Les Saints Des Derviches Tourneurs
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TOME DEUXIÈME
1922
V’anpj’fo’, v 1’qufiv-.F".«er.-I o, *
PRÉFACE
Songes : 361, 379, 396,171, 181, 525, 609, 623, 655, 685,
706, 736.
Prévision de l’avenir: 131, 602, 615, 633,613, 653,659, i
661, 669, 670, 682, 701, 726, 710, 712, 715.
Double-vue : 551, 565, 611, 7,05, 710, 717, 722.
Communication de pensée : 353, 118, 179, 519, 578, 597,
606,610, 672, 679, 686, 691, 707, 713, 719.
Lumières : 127, 508, 561, 568, 570, 571, 571, 631, 638,
619, 653, 689. V
Invisibilité : 506.
Ubiquite’ : 510. -
Action à distance z 597, 617, 663, 688, 690, 718, 728.
Production d’argent et d’or : 355, 567, 652.
Capacité : grandeur des saints, 317, 372, 509, 510, 518,
520, 517, 687; résistance au froid, 356, 581; à la chaleur,
133; à la faim, 357; longs concerts, 358; longues stations à
la mosquée, 371; force corporelle, 116; marche sur l’eaîu,
675, 678; absorption de liquides, 680; transport à distance,
681.
Récits d’apparitions : 381, 118, 163, 170, 172, 182, 185,
537., 591, 607, 612, 618, 632, 636, 613, 618, 662, 682, 711,
725. .
Guérison de maladies : 138, 597, 659, 671, 701, 702, 728.
Communications de l’au-delà : 101, 196, 573.
Réponse à des questions difliciles : 171, 183, 189, 513, 519, h
529, 530, 531, 621, 625, 630, 610.
Conversionsà l’islamisme : 315, 352, 128, 129, 181.
Râle des animauæ : 316, 153, 698, 720; poissons mer-
veilleux,
Vengeance des saints376.
: 495, 501, 1
502, 503, 507, 515, 553,
575, 617, 661, 665, 666, 667, 673, 676, 677, 709, 711, 716,
723, 727, 711, 713, 711.
Longues retraites : 190, 513, 628.
PRÉFACE m
Disparitions subites : 387, 117, 188, 511, 515, 552.
Transformations : 318; eau changée en sang, 370.
Direction des néophytes : 311.
Charité : 319, 360, 112.
Éloge de la musique : 351, 359, 368, 152, 528, 539, 607,
729; invention de la flûte, 350.
Protection des adeptes : 351, 119, 580.
Patience : 121.
Bite des rogations : 362, 179, 598, 629, 671.
Invention de la dime : 363.
Adoration des astres: 365.
Union des derviches : 389, 101, 102, 103.
Allaitement par le père : 621.
Considérations sur la mort: 391, 112, 137, 156, 157, 158,
159, 517, 576.
ÉTUDES D’HAGIOGBAPHIE MUSULMANE
m
toi ». ’
Les amis, tousensemble, s’inclinèrent et remercièrent.
a Par l’âme pure de mon père, dit le Maître, le chéïkh droit et
véritable est celui qui accomplit l’œuvre de son disciple sans
que celui-ci le sache et en ait connaissance ; il le fait parvenir
jusqu’à la divinité, sans effort, sans combat, sans service;
il lui fait atteindre un degré tel que le enivre de.’son
existence devient la pierre philosophale qui transmute le
cuivre d’autrui; il change le cuivre en or et pratique l’al-
chimie; c’est la force et la puissance des [vrais] mahomé-
tans.
«" Le merveilleux de l’alchimie, c’est qu’elle transmute le cuivre
en or;’considère ce morceau de cuivre qui, à chaque coup d’œil,
pratique l’alchimie! »
a. Qar., 111,17.
DJÉLAL-ED-DIN ROUMI 3
le crains, et j’aurais honte d’abandonner sa religion ». Le
Maître, entrant subitement sur ces entrefaites, prit la
parole: « Le mystère. de la foi, c’est la crainte : quiconque
craint Dieu, fût-il chrétien t, est religieux, non irréli-
gieux ». Après avoir prononcé ces mots, il disparut ’.
L’architecte chrétien se convertit, devint musulman, ainsi
que disciple et ami sincère dans la filière des mahomé-
tans.
316. Quelques étudiants en sciences [coraniques] venus de
Djeud et de Khodjcnd 3 posèrent un jour au Maître la question
suivante : a Dans ce monde des apparences, à quoi sert la
souris ? n et s’attirèrent cette réponse : a Rien dans le monde
n’existe sans une raison profonde; car s’il n’y avait pas de sou-
ris, les serpents détruiraient l’univers et l’homme; la souris
mange l’œuf même du serpent et le détruit; sinon, les ser-
pents rempliraient le monde. Le commentaire des qualités
particulières placées dans tous les atomes du monde et de
à
i
l’homme, est infini. » Tous alors s’inclinèrent et devinrent ses
disciples. Il raconta ensuite l’anecdote suivante: a L’Élu de
Dieu était un jour assis dans le mihrab de la mosquée de
Qobâ t et ses nobles compagnons étaient présents en sa
compagnie. Un serpent qui fuyait entra subitement par la
porte et se cacha sous le pan de la robe du prophète :ce
allitération. -
1. La première mosquée de l’islamisme. lors de l’hégire; elle fut adoptée
par le pmphète avant la construction de cette de Médine.
4 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
serpent lui dit : « 0 Envoyé de Dieu, je fuis devant l’en-
nemi; puisque tu es le refuge des deux mondes, protège
moi ». Derrière lui entra un hérisson qui s’adressa également
à Mahomet : « 0 Envoyé de Dieu, mets mon gibier en mon
pouvoir, car mes enfants sont a ma charge ». Le prophète
prescrivit de donner au hérisson des viscères de bétail et de le
satisfaire [ainsi]; l’animal partit. « 0’ serpent, dit Mahomet,
sors maintenant et va-t-en, car ton ennemi s’en est retourné et
est parti ». Le serpent répondit: « Attends que je t’aie fait voir
mon talent, et [puis] je m’en irai ». lls’enroula en anneaux
autour de la taille de Mahomet, comme une ceinture, et
voulut le piquer sans miséricorde. Le prophète’lui présenta :
son petit doigt pour qu’il piquât une phalange; mais quand l
le serpent sortit sa tête pour mordre, Abou-Horéîra (Dieu «
soit satisfait de luit), qui avait sur la poitrine ce hadith du
prophète : « La beauté de chaque communauté est un sage,
et le sage de mon peuple est Abou-Horéïra » et qui avait placé
sur le sommet de sa tète la mitre de la faveur, ouvrit son sac ’
d’où s’élance. un chat noir qui mit en pièces. le serpent avec
ses grilles, puis s’avança pompeusement vers le p’r0phèle.
Au même moment celui-ci dit: « L’amour du chat fait partie
de la foi; aimez, fût-ce un chat! » et il passa sa main sur le
dos de l’animal, de sorte que, par la bénédiction qui s’atta:
chait à ce frottement, on a beau jeter le chat en bas des toits
élevés, il doit rester debout et son dos ne pas toucher la
terre » 1, V v " ’
Ce jour-là, le prophète fit des v’œux considérables en
faveur d’Abou-Horéïra. . ’
On dit que celui-ci avait vingt ou trente chats qu’il élevait
dans sa maison; à quiconque en désirait, il en donnait un
en cadeau et s’en réservait un de la portée. I
Lorsque l’envoyé de Dieu, ainsi qu’on le raconte, retira
1. Un des noms du Prophète. tel qu’il lui est donné dans un certain passage
du Garda (LXI, 6).
2. La Fête des sacrifices. le 10 dhoù’l-hidjdja.
3. Grande place publique.
ers-g v v-- e q
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6 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
la résurrection, les créatures se prosterneront devant vous ».
C’est ainsi, qu’il a dit :
Dieu. ,
« Je me sens de l’inclination à lui donner cette capacité
et a le transformer; je. le rendrai ivre.
« Tu possèdes une pierre philosophale capable de le transmuter;
quand même il serait un ruisseau de sang, tu en ferais un Nil.
a Ceux-là, Dieu changera leurs mauvaises actions en
bonnes, car il est miséricordieux et aime à pardonner n 3.
DJÈLAL-ED-DI’N ROUMI ’ Il
1.; ed-dîn vit les supplications et les demandes instantes de ce
chef, il se rendit dans un coin du collège et à voix basse lui
dit : a Misérable brigand! tu demandes secours, et cependant
tu m’as enlevé tant d’argent et tu verses le sang! En vérité, à
la résurrection, je plaiderai contre toi; par Dieu, je ne te
délivrerai pas! Où veux-tu échapper à ma main? a L’émir V
Mohammed-beg baissala tète et sortit. Alors notre Maître,
avec une violence extraordinaire, poussa un cri : a Dieu
nous garde qu’il n’échappe pas! Pourquoi ne serait-il pas
i sauvé? Qui dit qu’il ne sera pas sauvé? J’en jure par Dieu,
quiconque passe la porte de notre collège, sera délivré:
quiconque exaltera notre nom, sera délivré; quiconque nous
aime, sera délivré ». Immédiatement Khâdjé Mcdjd-ed-dîn
s’incline et déclara licite la possession de tout ce qui lui
avait été enlevé par l’émir.
Lorsque Mohammed-beg, arrivé à Césarée, y rencontra le
Sultan de l’islamisme et le Perwâné de bonne renommée, il
fut distingué par l’obtention de toutes sortes d’honneurs,
puis il s’en revint à sa demeure habituelle. Un de ses gens
lui raconta l’aventure de Khâdjé Mcdjd-ed-dîn et de la
faveur que lui avait témoignée notre Maître; au comble de
la joie, il envoya au négociant, par des messagers sûrs, la
totalité de ce qui lui avait été pris, et il y ajouta plusieurs
présents, en demandant de l’excuser. Khàdjé Medjd-ed-dîn
fit des aumônes de toute. sa fortune, la distribua aux amis et
aux enfants du Maître, puis il donna un grand concert.’
355. Chéref-ed-dîn ’Othmân le récitant, qui était un second
’Abd-el-Mou’min, commensal habituel du Maître, distingué
par les rois de l’époque, qui mouraient d’envie de jouir de
- sa société, a raconté ce qui suit. Le Maître s’était un jour
rendu au jardin d’un ami cher ou il y eut concert pendant
sept jours et sept nuits sans interruption, et cetami cher fut
l’un des agréés fortunés. Le frère d”Othman le récitant dit
en secret : Voici tant dejours que nous n’avons pas apporté
de viande ni de pain à la maison : comment sa situation
peut-elle être? Aussitôt le Maître, au milieu du concert,
, mû; ravin
à ,2;
f pi.
2. Dhoû-fonoûn.
3. Dôldb, noria.
DJÉLAL-ED-DIN ROUMI l3
cette nourriture; si tu la manges, elle te mangera». Efi’ecti-
veinent, il ne prit rien et dit :
c Si tu. manges une seule fois de cette nourriture de lumière,
tu pourras jeter de la poussière sur le pain cuit au four! n
« La faim! la faim! la faim! puis le retour! » Il recom-
mença à danser.
358.Chéref-ed-dîn ’Othmân le récitant nous a rapporté que
le jour où le Tchélébi Amir-’Alim t posa le pied.en sortant du
monde de l’au-delà, dans la plaine de ce monde d’ici-bas 2,
notre Maître préluda par ce ghazel :
a On proclame, ô amoureux, que cette beauté au visage de
lune est arrivée; ceignez-vous pourle plaisir, puisque l’amie est
venue dans votre giron.
Pendant sept jours et sept nuits, consécutivement, il y
enteoncert. Les grands de la ville, les sultans de l’époque
envoyèrent tant de présents et de cadeaux qu’on ne saurait
les nombrer. Il en fit présent aux récitants et aux amis: sa
mère conserva le reste.
359.Le roi des lettrés, mine de science,dont le rang est bien
connu, Çalâh-cd-dîn Malatî (miséricorde de Dieu sur lui !) a
rapporté qu’un jour ’Alam-ed-dïu Qaîçar (miséricorde de
Dieu!) avait tenu un grand concert, et que tous les émirs,
les grands, les savants et les pauvres étaient présents. Notre
Maître y éprouva de grands troubles ; il donna aux récitants
tous les vêtements dont il était revêtu et continua de danser
tout nu. Immédiatement ’Alam-edodin Qaïçar apporta une
robe de drap rouge écarlate avec une fourrure de lynx et
des boutons dorés, et un turban en étoffe de laine d’Égypte;
il en revêtit nôtre Maître. Quand nous sortîmes du concert,
à l’extrémité du quartier que nous traversions, le son d’un
violon, sortant par la porte d’un cabaret, parvint aux oreilles
vs
14 ; LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
de notre Maître; il s’arrêta un instant, puis se mit à exécuter t
la danse gyratoire et à éprouver des sensations de plaisir;
il poussa des cris jusque tout près de’l’aurore.,Tous les .
débauchés, se précipitant dehors, tombèrent aux. pieds du
Maître, qui leur distribua tous les vêtements qu’il portait sur
lui; on dit que c’étaient tous des Arméniens. Quand il fut A,
rentré dans son Collège béni, le second jour cette société de a
débauchés vinrent le trouver, devinrent de sincères musul-
mans, ’se déclarèrent ses disciples et donnèrent des concerts.
360. Notre Maître Çalah-ed-dîn araconté ceci : a Une nuit,
j’étais occupé dans ma cellule à. lire le livre du Methnéwî
spirituel; tout à coup notre Maître entra, enleva sa chemise
bénie et m’en fit, cadeau avec générosité. a C’est un devoir,
dit-il, de manifester son amour par des actes ; ’Alam-ed-dîn I.
Qaïçar m’avait donné, à tite de gratitude, la somme de deux,
mille softâm’ ». Le narrateur accepta la-chemise, la porta en
cadeau à Gurdji-Khâtoûn, qui lui donna en échange deux
mille dinars. -
364. On rapporte, d’après les Compagnons parfaits,.que ’
chaque nuit précédant le vendredi, la totalité des grandes A .
dames de Qonya se réunissaient chez la femme d’Amîn-ed-dîn
Mîkâîl’, qui était le lieutenant particulier du sultan; elles la
suppliaient d’inviter le grand Maître, car il’avait pour cette
dame des attentions et des faveurs hors de toute limite; il
l’appelait chéïlrh- i [chawâtin a la directrice spirituelle des
dames ». Lorsque cette réunion avait lieu et attendait sa
venue en parfaite tranquillité, lui-même, sans qu’onl’en ’
informât, se présentait devant elle, après la prière de la nuit
close, tout seul et sans peine, Il’s’asseyait au milieu des
dames, qui toutes formaient un cercle autour de ce Pôle. Au
milieu des pétales de rose que l’on jetait sur lui pour s’en
faire des ornements à titre de bénédiction, et de l’eau de rose
que l’on versait, couvert de sueur, jusqu’au milieu. de la
nuit, il s’occupait de pensées de mystères et de conseils
ty
par Çalâb-cd-dîn. Dans une certaine ville. on avait procédé au
f:
z. rite des Rogations, on avait observé des jeûnes et sacrifié des
l
L
F. victimes; on accomplissait les prières canoniques en deman-
dant à Dieu son secours et son appui. Cela dura sept jours
entiers; aucune pluie ne survint, aucune goutte d’eau ne
.tomba du ciel. Les créatures infortunées, réduites à la gêne,
s’entendirent pour que le lendemain, à l’ouverture des portes
de la ville, elles invitassent tout étranger qu’on trouverait à
intercéder auprès de Dieu, car la prière d’un étranger est
près d’être exaucée, comme l’a dit le prophète. Étant sortis
par la porte de la ville, ils trouvèrent un derviche étranger
attristé, qui était arrivé de Bestâm. a 0 derviche, lui dirent-
ils, tu es étranger dans cette ville, et tu n’a pas de mauvaises
intentions à notre endroit; or Moïse avait reçu un ordre ainsi
v.;
telle pensée. a
365. D’après les grands alchylîr 1(que la satisfaction de Dieu
soit sur eux tous l), on rapporte que continuellement notre
Maître, au moment du lever du soleil et de l’apparition de la
4...
æ
t. Les akhydr u les bons n forment, dans la hiérarchie des saints, le second
degré en montant, a partir des simples wétï; on s’accorde à’penser qu’ils sont
au nombre de trois cents, mais toutes les hiérarchies ne comportent pas ce.
grade. Cf. Hudjwtrt, Kachf-elsMaIgdjoûb. trad. Nicholson, p. 214; Biochet,
Études sur l’ésotérisme musulman, dans le Journal Asiatique, ix° sér., t. Xlx,
1902, p. 530 et t. xx, p. 87.
2. Qor., Vil, 52.
’nJÉLAL-ED-nm ROUMI 19
gneur des mondes! » Et il s’en allait en faisant des généro-
sites.
366. Un jour, on lui demanda : Un derviche peut-il pécher?
Il répondit : [Non], à moins qu’il ne prenne de la nourriture
sans appétit, car c’est un grand péché pour un derviche d’en
prendre sans avoir faim ; car, si un homme, poussé par une
faim extrême, avale du poison, celui-ci sera digéré et ne lui
fera point de mal, tandis que manger du sucre après de l’ail
devient un poison. Quand il a de l’appétit, toute chose est
permise au mystique; c’est ainsi qu’on a dit :
i. 001:, L111, 8.
2. Qor., XVll, l.
LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
«Je vois une, lune dans mon œil, et pourtant elleest hors de-
mon œil ; aucun œil n’en a vu, aucune oreille n’en a entendu par-r
Ier d’une pareille ». ’ ’
Le prophète resta stupéfait et enivré de la grâce de cette
figure, et manifesta un attachement immense pour elle. Il vit
qu’elle avait mis sur sa tête un turban tordu à la façon dite
chelclcer-âwiz, et qu’elle avait revêtu, comme vêtement, des.
borda du Yémen ; le prophète manifesta énormément d’agitaë
tien et de trouble: il interrogea le Grand Confident, le Paon
.aux plumes royales [Gabriel], touchant la situation de cette
figure, en ces termes : « J’ai vu, dans chaque sphère céleste
isolément, tant de milliers de représentations merveilleuses et
de formes étranges, comme il a été dit : le Il n’y a point de créa-
ture sans qu’elle ait une représentation sous let Trône, etc. »,
et cependant aucune d’elles ne m’a ravi autant et n’a attiré
mes regards comme cette ligure. Quelle est donc cette ligure, 7
et quel en est le mystère ? « Est-ce un archange rapproché [de ’
Dieu], un prophète chargé de mission ou un saint parfait?»
--- a Cette belle forme, dit Gabriel, est une personne de la.
descendance du grand Véridique [Abou-Bekr], qui, à la tin”
des temps, se manifestera au milieu de ton peuple; elle
remplira le monde des lumières de tes mystères et de tes
vérités, et lui donnera ainsi un véritable ornement. De v
même, le Dieu très haut lui donnera un pied, une plume et
un souffle tel que tous les peuples et les dynastes deviendront
ses amis et ses disciples; elle sera le mystère de la lumière
du lieu de la manifestation, et le purificateur de ta religion ».
C’est ainsi que le poète a dit: V ’ ’ l
a Ouvre-nous le trésor caché dans ces mots : a Nous t’avons
donné une victoire t »; redis-nous] le mystère spirituel de l’Elu de
Dieu. ’ a
« Et pourtant, dans la conduite et dans l’apparence, il
’ sera ton pareil sous toutes les faces, comme l’a dit le pro-
t. Qor. XLVlll, î.
DJÉLAL°ED-DIN nom 27
, phète (Dieu le bénisse et le salue !) a Il n’y a point de prophète
il
r qui n’ait son pareil dans son propre peuple » ; son nom sera
F
F
L, également Mohammed, son surnom hpnoritique Djélâl-ed-
L
dîn; ses discours expliqueront les mystères de tes traditions,
et éclairciront les idées profondes du grand Qorân ». A ce
moment, le prophète, rempli d’une énorme joie, manifesta
une gaieté intense. Quand il fut, en toute bénédiction, ren-
tré dans sa demeure glorieuse, il attacha son turban de la
même façon qu’il l’avait vu faire: « Laissezlpendre le bout
de vos turbans, dit-il, car le démon ne le fait point; les tur-
bans sont les mîtres des Arabes ’ n. Il les laissa pendre de
la longueur d’un empan jusqu’au milieu de la poitrine, et
tordit l’autre extrémité, derrière la nuque, en forme de
cheklcer-dwfz. Depuis cette époque jusqu’à maintenant, nous
autres Qoréîcbites nous pratiquons l’imitation de la cou-
tume du prophète; c’est celle de notre tribu : l’on dit que les
savants et les cheikhs du Khorasan suiventcette même cou-
tume. Ce jour-là, par suite de son extrême joie, le grand
Véridique donna tout ce qu’il possédait au prophète et à ses
compagnons à titre de remerciements. On dit qu’à la mort
du prophète, Abou-Bekr le Véridique pleurait hors de toute
mesure et gémissait; le prophète lui dit: a ô Véridique, cher
ami, qu’est-ce qui te fait pleurer? Ces pleurs sans fin, à quoi
s’appliquent-ils? n - a Adam le pur, Noé le sauvé, les
nobles prophètes ont joui de vies longues, ils se sont occu-
pés, pendant des années nombreuses, de catéchiser leur
peuple; toi qui es le souverain de tous, et qui as dit :« Adam
et ceux qui viennent après lui sont sous mon drapeau n,
tu fais le dernier voyage à l’âge de soixante-deux ans; pour
ce motif, mon cœur brûle [de désespoir], et le regret me
vient qu’un sultan comme toi s’en aille si vite; j’aurais
voulu que comme Adam, tu restasses mille ans dans le
monde, pour que les mortels fussent honorés de ta présence
dine. I ’
a Ce qu’on a dit pour décrire sa perfection, c’est pourtant .
comme rien, car c’est [en réalité] deux cents fois plus.
t. Sur cette tle du golfe Persiqm, qui était au moyen-age l’entrepôt de lin-
terccurse entre l’lnde et le bassin du Tigre et de l’Euphrate (aujourd’hui
Qaîs, de son nom arabe,an S. du Lâristâni. voir Mehren, Cosmographie. p. 215,
224; Abou’l-Fédâ, Géographie, texte, p. 372-313 ;lntroduction, p. 386; Méni-
çid, t. Il, p. 466, 529; Yâqoùt, Mochlarilc, éd. Wüstenfeld, p. 365.
I
I
Voilà des miracles qui atteignent le sommet de la gran-
deur de ceux de Mohammed (que Dieu le bénisse et le salue !)
377. Une réunion de savants causaient de la contrainte à
exercer sur les passions. « Il y avait un derviche, dit le Maî-
tre, qui pendant des années se livra à des actes de dévotion et
pratiqua les mortifications. Un jour ildit à sa [propre passion :
I a Qui es-tu’, et qui suis-je n? Elle répondit : « Tu es toi, et
, .je suis moi ». Plusieurs fois il fit les tournées rituelles de la
Ka’ba, il fit le pèlerinage à pied et en supporta les rigueurs:
« Qui suis-je, et qui es-tu n? dit-il encore a sa passion,
qui lui répondit: a Je suis moi, et tu es toi. » Il employa
toutes sortes de dévotions, mais il ne réussit pas à la tuer.
Cependant, il adopta le jeûne, la mortification par la
faim. « Comment est-ce »? dit-il à sa passion; elle lui
répondit : « Je suis anéantie, et tu es [toujours] toi ».
Dieu sait mieux la vérité! Cela veut dire qu’aucune dévo-
tion ne peut Vaincre la passion et faire de l’homme un [vrai]
musulman, sauf la faim.
[Vers arabe]. « 0 toi qui es prisonnier pour la dette de ta nourri-
ture, tu seras sauvé, si tu peux supporter d’être sevré.
I . Moléwezz . -
32 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
pardon! » - ’« Quand notre illustre père Adam (que les
bénédictions de Dieu soient sur lui I), dans le paradis supé-
rieur, poussé par les suggestions de Satan le Maudit, parla
force attirante de la passion et son empire, installa le fro-t
ment à l’intérieur deson estomac ’, et que la force digestive
contenue dans cet. organe le fit cuire par une coction,
immédiatement ce froment dégagea une odeur fétide; sa
. force repoussante s’étant mise en mouvement, exigea qu’il
sortît, et aussitôt on l’expulsa du paradis. Lorsque une fois
arrivé dans ce bas monde, il rejeta loin delui ces excréments,
l’odeur en atfecla son odorat; il regarda, gémit, et s’enfuit
loin du dépôt qu’il avait fait; tout honteux, il se repentit et
demanda pardôn au Miséricordieux. Plusieurs fois il répéta
les mots: Ton pardon! ton pardon! Cela devint, pour ses
fils croyants, une coutume qui durera jusqu’à la résurec-
tion, de dire avec une articulation exagérée les, mots: Ton-
,pardon! après qu’on a quitté les cabinets, et cela en vue de
demander le pardon divin pour que celui-ci leur soit accordé
et qu’ils soientreçus, [àl’article de la mort], dans la miséri-
corde de Dieu ». Tout aussitôt, l’infortuné jurisconsulte,
délivré de l’égarement de l’erreur et de la déception, devint
plein deMalisincérité.
379. Le cheikh , 2, a raconté
moud, surnommé Çàbib-qirân
qu’après la mortdu ministre Fakhr-ed-dîn, un des grands
compagnons le Vit en songe heureux et satisfait. Il l’inter-
rogea : a Un t’appelait Abou’l-Khéïrât 3; comment le Dieu
très haut t’a-t-il traité dans cet autre monde? n ll répondit:
« Parmi tant d’actes de bienfaisance que j’ai accomplis,
aucun ne m’a aidé autant que celui-ci. On avait apporté de
mon pays. un arbre pour la construction du mausolée de
Saturne. l
3. Le bienfaiteur; et. t. I, p. 100. note 2.
DJÉLAL-ED-DIN ROUMI l " 33
notre maître; on l’employa à cet etl’et, et c’est pour cela que
le Dieu très haut m’a donné tant de bien et m’a reçu en sa
grâce. » I .
Après la mort de notre maître, le même ministre réserva
de grands honneurs à ses compagnons et rendit des services
à Sultan Wéled. Il entoura de son affection le Tchélébi
I.Iosâm ed.dîn. Il en fut loué et récompensé comme nous
venons de le voir. Le poète a dit : ’
« Toutes les grâces que tu montres, tu viens à leur ombre, tu
te reposes beaucoup ; allons! donne quelque chose aux pauvres! I
a Si tu. sèmes un seul grain, tu récoltes cent épis;done, qu’as-tu
a te gratter l’oreille? allons! donne quelque chose aux pauvres!
380. On rapporte, d’après Fakhr-ed-dîn Dîv-dèst, qu’un
jour notre Maître avait exprimé des idées dans la maison du
Perwânè; c’était une grande séance; il dit : « Les vrais
croyants ne mourront pas. mais ils se transporteront de
maison en maison *. » -- a En ce ces, dit le chéîkh Tàdj-
ed-dîn d’Ardébil, prieur du couvent du Perwànè, homme
vertueux et disert, pourquoi [Dieu] a-t-il dit : Toute âme
doit goûter la mort 21’ n - a En tin de compte [répondit
notre maître], Dieu a dit toute âme et non tout cœur; ou bien
deviens tout cœur,’ou prends place dans le cœur d’un vrai
croyant, de manière que, comme le cœur du vrai croyant,
tu ne meures pas; si tu fais de toi-même un cœur. tu n’ar-
riveras jamais à «le la fausse monnaie 3. Si. au contraire,
tu t’abandonnes aux passions «le l’âme. si tu es un instru-
ment de la passion, c’est à toi que s’applique la formule :
Toute âme doit goûter la mort. n Le cheikh garda le silence
et ne dit rien de plus.
38L Un jour, en commentant le Qoràn, il exposa une signi-
fication étrange donnée à ce verset du livre’sacré : a Tout
MxA .-.-..L.4.LA - .. . A .. .
DJÉLAL-ED-DIN ROUMI 35
n’ai rien vu sans y voir Dieu n sera le roi de ton œil. »
383. On rapporte qu’une fois ceux des compagnons qui exer-
çaient un métier manuel se plaignaient de l’injustice des
misérables tyrans. a Dans le marché des bouchers, dit le
Maître, on ne lue aucun chien, bien que le chien doive être
tué, mais on y tue des moutons ; on leur impose cette peine
d’être tués. Comme Dieu a un peu plus de miséricorde pour
les vrais croyants, forcément leurs peines sont grandes.
mais aussi la miséricorde qui leur est réservée est infinie» *.
Puis il ajouta :
a Dans-la cuisine de l’amour, on ne tue que les bons, on n’y met
pas a mort les malingres et les gens a mauvais caractère.
a Si tu es un amoureux sincère, ne fuis pas le sacrifice; la
seule chose qu’on ne puisse tuer, c’est la charogne ».
1. Le mot arabe liaroûn a rétif s revient plusieurs fois dans les rimes du
Methnéwt.
2. Expression coranique.
3. Oor., LXXX, 42.
40 LES SAINTS DES DERVI’CHES TOURNEURS
vraie direction 3! V
389. Au sujet de l’union des saints et des prophètes (que le
salut soit sur euxl), le Maître dit unjour : Deux individus
s’étaient, pour une contestation,.re’ndus devant le juge;
celui-ci demanda à l’un d’eux de produire des témoins. Il
sortit et ramena, comme témoins, deux derviches-Le juge
en demanda d’autres; le derviche en amena encore deux,
mais le juge en voulut d’autres. ’« A la place de deux
témoins, dit le comparant, j’ai amené quatre personnes;
pourquoi voulez-vous d’autres témoins? » a « Si tu en
amènes quarante mille qui ne forment qu’un seul, [cela ne,
vaudra rien]. » En réalité, par leur union, les derviches ne
forment qu’une seule âme, car il aété dit : « Les vrais
croyants ne forment qu’une seule âme ». C’est ainsi que le
Maître a dit : l
a Les âmes des loups et des chiens sont isolées les unesdesq
autres; ce qui est uni, ce sont celles des lions de Dieu.
« Lorsque tu vois parmi eux deux amis unis, ils sont a la fois
un seul et six, cent mille ».
390. Un jour le Maître disait des choses agréables au sujet
de l’adage : «Le vrai croyant est le miroir du vrai croyant. »
Le mot de mou’min, disait-il, est un des noms de Dieu, et
s’applique également à ses serviteurs; quand on dit que le
l. Farz ’a’in. Cette expression a été très bien expliquée par le C" Ostrorog
dans sa traduction des Algkâm soltâniyya de Mâwerdî, t. I, p. 98, note 3, et
t. Il, l, 2, note, d’après le Redd el-Mokhtdr, t. I, p. 502.
2. Qor., Il], 29.
3. Qor., XX, 49.
lys
DJÈLAL-ED-DIN ROUMI 41
mou’min est le miroir du mou’nn’n. cela signifie que Dieu se
dévoile dans ce miroir.
a Le Créateur des âmes a fait un miroir avec de l’eau et de l’ar-
gile, et l’a pris avec lui.
« Toutes les fois que le soleil brille dans un miroir. celui-ci
peutoil faire autre chose que de dire : C’est moi le soleil? n
Cela sionitie ne Dieu mou’mz’n fidèle), se manifeste dans
aqi
le mironr de son sernteur hdèle; SI tu désnres mir Dieu,
regarde dans ce miroir.
a Lorsque l’acier de mon existence a reçu le poli de son amour,
il est devenu le miroir qui reflète l’univers: ce ,n’est plus du
métal.
i. Qor., LVII, 4.
2. Nâ-che’i, qui ne sont pas des êtres.
42 LESLSAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
étudiant en théologie qui sait raisonner. Cela doit vous
suffire n. Tous baissèrent la tète et devinrent ses disciples.’
392. Les amis ont raconté qu’un jour un émir distingué vint. I
rendre visite au Maître et lui posa cette questionyiîtes chien-
nes mettent au monde beaucoup de petits, tandis que la bre-
bis n’en a qu’un ou deux. Pendant les douze mois de l’année
on-tue des moutons, on les sacrifie; c’est à eux que Dieu
attache une bénédiction, un profit, une tranquillité et. des
’ avantages [pour l’homme], comme le dit le proverbe :
a Les moutons, c’est un butin. n La race des chiens au con-
traire, bien qu’elle soit nombreuse et qu’on n’en tue pas un
seul, est méprisée et n’attire pas de bénédiction. Quel est ce
mystère ? Le Maître répondit : Le mouton se lève a l’aurore,
tandis que l’infortuné chien dort; c’est pourquoi il attire
plus de bénédiction, et le chien aucune. » L’émir s’inclina-
et salua. . - k
393. Un derviche se plaignait de la modicité de ses ressources
et de sa situation gênée. Le Maître lui dit : Si Dieu te versait
en une seule fois la portion qui t’est attribuée pour cinquante
ans, qu’en ferais-tu, et où pourrais-tu la conserver? Il est
sage et généreux; chaque jour il te fait sagement parvenir ta
pension journalière, en la tirant des greniers de laitoute-
puissance et du monde mystérieux, pour que tu ne sois pas
rebelle et désobéissant z u Si Dieu élargissait la portion jour- ’
in. -.
nalière de ses serviteurs, ils seraient injustes sur la terre 1 ».
