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PIPELINE SAINT-LAURENT
PAR LA SANTÉ PUBLIQUE
Mémoire
présenté au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE)
dans le cadre de la consultation publique sur le
projet Pipeline Saint-Laurent (Ultramar)
par
les directeurs régionaux de santé publique
Docteur John Carsley
Docteur André Dontigny
Docteur Philippe Lessard
Docteure Jocelyne Sauvé
Avril 2007
Auteurs
Secrétariat
Monique Hébert-Langevin
Dans ce document, le générique masculin est utilisé sans intention discriminatoire et uniquement
dans le but d’alléger le texte.
TABLE DES MATIÈRES
1 LA SANTÉ PUBLIQUE
Le Québec est divisé en 18 régions sociosanitaires. Chacune de ces régions est dirigée par
un directeur régional de santé publique dont le rôle est défini dans la Loi sur les services de
santé et les services sociaux (L.R.Q., c. S-4.2, a. 373). Ainsi, dans sa région, chaque
directeur régional de santé publique est responsable :
• d'informer la population de l'état de santé général des individus qui la composent, des
problèmes de santé prioritaires, des groupes les plus vulnérables, des principaux
facteurs de risque et des interventions qu'il juge les plus efficaces, d'en suivre
l'évolution et, le cas échéant, de conduire des études ou recherches nécessaires à
cette fin;
• d'identifier les situations susceptibles de mettre en danger la santé de la population et
de voir à la mise en place des mesures nécessaires à sa protection;
Toute action de santé publique est guidée par des valeurs et des principes éthiques tels
que le bien commun, la bienfaisance, l’autonomie, la responsabilité, la justice et la
protection des communautés vulnérables. Ces valeurs et principes éthiques permettent de
définir ce qui est souhaitable, tolérable et acceptable aux yeux de la santé publique. 1
L’état de santé des individus et des collectivités est déterminé par un ensemble de facteurs
environnementaux, économiques et sociaux qui sont en interaction. Ces déterminants de la
santé sont regroupés en cinq catégories : les facteurs biologiques, les habitudes de vie et
les comportements, l’environnement physique, l’environnement social (milieu de vie et
conditions de vie) ainsi que l’organisation du système de soins et de services 1.
Les environnements physique et social doivent exercer une influence positive et favoriser le
plein épanouissement de l’humain peu importe le milieu dans lequel celui-ci évolue. Selon
l’Organisation mondiale de la santé, un tel milieu doit être exempt de risques majeurs pour
la santé (exemples : pollution chimique, dégradation de l’environnement, catastrophes),
remplir les conditions fondamentales pour une vie en bonne santé (exemples : accès à une
eau de qualité, à des conditions d’hygiène et de salubrité adéquates) et faciliter une
interaction sociale équitable. 2 Un aménagement adéquat du territoire permet d’éloigner les
usages sensibles (résidentiel, institutionnel) des usages à risque (industriel, agricole,
routier). C’est dans cette optique que les directeurs régionaux de santé publique ont profité
de diverses tribunes pour prendre position dans des projets favorisant la protection des
a
Chaque région sociosanitaire est administrée par une Agence de la santé et des services sociaux.
C’est en fonction de ces principes que les directeurs régionaux de santé publique analysent
tout projet dont la réalisation est susceptible d’avoir un impact sur la santé de la population
de leur région.
Ce mémoire contient également une section portant sur la comparaison entre le train-bloc
et le pipeline projeté pour le transport des produits pétroliers afin de répondre à une
demande formulée par le BAPE lors de l’audience tenue le 14 mars 2007.
Présentement, le transport de ces 50 000 barils se fait principalement (40 000 barils; 80 %)
par trains-blocs. Cela représente jusqu’à 8 convois (cycle moyen de moins de 48 heures,
soit 16 voyages distincts) de 68 wagons-citernes qui sont acheminés chaque semaine en
direction de Montréal. Le transport de la partie restante (10 000 barils; 20 %) se fait par
navires côtiers. En 2005, le promoteur a eu recours à 83 navires pour l’expédition de
produits pétroliers légers vers Montréal-Est, ce qui correspond à une moyenne de
1,6 navire sur une base hebdomadaire.
Plusieurs solutions ont été envisagées par le promoteur pour transporter ses 100 000 barils
prévus par jour, mais aucune n’est jugée satisfaisante. Le promoteur propose donc la
construction d’un pipeline sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, entre sa raffinerie
Jean-Gaulin de Lévis et Boucherville. Le promoteur utiliserait les conduites existantes sous
le fleuve Saint-Laurent entre Boucherville et le quai de Montréal-Est pour rejoindre son
terminal de Montréal-Est. Le tracé du pipeline chevauche quatre régions administratives
(Chaudière-Appalaches, Centre-du-Québec, Montérégie et Montréal) ainsi que les villes de
Lévis, de Longueuil et de Montréal.
