Cours220 1b
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RÉSUMÉ :
Après les avoir définies, on établit les propriétés des observables liées au moment ci-
nétique. On prouve ensuite l’existence d’une quantification par nombres entiers ou semi-
entiers.
L’étude du moment cinétique orbital passe par les coordonnées sphériques et conduit à
une quantification par des entiers.
L’expérience de Stern et Gerlach a conduit à postuler l’existence d’un moment cinétique
intrinsèque à l’électron, quantifié par des semi-entiers.
Sur quelques exemples, on aborde la question de l’addition des moments cinétiques dans
le contexte d’une interaction entre moments cinétiques.
2
Table des matières
3
5.c Problématique de l’addition de moments cinétiques. . . . . . . . . 34
5.d Couplage entre deux spins. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
5.e Coupage entre moments cinétiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
4
1 Définitions et premières propriétés.
Ce chapitre ne peut être abordé sans une connaissance minimale du chapitre B-XVIII
consacré à la genèse, aux outils et à l’axiomatique de la mécanique quantique. Pour une
lecture plus aisée, rappelons-en quelques points essentiels à la compréhension de ce qui
suit.
Aux composantes x, y et z du vecteur position et px , py et pz du vecteur impulsion ou
quantité de mouvement, la mécanique quantique associe les opérateurs X, Y et Z, respec-
tivement la multiplication par x, y et z et PX , PY et PZ , correspondant à la multiplication
par la constante −i ~ et respectivement la dérivation par rapport à x, y et z. Le fait que
x, y et z soient réels entraînent que ces opérateurs sont hermitiques donc des observables,
c’est-à-dire confondus avec leur adjoints (on note par exemple X † = X).
A deux opérateurs A et B, on associe leur composé noté B · A, qui correspond à l’appli-
cation successive de A puis de B. Cette loi de composition est, a priori, non commutative
et l’on définit le commutateur de A et B, noté [A, B] par [A, B] = A · B − B · A (on a
bien sûr [A, B] = −[B, A]). Si deux opérateurs commutent, c’est-à dire que A · B = B · A
(donc [A, B] = 0), on montre qu’ils existe une base de vecteurs propres communs aux deux
opérateurs (avec des valeurs propres distinctes pour A et B).
On rappelle que l’adjoint d’un produit est tel que (A · B)† = B † · A† .
La multiplication étant commutative, les opérateurs X, Y et Z commutent deux à
deux, donc [X, Y ] = 0 et analogues (et bien sûr [X, X] = 0 et analogues).
Le théorème de Schwartz indique que l’ordre des dérivations partielles (les fonctions
d’ondes sont deux fois dérivables par construction) est interchangeable donc les opérateurs
PX , PY et PZ commutent deux à deux, donc [PX , PY ] = 0 et analogues (et bien sûr
[PX , PX ] = 0 et analogues).
Les variables x d’une part, y ou z d’autre part étant des variables indépendantes,
la dérivation par l’une et la multiplication par l’autre peuvent être permutées et l’on a
[X, PY ] = 0 et analogues.
Par contre, l’on a :
∂Ψ ∂
[X, PX ](Ψ ) = X · PX (Ψ ) − PX · X(Ψ ) = −i ~ x + i~ (x Ψ ) = · · ·
∂x ∂x
∂Ψ ∂
· · · = −i ~ x + i~ Ψ + x Ψ = i~Ψ
∂x ∂x
5
→
−
opérateurs scalaires, en particulier l’opérateur position R de composantes X, Y et Z et
→
−
l’opérateur impulsion P de composantes PX , PY et PZ .
1.b Définitions.
→−
En mécanique classique, le moment cinétique ` , calculé à l’origine du repère, est défini
→
− →
− → −
à partir du vecteur position →
−
r et du vecteur impulsion →
−
p par ` = r ∧ p de composantes
`x = y pz − z py et analogues. Tout naturellement, en mécanique quantique, l’opérateur
→
− →−
moment cinétique L est défini , formellement, à partir de l’opérateur position R et de
→
− →
− →
− →
−
l’opérateur impulsion P par L = R ∧ P de composantes LX = Y · PZ − Z · PY et
analogues.
Cet opérateur vectoriel et ses trois composantes sont hermitiques ; en effet en se servant
du fait que X et analogues, PX et analogues le sont (cf supra) puis en tenant compte que
Y commute avec PZ et Z avec PY (cf supra), on a :
et analogues.
En mécanique classique la norme du moment cinétique est définie par son carré, carré
→
− →
−
scalaire du vecteur ` , soit donc `2 = ` 2 = `2x + `2y + `2z ; tout naturellement, en mécanique
quantique, il sera défini par son carré L2 = L2X + L2Y + L2Z
Comme LX , LY et LZ sont hermitiques, il est aisé de vérifier que L2 l’est aussi.
Il n’est volontairement recherché aucune élégance dans les calculs qui sont menés par
la méthode dite « de force brutale », une façon de montrer qu’il ne s’agit que de la simple
conséquence des définitions.
[LX , LY ] = LX · LY − LY · LX = · · ·
· · · = (Y · PZ − Z · PY ) · (Z · PX − X · PZ ) − (Z · PX − X · PZ ) · (Y · PZ − Z · PY ) = · · ·
· · · = (Y · PZ · Z · PX − Z · PY · Z · PX ) − (Y · PZ · X · PZ − Z · PY · X · PZ ) · · ·
− (Z · PX · Y · PZ − X · PZ · Y · PZ ) + (Z · PX · Z · PY − X · PZ · Z · PY )
6
Regroupons les huit termes par couples de produits des mêmes facteurs dans un ordre
différent :
[LX , LY ] = LX · LY − LY · LX = · · ·
· · · = (Z · PY · X · PZ − X · PZ · Z · PY ) − (Z · PX · Y · PZ − Y · PZ · Z · PX ) · · ·
· · · + (Z · PX · Z · PY − Z · PY · Z · PX ) + (X · PZ · Y · PZ − Y · PZ · X · PZ )
Dans chacun des huit termes, on permuter l’ordre de presque tous les opérateurs, sauf
celui de Z et PZ (car [X, PZ ] = i ~), on a donc :
[LX , LY ] = · · ·
· · · = X · PY · (Z · PZ − PZ · Z) − Y · PX · (Z · PZ − PZ · Z) − 0 − 0 = · · ·
· · · = X · PY · [Z, PZ ] − Y · PX · [Z, PZ ] = i ~ (X · PY − Y · PX ) = i ~ LZ
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Et de même :
Par addition, tout se simplifie et [L2 , LX ] = 0 ; on montrerait sur le même principe que
[L2 , LY ]
= 0 et [L2 , LZ ] = 0. L’opérateur L2 commute avec chacune de composantes de
→
−
l’opérateur vectoriel L .
Si l’on considère L2 et par exemple LZ , ils commutent et on peut donc leur trouver une
base commune de vecteurs propres (cf supra). On pourra donc mesurer simultanément la
norme du moment cinétique et l’une de ses composantes (celle sur Oz dans l’exemple).
On se place ici exclusivement dans le cas d’une particule dans un potentiel central,
alors le hamiltonien s’écrit :
1 →
−2 1
H= P + V (R) = (P 2 + PY2 + PZ2 ) + V (R)
2m 2m X
p
où V (r) est une fonction de la distance au centre r = x2 + y 2 + z 2 .
Divisons le travail en petits morceaux :
→
−
[H, LX ] = [ P 2 /2 m + V (R), Y · PZ − Z · PY ] = · · ·
1 →− 1 →−
··· = [ P 2 , Y · PZ ] − [ P 2 , Z · PY ] + [V (R), Y · PZ ] − [V (R), Z · PY ]
2m 2m
Pour les deux premiers termes, on mène le calcul comme on l’a fait pour le calcul de
[LX , LY ] (on abrège donc un peu), on recase l’astuce utilisée plus haut et l’on se sert des
rappels du début de chapitre :
→
−
[ P 2 , Y · PZ ] = [PX2 , Y · PZ ] + [PY2 , Y · PZ ] + [PZ2 , Y · PZ ] = · · ·
· · · = (PX2 · Y · PZ − Y · PZ · PX2 ) + (PY2 · Y · PZ − Y · PZ · PY2 ) + (PZ2 · Y · PZ − Y · PZ · PZ2 ) = · · ·
· · · = 0 + PZ · (PY2 · Y − Y · PY2 ) + 0 = PZ · (PY2 · Y − PY · Y · PY + PY · Y · PY − Y · PY2 ) = · · ·
· · · = PZ · PY · [PY , Y ] + PZ · [PY , Y ] · PY = −i ~ (PZ · PY + PZ · PY ) = −2 i ~ PZ · PY
8
d’où :
1 →− 1 →− i~
[ P 2 , Y · PZ ] − [ P 2 , Z · PY ] = [PY , PZ ] = 0
2m 2m m
Appliqué à une fonction d’onde Ψ (x, y, z), l’opérateur [V (R), Y · PZ ] donne :
∂Ψ ∂(V (r) Ψ )
[V (R), Y · PZ ] Ψ (x, y, z) = −i ~ V (r) y + i~y
∂z ∂z
dV (r) ∂r z
[V (R), Y · PZ ] Ψ (x, y, z) = i ~ y Ψ = i ~ y Ψ V 0 (r) = i ~ y V 0 (r) Ψ
dz ∂z r
0
donc formellement [V (R), Y · PZ ] = i ~ V R(R) Y Z et l’on montrerait de la même façon
0
que [V (R), Z · PY ] = i ~ V R(R) Z Y d’où :
En regroupant tous les petits morceaux, on a ainsi montré que [H, LX ] = 0 et par
analogie [H, LY ] = 0 et [H, LZ ] = 0.