.’.L*
C’est ainsi que leurs prédécesseurs, à cause de leurs richesses, ,
devinrent transgresseurs et injustes, émirent la prétention
impolie de demander « A qui appartient l’empire? » et de
dire « Je suis votre Seigneur très haut 2 n, jusqu’à ce que,
ayant délaissé l’empire, ils devinrent le but de la perdition. ’
Prends garde! ne dis pas qu’il n’en donne pas, souviens-toi
des portions que tu as reçues au temps passé, et ne manque
pas de remercier Dieu de ses grâces, et de sa libéralité.
dépôt que Dieu lui a confié; car il a été dit : a Dieu vous
ordonne de rendre les dépôts à leurs possesseurs ’ » ; et en
vertu de cet autre passage: u Par les anges qui retireront dou-
cement les âmes 3 n. tes membres ne le feront point de mal,il
n’y aura ni gène. ni sont’l’rance,tandis que les gens qui ne seront
point habitués à prodiguer leurs personnes et leur argent et
n’auront pas appris la générosité, ils ne rendront pas leur
âme, quand on la leur demandera, avec joie et bonne
volonté, ils s’en montreront avares;on la leur prendra de
force, conformément au dire du Qorân : «Par les anges qui
arracheront les âmes en plongeant t», ce qui leur sera
i. Jeu de mots entre :ihî r la corde n et :éhi a bravo ! n.
2. Qor, 1V, 6l.
3. Qor., LXXIX, 2.
4. Qor. LXXlX, t.
44 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
pénible et leur paraîtra douloureux; ils ne voudront pas
s’en aller [de ce monde].
« Si tu es fidèle et doux, ta mort sera cette d’un vrai croyant;
si tu es infidèle et amer, tu trépasseras comme un incrédule. n
395. Un grand personnage demanda un jour dans une réu-
nion : « Une personne peut-elle grandir et parvenir à un stade
sans l’assistance d’un directeur spirituel?» Le Maître répon-
dit: Un derviche faisait continuellement un dln’lcr, de lui-
même, sans qu’il lui fût enseigné par un directeur, et il y dé-
ployait des efforts immenses. Une nuit, il vit une lumière
sortir de. sa bouche et descendre sur le sol. Cependant, stupé-
fait et préoccupé, il se leva, alla trouver le directeur et lui
exposa son rêve. « Tel est, lui répondit celui-ci, le dhz’lcr que
l’on pratique sans l’enseignement du directeur de la certi-
tude ». Il l’apprit alors de son cheikh. La même nuit, il vitla
lumière sortir de sa bouche et briller jusqu’au trône de Dieu,
en vertu de ce passage du Qorâu: u Vers lui s’élèvent les
bonnes paroles et les bonnes actions: il les fait monter ’ ».
[Je dis cela] pour que tu saches qu’il n’y a pas de dispositions
droites sans l’éducation indiquée par le directeur, et tous les
actes de dévotion ainsi pratiqués. restent stériles et obst-
curs : « Celuiqui n’a pas de directeur n’a pas de religion si.
Et il ajouta :
« Ne confie ta main qu’a celle du cheikh; c’est Dieu qui le guide
et le prend par la main ».
DJÉLAL-ED-DIN ROUMI 45
renoncera lutter avec les passions; autant qu’il est possible,
il ne faut pas de négligence dans l’amortissement des pas-
sions, car tant que celles-ci ne seront pas mortes, tu ne
pourras échapper à leurs ruses n.
a Tue-les dans le combat et la bataille, courageusement : Dieu
te donnera la récompense de la j0nction avec lui. ’
a Tant que tu ne mourras pas, les passions ne seront pas par-
faitement arrachées; sans la perfection de l’escalier, tu ne mon-
teras pas sur le toit n. i
397. On demanda à un chéïkh, dit un jour le Maître : « De
qui Un-tel-ed-dîn est-il le disciple? » Il répondit : a Que
dites-vous? Il meurt d’être lui-même un chëïkh ». Et il récita
ce vers:
a Celui qui trouve la [véritable] vie dans l’amour, ce serait un.
blasphème que de ne pas être son serviteur ».
Il ajouta : Celui qui a trouvé la douceur d’être un serviteur
et un disciple, de toute sa vie il ne désirera pas être un
Chéïkll n.
398. Un grand personnage avait envoyé quelqu’un auprès
d’un chéïkh en disant : u Qu’on m’envoie un derviche pour
me tenir conversation et compagnie n. Le cheikh répondit :
a Le derviche est rare. et même introuvable: oui,je lui en-
verrai des chéïkhs. antantqu’il en voudra ».
399. Gurdji-Khâtoûn demanda un jour, en manière de
plaisanterie, a ’Alam-ed-ilîn Qaïçar: «Quel miracle as-tu vu
de la part de notre Maître, pour t’être laissé ravir par lui,
devenir son disciple et l’aimer à l’extrême? n Il répondit:
u Longue vie à la reine du monde! Le moindre des miracles
de notre Maître, c’est qu’une nation aime chaque prophète,
et qu’un groupe de gens imite chaque chéïkh. D’un accord
parfait, tous les peuples et les souverains aiment notre
Maître, sont honorés de recevoir la communication de ses
mystères, et jouissent de ces délices t. Quel miracle peut-
t. E: ou foqqâ’ mi kèchânend.
’ - 46 ’ LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
quand il a dit : ’
l. Qor, XI, 42, XXllI, 27.
2. Qor., XL, 78.
DJÉLAL-ED-DIN ROUE] ’ 47
a 0 vous qui niez notre méthode. ô ennemis de notre roi, le temps
est proche on notre déluge vous atteindra tous n.
semblée]. h
a Cette récolte n’ayant pas en égard a la dime qui devait lui
être payée, il a déchaîné une telle flamme sur elle.
t disciples. ’
406. Le Tchélébi Chems ed-dîn, fils du professeur, se plaignit .
un jour en ces termes : «Un tel savant m’a dit :.le t’arracherai
la peau ». -« Quel brave homme que ce savant! dit le Maître;
nous autres, nuit et jour, nous exprimons le regret de ne pou-
voir nous arracher la peau et nous déliner de la gêne qu’elle
-nous cause, pour atteindrela miséricorde ’ de notre bien?
aimé. Fais attention l Tâche qu’il vienne et nous débarrasse de V 1..
notre peau ». Quand le savant fut informé de la réponse du ’
Maître, il vint se rouler aux pieds de celui-ci, et plein
d’amour devint son disciple; il revêtit le férédje’, et dans son «
cœur trouva la tranquillité 2 et le débarras des ennuis ”;
il entra dans la filière des saints. - - ’
407., Le Maître eut’ une fois un concert; un des assis-
tants profanes de temps en temps poussait des rugissements,
inattendus et déchirait ses vêtements. « Si tu l’amènes de
ce côté-ci, dit le Maître, il déchirera tes.vètements et tu y
perdras la vie; fais des’eft’orts pour aller de ce côté-là, afin
que tu restés sain et sauf pendantll’éternité ».’Quand ce
derviche retourna à son Coin, il rendit l’âme immédiatement.
408.Le Maître, ainsi que l’a rapporté un des grands amis,
demanda un encrier et une plume de roseau, et se mit à
écrire en vers sur la porte du jardin du collège : ’
a Connais la parole de Dieu etcelle de son serviteur, car tu dis : ’
Hoû, et Dieu dit : ô hommes! ’ . ’
« Que c’est beau, le hâ de Dieu et le hoû de ses servite’urs; c’est
una L’homme
tumulte entre ceux-ci et celui-là. y .
présomptueux ne peut apercevoir le souverain; il
faut a Dieu le gémissement des pécheurs. t
a La présomption n’est pas heureuse dans cette voie; il y fiant
un corps maigre et un cœur brisé ». *
t. Jeu de mots entre zahmet a gêne »’ et rahme! K miséricorde n, qui ne -
difi’érent entre aux que par un point diacritique sur la première lettre.
2. Jeu de mots sur fe’rédjî a un férédjé » et « une tranquillité u.
3. Makhradj.
DJÉLAL-ED-DIN ROUMI 51
409.Le Tchélébi Bedr ed-dîn, fils du professeur. a raconté
ceci: Le Maître, un jour. après avoir écrit quelque chose sur un
morceau de papier, me remit celui-ci. Voici en quels termes
l’écrit était conçu : Pour le derviche. le repos, le plaisir, la
satisfaction sont plus grands dans [létat de silence; tandis que
dans cet état, pour toi l’ennui augmente. et liangoisse te
prend. Comment est-ce? Que ce soit bien. Alors Dieu siest
manifesté et a rejeté les voiles: qu’y a-t-il lieu de parler?
paroles î ». vr v
l: n’
:4çl- l: ’14: «Î
’P
52 LES SAINTS pas DERVICHES TOURNEURS
Mohammed *, il est également permis de le vendre et de
l’acheter à la pièce. .
i Ml. Les savants de l’époque interrogèrent un jour le Maître
sur le mystère contenu dans cette tradition de Mahomet:
a Les actes [seront jugés] d’après leurs résultats. ».Pour
expliquer l’occasion où cette tradition avait été formulée, le
Maître dit : « Du temps du prophète (sur lui le salut!) un ,
jeune homme s’était rendu célèbre par sa débauche; il
mourut subitement. Ses parents. confus de sa situation,
l’enterrèrent au milieu de la nuit. Au matin, l’archange
fidèle, Gabriel, vint et. transmit àMahomet. l’homme de con-
fiance, le message suivant : « Va, et fais la prière sur sa
tombe n. L’Élu de Dieu demanda la raison qu’il y avait dans
cet ordre. Gabriel se rendit incontinent auprès du Dieu
glorieux et revint en disant : Dieu a dit : Ce jeune débauché, ’ L; LA’X-Çs .2
du jugement. ’
, H2. Les grands de la ville étaient venus unjour lui rendre
Î’ visite, et le Maître exprimait ses pensées au sujet de ce pas-
sage : a Est-ce que ceux dont Dieu a dilaté la poitrine
** pour l’islamisme... ’ ». Lorsque ce verset fut révélé, dit-il,
on interrogea le prophète et on lui demanda : Celte dilata-
tion de la poitrine,ce cœur ouvert n’ont-ils pas un signe? ll
répondit : Oui; lorsque la lumière divine entre dans le. cœur,
celui-ci s’ouvre et s’élargit, et le signe en est qu’il s’éloigne
du monde et penche vers la vie future; il prépare ses bagages
pour le voyage avant que la mort ne survienne, il divorce
d’avec le monde avant que celui-ci ne divorce d’avec lui.
Le jour où le prophète mourut, la très véridique ’Aîcha (que
Dieu soit satisfait d’elle!) poussait des gémissements, non
. pas comme ceux que vous feriez; elle ne disait pas: « Hélas!
’ chevaux, moyens, richesses. pouvoir, famille! comme
nous le disons, mais elle disait : O toi qui ne dormais pas
sur un lit! ô toi qui ne revêtais pas de la soie! ô toi qui ne
mangeais pas à satiété du pain d’orge! ô toi qui ne te cou-
chais’que sur des nattes! Le jour où il rendit l’âme, il n’y”
avait sous lui qu’un matelas bourré de lif, c’est-adire
d’écorce de palmier, à telles enseignes que la marque des
libres du palmier resta empreinte sur ses flancs doux et
bénis. Il avait placé à son chevet une écuelle de bois où il
portait la main pour prendre de l’eau qu’il épandait sur son
WXVWWW’" r
56 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
la cruche pleine d’or; il se prosterna et rendit grâces au
Créateur; il s’écria : « J’avoue que l’indication du Qorân est
vraie ; Dieu nous garde de croire qu’il puisse mentir l » .L
G
.-...”A*’LË.’A.JAA n à.;.’..AI
la plume. i
a On a dit [en arabe] : Le plus méritoire des actes, c’est
d’affirmer le ventre; repu et de repaître le ventre affamé;
c’est-à-dire [en persan] : Alfame ton propre ventre repu et
repais ton ventre alfamé. Certains ont dit : Le ventre du
derviche, et d’autres ont dit : Le ventre de sa propre âme,
et attendre ce qui est capable de nourrir l’esprit. Le jeûne
est le médecin des corps et le surveillant des âmes : c’est-à-
dire qu’il nettoie le corps des maladies et de la paresse dans
les actes de dévotion, et qu’il délivre l’âme de la solitude et
de l’isolement. Toutes les fois que ton existence est anéantie.
cet état de néant est pour toi une [véritable] existence.
On demanda à El-Hakîm t: Quel est le mystère de la
purification? Il répondit : La [vraicl purification, c’est celle
du mystère. Nous avons appris, lui répliquaJ-on. ce qu’est
la forme extérieure de la purification, mais l’âme de ce rite ?
-- L’âme de la purification, répondit-il, c’est la purification
de l’âme. Elle fait échapper aux qualités blâmables et léné-
breuses. On a dit : La purification, c’est extraire le mystère
de l’endroit où gisent les obstacles qui empêchent de s’ap-
procher de Dieu. C’est produire son propre mystère et le
purifier des caractères qui retiennent loin de la proximité de
Dieu. ’
l. Il n’y a que cinq catégories énumérées. au lieu de six.
2. Célèbre prédicateur, né en ’lrâq-’Adjémi, résida à la Mecque, d’où son
surnom; il mourut à Bagdad, le 6 djoumâda Il 386 (î juin 996). Cf. Ibn-
Khaliikân, trad. de Slane, t. lll, p. 20. V
3. Tout ce passage est en arabe dans le texte.
4. sema.
rité. » I . .
Vers [persan]. a O ma langue, c’est par ta faute que je suis
dans la peine; je te couperai la tête pour que tu ne me coupes pas
la mienne. . -
416. Une nuit, il y eut un grand concert dans la maison du
Perwâné; les savants, les chéïkhs,’ les émirs du sultan,
ainsi que notre Maître, restèrent jusqu’à minuit plongés
dans l’extase. Le Perwâné Mo’în-ed-dîn dit à l’oreille de
Chéret’-ed-dîn, fils de Khatîr : « Observe le Maître pendant
quelques instants, pour que je dorme un peu et que je
reprenne quelque force pour pouvoir remplir mon office;
auprès des grands. Aussitôt le Maître, au milieu de cette
F
chevalerie (futuwtvet) et purificateur de l’Asie-Mineure. que
Djélâl-ed-din appelait a mon Akhî n. l’historiette suivante.
«t C’était l’époque de la moisson ; j’avais récolté un monceau
de céréales très élevé. un tas de blé énorme; tout acoup
l’armée des Mongols s’empara de la plaine de Qonya, détrui-
sit les récoltes, les dispersa, les anéantit, les pilla. Le Maître
m’avait revêtu d’un [érédje’ ; je dis à mon domestique : a Jette
ce manteau sur le tas de froment, pour que, par sa béné-
diction. notre récolte échappe à ce malheur ». Dieu sait,
et il me sufiit comme témoin. que les Mongols pillèrent tous
nos voisins, proches ou éloignés, que personne ne vint rôder
autour de notre -hlé, qu’une seule parcelle de paille ne fut
perdue, et qu’on n’enleva pas un seul grain. Je fis porter cette
t. Séyyid-abàd est sans doute la même ville que Séyyidi-Chéhrl, chef lieu
de canton de la pr0vince de Qonya, Cf. ’Ali»Djéwâd, Djoghrafiyd loghdli,
p. 460.
62 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
provision à la ville, et j’installai des tables pour les voya-’
geurs. Entrant à Qonya, j’y rencontrai le Maître; il vint à
moi en souriant : « Akhî, dit-il, si tu l’avaisordonné, tout
aurait été délivré a; .
M8. Une fois, dit le chéïkh Sinân-ed-dîn d’Aq-Chéhir’, un
derviche demanda ce qu’il fallait entendre par ces mots :
« Mes saints sont sous mes coupoles ». Après avoir exprimé
diverses idées, le Maître ajouta : Quand vous conversez avec
des saints et des derviches enivrés del’amour mystique,
acceptez sincèrement ce qui, dans leur caractère, est con-
forme à votre nature et entre dans votre compréhension;
quant à ce qui vous semble désagréable et à rejeter dans
leurs actions et leurs mœurs, laissez-le la où il se trouve
et n’allez pas le raconter au peuple, pour qu’on n’en infère
pas de mauvaises imputations. En effet, s’ilsn’y avait pas
pour eux ces coupoles des mauvaises mœurs, ils ne reste-
raient pas dans le monde; ou bien ils mourraient prompte-
ment, ou ils se joindraient aux abdâls et aux êtres du monde
mystérieux ’; pour l’avantage des mortels et pour la recti-
tude de l’univers, Dieu les cacherait dans ces coupoles pour
distinguer ses amis des négateurs sans discernement. a Dieu
distingue le méchant du bon 3 n. Les uns sont éveillés et
travaillent constamment à amender les hommes et à établir
l’honnêteté extérieure; les autres sont ivres et s’occupent
.45:
Konia,
2. Ghaïbiyydn.p. vl09 et suiv. -
3. Qor., Vlll, 38.
,lle. 7
. "4»,
jç
DJÉLAL-ED-DIN nous" 63
envieux et des médisances des adversaire.Le Maître répondit :
"« Cinq personnages effrayants et puissants se montrèrent les
ennemis de Moïse (sur lui soit le salut!) ; il supporta leur ini-
mitié et patienta. Finalement Dieu les déracina tous les cinq du
monde et les Soumit à la puissance de Moïse; il rendit le pro-
phète victorieux d’eux tous. L’un deux était Qàroûu, qui se
crut autorisé à l’impolitesse par son immense fortune; il
périt par l’enfoncement en terre: a Nous l’enfonçâmes dans
la terre, lui et sa maison ’ n. Le second est le Sâmirî, qui
discuta sur la science et fut éprouvé par le jet [des bijoux
d’or dans la fonte] ’. Le troisième est Balaam qui se vanta
de son ascétisme, et fut victime de la métamorphose ’ : a Sa
parabole est comme celle du chien t n; il devint le chien
qui gardait sa porte. Le quatrième était 0g, fils d’Anaq. qui
disputait. de sa force et de sa robustesse; il périt de sa
main. Le cinquième fut Pharaon le maudit, qui se glo-
rifiait de l’Egypte et de ses. canaux et menait des armées
nombreuses : il fut noyé dans cette même eau, et périt par
la stratégie de son adversaire.
De même, les ennemis des prophètes et des saints sont en
œuvre jusqu’au jour de la résurrection. et ils ne sont pas en
petit nombre;c’est épreuve sur épreuve, ô mon fils! a Cela
est prédestiné par le puissant, le sage 5- ».
a c’est épreuve sur épreuve, ô mon fils! Quiconque frappe à la
porte, j’en suis devenu l’officier.
« Donc à chaque cycle un saint se tient debout : l’épreuve est
perpétuelle jusqu’à la résurrection.
a Souviens-toi de cette parole : a Où y a t il un peuple? n, aver-
tisseur par les exceptions et les objections. n
i. Qor., LXIV,2.
DiÉLAL-ED-Dns ROUMI 65
des cris. Je déchirai mes vêtements et tombai à ses pieds.
Tous ces savants, stupéfaits, l’applaudirent et restèrent
étonnés de cette intelligence. de cette perspicacité n.
422. Dans l’ardeur de ma jeunesse, a encore dit Sultan
Wéled, j’étudiais le Hida’ye’ t. sous la direction de mon père,
dans le collège d’Aqyndji. Quand j’en eus terminé la lecture,
mon père recommença l’ouvrage et le récita tout en marchant,
mais avec d’autres expressions et d’une manière admirable :
toutefois le sens des questions était le même. Tout le monde
resta stupéfait de la puissance de son discours, de l’étendue
de sa mémoire, et du degré de sa sainteté.
423. Un groupe de compagnons, a dit le’l’chélébi Chems-ed-
dîn, fils du professeur. étaient venus,àla veille d’un voyage,
prendre congé du Maître. a Mes frères, leur dit-il [en arabe],
ne vous préoccupez ni de bonheur, ni de supériorité, mais
songez à ce que vos cœurs se dilatent n. Puis il ajouta
[en pensant : a Soyez les amis les uns des autres, car les
ennemis sont en embuscade n.
424. Les’grands compagnons nous ont rapporté qu’un des
principaux lieutenants du Perwàné avait eu un grand deuil;
tous les gens de mérite. les cheikhs, les grands, les émirs
s’étaient assemblés et échangeaient des propos jusqu’au m0»
’ment dela prière du soir. D’un commun accord, tous deman-
dèrent que le Maître remplit les fonctions d’imam. « Nous som-
mes des abdzîls, réponditil, nous nous asseyons et nous nous
levons partout où cela se trouve; mais ce sont les maîtres du
pouvoir et de la puissance qui conviennent. pour ces fonc-
tions n, et il désigna le cheikh Çadr-ed-dîn. Celui-ci fit la
prière; le Maître se conforma à ses mouvements et dit :
a Celui qui prie derrière un imam pieux. c’est comme s’il
priait derrière un prophète n. Le cheikh se montra humble,
et dans le plus grand trouble 1 il s’inclina devant lui.
t. Les cinq anecdotes qui précèdent se trouvent dans le ms. tu, f°163 r°
et v0.
Algè-ngl’ n 2. 4.x.
x
DJÉLAL ED-DlN ROUMI 67
a Et si tu ne demandes pas, moi je suis ta caution. à savoir que
la demeure du paradis c’est la vue de Dieu.
Quelqu’un demanda : a Est-ce un péché detuer un pou? »
Quand tu laveras la main, répondit le Maître, ce péché dispa-
raîtra.
427. Le Khwâdjé Medjd-ed-dîn de Mérâgha possédait une
jeune esclave d’origine grecque; le Maître l’appelait Çiddz’qa
«la très véridique n. Elle parlait fréquemment de miracles, et
disait : « J’ai vu une lumière verte, une lumière rouge, une
lumière noire; j’ai contemplé tel ange; l’âme de tel saint ou
de tel prophète s’est manifestée à moi n. Medjd-ed-dîn fut
découragé: a Comment! les esclaves de ma maison voient
des formes mystérieuses, tandis que j’en suis privé ». Il en
devint jaloux, alla trouver le Maître et voulut lui raconter
cette histoire. « Oui, dit Djélâl-ed-dîn, la lumière est dans
l’iris des yeux; elle éprouve les uns en leur montrant de
belles personnes, elles conserve les autres dans la conti-
nence, pour les conduire auprès de la bien-aimée du harem ;
car, si elle les occupait, sur la route, avec les beautés exté-
rieures et qu’ils se laissassent attirer par chacune, la femme
d’intérieur honnête se déroberait aux regards de son mari.
De même, quiconque voit devant lui s’ouvrir une porte du
monde mystérieux et assiste à une théophanie. est éprouvé
par cette situation et se sent impuissant, comme certains ont
dit: « Combien ma dignité est grande! » etc. D’autres ont
beau s’efforcer, bouillonner, crier, Dieu ne leur montre rien
jusqu’à ce qu’ils soient favorisés de sa vue particulière et
soient compris dans le nombre des rapprochés [de sa per-
sonne]. » Alors Medjdccd-din s’inclina, manifesta de grands
troubles, organisa un concert pour les derviches et leur
distribua des gratifications en guise de remerciements ’.
428. Il y avait, dans le couvent de Platon, un sage moine
très érudit et fort âgé. Toutes les fois que les compagnons
se rendaient en promenade dans ce monastère,il les servait
t. Ms. tu, f° 164 r°.
68 LES SAINTS pas DERVICHES TOURNEÙRS
l
dis : .
Dieu le très haut a dit, dans le Qorân’glorieux : « Il n’y
en a point parmi vous qui n’y entreront pas [dans l’enfer]; "
ce sera, pourton Seigneur, un démet décidé t n. Du moment
que tous entreront d’accord dans le feu de l’enfer, où sera
la préférence accordée a l’islamisme sur notre propre reli-
gion? Le Maître ne dit rien; au bout d’un instant, il fit un
F.1
1’.
DJÉLAL-ED-DIN ROUMI 69
429. Kalo-Yani le peintret et ’Aîn-ed-daula. étaient deux
peintres grecs incomparables dans cet art etdans celui de la
représentation des figures; ils étaient devenus disciples du
Maître.Kato-Yani dit un jour: « A Constantinople, on’a repré-
senté sur un tableau les figures de Marie et de Jésus, sans
pareils comme le sont leurs deux modèles. Les peintres du
monde entier sont venus et n’ont pas pu reproduire de
pareilles figures n. ’Aïn-ed-daula. mu par le désir intense de
voir ce tableau, se mil en route, séjourna un an dans ce
grand couvent de ConstantinOple [ou il était conservé], et se
mit au service des moines qui y habitaient. Une nuit, ayant
trouvé l’occasion favorable, il mit ce tableau sous son bras
et partit. Arrivé à Qonya, il rendit visite au Maître : a Où
étais-tu ?» lui demanda celui-ci. ll raconta l’aventure du
tableau. a Voyons ce charmant tableau, dit le Maître; il faut
qu’il soit bien beau et gracieux ». Après l’avoir contemplé
longuement, il reprit: a Ces deux belles ligures se plaignent
amèrement de toi x; elles disent : Il n’est pas droit dans
l’amour qu’il a pour nous : c’est un faux amoureux. » --
«Comment cela ? n dit le peintre. -- a Elles disent : nous ne
dormons ni ne mangeons jamais, nous veillons la nuit et
nous jeûnons le jour, tandis que ’Aïn-ed-daula nous a aban-
données; il dort la nuit et mange lejour, il n’est positivement
pas d’accord avec nous ». -- a Il est absolument impossible,
dit le peintre, qu’elles dorment et qu’elles mangent; elles ne
peuvent pas parler, ce sont des figures sans âme n. - a ’l’oi
qui est une figure avec âme. dit le Maître, qui possèdes tant
d’arts, et qui as été fabriqué par un Créateur dont l’œuvre se
compose de l’Univers, d’Adam et de tout ce qui est sur la
terre et dans lescieux, est-il permis que tu le délaisses et que
tu tombes amoureux d’une peinture sans âme et sans idée?
Que peut-il résulter de ces figures inconscientes? Quel profit
1. Ecrit Kaliyoydn dans le ms. tu, f0 164 v°. Peut-être faut-il rapprocher ce
nom de Katoùs, architecte du medressé lndjè-Minaréli a Qonya. Voir Cl. tluart.
’ Konia, p. 163; Epigraphie arabe d’Asie-Mineure, p. 65 et 76.
70 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
peux-tu en tirer? » Aussitôt le peintre se repentit, s’inclina
et se convertit à l’islamisme.
430. Il y avait un notable négociant, nous a dit le Cheikh .
Mahmoûd, Çâhib-Qirân, dont le fils, passionné pour le
mysticisme, lui demanda l’autorisation de devenir le disciple -
du Maître, mais son père s’y opposait toujours. Finalement, V
Djélâl ed-dîn ayant tenu. une grande assemblée, coupa les .
cheveux de ce garçon. Le négociant, qui était un des amis’du
Cheikh Auhad de Khoï, lui dit en secret à l’oreille : a Est-ce
que mon fils parviendra à Dieu par sa propre œuvre, ou est-ce
le Maître qui l’y conduira? ». Or, cet Aubadaed-dîn était un
des amoureux mystiques de Djélâl-ed-dîn; il répondit : a Ne
dis rien surcettequeslion n. Alors le Maître, immédiatement:
a Laisse-le parler, dit-il, il n’y a pas de mal. J’en jure par
Dieu, ce garçon est parvenu tout d’abord à la divinité, et
c’est ensuite qu’il est devenu mon disciple; tant que les atti-
rances de la faveur divine ne l’ont pas dirigé. il n’a pas
’couru de notre côté n. Le Chéïkh’Auhad-ed-dîn poussa un
cri et déchira ses vêtements; il y eut un grand concert. On .
dit que c’était un homme généreux et aimable, qui venait
constammentà la porte du Maître et lui demandait de nou-
velles poésies; le Maître’alors ordonnait de lui ouvrir la porte,
et le prenait avec lui dans la cabine d’isolement. Lorsqu’il.
mourut, Djélâl-ed-dîn se mit nu, poussa des gémissements;
il pleurait et disait : « 0 très cher! comment es-tu venu, et
comment es-tu parti, que personne ne t’a connu? n Et il
récitait ce vers :
a Il est venu dans ce monde et pendant un jour ou deux il nous
’a montré son visage; il en est parti si vite que je ne sais plus
qui il était ». - ’
Le négociant, avec sa femme et ses enfants, devine
rent’disciples du Maître. s ”
431. Le même Chéïkh Mahmoûd a raconté que, dans le
caravansérail du Çâhib Içfahânî, il y avait une femme
de mauvaise vie, très belle, entourée. de nombreuses escla-À
a
DJÉLAL-ED-DIN Roum 71
ves. Le Maître passait un jour par là : cette femme courut
à lui, s’inclina, tomba à ses pieds et prit une posture pleine
d’humilité. « O Râbi’a! Râbi’a t nl’ s’écria le Maître. Les
esclaves l’entendirent; toutes à la fois sortirent et se proster-
nèrent devant lui. a Bravo! les héroïnes, s’écria Djélàl-ed-
dîn, s’il n’y avait pas votre patience à supporter le fardeau,
qui aurait pu vaincre tant de concupiscence blâmable, et
comment aurait pu se manifester la chasteté des femmes
honnêtes n? Un des grands de’l’époque aurait dit alors:
a Cette manière, pour un aussi grand homme, de s’occuper
des prostituées des cabarets et de les flatter de diverses façons.
n’a pas le sens commun n. - « Cette femme actuellement,
répliqua le Maître, marche sous une seule couleur; elle se
montre telle qu’elle est, sans hypocrisie. Toi, si tu es un
homme, fais-en autant et renonce à la duplicité, pour que
ton extérieur ait la même couleur que ton intérieur, car s’il
n’en est pas ainsi. cela ne vaudra rien » En fin de compte.
cette belle femme se repentit à la façon de Râbi’a: elle
atTranchit ses esclaves, livra sa demeure au pillage, et devint
une des élues du paradis; faisant montre de bonne volonté,
elle rendit de nombreux services à la congrégation.
’w-wy-v or nx’vvwr. www
432. Un aveugle à l’esprit clairvoyant se tenait à la porte
d’Aq-Séraî; un jour, il mendiait du pain pour l’amour de
notre Maître. Akhî Tchobân, fils d’Akhî Qaïçar,était présent.
Le Maître étant survenu,jeta sa ceinture à cet aveugle et passa.
a Prends cent dirhems. dit Akhi Tchobàn à l’aveugle, et
attache-moi cette ceinture à la taille ». L’aveugle n’y con-
sentit pas : a Si l’on me donnait même mille dinars, je ne
la donnerais pas;je l’attacherai à mon cou. etje l’emporterai
au tombeau ». La nuit qui suivit, il la passa à gémir et
disait: a Seigneur! Au nom de cette ceinture, délivre-moi
des liens de ce milieu, et prendstmon âme, pour quej’échappe
aux entraves de ce monde n. A ce momentune voix s’éleva :
(Y Un tel. l’aveugle. a été délivré des liens de la vie et s’est
des
433. Lecondoléances. j (que
sultan des lieutenants, Hosâm-ed-dîn . Dieu
nous sanctifie par son puissant mystère l) a raconté ceci .: Mon
directeur spirituel entra dans notre maison; il fit retraite
dans l’étuve du bain, où il séjourna dix jours et.dix nuits
sans prendre aucune nourriture; il en avait fermé la
porte et les fenêtres et m’avait ordonné de lui préparer
quelques mains de papier de Bagdad’. Cependant, ayant
commencé à exprimer des idées transcendantes ’,’il me
les dicta en arabe et en persan ; je les écrivais, etje les lisais
à haute voix. Quand j’eus achevé, il ordonna d’ouvrir le
fourneau; il prit feuille par feuille environ cent cahiers (le
papier couverts de pensées transcendantes, et les jeta dans le
feu en disant; «N’est-ce point à Dieu qu’aboutit toute
chose 3 n ? Lorsque le feu lançait des flammes et brûlait»les
papiers, il souriait et disait: « Ils sont venus du plus pro-
fond du monde mystérieux, et ils s’en retournent dans l’au-
delà sans défaut n. Je voulais, continua le Tchélébi [Hosâm-
ed-dîn], cacher quelques-unes de ces feuilles: « Non, cela ne
convient pas, dit mon directeur spirituel, car les pensées
vierges contenues dans ces mystères ne sont pas appropriées
à l’audition des meilleurs de ce pays; il n’y a que les âmes
des particuliers dela Majesté qui puissentcntendre ces paro-
les; c’est leur nourriture spirituelle». ’
a Ma parole est l’ange dutsoleil ; mais, si je ne parle pas, l’ange
affamé dira :Parle t pourquoi es-tu silencieux ?
Après être sorti de Cet endroit,.il entra dans le bain de
Zîrwâ ”, se précipita dans l’eau bouillante, en passant par le
t. Bawwdch.
Wurvrwvrw la"
74’ LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
saints, tel un soleil, agit pareillement sur l’âme des néga-r
teurs et des malintentionnés.
