qui blesse un esclave en s'exerant lancer le javelot est


responsable s'il s'est livr ce sport dans la rue, mais II n'est pas
responsable si l'accident s'est produit sur le terrain rserv ces exer-
cices : l'esclave ne devait pas se trouver l (. ht. 9.4).

Nous avons vu que le dlit de damnum est un dlit de commission,


qui suppose toujours un acte positif (tuer, blesser, etc ...) : mais la
responsabilit de cet acte positif peut se justifier en raison d'une ab-
stention rprhenslble, d'une faute d'omission. Ainsi le bcheron qui
taille des branches doit avertir les passants s'il travaille dans un lieu
frquent; il est responsable des accidents qu'il cause s'il ne prend pas
cette prcaution (D^ ht. 31).

(1) KUNKEL : "Exegetisohen Studien sur aquilisohen Haftung" Z.S.S. 1929, pp.
158 sq.
(2) ARANGIO-RUIZ : "Resp. cont." 1933 pp. 226 sq. - PERRIN : "Caractre sub-
jectif de iHnjuria aquilienne", St. Francisco 1 pp. 265 sq.
. 315 .

c) Dans ce texte de Paul relatif au bcheron, des commentateurs de basse


poque, ou peut-tre les compilateurs, ont Introduit par voie d'inter-
polation une dfinition de la faute : la faute, "c'est le fait de ne pas
prvoJr ce qu'aurait prvu un homme diligent". Ce texte montre bien ce
que reprsente la notion de "culpa" au Bas-Empire : la faute est devenue
une notion morale et subjective.

C'est une notion morale : c'est le fait de se comporter d'une fa-


on rprhensible : dans la vie en socit les individus doivent surveil-
ler leur activit de faon ne pas nuire autrui.

C'est une notion subjective : on examine ce que l'agent a fait et


ce qu'il aurait pu faire : on lui reproche d'avoir manqu de diligence,
de prvoyance.

Ce critrium de responsabilit est compris svrement : "en mati-


re de damnum on tient compte de la faute la plus lgre" (0. ht. 44) (1).

Par contre on ne peut retenir aucune responsabilit quand l'acci-


dent s'est produit dans des conditions telles que personne ne pouvait le
prvoir et l'empcher, parce qu'aucune faute ne peut tre retenue. Pour
la mme raison le fou et l'enfant en bas-ge sont Irresponsables.

Ds l'poque classique, le fou avait t dclar Irresponsable :


il y avait l, pensait-on, cas fortuit, "comme lorsqu'une tuile tombe
d'un toit et blesse quelqu'un". Lorsqu' la basse poque la notion de
faute se prcisa, on en vint dclarer galement Irresponsables les jeu-
nes enfants "oulpae non oapaoes"; ils sont incapables de commettre une
faute; on ne peut en effet exiger d'eux une prvoyance et des prcautions
qu'on ne peut attendre que de personnes adultes (D_. ht. 5.2 itp. en ce
qui concerne I'irresponsabiIIt de l'impubre).

SECTION III - L'ACTION "DIRECTA" LEGIS AJILIAE

Lorsque toutes les conditions du dlit et de la responsabilit


sont runies, la victime du dommage a droit une certaine somme d'argent
qu'elle peut exiger de celui qui a commis le darnnum. Pour obtenir cette
somme elle peut exercer une action in personam : l'action de la loi Aqui-
lia, que 1'on qualifie parfois d'action direata legis Aquiliae, parce que
cette action "civile"'dcoule directement des dispositions de la loi.

(1) Texte suspect car la gradation des fautes (lata, levis, levissima) est
une invention tardive. De toutes faons, si la phrase est d,TJLPIEN5 el-
le n'avait pas la porte gnrale que lui donne le Digeste : propos de
la. "patientia dorrrni" (en cas de dommage caus par un esclave) ULPIEN a
pu dire que le matre commettait une faute lgre en laissant son escla-
ve commettre un dommage.
. 316 .

1 - QUI PEUT L'INTENTER ? (lgitimation active de l'action direata)

SI nous mettons part le dlit du ch. II, l'action legis Aqui-


liae ne compte qu'au propritaire de la chose endommage. L'usufruitier,
le possesseur, plus forte raison le crancier - bien que la perte ou le
dgt puisse leur causer un prjudice grave, n'ont pas l'action directa. La
qualit de propritaire s'apprcie;au jour du dlit. Mais si la victime d-
cde, l'action passe ses hritiers : elle est transmlsslble activement :
Il n'y a de difficults que si le dommage se produit pendant la jacence de
l'hrdit sur un bien de la succession (D. ht. 43).

_2 - MONTANT DE LA CONDAMNATION

La loi Aquilia, notre avis, prvoyait un mode d'estimation dif-


frent pour le dlit du chaplre I et pour le dlit du chapitre III. Mas
pour calculer le montant de la peine, les jurisconsultes prennent volontiers
de grandes liberts avec le texte de la loi, de sorte qu' l'poque classi-
que la diffrence entre la peine du ch. I et celle du ch. III se rduit
peu de chose. .

La victime a droit d'abord la valeur objective de la chose (quan-


ti ea ves fuit). Pour le dlit du chapitre I, la valeur est calcule au prix
le plus haut que la chose a pu atteindre dans l'anne avant le dlit; pour le
dlit du chapitre III, le prix le plus haut dans le mois qui a prcd le d-
lit.

Mais un surplus de satisfaction peut tre allou en tenant compte


de l'Intrt de la victime (interesse). On fait tat du prjudice subi ; ain-
si lorsque le cheval tu fait partie d'un quadrige, ce n'est pas simplement
la valeur de ce cheval que la victime peut rclamer, mais une somme en rap-
port avec la dprciation que subit le quadrige.

On fait tat aussi du gain manqu si par exemple l'esclave qui a


f tu tait Institu hritier par testament d'un tiers, le matre peut pr-
tendre qu'il -subit un dommage considrable, du fait qu'il ne recueillera pas
la succession que l'esclave aurait acquise son profit s'il avait vcu ..(10.

(1) Nous avons essay d'expliquer pourquoi la jurisprudence qui s'attache au


; texte de la loi pour dfinir le dlit, se montre trs audacieuse quand il
s'agit de calculer la poena (cf. MACQUERON in "Etudes Dumas", Aix 1950,
pp. 207 sq.). Les jurisconsultes ont transport dans le ch. I le syst-
me de Vinteresse prvu dans le ch. III, et inversement le "ea ves fuit"
avec le "plurimi" du ch. I, dans le ch. III.
317 .

3 - PROCEDURE

A l'poque classique, l'action de la loi Aquilia donne lieu la


rdaction de deux formules diffrentes selon que le dfendeur avoue ou nie
(formula oonfessoria, formula infitiatoria).

Ces formules sont in personam : Il s'agit d'une crance d'argent.


Au moment o commence le procs, le'montant de cette crance est encore In-
dtermin {Il appartient au juge d'estimer la poena) : \%intentio est donc
incerta. La oondemnatio est conue "oum taxatione" : le demandeur a lui-
mme Indiqu un chiffre au dbut du procs : ce chiffre constitue la "taxa-
tio" que le juge ne doit pas dpasser.

SI, aprs avoir ni devant le magistrat (in jure), le dfendeur


est ensuite reconnu coupable, le juge le condamne au double de ce qu'il doit
l'action crot au double "adversus infitiantem".

4 - NATURE DE L'ACTION LEGIS AQUILIAE

Le damnum est un dlit : l'action legis Aquiliae est pnale; mats


ce caractre pnal est mitig par l'Ide de rparation du prjudice.

1) L'action legis Aquiliae se comporte vraiment comme une action pnale


certains gards : Il y a cumul de peines si le damnm a t commis par
plusieurs co-auteurs (D_. ht. 11.2 et 51) - cumul de l'aatio de oociso
avec \*actio de vulnerato (D. ht. 32.1).

L'action s'teint par le dcs du coupable; elle survit sa aa-


pitis deminutio, enfin elle se donne noxaliter, si le coupable est un
alieni juris.

2) Mais, bien que pnale, cette action se comporte comme une action relper-
scutolre quand elle se trouve en concours avec d'autres actions : 1'ac-
tion de la loi Aquilia ne se cumule pas avec les actions relperscutol-
res. SI par exemple un commodatalre a dtrior fautivement la chose
qu'il a emprunte, le commodant peut exercer son choix l'action corn-
modati ou l'action legis Aquiliae : mais II ne peut exercer successive-
ment les deux. Le rsultat est obtenu en recourant des artifices de
procdure : on exige par exemple du demandeur qu'il fasse une sponsio
par laquelle II promet de ne pas exercer la seconde action (1).

Cependant, une jurisprudence laquelle Justlnen se rallie per-


met d'exercer l'action legis Aquiliae en second lieu, parce qu'elle est
plus avantageuse; l'action de la loi Aquilia est alors Intente de faon

(1) E. LEVY : "Konkurrenz" II, pp. 36 sq. - MONIER : "lianuel" II, p. 71.
n. 5.
318 .

obtenir seulement le surplus d'Indemnit laquelle son mode de calcul


donne drojt : on dduit de la condamnation du chef de Vaotio legis
Aquiliae la somme obtenue en vertu de l'action relperscutore prcdem-
ment Intente.

Justnlen classe l'action de la loi Aquilia dans la catgorie des


actions mixtes, actions par lesquelles on rclame une somme d'argent qui
reprsente la fols une peine et une rparation du dommage : ce qui ex-
clut le cumul.

Par la fonction Indemnlsatrlce qu'elle remplit, la poena prvue en


matire de damnvtm se rapproche assez des dommages-Intrts auxquels, en
droit moderne, peut prtendre la victime du dommage.

En matire de furtum et ]inQux>ia, l'volution a consist subs-


tituer de plus en plus la rpression publique la peine prive . en ma-
tire de damnum au contraire, ta peine prive s'est de plus en plus trans-
forme en une rparation du prjudice.

II est cependant un cas o le damnwn est un dlit public : c'est


lorsque I'homicide volontaire est commis sur la personne d'un esclave :
les poursuites criminelles tablies par la loi Cornelia peuvent tre mi-
ses en mouvement, mais cela-n'enlve pas au matre le droit de rclamer
la poena en argent laquelle II peut prtendre en vertu de la loi Aqui-
lia, parce que cette poena est en ralit une Indemnit, qui ne fait pas
double emploi avec les chtiments appliqus en vertu de la lof Cornelia.

SECTION IV - LES EXTENSIONS


DE L'ACTION LEGIS AQUILIAE

Les jurisconsultes, qui Interprtaient trs librement les disposi-


tions de la loi quand 11 s'agissait de calculer le montant de la peine, se
montraient par contre extrmement rigoristes quand II fallait dfinir les
lments du dlit et les conditions de la responsabilit :avec cette mtho-
de troite d'Interprtation, nombreux restaient les dommages pour lesquels
on ne pouvait pas exercer l'action directe de la loi Aquilia.

Soucieux cependant de donner satisfaction l'quit, tout en res-


pectant la loi, les jurisconsultes Imaginrent de recourir des actions pr-
toriennes : lis Incitrent les magistrats combler les lacunes du jus civi-
le - les lacunes de la loi Aquilia - en accordant, dans de nombreuses hypo-
thses qui n'entraient pas dans les cadres lgaux, des actions en extension
et l'Imitation de l'action directe de la loi Aquilia.

Ces actions n'ont Jamais fait l'objet d'une disposition gnrale


dans l'dlt, n'ont mme jamais t tablies en vertu d'une disposition per-
manente : elles n'talent pas "dlctales" mais "dcrtales". Dans chaque
c^s d'espce, le prteur, sur le conseil des jurisconsultes, accordait, s'il
. 319 .

le jugeait convenable, une action en dehors des prvisions, de la loi Aqui-


lia (cf. notre article "Etudes Dumas", pp. 198 sq.).

Dans la Compilation, ces actions portent des noms variables : ac-


tion "utilis" legis Aquiliae^, ou action "in faotum" legis Aquiliae ou ac-
tion "ad &xemplum legis Aquiliae".

Au Digeste, ces termes sont employs Indiffremment : les Compila-


teurs paraissent les considrer comme quivalents, bien que dans les Instl-
tutes, Justlnen distingue l'action utile et l'action in faotim pour recon-
natre chacune de ces actions un domaine propre d'application ( l .J . 4.3.
16).

Ces diverses faons de dsigner les actions en extension de la loi


Aguilza n'ont certainement pas t Inventes par les CompIlateurs : corres-
pondaient-elles I'poqua classique des ralits distinctes ? - Lenel
("Ediotum" 77) ne le croit pas. De telles expressions avalent cependant
l'poque classique un sens prcis : l'action utilis, l'poque classique,
ne pouvait pas tre autre chose qu'une action prtorienne dont la formule
reproduisait celle de l'action directe, tendue en dehors de ses limites l-
gales, au moyen d'une fiction ou d'une transposition de personnes. L'action
in factum au contraire comportait une formule absolument originale, compre-
nant un expos des faits. Nous pensons mme qu'au dbut ces actions in faa-
tum ont pu tre accordes sans aucun lien avec la loi Aquilia et ont pu abou-
tir une rparation du dommage tablie sur des bases trangres au systme
de l'action directe. Mais, ds l'poque classique, on en vint organiser
ces actions in faotum l'Instar de l'action dirsota, ad exemplum legis Aqui-
liae, c'est--dire de telle sorte que la condamnation soit calcule au quan-
ti plurimi et avec IItlscrescence (1).

M reste trs difficile de savoir dans quels cas les jurisconsul-


tes classiques prconisaient l'emploi de l'une de ces deux actions plutt
que de l'autre : les textes que nous possdons nous.-sont parvenus par la Com-
pilation ou des ouvrages assez tardifs comme la "Collatio Mcsatcarum" (2.4
et 12.7) : or les juristes de la basse poque ont tout brouill. Pour eux
I'action in factum en matire de dommages est une action "generalis", pen-
dant de l'action generalis in faotum (praescriptis v&rbis) en matire con-
tractuelle (D_. 19.50.11); c'est une action qui permet de combler les lacu-
nes du droit en vigueur. Lorsque ces juristes rencontraient dans un texte
classique une action utilis en matire de dommage, Ils y voyaient une appli-
cation particulire de l'action in faotum generalis : de sorte qu'ils ne vo-
yaient aucun Inconvnient baptiser cette action utilis action in faatum et
Inversement. Il est peu prs Impossible de dresser avec certitude la lis-
te des cas dans lesquels les classiques parlaient .d'une action utilis et cel-
le des cas oui j| tait question d'une action in faotum.

(1) Contrairement LENEL nous pensons donc que les expressions aotio utilis
et aotio in faotum legis Aquiliae. correspondaient l'poque classique
des diffrences fondamentales. Ce point de vue, que nous avons soutenu
dans notre article "Etudes Dumas" est galement celui auquel est arriv,
par des voies diffrentes, M. ALBANESE ("Studi sulla legge Aquilia" Ann.
Univ. Palermo 1950).
. 320 .

M. Albanese (1), en soumettant les textes un examen trs minu-


tieux, crot pouvoir arriver aux rsultats suivants :

Vaotio utilistait prconise lorsque le damnum remplit encore


les conditions objectives exiges par la loi : Il y a bien un "oorpue lesum
injuria", mais les lments subjectifs de la responsabilit ne sont pas ceux
que la loi a prvus : le dommage n'a pas t caus directement {neo oorpore)
- ou bien la personne qui subit un prjudice n'est pas propritaire de la
chose endommage (usufruitier, possesseur de bonne fol). Une simple fiction
pouvait suffire rendre "utilisable" l'action logis Aquiliae en des cas de
ce genre.

Par contre, la fiction n'tait plus possible lorsque les lments


objectifs du damnum faisaient dfaut : Il fallait recourir une action in
faatum. Il en est ainsi lorsque .le prjudice se produit sans que la chose
soit corporellement endommage {damnum neo oorpori, ou rbus integris) - ou
lorsque le dommage ne provient pas d'un acte positif (cas d'un non faoere) -
ou lorsque le dommage n'est pas commis "injuria" (cas du copropritaire qui
endommage la chose Indivise).

Cette savante et Ingnieuse reconstitution de la jurisprudence


classique ne nous parat pas l'abri de toute discussion : est-II bien sr
que les textes qui parlent d'une action in faotum propos d'un dommage cau-
s Indirectement {neo eorpore) soient tous Interpols ? Est-I I. bien sr que
tous les auteurs classiques proposaient en pareil cas une aotio utilis ? -
Nombreux - non seulement au Digeste, mais dans la Collatlo - sont les tex-
tes qui parlent d'une aotio in faotum dans des hypothses de dommage neo
oorpore. On a bien I'Impression .que les jurisconsultes n'talent pas d'ac-
cord sur les moyens employer pour donner satisfaction l'quit. Les Sa-
blnlens, assez ports Interprter la loi Aquilia avec souplesse, pensent
qu'il suffit d'utiliser l'action legis Aquiliae en y ajoutant une fiction :
GaTus, qui reproduit fidlement la doctrine sabinlenne, ne parle que de l'ac-
tio utilis (G. 111.219); les Proculiens, au contraire, trs rigoristes dans
leur Interprtation de la loi Aquilia, pensent qu'on ne peut,pas tendre l'ac-
tion, mme avec, une fiction, quand le dommage n'est pas oorpore datum : Ils
prfrent recourir une formule spciale, in faotum (Col 1. 12.7 4 : opi-
nion de Celsus; 4 : opinion de Proculus).

Dans la mesure o l'on a pu, ds l'poque classique; songer se-


courir les personnes qui subissaient un dommage sans tre propritaires de
chose endommage - les jurisconsultes ont bien pu, l aussi, proposer d

.Enfin, contrairement M. Albanese, nous continuons croire, avec


RotondI, que les classiques n'ont jamais song rapprocher de la loi Aqui-
lia le dommage caus sans dgt matriel {neo oorpore) : de tels dommages
talent far trop trangers au systme de la loi. Dans quelques cas de ce
genre, les jurisconsultes ont pu sentir le besoin d'organiser une Sc.nctIon
par des actions in faotum qui n'avalent absolument rien voir avec le sys-

(1) ALBANESE : "Studi sulla legge Aquilia", Palerme 1950.


. 321 .

tme du damnum injuria datum : le rapprochement avec la loi Aquilia nous pa-
rat avoir t opr seulement par Justlnlen : ainsi, comme exemple typique
de damnum ne oorpori, Justlnlen signale dans ses Instltutes le cas de I!In-
dividu qui, par piti, dtache I'esclave d'autru et lui permet de s'enfuir
(1nst. 4.3.16) : Justlnlen accorde au matre de l'esclave une action in fao-
tum - l'exemple de la loi Aquilia - contre l'homme trop charitable. Or
les classiques avalent dj examin ce cas d'espce : nous pouvons consta-
ter qu'ils parlaient, eux aussi, d'une action in faatum - mais pas sur le
modle de l'action legis Aquiliae -. Ils paraissent songer plutt une ac-
tion en extension de l'action doli (LABEON, cit par ULP1EN : D. 4.3.7.7).

A la basse poque s'est manifeste une tendance non douteuse In-


voquer trs extensvement la loi Aquilia, de faon obliger le plus souvent
possible l'auteur d'un dommage rparer le prjudice caus par sa faute.

Tout d'abord, comme l'a judicieusement soulign M. Albanese, la


distinction entre damnum eorpore et damnum nec eovove avait perdu tout In-
trt pratique la basse poque; aussi, dans le cas de damnum ne aorpore
o les classiques proposaient une action utilis (ou, selon nous, aussi in
faatum) les compilateurs ngligent souvent de reproduire les mots "utilis"
ou "in faatum", et parlent d'appliquer l'action legis Aquiliae purement et
simplement.

D'autre part, avec leur action in faatum generalis, les byzantins


parvenaient atteindre des faits dommageables pour lesquels, l'poque
classique, Il n'y avait aucune sanction, ou une sanction tout fait tran-
gre au systme du damnum : c'est ainsi qu'ils accordent une action in faa-
tum "sur le modle de l'action legis Aquiliae", (aboutissant par consquent
au mme genre de rparation, avec Itlscrescence) dans le cas de damnum nec
covpori (sans dgt matriel) ou au profit de personnes qui n'ont pas la
proprit (usufruitier, commodatalre, possesseur de bonne fol, crancier ga-
giste).

Les textes du Digeste envisagent encore une autre extension de la


lot Aquilia au profit de victimes qui ne sont pas propritaires : c'est lors-
qu'un homme libre a t bless ou mme tu. SI ces faits sont commis volon-
tairement, II y aura dans le premier cas dlit dHnjuria, dans le second cas
meurtre prvu par la loi Cornelia; mas II n'y a ni injuria ni meurtre en
cas de blessures ou d'homicide par Imprudence. Ne pourrait-on pas, en se
plaant sur le terrain du "damnum", accorder aux victimes une action pour
obtenir au moins la rparation du prjudice qu'elles ont subi ? - Il y a
cela un obstacle srieux : l'action en matire de damnum est, aux termes
de la loi Aquilia, donne au propritaire : or comme le remarque judicieu-
sement Uiplen (D. ht. 13 pr), l'homme libre n'est pas propritaire de son
corps. Uiplen en tire cette consquence logique : l'homme libre qui a t
bless ne peut pas exercer l'action direeta de la loi Aquilia, Mais le m-
me texte fait dire Uiplen que ce bless pourra exercer \xaatio utilis.
Est-ce classique ? - Ce texte a t longtemps considr comme trs suspect,
de mme que cet autre texte ([). ht. 5.3) o Uiplen accorde un pre l'action
legis Aquiliae (ordinaire, directe ?) en raison de blessures Infliges son
fils apprenti par un "magister" trop Irascible. Cependant un parchemin pu-
bli en 1957 a tout remis en question : c'est une page provenant d'une dl-
322 .

tion des "ad Ediotum" d'Ulpien - faite au IV s. - et qui nous donne un pas-
sage du livre 32 ad Ediotum (en partie reproduit au D. 19.2.13.4) et o II
est question de l'accident arriv au fils apprenti : en cet endroit Ulplen
examine la- situation au point !de:vue des effets du contrat d'apprentissage,
et pour ce qui est de la loi Aquilia, renvoie ce qu'il a dit au livre 18;
renvoi qui ne donne aucune Indication sur ce qu'UlpIen pensait en ce livre
18 de l'application de la loi Aquilia en pareil cas. Mats en marge de ce
texte a t ajoute une glose, en grec, malheureusement peu lisible, mais
d'o 11 semble bien rsulter qu'Ulplen prconisait en pareil cas une action
utile de la loi Aquilia (1).

SI Ulplen connaissait cette action utile, Il est normal qu'il ait


song l'accorder au pre de famille dont le fils a t victime d'un homi-
cide par Imprudence (D_. ht. 7.4). Ulplen, dans l'affaire qu'il tudie, re-
fuse d'tendre la loi ' , non pas parce que la victime est un homme li-
bre, mais parce que l'accident s'est produit au cours d'une comptition spor-
tive, dans un combat de boxe ou de pancrace : les lutteurs n'agissent pas
"Injustement" (injuria) quand, combattant pour la gloire, lis manifestent
leur vigueur.

; En admettant qu'Ulplen (dbut lli s.) ait connu l'extension de


la loi Aquilia au cas d'homicide d'un homme libre, cette solution par con-
tre n'tait pas encore venue l'esprit d'un gouverneur de province au temps
d'Hadrien (117-138) : statuant extra ordinem, ce magistrat avait accord au
pre de la victime, " cause de sa grande pauvret", une Indemnit sans In-
voquer la loi Aquilia (2).

En cas de blessure ou d'homicide d'un homme libre, la poena ne peut


pas tre calcule sur la valeur marchande, mais en estimant le prjudice, et
on ne tient compte que du prjudice patrimonial. L'action de la loi Aqui-
lia, mme dans sa forme la plus volue, n'a jamais permis de rparer un
prjudice moral ou d'affection (3).

Enfin, malgr leur dsir de gnraliser la sanction du damnum, les


compilateurs ne sont pas parvenus atteindre tous les dommages : nulle part
dans la Compilation 11 n'est question d'tendre l'action legis Aquiliae au
profit de ceux qui sont simplement cranciers de la chose endommage.

CHAPITRE IV : LA MPINA
csBinazecQaaoDBBaesEiaaa

. Origine :

Au temps des guerres civiles, Il tait frquent de voir des hommes


Influents organiser des bandes d'esclaves et de gens sans aveu pour saccager

(1) P.S. 11449 publi par ARANGIO-RUIZ, "Aroh. Giu." 93 (1957) pp. 140 sq.
(2) Coll. 1.11.2.
(3) MACQUERON : "L'intrt moral ou d'affection ...", Etudes Audinet, Aix
1968, pp. 177-188. Il en est encore ainsi en droit byzantin : Bas. 60.
2.3, avec glose du XIIe s.
323 .

les domaines de leurs adversaires politiques. Il y avait sans doute damnum


et souvent aussi fuvtvan, mais la rpression prvue pour le damnum et le / w -
tum tait en pareil cas bien faible : si l'on mettait la main sur les cou-
pables, on pouvait les faire condamner une somme d'argent, qu'ils ne pa-
yaient pas parce qu'ils talent Insolvables - ou s'il s'agissait d'escla-
ves, le matre se librait bon compte en abandonnant "noxalement" ces mau-
vais sujets.

C'est pour rprimer de tels abus qu'en 76 a. J.C. le prteur M.


Terentlus Lucullus Introduisit dans l'edlt des dispositions en vue de r-
primer les actes de brigandage "commis au moyen d'hommes arms ou en ban-
des". L'action, donne contre l'Instigateur de ces actes de violence, abou-
tissait une peine du quadruple et l'Instigateur, personnellement responsa-
ble, ne pouvait pas se librer en abandonnant les esclaves dont II s'tait
servi.

Epoque Impriale :

Lorsque sous l'Empire le calme se rtablit, cette action n'eut plus


la mme utilit : elle fut cependant conserve dans l'edlt, sous le nom d'ac-
tion vi bonorum raptorum, pour sanctionner la rapina, ou vol avec violence.
La rapina n'est, l'poque Impriale, qu'une varit de vol : le vol avec
circonstances aggravantes.

- A bien des gards, I } aotio vi bonorum raptorum parat calque sur


l'action furti manifesti : peine du quadruple.

' - Comme le vol, le dlit de rapina ne peut avoir pour objet que
des meubles (tandis que l'edlt de Lucullus trouvait s'appliquer en cas de
dvastation d'une ferme).

- L'action se donne noxaliter.

Comme l'action furti, elle peut tre Intente par quiconque a In-
trt ce que le vol n'ait pas lieu. Elle est Infamante.

Elle s'carte cependant de l'action furti sur quelques points :

1/ Elle est annale, parce qu'il s'agit d'jn dlit prvu par le prteur.

2/ Le procs est renvoy devant des rcuprateurs.

3/ Pour fixer la peine, on tient compte de la valeur de la chose vole et


non du prjudice subi.

4/ Enfin dans le droit de Justlnlen - qui mit fin sur ce point aux hsita-
tions de la doctrine classique - I yaetio vi bonorum rccptorum ne se cumu-
le pas avec les actions relperscutores; c'est une action mixte et la
peine du quadruple contient une rparation du dommage.
324 .

CHAPITRE V : LES DELITS PRETORIENS

Certains dlits privs ont t prvus par l'dlt du prteur. L'ac-


tion prtorienne qui sanctionne ces dlits est une action in faotum, aboutis-
sant une peine pcuniaire dont le montant est tantt fix par l'dlt, tan-
tt laiss l'apprciation du juge.

Les dlits prtoriens sont nombreux.

Le prteur protgeait, par une mesure prale, son propre dlt con-
tre les Individus qui se seraient permis de dgrader ou lacrer son texte
(dlt de albo oorrupto).

Le prteur rprimait quantit de dlits de procdure (dfendeur


qui ne se prsente pas, chicane, etc . . . ) .

Certains dlits prtoriens compltent la rpression du darrmum {ao-


tio de sevoo oorrupto, violation de spulture, abus commis par les publlcalns)
- ou du fiwtum (rapina).

Il est fort possible que la sanction de certaines oprations, qui


devinrent finalement des contrats, ait d'abord t envisage par le prteur
sous un aspect pnal (action in faotum de dpt, H e prt usage).

Mas les dlits prtoriens les plus intressants au point de vue


juridique sont le dol et la violence (que nous avens dj tudis propos
des vices du consentement).

On range parfois la thorie de la fraude aux droits des cranciers


parmi les dlits prtoriens : mais il nous parat douteux qu'il s'agisse l
d'un dlit sanctionn par une action in faotum.

CHAPITRE VI : LES ACTIONS NOXALES

Les dlits privs peuvent presque tous donner lieu l'exercice


d'une action noxale.

Lorsqu'un dlit priv a pour auteur une personne en puissance -


un fils eu un esclave - le droit romain rend ordinairement le titulaire de
la puissance - pre ou matre - pcuniairement responsable du paiement de
la poena laquelle la victime a droit. Celle-ci exerce 1'action prvue
pour le dlit - par exemple l'action furti en cas de vol - contre le pre
ou le matre, mais sous une forme spciale : l'action est Intente "noxa-
liter", noxalement. Intente de cette faon, l'action pnale prsente cet-
. 325 .

te particularit que la condamnation laisse un choix au dfendeur : Il peut,


sa guise, soit payer la poena en argent due en raison du dlit, soit faire
abandon la victime, de l'esclave ou du fi 1s coupables du dlit; c'est ce
qu'on appelle "faire abandon noxal".

Le rgime de la noxallt est une des particularits les plus ca-


ractristiques des obligations dllctuelles : on ne rencontre rien de sem-
blable en matire d'obligations contractuel l'es ou quasi-contractuel les.

Cette Institution originale est Incomprhensible si on l'aborde


avec nos conceptions modernes : tout s'claire au contraire si on la ratta-
che aux conceptions les plus anciennes des Romains en matire de dlits pri-
vs. On conoit tout l'intrt que prsente le rgime de la noxallt aussi
bien pour l'historien du droit romain que pour le sociologue (1).

1 - FONDEMENT
DU REGIME DE LA NOXALITE

. Explications rejeter :

Pour quelle raison le dtenteur de la puissance est-II oblig de


payer une poena, en raison du dlit commis par I ^alieni jur-is ?

a) Ce n'est certainement pas comme co-auteur ou complice qu'il rpond du


dlit : car s'il coopre au dlit, Il est personnellement responsable,
de son propre chef, expos comme dlinquant i'action ordinaire prvue
pour le dlit. Les jurisconsultes se demandent si, en pareil cas, cet-
te responsabilit personnelle du pre exclut celle qu'il assume d'autre
part comme chef de famille, responsable noxaliter.

b) On ne peut pas davantage fonder les actions noxales sur l'Ide d'une
responsabilit du pre pour dfaut de garde et sur une prsomption de
faute comme celle qu'admet l'art. 1384 de notre C.C. L'action noxale
en effet se donne non pas contre le pre qui avait le dlinquant sous
sa garde au jour du dlit, mais contre celui qui exerce la puissance
sur I } a l i e n i juris le jour o la victime intente l'action (au moment
de la litis contestatio).

c) On ne peut pas non plus penser une reprsentation du pre par I % dlie-
ni. juris; on ne peut pas parler de reprsentation relativement des
faits qui ont pu tre accomplis par l'esclave avant qu'on l'ait acquis
et alors qu'il appartenait a un autre matre.

(1) F;. DE VISSCHER : "Le rgime romain de la Noxalit. De la vengeance col-


lective la responsabilit individuelle", Bruxelles 1947.
. 326

D'ailleurs la ressemblance qui existe entre le systme de la noxa-


llt et l'action de pauperie Indique assez qu'il ne peut s'agir d'une
reprsentation. L'action de pauperie concerne le cas de dommages cau-
ss par un animal domestique : la victime exerce cette action contre le
propritaire de l'animal. Le propritaire (comme le chef de famille
dans l'action noxale) est oblig soit de payer une somme d'argent, soit
d'abandonner l'animal la victime. On ne peut pas songer une repr-
sentation du propritaire par l'animal ! Nous ne pouvons tre reprsen-
ts que par des personnes.

Explication historique :
a s ' B B S s B s n B a s s n s s d a 'sa

Pour comprendre la raison d'tre de cette obligation, qu'avec les


actions noxales, le droit romain fait peser sur le chef de famille en rai-
son des dlits commis par ses alieni juris, Il faut remonter aux plus an-
ciennes conceptions des romains en matire de dlits privs.

Primitivement certains dlits, comme le vol, faisaient natre au


profit de la victime, non le droit de se venger, mais de pratiquer une main-
mise sur la personne du dlinquant, pour en faire peu prs un esclave. Le
coupable, nous, l'avons vu, pouvait essayer d'chapper cette maln--mlse en
offrant une ranon, une composition volontaire, que les vieux romains appe-
laient prcisment noxa.

SI le dlinquant tait un alieni jurts, c'tait bien celui-ci - le


coupable - qui rpondait du dlit sur son propre corps. Mais dans cette
hypothse II y avait conflit entre deux droits : celui de la victime et
celui du chef de famille. Sur le corps du mme Individu, l'un avait des
droits en vertu du dlit, et l'autre comme titulaire d'une puissance. Les
vieilles coutumes avalent rgl ce conflit au profit de la victime : le
chef de famille ne pouvait pas empcher la victime d'exercer sa maln-mlse
sur le coupable et s'il voulait conserver le coupable, Il n'avait d'autre
ressource que de le racheter, de composer avec la victime, en offrant une
"noxa", qui tait une sorte de ranon.

Lorsque la Loi des XII Tables rendit obligatoire, notamment en ma-


tire de furtvon nea manifestum, le systme de la composition, le paiement
de la peine pcuniaire prvue par la \<s\ prsentait une difficult dans le
cas o le dlit avait pour auteur un alieni juris : le coupable ne pouvait
pas payer cette somme puisqu'il n'avait pas de patrimoine. SI bien que
dans cette hypothse le lgislateur dut se rsigner a laisser subsister
le systme primitif : c'est le corps du dlinquant qui rpond du dlit.
Mais si son pater veut le conserver, la loi rend facile le systme de la
composition : son montant ne plus donner lieu un marchandage; la loi per-
met au pre de racheter \*alieni juris en payant la poena lgalement pr-
vue pour le dlIt.

Telle est l'action noxale que la vieille loi avait expressment pr-
vue en matire de furtwn neo manifestum, et pour divers dlits contre les
biens (noxia). Par contre elle ne prvoyait pas une action noxale en matl-
327 .

re d'injurta, car c'est un dlit qui "respire la vengeance" : Valieni


juris, auteur d'une injuria, supportait sur son corps les effets de la ven-
geance : Il subissait ordnalrement un chtiment corporel, la peine des ver-
ges.

2 - CONDITIONS D'EXERCICE
DES ACTIONS NOXALES

Une action pnale ne peut tre exerce sous la forme noxale que si
les conditions suivantes sont runies :

1/ Il faut qu'il s'agisse d'un dlIt priv pour lequel le rgime de la noxa-
llt a t tabli en vertu des dispositions de la loi ou de l'dlt. Le
systme de la noxaIIt est compltement tranger la procdure criminel-
le, qui concerne les dlits publics. En ce qui concerne les dlits pri-
vs, le systme de la noxalit a fini par les concerner presque tous. A
l'poque classique l'action d'injures se donne noxaliter, quoiqu'en cet-
te matire subsiste encore une trace de l'ancienne conception : le chef
de famille peut viter l'action noxale en permettant la victime d'appli-
quer la "verbepatio" \ralieni juris.

2/ Il faut que la personne accuse d'tre l'auteur du dlit soit en puissan-


ce au moment du procs.

De quelle puissance s'agit-il ? -;Les textes sur les actions no-


xa les ne concernent que. les esclaves et les fils de famille. : Pour des
raisons de dcence, Il a sans doute paru impossible d'appliquer le sys-
tme de l'abandon noxal aux fi I les en puissance et aux femmes in manu.
D'autre part^ Il n'est pas certain que les actions noxales aient concer-
n les personnes "in mancipio".

- La situation de personne en puissance doit exister au moment


du procs. Si aprs avoir commis un dlit priv, l'esclave est affran-
chi, ou si le fils devient sui juvis (par dcs du pater ou par manci-
pation), II n'y a plus lieu l'action noxale : la victime Intente en
pareil cas l'action normalement prvue pour le dlit, contre le dlin-
quant lui-mme, celui-ci tant devenu capable de soutenir le procs et
de payer une poena.

3/ L'action noxale s'exerce contre le chef de famille qui dtient la puis-


sance sur le dlinquant au jour de la litis oontestatio.

C'est ce qu'exprime la rgle "noxa oaput sequiiur" : la respon-


sablllt du dlit suit le dlinquant.
. 328

Voici les consquences de cette rgle :

a) Le dlinquant change de mains (l'esclave est vendu, donn ou lgu; le


fils est donn en adoption) : l'action noxale s'Intente contre le nou-
veau matre, ou contre le pre adoptlf.

b) Le dlinquant est sut juris; aprs le dlit II se donne en adrogatlon :


la oapitie deminutio qu'il subit teint ses dettes contractuelles, mais
n'teint pas ses dettes dllctuelles : la victime peut encore agir,
mais sous forme noxale, contre 1'adrogant.

4/ La personne contre laquelle on exerce l'action doit non seulement avoir,


en droit, la puissance, mais avoir, en fait, le dlinquant en son pou-
voir : Il faut en effet qu'il puisse, s'il le dsire, procder l'aban-
don noxal. Il rsulte de ceci que le chef de famille peut empcher l'ac-
tion noxale de natre, en faisant spontanment abandon du coupable avant
la Htis oontestatio : cette "dereliotio" ne se confond pas avec l'aban-
don noxal proprement dit qui s'effectue aprs la condamnation.

5/ L'action noxale s'teint par la mort de I*alieni juris : la responsabi-


lit dllctuelle s'teint par le dcs du dlinquant.

L'action noxale s'teint galement si, aprs le dlit, le coupa-


ble s'est trouv un moment on la puissance de la victime (cette solution
tait d'ailleurs discute entre jurisconsultes).

6/ Il faut tenir compte enfin de l'Incidence que peut avoir sur l'action no-
xale la responsabilit personnelle du chef de famille.

D'aprs la Loi des XII Tables, en cas de vof commis a PTnstlga-


tlon du matre, par un esclave, la victime ne pouvait exercer que l'ac-
tion noxale : ce qui revient dire que je matre ne pouvait pas tre
considr comme complice, personnellement responsable : expos uniquement
l'action noxale, Il avait toujours la possibilit de se tirer d'affaire
en abandonnant l'esclave.

En matire de damnum, la loi Aquilia Introduisit une solution beau-


coup plus svre pour le chef de famille. Cette loi le rend personnelle-
ment responsable, comme auteur mme du dlit, des dommages qui sont cau-
ss par ses fils et ses esclaves, en sa prsence, sa connaissance et
sans qu'il les ait empchs. Cette responsabilit base sur la "soien-
tia", sur le simple fait de tolrer, est tout fait diffrente de la
complicit, car pour tre complice II ne suffit pas de laisser faire, il
faut aider.
329

introduite en matire de damnum, cette faon de voir s'est ten-


due tous les dlits pour lesquels l'poque classique, fonctionne la
noxalt : certaines de ces extensions sont d'ailleurs de basse-poque.

Les jurisconsultes se sont demands si cette culpabilit du ma-


tre n'innocentait pas l'esclave; quand l'action peut tre Intente con-
tre le matre, considr comme auteur du dlit, exlste-t-il encore une
action noxale, base sur la culpabilit de l'esclave ? - Julien fit triom-
pher la doctrine selon laquelle les deux actions sont possibles, mais la
victime a le choix entre les deux actions, sans pouvoir les cumuler (1).

3 - FONCTIONNEMENT ET EFFETS
DES ACTIONS NOXALES

L'action noxale est une forme particulire que peut prendre une
action pnale : la formule est rdige dans les termes prvus pour le dlit
envisag, mais avec deux modifications :

a) Dans I H n t e n t i o figure, comme tant le dlinquant, non pas le nom du ma-


tre (dfendeur), mais de \ralieni juris (auteur du dlit).

b) La aondemnatio est deux branches; si les faits sont constats, le juge


devra prononcer une condamnation qui laisse au dfendeur l'option entre
deux faons de s'acquitter : "aut l-itis aestnationem suffere aut noxae
dedere" (G. IV.75) : ou payer l'estimation pcuniaire, faite par le ju-
ge, ou procder l'abandon du coupable.

Est-ce une obligation alternative ? ou facultative ?

Nature de l'obligation :

On a beaucoup discut sur la nature de l'obligation que le rgime


de la noxalit met la charge du chef de famille.

Selon M. de Vsscher, cette obligation changerait de caractre,


selon le moment o l'on se place, entre le jour du dlit et la fin du pro-
cs.

- Tant qu'il n'y a pas de litis oontestatio, l'obligation du patev


a pour objet principal l'abandon du coupable; c'est pourquoi, si le coupa-
ble meurt, \pater est libr. Mais il peut spontanment payer la peine

(1) ALBANESE : "Sulla Resp. del dominus sciens" - B.I.D.R. 70, 1967, pp. 119-
186. - Il y eut divergence sur la notion de scientia : instigation par
les uns, simple "patientia" pour PAUL et ULPIEN (D_. 9.4.2 et *+).
. 330 .

pour n'avoir pas abandonner. Ce serait donc une obligation facultative,


ayant pour objet vritable l'abandon, mais comportant la facult de se li-
brer en payant une poena.

- Aprs la litis oontestatio, l'obligation devient, en vertu des


termes de la formule, une obligation alternative : si l'une des choses dues
prit, l'autre doit tre fournie : le dcs du coupable ne libre plus le
pater.

- Lorsque le jugement est rendu, l'objet d est la somme d'argent


porte dans la condamnation; mais le pater jouit de la facult de se lib-
rer en abandonnant le coupable : c'est une obligation facultative dont l'ar-
gent constitue l'objet vritable. Cette facult d'ailleurs cesse d'exister
si le pater, n'ayant ni pay ni abandonn, est poursuivi au moyen de V ao-
tio judicati : cette action en excution ne porte plus que sur la somme
d'argent porte dans la condamnation.

L'abandon noxal :
aaaca&BBnaitBBita

La particularit de tout le systme de la noxalIt, c'est l'abandon


noxal {noxae deditio) que le pater peut faire pour se librer. Ce n'est
pas un transfert de puissance, mais un abandon. Lorsqu'il s'agit d'un fils,
GaTus nous apprend que l'abandon se faisait au moyen de la mancipatlon, mais
qu'une seule mancipatlon suffisait teindre dfinitivement la puissance
du pater (contrairement la rgle ordinairement en usage, qui exigeait
trois mancpatlons pour teindre la puissance sur un fils).

S'il s'agit d'un esclave, l'abandon s'opre sans forme; c'est une
remise purement matriel le - qui ne transfre pas le dorninium - mais fait
dfinitivement chapper l'esclave la puissance de celui qui l'abandonne.

En cas de dcs du fils ou de l'esclave aprs la litis oontesta-


tio, le pre pouvait encore se librer valablement en faisant abandon du
cadavre, ou mme d'une simple partie du cadavre (des cheveux). Cette fa"
culte ne se retrouve pas dans I'action de pauperie; en cas de dommage cau-
s par un animal, le propritaire de l'animal ne peut viter de payer une
Indemnit, qu'en abandonnant l'animal vivant.

L'abandon d'un tre humain tait, dans l'esprit des Anciens, cho-
se trs grave, parce qu'ils attachaient une grosse Importance la spul-
ture donne aux morts. On conoit aussi que le chef de famille qui, dans
l'exercice de sa justice familiale, tuait le dlinquant, ait pu se lib-
rer envers la victime en abandonnant le cadavre.

Effet de l'abandon :
saanaBavaBnansasBa

: Quelle est la situation du dlinquant abandonn noxalement?


331

- Primitivement l'abandon plaait le coupable la merci de la


victime. Cependant la situation du fils abandonn n'tait pas perptuel-
le : lI se trouvait en effet chez la victime dans une situation compara-
ble celle d'un fils in manoipio; Il pouvait donc exiger son affranchis-
sement lorsqu'il avait dsintress la victime par le produit de scn tra-
vail : II devenait alors sui juris, car son pre n'avait plus aucun droit
sur lui.

4 - LES ACTIONS NOXALES


DANS LE DROIT DE JUSTIN!EN

Justlnlen apporta en cette matire les rformes suivantes :

1/ Les actions noxales ne concernent plus que les esclaves.

Les fils de famille ont en effet cette poque une capacit patrimonia-
le : s'ils commettent des dlits privs, Ils en rpondent sur leurs biens.

2/ L'abandon noxal a t modifi.

Pour viter les consquences pcuniaires des dlits commis par son escla-
ve, le matre peut procder l'abandon noxal; mais dans le droit de Jus-
tlnlen, cet abandon est devenu un vritable transfert de proprit : le
matre cde la victime les droits qu'il a sur l'esclave. :

3/ Justlnlen applique l'esclave les mesures qui, l'poque classique,


avalent t tablies en faveur du fils : au bout d'un certain temps pas-
s chez la victime, l'esclave peut exiger son affranchissement. Singu-
lire gnrosit ! En commettant un dlit, l'esclave se met en situation
d'obtenir la libert.

oi-ioo
o

TITRE QUATRIEME

VARIAE CAUS ARUM FIGURAE


(Sources diverses)
3 -s n a.a: a ssO s s a s H as e

CHAPITRE I : OBLIGATIONS QUASI-CONTRACTUELLES

Beaucoup d'obligations qui naissent de "sources diverses" produi-


sent des effets comparables ceux des obligations contractuelles.
332 .

SI l'on pousse plus loin la comparaison, on peut constater que


certaines de ces obligations ressemblent celles qui proviennent de con-
trats de droit strict et sont sanctionnes, comme le mutuwn, par une oon-
diotio; telle est l'obligation de restituer l'enrichissement Injuste.

D'autres, au contraire, se comportent comme les obligations qui


rsultent des contrats de bonne foi et sont sanctionnes par des actions
de bonne fol : l'obligation de restituer la dot, en vertu de l'action vei
uxoriae, alors mme qu'aucune convention dotole n'a t faite ce sujet;
obligation du tuteur envers son pupille, avec I'action tutelae; obligation
qui rsuite de la gestion d'affaires avec l'action negotiorum gestorwn.

SI l'on ose employer des expressions bien trangres au droit ro-


main classique, on peut dire qu'il y a des quasi-contrats de droit strict
et des qual-contrats de bonne fol.

Nous nous bornerons tudier : 1/ l'enrichissement Injuste (qua-


si-contrat de droit strict); 2/ la gestion d'affaires (quasi-contrat de
bonne fol).

SECTION I : L'ENRICHISSEMENT INJUSTE


ET LA CONDICTIO INDEBITI
sssBseanaasasnssaasBsana

L'obligation de restituer ce dont on s'est enrichi Injustement ne


dcoule ni d'un contrat ni d'un dlit : elle a pour source l'quit : "c'est
un principe naturel d'quit que personne ne doive s'enrichir au dtriment
d'autrul" (P0MP0N1US D. 12.6.14). :En droit romain, c'est au moyen d'une
oondictio, action du "Jus civile, que l'on contraint l'enrichi restituer.

A/ ORIGINES

La oondiatio n'a pas t cre spcialement pour cela : les lois


Silia et Calpuvnia avaient tabli la legis aatic per aondiotionem, non
pas pour sanctionner un principe d'qult, mais pour slmpiIfer la pro-
cdure lorsqu'il s'agissait de dettes ayant pour objet de l'argent ou un
corps certain. Le domaine d'application de cette nouvelle procdure d-
pendait de la nature de l'objet et non de la source de l'obligation.

Il en fut encore de mme, dans la procdure formulaire, en ce qui


concerne l'action de droit strict laquelle on donna le nom de aondio-
tio, parce qu'elle tait la transposition dans le systme formulaire de
la legis aotio per aondiotionem.

La date d'apparition de cette action de la loi n'est donc pas sus-


ceptible de nous renseigner sur l'origine de I'obligation de restituer
l'enrichissement Injuste.
333

D'aprs une doctrine (Girard) cette obligation aurait t recon-


nue assez tt par les jurisconsultes de l'poque rpublicaine. Un tex-
te du Digeste (12.5.6) dit en.effet : "Sabinus a toujours approuv l'opi-
nion des Veteves qui estimaient que ce qui est dtenu par quelqu'un en
vertu d'une cause Injuste peut lui tre rclam par eondictio".

Les Veteves auraient pos un principe gnral, dont les juriscon-


sultes de l'poque classique auraient ensutte dduit de nombreuses appli-
cations.

Mais c'est l faire dire au texte en question ce qu'il ne dit pas;


tout d'abord, ces "Veteres" ne sont pas aussi anciens qu'on le prtend :
les jurisconsultes que Sabinus dsigne de cette faon, ce sont ceux de la
fin de la Rpublique. De plus, ce n'est pas un principe gnral qu'ils
ont song formuler : ce qu'ils entendent par "dtenir ex injusta cau-
sa" se rapporte des situations voisines du vol, et leur but tait de
donner une plus large extension la eondictio fitiva qui existait dj.

En matire d'enrichissement Injuste, comme partout ailleurs, les


romains n'ont pas commenc par poser un principe gnral, pour en ddui-
re ensuite des applications : leur sens de l'quit les a conduits, sans
doute assez tt, mettre la charge de l'enrichi une obligation de res-
tituer, dans diffrents cas particuliers, o II aurait t choquant de
le laisser jouir de son enrichissement. Une action en restitution a pu
tre assez vite admise, dans le cas de l'Individu qui, ayant reu de l'ar-
gent en prt, ne restitue pas, action admise d'abord sans faire Intervenir
l'Ide que le mutuum est un contrat (ce qui ne fut reconnu que plus tard).
La eondictio furtiva, elle aussi, est assez ancienne : elle existait cer-
tainement I'poque des Veteres.

Pendant l'poque classique, les jurisconsultes ont multipli les


hypothses dans lesquelles II leur paraissait quitable d'accorder une
action en restitution; envisageant les choses de plus haut, Il leur ar-
rivait de formuler parfois des principes gnraux, comme le fit Pompo-
nlus (dans le texte signal au dbut de cette tude).

B/ OBSTACLES
QUE CETTE THEORIE RENCONTRA :

La thorie de l'enrichissement Injuste tait cependant loin d'avoir


atteint l'poque classique une porte gnrale : elle fut freine dans
son essor par les exigences techniques de la eondictio, exigences qu'on
n'avait sans doute pas aperues l'origine.

. Nemopctest aondicere factum :

Les seules obligations que cette action sanctionne sont celles dont
I'objet consiste "dore'rem" ou "dore oertam peauniam". Par cons-
quent, les seuls enrichissements Injustes qu'elle pourra atteindre sont
ceux qui proviennent d'une datio. Pour que l'on puisse employer la cen-
334

diotio, il faut qu'une chose corporelle ait t transfre en propri-


t entre les mains d'un "aaeipiehs", qui se trouva ainsi Injustement
enrichi su dtriment du "dans".

C'est toujours ainsi que les jurisconsultes envisagent les cho-


ses : et lorsqu'ils essayrent de classer les oondiotiones, c'est sur
une classification des "dationes" qu'i Is l'ont tablie : ils distin-
guent selon que la dati-o est faite "ob rem" (pour obtenir une contre-
prestation), ou bien "ob aausam", pour une cause qui peut tre "prae-
terita" (passe) ou "futura" (espre), "honesta" ou au contraire "in-
justa, turpis".

Le lien tabli entre la oondiatio et l'Ide de datio devait sin-


gulirement restreindre la porte du principe de l'enrichissement In-
juste : si l'enrichissement provient, non d'une datio, mais d'un faae-
re (service rendu, possession transfre, promesse par laquelle une
personne s'est rendue dbitrice), la oondiatio n'est plus d'aucun se-
cours; car nul ne peut "condicere faatum" : on ne peut pas demander
restitution d'un faaere.

Lai S oondiatio inaerti


Baaacssscs:
:

La jurisprudence classique est heureusement parvenue combler cet-


te lacune du systme au moyen d'une action qui porte dans la Compilation
de Justlnien le nom de oondiatio inaerti. Cette faon de dsigner cette
action n'est pas classique, mais nous pensons, avec M. Giffard, que ce
n'est pas une raison suffisante pour attribuer aux byzantins la cration
de ce recours. A partir du 11 s., il en est question'dans de nombreux
textes (JULIEN D. 12.6.33 : cf. VILLERS, Ml. Riccobono 11.278).

Cette action ne portait probablement aucun nom particulier l'po-


que classique. A la basse poque, la oondiatio tant devenue, par ex-
cellence, l'action qui sanctionne l'enrichissement Injuste, on trouva
tout naturel d'appeler cette action "oondiatio inaerti".

Mais l'poque classique, ce n'tait pas une oondiatio, et sa for-


mule tait mme trs diffrente de celle de la oondiatio.

La oondiatio est avant tout une actio oerta : or cette action ten-
dant faire restituer la valeur d'un faaere, avait pour objet un in-
certain. Comme dans la oondiatio, \Hntentio tait in jus (oportere),
mais inoerta. La oondiatio est "abstraite", sa formule Indique l'obli-
gation sans en mentionner la source : la formule de cette actio inaer-
ti, au contraire, devait comme celle de I'actio ex stipuatu inaerti,
commencer par des "praesoripta verba" en guise de demonstratio, pour
faire connatre les faits qui justifiaient I"obIIgatlon de restituer.
La condemnatio tait rdige avec indication d'un maximum (taxatio) - .
en'ce'sens VILLERS : Stu. Doc. 1937; SCHWARZ : "Die Grundlege der Condic-
tio", 1952. M. Viilers est d'avis que cette formule figurait dans l'Edlt
- cf. "Observations sur l'enrichissement Injuste Incertain", In Ml. DE
VISSCHER, III. 1950, pp. 459 sq.
335

Non contents de donner cette action incerta le nom de candie".


tio, les byzantins en distinguent plusieurs varits : si l'enrichis-
sement provient du fait qu'une personne s'est engage sans raison, cel-
le-ci dispose de la condictio cautionis (pour se faire restituer le
billet qui constate sa dette : cf. "Querela non numeratae peauniae")
et d'une condictio liberaticnis (pour exiger que le crancier renonce
sa crance et fesse une remise de dette). Il est aussi question d'une
condiatio possessionis en cas d'enrichissement provenant d'un transfert
de possession, d'une condiatio servitutis, au profit de celui qui n'a
pas retenu une servitude son profit, comme II aurait pu le faire en
alinant la proprit.