• Commutateur de H et L2 .
Vu la définition de L2 , on a :
9
2 Quantification du moment cinétique.
Pour des raisons qui apparaîtront plus loin, on considère a priori (je veux dire sans cher-
→
−
cher à la définir à partir de quoi que ce soit) une observable vectorielle J de composantes
→
−
JX , JY et JZ et l’observable scalaire J 2 = J 2 = JX 2 + J 2 + J 2 telles que
Y Z
(
[JX , JY ] = i ~ JZ [JY , JZ ] = i ~ JX [JZ , JX ] = i ~ JY
2
[J , JX ] = 0 2
[J , JY ] = 0 2
[J , JZ ] = 0
→
−
Bien évidemment le moment cinétique L répond à cette définition ; on verra plus loin
que le spin des électrons aussi.
2.a Notations.
|JZ |Ψ i = m ~ |Ψ i et |J 2 |Ψ i = a ~2 |Ψ i
→
−
Or hΨ |Ψ i est le carré de la norme de |Ψ i, soit k |Ψ ik2 et puisque hΨ | J † | est le bra associé
→
− →
− → − →
− →
−
à | J |Ψ i, l’expression hΨ | J † | J |Ψ i est le carré de la norme de | J |Ψ i soit k | J |Ψ ik2 . On
peut donc réécrire ainsi le résultat qui précède :
→
−
a ~2 k |Ψ ik2 = k | J |Ψ ik2
Le vecteur propre |Ψ i est non nul par définition d’un vecteur propre, son carré de norme
→
−
est strictement positif mais | J |Ψ i peut être nul, son carré de norme est positif ou nul ;
donc a est positif ou nul.
On va alors poser a = ` (` + 1). Pour a donné, ` est l’une des solutions de l’équation
du second degré `2 + ` − a = 0 dont le produit des racines est −a, négatif ou nul et qui n’a
donc qu’une seule racine positive ou nulle ; on convient que ` est cette racine-là.
1. Comme d’habitude, c’est après la première démonstration que l’on a compliqué la notation initiale
pour en simplifier la rédaction.
10
On notera 2 conventionnellement, pour une meilleure lisibilité |`, mi le vecteur propre
commun à JZ et J 2 tel que :
et vice-versa. Remarquons au passage que ces opérateurs ne sont donc pas auto-adjoints
et que ce ne sont donc pas des observables.
Calculons le commutateur [JZ , J+ ] :
De même (on laisse le soin de la démonstration au lecteur qui a besoin d’un peu
d’exercice) on a [JZ , J− ] = −~ J−
Calculons ensuite le commutateur [J 2 , J+ ] :
[J 2 , J+ ] = [J 2 , JX + i JY ] = [J 2 , JX ] + i [J 2 , JY ] = 0 + i (0) = 0
et de même [J 2 , J− ] = 0
Calculons maintenant, en vue du calcul du commutateur [J+ , J− ], le produit J+ · J− ,
on a (attention à la non-commutativité) :
2
J+ · J− = (JX + i JY ) · (JX − i JY ) = JX + i JY · JX − i JX · JY − i2 JY2 = · · ·
2
· · · = (JX + JY2 ) + i [JY , JX ] = (J 2 − JZ2 ) + i (−i ~ JZ ) = J 2 − JZ2 + ~ JZ
J− · J+ = J 2 − JZ2 − ~ JZ
La suite prouvera que ce sont les valeurs de J+ · J− et J− · J+ qui seront les plus utiles.
2. Même remarque que la précédente.
11
2.c Mise en évidence de la quantification.
|JZ |J+ |`, mi = |J+ |JZ |`, mi+~ |J+ |`, mi = m ~|J+ |`, mi+~ |J+ |`, mi = (m+1) ~|J+ |`, mi
Ce qui prouve que si |`, mi est un ket propre commun à JZ et J 2 , associé aux nombres
` et m, alors |J+ |`, mi, s’il n’est pas nul, est lui aussi ket propre commun, associé aux
nombres ` et (m + 1). Attention, si le premier est normalisé, le second ne l’est a priori pas,
on y revient tout de suite... car mon lecteur a tenu à me soulager en montrant lui-même
que |J− |`, mi, s’il n’est pas nul, est lui aussi ket propre commun, associé aux nombres ` et
(m − 1).
Remarque : Les opérateurs J+ et J− sont les analogues des opérateurs de création et
d’annihilation introduits dans le chapitre B-XIX consacré, entre autres, à la particule dans
un potentiel harmonique.
Venons-en aux normes, car c’est là qu’est la clef de la quantification. Le bra associé à
† †
|J+ |`, mi est h`, m|J+ | = h`, m|J− | car (cf supra) J+ = J− , d’où en se servant de la relation
2 2
J− · J+ = J − JZ − ~ JZ démontrée plus haut :
Cette relation sert bien évidemment à normaliser le vecteur propre commun |J+ |`, mi
mais il y a bien plus important. Si |J+ |`, mi est véritablement un vecteur propre, il est non
nul, alors la quantité [` (` + 1) − m (m + 1)] est forcément positive, au vu de la relation
ci-dessus où tous les autres facteurs le sont, et s’il est nul, cette quantité l’est aussi. Si on
la considère comme un polynôme du second degré en m, soit −m2 − m + ` (` + 1), négatif à
l’infini, il est positif ou nul si m est entre les racines, égalité comprise ; une racine évidente
est m = ` et puisque le produit des racines est −` (` + 1), l’autre est −(` + 1). En se
souvenant que ` est positif, on a donc la contrainte suivante :
−(` + 1) 6 m 6 `
12
Mon lecteur, qui pendant ce temps a travaillé avec |J− |`, mi et la relation J+ · J− =
J 2 − JZ2 + ~ JZ est arrivé à k |J− |`, mik2 = [` (` + 1) − m (m − 1)] ~2 k |`, mik2 et la
contrainte :
−` 6 m 6 (` + 1)
Les deux contraintes doivent être vérifiées en même temps ; il faut donc finalement
avoir :
−` 6 m 6 `
Il ne reste plus qu’à tirer les conséquences de tout cela. Supposons que l’on connaisse un
ket propre |`, mi avec −` 6 m 6 `, alors l’application successive de l’opérateur J+ permet
de trouver des ket propres |`, (m + 1)i, |`, (m + 2)i, etc. à une constante de normalisation
près soit |J+p |`, mi = Cte |`, (m + p)i en espérant tomber sur un vecteur nul et pour cela
il faut que m + p = ` (cf supra, le vecteur qui suit celui-là sera nul). Par contre, si ` − m
n’est pas entier, la suite des m + p ne passe pas par la valeur ` et finit par la dépasser,
ce qui introduit une contradiction (les m0 = m + p doit vérifier eux aussi la contrainte
−` 6 m0 6 `). On arrive donc à la conclusion que ` − m doit être un entier que nous notons
ici p0 , l’opérateur J+ donnera accès aux kets propres de |`, (m + 1)i à |`, (m + p0 )i = |`, `i
puis à un vecteur nul (cf supra).
De la même façon, mon lecteur, qu’on arrête plus, a démontré que pour que les
|J−q |`, mi = Cte |`, (m − q)i ne vérifient tous la contrainte −` 6 m − q 6 ` que si ` + m est
un entier noté ici q0 ; l’opérateur J− donnera alors accès aux kets propres de |`, (m − 1)i à
|`, (m − q0 )i = |`, −`i puis à un vecteur nul.