Le projet comprend :
• la mise en sol d’une conduite d’environ 245 kilomètres et d’un diamètre extérieur de
406,4 millimètres (16 pouces), enfouie à une profondeur minimale de 1,2 mètre en
milieu cultivé et de 0,9 m ètre en milieu boisé;
• l’installation de 30 vannes de sectionnement, 6 gares de raclage et 2 postes de
pompage (2 autres postes sont à venir et sont déjà inclus dans l’étude d’impact);
• certaines modifications et/ou ajouts aux installations de Lévis et de Montréal-Est.
Suite à la documentation déposée au BAPE par le promoteur dans le cadre de son projet
de pipeline, deux situations nous préoccupent en ce qui concerne l’évaluation des risques
technologiques : (1) l’absence d’une évaluation des conséquences liées aux risques
toxicologiques pour les produits pétroliers lorsqu’il y a déversement sans que ceux-ci ne
s’enflamment; (2) les impacts des effets dominos possibles.
Nous nous questionnons sur les impacts que pourrait engendrer un déversement de
produits pétroliers sans ignition, comme ce fut le cas dans 370 des 379 déversements
rapportés. Les produits qui seront transportés dans le pipeline du promoteur possèdent, en
plus de leurs propriétés inflammables, des propriétés toxiques. Si nous prenons pour
exemple l’essence, l’inhalation des vapeurs est la principale voie d’absorption pour la
population lors d’un déversement majeur. C’est un produit qui affecte principalement les
muqueuses et le système nerveux central. Une intoxication aiguë est caractérisée par des
étourdissements, des céphalées, des nausées et une irritation des muqueuses 4. Dans les
cas d’intoxications sévères, les vapeurs d’essence ont un effet anesthésiant engendrant un
état d’ébriété avec confusion, une désorientation, le coma et même la mort, si les
concentrations sont suffisamment élevées. L’annexe A présente un tableau résumant les
effets à la santé associés à l’inhalation des vapeurs d’essence, en fonction des
concentrations dans l’air et du temps d’exposition.
Des normes et des critères ont été développés pour estimer l’ampleur des impacts
potentiels des substances chimiques sur la population lors d’accidents industriels. Par
exemple, des valeurs ERPG (Emergency Response Planning Guideline) ont été
développées par l’American Industrial Hygiene Association et elles sont couramment
utilisées dans les analyses de risque. Lorsque ces valeurs ne sont pas disponibles, comme
c’est le cas pour l’essence, il est possible d’avoir recours aux TEEL (Temporary Emergency
Exposure Limits). Les TEEL sont des valeurs temporaires développées selon une
méthodologie approuvée par le Department of Energy des États-Unis. Les valeurs TEEL
pour l’essence sont présentées à l’annexe B.
Considérant les effets toxiques liés à l’essence, nous croyons qu’une analyse de risque
pour ces effets devrait être effectuée afin de délimiter l’étendue des zones d’impact pour la
population en cas de fuite des produits pétroliers sans ignition. Cette analyse devrait être
faite avec les mêmes brèches de référence utilisées dans le calcul des impacts en cas de
fuite avec ignition. Cette analyse devrait également considérer les risques associés à une
évacuation de la population. En effet, une évacuation doit être faite chaque fois que
survient un déversement important de produits pétroliers afin d’assurer la sécurité de la
population, dans le cas où les produits s’enflammeraient par la suite.
Recommandation 1 :
Le promoteur devrait compléter l’analyse des impacts associés à l’ignition des produits
pétroliers transportés par le pipeline avec une analyse des impacts des effets toxiques en
cas de fuite sans ignition.
Dans l’étude de risque initiale, l’auteur rapporte à la section 4.5.5.1 de l’annexe N (volume
3) la possibilité d’effets dominos sur les conduites adjacentes au futur pipeline du
promoteur, pour la partie du pipeline située à Montréal-Est. Un premier groupe de
conduites souterraines est situé sous le fleuve Saint-Laurent et sur la portion terrestre entre
le quai et la rue Sherbrooke. Ces conduites transportent des produits inflammables tels que
l’hydrogène, l’éthylène et le propane ainsi que des produits pétroliers. Au nord de la rue
Sherbrooke, le pipeline du promoteur sera aussi adjacent à d’autres pipelines dont certains
sont hors terre. L’auteur de l’étude de risque mentionne qu’une fuite qui s’allumerait dans la
portion terrestre du pipeline du promoteur pourrait provoquer des ruptures, des feux ou des
explosions impliquant les autres conduites et pipelines. La Direction de santé publique de
Montréal a déjà demandé au promoteur d’estimer les risques et les zones d’impact qui
pourraient découler de cet effet domino. Le promoteur a répondu « qu’il n’est pas en
mesure de répondre à cette demande, puisqu’elle implique des pipelines appartenant à
d’autres compagnies » (addenda 1, section 2.6).