Negotium
7
contraction :
sa* s s B a s B s e a B R s a s s c

La thorie de l'enrichissement injuste rencontra un autre obsta-


cle, provenant de ses origines. La condictio avait d'abord t donne
dans des hypothses o des rapports de droit se trouvaient antrieure-
ment tablis entre les parties : elle suppose un "negotium contraction" :
une affaire conclue entre les parties.

C'est pour cette raison que la condictio n'a jamais t accorde


au possesseur de bonne fol pour se faire restituer ses Impenses; le
droit romain lui reconnat un droit de rtention; d'autre part, le ju-
ge tient compte des Impenses quand 11 calcule le montant de la condam-
nation pcuniaire : mais II n'est jamais question de donner la aondia-
tio au possesseur, pour rclamer remboursement des Impenses. C'est
qu'en effet, entre le propritaire et le possesseur de bonne fol, Il
n'existe aucun rapport de droit antrieur : au surplus, ce n'est pas
la suite d'une datio que le propritaire a acquis les amliorations
apportes au fonds par le possesseur.

11 existe cependant uno hypothse o la condictio fonctionne, bien


qu'il n'y ait pas de rapports juridiques antrieurs entre parttes : c'est
dans le cas de la condiatio furtiva : et aussi dans le cas voisin de la
condictio Intente par le propritaire contre le possesseur de mauvaise
fol relativement aux fruits perus "ex injusta causa percepti" avant la
litis contestatio. Les classiques justifient comme Ils le peuvent ces
entorses aux principes : mais l'origine ces difficults n'existaient
pas : la doctrine ancienne, encore soutenue par Sablnus, est d'avis que
la thorie de l'enrichissement Injuste joue dans tous les cas d'un "apud
aliquem esse", qu'il y ait ou non une datio.

C/ LES CONDICTIONES
DANS LA COMPILATION

Les byzantins, peut-tre sous l'Influence du christianisme, se


sont efforcs de donner le plus d'extension possible la thorie de l'en-
richissement Injuste.
. 336

Ils ont, d'autre part, essay de classer les diffrents cas dans
lesquels cette thorie trouvait s'appliquer; Ils ont donn des noms
particuliers la condatio suivant les catgories d'enrichissements en-
visages. Certains de ces noms talent sans doute dj en usage a l'po-
que classique; d'autres ont t imagins par les juristes de la basse po-
que.

Nous trouvons par consquent dans la Compilation de Justlnlen tou-


te une srie de oondiotiones en matire d'enrichissement Injuste. Leur
classement est assez flottant : la condiatio ob turpem oausam et la oon-
dictio ob injustam oausam confondues dans le Digeste, sont distinctes dans
le Code (D. 12.5; C. 4.7 et 4.9).

Un titre spcial du Digeste est consacr chacune des aondictio-


nes suivantes :

1) Condiatio causa data causa non secura, appele parfois "ob vem dati",
ou "ob oausam datorum" (D. 12.4).cf. "Contrats Inomms").

2) Condiatio ob turpem vel injustam oausam (. 12.5) (cf. "Cause dos obli-
gations").

3) Condiatio sine causa (p_. 12.7) (cas de datio faite en vue d'une cause
qui n'existe pas ou ne se ralise pas : dot constitue en vue d'un ma-
riage qui n'a pas Ieu).

4) Condiatio ex lege (D. 13.2) (cf. "Pactus legitimus")

5) Condiatio furtiva (. 13.1) (cf. "Furtum").

6) Condiatio indebiti (D. 12.6).

. LA CONDICTIO INDEBITI

Celui qui reoit en paiement ce qui ne lui est. pas d, est oblig
de restituer, car II s'est enrichi sans raison. L'obligation de restituer
l'Indu est sanctionne par une .action personnel le, la aondiotio indebiti.

1 - CONDITIONS DE SUCCES

1/ Il faut qu'il y ait eu paiement : prestation effectue en vue d'excuter


une obligation. Le paiement est le "negotium" qui explique pourquoi l'une
des parties a fait au profit de l'outre une datio.
. 337 .

2/ Il faut qu'il y ait paiement de I'Indu. Ce qui peut se produire de trois


faons :

a) L'obligation est nulle b initio :

L'obligation n'existe pas "jure oivili" (le contrat par exemple


est nul), ou bien on pouvait refuser d'excuter en opposant une excep-
tion premptolre et perptuelle (par exemple I'exceptio doli).

- Par contre celui qui paie une dette naturel le pale ce qu'il doit,
bien que le crancier ne puisse le contraindre. En droit romain on ne
peut pas revenir sur le paiement, mme fait par erreur, d'une dette na-
turelle ( la diffrence du C. Civil, 1235).

b
^ L'obligation est dj teinte :

L'obligation tait valabie, mais elle n'existait plus quand on a


fait le paiement; par exemple un hritier pale par erreur une dette
dont le dfunt s'tait dj acquitt de son vivant.

c) Le paiement est fait un autre que le vrai crancier, ou par quel-


qu'un qui n'est pas le dbiteur et qui a cru payer sa propre dette.

3/ 11 faut qu'il y ait erreur, la fots du solvene et de I'accipiene.

- SI le solvens sait qu'il pale l'Indu, Il fait une libralit et


on ne lui permet pas de reprendre ce qu'il a donn.

- SI I'accipiens sait qu'il reoit l'Indu, le droit romain le con-


sidre comme un voleur : ce n'est pas la oondiotio indebiti que l'on In-
tente contre lui, mais toutes les actions prvues en matire de furtum
(solution diffrente en droit franais o la restitution de l'Indu fonc-
tionne de faon simplement plus svre, lorsque I'aooipiens est de mau-
vaise fol).

4/ Il faut enfin que la dette ne soit pas de celles pour lesquelles la sanc-
tion est une action Iitlscrescence.

SI en effet la oondiotio indebiti avait pu fonctionner dans ces


hypothses, la rgle de la IItlscrescence aurait t facilement tourne :
au lieu de nier la dette et de risquer la peine du double, le dbiteur
n'aurait eu qu' payer, puis Intenter la oondiotio (ce qui est une faon
de nier la dette).
338 .

5/ Aucune condition de capacit n'est exige en la personne de 1}accipiens :


si un fou reoit l'Indu, il est oblig de restituer. Gaus nous fait sa-
voir que cette solution avait t discute, sans doute .cause du. rappro-
chement que l'on tait tent de faire avec la condictio qui sanctionnait
le mutuum.

2 - EFFETS .
DE LA CONDICTIO INDEBITI

- C'est une action in personam :

Celui qui a pay l'indu devient crancier (en vertu du principe de


.l'enrichissement injuste) envers I 'acoipiens. Le solvens ne peut pas reven-
diquer la chose qu'il a donne en paiement par erreur :.!,!. ne faut pas ou-
blier en effet que le paiement, mme fait par erreur, est une "justa.causa"
qui permet la,'tradition de sortir de tous ses effets et de- rendre par con-
squent I'acoipiens propritaire de la chose.
Le solvens, ayant cess dTtre propritaire, ne peut plus se pr-
senter que comme crancier envers I *acoipiens; c'est cette crance qu'il
fait valoir au moyen de la condictio indebiti.

Que peut-I obtenir ?


Celui qui a reu l'indu est oblig de restituer tout le montant de
son enrichissement - mais pas autre chose.
SI l'enrichissement correspond l'appauvrissement du solvens, ce
dernier obtient la valeur mme de la chose que le paiement a fait sortir de
son patrimoine.
Mais l'enrichissement de I'acoipiens peut dpasser l'appauvrisse-
ment du solvens : ce qui se produit quand depuis le paiement la chose s'est
accrue ou a donn des fruits. Le solvens obtient en ce cas la valeur, non
seulement de la chose, mais aussi des fruits et accroissements.
Par contre, si la chose a disparu, I'acoipiens - qui par hypoth-
se est toujours de bonne foi en droit romain - est tenu simplement de cder
au solvens, les dbris matriels ou juridiques de la chose : d'o les solu-
tions suivantes :

a) L'acoipiens a vendu la chose : le solvens n'obtiendra .ju'une somme gale


au prix que I'acoipiens a obtenu, mme si ce prix est trs Infrieur
la valeur vritable de la chose.

b) Vacoipiens a affranchi. I'esclave qu'il a reu titre de paiement. L'af-


franchissement est valable (car I'acoipiens tait devenu propritaire de
cet esclave) et le solvens pourra simplement exiger que les droits de pa-
tronat sur l'affranchi lui soient cds.
. 339

SECTION II : ^.GESTJQN^AFFA^RES

Lorsqu'une personne, de sa propre Initiative, administre les af-


faires d'une autre, sans que celle-ci le lui ait demand, de cette situation
naissent des obligations rciproques entre celui qui gre (gestor, grant)
et celui dont les biens sont grs (dominus, gr).
Ces obligations ne proviennent ni d'un dlit ni d'un contrat. Les
effets sont comparables ceux d'un mandat (GATUS : "Res. Cot.", D. 44.7.5
pr). La negotiorum gestio est en effet sanctionne par deux actions "nego-
tiorum gestorum", civiles et de bonne fol, l'une directa (que le gr exer-
ce contre, le grant pour lui demander des comptes), l'autre contraria (du
grant contre le gr pour lui demander remboursement des dpenses utiles),
de mme qu'*!stent au temps de Justlnlen, en matire de mandat, une action
directa et une action contraria. Mais, diffrence essentielle avec le man-
dat, tandis que celui-ci est un contrat rsultant de l'accord des parties,
dans la gestion d'affaires, le gestor Intervient de sa seule Initiative,
l'Insu du dominus; c'est souvent son absence qui a provoqu l'Intervention
du gestor (qui negotia absentis gessit); par exemple une personne prend en
mains les Intrts d'un ami parti en voyage - ou veille sur les biens d'une
succession en attendant que les hritiers se fassent connaftre.
Dans le droit de Justlnlen, la negotiorum gestio prend la physio-
nomie d'un quasi-contrat de bonne fol (Inst. 3.27) : mais c'est l'aboutis-
sement d'une longue histoire dont 11 est trs difficile de connatre les p-
ripties, Justlnlen ayant fait disparatre les traces de rgimes devenus sur-
anns.

1 - ORIGINE ET HISTOIRE
DE LA GESTION D'AFFAIRES

Les textes conservs par Justlnlen permettent de faire certaines


constatations :

- Il est d'abord certain qu'il y a eu en cette matire une Inter-


vention du prteur : l'dlt s'occupait de la gestion d'affaires propos et
la suite de la reprsentation en justice par un cognitor, un proaurator
ou un reprsentant des munlclpes. L'dlt prvoyait en plus de l'action cl-,
vile et de bonne fol une action prtorienne in factum.

- D'autre part la notion et le terme mme de negotiorum gestio


trouvent s'appliquer diverses situations en droit classique : 11 est
question de gestio non seulement quand une personne administre, de sa pro-
pre Initiative, le bien d'autrul, mais en bien d'autres cas : 1) Certaines
personnes sont lgalement charges de grer les affaires d'autrul : le tu-
teur Intervient par "gestio" quand II agit sans faire Intervenir son pupil-
le : les rapports entre le tuteur et le pupille sont rgls par l'action tu-
. 340 .

telae. Les divers curateurs Interviennent toujours par "gestio" : les rap-
ports avec les personnes dont ils grent les biens ne seront rgls par une
action spciale dite "aurationis" qu' une poque tardive; l'poque clas-
sique, on appliquait \}aatio negotiorum gestorum. - 2 ) . II y avait galement
gestion d'affaires dans le cas du proaurator auquel une personne a confi
I'administration de ses biens : c'est une situation contractuelle. La pro-
auratio est entre dans les cadres du mandat au plus tt la fin de l'po-
que classique (111 s.) : antrieurement elle appartenait au domaine de la
negotiorum gestio : Il reste peu de traces au Digeste de ce rgime tout a
fait diffrent de la conception byzantine qui fait de la gestion d'affaires
un quasi-contrat.

En partant de ces quelques fragiles donnes, des hypothses trs


contradictoires ont t soutenues. A quelle poque l'action negotiorum ges-
torum civile et de bonne fol a-t-elle fait son appartton ? - Elle n'existe
probablement pas encore l'poque de Q. Muelus Scaevola (dbut du 1 s. av.
J.C.) puisqu'elle ne figure pas dans sa liste des actions de bonne fol (CIG.
"De off." .3.17.70). Par contre II semble bien que CIcron la connaisse ("To-
piques" 17.66 et lettres "Ad Att. " 6.175). Certains auteurs prfrent voir
dans ces textes des allusions, .non une action de bonne fol, mais une for-
mule in faatum : cependant le rapprocuement ("Top." I.c.) que fait CIcron
entre cette action et les actions de socit et de mandat (qui sont de bon-
ne fol) - et l'emploi des mots "oporteat ex fide bona" {"Ad Att." I.c.) sem-
blent bien Indiquer qu'il s'agt c'une action de bonne fol. Mais lorsque
dans ces textes CIcron emploie les expressions "qui negotia alina curas-
set" ou "si ita negotium gestion est", pense-t-II une gestion entreprise
sans le consentement du dorninus, ou au contraire au cas du proaurator auquel
le dorninus a confi l'administration de ses biens ? - Cette dernire Inter-
prtation parat de beaucoup la plus vraisemblable, quand on constate que
Cicron cite la gestio cte de la socit et du mandat,1 qui supposent un
accord des parties. Dans un autre passage des "Topiques" (10.42) o II fait
allusion la mme action de bonne fol, Il en envisage l'exercice uniquement
contre le proaurator.

De son temps, les membres de l'aristocratie se dchargeaient volon-


tiers du souci d'administrer leurs biens en confiant la gestion de leur pa-
trimoine des proauratores dont c'tait le mtier. La proauratio tait
d'usage courant : Il est normal que la situation qui en dcoule ait t ju-
ridiquement prcise avec la cration de I'action' negotiorum gestorum, civi-
le et de bonne fol.

C'est en partant de cette Ide que I ' a o t i o negotiorum gestorum con-


cerne le proaurator, que Frese (1) a bti un systme audacieux. D'aprs cet
auteur, le droit classique, n'aurait parl de gestion d'affaires et n'aurait
connu d'action "negotiorum gestorum", que dans le cas du proaurator omnium
bonorum (procurateur charg de l'administration de tout l'ensemble d'un pa-
trimoine) : le droit classique aurait compltement Ignor la situation la-
quel le Justi nien donne le nom de "gestion d'affaires" et dont 11 fait un qua-
si-contrat.

(1) FRESE : Ml. Corail I, pp. 325 sq. - Stu. Bonfante IV pp. 398 sq.
Stu. Riccobono IV pp. 399 sq.
. 341

Cette doctrine n'a gure rencontr de partisans (1). Elle ne tient


pas compte du fait qu' l'poque classique, le mot proaurator peut dsigner
un administrateur gnral, mais aussi le proaurator ad litem, reprsentant
en justice, qui peut tre charg d'une affaire dtermine. Elle se heurte
surtout aux trs nombreux textes classiques qui parlent de gestion d'affai-
res dans des cas o la gestor .est Intervenu de sa seule Initiative.

L'histoire de la gestion d?affalres nous parat avoir t, dans


ses grandes lignes, peu prs la suivante :

1) Au 1 s. av. J.C., apparat une action civile et de bonne fol, aatio ne-
gotionan gestorum, qui concerne ie proaurator omnium bonorum, mais aussi
le proaurator ad litem (judiciaire). Clcron parle de l'exercice de cet-
te action contre le proaurator. Nous ignorons quel recours ce dernier
avait contre le dominus.

2) Le prteur, s'occupant de la reprsentation en justice, Introduisit dans


son dit une action in faatwt (2) pour le cas o le reprsentant n'a pas
de pouvoir certain, ou n'en a certainement pas : Ulplen commentant cet
dit (D. 3.5-1) le dclare bien ncessaire pour sauvegarder les Intrts
des absents. L'action in faatum tait accorde au dominus contre le re-
prsentant, mais aussi au reprsentant contre le dominus (. h.t-3.1).
Au-dessous de cette disposition, le prteur avait Insr la formule de
l'action civile et de bonne fol, qui Intressait non seulement le proou-
rator ad litem, mas aussi le proaurator qui gre le patrimoine d'autrui.

3) Les jurisconsultes classiques ont Honn un large domaine d'application


cette action de bonne foi : elle est employe non seulement dans le cas
du proaurator, mais dans toutes sortes d'hypothses o une personne gre
les affaires d'autrui, l'exclusion des cas: o l'on trouvait des actions
particulires (tutelle, mandat) ; par cette action on pourra demander des
comptes aux curateurs, ou ceux qui, de leur propre Initiative, ont gr
les affaires d'un absent (3). Il n'est pas certain que le gestor ait eu
l'poque classique une action de bonne fol pour rclamer remboursement
des dpenses : peut-tre n'avalt-I! que l'action in faatum, prtorienne,
employe en dehors de son domaine primitif, qui tait celui de la repr-
sentation judiciaire.

(1) Critique de MORELLI : "Die Gesahftafihrung ..." 1935. - cf. l'expos


trs clair d'ARANGIO-RUIZ : "Il Mandato" 1949, pp. 29-43.
(2) MAGDELAIN : "Actions civiles" - ne croit pas l'existence d'une action
in factum, ce qui parat difficile soutenir en prsence des commentai-
res de l'dit : cf. LENEL : "Edit" 35.
(3) La gestion d'affaires a mme trouv son emploi en matire d'indivision,
lorsque Vaatio aommuni dividundo paraissait difficilement convenir :
cf. SEILER : "Tatbestand der neg. gestio ..." 1968 et le c.r. GAUDEMET,
Index, 1970, p. 269.
. 342 .

4) A la basse-poque, le domaine de la gestion d'affaires s'est rtrci : en


sont exclus le procurator gnral en parti cul 1er, et tous ceux qui grent
le bien d'autrui parce qu'on le leur a demand : Ils sont.tous considrs
comme des mandataires : comme le dt GaTus ("Res Cot. " D. 44.7.5) : "SI
quelqu'un gre les affaires d'un absent, et s'il en a reu mandat, Il est
clair qu'il y a entr; eux un contrat et qu'ils pourront exercer l'action
mandati". La gestion d'affalres ne concernera donc plus que le gestor,
qui gre sous le consentement du dominus - on finira mme par dire " son
Insu" (etiam ignorantes : Inst. 3.27.1) : c'est un quasi-contrat.

Il profite de l'action negotiorum gestorum de bonne fol qui n'avait


pas t invente pour lui, complte d'une action contraria de bonne fol,
probablement Inconnue des classiques.

2 - ELEMENTS ESSENTIELS
DE LA GESTION D'AFFAIRES

Nous dcrivons Ici l'Institution telle que Justlnen la comprend,


c'est--dire comme quasi-contrat.

La gestion d'affaires suppose un acte - fait dans l'Intrt d'au-


trui - sans Intention librale - et sans avoir reu mandat.

1/ Un acte : juridique ou non (par exemple, rparer un Immeuble).

2/ Dans I'intrt du dominus ; celui qui agit; la fols dans son propre In-
trt et dans I'Intrt d'un co-proprltare, ou d'un co-hrltler, n'est
pas dans les cadres de la negotiorum gestio : les actions familiae ercis-
oundae ou communi dividundo rglent leurs rapports.

3/ Sans Intention librale : le gestor, quand il prend en.mains les intrts


d'autrui, dclt avoir l'Intention de rclamer les frais qu'il expose : si-
non. Il s'agirait d'une libralit.

4/ Sans le consentement du dominus : si le dominas donne son assentiment, ce


n'est plus une gestion d'affaires, mais un mandat (nous avons vu quMI en
a t autrement l'poque classique, avec le proourator).

SI au cours des oprations faites par le gestor le dominus manifes-


te sa volont, les effets de la gestion d'affaires s'en trouvent modifis :

a) SI le dominus ratifie, le gestor devient un mandataire, mais seulement


dans la mesure o cela peut lui profiter : Il peut demander le rembour-
sement des frais par l'action mandati contraria, plus avantageuse pour
lui que l'action negotiorum gestorum contraria. Par contre, le dominus
ne peut pas arguer de la ratification qu'il a faite pour exercer contre
le gestor l'action mandati, qui est infamante, alors que l'action nego-
tiorum gestorum directa ne l'est pas. Enfin, le dominus qui a ratifi
ne peut plus critiquer la gestion.
. 343 .

b) Si le dominus signifie au gestor l'ordre de cesser la gestion, ce dernier,


s'il continue grer, le fait ses risques et prils et n'a droit au-
cune Indemnit pour les frais qu'il expose.

Les effets considrables qui s'attachent la manifestation de vo-


lont du dominus n'ont pu se prciser qu' l'poque o la gestion d'affaires
a t confine dans un domaine non contractuel.

3 - EFFETS
DE LA WGOTIORUM GESTIO

La negotiorum gestio fait natre entre parties des obligations r-


ciproques :

A/ Obligations du gestor
I'gard du dominus :

a) Par le fait qu'il a pris l'initiative de grer, le gestor est oblig


de terminer les oprations qu'il a commences : Il est responsable du
dommage qu'il causerait au dominus en abandonnant la gestion.

b) II doit grer convenablement. A l'poque classique, Il rpond bien


entendu de son dol (actes malhonntes ou mal Intentionns), mais aus-
si de sa faute. Il est cet gard plus svrement trait que le man-
dataire (qui, l'poque classique, ne rpond que de son dol); cette
solution est quitable : le gestor a pris lui-mme l'initiative de g-
rer et le dominas ne l'a pas choisi. Dans le droit de Justlnlen, la
responsabilit du gestor s'est trouve aggrave, en mme temps que cel-
le du mandataire; le mandataire rpond, dans le droit de cette poque,
du dol et de la faute; le gestor rpond du dol, de la faute, et doit,
par ailleurs, faire preuve d'une "exaatissima diligentia" : on le tient
responsable des dommages qu'il a causs, s'il est prouv qu'un autre
aurait pu mieux administrer (Irst. Just. 3.27.1).

c) Lorsque la gestion est termine, le gestor doit rendre compte de son


administration, transfrer au dominus les droits et actions qu'il a ac-
quis pour son compte. Ces diffrentes obligations sont sanctionnes
par une action que peut exercer ie dominus : l'poque classique, M
a le choix, selon nous, entre l'action de gestion d'affaires (civile
et de bonne fol) et l'action prtorienne in faotum. Dans le droit de
Justlnlen, il n'est plus question que de l'action negotiorum gestovum
direota, civile, de bonne foi. Cette action n'est pas Infamante ( la
diffrence de l'action mandati).

d) A la diffrence du mandat, Ja gestio survit au dominus.


. 344

B/ Obligations du dominus
l'gard du gestor :

1) Le gestor a droit au remboursement des impenses utiles : l'utilit de


ces impenses s'apprcie en se plaant au jour o elles ont t faites.

Le gestor est moins bien trait que le mandataire : le mandataire


peut rclamer le remboursement de toutes les dpenses que ncessitait
l'excution du mandat, mme si ces dpenses n'ont produit aucun rsul-
tat avantageux. Cette diffrence est quitable : le mandataire a fait
des frais pour faire ce que le dominus lui a demand; le gestor au con-
traire, de sa propre autorit, a dcid de prendre des mesures coteu-
ses : le dominus n'en doit payer les frais que si sa situation s'en est
trouve amIi ore.

2) Le gestor peut exiger du dominus qu'il prenne sa charge les obliga-


tions qu'il a contractes de faon utile, pour son compte.

A l'poque classique, le gestor ne pouvait Intenter contre le do-


minus qu'une action in faction. Dans le droit de Justinlen existe son
profit une action negotiorum gestorum contraria civile et de bonne fol.

CHAPITRE II - LES OBLIGATIONS QUASI-DELICTUELLES

Cette catgorie d'obligations reste difficile dfinir. On est


assez tent d'attribuer une notion aussi mal venue, non GaTus, mais l'ai
teur tardif des "Res Cottidianae". Un passage de cet ouvrage, Insr au Di-
geste (D. 44.7-5.4 6), reproduit peu prs textuellement dans les Instl-
tutes de Justinlen (4.5 pr. 3), nous apprend'que dans, trois'groupes d'hy-
pothses, alors qu'il n'y a ni contrat ni dlit proprement parler, on se
trouve tenu comme s'il y avait un dlit :

1 - LISTE DES QUASI-DELITS

Les hypothses signales par ces textes sont les suivantes

M Le juge qui fait le procs sien :


("judex qui litem suam facit")
xxs BaBB3^BB3BttanaaaiaBBsaaBaesB

Cette expression, consacre en droit romain par un vieil usage, ne


fait pas tat des agissements rprhenslbles du juge, mais du rsultat de
ces agissements : le juge qui fait le procs sien, cela signifie : le ju-
ge qui se met un procs sur les bras parce qu'il a manqu ses devoirs.
. 345 .

C'est le cas du juge qui, sans excuse lgitime, ne vient pas si-
ger le jour convenu. C'est surtout le cas du juge qui rend un mauvais
jugement soit consciemment, soit par mprltle : c'est ce que certains
textes dsignent sous le nom d'"injuria gudicis". En vertu des disposi-
tions de l'dlt, le plaideur victime de l'Injustice du juge pouvait In-
tenter contre lui une action in faotum, tendant lui faire payer une
peine pcuniaire, estime en quit {in bonum et aequum), plus ou moins
forte selon que l'on reprochait au juge une Iniquit volontaire {dolo ma-
lo), ou une simple ngligence (oulpa).

2/ Les faits prvus par le prteur dans l'dlt "De effusis et dejeotis" et
dans l'dlt "De suspensis et positis" (deux rglements de voirie dicts
par le prteur).:

a) Le prteur s'tait occup de l'hypothse o des corps solides ou liqui-


des, en tombant d'une maison dans la rue, tuaient ou blessaient un hom-
me ou un animal (dt "De effusis et dejeotis"). .

SI un homme libre tait tu, une peine fixe de 50.000 sesterces


pouvait tre rclame, au moyen d'une action populatre, par le premier
venu qui voulait bien se charger du procs.:

SI un homme libre tait bless, si un esclave ou un animal talent


blesss ou tus. Il y avait une peine pcuniaire au double du prjudi-
ce : cette indemnit tait rclame par la victime du dommage, au mo-
yen d'une action prtorienne, in faction, in bonum et aequum oonoepta.

Ces actions taient donnes par le prteur contre la personne qui


habite l'Immeuble du haut duquel a t jet l'objet, sans s'occuper de
savoir si cette personne avait elle-mme jet l'objet.

b) Le prteur prvoyait une peine fixe de 10.000 sesterces contre celui


qui occupe une maison ou un appartement o sont poss ou suspendus
(dt "De positis et suspensis") des objets dans des conditions tel-
les qu'ils risquent de tomber sur les passants. Cette peine pouvait
tre rclame au moyen d'une action populaire, par le premier venu,
sans s'occuper de savoir si elle en tait propritaire, ni mme si el-
le l'habitait effectivement (ceci la diffrence de l'dlt prcdent
qui ne vise que I % habitator).

3/ Responsabilit particulire
des nautae. etc

Nous avons vu que les bateliers, les aubergistes, les loueurs d'cu-
ries, talent responsables contractuellement, en vertu du reoeptum, de la
disparition des choses apportes par leurs clients. D'autre part, ceux-ci,
. 346 .

en cas de vol ou de darnnum commis par des prposs, pouvaient selon les
rgles du droit commun, Intenter l'action fvti ou l'action legis Aqui-
liae contre les dlinquants : mas ceux-ci talent trop souvent Insolva-
bles. Le prteur prt une mesure trs avantageuse pour les clients : la
poena due en raison du dlit peut tre rclame au matre de l'tablisse-
ment, responsable du dlit, bien qu'il ne l'ait pas lui-mme commis, ni
comme auteur, ni mme comme complice : il rpond des dlits commis par
ses prposs, esclaves ou hommes libres.

4/ A ces tros hypothses il convient certainement d'en ajouter une quatrl-


: me, tout fait comparable ce lie de l'dlt de effusis et dejeatis :
c'est celle qui rsuite de l'dlt de fevis, Insr dans l'dt des di-
les curules. Ces magistrats avaient prvu l'hypothse de l'accident cau-
s dans la rue par une bte froce ou un chien : on pouvait rclamer de
celui qui avait laiss divaguer l'animal une peine de 200.-000 sesterces
en cas de mort d'un homme libre (action populaire), une peine arbitre
in bonum et aequian (comme en cas dHnjwra) s'il y avait blessures, et
une peine du double du prjudice en cas de dommage matriel.

2 - DEFINITION DU QUASI-DELIT

La liste des quasi-dlits est-elle beaucoup plus longue ? Quel-


les sont les situations qui peuvent entrer dans cette catgorie ? Tout d-
pend de la dfinition que l'on en donne.
v
Ce se des faits illicites : ils s'opposent en cela aux quasi-
contrats.

Mais il est bien difficile de trouver le critrium qui permette


de les distinguer des dlts privs.

Tre explIcation :

' Le droit romain englobe sous le nom de quasi-dlits des cas de


responsabilit pnale pour le fait d'autrui, ne reconnaissant une vri-
table obligation dlictuelle qu' la charge de ceux qui sont auteurs du
dlit.

Ce critrium peut rendre compte des hypothses 2, 3 et 4, mais


cesse d'tre exact quand il s'agit du "judex" qui a mal jug.

. 2me explIcation :

II n'y a dlit proprement parler que l:o l'on trouve une In-
tention mauvaise. Les faits que l'on punit alors qu'on ne reproche
leur auteur qu'une simple faute ne sont pas des dlits, mais des quasi-
d] Its.
. 347 .

- C'est bien ainsi que Justlnlen semble entendre les choses : dans
le cas du judex, dit-il, Il y a quasi-dlit parce qu'on le punit alors m-
me qu'on ne lui reproche qu'une "imppudentia". Et Justlnten s'efforce de
trouver une faute dans le cas des bateliers, aubergistes, etc. : Ils sont
fautifs d'avoir choisi de mauvais prposs (oulpa in eligendo).

C'est encore de cette faon que notre droit moderne oppose les
dlits aux quas-dlIts.

Mais cette conception, non seulement ne peut pas tre classique,


mais n'est pas mme conforme l'tat du droit au temps de Justlnlen : le
damnum est punissable alors que son auteur n'a commis qu'une simple faute
lgre; or Justlnlen n'a jamais song dire que le dlit de la loi Aqui-
liata]f un quasi-dlit !

3<ne expl Ication :

Le mofdeliatum ne s'employait l'poque classique que pour dsi-


gner les dlits prvus par le jus civile : les faits rprhenslbles punis
par le prteur n'talent pas proprement parler des dlits.

A l'appui de cette explication, on peut faire remarquer que tou-


tes les obligations quas-dlIctuelles que nous avons signales sont sanc-
tionnes par des actions prtoriennes ou dlIItfenhes.

Mais si cette explication tait exacte, tous les dlits prtoriens


seraient des quasi-dlits : or II n'y a pas un texte qui autorise une tel-
le extension. Pas un texte-ne permet de classer par exemple le dl ou la
rapina parmi les quas-dlIts.

Les actions prtoriennes que l'on rencontre en matire de quas-


dl Its prsentent certaines particularits : comme les actions pnales,
elles sont Intransmissibles passivement, mais elles ne se donnent pas no-
xalitev (sauf, semble-t-II, 1 % actio fuvti contre les nautae) - et pas da-
vantage de peculio.

Il est possible que GaTus, ds l'poque classique, att constat,


trs Innocemment, que pour certains dlits prtoriens, la sanction obis-
sait des rgles spciales. :

Les juristes de basse-poque, pour qui l'opposition entre dolus


et aulpa tait devenue la clef du droit, ont Introduit la notion de aulpa
comme critrium caractristique de cette catgorie de faits Illicites,
sans s'apercevoir qu'ils continuaient ranger parmi les vrais dlits des
faits du mme genre, comme le damnum.

La notion de quas-dlIt, telle qu'on la trouve dans la Compilation,


est imprcise et au surplus Inutile : en prenant la prcaution de signaler
que certains dlits prtoriens obissent des rgles particulires, on au-
rait trs bien pu se passer de cette catgorie mal venue des quasl-dltts (1).

(1) CHASTAIGNET : thse "La notion de quasi-dlit", Bordeaux 1927, pp. 9


99.
. 348 .

Il semble bien qu'il s'agisse d'une fausse fentre, construite pour porter
quatre le nombre des sources d'obligations. On remarque que Justlnlen a
tenu avoir quatre sortes de contrats, quatre contrats aonsensu, et II si-
gnale quatre quasi-contrats alors qu'il serait facile d'en trouver d'au-
tres (par exemple l'action prtorienne contre le publlcaln qui s'est empa-
r abusivement d'une chose d'un contribuable : D. 39.4.1 pr).

ooo
o
349

DEUXIEME PARTIE DU COURS

LES EFFETS DES OBLIGATIONS


m c E S =* :=:.-!=s p s : sa s ss e

000
L'obligation a pour effet de contraindre le dbiteur
fournir la prestation convenue. L'exercice de cette contrainte soulve de
nombreux problmes que nous grouperons sous deux titres : 1/ L'Inexcution
des obligations; II/ Personnes l'gard desquelles les obligations produi-
sent leurs effets.

TITRE PREMIER

L'INEXECUTION DES OBLIGATIONS


s-fc-a a a a s= = a ts s rs o =

CHAPITRE I - LES OBLIGATIONS NATURELLES


B s a a a a s a a B B S B B B s a a a a s B B B s s s a a a ss.tt n a f t a a a

SI le dbiteur n'excute pas, le crancier dispose d'une sanction :


l'action en justice. Il semble qu'on ne devrait pas porVoIr parler d'obliga-
tion l o cette contrainte fait dfaut. Le droit romain est cependant par-
venu admettre l'existence d'obligations dans des hypothses o le crancier
ne peut pas exiger l'excution par vole d'action : ce sont les obligations
naturelles.

Il est assez frquent de trouver chez les clvllistes modernes une


certaine hostl11t leur gard; le Code Civil allemand de 1900 n'en parle
plus. Notre Code Civil en tient compte (art. 1235) sans d'ailleurs les d-
finir, silence que l'on Interprte, comme un renvoi au droit romain.

En droit romain les obligations naturelles ont fini par occuper


une place Importante, beaucoup plus large que celle qu'elle peut avoir dans
nos lgislations modernes : le droit romain avait une technique bien ;plus
rigoureuse que la ntre et bien souvent les exigences de cette technique
aboutissaient priver de sanction des rapports de droit dont nos lgisla-
tions modernes n'hsitent pas reconnatre la pleine validit. Les Inca-
pacits talent en droit romain bien plus nombreuses que de nos jours : In-
. 350 .

capacit des esclaves, des personnes en puissance. La notion d'obligation


naturelle permit aux romains de donner un semblant de validit des obli-
gations que les rigueurs du droit privaient de sanction.

L'tude des obligations naturelles en droit romain a donn Iteu


une abondante littrature : les travaux les plus rcents marquent une r-
action contre les abus de la crlttque des textes : BURDESE : "La nozione
olassica di naturalis obligatio", 1956; C I . GAUDEMET : "Labeo", 1956, pp.
111 sq.; C I . J.P. LEVY : "Iura", 1956, pp. 176 sq.; L0NG0 : "Rioerahe sul-
l 'obbligazione naturale"3 1962; CORN I OLE Y : "Essai sur l'origine et l'volu-
tion de la notion de naturalis obligatio en droit romain", Genve 1964; DI-
DIER : "Evolution des notions de biens naturels ...", thse Paris 1967, four-
nit ta bibllographle.

1 - ORIGINE ET HISTOIRE
DES OBLIGATIONS NATURELLES

C'est une question trs discute : une chose est certaine, la no-
tion d'obligation naturelle tait Inconnue de l'ancien droit romain : l o
le crancier n'a pas d'action, il n'y a pas d'obligation : l'Ide qu'il puis-
se exister des obligations dmunies d'actions n'est apparue qu' une poque
plus ou moins tardive.

Dans la Compilation de Justinlen, elles occupent une place assez


Importante et s'Insrent dans la doctrine du droit naturel. A ct du droit
de cration humaine existe un droit qu'enseigne la nature : les obligations
naturelles sont celles que les rigueurs artificielles du droit privent de
sanction, mais qu'un sentiment d'quit naturel l nous Incite prendre en
considration. C'est une notion imprgne de considrations morales et qui
est susceptible de recevoir des applications multiples.

La jurisprudence classique avait-elle dj envisag les choses de


cette faon ? - Les spculations philosophlques:sur le droit naturel ne pa-
raissent pas avoir retenu l'attention des jurisconsultes : de sorte que beau-
coup d'auteurs modernes attribuent entirement au droit de la basse-poque
la thorie des obligations naturelles, et dclarent Interpols tous les tex-
tes o se rencontrent les expressions naturalis obligatio au natura dbers.
Cette faon de dnoncer des Interpolations en partant d'une Ide prconue
et en sol condamnable. Au surplus les Instltutes de Gaus (111.119 a) par-
lent expressment d'obligation naturelle propos de la dette contracte par
un esclave, et c'est un texte que les compilateurs n'ont pas pu Interpoler (1),

(1) Cf. BURDESE (op. cit.), la rfutation du systme de SIBER qui soutient
qu' l'poque classique ce qu'on appelle "obligations naturelles" sont
des obligations juris gentium (donc sanctionnes par des actions) et
considre comme interpols tous les textes qui parlent d'obligations
naturelles dpourvues d'action. Ce sont en ralit les byzantins qui
ont assimil les obligations naturelles aux obligations du jus gentium.
351

Les obligations des esclaves :

C'est dans le domaine particulier des obligations servi les que la


notion d'obligation naturelle a fait son apparition et nous pouvons mme
dterminer vers quelle poque la jurisprudence a commenc Remployer.
Les jurisconsultes ont eu donner leur opinion sur la situation suivan-
te : un matre affranchit son esclave par testament et lui lgue tout ce
qu'il lui doit d'aprs les comptes tenus en famille : "quod in tbulis
debeo". A l'poque de CIcron (5 s. av. J.C.) Servlus Sulpcus, consul-
t sur une affaire de ce genre, rpondit que le legs tait nul, faute d'ob-
jet, la dette du matre l'gard de son esclave n'ayant aucune existence
juridique. Javolenus (fin du l et dbut du ll s. ap. J . C ) , Interrog
sur la mme difficult, rpondit que le legs tait valable : on doit con-
sidrer, dlt-l, que l'Intention du testateur a t de lguer, non une
dette civile, mais "naturale delitum". La notion d'obligation naturel-
le est entre dans la jurisprudence entre Servlus, qui l'Ignore, et Javo-
lenus qui l'Invoque pour valider un legs de dettes (D. 35.1-40.3).

Elle a d'abord t admise pour donner certains effets, non pas aux
crances de l'esclave envers son matre, comme le fait Javolenus, mais aux
dettes contractes par des esclaves envers des extranei.

Ces dettes avalent t prises en considration par le prteur :


l'dlt permettait au crancier dans certains cas et dans une certaine me-
sure, d'exercer contre le matre une action prtorienne, notamment l'ac-
tion de peoulio-...(quand l'esclave avait un pcule). Tout en restant dans
le cadre que le-prteur avait envisag, les jurisconsultes sont alls
plus loin : Ils ont reconnu aux dettes de l'esclave une certaine exis-
tence, comme dettes "naturelles", l'gard de l'esclave lui-mme : con-
tre lui II n'y a aucune action possible, mais cette Ide va permettre
d'obtenir divers effets : validit de la fidejussio qui garantit ces det-
tes, refus de l'action en restitution de l'indu {soluti retentio) si el-
les ont t excutes. Telle est la doctrine qu'exprime Julien (D. 46.
1.163 et 4) : les compilateurs ont retouvh ce: texte, pour qu'il puis-
se concerner toutes les obligations naturelles en gnra I : mais Julien
n'avait parl en ralit que des dettes d'esclaves (reconstitution trs
vraisemblable de ce texte par Gradenwltz - contra, mais peu convainquant
Cornloley).

Que reprsentait-cette notion d'obligation naturelle pour Julien


ou pour GaTus ? - Ils ne font aucun rapprochement avec-la doctrine philo-
sophique du droit naturel : pour eux les mots natura, naturalis ont le sens
qu'on leur donne quand on parle de "natura rerum"; cela signifie : ce qui
est dans la nature des choses. Les obligations naturelles, ce sont des
obligations qui, en fait, prsentent tous les lments d'une source d'obli-
gation normalement reconnue par le droit : les esclaves ont contract des
dettes en se servant des contrats du droit romain. Dans certains cas le
prteur valide cette dette, en la personne du matre : les jurisconsultes
y volent une dette naturelle. Comme le dit Julien (texte ci-dessus), Il
existe, la charge des esclaves, une obligation naturelle, non seulement
quand une action prtorienne existe, de leur chef, contre le matre, mais
. 352 .

mme si elle ne produit d'autre effet que la soluti vetentio. L'obliga-


tion naturelle de l'esclave ne se caractrise donc pas par le dfaut d'ac-
tion : Il peut arriver qu'une action soit donne contre le matre.

Tel a t le point de dpart de la jurisprudence. Ce qu'on avait


admis dans le cas de l'esclave dbiteur d'un extraneus a t trs rapide-
ment tendu aux dettes et crances entre l'esclave et son matre (exten-
sion ralise ds avant Julien, par Javolenus, dans le cas du legs de det-
tes). Un peu plus tard, on valida, comme naturelles, les dettes et cran-
ces entre les membres d'un mme domus (entre frres : cf. la clbre loi
frater, d'Africain (disciple de Julien) :D. 12.6.38). L'extension aux
crances de l'esclave envers des extrane-fz d prsenter plus de diffi-
cults, la situation ne trouvant plus aucun support dans l'dlt, ni du
ct de l'action de peoulio, ni du ct de la retentio ex peoulio.

La notion d'obligation naturelle, chez les jurisconsultes du 1


s. et du dbut du 11, est un procd auquel Ils recourrent pour mettre
sur pied quelques solutions pratiques, dans le cercle des crances et des
dettes Intressant des alieni juris (esclaves et fils de famille).

Divers cas
de "soluti retentio" :
s a ts o B s= si s e s =3 a a a a m zs tz s

Sans parler d'obligations naturelles, les jurisconsultes ont cons-


tat que dans certaines hypothses o l'on ne pouvait pas contraindre le
dbiteur excuter, celui-ci ne pouvait pas revenir sur le paiement qu'il
faisait spontanment. Ce sont des cas o 11 y a "soluti retentio" *> le
crancier conserve ce qui a t pay. Snque ( "De beneficiis" 6.4.7)
fait allusion des situations de ce.genre : certaines choses, dlt-ll,
sont dues sans qu'on puisse les exiger (debentur sed non exiguntuv),

Le cas le plus typique est celui du fils de famille qui emprunte


contrairement aux dispositions du S.C. macdonien : le crancier ne peut
pas le contraindre rembourser, car, l'action du crancier, le fils de
famille peut opposer l'exception tire du snatus-consulte. Mais si le
fils de famille pale, aucun recours ne lulest donn pour revenir sur ce
paiement : la oondiotio indebiti lui est refuse. Pour Justifier cette
solution, les classtques ne faisaient pas Intervenir l'Ide d'obligation
naturelle : la solution leur paraissait simplement rsulter de l'esprit
du snatus-consulte, qui entendait punir les usuriers sans vouloir cepen-
dant favoriser les fils ce famille (ULP. : 14.6.9.4) : les fils de famil-
le sont librs "ob poencan oreditorum", mats "non ... exonevave QOS lex
voluit". .

L'obligation des pupilles


'Beasssaeon

Les jurisconsultes classiques ont-Ils trouv d'autres applications


de la notion d'obligations naturelles ? - La question se pose notamment
pour les dettes contractes par un pupille sans I'auctoritas de son tuteur.
. 353 .

Gaus (111.119.176) les considre comme nulles;: deux textes du Digeste


prcisent qu'elles n constituent mme pas des obligations naturelles (1).
Par contre plusieurs autres textes affirment que ce;sont des obligations
naturelles (2). Pour compliquer encore le problme, UlpIen(D. 26.8.5 pr)
nous apprend qu'en vertu d'un rcrit d'Antonln le Pieux le pupille pouvait
tre poursuivi en justice et contraint de payer la dette jusqu' concur-
rence de son enrichissement, et Ulplen qualifie d'obligation naturelle
cette dette dont on peut exiger l'excution.

De nombreux systmes ont t imagins pour essayer d'expliquer ces


embarrassantes contradictions, en suspectant d'Interpolation quantit de
textes (3). Mais de quel ct se trouvent-elles ? doit-on dclarer in-
terpols les textes qui nient l'existence d'une obligation naturelle (Bur-
dese) ou au contraire ceux qui l'affirment (majorit des auteurs) ?

- Il est probablement vain de vouloir mettre, cote que cote,


les textes d'accord entre eux, pour arriver une solution uniforme, di-
te classique : sans nier la possibilit d'interpolations, il faut envisa-
ger aussi celle d'une volution de la jurisprudence et plus encore celle
d'une divergence d'opinions entre les jurisconsultes. Si nous admettons
que certains d'entre eux ont parl propos du pupille, d'une obligation
naturelle, nous devons alors admettre aussi qu'ils se faisaient de cette
notion une Ide bien diffrente de celle que nous avons trouve l'ori-
gine, chez Julien par exemple : I'obIigation naturel le du pupille se fon-
de sur une Ide d'quit naturelle, c'est un "vinculurn aequitatis", comme
le dit Paplnlen (D. 46.3-95.4).

Droit de la basse-poque : '

.1/ Cette conception qui parat dj accueillie par quelques classiques,


finira par triompher : dans le droit de. la basse-poque, les obliga-
tions naturelles se rattachent au jus naturale, le droit naturel que
Justlnlen considre comme une source du droit, qui s'oppose au jus ci-
vile (pris dans le sens de droit positif, civil ou prtorien) : D. 1.
1.1.2 et I.J. : 1.2 pr).

(1) NEFUTIUS (contemporain de JULIEN) : D. 12.6.1+1 (stipulation); LICINNIUS


RUFUS (contemporain de PAUL) : D. 44.7.58 (mutuum).
(2) En tout sept textes : par ordre chronologique : POMPONIUS, p_. 12,4-42 pr
(fidjusseur tenu); MECIEN, D. 36.1.66 (soluti retentio); PAPINIEN, D.
36.2-25.1 et 46.3-95.4 (fidjusseur); PAUL, D. 35.2.21. pr (soluti re-
tentio) ; ULPIEN, D. 26.8.5 pr (rescrit d'Antonin); ULPIEN D. 46.2.1 pr
(novtion).
(3) DIDIER, th. p. 5 "n. 2, fournit le tableau de ces doctrines divergentes.
Ajoutons : THOMAS : "Naturalis obligatio pupilli" in "Festgabe von Lb-
tow", Berlin 1970, pp. 457 sq.
. 354

2/ Fonde sur le droit naturel, cette notion devint susceptible de rece-


voir de nombreuses applications : per l'Interpolation, on l'Invoque
pour justifier la soluti retentio admise l'poque classique dans cer-
tains cas.

3/ Des cas d'obligations naturelles Inconnus des classiques sont Intro-


duits dans les textes.

4/ Divers devoirs moraux sont rigs en obligations naturelles.

f>/ Les compilateurs se sont efforcs de construire un systme cohrent :


l'poque classique, les obligations naturelles produisent des effets
variables selon les cas. Dans le droit de Justlnlen, elles produisent
toutes peu prs les mmes effets, assez tendus et dont le plus ca-
ractristique est de pouvoir donner lieu un paiement valable {soluti
retentio).

2 - LES PRINCIPAUX CAS


D'OBLIGATIONS NATURELLES

A l'poque classique, les obligations naturelles ne dcoulent pas


de sources particulires : les mmes actes juridiques, les mmes faits peu-
vent, selon les circonstances, produire une obligation civile ou une obli-
gation simplement naturelle. Une obligation peut tre naturel le pour des
raisons qui se manifestent au moment de sa naissance; d'autre part, une obli-
gation qui a d'abord t civile peut devenir naturelle par suite d'vnements
qui la privent de sa sanction. Enfin au Bas-Empire, certains devoirs moraux
furent rigs en obligations naturelles.

A/ Obligations naturelles "ah initio"


(obligations mal nes) :3 9 ! S D C S B B 3 = B

D'abord parce que le dbiteur est un Incapable.

1) Obligations contractes par l'esclave son profit, en vertu de con-


trats ou de quasi-contrats entre l'esclave et des tiers, entre l'es-
clave et son propre maire, ou des personnes de la mme domus que lui.

L'esclave, devenu libre par l'affranchissement, fait un paiement


valable, s'il excute les obligations qu'il a contractes au temps de
son esclavage.

Il n'est pas question d'obligation naturelle, mais bien d'une obli-


gation civile, lorsqu'un esclave commet un dlIt : l'action noxale exls-
. 355

te contre son matre, et s'il est affranchi, l'action pnale ordinai-


re peut tre Intente contre lui. Ex.fste-t-11 une obligation naturel-
le au profit de l'esclave victime d'un dlit ? - Le droit de la basse
poque l'admet (dans le cas Hnjuria faite un esclave), mais cette
solution ne parat pas tre classique.

2) Obligations contractes entre des personnes soumises la mme pulssan-


ce paternelle : par exemple entre frres.

3) Mutuum contract par un fils de famille contrairement au S.C. macdo-


nien : considr comme un cas d'obligation naturelle par les Compila-
teurs.

4) Obligation contracte par un pupille sans I ' a u e t o r i t a s de son tuteur.


Les textes conservs au Digeste se contredisent : la solution adopte
par Jes compilateurs parat tre celle-ci : le pupille peut tre pour-
suivi en excution de sa dette jusqu' concurrence de son enrichisse-
ment (p_. 26.8.5 pr) : pour le surplus, 11 n'existe sa charge qu'une
obligation naturelle, signale par plusieurs textes et par la Paraphra-
se des Instltutes (Thophile d. Ferrnl 346).

Le Digeste admet la validit du cautionnement qui garantit les obli-


gations contractes par un fou ou un prodigue (p_. 46.1.25 itp.). Le
. cas.de la femme majeure et sui juvis qui contracte sans son tuteur a
disparu au Bas-Empire, avec la turelle des femmes.

5) Les actes nuls pour.vice de forme peuvent-ils faire natre une obliga-
tion naturel le ?

- Tout contrat nul pour vice de form contient un accord de volon-


t : II peut valoir comme pacte nu. Le pacte nu ne fait natre aucune
action, mais en rsulte-t-il au moins une obligation naturelle ? - Nos
vieux commentateurs l'admettaient volontiers. En ralit cette solu-
tion ne figure pas dans la Compilation, sauf dans quelques cas parti-
culiers : ainsi dans le droit de Justlnlen, le pacte d'Intrt joint
au mutuum produit une obligation naturelle, et peut ainsi servir de
soutien aux garanties offertes par le dbiteur (D_. 46.3.5.2). Par con-
tre, la stipulation nulle pour vice de forme (quand par exemple le d-
biteur rpond par un signe de tte) ne produit pas mme une obligation
naturelle, encore au temps de Justlnlen (45.1-1.2). Le pacte de liber-
t par lequel un esclave promet une somme d'argent son matre pour
obtenir la libert peut faire l'objet d'une expvomissio (D. 16.1-13 pr).

B/ Obligations qui deviennent naturelles


(obligations dgnres)
i&assaassBsnaati

1) La aapitis deminutio du dbiteur, s'il s'agit de dettes contractuelles,


libre le dbiteur jure aivili, mais laisse subsister une obligation
. 356 .

naturelle (au moins dans le droit de Justlnlen : 4.5.2.2 tp) - dis-


tincte de l'obligation que le droit prtorien met la charge de ce-
lui qui recueille le patrimoine du aapite minutus.

2) Le mineur de 25 ans qui a obtenu la restitutio in integrum reste enco-


re tenu d'une obligation naturelle.

3) Par contre la litis aontestatio, le jugement Inique d'absolution, la


prescription, qui enlvent au crancier le droit d'agir, ne lui lais-
sent l'poque classique, pas mme une crance naturelle. Il en est
encore de mme dans le droit de Justlnlen, sauf dans le cas du juge-
ment Inique d'absolution : le dbiteur peut encore en ce cas faire un
paiement valable (D. 12.6-60).

C/ L'accompl Is-s^ment de certains devoirs moraux


ou d'affection,-
a s a a a a s B c s a s s c j i a a s a c s s e Q ta a as a a

bass sur l'Ide-de ftpietas" (reconnaissance) est considre, dans


le droit de Justinlen, comme l'excution d'obligations naturelles.

C'est par exemple une personne qui fournit des aliments un pa-
rent envers lequel elle n'est astreinte aucune obligation alimentaire
(D. 3.5.33), c'est aussi le cas de la mre qui dote sa fille (D. 12.6.32.
3) ou du donataire qui, par reconnaissance, rend des services son dona-
teur (C. 8.55.10 pr de 530).

Ces solutions sont byzantines : Il semble, par contre que,, ds l'po-


que classique, on ait vu une obligation naturelle dans le cas de l'affran-
chi qui, sans les avoir promises son patron, excute son profit des
journes de travail (operae).

3 - EFFET DES OBLIGATIONS NATURELLES

1/ L'obligation naturelle peut donner lieu un paiement valable : si le d-


biteur pale, Il pale ce qu'il doit et ne peut pas demander restitution :
la oondiotio indsbiti lui est refuse, mme s'il a pay par erreur, se
croyant tenu d'une obligation civile. Il Importe de remarquer qu'il en
est autrement en droit franais (art. 1235 C.C.) : "La rptition n'est
pas admise l'gard des obligations naturelles qui ont t volontaire-
ment acquittes". Actuellement, l'obligation naturelle ne produit d'ef-
fets que par la volont du dbiteur qui, en connaissance de cause, la re-
connat. Cette solution rapproche les obligations naturelles des obliga-
tions annulables, et leur enlve beaucoup de leur Intrt pratique : elle
provient de Pothler et manifeste bien la tendance moderne restreindre
l'Importance des obligations naturelles.
357 .

2/ L'obligation naturelle peut tre valablement garantie par des cautions


ou des srets relles : la garantie peut avoir une efficacit civile,
donner lieu des actions.

3/ L'obligation naturel le peut faire l'objet d'un pacte de constltut d'o


natra l'action: Te pe?tria ar.nstituta : solution Introduite au Digeste
par Interpolation.

4/ L'obligation naturelle peut faire l'objet d'une novatlon : on peut trans-


former une obligation naturelle en obligation civile au moyen d'une sti-
pulation novato.ire.