On a donc à la fois : (
` − m = p0 p0 ∈ N
` + m = q0 q0 ∈ N
p0 +q0
La demi-somme et la demi-différence de ces deux relations conduisent à ` = 2 et à
m = q0 −p
2 .
0
On appelle moment cinétique orbital, celui étudié dans la première partie et qui est
→
− → −
la traduction quantique de ` = r ∧ p . Nous venons de voir comment à partir d’un ket
13
|`, mi, on peut construire tous les kets propres associés à la même valeur ` ; encore faut-il
en trouver un. C’est ce que nous allons faire ici. Pour cela, il va falloir ôter à ce qui précède
les habits élégants des bras, kets et opérateurs et revenir à une tenue plus sobre, celle des
équations aux dérivées partielles. Je rappelle que le formalisme quantique n’apporte rien
de fondamental, tout ce qui précède aurait pu être écrit uniquement en termes de dérivées
partielles et d’équations différentielles. Mais bien sûr, je ne vois rien de mal à ce que la
mécanique quantique se fasse belle pour sortir en ville.
soit formellement
∂ ∂x ∂ ∂y ∂ ∂z ∂
= + +
∂r ∂r ∂x ∂r ∂y ∂r ∂z
d’où en calculant les dérivées partielles de x par rapport aux coordonnées sphériques à
partir des relations de passage ci-dessus :
∂ ∂ ∂ ∂
= sin θ cos ϕ + sin θ sin ϕ + cos θ
∂r ∂x ∂y ∂z
14
∂ ∂
En raisonnant de même pour ∂θ et ∂ϕ , on arrive à :
∂ ∂ ∂ ∂
∂r = sin θ cos ϕ ∂x + sin θ sin ϕ ∂y + cos θ ∂z
∂ ∂ ∂ ∂
∂θ = r cos θ cos ϕ ∂x + r cos θ sin ϕ ∂y − r sin θ ∂z
∂ ∂ ∂
∂ϕ = −r sin θ sin ϕ ∂x + r sin θ cos ϕ ∂y
Malheureusement, il nous faut exprimer les dérivées partielles par rapport aux coordon-
nées cartésiennes en fonction de celles par rapport aux sphériques et non l’inverse comme
∂
nous venons de le faire. Inversons donc la chose. Eliminons les termes en ∂ϕ en additionnant
la première relation multipliée par r sin θ et a seconde multipliée par cos θ et conservons
la troisième, on arrive, avec un minimum de trigonométrie, à :
(
∂ ∂ ∂ ∂
r sin θ ∂r + cos θ ∂θ = r cos ϕ ∂x + r sin ϕ ∂y
∂ ∂ ∂
∂ϕ = −r sin θ sin ϕ ∂x + r sin θ cos ϕ ∂y
Sur ce système, on effectue ensuite les deux combinaisons linéaires suivantes : la pre-
mière multipliée par sin θ cos ϕ (respectivement par sin θ sin ϕ) additionnée à la seconde
multipliée par − sin ϕ (respectivement par cos ϕ) pour arriver à :
(
∂ ∂ ∂ ∂
r sin2 θ cos ϕ ∂r + cos θ sin θ cos ϕ ∂θ − sin ϕ ∂ϕ = r sin θ ∂x
∂ ∂ ∂ ∂
r sin2 θ sin ϕ ∂r + cos θ sin θ sin ϕ ∂θ + cos ϕ ∂ϕ = r sin θ ∂y
Reportons enfin ces deux résultats dans la première relation du premier système (c’est-
∂
à-dire ∂r = · · · ) ; de façon brute, on a successivement :
∂ ∂ 1 ∂ 1 ∂
= sin θ cos ϕ sin θ cos ϕ + cos θ cos ϕ − sin ϕ + ···
∂r ∂r r ∂θ r sin θ ∂ϕ
∂ 1 ∂ 1 ∂ ∂
· · · + sin θ sin ϕ sin θ sin ϕ + cos θ sin ϕ + cos ϕ + cos θ
∂r r ∂θ r sin θ ∂ϕ ∂z
∂ ∂ 1 ∂ ∂
= sin2 θ + cos θ sin θ + cos θ
∂r ∂r r ∂θ ∂z
∂ ∂ 1 ∂
cos θ = cos2 θ − cos θ sin θ
∂z ∂r r ∂θ
15
∂ ∂ 1 ∂ 1 ∂
∂x = sin θ cos ϕ ∂r + cos θ cos ϕ r ∂θ − r sin θ sin ϕ ∂ϕ
∂ ∂ 1 ∂ 1 ∂
∂y = sin θ sin ϕ ∂r + cos θ sin ϕ r ∂θ + r sin θ cos ϕ ∂ϕ
∂ ∂ 1 ∂
∂z = cos θ ∂r − sin θ r ∂θ
∂
LZ = −i ~
∂ϕ
et de même :
LX ∂ 1 ∂
= r sin θ sin ϕ cos θ − sin θ ···
−i ~ ∂r r ∂θ
∂ 1 ∂ 1 ∂ ∂ ∂
−r cos θ sin θ sin ϕ + cos θ sin ϕ + cos ϕ = − sin ϕ −cotan θ cos ϕ
∂r r ∂θ r sin θ ∂ϕ ∂θ ∂ϕ
∂ ∂
LX = i ~ sin ϕ + i ~ cotan θ cos ϕ
∂θ ∂ϕ
cos θ
où cotan θ = sin θ
et enfin, un dernier calcul analogue (à la charge du lecteur) donne :
∂ ∂
LY = −i ~ cos ϕ + i ~ cotan θ sin ϕ
∂θ ∂ϕ
On en déduit aisément :
(
∂ ∂
L+ = LX + i LY = ~ exp(i ϕ) ∂θ + i ~ cotan θ exp(i ϕ) ∂ϕ
∂ ∂
L− = LX − i LY = −~ exp(−i ϕ) ∂θ + i ~ cotan θ exp(−i ϕ) ∂ϕ
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L’expression de L2 est plus complexe à établir ; procédons par étapes (on se sert de
l’indépendance des trois variables) :
L2X
∂ ∂ ∂ ∂
= sin ϕ + cotan θ cos ϕ sin ϕ + cotan θ cos ϕ = ···
(−i ~)2 ∂θ ∂ϕ ∂θ ∂ϕ
∂2
2 ∂ ∂
· · · = sin ϕ 2 + sin ϕ cos ϕ cotan θ ···
∂θ ∂θ ∂ϕ
∂ ∂ 2 ∂ ∂
+ cotan θ cos ϕ sin ϕ + cotan θ cos ϕ cos ϕ
∂ϕ ∂θ ∂ϕ ∂ϕ
L2Y ∂2
2 ∂ ∂
2
= cos ϕ 2
− sin ϕ cos ϕ cotan θ ···
(−i ~) ∂θ ∂θ ∂ϕ
∂ ∂ 2 ∂ ∂
− cotan θ sin ϕ cos ϕ + cotan θ sin ϕ sin ϕ
∂ϕ ∂θ ∂ϕ ∂ϕ
L2X + L2Y ∂2
∂ ∂ ∂ ∂
= 2 + cotan θ cos ϕ sin ϕ − sin ϕ cos ϕ ···
(−i ~)2 ∂θ ∂ϕ ∂θ ∂ϕ ∂θ
2 ∂ ∂ ∂ ∂
+ cotan θ cos ϕ cos ϕ + sin ϕ sin ϕ
∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ
et d’autre part :
∂ ∂ ∂ ∂
cos ϕ cos ϕ + sin ϕ sin ϕ = ···
∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ
∂ ∂2 ∂ ∂2 ∂2
· · · = − cos ϕ sin ϕ + cos2 ϕ 2 + sin ϕ cos ϕ + sin2 ϕ 2 =
∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ2
d’où :
L2X + L2Y ∂2 ∂ 2 ∂2
= + cotan θ + cotan θ
(−i ~)2 ∂θ2 ∂θ ∂ϕ2
17
L2Z ∂ ∂ ∂2
Par ailleurs, on a (−i ~)2
= ( ∂ϕ ) ∂ϕ ) = ∂ϕ2
, d’où finalement et avec cotan2 θ + 1 =
cos2 θ cos2 θ+sin2 θ 1
sin2 θ
+1= sin2 θ
= sin2 θ :
et finalement :
∂2 ∂2
2 2 ∂ 1
L = −~ + cotan θ +
∂θ2 ∂θ sin2 θ ∂ϕ2
Nous cherchons ici une fonction d’onde Ψ (r, θ, ϕ) qui soit vecteur propre propre commun
aux opérateurs LZ et L2 . On la cherchera sous forme factorisée :
dont la solution à une constante multiplicative près 3 , qu’on choisira égale à l’unité, est
exp(i m ϕ).