Nous jugeons cette réponse peu satisfaisante, car si les conséquences potentielles d’un tel
accident ne sont pas connues, il nous est difficile de croire que le promoteur sera en
mesure de prévoir les mesures de mitigation nécessaires pour réduire au minimum ce
risque d’effets dominos. Le promoteur possède déjà plusieurs conduites situées à l’intérieur
du corridor prévu pour le présent projet, dont 2 sont louées à la compagnie Parachem pour
le transport de benzène, de toluène et de xylène (addenda 1, tableau 2.8), en plus des
2 conduites de 508 millimètres (20 pouces) qui serviront à acheminer des produits
pétroliers entre le quai et le terminal de Montréal-Est. Par conséquent, le promoteur devrait
minimalement estimer les effets dominos qui pourraient survenir sur ses propres conduites.
Il nous paraît important d’estimer ces effets, particulièrement dans le cas où plusieurs
conduites sont adjacentes et situées dans des zones densément peuplées, comme c’est le
cas dans l’est de Montréal, de façon à bien évaluer les risques pour la population.
De plus, nous croyons qu’il devrait être possible pour une compagnie de faire une analyse
des effets dominos même si cela implique des conduites appartenant à une autre
entreprise. Selon nous, le comité regroupant toutes les compagnies pipelinières de l‘est de
Montréal (addenda 1, section 2.6) doit prendre les mesures nécessaires afin que
l’estimation des effets dominos puisse être faite lorsque des conduites sont adjacentes, peu
importe à qui elles appartiennent. Nous croyons aussi que les autorités gouvernementales
compétentes doivent déterminer des règles et des façons de faire dans de tels cas qui
s’appliqueraient à l’ensemble du territoire québécois.
Recommandation 2 :
Le promoteur devrait minimalement estimer les effets dominos qui pourraient survenir sur
ses propres conduites, s’il ne peut le faire pour les conduites appartenant aux autres
entreprises. Le promoteur devrait également employer tous les moyens à sa disposition
pour diminuer les risques d’effets dominos, particulièrement dans les zones densément
peuplées comme l’est de Montréal.
Lors d’un incendie majeur impliquant des produits pétroliers, la zone à risque est
déterminée à l’aide de seuil d’exposition basé sur le rayonnement thermique. Actuellement,
le seuil retenu pour établir les zones d’exclusion ou d’intervention en cas d’accident
industriel majeur est de 5 kW/m 2 aux États-Unis et au Canada 5. Récemment, le
gouvernement de la République française a adopté une limite plus conservatrice de
3 kW/m2 pour une exposition de plus d’une minute. L’annexe C présente un résumé des
effets sur la santé associés à différents degrés de rayonnement thermique.
En présence d’un risque d’explosion, les effets de la surpression sont considérés dans
l’analyse des conséquences d’accidents. Selon le guide du Conseil pour la réduction des
accidents industriels majeurs (CRAIM), les seuils à considérer pour la protection de la vie
humaine sont de 2,0 psi pour les effets létaux, 1,0 psi pour les effets irréversibles et de
0,3 psi pour les effets indirects (blessures survenant à la suite du bris de vitres).
Les tableaux 1 et 2 comparent les seuils d’effets sur les structures et la santé présentés
dans l’étude d’impact du promoteur et ceux figurant dans le guide du CRAIM5 . On peut y
remarquer certaines différences quant aux qualificatifs employés, notamment concernant le
seuil d’effets irréversibles pour la radiation thermique qui est considéré à 5 kW/m 2 par le
promoteur et à 3 kW/m2 par le CRAIM.
Dans le cas de la surpression, on note que des effets irréversibles à la santé sont observés
à 1 psi, alors que des effets indirects peuvent également être présents à 0,3 psi. Ces seuils
d’effets doivent donc être pris en compte dans la détermination du rayon d’impact d’un
accident impliquant le pipeline afin que la population soit informée des risques auxquels
elle serait exposée en cas d’accident.
Dans le souci d’assurer une bonne planification des mesures d’urgence et d’informer la
population sur les conséquences d’un accident au pipeline, nous recommandons que le
promoteur révise ses zones à risque et identifie clairement les éléments sensibles dans ces
zones.
Recommandation 3 :
En plus d’indiquer les rayons d’impact pour les seuils de 5 et de 12,5 kW/m 2, le promoteur
devrait également délimiter une zone à risque autour du pipeline à partir de la limite de
3 kW/m2 pour les effets de la radiation thermique et de 0,3 psi pour les effets de la
surpression, en tenant compte des marges d’erreur rattachées aux modèles utilisés.