« Un discours par ne reste pas stable dans les cœurs aveugles ;
il s’en vajusqu’au principe de la lumière». a v
Une troupe de négateurs qui se trouvaient présents dans n
il
tu
1
Igt.V.o
a." ,
DJÉLAL-ED-DIN Boum 75 j
tout en pleurant, ainsi que les autres, qui se mirent à pleurer
aussi. Il me survint, dans les plus profonds replis du cœur, ,
une hésitation, me disant pourquoi un tel grand homme. un
tel souverain, un tel savant à la fois théorique et pra-
tique commençait par des danses et par des concerts spi-j
rituels, et s’il autorisait [réellement] des actes contraires à
la loi religieuse: car une pareille règle n’est pas admise en h
matière de’religion; toutefois ma langue ne proféra pas une
seule fois ces réflexions. Inopinément, un matin, j’eus
l’occasion de le rencontrer. et je vis en mente temps que
Chems-ed-dîn de Mârdîn arrivait aussi d’un autre côté; I
il s’inclina et baisa la main de notre Maître; je fis la même
chose que j’avais vu faire au professeurtitulaire [dont j’étais
le répétiteur]. Je m’aperçus que notre Maître tournait son
visage vers moi; il me dit : O notre Maître Zéîn-ed-dîn,
il y a une question de droit que je sais que tu as étudiée,
c’est à savoir qu’en cas de nécessité et de faim ’pouvant
entraîner la mort, il est permis à l’homme de manger des
choses mortes et des objets immondes, qu’il y est autorisé et
qu’on ajugé que c’était admissible en vue du maintien de
la vie humaine, pour qu’elle ne disparaisse pas totalement
et pour l’avantage de la religion :c’est là une idée qui est
établie chez les savants. Maintenant, pour les hommes de
Dieu, il y a des circonstances et des nécessités qui peuvent
.ètre comparées à la faim et à la soif, et qu’on ne peut traiter
que par les concerts spirituels, la danse. l’extase mutuelle
et les mélodies des chansons; sinon, par l’excès de ter-
teur causé par les apparitions et les lumières de la splen-
deur divine, le corps béni des saints fondrait et serait réduit
à. rien, comme de la glace en présence du soleil de juillet.
cr Pour maintenir ce corps spirituel le soleil se retire un ins-
tant de cette neige.
a C’est à cette situation que faisait allusion cette exclama-
Séïf
MALlsférengî. *
3. Cette table se retrouve dans le Béhdristdn de Djâmt.
V .- Aba’V” ’.:: * ’ n». v » A
,6;
DJÉLAL-ED-DIN ROUMI 79
«Allons, anéantissez la vie de l’être vil, et halez-vous! Ne
la laissez pas vivante, car c’est un scorpion ’.
Il dit de même:
« Si même le sot se montre d’accord avec toi. en fin de compte
il te causera des ennuis par sa bêtise.
a Il est certain que l’amour de l’imbécile ressemble à celui de
l’ours, dont la haine est de l’amour etl’amour de la haine n.
440. Djélâl ed-dîn Mostaulî ’ donna un jour un festin gigan-
tesque où il convia tous les notables de la ville. Lorsqu’on
eut posé les tables et qu’on eut annoncé le commencement
du dîner, chacun s’occupe de manger avec un désir entier
et un appétit sincère. Le Maître n’y prit pas part et n’y fit
pas attention ; il baissait la tète avec obstination. Pour
s’excuser il dit: Notre estomac est devenu bien faible; il
ressemble à un âne maigre et blessé qui gémit et se courbe
quand on veut lui imposer le bât. [l n’a pas la force de sup-
porter ce fardeau. S’il n’était pas ainsi battu, il aurait mangé
plusieurs (le ces boulettes de hachisa. Le contrôleur des
finances se mit à pleurer, rendit des services au Maître et
devint son disciple; il distribua aux amis de splendides vête-
ments d’honneur etjeta aux récitants, ce jour-là, trois mille
dirhems t.
441. On raconte qu’un jour une réunion de dialecticiens et
de maîtres des ruses interrogèrent le Maître en ces termes :
« Lorsque le Dieu très haut produisit Adam à l’existence. en
le faisant sortir des cachettes du néant et composa son corps
au moyen de l’eau et’du limon, car il a été dit : u J’ai pétri le
14’
80 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
limon d’Adam de ma main pendant quarante matins» ’,’
y avait-il de la paille mélangée à cette eau et à ce limon, ou
non2 ? Le Qorâu glorieux, répondit le Maître, s’exprime en
ces termes: « Dieu a crée l’homme d’argile semblable à la
terre de potier n 3, ce qui veut dire qu’il n’y avait que de l’eau
et du limon; s’il y avait eu de la paille mélangée à cette
terre et à cette eau, mes talons ne se seraient pas fendus ».
En disant ces mols, le Maître montra ses deux talons qui,
par l’eau de l’ablution prise dans les glacières, étaient fendus
par l’exercice de la danse rituelle. Tous les assistants restè-
rent stupéfaits de cette réponse satisfaisante et de cette grâce
abondante; ils devinrent des disciples en toute sincérité,
et rendirent justice a cette mansuétude digne d’Abraham, à
cette science digne de Mahomet. * v
442.Chems-ed-dîn et Bedr-ed-dîn,tous deux fils du profes-
seur, ont raconté ceci : « Dès le premier moment que nous
devînmes les disciples de Djélâl-ed-dîn Roûmî, une terreur im-
mense, provenant de’la erainte révérentielle qu’il nous inspi-
rait, s’empara de nous ; nous ne pouvions plus nous mouvoir;
isolés dans une des cellules du collège, nous brûlions des feux
du désir. Or, on avait installé, pour le Maître, une chambre à
coucher sur la terrasse du collège, en forme de cellule. Une,
nuit, celui-ci, passant la tète par notre fenêtre, nous dit :
Montez, car en ces jours, dormir sous le toit amène de la
pesanteur et de la paresse; il vaut mieux s’endormir en con-
templant le toit des cieux. Quand nous fûmes montés sur la
terrasse, nous vîmes que le Maître avait rempli le pan de
sa robe de terre menue, avait apporté celle-ci et l’avait ver-
sée sur le bord du toit. « C’est. en vue de l’ablution et de
l’urine ’, nous dit-il, afin que vous n’ayiez pas la peine-
de descendre. » Ne’pouvant supporter l’idée d’une pareille
W"’W’J” g
86 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
t
du sang. n , ’
Un cri sortit de sa poitrine, il se souleva et resta quelque
temps sans connaissance. Cependant, ces jours-là, il contem-
plait son collège béni, poussait des cris et des soupirs pro-
fonds. Il y avait là un chat; il s’avança, poussant des cris
plaintifs et des appels. Notre Maître, en souriant, dit : Savez-
vous ce que dit ce pauvre chat? On répondit : Non. Il dit,
88 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
reprit-il, ceci : « Ces jours-ci il y aura pour vous le départ
pour l’Empire Sublime; vous retournez à votre patrie origi-
naire; et ’moi, pauvre [chat], que ferai-je? Tous les amis,
poussant des cris, s’évanouirent. Après la mort du Maître,
ce chat ne prit pas de nourriture et ne but pas, pendant Sept
jours et sept nuits, et mourut aussi. La dame Méléké-
Khatoûn, tille du Maître, entoura d’un linceul le corps de
l’animal et l’enterra dans le voisinage du tombeau bénihtdu ’
Maître]; on lit une distribution de halte-d. aux amis.
454.11 est bien connu qu’ala fin de la vie du Maître,celui-ci
était endetté de cinquante-deux dirhems. Le maître ordonna
de remettre quelques rognures d’or ’ au créancier, et qu’on
lui demandât une décharge. Celui-ci refusa d’accepter, et fit
cadeau du tout; il s’écria: Louange à Dieu, seigneur des
mondes! je suis délivré de cette charge empoisonnée t
455. On raconte, d’après le Tchélébi Hosâm-ed-dîn, qu’un
jourle cheikh Çadr-ed-dîn, accompagné de grands derviches,
r était venu rendre visite à notre Maître malade. Tous men-
trèrent un attachement extrême. Le chéïkh fut péniblement
affecté de cette situation; il dit : Que Dieu te guérisse
promptement! Ce sera un accroissement d’élévation. Il faut
espérer qu’une santé parfaite se produira. Notre Maître est
l’âme des humains; par sa bonne santé il est un don. Le ,
Maître répondit : Que vos souhaits de santé s’appliquent
dorénavant à vous-mêmes! Entre l’amant et l’amante, il ne
reste plus qu’une chemise de crin. Ne voulez-vous pas qu’on
la retire et que la lumière se joigne à la lumière?
« Il dit: Si même son vêtement est plus fin que le crin et la:
rob’è de Chouster, s’embrasser sans voile est plus agréable.
« Je me suis débarrassé de mon corps, elle de l’imagination ;
je me promène dans les extrêmes jouissances de la passion.
Le chéïkh et ses compagnons, versant des larmes, par-
des cris : ’
a Que sais-tu, toi, quelle reine j’ai en ma compagnie dans le
monde mystique?
a Ne considère pas ma face d’or, car j’ai un pied de fer. Je
tourne ma face entièrement vers ce roi qui m’a mené au monde.
j’applaudis mille fois de ce qu’il m’a créé n. Etc.
X
morts. 4
« L’âme est comme un miroir pur, et le corps s’applique a elle
comme une peussière sur ce miroir; la beauté ne paraît pas en
nous, lorsque nous sommes sous la poussière. y
a Ce sont la deux maisons, deux demeures ; sûrement c’est son
empire; sers-le et sois joyeux,’car nous l’avons servi n.
et disait : i
sur»??? .rvwenwrw mr Un" avr-uranies-
.0 il
94 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
a Si tu es un vrai croyant’et doux, la mort est une vraie croyante;
si tu es un infidèle et amer, mourir est aussi infidèle ».
vant: ’
« Le cœur, loin de toi, a conçu de fâcheux soupçons; loin de
toi, celui-là aussi porte son propre faible. 4 i
« L’amertume est a la bouche de tout cœur bilieux; loin de toi,
le sucre lui-même te porterait envie ».
l
ce mal? u h l . Ç
a Hier soir, en rêve.j ai vu un vieillard dans la rue de laineur;
.il me fit avec la main un signe qui voulait dire : Viens vers nous l n
C’est le dernier ghazèl que composa le Maître.
.464. Le Tchélébi ’Ârif (que Dieu sanctifie son mystère!) a
raconté que quand l’esprit saint de notre Maître s’en
retourna auprès. de la Majesté divine de l’Être inexplica-
ble 1, lkhtiyâr-ed-din. l’imam Maulawî, qui était un ange
incarné, dit : Lorsque je posai le corps soyeux du Maître
sur l’extrémité du brancard, et que je procédai au lavage
avec toute politesse, grande considération et extrême etTroi :
pendant que les amis confidents versaient l’eau, dont pas
une goutte ne tombait sur le sol sans qu’ils la bussent.
comme avaient fait les compagnons du prophète, cepen-
dant, au moment ou je posai la main sur sa poitrine
bénie, le Maître lit un grand mouvement: involontairement,
un grand cri s’échappa de ma bouche : je laissai tomber mon
visage sur sa "lapoitrine,
,r* - mgr-v. w’v’v wwv
et je pleurai. Au même moment. il
saisit mon oreille de sa main droite, tellement que je m’éva-
nouis; cela voulait dire : Ne soutfle pas, et n’aie pas tant
i. Bi-lchoün a sans comment», auquel la question quo modo ne saurait s’ap-
pliquer.
519mm
96 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS’
d’audace. Stupéfait, je restai abasourdi. J’entendis une voix
mystérieuse qui récitait : « N’est-ce pas que les saints de
Dieu n’ont à concevoir ni crainte, ni chagrin ’? Les vrais a
croyants ne meurent pas, mais ils sont transportés d’une
demeure à une autre demeure n. i ’
« Azraïl n’a sur les amants mystiques ni pouvoir ni accès;
c’est l’amour et la passion qui attirent les amoureux mystiques.
Après qu’on eût apporté dehors le corps sur le brancard,
la totalité des grands et du peuple se découvrit la tête; les
femmes, les hommes, les enfants étaient présents; il s’éleva
un tel tumulte qu’il ressemblait à celui de la grande résur-
rection. Tous pleuraient, et la plupart des hommes marà
chaient, poussant des cris, déchirant leurs vêtements, le
corps dénudé. Les membres des différentes communautés et ,
nations étaient présents, chrétiens, juifs, Grecs, Arabes,
Turcs, etc.; ils marchaient devant, chacun tenant haut leurs 4
livres [sacrés]. Conformément à leurs coutumes, ils lisaient ’
des versets des Psaumes, du Pentateuque et de l’Évangile,’et *
poussaient des gémissements de funérailles; les Musulmans
ne pouvaient pas les repousser à coups de bâton et de plat de Il
sabre; cette réunion ne pouvait être enrayée. Il se leva un ’
tumulte immense, dont la nouvelle parvint au grand Sultan ’
et au Perwâné, son ministre; on fit venir les chefs des moines
etdes prêtres, et on leur demanda quel rapport cet événe-ï
ment pouvait. avoir avec eux, puisque ce souverain de lal
religion était le directeur et l’imam obéi des Musulmans.-
Ils répondirent : En le voyant, nous avons compris la vraie
nature de Jésus, de Moïse et de tous les prophètes; nous
avons trouvé en-lui la même conduite que celle des prophètes
parfaits, telle que nous l’avons lue dans nos livres; si vous
autres, Musulmans, vous dites que notre Maître est le
Mahomet de son époque, nous le reconnaissons de même pour
le Moïse et le Jésus de notre temps ; de même que vous êtes
t. 00:2, X, 63.
DJÉLAL-ED-DIN ROUMI 97
ses amis sincères, nous aussi nous sommes mille fois plus
ses serviteurs et ses disciples; c’est ainsi qu’il a dit :
c Soixante-douze sectes entendront de nous leurs propres
mystères; nous sommes comme une flûte qui, dans un seul mode,
s’accorde avec deux cents religions ».
x
a Notre Maître est le soleil des vérités qui a brillé sur les
mortels et leur a accordé ses faveurs; tout le monde aime
le soleil, qui illumine les demeures de tous n. Un autre prêtre
grec dit : a Notre Maître, c’est comme le pain, qui estindis-
pensable à tout le monde; a-t-on jamais vu un affamé s’en-
fuir loin du pain? Et vous, que savez-vous qui il était?»
Tous les grands se turent, et n’articulèrent pas une parole.
Cependant, d’un autre côté, les lecteurs du Qoràn, à la douce
prononciation, lisaient des versets merveilleux; il s’élevait
un murmure lugubre et douloureux ; les muezzins à la voix
agréable appelaient à la prière de la résurrection; vingt
troupes de chanteurs excellents récitaient les chants funèbres
que notre Maître avait lui-même composés auparavant.
Cependant le bruit des timbaliers, les sons des hautbois et
de la trompette, l’annonce de la bonne nouvelle exprimée
par ces mots : u Et lorsqu’on soufflera dans la trompette » l
avaient produit un tapage énorme. I
Au début du jour, on enleva le brancard du Collège béni,
et l’on se mit en marche. Le brancard fut mis en pièces à
six reprises pendant la marche, et l’on en fabriqua [chaque fois]
un autre. Quand on parvint à l’enclos qui renfermait le
mausolée illuminé, la nuit était arrivée.
465. Un rapporte que le Tchélébi Hosâm-ed-dîn avait
demandé au Maître: Qui accomplira la prière [funèbre]? Il
est préférable, répondit-il. que ce soit le cheikh Çadr-ed-dîn.
En effet, tous les grands savants et cadis avaient le désir de
procéder à cette prière, mais cela ne leur fut pas accordé ; ce
fut une faveur réservée particulièrement à cet être unique
[Çadr-eddîn].
DJÉLAL-ED-DIN ROUMI 99
emportés par le vent; les. médresés et les khânqâhs devin-
rent des hôtelleries; la bénédiction disparut du monde, et les
ténèbres de la tyrannie s’appesantirent sur l’univers, qui fut
bouleversé, Jusqu’au quarantième jour, le sultan et les
émirs ne montèrent plus à cheval. Pendant quelque temps
les savants, les émirs. les pauvres donnaient consécutivement,
mais séparément, des fêtes de mariage.Une nuit, dans une
fête donnée par l’lûmir Perwâne’, le prince des littérateurs,
l’Emir Bedr-ed-dîn Yahyà (que Dieu le recouvre de son par-
don!) s’était échaullé pendant le concert spirituel; il déchira
ses vêlements sur lui-même et prononça ce quatrain :
a Où est l’œil qui n’est pas devenu humide du chagrin causé
par loi?Quel est le vêtement qui n’a pas été déchiré par ton
deuil?
a Je jure par ton visage qu’un homme semblable a toi n’est
pas passé de la surface de la terre à son sein. n
Le Perwàné distribua des vêtements d’honneur et lui
donna une bonne mule. ,
De même, chaque grand poète. lel que l’émir Béhà-ed-dîn
Qâni’î, le roides poètes et d’autres gens de mérite habiles,
disaient des quatrains agréables, et y montraient leur foi.
Parmi les derviches confidents, il y en eut un qui dit en
pleurant ce quatrain : V
a 0 terre! par suite du chagrin de mon cœur, je n’ose pas
dire quelle perle le destin a cachée dans ton sein aujourd’hui Z
a Le piège où se prenait le cœur de tout un monde est tombé
dans le piège; le chéri des créatures s’est endormi dans ton giron.
w.-v.”"v ’ le
mystiques,
469. Le-plusexcellent et plus encore.
des contemporains, le martyr dev "
la foi
musulmane, le cadi Nedthr-ed-dîn Tachtî (miséricorde de
Dieu sur luil).dit un jour, dans une assemblée de grands
savants : .Dans tout l’Univers il y a trois choses générales
qui,lorsqu’elles parviennent au Maître et lui sont attribuées;
sont approuvées par les gens distingués. La première est
lelivre du Metlznéwî; caron appelle metlme’wî [toute poésie
dont] les deux hémistiches [riment entre aux]; à notre
époque, quand on dit le Metlme’wi de notre Maître, c’est lui
que l’on entend. La seconde, c’est qu’on appelle tous les
savants notre Maître; mais actuellement, quand on emploie
cette expression, c’est lui que l’on désigne. La troisième,
F43.
1. Qor. XXXV, t.
2. Qor. Llll. 8.
-n.V. 4.
x ,-...
mi
102 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
et personne ne me donna d’indication permettant de retrou-
ver cette dignité invisible.
les résoudre ? » i
Il se précipita aux pieds du Maître et gémit amoureuse-
ment; il grandit par cette conversation et se livra à. des
approbations.
477. Chems-ed-dîn Malatî avait invité le Maître et quelques-
uns de ses compagnons à venir dans son jardin; on avait
l. T. 1, p. 256.
2. Miqna’a-ï boûri. Sur le mot migna’a, voir Dozy, Dictionnaire des noms
de vêlements, p. 377. Boùra est une ville d’Égypte, sur les bords de la mer,
près deIDamiette.
DJÉLA L-ED-DIN ROUMI v 105
préparé une mule marchant à l’amhle pour lui servir de
monture. DjéIal-ed-dîn eut beau s’excuser, il ne lui fut pas
possible [de ne pas se rendre a l’invitationj ; on le prit pour
ainsi dire de force t ; il enfourcha la bêle pour faire plaisir
aux amis,’mais la inule, après avoir fait quelques pas. se
coucha à terre. Les amis s’écrièrcnt : Au nom de Dieu!
qu’est-il arrivé à une pareille mule pour tomber par terre!
Il répondit : C’est à cause du poids pesant du nom de Dieu
qu’elle s’est couchée; etje ne sais pas quelle âme ou quel
animal pourrait supporter la grandeur du nom de Dieu.
« Moi, j’ai vu une figure magique 3 qui renfermait les mystères
de l’amour divin ; je m’en fis un baudrier par manière de plai-
sauterie.
a Quand elle me pesa, cette figure magique divine. je l’aban-
donnai; le des de mille [chevaux] arabes n’aurait pas pu la
porter. n "un
1. Ba-djidd ne; ,
giriflènd.
. 4,.
2. Bcîkèlî. .4.
L.
sa enfer-M
1061 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
« Je sais ceci, c’est que la séance a lieu a cause de toi, mais je
ne sais si l’on y présente du vin ou un rôti; v1 h
« Intérieurement, tu es l’âme de mon âme, l’âme de mon âme ;
extérieurement, tu es un soleil, oui,un soleil. j ,
« Viens voir dans’le marché ces hommes ivres hors de toute
limite, si tu es le commissaire de police chargé de réprimer leurs
écarts. j
«.Ton sourire reSsemble a un éclair de peu de durée; tu esun
nuage pour celui qui est emprisonné dans les ténèbres.
«Entre à la réception du sultan éternel, vois y tourner des
« écuelles grandes comme des piscines 1 ». A
(( Tu es un rubis agréable, mais qui est encore caché au fond de
la mine ; tu es bien belle, mais ta beauté est couverte d’un voile.
a Ne parle a personne, et si quelqu’un se fâche, dis-lui: Dieu
sait mieux ce qui est juste! ’
479. Le roi des lettrés, Fakhr-ed-Dîn Dîv-dèst à la nature
angélique, nous a raconté ce qui suit : J’avais copié, pour.
le Maître, le Livre des Vérités de Salami. Quand ce travail
fut achevé, je le lui apportai; il lui plut, m’en félicita, et
me revêtit de son propre férédjé béni. Je m’apercus que ce
manteau était trop long pour ma taille; de mes deux mains
j’en ramassai les pans pour qu’ils ne fussent pas souillés de
poussière. « O Fakhr-ed-dîn, me dit le Maître, fais-le arran-
ger ala longueur de ta taille, pour qu’il ne te gêne pas. »
J’en coupai une certaine quantité, et je le revêtis en tran-
quillité. Tout à coup la pensée suivante me vint à l’esprit :
a Si, en un jour, je transcris deux cahiers de papier, le prix
en est de quatre [dirhemsh or, le livre que j’ai copié
est de plus de quarante cahiers; le Maître se contenterait-
il de me donner cet objet ? a Djélâl-ed-dîn eut immédiatement
connaissance de ce que je pensais: « Non, non, dit-il, ô
Fakhr-ed-dîn, cette idée est erronée. » Il me raconta alors
l’historiette suivante :
« Un derviche, à Bagdad, faisait circuler son panier le
jeudi; il arriva à la porte d’un palais fort élevé; il demanda
même
481. Il-y avait, àmaintenant.
Qonya, un personnage ami de.la discorde
2.
I1. llghtn,
an dans la région de Qonya. ’
.n )
3*
i. 1
"I
110 LES SAINTS pas DERVICHES TOURNEURS
endroit. Ce pont est effrayant; il y a là une rivière énorme
et terrifiante qui sort du milieu de la prairie et desroseaux
et passe par la; il est bien connu que, dans cette rivière, il y
a un Seigneur de l’eau. Les Turcs disent qu’il faut que chaque
année il emporte un animal, ou un homme, et qu’après Ï
l’avoir étouffé, il le jette à la surface de l’eau. L’épouse de
notre Maître lui raconta cette histoire, pour qu’il sûtqu’il ne
fallait pas aller seul au bord de cette rivière, dans la crainte
d’y éprouver l’etl’et du mauvais œil. Le Maître se leva aussi-
tôt en souriant : a Bravo! dit-il, il y a des années que je
désire connaître ce Seigneur de l’eau; il y a des chances pour
que je le rencontre. » Avec son férédjévet son turban, il se
jeta dans cette rivière dangereuse et. disparut; les compa-
gnons poussèrent des cris et se mirent à regarder, pour voir
la fin de cette aventure. Au bout d’un instant, Kirâ-Khâtoûn
vit entrer, par la perte de la tente, un personnage effroya-
ble, entièrement couvert de poils des pieds a la tête, avec
un visage d’homme, et des mains et des pieds comme les
pattes de l’ours. Il s’inclina, pendant que Kirâ-Khâtoûn
était terrorisée; il salua, cet animal aquatique, en employant
un langage élégant, et dit : « Nous sommes aussi des ser-
viteurs et des amis du Maître; que de fois il nous a visités
et nous a invités à la foi et à la mystique, au fond de l’eau!
A deux reprises, je m’étais repenti de mes fautes, me pro-
Amettant de ne plus enlever d’homme; mais retombant dans
le péché, je fis périr un jeune homme. Maintenant, je vous
prends comme intercesseur, pour que le Maître me pardonne .
et ait pitié de moi : car je n’ai pas jugé poli de me pré-
senter devant lui avant que vous n’ayez intercédé pour
moi. » On en était la de cette conversation lersquele Maître
entra à son tour dans la tente, comme un lion furieux,
disant des glzazèls et plein de joie; il vit l’animal dans,
cette position et s’écria : « Ceux qui ne connaissent pas le
Seigneur de l’eau, voilà leur maître! Les amoureux qui sont
serviteurs de l’eau et connaisseurs des causes lui sont tous
soumis. » Et il ajouta : u 0 crocodile! dorénavant, et tant
DJÉLAL-ED-DIN ROUMI l ll
que je serai dans le monde, ne commets pas de pareils
actes. n
L’animal s’inclina, déposa devant Kirâ-Khâtoûn un cer-
tain nombre de groups ’ de perles translucides, rondes et
non percées, et partit. (les perles, on les apporta en cadeau
à Méléké-Khàtoûn, et elles figurèrent dans son trousseau.
483. Un jour. le Chéîkhsul-islam Çadr-ed-dîn raconta ce qui
suit en présence de l’émir Perwânè et des grands person-
nages de l’Etat : La nuit dernière, j’ai vu notre Maître telle-
ment plongé dans la proximité de Dieu qu’un cheveu n’aurait
pas pu se glisser entre la Divinité et lui. Lorsqu’on rapporta
ce récit au Maître, il répondit : Donc, comment se fait-il
alors que le Cheikh jÇadr-ed-dinl ait pu y être contenu ? En
effet, dans le monde de l’lÎnité. Dieu n’a pas d’associé; il ne
peut contenir aucune espèce d’associé ni d’être qui lui soit
entrelacé 2; cela n’est pas permis. (l’est ainsi que le pro-
phète a dit : a J’ai aVec Dieu des moments dans lesquels ni
archange rapproché, ni prophète envoyé. ni livre révélé ne
peuvent me contenir ». Le Perwânè. confondu de cette
situation étonnante, sortit en pleurant et envoya aux amis
de nombreux témoignages de reconnaissance.
484. Les savants compagnons ont raconté qu’un jour le
Maître était assis dans son collège béni. Tout à coup il entra
un groupe de moines chrétiens et de rabbins juifs
"17.qui s’in-
LÎ clinèrent avec une sincérité parfaite, et l’interrogèrent sur la
r.
ri
raison des devoirs imposés par la loi canonique et sur le
secret des ordres et des interdictions institués par le Qorân
pour la communauté mahométane. afin de comprendre le
motif des décisions rendues. Le Maître répondit leu arabe: :
a Dieu a imposé comme devoir à ses serviteurs la foi com me
purification du polythéisme, la prière comme une délivrance
de l’orgueil, la dîme aumônière comme un moyen d’obtenir
le pain quotidien, le jeûne pour éprouver la sincérité des
i. ’Aqdi’ tchè’nd.
"èrlwffflwîy H . v.-
114 Les SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
- a Hier, reprit l’empereur, je l’ai. vu en songe qui
m’étoufl’aitet disait que cette ville-lui appartenait. Main-
tenant, ô Akhî, je te constitue mon père; je renonce à la
mauvaise pensée que j’avais conçue ; je m’en repens; je ne
ferai pas de mal aux gens de Qonya. Ce souverain du monde
mystique a-t il des successeurs, une famille? n ’ A
- « Oui, répondit l’Akhî, son fils, Bébé-ed-din Wéled, est
le chéïkh de notre ville; il n’y a pas dans le monde de théo-
logien qui lui soit comparable; il est le souverain des’adeptes
du mysticisme et de la gnose. » --V « Donc, dit l’empereur,
c’est un devoir pour nous de lui rendre visite. n
« Alors, en compagnie des grands de sa cour et d’Akbî
Ahmed-Chah, il se rendit auprès de Sultan W’éled, qui, ce
jour-là, exprima tant de pensées et d’idées élégantes que
Gaïkhatou, en toute sincérité d’âme, fit montre détienne
volonté et. devint son disciple. Sultan Wéled lui posa sur la
tête la coitfure des Maulawîs, et lui réserva ses faveurs; il lui
raconta le trouble éprouvé à Balkh par Béhâ-ed-dîn Wéled,
l’ingratitude du Khârezm-Châh et les évènements qui sui-
virent. Tous ensemble se rendirent en pèlerinage au man--
solée sacré, et Sultan Wéled se livra à la danse rituelle
jusqu’aux environs de la prière de midi, en disant ce
quatrain :
« Laisse Ce monde, car il ne t’appartient pas : quand tu le.
frappes, ce n’est point par ton ordre.
, « Si tu amasses la fortune de tout un monde, n’en sois pas
joyeux; si tu as confiance dans ta vie, n’en l’ais rien, car elle ne
t’appartient pas.
rimas?» -I a
hm
à
116 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
a O Chems Tébrîzî, c’est toi qui es le connaisseur des mys- ’ .
tères du prophète; que ton doux nomSoit un remède pour tout
homme dont le courage a disparu!
488. Les anciens directeurs spirituels ont raconté qu’à
Tébrîz, les directeurs de la voie mystique et les connaisseurs
de la gnose véritable appelaient Chems-ed-dîn le Tèbrizz’ par-
fait, et qu’un groupe (le voyageurs mystiques le nommaient i
Chems-ed-dîn le volant, a cause de la faculté qu’il avait d’en-
rouler la terre sous lui ’. On dit qu’au début de sa carrière a
il était devenu le disciple du Cheikh Abou-Bekr de .Tébrîz
surnommé SelIè-bâf « le vannier n ; à la fin, lorsque le déve-
loppement de son instruction mystique et la perfection de ses
extases dépassèrent les limites (le la perception humaine, il se
mit en voyage à la. recherche des plus parfaits et des plus
excellents éducateurs; il devint en quête des hommes de Dieu,
il fit plusieurs fois le tour de toutes les régions de la terre, en
mettant en pratique le proverbe : «Voyagez, vous y gagnerez
santé et profil » ; il les contempla, en obéissant à l’indication
contenue dans ces mots : a La terre a été rassemblée pour moi,
et l’on m’a fait voir ses divers points du levant et du cou-
chant; l’empire de ma communauté atteindra ce qui a été
rassemblé pour moi de cette terre, à l’orient et à l’occident,
sur terre et sur mer, loin et près ». Il alla visiter tant d’ab-
a’âls, d’autâds, de pôles, d’individus, de gens de décourage-
ment et voilés, de grands personnages maîtres de l’idée et
de la forme, mais il n’en trouva pas qui fût à la hauteur de
sa grandeur; les directeurs spirituels du monde, il fit d’eux
ses serviteurs et ses disciples; il voyageait, et cherchait l’ob-’,
jet désiré et aimé. De même, ayantcaché le miroir de son
existence bénie dans un vêtement de feutre, il disparaissait
aux regards des voyants de. l’univers dans les manifesta-I
tions mystérieuses et les voiles des coupoles du zèle divin.
t. Tayinamîn, c’est-à-dire qu’il pouvait, se tenant en l’air, voir la terre se
dérouler sous lui, et se trouver transporté dans des endroits tort éloignés;
c’est le don d’ubiquité accordé aux mystiques supérieurs. On l’appelle aussi
tafra (de lafar a sauter en l’air verticalement n).
CHEMS°ED-DIN TÉBRIZI 117
Notre Maître a dit, à l’égard de sa situation sans in-
dices z
[Vers arabes]. a Notre Maître a des joues de nature a efl’rayer
la beauté d’un Joseph, bien que celui-ci soit, à. ce point de vue.
le meilleur des hommes.
a Les oiseaux de plein jour ne peuvent supporter ses rayons:
comment les oiseaux nocturnes pourraient-ils désirer de le voir?
[Vers persans]. a O toi qu’Adam et sa postérité n’ont pas vu
même en rêve, a qui demanderai-je de te décrire?Suppose que
je l’aie demandé a tous Z
l. Ce derviche était aussi poète : il est cité dans Daulet-Chàh. Tezkiret (ch-
. .Lit.
sa”a 9S,
Cho’ara, éd. Browne.p.
Vu, 47 210, 223 : il fut le maître d’Autjadt de Mérâgha. qui
lui a emprunté son surnom poétique. Cf. J. de llammer. Geschichte der scho-
nen Redekünsle Persiens. p. t99: Rizâ-Qnuli-Khân. Medjma’ eloFosalgd. t. l.
p. 94. Cf.,- t. l. p. 345, n. t.
IL
t . , - à"? mirbùgfl
4.a.
’i ..v’",3
àI
vh.
t. Qor., XCIV, t.
f8
ses:
120 ’ LES SAINTS DES DERVICHEjS TOURNEURS
satisfait et ne regarda pas au-delà, tandis que l’Élu chaque
jour voyait davantage et allait plus avant; il voyait de jour
en jour et d’heure en heure s’accroître les lumières. la
grandeur, la puissance et la sagesse divines; c’est pour-
quoi il disait: u Nous ne t’avons pas connu comme tu
mérites de l’être ». C’est ainsi que le Maître a dit : .
W". s Me:-
122 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
« Je voulais éprouver la limite de la mansuétude de notre
maître ;cette extension ésotérique n’est pas de ces choses
qui entrent dans les limites de la tradition. »
a O mon fils, il y a des centaines de mille d’épreuves; quiconque
dit: Je suis devenu officier, déchire-le. 7
[Vers arabe]. « Il n’a pas besoin des discours, et il n’embrasse
pas sa description ; ce qui n’a pas besoin embrasse-Hi ce qui ne
pénètre pas? *
a Si. sur mon corps, chaque poil devenait une langue, je ne
pourrais pas exprimer une seule de tes faveurs sur mille.
