Gist
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Gist
THÉMATIQUE
PATHOLOGIQUES
À TAPER
RÉSUMÉ
SUMMARY
Les tumeurs stromales gastrointestinales (GIST) sont les sarcomes les plus
fréquents du tube digestif. Ces tumeurs peuvent se développer à partir de Histology and molecular pathology of
tous les segments du tractus digestif, depuis l’œsophage jusqu’à l’anus, gastrointestinal stromal tumors (GIST)
ou exceptionnellement à partir du mésentère et du péritoine. Les circons-
tances de découverte les plus fréquentes sont des douleurs abdominales, Gastrointestinal stromal tumors (GIST) are the
des saignements digestifs, des troubles du transit ou la présence d’une most frequent sarcoma of the digestive tract. These
masse abdominale palpable. Toutefois ces tumeurs restent longtemps tumors can arise anywhere in the gastrointestinal
peu symptomatiques. De ce fait, 10 à 20 % sont de découverte fortuite et tract, from oesophagus to anus, and rarely from
15 à 50 % sont découvertes à un stade métastatique. Macroscopiquement, peritoneal cavity or mesentery. The most frequent
les GIST sont généralement des tumeurs bien limitées, à développement symptoms are abdominal pain, gastrointestinal
extra-pariétal, de consistance ferme, de couleur chair de poisson avec de bleeding, abdominal mass or bowel movement
fréquents remaniements hémorragiques. Les GIST se caractérisent his- disorder. GIST usually remain asymptomatic for
tologiquement par une prolifération importante de cellules le plus souvent a long time, and 10 to 20 % are found incidentally
fusiformes ou épithélioïdes. Le diagnostic doit être confirmé par l’immuno- at endoscopy or at time of surgery for others rea-
histochimie, avec une positivité de KIT dans 95 % des cas, ou par la biologie sons. At diagnosis, metastases are found in 15 to
moléculaire, avec des mutations de KIT ou PDGFRA dans 85 % des cas. 50 % of cases. Macroscopicaly, GIST are usually
Toute GIST est a priori maligne, et le risque de récidive ou de métastase est well limited, with extra-parietal development, firm
actuellement évalué en fonction de la taille tumorale et l’activité mitotique. in consistency, like flesh of fish in color and with
Des métastases se développent chez 30 à 50 % des patients atteints de frequent intra-tumoral hemorrage. Histologicaly,
GIST. Celles-ci sont totalement résistantes aux chimiothérapies convention- they are characterized by an important cellular
nelles, mais l’utilisation des thérapies ciblées avec des anti-oncogènes tels proliferation constituted of epithelioid or spindle
le Glivec® (Imatinib Mesylate), constitue l’un des progrès thérapeutiques cell. In all cases, diagnosis must be confirmed
majeurs de ces dernières années en cancérologie. by immunohistochemistry, with positivity of KIT
in 95 % of cases, or by molecular biology, with
Tumeur – sarcome – tractus digestif – KIT – récepteurs tyrosine kinase. «gain of function» mutation of KIT or PDGFRA
in 85 % of cases. All GIST have a malignant po-
tential. Mitotic activity and tumor size are the two
principal prognostic factors to assess the risk of
1. Introduction relapse or metastastatic evolution. Metastases
occured in 30 to 50 % of patients with GIST. GIST
Les tumeurs stromales gastrointestinales (GIST) ont été are highly resistant to conventional chemotherapy
décrites dès 1983 [17], mais ce n’est que depuis la décou- and results obtained with new targeted therapies
verte du phénotype particulier des cellules tumorales, like Glivec® are one of the major progress in on-
avec l’expression fréquente du CD34 [26] et celle quasi cology during the last ten years.
constante de KIT [15], il y a une dizaine d’années, que ces
Tumor – sarcoma – digestive tract – KIT
– tyrosine kinase receptors.
a Service de pathologie
Hôpital universitaire Ambroise-Paré (AP-HP)
9, av. Charles-de-Gaulle
92104 Boulogne cedex
b Faculté de médecine PIFO, UVSQ, Guyancourt.
c INSERM U602 – Villejuif. tumeurs sont réellement individualisées. En pratique, ce
d INSERM U590 – Lyon. n’est que depuis le début du millénaire que les GIST sont
diagnostiquées en routine, et clairement distinguées des
* Correspondance autres tumeurs mésenchymateuses digestives telles les
jean-francois.emile@apr.aphp.fr léiomyomes, léiomyosarcomes ou schwannomes.