Les secteurs urbains, les résidences et les éléments sensibles présents à l’intérieur de la
zone à risque devraient être clairement identifiés dans le cadre de la planification des
mesures d’urgence.
Lors d’une fuite d’hydrocarbures, il peut y avoir un incendie, une explosion ainsi qu’une
intoxication de la population. L’étendue des conséquences dépend en grande partie de la
quantité de produits déversés. Il est donc souhaitable de réduire au minimum la quantité de
produits pétroliers pouvant se déverser lors d’un accident. À cet effet, nous recommandons
deux modifications aux mesures d’urgence présentées par le promoteur afin de diminuer
les risques pour la population.
Dans l’analyse de risque fournie par le promoteur, les scénarios alternatifs présentés
impliquent que la quantité maximale de produits pétroliers pouvant se déverser est la
suivante :
Cette analyse suppose donc un arrêt de la fuite après une heure. Or, il est prévu que les
équipes d’intervention du promoteur responsables de colmater la fuite et/ou de contenir le
déversement seront basées à Montréal-Est et à Saint-Romuald. Considérant que le
pipeline s’étendra sur 245 kilomètres, un délai d’intervention d’une heure nous semble être
une évaluation très optimiste. Par exemple, si un accident survenait à Drummondville, le
temps requis uniquement pour le déplacement de l’équipe d’intervention dépasserait fort
probablement une heure. Les conséquences de l’accident pourraient alors excéder les
seuils précisés dans l’étude d’impact, ceux-ci mettant déjà à risque une population
importante. Afin de réduire au minimum la quantité de produits pétroliers potentiellement
déversée, l’intervention sur le pipeline doit avoir lieu le plus rapidement possible.
Recommandation 4 :
Lors d’une fuite sur le pipeline, les vannes de sectionnement seront fermées en amont et
en aval afin de réduire la quantité de produits pétroliers pouvant se déverser en un point
précis. Toutefois, la distance entre deux vannes de sectionnement peut aller jusqu’à
30 kilomètres sur le parcours du pipeline. Cela représente un volume de 3 900 m3 de
produits pétroliers, soit l’équivalent de près de 25 000 barils ou de 39 wagons de
trains-blocs pouvant être contenus dans une seule section du pipeline. Par conséquent, si
une fuite sur le pipeline ne peut être colmatée ou qu’elle requiert un laps de temps
important avant d’être colmatée, le volume de produits pétroliers pouvant se déverser est
énorme et pourrait affecter un plus grand nombre de résidences lorsque celles-ci sont
situées à proximité du pipeline. Afin de limiter les risques pour la population, la quantité de
produits pétroliers pouvant se déverser à proximité des résidences devrait être réduite au
minimum.
Recommandation 5 :
Le promoteur a déjà pris soin d’identifier auprès des municipalités les puits municipaux,
industriels et privés situés dans la zone à l’étude. Les puits municipaux de Sainte-Eulalie et
de Saint-Agapit (volume 1, section 7.3.1, pages 7-24) sont d’ailleurs pris en compte dans
l’étude d’impact. Le promoteur mentionne dans cette même section que la localisation des
puits résidentiels sera précisée lors des rencontres individuelles avec les propriétaires
concernés par le projet.
Dans la documentation fournie, le promoteur donne peu de détails concernant le suivi des
sources d’eau potable, particulièrement en ce qui concerne les puits individuels. Afin
d’assurer un suivi adéquat de ces sources d’eau potable, nous jugeons essentiel que
l’ensemble de ces sources se trouvant dans la zone d’influence du pipeline soient
adéquatement caractérisées avant la construction du pipeline. Cette mesure permettra
d’avoir un portrait de la situation avant l’implantation du pipeline et de faire un meilleur suivi
en cas de contamination des puits. Le suivi de la qualité de l’eau potable devra être fait à la
satisfaction de leurs propriétaires.
Recommandation 6 :
L’utilisation d’explosifs à proximité de zones résidentielles peut être une source d’exposition
au monoxyde de carbone (CO) pour la population. Lors du dynamitage, le CO peut migrer
latéralement dans le sol et s’accumuler dans les résidences situées à proximité. Le CO est
un gaz qui n’est pas détecté par les sens. Absorbé par voie respiratoire, il passe
rapidement dans le système sanguin pour s’associer à l’hémoglobine. Les symptômes
découlant d’une exposition vont des céphalées au décès en passant par la confusion, les
nausées et la perte de conscience.