492. Les anciens compagnons, les frères nobles (satisfaction a
de Dieu pour eux tous t) ont raconté que notre Maître a dit :
n Lorsque notre maître Chems-ed-dîn vint me voir et lier
conversation avec. moi, immédiatement le feu de l’amour
mystique lança une flamme dans mon cœur, et avec une
maîtrise complète il me dit : Ne lis plus les paroles de ton
père. Sur son ordre, je cessai de les lire pendant quelque
temps. Ensuite il me dit : Ne parle à personne. Pendant
quelque temps ne cessai de garder le silence; mais
comme mes paroles étaient la. nourriture Spirituelle des
amoureux mystiques etle vin de l’esprit des purs, tout d’un
coup ceux-ci se trouvèrent assoitfés, et par le rayonnement
de leur pensée et de leurs regrets. le mauvais œil atteignit
notre maître Chems-ed-dîn.
493. Les amis de la certitude et les amoureux véridiques ont
raconté qu’au début. de la situation de notre Maître, il lisait
assidûment les paroles de lléhà-cd-dîn Wéled; toutà coup,
notre maître Chems-ed-dîn entra par la porte en disant :Ne
les lis pas! ne les lis pas! jusqu’à trois fois. Après que la
source de la science transcendante se mit à bouillonner dans
son cœur béni, il ne s’occupa plus (le ces paroles.
494. On rapporte que notre Maître, dans les premiers temps
de sa rencontre avec notre maître Chems-ed-dîn, lisait la nuit
le diwan de Mo’ténebbî : « Cela n’en vaut pas la peine, lui
dit Chems-cd-dîn; ne le lis plus. » 11 parla ainsi une ou deux
CHEMS-ED-DIN TÉBRIZI 123
fois; mais notre Maître continuait sa lecture en s’y absor-
bant. Une nuit, pendant qu’il lisait avec assiduité, il s’en-
dormit et se vit en songe discuter. dans un collège avec les
savants et les jurisconsultes, de sorte que tous furent con-
vaincus. Dans ce même songe, il se repentit et regretta ce
qu’il avait fait, en se disant :Pourqnoi l’avons-nous fait? Est-
ce que c’était nécessaire? Il voulut sortir du collège: au
même instant il s’éveilla et vit entrer notre maître Chems-
ed-dîn qui lui dit : As-tu vu ce que tu as fait à ces infortu-
nés jurisconsultes? Tout cela provient du mauvais augure
tiré de la lecture du diwan de Moténebbî.
On raconte encore qu’une nuit. de nouveau il vit en
songe que notre maître Chems-ed-dîn avait pris Moténebbî
par la barbe et l’amenait devant notre Maître en disant: u Tu
lis les paroles de celui-ci ? n Or Moténebbî était un homme
maigre et d’une apparence faible; il se plaignait et disait :
Délivre-moi des mains de Chems-ed-dîn. et ne gâche plus
ce diwan. Finalement il renonça à la science et à l’ensei-
gnement. se couvrit de son turban rubicond, se revêtit de
son férédjé de l’inde, et commença à se livrer à des mortifi-
cations et à des danses rituelles.
a J’étais le premier ascète de la région, j’étais le prédicateur
en chaire, le destin de mon cœur a fait de moi l’amoureux de les
[disciples aux pieds trépidants».
.,Và V me
’
a!
g.
t. Qor., xux, 2.
cnnns-nn-mx TÉBRIZI 131
Khorasan à celle de cette dernière ville. n - a Cette pré-
tention du çoùfi. répliqua Chems-ed-din, est une plaisan-
terie : il n’a pas assez de raison, car il n’y a pas lieu de con-
sidérer le terroir; si c’était arrivé à un habitant de
Stamboul, ce serait un devoir pour un Mecquois de le
suivre. L’amour de la patrie fait partie de la foi ’. Comment
l’intention du prOphète se Serait-elle portée vers la Mecque.
qui est une localité d’lCl-ltüSI or la foi n’est pas de ce inonde
terrestre; donc ce qui relève de la foi ne peut appartenir a
ce monde actuel, mais a. l’autre. L’islamisme a paru comme
une chose étrangère’. Du moment qu’il est étranger et relève
de l’autre monde, comment aurait-il pu songer à la Mecque?
506. Cliems-ed-din, fils du professeur. nous a raconte ceci :
Un groupe de derviches parvenus :au dernier stade demanda
à notre Maître quel homme était Khadje l’aqîh. u Kamil de
Tébrîz, répondit-il. qui est l’abrlu’l de la ville de anj’u.
dépasse de plusieurs degrés Faqih Ahmed. Parfois il entrait
dans la chambre des sultans et des émirs. sans que les cham-
bellans et les lieutenants du palais le vissent: il passait et
allaitk’asseoir sur le trône du Sultan: il entrait" in leur
audience, prenait les instruments qui s’y trouvaient, sortait.
et personne. n’avait le courage ni l’audace de rien dire. u v
507. On rapporte que des grands savants au cœur-éclairé
appelaient Chems-ed-dîn « le glaive de. Dieu n. parce que toute
personne contre laquelle il se tachait, ou bien il la tuait, ou
bien il la rendait l’âme blessée. tient mille jurisconsultes
n’étaient qu’une goutte dans l’Oréan de Kamil de Téhriz. De
même, continuellement, notre Maître tlhems-ed-dîn disait:
Le véritable ami est celui qui. comme Dieu. est confident in-
time, pour supporter les ditiicul’tés. les désagréments. les lai-
(leurs de son ami; il ne se tache d’aucune de ses erreurs ni
d’aucun de ses, manquements: il ne permet pas au relus et a
l’opposition de s’introduire en lui-nième; c’est ainsi que le
Miséricordieux ne s’etlraic" pas des péchés. des vices. des
t. Hadith du prophète.
sil. ’.
132 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
contradictions de ses serviteurs ; il répand sur eut leur portion
journalière par un effet de sa grâce parfaite et de sa commi-
sération royale; tels sont l’amilié, l’amour sans faiblesse.
C’est ainsi que le Maîtrea dit:
fections ». - , r *
508. Une troupe de femmes passait un jour au loin.
.Kâmil de ’l’ébrîz, qui se tenait là, s’écria: a Au milieu de
cette assemblée une lumière brille, et il semble que cette
clarté vienne de la mine de lumières de notre Maître ». On ,
rechercha qui ce pouvait être, et il se trouva que c’était
Méléké-Khâtoûn, fille de Djélâl-ed-dîn. Il ordonna de la
lui amener à la maison; il lui offrit l’hospitalité et luiréserva v
de grandes faveurs.
509. Sultân Wéled a raconté ceci: Un jour, mon père avait fait
montre d’une exagération excesSive en louant notre maître
Chems-ed-dîn; il avait exposé, hors de toute limite, ses sta-
des, ses miracles, sa puissance. Moi, poussé par ma &yance
et m’a joie, je m’apprOchai, je m’inclinai en dehors de la
cellule de Chems-ed-dîn et je restai debout. ’« O Béhâ-ed-dîn,
me dit-il, quelle plaisanterie est-ce? » Je répondis : Aujourd’-
hui, mon père a glorifié les qualités de votre grandeur. Il
répliqua: Par Dieu, je ne suis pas même une goutte de
l’océan de la grandeur de ton père, mais je suis mille fois
plus qu’il ne l’a dit. Je retournai auprès de mon père et je
m’inclinai avec ces mots: Voici ce qu’a dit notre maître
Chems-ed-dîn. [Il me répondit] : Il a loué sa lumière,
il a montré sa grandeur, il est cent fois autantqu’il ne l’a dit.
510. On raconte de même qu’un jour notre maître Chems-
ed-dîn dit : a Je vous dirai en secret, pour quenotre Maître
ne l’enlende pas :Nous avons délaissé les anciens, parce que
les modernes offrent plus de gens de mérite; certes, après
Mohammed-l’envoyé de Dieu, personne n’a parlé comme l’a
fait notre Maître. Et il ajouta : Une seule obole du Maître,
l. Qor., LXlV, 9.
134 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
imberbe; comment est-cc?» Il répondit : Cette idée a deux
valeurs; ou bien il voyait Dieu sous la forme d’un homme
imberbe, ou bien Dieu (que sa grandeur soit exaltée!) se
personnifiait de tant lui sous la forme d’un homme imberbe,
par suite de l’inclination d’Abou-Yézîd. Ensuite il ajouta:
Notre, Maître Chems-ed-dîn avait une femme, nommée”
Kimiyâ: un jour elle se fâcha contre lui, et se renditdu côté
des jardins de Mérâm. Notre Maître dit aux femmes du col-
lège : Allez, et. ramenez Kimiyâ Khâtoûn, car l’esprit de notre
Maître Chems-ed-dîn a un immense attachement pour elle.
La troupe des femmes montraient de la négligencel pour aller
à sa recherche; cependant notre Maître entra auprès de Chemsa
ed-dîn, qui était assis; il le vit causer avec Kimiyâ-Khâtoûn’
etjouer avec ses mains; Kimiyâ avait ses mêmes vêtements
et. s’était assise. Notre Maître resta étonné, car les femmes
amies n’étaient pas encore parties. Notre Maître sortit et fit
un tour dans le collège, afin que son maître et sa femme
restassent occupés à leur plaisir et à leurs jeux. Ensuite le
Maître Chems-ed-dîn poussa un cri : Entre à l’intérieur, dit-
il. Quand notre Maître entra, il ne vit que lui seul; cons-
tatant ce mystère, il lui demanda: Où est allée Kîmiyâ? Le
Très Haut m’aime tellement, répondit Chems-ed-dîn, qu’il
se présente a moi sons toutes les formes que je désire; main-
tenant, il est. venu sous les apparences de Kîmiyâ et s’est
montré. sous sa forme. Donc, s’écria notre Maître, la
situation d’Abou-Yézîd était telle que Dieu s’était montré à
lui sous une forme imberbe.
«Lorsque tu entres dans une forme, quelle beauté, quelle
ivresse! Quand tu rejettes cette forme tu es le même amour, le
même être unique». ’
l. Kârdstî. r
CHEMS-ED-DIN TÉBRIZI 135
kiosque élevé sur la terrasse du collège. Il y avait un beau
clair de lune; les gens s’étaient endormis sur les terrasses
des maisons. Chems-ed-dîn, se tournant vers notre Maître,
lui dit: Ces malheureux sont tous morts; ils sont insouciants
et ignorants du Seigneur; je veux que par une faveur infinie
de ta part, tu les réveilles, de façon qu’ils ne restent pas sans
participer quelque peu à la miséricorde de cette nuit. Notre
Maître tourna son visage béni vers la direction de la Mecque
et pria en ces termes: a O souverain du ciel et de la terre,
par la considération qui s’attache au mystère pur de notre
Maître Cliems-ed-dîn, accorde-leur à tous de se réveiller l»
Immédiatement un énorme nuage, venant du monde mysté-
rieux, apparut; les éclairs, le tonnerre se manifestèrent; il
tomba tant de pluie que personne ne resta sur les terrasses
de la ville;cliacun, prenant le premier vêtement qui lui
tombait sous la main, s’enfuit. Chems-ed-dînsouriait douce-
ment et se sentait satisfait.
Quand le jour apparut. les amis se réunirent, aussi
nombreux que des gouttes de. pluie, et Chems-ed-dîn leur
raconta cette aventure. Auparavant, dit-il, tous les pro-
phètes et les saints faisaient des efforts pour rester cachés
aux yeux des créatures et pour que personne ne connût leur
véritable état. Actuellement, mon Maître a fait tellement
d’efforts dans la voie de l’amour mystique qu’il est resté
caché même aux yeux des souverains du monde invisible:
c’est ainsi qu’il a dit : a Dieu a des saints cachés n.
fivmsfga WV-J’ "a v"tu 37. Inn l"
a Cet être seul te connaît qui a fait de toi une personne ; tout
individu l’ignore, car tu es invisible».
i.
ln-
138 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
dit. : « liai eu un jour l’occasion de faire l’ascension des
mondes de liempyrée et de marcher dans les voies du monde
supérieur. Quand j’arrivai au quatrième ciel, je vis la sphère
de ce ciel toute obscure; j’interrogeai les habitants de la
maison prospère t et ceux qui sont couverts par le monde de
la lumière, au sujet de l’absence du soleil. J’entendis les ’
êtres sacrés de la cour divine me répondre :Le soleil
s’est rendu en pèlerinage auprès du souverain des paüvres,
Chems-el-haqq (le soleil de la vérité) de Tébriz. Après avoir
contemplé les stadeset admiré les miracles des cieux, je,
retournai au quatrième ciel ; je vis le grand luminaire à sa
place. occupé à répandre la lumière et les rayons de sa clarté in
C’est ainsi que le poète a dit:
a Lorsque lui parvint la description du visage de Chems-ed-dtn;
le soleil qui marche dans la quatrième sphère retira sa tète. a
547. On portait une fois le cercueil d’un jeune homme.
couvert d’une housse de soie; les assistants se lamentaient
et pleuraient. Chems-ed-dîn, ayant rencontré le cortège,
s’écria : « (tu porte-t-on cet infortuné à jamais regrettable?
Ne valait-il pas mieux m’y porter, moi qui depuis tant
d’années vis dans les regrets, sans parvenir au but souhaité?
« Si la mort était un homme, elle viendrait auprès de moi pour
que je la tienne étroitement embrassée. i
« Grâce a elle, je ferais disparaîtreune vie sans éclat; elle.
grâce à moi, prendrait un froc aux brillantes couleurs » i
« Si ce mort qu’on emporte avait une langue pour expli-v
qner sa situation, et s’il était autorisé à révéler lesvsecrets
du trépas, que ne dirait-il pas! Que ne montrerait-il pas! »
Parfois, nous a dit un jour Sultan Wéled, Chems-edwdîn
demandait du melon à ses disciples et à ses amis : on lui
apportait, en etl’et, des melons succulents qu’il dévorait, puis
il leur en jetait l’écorce à la tète en .s’écriant : «Misérables!
sa519.réelle nature?
Les grands compagnons »de.Dieu sur eux
(satisfaction
tous!) ont raconté, d’après notre Maître, qu’on demanda à
Chems-ed-dîn : Qu’est-ce que l’unité de Dieu ? Il répondit:
L’unité de Dieu est telle qu’interroger sur cette matière
un directeur spirituel est une innovation [répréhensible].
Tout est la pr0priété de Dieu, vient de Dieu, est fait par lui,
et retourne à lui. Ce qui est la propriété de Dieu, c’est cequi
a été dit:
a A Dieu appartient l’empire des cieux, de la terre et de
tout ce qui y est contenu ’ n ; ce qui vient de Dieu,
c’est ceci : a Les bienfaits dont vous jouissez viennent de
Dieu’; dis z tout vient d’auprès de Dieu » 3; quant à ce
qui est par Dieu, vous trouverez : « Que le ciel et la terre se
tiennent par son ordre » t; et pour ce qui est. du retour à
Dieu : « C’est à Dieu que retournent les choses 5; toute
atïaire retourne à lui 6 : vers lui est le devenir» 7. Quiconque
connaît son corps pour un être récemment créé, connaît son
Dieu pour un Être éternel dans le passé; quiconque con-
naît son corps pour sa tyrannie, connaît son Dieu pour être
fidèle; quiconque connaît son corps pour être pécheur,
connaît son Dieu pour être bienfaiteur.
520. Le chéïkh Mahmoûd surnommé Çâhib-Qirân, fils du
t. Qor., V, 120.
2. Qor., XVI, 55.
3. Qor., lV, 80 : cf. lll, 5.
4. Qor., XXX, 24.
5. Qor., Il, 206; Ill, 105; V111, 46; XXIl, 75; XXXV, 4; LVlI, 5.
6. Qor., XI, 123.
mus-.4. LmA-A’
7. Qor., V,Un, L Ï . LXIV, 3.
2l; XLll,14;
CHEMS-ED-DIN TÉBRIZI 141
charpentier, nous a fait savoir, sur le rapport d’anciens
amis, qu’un jour les grands compagnons auraient dit à
Chems-ed-dîn : a Notre Maître vous réserve une faveur
immense, une amitié sans limite. à telles enseignes qu’il a
mis sous votre nom tant de milliers de ghasèls, et les a
publiés sous cette forme. n - a Par Dieu. s’écria Chems-
ed-dîn, je suis tombé entre les mains toutes puissantes de
l’âme d’un souverain qui, s’il le veut, peut me faire monter
jusqu’au trône de Dieu (ardt). et s’il le veut. me faire
deScendre sur la surface de la terre (farclz’v. n C’est ainsi
que le Maître a dit :
u Mou cœur est devenu une plume de roseau entre les doigts
d’une bien-aimée qui ce soir écrit: Vis! et demain écrira :
Enfouce-toi [dans la terreî!
a Elle taille la plume pour tracer les caractères l’l’qIÎ’ et naskh l;
la plume dit : Je me rends! Au moins tu sais qui je suis
521. Notre Maître éprouvait tant d’amitié et d’attachement
spirituel pour Chems-ed-dîn. qu’après son absence. quicon-
que venait lui donner de fausses nouvelles en disant : a J’ai
vu en tel endroit notre maître Chems-ed-din v. immédia-
tement le Maître détachait son turban ou enlevait son férédjé
et le donnait au prétendu porteur de bonne nouvelle: il lui
faisait des cadeaux, et s’émerveillait. Par hasard. un jour,
quelqu’un vint lui dire : u J’ai aperçu notre3.4.1
maître
-i v w Chems-
ed-dîn à Damas n: le Maîtrc.inontra autant de joie qu’on
peut dire: tout ce qu’il portait sur lui. turban.
sv férédjé, sou-
liers, bottes, il lui en lit préSenl. En cher ami lui aurait dit:
« C’est un mensonge: il ne l’a jamais vu n : le Maître répon-
dit 1 u C’est pour sa fausse nouvelle que je lui ai donné mon
n, "11.!,
turban et mon férédjé: car, www! w
si la nouvelle avait été vraie,
au lieu de vêtements, c’est une vie que je lui aurais donnée :
je la lui aurais sacrifiée ».
522. Les anciens
0a compagnons. les chefs des amis (puissent-
ï
1. Sur ces deux genres d’écriture, voir Ct. Huart. Calligraphcs et miniatu-
risles, p. :21 et 35.
,.,1
v’mwfgm; Me 3&3! v .
F.
La , I. a: amie-1x
s
l42 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
ils être heureux!) ont raconté qu’un jour il y avait une grande
intronisation dans le couvent de Noucret-ed-dîn le vizir
(miséricorde sur lui l); on installait un grand personnage dans .
la dignité de chéïkh; tous les savants, les chéïkhs, les mysn
tiques, les sages, les émirs, les grands étaient tous présents
à cette séance: chacun prononçait des paroles relativement
à toutes sortes de sciences religieuses et profanes, et soule» A. y -
y
vait de profondes discussions. Toutefois notre maître Chems-
ed-dîn s’était posé dans un coin t en observateur; il se leva
tout d’un coup et dans son zèle leur cria : « Jusques à quand
nous ennuierez-vous avec vos traditions, et courrez-vous
dans l’hippodrome montés sur une selle sans cheval? Per-
sonne d’entre vous ne dira-t-il pas: a Mon cœur m’a appris ,
ceci de mon Seigneur»? Jusques à quand l’exposerez-vous
aux coups de bâton des autres t ’
« Le pied des raisonneurs est de bois; un pied de boisn’a
aucune solidité ».
t. Tel un trésor; jeu de mots entre kondj q coin Il et gaudi a trésor in,
CHEMS-ED-DIN TÉBRIZI 143
lations n t. Notre Maître sait quelle est la cause de la révélation
de ce verset : ’Ali, le commandeur des croyants (que Dieu
soit salisfait de lui H s’était mis d’accord avec l’Élu de Dieu
sur les dix jours qui précèdent ’1’ ’Âchoûrâ. Ces nuitsulà, le
prophète ne mangeait rien. L’Elu jeta un regard sur cAli,
et vit en lui des traces de faiblesse ; il dit : «Je ne suis pnint
comme [un (le vous ». C’est alors que fut révélé le passage :
« Dis : Je ne suis quiun homme pareil à vous: je reçois
seulement des révélations n. La ulitliérence, ce. sont les mols:
a Je reçois des révélations n.
a Par ton corps, tu es un animal. par ton âme, un ange: c’est
pour marcher tant sur la terre que dans le ciel.
« [Le prophète) est un homme extérieurement comme l’un dz»
vous, mais par le cœur, il a le. don de seconde: vue. recevant des
révélations. n
4v.:
firent mur A»
144 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
tiques dans une réunion de savants : a Toutes ces études,
dit il, toutes ces lectures, toutes ces peines, c’est pour
rendre obéissante et humble la passion rebelle, comme l’ont
fait Aaron et Moïse; c’est comme le joug au cou du bœuf,
pour le dompter et lui faire labourer letsol env toute tran- A
quillité, pour que ce. sol conscient reçoive la semence, et
au lieu d’épines et ide broussailles sèches, produise toutes
sortes de grains et de belles plantes odorantes; pour que, de
cette boue, il pousse des fleurs. Lorsqu’on ne peut dompter
cette science, elle n’est.plus que peine et embarras; elle
n’est plus une bénédiction pour l’homme. n
a «lm-3’72:
t. Qor., Il, 208; XXIV, 38; cf. lit, 32.
Tome Il. t0
. ’j’lt;r.;4’nïgt
146 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
tu lisais ce livre. En effet, une pensée et un souvenir, c’est
la plupart des songes. S’il n’avait pas été dans ta pensée,
il ne se serait pas montré dans ton rêve ». Depuis lors,
tant que. vécut Chems-ed-dîn, je ne m’occupai plus de
cette idée. ’
’ 526. Les chers compagnons ont raconté que Chems-ed-dîn
s’était un jour assis en compagnie de notre Maître ; les grands
de la ville étaient présents. a Il me faut, dit-il, un disciple tel
que tous les chéïkhs parfaits, tous les mystiques parvenus
au stade de la jonction restent impuissants en présence de
sa perfection; qu’il n’ait pas la capacité d’atteindre cette
perfection, et que tout le monde se déclare impuissant [de la
lui faire atteindre]; je me charge de l’y mener, et de lui
montrer Dieu sans doute ni hésitation. C’est ainsi que le *
Qorân dit :’ a Il a guéri l’aveugle de naissance et le lépreux;
il a rendu la vie aux morts, par la permission de Dieu » 1.
En présence de la toute. puissance divine, personne ne peut
parler de capacité.
« Tu es capable, si tu exécutes la condition de l’acte divin;
aucun être inexistantne peut [autrement] parvenir à l’existence a.
Tous les amis s’inclinèrent et prononcèrent des bénédic-
tions sur cette puissance immense. ï
« La seigneurie de Chems-ed-dîn de Tébrîz est au-dela des sept
sphères azurées. , j ’
« Sous son genou, la prédestination est obéissante, bien qu’elle
t. a Dieu soit exalté! un Qor. XXI, 22; XXX, 16; XXXVI. 63.
r: a. Proverbe.
3. Qor., V, 59.
4. Qor.. V1, 103.
152 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
qui sont une chose illicite; il a fait une grande chose, celui qui
a dit que c’est interdit; un tel concert est une infidélité; une
main qui se lève sans cette extase, sûrementla main et le pied
de celui-là seront châtiés dans l’enfer; tandis qu’une main”qui
se lève avec cette extase, atteindra assurément le paradis;c’est
la le concertqui est autorisé. C’est la danse des gens de morti-
fication et d’ascétisme qui produit chez eux des larmes et (le
l’attendrissement ; il y a un concert qui est un devoir obli-
gatoire, c’est celui des extatiques qui est pour eux un devoir
d’obligation personnelle’, tout autant que les cinq prières
[journalières] et le jeûne du mois de ramadan, autant que
de manger du pain et de boire de l’eau en cas de nécessité
en est un pour les extatiques, parce que c’est l’aliment de
leur vie. Si les mystiques ont un concerta l’Orient, d’autres
en ont à l’Occident, et ils ont connaissance les uns des
autres. V i
5° section. Quelqu’un dit : Notre Maître est tout grâce, et
Chem s-ed-dîn est en même tem ps tout grâce et tout violence.
Il répondit : Ils sont tous ainsi; celui qui est venu et inter-
prète mes paroles, et s’excuse en disant : Mon intention est de
les réfuter, c’est votre insuffisance [qui en est cause].0 sot!
Quand ma parole est sortie de ma bouche, comment peux-
tu l’interpréter et comment peux-tu exprimer des excuses ?
Il me donne des attributs qui sont spéciaux à Dieu, qui
possède à la fois la violence et la grâce. Cela n’a point été une
parole quelconque, ni le Qorân, ni les traditions prophétiques;
c’est ma parole qui est passée par sa bouche ;comment te par-
viendraitfelle, pour que tu [puisses dire : Ils ont tous la
violence et la grâce, pour me l’attribuer? Comment serait-
elle à tous? Alors il leur faudrait, avec cette raison et cette
politesse [qu’ils possèdent], atteindre en deux jours Abou-
Yézîd [Bastâmî], Djonéïd et Chiblî, et qu’ils boivent à la
même coupe. S’ils mettent en pratique l’œuvre de ces cheikhs
(goba). » *
Alors il lui fut dit: Tala (foule). c’est à dire pose à terre ton
autre pied, ne te tiens pas sur un seul pied,car nous n’avons
pas envoyé l’ordre de veiller pour le causer de la douleur.
«--zv- ,
Je ne demande plus les paroles extérieures qu’ils ont dites ;
tu ne diras que ce qu’ils ont dit. Maintenant il est connu
qu’il faut lire le commentaire de ces paroles dans la ’l’able
bien gardée ; la marge de cette table neu’peul-être
rvv veut contenue
tu Ë"!
dans l’imagination. Le souverain dit : Ne me rends pas de
services, car j’ai honte de toi. Il répondit : Ne me dis pas
cela, car par l’interdiction que tu prononces. ton amour se
refroidira dans mon cœur. tu deviendras froid dans mon cœur.
Du moment qu’il en est ainsi, reprit le souverain. je ne
le dirai pas. De nouveau, une autre fois, il dit : Par ton
âme et par ta tète, je jure que je n’en ai nul besoin; ne le
fais pas. « Nous t’avons donné une victoire éclatante, pour
1. c Si ce n’était toi, [je n’aurais pas créé tes cieux]. n Formule célèbre chez
les Musulmans. x
2. Qor., L111, 17.
3. Qor., Il, 256.
4. Qor., 111, 5 et passim.
in
160 LES SAINTS [DES DERVICH’ES TOURNEURS
1. Qor., 111, 5. I .
2. Jeu de mots sur la double signification de hawd a air » et a paSSIon n.
CHEMS-ED-DIN TÉBRIZI 161
ce qu’il y a? s’écria le chameau; viens, c’est facile, l’eau
ne monte que jusqu’aux genoux. Pour toi, répliqua la
fourmi, elle ne le monte que jusqu’au genou: pour moi,
elle me dépasse la tête de six coudées. Si j’étais resté sans
directeur spirituel, je n’aurais pas duré. a Qui s’avance
vers moi d’une brasse? n lt y a une différence entre brasse
et brasse, entre empan et empan, entre genou et genou. Il
ne fallait que deux pas, et il est arrivé à un pas. Tu n’as pas
le caractère mahométan; c’est Pharaon qui a montré sa tête
en toi. Moïse est venu; il le chassa. Pharaon est revenu,
et Moïse est parti. Ceci prouve jusqu’où va la diversité
des couleurs. Prends toi-même pareillement Moïse, afin
que Pharaon ne vienne plus. Cette diversité de couleurs ne
fait pas le compte de l’altaire : a Certes. ceux qui ont dit :
Allah est notre Seigneur, et qui s’y sont tenus... l» Ce cha-
meau, en comparaison de ’Adj ben’Anaqî, serait de même que
quand on a dit : Il y a des ditl’e’rences entre genou et genou:
car ce géant n’avait pas été noyé par le déluge de Noé; l’eau
de la mer ne lui était montée qu’aux genoux; et pourtant
Moïse a réussi à le mettre à mort. Cet ’Adj ben’Anaq.en pré-
1. vwv .
sence d’Adam et des fils de l’âme et du cœur d’Adam. non pas,
mais des fils de l’eau et du limon d’Adam. particulièrement
celui dont on a dit : u Deux pas, et il est arrivé n (c’est le pas
de Mahomet, un pas vers la vie future et un pas vers le Mai-
tre), pour moi et pour toi il a la même valeur que si nous
faisions cent pas du genou jusqu’au genou, afin de ne pas aller
plus loin que le bord du banc. a Dieu est gracieux pour ses
w Y’wn. ,çlhîrq’sïliï V t1 t îfÏ’Y’
pas faire n. ’
« En dernière analyse, tu as tortde reprocher à l’adorateur
des idoles de pierre de se tourner vers une pierre ou une ’
peinture sur un mur; cependant tu mets ton visage face
à un mur. C’est donc une énigme que Mahomet a dite
(sur lui le salut!), mais tu ne la comprends pas. Enfin, la
Ka’ba est au milieu du monde, du moment que les créatures
qui le peuplent ont toutes levisage tourné vers ce monument:
lorsque vous enlevez la Ka’ba, la prosternation de ces créa-
tures ne peut plus être dirigée que vers le cœur les uns des
autres; ceux-là sont prosternés devant le coeur de ceux-ci, et;
réciproquement. Le prOphète a dit : a Une réflexion d’une
heure vaut mieux qu’une adoration de soixante années 1 n.
Ce qu’on a voulu dire par l’expression de réflexion, c’est
l’état de béatitude (Imzoûr) du derviche sincère; dans son
l nué-u...
amans-30mm TÉBRIZI 169
seur est Dieu: c’est par jalousie qu’on appelle le mystique
Çcîlzib-dz’l «possesseur de cœur. »
532. Un jour, dans le collège de notre Maître et en son illus-
tre présence, il formulait des préceptes improvisés dans son
cœur: les grands de l’époque étaient présents. « Comment.
dit-il, Fakhr-ed-dîn Iiâzi a-t-il en l’audace de s’exprimer
ainsi : a Mohammed l’Arabe ’TIÎZI’ a dit telle chose. et Moham-
med Bali a dit telle, autre? » Il n’est pas l’apostat de
l’époque. il n’est pas l’incrédule absolu: s’il se repent,
pourquoi le molesterait-on? On se jetterait soi-môme sur le
sabre aflilé; dans ce cas. quel est le sabre. serviteur de Dieu,
qui aura de la compassion peureux? Ils n’en ont pas pour eux-
mêmes. C’est ainsi que’le chéïkh Mohammed lbn-’Arabi a
dit, dans la ville de Damas : a Mohammed est notre cham-
bellan t ». Je lui dis : u Ce que tu vois en toi-môme. pourquoi
Vcfi’ www V !”r’l!’g’* "W
Moïse et Khiçr. ’
534. Chems-ed-dîn raconta ceci: Unjour, on dit au chéïkh
Harîrî: Tes disciples font des pas larges, ils n’accomplissent
pas leurs devoirs religieux, et tu ne dis rien. Du moment, .
répondit-il, qu’ils connaissent la parole. de Dieu et celle du
prophète, et qu’ils n’exécutent pas les ordres, écouteront-ils
et accepteront-ils mes paroles ? Puis il se mità rire et ajouta :-
S’ils font la prière, s’ils observent le jeûne, s’ils exécutent
les ordres, cette obéissance les délivrera [du péché]; quel
besoin ont-ils de moi? Ils se sont accrochés au pan de ma
robe pour agir selon leurs passions; je les prendrai par ’la
main et les délivrerai. C’est ainsi qu’il parla; mais ce qu’il
V
. ’ lvl’«ont;
t. Fitrdkiydn, ceux pui posent la main sur le pommeau (fitrdk) de la selle
pour accompagner a pied un grand personnage. r
2. Qor.,vn. 139.
CHEMS-ED-DIN TÉBRIZI 171
disait, il ne pouvait pas le faire: son stade n’était pas suffi-
sant pour cela. Notre Maître Chems-ed-din ne. le disait pas
clairement. mais sa manière de pratiquer la danse rituelle
et.les honneurs qu’on lui rendait valent des paroles telles
que celles-ci: a Je suis de ces saints dont les sectateurs,
quoi qu’ils fassent, je puis les sauver. n
a Nous avons suivi jusqu’au bout des chemins ditliciles, nous
avons facilité la route à nos gens. n
a La plupart des hommes, dit-il encore. dansent sans
tambour de basque: mais s’ils en entendent le son, que ne
feront-ils pas? [ne seconde, interprétation. c’est que dans
l’homme, en plus des actes extérieurs et de la pure piété. il
y a encore une action et une piété secrètes; c’est la bonté de
la substance. car on a dit : u Quand mon serviteura une bonne
opinion de moi.qu’il pense de moi ce qu’il veut. n Toutes
ses mauvaises qualités deviennent bonnes par ce moyen,
car les regards ne tombent que sur les actes extérieurs:
mais nous autres, nous ne considérons pas cela: nous ne
regardons que l’intérieur et le secret du cœur des hommes.