En fait, en ce qui concerne ce point, la mécanique quantique est un marteau-pilon pour
ouvrir une noix. On a vu dans le chapitre B-XIX (particule dans un potentiel central) que ϕ
étant défini à 2 π près, f (ϕ) est forcément 2 π-périodique et est donc somme d’exponentielles
en exp(i m ϕ) avec m entier.
Si elle est vecteur propre de L2 associée à l’entier `, donc de valeur propre ` (` + 1) ~2 ,
d2 f 2
on doit avoir successivement, avec f (ϕ) = exp(i m ϕ) d’où dϕ 2 = −m f (ϕ) :
2
1 ∂2Ψ
2 2 ∂ Ψ ∂Ψ
L (Ψ ) = −~ + cotan θ + = ` (` + 1) ~2 Ψ
∂θ2 ∂θ sin2 θ ∂ϕ2
∂2g ∂g 1
R(r) 2
f (ϕ)+cotan θ R(r) f (ϕ)+ 2 R(r) g(θ) [−m2 f (ϕ)] = −` (`+1) R(r) g(θ) f (ϕ)
∂θ ∂θ sin θ
3. Comme Ψ est produit de trois fonctions définies chacune à une constante multiplicative près, on peut
en choisir arbitrairement deux.
18
d’où après simplification, g est solution de :
∂2g ∂g m2
+ cotan θ − g(θ) = −` (` + 1) g(θ)
∂θ2 ∂θ sin2 θ
d
Avec dϕ [exp(i ` ϕ)] = i ` exp(i ` ϕ) et après simplification par ~ exp(i ϕ), R(r) et exp(i ` ϕ)
(on accélère un peu le même type de calcul que précédemment), on arrive à :
dg`,` dg`,`
+ i cotan θ (i `) g`,` = − ` cotan θ g`,` = 0
dθ dθ
qui se résout aisément car les variables se séparent, d’où successivement (avec θ ∈ [0, π]
donc sin θ > 0) :
dg`,` cos θ dθ
=`
g`,` sin θ
ln(g`,` ) = ` ln(sin θ) + Cte
g`,` (θ) = Cte sin` (θ)
Z ∞
On convient de choisir 5 |R(r)|2 r2 dr = 1 et :
0
ZZ Z π Z π
2 2 2
1= |Y (θ, ϕ)| sin θ dθ dϕ = |g(θ)| sin θ dθ |f (ϕ)| dϕ
0 −π
4. La même astuce a été utilisé dans le chapitre B-XIX avec la particule dans un potentiel harmonique.
5. Voir note 3 p. 18.
19
Pour l’harmonique sphérique (c’est ainsi qu’on l’appelle) Y`,` = Cte sin` (θ) exp(i ` ϕ)
avec l’exponentielle complexe de norme unité, on a donc :
Z π Z π Z π
2 ` 2 2 2 2`
1 = Cte | sin (θ)| sin θ dθ | exp(i ` ϕ)| dϕ = 2 π Cte sin (θ) sin θ dθ
0 −π 0
2 2 4 2·4
d’où par récurrence I2 = 3 I0 = 3 2, I4 = 5 I2 = 3·5 2, etc. On en déduira que :
Y0,0 (θ, ϕ) = √14 π
q
Y (θ, ϕ) = 3
1,1 sin θ exp(i ϕ)
q8π
15
Y2,2 (θ, ϕ) = 32 π sin2 θ exp(2 i ϕ)
etc.
Reste à construire les Y`,m avec −` 6 m < `. Si |`, mi est un vecteur propre normalisée,
|J− |`, mi est un vecteur propre non normalisé correspondant au couple (`, m − 1) et la
relation :
k |J− |`, mik2 = [` (` + 1) − m (m − 1)] ~2 k |`, mik2
démontrée plus haut montre que le vecteur propre normalisé qui suit est :
1
|`, (m − 1)i = p |J− |`, mi
~ ` (` + 1) − m (m − 1)
(ou son opposé lui aussi normalisé 6 ) soit compte tenu de l’expression différentielle de
J− et après simplification par ~ et de la dépendance en r au travers de R(r) :
exp(−i ϕ) ∂Y`,m ∂Y`,m
Y`,(m−1) = ± p − + i cotan θ
` (` + 1) − m (m − 1) ∂θ ∂ϕ
qui permet de proche en proche le calcul de tous les Y`,m à partir de Y`,`
6. ou même l’un de ces résultats multiplié par exp(i α) de norme unité (α est bien sûr ici réel).
20
On aura par exemple :
r r
exp(−i ϕ) 3 3
Y1,0 = ± √ [− cos θ exp i ϕ + i cotan θ sin θ [i exp(i ϕ)]] = cos θ
2 8π 4π
4 Le spin de l’électron.
• Rapport gyromagnétique.
Soit une distribution volumique de charge avec une charge volumique ρ(M ) et de masse
→
−
avec une masse volumique µ(M ). Le moment cinétique L calculé en l’origine est :
→
− −
→ →
− → −
ZZZ ZZZ ZZZ
L = →
−
r ∧ dp = →
− →
−
r ∧ (dm v ) = r ∧ v µ dV
21
et la masse probable d$ m qui occupent dV s’identifient respectivement à ρ dV et µ dV et
l’on a donc :
→
− →
− → −
ZZZ
L = m
r ∧ v |Ψ |2 dV
→
− → −
ZZZ
→− e
m =− r ∧ v |Ψ |2 dV
2
→
−
d’où la relation →
−
m = − 2 em L qui lie le moment cinétique et le moment magnétique ; le
facteur − 2 em s’appelle rapport gyromagnétique.
• Précession de Larmor.
→
−
Un dipôle magnétique de moment → −
m placé dans un champ magnétique stationnaire B
→
− →
− →
− → −
(on prendra Oz parallèle à B ) est soumis à un couple Γ = m ∧ B (voir le chapitre C-IV
consacré aux dipôles électriques et magnétiques). Le théorème du moment cinétique donne
successivement, compte tenu du rapport gyromagnétique :
→
−
dL →
− →−
=m∧B
dt
→
−
dL e →
− →−
=− L∧B
dt 2m
→
−
On en déduit que le moment cinétique L a une norme L constante, en effet, puisque
→
− → − →
−
L ∧ B est orthogonal à L :
→
− →
−
dL2 dL2 →
− dL − →
e → − →−
= =2L · =− L · L ∧B =0
dt dt dt m
→
−
Dans un champ stationnaire, on en déduit que la composante Lz de L sur Oz parallèle
→
−
à B est constante ; en effet :
→
− → − →
−
d(B Lz ) d( B · L ) →
− dL − →
e → − →−
= =B· =− B · L ∧B =0
dt dt dt 2m
22
On remarque bien sûr, dans ce chapitre de mécanique quantique, que les opérateurs L2
et LZ ne sont pas sortis du néant, car en mécanique classique, ce sont des constantes du
mouvement de précession.
De l’argent chauffé à haute température dans un four est vaporisé et s’échappe par
une ouverture ; une série de petits diaphragmes coaxiaux en extrait un faisceau rectiligne
d’atomes d’argent qui est envoyé dans l’entrefer volontairement dissymétrique d’un électro-
aimant. Les lignes de champ sont divergentes et par conservation du flux magnétique, le
module du champ croissant.
S’il s’agissait d’un dipôle identique à celui que nous venons de modéliser, l’énergie de
→
− → − →
− → −
celui-ci serait W = − m · B = 2 em L · B = 2 em Lz B avec Lz constant (cf supra) et il
subirait donc une force de composante verticale Fz = − ∂W e ∂B
∂z = − 2 m Lz ∂z qui produit une
déviation proportionnelle à la Fz donc à Lz qu’on peut donc ainsi mesurer. Pour un atome,
c’est la même chose ; qualitativement et quantitativement le rapport gyromagnétique peut
toutefois différer.
En mécanique classique Lz n’est pas quantifié et peut prendre toutes les valeurs com-
→
−
prises entre −L et L = k L k ; sur l’écran où l’on recueille les atomes déviés, on devrait donc
observer une longue tache correspondant à toutes ces valeurs. Or l’expérience n’a donné
23
que deux taches d’extension restreinte. La quantification de Lz est ainsi expérimentalement
mise en évidence.
