Palmier
Palmier
Palmier
A. A.
Il nexiste sans doute pas de tradition qui ne fasse une place plus ou moins
importante au symbolisme de larbre. Quil sagisse de lArbre qui se trouvait,
selon la Gense, au milieu du Paradis, de lArbre de Vie dont la Kabbale
hbraque enseigne qumane une rose de lumire, de larbre Haoma de la
tradition avestique, de lArbre du Monde identifi dans lhindouisme Agni, de
larbre sous lequel se produisit lveil du Bouddha, cest dans tous les cas un
symbole vident de lAxe du Monde, du lien qui relie le Ciel et la Terre. Il est en
outre souvent dispensateur du breuvage dimmortalit, moins qu son ct ne
jaillisse une source miraculeuse dont leau sidentifie la Vie elle-mme1.
Le palmier est donc la sur dAdam , ainsi que le prcise explicitement Ibn
Arab au dbut du chapitre huitime de son uvre majeure, al-Futht al-
Makkiyya, chapitre intitul Sur la connaissance de la Terre qui fut cre avec
le surplus du levain de largile dAdam, avec la mention des trangets et des
merveilles quelle contient , et dans lequel le palmier est prsent, en
connexion avec le hadith cit plus haut, comme un symbole de cette Terre
cleste, encore appele Terre de Ssame, dont une extrmit dbouche sur le
Paradis, tandis que lautre est contigu au monde de notre terre :
3
Ibn Arab, LArbre du Monde (shajarat al-kawn). Introduction, traduction et notes par Maurice Gloton, Paris,
Les Deux Ocans, 1982.
4
Cit par M. Gloton in : LArbre du Monde, op. cit., p. 132.
subsista. De cet excdent, Allh cra le Palmier qui fut ainsi la sur
dAdam sur lui la Paix et comme une tante paternelle pour nous. La
Tradition religieuse dsigne par ce terme le palmier et lassimile au
Fidle. Il possde des secrets la diffrence des autres vgtaux.
Aprs la cration du palmier (de ce surplus), il subsista enfoui un reste de
cette argile de limportance dune graine de ssame. Cest de cet excdent
quAllh tendit une Terre immensment vaste. Si lon disposait dans
cette Terre le Trne et ce quil englobe, le Pidestal, les Cieux, les Terres,
les Ralits les plus infrieures, les Jardins paradisiaques sans exception
et les Feux infernaux, tout cela sy trouverait comme lanneau plac dans
le dsert ! Cette Terre contient des ralits tonnantes et tranges dont on
ne peut estimer limportance et les intelligences en restent subjugues. En
chaque souffle Allh cre en cette Terre des Mondes qui clbrent Sa
Gloire nuit et jour sans se relcher. (Coran, XXI, 20) 5
Nous faisons descendre du ciel une eau bnie grce laquelle Nous
faisons crotre des jardins et le grain que lon rcolte ; et les palmiers
lancs aux spathes lamifis, pour nourrir Nos serviteurs. Par cette eau,
nous rendons la vie une terre morte. Cest ainsi que se fera la
Rsurrection. (Cor. 50, 9-11)
Voici, pour eux, un signe : la terre morte que Nous faisons revivre et
dont Nous faisons sortir des grains quils mangent. Nous y avons plac
des jardins de palmiers et de vignes, et Nous y avons fait jaillir des
sources afin quils mangent les fruits donns par Dieu et ce que le travail
de leurs mains a produit. Ne seront-ils pas reconnaissants ? (Cor. 36,
33-35)
Limage de la terre revivifie par leau est un thme rcurrent dans le Coran.
Cela est assez naturel : dans les contres dsertiques, la terre dessche se met
revivre ds quelle reoit la pluie et les vgtaux, toujours prsents en germe,
rapparaissent presque aussitt. Cest pourquoi la pluie est dans le Coran
symbole de rsurrection. Il faut toutefois noter que la rvlation mentionne
toujours le mot eau (m, mot masculin) de prfrence celui de pluie, comme
pour nous faire pressentir quil y a l une signification plus profonde
dcouvrir.