Quand même l’homme serait extérieurement pervers et im-
parfait, à l’intérieur il peut être honnête par la vertu de cette
substance pure, la sincérité secrète.
l’avait laissé.
5M . Le même nous a encore-dit’ceci : Chems-ed-dîn dit à
quelqu’un: Laisse l’in’utile pour parvenir à Dieu; c’est la
voie. Prends Dieu, dit mon père, pour être-délivré de l’inu-
tile; alors tu n’auras plus besoin de voie, d’abandon et de V
provision. Maintenant, tu as le choix: si tu le veux, laisse
l’inutile et marche pour arriver à Dieu; si tu le veux,
prends Dieu pour être délivré de l’inutile.
542. Au rapport de Chems-ed-dîn, Abou’l-Hasan Khor-
qânî’ raconta un jour ceci: « Je posai mon premier pas au
dessus du trône [de Dieu], le second au-dessous de la terre;
la porte que je cherchais était fermée; elle ne s’ouvrit pas
tant que je ne m’inclinai pas sur le seuil de la -supplica-
tion. Il n’y a pas de dévotion supérieure à la supplication.
« Il n’y a que la supplication, l’esclavage, la nécessité qui
soient considérés auprès de cette Majesté. » ’
543. Les compagnons initiés nous ont transmis ce récit
de la bouche du Maître. Chems-ed-dîn, à Alep, resta qua-
torze mois dans la cellule du collège, occu pé aux mortifica-
tions et aux etl’orts ; il n’en sortit pas un seul jour. Une voix
s’éleva du mur de la cellule: « Ton âme a des droits sur
toi », dit-elle. Son âme s’incarna dans une forme telle que
les minéraux eux-mêmes n’auraient pu la supporter. a
Chems-edvdîn, en souriant, renonça à sa retraite et prit le
chemin de Damas.
Les anciens amis, dont le cœur est le temple antique de
Dieu, nous ont raconté que notre maître Chems-ed-dîn s’as-
Iseyait constamment à la porte de la cellule du Collège, et
t. Voir t. I, p. 226, n. t.
CHEMS-ED-DIN TÉBRIZI 175
mettant notre Maître à l’intérieur de la cellule, il disait
à un ami qui s’informait de lui : Qu’as-tu apporté, et quel
présent me donnes-tu pour que je vous le montre? L’n jour.
un importun lui demanda : Et toi, qu’as-tu apporté, pour
nous demander quelque chose? Je me suis apporté moi-
même, répondit-il, et j’ai sacrifié ma tète pour sa voie. Il fit
comme il l’avait dit.
5M. On rapporte qu’unjour notre Maître dit : Chems-ed-dîn
m’a dit un jour que précédemment il suppliait Dieu de le
mettre en relations avec ses saints et de le faire causer avec
eux. Il les vit en songe lui dire : Nous te ferons causer avec
un seul saint. C’est bien, répondit-il; ou est ce saint? La
nuit suivante. il les vit encore. et ils lui dirent : Il est en
Asie-Mineure. An bout d’un certain temps. dit-il. je ne le
.- wmjvj.’v-.
trouvai pas dans mes recherches et je ne le vis pas. Le temps
n’est pas encore venu, lui dirent-ils; car u les affaires sont
soumises à des temps propices t n.
545. Le récit le plus authentique qui nous soit parvenu de
1?, qNW"
Sultan M’éled est le suivant. Continuellement. notre maître
Chems-ed-dîn. dans les débuts de sa situation. demandait au
Seigneur illustre, par toutes sortes de supplications et d’hu-
miliations. qu’il lui fît voir un seul des cires voiles par le. «-
r
cette beauté divine, qu’il fut rendu heureux par cette compa-
gnie, et qu’il fut l’objet de regards favorables, il était assis
une nuit au service de notre Maître, en retraite. Du dehors,
quelqu’un lui lit. doncement signe de sortir. Immédiatement
.î
Mo "
176 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
envieux inutiles s’étaient concertés et se tenaient en embus-
Cade, à la manière des Ismaéliens ’. Quand ils- trouvèrent
l’occasion favorable, ils lancèrent un coup de poignard; .
Chems-ed-dîn poussa un tel rugissement que ces conjurés-
s’évanouirent. Quand ils revinrent à eux, ils ne virent que
quelques gouttes de sang. Depuis ce temps jusqu’à la fin des
siècles, on ne vit plus ni marque ni trace de ce souverain de
la pensée.
o la
« Qui dit que ce vivant éternel est mort? Qui dit que le soleil
de l’espérance s’est éteint?
personnages, il dit : *
a Qui dit que l’esprit, excitateur de l’amour divin, est mort,
que Gabriel, l’archange fidèle, a péri sous le tranchant du Sabre
. affilé? 1
« Celui-la qui est mort comme lblîs au milieu d’une dispute,
peut s’imaginer que Chems-ed-dîn deTébrîz est mort. »
’L
180 LES SAINTS DES’DERVICHES TOURNEURS
créatures. k -
550. Notre maître Chems-ed-dîn, toutes les fois qu’il se
sentait enivré par la fréquence et la continuité des manifes-
tations divines, qu’il se trouvait plongé dans l’extase parfaite,
et qu’il s’apercevait que les forces humaines étaient impuis-
santes à supporter cette beauté suprême, il s’occupait à des
travaux menus, pour restreindre cette situation, et pour
[imiter le prophète qui disait] : « Parle-moi, ô la petite rou-
geaude 1, parle-moi » ; il se rendait en secret, comme homme
de peine, auprès des gens, et travaillait jusqu’à la nuit; quand
il s’agissait de recevoir son salaire, il cherchait des prétextes
et disait : « Qu’on le garde pour l’amasser, carj’ai une dette
que je veux payer n, puis il sortait. Au bout de quelque temps,
il s’absenta. Cependant il se livrait continuellement à des
invocations’et disait : « Est-ce que, parmi les amis intimes
de Dieu, dans tout le monde d’en haut et d’en bas, il y a une
personne qui aurait la patience de me supporter?» Une voix,
partie du monde mystérieux, lui répondit : Il n’y a pour
toi de noble compagnon, parmi tous les êtres qui existent,
que notre maître Boûmî. n Voilà pourquoi il partit pour
l’Asie-Mineure.
Ai la seconde fois, il eut une conversation avec Djélàl-ed-
dîn, qui dura six mois entiers, dans la cellule du collège de
notre Maître. Entre eux, il n’y avait en aucune manière de
quoi boire et de quoi manger, de quoi dépenser et gagner à
1. Surnom familier d"Âïcha.
A.
CHEMS-ED-DIN TÉBRIZI 181
a façon des hommes. Seuls Çalâh-ed-din et Sultan W’éled
entraient dans leurchambre. La hauteur du degré auquel ils
parvinrent était tellement grande que les degrés indiqués
par ce passage du Qorân : a [Dieu élèveraj de plusieurs degrés
ceux qui d’entre vous ont reçu la science t n restèrent les plus
bas des stades.
« Lorsque le soleil, au matin. montre sa face du côté de l’Orienl,
les étoiles, en réalité, lui tirent un coup de chapeau.
551. Dans une réunion de chëïkhs de l’époque, Chems-
ed-dîn tenait des propos mystiques et émettait des pensées
de ce genre: a Si tu es occupé d’une affaire, pourquoi restes-
tu sans rien faire ? Et si tu n’en as pas, pourquoi es-tu ainsi
troublé ?
a Ils sont tous des timbaliers, et il n’en sort aucun bruit; tous
travaillent, et on n’en retire aucun profil. n
jamais. .
« Celui-là paraît orgueilleux a l’endroit des pauvres;
il sc- montre. leur ennemi et dit: Nous autres, nous possé- .
dons les sciences, la grandeur, les dignités, les pensions
que ceux-ci n’ont pas. Que la poussière tombe sur sa tête
et sur ses cent mille sciences et registres! Il dit: J’ai des
élèves, des amis, poussière sur sa tête et celle de ses disci- .
ples! Un morceau de glace est l’ami d’un autre morceau
de glace, une valise avec une autre valise. Autant que j”ai
des oreilles et des yeux, je n’en vois sortir ni trace, ni souffle
de vie. Dieu nous garde d’une pareille situation! Ils sentent
l’opposition que leur fait la passion, ils en ont peur;
comment peuvent-ils chercher la route et rdemandcr’ à
boire à la même coupe qu’Abou-Yézîd?
w. w A .
CHEMS-ED-DIN TÉBRIZI 185
feraient plus d’impolitesses, qu’ils ne permettraient plus à
l’envie de s’introduire chez eux, et qu’ils attendaient tous
l’arrivée auguste du chéïkh. Celui-ci, par suite de sa géné-
rosité parfaite et de sa bienfaisance générale. répondit affir-
mativement et consentit à partir pour l’Asie -Mineure.
Cependant le jeune garçon franc, se découvrant la tète, s’oc-
cupant de rendre justice au pâï-mâtclzân ’, et ayant cru,
voulait qu’on pillât sa fortune. Notre maître Chems-ed-dîn
ne le laissa pas faire; il lui dit: « Va de nouveau en Europe.
visite les chers amis de ce payv-là, sois le Pôle de cette réu-
nion, et ne nous oublie pas dans tes prières. n
Lorsque les amis furent prêts à partir, Sultan W’éled
amena devant lui un cheval marchant à l’amble qu’il avait
monté ; il y installa notre maître Chems-ed-dîn, et se miten
route, se tenant à pied à la hauteur de son étrier. Celui-ci
lui dit:O Béhâ-ed-dîn, monte à cheval. Il s’inclina etdit:
a Que le roi soit à cheval et l’esclave également, cela n’est
pas admissible.» Depuis Damas jusqu’à Qonya il courut à ’Qrvwvf -’
rArPW’WÜ
556. Un rapporte que c’est dans cet intervalle qu’eut lieu cet
événement formidable et irraisonné ’. Après cela il s’écoula
quarante jours entiers. Le grand Maître. par suite de son
extrême chagrin et pourcalmer la haine des puissants envieux
et apaiser lajoie ressentie par les ennemis sans croyance et
sans religion, établit le Tchélébi Hosâm-ed-dîn comme ins-
pecteur des nobles amis. Pour la troisième fois, comme l’avait
demandé Chems-ed-dîn, il entreprit le voyage de Syrie et
séjourna à’Damas pendant une année, plus ou moins.
Tous les savants, les chéïkhs, le roi qui y régnait, les petits
et les grands devinrent ses disciples et ses serviteurs, en in- www
toute sincérité et en amour parfait. On dit que c’est sur la
route de Damas qu’il composa le ghazel béni :
a Nous sommes les amoureux de Damas, éperdus et fous: nous
avons attaché notre cœur a l’ambition de voir Damas.
a D’Asie-tlineure, pour la troisième fois, nous nous précipitons
en Syrie, car nous sommes parfumés des senteurs de Damas,
venant d’une boucle de cheveux brune commelnle
fçx.., . ’.(v.,.n-.&W:w.w,..
soir.
a S’il y a dans cet endroit 2 la maîtrise de Chemsel-Haqq l’le
soleil de la vérité) de Tébriz, nous sommes le maître de Damas,
et quel maître! ».
Les chers amis nous ont rapporté qu’un jour notre Maître,
s’étant incliné devant la porte de la cellule de Chems-ed-dîn,
y inscrivit de sa propre écriture, à l’encre rouge, les mots
suivants : « Demeure de l’ami de Khizr. n
558. Certains compagnons sont d’accord pour affirmer que
Chems-ed-dîn’, après avoir été blessé par les conjurés, dispa-
rut; d’autres nous ont raconté qu’il est enterré à côté de
notre grand maître (que Dieu magnifie leur souvenirl).
Cependant, notre Chéïkh, le Sultan des mystiques, Tchélébi
’Arif, tient de sa mère, Fatima-Khâtoûn, que quand Chems-
ed-dîn fut honoré du bonheur du martyre, ces misérables
insouciants le jetèrent dans un puits. Sultan Wéled vit, une
nuit, en songe notre Maître Chems-ed-dîn qui lui dit : « Je
suis endormi dans tel endroit ». A minuit, ayant réuni des
amis intimes, tous ensemble tirèrent du puits le corps béni
l. Jeu de mots sur rîch et blessure» et a barbe ».
CHEMS-ED-DIN TÉBRIZI * 189
du saint, le parfumèrent avec de l’eau de rose, du musc et de
la composition dite ’abîr, et l’enterr’crent dans le collège de
notre Maître,à côté de l’lümir Bedr-ed-dîn t qui avait élevé ce
monument. C’est la un secret que tout le monde ne con-
naît pas.
559. Les compagnons écrivains nous ont laissé la tradi-
tion que quand Chems-ed-din, la première fois, se mit en
route pour la Syrie et s’installa dans cette région, à plusieurs
reprises notre Maître lui écrivit des lettres étonnantes où il
lui montrait un désir immense de le revoir, et l’invitait, avec
une grâce parfaite, à revenir. Voici ces lettres écrites en vers :
AUTRE POÉSIE.
. ’ O deux bonheurs 2!
« Je viens de toi a toi avec des cris : hélas! je te demande secours
contre toi même.
VERS.
« Vie au grand ministre l Que Dieu soit son gardien et son pro-
, tecteurs!
« Tout ce qui, pour les gens heureux, est un plaisir acheté à cré-
dit, que ce soit pour lui l’argent comptant. du moment d’une
l. Mokhkha’itâ, fruit du Cordia myæa; voir lbn el-Baïtar, Traile’ des simples,
trad. du Dr Leclerc, t. Il, p. 236, n°1157 (au mot cabestan).
2. Sa’de’îlca, formule de souhait parallèle a labbe’ïlca, et empruntée comme
celle-ci à l’antiquité païenne de l’Arabie.
3. Kali.
d. m4541...»-
CHEMS-ED-DIN TÉBRIZI 191
« Que sa séance chaude et pleine de douceur soit vide de tout
compagnon glacé !
u Que les âmes ouvertes, a la porte du monde mystérieux, soient
fermées devant lui. comme les dessins des tapis l !
« Qu’à sa droite et a sa gauche la fortune soita la fois du nord
et du midi l
n Dans la sainteté que son corps et son âme désirent. qu’il soit le
roi et le gouverneur a la tète des deux!
a Chems-ed-din de Tébrîz est une fortune en argent comptant; il
me suffit; qu’un autre emprunte à crédit! n
VERS.
e ’ e Mineure! ».
’ CHAPITRE V
BIOGRAPHIE ou SULTAN DES MYSTIQEES, ÇALAH-ED-DIN FÈRIDOCN,
FILS DE Yann-Sun DE QONYA, comme sous LE NOM DE Zen-
KOUB tumeur; D’OR).
trants. ’
561. On rapporte. d’après Sultan lYéled. qu’un jour le
a»! 4.19.2 W 7.5")lui dit : O Béhâ-ed-din, ne regarde
cheikh ÇalnlJ-ed-din
d’autre directeur spirituel que moi, et ne fais pas attention à
ceux-là, car je suis le Chéïkh véritable. La société des autres
Tome ",13.
194 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
cheikhs est dommageable et dangereuse, carenotre regard est
un soleil, tandis que le corps du disciple est une pierre ; il faut
absolument que la pierre capable devienne un rubis sous
l’effet du soleil partait, tandis que le regard des autres est
comme l’ombre; lorsque la pierre capable se trouve à l’ombre
loin du regard du cheikh parfait qui est le soleil spirituel,
elle ne saurait jamais devenir un’ruhis, ni progresser. ’
562. Les nobles amis ont raconté que le chéïkh Çalâb-ed- ’
dîn, dans l’ardeur de la jeunesse, avant de rejoindre notre
Maître, de devenir son disciple et d’obtenir sa compagnie,
était devenu le disciple du séyyid Borhân-ed-dîn, Mohaqqiq
de Tirmid 1; il allait et venait à son service et lui manifes- .
tait des sentiments d’attachement; il le fréquentait et se
comportait amicalement a son égard. Lorsque notre Maître;
devint le’disciple du Séyyid, ledit Cheikh renouvela sa
bonnevolonté et devint également celui de notre Maître.
563. Le Séyyid (que Dieu soit satisfait delui l) disait: Deux
lots immenses m’ontété impartis par mon directeur spirituel
le Sultan des savants : le premier, c’est l’éloquence dans les
paroles; le second, c’est la beauté de l’extase. J’ai donné
mon éloquence à notre maître Djélâl-ed-dîn,. car il wa des
extases en abondance; j’ai fait présent de mes extases au
chéïkh Çalâb-ed-dîn, car il n’a point l’élocution facile. En
effet, la plupart des détracteurs, des rebelles [à l’enseigne-
ment], appelaient le cheikh Çalâb-eddîn ignorant et com-
mun; par Suite de leur ignorance et de leur aveuglement, ils
ne savaient pas faire de distinction entre ’âmmî (homme du
commun) et emmi (illettré); ils ne distinguaient pas la table
bien gardée de la table qui garde. Cependant notre Maître
avait été. occupé quelque temps à acquérir lés sciences reli-
gieuses et la connaissance des ditt’érentes opinions(qâl. o oïl),
à l’enseignement et à la pratique du dhilcr, tandis que le
cheikh Çalâh-ed-dtn, dans la boutique d’un batteur d’or, -
employait ses etTorts a se procurer la pitance légitime et la
force nécessaire à l’extase.
origine [spirituelle].
Le Sultan sentit bouillonner ,
en lui une bonne. volonté
complète, et il désira rendre visite a ce cheikh. Le même
jour, le sultan était occupé auxplaisirs dans la plaine de
Qonya, dans le kiosque de Filoubâd 1, avec ses amis intimes; b
il se leva, et se promenait sur les bords d’un petit lac, lorsque
tout à coup il aperçut un petit serpent; il le prit, le mit dans
sa manche, et demanda à son trésorier une boîte. d’or; il y
déposa en cachette le petit serpent, la ferma de son cachet et
la mit dans sa bourse. Quand il revint à la séance de plai-
sirs, au bout d’un instant il sortit la boîte et la montra à
ses ministres et à ses émirs, en leur racontant ceci : « L’empe-
reur de Constantinople m’a envoyé cette boîte avec de nom-
breux présents, et m’a faitdire: Si votre religion est la vraie,
que vos savants déclarent ce qu’il y a dans cette boîte, pour
que j’acquitte le tribut. Tous les grands du royaume et les
notables de la nation restèrent incertains et éperdus au sujet
de l’objet mystérieux contenu dans cette boîte scellée. Le
roi ordonna que le Perwané prît cette boîte et la présentât
aux savants, aux chéïkhs et aux cadis de Qonya, pour qu’ils
expliquassent ce qu’il pouvait y avoir dedans : a Du moment
’qu’ils sont nos’guides dans notre religion, et qu’il y a tant
de pensions et d’emplois placés sous leur administration, il
faut qu’ils résolvent cette difficulté, afin qùe notre amitié
sincère à leur égard en soit doublée ». Tous restèrent impuis-
Etc. a ’
Le chéïkh s’aperçut que toute la boutique était entière-
ment pleine de feuilles d’or, et que tous les outils du batteur
étaient dorés, sans qu’une feuille fût réduite en miettes, ni
que rien fût perdu. Quand le cheikh aperçut les mines des
deux mondes dans sa boutique. il déchira ses vêtements et
ordonna qu’on pillât le magasin ’. Ce fut à ce même moment
que, renonçant à l’idée des deux mondes, il partit en com-
pagnie du Maître, qui lui réserva les mêmes amitiés, les
mêmes faveurs qu’à notre maître Cliems-ed-dîn; ayant vu de
sa part ce caractère de sainteté, il lui attribua la même glo-
rification, les mêmes honneurs. Son âme pure mais inquiète
se tranquillisa à son contact, et pendant dix ans tu-entiers
,0
ils
furent en compagnie l’un de l’autre, de sorte que le cheikh 0-: ’17 F c’-
1. Cette anecdote a déjà été racontée. d’une façon plus concise, t. I",
p. 336, n° 299.
200 LES SAINTS DES DERVICHES’ TOURNEURS
v "par: 9 u’
t. Ahmed be’n er-Rit’â’t. fondateur deal’ordre
me; religieux des Rifâ’iyya ou
derviches hurleurs. mourut le 22 djoumâda l 578 ’23 sept. ttS2 : cf. lbn-
Khallikân, trad. de Slane. t. l, p. t53. Sur cet ordre, voir d’Ohsson. Tableau
de.l’empire olhoman. t. IV. p. 6H et suiv,
2. Les bâtiments de ce collège, élevé en 659 (1251), existent encore aujour-
d’hui à Qonya. Voir l’inscription n° 35 de mon Ëpigraphie arabe d’Asie-
Mineure, p. 53, et le dessin du portail donné dans Konia, la ville des derviches
tourneurs, p. 157; cf. également t. l, p. 259, n. t.
3. Koûrè khar.
204 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
Lïépreuve et le châtiment des prophètes consistent dans la .
restriction de la révélation; ceux des saints, dans la mani-
festation des miracles : certains mystiques appellent ces tours
de passe-passe « les miettes des derviches et les fétus des
chéïkhs n t. Cela aussi a lieu à un moment où le talc réduit
en poudre, l’huile de l’eau du mystère 2,, la graisse de héris-
son 3 et de grenouille terrestre” ne sont pas utiles, et où on
n’emploie pas la lune paralysée 5 pour attirer des avantages
solaires, ni ce qui y ressemble. -
Sur ces entrefaites, les dames de la ville vinrent d’un
commun accord trouver Kirâ-Khatoûn, épouse de notre
Maître, et lui demandèrent de vouloir bien se rendre au
collège de Qaratâï et d’y assister aux exercices de l’assemblée
qui s’y tenait. Après beaucoup d’insistance et de plaintes
sans limites, Kirâ-Khâtoûn, toute confuse, se leva et s’y rendit
Sans l’autorisation du Maître. Par hasard, ce jour-là, notre
Maître s’était rendu à la mosquée de Mérâm avec un certain I
nombre de nobles amis. Le Soir, quand il revint à sa demeure,
il conçut un dépit immense de la démarche de sa femme; il
jeta des regards jaloux et pénétrants sur le visage de Kirâ-
Khâtoûn et s’écria : « Bravo! le froid! n La dame tomba et
s’évanouit. Au bout d’une heure elle se releva toute trem-
blante et alla en pleurant se jeter aux pieds du chéikh’ Calab-
ed-dîn; elle gémit: « On m’a couverte de confusion, dit-elle;
pour l’amour de Dieu, intercède en ma faveur et sauve-moi
de la colère du Maître ».
I
t. Petit-i foqard wè-rofdt-i choyoûkh.
2. Terme de pharmacopée sur lequel nous ne possédons pas de renseigne-
ments.
3. Sur l’emploi du hérisson en médecine, voir lbn-Baitâr, trad. Leclerc,
t. lll, p.117, n° 1844.
4. Cf. id. op. t. Il, p. 394, n°1429.
5. Probablement terme (l’alchimie ; on pourrait penser au nitrate d’argent,
mais celui-ci paraît avoir été inconnu aux Arabes.
çALAH-ED-DIN ZERKOUB 205
a O Seigneur! nous nous sommes tyrannisés nous-mêmes; la
tyrannie est partie, sois miséricordieux. toi qui as des compas-
sions nombreuses! n *
Cependant le chéîkh Çalah-ed-din se découvrit la tète, il
s’inclina. et pour intercéder prenant la position de sup-
pliant t, il dit : La flèche est partie de l’arc et a sauté; mais
qu’elle soit indemne des misères de l’autre monde, et qu’elle
ne soit pas privée de la miséricorde des défunts. Immédia-
tement une maladie étrange apparut dans le corps béni de
Kirâ-Khâtoùn, un froid s’y introduisit; elle trembla et gémit
hors de toute limite, tellement qu’on ne saurait le décrire;
tant qu’elle vécut, son corps ne devint plus jamais chaud:
tous les médecins habiles furent impuissants à traiter cette
maladie. ils ne surent pas lui trouver de remède. En plein
juillet, elle revêtait une fourrure borlrîsi ’. et se mettait sur
la tète un mat-rame” de soie; continuellement, a l’intérieur
de la chambre, elle ne manquait pas d’avoir devant elle un
mangal plein de braise, et en plein jour elle tenait allumée
g rir-Ww-ty*nrlI-sp-:rsvv- -
’une bougie. Dans cet état, ses miracles évidents furent con-
nus, elle disait les pensées secrètes et les mystères des
hommes; les principaux (le la ville et les dames crurent et
devinrent ses disciples. Jusqu’à son dernier souffle elle ne
sortit plus de son coin. si ce n’est la nuit, où elle se ren-
(lait au bain; les gens lui rendaient toutes sortes de services.
Cependant Sultan ii’éled et le Tchélébi llosàm-ed-din (que
. a. .flt’vflvg’is «en: v
Dieu sanctilie leurs deux mystères ! l’honoraient et la res-
pectaient grandement, et la considéraient comme une mère.
576. La mère du cllé.kl1 Calah-ed-din, Latît’è-Khàtoùn.
mourut; quand on la plaça dans la fosse latérale et qu’on
l’enterra, la foule s’en retourna, mais le chéikh s’arrêta
quelque temps à l’extrémité de la tombe: notre Maître lui lit
.
1. I’âi mâlcha’n. Sur cette expression, voir ci-dessus. t. I. p. 166. n. 1.
2. Peau de renard noir ou rouge. venue du pays des Bortas, tribu turque
de l’Europe orientale, voisine des Rhazars. cr. .tle’ra’çid, t. t, p. un: Dima-
chqî, p. 193, 381 ; Mas’oùdt, Prairies d’or. t. Il, p. 14.
3. Ce mot, passé dans l’usage courant, est l’arabe miqrama.
206 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
signe : « Viens, allons nous-en » . Le chéikh s’incline et dit :
’ Elle a beaucoup de droits sur moi; je veux la délivrer du
supplice de la question, des terreurs du tombeau et de l’effr01
que cause la présence des anges Monkar et Nakîr; ensuite
je partirai ; je vo’us demande que dans la solitude effrayante
du tombeau, elle ne soit pas privée de la société des houris.
Au bout de quelque temps, il se mit en marche en souriant. ’
577. On rapporte qu’un jour notre Maître, au lieu de
dire z « Apportez le qoufl (cadenas) », prononça 90:11;", et.
qu’à un autre moment, pour dire: « un tela été éprouvé
(moubte’lâ) n, il prononça monfte’lâ. a Il aurait fallu, dit un
importun, dire goufl, et quand on parle bien, on dit maubè
télâ ». -- u L’objet est bien tel quetu l’as dit, mais, par égard
pour l’esprit d’un être cher, j’ai prononcé commetu l’as
entendu; car la plupart des noms et des vocables sont a
chaque époque imposés par les hommes, depuis le début de la
création ».
578. Les vieux amis ont fait connaître que, lorsque Sultan
Wéled fut arrivé à l’âge de la puberté, notre Maître le
fiança à la fille du cheikh Çalâh-edsdîn, qui se nommait
Fatima-Khâtoûn. C’est lui, d’ailleurs, qui enseignait cons-
tamment à la jeune fille l’écriture et la lecture, par suite
de la faveur extrême qu’il lui réservait.
Le Maître dit un jour: Fatima-Khâtoûn (que Dieu soit
satisfait d’elle et de son père!) est mon œil droit, et sa sœur
Ilèdiyyè-Khâtoûn est mon œil gauche; toutes les femmes
honnêtes qui ont l’honneur de me rendre visite. viennent
devant moi à moitié dévoilées, excepté cette Fatima et sa
sœur qui viennent entièrement dévoilées. Pour Latîfè-Khâ-
toûn qui était leur mère, il dit : La personne de notre Latîfè-
Khâtoûn est une grâce incarnée de Dieu, car elle est l’homo-
nyme de la mère du chéïkh (que Dieu sanctifie leur douceur
a toutes deux!)
Il dit unjour au milieu des compagnons: Lorsqu’on maria
Fât’ima-Khatoûn à notre Béhâ-ed-dîn [Sultan Wéled], tous
les archanges et les houris du paradis supérieur firent des
ÇALAH-ED-DIN ZERKOUB 207
démonstrations d’allégrcsse et battirent de la timbale; tous
se félicitèrent les uns les autres de ce mariage, tout en célé-
brant le concert spiritUeI.
La première nuit des noces, il commença à composer le
ghazel suivant :
« Que soient bénies dans le monde nos l’êtes et nos noces; c’est
Dieu .qui les a décidées par dessus nos tètes.
« Les cœurs ont été dilatés. les âmes ont été appariées: les
soucis ont été chassés. grâce au bonheur de notre Maître n. Etc.
de notre
a Que grand
leur compagnie heureuse llilsl. . laitet le miel;
soit comme le
r" ,l’l v7?
l. Ydrich. .
2L Ville d’Asie-Mineure, près du site de l’antique Comana Pontica. Cf.
Texier, Asie-Mineure, p. 600-601; "Ali Djévàd, Djoghr âfiyd Lughdli (en turc),
p. 262 et suiv.
3. Allusion au 0022, XLVll, 46.
4. Sur ce mot turc emprunté au grec, Voir Encyclopédie de l’lslam, s. h. v.
5. L’apparition des Turcs figure parmi les événements qui annonceront la
fin du monde. Cf. Motahhar ben Tahir et Maqdisi. Livre de la Création, éd.
et trad. Huart, t. Il, p. 454.
çALAH-En-DIN ZERKOUB 209
modèles aux hommes des derniers temps; or, la prédestina-
tion divine a disposé les choses de telle sorte que petit à petit
ces constructions deviennent des ruines; il a alors créé le
peuple des Turcs pour démolir, sans respect ni pitié. toutes
les constructions qu’ils voyaient; ils l’ont fait et le font
encore; ils le feront de jour en jourjusqu’à la résurrection.
Finalement, la destruction de la ville de Qonya aura lieu par
la main des Turcs injustes et impitoyables n. Le fait est que
cela arriva comme il l’avait dit.
580. Les grands traditionnistes nous ont fait connaître que,
du temps de Bâi’ljoû-Khân ’. une immense armée assiégea
Qonya. Les citadins Se réfugièrent tous auprès de notre
Maître, réclamèrent son secours et lui demandèrent d’im-
plorer le secours de Dieu : a C’est le moment de la pitié et
de l’aide ». lui dirent-ils. a Ne craignez rien. dit le Maître,
car Dieu vous a donnés en présent au Ché’ikh Çalàh-ed-dîn,
etjusqu’à la levée de l’heure, jusqu’à l’heure de la résurrec-
tion, cette ville ne verra pas de massacre du fait desvva-v
Mon- -..A ..
gols; quiconque attaquera Qonya ne pourra échapper aux
blessures que nous lui porterons. (Tant que le corps béni de
notrefirand Maître (que Dieu magnifie sa mention!) est
enterré dans ce territoire, cette province est protégée contre
toutes les calamités). Cette ville aura une’ Vrenommée énorme
fl-WA wrrv «4’ svvv
t. Qor., XClV, t.
2. [loséïn ben Maiiçoür el-Hallâdj, appelé par les Persans Mançoûr-i
Hallddj.
ÇALAH-ED-DIN znnxoua 211
Des gens se sont imaginé, dit-il, que du moment qu’il y avait
la présence du cœur, ils n’avaient plus besoin de la forme
extérieure de la prière, et disaient : Rechercher un moyen
de jonction après avoir obtenu ce qu’on désire, c’est laid.
Nous supposons vrai, comme ils le prétendent, qu’ils ont
obtenu l’extase complète, la sainteté et la tranquillité du
cœur; malgré tout cela, abandonner ce rite extérieur est une
insuffisance de leur part ; cette perfection d’extase à laquelle
tu as atteint. I’Envoyé de Dieu (salut sur lui l) l’a atteinte, ou
ne,l’a pas atteinte; s’il dit qu’il ne l’a pas atteinte, coupez
lui le cou et mettez-le à mort *; s’il dit qu’il l’a atteinte, nous
lui répliquerons : Pourquoi ne l’imites-lu pas, un tel Envoyé
noble, avertisseur sans égal. flambeau éclairant? S’il y avait
ici un des saints de Dieu dont la sainteté seraitjuste, L’a-Tel- n ana"
ed-din,dont la sainteté ne se serait pas manifestée extérieu-
rement; si ce saint abandonnait les pratiques extérieures,
tandis que celui-ci y persévérait, je suivrais cet l’u-Tel-ed-
.1. ne: v; 14:: «se na"
dîn. et je ne saluerais pas l’autre.
Ensuite il se tourna vers le Chéïkh Calâh-ed-dîn et l’apos-
tropha : «Comment dis-je? n Il répondit : « C’est à toi qu’il
appartient déjuger; nous n’avons pas à répondre à les paroles,
ni584.àLeobjecter
Cheikh Çalâh-ed-dîn,’aun. ’ grands compa-
dire des
gnons, étaitexcessivement religieux etcraignant Dieu; on ne
peut expliquer à quel point il observait les minuties des pra-
tiques extérieures de la loi religieuse. En plein hiver, pen-
dant’la période des quarante jours 3. un vendredi, on avait
lavé son férédjé, et on l’avait étendu sur la terrasse [pour le
faire sécher]. Toutà coup on appela à la prière; ses vêtements
i. Qor. L, t4.