Mais là n’est pas l’essentiel. Si les moments cinétiques étaient des moments cinétiques
orbitaux, le nombre quantique m qui quantifie Lz est entier et prend toutes les valeurs
entre −` et +`, ce qui, quelle que soit la valeur de l’entier `, donne un nombre impair de
valeurs. L’expérience ne donne que deux taches !
On est donc obligé d’admettre que l’on est dans une situation où ` = 12 et où m peut
perdre les deux valeurs − 12 et 12 (donc Lz les deux valeurs − 12 ~ et 12 ~). On se doit donc
de donner une explication.
Ma dernière phrase (« On se doit donc de donner une explication ») est une pure
provocation. Dans le chapitre A-I intitulé « Qu’est-ce que la physique ? », j’ai rappelé
que la physique n’est pas en mesure de donner une explication de quoi que ce soit mais
qu’elle se contente de présenter une axiomatique minimale dont on puisse déduire tous
les faits expérimentaux. Ni le principe fondamental de la dynamique, ni les équations
de Maxwell ne sont des explications, ce ne sont que des axiomatiques validées par la
vérification expérimentale des conclusions qu’on en tire.
En l’occurrence, dans le cas qui nous intéresse, la réponse va être caricaturale : les faits
inexplicables vont être posés comme axiomes 8 .
Bien que l’expérience de Stern et Gerlach portât sur des atomes d’argent, nous
allons nous placer dans le cas de l’électron qui ne pouvait pas subir cette expérience car
c’est une particule chargée et l’effet de l’expérience eût été masqué par la force de Lorentz
→
− → −
d’expression −e v ∧ B bien plus importante.
Voici donc ce qu’ont proposé en 1925 George Uhlenbeck et Samuel Goudsmit, physi-
ciens américains d’origine néerlandaise. On postule 9 donc qu’un électron, outre le moment
cinétique orbital qu’il peut avoir dans le champ électrostatique d’un noyau, possède en
outre un moment cinétique intrinsèque ou spin décrit par une fonction d’onde spécifique
→
−
sur laquelle opèrent deux observables, une observable vectorielle S dont les composantes
sont notées SX , SY et SZ et l’observable scalaire S 2 = SX 2 + S 2 + S 2 telles que :
Y Z
(
[SX , SY ] = i ~ SZ [SY , SZ ] = i ~ SX [SZ , SX ] = i ~ SY
2
[S , SX ] = 0 2
[S , SY ] = 0 2
[S , SZ ] = 0
8. La mécanique quantique relativiste permet, paraît-il, de repousser l’axiomatisation un peu plus haut.
Malheureusement pour mon lectorat, quand j’étais mûr pour aborder cette théorie, j’ai préféré m’initier
sérieusement au latin et au grec qui manquaient à ma culture. Ma hiérarchie m’en a beaucoup voulu,
ma culture m’en est infiniment reconnaissante. Mais rien n’est jamais trop tard, peut-être me sentirai-je
bientôt mûr pour m’y mettre enfin.
9. Ce postulat n’a rien de choquant ; en effet en mécanique classique le moment cinétique (orbital)
−
→ −−→ − → − → −
→
calculé en O vérifie le théorème de König L (0) = OG ∧ p + L ∗ où L ∗ est le moment cinétique dans le
référentiel barycentrique et est donc le pendant de ce moment cinétique intrinsèque.
24
exactement comme pour les observables étudiées dans la seconde partie de ce chapitre.
Dans cette partie, nous avions montré la possibilité de kets propres communs aux
observables S 2 et, par exemple SZ , décrits par deux nombres notés ici provisoirement `s et
ms , soit tous deux entiers, soit tous deux semi-entiers, avec `s positif ou nul et ms prenant
toutes les valeurs, entières ou semi-entières selon le cas, comprises entre −`s et +`s . On
postule que pour le moment cinétique intrinsèque, `s ne peut prendre que la valeur 12 et
donc ms que les valeurs − 12 et 12 . Les kets propres correspondant respectivement à `s = 12
et ms = − 21 d’une part, à `s = 12 et ms = 12 d’autre part, sont orthogonaux (cf chapitre B-
XVIII sur la génèse, les outils et l’axiomatique de la mécanique quantique) et forment donc
une base orthonormée ; on postule en outre qu’elle est complète ce qui donne à l’espace
vectoriel des fonctions d’onde de spin une dimension finie, en l’occurrence deux.
Dans la pratique, `s n’a qu’une valeur possible et il est donc inutile de la mentionner
et l’on rebaptise couramment ms en s ; on parle de spin − 12 ou 21 selon les valeurs de s
et les deux kets propres normalisés communs à S 2 et SZ sont traditionnellement notés
respectivement | − 1/2i et | + 1/2i.
On présente traditionnellement la moment cinétique intrinsèque de l’électron comme le
résultat de la rotation 10 de l’électron sur lui-même mais ce n’est qu’une image impropre
d’une part parce qu’une telle rotation devrait, comme pour le mouvement orbital, donner
un ` entier, d’autre par parce que les mesures expérimentales donnent pour ce moment
intrinsèque un facteur gyromagnétique double, ce qui est incompatible avec une telle rota-
tion.
Imaginons qu’à la sortie d’un dispositif de Stern et Gerlach, nous isolions par un
diaphragme le faisceau des atomes pour lequel on Lz = 21 ~ et que nous le dirigions vers un
autre dispositif identique mais orienté de façon à mesurer Lx . Quel est, avant la mesure,
le résultat moyen attendu ? Les résultats du chapitre B-XVIII sur la genèse, les outils et
l’axiomatique de la mécanique quantique sont supposés connus ; toutefois, on rappellera,
sans commentaire, ceux qui sont utiles ici. On se placera en fait dans le cas d’un électron.
Rappelons quelques résultats démontrés plus haut, dans la seconde partie ; on change
juste la notation J 2 et Jz en S 2 et Sz et analogues. On note, pour alléger ` pour `s (on
rappelle que la seule valeur de `s est `s = 21 ) et m pour ms (on rappelle que les seules
valeurs de ms sont ms = − 12 et ms = 12 ). Les ket propres sont notés | − 1/2i et | + 1/2i.
25
De façon générale, on a vu dans la seconde partie que :
soit ici :
~ ~
|Sz | − 1/2i = − | − 1/2i et |Sz | + 1/2i = | + 1/2i
2 2
et aussi que :
( p
~ ` (` + 1) − m (m + 1) |`, (m + 1)i si m 6= `
|S+ |l, mi =
0 si m = `
p
soit, avec 1/2 (1/2 + 1) − (−1/2) [(−1/2) + 1] = 1
et enfin que
( p
~ ` (` + 1) − m (m − 1) |`, (m − 1)i si m 6= −`
|S− |l, mi =
0 si m = −`
p
soit, avec 1/2 (1/2 + 1) − 1/2 [1/2 − 1] = 1
~ ~
|Sx | − 1/2i = | + 1/2i et |Sx | + 1/2i = | − 1/2i
2 2
i~ i~
|Sy | − 1/2i = − | + 1/2i et |Sy | + 1/2i = | − 1/2i
2 2
→
−
Enfin, pour traiter le cas général de la mesure de la projection S sur une direction
quelconque dont le vecteur unitaire → −
u a pour composantes (cf coordonnées sphériques)
→
− → −
ux = sin θ cos ϕ, uy = sin θ sin ϕ et uz = cos θ, la traduction quantique de Su = u · S
sera :
Su = sin θ cos ϕ Sx + sin θ sin ϕ Sy + cos θ Sz
26
d’où :
~
|Su | − 1/2i = sin θ (cos ϕ − i sin ϕ) | + 1/2i − cos θ | − 1/2i
2
|Su | + 1/2i = ~ sin θ (cos ϕ + i sin ϕ) | − 1/2i + cos θ | + 1/2i
2
ou encore
~
|Su | − 1/2i = sin θ exp(−i ϕ) | + 1/2i − cos θ | − 1/2i
2
|Su | + 1/2i = ~ sin θ exp(i ϕ) | − 1/2i + cos θ | + 1/2i
2
~
La matrice qui apparaît ainsi (le facteur 2 compris) s’appelle matrice de Pauli. Je
n’en abuserai pas.
Remarque : La méthode qui a été utilisée ici se généralise à toute valeur de ` et puisque
m peut prendre 2 `+1 valeurs, les matrices apparues ci-dessus de façon explicite ou implicite
seront alors d’ordre 2 ` + 1.
soit
− cos θ − µ sin θ exp(i ϕ) a− 0
=
sin θ exp(−i ϕ) cos θ − µ a+ 0
Le déterminant de la matrice doit être nul, sinon la seule solution est le vecteur nul.