On comprend encore mal les mécanismes qui ont une influence sur la migration du CO
dans le sol6. Galarneau 6 a démontré que la distance maximale répertoriée entre le lieu de
dynamitage et le lieu d’intoxication peut atteindre de 150 à 200 mètres. Par ailleurs, l’Institut
de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST) a subventionné une
étude visant à identifier les mécanismes de dispersion du CO lors de travaux nécessitant
l’utilisation d’explosifs, et à tester diverses techniques visant à limiter la propagation du CO
dans le roc lors de tels travaux. Cette recherche a permis , entre autres, d’identifier de
manière plus précise les distances entre le lieu de dynamitage par rapport au lieu
d’intoxication, pour les événements répertoriés de 1991 à 2001 au Québec.7 La distance
maximale identifiée y est plutôt de 53 mètres. De plus, des recommandations précises sur
les actions à mettre en place par les entrepreneurs lors de travaux aux explosifs y sont
formulées. Malgré l’absence d’une réglementation sur le sujet, une entreprise située à
Sherbrooke (Rock Forest) qui, selon nos informations, réalise plus de la moitié des
dynamitages au Québec, applique ces recommandations sur une base volontaire.
Recommandation 7 :
Lors des travaux de dynamitage, le promoteur devrait s’assurer que les entrepreneurs en
dynamitage soient informés du risque de migration du CO et que ces derniers suivent les
recommandations adressées aux entrepreneurs par l’IRSST.
Les informations fournies par le promoteur ne nous ont pas permis de quantifier
adéquatement le degré d’exposition au bruit durant la phase de construction.
Selon l’étude d’impact, un total de 110 résidences se trouvent à moins de 100 mètres de
l’empris e projetée et 14 d’entre elles sont situées dans un secteur rapproché des aires de
travail requises pour les opérations de forage directionnel. De plus, la durée des travaux
près d’une même résidence variera de 30 à 45 jours répartis au cours de la durée totale
des travaux prévue de 2007 à 2009. Le promoteur mentionne qu’au besoin, des mesures
d’atténuation pourront être mises en place (exemples : andains, panneaux acoustiques)
pour réduire les inconvénients associés au bruit durant les travaux de construction, en plus
de celles déjà décrites dans l’étude d’impact (volume 1, chapitre 7, tableau 7.12). Dans le
tableau 7.12, il est notamment prévu que les horaires de travail seront limités, sans
toutefois qu’il soit spécifié si les travaux nocturnes seront proscrits ou encore limités à
certaines situations particulières. Il aurait été souhaitable d’obtenir davantage
d’informations sur les horaires de travail prévus lors de la construction du pipeline, dans le
but de s’assurer que toutes les mesures sont prises pour diminuer le risque d’atteinte à la
santé qui pourrait survenir à la suite d’une perturbation du sommeil chez les occupants des
résidences les plus exposées.
Dans l’ensemble, nous sommes d’avis que les impacts associés au bruit durant les travaux
de construction du pipeline seront limités sur la majeure partie du tracé privilégié. Toutefois,
ces impacts pourraient localement s’avérer plus importants que prévus dans le cas des
résidences présentes au voisinage de l’emprise, de même que pour les secteurs qui se
retrouveront au voisinage d’une station de pompage prévue ou projetée.
Recommandation 8 :
Une fois les installations mises en service, le promoteur devrait réaliser une étude du bruit
émis par les stations de pompage dans le cas où celles-ci se retrouveraient à proximité de
secteurs résidentiels. Le promoteur devra s’assurer que les niveaux sonores mesurés
respecteront les critères sur le bruit émergent recommandés par les directions de santé
publique (DSP) qui proposent un accroissement maximal de 3 dBA la nuit et de 5 dBA le
jour par rapport au bruit ambiant 9 10
. Dans le cas contraire, il devra proposer des mesures
d’atténuation additionnelles pour les équipements ou pour les résidences affectées.
Bien plus qu’une absence de maladie, la santé est « un état de complet bien-être physique,
mental et social »11. L’état de santé d’un individu ou d’une collectivité est déterminé
notamment par un ensemble de facteurs environnementaux, mais également économiques
et sociaux qui sont en interaction. La gestion du risque liée à la réalisation d’un projet doit
en tenir compte.
La perception du risque joue un rôle déterminant dans les décisions que les humains
prennent et la différence dans ces perceptions est souvent au cœur des dissensions
observées entre groupes d’experts et groupes de citoyens 12. Un grand nombre d’attributs
qualitatifs et subjectifs des risques influencent la manière dont le public perçoit le risque 13.