7
Ce point est en relation directe avec le prcdent. En effet, lHomme Primordial, dont Adam est le prototype,
est par excellence le fils du Ciel et de la Terre et le lien entre les deux. Dautre part, le fait que le palmier ait
t cr partir de la mme argile quAdam renvoie aussi au mythe dAdam et ve, susceptible comme on le sait
dune interprtation alchimique. Notons enfin quen grec, le mme mot dsigne le palmier et le phnix.
En ralit, le symbolisme de la pluie dans le Coran se rattache celui de la
rose, que lon rencontre dans la kabbale hbraque et dans la tradition
hermtique8, et celui de la lumire, galement fort en honneur dans
lhermtisme. Pluie, rose, lumire, autant de manires de dsigner en fait la
descente des influences spirituelles9, et cela sans prjudice dun sens plus
immdiat touchant la pratique alchimique et relatif, par exemple, aux
imbibitions.
Citons encore un passage remarquable plus dun titre, et dans lequel est
mentionn un autre arbre qui doit retenir notre attention :
Dautre part, le pluriel tariq, traduit pour se conformer lusage par cieux ,
signifie littralement voies et provient dune racine dont le sens premier est
arriver la nuit (un sens driv est frapper , do aussi forger les
mtaux ). Les voies dont il est question sont donc celles suivies dans le ciel par
les plantes, lesquelles sont elles-mmes, comme on le sait, traditionnellement
en correspondance avec les mtaux.
8
On pourra se rappeler par exemple la rose de Gdon (Juges, 6, 36 sq.), les planches du Mutus Liber, etc.,
mais il y faudrait une tude spciale et ce nest pas prsentement notre propos.
9
Cf. Symboles de la Science sacre, op. cit., ch. LX : La Lumire et la Pluie.
10
Comparer avec ce passage du Rosaire des Philosophes : Leau que jai mentionne est une chose qui
descend du ciel ; et la terre avec son humidit la reoit et leau du ciel est retenue par leau de la terre
Senior Zadith, in : Le Rosaire des Philosophes, Paris, Librairie de Mdicis, 1973, p. 112. Rappelons que Senior
Zadith, fils dHamuel, est lalchimiste musulman Ibn Umayl.
11
Nous avons volontairement conserv ici la traduction habituelle par condiment , afin de bien montrer la
ncessit de se rfrer au texte arabe si lon veut en pntrer le sens cach, ainsi quon le verra un peu plus loin.
la racine duquel se rattache la Sakna, qui est un quivalent de la Shekinah
hbraque et dsigne la Prsence divine relle12.
Lorigine divine de cette teinture, que peuvent goter les lus14, est par ailleurs
clairement affirme dans un autre verset coranique :
12
Au sujet de ce passage, nous pourrions ajouter les considrations suivantes, condition de bien prciser ds
labord quil ne sagit pas alors dun sens possible du passage en question, mais seulement dune association
dides se prsentant spontanment lesprit et dans laquelle il est peut-tre permis de discerner une sorte
d allusion subtile lalchimie, bien quaucun commentaire traditionnel ny engage notre connaissance.
Dans le membre de phrase : alors que Nous pourrions la faire disparatre (leau), ou littralement : Nous
avons puissance sur son dpart , le mot dhahb, dpart, ne diffre que par un alif de prolongation du mot
dhahab, or ; de telle sorte quen labsence de cet alif, nous aurions un sens compltement diffrent : certes, il
est en Notre pouvoir den faire de lor .
13
Cf. Paul Kraus : Jbir ibn Hayyn. Contribution lhistoire des ides scientifiques dans lIslam. Jbir et la
science grecque. Rd. Paris, Les Belles Lettres, 1986, ch. premier et p. 173.
14
Cf. Louis Cattiaux, Le Message retrouv : Qui mangera le don de Dieu ? Et qui sera pntr par sa
splendeur ? (XXIII, 40) (ainsi que XIV, 15 et 16, XXI, 55, etc.), et Henri Kunrath : Je lai vu de mes yeux,
je lai touch de mes mains, je lai got de ma langue, je lai fleur de mes narines ; combien Dieu est
admirable dans ses uvres ! (Amphithtre de lternelle Sagesse, cit par E. Canseliet in Alchimie, op. cit.,
p. 24.)