Le polynôme caractéristique est de façon brute puis simplifiée :
27
µ2 − 1 = 0
Donc les solutions sont ±1 correspondant aux valeurs propres ± ~2 . Il est satisfaisant que
ces valeurs propres soient les mêmes dans toutes les directions, assurant ainsi l’isotropie
des lois quantiques.
Recherchons maintenant, toujours dans la base des vecteurs propres de Sz , les kets
propres correspondant sont solutions pour λ = − ~2 ou µ = −1 de
(l’autre ligne donne unrésultat compatible car le déterminant est nul). Avec, classique-
2 θ θ θ
ment, 1 − cos θ = 2 sin 2 et sin θ = 2 cos 2 sin 2 , ça se simplifie, sauf cas particuliers
que nous escamotons pour ne pas alourdir l’exposé (ils ne posent pas de problèmes), en :
θ θ
sin a− + cos exp(i ϕ) a+ = 0
2 2
Reste à multiplier par une constante pour aboutir à ce que |a− |2 + |a+ |2 = 1 pour
obtenir, en utilisant le classique 1 + tan2 x = cos12 x le vecteur propre normalisé de Su , noté
ici | − 1/2iu :
θ θ
| − 1/2iu = cos | − 1/2i − sin exp(−i ϕ)| + 1/2i
2 2
que l’on peut multiplier arbitrairement par ± exp(i α), et ± exp i ϕ2 en particulier,
pour obtenir une expression plus symétrique tout en préservant la normalisation. Choisis-
sons donc plutôt :
θ ϕ θ ϕ
| − 1/2iu = cos exp i | − 1/2i − sin exp −i | + 1/2i
2 2 2 2
28
• Mesures successives dans deux directions différentes.
Pour éviter d’avoir à inverser une matrice, permutons les rôles en supposant qu’un
premier dispositif de type Stern et Gerlach dont le champ est orienté dans la direction
du vecteur →−u introduit ci-dessus, ait permis d’isoler un faisceau d’électrons tous dans l’état
propre |+1/2iu et qu’on envoie ce faisceau vers un autre dispositif identique dans le champ
est dirigé selon Oz.
Avant la seconde mesure, un électron est dans l’état normalisé :
θ ϕ θ ϕ
|+1/2iu = a− |−1/2i+a+ |+1/2i = sin exp i |−1/2i+cos exp −i |+1/2i
2 2 2 2
Le résultat statistique moyen d’un grand nombre de mesures sur un grand nombre
d’électrons sera donc :
~ ~ ~ θ θ ~
hLz i = $− − + $+ + = cos2 − sin2 = cos θ
2 2 2 2 2 2
Une autre façon de retrouver ce résultat est d’utiliser le théorème démontré dans le
chapitre B-XVIII sur l’axiomatique soit :
hLz i = hΨ |Lz |Ψ i
hLz i = · · ·
a− a− h−1/2|Lz |−1/2i+a∗− a+ h−1/2|Lz |+1/2i+a∗+ a− h+1/2|Lz |−1/2i+a∗+ a+ h+1/2|Lz |+1/2i
∗
=
~ ~ ~ ~
−a∗− a− h−1/2|−1/2i+a∗− a+ h−1/2|+1/2i−a∗+ a− h+1/2|−1/2i+a∗+ a+ h+1/2|+1/2i =
2 2 2 2
~ ~
· · · = (|a+ |2 − |a− |2 ) = · · · = cos θ
2 2
où l’on n’a pas recopié la fin de calcul car on y retrouve ce qui précède.
Remarque : la méthode est applicable pour toute autre situation de mesures successives
de Lz .
29
4.d Approche quantique de la précession de Larmor.
X i En t
|Ψ i = ψn (0) exp − |Ψn i
n
~
qui par analogie est | + 1/2iu(t) avec u(t) défini par les angles polaires θ et ϕ + ω t. On
retrouve bien une précession à vitesse angulaire constante ω (le doublement du rapport gy-
romagnétique explique le doublement de ω par rapport à la situation étudiée classiquement
plus haut, dans un contexte de moment orbital).
30
5 Addition de moments cinétiques.
~2
2
∂2Ψ
∂ Ψ k
− 2
+ 2
+ (x2 + y 2 ) Ψ = E Ψ
2 m ∂x ∂y 2
par
Dans ce contexte on recherche des solutions factorisées Ψ (x, y) = f (x) g(y). Si l’on
reporte cette expression dans l’équation, on obtient, après division par Ψ :
~2 d2 f ~2 d2 g k 2
1 k 2 1
− + x f (x) + − + x g(y) = E
f (x) 2 m dx2 2 g(y) 2 m dy 2 2
Le premier membre est somme de deux fonctions de variables indépendantes, elles sont
donc 12 constantes et l’on peut écrire :
~2 d2 f
k
− + x2 f (x) = E1 f (x)
2 m dx2
2
~2 d2 g k 2
−
+ x g(y) = E2 g(y)
2 m dy 2 2
avec E = E1 + E2 .
On a vu, dans le chapitre consacré à la particule dans un potentiel harmonique que la
première de ces équations partielles (et donc la seconde qui lui est identique) a un espace
vectoriel E1 (E2 pour la seconde) de dimension dénombrable avec une base orthonormée
complète de fonctions propres notées fi (notées gj pour la seconde, ce sont certes les mêmes
fonctions, mais il faut bien savoir de quoi l’on parle) associées à des énergies propres Ei
(Ej pour la seconde).
Il est alors clair que l’équation de Schrödinger admet des solutions qui sont combi-
naisons linéaires des produits fi (x) gj (y) et nous admettrons que l’espace vectoriel bâti sur
ces produits donne l’ensemble des solutions du problème. Cet espace vectoriel est par défi-
nition le produit tensoriel de E1 et E2 . Ce n’est pas plus compliqué que cela. Le seul piège
11. ou tridimensionnel, bien sûr.
12. En effet si ∀x ∀y F (x) + G(y) = E = Cte, alors en fixant y = 0 (par exemple), on a ∀x F (x) =
E − G(0) = Cte et on raisonne de même pour G.
31
dans lequel on puisse tomber est qu’une combinaison linéaire de produits fi (x) gj (y) comme
P
ij λij fi (x) gj (y) n’est pas forcément le produit d’une fonction de x et d’une fonction de
y, mais en mécanique quantique, on n’a pas tellement l’occasion d’y tomber.
−
→2 2
P kR
D’autre
2
2 part, 2
l’opérateur (un observable en fait) H = 2 m + 2 ou, en explicitant,
∂ ∂
− 2~m ∂x 2 + ∂y 2 + k2 (x2 + y 2 ) s’est fait sauvagement découper en somme d’un opérateur
PX2
k X2 2 d2
HX = 2m + 2 ou − 2~m dx2
+ k2 x2 portant uniquement sur la variable x et d’un opérateur
PY2 kY2 2 d2 k 2
HY = 2m + 2 ou − 2~m dy 2 + 2 y portant uniquement sur la variable x.
Pour toute fonction factorisée Ψ = f (x) g(y), on a :
H(Ψ ) = HX (Ψ ) + HY (Ψ ) = HX (f ) g + f HY (g)
mais pour une fonction non factorisable (cf supra), on en reste à la première expression
H(Ψ ) = HX (Ψ ) + HY (Ψ ). Un petite subtilité toutefois, appliqué à une fonction de x
2 d2 k 2
uniquement, l’opérateur HX = − 2~m dx 2 + 2 x s’écrit avec une dérivée droite et appliqué
2 ∂2 k 2
à une fonction de x et y, il s’écrit HX = − 2~m ∂x 2 + 2 x avec une dérivée partielle ; il
ne s’agit pas exactement du même opérateur (il n’agit pas sur le même ensemble) et on
l’appelle prolongation du premier sur le produit tensoriel des espaces vectoriels. Mais, ça,
c’est une subtilité réservée aux mathématiciens.
Enfin pour une fonction produit de deux fonctions propres comme Ψ = fi (x) gj (y),
on a :
H(Ψ ) = HX (Ψ ) + HY (Ψ ) = HX (fi ) gj + fi HY (gj ) = Ei fi gj + Ej fi gj = (Ei + Ej ) fi gj
Elle est donc fonction propre dans le produit des espaces avec comme valeur propre
Ei + Ej
32
a−
|2 |2
|a− + |a+ = 1) ou plus simplement sous forme d’un vecteur colonne (dans la
a+
base formée des deux kets propres). On s’aperçoit qu’on parle de fonction d’onde sans dire
quelle en est ou en sont la ou les variables. Comme on peut raisonner sans avoir besoin
de le préciser, la question est sans importance et le plus simple est de considérer qu’ici
« fonction » d’onde est un abus de langage qui désigne en fait le vecteur que l’on vient
enfin que les kets propres | − 1/2i et | + 1/2i sont respectivement
d’introduire.Remarquons
1 0
les vecteurs et .