Le tableau 3 présente une liste de 18 facteurs auxquels est confrontée la perception du
risque14. Certains chercheurs rapportent que, si les sentiments face à une activité sont
favorables, les personnes seront plus enclines à juger les risques faibles et les bénéfices
élevés et vice versa15, ainsi les risques et les bénéfices perçus sont, en grande partie, liés à
l’évaluation affective réalisée par un individu. Diverses études confirment que le public
a tendance à surestimer les risques avec les plus faibles probabilités et à sous-estimer
ceux avec les plus fortes probabilités13.
Il nous paraît donc important que le promoteur consacre les efforts appropriés en matière
de communication du risque afin d’informer de manière transparente la population sur les
risques associés à la présence d’un pipeline dans leur voisinage, de manière à ce qu’elle
soit préparée à réagir adéquatement en situation d’urgence.
Recommandation 9 :
Certains participants aux audiences du BAPE ont fait part de leurs inquiétudes et du stress
que pouvaient générer dans leur vie la réalisation du projet Pipeline Saint-Laurent (DT-6,
p. 9; DT-9, p. 78 et 91). Outre les craintes reliées aux risques d’accidents, la négociation
d’ententes « gré à gré », dans un contexte où le promoteur pourra ultimement recourir à
une procédure d’expropriation en cas de désaccord ou de refus exprimé par un
propriétaire, suscite de l’inquiétude et du stress chez plusieurs propriétaires, voire même
une certaine frustration. Plusieurs personnes impliquées dans ces négociations ont
l’impression de se trouver dans une situation univoque, sans garantie que leurs
préoccupations soient entièrement prises en compte advenant la réalisation du projet. Ce
contexte particulier où la réalisation du projet pourrait conduire à l’expropriation de
certaines propriétés ou encore à la conclusion d'ententes insatisfaisantes pour les
propriétaires représente une source d’inquiétude accrue pour la population qui vit déjà un
stress important dans l’éventualité de la perte d’usage de ses biens.
Les DSP sont d’avis que les impacts psychosociaux se rapportant aux acquisitions, au
confinement et au fractionnement des lots suite à la réalisation du projet sont susceptibles
d’avoir un impact significatif sur la santé de la population touchée.
Recommandation 10 :
Que la commission propose des moyens ou des mécanismes de gestion des litiges
pouvant survenir en cours de négociations entre le promoteur et les propriétaires fonciers
(exemple : arbitrage indépendant, etc.). Les frais inhérents devraient être assumés par le
promoteur.
Dans le cadre des audiences publiques, il nous a été demandé de comparer l’utilisation du
train-bloc par rapport à l’actuel projet de pipeline, d’un point de vue de santé publique.
Compte tenu des moyens dont nous disposions et du court laps de temps alloué pour le
faire, cet exercice de comparaison est essentiellement qualitatif. Dans la mesure du
possible, nous appuierons notre réflexion sur des données quantitatives pertinentes et
disponibles. Les principales variables que nous avons privilégiées pour établir notre
comparaison sont la présence de populations exposées, la fréquence des accidents, le
nombre de décès et de traumatismes ainsi que l’émission de gaz à effet de serre (GES).
4.1.1 Pipeline
Cependant, dans un rayon de 285 mètres (zone de 5 kw/m2 dont traite la partie sur les
radiations thermiques et explosion) de part et d’autre du pipeline, le promoteur a dénombré
438 résidences et 6 industries dans son étude d’impact. En ne prenant en compte que des
résidences, et sur la base du nombre moyen de personnes par ménage (maison
individuelle non attenante) au Québec 16, nous estimons à 1 226 la population totale située
dans cette zone. Cette estimation constitue toutefois un minimum, car la zone d’impact
d’une éventuelle fuite avec incendie pourrait toucher des populations situées au-delà de la
zone du 5 kw/m 2.
Une semblable estimation n’est pas possible pour la portion (existante) du pipeline située
dans l’est de l’île de Montréal, car nous ne disposons pas du nombre de résidences pour la
zone de 5 kw/m2. D’une longueur d’environ 2,5 kilomètres, le pipeline longe une zone
résidentielle dont une partie se retrouve dans la zone de 5 kw/m 2 comme on peut le
constater sur la carte fournie par le promoteur (addenda 1, pages 2-5).
Il apparaît que la population potentiellement exposée lors d’un incident technologique (fuite
ou déversement) est nettement plus importante sur le tracé emprunté par le train-bloc que
sur celui projeté du pipeline.
Ces données vont dans le même sens que celles du Bureau d'Analyse des Risques et des
Pollutions Industrielles , agence du ministère de l’Écologie et du Développement durable
(France) chargée de gérer la base de données ARIA des accidents industriels. On y
apprend que les accidents ferroviaires représentent 23 % des accidents de transport de
matières dangereuses comparativement à 8 % pour les canalisations 20.
Sur la base de ces données, il apparaît que le transport de produits pétroliers par
trains-blocs présente plus de risques de survenue d’accidents et d’incidents que le pipeline.