5/ L'obligation naturelle peut-elle tre oppose en compensation ? - Ce se-


rait une faon dtourne d'obtenir, l'excution force d'une obligation
naturelle. Notre droit moderne, pour la compensation, exige que la det-
te soit exigible (art. 1291 C.C.), ce qui exclut les obligations naturel-
les. En droit romain, la question est trs discute. Un texte d'Ulplen
admet la possibilit d'opposer une obligation naturelle en compensation
(jD. 16,2.6). Mais ce texte provient d'un dveloppement relatif la so-
cit : Ulplen s'occupait sans doute d'un cas particulier, comparable
celui qui est tudi par Paul (ht. 9 pr) : Ulplen parlait probablement
d'une socit forme avec un esclave; et l'on conoit qu'entre associs
la compensation doive toujours s'oprer, mme si l'un des associs est
esclave. . Justlnlen a-t-II voulu donner cette solution particulire une
porte gnrale ? - La faon dont le texte d'Ulplen est cit au Digeste
semble assez l'Indiquer. Mais II peut paratre Incroyable que Justlnlen
ait reconnu un tel effet toutes les obligations naturelles.

CHAFITRE 11 : LA FRAUDE A L'EGARD DES CREANCIERS

(LA FRAUS CREDITORUM ET L'ACTION PAULIENNE)

Raison d'tre
de cette Institution :
saaaasaaaBaassaasaaas

SI nous mettons part le cas trs spcial des obligations naturel-


les, le crancier, en cas d'Inexcution, exerce une action en justice : cet-
te action lui procure une somme d'argent. A l'poque ancienne, le dbiteur
qui ne payait pas la somme laquelle II avait t condamn s'exposait su-
bir les rigueurs de la manu injectio judioati. Cette procdure nergique
358

tomba en dsutude .: l'excution des jugements, l'poque classique, tait


assure par une contrainte par corps, moins svre que la mccnus injectio
et surtout par une procdure d'excution sur les biens : la venditio bono-
rum.

Avec la venditio bonorum ce n'est plus le corps, mas le patrimoi-


ne du dbiteur qui rpond de la dette : I'efficacit de cette procdure
dpend de la consistance du patrimoine que l'on saist. On conoit ds
lors tout l'Intrt que prsente pour les cranciers la conservation des
biens dans le patrimoine du dbiteur.

Or, partir du moment o le dbiteur Insolvable n'a plus crain-


dre de mauvais traitements, la tentation devient grande pour lui de vider
son patrimoine de toute sa substance, quand II sait que d'un moment l'au-
tre les cranciers vont le saisir. Le dbiteur, qui se sait en dessous de
ses affaires, peut tre tent de prfrer ses amis ses cranciers : Il
se met faire des cadeaux Importants. Ou bien II vend ses biens vil prix
pour se procurer de l'argent liquide; Il nourrit l'espoir chimrique de r-
tablir sa situation en aventurant cet argent dans quelqu'opraton scabreu-
se, ou plus simplement, 11 dsire mener quelque temps encore une vie large,
avant d'tre tout fait ruin.

En principe, le dbiteur est libre de faire sur son patrimoine tous


les actes juridiques qu'il veut; le fait d'tre dbiteur n'entrane aucune
tncapaclt patrimoniale : les cranciers fon+ confiance leur dbiteur et
doivent supporter les consquences des actes juridiques qu'il accomplt sur
ses biens. Mais 11 serait Inadmissible que le dbiteur puisse abuser de la
libert d'action dont II jouit pour accomplir, en connaissance de cause,
des actes d'appauvrissement qui frustrent ses cranciers. Lorsqu'il y a
fraude l'gard des cranciers - fraus oreditorum - le droit vient leur
secours en leur permettant d'attaquer les actes qui leur nuisent.

Le mot fraus prsente bien des sens : dans les textes les plus an-
ciens, fraus signifie dommage-peine {fraus capitalis = peine de mort),, puis
par une mtonymie frquente, Il prit le sens de dlit entranant une peine.
A l'poque classique on l'emploie pour dsigner une sorte de dol (fraus le-
gis = faon de tourner la loi tout en respectant la lettre). Dans l'dlt
du prteur nous trouvons deux dispositions qui concernent, sous le nom de
fraus, des actes accomplis en vue de frustrer certaines personnes de droits
qu'elles auront ventuellement exercer : le prteur prvoyait la fraus
oreditorum, mais aussi la fraus patroni. Cette dernire concerne l'hypo-
thse de l'affranchi qui dispose frauduleusement de ses biens pour rendre
Illusoires les droits de son patron sur sa succession.

La fraus patroni - Institution qui se rattache une organisation


sociale propre aux romains - ne prsente qu'un Intrt historique. La
fraus oreditorum au contraire est ur Institution qui, aprs une longue
clipse, est passe du droit romain en droit moderne.

Dans notre ancien droit, tout crancier muni d'un titre excutoire,
notari, bnficiait d'une hypothque lgale : ayant ainsi un droit de sui-
te, la plupart des cranciers n'avalent pas besoin de demander la rvoca-
359 .

tlon des alinations frauduleuses d'Immeubles. Or c'taient l les cas


les plus Importants de fraude : c'est pourquoi on ne trouve pas chez Po-
thler de dveloppements relatifs la fraude l'gard des cranciers.

Mais l'hypothque gnrale qui s'attachait autrefois aux actes no-


taris ayant t supprime sous la Rvolution, la question reprit toute
son Importance : le Code Civil trouva bon de faire revivre l'Institution
romaine et l'action en rvocation prvue par l'art. 1167 du C.C. porte en-
core actuellement le nom d'action Paullenne, nom sous lequel cette action
est dsigne au Digeste.

1 - ORIGINE ET HISTOIRE DES MESURES


RELATIVES A LA FRAUS CREDITORUM

. Origine :

Le prteur, aprs avoir cr la procdure de la Venditio bonorvm


(au plus tard en 118 av. J.C.), ne tarda pas constater qu'il tait n-
cessaire de complter cette Institution en prvoyant en faveur des cran-
clers des mesures susceptibles de les protger contre les actes fraudu-
leux. Des mesures prtoriennes concernant la fraus areditorum existaient
dj l'poque de CIcron {"Ad Atticum" 6.4.4).

Quel les talent ces mesures ?

Le Digeste ne fait pas connatre


l'tat du droit classique :

Dans la Compilation de Justlnlen, Il n'est question que d'une ac-


tion, dite Paullenne, que les cranciers peuvent exercer pour obtenir la
rvocation des actes frauduleux accomplIs par le dbiteur.

Mais si l'on examine les textes du Digeste sur la matire, on peut


constater qu'ils proviennent de commentaires composs par les jurisconsul-
tes sur l'Edlt Perptuel; ces textes proviennent de commentaires sur les
dispositions de l'dlt relatives soit aux Interdits, soit aux vestitutio-
nes in integrum.

En matire de fraus areditorum ]\ y avait donc l'poque classi-


que un Interdit fraudutolre, une restitutio in integrum ob fraudem, peut-
tre mme une exception de fraude. Enfin, si l'on en crot les textes du
Digeste, Il y aurait eu, pour complter cet difice compliqu, une action
rvocatolre.

Il est vident qu'en cette matire, les compilateurs ont apport


de graves modifications : Ils ont fait disparatre l'Interdit et la res-
360 .

titutio in integrum, Interpolant les textes qui en parlaient, de faon


les faire passer au compte de l'action rvocatalre, devenue au temps de
Justlnlen le seul recours offert aux cranciers.

Quel tait l'poque classique le rle respectif des diffrentes


voles de droit prvues par le prteur en cette matire ? Les textes qui
pourraient nous renseigner sont tellement Interpols qu'il est difficile
- Cuq dit mf^e Impossible - de reconstituer l'tat du droit classique.

. Hypothse de Girard :

Selon Girard, le prteur aurait pris en matire de fraus oredito-


rum des mesures comparables celles qu'il avait Introduites en matire
de dol et de violence : la fraus oreditorum serait un dIlt prtorien, pu-
ni par le prteur au moyen d'une action in faetum, pnale : l'action Pau-
llenne. Cette action, comme l'action metus, permettait d'atteindre non
seulement l'auteur du dlit, mais ceux qui en avalent profit; comme l'ac-
tion de dol, elle tait au simple du prjudice; comme les actions de dol
et de violence, elle tait arbitraire; elle permettait ainsi d'obtenir
restitution des choses alines frauduleusement. Pour complter cette
mesure, le prteur aurait ajout Ici, comme en matire de dol et de vio-
lence, des "moyens auxiliaires" de moindre Importance : une exception et
une restitutio in integrum et mme un Interdt que l'on ne rencontre pas
en matire de dol et de violence.

Cette hypothse a conduit beaucoup d'auteurs (Girard, Cuq) pla-


cer dans leurs manuels l'tude de la fraus oreditorum la suite de la
violence et du dol, dans les dveloppements consacrs aux dlits prto-
riens.

Or II n'est pas prouv que la fraus ait t considre comme un


dlit, donnant lieu une action pnale. . Girard faisait grand cas d'un
argument tir du caractre pnal des actions Fabienne et Cal visionne que
l'on rencontre en matire de fraus patrcni - question symtrique de cel-
le de la fraus oreditorum. Mais le caractre pnal de ces questions res-
te discutable (1). D'aprs les textes du Digeste, !'action Paullenne n'a
certes pas un caractre pnal; elle est transmsslble contre les hritiers
et se donne, non pas noxaliter, mais de peoulio, contre le , quand
l'acte frauduleux est accompli par son fils (D. 42.8.12).

Hypothse de Solazzl :
r
sa* ssssaacessccaascsa

Les patientes recherches entreprises par Solazzl (de 1904 1934)


ont compltement renouvel la question.

(1) Dans les fragments de PAUL, dits "de formula Fabiana" (Textes Girard, p.
458, les mots "noxales sunt" que l'on peut lire aprs un passage mutil,
ne concernent pas ncessairement les actions Fabienne et Calvisienne.
361

D'aprs cet auteur, Il n'y avait pas I'poque classique d'ac-


tion in faotum prtorienne en matire de fraus oreditorum; l'action r-
vocatolre que l'on trouve au Digeste a t entirement cre par les com-
pilateurs en fusionnant les deux seuls moyens que connaissaient les ju-
risconsultes classiques : la restitutio in integrum et l'Interdit.

La restitutio in integrum ob fraudent, loin d'avoir un caractre


accessoire et secondaire, tait en ralit le moyen le plus ordinairement
employ et 11 existait un lien troit entre cette vole de droit et la pro-
cdure de venditio bonorum.
Au dbut de cette procdure, le magistrat rend un dcret de "nrs-
eio in bona", la sut te duquel les biens du dbiteur sont confis un
administrateur provisoire, le aurator bonorum. Il tait charg de veil-
ler la conservation du patrimoine du dbiteur, et par consquent de
faire rentrer dans ce patrimoine les biens qui n'auraient pas d en sor-
tir. C'est lui qui, dans l'Intrt collectif des cranciers, demandait
la restitutio in integrum, c'est--dire la rescision des actes fraudu-
leux.

Il Importe de rappeler Ici que la procdure en matire de resti-


tutio in integrum comportait deux phases : l'une au rescindant, l'autre
au resclsolre. Il y avait d'abord un procs, port devant le magistrat,
pour obtenir de lui un dcret de restitution. A la suite de ce dcret,
l'acte attaqu tait considr, jure praetorio, comme n'ayant pas eu lieu :
si par exemple II s'agit d'une alination, la chose est cense n'avoir pas
t alJne.

Puis 11 fallait tirer les consquences de cette dcision de prin-


cipe et cela pouvait donner lieu un second procs. SI par exemple l'ac-
qureur refusait de restituer la chose la personne qui avait obtenu le
dcret de restitution, celle-ci exerait l'action en revendication dans
laquelle le juge tait Invite apprcier ses droits comme si l'alina-
tion sujette rescision n'avait pas eu lieu.

Dans le cas de fraude aux cranciers les choses se passaient ain-


si. Le aurator bonorum se contentait d'obtenir le dcret de restitution.
Cette dcision de principe permettait de faire figurer dans l'Inventaire
des biens du dbiteur les choses dont l'alination tait rescinde. Il
appartenait ensuite au bonorum emptor de tirer les conclusions pratiques
du dcret de restitutio : s'il rencontrait quelque rsistance de la part
des personnes vises par le dcret de restitution, Il agissait contre el-
les au resclsolre, Intentait par exemple contre elles la revendication
pour se faire restituer effectivement les biens frauduleusement alins.
Il avait un dlai d'un an, aprs la venditio, pour agir.

La restitutio in integrum permettait donc aux cranciers de vendre


plus cher le patrimoine du dbiteur en y faisant figurer les biens frau-
duleusement alins et les droits frauduleusement teints.

Quant l'Interdit fraudatolre, son rle tait de complter la


restitutio. SI la venditio bonorum ne parvient pas dsintresser com-
pltement les cranciers, si elle ne leur procure qu'un dividende, le d-
. 362 .

blteur reste encore oblig envers eux pour la quote-part qu'ils n'ont
pas obtenue. Or le dbiteur, dont on a vendu en bloc tout le patrimoi-
ne, n'a plus rien offrir ses cranciers, moins qu'onne retrouve
d'autres biens, notamment des biens frauduleusement alins et qui n'ont
pas figur dans les venditio bonorurti.

L'Interdit permet d'atteindre des actes frauduleux que le aura-


tor bonorwn n'a pas attaqus au moyen de la restitutio in integrum, soit
parceque la technique de la restitutio ne permettait pas de les attein-
dre, soit parce que le curator n'en avait pas eu connaissance.

Ce n'tait pas, comme on l'a souvent prtendu, un Interdit adi~


pisaendae possessionis : 11 ne servait pas faire acqurir la posses-
sion, mais permettait d'atteindre toutes sortes d'actes frauduleux, non
seulement des alinations, mais des remises de dettes, ou mme des faits
d'appauvrissement rsultant du dbiteur seul (comme l'abandon, qui est
un fait contre lequel la restitutio in {"ijgrum ne pouvait rien).

En prononant l'Interdit, le magistrat faisait rentrer dans le


patrimoine du dbiteur ce qui en tait frauduleusement sorti (biens ali-
ns ou abandonns, crances teintes, etc . . . ) .

Tandis que la restitutio in integrum tait mise en mouvement p'ar


le aurator et profitait tous les cranciers, I'Interdit fraudatolre
pouvait tre Intent Individuellement, par un crancier, dans son pro-
pre Intrt, pendant l'anne qui suivait la venditio bonorum.

Les cranciers ne pouvaient exercer l'Interdit avec succs que


contre des tiers qui avalent eu connaissance de la fraude. Cependant
cette condition n'tait pas exige si le tiers tait un acqureur ti-
tre gratuit : l'tnterdlt tait en ce cas accord dans des termes diff-
rents, sous forme "utile".

Telles auraient t l'poque classique les voles de droit em-


ployes en matire de fraus areditorum.

Le systme de Solazzl s'appuie sur de trs solides arguments. On


peut cependant lui reprocher de ne pas expliquer de faon satisfaisante
pourquoi, dnas le droit de Justlnlen, l'action pautenne peut tre inten-
te contre le dbiteur (le fraudator) lui-mme (42.8.25.7). Justlnlen
n'a pas pu emprunter cette solution la restitutio in integrum, ni
l'Interdit : en effet l'action paullenne contre le dbiteur n'a pas pour
but de faire restituer ou de rescinder : elle aboutit une condamnation
pcuniaire.

Faut-1Ialors admettre que l'Ide d'organiser un recours contre


le dbiteur fraudator lui-mme est une Innovation entirement byzantine ?
cela ne parat pas prouv. SI cette solution doit tre retenue comme
classique, elle prouve l'existence d'une action, ds I'poque classique,
ct de la restitutio et de l'Interdit.
363 .

Droit de la basse-poque
V9SBS<
seBaaasBBUBiiftaBaaBS1 Bt as
Dans le courant du III0 sicle de notre re se produisit une Im-
portante modification dans la procdure d'excution : la venditio bono-
rum fut remplace par la distractio bonorum. Dans la venditio bonorum
le patrimoine du dbiteur tait vendu en bloc un bonorum emptor, qui
ralisait un bnfice en revendant ensuite les biens au dtail. On trou-
va finalement prfrable de se passer des services de ce spculateur et
de faire profiter les cranciers des avantages de la vente au dtail.
Avec la distractio bonorum les biens du dbiteur sont vendus les uns aprs
les autres : c'est encore une procdure collective, en ce sens qu'elle se
poursuit dans l'Intrt commun de tous les cranciers, avec un curator.
Mais II n'y a plus de bonorum emptor.

Les modifications apportes la procdure d'excution ne pouvaient


manquer d'avoir des rpercussions sur les voles de droit utI Uses en ma-
tire de.fraue creditorum.

La reetitutio in integrum tomba en dsutude : en effet, son m-


canisme tait Intimement li celui de la venditio bonorum et supposait
l'existence d'un bonorum emptor.

Selon SolazzI, l'Interdit serait devenu la basse-poque le pro-


cd le plus employ. SI l'on admet l'existence d'une action ds l'po-
que classique, on peut supposer qu'elle a d profiter de la dcadence de
la restitutio.

Toujours est-l que dans le droit de Justlnlen II n'est plus ques-


tion que d'une action; la Compilation nous la prsente comme tant une ac-
tion in faatum, rlperscutolre (D. 42.8.25.1), arbitraire, tendant la
rvocation des actes frauduleux, ou une condamnation pcuniaire quand
elle est exerce contre le dbiteur fraudator lui-mme.

Un texte du Digeste (D. 22.1.38.4) lut donne le nom d'action pau-


liana, que l'on trouve galement dans des ouvrages de droit de peu post-
rieurs au Digeste (Paraphrase de Thophile et une Scolle de Stphane).
Cette dnomination a t Imagine tardivement. Colllnet prtend mme
qu'elle ne figurait pas dans le texte primitif du Digeste et y aurait
t ajoute, ds l'poque de Justlnlen, sous forme de glose.

On s'accorde reconnatre que cette dsignation ne rappelle pas


le nom d'un prteur qui aurait Introduit cette action, mais bien celui
du jurisconsulte Paul, sans doute parce qu'il existe au Digeste un tex-
te Important de Paul sur la matire.

2 - ETUDE DE L'ACTION PAULIENNE


D'APRES LA COMPILATION

Les rgles qui dans le droit de Justlnlen rgissent l'action r-


vocatolre, dite Pau Henn, prsentent un trs grand Intrt pratique : el-
. 364

les sont presqu'ntgralement passes dans notre droit civil actuel, part
quelques diffrences que nous ne manquerons pas de signaler.

1/ Qui peut Intenter l'action ?

En droit franais, l'action paullenne peut tre Intente Indivi-


duellement par l'un quelconque des cranciers, son profit. Il en est
autrement dans la Compilation, parce qu'il existait encore au temps de
Justlnlen une procdure de liquidation, la distractio bonorum, dont on
peut regretter la disparition dans notre droit moderne. Dans le droit
de Justlnlen l'action rvocatolre doit tre en principe exerce par le
ovatov bonorum, dans l'Intrt commun de tous les cranciers.

Cependant, s'insplrant peut-tre en cela du systme de l'interdit,


Justlnlen permet l'un des cranciers d'Intenter l'action en se faisant
autoriser par le magistrat : mais son Initiative profite la masse.

2/ Contre qui s'Intente-t-elle ?


cnaasaaBassBSGiSsasi.Bsn

a) L'action peut tre dirige contre le fvaudatov lui-mme; elle aboutit


une condamnation pcuniaire, des dommages-Intrts. Cette con-
damnation ne prsente pas un bien grand intrt pratique puisque, par
hypothse, le dbiteur est Insolvable.

b) L'action s'Intente ordinal rement contre des tiers qui ont bnfici
de la fraude. Le cas sur lequel II est le plus facile de raisonner
est celui d'une alination consentie frauduleusement par le dbiteur :
l'action paullenne s'Intente en ce cas contre le tiers acqureur. Il
n'est pas ncessaire qu'il dtienne encore la chose : il ne s'agit pas
en effet d'une action en revendication. Lorsque la chGse aline frau-
duleusement est passe successivement entre plusieurs mains, les cr-
anciers peuvent poursuivre soit le premier acqureur, soit les sous-
acqureurs, selon des distinctions que nous verrons plus loin (. 42.
8.9).

c) L'action est transmiss 1b le passivement : elle peut s'Intenter contre


les hritiers du dbiteur ou des tiers acqureurs, mais produit alors
des effets moins complets.

3/ Conditions de succs
saa&aBbattaBsaannsBat

Pour que les cranciers Intentent avec succs l'action paullenne,


trois sortes de conditions doivent tre runies (A.B.C).
. 365 .

A/ Il faut un acte qui diminue le patrimoine du dbiteur.

L'action paullenne tend la rvocation d'actes juridiques, et


non la rparation du dommage caus par une actlvtt non juridi-
que. Contre un dbiteur.qui brle ses meubles, tue son btail pour
nuire ses cranciers, le droit romain reste dsarm : l'action
legis Aquiliae ne compte pas aux cranciers. On pourrait, tout
au plus, songer l'action doli.

b :
' i_2_2l_iE2_!T2i
Il existe en droit romain des actes Irrvocables : ainsi l'accep-
tation d'une succession. L'affranchissement est aussi un acte Ir-
rvocable : mais s'il est frauduleux, la loi Aelia Sentia le frap-
pe de nullit : les cranciers font tomber l'affranchissement frau-
duleux en Invoquant cette loi : Ils n'emploient pas l'action pau-
1lenne, qui serait Inoprante en pareil cas.

c) e_doj_t_tre_un_acte_d'appauvrissement :

Il Importe peu que ce soit un acte positif ou une abstention qui


provoque l'appauvrissement : l'action est possible si le dbiteur
a laiss s'teindre des droits par prescription, laiss s'tablir
une servitude sur son fonds, etc ...

- Le paiement d'une dette est-1I un acte d'appauvrissement ?

S'il est fait avant ta mi*n0 in bona H est inattaquable, en droit


classique : mais Justnen permet de I'attaquer s'II a t fait en
vue d'avantager l'un des cranciers au dtriment des autres et si
ce crancier tait au courant de la situation. Le paiement fait
aprs la missio in bona peut tre attaqu parce qu'il tend d-
truire l'galit que la procdure romaine veut tablir entre les
cranciers.

L'action paullenne permet aux cranciers de se plaindre quand le


dbiteur diminue son patrimoine, mais elle ne s'applique pas quand
le dbiteur a nglig de s'enrichir. Rien n'oblige le dbiteur
profiter des occasions qui lui permettraient d'amliorer sa situa-
tion et de payer ses dettes. Les cranciers ne peuvent pas repro-
" cher au dbiteur de n'avoir pas accept une donation, un legs, une
succession (solution diffrente en droit^franais en ce qui concer-
ne la renonciation une succession : en droit fransis, I'hartfer
qui a la saisine s'appauvrit en rpudiant la succession).
. 366

B/ Il faut que l'acte porte prjudice aux cranciers.

Un dbiteur trs riche peut faire d'importantes libralits : ce-


la ne regarde pas ses cranciers. Ils ne peuvent se plaindre que s'il
y a pour eux "eventus damni" : s'ils risquent de ne plus tre pays.

C'est seulement partir du moment o l'acte d'appauvrissement


cre ou augmente l'insolvabilit, que l'on peut parler d'un prjudi-
ce caus aux cranciers.

En droit romain la preuve de ce prjudice est apporte par le r-


sultat de la distraotio bonorum : il est tabli que les actes d'appau-
vrissement faits par le dbiteur ont nui aux cranciers, quand ceux-
ci ne tirent pas de la vente des biens de quoi recevoir entire sa-
tisfaction : ils cherchent alors, au moyen de l'action paulienne,
mettre la main sur des biens qu'ils n'ont pas encore vendus, parce
qu'lIs talent sortis du patrimoine du dbiteur.

C/ 11 faut que l'acte soit frauduleux.

Que l'action paulienne soit intente contre le dbiteur lui-mme


ou contre des tiers, il faut que les cranciers prouvent que l'acte
d'appauvrissement a t accompli par le dbiteur "fraudendi causa",/
dans yrt Intention frauduleuse.

Il n'est pas ncessaire de prouver que le dbiteur a agi dans le


but prcis de nuire aux cranciers : Il suffit qu'il y ait chez
le dbiteur "soientia"; .cannaissance de la situation; Il suffit
qu'il sache, en faisant un acte d'appauvrissement, qu'il cre ou
augment son Insolvabilit.

Par contre il n'y a pas de fraude si le dbiteur Ignore qu'il est


ruin, au moment o II fait l'acte d'appauvrissement. Vojcl par
exemple un armateur qui Ignore que sa flotte vient de sombrer dans
une mer lointaine : iI se crot riche alors qu'il est ruin. S'il
'fait un acte d'appauvrissement cet acte n'est pas frauduleux.

En partant du mme principe, nous constatons que les cranciers ne


:peuvent attaquer, comme tant frauduleux leur gard, les a d e s
que le dbiteur a accomplis avant de traiter avec eux. En faisant
ces actes, le dbiteur ne pouvait pas avoir l'intention de frauder
des cranciers qui n'existaient pas encore ce moment-l !

D'ailleurs quand des cranciers traitent avec un dbiteur qui s'est


dj peu prs ruin par des actes d'appauvrissement, Ils ne sont
pas pris au dpourvu : Ils n'ont qu') s'en prendre eux-mmes s'ils
ont trait avec un Insolvable.
367

Le principe que la crance dot tre antrieure l'acte que l'on


dsire attaquer prsente, en droit moderne, beaucoup plus d'Impor-
tance qu'en droit romain. En droit romain, n'oublions pas que l'ac-
tion paullenne est exerce par le auvatov, pour le compte de tous
les cranciers. SI par consquent l'acte d'appauvrissement est pos-
trieur l'une des crances et s'il est frauduleux l'gard de ce
seul crancier, le evatov bonovian pourra en obtenir la rvocation;
or le ourator agit pour le compte de la masse, de sorte que les au-
tres cranciers profiteront de la rvocation.

Pour exercer l'actton paullenne avec succs contre un tiers, Il


faut dans certains cas prouver la fraude, non seulement du dbi-
teur, mais aussi celle du tiers; dans d'autres cas II est Inutile
d'tablir la fraude du tiers.

Le droit romain fait cet gard une distinction trs judicieuse


entre l'acqureur titre onreux et l'acqureur titre gratuit :
cette distinction est passe dans notre jurisprudence franaise.

- Lorsque l'action est Intente contre un acqureur titre on-


reux (un acheteur par exemple), il y a conflit entre des Int-
rts galement respectables : le crancier et le tiers acqureur
tlrre onreux luttent l'un et l'autre pour viter une perte
"eertant de damno vitando". Les cranciers ne triomphent d'un
acqureur de ce genre qu'en prouvant qu'il a t complice de la
fraude, qu'il avait, lui aussi, connaissance de la situation {aon-
soius fraud-is ). .

- Lorsqu'au contraire l'action est intente contre un acqureur


tltre: gratuit (un donataire par exemple) le crancier lutte pour
viter une perte, tandis que le tiers acqureur tche de conser-
ver un gain (certat de luoro oaptando) : ce tiers acqureur pa-
rat moins digne d'intrt que le crancier - De sorte qu'Ici le
crancier triomphe sans avoir besoin de prouver la mauvaise fol
du tiers acqureur. Cette solution existait dj l'poque clas-
sique avec I'Interdit utlje.

L'application de ces principes est parfois assez dlicate.

- Cas de la constitution de dot :

Un pre de famille, qui se sait ruin, constitue sa fille une


dot Importante. Les cranciers peuvent-Ils exercer l'action pau-
llenne et quel les conditions ?
. 368

A l'gard du mari, la dot n'est pas remise titre gratuit, mais


titre onreux, pour subvenir aux charges du mnage, qu'il sup-
porte. Les cranciers ne pourront donc attaquer le mari qu'en
prouvant qu'il avait connaissance de la fraude, c'est--dire qu'il
savait, au moment de la constitution de dot,que son beau-pre
tait ruin.

A l'gard de la femme, la constitution de dot est un acte titre


gratuit; les cranciers peuvent donc poursuivre la femme sans
avoir besoin de prouver sa mauvaise fol. Mais la femme ne re-
prend la dot qu' la dissolution du mariage. Les cranciers peu-
vent ce moment-l exiger que la femme leur fasse cession de
l'action r>ei uxoriae en restitution de dot.

Justlnien va plus loin et autorise les cranciers poursuivre la


femme pendant le maralge;, pour obtenir d'elle la promesse de leur
remettre la dot la dissolution du mariage. La jurisprudence
franaise considre toujours la constitution de dot comme un ac-
te titre onreux.

Cas d'alinations successives :

Lorsque des cranciers attaquent un sous-acqureur, on s'occupe,


en droit romain, uniquement du caractre de ce sous-acqureur,
sans faire intervenir le caractre de son auteur.

Les cranciers triomphent du sous-acqureur titre onreux con-


dition de prouver sa mauvaise fol. : Et ie fait qu'il tient la cho-
se d'un acqureur titre onreux et de bonne fol n'amliore pas
sa situation, s'il est lui-mme de mauvaise fol. S! le sous-ac-
qureur titre onreux est de bonne fol, Il est inexpugnable :
mais les cranciers peuvent alors se retourner contre le premier
acqureur, si celui-ci est de mauvaise fol, ou est acqureur
titre gratuit.

Dans l'hypothse d'un sous-acqureur titre gratutt, l'action


paullenne est exerce avec succs contre lui, sans tablir sa
mauvaise fol - et cela mme s'il tient la chose d'un acqureur
titre onreux et de bonne fol : solution contraire en droit
franais o le sous-acqureur profite de la situation Inexpugna-
ble dont jouissait son auteur.

4/ Effet de l'action paullenne :


BssDKssaBBssaesaea' atst

Dans le droit de Justlnien, l'action paullenne est une action ar-


bitraire : cela signifie que le juge donne d'abord ordre au dfendeur de
restituer, et c'est seulement si cet ordre n'est pas excut que le juge
prononce une condamnation pcuniaire.
369 .

Dans, certains cas la condamnation pcuniaire est la seule solu-


tion possible : ainsi, quand l'action est exerce contre le dbiteur lui-
mme ou contre un acqureur, qui ne dtient plus la chose, parce qu'il
l'a vendue un acheteur de bonne fol (lequel est Inexpugnable).

a) En quoi consistent les restitutions ?


Le dfendeur doit restituer :,
. R00 : la chose mme. SI l'acte attaqu est une alination, le juge
ordonne au dfendeur de restituer le proprit. SI c'est une remi-
se frauduleuse de dettes, le juge ordonne de rtablir la crance.
SI des obligations ont t contractes frauduleusement, le juge or-
donne de faire une aooeptilatio (remise de dette) etc ...
&-<"? aauea : le dfendeur doit restituer les fruits et produits de
la chose, depuis l'acte frauduleux. Le dfendeur-est responsable
des fruits qu'il a ngligs de percevoir - mais II a droit aux Im-
penses ncessaIres.

b) La condamnation pcuniaire :
Son montant varie selon les circonstances.
- El le constitue une rparation Intgrale du prjudice subi par le
crancier lorsque l'action est Intente 1 dans l'anne qui suit la
distractio bonorum; 2 contre le dbiteur lui-mme; 3 ou un tiers
acqureur de mauvaise fol.
Le montant de cette condamnation peut dpasser l'enrichissement
que le dfendeur a tir de l'acte frauduleux.
- Mais la condamnation est limite l'enrichissement du dfen-
deur. 1) quand 1'action ist Intente aprs le dlai d'un an; 2) ou
contre les hritiers du dbiteur ou des acqureurs; 3) ou contre des
acqureurs de bonne fol (donataires).

5/ Nature de l'action paullenne :


c B S B i s s i s s t i & B z i s a B a a s s a n es sa es ss SZ S SS

- On a beaucoup discut sur le caractre pnal de cette action :


la Compilation lui donne nettement un caractre rlperscutolre (D. 42.
8.5 pr).
- Est-ce une action relle ou personnelle ?
Les Instltutes de Justlnlen (4.6.7) appliquant l'action paullen-
ne un texte o II tait question, l'poque classique, de l'action en
revendication Intente "au rescisoire" aprs une restitutio in integrum
370 .

- lui donnent le caractre d'une action rel le. La paraphrase de Tho-


phile se prononce dans le mme sens. C'est une affirmation singulire.
Cette action parat tre plutt une action personnelle, qui peut tre
donne contre quiconque profite de la fraude - comme I'action metus,
c'est une action qui tout en tant personnelle, est "in rem saripta".

En droit moderne, l'action paulenne est d'une nature particuli-


re, assez voisine de celle des actions en nullit, avec cette particula-
rit que l'acte n'est ananti que dans la mesure o l'exigent les Int-
rts des cranciers, victimes de la fraude.

CHAPITRE III : LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE


BBSMiHnaaiiMHMHSBiiiiiaaBnasBae"!S3SsaBSSBBSB4a

. Position du problme :
ssssscEsasaasssasasBB

Lorsque le dbiteur n'excute pas, le crancier -.n'obtient pas n-


cessairement sa condamnation en justice : pour qu'il l'obtienne, Il faut
que le dbiteur sott responsable du dfaut d'excution.

Ce problme de responsabilit ne se prsente que dans des hypoth-


ses assez dlimites :

1/ Il faut qu'on soit en prsence d'une impossibilit absolue d'excution :


le dbiteur qui n'excute pas, alors qu'il pourrait te faire, est tou-
jours responsable. Le problme se pose notamment lorsque l'objet d
vient prir. Ainsi, l'esclave que le dbiteur devait fourntr est mort.
La question est la mme si l'esclave a t affranchi, car le dbiteur se
trouve encore, dans ce cas, dans I'lmposslblit absolue de fournir l'es-
clave, qui n'existe plus en tant qu'esclave'.

2/ Il faut par ailleurs que l'objet de l'obligation soit une chose d'esp-
ce. SI en effet la chose due est un "genus", par exemple une somme d'ar-
gent, le dbiteur ne peut jamais prtendre que 1'excution est impossi-
ble : pour parler d'une Impossibilit absolue, Il faudrait supposer que
toutes les choses du .mme genre, toutes les pices de monnaie, par exem-
ple, aient disparu de la surface du globe I C'est ce qu'exprime l'ada-
ge "gnera non pereunt". Le dbiteur d'une chose de genre est toujours
responsable du dfaut d'excution.

Nous devons par consquent supposer qu'il s'agit d'une obligation


ayant pour objet une chose d'espce, et que son excution est devenue
absolument Impossible.
. 371

D'ordinaire, si l'objet d est une chose d'espce, sa perte lib-


re le dbiteur : l'impossible nul' n'est tenu. L'obligation s'teint
faute d'objet.

Il est cependant des cas o I'obIIgatlon survit a son objet :


"obligatio durt" : l'action est exerce par le crancier - non certes pour
contraindre le dbiteur excuter ce qui est Impossible - mais pour exiger
de lui des dommages Intrts compensatoires. Il y a des cas o le dbiteur
est responsable de , I'ImposIblII t d'excution.

Thoriquement cette question de responsabilit Intresse l'excu-


tion de toutes les obligations quelle que soit leur source. Pourquoi, dans
ces conditions, donne-t-on cette responsabilit le nom de responsab!IIt
contractuel le ? - C'est parce qu'en fait ce problme de responsabilit pour
Inexcution ne peut pas se poser au sujet des obiIgatlons dlIctuelles :
celles-ci ont toujours pour objet une somme d'argent, chose de genre. Mais
Il est bon de remarquer que le problme Intresse non seulement les obliga-
tions contractuelles, mais aussi les obligations quasi-contractuel les pour
lesquelles une Impossibilit d'excution peut parfaitement se rencontrer.

. Les critres de responsabilit :

Lorsqu'il s'agit d'obligations contractuel les, les parties ont la


facult de dterminer par une clause les conditions dans lesquelles le dbi-
teur sera responsable en cas de perte ou de dtrioration de la chose due.

A dfaut de conventions de ce genre, le problme est rgl par les


principes du droit. La solution n'est pas uniforme.
;
La Compilation de Justlnlen fait appel deux critres principaux :
dolus et culpa : le dol et la faute. Ce sont des comportements que le dbi-
teur n'aurait pas d avoir : | est responsable si l'Impossibilit d'excu-
tion est la consquence d'un comportement rprherslble. Ce sont l des no-
tions morales et subjectives. Mais II ne semble pas que la question de la
responsabilit ait t, l'poque classique, aussi troitement lie l'Ide
de faute.

1 - EPOQUE CLASSIQUE

Les Compilateurs ont pu tre tents de modifier les textes pour


les mettre en harmonie avec leur systme de responsabilit, base sur le dol
ou les diverses catgories de fautes : certaines Interpolations paraissent
certaines, mais beaucoup d'autres restent discutables de sorte que la recons-
titution du droit classique en cette matire reste assez problmatique. Lit-
372 .

trature abondante aboutissant des conclusions divergentes. La mthode


des Interpolations a t trs employe par Haymann, Schulz, Kaser, Beseler,
dont les conclusions sont en grande partie adoptes par Aranglo-Rulz ("ffes-
ponsabilit oontrattuale"s 2me d. 1934), Wlcacker (Z.S.S. 1934 pp. 35 sq.).
Une raction contre I'hypercrltlque s'est manifeste : Buckland (."Diligens
paterfamilias", Stud. Bonfante 1930, III, pp. 87 sq.; et "Culpa and bona fi-
des" In L.Q.R. 48, 1932, pp. 217 sq), Vazny : "Aata oongressus int." 1934,
I, pp. 345 sq.). Pour la littrature sur la austodia, cf. Infra).
La faon d'apprcier la responsabilit du dbiteur dpendait des
pouvoirs confrs au juge par la formule. Il y a lieu de distinguer selon
que l'action en justice tait oerta ou inaerta.

A/ Obligation de "dore rem aertam" :

Ces obligations peuvent dcouler d'une stipulation ou de l'enri-


chissement Injuste, ou d'un legs perdamnationem : elles sont sanction-
nes par des actions certaines et de droit strict : aonditip, action
ex testamento.

Dans les obligations de ce genre, la perte de la chose libre en


principe le dbiteur : "debitor rei aertae interitu rei liberatur". Il
n'est responsable que si l'impossibilit d'excution provient de son fait
posItIf, c'est--dire s'il a accompli un acte qui le met ensuite dans
l'Impossibilit de "dore" : ainsi le promettant a tu ou affranchi l'es-,
cl ave qu'il devait fournir.
Mais il ne rpond pas de la perte cause par son Inaction : si par
exemple le promettant a laiss mourir l'esclave qu'il aurait pu sauver en
le soignant, le crancier ne peut le faire condamner des dommages Int-
rts pour Inexcution du contrat. La stipulation est un contrat de droit
strict : le juge doit strictement s'en tenir ce qui a t dit dans la
stipulation. Or le dbiteur a promis de "dare Stiahum"; il n'a pas pro-
mis de soigner Stlchus. Rendre le dbiteur responsable de n'avoir pas
soign l'esclave, ce serait lui Imposer une obligation qui ne rsulte pas
du contrat.:
Cette faon de comprendre la responsabilit appelle les rflexions
suivantes :

1) Elle n'est pas sans rapport avec la conception que l'on se faisait de
la aulpa l'poque classique, quand II s'agissait de dterminer la
responsabilit dllctuelle en matire de dcamum injuria datum. Nous
avons vu qu' l'poque classique la aulpa dont II est question pour l'ap-
plication de la- loi Aquilia est un fait positif qui a directement caus
un dommage.
373

2) Par contre, la notion de dol reste en principe trangre cette fa-


on de comprendre la responsabilit.

- Peu importe que le fait positif ait t commis par le promettant


Intentionnellement ou non : ainsi l'hritier qui, Ignorant l'existence
d'un legs, affranchit de bonne fol un esclave lgu per> damnationem,
est responsable envers le lgataire de l'Inexcution du legs (D. 30.
112.1).

- Par contre l'abstention qui rend l'excution impossible ne fait


natre aucune responsabilit, alors mme que le dbiteur se serait In-
tentionnellement abstenu (D. 45.1.91 pr).

Il faut toutefois noter qu' l'poque classique les jurisconsultes


en arrivent penser qu'il est inique de ne tenir aucun compte du dol
commis par le dbiteur.

La pratique avait d'ailleurs imagin une prcaution : pour rendre


le promettant responsable de ses abstentions doloslves, Il suffisait
d'ajouter la stipulation de dore rem, une stipulatio doli (clause
de dol), par laquelle le dbiteur s'engageait ne commettre aucun
dol.

De toutes faons, le dbiteur qui s'abstient intentionnellement


commet un dol; dafaut de sanction contractuelle, cela entrane une
sanction dl tc'tuel le, l'action doli, que Labon propose en pareil cas
(D. 4.3-793). D'autre part, en matire d'enrichissement injuste, la
jurisprudence classique a finalement.tenu compte de la bonne fol de
l'enrichi : Il n'est pas responsable si, Ignorant qu'il devait resti-
tuer, Il a, de bonne fol, rendu la restitution Impossible : cette so-
lution est admise dans le cas de la oondietio indebiti (D. 12.6-65.8).

B/ Obligation ayant pour objet un insertion :

Ce sont d'abord toutes les obligations sanctionnes par des actions


de bonne fol Ccontrats et quasi-contrats de bonne foi) - mais aussi la
plupart des obligations sanctionnes par 1-e prteur au moyen d'actions
in factum, et enfin les obligations sanctionnes par des actions de droit
strict mai3 inoertae {aotio ex stipulatu inoerti).

D'aprs la doctrine critique la plus avance, la jurisprudence


classique aurait utilis, selon les cas, uniquement deux critres de res-
ponsabilit, la austodia et le dolus, sans jamais faire intervenir l'Ide
de culpa.

1) La austodia :

Responsabilit fonde sur l'Ide de garde. Cette responsabilit


svre a t Impose divers dbiteurs, considrs comme "gardiens"
374

de la chose due. La consquence de la oustodia est de rendre le d-


biteur responsable de certains cas fortuits (notamment du vol commis
par des tiers); Il n'est libr que par la force majeure (1).

Selon beaucoup d'auteurs, cette responsabilit de la oustodia joue-


rait l'poque classique sans faire Intervenir l'Ide de faute : on
ne cherche pas savoir si le dgt pouvait tre vit, ou si le dbi-
teur s'est conduit de faon rprhensbie : le dbiteur rpond de tout
ce qui peut advenir la chose, sauf force majeure : c'est une respon-
sabl I It objective, sans faute.

Les partisans de cette doctrine en arrivent soutenir que le droit


classique, dans les cas o s'appliquait la oustodia, rglait trs sim-
plement les problmes de resoonsabIIIt, par une brutale rpartition
des risques : la plupart des risques sont la charge du dbiteur, le
crancier ne supportant que des risques exceptionnels, comme fait de
guerre, Incursion des pirates, naufrage, incendie.

L'expression technique "oustodiam praestare" a donn lieu contro-


verses : selon Cannata, elle signifie que le dbiteur doit procurer au
crancier le rsultat (obligation de rsultat) qui serait obtenu si la
chose due tait surveille par un gardien. Par contre Mtro soutient
qu' l'poque classique cette expression n'Indique pas autre chose qu'un
critre de responsablIit objective et c'est seulement la basse-poque
qu'elle veille l'Ide d'une obligation de garde, Imposant du dbiteur
une diligence particulire (exacta diligent-la).

La doctrine de la austodia, aboutissant I'poque classique une


responsabilit objective, sans faute, n'est plus unanimement accepte
(cf. notamment AIzon).

D'autre part, les consquences pratiques de la oustodia sont discu-


tables : 11 est clair que tout dbiteur qui doit "praestare oustodiam"
est responsable si la chose due disparat la suite d'un vol commis
par des tiers : et c'est pour-eela qu'on lui accorde l'action furti (G.
III. 203 207). Mais, est-Il responsable si la chose est endommage
.par.des tiers ? - Julien, propos du commodataire, affirme que non
(D. 13.6.19, confirm par jJ. 19.2.41) : mais GaTus ( propos du rcep-
tion) est d'un avis contraire (D. 4.-9-5.1).! En cas de dommage caus par
un animal, Paul (p_. 9.1-2 pr) accorde l'action de pauperie au commoda-
taire parce qu'il est .responsable de ce -dommage envers le commodant.

Enfin, en bien des cas, la notion de oustodia ne suffisait pas :


ainsi dans le cas du teinturier, on parvient, avec la oustodia, le

(1) Sur la oustodia : PARIS, th. Nancy 1926. VAZNY :"Custodia" in Ann. Univ.
Palerme 12.1929, pp. 101 sq. ARANGIO-RUIZ : op.cit. pp. 62-179. LUZZA-
T0 : "Caso fortuito e forza maggiore" i, "Custodia" 1938; "Rioerohe sul-
la resp. oontrattuale" 1966. METRO : "L'obbligazione di custodire nel
diritto R." 1965; "Custodiam praestare" in Labeo 13, 1967. CANNATA : "Ri-
oerohe sulla resp. oont." 1966.
. 375 .

rendre responsable si le vtement a disparu : mais ce n'est pas avec


cette Ide de garde qu'on le rendra responsable s'il a trs mal teint
le vtement. La bonne excution du travail, but essentiel du contrat
de looatio operis faoiendi, sera apprcie en faisant Intervenir un
autre critre : celui dHmperitia, la mconnaissance des rgles du m-
tier. Ce critre est parfaitement connu des classiques : Ils l'em-
ploient en matire de looatio operis faoiendi (D. 9.2,__7,29; 19.2.13.
6) et M n'y a pas de raisons srieuses pour suspecter les textes qui
font de IHmperitia une faute : la faute professionnelle (D_. 50.17-132;
19.2.9.5).

Les romanistes sont encore moins d'accord lorsqu'il s'agit de dres-


ser la liste des dbiteurs qui l'poque classique rpondaient de la
oustodia. Les auteurs qui ne veulent pas entendre parler d'une res-
ponsabilit fonde sur la faute l'poque classique, allongent la lis-
te de ceux qui rpondaient de la oustodia, en y faisant figurer des d-
biteurs qui, au Digeste, rpondent de la oulpa.

Des textes trs srs permettent d'affirmer qu'en droit classique


le dbiteur "oustodiam praestat", dans les cas suivants :

a) Reoeptum des bateliers, hteliers, loueurs d^curles. A l'origine,


Tdee de oustodia n'Intervenait pas. Les nautae permettaient "rem
salvarn fore" : sorte de contrat d'assurance qui jouait mme en cas
naufrage (ce qui dpasse la oustodia).

b) Certains cas de louage d'Industrie (looatio operis faoiendi) (G. III


205). Cas du "fullo" et du "saroinator", du foulon, du tailleur
auxquels on a confi du tissu : ces petits artisans travaillaient
en plein air, dans la rue : pour viter toute chicane, il est enten-
du qu'ils doivent restituer la chose, quoi qu'il advienne : ils r-
.pondent du vol et mme du dgt caus par les souris.

L'"horrearius" est pay pour tre "gardien" : Il est juste qu'il r-


ponde de la garde (selon Alzon, I'horrearius ne serait p3S l'entre-
positaire, mais un subalterne, qui pouvait recevoir des clients une
rmunration pour veiller spcialement sur les choses entreposes).

c) Le commodataire qui emprunte gratuitement une chose pour s'en ser-


vir assume, envers celui qui lui rend ce service, la responsabilit
trs tendue de la oustodia (GATUS II 1.206).

Beaucoup d'auteurs pensent que cette responsabilit tait Impose


tous ceux qui ac ceptaient la chose d'autrui pour y effectuer un tra-
vail (tous les cas de looatio operis faoiendi), mais aussi au locatai-
re de choses {looatio rei) - au vendeur ~ au crancier gagiste - l'usu-
fruitier, l'associ. Mais notre avis, dans ces diffrentes hypoth-
ses, notamment en matire de vente, la responsabilit de la oustodia
n'existait qu'en vertu de clauses particulires - expresses - ou sous-
entendues dans certains cas.
. 376

On a essay de trouver un critre qui permette de dterminer les


cas dans lesquels le dbiteur rpondait de la oustodia : selon cer-
tains auteurs (Paris), la formule des actions de bonne fol ne per-
mettait pas d'Imposer au dbiteur une responsablII t aussi tendue :
elle ne pouvait rsulter que d'actions prtoriennes in faction. Mais
cela parat trs contestable en ce qui concerne le commodatalre (Il
existait l'poque classique une action eommodati, in jus, ct
de l'action in faotum) et plus encore dans les cas de looatio operis
faoiendi o le oonductor rpond de la oustodia (aucune trace d'une
action in faotum en matire de looatio). Beaucoup plus dfendable
le point de vue de VI Mers (prcis Dalloz, p. 340, n. 2) : en vertu
de contrats qui ordinairement n'Imposent pas au dbiteur une aussi
lourde responsabilit, celle-ci peut jouer s'il a pris l'Initiative
; du contrat (rogatio) : ainsi le vendeur rpond de la oustodia s'il
a offert de garder la chose vendue jusqu':IIvralson : cette solu-
tion affirme par Justlnlen (lnst. 3.23.3 a) est confirme par D. 19
5.17.1 (aestimatum) : et D. 17.2.52 parie d'une aggravation de la res-
ponsabilit du-sooius commandit "si artem operamoe pollioitus est".

2) Le dolus :

Dans toutes les obligations de bonne fol, ou sanctionnes par des


actions in faotum, dont la formule contenait les mots "dolo malo", le
dbiteur "praestat dolum", rpond de son dol. Qu'entend-on par l ?
Il ne s'agit pas Ici de manoeuvres doloslves : c'est l'attitude du d-
biteur qui, par ses actes ou ses omissions, rend sciemment et volon-
tairement l'excution Impossible.

Cette responsabilit peut s'allier celle de la oustodia et la


complter : ainsi le commodatalre rpond, de la perte cause par la
force majeure, s'il s'est expos "dolo malo" celle-ci : GaTus don-
ne, cet exemple^ : le commodatalre part la guerre avec un cheval qu'on
lui a prt pour faire un voyage d'agrment; Il agit en cela "dolo
malo" : si le cheval est tu .la guerre, Il en est responsable, non
en vertu de la oustodia (qui ne joue pas en cas.de perte par fait de
guerre) mas en vertu du dolus.

Certains dbiteurs ont une responsabl1It qui se rduit uniquement


au dolus. Quels sont-Ils ?

D'aprs une doctrine (Aranglo-Rulz), Il en serait ainsi de tous


les dbiteurs qui, l'poque classique, sont frapps d'Infamie s'ils
sont condamns : on ne doit, semble-t-l, dclarer Infmes que des d-
biteurs malhonntes. Les actions depositi (direota), mandati, pro so-
oio, fiduoiae, tutelae sont Infamantes : par consquent le dpositai-
re, le mandataire., l'associ, I 'acqureur fiduciaire et, le tuteur ne
devraient rpondre que de leur dol.
377 .

Cette dduction est confirme par les textes en ce qui concerne


le dpt, le mandat, la socit, mais trs contestable en ce qui con-
cerne la fiducie et la tutelle, pour lesquelles nous croyons qu'il a
t question, ds l'poque classique, d'un autre critre : la aulpa.

3) La aulpa :

M y avait, selon nous, en droit classique, place pour une respon-


sabilit fonde sur la aulpa : nous pensons que sauf convention con-
traire, le vendeur, le locataire, le negotiovum gestov, peut-tre aus-
si le tuteur et l'usufruitier, devaient "praestare dolum et culpam" :
rpondaient de leur dol et de leur faute. Les auteurs qui ont essay
de bannir la notion de faute du droit classique n'y sont parvenus qu'en
gonflant outre mesure le domaine de la austodia, ou en donnant, comme
le fait Aranglo-Rulz, une telle lasticit la notion de dolus que ce-
la revient admettre la aulpa sous le nom de dolus.

La aulpa, nous l'avons rencontre comme fondement de la responsa-


bilit en matire de damnum, et dans les obligations de "dore rem cer-
tain" : dans ce domaine, le mot aulpa a conserv son sens ancien : on
l'emploie pour justifier la responsabilit de celui qui par son acti-
vit positive cause un dommage ou entrane la perte de l'objet d.

Quand II s'agit d'obligations portant sur un inoertum, la notion


de i prend ds I'poque classique un autre aspect : on entend par
l une attitude - par acte ou omission - qui n'est pas celle qu'aurait
eu en de semblables circonstances un romain honnte et srieux, un bo-
nus paterfamilias. C'est ce que les commentateurs appellent la "aulpa
in abstraato". Cet idal abstrait n'est pas une Invention byzantine :
Il correspond parfaitement aux moeurs romaines. Chez les romains, l'hom-
me qui n'apportait pas une certaine gravt dans 1'administration de son
patrimoine tait dconsidr. Prendre les affaires la lgre, c'est
se rendre coupable de "luxuria". Aussi nous pensons que les textes qui
nous parlent du "bonus paterfamilias" ne sont pas Interpols : et ceux
qui parlent de "neglegentia" et de "diligentia" ne sont pas tous sus-
pects (cf. Buckland).

Dans certaines stipulations Incertaines, notamment dans la oautio


usu fructuaria (promesse que fait ' l'Usufruitier son entre en jouis-
sance), nous voyons que le promettant s'engage se comporter "boni
viii arbitratu" : sa conduite sera apprcie par des "hommes de bien",
selon "l'usage des honntes gens".

C'est I'usage des honntes gens que se rfraient les arbitres


l'poque o les actions de bonne fol n'talent encore que des "arbi-
tria".

Apprcier |a conduite qu'aurait d avoir le dbiteur en se rfrant


l'usage des honntes gens, c'est--dire des hommes srieux en affal-
378

res, c'est bien prendre pour critrium de la responsabilit ce que les


commentateurs appellent la "culpa in abstracto". Cette notion nous pa-
rat parfaitement classique.

_2 - LA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE
AU BAS-EMPIRE

L'apport des juristes de la basse-poque se manifeste en cette ma-


tire, sur trois points essentiels.

A/ La question de la responsabilit est entirement domine par une proccu-


pation morale : on ne doit tenir pour responsables que des Individus
qui l'on peut reprocher une attitude rprhenslble. C'est le triomphe
complet de la conception subjective en matire de responsabilit.

La oustodia, telle que les classiques la comprenaient, parat aux


byzantins quelque chose d'Inadmissible : IIs en font une forme de faute,
la faute de garde "culpa in oustodiendo"'.