0 1
Pour effectuer la synthèse des comportements, on effectue le produit tensoriel des
deux
Ψn`m
espaces vectoriels dont les vecteurs propres seront les Ψn`m | − 1/2i = et les
0
0
Ψn`m |+1/2i = que l’on peut noter |n, `, m, si (vis-à-vis de s, ce sera |n, `, m, −1/2i
Ψn`m
ou |n, `, m, +1/2i). Toute autre fonction d’onde non normalisée de celles-là que l’on peut
donc écrire sera combinaison linéaire de celles-là, soit :
X
Ψ= λn,`,m,s |n, `, m, si = · · ·
n,`,m,s
X
··· = λn,`,m,−1/2 |n, `, m, −1/2i + λn,`,m,+1/2 |n, `, m, +1/2i = · · ·
n,`,m
X
Ψn`m
0
··· = λn,`,m,−1/2 + λn,`,m,+1/2 = ···
0 Ψn`m
n,`,m
P
n,`,m λn,`,m,−1/2 Ψn`m
··· = P
n,`,m λn,`,m,+1/2 Ψn`m
qui confère à Ψ le statut d’une fonction à variables spatiales (r, θ et ϕ) et à valeurs non
pas complexes mais vectorielles sur C2 ; on appelle parfois ce type de fonction un spineur.
La condition de normalisation s’écrit tout naturellement en remplaçant le carré de
norme d’un complexe par le carré de norme d’un vecteur de C2 , soit, en notant d3 → −
r
2
l’élément de volume r sin θ dr dθ dϕ :
→
−
ZZZ ZZZ
1= k Ψ k2 d3 →
−
r = (|Ψ− |2 + |Ψ+ |2 ) d3 →
−
r
où |Ψ− |2 d3 → −
r et |Ψ+ |2 d3 →
−
r seront tout aussi naturellement interprétés comme la pro-
babilité que l’électron soit dans le volume élémentaire d3 → −r avec respectivement s = − 12
ou s = + 21 . Il en résulte que la probabilité
ZZZ
1 1
ZZZ ait le spin s = − 2 ou s = + 2 est,
que l’électron
par intégration sur tout l’espace, |Ψ |2 d →
−
r ou
− 3 |Ψ |2 d →
−
r.
+ 3
33
5.c Problématique de l’addition de moments cinétiques.
Le bel édifice que nous venons de construire s’effondre dès que l’on ajoute au hamil-
tonien une énergie d’interaction, par exemple un couplage spin-orbite d’expression comme
→
− → −
W = K L · S car dès lors LZ (et de façon analogue SZ ) ne commute pas avec W donc ne
commute plus avec H et adieu à la base de vecteurs propres communs. En effet [LZ , W ]
est somme de trois termes dont un proportionnel à [LZ , LZ SZ ] , nul car les trois termes
commutent deux à deux (cf supra beaucoup de calculs de ce type), un second, compte tenu
des commutations connues, à :
[LZ , LY SY ] = · · · = [LZ , LY ] SY = −i ~ LX SY
d’où :
[LZ , W ] = i ~ K (LY SX − LX SY )
d’où
[SZ , W ] = i ~ K (LX SY − LY SX )
34
→
−
il est intéressant de montrer que J et J 2 ont un comportement classique d’observables de
moment cinétique ; en effet :
[JX , JY ] = [LX + SX , LY + SY ] = · · ·
· · · = [LX , LY ] + [LX , SY ] + [SX , LY ] + [SX , SY ] = i ~ LZ + 0 + 0 + i ~ SZ = i ~ JZ
→
− →
− −
→ − →
J 2 = ( S 1 + S 2 )2 = S12 + S22 + 2 S1 · S2
on constate une W est une combinaison linéaire d’autres observables et ne doit donc
pas figurer dans la série. On doit donc chercher les valeurs et vecteurs propres de S12 , S22 , J 2
et JZ (dont dépend linéairement W ) en fonction de ceux de S12 , S1Z , S22 et S2Z (situation
de référence avec H = 0). On travaillera dans la base orthonormée et complète de ces
derniers vecteurs propres.
35
Puisque JZ = S1Z + S2Z , on a :
JZ | − 1/2, −1/2i = S1Z | − 1/2i + S2Z | − 1/2i = − 21 ~ − 12 ~ = −~
J | − 1/2, +1/2i = S | − 1/2i + S | + 1/2i = − 1 ~ + 1 ~ = 0
Z 1Z 2Z 2 2
1 1
JZ | + 1/2, −1/2i = S1Z | + 1/2i + S2Z | − 1/2i = 2 ~ − 2 ~ = 0
J | + 1/2, +1/2i = S | + 1/2i + S 1 1
Z 1Z +2Z | + 1/2i = 2 ~ + 2 ~ = ~
Introduisons les opérateurs création et annihilation des deux spins définis par la relation
S1± = S1X ± i S1Y et analogue ; on vérifie aisément que
d’où :
J 2 = S12 + S22 + 2 S1Z S2Z + S1+ S2− + S1− S2+
S12 , S1Z , S1− et S1+ n’agissent que sur le premier spin avec `1 = 21 et m1 = ± 12 selon les
règles suivantes (les exceptions m1 = `1 pour S1+ et m1 = −`1 pour S1− ne posent qu’un
problème formel car la formule génère un coefficient nul conforme à la théorie élaborée plus
haut) :
S12 |`1 , m1 i = `1 (`1 + 1) ~2 |`1 , m1 i = 34 ~2 |`1 , m1 i
S1Z |`1 , m1 i = m1 ~ |`1 , m1 i
q
3
p
S 1+ 1|` , m1 i = ` (`
1 1 + 1) − m 1 (m 1 + 1) ~ |` 1 , m1 + 1i = 4 − m1 (m1 + 1) ~ |`1 , m1 + 1i
q
S1− |`1 , m1 i = `1 (`1 + 1) − m1 (m1 − 1) ~ |`1 , m1 − 1i = 3 − m1 (m1 − 1) ~ |`1 , m1 − 1i
p
4
1 2 3 3
J |m1 , m2 i = + + 2 m1 m2 |m1 , m2 i + · · ·
~2 4 4
r r
3 3
··· + − m1 (m1 + 1) − m2 (m2 − 1) |m1 + 1, m2 − 1i + · · ·
4 4
r r
3 3
··· + − m1 (m1 − 1) − m2 (m2 + 1) |m1 − 1, m2 + 1i
4 4
36
d’où, sans développer les calculs (en particulier les racines sont égales à 0 ou à 1) qui
sont élémentaires :
J 2 | − 1/2, −1/2i = 2 ~2 | − 1/2, −1/2i
J 2 | − 1/2, +1/2i = ~2 | − 1/2, +1/2i + ~2 | + 1/2, −1/2i
Les kets | − 1/2, −1/2i et | − 1/2, −1/2i sont donc valeurs propres de J 2 avec la valeur
propres 2 ~2 qui doit être de la forme ` (` + 1) ~2 (avec ` > 0) ; la solution (on sait qu’elle
est unique) saute aux yeux ; c’est ` = 1 ; il sont, rappelons-le valeurs propres de JZ avec
m = −1 et m = +1.
Par contre, les kets | − 1/2, +1/2i et | + 1/2, −1/2i ne sont pas valeurs propres de J 2 ;
ils forment une base de l’espace vectoriel des vecteurs propres de JZ de valeur propre
nulle (m = 0). Dans cet espace, cherchons des vecteurs propres de J 2 sous forme de la
combinaison linéaire |Ψ i = x | − 1/2, −1/2i + y | + 1/2, +1/2i que l’on reporte dans la
définition d’un vecteur propre (J 2 |Ψ i = λ |Ψ i) ; avec les expressions de J 2 | − 1/2, +1/2i et
J 2 | + 1/2, −1/2i, on obtient, en projection sur la base, le système :
(
~2 (x + y) = λ x
~2 (x + y) = λ y
L’équation caractéristique (qui exprime que le déterminant est nul) après mise sous
forme homogène est
0 = (~2 − λ)2 − (~2 )2 = λ2 − 2 ~2 λ
37
−
→ − →
ces quatre vecteurs (partir de la remarque sur la non-indépendance de S1 · S2 d’avec les
autres observables.).