Pharaon dit : Vous avez cru en lui avant que je vous le permette ; Mose
fut le premier vous enseigner la magie. Je vous ferai couper les mains
et les pieds alternativement, puis je vous ferai crucifier sur des troncs de
palmiers (la-uallibannakum f judhui-l-nakhl). Vous saurez alors qui de
nous est le plus fort en fait de chtiment, et qui durera le plus
longtemps. (Cor. 20, 71)
Les analogies sont remarquables, non seulement entre les deux sens de la croix
et les deux acceptions du verbe alaba, mais aussi, plus prcisment, dans le
passage qui nous occupe, entre les ligatures entre-croises et la manire dont
les magiciens sont crucifis : les magiciens reprsentent justement les parties
mercurielles, initialement sous la domination tyrannique dun soufre impur
(Pharaon) rendant ncessaire la purification par le feu, purification dont laction
15
Fulcanelli, Le Mystre des Cathdrales, Paris, J.-J. Pauvert, 1964, p. 59.
16
Fulcanelli, Les Demeures philosophales, Paris, J.-J. Pauvert, 1965, tome II, pp. 36-37.
coagulante se fait en ralit sous laction de lesprit dont le support de
manifestation est ici symbolis par Mose17.
Enfin, lemploi par Fulcanelli du mot secchina est pour le moins curieux, eu
gard son homophonie avec la Sakina laquelle nous avons dj fait allusion.
Elle plaa un voile entre elle et les siens. Nous lui avons envoy Notre
Esprit : il prit pour elle lapparence dun homme parfait.
Il dit : Cest ainsi. Ton Seigneur a dit : cela mest facile. Nous ferons de
lui un signe pour les hommes, et une misricorde venue de nous. Le dcret
est irrvocable.
17
Pharaon, considr par son peuple comme dieu vivant, reprsente, dune manire gnrale, le principe
sulfureux (en grec, to theion dsigne le soufre). Aussi, le symbolisme que nous voquons dans le texte nest-il
quun aspect parmi dautres qui devraient tre pris en considration concernant ce personnage. Sous un certain
rapport, cest le tyran despotique ; sous un autre rapport, il est lessence divine revtue dune forme vaine qui
accomplit laction de crucifier afin de raliser des degrs dtre (posthumes) qui ne sauraient tre raliss que
par cet acte (Ibn Arab, Fuu al-hikam, chapitre sur Mose, traduction de Titus Burckhardt in : La Sagesse
des Prophtes, Paris, Albin Michel, 1974, pp. 188-189). Enfin, il faut noter que Pharaon lui-mme devra mourir
plus tard, lors du passage de la Mer Rouge. Or - et Ibn Arab insiste sur ce point - il sera touch par la foi juste
avant sa mort (Cor. 10, 89) et sera donc finalement sauv.
Enfin, nous ne pouvons, sans sortir compltement de notre sujet, tudier ici les multiples aspects du symbolisme
hermtique dans la vie et les actes de Mose. Puisque loccasion sen prsente, signalons simplement que de
toutes les vies des prophtes, celle de Mose est (avec celle de Jsus) la plus riche en connotations alchimiques,
ce qui nest certainement pas sans rapport avec linitiation reue par Mose en terre dgypte.
Elle porta lenfant (fahamalathu), puis elle se retira avec lui dans un lieu
loign.
Secoue vers toi le tronc du palmier, il fera tomber sur toi des dattes
fraches et mres.
Ce rcit est remarquable plus dun titre. Notons tout dabord que lIslam, bien
que nayant naturellement pas sur la personne de Jsus-Christ le mme point de
vue que le christianisme, partage cependant avec celui-ci la foi en la fcondation
de Marie par lEsprit divin. Cest videmment aussi le mystre central de
lalchimie : la corporification de lesprit dans une matire pure et
convenablement prpare18. Le thme est trop bien connu pour quil soit
ncessaire dy insister ; nous nous contenterons de souligner le fait que le texte
coranique est particulirement explicite sur les conditions de cette naissance, en
nous indiquant que Marie se retira loin de sa famille en un lieu situ
lOrient et quelle plaa un voile entre elle et les siens . A cela sajoute le
fait que selon certains commentateurs, la grossesse de Marie dura non pas neuf
mois comme pour la plupart des femmes, ni mme huit ou six (selon ce
quaffirment galement certains), mais trois heures ou mme une seule
heure , ce qui est une indication on ne peut plus nette quil sagit alors dautre
chose que de la naissance historique de Jsus.