B/ Tout le problme de la responsabilit est bas sur les notions de dol et


de faute (1).

1/ La responsabilit la moins tendue, celle qu'aucune convention ne peut


exclure, est celle qui repose sur le dol : dolus.

2/;MaIs beaucoup de dbiteurs rpondent non. seulement de leur dol, mais


aussi de leur faute : culpa. La culpa comporte des degrs :

a) Les Compilateurs parlent parfois de la culpa lata ; la faute lourde.


C'est celle que ne commettrait pas l'homme le plus ngligent. Cette
faute est dite "visne du dol", "quivalente un dol" : de sorte
que les dbiteurs, qui en principe ne rpondent que du dol, rpon-
dent aussi de la culpa lata.

b) Des textes Interpols font tat de la "diligentia quam in suis r-


bus" : la.diligence que le dbiteur apporte dans ses propres affai-
res. N pas montrer cette diligence l'gard de la chose due, c'est

(1) C'est uniquement en matire de rception que le Digeste admet une responsa-
bilit "sine culpa", sans faute, et les Compilateurs ont invent des rai-
sons bien surprenantes pour justifier cette exception la'rgle (D_. 4-.9
- 3.1).
379

commettre une faute, que nos vieux commentateurs appelaient "oul-


pa in oonoreto". Cette faute est quivalente au dol, car c'est
presqu'un dol de traiter moins bien les choses dues que les sien-
nes propres . ! D'autre part, .les byzantins se sont servis de ce
type de responsabiIIt pour allger la charge de certains dbiteurs :
mari qui doit restituer la dot, tuteur, curateur, associ ne rpon-
dent que de la "aulpa in oonoreto" : on leur pardonne d'tre ngli-
gents l'gard de la chose due, s'ils ont coutume de l'tre l'gard
de leurs propres affaires.

c) Le plus souvent, la responsabilit s'apprcie plus svrement selon


le critrium du "bon pre de famlI le" : le plus souvent, le dbiteur
rpond de la "oulpa in abstraoto", ou "aulpa levis".

d) Certains dbiteurs, le commodataire par exempte, sont traits enco-


re plus svrement : on exige d'eux une "exaotissima diligentia" :
Ils sont responsables de la "oulpa levissima"; responsables si la
perte tait vitable en prenant des prcautions exceptionnelles. Ain-
si s'est transforme, la basse-poque, la responsabilit de la aus-
todia : le dbiteur assume une obligation de garde et n'est mis hors
de cause que si aucune prcaution' ne pouvait empcher la chose de
prir.

e) Ceci amena les byzantins distinguer, parmi les causes d'Impossibi-


lit, casus minor et oasus major.

^-e aa8US minor, ou cas fortuit, est un vnement dont les dbiteurs,
ordinairement, ne rpondent pas : c'est par exemple le vol commis par
des tiers. Mais les dbiteurs qui rpondent de la aulpa levissima
ne sont pas dchargs par le aasus minor : Ils ne sont dchargs de
toute responsabilit que par le aasus major, force majeure, dont per-
sonne ne peut rpondre (fait de guerre, Incursion des pirates, fou-
dre, tremblement de terre, etc . . . ) .

Cette subtile hirarchie n'est pas classique, elle a t Imagine


par les juristes de la basse-poque.

C/ Les juristes se sont mis la recherche d'un critrium qui permette de


classer les dbiteurs entre les diffrentes catgories de responsabilit.

Un texte de la Collatlo (Coll. 10.2) (ouvrage rdig vers la fin


du IV ou le dbut du V s.) attribue Modestin une classification base
sur \*"utilitas oontrahentium" : l'avantage que les contractants tirent
du contrat.

L'ide, en ralit, tait dj venue l'esprit des classiques pour


justifier la solution qu'ils proposaient dans des cas particuliers : ainsi
la responsabilit du commodataire est rduite au dol si le prt usage
380 .

prsente un intrt pour le commodant : par exemple, un mari prte des


bijoux la marie pour donner plus d'clat |a noce (D. 13.6-5.10 et
18 pr) (cf. thse MBROUK pp. 188 sq.). Le tort des juristes de basse-
poque est d'avoir voulu systmatiser, comme.cela apparat dans la Col-
latlo, qui s'exprime ainsi : "celui qui le contrat ne procure aucun
avantage, celui quir'rend un service gratuit, doit tre trait avec dou-
ceur : II ne rpond^que de son dol. Et le texte donne comme exemples le
dpositaire - et le mandataire (ce qui est exact l'poque classique).

Quand le contrat est dans l'intrt des deux parties, le dbiteur


rpond du do! et de \ aulpa : le texte donne comme exemple type le cas
du commodataire (ce qui est dj singulier, car dans le commodat II n'y
a pas avantage pour les deux parties, mais seulement pour le commodatai-
re). Le texte poursuit en affirmant que c'est une rgle gnrale du droit
dont on trouve l'application en matire de fiducie, de restitution de dot
... et de tutelle (singulier contrat ! ) .

Le texte contient des erreurs si manifestes qu'on ne peut songer


en attribuer la paternit Modestln, mais quelqu'annotateur de bas-
se-poque^ Cette classification eut un certain succs : Justlnlen la re-
produit dans des textes Interpols du Digeste : les Compilateurs ont ain-
si commis une maladresse : car cette classification ne correspond aucune-
ment aux solutions qui rsultent des fragments conservs dans le Digeste.
Le fameux critrium de \*utilitas est souvent en dfaut : dans le Digeste
le mandataire rpond du dol et de la aulpa, bien qu'il ne tire aucun avan-
tage du contrat. De plus, ce critrium ne permet pas de distinguer ceux
qui rpondent de la aulpa in abstraoto (aulpa levis) et ceux qui doivent
l'exaotissima diligentia (aulpa levissima).

Pothier a essay d'amliorer considrablement cette classification


avec sa thorie des trois fautes : si le contrat est dans l'intrt du
seul crancier, le dbiteur ne rpond que de sa aulpa lata (= dol) - si
le contrat est dans l'intrt des deux parties, ie dbiteur rpond de la
aulpa levis (in abstraoto), - si le contrat est dans l'Intrt du seul d-
biteur, Il rpond de la aulpa levissima (exactissima diligentia).

Cette thorie n'est pas romaine et elle n'a pas mme t exprime
par les Compilateurs. Critique par Le Brun et puis par Hasse, elle a
t compltement abandonne par le Code Civil. L'article 1137 oblige le
dbiteur apporter la conservation de la chose "tous les soins d'un
bon pre de famille". En principe le dbiteur, en droit moderne, est te-
nu de la "aulpa in abstraoto"; cependant, lorsqu'il rend un service gra-
tuit, des textes spciaux restreignent sa responsabilit (gestion d'affai-
re 1374; dpt 1927,1928; mandat non salari 1922).
ooooo
o
. 381 .

TITRE DEUXIEME

PERSONNES A L'EGARD DESQUELLES


LES OBLIGATIONS PRODUISENT LEURS EFFETS

Le confIit
entre la logique juridique
e_i_Clli_l

1/ C'est une rgle de bon sens qu'exprime l'adage "res intev alios aata
aliis nea noaere neo prodesse potest"; un acte juridique ne peut nuire
ni profiter d'autres qu' ceux qui l'ont accompli. Admettre le con-
traire, ce serait admettre que nous puissions nous trouver obligs mal-
gr nous, notre Insu, par la fantaisie d'individus qui passeraient en-
tre eux des contrats notre dtriment ! Ce serait absurde et Intolra-
ble.

En principe les promesses et stipulations par autrui doivent tre


sans valeur.

Mais si des abstractions de la logique nous descendons dans les


ralits de la vte, nous constatons que bien souvent II y aurait un
grand intrt pratique admettre la validit de contrats conclus dans
l'intrt des tiers, ou pour engager des tiers. Le problme du contrat
dans l'intrt d'autrui s'est pos de nos jours en matire d'assurances :
un mari prend une assurance sur la vie au profit de sa femme; celle-ci
n'a pas elle-mme contract; Il est cependant ncessaire qu'au dcs de
son mari elle puisse se dire crancire envers la compagnie d'assuran-
ces. Ou bien encore, c'est un automobiliste qui s'assure pour les dom-
mages qu'il peut causer des tiers : il peut y avoir Intrt admettre
au profit du tiers, victime d'un accident, un droit propre contre la com-
pagnie d'assurances. Les promesses pour autrui se rencontrent surtout
quand II s'agit de faire des oprations pour un incapable ou un absent :
dans certains cas 11 peut tre utile de les rendre directement dbiteurs,
sans reprsentation.

2/ Des problmes de ce genre se posaient dj au temps des Romains. Mais


ils eurent vaincre d'autres difficults qui, celles-l, provenaient
moins de la rgle "vee inter alios aata" que de l'Ide qu'ils se fai-
saient de l'obligation. Nous avons vu qu'en droit romain l'obligation
a toujours t considre comme un "vinaulum", comme.un lien personnel
entre le crancier et le dbiteur. SI l'on s'en tient cette concep-
tion, Il est Impossible - sans briser le lien - d'y faire entrer d'au-
tres personnes que celles entre lesquelles II a d'abord t tabli : chan-
ger la personne du crancier ou du dbiteur, c'est atteindre l'obligation
dans ses lments constitutifs.
. 382 .

Par consquent, la logique juridique rendait Impossible une vri-


table reprsentation; elle rendait galement Impossible une transmission
des dettes et des crances.

Ce sont l,-Il faut en convenir, des rsultats tout fait gnants.

- La reprsentation est une ncessit pratique; dans l'hypothse


d'actes accomplis pour le compte d'Incapables ou de personnes morales,
la reprsentation est bien la solution la plus satisfaisante. El le est
trs utile aussi dans le monde des affaires : un homme qui est la t-
te d'un ngoce Important ne passe pas lui-mme tous les contrats que n-
cessite l'activit de son commerce; il a sur diverses places des prpo-
ss qui traitent les affaires en son nom.

D'autre part, Il est bien difficile d'empcher la transmission


des crances ds que celles-ci sont considres comme des biens qui fi-
gurent dans le patrimoine du crancier. Dans certains cas II est commo-
de d'admettre la transmission des obligations, mme la charge d'acqu-
reurs titre particulier : ainsi dans notre droit actuel, le bail est
opposable I'acqureur de l'immeuble.

Il y a donc conflit entre la logique des principes et la complexi-


t de la vie. Beaucoup d'auteurs modernes paraissent assez ports la
rsoudre en abandonnant les principes. Ceux-ci cependant ne sont g-
nants que dans des cas assez limits : en les bannissant du droit, ne
rlsque-t-on pas de tomber dans l'absurde ? - Les romains fournissent
en cette matire un exemple qu'il est bon de mditer : avec leur soli-
de bon sens ils n'ont jamais reni des principes qui paraissent dicts
par la raison, mais Ils se sont montrs assez habiles pour donner, mal-
gr tout, trs largement satisfaction aux besoins de la pratique.

CHAPITRE I : LES PROMESSES ET STIPULATIONS POUR AUTRUI

Les promesses et stipulations sont nulles : le principe clbre :


"ltevi stipulci nemo potest" (J_J_ 3.19.19 et p_. 45.1-38.17) ne concerne
pas seulement le contrat vevbis qui porte nom de stipulation, mais tous les
contrats (PAUL : 44.7.11 : "neque stivulari, neque emeve, vendere3 aontrhe-
re ...") et mme les pactes et-|es clauses jointes aux contrats (Q MUCIUS :
50.17-73.4 : "neque paqisaendo neque legem dioendo, nea stipulccndo quisquam
altxn. cavere potest").
1
Le vieux droit romain s'tait montr beaucoup moins rigoriste et
l'poque classique la pratique connaissait des contrats qui, en ralit,
383

taient bien pour autrui ou la charge d'autrui : pour les valider, la ju-
risprudence eut recours des palliatifs et parfois des subterfuges d'in-
terprtation (cf. COUDERT : "Recherches sur les stipulations et les promes-
ses pour autrui", 1957).

D'autre part, le principe de la nullit du contrat en faveur d'au-


trui n'avait pas l'poque classique ta porte gnrale qu'on lui attribue
trop souvent.

1 - LA PROMESSE POUR AUTRUI

Deux personnes, en passant entre elles un contrat quelconque, ne


peuvent pas rendre dbiteur, en vertu de ce contrat, un tiers rest tran-
ger l'acte : la promesse pour autrui est compltement dnue d'effets.

Supposons une stipulation ainsi conue : "Je promets que Titius


vous donnera 100 sesterces" :

Titius, qui n'a rien promis, ne doit rien. Si j'ai fait la pro-
messe avec son assentiment, cela ne change pas la situation : Titius, tran-
ger au contrat, n'est pas oblig.

L promesse que j'ai faite ne m'oblige pas non plus : je ne me suis


personnellement engag rien.

Si Titius ne vous paie pas les 100 sesterces, vous ne. pouvez les
rclamer ni de lui, ni de moi, d'o le principe souvent rpt par les juris-
consultes : "nemo potest dlienvm faetum promittere" : nul ne peut promettre
le fait d'autrui.

A/ Expdients :

Mais, sans abandonner les principes, les jurisconsultes ont imagi-


n divers expdients, qui tous consistent faire le contrat en des ter-
mes tels que le promettant se trouve personnellement oblig : de cette
faon, le crancier - qui n'a toujours aucune action contre le tiers -
peut au moins poursuivre le promettant.

) Stipulatio poenae :

C'est une clause pnale jointe la promesse pour autrui : "Je pro-
mets que Titius vous fournira tel esclave : si Titius ne vous le four-
nit pas, je vous promets 100 sesterces".
384 .

La promesse pour autrui est nulle : vous ne pouvez exiger ni de


Titius ni de moi l'esclave en question; mais je me suis engag envers
vous vous payer 100 sesterces si Titius ne vous fournit pas l'escla-
ve : c'est une promesse sous condition suspensive, par laquelle je me
suis mol-mme personnellement engag : elle est valable. Pour viter
. de payer cette "pnalit", j'userai de toute mon Influence auprs de
Titius pour qu'il vous fournisse l'esclave (Inst.Just. : 3.19.21). On
validait ainsi la stipulation "dolum malum abesse" (englobant le dol
des tiers), la stipulation "de rato" impose par le prteur au procu-
rator qui agissait en justice pour autrui (cf. COUDERT, pp. 128.172).

2) Clause de porte-fort :

Le promettant prend personnellement l'engagement de faire en sor-


te que le tiers excute l prestation envisage; il promet "se effec-
turum ut Titius daret" (Inst.Just. : 3.19.3). SI Titius n'excute
pas, le promettant n'a pas rempli ses engagements et le crancier peut
agir contre lui.

En droit franais, cette clause est facilement sous-entendue : les


promesses pour autrui se trouvent ainsi souvent valides, au moins
I'gard du promettant.

En droit romain cette clause est souvent considre comme sous-


entendue, quand II s'agit d'un contrat de bonne foi, parce que dans
les contrats de cette catgorie, le juge a le pouvoir de rechercher
l'Intention vritable des parties : d'aprs les circonstances de fait,
Il peut apparatre que le promettant a consenti s'bjfger personnel-
lement.

Par contre, dans les contrats de droit strict, le juge doit s'en
tenir ce que les parties ont exprim formellement : la clause de
porte-fort ne s'y prsume pas. Paul (p_. 45.1.83 pr) Interprte ce-
pendant de cette faon, pour les rendre valables, la stipulation "do-
lum malum abesse" et la stipulation "habere lioere" (garantie contre
I'viction : pour cette dernire, Ulplen, plus rigoriste, est d'avis
qu'elle ne vaut qu'en ce qui concerne le fait personnel du vendeur, a
moins d'y ajouter stipulation de peine (D. 4R.1.38 pr et 2 ) .

3) Subterfuges d'interprtation :

En matire de cautionnement, c'est un principe soltdement tabli


que la caution ne promet pas le fait d'autrui, ne promet pas que le
dbiteur paiera, mais promet de fournir lui-mme la prestation qui
constitue' I'objet de l'obligation principale (Celsus y fait allusion :
D. 45.1.97.1; Hermognlen le proclame : D. 46.1.65). Mais une diffi-
cult s'est prsente la basse-poque lorsque le fldjusseur sis-
tendi causa s'est substitu l'antique vindex pour garantir la compa-
. 385

rution du dfendeur en justice : c'est un singulier fidjusseur, car


la dette principale n'existe pas (le dfendeur ne promet rien); d'au-
tre part ce garant de comparution promet que le dfendeur comparatra
(judioio sisti) : c'est promettre le fait d'autruf. Pour sauver les
principes, le Digeste, utilisant d'ailleurs des textes qui concernaient
le vindex, analysent les choses autrement : le fidjusseur sistendi
causa est cens promettre, non pas que le dfendeur comparatra, mais
que lui-mme ii produira le dfendeur en justice (exhibere : D.* 2.6.4
et 2.8.4) (cf. COUDERT, op. cit. pp. 69 sq.).

B/ Promesses pour les hritiers :


L'action est donne contre le tiers lui-mme dans un cas particu-
ller : c'est lorsque ce tiers - que l'on veut rendre dbiteur - n'est au-
tre que l'hritier du promettant.

1) A l'poque classique :

Celui qui promet que son hritier donnera quelque chose, fait un
contrat sans valeur; c'est une promesse pour autrui. ; Il en est de m-
me si l'on promet pour aprs sa mort {post mortem), c'est encore promet-
tre pour l'hritier. Comme le dit GaTus (111.100) : "Il est Inlgant
de faire natre directement l'obligation :la charge de l'hritier".

Par contre si l'on s'exprime de telle sorte que l'obligation puis-


se exister, ft-ce un instant de raison, la charge du promettant, le
contrat est valable et l'obligation, contracte par le promettant, pas-
se son hritier : c'est pourquoi GaTus dclare qu'on peut valablement
faire ia stipulation en ces termes : "promets-tu pour le moment de ta
mort ?" {oum morieris). Mais, son avis, si l'on s'exprime iafns :
"Promets-tu pour la veille de ta mort ?" (pridie quam morieris), c'est
sans valeur, on ne sait trop pourquoi !

2) Droit de Justinien :

Justtnien mit fin toutes.ces subtilits; une constitution de 528


dclare valable ia stipulation faite dans les termes "post mortem tuam"
ou "pridie quam morieris" - une autre constitution, de 551, permet mme
de promettre "pro herede meo". Dans le dernier tat du droit, Il est
donc possible d'engager valablement son hritier, et peu importent les
termes que l'on emploie pour parvenir ce rsultat.
386 .

2 - LA STIPULATION POUR AUTRUI

EOdement_de_|a_nuilit

En droit romain, le contrat en faveur d'un tiers est en principe


dpourvu d'effets (1). Le tiers bnficiaire n'a pas d'action : tranger
au contrat, il ne peut pas s'en prvaloir.

Il est par contre plus diffclle de savoir pourquoi le stipulant


ne peut pas exiger l'excution, au profit du tiers, de ce qui a t conve-
nu.

En invoquant un texte d'Ulpen (. 45.1-38.17) on a souvent expli-


qu la nullit du contrat l'gard du stipulant, en lui donnant pour fonde-
ment la rgle "pas d'Intrt, pas d'action", et comme le dit Ulpien, "nous
n'avons aucun intrt ce que quelque chose soit d autrui". Il arrive
cependant parfois que nous ayons un Intrt non douteux ce que le tiers
obtienne la prestation prvue : dans un systme qui fonde la nullit sur le
dfaut d'intrt du stipulant, Il serait logique d'carter cette nullit et
d'accorder une action au stipulant, toutes les fols que, l'excution prsen-
te pour lui un intrt. Or en droit classique, cette solution est loin
d'tre admise aussi largement.

Bonfante a cherch l'explication dans le caractre des contrats


en droit romain : qu'il y ait ou non Intrt pour le stipulant, le contrat
ne peut prvoir que rapports entre, les parties.

Nombreux sont les auteurs qui prfrent trouver l'explication dans


les solemnia verba du contrat verbis : s'en tenir aux paroles de la stipu-
lation, le tiers bnficiaire ne peut rien rclamer puisqu'il n'a rien dit;
quant au stipulant, ies paroles employes indiquent expressment que la pres-
tation n'est pas pour lui : Il ne peut don.c rien exiger (CORN IL : "Stu. Rlc-
cobono" IV, 249 sq.; VAZNY :. B.I.D.R. 40, 1932, 43 sq. ; KER WILLIE : "Tijds"
V. Rom. Hell. Reg. 1943 pp. 46 sq.). La rgle, impose par le formalisme
du contrat verbis aurait t ensuite tendue aux autres contrats. Mas Pe-
rozz ("Istituzioni ..." p. 216) a soutenu que les exigences du formalisme
ne rendent sans valeur la stipulation que si son objet est un dave (par ex. :
livrer te! esclave en proprit ou verser telle somme Tltius) : par contre
le stipulant pourrait agir en justice si la stipulation a pour objet un fa-
aere au profit d'autrui. On objectera qu'au point de vue des solemnia verba
I! n'y a pas de diffrence entre la stipulation de are et celle de faoere.
Mas Perozz soulve l un problme trs Important : est-II exact qu' I'po-
que classique, le contrat en faveur d'autrui ne produisait aucun effet que
dans le cas o son objet tait un dave ? Le stipulant avalt-ll une action
en justice lorsque l'objet tait un faoere ?

(1) Par contre, le droit grco-gyptien pratiquait sans difficult le contrat


en faveur d'autrui (TAUBENSCHLAG : "Law of Greoo-Roman Egypt" p. 401).
. 387

Le texte d'UlpIen sus-indiqu ne fait aucune distinction entre les


deux cas. Cependant GaTus 111.103 et Paul (D. 45.1-126.2) formulent le prin-
cipe de la nullit de la stipulation pour autrui, en prcisant qu'il s'agit
d'un "alteri dari".

SI l'on admet que seule est sans valeur la stipulation de dore,


quelle peut tre la raison de cette nullit ? Ankum ("Etudes Macqueron"
1970, pp. 21 sq.) en donne une explication trs plausible, en portant le
problme sur le terrain de la procdure. Les obligations de "dare rem" sont
sanctionnes par des actions aboutissant une condamnation pcuniaire cal-
cule sur la base du "quanti ea res est" ou "erit"), c'est--dire d'aprs
la valeur objective de la chose due : en cas de stipulation d'un dare pour
autrui, le stipulant ne peut pas obtenir la valeur d'estimation d'une chose
qui en ralit ne lui est pas due. Par contre les actions qui sanctionnent
des obligations de faaere sont des actions inaertae, aboutissant une con-
damnation calcule sur la base du "quanti interest", c'est--dire en tenant
compte de l'intrt que le demandeur avait obtenir l'excution. En cas
de stipulation d'un faaere pour autrui, le stipulant peut agir en justice,
s'il a lui-mme intrt l'excution : il rclame rparation de tout le
prjudice que lui cause la non-excution du contrat. Cette explication per-
met de comprendre. 1) pourquoi le stipulant, alors mme qu'il a un intrt,
ne peut pas agir quand 11 s'agt d'une stipulation de dare (ce que ne par-
viennent pas expliquer.les doctrines qui fondent la nullit sur le seul
dfaut d'intrt); 2) pourquoi est nul le consttut par lequel le consti-
tuant s'engage payera autrui (. 13.5.5.5) : ni la nature particulire
des contrats romains, ni les certa verba de la stipulation ne peuvent expli-
quer pourquoi ce pacte prtorien est nul quand il est conclu "pro altero".
Cette nullit se justifie si l'on tient compte du fait que l'action de pe-
aunia aonstituta sanctionne une obligation de dare peauniam et aboutit
une condamnation calcule sur le "quanti ea res est" (LENEL : Ed. 17).

Le principe de la nullit des contrats au profit d'autrui n'avait


donc pas en droit romain une porte absolue.

A/ ya|I_d [ t = = mgard = du : = st|pu|ant :

Bien souvent le contrat est valable, au moins l'gard du stipu-


lant : il peut agir-en justice contre le promettant.

1) Stipulations de faaere :

Il en est ainsi lorsque l'objet du contrat est un facere, si...le sti-


pulant a intrt son excution. Les textes en fournissent de nom-
breux exemples :

a) Un tuteur, abandonnant la gestion de la tutelle un co-tuteur,


exige de lui la "satisdatio rem pupilli salvam fore" (promesse
que les biens du pupille seront sauvegards) : c'est une stlpu-
. 388 .

lation pour autrui, en faveur du pupille. Le stipulant pourra


s'en prvaloir et agir en cas de besoin contre le co-tuteur, par-
ce qu'tant responsable de la gestion envers le pupille, -Il a in-
trt la bonne excution de cette stipulation (MARCELUN, cit
par ULPIEN D. 45.1-38.20).

b) GaTus 111.155 admet la validit du mandat alina gratia : je vous


demande de.grer les affaires de Ttus : ce mandat produit ses
effets entre vous et moi : si vous n'excutez pas le mandat, j'ai
contre vous l'action mariati - condition que je puisse me prva-
loir d'un intrt : par exemple, tant le tuteur ou le procurator
de-Ttus, je vous ai demand de faire, sur les biens de Ttus,
une opration que je' n'ai pas le temps de raliser mo-mme : res-
ponsable envers Ttus, J.'a intrt la bonne excution du man-
dat (D.. 17.1.8 4 et 6 ) .

c) Il est frquent de trouver dans le contrat de vente un pacte dans


l'Intrt d'un tiers : si ce pacte prsente un intrt pour le ven-
deur, . celui-ci peut en exiger l'excution, au moyen de l'action m-
me du contrat (actio empti) : ans le vendeur fait insrer dans
la vente une clause par laquelle l'acheteur s'engage respecter
les baux en'cours:(D. 19.1-13.30) : l'Intrt du vendeur est vi-
dent, car il rest, en tant que bailleur, responsable envers ses
locataires si l'acheteur les expulse.

Les ventes d'esclaves peuvent comporter ds clauses en leur faveur


il est convenu que I'acheteur ne IIvrera pas \'anoilla vendue la
prostitution, ou que l'esclave n'aura jamais d'autre matre que
l'acheteur, ou que celui-ci devra l'affranchir. Lorsque ces clau-
ses ne prsentaient gure pour le vendeur qu'un Intrt moral ou
d'affection, on les assortissat ordinairement d'une stipulation
de peine (D. 18.1-56 et 18.7-8 et 10) (1).

Un crancier gagiste, pour respecter un accord conclu antrieure-


ment avec son dbiteur, procde la vente du gage avec cette clau-
se que le dbiteur pourra reprendre son bien en le rachetant
l'acheteur dans un certain dlai (D. 13.7-13 pr) : le crancier
gagiste peut exercer l'action vencHt-i pour faire respecter ce pac-
te.

A l'poque o triomphe la procdure extraordinaire, la distinction


entre les obligations de dare et celles de facere a perdu la pr-
cision procdurale que lui donnaient les formules d'action : ds

(1) Les empereurs ont eu souvent s'occuper des difficults souleves par
ces clauses (cf. les constitutions runies au C I . 4- titres 54,56,57).
. 389 .

l'poque de Doclten, la stipulation de dare autrui peut tre


sanctionne par une action au profit du stipulant dans la mesure
o il y a intrt : quantum interesse tua : cf. C. 8.38.3.

Dans le droit de Justinien, la distinction dare-faaere est en


cette matire tout fait perdue de vue : les Insttutes de Jus-
tinien et le Digeste proclament le principe gnral ( I .J. 3.19.3
et D. 45.1.38.17) ; la stipulation pour autrui est nulle. Mais
le principe est corrig par un autre : le stipulant peut agir si
le contrat en faveur d'autrui prsente pour lui un intrt.

2i Les expdients :

A I'poque classique, lorsqu'il s'agissait d'une stipulation de


ave, ou lorsque l'intrt du stipulant n'tait pas vident, on par-
venait valider le contrat, du moins son gard, en recourant
des expdients : Ils correspondent ceux que nous avons signals
propos des promesses pour autrui : ils consistent rendre le stipu-
lant personnellement crancier.

a) Stipulatio poenae ;

C'est une clause pnale, prvue au profit du stipulant pour le cas


o le promettant n'excuterait pas la prestation prvue au profit
du tiers : "Me promets-tu 100 sesterces si tu ne fournis pas tel
esclave Titus ?". Cette stipulation conditionnelle est vala-
ble d'aprs les principes du droit commun. Pour peu que la pna-
lit soit assez forte, le promettant aura Intrt fournir TI-
tlus la prestation convenue, plutt que d'avoir payer au stipu-
lant la poena prvue.

b) On peut stipuler en mme temps pour soi-mme et pour autrui. Deux


formes possibles :
a. "mihi et alteri" .

Cette forme avait donn lieu des difficults d'interprtation.


Stipuler pour soi-mme et pour autrui, cela peut se comprendre
de deux manires; de toute faon, le tiers, tranger au contrat,
ne peut rien rclamer. Mais en cas d'inexcution, le stipulant,
selon les Proculiens, ne peut agir que pour la moiti, tandis
que d'aprs les Sabniens, il peut exiger la totalit : les pre-
miers en effet prtendaient que le stipulant et le tiers talent
conjointement cranciers d'une mme chose, et n'y avalent droit
chacun que pour une partie; les seconds soutenaient au contraire
que la prestation tait promise pour le tout, indistinctement
l'un comme l'autre.
. 390 .

B. "mihi aut alteri" :

La. forme 'hnihi aut alteri" ne soulve aucune difficult : quand


on stipule pour soi-mme ou_ pour autrui, il y a ici une alter-
native : la chose devra tre fournie entire l'un ou l'au-
tre. : Le tiers, en cas d'inexcution, ne peut rien rclamer :
mais le stipulant, d'aprs les termes mmes du contrat, peut
agir pour en exiger la complte excution son profit.

B/ y|Iidi__2I9cd_dy_+ic_b|D|igiic *

Donner une action au stipulant ne suffit pas : si celui-ci se d-


sintresse de l'affaire, le bnficiaire n'obtiendra rien : Il est certes
habilit recevoir paiement; I'excution accomplie son profit libre le
promettant. Mais il serait trs dsjrable d' I 1er plus loin et de donner
au tiers bnficiaire une action pour exiger l'excution du contrat.

Le droit romain y est arriv dans certaines hypothses :

1) La stipulation des alieni jiis :

Nous devons d'abord mettre hors de question le cas des - alieni


juris, fils de famille ou esclave, qui stipulent au profit du chef de
famille* Nous ne ' sortmes p I us ici en prsence d'une stipulation pour
autrui, mais de l'application normale des rgles relatives la repr-
sentation du chef de famille par les personnes places sous sa puis-
sance : toutcontrat conclu par un alieni juris en vue de rendre le pa-
terfamilias crancier est pleinement valable, comme si celui-ci l'avait
lui-mme conclu : le pre de famille stipule par la bouche de son es-
clave ou de son fils. Ce n'est plus, comme on peut s'en rendre comp-
t e / u n contrat pour autrui. GaTus (I I1.103), Ulplen (45.1-38.17), lors-
qu'ils formulent le principe de la nullit des stipulations pour autrui,
s'empressent de prciser qu'ils mettent hors de cause le cas o le sti-
pulant est plac sous la puissance du tiers 'bnficiaire.

2) La stipulation au, profit des hritiers :'

Lorsque le bnficiaire du contrat est l'hritier du stipulant, le


droit romain arrive mettre I'action entre ses mains, mais Indirecte-
ment. Mous, retrouvons Ici le pendant des solutions signales propos
des promesses'pour les hritiers.

La stipulation "post movtem meam"- ou "pridie quam moriar" est nulle,


comme si I ,:on stipulait "heredi meo" : ce sont des'stipulations pour au-
trui. Par contre on peut stipuler "pour le moment de sa mort" (oxan mo-
riar), (a crance prend naissance, un moment de raison, en la personne
du stipulant, et passe ensuite l'hritier (G. 111.100). Les romains
391 .

sont parvenus ainsi valider l'assurance sur la vie, qui n'tait pas
chose Inconnue chez eux (cf. APPLETON : "Rev. Gn. Droit" 1926).

Mais GaTus (111.117) trouve plus correct de valider les stipula-


tons:au profit des hritiers, en employant uii autre procd : c'est
de faire intervenir un "adatipulatcr" L' est une sorte
de grant d'affaires, que le stipulant faiT figurer ct de lui quand
il fait une stipulation pour aprs sa mort : cet adstipulatov est un
crancier accessoire, habilit. recevoir paiement, mais aussi agir
en justice. Si le stipulant meurt, I^adstipulatov fait valoir la cr-
ance (qui est devenue exigible, par le dcs du stipulant) : et comme
I *adstipulatov est trait, au temps de GaTus, comme un mandataire, il
faut qu'il rende des comptes aux hritiers de son mandant. L'hritier
finit par bnficier de la stipulation faite en sa faveur, en demandant
des comptes I'adstipulatov.

La pratique de I % adstipulatio disparut la basse-poque : Just-


nien admet la validit de la stipulation au profit des hritiers, quels
que soient les termes employs H.cum moviav, ou pvidie quam moviav, ou
post movtem meam, ou mme hevedi meo).

3) Cession au bnficiaire
de l'action du stipulant :

Dans les hypothses o le contrat pour autrui fait natre une ac-
tion au profit du stipulant, celui-ci peut tre contraint de cder cet-
te action au tiers bnficiaire, s'il existe entre eux un rapport de
droit qui l'y oblige en bonne foi : ainsi dans l cas sus-Indlqu du
crancier gagiste qui vend le gage en rservant expressment pour son
dbiteur une facult de rachat qu'il lui avait antrieurement consen-
tie : ce dbiteur, en vertu du contrat de gage tel qu'il a t conclu,
peut exiger que son crancier lui fasse cession de l'action venditi qu'il
a contre l'acheteur pour faire respecter la clause insre dans la vente.
De mme le locataire peut se faire cder par son bailleur l'action ven-
diti contre l'acheteur qui, contrairement la clause insre dans la
vente, ne respecterait pas les baux en cours.

4) Entorses aux principes :

Enfin dans quelques cas trs particuliers on est arriv reconna-


tre au tiers bnficiaire un droit qu'il tient directement et personnel-
lement du contrat et qu'il fait valoir au moyen d'une action utilis. Ce
rsultat a t obtenu assez tardivement par des constitutions et surtout
en interpolant les textes classiques.

a) Dpt_faj_t_par_un_dposItai re :

(PAUL : Col I. 10.7.8 itp ?)


392 .

Un dpositaire ne pouvant plus conserver chez lui la chose qui lui


a t confie, la dpose son tour chez une personne. Le premier
dposant peut exercer l'action depositi utilis contre le dernier
dpositaire, avec lequel il n'a pourtant pas lui-mme trait. M-
me solution dans le cas du commodataire qui confie autrui la cho-
se qu'il a emprunte (DIOCLETIEN C. 3,42.8 tlp). Un crancier re-
fusant la somme que le dbiteur lui offre, ce dernier dpose cette
somme dans une.caisse publique; le crancier pourra obtenir paie-
ment de cette caisse (. 4.32.19,- de Diocltien).

b) Donaton_avec_charge :, .

Une donation' est faite une personne, charge pour elle de trans-
mettre la chose donne un tiers. SI le donataire n'excute pas,
le tiers bnficiaire peut exercer contre lui une aotio utilis : cet-
te solution rsulte d'une constitution de Diocltien de 290 (frg.
Vat. 286 et C 8.54.3) : I'empereur ne fait pas mystre que c'est une
vritable entorse aux principes - une exception Introduite "bnigne
juvis interpretatione". Diocltien a tendu aux donations une solu-
tion dj connue en matire de fidicommis d'hrdit (o elle ne
faisait pas de difficult, puisqu'il s'agissait, non pas d'un con-
trat, mais d'un testament).

c
^ yD_^_9S9e :

(avec rserve.de rachat au profit du dbiteur)

L'action en revendication et l'action in faction donnes au dbiteur


en propre par . 13,7-13 pr sont interpoles.

d) Promesse de restitution de dot

Une femme qui se constitue une dot fait avec son mari une conven-
tion aux termes de laquelle le mari s'engage, en cas de dissolution
du mariage par dcs de s-a femme, restituer la dot la mre de
la constituante, sans que cette mre stipule elle-mme. Ou un grand-
pre maternel dote sa petite f!Me et stipule la. restitution au pro-
fit de cette petite fille, ou des enfants natre (les bnficiai-
res ne pouvaient pas stipuler).

Justinlen,,en Interpolant plusieurs textes (. 24.3.45!et. 5.14.


7) valide ces stipulations pour autrui : Il accorde;une action la
mre contre son ex-gendre : c'est une solution exceptionnelle ("jus
singulare"), que justifient les liens de parent entre les Intres-
ss; Il accorde galement l'action la petite fille (cf. GERARD
480, n. 6 et ALBERTARIO : Studi I., 349 sq.; VI, p. 296).
393 .

C'est en partant de ces diverses solutions romaines que les pan-


dectistes allemands (Wndscheld) sont arrivs carter le princi-
pe de la nullit des stipulations pour autrui. Leur doctrine a
exerc une grosse influence en Allemagne; le Code Civil allemand
de 1900 admet, selon les circonstances de fait, l'acquisition di-
recte d'un droit par le tiers bnficiaire. Le droit franais, no-
tamment en matire d'assurances, connat des "contrats en faveur
des tiers" qui chappent la rgle "ves i-ntev aiios aota" et qui
permettent aux tiers bnficiaires d'acqurir un droit propre, en
acceptant le bnfice du contrat.

CHAPITRE II : LA CESSION DE CREANCES


SSSSBB=3C8a3Q&=3SSBS:

Nous avons dj expliqu pourquoi la conception romaine de l'obli-


gation s'opposait au fonctionnement d'une vritable cession de crances. Les
romains sont arrivs raliser quelque chose d'approchant, au moyen d'exp-
dients de plus en plus perfectionns.

1 - CESSION PAR STIPULATION NOVATOIRE

Le crancier qui dsire cder sa crance demande au dbiteur cd


de bien vouloir s'engager envers le cessionnaire, en faisant avec ce dernier
une stipulation novatoire : sur ce "jussus" du crancier, le dbiteur promet
au cessionnaire ce qu'il devait au cdant. Cette stipulation produit nova-
tion par changement de crancier : la crance primitive est teinte et rem-
place par une crance nouvelle au profit du cessionnaire.

Ce procd prsente de graves inconvnients :

1) Il n'y a pas proprement parler cession de la crance, car le cession-


naire n'obtient pas la crance mme du cdant, mais bnficie d'une cr-
ance nouvelle : sans doute c'est bien le mme objet qui reste d par le
mme dbiteur, mais en vertu d'un acte nouveau, la stipulation novatoi-
re. L'ancienne crance est teinte : II en rsulte les consquences sui-
vantes :

a. Le cessionnaire ne bnficie pas des garanties dont jouissait le c-


dant, les cautions sont libres puisque la dette qu'elles garantis-
saient est teinte et les hypothques qui avalent pu tre consenties
sont leves.

b. Par contre le dbiteur cd ne peut pas opposer son nouveau cran-


cier les exceptions qu' 11 aurait pu invoquer contre son crancier
primitif.
. 394 .

') .Cette, cession ncessite l'accomplissement d'un acte juridique, pass


entre le cesslonnaire et le dbiteur cd : le consentement du dbi-
teur est par consquent Indispensable. Or rien ne le force le don-
ner. Il est craindre qu'il ne profite de la situation et ne fasse
payer son concours, en demandant une rduction de la dette ou des d-
lais avantageux.

2 - CESSION PAR PROCURATIO IN REM SUAM

Un procd bien plus satisfaisant est celui qui consiste rali-


ser la cession sous les dehors d'un mandat "ad Htem". Le cdant donne au
cesslonnaire mandat de poursuivre en justice le dbiteur cd.

Ce mandat prsente une particularit : le mandataire (le cesslon-


naire) n'a pas rendre compte son mandant (le cdant) de l'excution du
mandat et conserve pour lui tout le profit de la condamnation prononce con-
tre le dbiteur. Tel est en effet le but de ce mandat : le mandataire in-
tente l'action dans son propre Intrt. C'est une "proauratio in rem suant",
un mandat donn dans l'Intrt du mandataire. Sur ce type de proauratio,
cf. GEHRUSCH : Gottingen 1963 et C.R. KASER : Z.S.S. 1964, 390 sq.

Ce procd n'a pu tre utilis qu' une poque relativement tardi-


ve : Il suppose d'abord la possibilit d'agir en justice par mandataire : or
cette facult n'existait pas dans la procdure des actions de la loi (la re-
prsentation en justice s'est introduite dans la procdure formulaire au mo-
yen de formules spcialement adaptes par le prteur).

De plus la validit d'un tel mandat, donn dans l'Intrt du man-


dataire, tait trs discutable : ce sont les jurisconsultes du premier si-
cle de notre re qui ont russi en faire admettre la validit; pour des
raisons d'utilit pratique, en passa outre aux rgles qui rgissent ordinal-
relent le mandat.

La precuratio in rem euam est un procd bien plus perfectionn


que la stipulation novatoire : elle ne prsente pas les mmes Inconvnients.

Sans que la crance soit proprement par 1er'transmise, c'est tout


de mme bien la crance du cdant que le cessionnaire fait valoir en justice.
Il bnficie par consquent des garanties qui s'y attachent et le dbiteur
peut lui opposer les exceptions qu'il aurait pu invoquer s'il avait t pour-
suivi par le crancier lui-mme.

Enfin, le grand avantage de ce procd est de pouvoir fonctionner


sans requrir le consentement du dbiteur.

Mais le cesslonnaire n'a pas un droit propre et autonome; il est


mandataire du crancier et cela n'est pas sans danger pour lui.
. 395 .

Le cdant (qui est un mandant) reste crancier. Le cdant peut


donc encore, derrire le dessionrialre, recevoir paiement du dbiteur ou lui
consentir une remise de dette.

D'un autre ct, le mandat est un contrat fragile; il est rvoca-


ble et prend fin par le dcs soit du mandant, soit du mandataire.

Le cessionnaire met fin cette situation prilleuse lorsqu'il


fait litis conte s tatio avec le dbiteur. La litis oontestatio'fait natre
au profit du mandataire le droft" d'obtenir un jugement. Le cdant ne peut
plus librer le dbiteur et le droit qui dcoule.de,la litis oontestatio
survit en cas de dcs du cdant ou du cessionnaire (effet fixateur de ta
litis oontestatio).
La litis oontestatio, acte de procdure Intervenant entre le dbi-
teur et le cessionnaire procure ce dernier un droit propre, Irrvocable et
transmsslble. Mais entre le jour de la pvoouvatio et celui de la litis
oontestatio, le cessionnaire se trouve dans une situation trs prcaire.

_3 - PERFECTIONNEMENTS APPORTES
PAR LA LEGISLATION IMPERIALE

Ds I'poque'classique on accorde au cessionnaire une "action utile",


qui lui. appartient, en propre et qu'il ne. perd pas si le cdant dcde--
pu vient rvoquer la pvocuvatio in. rem suam.

L'origine de cette action remonte au s.c. Trebelllen, qui est


d'ailleurs tranger la cession de crances. Ce snatus-consulte de
,1'an 56 concernait les fid 1 commis d'hrdit, f 1 dicommis portant sur
l'ensemble de l'hrdit et pouvant par consquent comprendre des cran-
ces. Ce snatus-consulte accordait au bnficiaire du fidicommls une
action utlle pour poursuivre les dbiteurs de la succession,- comme au-
rait pu le faire' un hritier et sans avoir dpendre de la personne qui
devait excuter le ,f1 dIcommis. Antonln le Pieux (C. 2.14.16) tendit
cette action utile dans l'hypothse d'une vente d'hrdit : celui ach-
te une hrdit ouverte se fait cder par les hritiers tous les biens
de la succession, y compris les crances : l'acqureur put faire valoir
ces crances en vertu d'un droit propre, qui ne peut tre Influenc ni
par une rvocation ni par le dcs de l'hritier qui a consenti la ces-
sion : Antonln le Pieux accorde l'acheteur d'une hrdit l'action
utile que le snatus-consuIte Trebelllen avait dj prvue au profit
du bnficiaire d'un fidlcommis d'hrdit. Cette action se compl-
tait d'une exception de dol que le dbiteur pouvait opposer au vendeur
de l'hrdit, si celui-ci voulait le poursuivre : pour permettre au
. 396 .

dbiteur d'employer cette exception, l'acheteur de l'hrdit tait te-


nu de lui faire connatre la cession : c'est l'origine de la denuntiatio
dont nous allons bientt parler.

Ce systme fut ensuite tendu dans des cas o M ne s'agissait


plus de la vente d'une hrdit, mais de la cession d'une crance dter-
mine. D'une faon gnrale, le cessionnalre n'a plus redouter la mort
du cdant : il dispose, en propre, d'une action utile. Au dcs du ces-
sionnalre, l'action utile fut donne ses hritiers, d'abord au cas de
vente de la crance, puis aussi lorsque la cession est faite pour excu-
ter un legs (C. 6.37.18 de 294) ou raliser une donation (C. 8.53.33 de
528) ou constituer une dot.

Dans le droit de Justlnien le systme des actions utiles tait


devenu gnral en matire de cession de crance. Sans avoir besoin de
faire litis oontestatio, le cessonnaire tait nanti d'un droit Irrvo-
cable que ni sa propre mort ni celle du cdant ne pouvaient dtruire.

B/ La denuntiatio :
==3ssnsas3ssas

Mais le cessionnalre qui n'avait pas fait litis oontestatio pou-


vait avoir encore craindre l'exercice, par le cdant, de ses droits.
Il fut admis que le cessionnalre se mettait dans une situation aussi avan-
tageuse que s'il avait fait litis oontestatio, en adressant au dbiteur
cd une signification de la cession - une denuntiatio - acte extra-ju-
diciaire - ou en recevant de lui un paiement partiel.

Il en est question dans une constitution de Gordien de 239 (C_. 8.


141.3), mais ce texte est interpol (1). La denuntiatio rend la cession
opposable au dbiteur; celui-ci ne peut plus faire de paiement valable
qu'entre les mains du cessionnalre et iI ne peut plus tre libr par une
remise de dette que consentirait le cdant. La denuntiatio a aussi pour
effet d'empcher le cdant de cder une seconde fois la mme crance : le
dbiteur doit se librer entre les mains de celui qui, le premier, lui a
signifi la cession : il dispose d'une "exoeptio" pour repousser les pr-
tentions du cdant ou de cessonnalres plus tardifs.

Avec la pvocuvatio in rem suam, complte par la denuntiatio, le


droit romain tait arriv peu prs notre systme moderne, tel qu'il
rsulte de l'art. 1690 C.C. En droit romain, il n'y a pas proprement
parler transmission de la qualit de crancier du cdant au cessionnaire :
celuirci a thoriquement conserve le caractre d'un mandataire du cdant.

(1) La denuntiatio a. pu exister l'poque classique dans le cas de la ces-


sion d'hrdit. Mais son emploi gnralis est probablement une inno-
vation due Justinien.
. 397 .

Nous avons vu que le dbiteur peut opposer au cessionnaire les


exceptions qu'il aurait pu opposer au crancier. Le cessionnaire, ain-
si dbout, a-t-il un recours contre le cdant ? Existe-t-l une garan-
tie en faveur de l'acqureur d'une crance ?

De la cession elle-mme - ralise par mandat - ne dcoule au-


cune garantie. Mais si la cession est faite en excution d'une vente de
la crance, le cessionnaire peut faire valoir la garantie que le contrat
de vente impose tout vendeur : le vendeur garantit I'existence de la
crance : il est par consquent responsable si elle est rendue ineffica-
ce par une exception. Mais le vendeur ne rpond pas de la solvabiIit
du dbiteur (sauf convention contraire) (ULP. : D. 18.4.4).

4 - MESURES HOSTILES
A LA CESSION DE CREANCE

Lorsque la cession de crance, trs perfectionne, devint d'utili-


sation courante, on s'aperut qu'elle pouvait donner lieu des abus : des
mesures lgislatives furent prises en vue de restreindre la facult de cder
des crances.

a) Certaines mesures concernent d'une faon gnrale la cession de droits


litigieux - y compris les crances litigieuses.

Une constitution de Claude le Gothique (fin 111 s.) interdit,


sous les peines les plus svres, aux potentes d'agir en justice comme
cessionnaires de droits litigieux.

En 532, Justinien (C. 8.36.3 et 5) Interdit sous menace de con-


fiscation du prix, la cession de droits litigieux, sauf dans des hypoth-
ses o toute ide de spculation est videmment trangre (constitution
de dot, partage).

b) D'autres mesures concernent certaines cessions de crances, mme non li-


tigieuses.

Le tuteur ne doit pas acqurir les crances de son pupille, les


patentes celles de humtliores.

c) Une importante constitution d'Anastase de 506 crut mettre fin toute


spculation en permettant au dbiteur cd de se librer valablement en
offrant au cessionnaire le prix de cession et les intrts. Cette mesu-
re ne s'applique pas lorsque la cession est faite en vue d'un partage,
ou pour dlivrance d'un legs, dation en paiement, donation - hypothses
. 398 .

dans'lsquelles la cession de crance n'est pas employe dans un but de


spculation (C/ 4.35.22 complte par Justinlen ht. 23).

Le Code Civil (art. 1699) connat une solution comparable, le re-


trait litigieux, mas qui ne concerne que la cession de crances Iitlgleu-
ses.

5 -TRANSFERT DE DETTES

Pour substituer un dbiteur un autre, le seul procd possible


est celui de la novation par changement de dbiteur : le nouveau dbiteur
promet au crancier ce que lui doit le dbiteur primitif. Le consentement
de ce dbiteur primitif n'est pas indispensable : il peut se trouver lib-
r son insu. Mais le consentement du crancier est ncessaire; la nova-
tion rsulte d'un acte conclu entre lui et le nouveau dbiteur. De cet ac-
te rsulte une obligation nouvelle, qui ne jouit pas des garanties qui s'at-
tachaient l'ancienne, et qui chappe aux exceptions dont l'ancienne pou-
vait tre menace.

Le procd est par consquent trs imparfait. A l'exemple du


droit romain, le droit franais n'a pas organis de faon plus satisfaisan-
te le transfert de dette. Certaines lgislations modernes admettent le
transfert de dette, avec ie consentement du crancier, et ce transfert n'op-
re pas novation (Code Civil Allemand 1900).

CHAPITRE III : LA REPRESENTATION


:sBaaBBtBB
EN MATIERE D'OBLIGATIONS
ssssssBSRsssasssasssssac

La question de la reprsentation se pose propos de toutes sortes


d'actes juridiques et pas seulement propos des negotia destines crer
des obligations : reprsentation pour acqurir ou aliner la possession, la
proprit, reprsentation pour accepter une succession, un legs, reprsenta-
tion pour faire ou supporter un procs, etc ... D'une faon gnrale, le
droit romain est hostile la reprsentation et nous l'avons signal pro-
pos du mandat (p. 177) et des stipulations pour autrui.

En principe on ne peut pas, pour devenir crancier ou dbiteur,


faire faire le contrat en son nom par un intermdiaire : il n'en est autre-
ment que dans l'hypothse ou un chef de famille est reprsent par une per-
sonne place sous sa puissance : esclave, fils ou mme fille de famille. La
reprsentation par des extranei fonctionna ordinairement sans qu'on puisse
parler d'une vritable reprsentation, sauf dans quelques exceptions.
399

SECTION I : LA REPRESENTATION
PAR LES ALIENI JURIS
a s a a a i a s a s a s s s s s s s s ss'=

1 - REPRESENTATION
A L'EFFET DE RENDRE LE CHEF DE FAMILLE
CREANCIER (REPRESENTATION ACTIVE)

Le chef de famille profite de toutes les richesses produites par


les personnes places sous sa puissance : un esclave potier fait une ampho-
re : l'amphore appartient automatiquement au matre, sans qu'il ait besoin
de manifester sa volont de l'acqurir, et mme a son insu. Supposons qu'au
lieu d'une activit physique l'esclave dploie une activit juridique : par
exemple il fait une stipulation; qu'il emploie les termes "promets-tu de me
payer 100 sesterces ?" ou "promets-tu de payer mon matre Titius 100 ses-
terces", de toutes faons, c'est le matre Titius qui devient crancier et
c'est lui (et non l'esclave, incapable d'agir en justice) qui pourra faire
un procs au promettant s'il ne paie pas les 100 sesterces.

- Ce rsultat est obtenu en se passant de l'ide de reprsenta-


tion : \xalieni jurie n'est pas capable de devenir crancier : il n'a per-
sonnellement aucun droit : s'il peut faire une stipulation, c'est en emprun-
tant la capacit de son matre : iI ne peut pas valablement employer des
formalits que son matre aurait t Incapable lui-mme de faire : ainsi
l'esclave d'un prgrin ne peut pas valablement faire une sponeio, parce
que son matre ne le pourrait pas davantage. Le matre parle par la bouche
de son esclave : il devient directement crancier en vertu de la stipulation
comme s'il l'avait faite lui-mme.

Mais avec cette ide que les dlieni juris sont des "instruments
d'acquisition" au profit du chef de famille, on n'arrive pas rendre celui-
ci dbiteur par leur intermdiaire. Le jus civile en est rest cette po-
sition : solution trs gnante car il est rare qu'une affaire nous procure
un avantage sans que nous ayons consentir un sacrifice : fils et esclaves
ne pouvaient devenir des agents d'affaire pratiquement utilisables que s'ils
pouvaient prendre l'gard des tiers des engagements opposables au chef de
famIle.

2 - REPRESENTATION
A L'EFFET DE RENDRE LE CHEF DE FAMILLE
DEBITEUR (REPRESENTATION PASSIVE) (1)

Le prteur, dans l'intrt bien compris du chef de famille, organi-


sa tout un ensemble d'actions que les tiers cranciers pouvaient exercer con-

(1) GAIUS (IV.69 74 a - complt par PAP. 0XYR. 2103) fournit sur cette
question une trs prcieuse documentation.
. 400 .

tre le paterfamilias : la reprsentation passive par les alieni juris ap-


partient entirement au droit prtorien : le contrat conclu par I ^alieni
juris fait natre, la charge du pater, une obligation dont la validit
n'existe que par la grce du prteur.

Les commentateurs du droit romain ont donn ces actions prto-


riennes le nom d'actions "ajeotitiae qualitatif" (de quaiIt ajoute) :
soit parce que dans le procs le pater est poursuivi "es-qualt" (de man-
dant ou prposant), soit parce que (dans le cas du fils de famiI le) l'action
contre le pre s'ajoute celle qu'on pourra exercer contre le fils lui-mme
quand II sera devenu sui juris.