Trois d’entre eux (| − 1/2, +1/2i, √12 (| − 1/2, −1/2i + | + 1/2, +1/2i), | + 1/2, −1/2i)
correspondent à ` = 1 et respectivement m = −1, m = 0 et m = +1 ; on dit qu’ils forment
un triplet.
Le dernier ( √12 (| − 1/2, −1/2i − | + 1/2, +1/2i)) correspond à ` = 0 et m = 0 ; on dit
qu’il forme un singulet.
Remarquons que la règle sur les valeurs de m, comprises entre −` et +`, est bien vérifiée
dans les deux cas.
Soit deux systèmes sans interaction, le premier décrit par les observables H1 , J12 et J1Z
→
−
(une composantes de l’opérateur J 1 ) commutant deux à deux dont les vecteurs propres
sont quantifiés par trois nombres quantiques n1 , `1 et m1 et le second décrit par les obser-
→
−
vables H2 , J22 et J2Z (une composantes de l’opérateur J 2 ) commutant deux à deux dont
les vecteurs propres sont quantifiés par trois nombres quantiques n2 , `2 et m2 . En l’absence
d’interaction, les observables de l’un commutent aussi avec celles de l’autre et un vecteur
propre commun aux six observables, pourra être noté |n1 , n2 , `1 , `2 , m1 , m2 im1 m2 (l’indice
rappele le choix de J1Z etJ2Z dans la série d’observables).
→
− → −
En présence d’une énergie d’interaction, par exemple en W = K J1 · J2 , on doit (cf
supra) remplacer le système d’observables par celui-ci : H1 , H2 , J12 , J22 , J 2 et JZ décrit par
les mêmes nombres quantiques pour les quatre premières et ` et m pour les deux nouvelles ;
on ne parle pas de W qui s’exprime en fonction de trois de ces observables (cf supra). Les
vecteurs propres communs s’écriront |n1 , n2 , `1 , `2 , `, mi`m (l’indice rappele le choix de J 2
etJZ dans la série d’observables).
Le problème est de déterminer les valeurs propres associées aux |n1 , n2 , `1 , `2 , `, mi`m et
d’exprimer ceux-ci en fonctions des |n1 , n2 , `1 , `2 , m1 , m2 im1 m2 . Pour cela, on va se servir
exclusivement des observables et opérateurs suivants J1Z , J1+ , J1− , J2Z , J2+ et J2− dont
l’action sur un ket propre donne soit un vecteur qui lui est proportionnel, soit un vecteur
proportionnel au ket propre qui en diffère par la modification d’une unité dans un sens ou
dans l’autre de m1 ou m2 , donc on travaille à n1 , n2 , `1 et `2 constant. On pourra donc
décomposer le problème général en problèmes élémentaires correspondant chacun à une
valeur de ce quatruplet de nombres quantiques.
On va donc, à `1 et `2 donnés (n1 et n2 ne joueront en fait aucun rôle dans le calcul)
passer de la représentation (m1 , m2 ) à la représentation (`, m). On abrégera la notation en
|m1 , m2 i12 et |`, mi`m pour les kets propres de ces représentations. Nous nous appuierons
sur un exemple assez simple pour que les calculs ne soient pas trop lourds mais pas trop
afin de ne pas en masquer la complexité. Le cas `1 = `2 = 1 semble un bon compromis.
38
Puisque JZ = J1Z + J2Z , on a pour les |m1 , m2 i12 , m = m1 + m2 . Puisque m1 et m2
prennent les valeurs discrètes de −`1 à +`1 pour m1 et de −`2 à +`2 pour m2 , m prend
les valeurs discrètes de −(`1 + `2 ) à +(`1 + `2 ). Sur notre exemple `1 = `2 = 1, m prend
les valeurs suivantes :
– la valeur m = −2 pour | − 1, −1i12
– la valeur m = −1 pour | − 1, 0i12 et |0, −1i12
– la valeur m = 0 pour | − 1, +1i12 , |0, −1i12 et | + 1, −1i12
– la valeur m = +1 pour | + 1, 0i12 et |0, +1i12
– la valeur m = +2 pour | + 1, +1i12
Première constatation, le sous-espace vectoriel des kets propres à J 2 et JZ pour lesquels
m = +2 (ou m = −2) et ` n’est pas fixé est de dimension 1 ; donc ne correspond qu’à
une seule valeur de `, sinon il serait de dimension multiple avec l’ensemble des différents
|`i , mi comme base. Cette valeur est supérieure ou égale à 2 pour respecter la contrainte
m ∈ [−`, +`]. Elle ne peut être strictement supérieure à m sinon l’action de l’opérateur J+
sur le ket de base générerait un autre ket avec la même valeur de ` et surtout m augmenté
d’une unité, c’est-à-dire égal à 3, ce que les résultats du tableau précédent infirment. Il ne
nous reste qu’à tirer la conclusion qui s’impose, l’identification de | + 1, +1i12 à |2, 2i`m et
de même de | − 1, −1i12 à |2, −2i`m .
Si on applique l’opérateurpJ− = J1− + J2− à l’égalité |2, 2i`m = | + 1, +1i12 avec les
formules d’allure J− |`, mi = ` (` + 1) − m (m − 1) |`, m − 1i avec ` = 2 à gauche où l’on
utilise la base « `m », `1 = 1 à droite (où l’on utilise la base « 12 ») où J1− ne modifie que
m1 et `2 = 1 à droite où J2− ne modifie que m2 , on tire successivement :
√ √ √
4 |2, 1i`m = 2 |0, +1i12 + 2 | + 1, 0i12
1 1
|2, 1i`m = √ |0, +1i12 + √ | + 1, 0i12
2 2
En réitérant trois fois le processus, on arrive à :
√ 1 √ √ 1 √ √
6 |2, 0i`m = √ 2 | − 1, +1i12 + 2 |0, 0i12 + √ 2 |0, 0i12 + 2 | + 1, −1i12
2 2
1 2 1
|2, 0i`m = √ | − 1, +1i12 + √ |0, 0i12 + √ | + 1, −1i12
6 6 6
Puis, sans détailler les calculs à :
1 1
|2, −1i`m = √ |0, −1i12 + √ | − 1, 0i12
2 2
et à :
|2, −2i`m = | − 1, −1i12
ce dernier résultat étant déjà connu. A remarquer que l’on pouvait trouver tout cela à
partir de cette dernière égalité par l’application successive de J+ .
39
Nous avons donc déterminé les cinq kets propres correspondant à ` = 2 et m variant
de −2 à +2.
Dans le sous-espace vectoriel des kets propres à J 2 et JZ pour lesquels m = +1 permet-
tant des valeurs de ` égales à 1 ou 2 (pas plus car sinon on aurait un ket propre |3, 3i`m qui
est exclu (cf supra), pas moins car il faut m 6 `), on vient de trouver le ket propre |2, 1i`m .
Recherchons donc |1, 1i`m . Il est dans le sous-espace vectoriel correspondant à m = 1 donc
de la forme :
|1, 1i`m = x |0, +1i12 + y | + 1, 0i12
et dans ce sous-espace, il doit être orthogonal à |2, 1i`m car deux kets propres avec des
valeurs propres différentes (celles de ` en l’occurrence) le sont (voir chapitre B-XVIII sur
les outils et l’axiomatique), d’où en effectuant le produit hermitien (aisé car √12 est réel)
et après simplification x + y = 0, ce qui donne, après normalisation :
1 1
|1, 1i`m = √ |0, +1i12 − √ | + 1, 0i12
2 2
L’application deux fois de suite de l’opérateur J− = J1− + J2− à cette égalité donne
(on ne mentionne plus les calculs) :
1 1
|1, 0i`m = √ | − 1, +1i12 − √ | + 1, −1i12
2 2
1 1
|1, −1i`m = √ |0, −1i12 − √ | − 1, 0i12
2 2
et est orthogonal aux deux autres (cf supra) soit, après simplifications, x + 2 y + z = 0
et x − z, soit x = z = −y et après normalisation :
1 1 1
|0, 0i`m = √ | − 1, +1i12 − √ |0, 0i12 + √ | + 1, −1i12
3 3 3
Au vu du dernier calcul, on se doute que plus `1 et `2 est élevé, plus longs seront les
calculs mais la méthode restera la même. A chaque valeur du couple (`1 , `2 ) correspond un
jeu de coefficients qui sont les composantes des |`, mi`m dans la base des |m1 , m2 im1 m2 .
Ces coefficients sont connus sous le nom de coefficients de Clebsch-Gordan.
40