Les données recueillies par Statistique Canada indiquent que les moyennes annuelles de
décès et de traumatismes associés au transport ferroviaire, incluant ceux survenus lors de
la traversée de passages à niveau, sont plus élevées que celles liées à l’opération d’un
pipeline (tableau 4).
Décès Traumatismes
Train 114 211
Pipeline 0 3
Dans l’étude d’impact du projet, le promoteur a calculé une diminution importante des GES
pour le transport de ses produits par pipeline par rapport au transport par trains-blocs
(tableau 5). En effet, le pipeline utilise de l’énergie électrique pour le fonctionnement des
pompes, tandis que le train-bloc emploie des hydrocarbures pour se déplacer.
Évidemment, cette prévision à la baisse des GES ne se justifie que dans le contexte limité
du choix du mode d’acheminement des produits pétroliers (train-bloc versus pipeline). Il y a
fort à parier que la prise en compte du contexte global d’une augmentation de la production
et de la consommation de ces produits, à l’origine du projet, donnerait un bilan moins positif
en termes de réduction de GES.
Tableau 5 : Émissions de GES pour le transport de 100 000 barils par jour (volume 1,
chapitre 7, tableau 7.40)
Trains-blocs Pipeline
Santé Canada a identifié huit effets importants sur la santé des Canadiens découlant du
changem ent et de la variabilité climatique 22. On y retrouve, notamment la morbidité et la
mortalité liées à la température, les problèmes de santé issus des effets des conditions
météorologiques exceptionnelles, l’augmentation des polluants atmosphériques, la
contamination par l’eau et par les aliments, les maladies infectieuses à transmission
vectorielle, l’appauvrissement de la couche d’ozone stratosphérique et l’exposition accrue
aux rayons ultraviolets (UV), les effets sur les groupes démographiques vulnérables
(enfants, personnes âgées, personnes de santé fragile et handicapées, sans-abri et
personnes à faible revenu, et groupes de cultures subsistantes) et finalement les impacts
socioéconomiques sur la santé et le bien-être des populations.
4.5 Conclusion
Notre bref exercice de comparaison nous indique que la présence de population est
nettement moins importante dans le corridor du pipeline que celui emprunté par le
train-bloc. Par ailleurs, selon les données recueillies, il apparaît que l’opération d’un
pipeline présente de fait moins de risque d’accidents que le transport ferroviaire. Une
situation qui se traduit par un nombre réduit de décès et de traumatismes comparativement
au train. Finalement, exception faite de la phase de construction, le pipeline sera
vraisemblablement un plus faible émetteur de GES que le train.
Cependant, ce portrait plutôt positif ne doit, en aucun cas, occulter les améliorations dont
nous avons fait état dans les précédentes sections et qui, d’un point de vue de santé
publique, sont nécessaires à l’acceptabilité du projet.
• procède à une analyse des impacts des effets toxiques en cas de fuite sans ignition des
produits pétroliers transportés par le pipeline;
• estime les risques et les zones d’impact liés aux effets dominos qui pourraient survenir
sur ses propres conduites;
• délimite une zone à risque autour du pipeline à partir de la limite de 3 kW/m2 pour les
effets de la radiation thermique et à 0,3 psi pour les effets de la surpression et identifie
les éléments sensibles dans ces zones pour permettre une planification des mesures
d’urgence et une sensibilisation de la population adéquates ;
• mette en place une équipe d’intervention basée approximativement au milieu du tracé
du pipeline afin de réduire le temps néc essaire à une intervention en cas d’urgence;
• prévoie des vannes de sectionnement plus fréquentes sur le parcours du pipeline
lorsque celui-ci passe à proximité de zones résidentielles;
• caractérise adéquatement l’ensemble des puits municipaux, privés et individuels utilisés
à des fins d’approvisionnement en eau potable et se trouvant dans la zone d’influence
du pipeline;
• informe les entrepreneurs en dynamitage du risque de migration du CO et s’assure de
l’application des recommandations du rapport de recherche subventionné par l’IRSST
et du suivi des procédures de réduction de risque;
• limite le bruit lors des travaux de construction (se conformer aux directives du MDDEP)
et lors de la phase d’exploitation du pipeline à proximité des zones résidentielles et
s’assure, à l’aide d’un programme de suivi et de mesures d’atténuation, du respect des
directives;
Quant à l’exercice de comparaison que nous avons effectué entre l’utilisation d’un train-bloc
et d’un pipeline pour le transport des produits pétroliers, celui-ci tend à favoriser le pipeline
pour la plupart des aspects de santé publique que nous avons pris en considération.