Ces actions se rpartissent en deux groupes : les unes rendent le


chef de famiI le dbiteur "in solidum", c'est--dire pour la totalit de la
dette^contracte par \yalieni juris; les autres ne l'obligent que dans une
certaine mesure.

A/ Le chef de famille est poursuivi


pour la totalit de la dette :

. Lorsque la. dette a t: contracte par 1 %alieni juris avec son ap-
probation expresse ou prsume.

a
^ Action quod jussu :

Lorsque I *alieni juris a contract sur le jussus du chef de famil-


le : le jussus n'est pas.ncessairement un ordre, ce peut tre une ad-
hsion donne l'avance.

b) L'assentiment du chef de famille


se prsume :

Quand \yalieni juris a contract des dettes pour les besoins d'un
commerce maritime ou terrestre la tte duquel le chef de famille l'a
prpos. L'action exercitoria est accorde par le prteur contre I'e-
ercitor (l'armateur) qui a prpos un de ses alieni juyis au commande-
ment d'un de ses navires : si, pour les besoins du commerce maritime,
le capitaine de navire fait des dettes, les cranciers peuvent en exi-
ger le paiement intgral I } exeroitor. - L'action instiioria, conue
dans le mme esprit, concerne le cas de \%alieni juris que son chef de
famille a prpos comme boutiquier (institor) ou d'une faon gnrale
a mis la tte d'une affaire commerciale.
401 .

B/ ^t9^.dejpe^liq_qut_de_in_vem_versq :

a) Si I ralieni juris
n'est pas prpos un commerce
maritime ou terrestre :

Le chef de famille rpond, d'une faon gnrale, des dettes contrac-


tuelles ou quasi-contractuelles de celui-ci jusqu' concurrence de l'ac-
tif du pcule qu'il lui a concd ou de l'enrichissement que l'affaire
lu! a procur. La formule de cette action avait une condermatio pr-
sentant une alternative : selon ce qui tait le plus avantageux pour
le crancier, le juge condamnait le chef de famiI le "de in rem verso"
( concurrence de son enrichissement) si par exemple il n'y avait pas
de pcule, ou "de peoulio" (sur l'actif du pcule) si l'enrichissement
pour le chef de famille tait nul ou infrieur la dette. Les tiers
qui traitent avec un esclave lui font confiance en considration de son
pcule : il est juste que ce pcule serve les payer (1).

Quand tes cranciers n'arrivent pas obtenir satisfaction de l'es-


clave, ils s'adressent son matre et celui-ci rgle., avec les biens
du pcule, les dettes de son esclave, payant les cranciers dans l'or-
dre o ils se prsentent : les cranciers les plus diligents obtiennent
satisfaction et lorsque les paiements effectus par le chef de famille
ont puis le pcule, celui-ci ne peut plus tre tenu "de peoulio", sur
son pcule qui ne comporte plus d'actif.

Or le matre lui-mme peut, d'aprs les comptes tenus en famille,


avoir une crance l'gard de I ralieni juris . il commence par se
payer lui-mme sur le pcule et offrira ce qui reste au premier cran-
cier qui se prsentera : le chef de famille a le droit de procder
ce qu'on appelle la "deductio peculii" en sa faveur : ses crances
jouissent d'une sorte de privilge. Le prteur, en reconnaissant cet-
te faon de procder, admettait la validit des crances du chef de
famiI le sur ses alieni juris, crances qui ne sont pourtant que natu-
rel les (2).

b) Action tributoria :
Le chef de famille cesse d'tre autoris faire la dedutio pecu-
lii en sa faveur, lorsque I ' a l i e n i juris a contract des dettes en ex-
ploitant un commerce qu'il tient au su et vu du chef de famille, sans
y avoir t cependant prpos par celui-ci (car dans ce dernier cas,

(1) Sua? le pcule, cfc l'ouvrage fondamental de MICOLIER : "Pcule et Capa-


cit juridique", 1982.,-
(2) Cf. Supra, p. 351 : les obligations naturelles entre le chef de famille
et les alieni juris.
. 402 .

c'est l'action institoria qui est accorde aux cranciers). Le chef


de famille devient le liquidateur du pcule de \'alieni juris commer-
ant : il doit rpartir l'actif du pcule entre tous les cranciers,
au prorata de leurs crances, et pour ses propres crances, il doit se
contenter du mme dividende que les autres : l ne jouit d'aucun pri-
vilge. S'il ne fait pas cette quitable rpartition, les cranciers
l'y contraignent avec l'action tributoria (action en "rpartition" de
I'acti f du pcule).

Comme le remarque GaTus (.4.74 a), cette action tributoria est par-
fois moins avantageuse pour les cranciers que I'action de peculio aut
de .in rem verso : d'abord parce qu'elle ne permet pas de tenir compte
de \Hn rem versum .(! 'enrichissement) dont profite le chef de famille;
de plus, elle.ne porte pas sur tout le pcule (comme l'action de peau-
lio) mais seulement sur la.partie du pcule affect au commerce (merx
peoularis)

. Avec ces actions prtoriennes, les cranciers font valoir le con-


trat conclu avec I^lieni juris : le chef de famille n'est pas direc-
tement dbiteur, mais tenu "du chef" de I'alieni juris contractant.
Justinien a ajout ce systme prtorien une reprsentation directe,
qui rend le chef de famille personnellement dbiteur comme s'il avait
fait lui-mme l'opration (J_. 5.4.7.8). Lorsque le contrat a t con-
clu sur le jussus du chef de famille, ou lorsqu'il, peut tre poursuivi
par les actions exeroitoria ou institoria, ou bien encore lorsqu'il
profite d'un enrichissement {in rem versum).,-. on peut - dit Justinien
- exercer directement contre lui une condictio (direato posse oondi-
oi), comme si l'affaire avait t conclue avec lui . titre principal.

SECTION II : LA REPRESENTATION
PAR_DE S JEXTMNAEJ?ERSlAE

D'une faon gnrale, le droit romain est hostile la reprsenta-


tion par des personnes trangres la familia. Si je vous demande de faire
une affaire pour mon compte, c'est vous qui, ayant pass le contrat, devenez
crancier ou dbiteur : nous procderons ensuite un rglement de comptes
entre nous : je vous rembourserai ce que vous avez d payer et vous me trans-
frerez les droits que vous avez acquis l'gard du tiers (cf. supra p. 177),
Ce n'est pas une vritable reprsentation : aucun rapport de.droit ne s'ta-
blit entre les tiers et le mandant : les tiers ne connaissent que le manda-
taire. C'est de. la:, reprsentation par cascades : les tiers ne sont en rap-
port avec le mandant que si celui-ci s'est fait cder, par le mandataire,
les droits qu'il a acquis.
. 403

Dans quelques cas cependant, celui pour le compte duquel l'affai-


re a t conclue peut agir contre les tiers ou tre actionn par eux, au mo-
yen d'actions prtoriennes, dtes "utiles".

A/ Reprsentation active :

A I'poque classique, on ne donne I'action utlle au reprsent con-


tre le tiers dbiteur, que de faon exceptionnelle : le magistrat ne la
lui accorde pas automatiquement, mais "aognita causa", aprs examen des
circonstances de fait. Il l'accorde par exemple s'il n'y a pas moyen de
sauvegarder autrement les Intrts du reprsent (. 14.3.2) dans le cas
o le reprsentant est un "institov", extvaneus, prpos par le reprsen-
t l'exploitation d'un commerce.

Par Interpolation, Justinien accorde bien plus largement cette ac-


tion utile.: Ulpen (D_. 19.1-13*25) raisonne sur l'hypothse d'un "domi-
nus" qui a charg son mandataire de vendre : l'acheteur pourra faire va-
loir la garantie contre l'viction en s'attaquant directement au mandant,
par une action utile ex empto : ce qui est peut-tre classique, mais la
fin du texte, passant l'hypothse inverse (le mandataire charg d'ache-
ter) accorde au dominus (qui a donn mandat d'acheter) l'action utile ex
empto, pour agir en garantie contre le tiers vendeur : ce passage obscur
est trs suspect.

B/ Reprsentation passive :

Elle a t facilement admise lorsque le mandataire a t prpos


un commerce maritime ou terrestre et fait des dettes pour les besoins
de ce commerce. Les actions exevoitovia et institovia que l'dlt prvo-
yait dans le cas o le prpos tait un alieni juvis ont t tendues au
cas o c'est un extvaneus (homme libre ou esclave d'autrui). Cette ex-
tension n'tait pas prvue dans l'dlt mais accorde dans chaque cas par-
ticulier parrun dcret du magistrat (action dcrta le et non dlctale) (1),

Papinien a donn une extension bien plus large l'action instito-


via, en prconisant son emploi comme action utilis ad exemplum institoviae
ou quasi institovia, dans des hypothses o II ne s'agit plus d'un indivi-
du prpos un commerce, mais d'un extvaneus qui a fait un acte juridique
en excutant un mandat ou mme comme negotiovum gestcv (D_. 19.1.13.25 cas
d'une vente, 17.10.5 et 14.3.19 pr, mutuum dans lequel l'emprunteur se
fait reprsenter par un pvoouvatov) : avec cette action utile les tiers
cranciers pourraient donc toujours s'adresser au mandant pour obtenir

(1) Sur ce point, trs judicieuse analyse du texte des I.I. 4.7.2, par VIL-
LERS, Prcis Dalloz, Obligations, p. 198, n 1.
404 .

directement de lui l'excution : mais le caractre classique des textes


attribus Papinien n'est pas certain. Par contre, ds I'poque classi-
que, la reprsentation directe a t facilement admise en matire de mu-
tuum : si les denters sont remis au mandataire de l'emprunteur, ce n'est
pas le mandataire qui devient dbiteur en vertu du mutuum, mais bien le
mandant; la tradition peut se faire par l'Intermdiaire d'un reprsentant:
c'est le mandant qui devient propritaire des deniers que'son mandataire
a reus en : son nom.

C/ Reprsentation
par les tuteurs et les curateurs :

Lorsque la tutelle ou la curatelle prennent fin, les dettes et cr-


ances rsultant de la gestion du tuteur ou du curateur sont supportes par
I'ex-ncapable ou lui profitent,: des actions utiles peuvent tre exerces
contre lui par les tiers cranciers, ou par lui contre les tiers dbiteurs,
Si un tiers crancier poursuit l'ex-tuteur ou I'ex-curateur, ceux-ci oppo-
seront une exception. .

ooooo
o
405

TROI S IEME PART IE

L' EXTINCTION DES OBLIGATIONS

. Aperu historique :

La raison d'tre de l'obligation est de procurer au crancier une


prestation. Lorsqu'il l'a obtenue, l'obligation a rempli son office et n'a
plus qu' disparatre : le mode le plus normal d'extinction des obligations
est par consquent l'excution : le paiement, au sens large du mot (solutio).

Mais les romains ne sont pas arrivs du premier coup une concep-
tion aussi naturelle des choses : avec le formalisme ancien, le simple paie-
ment ne suffisait pas pour librer le dbiteur, pas plus que le simple accord
de volont n'avait suffi pour l'obliger. Il fallait des formalits pour lier
le dbiteur; il en fallait d'autres pour le dlier.

Les rites libratoires correspondaient aux rites crateurs d'obli-


gations selon le principe bien connu du "oontrarius actus", ou de la concor-
dance des formes : les effets qui.rsultent d'une, forma 11 t ne peuvent tre
effacs qu'au moyen d'une formalit symtrique mais Inverse. Cette, rgle
trouve son application frquente dans le droit religieux : les choses deve-
nues ves saarae par la aonsecvatio, perdent ce caractre a la suite d'une
exsecratio. La femme place sous la manus du mari en vertu du rite de la
oonfarreatio, ne peut sortir de cette manus que par une diffareatio.

De mme le dbiteur li (obligatus) la suite d'une formalit


per aes et libram ne peut tre dli (.solutus) qu'au moyen d'une formalit
inverse, la solutio per aes et libram.. Si l'obligation rsulte du dialogue
solennel de la stipulation, il ne suffira pas d'un simple paiement pour l'-
teindre; il faudra que,ce paiement s'accompagne du dialogue solennel de la
solutio "verbis" : l'aeeeptilatio.

Dans le courant de l'poque rpublicaine, cette exigence du forma-


lisme s'est adoucie : Il fut admis que l'excution de l'obligation, Indpen-
damment de toute formalit, librait le dbiteur, au regard mme du jus civi-
le : le paiement devint le mode normal d'extinction de toutes les obligations.

Mais le droit classique porte encore des traces du systme ancien :


. 406 .

1/ Tout d'abord les formalits qui avaient autrefois servi donner au paie-
ment sa force libratoire ne furent pas supprimes : on ne s'en servait
plus gure pour faire un paiement, mais pour librer le dbiteur sans
qu'il fasse paiement : ces vieilles formalits taient employes pour
oprer des remises de dettes et faisaient figure de "paiements fictifs"
(imaginariae solutiones).

2/ D'autre part, la rgle du "contrarias aotus", ne dans les cadres du for-


malisme, fut exploite par les jurisconsultes pour justifier des solutions
qui intressent des contrats non formels, comme le mutuum ou les contrats
"oonsensu". Ainsi pour justifier l'effet libratoire du simple paiement
fait en excution d'un mutuum, Pomponlus (D_. 46.3.80) donne cet argument :
quand nous contractons "re", la libration doit se faire "re" : oum re
contraximuss re solvi dbet. Nous verrons plus loin les consquences que
la jurisprudence a pu tirer de la rgle du oontrarius aotus dans les con-
trats consensuels : ce que le consentement a fait, le oontrarius consen-
sus peut le dfaire.

Classification
des modes d'extinction

Avec les progrs du droit,les modes d'extinction des obligations


devinrent trs nombreux : admis les uns aprs les autres, sans plan d'ensem-
ble, ils obissent des rgles diffrentes : cette matire manque tout
fait d'unit.

On peut classer les modes:d'extinction en deux grandes"catgories,


d'aprs les sources du droit qui les ont reconnus : les uns proviennent du
jus civile, les autres du droit prtorien. Cette classification prsente un
grand intrt pratique car ces deux catgories de modes d'extinction produi-
sent, des effets diffrents.

1/ Modes du jus civile :

Ils proviennent du vieux droit romain et de l'interprtation qu'en


donnrent les jurisconsultes. A la Basse-Epoque, certains modes "civils"
ont t introduits par la lgislation impriale (ainsi la prescription).

Lorsqu'une dette est teinte en vertu d'un mode civil, elle n'exis-
te plus et ne peut plus exister : l'extinction opre "ipso jure". Le d-
biteur, poursuivi en justice, peut, en tout tat de cause, s'en prvaloir;
s'il ne l'a pas fait in jure, il est encore temps qu'il l'oppose in judi-
cio, comme moyen de dfense au fond, devant le juge.
407

2/ Modes du droit prtorien :

Ces modes ont t reconnus par le prteur, mais ne peuvent produi-


re leurs effets qu'au moyen d'un artifice prtorien de procdure : une
exception.

- Tandis que les modes civils jouent "ipso jure", les modes prto-
riens produisent leurs effets grce une exception : "exaeptionis ope".
Le dbiteur, pour en bnficier, doit s'en prvaloir in jure, au moment
o l'on procde la rdaction de la formule : il obtient que l'exception
soit insre dans la formule. De cette faon le juge est invit tenir
compte de l'extinction prtorienne. Mais il serait trop tard de l'oppo-
ser in judicio. SI la formule n'en parle pas, le juge n'a pas la facul-
t de s'en occuper.

'- Les modes prtoriens ne produisent pas une extinction dfiniti-


ve : l'obligation peut reprendre toute sa vigueur, si l'exception est pa-
ralyse par une rplique accorde au crancier.

Les procds civils qui agissent "ipso jure" sont : le paiement,


la remise de dette pev aes et libram, I'aooeptilatio, le contrarius con-
sensus, la confusion, la prescription.

Les procds prtoriens sont : le pacte de remise, la condition


rsolutoire.

La novation agit ordinairement ipso jure : elie agt cependant


"exaeptionis ope" dans la novation par changement d'objet. La litis oon-
testatio joue tantt ipso jure, tantt exoepticnis ope. La compensation
fonctionne ipso jure dans des cas bien dlimits : elle joue exaeptionis
ope dans les actions de droit strict, en vertu d'un rescrit de Marc-Aur-
le. Dans le droit de Justinien, la compensation joue toujours "ipso ju~

Une autre classification distingue

1. les modes volontaires

(le paiement, la remise de dette) qui ncessitent une activit des


deux
d parties, et rsultent d'un "acte".libratoire pass entre elles;

2* i_H?2_iDy2l2DiCS *
qui fonctionnent en vertu des rgles du droit sans le concours des
parties.
. 408 .

CHAPITRE I : LE PAIEMENT (S0LUTI0)

Nous prenons Ici le mot paiement au sens large : excution de l'o-


bligation. Le dbiteur fournit la prestation due (argent ou autre chose);
il s'acquitte de sa dette (solvere).

A l'poque classique, le paiement est un mode civil de libration


Il teint l'obligation ipso jure.

Ce mode est absolument gnral, il s'applique toutes les obli-


gtions.

- C'est un mode volontaire, une opration qui se ralise avec le


concours du. crancier, qui accepte le paiement, et du dbiteur, qui l'effec-
tue.

Pour produire son effet libratoire, le paiement doit remplir cer-


taines conditions qui tiennent l'objet, aux; personnes, aux lieux et temps.

_L " OBJET DU PAIEMENT

Principes :

Le paiement doit avoir pour objet exactement l'objet d. Le cr-


ancier ne peut tre contraint d'accepter et le dbiteur ne peut tre con-
traint de fournir une chose la place de celle qui est due : aliud pro
alio.
Ce principe reut divers tempraments.

1/ Question du paiement partiel :

En principe le dbiteur qui n'offre qu'une partie de ce qu'il doit


offre "aliud pro alio" : le crancier peut refuser et s'il accepte, le
paiement partiel ne libre pas le dbiteur, pas mme pour partie.

Mais des conventions contraires peuvent tre introduites dans les


contrats : une clause peut reconnatre au dbiteur la facult de se li-
brer par des versements successifs (pensiones). De plus la jurispru-
dence admet que si le dbiteur a contract plusieurs dettes distinctes
envers le mme crancier, Il lu! est permis de se librer en plusieurs
fois; les premiers paiements, conformment l'Intention prsume du d-
biteur, teignent d'abord les dettes les plus onreuses pour lui.
. 409 .

Enfin dans le droit de Justinien, le magistrat peut contraindre


le crancier accepter un paiement partiel.

2/ La rgle que le dbiteur ne peut offrir aliud pro alio est carte :

A/ Dans le droit de Justinien, par la novelle 4, qui autorise le dbi-


teur de sommes d'argent s'acquitter en offrant des Immeubles (so-
lution impose par la raret du numraire).

B/ Ds l'poque classique, par l'accord des parties : les parties peu-


vent dcider que le dbiteur s'acquittera en fournissant une chose
la place de celle qu'il doit : c'est ce qu'on appelle une "datio
in solution" ou dation en paiement.

Les effets de ce procd conventionnel de libration ont donn lieu


des difficults, ainsi que sa nature juridique.

a) Tout d'abord, la dation en paiement peut-el-le librer le dbiteur


aussi compltement que s'il avait vraiment pay ? GaTus (111.168)
nous apprend qu'il y eut sur ce point une divergence entre les Eco-
les.

Selon les Proculens, la dation en paiement n'est pas l'quivalent


d'un paiement; jure oivili la dette n'est pas teinte. Mais le
crancier commettrait un dol, s'il poursuivait encore le dbiteur
aprs avoir accept une dation en paiement : le dbiteur pourrait
lui opposer I'exeeptio doli. La dation en paiement n'teint par
consquent la dette qu'"exaeptionis ope".

Les Sabiniens soutiennent au contraire que la dation en paiement


vaut paiement et libre le dbiteur, ipso jure ef c'est ce point
de vue qui finit par l'emporter.

b) Un autre problme met en cause la nature juridique de la datio in


solutum. Qu'advient-il si le crancier est vinc par des tiers,
de la chose qu'il a accepte en guise de paiement ? lia videm-
ment un recours contre son dbiteur, mais lequel ?

Les textes fournissent deux solutions fort diffrentes.

Selon Marcien (_D. 46.3.46 pr) le crancier n'a pas t pay.; Il


peut par consquent faire valoir sa crance, qui existe toujours
"manet pristina obligatio" : l'obligation subsiste, avec toutes
les garanties dont elle a pu tre pourvue.

- Par contre Ulpien (. 13.7.24 pr) et une constitution de Caracal-


la (C. 8.44.4) analysent tout autrement la situation. En acceptant
la dation en paiement, le crancier est cens avoi r achet la chose
410

et l'avoir paye avec l'argent qui lui tait d. Nos vieux com-
mentateurs tireront de ces textes l'adage "dare in solutum ven-
deve est" (donner en paiement, c'est vendre).

Cette analyse conduit aux consquences suivantes : 1.


le crancier a reu un paiement; la dette est teinte et les cau-
tions qui la garantissaient sont libres dfinitivement; 2. mais'
le dbiteur, considr comme vendeur, doit son acheteur - le
crancier - la garantie contre l'viction : le crancier vinc
pourra donc exercer l'action empti "utilis" contre son dbiteur.

Cujas mettait d'accord ces deux solutions divergentes.


Celle de Marcien concerne l'hypothse o le dbiteur devait au-
tre chose que l'argent : la datio in solutum est alors l'quiva-
lent d'un change. Or l'change est un contrat Innom qui ne se
forme que s'il y a d'abord une datio, c'est--dire un transfert
vritable de la proprit. SI le dbiteur n'est pas parvenu
rendre le crancier propritaire de la chose offerte en guise de
paiement, rien de valable n'a t fait : l'obligation primitive
subsiste intacte.

Cujas fait remarquer que les textes qui appliquent la


rgle "dation en paiement vaut vente" concernent, et d'ailleurs
ne peuvent concerner, que l'hypothse o l'obligation a pour ob-
jet de 1'argent : dans ce cas, on peut considrer que le cran-
cier achte la chose avec l'argent qui lui est d.

Cette explication ingnieuse exprime peut-tre le sys-


tme que les Compilateurs ont voulu tablir en faisant figurer
au Digeste et au Code les textes que nous~avons signals. Beau-
coup d'auteurs pensent que le texte de Marcien nous fait conna-
tre la solution de l'poque classique. On soutient que l'Ide
d'assimi1er la datio en paiement une vente tait trangre au
droit romain, mais familire aux orientaux : les papyrus tudis.
par de Franclsci et Arangio-Ruiz tmoignent de la persistance de
cette conception dans le droit grco-gyptien. Justlnlen aurait
donc.tenu compte du droit oriental en Interpolant la constitution
de Caracalla ainsi que le texte d'Ulpen. Mais cette doctrine ne
me parat pas Indiscutable car un texte de Cicron (."Pro FlacGo"
21) parle dj de "vendere" propos d'esclaves offerts en paie-
ment d'une dette d'argent.

La solution admise au Digeste est passe dans notre droit


actuel (C.C. 2038) : le crancier, en acceptant un effet quelcon-
que en paiement de la dette principale, dcharge la caution, en-
core qu'il vienne en tre vinc et il n'a de recours que con-
tre le dbiteur.
411 .

2 - CONDITIONS CONCERNANT LES PERSONNES

a) Pour tre valable, le paiement doit tre fait par une personne capable
de payer, une personne capable de donner quittance.

Le pupille ne peut pas payer sans son tuteur : Il est Incapable


d'aliner seul la proprit des choses qu'il possde. Il est Incapable
de recevoir paiement : il est bien capable de devenir propritaire de ce
qu'on lui remet, mais incapable d'teindre son droit de crance.

La femme peut aliner sans son tuteur les res ne manaipi : elle
peut donc faire sole certains paiements. A l'poque classique elle est
capable de recevoir paiement.

b) En principe, le paiement doit tre effectu par le dbiteur lui-mme, au


crancier : mais ce principe est loin d'tre absolu.
- Le paiement peut tre reu valablement par un mandataire, un tu-
teur ou un curateur du crancier - par un adstipulator (crancier ad-
joint) - par un adjeotus solutionis gratia (personne habilite, par con-
vention des parties, recevoir paiement, sans tre crancire adjointe).
Mais un negotiorum gestor ne peut pas recevoir paiement la place du cr-
ancier - Le paiement fait au negotiorum gestor ne devient valable que
si le crancier le ratifie.

- Pour la plupart des obligations, peu importe que la dette soit


paye par une personne plutt que par une autre : l'excution faite par
un tiers, mme I'Insu du dbiteur, libre celui-ci ( condition bien
entendu que le tiers ait agi en connaissance de cause et n'ait pas cru
payer sa propre dette : dans ce cas, il y aurait paiement de l'indu et
aondictio indebiti) .

Le paiement peut donc tre fait par un negotiorum gestor, un dona-


teur, une personne quelconque dlgue par le dbiteur.

Seules les obligations contractes "intuitu personae" ne peuvent


tre valablement excutes que par le dbiteur en personne : obligations
rsultant du mandat, de la socit, ou consistant dans une abstention ou
un fait personnel.

3 - CONDITIONS DE TEMPS ET DE LIEU

A dfaut de convention spciale la dette est en principe Immdia-


tement exigible, moins qu'un terme puisse tre prsum en raison des cir-
constances de fait (ainsi, des intrts ont t stipuls pour une certaine
priode; ou bien il est vident que l'excution demande des dlais, si par
exemple il s'agt de btir une maison).
412

Le dbiteur qui n'excute pas au moment voulu peut se trouver "en


demeure".

A dfaut de convention particulire, les obligations de choses


d'espce doivent s'excuter dans le lieu o se trouve l'objet le jour o le
contrat est conclu. Les obligations de choses de genre sont "querables", le
paiement se fait au domicile du dbiteur.

Le crancier peut cependant intenter l'action dans un lieu qui


n'est pas celui o l'excution doit se faire : l'action prend alors une for-
me particulire : c'est l'action de GO quod aerto looo, qui permet au juge
de prononcer la condamnation en tenant compte de I ' " u t i l i t a s looi"s de l'In-
trt qu'avaient les parties ce que l'excution ait lieu dans un endroit
plutt que dans un autre (cf. DUMAS : "V actio de co quod cevto loco", R.H.D.
1920, pp. 610-669).

4 - PREUVE DU PAIEMENT

Le dbiteur peut prouver par tous les moyens l'existence du paie-


ment qui l'a libr (notre droit actuel est cet gard plus formaliste, en
exigeant une preuve crite au-dessus d'un certain taux).

En droit romain, le dbiteur ne manquait pas d'ordinaire de se


mnager une preuve crite, "une quittance" (1). On possde un grand nombre
de quittances sur cire, provenant de la maison d'un homme d'affaires de Pom-
p I, CaeciIius Jocundus. Ces quittances sont tablies les unes en forme de
testatio, scelles par des tmoins, les autres en forme de chlrographe dli-
vr par le crancier.

Nous avons vu que Justinien permit au crancier de contester les


quittances imprudemment dlivres sans avoir reu paiement {querela non nu~
meratae aolutionis).

CHAPITRE 11 : LA REMISE DE DETTE

En consentant une remise de dette, le crancier libre le dbiteur,


que celui-ci ait ou non pay. La remise de dette est le plus souvent une fa-
on, de 'dispenser le dbiteur d'excuter. Ce peut tre une forme de librali-
t, ou de constitution de dot. Ce peut tre aussi un sacrifice consenti par

(1) En droit romain, la quittance s'appelle "apoaha".


. 4 13

le crancier en vue d'obtenir en retour certains avantages : ainsi en ma-


tire de transaction. La remise de dette est parfois ordonne par le ju-
ge, dans les actions arbitraires (actio doli, aotio metus) : le juge enjoint
au crancier de renoncer un droit mal acquis.

Mais la remise de dettes peut aussi accompagner un paiement vri-


table : de cette faon le dbiteur est libr sans discussion possible sur
la validit du paiement.

Les procds pour raliser la remise de dette sont les uns civils,
les autres prtoriens, les uns solennels, les autres non solennels.

Dans le systme du vieux jus civile, pour oprer la remise de det-


te, il fallait employer des formalits. Ces actes compliqus avalent d'abord
accompagn de vrais paiements, puis quand le paiement devint par lui-mme li-
bratoire, ces vieilles solennits - ces simulacres de paiement - servirent
librer le dbiteur indpendamment de tout paiement. Ces modes solennels
sont : la solutio per aes et libram et I*aoceptilatio.

1 - SOLUTIO PER AES ET LIBRAM

Ce trs ancien mode solennel de paiemenT n'tait plus, au temps de


Gaus, qu'un paiement symbolique, employ pour oprer remise de dette dans
des cas trs particuliers.

Ss_o_iie_est_empJoye :

Gaus nous apprend qu'encore de son temps (111.173) I| fallait re-


courir ce procd archaque pour faire remise des dettes provenant soit
d'un acte per aes et libram, soit d'un jugement.

- Que ce mode de libration ait t exig pour teindre des obli-


gations nes per aes et libram, c'est conforme la rgle du "oontrarius
aotus". On peut supposer que dans l'ancien droit romain l'obligation ne
d'un nexum ne pouvait s'teindre que par un paiement solennel per aes et
libram. Mais quelles sortes de crances peut songer GaTus ? Certaine-
ment pas au nexum, qui n'existait plus depuis longtemps. GaTus parle du
legs per damnationem : le testament civil est en effet un acte per aes et
libram. Encore au temps de GaTus, le lgataire, pour faire remise l'h-
ritier d'un legs portant sur une chose de genre, devait se servir de la
solutio per aes et libram.

- GaTus affirme enfin que le dfendeur condamn par jugement pa-


yer une certaine somme d'argent ne pouvait obtenir remise de cette dette
qu'au moyen de ce procd solennel.
414

Dans ces deux catgories d'hypothses, Gaus fait remarquer que


le dbiteur est - et se dclare solennellement - "damnatus" : faut-Il
en conclure que ce procd de libration tait exig toutes les fols que
le dbiteur tait "damnatus" ? Par exemple dans le cas de l'Individu
"damnatus", aux termes de la loi Aquilia, parce qu'il a commis un darnnum ?
Cette hypothse, qui a t soutenue par des auteurs considrables, ne pa-
rat gure admissible : elle donne aux mots "damnas esto" employs par la
loi Aquilia une porte technique qu'ils n'ont pas.

Forme :
sasss

La solutio per aes et libram est dcrite par GaTus avec assez de
dtails. Cet acte solennel ncessite' la prsence des deux parties, assis-
tes de 5 tmoins et d'un libripens : c'est, l'poque de GaTus, un simu-
lacre de paiement. On s'accorde reconnatre que primitivement c'tait
un paiement vritable : la somme due tait paye en lingots d'airain, que
l'on pesait en prsence de tmoins; ce mode de paiement ne pouvait videm-
ment concerner que des dettes ayant pour objet une certaine quantit d'ai-
rain. A l'poque de GaTus, le lingot ne figure plus, dans cette crmo-
nie, que comme un simulacre, et les jurisconsultes se sont efforcs de l'em-
ployer pour des dettes de choses de genre autres que de la monnaie (GATUS :
III.175).

Le crancier assiste l'opration, il reoit le lingot, et ne dit


rien : son assentiment rsulte de son attitude. C'est le dbiteur qui pro-
nonce les paroles solennelles. GaTus reproduit celles qui devaient tre
prononces dans le cas o la remise de dettes tait consentie un "judi-
aatus", un individu condamn par gugement payer une somme d'argent : "De
ce que je suis condamn envers toi telle somme, je me libre et m'acquit-
te ce titre envers toi au moyen de cet airain et de cette balance d'ai-
rain" (ou "de cette livre d'airain", selon une traduction que nous croyons
meilleure (1)). On pesait un lingot : le dbiteur continuait : "Je pse
pour toi de la premire la dernire livre d'airain, conformment la loi
de la cit" (2).

(1) Il est en effet iLadmissible que dans une mme formule solennelle o le
mot "libra" figure deux fois, ce mot soit pris successivement dans le
sens de "balance" puis de "livre" : or la deuxime fois, le mot dsigne
de. faon non douteuse un lingot pesant une livre : "hana tibi libram pvi-
mam posteramque expendo"r.(cf. J. REINACH : 'R.H.D. 1947).
(2) Sur le sens de "hana prmam posteramque libram eoqpendo", MONIER : "Studi
Francisci" 1954, I, p. 33.
415

A l'poque o cette crmonie servait faire un vrai paiement,


on pesait une une des livres d'airain, autant qu'il en fallait pour don-
ner au crancier ce qui lui tait d; quand ce ne fut plus qu'un procd
destin raliser une remise de dette, on se contenta de peser un seul
lingot, qui symbolisait ce qui tait d.

Le dbiteur frappait le lingot (pour le faire sonner et montrer


qu'il tait de bon aloi), et le remettait au crancier "en guise de paie-
ment" (velut solvendi causa).
A l'poque classique, ce procd compliqu, peu employ, ne pr-
sentait qu'un intrt pratique assez mince : mais pour l'histoire du vieux
droit romain, la description que Gaus donne de cet acte archaque est ex-
trmement prcieuse : on s'en est servi pour reconstituer, par symtrie
inverse, la forme du mystrieux nexum. On peut s'en servir pour se fai-
re une ide de la forme la plus ancienne du paiement de dettes d'airain (1).

2 - ACCEPTILATIO

Cette remise de dette, dont la solennit se fait "verbis", est


le pendant de la stipulation. Comme dans la stipulation, nous retrouvons
un dialogue, mais ici c'est le dbiteur qui prend le premier la parole. Il
emploie des termes consacrs, que nous connaissons par GaTus (111.169) :

"Quod ego tibi promisi habesne acception ?" (Ce que je t'ai
promis, le tiens-tu pour reu ?)
Le crancier rpond :
"Habeo" (Je le tiens pour reu)

Dans l'ancien droit romain, le paiement de dettes rsultant d'une


stipulation devait, pour tre libratoire, s'accompagner de cette forma 11 t;
puis, quand il fut admis que le paiement, lui seul, suffisait teindre
la dette, I % a c c e v t i l a t i o devint une formalit destine librer le dbi-
teur, qu'il ait ou non excut. Ce n'est plus, comme le dit GaTus, qu'une
Hmaginaria solutio", un simulacre de paiement.

Conditions :
E5=OSS==33

Les seules dettes que l'on puisse teindre par ce procd sont
celles qui rsultent d'un contrat verbis, et mme plus exactement d'un
contrat comportant un dialogue; ce qui exclut la dictio dotis. Nous
trouvons ici une application trs nette du principe de:la concordance
de forme : on teint au moyen d'un dialogue les dettes nes d'un dialo-
gue.

cdote de Man-
populo sol-
416

l1aaeptilatio, comme la stipulation, ncessite la prsence des


parties et mme des parties en personne : I'aaeptilatio ne peut pas tre
faite par un mandataire du crancier, pas mme par un tuteur pour le comp-
te de son pupiI le.

Plusieurs conditions dcoulent de cette ide que I'aaeptilatio


a d'abord t un paiement, et est encore l'poque classique un simula-
cre de paiement.

1) L'aaeptilatio ne peut comporter ni terme ni condition; car un paiement


ne peut tre que pur et simple.

2) La validit d'une aaeptilatio partielle tait discute, parce qu'


l'poque classtque, on ne considrait pas comme libratoire, mme pour
partie, le paiement partiel.

3) Les conditions de capacit requises pour consentir cette remise de det-


te sont celles qui sont exiges pour recevoir paiement. Cependant les
rgles anciennes se sont ici mieux conserves qu'en matire de paie-
ment : l'poque classique, la femme tait finalement devenue capa-
ble de recevoir paiement sans son tuteur, alors qu'il lui fallait en-
core son tuteur pour consentir une remise de dette par aoaeptilatio.

:
Effetf

Les effets sont ceux d'un vrai paiement : la dette est teinte
exactement comme si le crancier avait (comme il le dclare) reu son d.
L'aaeptilatio produit donc l'effet libratoire le plus complet; reconnue
par le jus civile, elle agit Hpso jure".

Comme le paiement, elle a un effet absolu, lorsqu'il y a plusieurs


cranciers ou plusieurs dbiteurs pour la mme dette :

a) Plusieurs co-cranciers : I ' a a e p t i l a t i o consentie par.l'un d'eux, ou


par un crancier "adjoint" (adstipulator : cas vis par le second cha-
pitre de la loi Aquilia), libre le dbiteur l'gard de tous.

b) Plusieurs co-dbiteurs solidaires, ou plusieurs cautions engages ver-


bis : I'aaeptilatio consentie l'un d'eux libre entirement tous
les autres.
417

La stipulation Aquilienne :

Nous venons de voir que I ' a c e e p t i l a t i o ne peut tre employe que


pour teindre des dettes verbis : on est arriv l'utiliser pour teindre
toutes sortes de dettes et mme pour mettre fin toutes sortes de contes-
tations relatives aux droits les plus varis, en faisant passer ces dettes
ou ces droits dans une stipulation, dont on teignait ensuite les effets
par I *aoaeptilatio (1).

Ce procd est entr dans les usages ds une poque ancienne : il


a t perfectionn par le jurisconsulte Aquilius Gai lus (ami de Cicron
et prteur en 66 a. J.C.); il Imagina une forme particulire de stipula-
tion, qui porte son nom : la stipulation Aquilienne. Les termes en sent
rapports par Justinen dans ses Institutes (3.29.2) et au Digeste (FLO-
RENTINUS, p_. 46.4.18). On numre dans cette stipulation les crances,
droits rels, actions que l'on dsire teindre et I'on stipule, sans la
fixer d'ailleurs, une somme d'argent quivalente. L'autre partie promet
cette somme indtermine. Il ne reste plus qu' la librer de cette pro-
messe, par aoceptilatio.

La stipulation Aquilienne est conue sur le type d'une formule


d'action : comme la litis aontestatiof elle transforme en crance d'ar-
gent les droits les plus varis.

Ce procd tait trs commode pour apurer des comptes entre tu-
teurs et pupilles, mandataires et mandants : aussi eut-I un grand suc-
cs. La stipulation Aquilienne fut employe dans tout le monde romain et
mme en Orient : Justinen tmoigne de sa persistance dans le droit by-
zantin et des papyrus en mentionnent l'utilisation en Egypte encore au
VI1 s. de notre re (P. LOND : IV.2017; BELL : "Byz." Z.XXI1.393).

3 - REMISE DE DETTE LITTERIS

Existait-il une remise solennelle de dettes par un jeu d'critu-


res comptables ? GaTus n'en parle pas. Nous sommes cependant trs ports
croire que ce procd devait exister :

1) D'abord en vertu de la rgle de concordance de forme; pour faire remise


d'une dette ne litteris, il ne semble pas qu'on puisse envisager d'au-
tre procd qu'une formalit correspondante : une criture comptable ca-
ractrise par le.mot acception (reu).

(1) DE VISSCHER : R.H.D. 1928, p. 360 et bibliographie, ibid. p. 528, n. 1.


SOLAZZI : S.D.H.I. 1939, 479 sq.
. 418

2) Plusieurs textes au surplus font allusion la remise de dettes litteris


pour des dettes nes d'un contrat litteris : (PLINE LE JEUNE : 2.4.2;
PAPINIEN : Frg. Vat. 329) et surtout d'un texte d'Ulpien (D. 46.4.16 pr,
o l'expression "aoaepto feratur" semble bien concerner une formalit
crite : ce texte nous fait savoir que cette remise de dette, avait exac-
tement le mme effet qu'un paiement, et notamment un effet absolu, lors-
qu'elle tait accorde l'un des dbiteurs "participes ejusdem obliga-
tionis ".

4 - MODES NON FORMALISTES


DE REMISE DE DETTE

Contrarius consensus :

En Interprtant la rgle de la concordance de forme, la jurispru-


dence classique tait arrive cette conclusion qu'en matire de contrats
consensuels le consentement suffisait pour dlier les parties d'obligations
que le seul consentement avait suffi faire natre.

La remise de dette par simple convention fut d'abord admise dans


le cas o le contrat n'avait reu encore aucune excution : "rbus adhoc
integris". Puis-on la considra comme possible, si les choses taient sus-
ceptibles d'tre remises en leur tat primitif : ainsi les obligations d-
coulant d'une vente peuvent tre teintes par une convention des parties,
mme aprs le paiement du prix ou la livraison de la chose si le vendeur
est dispos rendre le prix et l'acheteur la chose.

Tir de l'interprtation d'une rgle du droit civil, le contra-


rius consensus est un mode d'extinction du jus civile; les effets se pro-
duisent "ipso jure".

Le pacte :

En dehors des contrats consensuels la simple convention peut enco-


re tre employe comme procd de remise de dette.

1) C'est un procd reconnu par le plus ancien droit romain, et qui joue
ipso jure, pour teindre des dettes dIictuel1 es. Il a toujours t
permis la victime d'un dlit de "faire la paix" (.pacisci) avec le
dlinquant, de faire une transaction (darmum decidere), en fixant une
composition de gr gr. Cet arrangement amiable ne demande aucune
solennit, sa validit n'en est pas moins reconnue par le jus civile
pour la plupart des dlits privs : furtum, injuria. Par contre, en
. 419 .

matire de damnum, Il n'est pas permis de transiger tant que l'affaire


n'a pas donn lieu une litis contestatio - mais on peut encore tran-
siger sur le droit n de la litis contestatio : nous en verrons la rai-
son plus loin.

2) Pacte de remise :

Lorsque le droit civil ne reconnat aucune validit au pacte de


remise, celui-ci se trouve ordinairement sanctionn par le prteur au
moyen de l'exception de pacte : si le dbiteur est poursuivi alors que
le crancier lui a fait remise non solennelle de la dette, Il lui est
possible d'invoquer le pacte de remise sous forme d'exception. Le
pacte de remise est par consquent un mode prtorien, qui joue exoep-
tionis ope : mode trs commode, sans forme, possible distance, en-
tre absents.

Il convient de distinguer plusieurs sortes de pactes de remise :

a) Le paetum "de non petendo", par lequel le crancier s'engage ne


plus poursuivre le dbiteur, est une vritable remise de dette.

- Il peut tre employ pour toutes sortes de dettes - sauf cepen-


dant pour celles que sanctionnent des actions IItiscrescence (PAUL
Sent. 1.19.2) comme les actions judicati, depensi, ex testamento,
legis Aquiliae. En ce qui concerne l'obligation rsultant d'un ju-
gement ou d'un legs per damnationem cela ne doit pas nous surpren-
dre, puisque nous savons dj que la remise de dettes, pour ces sor-
tes de dettes, doit se faire "per aes et libram". Paul admet cepen-
dant (Sent. L.1.50) la validit du pacte relatif la rs judicata,
si le but poursuivi n'est pas de transiger, mais de faire une dona-
tion.

Il est beaucoup plus difficile de savoir pourquoi II n'est pas


permis de transiger en matire de damnum; cela semble rsulter d'une
disposition spciale de la loi Aqv.ilia (Thse PAOLI : "Lis infitian-
do", Paris 1933, p. 222).

Le pacte de remise peut tre tacite : on considre que le cran-


cier fait remise de la dette, par le seul fait qu'il remet au dbi-
teur la "cautio", son titre de crance.

Le pacte de remise peut tre consenti de faon teindre la det-


te l'gard de tous les co-dbiteurs et de toutes les cautions : on
dt alors qu'il est "in rem"; l'inverse, ce peut tre une faveur
accorde l'un des dbiteurs, avec un effet simplement relatif : le
pacte est alors "in personam". "
. 420 .

b) M ne faut pas confondre avec le pacte de remise, la convention


par laquelle le crancier accorde des dlais : le pactvm de non pe-
tendo intra aertum tempus, pacte de ne pas poursuivre avant telle
date. Si le crancier exige paiement avant le jour convenu, le d-
biteur lui oppose l'exception de pacte, mais une fois le dlai rvo-
lu, si le dbiteur opposait l'exception de pacte, 'e crancier an-
antirait l'effet de cette exception au moyen d'une rplique de dol.

CHAPITRE III : LA N0VATI0N


= = =s = = = s =s zs s =3 = =: a c =: s= = =: a a =: =: ss s=

La novation teint une obligation pour lui en substituer une au-


tre. Dans notre droit moderne, o elle n'a plus qu'une importance assez
rduite, la novation rsulte de I'intention des parties et l'obligation nou-
velle peut avoir un objet diffrent de celui de l'obligation antrieure. Cet-
te faon de comprendre la novation est celle que l'on trouve dans la Compila-
tion de Justlnien : elle ne correspond nullement la conception primitive,
ni mme celle du droit romain classique (1).

1 - ORIGINE

Dans le vieux droit romain, la novation ne reposait pas sur l'in-


tention des parties : elle s'imposait aux parties en matire de stipulation
comme une consquence invitable des principes du droit. Lorsqu'un dbiteur
promettait ce qui tait dj d, il tait de principe qu'il ne pouvait y avoir
qu'une seule dette : la rgle "bis de eadem re ne sit debitum" faisait pendant
la rgle "bis de eadem re ne sit actio" qui empchait le renouvellement des
procs dans la procdure des Actions de la loi.

Cette rgle est la base du mcanisme de la solidarit convention-


nelle, active ou passive; si plusieurs cranciers stipulent la mme chose ou
si plusieurs dbiteurs promettent la mme chose, la chose n'est due qu'une
fols : Il n'y a qu'une dette : de sorte que le paiement ou la litis contes-
tatio Intervenant entre l'un des dbiteurs et l'un des cranciers teint la
dette l'gard de tous.

(1) B0NIFACCI0 : "La novatio net diretto romano" 1950 et cr. LEMOSSE : R.H.D.
1951, 103; WOLFF : IURA, 1951, 238.
. 421 .

Cette mme rgle explique tout le jeu de la novation : si l'on


stipule une chose qui est dj due, cette chose ne peut tre due qu'une
fols : elle le sera en vertu de la stipulation et cessera par consquent
de l'tre en vertu du rapport de droit antrieur : l'obligation antrieu-
re est teinte. Les principes du droit conduisaient fatalement ce rsul-
tat, qu'il ft ou non conforme au dsir des parties (1).

Vers la fin de la Rpublique, il fallut assouplir cette rgle qui


tait trs gnante en matire de cautionnement. Les cautions s'engageaient
par stipulation : elles promettaient la mme chose {idem) que le dbiteur.
D'aprs les rgles que nous venons de voir, l'engagement des cautions au-
rait d produire novation et librer le dbiteur principal. Or ce n'est
pas le but que l'on poursuit lorsqu'on engage des cautions : on ne cherche
pas librer le dbiteur, mais munir la dette d'une garantie personnel-
le.

Dans l'ancien droit romain on parvenait rsoudre cette difficul-


t en engageant les cautions en mme temps et par le mme acte que le dbi-
teur principal. On vitait ainsi de stipuler des cautions pour une dette
dj ne. La caution et le dbiteur principal promettaient ensemble la m-
me chose, comme feraient des co-dblteurs solidaires : la chose n'tait due
qu'une fols, mais pouvait tre exige de l'un ou de l'autre, parce que l'en-
gagement de l'un ne librait pas l'autre.

Ce procd tait gnant : Il fallait avoir les cautions sous la


main au moment mme o l'on faisait le contrat avec le dbiteur principal :
le besoin se fit sentir de pouvoir engager les cautions un certain temps
aprs le dbiteur principal, et par acte distinct.

La jurisprudence ft admettre qu'on pouvait engager des cautions


sans que cela produisit novation : Il y avait dsormais des cas o la stipu-
lation d'une dette antrieure produisait novation, et des cas o elle n'avait
pas cet effet.

Le critrium qui permet de savoir si la stipulation produit ou ne


produit pas novation n'est pas l'poque classique l'Intention des parties;
les textes qui parlent de I'"animus novandi" sont Interpols. A l'poque
classique, ce sont les circonstances de fait, les conditions objectives dans
lesquelles Intervient la stipulation, qui permettent de dire si elle produit
ou non novation.

La doctrine cldsslque'n'en est pas-mo-fns reste fidle cette


Ide ancienne que ta novation rsulte d'une promesse portant sur une chose
dj due. Uiplen dfinit encore.la novation : "la transfusion et le trans-

(1) POMPONIUS (D_. 45.1.18) : "Qui bis idem promittit ipso jure amplius quam
semel non tenetur" = Celui qui promet deux fois de suite la mme chose
n'est oblig de plein droit (en vertu du jus civile) qu'une seule fois.
. 422 .

fert d'une dette antrieure dans une obligation nouvelle" (D_. 46.2.1 pr).
A l'poque classique la novation suppose toujours un "idem debitum" et II
n'y a pas de novaton par changement d'objet :.cela serait Incompatible avec
l'Ide mme que les jurisconsultes se font de la novation.

Dans le droit de Justlnien au contraire, la novation se fonde sur


la volont de nover, 'animus novandi. Rien ne s'oppose alors admettre
ta novation par changement d'objet, lorsque telle est la volont des par-
ties.

2 - CONDITIONS DE LA NOVATION

A/ Epgque_ciass|_qye

A l'poque classique, il faut, pour que la novation se produise,


une.obligation ancienne, une obligation nouvelle, des circonstances de
fait qui justifient la novation.

^ ObiIgation ancienne :

L'obligation que l'a novation teint doit d'abord exister : on n'-


teint pas le nant. Pour qu'on puisse parler de novation, Il faut
supposer qu'il existe d'abord une dette.

Peu importe sa nature : ce peut tre une dette contractuelle ou


dlictuelle, civile ou prtorienne. Ce peut-tre une dette naturel-
le, ou mme une dette paralyse par certaines exceptions (.mutuum con-
tract par un fils contrairement au senatus consulte macdonien). Si
la dette antrieure est conditionnel le, la novation ne s'opre qu'
l'arrive- de la condition.

2) Obligation nouvel le :

E2!Ime. :
.Nover, c'est stipuler ce qui est dj d : la novation se ralise
au moyen d'une stipulation, la st!pulatlon~"novatoi re. C'est un
contrat verbis, auquel on donne pour objet la dette antrieure. Ce
procd exige la prsence des parties.

Le contrat litteris, avec la transariptio a persona in personam


ou a re in personam, parat bien produire une sorte de novation.
Ce procd prsente l'avantage d'tre possible entre absents. Mais
Gide a contest la possibilit d'employer le contrat litteris pour
423

faire novation. Ce que l'on peut remarquer, c'est que le contrat


litteris ne produit pas une vritable novation. La stipulation no-
vatoire teint et cre tout la fois; tandis que l'Inscription
d'un expensum cre une dette: sans rien teindre et l'extinction
rsulte d'une autre criture, l'inscription d'un aceeptum.

Les romains ont-ils admis la possibilit d'oprer novation, sans


formalit, par un simple pacte ? On a parfois prtendu que le pac-
te de constitut, au moins dans le droit de Justinien, pouvait rem-
plir cet office. Cela ne parat pas prouv. Si l'on fait un con-
stitut de la dette d'autrui, ce pacte pass entre le crancier et
le nouveau dbiteur ne change pas la situation du dbiteur primi-
tif; pour librer celui-ci il faudrait que le crancier lui consen-
te un pacte de remise. Cette novation rsultant de deux actes s-
pars n'est plus une vraie novation.

L'obligation nouvelle
n'a pas besoin
d'tre va iable :

Il n'est pas indispensable, pour produire un effet extnctff, que


la stipulation novatore fasse natre une obligation valable. SI
la promesse novatore a t faite "post rnortem" (pour aprs la mort
du stipulant ou du promettant), ou bien si elle a t faite par un
pupille ou une femme sans leur tuteur, aucune obligation n'en dcou-
le et cependant Gaus (111.176) affirme que la dette antrieure est
malgr tout teinte : le crancier, dit-il, perd en pareil cas tous
ses droits : sa crance ancienne est teinte et"- la crance qui de-
vait la remplacer est nulle. Par contre la promesse faite par un
esclave, bien qu'elle mette sa charge une obligation naturelle, ne
produit aucun effet extnctff : la dette antrieure subsiste comme
si aucune stipulation novatore n'avait t fate. De mme s? la
stipulation novatore a t faite par un prgrn e.i se servant
tort de la sponsio, rserve aux romains : cet acte n'a pas mme
les apparences d'un contrat vevbis et ne produit absolument aucun
effet (1).

La stipulation novatore peut tre affecte d'une condition sus-


pensive : ses effets sont trs compliqus. Tant que la condition
est en suspens, le dbiteur est cens bnficier d'un pacte de re-
mise et ne peut tre poursuivi. Si la condition se ralise, la no-

(1) De mme en matire de cautionnement par sponsio (G. III.119), le sponsor


est, dans certains cas, oblig alors mme que la dette principale est nul-
le, et ces cas sont ceux que nous trouvons ici : le paralllisme est si-
gnal par BOULVERT ("La validit de l'obligation principale ...", Etudes
Audinet, Aix 1968, p. 11).
. 424 .

vation se produit normalement. SI la condition fait dfaut, l'obli-


gation nouvelle ne nat pas : l'obligation ancienne est-elle tein-
te ? Oui, si l'on a fait novation sans changer le dbiteur, car
celui-ci continue bnficier du pacte de remise; non, si l'on a
fait une novation par changement de dbiteur; l'ancien dbiteur res-
te tenu. Cette question avait d'ailleurs donn lieu des divergen-
ces que Gaus nous rapporte (111.179).

La stipulation novatolre a le mme objet que la dette ancienne :


le principe de I'identit d'objet tient aux origines de la novation.

Il ne s'agit pas ici d'une simple Identit de chose, mais d'une


Identit de dette "idem debitum". Une chose peut tre due plusieurs
fols, je peux parfaitement m'engager payer 10 Primus, puis 10
Secondus, puis encore 10 Tertus, etc ... sans qu'il y ait nova-
tion : c'est sans doute la mme somme, mais ce sont l des dettes
diffrentes : l'un je veux payer une chose que je lui al achete,
l'autre je rembourse un prt, au troisime je veux faire un ca-
deau.

Mais si je promets Secondus les 10 que je dois Primus, c'est


bien la mme dette que je fais passer dans la stipulation avec Se-
condus : il y a novation.

En droit romain, cette Identit rsulte des termes de la stipula-


tion novatoire : "Quod te Titio dore opovtere, dare mini spondes
ne ? = Me promets-tu ce que tu dois fournir Tltlus ?

AVy^uidjwvi :

Mais la novation, comme son nom l'Indique, suppose l'Introduction


d'un lment nouveau. Si les deux obligations talent tous gards
identiques, l! n'y aurait pas novation, mais confirmation d'un con-
trat dj conclu.