ÇALAH-EDvDIN ZERKOUB 213
586. Lorsqu’on voulut marier la fille du Cheikh Çalâh-ed-
dia. Hédiyyé-Khatoûn (que Dieu soit satisfait d’elle et de
son pèrell, son père ne possédait rien pour lui constituer
un trousseau, comme c’est la coutume; cettejeune fille con-
tinuait d’habiter dans le harem de notre Maître. Lorsqu’elle
eût grandi et atteint l’âge nubile, Sultan M’éled et le Tché-
lébî Hosâm-ed-dîn firentdes efforts pour qu’on la mariât à
Nizhâm-ed-dîn le calligraphe, le sultan des expédition-
naires. le professeur des sultans, le second lbn-Bawwâb t, la I
pupille de l’œil d’lbn-Moqla le criminel ’, mais ils hésitaient
à raison du peu de ressources et de l’absence de trousseau.
D’un commun accord ils parlèrent de l’affaire à notre Maître:
w
il ordonna d’appeler Unstâ-Ix’ln’itoûn de la maison de Gurdji-
Khâtoûn; cette (Instadx’hatoùn était une femme, sainte et
instruite. qui était le professeur des filles des sultans. Le
Maître lui dit :« Va voir ma fille Gurdji-Khatoùn. fais-lui j m") v-qlv.
etNotre
leMaître
reste enuneproportion.
en montra joie intense; l’esprit du ,
Cheikh Çalâh-ed-dîn en lut extrêmement satisfait; il adressa
au ciel des prières exaucées en faveur des bienfaitrices. Le
Maître ordonna de partager en deux moitiés la totalité du p
trousseau; il en donna l’une à Fàtima-Khâtoûn, mère du
Tchélébi eAril’, et l’autre moitié à Hédiyyé-Khâtoûn.’ On
dressa le trousseau fortuné et omle donna en charge à. notre r
Maître Nizhâm-ed-dîn le calligraphe. Ce jour-là. on commen-
ça des noces fameuses, on distribua de larges aumônes.
Pendant de nombreuses années les habitants de Qonya s’en-
tretinrent de la splendeur de ce mariage. Ce jour-là, le
Maître composa le ghazel suivant :’ .
MAL-4.8.; .
CALAH-ED-DIX ZERKOL’B 215
a Que ces noces soient bénies pour nous, qu’elles soient heu-
reuses pour nous!
u Qu’elles soient toujours comme le lait. comme le sucre.
commele vin, comme le halzrrt!
a Qu’elles nous fassent jeuir de leurs feuilles et de leurs fruits.
comme le palmier et le dattier! etc.
587. Les meilleurs compagnons. les grands amis nous ont
répété que le Cheikh Çalâb-ed-din resta dix ans entiers assidu
à la compagnie de notre Maître; il fut son lieutenant juste,
son ami sur. Lorsque. sa vie tira vers sa lin.et que l’époque de
sa bonne santé se termina. par suite d’un ctl’et du destin sa
complexion bénie Su gâta, et une faiblesse s’empara de son
corps gracieux: la maladie s’aggravait de plus en plus. Le
Maître allait continuellement lui rendre visite, s’aSseyait à
son chevet béni et lui exposait des paroles étranges et des
secrets merwilleux. l’n jour. le Cheikh. emporté par son
désir et le mystère d’un dédain Îpossiblel. dit : a Tant que
Mahomet, envoyé de Dieu (que Dieu le bénisse et le salue!
ne sera pas dans la même fosse que moi. je ne quitterai pas
ce monde. u - u Moi, dit notre Maître, en prenant cette
demande a sa charge. l’y ferai consentir. je servirai d’in-
tercesseur; sois assure que tu obtiendras ce que tu désires,
et ne t’en préoccupe pas n. Ensuite le Cheikh formula la
demande suivante : u Donne-moi la permission de faire mon
déménagement en parfaite. joie. n Le Maître. répondant a sa
demande, s’abstint «l’aller le voir pendant trois jours: puis
il écrivit, de sa propre main. ces quelques paroles, qu’il lui
envoya:
a Je me souviens que le maître du cœur et des gens de
cœur, le pôle des deux mondes. Çalâb-ed-din (que Dieu
étende sur lui son ombre 1;, se plaignait de cette matière qui
s’était établie sous ses ongles pendant quelque temps: que
Dieu lui pardonne, car dans son pardonil ya celui de tous
les vrais croyants! » Zen arabe z: [nique comme la lettre alif.
vis en me laissant sur la terre !
« 0cyprès qui marche, que le vent de l’automne ne t’atteigne
216: LES SAINTS DES DERVI’CHES TOURNEURS
dessus de nous! V
« Que le buisson de ton visage soit-couronné de verdure jus-
qu’à l’éternité, car c’est le pâturage de nos cœurs, notre verdure,
notre campagne l
« Que ta douleur retombe sur notre âme, et non sur ton corps,
de sorte que cette douleur soit comme la raison, ornement de
notre âme. »
1. Qor.,XXI, 69.
2. Ld-mékdn-i erwdlj, la où il n’y a point acception de lieu.
3. Tawadjdjouhi Khalildné.
4. En arabe dans le texte.
5. Qor., X, 63.
ÇALAH-ED-DIN ZERKOL’B 217
Cependant notre Maître vint, découvritsa tête bénie. gémit
et manifesta des troubles: il ordonna de faire venir des
bêcherez ’ et des joueurs de timbales; il s’éleva un tapage
formidable provenantdu tumulte du peuple: huit troupes
de récitants marchaient en tète du cortège. funèbre: les
nobles compagnons avaient pris sur leurs épaules la civière
qui portait le défunt :le Maître marcha jusqu’au mausolée
de [son père: liébâ-ed-dîn M’éled en faisant des cercles et
en pratiquant la danse rituelle. On ne peut dire la quantité
de vêtements et de férédjé que les amis donnèrent aux réci-
tants et aux joueurs de timbales. (in l’enterra avec une
pompe magnifique dans le voisinage saint du tombeau de
notre Maître Délia-ed-dîn M’éled. Sultan des savants aque
Dieu sanctifie leur mystère et verse sur nous l’ellluve de
leur piété l). Cet événement eut lieu le 1*r mobarrem 657 son. . un". rang-var - ’*C5’
2. En signe de deuil.
218 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEUR
respect et de lui réserver des égards infinis. Voici la dispo-
sition qu’ilavait adoptée pour cette composition:
a Je vous’adresse des recommandations au sujet des
égards dus à. notre princesse, clarté de notre cœur et de
notre vue, ainsi que celle de l’univers entier, qui aujour-
d’hui est dans les liens du mariage avec notre fils: «Zacha-
rie a été sa caution t »-. Elle vous a été confiée, à titre de
dépôt, pour une très grande épreuve ;’il faut espérer qu’elle
mettra le feu dans le ba’timentdes [vaines] excuses, et qu’elle
ne fera à aucune minute, à aucun instant, de démarche
dans le sens de l’attentat et de la passion, qu’elle n’obligera
pasà un devoir de surveillance, de sorte qu’un atome de
trouble provenant de l’infidélité etde l’ennui n’entre pas dans
votre esprit. Elle-même ne dira rien, à cause de la’pureté"
de sa substance et de l’élément de grandeur qu’elle a en
elle, et de la patience héritée; car le canetOn, même s’il est
né d’hier 2, l’eau de la mer ne lui va que jusqu’à la poitrine.
Mais il faut prendre garde à l’embuscade et aux témoignages,
car elle est sous l’œil des esprits divins, qui sont les Iobse’r-
vateurs de leurs bons enfants: a Nous leur avons joint leur
descendance 3 » AllahlAllahl (sept fois). Pour avoir un
visage éternellement blanc 4, ce père, sa famille et toute sa
tribu, considèrent votre esprit comme cher; toutjour, toute
nuit leur paraissent comme le premier jour, commele nuit
des noces 5, dans cette chasse au moyen du filet du cœur et.
de l’âme; ils ne s’imaginent pas qu’il a été chasSé; il n’a.
pas besoin de l’être, car c’est la méthode de ceux qui ne
voient que l’extérieur des choses : « Ils connaissent l’exté-
comme persan,
r
a et c’est vraisemblable, car sa physionomie est plutôt iras
sonne.
589.Les amis confidents ont raconté qu’il se produisit un
certain dépit entre Sultan XYéled et son épouse: Kiràgà-ÇKhà-
toûn] :eependant notre Maître. ému de pitié. écrivit de sa
prOpre main la lettre suivante. destinée à présenter des
excuses à Kirâgà, et l’envoya par l’entremise de Djémâl-
ed-din Qamarî:
[Vers arabej. n Mon âme est mêlée et contiguë à. ton âme ; c’est
la un accidentqui le fait du mal et qui m’en fait. n
« Je prends à témoin Dieu (qu’il soit magnifié!) et je jure.
par l’essence pure et éternelle de la Vérité suprême, que tout
ce dont a été blessé l’espritde cette fille sincère. dix fois autant
i. Qor., XXX. 6.
2. Qor., XCY. 1-2.
220 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
v. ..
-fls.fl. l A.
CHAPITR E Vl
ne 1?’
l’an 66:2. °
a Un rossignol nous avait quitté; il est revenu; il est devenu
un faucon pour procédera la chasse et a la poursuite de ces
pensées.
a Que le bras du roi soit le perchoir de ce faucon, que cette
porte soit à tout jamais ouverte pour les créatures 3 ».
du volume. ’ .
594. On dit que Sirâdj-ed-dîn, le lecteur du Methnéwî (mi-
séricorde de’Dieu sur luit), a raconté’qu’un jour le’l’chéléht’
Hosâmœdvdîn, s’étant incliné devant le Maître, lui parla en
ces termes : Lorsque les compagnons lisent le Methné’wî de,
notre Seigneur, et que les extatiques sont plongés dans la
lumière de la stupéfaction, je vois que des êtres de l’au-delà,
tenant en main des bâtons ’ et des sabres, sont présents, et
si quelqu’un n’écoute pas cette lecture avec sincérité, s’il ne
l’entend. pas avec pureté de cœur, ces êtres mystérieux cou-
pent l’arbre de la foi et les branches de la religion de cet
homme, et en le tirant, l’emportent au rfeu de l’enfer. Le
Maître répondit: C’est comme tu l’as vu. Il a exposé cette idée,
dans le quatrième volume, où il a montré la fin des néga-
teurs :
« L’ennemi de ces paroles, a cet instant même, s’est person-
nifié a ma vue, la tête en bas dans l’enfer. ’ k fi v
« O Lumière de la vérité [Hosamped-dtn]. tu as vu la situation
de cet homme : Dieu t’a montré la réponse à ses actions n.-
HOSAM-ED-DIN 233 l
quelque temps de nombreuses ruches sortirent de cette
ruche et ils en jouirent pendant longtemps. Tout malade
auquel on donnait à boire une potion préparée avec ce miel
était guéri rapidement.
598. Les grands amis que Dieu les installe dans le para-
dis!) ont raconte que pendantquelque temps il y eut. dans la
ville de Qonya. disette Jean : il ne pleuvait jamais. et lient!
des mares avait été résorbée. Les citadins, Savants. cheikhs,
émirs, étaient sortis pour procéder au rite des rogations: ils
sacrifièrent des victimes. et tirent des lamentations: mais
leurs supplications ne furent pas agréées ni exaucées. La
chaleur du soleil, modèle du bouillonnement de l’enfer,
dévoraitle monde: les plantes étaient totalement desséchées.
Un groupe de gens. qui étaient les hommes au cœur éclairé
de liépoque, jugèrent a propos «l’aller trouver le Tchélébi
Hosâm-ed-dîn et de lui demander une prière. a lui dont le
mW: *vwi.-
souffle était aussi vivifiant que Celui de Jésus. dans l’espoir
que sil y consentait, le Dieu très haut donnerait de la pluie.
Donc tous en foule vinrent trouver le’llcbeletaî et montrèrent
s . p.3. a . www
la nécessité terrible on ils se trouvaient. a Allez à vos
alfaires. «lit le Tchélébi : ferai la demaznle auprès de mon
souverain. alin que votre désir soit exauce. n Il se leva et,
suivi de ses compagnons. se rendit en pèlerinage au tom-
beau purilié : il y procéda a de nombreuses prières cano-
niques remplies de ferveur. en toute sincérité et non par
manière «le parler : il découvrit sa tète bénie et demanda de
la pluie. Les amis. versant" w des
in» .M
larmes. poussèrent liexcla-
mation : Amen J Immédiatement «tenonnes et formidables
nuages apparurent dans liatmOsphere: une pluie intense
commença à tomber :
a...
a Au milieu de ces supplications. un nuage agréable apparut
promptement. Comme un éléphant porteur Jean.
a llcommençaà pleuvoir. comme si des larmes dégouttaient
d’une outre: la pluie se logea dans les creux et les caver-
nes )).
Il plut tellement que tous restèrent impuissants; la tota-
234 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
lité des habitants de la ville devinrent a nouveau serviteurs
et disciples; leur croyance fut élevée au centuple. Ceux qui
nlavaient aucune part a la vie de l’esprit,il n’y eut, dans
leur âme sans foi, que la négation, la malchance et l’aveu-
glement qui s’accrurent. « Dieu a scellé leurs cœurs; leurs
ouïes, leurs yeux sont voilés’ ».
i. Qor... Il, 6.
2. MI gochoûd.
3. Emîr-i ab.
4. E: ’dlam-i ghaîb, du monde des choses cachées, mystérieuses :ghaïb i
clest tout ce qui échappe à la vue.
HOSAM-ED-DIN 235
efi’ets et argent. 1l avait, en efi’et. remis entre ses mains la
bride de l’usage et de l’emploi des choses.
600. L’émir Tàdj-ed-din Mo’tazz Émiséricorde de Dieu sur
lui l) avait envoyé unjour d’Aq-Séraï la somme de sept mille.
dirhems solçânî afin que les amis remployassent pour leurs
repas et ne l’oubliassent point dans leurs prières. Dans la
lettre qui accompagnait ce don, il avait spécifié que cet argent
provenait d’une source licite, du produit de la capitation. afin
que le Maître l’acceptat etnele lui renvoyât point. Le Maître
ordonna d’enlever le tout et de le porter au Tchélébi llosâm-
ed-dîn. Sultan Wéled aurait dit : Il n’y a rien dans notre
maison; nous n’avons pas de quoi faire face aux dépenses;
tout ce qui nous vient ainsi. le Maître l’envoie au Tchélébi;
que faire? O lléhâ-ed-dîn, reprit son père, j’en jure trois fois
par Dieu que si la faim ’ pressait mille ascètes parfaits crai-
gnant Dieu, et s’il y avait danger de mort, et que je n’eusse
qu’un seul pain, je l’enverrais au Tchélébi liosàm-ed-din,
joint à ceci qu’il a les moyens accomplis entièrement et pré-
parés; je ne ferais pas une bonne action de ce genre pour une
autre personne. car il est un homme de Dieu, et"env-nuis
tous ses actes
sont pour Dieu, les biens meubles et immeubles de ce monde
sont son atlaire : en uSer est licite pour lui, tandis que c’est
illicite pour d’autres; ceux-ci. en ell’et. n’ontpoint cela, tan-
dis qne les biens de ce monde ne lui causent aucun dom-
mage. u Que c’est beau, un bien honnêtement acquis pour.
un homme honnête! ». Pour les étrangers. c’est une perdi-
lion; pour lui. ce sont des moyens d’action. Le ["1]!!le ne
fait pas de malau médecin; il w"eni fait au malade.
and- «a
7&7. i
fififfi’ëij -"’.
236 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
Cependant le Tchélébi envoya mille dirhems à Sultan
Wéled, mille autres à Kirà-Khàtoûn; il en donna cinq,
cents au Tchélébi Amir ’Alim. et distribua une part séparée
à tous les compagnons : participant au chagrin des récitants,
itdonna le reste pour la nourriture des amis.
60L Le roi des frères, Sirâdj-ed-dîn le lecteur du Methnéwî
(miséricorde de Dieu sur lui l) nous a raconté que le Tché-
lébi avait des extases étranges, et avait la coutume bizarre
de louer extraordinairement, en présence des étrangers, un
groupe de gens qui étaient connus pour leur débauche évi-
dente. Il disait : C’est une réunion de profonds ascètes,
célèbres par leur crainte de Dieu et leur piété. Un autre
groupe, connu pour son ascétisme, son honnêteté, son
observation des règles, il le blâmait, disant que ces gens
étaient des débauchés et n’étaient pas de braves gens. Cette
énigme t augmentait la stupéfaction des amis. Les grands
compagnons allèrent interroger le Maître sur cette question
en lui rapportant, les propres paroles du TchélébîHosâm-ed-
(lin. «La vérité, répondit-il, est comme ledit le Tchélébî;car
la. troupe de débauchés qu’il loue à chaque instant, bien qu’ex-
térieurement ils paraissent débauchés et impolis, intérieure-
ment ils sont purs et éduqués; tandis que cesascètes qu’il
critique, c’est que leur cœur est hypocrite et pervers; orde’
regard favorable de Dieu est toujours dirigé vers l’intérieur
de ses serviteurs, non vers leur extérieur, car il a été dit :
« Dieu ne regarde pas aux vêtements de bure, ni à celui qui
sait le livre par cœur, mais il considère un cœur qui se tourne
vers l’Eternel compatissant ». .
Une seconde explication, c’est que dans l’homme, outre
ses actes extérieurs et sa piété extérieure. il ya des actes et
une piété cachés qui constituent la beauté de. sa substance,
de sorte que ses mauvaises actions deviennent les beaux
côtés de son être, et que son infidélité devient dela foi. Dieu
dit : U mes serviteurs. ô vous qui me voyez, vos regards sont
3
t. Maghlaça.
HOSAM-ED-DIN 237
dirigés vers ces actes extérieurs, tandis que les nôtres ne le
sont point: nous regardons liintérieur et son secret.
a Nous qui voyons l’extérieur de tous les climats. nous regar-
dons le cœur, et non [apparence extérieure ».
En effet, si liextérieur est mauvais et imparfait. l’intérieur
peut. par le motifdc cette substance pure [dont nous venons
de parler; être pieux et. honnête. C’est l’idée qui est traduite
par cet adage. : u Les polythéistes sont impurs l n: c’est l’im-
pureté de leur cœur, non celle de leur corps qu’on a voulu
dire. et cela suflit pour l’homme intelligent.
602. Les meilleurs amis ont rapporté qu’unjour le Tchélébi
(miséricorde de. Dieu sur lui!) était assis dans un cercle
«tamis et exprimait des pensées. Tout à coup il envoya un
derviche à la reine du monde. dame de la vie. future, (lurdji-
Khâtoùn. en lui disant : u Fais-lui parvenir un salut de ma
part et dis-lui qu’elle se transporte rapidement de la maison
Où elle est installée. dans une autre maison. afin d’échapper
au destin inéluctable ’; car tordre donné. c’est que le toit en
terrasse va s’enfoncer. n Des que le ineSsager eut fait part de
la salutation et du message. la dame se transporta immédia-
tement dans une autre maison: quand son personnel fut
totalement en dehors. et qu’on emporta les meubles de la
maison. à ce même moment le toit tomba et fut démoli.
Gurdji-Khâtoùn fut sauvée, et sa croyance devint mille fois
plus grande. Elle envoya des aumônes aux nécessiteux.
sacrifia des victimes. et lit tenir au Tchélébi, en témoi-
gnage de sa reconnaissance.quruæ cinq cents dinars yoüsoufi et
dix mille dirhems 301mm; elle présenta ses excuses. et
octroya de belles robes d’honneur
.y r, . 3 séparément aux com pa-
gnons t.
603. Le compagnon précieux, agréé des saints, Khàdji Néfis-
ne «a! La;
a
,
240 LES SAINTS DES DERVlCHES TOURNEURS
à rentrer à Samarqand, accompagné d’un groupe d’élèves
et de disciples, afin «l’y visiter les tombeaux de ses pères et
de ses ancêtres, y retrouver ses amis et ses proches et, renou-
velant ainsi par commisération les liens de parenté, s’en
trouver récompensé et rétribué. Cependant, quand ils arri-
vèrent aux environs de la ville de Samarqand, il ordOnna
que l’on s’arrêlât un instant et qu’on renouvelât les ablutions.
Le juriscons’ulte se leva et s’approcha du bord d’un ruisseau
pour s’y laver; il vit qu’une troupe de femmes était occupée
au blanchissage; tout a coup une vieille femme aperçut le
jurisconsulte et le reconnut; elle s’écria: Notre petit Abou’l-
Léïtli est de retour! Elle courut en informer sa famille. Le
jurisconsulte retourna vile auprès de ses compagnons et leur
ordonna de charger rapidement les bêtes de somme : a Retour-
nons a Damas, puisque Samarqand n’est pas unilieu de
séjour! » Tous restèrent stupéfaits descet incident, et’lui
demandèrent les motifs de ce prompt départ. a Ces gens,
répondit le savant, nous regardent encore comme étant le
petit Abou’l-Léith; ils nous jettent des regards de mépris;
ils nous jugent légers, ils pèchent par ce regard non informé;
or il est un devoir d’honorer les savants et les mystiques;
leur gloire est équivalente à celle de [Envoyé de Dieu, et
celle-ci est égale à la gloire de Dieu ». C’est ainsi que le
poète a dit 1 ’
Quatrain spécial. O toi dont l’existence provient d’une seule
goutte de sperme, ne t’en vas pas montrer de l’orgueil et de la
suffisance en présence des savants!
« Car le prophète de Médine a dit : Celui qui honore un savant
m’honore moi-même i).
àYFr-u
Î fît-C
242 LES SAINTS pas DERVICHES recensons
sont ni des prophètes ni des martyrs; ceux-Ici les envient
à raison de leur proximité et de leur installation par
rapport à Dieu. » Le Methnéwî contient également ce vers :
vers : ’ ’ -
«Mes paroles extérieures parviennent aux oreilles, mais les
gémissements de mon aine ne parviennent à personne. n
605. On rapporte que le Tchélébî était le vicaire d’el-Orma-
wî t et de l’école châfé’ite. Il dit un jour au Maître, après s’être
incliné devant lui : « Je désire dorénavant suivre la doctrine
du grand Imam Abou-Hanîfa (que Dieu soit satisfait de lui t),
puisque notre Maître est de l’école hanéfite. n -- « Non, non,
l’épliqua le Maître, ce qui est convenable, c’est que tu restes
dans ton école, etquc tu l’observes; mais qu’en revanche
tu entres dans notre voie et que tu diriges les hommes sur
la route de notre amour [mystique]. »
606. Sirâdj-ed-dîn, le lecteur du Methne’wî (miséricorde sur
HOSAM-ED-DIN 243
lui!) nous a raconté que notre Maître avait la coutume de
se rendre une fois par au aux eaux thermales et d’y
séjourner de quarante à cinquante jours. Comme lui,
tous les compagnons le suivaient en se livrant au concert
spirituel et à la danse rituelle pendant la durée du che-
min; ils arrivaient tout joyeux: des milliers de ghazêls
étaient récités le long de la route. L’ne année, suivant
sa coutume. il s’était rendu aux eaux thermales, et s’y
était attardé. Tout à coup, des annonciateurs du monde
mystérieux annoncèrent au Tchélébî que le Maître arriverait
le lendemain; le Tchélébî distribua des témoignages de
reconnaissance. Au matin, les habitants de Qonya, petits et
grands, se portèrent à la rencontre du voyageur: ils s’arrê-
tèrent dans la prairie du caravansérail de Roûzbèh t, et pré-
parèrent des naze! [cadeaux de bienvenue, fruits secs, etc.] ;
ils dressèrent une haute tente pour le Maître. Ce jour-là. le
Maître avait mis beaucoup de kali! à ses deux yeux bénis.
Dès que le Tchélébî vit la tente du Maître. poussant un cri,
il descendit de cheval, et se prosternant, s’approcha de la
lente. Cependant le Maître, pieds nus, sortit en face du
Tchélébî, le prit dans ses bras; ils s’embrassèrent longue-
ment. puis. lui tenant la main, il le lit entrer dans la tente.
Le Tchélébî (que Dieu soit satisfait de lui Ï) raconta à Ses
amis fortunés ce détail: a Quand je me trouvai en face
du Maître, dit-il, je m’assis en complète tranquillité; il n’y
eut aucun mot, aucune parole échangés entre nous; moi,
j’entendis sensiblement. avec l’oreille de l’intelligence, que
l’oiseau de mon âme, de l’intérieur de la cage de ma poi-
trine, répondait comme une colombe aux roucoulements
de l’âme du Maître; il poussait des baqrz’qozi 2; la douceur
de la voix de l’âme du Maître arrivait à l’oreille de la
mienne, et m’enlevait l’esprit sans que j’eusse la possibilité
t. Dans la plaine de Quoya. Cf. lbn-Bibl. 1V, p. 51. 89, 296; dans la tra-
duction turque. Roüzbèh yazîsi (Houtsma. Telles, lll, p. 91, 124. 201).
2. Onomatopée, comme a cocorico a.
* 1,1,Înqlnx
g;
louable ; Dieu nous garde qu’il ne se mette à grogner.
n’avale en un clin d’œil les êtres rationnels et votre juge-
ment en guise de punition, n’accorde de grâce à personne et
Ë fasse périr tout le monde. n ll ajouta ce noble vers :
a Son apparence extérieure ressemble à un bâton; mais son
intérieur est un dragon ; il prend le cou de ce dragon comme une
proie grasse.
Par l’élixir de ses regards, ce caractère illicite [du vio-
lonî a été changé en licite, et il a été agréé par tous les
habitants du monde :
« Tout ce que la maladie prend, devient maladie; mais si
l’homme parfait s’attaque a l’infidélité, elle devient la commu-
nauté [musulmane] l n.
Une clameur s’éleva de la poitrine des assistants; tous
applaudirent et félicitèrent. Les. controversistes, qui s’étaient
f4 cary;
préparés à la controverse, demandèrent pardon ; ils se sou-
mirent. Cependant, en peu de temps, il ne resta personne de
cette assemblée ; il n’en demeura absolument aucune trace,
aucun nom. Cette idée. de plus en plus, devint forte et
répandue; elle finit par s’emparer du monde.
« Pour ce. motif. les clameurs se répandirent en tous lieux, et a
chaque instant elles devenaient plus violentes.
a Car, là ou il n’y a plus acception de lieu, il y a une source de
chaleur, dont les étincelles réduisent l’enfer à l’état de fumée n.
« Ne nie pas les purs, crains la blessure de ceux qui n’ont pas
peur, car la patience de l’âme des attristés le mènera à l’anéantis-
sèment final. »
Dans une autre endroit, le poète a dit:
a Qui est l’infidèle? celui qui ignore la foi du chéïkh. Qui est le
mort? Celui qui ne sait rien de l’âme duchéïkh.
« La où il est, il n’y a ni incrédulité ni foi; il est la moelle,
tandis que les deux autres’ne sont que la couleur et la peau. »
Cependant. la troisième nuit, le Tchélébî vit dans la nuit
[en songe] le cadi marcher dans le paradis d’en-haut; il lui
demanda: Par quel moyen es-tu’ arrivé à ce degré? Il
répondit : Par la faveur de notre Maître. Le Tchélébî raconta
ce rêve en présence de Sultan Wéled; le cadi ’Imàd-ed-
dîn, fils du cadi Sirâdj-ed-dîn, devint son disciple, et fit
agréer en la même qualité ses deux fils.
i. Ch. CXll du Qorân,
HOSAM-ED-DIN 247
608. LeTchélébî Hosânned-dîn, du temps du Maître,se ren-
daitcliaquejour sans interruption en pèlerinage au mausolée
de Béhâ-ed-dîn Wéled, sultan des savants, ainsi qu’à celui
du chéîkh Çalâh-ed-din (que Dieu soit satisfait d’eux deuxl),
suivant son ancienne coutume. Un jour, il était venu pour
s’acquitter de cette visite; après avoir terminé ses litanies
et avoir accompli la litanie du moment, il se disposa à s’en
retourner, et jeta un regard du côté du mausolée béni. Tout
à coup il poussa un cri : u Non. non, cela ne convient pas,
il n’est pas avantageux de l’emporter. n
Au bout d’un instant, il sourit et s’en alla. Les amis s’in-
clinèrent et l’interrogèrent au sujet de cette situation. a J’ai
vu, répondit-il, que les anges chargés du châtiment étaient
venus du monde de l’au-delà. et après avoir mis des fers
pesants aux mains et aux pieds d”Alà-ed-dîn. l’emmenaienl; v
« L’œil qui voit les mystères est pour toi un maître comme
. l’au-delà lui même; puissent-ils ne pas manquer au monde, cette
vue, cette justice l
a Les’gens-qui n’ont pas vu auront le visage noir;.ce,ux qui
auront vu seront le miroir de la route. .
a Ce sont ces derniers qui te verront; n’augmente que ceux-ci
dans le monde! n ’
Mais il’faut savoir que le Qoran est comme la nouvelle
mariée, au beau visage, au front gracieux, ornée de toutes
sortes de bijoux et de vêtements, affranchie de tout défaut
et fissure, sanctifiée loin du doute, mais cependant restée sous.
le voile de la jalousie : c’est ainsi que le poète a dit :
«Le Qoran, comme une mariée, rejette son voile lorsqu’il
voit, comme une capitale, la fOI débarrassée de toute foule n.
«Notre Methnéwî est aussi une beauté spirituelle qui n’a
pas d’égale dans sa splendeur et sa perfection.C’est un jardin
préparé, une nourriture saine qui a été instituée pour les
hommes au cœur clair, gens de spéculation philosophique,
1. Le muezzin du Prophète.
HOSAM-ED-DIS 349
et les amoureux mystiques au cœur embrasé. Heureuse l’âme
qui éprouve du plaisir à contempler Cette beauté mystérieuse
et est l’objet des regards favorables des hommes de Dieu, de
sorte qu’elle est insérée dans le registre qui a pour titre :
« Bravo pour l’homme qui se repent!’ n
Il dit encore : a Pour comprendre les obscurités des mys-
tères lumineux du Methnéwî. pour saisir les enveloppements
des hadith et des versets, pour entendre les paraboles, les
récits, les preuves des secrets des tréSOrs et les minuties des
vérités qui y sont contenues, il faut une foi intense, un
amour mystique stable. une sincérité droite. un cœur sin-
cère; il tant encore de l’acuité d’esprit pour saisir les ditfé-
rentes braihches des sciences. de l’intelligence pour contem-
pler son extérieur et atteindre les mystères qui y sont ren-
5 fermés. Sans tous ces instruments. si l’amoureux mystique
F
est sincère, finalement son amour lui servira de guide. et il
atteindra un certain lieu. Dieu est celui qui accorde son
concours et sa direction : il est l’aide suprême!
N m . [v.ç1’v a; r
« L’amour mystique est cette flamme qui, lorsqu’elle s’éla’we,
brûle tout; Dieu seul reste.
« Allume dans ton âme. un l’en tire de. cet amour: incendie
entièrement la pensée et son expression ru. quoiqu
610. Le Perwânè Mo’în-ed-dîn (miséricorde de Dieu sur lui Il
avait convoqué un jour une assemblée considérable: il avait
invité tous les grands savants et les principaux notables.
Ce jour-la. notre Maître ne commença pas à émettre des
pensées; il n’articula aucune parole. Un dit qu’on avait pas
encore convoqué le Tchélébî Ilosâm-ed-din. Le l’erwànè
devina qu’il fallait absolument l’inviter. et il demanda à
notre Maître la permission de le faire venir de son jardin.
« Ce serait à propos, répondit le Maître, car le lait des pensées
découle des mamelles de ses vérités n.
a Ces paroles sont du lait dans la mamelle de l’âme: elles ne
coulent pas aisément s’il n’y a pas quelqu’un pour les traire.
ci sont des autorités absolues: celui à qui ils donnent, ils lui
donnent [définitivement]; celui à qui ils accordent leur faveur
et leur compassion, obtient ce qu’il désire des biens de la reli-
gion et du monde ; il se distingue par une confidence particu-
lière; il atteint un point où il est envié par les hommes
généreux parfaits». Immédiatement le Perwânè, posant la
tête sur le pied du Tchélébî, y frotta ses moustaches et sa
barbe.
mg. -.A..-4 A
Le ’l’chélébî s’assit au milieu de la cour de la maison; le
HOSAM-ED-DIN - 251
Maître descendit et s’assit également a côté de lui; cette
cour devint ainsi le siège de ces sommités, tandis que les
places d’honneur, au fond. restaient vides. Quelques envieux
se dirent tout bas: a Pourquoi un grand personnage se
tient-il aune place intérieure. et troublevt-il ainsi rassemblée,
puisque [en temps ordinairel la place de chacun est fixée
[par l’étiquette?! u Le Maître, tout bouillant, s’écria : « Quelle
ditl’érence cela fait-il. qu’ils soient en haut ou en bas ? Ils sont
des flambeaux ; si un flambeau recherche l’élévation. ce
n’est pas pour lui-môme, mais pour l’utilité d’autrui, pour
qu’on profite de sa lumière; sinon, quelle que soit la place
occupée par lui. soit en haut, soit en bas, il est en toute
circonstance un flambeau. Les saints sont un soleil éternel ;
s’ils recherchent les dignités et les hautes situations de ce
monde; leur intention est ile dissimuler leur grandeur aux
profanes; ils veulent pêcher les gens du monde dans le tilet
du monde. pour les amener à cette autre élévation [spiri-
tuelle] et les faire tomber dans le filet de la vie future. Ciest
ainsi que le Prophète n’a pas conquis la Mecque et les autres
territoires pour lui-môme. car il n’en avait pas besoin, mais
pour leur donner une nouvelle vie, une clarté, une clair-
voyance nomelles. a Cette main est habituée à donner. non
à prendre. n Les saints séduisent le peuple pullr lui donner
quelque chose, non pour la lui enlever. n Aussitôt le concert
commença. et on y resta plonge jusqu’au «liner. Cependant,
tout en dansant et pieds nus, le Maître se rendit a son col-
lège et y dansa trois jours entiers..4v.Les
N. à. ,4
orgueilleux négateurs
se convertirent.