Enfin, selon Tabari, Dieu envoya Gabriel vers Marie alors quelle venait dtre
purifie de ses troisimes menstrues . La mention, dans ce contexte, dune
triple purification pralable la conception de lenfant, ne manquera pas de
retenir lattention19.
18
Parmi les ftes chrtiennes, Nol correspond la corporification de lesprit et aux Petits Mystres, Pques la
spiritualisation des corps et aux Grands Mystres.
19
Ab Ishq Ahmad ibn Muhammad ibn Ibrhm al-Nsbr al-Thalab (mort en 427 de lHgire), Qia al-
anbiy (Histoire des Prophtes), Le Caire, s.d., p. 431 et Tabari, De Salomon la chute des Sassanides (extrait
de la Chronique), Paris, Sindbad, 1984, p.93.
Il y aurait aussi beaucoup dire au sujet du verbe hamala, qui signifie porter, ici
porter lenfant, tre enceinte. Le mot hamal, en arabe, dsigne en effet le blier,
symbole alchimique bien connu de la matire des Sages. Certes, il sagit dun
symbole plus complexe quil ne pourrait y paratre au premier abord : outre quil
peut tre cleste ou terrestre, le blier (ou lagneau) est la fois celui qui porte
(la prcieuse Toison dor) ou celui qui est port (lagneau divin port par la
Vierge ou par saint Christophe, figure chrtienne de lHerms criophore). Il
suffira ici de mentionner le problme, et de remarquer que le verbe hamala,
appliqu Marie, renvoie des symboles hermtiques, pour autant que lon
veuille bien admettre lide - dont nous pensons avoir plusieurs reprises dj
montr la fcondit - que la tradition islamique et la tradition hermtique
peuvent sclairer mutuellement.
On dit encore que lorsquelle eut donn le jour Jsus, Dieu fit couler
pour elle une rivire dune eau douce et frache lorsquelle en buvait, et
tide lorsquelle en faisait usage. Cest quoi se rapporte la Parole du
Trs-Haut : Ton Seigneur a fait jaillir une source sous toi, cest--dire
la petite rivire (en question).
Daprs Ibn Abbs, Jsus (on dit aussi Gabriel) sur lui la Paix frappa
la terre du pied, leau en sortit et par cette eau le palmier fut revivifi
aprs avoir t dessch. Ses rameaux en furent la preuve : ils
shumidifirent, se garnirent de feuilles et de dattes fraches 20
Il faut relever linsistance avec laquelle la tradition met Gabriel, messager par
excellence du Verbe de Dieu (quil sagisse de Jsus ou du Coran), en relation
avec les ides de vie, danimation et de jaillissement de leau. On pourra se
souvenir cet gard que cest galement par lintermdiaire de Gabriel que Dieu
fit jaillir la source de Zemzem La Mekke pour Hajar et son fils Ismal21.
Un rcit analogue est cit par Fulcanelli, qui nous en prcise la signification
alchimique :
20
Thalab, op. cit., pp. 431-432.
21
Il est dit galement que Gabriel possde une jument qui a le pouvoir de donner la vie tout ce quelle touche ;
nous esprons revenir sur cette question dans une prochaine tude.
22
Il sagit vraisemblablement de Kis, galement auteur dune histoire des prophtes.
23
Les Demeures philosophales, op. cit., tome I, p. 191.
Au sujet de la revitalisation de larbre sec, on pourra se reporter un intressant passage de la Divine Comdie
quil serait trop long de citer et commenter ici : Purgatoire, 37-60.
Dautre part, selon le commentaire du Coran d al-Qshn, le palmier reverdit par leffet de la vie vritable
aprs sa scheresse due la privation de leau de lAmour et de la Vie qui y est contenue. Selon cet auteur,
le palmier symbolise lme et le lieu loign mentionn immdiatement avant le palmier est un lieu
occidental , par opposition au lieu oriental dont il a t question auparavant. Ce lieu occidental (qui est
celui de la naissance) est le monde de la nature et le territoire des corps (tandis que le lieu oriental est
celui de la conception). Voir Tafsr al-Qurn al-Karm (sous le nom dIbn Arab), Beyrouth, 1978, t. II, p. 14.