L'tude de cet lment nouveau va nous permettre de passer en re-


vue les diffrentes applications de la novation : et nous allons
constater qu'elle jouait en droit romain un rle pratique trs Im-
portant.
425 .

1. Novatlon inter novas personas


(par changement de personnes)

a) Novation
par changement de_crancier :

C promet B ce qu'I I doit A : la dette de C envers A est


teinte, remplace par une dette de C envers B. Le dbiteur
C s'engage envers B sur les Instructions que lui donne son
crancier primitif A ijussus).

C'est une faon, nous l'avons vu, de faire une cession de


crances, avec le concours et le consentement du dbiteur
cd.

b) Novation
par_changement de_db]teur :

C promet B ce que A doit ce crancier B : c'est une eti-


pulatio dbiti alieni. La dette de A envers B est teinte,
remplace par une dette de. C envers B. Le consentement de A
n'est pas ncessaire : il peut se trouver libr sans le sa-
voir.

Ce peut tre une faon de raliser une donation ou de consti-


tuer une dot : C est le donateur ou le constituant; A le do-
nataire ou le mari. Les commentateurs donnent parfois cet-
te app I ication de la novation le nom d'"expromis sio". Le mot
figure dans les textes, mais n'a pas toujours un sens aussi
prcis : les jurisconsultes entendent par "expromissor" celui
qui s'engage la place d'un autre - avec ou sans novation.

c) Novation
par changement
de crancier et de dbiteur

Le crancier B a un dbiteur A qui se trouve tre crancier


de C. C pourrait payer ce qu'il doit A qui, avec cette som-
me, pourrait se librer envers 8 : cela ncessiterait deux
paiements, deux transports de numraire.

A demande son dbiteur C de s'engager envers B; Il dlgue


son crancier.B son dbiteur C : c'est une des formes pos-
sibles- de dlgation (delegatio debiti).

C promet B ce qu'il doit A : sa dette envers A est tein-


te (= novation par changement de crancier). Par ailleurs A
est libr envers B du fait qu'il lui a dlgu sa crance :
dlgation vaut paiement : qui delegat solvit (cf. 4).

Un seul paiement sera fait au lieu de deux : si C et B sont


tous deux Rome et A Ephse, on vitera de transporter la
mme somme de Rome Ephse, puis d'Ephse Rome : on cono-
misera ainsi des frais et des risques.
426

2. Novaton intev easdem personas


(sans changement de personnes)

Le dbiteur promet son crancier ce qu'il lui doit dj.

L'lment nouveau peut tre :

a) Changement de_cause,
c'est--dire de la source de l'obligation. Ce qui par exem-
ple tait d en vertu d'un contrat de bonne fol, est d d-
sormais en vertu de la stipulation, contrat de droit strict.
Ou bien on transforme en obligation civile une obligation na-
turelle.

b) Adjonction ou suppression
d'un_terme_ou d'une condition :

Il y a novaion quand on transforme une dette pure et simple


en dette conditionnelle, ou Inversement.

c) Adjonction ou_suppressjon d'une autjon :

un dbiteur, dj tenu verbis, fait avec son crancier une


nouvelle stipulation, mais cette fois en y faisant Intervenir
une caution, un sponsor. Cette seconde stipulation produit-
elle novaton ? Les Proculiens ne le croyaient pas; les Sa-
biniens (et Gaus II1.178) taient d'avis qu'i I y avait bien
l une novaton : Justinen a reproduit dans ses Instltutes
l'opinion de Gaus, mais en parlant de fldejusseurs au lieu
de sponsoves comme le faisait Gaus.

3. Circonstances de fait
qui justifient la novaton

A l'poque classique, la stipulation qui a pour objet une dette


dj ne ne produit pas ncessairement novaton : tout dpend des
clrconstances.

Ainsi la stipulation faite tout de suite aprs un mutuum n'est


pas considre comme une stipulation novatoire; II n'y a pas no-
vaton par changement de cause, substitution d'une obligation
verbis une obligation re, mais uniquement un contrat verbis,
car la numration des deniers n'Intervient que pour justifier la
stipulation (cf. supra p. 84 : POMPONIUS, D. 46.2.6.1).

Trs souvent la stipulation de la dette d'autrui n'est pas faite


pour librer le dbiteur, mais pour engager des cautions. Les
termes employs ne laissaient l-dessus aucun doute : les cautions
. 427 .

qui s'engageaient par sponsio ou fidepromissio promettaient


"idem" : les fidjusseurs dclaraient : "id fide mea jubeo".
Le formalisme qui, l'poque classique, existait encore en ma-
tire de stipulation, permettait de savoir s'il s'agissait d'un
cautionnement ou d'une novation par changement de dbiteur.

:
B/ QE2i = dg = JyiDiQ

Depuis la constitution de Lon de 472, il tait possible de faire


une stipulation en se servant de n'importe quel mot : il devint ds lors
trs difficile de savoir si une stipulation tait ou non novatolre : on
cherchait, d'aprs les circonstances, ce qu'avait pu tre l'Intention
des parties.

Dans le droit de Justin!en, l'Intention de nover {animas novandi)


est devenue le fondement mme de la novation. Mais pour qu'il n'y att
pas de doute possible sur cette intention, Justlnlen, dans une constitu-
tion de 530 (C. 8.41.8) exige que les contractants expriment clairement
leur volont de nover - faute de quoi l'ancienne obIIgatlon subsiste.
Cette solution est celle de notre droit actuel (C.C. 1273) :

"La novation ne se prsume point : il faut que la volont


de l'oprer rsulte clairement de l'acte"

Mais partir du moment o c'est la volont des parties qui fonde


la novation, rien ne s'oppose admettre la novation par changement d'ob-
jet. Cette solution, trangre l'esprit du droit romain, figure dans
plusieurs textes du Digeste, notamment PAPINIEN : p_. 46.2.28) : tous ces
textes sont interpols.

La novation par changement d'objet produit l'effet d'un pacte de


remise : elle n'teint la dette antrieure qu' "exoeptionis ope".

3 - EFFETS DE LA NOVATION

a) La novation teint la dette ancienne.

C'est un mode d'extinction du jus civile, qui produit son effet


ipso jure (sauf dans la novation par changement d'objet).

La dette, est teinte avec tous ses accessoires, ses garanties. La


novation purge la demeure : les intrts moratoires cessent de courir.

b) La novation - ordinairement - fait natre une obligation nouvel l> celle


qui dcoule de la stipulation novatolre.

Cette obligation est absolument distincte de l'ancienne.


. 428 .

Elle ne profite pas des garanties qui l'entouraient - par contre le


dbiteur ne peut pas opposer les exceptions qui pouvaient tre opposes
la crance primitive.
Cette Institution qui a jou un si grand rle en droit romain est
en pleine dcadence : le Code Civil, par respect des traditions, en parle
encore, mais plusieurs lgislations modernes (Code Allemand, Code Fdral
Suisse) ne mentionnent mme pas la novation. Cette dcadence s'explique
aisment : nous n'avons plus besoin de la novation pour raliser la cession
de crance, les paiements par virement, etc ... La novation par changement
de cause ne prsente gure d'Intrt quand on ne distingue plus obligation
de bonne foi et obligation de droit strict. En somme en droit moderne la
novation par changement d'objet est la seule qui peut encore avoir un Int-
rt pratique; or c'est une forme de novation que le droit romain classique
ignorait.

4 - LA DELEGATION

Dans la Compilation, le titre "De novationibus et delegationibus"


(D_. 46.2 e t c . 8.41.42) runit les deux Institutions : c'est pourquoi II est
d'usage d'tudier la dlgation propos de la novation. En ralit ce sont
l deux choses distinctes : Il arrive assez souvent que la dlgation se com-
plique d'une novation, mais il peut y avoir dlgation sans novation.

Le dlgant (A) permet au dlgataire (B) d'obtenir quelque chose


du dlgu (C). Dans certains cas, cela aboutira une novation : II en est
ainsi dans l'emploi le plus frquent de la delegatio dbiti, cas dj signa-
l ci-dessus : A paie sa dette envers B en se servant de sa crance sur C :
Il dlgue B son dbiteur C et la stipulation qui intervient entre B et C
est une stipulation novatoire. On pourrait aussi raliser cette dlgation
en se servant du contrat littevis, comme Gaus (111.130) l'explique propos
de la tvanscriptio a persona in pevsonam : on procde un changement de dbi-
teur. Sur proposition de son dbiteur A, le crancier B Inscrit en expenswn
dans ses critures comptables le nom de C, d'accord avec ce dernier, pour la
somme que lui doit A.

Mais on peut envisager une delegatio debiti qui n'a pas pour but
de librer le dlgant, celui-ci n'ayant pas de dette rgler : A-se sert
de la crance qu'il a sur C pour prter de l'argent B, ou constituer une
dot (le dbiteur C en ce cas pourra employer la dictio dotis, sur le jussus
de la femme A qui se constitue une dot (G. : 111.95a) ou faire une donation
B.

D'autre part, la dlgation de dette n'est pas la seule possible :


il existe bien des exemples de delegatio pecuniae : l'objet n'est plus Ici
une crance, et toute ide de novation est Ici exclue. L'opration porte
sur une dation : par exemple A, pour prter B une somme qu'il n'a pas, de-
mande son banquier C de lui en faire l'avance, et de la remettre l'em-
prunteur B. Nous ne trouvons ici aucune extinction de dette, mais cration
de deux crances : une du banquier C qui a;consenti une avance son client
A; une autre au profit do A sur B, en raison du rnutuum qu'il lui a consenti
et ralis par l'intermdiaire de son banquier.
. 429

Si A veut employer une donation que va lui faire C pour faire lui-
mme une donation B, iI dlgue son donateur C son donataire B : Il n'y
a ici ni extinction ni cration d'obligations; mais une seule dation (de C
B) ralise deux donations qui auraient d normalement ncessiter deux da-
tions, de C A, puis de A B.

La dlgation permettait de corriger les inconvnients que prsen-


tait un systme juridique peu favorable la reprsentation et aux promesses
entre absents : elle tait dj trs employe au temps de Cicron, et souvent
en recourant aux services des banquiers.

Forme :

Le dlgant manifestait sa volont de dlguer sans employer de


formalits : un muet peut dlguer en rdigeant un billet ou mme par un
signe de tte (ULP. : D. 46.2-17) (1). Entre le dlgu et le dlgatai-
re un acte juridique intervient, qui ncessite leur accord : ce peut tre,
selon les circonstances, une datio (par exemple remise effective de deniers
du dlgu au d lgataire) ou un acte gnrateur d'obligations : stipula-
tion, contrat littris, diatio dotis ou mme un simple pacte de constltut
(C. 8.41(42)-7, de 294 : mais itp., cf. ROUSSIER : "Constltut", p. 137 :
l'effet novatoire du constitut est une innovation de Justinien).

Effets :

Le grand avantage pratique de la dlgation est de raliser d'un


seul coup deux oprations. Quand A paie ce qu'il doit B en lui dlguant
son dbiteur C, tout va se passer comme si C ayant pay A, celui-ci avait
ensuite pay B avec cet argent.

a) Dans les rapports entre A le dlgant, et B le dlgatare, la dlga-


tion vaut paiement. Si A veut rgler une dette envers B, la dlgation
le libre comme s'il avait effectivement pay. Si A veut consentir un
rrutuvm B, le mutuum se ralise comme s'il avait remis les deniers
B. Le dlgant ne rpond pas de la solvabilit du dlgu : ce risque
est support par le d lgataire qui a accept ce mode de rglement.

b) Les rapports entre B et C dcoulent de l'acte intervenu entre eux : si


C a promis de payer B, il doit excuter ce contrat sans pouvoir lui
opposer les exceptions qu'il aurait pu invoquer s'il avait t poursui-
vi par A, son crancier primitif. Mais le dlgant, en tirant profit
d'une crance qu'il n'aurait pas pu faire lui-mme valoir en justice,
s'enrichit injustement au dtriment du dlgu : celui-ci pourra exer-
cer une condictio contre le dlgant (ULP. : D. 46.2.13).

(1) Ce Jussus doit maner d'une personne capable : le pupille doit obtenir
1 ' a u o t o r i t a s de son tuteur pour faire une dlgation (D. 46.3.66).
430

CHAPITRE IV : LA COMPENSATION

La compensation est un mode de rglement auquel on peut recourir


lorsque deux personnes sont en mme temps crancire et dbitrice l'une en-
vers I'autre (1).

Le mot "aompensatio" veiIIe l'Ide d'une pese : les dettes sont


mises en balance, ou comme dit Modestin la dette et la crance se mlent en-
tre elles (debiti et crediti intev se oontvibutio, D_. 16.2.1). SI les deux
dettes sont gales, elles sont toutes deux teintes : si elles sont Inga-
les, elles s'teignent, la plus petite compltement, et l'autre jusqu' con-
currence de la plus petite.

Ce procd prsente de grands avantages :

II est commode : Il dispense les parties de faire deux paiements


auxquels elles auraient d procder si elles n'avaient pas recouru ce mo-
de de rglement : vous me devez 10, je vous dois 10, nous sommes quittes.
II est quitable : Il met la partie solvable l'abri de l'insolvabilit de
son partenaire. Si l'on ne fait pas compensation, la partie solvable paie
Intgralement sa dette, mais ne reoit pas ce qui lui est d. Avec la com-
pensation, la partie solvable se trouve paye, en ne payant pas sa dette.

La compensation prsente de tels avantages que, dans notre droit


actuel, "elle s'opre de plein droit par la seule force de la loi, mme
l'Insu des dbiteurs" (C.C. 1290). Dans notre droit civil la compensation
se produit automatiquement ds qu'apparat la charge d'un crancier une
dette au profit de son dbiteur. Cependant cette compensation automatique
ne se produit que s certaines conditions se trouvent runies : Il faut que
les deux dettes soient fongibles, liquides, exigibles (art. 1291). SI ces
conditions font dfaut, le juge peut encore, s'il le trouve convenable, fai-
re compensation en prononant le jugement. Enfin les parties ont toujours
la facult de recourir ce mode de rglement si elles le dsirent.

Il existe par consquent dans notre droit actuel trois sortes de


compensations : une compensation lgale, sous certaines conditions prvues
par la loi - en dehors de ces conditions, il peut y avoir compensation ju-
diciaire et compensation conventionnel le.

En droit romain, la compensation ne s'est introduite qu' la sui-


te de longs efforts. Le formalisme ancien se prtait mal une institution
de ce genre : primitivement il fallait employer des formalits appropries

(1) SOLAZZI : "La compensazione net diritto romano", Napol 1950 et c.r.
KRELLER : IURA 1951, 216-223.
431

pour teindre chaque sorte de dette : la coexistence de dettes rciproques


ne pouvait videmment pas entraner leur extinction. Il n'y avait donc pas
de compensation lgale. Le droit de l'poque classique connat la compensa-
tion conventionnelle et dans des cas bien dlimits la compensation judici-
aire. Justinien reconnut cette dernire une porte gnrale : mas nous
ne croyons pas qu'il ait song tablir une compensation lgale.

1 - LA COMPENSATION CONVENTIONNELLE

Il est possible que ds une poque ancienne, les praticiens aient


conseill aux particuliers de rgler ainsi leurs dettes rciproques. Il suf-
fisait, pour obtenir ce rsultat, d'utiliser les modes d'extinction en usage
pour oprer une remise de dette. La compensation conventionnelle se rali-
sait au moyen de deux remises de dette : par exemple en faisant deux aocep-
tilationes si les deux dettes taient vevbis . A l'poque classique on se
servait de deux pactes de remise, qui prsentaient l'avantage de pouvoir se
faire sans formalit et distance.

Mais on ne pouvait mettre facilement en balance que des dettes li-


quides et fongibles. Dans le cas o ces conditions n'talent pas remplies,
Quintilien {"Institutionss Oratoriae" 3.10) nous fait connatre le procd
auquel on avait recours, sous le nom de "mutuae petitiones". Lorsque les
deux dettes portaient sur des choses diffrentes dont il tait difficile de
dterminer la valeur, les deux parties se faisaient, d'accord entre elles,
un procs : les deux dettes taient ainsi soumises au mme juge, qui proc-
dait leur estimation. Les jugements transformaient chaque dette en dette
d'argent : la compensation conventionnelle tait alors facile raliser.

2 - LA COMPENSATION JUDICIAIRE

La procdure romaine prsentait une particularit peu favorable


la compensation judiciaire; la formule d'action donnait au juge la mission
de statuer sur une seule action, sur une seule crance.

Quand on lui demande d'examiner si N N est dbiteur envers A A ,


il n'a pas s'occuper de savoir si par ailleurs A A est dbiteur envers le
dfendeur. Pour ordonner la compensation, le juge, dans la plupart des cas,
aurait d s'occuper de questions que la formule ne lui permettait pas d'exa-
miner.

C'est une chose que Snque, au 1er sicle de notre re, constate
en: termes trs clairs {"De benefioiis" 6.5.5); envisageant le cas d'un dpo-
sitaire qui a t victime d'un vol commis par le dposant, Il dclare que le
dpt, et le vol ne peuvent se compenser entre eux :
. 432 .

"Les formules ne se confondent pas entre elles, un droit


ne se mle pas un autre droit, mais chaque droit suit
sa voie : il y a une action pour le dpt et une autre ac-
tion pour le vol"

Maigre tout, la compensation judiciaire s'est installe dans le


droit de l'poque classique : timidement d'abord, puis d'une faon beaucoup
plus large la suite d'un rescrit de Marc-Aurle.

A/ La compensation judiciaire
vf Q-Mar-AurJe^

GaTus, qui a crit ses Institutes vers 160, nous permet de conna-
tre avec prcision l'tat du droit avant la rforme Introduite par Marc-
Aurle (161-180). GaTus (IV.63.68) s'occupe de la compensation propos
de la procdure.

1) Dans les actions de bonne foi

Il entre dans \,officiwn du juge de tenir compte des dettes qui


rsultent, la charge des deux parties, de l'opration de bonne fol
sur laquelle la formule l'invite statuer. Par exemple, le juge qui
statue sur l'action pro soaio, doit s'occuper non seulement de la det-
te que le contrat de socit met la charge du dfendeur, mais II
doit aussi s'inquiter de la dette que le mme contrat de socit a
pu tablir la charge du demandeur envers le dfendeur. Le juge exa-
mine l'affaire dans son ensemble : mis en prsence d'un contrat synal-
lagmatque, il peut, s'il le trouve quitable, rduire la condamnation
au solde qui reste d, aprs avoir opr compensation entre les dettes
rciproques des parties.

- Cette compensation joue entre des dettes provenant de la mme sour-


ce (du mme contrat ou du mme quasi-contrat) : ex eadem causa.

- Le juge peut oprer cette compensation entre des dettes qui portent
sur des objets diffrents, car il entre dans ses attributions d'es-
timer en argent les droits des parties. Cette compensation est pos-
sible "ex dispari speoie", entre dettes non fongibles.

- Ce pouvoir de compenser dcoule du caractre de bonne fol de l'ac-


tion, conformment aux principes du jus civile. Ce mode d'extinc-
tion fonctionne donc "ipso jure" : le dfendeur n'a pas besoin de
faire Insrer une exception dans la formule pour l'obtenir.

- Mais cette compensation est facultative : elle n'est pas lgale, el-
le ne joue pas automatiquement. Le juge refusera certainement de
faire entrer en compensation une crance nen encore exigible.
433 .

2) Dans les actions de droit strict :

La compensation, au temps de Gaus, tait en principe impossible.


L'action de droit strict sanctionne une opration unilatrale. Si
le dfendeur prtend avoir une crance opposer en compensation, el-
le ne peut tre qu'trangre I'affaire, dont ie juge est saisi. Le
juge n'a donc pas le pouvoir de s'en occuper.

GaTus signale cependant deux exceptions cette rgle.

a) Compensai[on_de_llargentarius :

Le banquier qui intente une action de droit strict contre son cli-
ent, doit lui-mme rduire sa demande en oprant compensation en-
tre ce que lui doit son client et ce qu'il lui doit. En somme le
banquier ne peut poursuivre ses clients que pour leur rclamer le
solde-passif de leur compte en banque.

Cette compersation fonctionne ex dispari causa, entre crances pro-


venant d'oprations diffrentes.

Elle suppose des dettes fongibles et exigibles : ie banquier ne


peut pas compenser une dette d'argent avec une dette de bl : il
faudrait pour cela qu'il procde une estimation du bl, et l'es-
timation qu'il ferait lui serait conteste. On ne peut pas deman-
der au banquier de dduire de sa demande les crances non encore
chues de ses clients : ce serait lui faire perdre le bnfice d'un
terme auquel II a droit.

Enfin cette conmpensation est obIgatoi re : 1 r avgentarius qui exi-


ge la totalit de sa crance, sans oprer compensation, commet une
plus petitio : il perd son procs ... :et son action (en vertu de
la litis contestatio).

b) Deductio du bonorum emptor :

Le bonorum emptor a achet en bloc tous les biens d'un failli, et


trouve des crances dans ce patrimoine:: Il les fait valoir (avec
des formules particulires). Or il peut arriver que le dbiteur
qu'il poursuit soit en mme temps crancier de la faillite.

En parei I cas, le bonorum emptor se voit opposer par le dfendeur


ce que GaTus appelle une "deductio" :; c'est une sorte de compensa-
tion. Le dfendeur obtient, aprs dbts devant: le magistrat, une
modification de la formule : \a condemnati de la formule sera r-
dige "cwn deductione"; le juge reoit ainsi mission, aprs avoir
reconnu le bon droit du bonorum emptor, de "dduire" de sa crance
le montant de celle qu'oppose le dfendeur.
434

Cette "deductio" joue entre crances provenant de sources diff-


rentes {ex dispari causa), comme la oompensatio de I*argentarius,
mais elle s'en carte bien des points de vue.

Il n'est pa ncessaire ici que la dette oppose en compensation


soit fonglble et chue. En effet, c'est Ici le juge lui-mme qui
opre la compensation en prononant la condamnation : or le juge
transforme toujours en argent les crances des parties : Il peut
donc faire la balance entre elles, mme si leur objet est diff-
rent. De plus la venditio bonorum rend exigibles les dettes ter-
me du failli (rgle tablie pour activer la liquidation de la fail-
lite).

Enfin le bonorum emptor est trait moins svrement que I % arger-


tarius : on ne l'oblige pas rduire lui-mme sa demande : s'il
ne fait pas lui-mme la deductio, il ne commet pas une plus peti-
tio. Il appartient Ici au dfendeur de faire valoir ses droits en
temps voulu, in jure, quand on rdige la formule.

B/ La compensation judiciaire
aprs le rescrit de Marc-Aurle :

On ne connat ce rescrit.que par ce qu'en dit Justinien dans ses


Institutes (4.6-30) :

"... dans les actions de droit strict, la compensation


s'oprait, en vertu d'un rescrit de Marc-Aurle, en op-
posant au demandeur l'exception de dol"

:
- Ce rescrit se situe entre 161-180 (et comme II n'est pas question
de Verus, entre 169-180).

La compensation qui, au temps de GaTus, n'tait possible dans les


actions de droit strict que dans deux cas trs spciaux, est admise par
Marc-Aurle de faon gnrale.

Justinien indique brivement l'conomie du systme : le dfendeur


qui se prtendait crancier de son adversaire faisait Insrer une excep-
tion de doi dans la formule si le demandeur, aprs les dbats ,
refusait de rduire sa demande.

L'emploi de l'exception de dol est ici trs justifi : le deman-


deur commet un dol en intentant faction comme II le fait : car "c'est
un dol de rclamer ce qu'on sera bientt forc de restituer". Il s'agit
ici d'un "dolus prasens" : dol commis en intentant l'action.

On rencontre plus de difficults quand on essaye de dterminer les


effets de cette exception. A l'poque de Marc-Aurle, les exceptions,
. 435

lorsqu'elles taient vrifies, entranaient purement et simplement l'ab-


solution complte du dfendeur : la distinction des exceptions mlnutolres
et des- exceptions premptores est une invention tardive : au surplus,
dans le droit de Justinien, I *exceptio doli est encore classe dans la
catgorie des exceptions premptores.

Lorsque les deux dettes sont gales, l'effet premptolre de l'ex-


ception aboutit un excellent rsultat : le dfendeur est absous; les
deux dettes sont compltement teintes.

Mais si la crance du demandeur est plus grande que celle du d-


fendeur, l'absolution complte, que l'exception doli- procure ce der-
nier, est inique : d'autant plus que le demandeur n'a pas la facult de
reprendre le procs en rectifiant sa demande : il a fait litis oontesta-
tio pour le montant intgral de sa crance et a ainsi puis son droit
d'agir en justice.

La technique de l'exception de dol ne permet pourtant pas de sup-


poser une autre solution que celle-l. On peut d'aiI leurs remarquer que
si la solution est svre pour le demandeur, elle ne le prend pas en tra-
tre; il y a eu des dbats in jure-, le dfendeur, ce moment-l, a deman-
d que le montant du litige soit rduit. Si le demandeur s'y est tort
refus, Il en subit ensuite les consquences.

Caractres de cette compensation :

- Eil^est^judjcj^re :
Au dbut du procs, le demandeur est invit faire compensation,
sous menace de perdre son procs.

Le juge considre si le demandeur a commis un dol en refusant la


compensation : le juge a sur ce point un pouvoir d'apprciation. Si
la crance oppose en compensation n'est pas chue, ou si elle est
contestable, le demandeur n'a commis aucun dol en refusant de rdui-
re sa demande.

Elle produit ses effets partir du jugement, et non pas partir


du jour o les dettes ont commenc coexister ( la diffrence de no-
tre compensation lgale) : si l'une des dettes tait productive d'In-
trts, les intrts ont continu courir mme aprs l'apparition de
l'autre dette, et la compensation prononce par le juge n'a pas un ef-
fet rtroactif.
. 436

Cette compensation concerne les actions de droit strict et par


consquent joue entre dettes provenant de sources diffrentes (.sx dis-
pari causa). Pouvait-on opposer en compensation une dette portant sur
un objet diffrent (ex dispari speaie) ? La chose parat possible, car
le juge pouvait procder l'estimation des choses dues.

Enfin ce mode d'extinction fonctionne "exoeptionis ope" jrce


une institution du droit prtorien, l'exception de dol.

On s'est demand si la rforme de Marc-Aurle concernant les ac-


tions de droit strict n'avait pas ragi sur le systme de la compensation
dans les actions de bonne foi. L'exception de dol, dit-on, est sous-en-
tendue dans les actions de bonne foi : le dfendeur aurait donc pu invo-
quer le rescrit de Marc-Aurle pour opposer la compensation ex dispari
causa, dans les actions de bonne foi. Mais cette hypothse est discuta-
ble. Chaque opration de bonne foi constituait un tout : Il est peu vrai-
semblable que les jurisconsultes aient song bouleverser l'conomie des
actions de bonne foi en y introduisant une rforme qui, la vrit, ne
concernait que les actions de droit strict.

C/ La compensation
dans = ]_e a dro]_t = de_Just| i nj[en :

A la fin de l'poque classique,, la question..de. la compensation ju-


diciaire tait, il faut en convenir, bien complique : il y avait quatre
rgmes distincts : l'un pour les actions de bonne fol, I'.autre avec le
rescrit de Marc-Aurle, pour les actions de droit strict, sans oublier
les deux rgmes'partieu 11ers de I ' a r g e n t a r i u s et du bonorum emptor !
Dans chacun de ces rgimes, les conditions, le mcanisme, les effets,
tout tait diffrent !

Justlnien apporta en cette matire une rforme complte par une


constitution de 531 (C. 4.31.14), rsume dans ses Institutes (Ins. 4.6.
30 ):.

Les rgimes particuliers sont abolis : la compensation judiciaire


est soumise des rgles uniformes : c'est une Institution qui prend un
caractre gnral : quelle que soit l'action intente, de droit strict ou
de bonne foi, la compensation peut tre oppose par le dfendeur.

On peut mme opposer des obligations naturelles (tout au moins cer-


taines obligations naturelles) - et (ce qui est plus singulier) la compen-
sation peut fonctionner avec des droits sanctionns par des actions rel-
les.

Justinlen ne refuse la compensation qu' deux sortes de dfendeurs :


le dpositaire, et le possesseur qui s'est empar d'une chose par violence.
437

Il suffit que les dettes soient liquides, fongbles, chues, pour


que la compensation puisse tre demande.

Dans ses Insttutes, Justinien dclare que la compensation opre


"ipso jure" (ut compensations s ... actiones ipso jure minuant).

Ce texte a t mal compris par les vieux commentateurs; ils ont


cru qu'il s'agissait d'une compensation "de plein droit", c'est--dire
automatique : notre compensation lgale est sortie de ce contre-sens. En
ralit, Justnien, qui vient d'indiquer la rforme de Marc-Aurle, et le
systme de I 'exceptio doli, s'enorgueillt d'avoir fait beaucoup mieux,
en permettant la compensation de jouer sans qu'on ait besoin d'une ex-
ception : c'est ce que signifie, dans ce texte, l'expression "ipso jure".
La compensation dont Justinien parle dans ses Insttutes est une compen-
sation judiciaire : ce n'est pas une compensation lgale, automatique.

Mais il est possible que dans quelques cas particuliers Justinien


ait admis une sorte de compensation lgale : ainsi le mar dbiteur de la
dot en argent bnficie d'une compensation "de plein droit", au sens actu-
el du mot, en ce qui concerne les Impenses dotales (D. 25.1.5).

Parmi les modes volontaires d'extinction, il faut encore signaler


le terme extinctif et la condition rsolutoire : ce sont des hypothses o
l'extinction de l'obligation est prvue l'avance par une convention des par-
ties. Cette question sera tudie dans la quatrime partie.

CHAPITRE V : MODES INVOLONTAIRES

Les modes involontaires, ou ncessaires, d'extinction des obliga-


tions sont nombreux.

A/ Les uns se rattachent la question de l'intransmissibilit de certaines


obligations : certaines obligations s'teignent par la mort du crancier
ou par celle du dbiteur - les dettes contractuelles s'teignent par la
aapitis derninutio du dbiteur.
. 438 .

B/ Les autres se rattachent l'Ide que l'obligation s'teint lorsque son


excution dvient impossible, en fait ou en droit.

Le dbiteur reste malgr tout tenu s'il est en demeure, ou s'il


est responsable de l'inexcution, ou s'il y a pour lui un enrichissement
ces rserves faites, le dbiteur est libr dans les cas suivants :

1) Perte de la chose due, s! c'est un corps certain et s'il n'est ni en


demeure, ni responsable.

2) Mise de cette chose hors du commerce (l'esclave d a t affranchi).

3) Le crancier est devenu propritaire de la chose due, autrement que


par I'excution de l'obligation. S'il a fait quelque dpense pour ac-
qurir la chose, Il peut demander en tre indemnis, de sorte que
le dbiteur n'est vraiment libr que si son crancier a acquis la
chose titre gratuit : c'est ce qu'on appelle le concours de causes
lucratives.

4) La confusion : les qualits de crancier et de dbiteur se trouvent


runies en une mme personne pour une mme dette: par exemple le d-
biteur hrite de son crancier, ou inversement. L'excution devient
Impossible : on ne peut pas tre-crancier envers:sol-mme.

Certains jurisconsultes disent que l Confusion est une sorte de


paiement. Cette faon d'analyser la confusion conduit des consquen-
ces fcheuses en cas de pluralit de dbiteurs solidaires : si la con-
fusion vaut paiement, Il suffit que le crancier hrite d'un des dbi-
teurs, pour que tous les autres soient librs son gard. Les Pro-
cullens se refusaient admettre pareille solution : Ils considraient
que la confusion est chose trs diffrente du paiement; c'est un obs-
tacle l'action du crancier. Cet obstacle a un caractre personnel.
M peut aussi n'tre que temporaire : ainsi lorsque la victime d'un
dlit acquiert par hritage l'esclave qui a commis le dlit, l'action
noxale s'teint par confusion : mas selon les Procullens, l'action
n'est pas proprement parler teinte, elle est en sommeil, cause
d'un obstacle qu'elle rencontre : si la victime affranchit cet escla-
ve, elle peut Intenter I'action pnale contre le dlinquant devenu
sui jurs (GATUS IV.78).

La confusion est un mode civil, qui joue ipso jure.

C/ La prescription :
PCSC* ES K SB IS ESr =S=SS=S

1) L'Ide que les obligatons puissent s'tetndre par l'effet du temps est
tout fait trangre au droit ancien : les actions civiles, qui sanc-
. 439 .

tionnent les obligations reconnues par le jus civile, talent encore


restes l'poque classique, des actions perptuelles.

Il n'y avait de drogation cette rgle que dans quelques cas.


Ainsi \*actio auotoritatis s'teignait au bout d'un ou deux ans, par-
ce que, pass ce dlai, l'usucapion rendait superflue.la garantie ta-
blie par la loi des XII Tables au profit du manaipio acaipiens. On
peut signaler aussi la disposItion.de la loi Furia.qui libre "ipso
jure" les sponeores et fidepromieaores au bout de deux ans (rgle ta-
blie en faveur des cautions).

2) Par contre les actions tablies par les magistrats taient souvent sou-
mises de courts dlais : ia plupart des actions prtoriennes sont an-
nales. Les actions prtoriennes ne sont gure perptuelles que lors-
qu'elles se substituent des sanctions civiles perptuelles (ainsi
l'action furti manifesti). Les actions dilltiennes en matire de vi-
ces rdhibitoires s'teignent trs rapidement (2 mois, 6 mois).

Sans parler d'une extinction de I'obIIgatlon par prescription, il


. y avait par consquent des cas, I'poque classique, o l'on ne pou-
. vait plus rien exiger du dbiteur, au bout d'un certain temps, parce-
que I'action tait teinte.

3) Le principe que les droits garantis par la loi sont Imprescriptibles


est thoriquement dfendable : en fait, il est dangereux de permettre
aux particuliers de soulever des litiges relativement des droits trop
anciens. Dans l'intrt de la paix publique, la loi Impose un sacrifi-
ce celui qui tarde trop agir. Ce point de vue, qui est celui de
nos lgislations modernes, tait dj celui de certains gouverneurs de
provinces ds l'poque classique (dt du Prfet d'Egypte au Premier
sicle).

Thodose 11 tablit d'une faon gnrale le principe de la pres-


cription trentenaire, par une constitution de 424 (1); c'est donc, la
Basse-Epoque, un principe gnral que, pass le dlai de 30 ans, on
peut opposer au demandeur une fin de non recevoir.

Cette prescription extinctlve concerne toutes les actions, tant r-


elles que personnelles, qui antrieurement taient perptuelles : les
actions temporaires continuaient tre soumises leurs dlais parti-
cul iers.

(1) C. 5.7.39.3 : bien qu'insre au C.Th. 4.14.1, puvli en 438 pour l'Occi-
dent, elle n'est pas encore applique en Gaule en 449 comme le prouve Si-
doine APOLLINAIRE (Ep. 8.6). Une novelle de Valentinien III imposa en
Occident le systme de la prescription trentenaire (Nov. Val. 26 de 449).
. 440 .

Certaines actions restaient Imprescriptibles : l'action en rcla-


mation de libert, l'action du fisc en rclamation de l'impt foncier.

L'action hypothcaire contre des tiers dtenteurs se prescrivait


par les dix vingt ans de la praesoriptio longi temporis, ou dfaut
par la prescription de trente ans tablie en 424. Mais cette constitu-
tion conservait un caractre perptuel l'action hypothcaire dirige
contre le dbiteur. Une constitution de Justin fit disparatre la per-
ptuit de cette action en la soumettant une prescription de quarante
ans, assez singulire, puisque la dette lle-mme se prescrit plus vite,
par trente ans (C.J. 7.39.7 de 525).

La prescription de 30 ans court du jour o l'action peut tre In-


tente. Elle est suspendue l'gard de certaines personnes (Impub-
res, mineurs de 25 ans, fils de famille pour les biens adventices).
Elle est interrompue par l'exercice de l'action ou la reconnaissance
de dette rsultant d'un paiement partiel ou d'un crit, etc ...

La prescription est-elle simplement une fin de non recevoir, ou


teint-elle l'obligation elle-mme ? Agit-elle ipso jure ou comme mo-
yen de dfense ? La question est controverse. De plus, Il ne semble
pas qu'elle laisse subsister une ob I igatlon naturel le (p_. 46.8.25.1 :
rptition de l'indu en cas de paiement d'une dette prescrite; libra-
tion des cautions : D. 46.3-38.4).

ooooo
o
. 441 .

QUATRIEME PARTIE

MODALITES ET PLURALITE DE SUJETS

TITRE PREMIER

LES MODALITES

000
Selon Paul (D. 44.7-44 pr) Il y aurait quatre sortes de
modalits : modus, aaaessio, dies, conditio.

Modus :

Paul entend par l I'aIternati ve, qui peut concerner l'objet de


l'obligation : il y a "modus" lorsqu'on stipule en ces termes "promets-tu
de me donner 10 ou l'esclave Stichus ?".

Il importe de remarquer que si notre mot "modalit" drive du la-


tin "modus", ce mot, dans la langue technique du droit romain, ne dsigne
pas toutes les modalits, mas une seule. Le mot modus a aussi un autre
sens : dans le Code de Justlnen (C. 8.54) un titre traite "De donationi-
bus quae sub modo ... oonfioiuntur"; c'est--dire; des donations avec char-
ge : dans la langue de la Basse-Epoque, modus peut signifier "charge" en
matire de donations.-

Acoessio :
e =2 ss r: 3= == ES ss

Vaocessio consiste adjoindre dans un contrat le nom d'une person-


ne habilite recevolr'paiement : cette modalit concerne le mode d'excu-
tion. L'aaoessio peut tre soit "personae", soit "rei". L'accessio perso-
nae se prsente lorsqu'on stipule en ces termes : "promets-tu de donner 10,
. 442 .

soit mol-mme, soit Titlus ?" (mihi aut Titio). TItIus ne peut pas
agir, mais peut recevoir paiement : il est "adjeotus solution-l gvatia".
Nous avons vu que c'est un procd employ pour valider la stipulation pour
autrui.

Accessio rei :
aaasisBSssscs

Vaooessio vei consiste dsigner un tiers habl 1 It recevoir


paiement, tout en prvoyant que l'objet de ce paiement sera diffrent de
celui qu'on stipule pour soi-mme : "promts-tu de me donner mol 10, ou
de donner tel esclave Titus ?". La dsignation d'un "adjeotus solutio-
nis gvatia" se complique ici d'une atio in solution : l'esclave pourra tre
donn en paiement la place des 10, condition que l'on excute entre les
mains de Tltius.

Nous n'Insisterons pas davantage sur le modus, dont nous avons d-


j parl propos de l'objet de l'obligation; pour l'acoessio, nous renvoyons
la stipulation pour autrui.

Il nous reste, des quatre modalits signales par Paul, tudier


le terme "dies" et la condition. Le terme et la condition sont des vnements
futurs dont on fait dpendre les effets d'un acte juridique : l'tude de ces
modalits intresse les actes juridiques en gnral : aussi bien les actes
translatifs de proprit ou les dispositions cause de mort, que les contrats
et les modes d'extinction des obligations. Nous tudierons Ici les modalits
dans les contrats.

Certains actes juridiques, par leur nature mme, sont affects d'une
modalit de ce genre : la constitution de dot comporte toujours la condltl-on
tacite que le mariage ait lieu; le prt Intrt suppose un terme.

Mais ordinairement, terme et condition rsultent de clauses Ins-


res dans le contrat.

Les vieux actes juridiques - les "aatus legitimi" - se prtaient


mal I'adjonction de ces modalits : la plupart des actes formalistes ne
pouvaient tre que purs et simples (manctpaton, in jure cessio, aoaeptila-
tio). Dans les contrats formalistes II est vraisemblable que l'adjonction
d'un terme a d tre admise assez rapidement : mais II y eut beaucoup plus
de difficults y Introduire une condition. La condition n'a jamais t
admise dans le contrat littevis et sa validit tait encore discute, en ma-
tire de stipulation, vers la fin de la Rpublique.

Par contre, Il est toujours possible d'Introduire ces modalits


dans les contrats non formels.
. 443 .

Le terme est un vnement futur qui doit ncessairement se produi-


re. Le terme est "certain" quand 11 s'agit d'une date future; il est "in-
certain" quand il s'agit d'un vnement qui se produira, mais dont on ne con-
nat pas la date : par exemple, "quand telle personne dcdera".

Au point de vue de ses effets, on distingue le terme suspensif et


le terme extinctif.

J_ - TERME SUSPENSIF
(DIES A QUO)

C'est un terme l'arrive duquel on subordonne I'extglblIft.6 la


dette (1).

A l'poque classique, cette modalit pouvait tre Insre dans tou-


tes sortes de contrats, formels ou non formels, par une simple clause.

Le terme peut tre dans l'intrt du dbiteur (ainsi dans le rrutu-


um) ou dans celui du crancier (ainsi dans le dpt), ou enfin dans l'Int-
rt des deux (ainsi dans le prt Intrt).' En principe on prsume que le
terme est dans l'intrt du dbiteur (il n'est dans l'Intrt du crancier
que dans les contrats de bienfaisance, et dans les autres contrats en vertu
d'une clause explicite).

:
Effetf

Le terme suspensif n'affecte pas I'existence:de.I'obIgaton, mais


ajourne simplement son excution.

1/ L'excution est ajourne : d'o les consquences suivantes :

(1) Si le terme suspensif est le dcs du stipulant ou du promettant, la ques-


tion qui se pose est celle de la validit de la stipulation "post mortem"
(tudie supra : "Stipulation pour autrui") : cf. SOLAZZI : "Suit 'obbliga-
zione a termine iniziale"', IURA, 1950, pp. 4-9 sq.
444 .

a) Le crancier commet une plus petitio s'il poursuit le dbiteur avant


terme (au cas o le terme est en faveur du dbiteur). S'il est en
faveur du crancier, le dbiteur ne peut pas le contraindre rece-
voir un paiement anticip.

b) La dette terme ne peut pas tre oppose en compensation.

2/ Mas la dette existe ds le jour du contrat : d'o les consquences sui-


vantes :

a) Si le terme est en faveur du dbiteur, il peut y renoncer et faire


un paiement valable sans attendre le jour fix.

b) S'il paie avant terme, il ne paie pas Indment : aussi ne pourra-t-


II pas exercer la oondiotio in debiti.

c) La d e t t e terme peut f a i r e l ' o b j e t d'une remise de d e t t e par acoep-


tilatio.

d) Elle peut constituer un des lments de la novatlon et peut servir


de support un cautionnement, une hypothque.

2 - TERME EXTINCTIF
{PIES AD QUEM)

C'est un terme l'arrive duquel l'obligation doit s'teindre,


aprs avoir produit jusque l ses effets, comme une obligation pure et sim-
ple. Le vieux jus civile tait hostile ce genre de modalit : pour tein-
dre une obligation, Il fallait des formalits : une simple clause ajoute au
contrat ne pouvait produire cet effet.

La validit du terme extinctif fut admise dans les contrats de bon-


ne fol et sans difficult en ce qui concerne les contrats aonsensu : le terme
extinctif tait mme d'usage courant dans le louage (on loue une maison pour:
un an, on embauche un ouvrier pour six mois), dans le mandat et la socit.
Le terme met fin au contrat : les obligations dj nes avant l'arrive du
terme restent valables et peuvent donner lieu une action en justice aprs
le terme (ainsi pour les loyers qui n'ont pas t pays avant l'expiration
du bai I ).

Il fut beaucoup plus difficile de faire admettre l'Introduction


d'un terme extinctif dans les contrats de droit strict.
44S

Le droit prtorien parvint cependant le valider, dans le cas de


la stipulation de rente viagre. Cette stipulation comporte un terme extinc-
tif : l'obligation du dbit rentier, d'aprs la convention des parties, doit
s'teindre au dcs du crdit rentier : la stipulation se prsente ainsi :
"promets-tu de me verser tous les ans telle somme tant que je vivrai ?". Le
prteur eut carter deux difficults :

1) D'aprs les principes du jus civile la stipulation orme un tout qu'il


est Impossible de dcomposer en plusieurs stipulations qui concerneraient
chacune une annuit. Le contrat ft natre une crance unique, ayant pour
objet toutes les annuits qui pourront tre dues; cet objet est Indtermi-
n (.incertum), au moment o l'on fait la stipulation, puisqu'on Ignore
combien d'annes le crdit rentier vivra.

Les consquences de ce principe c'est que le crdit rentier, en


rclamant la rente, dduit en justice tout le droit Indtermin qu'il
tient de la stipulation. Il fait litis contestatio aux seules annuits
chues : une pvaescriptio, place en tte de la formule, faisait savoir
que le procs tait fait uniquement "cujus rei dies fuit", pour les an-
nuits chues. On donnait ainsi au droit du demandeur un objet dtermi-
n et limit, et on lui rservait la facult d'agir d'autres fols enco-
re, pour de nouvelles annuits.

2) D'aprs les principes du jus civile, le terme extinctif insr dans un


contrat de droit strict ne produisait aucun effet : le contrat devait se
comporter comme s'il avait t pur et simple : l'obligation qui en dcou-
lait tait perptuel le. Par consquent, dans le cas d'une stipulation
de rente viagre, les hritiers du crdit rentier pouvaient encore exi-
ger le service de la rente leur profit : le dcs du crdit rentier
n'teignait pas l'obligation. Cette solution tait absolument contrai-
re ce que tes parties avalent voulu faire. -

Le prteur valida le terme extinctif en permettant au dbit ren-


tier de repousser la prtention des hritiers au moyen de I'exception
de pacte. Le terme extinctif tait Interprt comme un pacte "de non
petendo" : interprtation hardie (car un terme insr dans un contrat
est une clause et n'est pas un pacte) mais qui ne souleva pas d'objec-
tion, en raison du rsultat quitable qu'elle permettait d'atteindre.

Ainsi donc, dans; les contrats de droit strict, le terme extinctif


lorsqu'on admet sa validit, est un mode prtorien, d'extinction des obliga-
tions et ne vaut q u ' " e x e e p t i o n i s ope". Dans les contrats de bonne foi au
contraire, le terme extinctif produit des effets reconnus par le jus civile
et vaut "ipso jure".
446

CHAPITRE II : LA CONDITION

. NOTIONS GENERALES

. Dfinition
: s sa =2 = = 3 =

La condition est un vnement futur et Incertain la ralisation


duquel on subordonne l'existence mme de I'obIigtion : sa naissance ou
son extinction.

C'est un vnement futur : un vnement pass, ft-II inconnu


des parties, n'est pas une condition, car le sort de l'obligation est d-
j accompli et dont attend simplement la constatation.

C'est un vnement incertain : la condition Introduit un lment


d'ala dans le contrat.

Caractres requis :

La condition doit prsenter certains caractres. Elle doit tre :

1) Possible.

2) Licite et morale :.
Il faut considrer moins la condition elle-mme que l'ensemble du
contrat : ainsi il est licite de ne pas pouser telle personne; mais
promettre une peine pcuniaire au cas o l'on n'pouserait pas, c'est
faire une stipulation sous condition Illicite, parce que contraire au
principe de la libert matrmoniala.

En droit romain, le caractre impossible ou Illicite de la condi-


tion entrane la nullit du contrat - sans distinguer, comme le fait
notre Code Civil (art. 900) les actes onreux et les libralits : en
droit romain, c'est seulement en matire de legs et d'institution d'h-
ritier que ... '

"... les conditions impossibles, celles qui sont contrai-


res aux lois et aux moeurs, sont rputes non crites"
. 447 .

, Classification :
nascasaBSessss

On peut classer les conditions de diffrentes faons :

1) Conditions positives - conditions ngatives

Positive : si tel vnement se produit.


Ngative : si tel vnement ne.se produit pas.

Il est ordinairement facile de constater qu'une condition positi-


ve est remplie : "s Titus a un fils" : ds la naissance de cet enfant
la condition est ralise. Par contre, il faut souvent attendre long-
temps pour savoir s une condition ngative est remplie : "si Tlttus n'a
pas d'enfant" : il faut attendre le dcs de Ttlus pour pouvoir dire
qu'il n'a pas eu d'enfant et qu'il n'en aura pas.

2) Conditions casuelles - potestattves - mixtes.

- Casuelle :

C'est un vnement qui dpend entirement soit du hasard, soit d'un


tiers.

- Potestatve :

La condition purement potestatve est celle qui consiste faire d-


... pendre l'obligation du seul bon vouloir du dbiteur : "Vous me donne-
rez 10 si vous voulez" : une telle condition rend le contrat sans va-
leur : le promettant n'est pas oblig : Il n'y a aucune contrainte con-
tre lui.

Par contre la condition potestatve simple-est valable, et mme trs


frquente : c'est un fait que doit accomplir, soit le dbiteur, soit
le crancier. La stipu latIon -poenae faite pour obtenir un faoeve du
dbiteur est une stipulation sous condition potestatve.

- Mixte :

C'est un vnement qui dpend la fois de la volont d'une des parties


et d'un lment extrieur, par exemple d'un tiers : comme la condition
"de se marier".

3) Si l'on envisage les effets de la condition, on distingue la condition


suspensive et la condition rsolutoire.
448

1 - CONDITION SUSPENSIVE

La condition suspensive s'est introduite assez facilement dans


les contrats de formation assez tardive : contrats ve de bonne foi et con-
trats consensuels. A l'poque classique, il est possible de l'insrer dans
la stipulation et mme dans le mutuum, mais cela ne fut pas- admis sans dif-
ficult - et l'on discutait encore sur les effets de cette mdaIIt : Justl-
nien mt fin ces hsitations.

Les effets de la condition suspensive doivent tre examins en se


plaant successivement diffrents moments (1). Ils soulvent le dlicat
problme de la formation successive des actes juridiques.

A/ Vend&nte oonditione :
= sa =s s =; s= SE ss =: =s = s SE S a = a es a

Quels sont les effets de la condition, en attendant qu'on sache


si elle est ralise ou si elle fait dfaut ? ___

- La doctrine, sur ce point, a volu.

1) Au dbut de l'Empire, Labon analyse ainsi la situation : tant que la


condition n'est pas ralise, il n'existe encore aucune obligation,
puisqu'on ne sait mme pas si elle existera jamais. Si par consquent
le dbiteur empche la condition de se raliser, la crancier ne peut
pas exercer contre lui un recours en s'appuyant sur le contrat : si le
dbiteur a agi de faon dloyale, il faudra venir au secours du cran-
cier au moyen d'une action particulire "in faatvm" (D. 18.1.50 : praes-
ariptis verbis agi posse). "

2) Au I l s.., Julien parvint analyser de faon plus satisfaisante les


effets de la condition : il est bien exact, pense ce jurisconsulte,
que1 I'obIlgatlon n'existe pas encore, mas II y a dj, en vertu du
contrat, un vinoulum; un engagement pris par le dbiteur, un lien :
cet engagement est conditionnel, il n'en existe pas moins.

Cette distinction entre l'obligation et le vinculura permet d'arrl


ver aux solutions suivantes :

(1) Il faut tenir compte en cette matire des textes concernant.les legs
conditionnels : une obligation conditionnelle rsulte souvent d'un tes-
tament qui oblige l'hritier excuter tel legs si telle condition se
ralise (legs per damnationem sous condition).
449

a) L'obligation
n'existe pas encore :

Par consquent, si le crancier agit, Il perd son procs, car II


agit en justice, alors qu'il n'a encore aucun droit.

La litis eontestatio qu'il fait ne l'empche pas d'agir nouveau


si dans la suite la condition se ralise, car la litis eontestatio
n'a pas pu teindre un droit qui n'existait pas encore.

SI le dbiteur excute par erreur, Il paie l'indu et peut exercer


la oondiatio indebiti. La novatlon d'une obligation conditionnel-
le n'a d'effet qu'au moment o la condition se ralise : Il faut
qu'une premire dette existe pour qu'elle puisse tre transporte
dans une nouvelle obligation (D. 46.2-14.1).

b) Mais iI y a dj un vinculum ;

Le dbiteur ne peut pas se dgager sa guise : s'il rend la con-


dition irralisable, le crancier peut se servir de I'action mme
du contrat pour obtenir des dommages-Intrts (JULIEN : jD. 35.1.
24 : rgle admise en matire de legs et tendue la stipulation
= D. 50.17.161 x fiction que la condition est ralise).

L'identit des parties est dj fixe ds le jour du contrat : on


doit apprcier leur capacit ce moment-l, et non au moment de
l'arrive de la condition. Si un fils de famille devient cran-
cier sous condition, puis change de pater (par adoption), c'est le
pre qui avait la puissance au jour du contrat qut profite de la
crance, bien que le fils ne soit plus dans sa familia le jour o
la condition se ralise.

L'obligation conditionnelle peut tre garantie par des cautions,


par une hypothque : le dbiteur peut tre libr par aoaeptilatio
(POMPONIUS : 46.3.16).

3) Dans la Compilation, Justnien explique autrement le mcanisme de la


condition suspensive : Il applique la thorie des droits en suspens (1),

Tant que la condition n'est pas ralise, l'obligation n'existe


pas, mas il existe dj au profit du crancier un espoir ("spes debi-
tvm ivi") : l'espoir qu'il y aura une dette.

(1) Thorie expose dans I.J. 3.14.2.5. Les textes du Digeste qui parlent
de "spes obligationis" paraissent tre interpols (GAlUS : D. 35.2-73.
1; ULP. : D. 50.16.54).
450

Cet espoir figure dans le patrimoine du [crancier, a une valeur


apprciable en argent (on en tient compte pour le calcul de la quoti-
t disponible en matire testamentaire) (. 35.2.73-1 Itp ?).

Cet espoir permet au crancier de prendre dj des mesures conser-


vatoires. Certes II ne peut pas exercer l'action pour rclamer l'ex-
cution et dans le droit de Justinlen, le crancier qui agit alors que
la condition est encore en suspens, commet une plus petitio tempovis.
Il ne peut pas faire vendre les biens du dbiteur, puisqu'il ne peut
pas demander l'excution; mais, pour assurer la conservation de son
espoir, Il peut dj obtenir une missio in bona sur les biens du dbi-
teur, si celui-ci devient Insolvable : Il peut aussi se prmunir con-
tre l'Insolvabilit des hritiers du dbiteur en demandant la spara-
tion des patrimoines (D. 42.4.6 pr itp, en contradiction avec ht. 14.
2; 42.6.4 pr Itp).

Enfin cet espoir, qui figure dans le patrimoine du crancier, se


transmet ses hritiers : la crance conditionnelle est transmissl-
ble (solution dont le caractre classique est trs douteux) (. 18.6
- 8 pr Itp).