6H. On rapporte encore cecimg : Lorsque notre Maître tré-
passa et que le TCllélelJÎ Hosâm-eddtn s’assit sur le trône Édu
prieur], la grande dame, confidente du harem spirituel, Kirâ-
Khâtoûn (que Dieu soit satisfait d’elle Il manifesta de l’oppo-
sition à cet acte et dit à [son lits)l Sultan Wéled : Tu dois
Liasseoir à la place de ton père et lui succéder. car tu es
digne de ce trône et propre à recevoir une telle fortune.
Pourquoi as-tu abandonné au Tchélébî llosâm-ed-din la
252 LES SAÎNTS mais DERVICHES TOURNEURS
t. Maljsabî.
HOSAM-ED-DIN 253
le cou de cet individu, puisque le Tchélébî Hosâm-ed-din est
fâché contre lui. Moi, je voyais cela d’une façon sensible, au
moyen de mes propres yeux. Cet individu, sans aucun
resgect, me frappa de la cognée et ma tête tomba; je fus
anéanti. Après un moment, je vis le Maître prendre ma tète
de ses mains bénies et la placer sur mon cou pendant qu’il
prononçait les formules : Au nom de Dieu, par Dieu, de
Dieu et vers Dieu. Je vis qu’immédiatement je. fus rappelé à
la vie. Toutjoyeuxje me levai, m’incliuai et poussai des cris.
Quand je me relevai de la prosternation, je ne vis plus per-
sonne, mais j’aperçus beaucoup de sang que j’avais perdu.
sans qu’on sentit la moindre trace du choc de la cognée. Plein
d’un désir immense, je partis en courant. j’entrai dans le
verger et je m’occupai de mon travail. Le Tchélébî vint et
me fit des cajoleries : Allons! Ché’ikh Mohammed, tant que
rfifl
mon maître ne t’a pas trotté les oreilles et ne t’a pas coupé -
Je cou, tu n’es pas devenu un musulman parfait, et tu n’as
pas été délivré de la rébellion: si je n’avais pas intercédé
en la faveur, tu serais mort, et perdu pour toute l’éternité. nr W" wv-r .5
Je fis cent mille demandes de pardon. je revêtis le [ére’dje’
et je devins l’élève sincère du Tchélébî. (jette aventure
eut lieu après la mort de notre Maître (que la miséri-
corde et la satisfaction de Dieu soient sur lui lj. Un dit même
que ce fut quatre ans après.
t. ll est clair que ce mot n’est pas pris ici dans son acception habituelle de
«fripon, fourbe D; mais j’ignore quelle en est la signification.
2. Qar., XCV. 6: cf. Xl.l, î et LXXXIV, 25.
.n
nW:.* ”
256 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
il s’était rendu, avec les grands compagnons, du côté du jar-
din de Homâm; cela avait formé une assemblée considéra-
ble. Tout à coup un derviche survint et apporta la désagréa-
ble nouvelle que le croissant surmontant la coupole bleu’c î
du mausolée purifié étai tombé, et qu’une grande fissure
s’était produite. Le Tchélébî poussa un soupir et s’a’bsorba
en lui-même; plusieurs reprises il frappa son genou. de
sa main, et se mit à pleurer. Les amis, tous ensemble, ver;
- aèrent un déluge de larmes et se lamentèrent. Aîl bout d’un
moment, il s’écria : a Regardez la date de la mert du-
ché’ikli a. Quand on s’y fut reporté, on constata qu’il s’était
écoulé, sans aucune diminution, dix ans entiers, et qu’il
était mort dans la onzième année. Immédiatement un chan-
gement se produisit dans le corps béni du Tchélébî :nun
frisson se montra; il dit : (r Emmenez-moi à la maison; la
coupe de notre vie a commencé à être pleine; le temps du
départ est prOche t; il n’est pas possible [de faire autrement].
Lorsque l’indication de l’ami apporte la bonne nouvelle de sa
venue prochaine, tiré par la tête, non parles pieds, allant et
courant il faut partir ». Puis il ajouta :
’ « Dis à cette apparence du corps qu’elle s’en aille; moi, qui
suis-je? La peinture ne diminuera pas, du moment que je
suis éternel.
a Puisque Dieu a dit : « Désirez la mort, ô serviteurs sincères! 2 »
je suis sincère, et je secoue ma vie sur cela».
On fit monter le Tchélébî à cheval et on le conduisit à sa.
maison. Pendant quelques jours il resta alité, puis il tré-
passa dans une joie parfaite. Cela eut lieu le mercredi
22 cha’bân 683 de l’hégire (3 novembre 1284) 3.
L’on dit que le même jour ou l’on replaça le croissant
surmontant la coupole bleue et où la réparation futachevée,
a la même heure le Tchélébî retourna au paradis de la
t. Qor., 11,151.
2. Citée par lbn-Blbî, 1V, p. 324. l. 17.
3. Raçadî.
Tome Il. t7
-Ç’V’WA’C’UQÊJ 7: lavJV "a ’
.’ 5!
a
258 LES SAINTS, DES .DERVICHES TOURNEURS
,,.«.d’i”’
i. Cf. Ibn-Bibi, IV, p. 310, 323-326.
260 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
dant Emîn-ed-dîn sortit en se prosternant et ivre, et apporta
aux amis, à titre de reconnaissance, dix mille autres dirhams.
Chems-ed-dîn ordonna que la totalité des dirhems fût
employée par le Tchélébî Hosâm-ed-dîn à des distributions
aux nécessiteux et aux possesseurs d’invocations, selon leur
rang; qu’il les fît parvenir aux enfants et aux petits enfants
du Maître, en totalité, et qu’on yeomprît les descendants de
Çalâh-ed-dîn. Ce qui resterait, il devait le garder en sa pos-
session et le dépenser pour l’usage des amis. Tant qu’il
vécut, le Tchélébî, ayant ceint la ceinture de la sincérité
sur la taille de son âme, en toute loyauté, fit de tels efforts
bouillants, au service de cette famille, depuis’son enfance
jusque dans sa vieillesse, qu’on ne saurait les exprimer par
des paroles. Par suite de la faveur immense que le Maître
lui réservait, ayant adopté le service de tous, il fut servi par
les maîtres du monde. Seigneur, donnez-nous une bonne
lin!
CHAPITRE VII
t. Les aulâd poteaux de la tente sont les gardiens des points cardinaux:
on s’accorde qu’ils sont au nombre de quatre. Cf. Hudjwiri. A’aehf el-
Malgdjoûb, trad. Nicholson. p. 2H; Blochet. Éludes sur l’ésotérisme mural-
man, dans le Journal Asiatique. 1X0 sein, t. XlX. p. 530 et t. XX, p. 87.
264 LES SAINTS DES DERVICHES remmenas
présomption, l’entêtement et l’envie, et punissait ces péchés,
fut à la fin prise par la punition divine; ils furent chassés
et délaissés; on peut dire ’d’eux : « Ils ont préféré l’aveu-
glement à la direction a. Dieu nous garde de pareille aven-
ture l U . ’
Notre Maître, un jour, avait écrit avec un gros qalam, sur
le mur de son cpllège béni, ces mots : « Notre Béhâ-ed-dîns
est un homme fortuné ; il a Vécu bien, il mourra bien ».
623. Un jour, dit-on, Kirâ-Khâtoûn, épouse de notre Maître, .
avait été invitée par le Tchélébî Hosâm-ed-dîn à venir chez
lui; Il arriva que par hasard Sultan Wéled vint aussi rendre
visite au Tchélébî; il se constitua ainsi une compagnie aussi
belle que les lumières mystérieuses renfermées dans les
saints noms [de Dieu]. Après une conversation qui roula
sur la mystique, Kirâ-Khâtoûn raconta ceci : a La nuit der-
nière, j’ai vu notre Maître, semblable au griffon, sortir des
limites de l’Orient et de l’Occident et étendre ses ailes sur
Béhâ-ed-dîn; il le couvrait de sa protection et l’accom-
pagnait partout où il se rendait ». En entendant ces mots,
le Tchélébî se dit en lui-même : u Comment ne m’a-t-elle pas
vu? » La trace de ce sentiment jaloux parut sur son visage,
comme il arrive habituellement aux hommes dévorés par
la jalousie.
a Si tu ressens de l’envie, portes-en la trace sur ton visage, car
les prophètes eux-mêmes ont été jaloux. »
i. Tchoûjèkân.
2. Ville de l’Asie Centrale.
3. Le nom mystérieux de la Divinité, celé aux simples mortels.
266 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
Amîr ’Âlim, ajouta le maître, a des dépenses considérables;
qu’on lui donne un peu plus de cet argent. On partagea la
somme, et tous les compagnons en eurent une portion.
625. Le vieil ami théologien, Sirâdj-ed-dîn le lecteur du
Methnéwî, nousa raconté qu’unjour de grands personnages
étaient venus rendre visite à notre Maître; pendant qu’il
traitait de la gnose, il se mit à faire la description du bâton
de Moïse et à dire: « Le bâton de Moïse, dévora de telle façon, par
la faveur divine, soixante-dix charges de chameau des cordes
apportées par les magiciens impies qui avaient conçu des ima-
ginations vaines et felles, et avaient rempli les montagnes et
les désertsi, qu’il n’en resta pas trace; il les anéantit toutes; et
cependant la longueur de, ce bâton ne fut ni augmentée ni
diminuée d’un atome. Maintenant, comment expliquerai-je
cette parabole incomparable, pour qu’elle puisse s’installer
dans la pensée des hommes. et que ceux-ci la comprennent? »
Alors il se tourna Vers Sultan Wéled, qui était constamment
l’objet des regards favorables de son père, et lui dit : « 0
Béhâ-eIJ-dîn. exprime cette idée. n Celui-ci s’inclina et prit la
parole : « Cette parabole, c’est. comme si un homme avait
un palais extrêmement grand, et qu’il s’y trouvât une nuit
dans l’obscurité la plus profonde. Subitement, on apporte un
flambeau dans ce palais, et la lumière de ce flambeau dévore
tellement ces ténèbres, qu’elle les réduit à néant; il n’en reste
rien. et cependant le flambeau, pour avoirdévoré ces ténèbres,
ne diminue ni n’augmente n.
a Le bâton n’a fait qu’une bouchée de ces enchantements; tout
un monde était plongé dans la nuit, mais le matin a dévoré
celle-ci en entier.
a La lumière, pour l’avoir engloutie, n’en a pas été accrue; elle
est restée la même qu’auparavant ».
l. Khawal-i khânè.
2. Mosell’em.
268 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
félicitèrent beaucoup; ils lui donnèrent une somme de
quatre-vingt mille dirhems solgrtnî, le revêtirent de vêtements
d’honneur, et lui assignèrent cinquante mille autres dirhems
sur les PCVGIfU’S de Césarée. Toutjoyeux, en toute pureté de
cœur, il commença la construction du mausolée; par la
faveur du Maître, cet être sacré. il en ’fut le fondateur et
réussit à la terminer. Il distribua de nombreux cadeaux aux
compagnons du tombeau et aux amis du Collège. On dit
qu’il apporta six mille dirhems à Sultan Wéled, et autant au
Tchélébi H()Sâlllde-(lîn. Il dépassa tout le monde et gagna
plus que les autres.
628. Les hommes libres choisis, les auxiliaires de la voie de
la certitude nous ont fait connaître qu’a l’âge de vingt ans,
Sultan Wéled demanda à notre Maître de le laisser s’isoler
et d’accomplir la retraite de quarante jours. « 0 Béhâ-ed-dîn,
lui répondit son père, les mahométans n’ont point d’isole-
V ment et de retraite de quarante jours; dans notre religion
c’est une innovation ; mais celaa existé dans la loi religieuse
de Moïse et de Jésus (Sur eux deux le salut l) ; tous les efforts
que nous faisons, c’est pour la tranquillité de nos enfants et
de nos amis; aucun isolement n’est’nécessaire; ne prends’pas
de peine, et ne moleste pas ton propre corps n. Cependant
Sultan Wéled fit des efforts et insista : « Sûrement je désire
rester en isolement pendant quarante jours; mais je men-
die une bénédiction et une force de la part du Maître n.
Celui-ci lui donna [alors] la permission, et ordonna qu’on
préparât pour lui une cabine d’isolement. Quand il y entra,
le Maître ordonna de boucher la porte de la cellule avec du
torchis; une fois tous les trois jours, le cheikh Çalâh-ed-dîn
et notre Maître venaient autour de cette cabine d’isolement
et la surveillaient, en y faisant des allées et venues ’. A l’ex-
piration des quarante jours, tous les compagnons et lesgrands
amis, accompagnés des récitants, se présentèrentet ouvrirent
la porte de la cabine avec une considération profonde et des
(h,
j); . è "ab" 5A;
270 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
supporter le secret de la prédestination,-ils ne savent rien de
la sagesse divine; sous la forme humaine, ce sont des ânes. n
« Ne t’en vas pas raconter a personne le secret du souverain;
ne verse pas du sucre candi devant les mouches. .
« Si tu mets en joie le sucre de l’âne, tu jettes devant l’âne un
quintal de sucre.
« Enseigner a quelqu’un les mystères de l’action, c’est mettre
un sceau sur sa bouche et la coudre ».
Cela suffit l n,
629. Voici encore une tradition bien connue, écrite en traits
de lumière dans les cœurs des grands personnages ’ : Une
année il y eut disette de pluie à QOnya. Il s’en suivit une
grande cherté, et les habitants de la ville furent réduits à la
gêne. A plusieurs reprises ils sortirent pour pratiquer le
rite des rogations; cependant aucune pluie ne survint; ils
revinrent ’frustrés et privés; leurs aumônes, leurs sacrifices
ne furent pas agréés. Alors, voyant leur impuissance etleur
agitation, d’un commun accord et sans hypocrisie, ils se
dirigèrent vers le. collège du Maître; avec leurs désirs
impuissants et leur sincérité parfaite, ils mirent la main sur
le pan de la robe de Sultan Wéled; tous les cheikhs et les
grands savants présentèrent leurs excuses en ces termes :
a Nous n’avons rien été, et rien n’est venu de nons: nous
avons reconnu que nous n’avons point d’honneur auprès de
I
Dieu, que nos prières n’ont point atteint leur but et n’ont A
,3
t . Çodoûr-i podoûr.
sans WÉLED 271
souffler dans son cœur béni, et le feu de l’amour s’étant
enflammé dans son âme, ses larmes coulèrent sous forme
de gouttes: il se leva, se mit en marche pieds nus depuis la
porte du collège. jusqu’au mausolée sacré :de ses ancêtres)
et après avoir découvert sa tête bénie. il se plaça en face du
mausolée de son père: les gens de la ville, petils et grands,
riches et pauvres. se découvrirent également la tète et pous-
sèrent des exclamations et «les cris : les gémissements des
mystiques parvinrent jusqu’au dessus des deux étoiles Far-
qadân. Tout à coup, par un effet de la faveur du Créateur,
un nuage noir se. montra et couvrit la face du ciel : une pluie
intense commençait tomber. en un clin d’œil elle transforma
le monde en torrent. et Sultan M’éled était toujours dans
l’attitude inclinée [de la prière’: personne ne s’aperçut.
étant plongé dans l’ivresse de l’exlaso, que la pluie tombait
au dehors: or. il plut tellement que la plaine de (Jouya l’ut
changée en lac par les torrents des montagnes: sous l’effet
des pleurs des nuages. le monde attristé redevint souriant z
jusqu’à près de la prière de l’après-midi. on resta occupé a
pleurer et a s’attrister. Ensuite. Sultan Wéled lit des voeux.
remit son turban sur sa tôle, se prosterna sur le tombeau de
son père, puis. s’en retourna au collège: tous les compagnons,
a.» a me" e a "au :"wv-"eîarww r 7’" "V
plongés dans la sucurct fraude la pluie. allaient en dansant.
tête et pieds nus. De nombreuses personnes. «,létachant de
leur taille la Cordelière de la négation, ceignirent la ceinture
de la sincérité et de l’aveu autour de leur âme, et l’ureut
délivrées des ténèbres de l’erreur et de l’ignora’iuce; elles
parvinrent ainsi au degré de cette splendeur. Louange a
Dieu. seigneur des inondes! u
t. .tlelhne’wî-Kha’ni Wéle’di.
2. Chamanes.
272 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
du monde sont au nombre de-quarante; ils y croient ferme-
ment. Cette doctrine a-t-elle une réalité et une sagesse? »
- u En dernière analyse, répondit le derviche, dans la doctrine
de cette communauté, il y a un autregrand Dieu auquel sont
soumis et par qui sont commandés ces trente-neufdieux;
chacun d’eux tire de lui son caractère divin; ce quarantième
(lieu est le maître de tous les autres; aucun n’est plus élevé
que lui.
« 0 jeune hom me, les mains sont posées les unes sur les autres
pour arriverjusqu’a Dieu, qui est le terme suprême n.
a Il faut que tu le recherches et que tu l’aimes, car tous les
êtres ont besoin de lui. De même, il est venu de nobles
envoyés pour faire connaître les générosités de ce Dieu et
pour inciter les hommes à le servir, à lui obéir, à l’adorer; r
ses serviteurs obéissants éprouvent de la jouissance à le
dservir et parviennent à une situation et à un degré [dans
la hiérarchie des êtres]. Le vrai jugement victorieux, la
grande sagesse, la voilà. »
Il employa encore un autre exemple. a De même que tes
esclaves et les gens de ta maison sont les serviteurs de tes
ordres et tu reconnaissent comme leur seigneur, tu es aussi
le serviteur du Khan qui est ton chef ’, et est lui-même sou-
mis au grand Khâqân 2. Il est juste, il est obligatoire pour
chacun d’eux d’obéir à leur chef, pour ne pas tomber sous le
coup des châtiments, et pour parvenir par degrés jusqu’à la
cour du souverain suprême. En réalité, ces dieux sont en
œuvre par la prédestination, l’action et la volonté de ce
[Dieu supérieur], ils exécutent les volontés du grand Dieu et
par leur attitude ils expriment cette pensée : Allah Altbar
(Dieu est plus grand l); ils le reconnaissent comme la divinité
suprême. De même, tous les prophètes et les saints sont les
appariteurs 3 et les courtisans intimes du grand empereur;
l. L’llkhan mongol de la Perse.
2. L’Empereur mongol.
3. Toûchmdl.
SULTAN WÉLED 273
ils invitent le peuple à le servir; en vérité, ils y sont par-
venus; ils ont avec eux les arguments du yarliglt î et des
firmans, des miracles et du cimeterre, mais d’autres, qui sont
les adeptes des diverses religions, qui sont des malades et des
imitateurs pleins de fautes et d’erreurs. ont chacun un dieu
séparé, une croyance particulière.
a O tes passions qui provoquent les passions! ô tes dieux qui
molestent le [vrai] Dieu Z n
a Donc, l’homme sage et clairvoyant est celui qui se met
à la suite des courtisans du Sultan et se fait leur ami; par
ce moyen, il s’occupe de bonnes actions et d’obéissance pour
trouver accès à la cour du souverain véritable, devenir à
son tour un dignitaire rapproché de la personne royale et
parvenir à son but, de même que les gens de ton entourage
ne restent pas dans les rangs de serviteurs éloignés et mépri-
sés; car les besoins des hommes sont accomplis par eux,
non par d’autres. (Je qu’il faut, c’est de suivre les prophètes
et les saints n.
Aussitôt le noyau s’incline et devint un disciple :u Que de
fois, s’écria-vil, j’avais soumis cette question aux savants
du monde et aux sages instruits, et jamais une réponse ne
m’a été donnée avec cette clarté, comme aujourd’hui. J’en
ai été dégoûté, et je suis devenu musulman n.
63L En jour, nous a dit Sultan Wéled. soumettant mes
désirs à mon père, je lui dis sous forme de coquetterie : Des
cadeaux que tu m’as donnés, des faveurs que tu m’as réser-
vées, je désire en donner un signe ; et ce signe, ce sera que,
toutes les fois que vous serez rempli des lumières du Séyyid,
je dise qu’à ce moment vous en êtes rempli; et de même, à
tous les instants ou vous serez rempli de notre Maître
Chems-ed-din Tébrizi. je le dise, et je donne un signe de la
réplétion du cheikh Çalàh-ed-din; que je redise les signes de
la lumière de notre grand Maître: et quand vous serez plein
de la lumière de votre propre grandeur, je le dise aussi.
i. Lettres patentes.
Tome Il. 18.
h Ï???
. fia
Mana-’HIL. Ace-Lu- - -
SULTAN WÉLED 277
636.Les amis particuliers (que Dieu leur réserve un gra-
cieux pardon î) qui étaient devenus disciples dans les débuts
de la manifestation du Maître et avaient pu contempler cons-
tamment des signes étranges et des indices du monde
mystérieux. nous ont raconté qu’un jour notre Maître était
assis sur le sofa du Collège béni: l’ensemble des compa-
gnons intimes élaient présents; Sultan M’eled se tenait
debout a la droite de notre Maître. son frère ’Ala-ed-dîn a sa
gauche; ils étaient alors tous deux dans la tleur de la jeu-
nesse. Tout a coup deux individus velus de vert. venant du vu
monde mystérieux. arrivèrent; ils saluèrent le Maître. qui se
leva; sans attendre davantage. ils prirent Sultan M’eled par
la main et partirent : au boutd’un moment, ils revinrent et
le ramenèrent en disant : u tint illustre enfant est réclamé
par les mortels pour assurer la descendance de Délia-ed-
dîn M’éled æquo Dieu sanctifie son mystère cher Ï, n Ils pri-
rentalors ’Ala nil-din et tontinent-real; le Maître ne dit rien.
Les amis poussèrent des cris et lui demandèrent l’explication
de cette scène. « lls laisseront. répondit-il, liéhà-ed-dîn
fi W”.thin
bVÔlOd quelque temps dans ce monde pour assurer notre
lignage: quanta ’Ala-ed-dîn. il mourra promptement.» Il
F
arriva en effet que. du temps de l’absence de notre Maître.
Chems-ed-dîn ’l’ebrîzî que. Dieu magnifie sa mention Il.
[’Alà-ed-dînj reçut une blessure et mourut: tandis que
Sultan M’eled. après la mort de son perce.
"f .Üi Dgvécut de nom-
fi Moi je donnerai mon cœur à une personne qui vaut une âme ;
un clin d’œil en sa beauté vaut tout un monde. ’
« Je ne donne pas facilement mon cœur a n’importe qui, mais
pour un profit utile qui vaille un dommage ».
Il y a une grande différence entre la perle et le caillou,
entre la magie et le bâton [de Moïse]; cela est suffisant pour
les gens capables.
637. On rapporte, d’après Sul tan Wéled, qu’unjour il dit, au
cours de ses sermons etde ses explications mystiques: Une
ou deux fois, du temps de mon enfance, un péché véniel a
été commis par moi, etj’en demandai pardon. Mon père était
une fois occupé au concert spirituel; ce jour-là, il fut pris de
troubles considérables, et manifesta de l’échauffement;tout
a coup il s’approcha de moi, me prit par le Collet et. me
faisant signe avec l’index, me dit: a 0 Béhâ-ed-dîn! Ha!
Ha! Ha! (trois fois). Après cela, tu sais maintenant. 0 mes
amis, Allah! Allah! ne posez pas le pied en dehors de la
route des principes de la crainte de Dieu, ne lâchez pas de
la main le pan de la robe de. la gloire l’un de l’autre;
observez toujours les règles de la politesse, et n’égratignez
pas avec l’ongle de la négation le visage de la sincérité; en
effet, si, sur l’intercession d’un grand personnage, on relâche
le voleur et on le met en liberté, toutefois on ne le change
pas en majordome et en magasinier du souverain; il ne
deviendra jamais l’homme de confiance du sultan. »
«O Emîn-ed-dîn, le théologien, viens! car toute couronne,
tout drapeau proviennent de la confiance.
l. Nobî.
2. 0mn, LXVIII, St. Cf. Tabarî, Tafsir, t. XIX, p. 26; Béïdâwt, ,t. Il, p. 351
Lisdn el-’Arab, t. XI]. p. au; Tddj el-’aroûs, t. Vl, p. 373.
3. Lire aussi, au lieu de Hobé’ich du texte.
SULTAN WÉLED 283
on a posé une idée d’ânerie; tu vivras bien. tu mourras bien.
Pour ses épines, on ne coupe pas le rosier; car si, chez les
grands saints, ou rencontre des caractères épineux. on ne
les frappe pas a la tète. car cette épine est le désirI des cou-
poles de. la roseraie et est cachée sous ces coupoles.
a Nous sommes les épines de cette rose: o mon frère. sois-en
témoin; être cette sorte d’épines, c’est une gloire. non une honte n-
1. Khdrkhdr.
284 LES- SAINTS DES DERVICHES ’TOURNEURS
2. Qaurdri’. ’
SULTAN WÉLED 285
et n’a commencé ni rapport ni commentaire, cela est un
miracle sutfisant pour démontrer qu’il est le fils bien-aimé
de notre Maître, et le successeur de son mystère, la quin-
’ tessence de la descendance pure du Grand Véridique ïAhou-
Bekr]; l’âme de tous les conseils. de tous les sermons, c’est
’ son amour, et le résumé des dévotions, c’est notre croyance
juste à l’égard des derviches: la considération des membres
de cette famille bénie est un devoir pour tous les vrais
croyants et. croyantes; il faut espérer que le. pauvre Perwànè
à l’aile brûlée t ne restera pas privé de la faveur de ce sou-
verain, et qu’il entrera dans la filière des pardonnés n.
Toutefois, des cheikhs envieux s’occuperont auprès du
Perwànè, en l’absence de Sultan D’éled, de médire de lui:
ils auraient dit : a Aujourd’hui une terreur s’est emparée de
notre Maître Béhâ-edvdîn; il n’a pas parlé comme il aurait
fallu n. Cependant le dervirhe théologien. le Chéïkh Moham-
med Selmâsî, noble cheikh et adepte de la voie ascétique,
s’y opposa en ces ternies : u lela ne s’est point passé connue
l’ont compris les chéïkhs, car la première fois le prédicateur
s’est excusé et a dit : Nos paroles ne sont point pour cette
chaire, et nos mystères ne. sauraient être contenus dans les
traditions: n’avez-vous pas vu que quand il a placé son turban
à rebours. le monde a été troublé ; un grand tapage s’est élevé
parmi le peuple, tous les hommes de la surface de la terre
se sont tournés vers l’autre monde. des. lamentations se sont
produites ; et lorsqu’il a remis son turban droit sur sa tète,
l’assemblée tout à la fois s’est apaisée: ce miracle est sutfisant
pour les mortels n. Tous se turent et gardèrent le silence.
Un d’entre eux aurait dit au Perwànè: Notre Maître. par
suite de ses macérations, était pâle de visage; Sultan tt’éled
est [au contraire] tout rouge n. Le Cheikh Mohammed répon-
dit justement : « Notre Maître était de toute éternité amou-
reux de la perfection de la beauté divine. et les amoureux
ont toujours le visage pâle; tandis que Sultan Wéled est.
l. Perwânè signifie proprement le papillon de nuit, la teigne qui se brûle
à la flamme de la bougie.
rr?’
1. Haldl kan.
SULTAN .WÉLED 289
646. On rapporte encore que du temps de Ghazan-Khau
(miséricorde de DieuE), Apichqâ-Noyînl avait été chargé de
gouverner l’Asie-Mineure; il était extrêmement bienveillant
pour les sujets [de l’empire mongol] et équitable: on l’ap-
pelaitle prophète glabre; c’était un homme plein d’autorité,
musulman, généreux, de croyances orthodoxes. Un jour, il
était venu rendre visite à Sultan Wéled : quand les amis
eurent lu le Qorân et psalmodié les mystères. Sultan D’éled
s’occupa d’exprimer des pensées et des vérités; les compa-
gnons poussaient des cris et approuvaient. Cependant Api-
chqâ posa la question suivante : « Pendant que vous exprimez
des idées et que vous les commentez, pourquoi cette assem-
blée pousse-t-elle des cris et des gémissements, et pleure-t-
elle? Que voient-ils pour être ainsi?» Sultan XVélcd répondit:
« Dans cette situation, c’est comme si un messager venait de
la part de l’empereur actuel et t’apportait la bonne nou-
velle que le grand Khan te réserve une faveur, et t’a accordé
une gratification 2; n’est-ce pas que, de joie, tu éprouveras
une sensation agréable, tu feras des actions de grâces, et
tu donneras des témoignages de reconnaissance? Le fait est
que les prophètes et les saints (salut sur eux!) ont apporté
la parole de Dieu par manière de truchement; ils mani-
festent les mystères lumineux de Dieu; ils annoncent la
bonne nouvelle que Dieu est désireux de les voir et les aime;
que constamment l’Étre su prenne et miséricordieux les convie
pour leur donner le paradis, les houris, les pavillons, le vin
pur, pour leur montrer sa face ; les amoureux mystiques, dans
leur extrême joie, en font des remerciements, en imposent
la reconnaissanceà leurs âmes, s’inclinent et poussent des
cris, pour que les troupes du démon envieux soient mises
l. Ms. tu, f’ 244 v", Apichghâ-î noyin; diOhsson, Hisloire des Mongols,
t. 1V, p. 228, Apischca fiers 698-4299): cf. p. :239.
2. Souyourghdmichi. Sur ce mot turc-oriental, voir Quartz-amère, Histoire
des Mongols, t. l, p. 142, note 22. L’expression souyourghdl. dérivée de la
même racine, était encore usitée en Perse sous les Çafawides pour désigner
un fonds de terre concédé par le roi (Chardin, Voyages, t. Il, p. 289; Kæmp-
fer, Amœnilales erolicæ, p. 41).Tome
VIl. l9
290 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
en déroute, et que les amis des anges expriment leur joie.
En etïet, chez l’homme, la sentira’nce et l’extase enfantent un
cri et un appel, involontairement; premièrement (ce dont
Dieu nous garde!) en cas de deuil; secondement, en cas de
félicitations. Maintenant, les cris de nos amoureux mysti-
ques proviennent de leur extrême joie et de l’abondance des
félicités. De même, quand deux armées parfaitement équi--
pées se trouvent en face l’une de l’autre, l’une musulmane
et l’autre infidèle. C’est constamment que les adeptes. de la
vraie foi, pratiquant la prière canonique et proclamant que
Dieu est le plus grand, font des charges, afin que, une ter-
reur s’emparant du cœur des infidèles par suite de l’effroi
qu’ils inspirent, ceux-ci soient défaits. L’armée des sugges-
tions diaboliques et des impulsions concupiscentes, d’instant
en instant, attaque le cœur des disciples sincères, pour
détruire leur tranquillité, piller leur dévotion. Mais quand
ceux-ci écoutent, dans la sincérité de leur esprit, les expli-
cations de leur directeur spirituel, une lumière, une visi-
bilité, provenantde cette explication, apparaissent dans leur
âme; ils se voient dans cet état, et aperçoivent le démon
lapidé par les pierres qu’on lui lance ; par suite de cette
splendeur, ils poussent des cris; ils manifestent. leur conten-
tement et leur joie; ils se prosternent pour remercier Dieu ».
Immédiatement Apichqa s’incline, devint disciple, et à titre
de remerciement, fit présent de mille dinars.
647. D’après les compagnons du Collège saint (que Dieu
sanctifie leur espritl), il aété raconté que le hautpersonnage
nommé Mohammed-beg, fils du Khvâdjè Cadr-ed-dîn Balîfi-
dhoûnî ’, qui était devenu roi de la capitale Qouya et jouissait
d’une grande considération, s’était un jour fâché contre
quelqu’un : il ordonna qu’on le châtiât; cet infortuné,
-Av---’.AAA1A.
l. La première lettre
I
n’a pas de point diacritique dans le ms. tu; cette
graphie a été restituée par conjecture Elle paraît se rattacher à Boliwadtn,
Polybotum des Byzantius, près de Qara-Uiçar-i Çàbib (vulg. Afyoûn Qara-
Biçâr), sur laquelle on peut voir Texier, Asie-Mineure, p. 448 a; ’Alt Djéwâd,
Djoghrafiya Loghati, p. 216.
SULTAN WÉLED 291
craignant pour sa vie, s’enfuit et se réfugia dans la maison
de Sultan W’éled, où il se cacha. Ce Mohammed-beg, mû par
sa colère et sa déraison, la présomption de sa dignité et la
suffisance de sa suprématie, tira son sabre, entra, à la suite
de cet individu, dans le harem de Sultan Wéled sans res-
pecter la politesse ni la considération due au saint person-
nage. saisit l’individu par les cheveux et l’entraîna dehors.
Sultan Wéled. gardant le silence, ne dit rien. Cependant.
par un effet de la toute puissance divine. Mohainmedsbeg
fut pris par la colère des hommes; en dix jours, de la totalité
de cette famille et de ce clan, il ne resta personne; tous
moururent de mort subite, tant hommes que femmes, à tel
point qu’il ne resta même. pas un chat dans leur maison.