Cependant, ce portrait plutôt positif ne doit, en aucun cas, occulter les améliorations dont
nous avons fait état dans ce mémoire et qui, d’un point de vue de santé publique, sont
nécessaires à l’acceptabilité du projet. De plus, il serait souhaitable que les risques
associés au maintien du transport d’hydrocarbures par trains-blocs d’une partie importante
de la production de la raffinerie Jean-Gaulin de Lévis fassent l’objet d’un examen au cours
des prochaines années.
Pour conclure, nous souhaitons que les préoccupations et les recommandations formulées
dans cet avis soient prises en compte par le promoteur afin d’améliorer le projet Pipeline
Saint-Laurent. De même, nous espérons que les conclusions issues du rapport d’enquête
et d’audience publique du BAPE permettront de rassurer la population quant aux
préoccupations soulevées par les participants aux audiences et d’atténuer les impacts
négatifs potentiels qui pourraient découler de la réalisation du projet.
Principales sources :
ABSG Consulting Inc. (2004). Consequence assessment methods for incidents involving
releases from Liquefied Natural Gas carriers, Work performed for the Federal Energy
Regulatory Commission, ÉUA, p. 29-35.
MUDAN, Krishna S. (1984). " Thermal radiation hazards from hydrocarbon pool fires ",
Prog. Energy Combust. Sci., vol. 10, p. 59-80.
Notes explicatives :
Les relations dose-effet sur la santé ont été estimées à partir d’études généralement
réalisées chez des adultes en bonne santé. Outre l’intensité du rayonnement et la durée
d’exposition, il faut considérer la résistance de la peau à la chaleur. Des populations plus
vulnérables comme les enfants peuvent avoir la peau significativement plus mince que les
sujets étudiés. Pour leur part, les personnes âgées pourraient, en raison par exemple de
terminaisons nerveuses plus émoussées, ressentir plus tardivement la sensation de
douleur leur laissant moins de temps de réaction avant une éventuelle brûlure. Par
conséquent, d’un point de vue de santé publique, les relations dose-effet devraient être
prises avec un facteur de sécurité additionnel en ce qui concerne les populations plus
vulnérables comme les personnes âgées, les jeunes enfants et particulièrement les
nourrissons.
Les personnes brûlées au troisième degré sur des surfaces corporelles importantes
deviennent particulièrement vulnérables à une série d’autres complications au-delà des
brûlures (exemples : déshydratation, infections , etc.) Les relations dose-effet compilées
ci-dessus n’en font pas mention.
Il est à noter que, lors d’un scénario de fuite de produits pétroliers, il est possible que des
personnes soient exposées à la flamme nue lors de l’ignition du nuage dispersé. Les
relations dose-effet compilées ci-dessus ne tiennent pas compte de l’exposition directe de
la peau avec la flamme.
1
CARDINAL, Lise, et autres (2003). Programme national de santé publique 2003-2012,
Québec, ministère de la Santé et des Services sociaux, 133 p.
2
La santé et l’environnement dans le cadre du développement durable : Résumé
d’orientation, [En ligne], [www.who.int/docstore/peh/archives/resum.htm] (Consulté le
7 juillet 2006). (Résumé du rapport intitulé Health and Environment in Sustainable
Development : Five years after the Earth Summit, Geneva, World Health
Organisation, 1997, 245 p.).
3
RICARD, Sylvie, et collab. (2003). Cadre de référence en gestion des risques pour la
santé dans le réseau québécois de la santé publique, [s. l.], Institut national de santé
publique du Québec, 92 p.
4
ROCHETTE, Marie, et autres (1999). Les accidents liés à l’essence, au diesel et à l’huile
à chauffage : revue de la toxicité, des circonstances et des impacts pour la santé
publique, [s. l.], Service santé et environnement, Régie régionale de la santé et des
services sociaux de Québec, 36 p.
5
CONSEIL POUR LA RÉDUCTION DES ACCIDENTS INDUSTRIELS MAJEURS (CRAIM)
(2007). Guide de gestion des risques d’accidents industriels majeurs, [s. l.], Conseil
pour la réduction des accidents industriels majeurs, 436 p.
6
GALARNEAU, Louise, et autres (2000). Les risques d'intoxication au monoxyde de
carbone associés au dynamitage en milieu habité, [s. l.], Institut national de santé
publique du Québec, 23 p.
7
MARTEL, Richard, et autres (2002). Évaluation de la production de monoxyde de carbone
associée aux travaux aux explosifs – Études et recherches/Rapport R-314, Montréal,
Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail, 243 p.
8
MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DES
PARCS (MDDEP) (2007). Limites et lignes directrices préconisées par le ministère
du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs relativement aux
niveaux sonores provenant d’un chantier de construction. Le bruit communautaire au
Québec, politique sectorielle, mise à jour de mars 2007, 2 p.