B/ Conditio dficit : '.'.

La condition ne se ralise pas : en ce cas l'opration est rdui-


te nant. Le vinculum lui-mme;ou l'espoir (dans le droit de Justlnlen)
s'vanouissent, avec tous les droits qui avalent pu en dcouler : ainsi
les cautions sont libres. L'acte fait sous condition ne produit aucun
effet : Il n'y a jamais eu d'obligation.

C/ Conditio existit :
aBssassssssseasa

La condition se ralise. L'obligation prend alors naissance, si


toutefois les conditions gnrales, concernant son objet, sont ce mo-
ment-l runies. Si par exemple l'objet d a pri par cas fortuit, la
condition aura beau se raliser, l'obligation ne pourra pas natre, par-
ce qu'elle n'a pas d'objet, au moment o elle pourrait commencer se
former (voir ce que nous avons dt propos des risques dans la vente).

Les jurisconsultes classiques ne reconnaissaient pas un effet r-


troactif la condition suspensive : l'obligation commenait produire
ses effets partir de l'arrive de la condition et non partir du jour
du contrat : ainsi dans le cas d'une vente faite sous condition suspen-
sive, l'acheteur n'a pas droit aux fruits produits par la chose entre le
jour du contrat et l'arrive de la condition (D. 18.6-8 pr).
. 451 .

Dans le droit de Justlnlen, la thorie des droits en suspens de-


vait conduire envisager tout autrement l'effet de la condition suspen-
sive : ds le jour du contrat, le crancier a dj un droit irpee debi-
tum iri) : un droit en suspens.

L'arrive de la condition confirme ce droit, transforme l'espoir


en un droit effectif : ce droit existait dj, en puissance, ds le jour
du contrat. L'arrive de la condition aura par consquent un effet rtro-
actif : ainsi l'hypothque qui garantit une crance conditionnelle, une
fols la condition ralise, prend rang au jour du contrat; le crancier
peut exercer l'action Paultenne relativement aux actes frauduleux accom-
plis par le dbiteur entre le jour du contrat et l'arrive de la condi-
tion.

Les textes du Digeste expliquent parfois ces solutions en recou-


rant une fiction : "perinde ac si", "quasi- dam contracta emptione in
praeteritwn" : tout se passe "comme si" le contrat avait t conclu pure-
ment et simplement. Ces textes paraissent avoir t Interpols (GATUS :
D. 20.4-11.1; PAUL : D. 18.6-8 pr).

Les Compilateurs n'ont d'ailleurs pas pouss jusqu'au bout l'Ide


de rtroactivit : Ils ne l'admettent qu'en ce qui concerne les effets,
mais ne l'appliquent pas toujours quand il s'agit d'apprcier: les condi-
tions de validit : comme les jurisconsultes classiques, Ils continuent
se placer au jour de l'arrive de la condition, et non au jour du con-
trat - pour dterminer le caractre possible ou non de l'objet : par exem-
ple une personne achte sa propre chose sous condition - puis cette chose
a cess de lui appartenir; on devrait considrer l'obligation comme Impos-
sible, si l'on admettait la rtroactivit de la condition et si l'on se
plaait au jour du contrat pour apprcier la situation juridique de l'ob-
jet : or le Digeste soutient le contraire (D. 18.1.61).

La doctrine byzantine des droits en suspens a t reprise par Po-


thler et c'est par son Intermdiaire qu'elle est passe dans notre Code
Civil : l'article 1179 reconnat un effet rtroactif la condition sus-
pensive. C'est une conception d'une technique juridique peu satisfaisan-
te, puisqu'elle est oblige de recourir une fiction. Le Code Allemand
de 1900 l'a abandonne.

2 - CONDITION RESOLUTOIRE

Le droit romain Ingore la condition rsolutoire proprement par-


ler. I I la transforme en condition suspensl-vey ou considre que le contrat
est modifi par un pacte de rsolution sous condition suspensive.

Les exemples les plus remarquables se prsentent; en matire de ven-


te : cf. supra pp. 206 sq.

ooo
o
. 452 .

TITRE SECOND

= PLyRAUTE = _DE = _SyJETS e

Principe
de la division
des dettes et crances :

Lorsqu'une dette existe au profit de plusieurs co-cranclers ou


la charge de plusieurs co-dbteurs, les obligations sont conjointes. Les
obligations conjointes en principe se partagent : chaque co-dbtteur ne
peut tre poursuivi que pour sa part, chaque co-crancler ne peut agir que
pour sa part.

C'est notamment ce qui se produit lorsqu'un crancier ou un dbi-


teur dcdent, laissant derrire eux plusieurs hritiers : les crances
et les dettes de l'hrdit sont partages, de plein droit, entre les h-
ritiers, en vertu d'une rgle qui remonte aux XII Tables.

Mais on rencontre parfois un rgime tout diffrent, rgime qui


aboutt ceci que l'un des co-cranclers puisse exiger la totalit de
la dette, du que la totalit de la dette puisse tre rclame de l'un quel-
conque des co-dbiteurs. Dans ce rgime, l'obligation n'est pas partage.
En latin, on emploie le mot "aolidum" pour exprimer l'ide de "dette en-
tire" : c'est de l que vient notre mot franais "solidarit".

Le principe de la division de plein droit des dettes et crances


tait cart eh droit romain dans les hypothses suivantes :

1) Obligations Indivisibles';

Certaines obligations (comme par exemple l'obligation "de ne pas


faire") sont par nature indivisibles. On se trouve Ici dans la nces-
sit d'admettre que la prestation entire puisse tre exige par l'un
des co-cranciers ou l'un des co-dblteurs. .

2) u|gations corrales :

Le principe de la division de la dette peut tre cart par la


convention des parties : II se produit alors ce que nous appelons, en
droit moderne, une solidarit conventionnelle entre cranciers ou entre
co-dblteurs (solidarit active, solidarit passive).
. 453

En droit romain, les cranciers solidaires portent le nom de


"duo rei" ou "covrei, stipulandi", et les dbiteurs solidaires celui
de "duo rei" ou "oovvei pvomittendi" : c'est pourquoi on donne le nom
de "corrallt" au rgime de la solidarit conventionnelle en droit
romain.

3) 2!l9i2D_j!r2?_i?l<^!2? :

Il existe en droit romain, des cas de solidarit lgale entre co-


dbiteurs : dans certaines hypothses, les co-dbiteurs sont tenus cha-
cun par le tout "in solidum", sans qu'il soit besoin d'une convention
des parties pour obtenir ce rsultat.

CHAPITRE I : PLURALITE DE CREANCIERS


333sscscaszseflso3ssssasacsssfiassE3ss

La solidarit entre cranciers n'est jamais lgale : elle ne peut


tre que conventionnelle.

1 - CORREALITE ACTIVE

. Forme :
csaas

Dans l'ancien droit romain, la corralt active rsultait d'une


stipulation faite selon des formes solennelles qui indiquaient clairement
le but que les parties se proposaient d'atteindre : les cranciers, ru-
nis en prsence du dbiteur, lui posaient tous successivement la mme
question, puis le dbiteur rpondait par une seule phrase qui s'adres-
sait tous les cranciers. Chaque stipulant (reus stipulandi) tait
crancier de la mme chose et pouvait l'exiger entirement du dbiteur :
mais comme le dbiteur n'avait fait qu'une seule rponse, Il ne devait
la chose qu'une fois.

A l'poque classique, la corralt active pouvait tre Introdui-


te dans toutes sortes de contrats, par une simple clause qui n'tait sou-
;
mise aucune formalit.
454

Effets s.:
ssBsns

Les effets de la corralite active sont bien connus : l'un quel-


conque des co-cranclers peut exiger du dbiteur la dette entire, mais
en obtenant paiement, ou en faisant litis eontestatio, Il teint la det-
te l'gard de tous les autres cranciers solidaires.

Lorsqu'il s'agit d'expliquer ces effets (le problme est le mme


pour la solidarit passive) des Interprtations divergentes existent en-
tre les auteurs modernes. Windsched soutient qu'en cas de solidarit
(active ou passive) Il n'y a qu'une seule obiIgation avec plural?t de
sujets; une seule obIIgation, et voil pourquoi le paiement, la litis
oontestatio, I'teignent erga ornnes; plusieurs sujets : et voil pourquoi
l'un quelconque des cranciers peut agir.

Cette faon de comprendre la solidarit n'tait certainement pas


celle des jurisconsultes romains : Ils considrent qu'il y a plusieurs
ob11 gtions : ce qui le prouve bien, c'est que la crance de l'un des aor-
vet peut tre pure et simple, civile, et la crance de l'autre condition-
nelle ou naturelle. Si le dbiteur est un pupille, Il lui faudra, pour
s'obliger envers deux cranciers corraux, deux fols l'auctoritas du tu-
teur, ce qui implique l'Ide d'une pluralit d'obligations.

Les Institutes de Justinien dfinissent la situation en des ter-


mes clbres :

"In utvaque obligatione una res vertitur" = date chacune


des obligations, une seule et mme chose sert d'objet.
(Inst. 3.16.1)

II y a donc :

1
> Pluralit de Mens :

Chaque oorreus peut exiger la totalit, en vertu de l'obligation


que le dbiteur a contracte envers lui.

2) Unit de prestation :

"Una res vertitur" : la chose n'est due qu'une fois : et voil


pourquoi le paiement fait l'un libre le dbiteur d'une faon abso-
lue l'gard de tous les cranciers corraux.

H rsulte de ceci que certaines causes d'extinction sont opposa-


bles tous tandis que d'autres n'ont qu'un effet relatif, selon qu'elles
affectent le lien ou la dette : le problme se pose dans les mmes termes
pour la solidarit passive, comme nous le verrons plus loin.
455

Enfin les cranciers corraux qui sont privs de leurs droits du


fait que l'un d'entre eux a reu paiement ou fait litis eontestatio n'ont,
du chef de la corralit elle-mme, aucun recours contre lui. Ils n'ont
de recours que dans les cas o il existe entre eux des rapports de droits
antrieurs (mandat ou socit ou indivision) qui peuvent justifier l'exer-
cice de I'action de mandat, de socit, ou

La corralit active ne semble pas avoir t d'utilisation trs


frquente : elle se rencontre surtout en matire de socit, prsentant l'a-
vantage de permettre a l'un des associs d'agir pour le compte de tous.

2 - ADSTIPULATIO

Il ne faut pas confondre la situation de I 'adstipulator avec cel-


le- des cranciers corraux. L'adstipulator est un agent d'affaires que l'on
faisait Intervenir ct de soi dans le contrat, pour obtenir certains r-
sultats pratiques : on pouvait s'absenter, I'adstipulator avait qualit pour
recevoir paiement ou poursuivre le dbiteur en justice : on pouvait aussi
va!ider grce ce procd une tipulatio "post mortem creditoris", comme
nous ;| 'avons dj vu.

\J adstipulatio prsente les caractristiques suivantes :

1) C'est une crance ver-bis accessoire une crance principale, elle-mme


verbis. L'adstipulator est un crancier "adjoint", dans une stipulation.
De l dcoulent diverses consquences :

a) Il faut qu'il y ait une crance principale et celle-ci doit rsulter


d'un contratverbis . Il faut que cette stipulation principale soit
rgulire en la forme, mais peu importe qu'elle fasse natre une obli-
gation valable (ce peut tre une stipulation post mortem). La cran-
ce de I'adstipulator rsulte d'une stipulation distincte, qui peut tre
valable alors que la stipulation principale ne l'est pas.

b) L'adstipulator intervenant titre "accessoire", il, ne peut stipuler


plus.'mais II peut stipuler moins que le crancier principal.

c) Uadstipulator est crancier : ce n'est pas un simple adjectus solu-


tionis gratia. Il peut non seulement recevoir paiement, mais teindre
la dette en faisant litis eontestatio, ou en consentant une aoceptila-
. 456 .

tio (fraude contre laquelle la loi quilia avait prvu une sanction).
A cet gard, I} adstipulatcr a des droits comparables ceux d'un cr-
ancier corral.

2) Autre caractristique essentielle : l'adstipulator est muni de droits


qui sont strictement personnels : le crancier a choisi tel agent d'af-
faires et nul ne peut remplir cette fonction sa place :

a) Le droit de I *adstipulator s'teint son dcs, est Intransmissible


ses hritiers.

b) On ne peut pas choisir comme adstipulator un esclave, car la crance


de l'esclave profiterait son matre : or c'est I'adstipulator en
personne et lui seul qui peut avoir des droits l'gard du dbiteur.
De mme si l'on prend un fils de famille comme adstipulator, la cr-
ance de celui-ci ne commence produire d'effets que lorsqu'il devient
suijuris : elle ne profite jamais son pater.

A l'poque classique, les rapports entre le crancier principal


et I'adstipulator entrent dans les cadres du mandat. Le crancier est tou-
jours cens avoir donn mandat son adstipulator : II en rsulte qu'il peut
lui demander des comptes au moyen de l'action mandati.

CHAPITRE II : PLURALITE DE DEBITEURS


asassssaaBaasoBSSscs&asainsssaasscastt

1 - LA CORREALITE PASSIVE
(solidarit conventionnelle)

Lorsqu'une mme chose est due par plusieurs co-dblteurs, I! est


trs avantageux pour le crancier d'tablIr entre eux le rgime de la soli-
darit : Il pourra s'adresser l'un d'eux pour obtenir le paiement complet
en une seule fois. Lorsqu'un crancier doit diviser ses poursuites, la part
du dbiteur Insolvable ne lui est pas paye : avec la solidarit au contrai-
re, le crancier n'a qu' s'adresser a celui des dbiteurs qui est solvable
pour obtenir un paiement complet.
. 457

Aussi la solidarit entre co-dbtteurs tait-elle souvent demande


par les cranciers.

Forme :

A l'poque ancienne elle rsultait d'une stipulation faite d'une


faon parti cul 1re : le crancier, en prsence de tous les co-dblteurs,
posait chacun la mme question : "Maevius, me promets-tu 10.000 sester-
ces ?" "Et toi Sel us, me promets-tu les mmes 10.000 sesterces ?". Aprs
quoi Maevius et Se lus rpondaient chacun : "Je te les promets".

Ce formalisme avait l'avantage d'Indiquer trs clatrement ce qu'on


avait voulu faire : la chose n'tait due qu'une fols, puisque les deux pro-
messes portaient sur la.mme prestation : mais chaque dbiteur avait donn
une rponse une question distincte qui le concernait personnellement :
chaque dbiteur s'tait engag pour la total It envers le crancier.

' Ce procd formaliste est encore mentionn par Justinien dans ses
Institutes (3.16 pr). Mais ds l'poque classique, Il tait possible d'-
tablir la solidarit par un simple pacte joint aux contrats de bonne fol.
Papinlen parle mme d'une solidarit rsultant d'une simple clause annexe
une stipulation crite (D. 45.2.11.1).

Enfin, on pouvait par une clause insre dans un testament, ren-


dre les co-hrltiers solidairement responsables de l'excution d'un legs
per damnationem.

Effets :
Bsscasxs

A/ Rapports
entre le crancier
et les co-dblteurs solidaires :

Les effets de la corrallt passive s'expliquent de la mme faon


que ceux de la corrallt active : pluralit de liens, unit de presta-
tion due.

1)
Plyrii-de_!!ens. :

Chaque co-dblteur est tenu pour le tout envers le crancier: ce-


lui-ci peut donc exiger paiement complet de l'un quelconque des co-
dbiteurs; il peut exercer l'action pour le tout contre l'un d'eux.
458

Le bnfice de division, Imagin par Hadrien en faveur des cautions,


ne s'applique pas aux dbiteurs corraux : car ce serait aller I'en-
contre du but mme de la solidarit : si le crancier a fait tablir
entre les co-dbteurs le rgime de la solidarit, c'est pour n'avoir
pas partager ses poursuites.

Le crancier, s'Il.ne peut tre contraint j'vlser ses poursuites,


pourrait-Il, de son plein gr, de sa propre.Initiative, les partager ?
A dfaut de bnfice de division exlste-t-II une "facult" de divi-
sion ? Un texte de Papfnlen (D. 45.2.11 pr) reconnat cette facul-
t au crancier quand II s'agit de co-dblteurs d'un genre assez par-
ticulier : les "mutui fidejussores", qui correspondent aux XXnXeY<3oi
du droit grco-gyptien.

Justlnlen, par la novelle 99 de 539, prit des dispositions dont le


sens a t longtemps discut et qui, selon Col IInet, paraissent bien
aboutir ceci : Justlnlen a accord au crancier la facult de divi-
ser les poursuites entre les dbiteurs corraux - facult qui n'exis-
tait avant lui que s'il s'agissait d'XXnXeYY>* (1). Par allldurs,
Justlnlen a tendu aux XXnXeYYtfoi le bnfice de division (2).

(1) C'est ainsi que le C.C. comprend la solidarit passive : elle comporte
un cautionnement rciproque sans bnfice de division (art. 1203) mais
avec facult de division reconnue au crancier (art. 1210).
(2) Sur l'tXXnXeyYUf ou mutua fidejussio : COLLINET : "Etudes historiques sur
le droit de Justinien" 1,1912, pp. 124- sq. ; Eva CANTARELLA : "La fidejus-
sione veoipvoca" 1965 et c.r. BOULVERT : R.H.D. 1967, pp. 304 sq.
L'XXnXeYY^I apparat dans la pratique gyptienne l'poque Prolmaque :
elle fut trs employe l'poque romaine, surtout au 11 s..de notre re.
C'est un cautionnement rciproque : les co-dbiteurs se portent garants
les uns des autres; leur situation est diffrente de celle des co-dbi-
teurs corraux du droit romain : chaque co-dbiteur est d'abord dbiteur
principal pour sa part virile, mais aussi caution des autres dbiteurs :
le crancier peut donc agir pour le tout contre un des dbiteurs (en lui
rclamant sa part de la dette, puis le reste, comme caution), mais il peut
aussi, s'il y trouve intrt, ne rclamer chaque co-dbiteur que sa
part : l'XXnXeyYtfn lui laisse cette facult de division.
Au 11 s., les jurisconsultes romains n'ignorent pas cette institution
orientale et Papinien, qui lui donne le nom de "mutua fidejussio", cons-
tate l'existence de cette facult de division.
Justinien, dans la novelle 99, tend aux AXXnXeYYtiov le bnfice de di-
vision; ils peuvent forcer le crancier diviser ses poursuites entre
les co-dbiteurs solvables. Les co-dbiturs solidaires la faon ro-
maine (covvei dbendi) continuent, d'aprs les textes du Digeste, ne
pas.pouvoir exiger du crancier la division des poursuites, mais ne peu-
vent s'opposer cette division si le crancier le prfre (facult de
division reconnue par D. 19.2.47, texte de MARCELLUS itp.).
. 459 .

2 :
^ yoi-^-PCiS!]
"Una res vertitur". La chose promise par tous les co-dbteurs
n'est due qu'une fols.

Si par consquent un mode d'extinction des obligations affectant


la dette vient jouer entre le crancier et l'un des co-dbteurs,
tous les autres sont librs : mas certains modes d'extinction af-
fectent le Iien et non la-dette et ont pour cette raison un effet
relatif.

Ont un effet absolu : le paiement, la litis contestatio, la nova-


tlon, la remise de dette par acceptilatio ou pacte de remise in rem.
En cas de perte fortuite de l'objet d, tous les co-dblteurs sont
librs: par contre si la chose prit par la faute de l'un des co-
dbiteurs, tous, mme ceux qui n'ont pas commis de faute, restent
tenus : "alterius factura alteri nooet" = la faute de l'un nuit
l'autre (PQMPONIUS, D. 45.2.18).

Ont un effet relatif : la capitis deminutio qui libre un dbiteur,


la confusion, le pacte de remise in personam. De mme certaines cau-
ses de survie de l'obligation ont un effet relatif : la mise en de-
meure d'un dbiteur ne modifie pas la situation des autres: si par
consquent la chose prit fortuitement aprs la mise en demeure d'un
des co-rdblteurs, celui-ci reste tenu, mais les autres, qui ne sont
pas en demeure, sont librs. L'Interruption de la prescription par
des poursuites n'a d'effet qu' l'gard du co-dblteur cit en justi-
ce.

Ce qu'il y a de caractristique dans ce rgime de la solidarit


romaine, c'est que le crancier, en faisant litis contestatio pour
le tout avec un des co-dblteurs, teint la dette et libre les au-
tres : Il les libre, mme si le dbiteur poursuivi est Insolvable
et ne le pale pas. "Elections liberantur" : les dbiteurs corraux
sont librs par le choix que fait le crancier.

On dsigne sous le nom de solIdarlt parfaite cette sorte de soli-


darit. C'est un rgime qui risque d'tre assez dangereux pour le
crancier. S'il choisit mal, s'il poursuit celui des co-dblteurs
qui est Insolvable, il n'obtient pas satisfaction et ne peut plus
Inquiter les autres. On comprend pourquoi les cranciers cher-
chaient parfois diviser les poursuites (facult de division dont
nous avons parl propos des aXAnXeyY^ox).

JustJnlen, par la clbre constitution de 531 (C. 8.40.28.2) a


aboli l'effet extlnctlf de la litis contestatio : le crancier qui
n'obtient pas satisfaction du co-dblteur qu'il poursuit, peut se
retourner contre les autres. C'est ce qu'on appelle une solidari-
t imparfaite : dans ce rgime, les co-dbiteurs solidaires ne sont
460

plus librs "electione", mais "solutione", non plus en vertu du


choix, mais par le paiement. De plus, Justinien, nous l'avons vu,
accorde au crancier la facult de diviser la dette (1).

B/ Rapports
entre les dbiteurs corraux :

Le dbiteur qui a t oblig de payer la totalit de la dette a-t-II


un recours contre les autres dbiteurs corraux ? :

La stipulation a bien tabli un engagement de chacun envers le cr-


ancier, mais aucun engagement des uns envers les autres : Ils ne se sont
rciproquement rien promis.:

SI un^recours existe, Il ne prend pas racine dans l'acte qui ta-


blit le rgime de la solidarit, mais dans les rapports juridiques an-
trieurs qui peuvent exister.entre les co-dbW-eurs et qui les ont ame-
ns s'engager ensemble. S'ils sont associs, celui qui pale pour les
autres peut exercer contre l'action pro soco. A dfaut de Socit, on
peut parfois considrer qu'il y a eu mandat et donner au dbiteur qui a
pay l'action mandat- contraria contre les autres (considrs comme ses
mandants). ;

Enfin le bnfice de cession d'actions, institution d'abord tablie


en faveur des cautions, a t tendu aux dbiteurs corraux et les ef-
fets de la corralt s'en sont trouvs modifis : le dbiteur solidai-
re poursuivi en paiement de la totalit de la dette peut exiger du cr-
ancier qu'il lui cde ses droits et actions; Il se trouve ainsi subrog
dans les droits du crancier l'gard des autres co-dblteurs.

2 - OBLIGATIONS IN SOLIDUM
(solIdarlt lgale)

Le rgime de Ta solidarit entre co-dblteurs prsente de tels avan-


tages pour le crancier que Ta loi l'tablt dans des hypothses pour favori-
ser le crancier : Il existe une solidarit lgale.

(1) Justinien est arriv donner la solidarit passive les traits qu'elle
a dans le Code Civil franais :
a) art. 1204- : les poursuites faites contre l'un des dbiteurs n'empchent
pas le crancier d'agir ensuite contre les autres (plus d'effet extinc-
tif de la litis oontestatio),
b) la solidarit comporte une part de cautionnement mutuel, d'o (art.
1203) : les co-dbiteurs solidaires ne peuvent pas opposer au crancier
le bnfice de division, mais (art. 1210) le crancier peut, s'il le d-
sire, diviser la dette l'gard de l'un des co-dbiteurs.
. 461

Sources :
SSSSSBB

1/ La solidarit lgale rsulte le plus souvent de dlits.

a) D'ordinaire il ne s'agit pas du paiement de la poma : car lorsqu'un


dlit est commis par plusieurs co-auteurs, chacun doit payer la poe-
na complte : les actions pnales se cumulent en cas de pluralit
de dlinquants. Mais la solidarit Intervient quand il s'agit de
l'obligation de rparer les consquences du dlit : les voleurs pour-
suivis par la condiatio furtiva sont tenus solidairement.

b) Certaines actions pnales ne se cumulent pas en cas de pluralit de


dlinquants, mais ceux-ci sont alors tenus solidairement du paiement
de la poena : ainsi en matire d'action metus, d'action doli, d'ac-
tion vationibus distvahendis (contre le tuteur Infidle).

2/ La solidarit lgale existe la suite de certains contrats ou quasi-


contrats :

- en matire d ' a c t i o n tutelae (en cas de c o - t u t e l l e ) ;


- responsabilit des administrateurs des biens d'une cit;
- en matire de dpt, de commodat, de mandatum aredendae peouniae (for-
me de cautionnement).

. Effets :
s a s t s s s s as

Le rgime que le Digeste dcrit en cas de solidarit lgale est


celui de la solidarit Imparfaite : la litis contestatio faite avec un
des dbiteurs ne libre pas les autres : ils ne sont librs que par le
paiement parfait : mais le caractre classique de cette solution est dis-
cutable.

- La solidarit lgale ne comporte aucun recours au profit de ce-


lui qui paie car il ne peut invoquer aucun rapport licite de droit avec
les autres co-dblteurs : on ne peut ni valablement s'associer ni valable-
ment donner mandat pour commettre un dlit, un dol ou une faute.

Quant au bnfice de cession d'actions, on ne l'accorde qu'au d-


biteur qui n'a commis aucun dol.

Les effets de la solidarit lgale peuvent s'expliquer ainsi :

- Il y a pluralit de Iiens : chaque co-dbiteur rpond des consquences


de son dlit ou de sa faute;
. 462

Il y a pluralIt d'objets : chacun est personnellement tenu de la somme


laquelle a droit la victime. Mais comme II s'agit d'une rparation
du prjudice, le paiement fait par l'un libre les autres.

ooooo
o
. 463

CINQUIEME PARTIE

LES S U R E T E S

000
Le droit de crance est dpourvu d'efficacit si le d-
biteur est Insolvable; le crancier peut se prmunir contre ce risque en se
faisant donner des garanties. Elles sont de deux sortes.

Les unes consistent multiplier le nombre des personnes qui r-


pondent de l'excution : ce sont des srets personnel les.

Les autres procurent au crancier un droit particulier sur une


chose, affecte en garantie de la dette : le crancier, en cas de vente des
biens du dbiteur, est assur de ne pas avoir partager cette chose avec
les autres cranciers. Ce sont l des srets rel les.

Les romains ont d'abord donn toutes leurs prfrences aux srets
personnelles : au dbut de l'Empire les srets relles n'taient encore em-
ployes que comme un pis aller, quand on n'arrivait pas trouver de cau-
tions. Mais la pratique du cautionnement s'avra de plus en plus diffici-
le : primitivement il existait des liens assez troits entre les membres de
certains groupes sociaux : il tait difficile de refuser un parent, un
voisin, l'appui de son crdit. Quand ces Itens se relchrent, le caution-
nement demeura encore d'usage courant parce que les moeurs politiques de la
Rpublique amenrent les hommes Influents se crer une clientle en cau-
tionnant, l'occasion, les dettes de leurs lecteurs.

Mas sous l'Empire, ce dernier facteur cessa de jouer. Il deve-


nait difficile de trouver des cautions : pour ne pas dcourager les bonnes
volonts, la lgislation fit en sorte que ce service devint moins prilleux
pour ceux qui voulaient bien le rendre : mais en adoucissant le sort des cau-
tions, on rendait cette forme de garantie moins efficace : les cranciers
commencrent prfrer les srets relles. Celles-ci, qui avalent d'abord
t organises de faon trs dfectueuses, se perfectionnrent quand on sen-
tit le besoin d'y rcourir plus souvent; la fin de l'poque classique, l'hy-
pothque tait devenue I'Instrument de crdit le plus sr et le plus commode.
Au milieu du 11 s., Pompon1!us pouvait dj faire cette constatation : "plus
oautionis in re est quam in persona = une garantie rel le offre plus de sre-
t qu'une garantie personnelle" (D. 50.17-25).
. 464 .

Le cautionnement continua cependant jouer un rle Important dans


certains milieux d'affaires (commerce, banque); on l'employait aussi quand on
cherchait moins une garantie pcuniaire qu'une garantie de moralit; ainsi
les stipulations prtoriennes continurent tre garanties par des sponso-
rs.

TITRE PREMIER

sLES=SyRETES=PERS0NNEtLES_4_LE=AyTlQNNEMENT=

.;:0 0 La notion: de cautionnement englobant toutes les formes


de garanties personnelles est trs tardive; lemot lui-mme n'a pas de cor-
respondant en latin. L'expression "adpromissio", loin de convenir toutes
les formes de cautionnement, ne peut correctement concerner que deux d'entre
elles : la sponsio et la fidepromissio (pas mme tous les modes de caution-
nement vevbis, comme on le croit parfois tort).

Les romains ont imagin de trs nombreux procds destins cr-


er des engagements ct de celui du dbiteur : :

Ils ont d'abord connu deux procds "vevbis" : la sponsio et la


fidepromissio.

Un troisime procd vevbis, plus commode et plus efficace que les


deux prcdents, fut Introduit la fin de la Rpublique ou dbut de l'Empi-
re : la fidejussio.
A: ct de ces trois modes solennels, le droit classique connat
trois procds non formels : l'un se ralise en utilisant Ingnieusement le
contrat consensuel de mandat, c'est le manddtvm cvedendae peouniae. Deux pac-
tes prtoriens servent crer une garantie personnel le : le rception des ban-
quiers et le constltut debiti dlieni.

Jamais la jurisprudence classique ne songea h faire entrer tous ces


procds dans les cadres d'une notion unique; jamais elle ne songea les sou-
mettre des rgles d'ensemble; cette unification n'a t tente qu' la fin
de l'volution du droit romain, par Justinlen.
465

CHAPITRE I : LE CAUTIONNEMENT SOLENNEL (VEBBIS).


eBBseBsseesssaBBsasaascesssassaasnaaBSSBSsaaasB

1 - SPONSIO ET FIDEPROMISSIO

La sponsio est le procd le plus ancien : I ne peut tre employ


qu'entre citoyens romains. Il fallut Imaginer pour les prgrins un autre
procd bti sur le mme type, la fidepromissio, dans laquelle l'engagement
de la caution se fait en Invoquant la fides, le respect de la parole donne,
qui a une.valeur internationale. Les cautions ainsi engages par des con-
trats verbis s'appellent les unes "sponsores", les autres "fidepromissores".

Il existe entre ces deux vieux procds de grandes ressemblances


(GaTus II 1.118).. La sponsio et la fidepromissio sont, du ct passif, ce
qu'est I*adstipulatio du ct actif : Il s'agt l d'une promesse verbis
jointe une promesse verbis principale. Le terme, d'ailleurs sans valeur
technique, d'adpromissio, qui est le pendant de I'adstipulatio, convient
ces deux modes de cautionnement.

Forme
et conditions
de va I d i t
ssssaaaasssa:

Ces deux formes de cautionnement verbis ne peuvent garantir que


des dettes elles-mmes

Nous pensons qu' l'origine, pour viter que la novatlon ne se pro-


duise, Il fallait engager les adpromissores en mme temps que le dbiteur
principal. Ernst Lvy soutient mme qu'il n'y avait alors aucune diffren-
ce entre ce genre de cautions et les co-dbiteurs solidaires (1). Mais
corraltt et cautionnement correspondent des situations concrtes dif-
frentes, des buts diffrents, et nous croyons que ces diffrences se ma-
nifestaient dans ls formes employes : les oorrei s'engageaient ensemble
par une seule stipulation comportant plusieurs promettants, tandis que la
stipulation faite avec des cautions s'ajoutait celle qu'on venait de fai-
re avec le dbiteur .principal. Aprs avoir pass le contrat verbis avec
le dbiteur principal, le crancier s'adressait aux cauttons prsentes en
ces termes : "spondesne idem" ou "fidepromittesne idem" : promets-tu la m-
me chose ?"

(1) E. LEVY : "Sponsio3 fidepromissio3 fidejussio" (1907); DE MARTINO : "Stu-


di suite garanzie personali" 1.1937; II.1938; J. MACQUERON : "Le caution-
nement", Aix 1951.
. 465 .

Ds l'poque rpublicaine II devint possible d'engager des epon-


aoree ou des f-ideprcmisaore par* un-acte distinct, un certain temps aprs
le dbiteur principal. Il n'est plus mme ncessaire qu'ils promettent
"idem"; Ils peuvent promettre moins, mais ne peuvent promettre plus que
le dbiteur principal : Gaus en donne pour raison que I'obiIgatlon des
sponaoves et fidepromssoves "acoessio est pvinoipalis obiigationis" et
que l'accessoire ne peut comporter plus de choses que le prlnctpal (G. 3.
126) (1).

En ralit, l'engagement de ces sortes de cautions n'a pas vrai-


ment un caractre accessoire car sa validit ne dpend pas de celle de
l'obligation principale : Il faut bien une stipulation principale, mais
il n'est pas Indispensable que celle-ci fasse natre une obligation vala-
ble (mme solution en matire A^adpromissio et de novatlon) : cas de la
stipulation faite par un pupille ou une femme sans leur tuteur, et stipu-
lation post mortem.. Par contre, la validit du cautionnement est discute
si la stipulation principale est une sponsio faite par un esclave ou un
prgrln (2).

Effets :
seasee

Primitivement, la condition des eponsoves et fidepromissores tait


tout fait comparable celle des dbiteurs corraux : c'est pourquoi cer-
tains auteurs (E. Lvy, Glffard) soutiennent qu' l'origine 11 n'y avait
aucune diffrence entre cautionnement et solidarit conventionnelle : les
deux choses auraient t primitivement confondues. Nous al Ions voir que
ce n'est pas tout fait exact.

Comme des oovrei debendi les cautions sont obliges pour le tout :
le crancier peut demander la totalit de la dette soit au dbiteur, soit
l'une des cautions : Il a la facult de choisir (electio). Les cautions
n'ont aucunement. l'poque ancienne un caractre subsidiaire : leur enga-
gement est sur le mme plan que celui du dbiteur : au point de vue des
effets, I'engagement des cautions valait " titre principal".

Comme,en matire de corralIt, le crancier qui taisait la Htis


oontstatio avec le dbiteur teignait la dette et librait toutes les cau-
tions; en.la faisant avec l'une des cautions,;11 librait le dbiteur et
toutes les autres cautions.

Comme des co-dblteurs solidaires, les sponsores et fidepromisso-


ves pouvaient se prvaloir des diffrentes causes d'extinction de l'obliga-
tion, sauf de celles qui avalent un caractre relatif et personnel.

(1) FLUME : "Studien zur Akzessoriett ..." 1932; FEENSTRA : "Le caractre
accessoire des diffrents types de cautionnementverbis ", Etudes Macque-
ron, Aix 1970, pp. 301 sq.
(2) Cf. supra, p. 323, n. 1.
467

Cette situation juridique de la caution est assez surprenante : la


caution Intervient pour rendre service au dbiteur et l'affaire que celui-
ci conclut ne l'Intresse pas personnellement : Il est contraire aux ra-
lits concrtes de le placer juridiquement dans la mme situation que le
dbiteur. Cette anomal te s'est cependant maintenue en droit romain a tra-
vers les sicles pour toutes les cautions engages "verbis". C'est seule-
ment Justlnlen, dans la Novelle 4 de 535, qui est parvenu donner l'o-
bligation de la caution un caractre subsidiaire, en contraignant le cr-
ancier a poursuivre d'abord le dbiteur et n'Inquiter les cautions que
pour leur demander ce que le dbiteur insolvable n'a pas pu fournir lui-
mme.

Mais avant que ft organis ce "bnfice d'ordre et de discussion",


les moeurs parvenaient a corriger les singularits du droit : ds l'poque
rpublicaine, on considrait qu'il n'tait pas convenable de s'en prendre
aux cautions quand on pouvait obtenir satisfaction du dbiteur. D'autre
part, Il tait dshonorant pour le dbiteur de laisser ses cautions payer
a sa place. Divers passages de Cicron nous permettent de comprendre com-
ment, en fait, le crancier procdait, lorsque le dbiteur paraissait peu
press de s'acquitter : il menaait la caution en lui adressant une somma-
tion (.appellare sponsores), mais se gardait bien de faire avec elle la >T>-
tis contestatio qui aurait libr le dbiteur. La caution, menace, fai-
sait pression sur le dbiteur pour qu'il excute. Le rle des cautions,
en fait, tait beaucoup moins de payer la place du dbiteur que d'Inci-
ter celui-ci remplir ses engagements (1).

Mais l'engagement des sponsores et -HdepromQsovea s'teignait par


leur dcs; cette particularit est remarquable. Nous avons vu qu'une r-
gle symtrique existe pour Iy cdstypulat'r : ceci confirme ce que nous avons
dit tout l'heure, que la aponio et la f-idepfomissio sont le pendant de
I ' a d s t i p u l a t i o et mritent le nom d'"adpromissio".

D'autre part, l'Intransmissibilit de l'obligation des plus ancien-


nes cautions semble bien indiquer que, ds l'origine, les romains ont su
distinguer cautionnement et corraiit - car rien ne permet de supposer que
l'obligation des correi pronrtttendi ait t primitivement Intransmissible.

Le rgime primitif du cautionnement ne comportait, au profit de la


caution qui avait d payer, aucun recours contre le dbiteur.

Lois sur le cautionnement :


S S B 3 S B S B C 3 3 S a S S S S = i:S=aiESS

Le rgime svre que le vieux droit romain appliquait aux cautions

(1) MACQUERON : "Le cautionnement moyen de pression". Annales Facult de


Droit, Aix, 50, 1958, pp. 5-36.
46'8 .

fut adouci par une srie de lois de l'poque rpublicaine (1).

Les raisons qui ont provoqu cette Intervention du lgislateur


sont faciles souponner. Les liens de famI le s'tant relchs, ce
n'tait plus parmi leurs proches que les dbiteurs cherchaient des ga-
rants : les patrons, les hommes politiques talent trs souvent appels
cautionner les dettes de leurs clients : Ils parvinrent faire voter
des lois dont le but tait de rendre moins prilleux les services qu'1Is
ne pouvaient gure refuser de rendre leur clientle. Ajoutons cela
qu' l'poque o Ils trouvaient facilement des cautions dans leurs famil-
les, les dbiteurs avalent sans doute coeur de n'attirer aucun ennui
ceux de leurs proches qui avalent bien voulu cautionner leurs dettes; Ils
n'eurent, sans doute, plus les mmes scrupules quand leurs cautions talent
des hommes polltiques en qute d'une clientle lectorale !

Pour toutes ces raisons, Il devint ncessa!re de prendre des me-


sures en vue d'amliorer le sort des cautions : tel est bien le but des
nombreuses lois sjr le cautionnement qui ont t votes pendant l'poque
rpub11 cal ne.

1/ La loi PubliHa de sponsu :

Cette lot ne concerne que les sponsores : elle date sans doute
d'une poque o le cautionnement par fidepvomissio n'tait pas encore
connu : elle semble se situer vers la fin du II'0 s. avant J.C.

Elle a organis un recours, au profit du sponsor qui a pay, la


place du dbiteur, une certaine, quantit d'airain (aes depensum) : en
vertu de cette loi, le sponsor qui n'arrivait pas se faire rembour-
ser par le dbiteur pouvait exercer sur lui la manus injectio depensi
; c'tait une manus injeatio pro judicato, sans jugement pralable.

Aprs la disparition des actions de la loi, cette manus injectio


fut remplace par une action depensi, action rcursolre contre le dbi-
teur. Elle existait encore l'poque classique : c'tait une action
IItlscrescence (en souvenir de l'ancienne manus injectio) (2).

(1) TRIANTAPHYLOPOULOS : "Lex Cicereia? Athnes 1957 (2 volumes:n grec avec


rsum en allemand). "Lgislation romaine sur le cautionnement" R.H.D.
1961, pp. 501 sq.; "Sponsor'\ ;R.I.D.A. 1961, pp. 373 sq.
(2) La manus injeotio est une action de la loi : il faut tre citoyen pour
l'employer : or bien souvent les fidepromissores sont des prgrins :
nous ignorons comment ils pouvaient obtenir remboursement.
. 469 .

2/ Loi Appuleia :
( f i n du l i r - d b u t du 11 s. av. J.C.)
Elle concerne l'hypothse o plusieurs sponsores ou fidepromisso-
res garantissent la mme dette. Celle des cautions nul a t oblige
de payer toute la dette peut, grce cette loi, exercer un recours con-
tre les autres cautions, pour exiger de chacune sa contribution. SI
l'une des cautions est Insolvable, ce n'est pas le crancier qui en souf-
: fre, mais les autres cautions, le partage de la dette se faisant entre
moins de personnes.

3/ Loi Furia de eponsu :

Cette loi est postrieure la loi Appuleia. Elle concerne les


sponsores et fidepromissores d'Italie, \'exeI us Ion de ceux des pro-
vinces : cette loi est donc postrieure la cration de la premire
province (Sicile en 241) : on peut mme penser que c'est une mesure de
circonstance, vote au moment o Hannibal essayait d'ameuter les Ita-
liens contre Rome (vers 216-217).

a) Cette loi obligeait le crancier diviser ses poursuites entre les


cautions encore vivantes au jour de l'chance. L'Insolvabilit de
l'une des cautions tait, cette fols, supporte par le crancier. La
division de la dette entre les cautions s'oprait ipso jure, de plein
droit : si le crancier exige d'une caution plus que sa part, celui-
ci obtient restitution par une marais injeotio, qui aprs la loi Val-
lia est devenue pura (G. 4.22, ne parle que des sponsores).

b) Cette loi organisait une trs courte prescription en matire de cau-


tionnement : au bout de deux ans ibiennium) les cautions talent li-
bres. C^tte mesure permettait aux grands personnages de Rome de
cautionner beaucoup de monde, les engagements pris se trouvant effa-
cs au bout de deux ans.

4/ Loi Cioereia :

Elle appartient une poque o la procdure formulaire existe d-


j (elle organise un "praejudicium", qui s'intente par formule); elle
se situe probablement dans la deuxime moiti du 11 s. av. J.C.

Cette loi oblige le crancier '''praedioere", faire une dclara-


tion au moment o un sponsor ou un fidepromissor s'engage envers lui :
Il doit faire connatre le montant de la dette et prciser combien de
cautions II compte recevoir pour garantir cette dette (GaTus 111.123).
. 470

Si cette dclaration n'est pas faite, la caution, dans un dlai


de 30 jours, peut introduire une action prjudicielle, un praejudiaium,
en vue de faire constater que la dclaration exige par la loi n'a pas
t faite : .et sur cette constatation, la caution est libre.

Quel tait le but de cette dclaration Impose au crancier ? -


On a souvent prtendu qu'elle tait exige en vue d'assurer la bonne
application de la loi Furia : pour viter de partager ses poursuites,
le crancier aurait pu essayer de faire en sorte que les actions s'Igno-
rent les unes les autres. Mais cette explication ne tient pas devant
le texte de GaTus : Il n'est pas question de faire connatre les cau-
tions dj engages, mais celles que l'on va engager (accepturus sit).

E. Lvy prtend que c'est avec cette loi que l'on a commenc dis-
tinguer nettement les cautions des dbiteurs correaux : la loi oblige le
crancier h rpartir les rles entre des co-dtlteurs qui sont tous pr-
sents devant lui; Il faut qu'il dclare quel esu le dbiteur, quelles
sont les cautions. Des lois ayant dj organts' un rgime spcial pour
les cautions, Il devenait utile que le crancier fasse savoir quels taien"
parmi les co-dblteurs, ceux qui pourraient profiter de ces lois.

Cette hypothse est ingnieuse, mais suppose qu'il n'y avait aucune
diffrence de forme entre la stipulation principale et celle qui enga-
geait ls cautions, ce qui ne nous parat pas dmontr. A notre sens,
aucune explication satisfaisante n'a encore t donne de l'utilit de
cette "praedictio" Impose au crancier.

5/ Loi Covnelia :

C'est, semble-t-II, une loi de Sylla (82) : si l'on admet cette


date, la loi ne concernait que la sponsio et la fidepromissio, et son
application la fidjusslon (qui n'existait pas encore) viendrait d'u ne
Interprtation jursprudeht'elle de l'poque Impriale.

Cette loi interdit de cautionner un mme dbiteur envers un mme


crancier, dans la mme anne, pour plus de 20.000 sesterces. SI le
crancier a engag une caution pour une somme suprieure, Il doit rdui-
re ses poursuites 20.000 sesterces, sous menace de plus petitio.

toutes ces lois, et surtout la loi Furia, avalent tellement adou-


ci le sort des cautions que le crancier n'avait plus une garantie suffi-
sante. De plus, ces vieilles formes de cautionnement ne pouvaient garan-
tir qu'une seule sorte de dettes : les dettes provenant d'un contrat ver-
bis.

Une nouvelle forme de cautionnement, encore solennelle, mais plus


efficace et plus commode, fut Imagine : la fidjusslon.
. 471 .

2 - LA FIDJUSSIQN

Ce mode de cautionnement, qui semble inconnu de CIcron, mais qui


est dj tudi par Lbon, a fait son apparition dans les dernires annes
de la Rpublique ou au dbut de l'Empire.

Forme :

C'est encore un procd solennel, un contrat verbis. Le fidjus-


seur s'engage ainsi : le crancier lui pose la question : "Id fide tua es-
se jubesne ?" - quoi il rpond : "jubeo" (.acceptes-tu sous ta foi que
cela soit ainsi ? - je l'accepte).

Dans la pratique, la fldjussion rsultait le plus souvent d'une


mention crite au bas de l'acte concernant ta dette principale, avec ls
mots "id fide sua esse gussit N." (cf. Textes Girard, pp. 846-849, trip-
tyques dats de 162, de 142).

Cette forme de cautionnement se caractrise par les mots fides


et jubere.

- Fides :
La caution donne sa parole en des termes qui sont susceptibles
d'engager des prgrins.. La fldjussion appartient au jus gentium.

- Jubere :

Donner son jussus : c'est approuver et prendre sous sa responsabi-


lit. On rencontre cette notion de jussus lorsqu'un pater autorise son
fils faire un acte juridique : le pater devient ainsi responsable de
la dette entire, en vertu de l'action quod jussu. De mme le fidjus-
seur rpond - et pour le tout - de la dette contracte avec son jussus.
Il est difficile de savoir quelle a t l plus ancienne des deux appli-
cations de IJ mme Ide.

Le formalisme de I.. fidjusslon en fait un acte trs diffrent de


la sponsio et de la fidepvomissio. Ce n'est pas une promesse jointe
une autre promesse verbis : ce n'est pas une "adpromissio". Le fidjus-
seur, par un acte distinct, prend sous sa'respons.^1IIt "id" : "cela",
et ce "cela", ce peut tre une dette provenant de toutes sortes de sour-
ces ( 1 ).

(1) En se basant sur GAIUS (3.116), on a souvent fait remarquer que le spon-
sor promet idem, tandis que le fidjusseur promet "id", et on a voulu y
voir une diffrence essentielle entre les deux procds de cautionnement
mais c'est une illusion : il arrive que le fidjusseur promette idem -
(Triptyque de Transylvanie de 142. Textes Girard, p. 844).
472 .

Conditions de validit :
sssasBss&aaaaBSsseaaaa - -

Avec la fidjussion, on peut garantir n'Importe quelle sorte de


dette, provenant de toutes sortes de contrats, quasi-contrats et mme des
dettes delictuelles. Le fidjussur ne s'engage pas ncessairement en m-
me temps que le dbiteur principal : Il peut garantir une dette dj ne
et mme une dette future.

Mas II faut qu'il y ait une dette principale valable : sur ce point
la fidjussion s'carte encore de la sponsio et de la fidepromissio: l'enga-
gement du fidjussur a un caractre accessoire trs net. La dette princi-
pale peut tre civile ou prtorienne, pure et simple ou sous condition : on
peut mme se contenter d'une dette naturelle : mais II faut une dette prin-
cipale pour qu'on puisse accepter un fidjussur.

SI la dette principale, valable I'origine, vient s'teindre,


le fidjussur est libr : le paiement, la litis oontestatio, \'accepti~
latio, la novation, la compensation, la perte fortuite de l'objet d, lib-
rent le fidjussur. Mais la oapitis deminutio qui libre le dbiteur ne
libre pas le fidjussur. Celui-ci reste tenu si la perte de l'objet d
a t cause par sa faute (l'action, en principe teinte, est "restitue"
contre lui).

- Si la dette principale est paralyse par une exception, que le


dbiteur principal aurait pu opposer, le fidjussur peut-Il s'en prva-
loir ? Les textes font cet gard une distinction entre les "exceptions"
"rei oohaerentes" que le fidjussur peut opposer (exception de dol, de
violence, du senatusconsulte Vellelen) et les exceptions "personae oohae-
rentes" qui restent personnelles au dbiteur (pacte de remise in personam,
bnfice de comptence).

Effets :
scssaa

La fidjussion prsentait I'avantage pour le crancier d'chapper


aux dispositions des lois rpublicaines trop favorables aux cautions : on
rendit, Il est vrai, la loi Cicereia et la loi Corne Via applIcables la
fidjussion, mais elle est toujours reste compltement l'abri des dis-
positions si gnantes de la loi Furia : la division des poursuites selon
le systme de la loi Furia, et la libration des cautions par deux ans,
n'ont jamais t appliques aux fIdjusseurs.

De.plus, la mort du fidjussur n'teint pas son obligation, qui


est transmlslble.

De tels avantages firent bientt de la fidjussion le mode de cau-


tionnement le plus employ. La jurisprudence classique et la lgislation
Impriale ont encore perfectionn ses effets.
. 473 .

A/ Droits du crancier
en prsence d'un fidjusseur unique :

L'engagement du fidjusseur est accessoire, mais. I n'est pas sub-


sidiaire : le crancier jouit encore ici de la facult de choisir; il
peut, s'il le prfre, s'adresser au fidjusseur. Mais en faisant li-
tis contestatio avec lui, Il libre le dbiteur. A l'Inverse, s'il pour-
suit le dbiteur, le fidjusseur est libr.

Cette libert de choix fut finalement assez mal vue : les juriscon-
sultes considrent que le crancier agit de faon Injurieuse pour le d-
biteur s'il s'adresse la caution alors que le dbiteur est solvable :
l'action d'Injures peut tre en ce cas exerce par le dbiteur contre
le crancter ().

Au surplus ce choix n'est pas sans danger pour le crancier; s'il


choisit mal, il ne lui reste aucun espoir de rparer son erreur : la
litis aontestatio a teint sa crance.

Les effets de la litis aontestatio


Procds pour l'viter :

Il serait, videmment bien prfrable de permettre au crancier


d'essayer d'abord ce que vaut le dbiteur, puis, s'il n'a pas obtenu
satisfaction, de se retourner contre la caution : en un mot, Il fau-
drait donner l'engagement de la caution un caractre subsidiaire.

- La litis aontestatio tait en droit romain l'obstacle technique


qu'il fallait vaincre pour arriver ce rsultat souhaitable.

Diffrents procds furent Imagins pour y parvenir.

1) Le moins hardi, et sans doute pour cela le plus ancien, consiste


recourir un mandat. Le fdjuseur attaqu donne mandat au
crancier d'agir contre le dbiteur. SI le dbiteur ne pale pas,
l'excution du mandat cause un prjudice au mandataire (le cran-
cier). Il ne peut plus faire valoir la fldjusslon (le fidjus-
seur tant libr par la litis aontestatio faite avec le dbiteur)
mais il peut encore exercer l'action mandati contraria contre le
fidjusseur (devenu son mandant), on respectait ainsi l'effet ex-
tlnctlf de la litis aontestatio tout en permettant au crancier
d'agir contre le dbiteur avant d'attaquer la caution. Mais l'In-
convnient de ce procd rside dans le fait que le mandat est un
contrat fragile (prend fin par le dcs, par la rvocation).

(1) GAUS (J). 4-7.10.19) : les jurisconsultes ont ainsi donn une porte juri-
dique ce qui, au temps de Cicron, tait dj une rgle de biensance,
comme nous l'avons signal propos de la sponsio.
. 47,4

2) Un procd plus brutal consiste s'en prendre directement la


litis eontestatio; par une clause Insre dans la fldjusslon la
caution s'engage ne pas opposer au crancier I'effet extlnctlf
de la litis eontestatio. Il y avait l un pacte : cela permettait
au crancier d'opposer une "rplique de pacte'! la caution, si
celle-ci, poursuivie aprs le dbiteur, s'avisait d'Invoquer l'ex-
ception "vei in judicium deduetae".
Justrnien prtend (2) que ces clauses talent devenues courantes.
Qu'elles aient pu tre employes la Basse-Epoque, c'est vraisem-
blable; mais l'poque classique, il parat douteux que les parti-
culiers aient pu carter par une convention l'effet extlnctlf de
la litis eontestatio, rgle de procdure d'ordre public.

3) Enfin II tait possible de donner l'engagement de la caution un


caractre subsidiaire en combinant la stipulation de telle faon
que le crancier ne puisse poursuivre la caution qu'aprs avoir ex-
priment l'Insolvabilit du dbiteur principal. Le crancier sti-
pulait en ces termes : "Me promets-tu ce que je ne pourrais pas ob-
tenir de Tltius ?". Les textes donnent parfois cette stipulation
le nom de "fidejussio indemnitatis" : Il est fort douteux que les
auteurs classiques aient vu dans cette stipulation une varit de
fldjusslon. Ulpten se contente de dire que. c'est_une stipulation
sous condition suspensive (sous condition que'ftlus .ne pale pas
toute la dette), et dont l'objet est incertum (la partie de la det-
te que Tltius n'aura pas lui-mme paye).

Nous verrons plus loin que Justinlen mit fin toutes les difficul-
ts Issues de la litis eontestatio, en abolissant purement et sim-
plement son effet extlnctif : Il devenait alors ais de donner au
cautionnement un caractre subsidiaire. C'est ce que fit Justinlen
en crant le bnfice d'ordre ou de dlscusston, par la Novelle 4 de
535.

B/ Droits du crancier
en prsence de plusieurs fldjusseurs

Lorsque plusieurs fldjusseurs garantissent ensemble une mme dette


le crancier peut exiger la totalit {solidwi) d I'un quelconque d'en-
tre eux et la litis eontestatio qu'II fait avec l'un libre la fols le
dbiteur principal et toutes les autres cautions.: Tout le poids de la
dette pouvait tre par consquent support par un seul fldjusseur : la
loi Appuleia et la loi Furia, qui de deux faons diffrentes avalent or-
ganis une rpartition de la charge entre les cautions, ne concernaient
pas la fldjusslon.
475 .