La localisation des GIST à la musculeuse, tout le long du
article reçu le 21 septembre, accepté le 7 octobre 2007. tractus digestif, et leur expression quasi constante de KIT
© 2007 – Elsevier Masson SAS – Tous droits réservés. suggèrent fortement que ces tumeurs dérivent de progé-
Figure 3
a b c
L’expression de KIT est généralement intense, cytoplasmique et/ou membranaire, et détectable sur la totalité des cellules tumorales de GIST (A). En cas de négativité,
la détection de quelques mastocytes positifs, au sein de la tumeur ou de la muqueuse adjacente, est indispensable pour éliminer un faux négatif (B). Dans certains
cas, le marquage des cellules tumorales est plus hétérogène, ou limité à un petit amas intra-cytoplasmique (C), considéré comme un marquage de l’appareil de Golgi.
5. Évolution et traitement
b Toutes les GIST sont potentiellement malignes, et le risque
de récidive après résection peut être évalué selon la taille
et l’index mitotique (tableau I). Il est probable que d’autres
paramètres, tels la localisation gastrique, la présence de
nécrose et le type de mutation, aient une valeur pronostique
[10], mais ceci mérite d’être évalué sur de grandes séries
prospectives de patients. La valeur pronostique des muta-
tions, publiée initialement [24], est actuellement débattue
[11]. Les métastases de GIST se localisent au foie dans
L’ADN tumoral peut être extrait sous contrôle histologique à partir des blocs fixés ou 2/3 des cas ou dans le péritoine dans 1/4 des cas. Les
congelés, puis les mutations de KIT et PDGFRA sont identifiées par séquençage métastases ganglionnaires sont rares, ce qui justifie de
des produits d’amplification. Une étape de screening par LAPP (A) permet ici de détecter
un pic correspondant à l’allèle sauvage (flèche rouge) et un allèle muté (flèche bleu). ne pas faire de curage lorsque le diagnostic est suspecté.
Dans le cas présent, le pic muté est nettement plus élevé, attestant d’une mutation Les métastases pulmonaires sont également rares, et leur
homozygote, qui est ensuite identifiée par séquençage (B).
survenue peut justifier de rediscuter le diagnostic.
Le seul traitement curatif des GIST est la résection chirurgi- Un traitement adjuvant, après résection complète d’une
cale des tumeurs localisées. Les GIST métastatiques sont GIST, est également probablement utile [8]. Un essai cli-
actuellement incurables. Elles sont totalement résistantes nique visant à confirmer ceci est actuellement en cours
aux chimiothérapies usuelles [2] et à la radiothérapie. Le en Europe sur des patients ayant un risque intermédiaire
développement de thérapies ciblées avec des inhibiteurs ou élevé de récidive. Ici encore, la recherche de mutation
des récepteurs tyrosine kinase, tels le Glivec® (Imatinib pourrait être extrêmement utile pour la prise en charge
Mesylate) a heureusement fortement amélioré la survie des des patients.
patients atteints de GIST métastatiques. En effet, alors que
dans les séries historiques la survie globale de ces patients
était de l’ordre de 18 à 24 mois, le Glivec® permet d’obtenir 6. Conclusion
une réponse tumorale (réponse objective ou stabilité de
plus de 6 mois) chez 85 % à 90 % d’entre eux, avec des Les GIST sont un des meilleurs exemples de l’intérêt de la
survies sans progression de 24 mois et des survies globa- recherche actuelle en cancérologie. En effet, en l’espace
les supérieures à 36 mois. [23]. La réponse tumorale est de 3 ans, une tumeur pratiquement inconnue a pu être
nettement corrélée à la présence de mutations de KIT [14], individualisée et facilement diagnostiquée en raison de
avec des réponses plus fréquentes chez les patients ayant l’identification d’un oncogène (KIT), puis traitée efficace-
des mutations de l’exon 11 de KIT. De plus, les patients ment avec un inhibiteur spécifique de cet oncogène (Gli-
ayant une mutation de l’exon 9 de KIT ont une survie aug- vec®). Encore 3 ans plus tard, l’étude de grandes cohortes
mentée lorsqu’ils sont traités à double dose (800 ou lieu de de patients a permis de démontrer l’association entre le
400 mg/jour) [27]. De ce fait, les oncologues demandent de type de mutation et la réponse à ce traitement, et permet
plus en plus fréquemment la recherche de mutations chez maintenant d’envisager des traitements « à la carte » pour
les patients atteints de formes métastatiques. chaque patient.