Ailleurs, au cours de la fuite de la Sainte Famille par la route du dsert
(per viam eremi), cest un palmier que le petit garon (infantulus) Jsus,
reposant, dun air satisfait, sur le sein de sa mre laeto vultu in sinu
matris suae residens commanda de sincliner, afin que Marie pt
cueillir les fruits quelle dsirait goter et dont tous se restaurrent
quibus omnes refecti sunt. Le Sauveur dit alors lobissant vgtal :
Nous retrouvons ainsi in fine le lien affirm par la tradition islamique entre le
palmier et le Paradis, ainsi quil a t expos plus haut. La datte, fruit du
palmier, est donc la nourriture par excellence qui sera susceptible de rappeler
lhomme son origine paradisiaque25. Cest galement ce qui ressort des deux
traditions suivantes que nous citerons en guise de conclusion :
Lorsque Dieu fit sortir Adam du paradis, il lui ordonna demporter avec
lui le palmier. Adam le planta La Mekke. Tous les palmiers qui en sont
la postrit directe appartiennent lespce ajwa (dattes de Mdine
particulirement exquises et substantielles). Tous les autres palmiers,
dans les orients et les occidents de la Terre, sont issus des noyaux de ses
dattes. 26
Adam a emport du paradis trois choses avec lui : la myrte, qui est le
seigneur des parfums de ce bas-monde ; lpi, qui est le seigneur des
nourritures des gens de ce bas-monde ; et la datte ajwa , qui est le
seigneur des fruits de ce bas-monde. 27 28
24
E. Canseliet, Alchimie, op. cit., p. 80.
25
On rapprochera de ce qui est dit ici le fait que durant le mois de Ramadan, il est recommand de rompre le
jene en mangeant une datte.
26
Propos de lImm Jafar al-diq, rsum par H. Corbin, op.cit., p. 172.
27
Thalab, op. cit., p. 40.
28
Nous voudrions complter cette tude par une citation qui na pas de rapport direct avec ce qui prcde mis
part bien entendu le symbole du palmier. Nous lavons pour cette raison laisse en note ; ce qui ne manquera pas
de faire dire certains que nos articles comportent plus de notes que de texte !
Le texte dont il sagit est tir dune uvre littraire, Le Mas Thotime, de Henri Bosco (Paris, Gallimard, 1952,
p. 20). On pourra tre surpris de trouver de telles allusions dans un roman, mais il est certain quil y a un
parfum traditionnel dans luvre de Henri Bosco, qui dailleurs connaissait bien les livres de Ren Gunon.
Le narrateur dcrit un motif brod sur un dessus-de-lit lui appartenant : il tait de tradition dans sa famille de
broder un couvre-lit loccasion de chaque mariage et de les exposer pour les baptmes ; tous comportaient une
broderie figurant deux colombes se caressant du bec (on pourra se rappeler les deux oiseaux de la Mundaka
Upanishad) :
Parmi ces couvre-lits il y en avait un cependant quon plaait toujours au cur de cette exposition
baptismale. Il tait trange ; car, au-dessus des deux colombes traditionnelles, il offrait un dessin quaucun
des autres ne comportait. Ce dessin reprsentait un arbre, un palmier ; et sur larbre on voyait une petite
croix inscrite au milieu dun cur ou dune rose, car on pouvait sy tromper. Les uns tenaient pour la rose,
les autres pour le cur. Mais tout le monde savait que cet emblme avait t brod, il y avait quelque deux
sicles, par Madeleine Drivat, qui avait fini en religion. Comme elle avait t, je crois, vers la fin de sa
vie, suprieure dun petit couvent de Visitandines, on lappelait la Mre. Et elle tait morte Nazareth.
Curieux motif que celui-l, qui associe le palmier avec lemblme de la Rose-Croix et qui joue, dans le roman,
un rle nigmatique mais dcisif. Au-dessus de la rose et de la croix, sur une image trouve dans une chapelle
consacre saint Jean, le narrateur peut lire ces mots :