Bnfice de division :

Ce rgime fut trouv trop svre et l'on revint, avec le bnfice


de division, l'Ide qui avait autrefois Inspir la loi Fi&ia, mais
en l'amliorant. Un bnfice fut tabli en faveur des fidjusseurs
par un rescrt (epistula) d'Hadrien (entre 119 et 138) : la jurispru-
dence I'tendt d'autres cautions, notamment aux sponsores et fide-
pronrtssoves des provinces (qui ne pouvaient pas Invoquer la lo Furia,
celle-ci ne concernant que les cautions Italiques).

Comme la loi Furia, le Bnfice cr par Hadrien aboutit rpartir


la charge entre les cautions, mais d'une faon plus satisfaisante pour
le crancier, et par des moyens moins radicaux (1).

1) En vertu du Bnfice, le crancier est contraint de partager ses


poursuites entre cautions prsentes et solvables au jour de l'ch-
ance : l'insolvabilit de l'une des cautions aggrave la situation
des autres, mais ne nuit pas au crancier. Le bnfice s'carte
en cela du systme de la loi Furia.

2) D'autre part, il s'agit d'un bnfice : une faveur que les cautions
doivent demander si elles dsirent en profiter : tandis qu'avec la
loi Furia, la division s'oprait de plein droit.

Le fait qu'il s'agit d'un bnfice conduit aux consquences suivan-


tes :

a) La caution peut y renoncer : une clause de renonciation au bn-


fice peut tre Insre dans le document crit qui sert prouver
la fidjussion).

b) SI la caution, par erreur ou ngligence, oublie d'Invoquer le


bnfice et paye la dette entire, elle n'a pas pay l'Indu :
la oondiotio indebiti lui est refuse..

3) La procdure pour obtenir le bnfice est la suivante :

a) La caution poursuivie pour le tout Invoque le bnfice : si la


solvabilit des autres cautions n'est pas conteste par le cr-
ancier, celul-c doit partager ses poursuites : le magistrat
lui accorde plusieurs formules, une contre chacune des cautions,

(1) Sur l'application du bnfice de division aux "mutui fidejussores" et la


novelle 99, cf. supra p. 4-57, note 2.
. 476 .

en limitant l'gard de chacune l'effet de la litis oontestcr


tio. Ce rsultat tait obtenu en Insrant dans chaque formule
une "praesoriptio pro aotore".

b) Mats le crancier auquel on oppose le Bnfice peut refuser de


diviser son action en prtendant que les autres cautions ne sont
pas solvables. Dans ce cas, la formule est dlivre pour le tout
contre la caution, mais avec une "exaeptio" : cette exptio au-
torise le dfendeur prouver que les autres cautions sont solva-
bles, et s'il apporte cette preuve, Il obtient son absolution :
le crancier a eu tort de refuser le bnfice de division; il
perd son procs et mme son action, car il a fait litis aontesta-
tio pour le tout.

C/ Recours accords
au fldjusseur qui a pay :

Le fIdjusseur qui a pay ne peut Invoquer ni la loi Publilia pour


se retourner contre le dbiteur, ni la loi Appuleia pour demander aux
autres cautions une contribution : ces deux lois ne concernaient pas la
fidjussion.

De la fidjussion elle-mme, le fidjusseur ne peut tirer aucun


recours : mais dans la plupart des cas, la jurisprudence parvient
lui en donner un contre le dbiteur : si en effet la caution s'est
engage sur les instances du dbiteur, on peut dire que celui-ci lui
a donn mandat de le faire - et si le mandat cause un prjudice au
mandataire, celui-ci peut exercer l'action mandati contraria contre
son mandant. A dfaut de mandat, on peut encore Invoquer la negotic-
rum gestio, si le fldjusseur s'est engag de sa propre initiative,
pour rendre service.au dbiteur. En somme II n'est dpourvu de re-
cours que s'il s'est engag contre le gr du dbiteur, ou dans une
intention librale, car dans ces hypothses, il ne peut plus tre ques-
tion d'une negotionon gestio.

Mais le recours contre le dbiteur prsente trop souvent un carac-


tre tout platonique : car le dbiteur est gnralement Insolvable,
quand le crancier fait payer les cautions.

Le Bnfice
:
^_i2D_l2l2!2
Un recours bien plus efficace consiste subroger le fldjusseur
dans les droits et actions du crancier auquel II a donn satlsfac-
477

tlon : .cette subrogation permet la caution de se retourner contre


le dbiteur, contre les autres cautions, et mme de faire valoir les
srets relles dont pouvait disposer le crancier.

Cette solution est quitable : II est juste que la caution qui a


pay bnficie de toutes les garanties qu'avait le crancier lui-mme;
aussi dans notre droit moderne cette subrogation est-elle devenue l-
gale, elle a lieu "de plein droit" (art. 1251 C.C.).

En droit romain, cette subrogation r-s s'opre pas de plein droit :


elle rsulte d'un bnfice, que la caution doit demander en temps uti-
le au moment o elle paie, ou en cas de procs, avant de faire litis
aontestatio.

La subrogation se ralise dans la forme ordinaire d'une cession de


crance, par procuratio in rern suam. Elle ncessite, comme on le volt,
un acte pass entre le crancier et la caution : elle n'est pas lgale
mais conventionnelle. Mais le crancier ne peut pas refuser de faire
le ncessaire pour qu'elle puisse se raliser.

Le Bnfice de Cession d'action ( la diffrence du Bnfice de Di-


vision) n'a pas t Introduit par voie lgislative : c'est une cration
due l'ingniosit des jurisconsultes, au dbut du II s. de notre re :
Julien en connat dj l'emploi (. 46.1.17) dans le cas o la dette est
garantie par plusieurs fidjusseurs.

Papnlen l'admet, au profit d'un fdjusseur unique, pour qu'il puis-


se plus facilement exercer un recours contre le dbiteur. Ce bnfice
fut accord non seulement aux fIdjusseurs, mais aussi d'autres sor-
tes de cautions, aux mandatores eredendae peouniae, et mme aux co-d-
blteurs solidaires (C. 8.39.1, date de 287, Itp.).

Pour organiser ce bnfice, les jurisconsultes eurent vaincre


deux difficults :

1) Comment contraindre le crancier cder ses droits ?

On y est arriv au moyen de l'exception dcli : le crancier, commet


un dol en refusant de cder des actions dont II n'a plus besoin :
s'il persiste dans son refus et poursuit la cautton, celle-ci ob-
tient, son absolution, en prouvant devant le juge que le crancier
fait preuve.de mauvaise-volont. Bien entendu, Il Importe que
la caution prenne, in jure, la prcaution de demander la cession
d'action et fasse insrer l'exception dans la formule : il serait
trop tard d'en parler pour la premire fols in judioio.

2) Comment assurer la survie des droits et actions du crancier ?

En recevant paiement, ou en faisant litis ocntestatio, le crancier


teint ses droits : que peut-il alors cder la cautton, puisqu'il
n'a plus rien lui offrir ?
. 478

Les jurisconsultes ont tourn cette difficult au moyen d'une fic-


tion : la caution est cense acheter au crancier ses droits et
actions et la somme qu'il verse pour payer la dette est cense tre
le prix de cet achat.

Mais, comme toute fiction, Il faut se garder de l'Invoquer au-del


des besoins pour lesquels on la fait Intervenir : le crancier n'est
pas tous gards un vendeur : la garantie qui existe d'ordinaire
la charge d'un vendeur de crance n'est pas Impose au crancier
qui cde ses droits une caution. Le crancier doit cder ses
droits tels qu'ils sont : on ne lui en demande pas davantage. Il
ne rpond pas de la validit des actions qu'il cde; il n'a commis
aucun dol si par ngligence II a laiss s'teindre des garanties
qui eussent t prcieuses pour la Caution.

Le Bnfice de Division fit perdre au Bnfice de Cession d'actions


beaucoup de son Intrt pratique,, en contraignant le crancier rpartir
la dette entre les cautions solvables.

CHAPITRE II : MODES NON SOLENNELS DE CAUTIONNEMENT

Ces procds non solennels sont au nombre de t r o i s


. manatum ere&nae pecuniae;
. c o n s t l t u t dushiti alien-i;
. rception des banquiers.

1 - MANDATUM CREDENDAE PECUNIAE ( 1 ) :

Ce cautionnement est ralis au moyen d'un contrat consensuel : le


mandat. Je vous donne mandat de prter de l'argent Tltius. Vous prtez
cet argent et cela vous rend crancier envers TItIus "ex mutuo". Mais si TI-
tIus ne vous rembourse pas, l'affaire tourn votre prjudice et vous pou-
vez vous plaindre auprs de moi de tout le dommage que vous a caus l'excu-
tion du mandat que je vous al donn : vous avez contre mol l'action mandati
contraria.

(1) BORTOLUCCI ; B.I.D.R. 27, 1914, pp. 129 sq,; CONSTANTAKY : th. Paris
193i; ARANGIO-RUIZ : "Il mandato" 1949, pp. 118 sq.
. 41%

Pratiquement, celui qui donne mandat de prter joue le rle d'un


garant : le "mandator" est une sorte de caution.

La validit de ce genre de mandat fut longtemps discute : deman-


der quelqu'un de faire un placement avec ses propres fonds, ce n'est pas
donner mandat, c'est donner un conseil ! Servius Sulpiclus (fin Rpublique)
pensait qu'il n'y avait l qu'un simple conseil que l'on n'tait pas forc
de suivre : quant au donneur de conseils, Il est Irresponsable de la quali-
t de ses conseils. C'est Sablnus (sous Tibre) qui fit admettre la validi-
t de ce mandat, parce que, dt-il, "c'est l'Intervention du mandator qui a
dtermin le prt" : on a prt parce qu'on comptait sur la garantie du man-
dator. Il n'en demeure pas moins que ce mandat, dans lequel le mandataire
conserve tout le profit de l'opration (si elle tourne bien), est, comme le
dt encore Celsus, "extra formant mandati", en dehors des cadres normaux du
mandat (D. 17.1.48).

. Caractres :
S3SSSSBSBS

1) Sans forme : oonsensu : Possible entre absents, distance et access-


ble aux prgrfns.

2) Ne sert pas garantir uniquement des prts d'argent (oredendae peou-


niae), mais toutes sortes de dettes ayant un objet certain.

3) La caution s'engage avant la naissance de la dette principale. C'est


le mandator qui prend l'initiative de l'opration, Incite le capitalis-
te prter son argent.

4) L'engagement que prend le mandator ne dpend pas de la validit de la


dette principale. Le mandat reste en soi valable, alors mme qu'en ex-
cution des Instructions reues, le mandataire fait un prt dnu de va-
leur. L'engagement du mandator n'a pas un caractre accessoire.

. Effets

A/ Droits du crancier :

Le crancier a contre le mandator (c'sst--dlre la caution engage


par mandat de crdit) I'action mandati : action de bonne fol, transmts-
slble, perptuel le.

1) Le mandator est responsable du prjudice caus au mandataire par l'ex-


cution du mandat. Si ie crancier (mandataire) obtient remboursement
le mandator est quitte. Mais la litis aontestatio fate avec le dbl-
480 .

teur ne libre pas le mandator : car I'action mandati n'a rien de


commun avec l'action qui a t intente contre le dbiteur princi-
pal. Le crancier peut, ou s'adresser d'abord au dbiteur, et s'il
n'obtient pas satisfaction, se retourner contre le mandator. Mais
est-iI oblig de procder ainsi ?

2) Bien que la question soit discute, nous ne le croyons pas : l'po-


que classique, l'engagement du mandator n'avait pas un caractre net-
tement subsidiaire : le crancier n'avait pas besoin d'essayer l'in-
solvabilit du dbiteur pour poursuivre le mandator; Il suffisait que
le dbiteur n'excute pas au jour convenu pour que le crancier pt
prtendre qu' I I subissait un dommage dont le mandator tait responsa-
ble.

3) S'il y a plusieurs mandatores pour la mme dette, l'extension, en


leur faveur, du Bnfice de Division fut admise, avant l'poque de
Justinien - mais elle ne l'tait pas encore au temps de Modestln (111
s.) (D. 46.1-41.1)

B/ Recours du mandator :

Le Bnfice de Cession d'actions s'applique Ici trs facilement :


le mandant peut exiger de son mandataire la cession des actions, au mo-
yen de l'action mcndati et le crancier (trait comme mandataire) est
responsable envers la caution (mandant) des actions qu'II a laiss s'-
teindre -par sa faute : Il a mal excut le mandat.

2 - CONSTITUT DEBIT! ALIENI

Pacte prtorien dj tudi : son utilisation comme procd de cau-


tionnement l'poque classique reste discutable (1). S'il existait, ce mode
de cautionnement, d'aprs les principes qui gouvernent le constitut, devait
prsenter les particularits suivantes :

- Il suppose une dette d'argent - ou de corps certain - antrieure


- valable (une obligation naturelle, l'poque classique, r suffit pas).

Mais une fois l'engagement pris par pacte de constitut, peut Impor-
te ce que devient la-dette principale : la litis aontestatic avec le iJfelteur
ne libre pas la caution. Celle-ci n'est libre que par le

(1) L'existence du constitut dbiti alieni est atteste par les SemtcEces de
PAUL : S.P. 2.2.1, mais le texte parat envisager ur tnii"iLiiiH par subro-
gation plus qu'un cautionnement.
481

A l'poque classique, l'obligation du constituant s'teint par son


dcs et l'action de.constItut ta11 annale.

Le crancier avait une facult d'option ieleotio)'; Il pouvait


son choix s'adresser soit au dbiteur, soit au constituant. Enfin les cau-
tions engages par constitut ne pouvaient pas Invoquer le Bnfice de Divi-
sion qui n'avait pas t cr pour elles.

3 - RECEPTUM DES BANQUI ERS

Pacte prtorien dj tudi.

Cette forme de cautionnement est assez particulire, la caution


est Ici un banquier. Le banquier peut garantir toutes sortes de dettes, por-
tant sur toutes sortes de choses.

Son engagement a un caractre abstrait : il vaut par lui-mme sans


tre influehcpar la validit de la dette qu'il s'agit d garantir.

CHAPITRE \\\ : LE CAUTIONNEMENT


sssssassasBS
DANS LE DROIT DE JUSTINIEN

La lgislation de Justinien, abondante et minutieuse en cette ma-


tire, manifeste deux tendances essentielles.

1 - UNIFICATION DU DROIT

La matire du cautionnement tait I'poque classique touffue et


conue sans plan d'ensemble.

Justinien procda d'abord une simplification en ne conservant que


trois procds : un solennel, la fidjussion et deux non-solennels, le mandat
de crdit et le constitut : le reeeptum a t aboli, mais certaines rgles du
rception sont passes dans le constitut : posslbllit.de garantir toute sorte
de dettes : Ifobllgaflon.de la caution est perptuel le, et transmissIble.

Une certaine unification des rgles concernant le cautionnement a


t raiIse :
482 .

a) Au point de vue des conditions de validit : l'engagement de la


caution a toujours un caractre accessoire : Il faut une dette prin-
cipale valable (au moins naturelle) - et la caution ne peut s'enga-
ger plus que le dbiteur principal Un duHorem axuacm)

b) Au point de vue des effets : que l'on emploie un mode de cautionne-


ment ou un autre, l'engagement de la caution est tjoujours transmls-
slble et perptuel (sous rserve de la prescription trentenalre,
bien entendu).

La constitution de 531 ayant aboli l'effet exthctlf de la Xitis


oontestatio, les cautions ne sont plus libres "eleotione", mas
seulement par le parfait paiement,

2 - ADOUCISSEMENT DU SORT DES CAUTIONS

A/ Les cautions bnficient d'un dlai de grce de quatre mois.

B/ Bnfice d'ordre ou de discussion :


ISCSSSSSSBBaBSCBSSSSSSSSBatiBSSS

La novelle 4, de 535, a organis une procdure d'ordre : le cran-


cier doit poursuivre d'abord le dbiteur principal, s'il est prsent. S'il
n'obtient pas entire satisfaction, Il peut rclamer ce qui reste d - le
reliquim-aux cautions; et I I ne doit agir contre les tiers dtenteurs,
pour excution des srets relles, qu'aprs avoir puis tous ses droits
contre les cautions.

C'est Ja novelle 4 qui a donn l'obligation des cautions un ca-


ractre nettement subsidiaire : les cautions ne peuvent plus tre poursui-
vies que dans le cas o le dbiteur ne parvient pas dsintresser lui-
mme le crancier : l'abolition de l'effet extlnctlf de la ltis oontes-
tatio, rforme ralise en 531, permit d'atteindre en 535 ce rsultat.

La novelle 4 refuse le bnfice de discussion" aux banquiers qui


cautionnent des dettes par constitut : par contre la novelle 136 autori-
se les;banquiers obtenir des cautions qui garantissent leurs crances,
qu'elles renoncent l'avance la novelle 4.

C/ Bnfice de division :
s s a B S S s s a a a ^ s a s a s s a a s

Justlnlen l'accorde Indistinctement toutes les cautions, mme


celles qui s'engagent par constitut (constitution de 531). La novelle 99
(539) tendit mme ce bnfice aux cautions solidaires appeles aXXnXeyY<3ot
ou muii fidejussores.
. 483 .

TITRE SECOND

= LES=jyRETES_sREELLES=

Le droit romain a connu trois sortes de srets relles :

La fiduata oum oreditore,. qui est la plus ancienne; le pignus ou


gage; enfin l'hypothque, que certains auteurs modernes prtendent trs tar-
dive, mais que nous croyons au contraire classique.

1 - LA FIDUCIE

Nous avons dj tudi la fiducie propos ds contrats re : la


fiducia oum oreditore est une sret relle.

Procd Incommode: ncessite le transfert de la chose, en propri-


t, par un mode formaliste. Le dbiteur qui donne une chose en fiducie pui-
se d'un seul coup tout le crdit: qu'il peut tirer de sa chose.

Ce procd se conserva malgr tout longtemps : Il tait employ


frquemment au l s. de notre re, comme le prouvent les Tablettes d'Hercu-
lanum et de Pomp; au lll s., Paul en tudiait encore le fonctionnement
de faon dtaille (S.P. 2.13). La fiducie prsentait en effet de srieux
avantages : en obtenant la proprit de la chose offerte en garantie, le
crancier jouissait de la situation juridique la plus favorable. Le pacte
joint la fiducie lui accordait le droit de vendre la chose et de se payer
sur le prix obtenu. Il devait remettre sans dlai le reliquat {superfluvm)
au dbiteur : celui-ci avait l'action fiduoiae pour l'exiger (S.P. h.t. 1 et
2).

D'autre part, la fiducie pouvait fort bien laisser au dbiteur


l'usage et la jouissance de la chose (comme le prouve l'acte de fiducie de
PompT) : le dbiteur, bien que dpouill de la proprit, pouvait vendre la
chose, payer avec le prix ce qui tait d au crancier, exiger de celui-ci
la "remanoipatio" pour pouvoir rendre ensuite l'acheteur propritaire (S.P.
h.t. 3).

La fiducie a compltement disparu, dans la lgislation de Justl-


nlen, cause des tiens qui la rattachaient la manclpatlon.

2 - PIGNUS

Le pignus peut tre envisag sous deux aspects : c'est,d'une part,


une constitution de gage, une garantie offerte au crancier; mais, d'autre
part, celui qui reoit la chose en gage, contracte l'obligation de la restl-
48.4 .

tuer, quand II aura reu paiement : le pignus est a cet gard un contrat
que nous avons signal parmi les contrats re.

Le pignus ne ncessite aucune formailt : la chose est remise au


crancier gagiste par une simple tradition, qui ne le rend pas propritai-
re, mais possesseur.

M a l droit de conserver la chose jusqu' parfait paiement : si


le dbiteur, rest propritaire, Intente contre lui la revendication, Il le
repousse par une exoeptio doli. SI le dbiteur reprend frauduleusement la
chose, Il commet un furtum possessionis. Contre les tiers, le crancier
peut se dfendre au moyen des Interdits possessolres.

Mas, sauf convention particulire, le crancier gagiste ne doit


pas se servir de la chose, ni en conserver les fruits : et s'il s'avisait
de la vendre, il commettrait un furtum. Le droit de vendre, le jus distva-
hendi, n'existe au profit du crancier gagiste que si une clause expresse du
contrat de gag lui reconnat cette facult (.paotum de vendendo). C'est seu-
lement vers la "fin du 11 s. que, sous l'Influence de ^hypothque, le droit
de vendre devint un effet naturel du gage.

Le gage n'tait pas dans l'esprit des- romains, un procd destin


procurer au crancier une satisfaction Indirecte, mais simplement un moyen
de pression sur le dbiteur : celui-ci, priv de sa chose tant qu'il ne pa-
yait pas, tait Incit payer pour la retrouver (1).

Comme-la fiducie, le gage puise en: une seule fols tout Je crdit
que le dlteur peut tirer de la chose. D'autre part, le dbiteur ne peut
plus se servir de la chose. Peu avantageux et gnant pour le dbiteur, In-
commode pour le. crancier qui n'y trouve mme pas un moyen de satisfaction,
le pignus tait une forme de garantie trs dfectueuse.

3.- HYPOTHEQUE

Cette garantie relle est beaucoup plus savante que les deux pr-
cdentes.

' : - Avec l'hypothque, le dbtteur offre une sret son crancier,


sans se dpouiller ni de la proprit, ni mme de la possession.

- Le crancier obtient sur la chose un droit rel tout particulier


un droit rel sur la proprit d'autrui (.jus in re alina), spcialement am-
nag en vue d'affecter la chose en garantie d'une dette.

- Ce droit rel se manifeste si l'chance le dbiteur ne pale


pas : le crancier exerce en ce cas son droit rel sur la chose et mme, s'il
le faut, contre des tiers dtenteurs. II se fait mettre en possession de la

(1) Nous avons constat que le cautionnement avait t, lui aussi, d'abord
compris de' cette faon (p. 466).
. 485 .

chose, la vend, se pale sur le prix de vente, et s'il reste un reliquat, le


rend au dbiteur.

Ce procd est avantageux :

1/ Pour le crancier :

Le crancier est nanti d'un droit rel opposable aux tiers qui ont
acquis la chose postrieurement la constitution de l'hypothque. Et il
se paie sur la chose, sans craindre le concours des autres cranciers.
L'hypothque est la fois une garantie et un procd de satisfaction in-
directe.

2/ Pour le dbiteur :

Le dbiteur donne une garantie sans se dmunir de la chose : il


continue en jouir, en recueillir les fruits.

De plus, il n'puise pas son crdit d'un seul coup : car il peut
hypothquer la chose plusieurs fois, en offrant au crancier hypothcai-
re n second un droit sur le reliquat de la vente que fera ventuellement
le premier crancier. Si l'on procde a la vente de la chose hypothque,
le produit de cette vente profite aux cranciers hypothcaires successifs,
selon la rgle "pvior tempore pviov jure".

Nous n'entrerons pas dans le dtail du fonctionnement de cette ga-


rantie (1) : nous nous bornerons retracer brivement son histoire.

Caractre classique
C2S3a&33aS3SC&E=

L'hypothque n'a pas t dote du premier coup ni des perfectionne-


ments que reprsentent le droit de suite, le droit de vendre, le droit de
prfrence - ni mme de son nom.

Ce nom d'origine grecque a Incit certains auteurs (2) prtendre


qu'il s'agissait d'une Institution tardive, introduite l'imitation du
droit grec. En ralit,: il n'y a gure de ressemblance entre I 'uTro0n>n du
droit grec et l'hypothque romaine : l'hypothque romaine est une garantie,
l'Institution grecque qui porte ce:nom est plutt une sorte de dation en
paiement :.dans le systme grec, le crancier non pay devient propritai-
re de la chose et garde pour lui la'totalit du prix, s'il la vend. Par
contre, si la chose prit, le dbiteurest libr, tandis qu'en droit ro-
main, si la chose hypothque prit, le crancier perd sa garantie, mais
conserve sa crance.

(1) Sur ce point, on peut consulter avec fruit l'ouvrage ancien d'un profes-
seur aixois : JOURDAN : "L'hypothque", 1876.
(2) FEHR : "Beitrge zur Lekre von rmischen Pfandrecht", Uppsala 1910.
. 486 .

Il est au surplus bien audacieux de suspecter d'Interpolation tous


les textes qui parlent de l'hypothque : Il faut en effet supposer que les
compilateurs ont t jusqu' Interpoler le titre de l'ouvrage crit par
GaTus : "De formula hypothecaria" ! (D. 20.1.4; 15-20.3.2-20.4.11) et par
Marclen : "Ad formulant hypothecariam" (25 fragments au Digeste, cf. Palln-
gnsie 17 41 et frg. SInaT 5 qui, lui, n'a pas pu tre Interpol par
les Compilateurs ! ) .

L'hypothque romane a d'abord fonctionn comme un pignus perfec-


tionn, et sous le nom ;d@ pignus; puis ce genre de gage prsentant des ca-
ractristiques trs spciales, on 'sentt le besoin de lui donner un nom;
au 1:1 s. on commena employer le mot grec "hypothque". C'eest peu
prs tout ce que l'hypothque romaine doit aux grecs : son nom.

Origine :

L'hypothque, romaine n'est pas autre chose qu'un pignus sans tra-
dition - sans dplacement Immdiat de la possession (1).

. L'Ide de donner" au crancier une garantie sans le mettre en pos-


session apparat ds une poque ancienne dans des cas particuliers, o le
dbiteur ne pouvait pas se dessaisir de la chose : cas du locataire qui of-
fre en garantie des loyers les meubles qui garnissent l'appartement : le
bailleur peut s'opposer leur dmnagement, surveiller les portes et fe-
ntres (perolusio) tant qu'il n'est pas pay.

C'est dans le cas du fermier qu'apparat la premire bauche de


l'hypothque : en garantie des fermages, le aolbnus offre au propritaire
le matriel agricole qu'il apporte sur le fonds, ses "inveata illataque" :
lI en a besoin. Il ne peut pas s'en dmunir. Et l'on ne pouvait pas son-
ger faire une "perolusio" pour empcher ces sortes d'objets de sortir de
la ferme. S'Intressant ce cas particulier, un prteur, ds l'poque r-
publicaine, organisa, au profit du propritaire du fonds, un Interdit pour
se faire mettre en possession effective des "inveata illataque" quand le
aolonus cessait de payer son fermage : cet interdit "adipisoendae posses-
sionis" porte le nom de son Inventeur : c'est I'Interdit Salvlen.

Puis un autre prteur fit mieux encore : Il donna au propritaire


du fonds une action rel le pour "revendiquer" les inveata illataque con-
tre quiconque les aurait en main : c'est l'action Servlenne.

Avec cette action prtorienne^apparat en droit romain un droit r-


el nouveau qui n'est ni la proprit, ni une servitude : droit rel prto-
rien, qulpermet son titulaire d'exercer un droit de suite sur les cho-
ses qui garantissent lesfermags.

(1) Nous adoptons, pour l'origine de 1'hypothque, les conclusions de HERZEN,


"Origine de l'hypothque romaine", 1899.
. 487 .

Cette Innovation, ralise dans un cadre modeste et trs spcial,


prsente au point de vue historique une Importance extraordinaire : l'hy-
pothque -est sortie de l.

La jurisprudence en effet ne tarda pas donner une action "sur


le modle de l'action Servlenne", une action quasi .Serviana (1), dans
toutes sortes de cas o un dbiteur offrait une chose en garantie, sans
en faire tradition au crancier. Cette action quasi Serviana prendra bien-
tt le nom d'action "pigneratiaia in rem" et finalement celui d'"action
hypothecaria"'.

L'existence du pignus sans tradition semble atteste ds le 1 s.


de notre re : on n'employait pas alors le mot "hypothque", mais on di-
sait "rem obligare", "obliger une chose", expression que l'on rencontre
dans la loi Julia de fundo dotali (sous Auguste). Casslus (1 s.) parle
d'un "pignus" tabli, sans possession, sur une fort (PAUL citant CASSIUS :
D. 13.7-18.3).

Le jus distrhendi :

Le premier progrs avait donc consist admettre la possibilit


d'un pignus, sans qu'on fasse tradition de la chose entre les mains du cr-
ancier. Le second progrs, dcisif celui-l, consista reconnatre au cr-
ancier le droit de vendre, le jus distrhendi. Il n'avait d'abord dcoul,
comme dans le vritable pignus, que de clauses expresses. Ces clauses de-
vinrent de style. Vers la fin du 11 s., le droit de vendre n'avait plus
besoin d'tre mentionn formellement dans le contrat de gage : Il allait
de. sol.

Ds lors on va pouvoir hypothquer la chose successivement au pro-


fit de plusieurs cranciers : le droit de prfrence s'organise - de mme
aussi la possibilit de donner en garantie, non seulement des meubles et des
immeubles, mais aussi des crances {pignus nominis) ou mme un autre gage
(.pignus pignoris) : tout ce qui peut tre vendu peut tre hypothqu (2).

C'est vers cette poque (fin 11 s.) que l'on commence se servir
du mot hypothque pour dsigner ce pignus d'un genre trs spcial.

(1) L'expression "aotio quasi Serviana", employe par Justinien (I.J. 4.6.7)
et dans deux textes du Digeste, est suspecte, mais l'extension donne a
l'action Serviana, sous un nom ou un autre, n'est pas douteuse.
(2) En droit franais, l'hypothque ne peut avoir pour objet que des immeu-
bles.
. 488 .

Succs de l'hypothque
SCSBRBBS3BB3Q

A un moment o les garanties personnelles devenaient difficiles


trouver, l'hypothque, avec les Immenses avantages qu'elle prsentait,
devait avoir bientt un grand succs.

Ce droit rel prtorien s'tablissait sans formaiIt : par simple


pacte.

Bientt le lgislateur en vint accorder de plein droit une hypo-


thque certains cranciers : certaines de ces hypothques sont spciales
(hypothque du lgataire sur les biens de la succession) - d'autres sont
gnrales (hypothque du fisc, du pupille, de la femme dotale).

- Le dfaut de I'hypothque romaine est son manque de publicit.


Dans les provinces orientales, Il existait au dbut de l'Empire une cer-
taine publicit des hypothques tablies sur des Immeubles, grce aux re-
gistres fonciers (BxgHo8nxn yeeawv) dont II est question dans l'dtt
du prfet d'Egypte en 89.

Mais ces registres tombrent en dsutude au 111 sicle.

- A dfaut de publicit, le droit romain prvoyait une mesure p-


nale : le fait :de vendre ou d'hypothquer une chose dj hypothque, sans
faire connatre cette situation, constitue le dlit ;ds stelIlonat : mais
les peines talent Insuffisantes.

Une constitution de Lon en 472 mit fin la fraude qui consistait


antidater l'acte de constitution d'hypothque : cette constitution donne
prfrence aux hypothques dont la date est rendue certaine par le procd
de I'insinuation.

o
o o
o o o
o o
o
. 489 .

TABLE DES MATIERES

page

INTRODUCTION : LA NOTION D'OBLIGATION


ET SES ORIGINES

1 : DEFINITION DE L'OBLIGATION 1

2 : ORIGINE
DE LA NOTION D'OBLIGATION 6

A/ Thorie de Sohld et Haftung .' 6


B/ Le nexum 9
C/ Actes pourvus d'une sanction religieuse 18
D/ Apparition de l'obligation . 19

3 : EVOLUTION DES OBLIGATIONS . ... 21


A/ Mode de formation 21
B/ Effets 24

1re PARTIE : LES SOURCES DES OBLIGATIONS


"ssssBsceaaBaasBSsacsssaBassssacsBaasesa

CLASSIFICATION DES OBLIGATIONS


D'APRES LEURS SOURCES

1 : CLASSI FICATI ON Bl PART [TE .. 28

2 : CLASSIFICATION TRI PARTITE 32

3 : CLASSIFICATION QUADRIPARTITE 33

TITRE I : LES DIFFERENTES SORTES DE CONTRATS


...M a s c a a t a s f i B a s s s B a s s s a s s sa a si ss s* as es' ce et s: as- a je

CLASSIFICATION DES CONTRATS 35

CHAPITRE I : LES CONTRATS SOLENNELS 38


aaaas&aacaaseaccBasass
. 49Q .

page

SECTION I CONTRATS VERBIS 40

1 DIFFERENTS TYPES DE STIPULATIONS 40

2 FORMALISME DE LA STIPULATION ... 45

3 ROLE PRATIQUE DE LA STIPULATION 53

4 AUTRES CONTRATS VERBIS 54

SECTION I I CONTRATS LITTERIS

r FORME DE VEXPENSILATIO 57

2 DOMAINE D'APPLICATION . 62

3 DESTINEES 64

CHAPITRE I : LES CONTRATS RE 66

SECTION I LE MUTUUM 67

1 : ORIGINE . . , , . . . . 67

2 : ELEMENTS ESSENTIELS 68

3 : EFFETS 77

4 : REGLEMENTATION DU PRET A INTERET 78

5 : NAUTICUM FOENUS 82

SECTION I I . LES CONTRATS RE DE BONNE FOI 84

. . . . 1. LA.FIDUCIE .i 84

.. 2 DEPOT, COMMODAT, GAGE 92

CHAFITRE I I I : LES CONTRATS CONSENSU 96


a s s a s c n s s.xs m.n se s s a ='.;=, s s

SECTION I LA VENTE 99

1 ORIGINE DE LA VENTE CONSENSUELLE 99

2 ELEMENTS ESSENTIELS ............ 104


. 491 .

page

3 : EFFETS 118
1/ Obiigattons du vendeur 119
A) Responsabilit contractuelle 119
...... B) Dlivrance 121
C) Eviction 125
D) Vices cachs 132
2/ Obligations de l'acheteur 139
Les risques 142
. Garanties du vendeur 147
4 : VENTES SOUS CONDITION RESOLUTOIRE 151

SECTION II ; LE LOUAGE 155


1 : UNITE OU TRICHOTOMIE ? 155
2 : HISTOIRE DU LOUAGE 159
3 : ELEMENTS CONSTITUTIFS 161
4 : EFFETS' 163
5 : RESPONSABILITE CONTRACTUELLE 167

SECTION lil : LA SOCIETE 169


. 1 : ORIGINE. 169
2 : ELEMENTS CONSTITUTIFS 172
3 : EFFETS 174
4 : EXTINCTION 175

SECTION IV : LE MANDAT 175


1 : ORIGINE .-..".. 176
2 : ELEMENTS ESSENTIELS 177
492 .

page

. 3 :. EFFETS. ... 182

. 4 : EXTINCTION. 183

CHAPITRE IV : LES PACTES 184


s s s a = a0!8:

SECTION I : PACTES ADJOINTS 186

SECTION PACTES.PRETORIENS 190

1 PACTE DE SERMENT ' 190

2 CONSTITUT 192

3 RECEPTUM . . . 195
. Arbitrii 195
. Nautarum . 196
. Argentarii- 197

SECTION PACTES LEGITIMES 199

1 COMPROMI S 199

2 DONATION 199

3 DOT 203

CHAPITRE V : LES CONTRATS JN.NOMES 203


i s =s'si-=:s crss'ss's =s r's w s

1 : ORIGINE ET HISTOIRE 205

2 : DROIT-DE-JUSTINIEN- ...-........ 209

3 : ETUDE DE QUELQUES CONTRATS INNOMES 211

TITRE I I : THEORIE GENERALE DES CONTRATS


et:aesasn3s;3BoasaasaB = assaaaE3S

CHAPITRE LA CONVENTION 214


fisaacaacssxsa

DIVISION I : LE CONSENTEMENT 215


493

page

. PolIIcltatlon 215
... Les vices du consentement 220

1 ERREUR 220

2 DOL ET VIOLENCE 223

3 LA LESION 232

DIVISION I I L'OBJET DE L'OBLIGATION 234

1 CLASSIFICATION DES OBLIGATIONS


D'APRES LEUR OBJET 234

2 : CONDITIONS DE L'OBJET 238

DIVISION LES CAUSES DE L'OBLIGATION 240

CONTRATS FORMELS :/-.-. 240

2 CONTRATS NON FORMELS 245

CHAPITRE LA PREUVE DES CONTRATS 247


sasssssEnsQseaEiiiEttBCBas

1 PREUVE PAR TEMOINS 250

2 ECRITS' PROBATOIRES 252

3" ' FORCE PROBANTE


DES INSTRUMENTS .. 262

QUERELA NON NUMERATAE PECUNIAE 266

TITRE 111 : LES DELITS


sasaeai

LES OBLIGATIONS DELICTUELLES 270


ssssssassaaseBassssnssonsisass'-:

CHAPITRE INJURIA 277

CHAPITRE FURTUM 284

SECTION SYSTEME DES X I I TABLES 285


494

page

SECTION I T : DROIT CLASSIQUE


ET DROIT DE JUSTINIEN , 292

SECTION 111 : LA CONDICTIO' FURTIVA ' 300

CHAPITRE III : DELIT DE LA LOI AQUILIA

(DAMNUM) 303

SECTION I : LA LOI AQUILIA . 304

SECTION I I - : LA NOTION DE DAMNUM INJURIAE 310


SECTION I I I : L'ACTION DIRECTE 315

:
SECTION IV : LES EXTENSIONS "-
DE L'ACTION LEGIS AQUILIAE 318

CHAPITRE IV : LA RAPINA 322


aaaaaaBaa

CHAPITRE V : DELITS PRETORIENS .... 324


aaBaaaasaaaaaaaaa

CHAPITRE VI : LES ACTIONS NOXALES 324


a s s a a a a a a a a a a a a a s a ES

1 : FONDEMENT DE LA NOXALITE 325

' 2 : CONDITIONS ......... 327

3 : EFFETS 329

4 : DROIT DE JUSTINIEN 331

TITRE IV : VARIAS- CAUSARUM FIGURAE 331


i sisBaaaaaasBBsaBaaaaas-aa

CHAPITR' I' : B'LIGATINS QUASI-CONTRACTUELLES 331


BaaBSBBBaaaaaaBsaaaaaaaasBSaBaaa

SECTION I : L'ENRICHISSEMENT INJUSTE 332

. THEORIE DES CONDICTIONES 332

. LA CONDICTIO INDEBITI 336


. 495 .

page

SECTION I : LA GESTION D'AFFAIRES 339

CHAPITRE II : OBLIGATIONS QUASI-DELICTUELLES 344

2me PARTIE : LES EFFETS DES OBLIGATIONS

TITRE I -L'INEXECUTION DES OBLIGATIONS


i seesssssssssseBss&aBSBesesBBa

CHAPITRE I : LES OBLIGATIONS NATURELLES ... 349


scsssssEiSBEsanssssssssasBs *

1 : ORIGINE ET HISTOIRE
DES OBLIGATIONS NATURELLES 350

2 : PRINCIPAUX CAS
DES OBLIGATIONS NATURELLES .. '............... 354

3 ' : EFFETS
DES OBLIGATIONS NATURELLES 356

CHAPITRE II : FRAUS CREDITORVM


357
ILSIiQ^EykiiNJ!
1 : ORIGINE ET HISTOIRE 359

2 : L'ACTION PAULIENNE 363

CHAPITRE I I I : RESPONSABILITE CONTRACTUELLE 370

1 : EPOQUE CLASSIQUE 371

2 : BAS-EMPIRE 378

TITRE I I : PERSONNES A L'EGARD DESQUELLES


LES OBLIGATIONS PRODU1SENT LEURS EFFETS 381

CHAPITRE I : gQME S S E S=ET^ STIU LAT^ONS=POUR=AUTRU^ 382

1 : PROMESSE POUR AUTRUI 383

2 : STIPULATION POUR AUTRUI 386


. 496

page

CHAPITRE I I LA CESSION DE CREANCES 393


asenssBscassssaa&as&Bs

V PAR STIPULATION NOVATOIRE 393


2 PAR PROCURAT lOfi
IN REM SUAM 394

3 PERFECTIONNEMENTS , 395

4 MESURES HOSTILES ., 397

5 TRANSFERT DE DETTES 398

CHAPITRE I I I : LA REPRESENTATION 398


sassBsaetssssetasa:

3me PARTIE : EXTINCTION DES OBLIGATIONS


aasBBSBacaassBBsexecsacaasaBsesscscsiiaBs

. HISTOIRE ET CLASSIFICATION 405

CHAPITRE I : LE PAIEMENT
(SOLUTIO) 408
ISCS3DOS

' T -OBJET DU PAIEMENT


ET DATIO IN SOLUTUM 408

2 : CONDITIONS TENANT AUX PERSONNES 411

3 : CONDITIONS DE TEMPS ET DE LIEU 411

'4 : PREUVE DU PAIEMENT .\.;.v... 412

CHAPITRE I I : LA REMISE DES DETTES 412

1 : SOLUTIO PER AES ET LIBRAM 413

2 : ACCEPTILATIO 415

3 : REM I SE DE DETTE
LITTERIS 417

4 : PROCEDES NON FORMALISTES 418


. 497 .

page

CHAPITRE I I I : LA NOVATION 420


ssssaeassas

1 : ORIGINE' ,.,.>.... 420

2 : CONDITIONS 422

3 : EFFETS . . . 427

4 : LA DELEGATION 428

CHAPITRE IV : LA COMPENSATION
3S32 S3S Wt
.......... 430

CHAPITRE V : MODES INVOLONTAIRES 437

QUATRIEME PARTj_E-: MODALITES


_ *=*===:====_,. ^ PLURALITE DE SUJETS

TITRE I : MODALITES 441

CHAPITRE- -| : TERME 443


KSHSJ cas

1 : SUSPENSIF 443

2 : -EXT INCTI F 444

CHAPITRE M : LA^CQNDlT^Orj 446

1 : SUSPENSIVE 448

2 : RESOLUTOIRE 451

TITRE i l : PLURALITE DE SUJETS 452

CHAPITRE 1 PLURAL i TE=DES=REANCJsERS 453

1 CORREALITE ACTIVE 453

2 ADSTIPULATIO 455
. 498

page

CHAPITRE PLURALITE DE DEBITEURS 456


Baasaasoscssottsssssss? .

. 1 CORREALITE PASSIVE .. 456

2 OBLIGATION IN SOLIDUM 460

CINQUIEME PARTIE : LES SURETES 463

TITRE 1 : SURETES PERSONNELLES 464


eaiseBssattssKssiKsevcstBsifc

CHAPITRE I LE CAUTIONNEMENT VERBIS 465


S S & S C E B & B B I S B S B S S S S S S S O

1 SPONSIO ET FIDEPROMISSIO 465

S 2 FIDEJUSSION- v . v . . . . . . . . . 471

CHAPITRE MODES NON SOLENNELS 478


B 3 3 H = n S E 3 0 S S B C S S S 3 8

1 MANDATUM CREDENDAE PECUNIAE 478

2 CONSTI TUT DEBITI ALIENI ... 480

3 RECEPTUM DES BANQUI ERS 481

CHAPITRE I I I : CAUTIONNEMENT
DANS LE DROIT DE JUSTINIEN
i s B O s a s s a s s E s a s B c s B a s B a s a :
481

TITRE I I : SURETES REELLES


H i B B 8 3 Q 3 I 8 S S 3 B 3 3 3

1 : FIDUCIE ... 483

2 : PIGNUS .... 483

3 : HYPOTHEQUE 484

o
o o
o
IL_ALPHABET|gyE

Abandon noxal 330


Absolutio 260
Aoceptilatio 306,415
Aoaessio 440
Acte notari 358
Aot-io : adjeotitiae qualitatis 400; de modo agri 133; depositi 92; doli
228, 373, 460; empti 100, 123, 124, 130, 134; exereitovia 400;
ex stipulatu 54, 131, 134; fiduoiae 89; fxatU 289, 290, 291, 297;
297; injuriarum 282, 283; inetitoria 400; quasi institoria 403;
legis Aquiliae 309; legis Aquiliae utilis, in faatum 318, 319;
metus 230, 460; neg. gestorum 339; de pauperie 326, 330; de pe-
aulio 351, 401; praesariptis vevbis 206, 209; quanti minoris 136,
198; quod jussu 400; vedhibitoria 136, 198; Semiana, quasi Ser-
viana 485, 486.
Actions : arbitraires 360, 368; de bonne fol 2\ 39, 61, 77, 89, 92, 97, 227, 376 431;
oertae, inoevtae 372, 373; dcrtales 318; de droit strict 273,
300, 304; in faotum 89, 92, 319, 376; Infamantes 88, 94, 174,
182, 283, 298, 299, 323, 343, 377; noxales 283, 289, 310, 317,
324; mixtes 275, 318, 323; paullenne 357; pnales 273, 317; rel-
perscutolres 273, 300, 304, 317; utiles 391, 395, 403, 410.
Addiotus 10, 17, 286, 290
Adpromissio 463, 464, 466, 470
Adstipulatio 306, 310, 391, 411, 416, 454
Aes alienum 14
Aestimatum 211
Affranchi 54
Animus 295
Appelave 466
,; Arbitrium 25, 160
Avgentavius 432
* Arrhes 114
Auatoritas 100, 126
Bnfice de cession d'actions 459, 475, 479; de comptence 174, 200; de
discussion 466, 481; de division 457, 479, 481
Bonus patev familias 111, 379, 380
Table alphabtique (2)

Bonorum emptor 361, 363, 432; >. distraotio 363, 364; b. venditio 26,
358 361
Casus 302, 314
Cause 240
Cautio 48; c. disoreta269
Cession de crances 393
Chlrographe 61, 250
Clause de dol 373, 384; stlpulatore 51
Colon 164
Commendatio 94
Commodat 95>-294, 299 /:--..=-
Compensation 430
Completio 260
Complicit 295
Compromis 199
Conoilium 294, 296
Concours d'Infractions 274
Condamnation in bonvxa et aequum 283; au quanti ea res erit 306; au quan-
ti interest 298, 309, 316; au quanti plurimi 306, 309, 316
CondioUo 39, 53, 55, 62, 77, 78, 106, 110, 123, 194, 205, 209, 242, 332;
G. furtiva 301, 333, 460; a. ex lege 199; o. inoerti 209, 334;
o. indebiti 373; o. ob rem dati 206, 209
Condition 445, rsolutoire 151, 449; suspensive 447
Confusion 437
Constltut 152, 387
Contrarius aotus 405
Contractus 22, 29, 67
Contrats 35; aonsensu 96; litteris 56; re 66; verbis 40; Innoms 203;
unilatraux 36, 39, 61; synallagmatlques 36, 97; Imparfaits 94,
182; intuitu personae 98, 172; du .jus gentium 22, 35, 44, 93, 98,
103, 170; solennels 38; de travalI 155, 157, 162
Convention 203, 214
Corrallt 452
Culpa 309, 313, 372, 315, 311
Curator bonorum 361, 364
Custodia 95, 120, 167, 298, 373
Table alphabtique (3)

Datio 205; in solution 409


Damnatua 11,12
Dctmnum 303, 308, 311 n . l , 312, 320
Dare3 facere, praestare 5, 234
Dlgation 76, 428
Dlits : prtoriens 324; privs 270; publics 271, 299
Denuntiatio 396
Dpt 94; irrgulier 94, 294
Diotio dotis 56
Dol 223, 299, 314, 373, 433
Donation 199, 241, 212
Droits en suspens 448
Ed i t : des Ediles 135 ; de fevis 346 ; de dejeotis, de suspensis 345
Echange (cf. permutatio)
Esclave 47, 87, 278, 283, 286, 289, 306, 307, 351, 354
Enrichissement injuste 31, 33, 67, 69, 70, 332
Erreur 220
Eviction 126, 134, 384
Exoeptio : doli 229, 433, 476; paoti 185, 188, 189, 191, 444
Expensilatio 56
Expromissio 425
Extinction des obligations 405
Femme 69, 112, 399, 423, 466
Fiction 477
Fidejussio 40, 43, 470; indemnitatis 473
Fidepromissio 40, 44, 464
Fides 16, 18, 24, 44, 464, 470
Fiducie 84, 482
Fils de famille 69, 392, 399
Foenus 80; nautiaum 82
Forma Ii sme 39
Fraus 25, 358; /. oreditorum 357; patroni 360
Furtum 284, 337; manifestum 285; possessionis 293; usus 94, 95, 294
Gage (cf. pignus)
Gestion d'affaire 339, 411
Table alphabtique (4)

Gratuit 95, 180


Homicide 277
Hypothse 484
Imperitia 375
Inallnabilit 107
In diem adietio 151
Injuria 277, 309, 314, 327; injuria judiois 345
In rem version 353, 401
Insinuation 113, 261, 487
Inetrumentum 113, 252; perfection 114, 260; cf. cautio
Interdit : fraudatoire 359; Salvien 486
Intrts (cf. foenus)
Judiois postulatio 19, 41, 310
Jusjurandum 18, 42, 54, 190
Jus distrhendi 96, 483, 484, 487
Jus poenitendi 115, 117, 165, 210
Jussus, jussum : 75, 400, 425, 429, 470
Lgitime dfense 313
Legs de dette 351
Lsion 232
Lex : oommissoria 116, 151; locationis 160; venditionis 103
Litis-oontestatio 325 329; 395, 454, 458, 460, 465, 466, 471, 472, 473,
476, 478, 481
Litiscrescence 309, 310, 337, 419
Litterarum obligatio 64, 65
Louage 155 : rei 156, 163; operarum 156, 165; operis faoiendi 156, 166
375
Loi : Appuleia 468; Aquilia 303; Cioereia 468; Cinda 200, 240; Corne-
tia de ared. peounia 469; de injuriis 283; de sioariis 3.18; des Dou-
ze Tables 278, 286, 303, 304, 326; Furia de sponsu 468; Julia de vi
292; Maroia 82; Poetelia Papiria 16; Publilia 467
Manoipium 3, 84, 100 n.l ;
Mancipation 85, 124
Mandat 175, 472, 475; de crdit 178, 477; post mortem 184.
Manus injeatio 3, 13, 15, 19, 287, 309, 357
Table alphabtique (5)

Membrum ruptum 279


Metue 223", 230
Modus 212, 440
Mora 302
Mutuian 3 1 , 67, 73
Nexwn 10, 413, 415
Nomina droarias tvanecriptia 57, 58
Nevtlcn 420
Noxa, noia : 287, 288, 303, 326, 327, 328
Obligare 8, 9 Rem oblig. 9, 487
Obligations : conjointes 451, de dare, faoeve : 387; ex deliato 9, 23; 273
honoraires 23; in soldm 452, 459; juris gentium 350; na-
turelles 4, 70, 349; quasi-contractuel les 331; quasl-dlic-
tuelles 344; solidaires 455.
Operae 157, 165
Oportere 19
Opus 156, 166
Otage 7, 1356
Pacte 37, 185, 186, 275; de serment 190; fiduoiae 85; de non petendo 416
Partiarius 161
Patientiez 329 n.l
Pecudes 306, 307
Peneiones 408
Permutatio 211
Perquisition 289
PignoH oapio. 100, 59
Pigrcus 95, 141, 163, 482
Poena 272, 304
l'jUiitatio 215
Potentes 397
Pvaejudioivm 469
Pvaeeaviptio pov aatore 475
Prca i re 212
Prjudice moral 322 '
Prescription extinctive 437
Table alphabtique (6)

Preuve 49, 61, 73, 113, 247


Prix 110
Proauratio 176, 181, 340; in rem suam 394, 476
Promesse : unilatrale 198, 202 (cf. pollicitatio); pour autrui 383, 386;
pour les hritiers 385
Pupille 34 n.l, 69, 112, 353, 392, 423, 466
Querela : n.n. dotis 270; n.n. peounae 266; n.n. solutionis 270
Rccpina 322
Rectification 183, 342
Rai i sm 66
Rception : arbitrai 195; argentarii 197; nautarum . . . 196
Rcuprateurs 282, 323
Remise de dettes 412
Rente viagre 444
Reprsentation 177, 399
Responsabilit contractuelle 94, 95, 120, 167, 175, 182, 343, 370
Restitutio in integrum 230, 231, 356, 359, 361
Rtention 141, 150
Risques 142, 164, 211
Sacralit 18, 19, 42
Sacramentwn 19, 289, 310
Soientia 316, 329, 366
Sohuld-Baftung 6
Snatus-consulte : Macdonien 69, 392; Nronien 255; Trobetlien 395, 472\

Serment (cf. jusjiandwn)


Signum 254
Socit 169
Solidarit 451
Solutio 408,-413
Soluti retentio 352
Sponsio 20, 41, 464
Stipulation 40, 48, 102; aquitienne 417; doli 373, 384; novatore 393;
poenae 383, 388, 389;(cf. viction, vices)
Table alphabtique (7)

Subsoriptiones 258
Tbulae 253
Tmoins 250
Terme 442, 443
Testatio 256
Tradition 71 74, 100, 122, 148
Transaction 213
Transfert de dette 398
Usureceptio 87
VadCmonium 9
Vend-tio spei 105
.Vente 99 155
Vices 136
Vindex 384
Violence (cf. metus)

ooooo
o
ERRATA ET ADDENDA

P- 6, ligne 8 lire : A/ Thorie de Schuld und Haftung.


p- 84, 1 lire : action fiduaiae.
p. 85, ligne 9 lire : (tous du 1er sicle).
note 2 "uti lingvxx ..."
90 Ajouter cette note : Au 1er sicle de notre re son uti-
lisation est frquente : cf. Fiducie de PompT et Table
de Btlque (T. GIRARD, pp. 819, 822); Fiducie d'Hercula-
num (T.H. n 65 et allusions dans T.H. n 66, 72, 73, 74).
p. 299, note 2 Il ne faut pas croire qu'avec l'action noxale l'esclave
s'en tire bon compte. L'esclave suspect de vol ris-
quait le pire. Son matre pouvait le livrer la victi-
me en vue de lui faire subir la quaestio (torture). La
victime pouvait trouver plus simple de le dfrer au pr-
fet des Vigiles qui Infligeait facilement la peine de
mort (cf. P0MP0NIUS D. 12.4.15, texte tudi par H.S.
WOLF dans Fest. von Libtow, 1970, pp. 537-sq. : dans le
cas envisag la victime n'a pas respect les droits du
matre et les jurisconsultes s'occupent du recours qu'il
peut exercer, l'esclave ayant t excut par dcision du
prfet. C'est videmment une hypothse o le matre n'a
pas abandonn l'esclave noxaliter, car s'il l'abandonne
Il n'a plus aucun droit sur lui.
p. 329, note 1 : lire : Instigation par les uns

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