L’histoire de leur disparition et de leurs malheurs a été dite
et écrite pour servir d’exemple aux mortels : c’est le mauvais
augure de la conduite impolie qui détruisit leur famille.
iræ
a O profane, ne mets pas audacieusement le pied devant les
hommes de Dieu ; sinon ta tète s’en ira !
« Ne te présente pas sans bouclier devant cet acier dur comme
le diamant, car le sabre n’a point honte de trancher! n
lle tout Cc groupe. il n’échappe que Mo’in-ed-din Yekdérè,
disciple sincère et ami loyal. Sultan Wéled fut toujours
plein de regrets :de ce qui était arrivé) : « Dieu soit exalté!
disait-il, que c’est une situation blâmable que de se montrer
impoli et insolent envers la famille des saints! Que de villes,
que de mondes ont été ruinés par le mauvais augure qui
s’attache aux impolis I n
648. [ne tradition nous apprend que la sainte de Dieu sur
la terre, Géraim’mz’i1 (Dieu soitsatisfait d’elle), qui était la nour-
rice de Sultan D’éled, et devint célèbre dans le monde par
ses miracles étranges, s’assit un jour dans sa cabine d’isole-
ment, à l’époque où notre Maître avait envoyé ses fils:
Sultan W’éled et ’Alà-ed-din à Damas pour y étudier les
t. Ce nom semble cacher un surnom grec, yéç-r, (div: a vieille mère n ,ct’.
napapiva a nourrice n).
292 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
sciences exotériques, et que déjà un long temps s’était passé,
sur cela. Elle nettoyaitdes carottes et des navets, et gémissait
sur l’absence de Béliâ-ed-dîn Wéled et d’ ’Alâ-ed-dîn ;-elle
énumérait leurs qualités. Elle vit venir deux anges, qui la
mandèrent auprès de Dieu. « J’ai affaire, je ne puis vous
suivre, dit-elle, je suis occupée à gémir sur la séparation
d’avec Béhâ-ed-dîn. » Les anges partirent, puis revinrent en
disant : « Il faut absolument venir; Dieu le très Haut t’ap-
pelle. » Quand ils insistèrent, la pauvre très sincère dit :
« O mes yeux, pleurez! 0 ma langue, continue ta mélopée! V ’
0 ma main, ne quitte pas ton ouvrage; jusqu’à ce que j’aille
auprès de Dieu et que je revienne,.continuez toutes deux de
travailler! » Cela se passa comme elle’l’avait dit. Lorsque
ce quiest le principe [c’est-à-dire l’âme] se rendit auprès de
Dieu et revint, il trouva les membres du corps dans’la même
situation qu’elle avait dite. Ayant revu les choses telles
quelles, dans son contentement elle prit son corps entre ses
bras et dit : ’
« A chaque instant je trouve dans mes bras le parfum de mon
amie; comment ne prendrais-je pas moi-même toujours entre
mes bras ? »
649.Sultân Wéled, au moment où il partit vers le monde où
il n’y a pas acception de lieu, disait ces vers pendant que les
amis gémissaient f ’
« Il y a des ruisseaux dangereux; ne va pas de tout côté;
prends garde, fais attention, ne va pas vers tout ruisseau. n
Il dit encore :
« Je dis : Deux grenades sur une poitrine! Elle répondit : C’est
sur mon.
Je dis : O mon idole, tu es un sapin! Elle répondit : Aie pour!
Partout ou tu iras, m’emmèneras tu? Elle répondit :Je t’em-
r mènerai.
Je lui dis: Que poseras-tu sur ma poitrine? Elle répondit : La
mienne! n
La nuit où il trépassa, il dit encore ce vers z
SULTAN WÉLED 293
« Cette nuit-ci est celle oùje verrai lajoie : nous comprendrons
ce que c’est que d’être délivré de sa personnalité! n
i
des amoureux mystiques en furent augmentés dans la pro-
portion d’un à mille. ’
U
i
r
’I
ALia .... . .
amuîmmw
CHAPITRE V111
(Que Dieu nous aide perses efforts et nous rende éternels par la lumière
, de son grand-père!)
651. Les amis confidents nous ont fait connaître que dans
la première jeunesse de Sultan Wéled, celui-ci eut beaucoup
d’enfants de Fatinia-Khatoùn, fille du chéïkh Çalâh-ed-din
(que Dieu rafraîchisse leurs amest); la plupart de ceux-ci
mouraient à six, à dix mois, à un an, plus ou moins; son
cœur béni était très douloureusement affecté de ces tristesses
et de ces regrets. On dit que Sultan Wéled était encore céli-
bataire ’ lorsque notre Maître avait, dans le monde de
l’esprit, suspendu à son oreille bénie un pendant venu de
l’au delà; il avait une personnalité telle que l’essence de
cette fraîcheurdes yeux devenait visible et aidait à son extase.
On raconte, d’après Sultan Wéled (que Dieu magnifie sa
mention l), l’anecdote suivante : a Une nuit, mon père, selon,
sa coutume ancienne, procédait à la prière surérogatoire
des vigiles prévues par ce passage du Qorân: a Ou bien
est-ce celui qui pratiquea. 31v
le 41. a
goualât, au milieu de la nuit,
prosterné ou debout? 2 l); quant à moi, je m’étais couché,
ainsi que la mère [future]
x (A de ’Arif. a la tète du lit; tout à
C’- ’
tv
298 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
très Hauta donné ces lumières pour compagnes à son âme n.
Sultan Wéled s’inclina et dit : a La vôtre aussi. » -- « Oui,
et lamienne aussi n. C’est-à-dire que l’enfant réunissait les
lumières de Béhâ-ed-dîn Wéled, du Séyyid Borhân-ed-dîn,
de notre Maître Chems-ed-dîn ’l’ébrîzi, du Chéjkh Çalâh-ed-
din, du Tchélébî Hosâm-ed-dîn, de Djélal-ed-dîn Roùmî et
de Sultan Wéled. « Il est vrai, ajouta le Maître, que notre.
7 ’Ârif réunit en lui les lumières des Pôles, il est aimé par
les âmes des gens de cœur; maintenant, que son nom soit
Féridoûn, car c’est le nom du père de sa mère; vous,
adressez-lui la parole en l’appelant Amîr ’Âri’f, de même
que Béhâ-ed-dîn Wéled m’appelle le Maître; jamais il n’a
dit mon nom; le jet de pièces d’or spirituel que je ferai
sur lui, que ce soit .mon surnom. » Cela veut dire qu’on
écrivit Djélal-ed-dîn Amîr’Ârif. Il dit alors ce ghazèl :
Wh” A
300 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
Les compagnons parfaits, reconnaissant ’Ârif comme le
cheikh parvenu au stade suprême, l’honoraient et le. magni-
fiaient. On dit qu’au moment où il articula le nom de Dieu,
il avait six mois. C’est à cette occasion que le roi des profes-
seurs, Tâdj-ed-dîn ben Naqîb, a dit z
(( Dans la forètdela vie, lorsque le lion atteint le jeune guépard,
d’où vient a celui-ci la force et l’effort? ,
a Comment pourrait-il être abrogé par un rapport et un ordre,
ce-diplôme impérial du khalifat qui lui arrive dans le berceau? »
655. Fatima (que Dieu soit soit satisfait d’elle t) a raconté un
jour ce qui suit : « Lorsque notre grand maître posa le pied,
en quittant ce monde vil, dans celui dent on ne connaît pas
le comment, mon cœur, à la suite de la séparation d’avec lui,
devint comme une forge embrasée; nuit et jour, je n’avais
ni tranquillité ’ni repos par suite de mes plaintes, de mes
gémissements,de mes ipsomnies, étant donné les faveurs
abondantes qu’il m’avait réservées depuis ma jeunesse jus-
qu’à ma vieillesse ; il se montrait comme un souverain et un
père; je craignis de périr a raison de. ce chagrin. Pendant
trois nuits et troisjours, je ne me rendis pas auprès d’Amir
’Ârif, et je ne lui donnai pas de lait; lui non plus, comme
Moïse, n’accepta le lait d’aucune autre nourrice; il ne prit
rien. Une nuit, je vis en songe notre Maître qui, des cré-
neaux de l’Empyrée, me. faisait un signe et disait : a O
Fatima-Khâtoûn, pourquoi gémis-tu avec effort et pous-
ses-tu des plaintes? Si ce que tu fais est pour moi, [sache
que] je ne suis allé nulle part; cherche-moi dans le berceau
d”Ârif, car j’y suis; les rayons de ma lumière tombent sur
lui, et mon mystère est sur lui. n Effrayée par cette indica-
tion, je m’éveillai’, et le lait commença à couler de mes seins,
mouillant mes vêtements; ma poitrine se mit à s’attiédirî;
on eût dit qu’il me tirait du monde de la compression vers le
monde de la dilatation; une nouvelle vie se glissa dans le
mystère de mon être, je me levai immédiatement, m’appro-
t. Khalîchi. ’
AMIR ARIF 301
chai du berceau d”Ârit, et pris ses vêtements; l’enfant avait
ouvert ses deux yeux et me regardait: en souriant. il fut
agité, etde ses yeux bénis. pleins de la lumière de la splen-
deurdu Maître, il commença à briller sur mon âme; mes
forces ayant disparu, je poussai un cri et m’évanouis. Ensuite,
lorsque je revins a moi, j’aperçus dans ses yeux, tumulteuse,
la mer de lumière de notre Maître, etje vis que de ces flots
lumineux, des milliers de perles cachées qui étaient des
pensées. se manifestaient ; en toute sincérité.je me proster-
nai aux pieds du L’OPCttall d”Ârit’ et je devins son disciple
Je lis de son amour. la direction de mon âme, et celle-ci,
qui était inquiète, fut rassurée; jusqu’à la lin de l’époque,
je ne sortis pas de l’engagement de. ce pacte. et avec un
désir entier je me consacrai entièrement au service d”Ârif.
soit en voyage, soit à domicile.
656.L’anedocte suivante est racontée par notre MaîtreSiradj-
ed-dîn le lecteur du Methnéwî (miséricorde de Dieu sur lui l):
Un jour,en compagnie du vicaire de Dieu. I.lo.sam-ed-dîn
(que Dieu magnilie sa mention Ï :.j’étais venu au collège pour
rendre visite au Maître. .le m’apercns tout-à-coup que la
porte du jardin était ouverte ; le Maître avait installé Tché-
lébî Amîr ’Ârif sur une petite voiture que traînait le do-
mestique. Cependant le Maître se leva. plaça sur son épaule
bénie la corde de la voiture, la tira en disant : Un peut deve-
nir le petit bœuf d”Ârit’. Alors le ’l’eliélébi lllosain-ed-dîn.
imitant le Maître, pritégalement une extrémité ide la corde];
ils firent tourner la voiture une ou deux lois dans la cour
du collège : Tchélébî ’Ârif souriait doucement
refiïvwwywv -; et se livrait a
des facéties. a Caresser les petits enfants. dit le Maître. c’est
pour les mahométans un héritage de notieroi de la loi reli-
gieuse, sphère de la lune de la vérité [que Dieu le bénisse
et le salue li; il a dit lui-mémé :« Celui qui a un enfant,
qu’il se fasse enfant pour lui n ’.
A chaque nouvel enfant, le père fait lî li. quand même sa
raison saisirait la géométrie du monde.
i. Cf. ’Abd-er-Ra’oûf el-Monawî, Konod: ed-daqâ’iq. p. 146.
302 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
u Lorsque je suis occupé d’un enfant, il me faut employer son
langage. n
Dans cet ordre d’idées il raconta l’histoire suivante :
a Hasan et Hoséïn jouaient un jour à la porte de la cellule
de l’Envoyé de Dieu ; tout a coup un Bédouin, monté
sur un dromadaire, passa; ilavaitbeau frapper son chameau,
celui-ci regimbait; les enfants riaient et s’amusaient; tous
deux, éclatant de rire, vinrent (levant le prophète et lui
racontèrent l’aventure de l’Arabe et de la résistance du ’cha- i
meau.Le prophète, dans sa parfaite générosité, se leva rapide-
ment et plaça sous son cou le bord de son turban béni; celui-ci
devint posé de travers; [jasan et Hoséïn (que Dieu soit satis-
fait d’eux !) mentèrent à califourchon sur son dos béni, en
riant, tandis que le prophète courbé en deux, se promenait
dans la cour de la maison ; à plusieurs reprises, il faisait des.
écarts à droite et à gauche, et les enfants riaient. » Puis
il cita ce hadith: a Quel beau chameau que votre grand-père,
quels beaux cavaliers que vous deux!» Maintenant nous
disons et faisons la même chose à l’endroit de notre ’Ârif.»
657. Les grands compagnons (que ce soit bon poureux, et
belle demeure!) ont raconté que Tchélébî ’Ârif (que Dieu ra-
fraîchisse son armet), dans son bas-âge, n’avait pas d’égal en
beauté et en splendeur ; il était comme une perle sans prix;
on l’appelait-le second Joseph, comme on l’avait dit de Réha-
o
milieu du peuple. -
AMIR ARIF 303
658. Sultan W’éled nous a faitsavoir ceci :J’étais assis un
jourà la porte du Collège, avec de nobles compagnons; nous
aperçûmes ’Ârif qui avait attaché à une corde 1m os de la
tète d’un bœuf et le traînait. Je l’interrogeai : 0 Amîr’Ârif,
que fais-tu? Il répondit : C’est la tête de l’émir 0rkodi.
Lieutenant du Sultan, cet Orkodî avait construit un
collège a Sîwâs; c’était un homme riche et adonnéà ses
passions; naturellement bas dans son obéissance. il niait
l’importance de notre famille; au bout du troisième jour, on
le mit à mort, on pilla les biens de son clan. ’Ârif avait
alors cinq ans. Chaque fois, il apportait de la terre dans le
pan de sa robe et construisait un tombeau en disant : a Ceci
est pour un tel. nApr’es quelque jours cette personne mou-
rait. Cette situation n’était pas un effet du hasard. Il le l’ai-
sait continuellement et donnait ainsi des ordres.
659. Les grands compagnons nous ont rapporté qu’un jour,
il était entré dans le collège de notre Maître. avait jeté son
fére’dje’ dans le milmilz et se tenait debout. disant la prière
des funérailles. Que fais-tu 1’ lui demanda Sultan M’éled.
a J’accomplis la prière pour mon chéïkh le Tchélébî Hosam-
ed-dîn. n Or, cejonr-la, le Tchélébî était dans son jardin, en
bonne santé et en belle humeur. avec sescompagnons. Tout
à coup un incident étant survenu, on le ramena malade
yvn w’tr- w v1 1- dans
la ville ; neuf-jours après. il mourut.
Ce genre de miracle, cette manière de connaître les pen-
;.
sées secrètes, ces manifestations des mystères cachés étaient
infinis chez Amîr ’Ârif.
ciples. .
662. Le souverain des mystiques, Tchélébî ’Arif (que Dieu
sanctifie son puissant mystère l) racontait unjour ceci : Sultan
Wéled, [mon père], désirait toujours que je me mariasse
pour avoir une maison et une société; mais je n’y consentais
pas ; j’aimais l’état de célibat et le loisir. Un jour, j’étais sorti
avec des compagnôns pour me promener dans les jardins;
c’étaitle commencement de l’automne : les raisins étaient tout
à fait mûrs, et on faisait cuire la mélasse ’. Revenant le soir,
je poussai mon cheval un peu en avant de mes amis.
i" est» et j’allai
W4 dravwfvw ’17 ’ïva-v-nv-vrvv w-’«v-r-v
au milieu de la rue qui traverse les jardins. Quand j’eus
atteint les environs de Fakhr-en»-Nis:’i, tout à coup deux
petits enfants, au beau visage, appartenant au monde Spiri-
tuel, coururent devant moi et me suivirent, l’un à droite,
l’autre à gauche : ils mirent entre mes mains deux bouquets
de roses: quand je les regardai. ils disparurent, mais les
bouquets m’étaient restés entre les mains; je les mis sous
mon bras. Il se produisit en moi une situation étrange, une
stupéfaction : je fis galoper mon cheval comme quelqu’un
qui est hors de lui ; arrivé au mausolée béni, je racontaià ma
mère et aux nobles compagnons ce que Ühtf j’avais
. vu. et j’en
montrai les marques. Tous en furent bien contents. Le [len-
demain] matin. lorsque le récit de cette aventure parvint à
mon père, il m’appela et me.hgdit: u Bonne nouvelle pour toi,
puisque, par une indication du monde mystérieux, il te
viendra deux braves enfants; il faut que tu acceptes mes
paroles et que tu consentes au mariage. n Ayant alors pris
émanations deTâdj-ed-dîn
663.Les grands amis,tels que cesbenroses.
Naqîb, répé--I I l
titeur (mo’i’a’) à l’Atabékiyyé, le chéïkh Medjd-ed-dîn d’Aq-
Séraï, devenu grand chéïkh en Egypte, Béhâ-ed-dîn Chèng
l’astrologue, et autres, nous ont fait connaître qu’al’époque
où Ghazan-Khan venait de monter sur le trône de Perse,
Tchélébî ’Ârif eut le désir de visiter la province de l”Irâq-
’Adjémî, et de faire la connaiSSance des grands [mystiques] de
cette contrée. S’étant mis en route, disent-ils, avec une com-
pagnie fortunée, nous partîmes. Unjour, nous avions campé
dans une plaine sur la route d’Erzen-cr-Roûm i ; toutà coup ’
une troupe de fauconniers, venus du côté de l’Asie-Mineure,
s’installajen face de nous. Le chef de cette troupe était un
jeune homme très croyant, sincèrement mystique : c’était le
fils d’un des émirs du sultan de Boum; on l’appelait Toû-
mân-beg, fils de Qilâwoûz; il était le grand-veneur,.et tous
les fauconniers du souverain étaient placés sous ses ordres.
Il était très fort pour l’éducation et les soins a donner aux
oiseaux de proie. Ayant installé un faucon blanc sur son
avant-bras, il se leva, vint rendre visite au Tchélébî, le
salua et inclina la tète; il lui baisa la main et s’assit. Or, cet
émir au caractère de derviche n’était pas venu voir le Tché-
t. Eneroum.
AMIR ARIF 311
lébî et ne l’avait pas précédemment rencontré dans sa forme
extérieure. Après quion eût pris le repas, on s’occupa diex-
primer des pensées; subitement le Tchélébî prit l’oiseau de
dessus le bras de l’émir, lui enleva le chaperon de la tête, le
lança dans la hauteur de l’atmosphère; le faucon sauvage
prit.son essor, s’envola et disparut. Nous tous fûmes plongés,
à la suite de cet acte, dans la mer de la stupéfaction. Cepen-
dantle fils de Qilawoûz se leva en poussant des cris, déchira
ses vêtements et lit des reproches: a Que dirai-je au Khan ?
Quelle réponse donnerai-je, puisque un oiseau aussi précieux
est perdu, alors que j’ai fait tant d’efforts pour me le procurer,
tantde dépenses pour que,lui ayant fait passer la mer depuis
la province de Salkhàt, on me l’amène; précédemmentun
ambassadeur était. parti vers le souverain pour apporter un tel
oiseau gracieux; tout mon espoir était quion’me fit cadeau
diun fief, ainsi que de vètementsd’honneur. n --« Assurément,
lui dit le Tchélébî, tu désires que ce faucon revienne. n --
a Certes, par Dieu, je le désire, et en reconnaissance, je
consacrerai aux amis tout ce qui me viendra du monde mys-
térieux. n Immédiatement le Tchélébî se leva, ôta son bon-
net de feutre de sa tête, et cria trois fois : « Par la consi-
dération et la proximité de notre Maître, ô faucon, reviens! n
Nous autres com pagnons. nous regardions, lorsque cet oiseau
se montra dans la profondeur du ciel, et tout doucement
siapprocha en jouant, puis il se posa sur l’extrémité du bon-
net du souverain :mystiquej. Le Tchélébî prit l’oiseau et le
remit aux mains, de cet émir, puis il replaça son bonnet sur
sa tête. Le lits de Qilàwoùz. comme hors de lui, s’inclina et
devint disciple; il otÏrit comme présents trois beaux che-
vaux, et distribua deux mille dinars aux amis; il accompagna
le Tchélébî jusquà la ville de Tébriz. Ce grand-veneur tut
si bien chassé [a son tour: par notre Maître, quiil ne pou-
vait plus se séparer de lui une minute; il répétait constam-
ment, comme une litanie, le ghazèl suivant, et s’enivrait
de ces vers:
312 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
« 0 mon grand-veneur qui m’as pris dans tes filets, sans toi je
n’ai ni vie, ni Sommeil, ni tranquillité t » etc.
ces vers :
a Tu dois avoir mangé de la cervelle d’âne. dans ton aveu-
glement, pour appeler un moucheron le compagnon du gypaète!
a il n’y a qu’un âne pour croire en toi : c’est [un parent qui
devient ton confident et ton égal. »
Aussitôt le Cheikh lsbaq se leva et saisit le Tchélébî aussi
fortement qu’on peut le dire. Celui-ci
.q. vg-;l .v l’enleva deav:terre, le
v. a .-.W7 v lv’î
ses disciples. I .
.666. Le plus parfait des compagnons, Çalâh-ed-dîn Adîb
(miséricorde de Dieu sur lui!) nous a informé de l’anecdote
suivante : Accompagné du Tchélébî ’Ârif, dit-il, je m’étais
rendu dans la province [gouvernée par] le fils de Mentéché
Mas’oûd-beg.’ : c’était un des amis de la famille. Une nuit,
ayant disposé une assemblée où se trouvaient les savants et
les chéïkhs de cette province, il donna un concert Spirituel
au Tchélébî; il avait, en effet, un directeur spirituel, Un Turc
au cœur éclairé et simple; dans ses extases, tout ce qu’il
disait arrivait. Les tètes des Turcs avaient une croyance
solide en lui. Ce personnage entra sans saluer le Tchélébî et.
Sans faire attention a lui; en toute tranquillité, il passa, alla
s’asseoir a la place d’honneur;"il grommelait quelque chose
entre ses lèvres et il bredouillait’. Après que le Tchélébî eut
commencé le concert spirituel, il tira le Cheikh par le collet,
l’attira au.milieu de la danse et récita ces vers :
Quatrain. « Les amoureux mystiques, lorsqu’ils placent le pied
’ dans la voie du néant,
l. Munedjdjim-bachî, t. llI, p. 33, ne cite pas ce nom parmi les fils de
Mentéché qui ont régné. On sait que la province possédée au x1v° siècle par
ces princes, et qui a gardé leur nom, forme aujourd’hui un sandjaq de la
province d’Aïdin et a pour chef-lieu Moughla.
2. Mi-bdfl.
AMIR ARIF
Ils sont délivrés de l’existence de tout ce qui est en
317
dehors de l’ami.
u lis sont anéantis, sauvés de cette vie fallacieuse et
déplacée:
Ils sautent d’une manière amoureuse ».
i
immenses, dit ce quatrain :
« O roi, tu donnes la ceinture. la mitre et le chaton de l’anneau;
tu donnes au cœur. par tes regards, la lumière de la certitude.
« A chaque instant, tu donnes a ton esclave misérable le capital
des mystiques du monde entier. n
Il donna aux récitants son turban et son fére’dje’. Sul-
tan Nt’éled l’ayant attiré à côté de lui avec une grande dou-
ceur. lui lit des faveurs infinies: il lui envoya une belle
étoile de Chach et un vêlement de soie; il disait continuelle-
ment : Notre ’Ârifest une mer de sainteté: il est entièrement
plein de la lumière de mon père.
669. Les chers grands compagnons nous ont transmis cette
historiette : Le Tchélébî était en train de procéder au con-
cert spirituel dans le monastère sacré: cejour-là. il éprouva
des troubles au-delà de toute limite; il enroula son turban
béni à la mode arabe. il revêtit a l’envers sa pelisse de peau
de loup. sortit du mausolée vénéré en continuant le concert,
tandis que tous les assistants, ainsi que les récitants, mar-
chaient derrière lui. Sans s’arrêter jusqu’au moçallà’ des
morts, il rejeta sa pelisse de dessus ses épaules et dit:
« Faites la prière funèbre pour l’absent! » On accomplit ce
t. 1V, p. 350. .
2. Ville de la province de Qazwtn bâtie par Argouu et achevée par Euld-
jaïtou, qui y a son mausolée, en ruines mais encore debout. Cf. Barbier de
Meynard, Dictionnaire de la Perse, p. 315; Hamdullah Mustanl’t, Nozhat el-
* J.J’AnJ-s
Qoloûb, texte, p. 55 ; trad. Le Strange, p. fit ; P. M. Sykes, llislory of Persin,
t. Il, p. 235.
3. Nom persan thuldjaïtou, transformé par les Persans en Khodabendè
«serviteur de Dieu n parce que Kharbendè signifie a ânier u. M. Blochet a
montré que ce nom était en réalité le mongol gharbanda « troisième»; Euld-
JA
jaïtou était, en efl’et, le troisième fils d’Argoun. Cf. d’Ohsson, Histoire des
Mongols, t. 1V, p. 480; E. Blochet, Inlroduclionà l’histoire des Mongols (Gibb
Memorial, 1.x"), p. 50, 11.1. »
une ARIF 323
«Sans les deux co-enterrés jAbou-Bekr et ’Omar], nous
t’aurions visité», puissent avoir l’honneur de se rendre en
pèlerinage au tombeau du prophète. On empêcha les prédi-
cateurs d’Asie-Mineure de citer en chaire les noms des
Compagnons [de Mahomet]. Sultan Wéled, mu par son zèle
intérieur, manifesta un grand changement et des troubles;
tous les amis pleurèrent; des cris s’élevèrent de la poitrine
des citadins: «Appelez notre ’Ârifn, dit-il. Quand celui-ci
entra et s’inclina devant lui, il dit:
« Un secours viendra des amis a l’ami en mauvaise posture n.
a Prends avec toi quelques amis et va tout droit au camp
du Khan ; trouve ce pauvre ânier l pour qu’on voie un nou-
veau serviteur dans celui qui s’est détourné [de la voie
droite]: tu peux le faire, et le délivrer par la du feu de l’enfer;
il faut que tu partes sans délai.
«Montre la force. puisque tu le peux; tu es celui qui peut. le
faire sans délai 2. »
train: - ’
« Dans l’univers, souverainou émir, tous ont les pieds liés par ’
l’ordre divin et sont soumis a la prédestination.
« Prends garde l deviens amoureux mystique et sois délivré de
la mort, car ceux-la mourront, tandis que ceux-ci, comment
mourraient-ils ? »
nécessaire; . *
« Dans le cœur de tout peuple quia le goût de la vérité :divinej,
la figure et la voix d’un prophète sont :déjà: un miracle n.
A ulre vers. a Cent regrets et chagrins que ce caractère emprunté
ait éloigné d’un peuple les présomptueux! n
674. Les grands compagnons nous ont dit quinine autre fois
le Tchélébî (que Dieu magnilie sa mention!) avait rendu
visite à la ville de Lâdiq: pendant plusieurs jours il avait
fait des parties de plaisir avec les grands de ce canton.’Tout
à coup il se produisit une disette: la pluie ne tomba absolu-
. ment pas; tous, d’un commun accord. sortirent [de la ville:
pour accomplir le rite des rogations; il ne fut pas possible
[de rien obtenu-j : les plantes. totalement desséchées, furent
brûlées par l’ardeur du soleil. Les habitants de la ville. après
s’être entendus, vinrent trouver le Tchélébî et dépassèrent
les bornes en lui disant : a ll faut absolument partirde cette
ville; toute la campagne est brûlée par suite de l’impolitesse
de vos compagnons; il y a une cherté; Dieu s’est fâché
et n’envoie pas de pluie. n Le Tchélébî se mit dans une
grande colère : « t) ânes sans valeur! qu’avez-vous affaire
avec nous et nos compagnons? Votre but est que la pluie
tombe. Allez à vos affaires; quant a nous. nous demande-
rons de la pluie à notre Maître. qui est le distributeur des
eaux de la lier Verte. en faveur des
.Nj Vu- , a"; assoifés
-gæ, ça, de.on la
au «qvnqquç-xnj .; Terre gri-
sâtre. n. Il ordonna aussitôt que tous les compagnons et les
émirs montassent a cheval et se rendissent a une source en
dehors de la ville, qu’ils entrassent dans le jardin de l’émir
unique, Cliodja’ed-dîn Elyâs-beg. commandant de la forte-
resse de Tawâs, un des disciples sincères. et qu’ils s’y occu-
vis .
passent de plaisirs mystiques. Soudainement il se leva. et au
haut d’un monticule il découvrit sa tète bénie; se tenant
debout et courbé à moitié dans la direction de la Qibla, avec
une humilité complète et dans une grande crainte. il s’oc-
cupa de dire des oraisons jaculatoires. Au bout d’une heure
sidérale, il poussa un cri: 0 Seigneur! fais pleuvoir sur la
332 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
tête des amis! » Aussitôt de gros nuages apparurent dans
les diverses régions du ciel ; des éclairs brillèrent; le bruit du
tonnerre etl’ara les intelligences. Il tomba une pluie telle
qu’on ne saurait la décrire; des torrents coulèrent ; les décli-
évités des jardins furent remplies entièrement; les amis, se
roulant dans le jardin à la suite de l’immensité de cette
pluie, prononcèrent des bénédictions et restèrent stupéfaits
de cette proximité [de Dieu] et de cette puissance [du saint].
« Quiconque a vu mourir dans son corps la passion et l’orgueil,
le soleil et le nuage obéissent à ses ordres.
a Les torrents, les ruisseaux coulent suivant son désir; les
étoiles s’arrangent de la façon qu’il veut.
« Partout où il le veut, il envoie des condoléances; partout ou
il le veut, il distribue des félicitations ».
.I’;
wa’flàfl’n- la?
AMIR ARIF 333
peuple :celui qui te voit, me voit; celui qui se dirige vers toi,
se dirige vers moi, l n etc. C’est ainsi que le poète adit:
«Celui qui a créé la fortune et les deux mondes. la possession
des fortunes, en quoi peut-elle lui être utile ?
u Le roi n’a point le désir immodéré de le faire pour le peuple;
ce bonheur, heureux qui l’a connu ! ’ l
« Tous les bienfaits. tous les miracles qui existent sont pour
les serviteurs de ce roi ».’
tu te trouvais! i *
«Dis que tu es ignorant et pécheur, ne crains pas que ce
Maître te vole un enseignement! i
« Comme les anges, dis : Nous n’avons aucune science, afin que
la formule : Tu nous as enseigné 2, vienne à ton secours n.
4. Le gypaète ou Lâmmergeier.
2. Qor., lI, 30.
AMIR ARIF 339
par la science et les œuvres, se détournèrent de ce personnage
et devinrent à nouveau les disciples du Tchélébî; ce grand
personnage et sesusectateurs devinrent tels que s’ils n’avaient
jamais existé, pour ainsi dire. C’est ainsi que le poète a dit :
« Tu es une gracieuse femme, mais dans les limites de ton état:
au nom de Dieu, ne mets pas le pied en dehors de cette limite!
u Si tu frappes sur une plus gracieuse que toi, elle t’entraînera
au fond de la septième terre!
« Ces signes de l’éclipse, du jet de pierre, de liéclair, expliquent
la gloire de l’âme raisonnable!
a Bien que le roi s’asseye avec toi sur la terre, connais-toi toi
même et assieds-toi mieux! n
677. Le mystique divin, Sirâdj-ed-dîn le lecteur du Meth-
néwî, a raconté un jour ceci dans un cercle d’amis. « Dans
sa jeunesse, ’Âlâ-ed-dîn d’Amasia s’exposait aux reproches
du monde ’en servant bien le Tchélébî Hosâm-ed-dîn, et
faisait des etlorls pour pénétrer dans les minuties de ce
service; à l’occasion, il pratiquait la danse rituelle et lisait
le Methnéwî avec un soin parfait; il m’avait même associé
à sa récitation. Au bout de quelque temps, il eut envie de
faire un voyage et de se rendre à sa demeure habituelle
.[c’est-à-dire à Amasia]. a Ce n’est pasv.le moment de
t’ai-wm’meI-[Fr’v-Vn "vrjrr’ v -i fi"
des mondes! L
679. L’émir unique, le Tchélébî Poûlàd-beg, fils de Nour-ed-
AMIE ARIF 343
din Djîdjà (miséricorde de Dieu sur lui !) qui était un des fils
de grands personnages de l’Asie-Mineure, courtisan de Gha-
zan-Khan et affidé à la famille [de Djélâl-ed-dîu Roùmîl. nous
a raconté ceci : Une nuit, j’avais eu une conversation, au ser-
vice du Tchélébî [’Arîf], dans la forteresse de Qara-Hiçâr-i
Daulè ’, avec les enfants du çâhib Fakhr-ed-dîn, et nous étions
.occupés à déguster le vin vieux; cependant, ayant pris une
coupe pleine à la main, il dit : « L’imagination des tètes du
vulgaire, qui est comme un troupeau de moutons, appelle
’Ârif ivrogne, et médit de lui à ce propos; Dieu nous garde
de boire du vin et d’être de la même couleur que les
hommes! n Tous, stupéfaits, se turent. Cependant l’idée
suivante passa par l’esprit des enfants du ministre: a Nous
sommes plongés dans cette occupation, et un souverain
comme lui l’est également; donc, quelle est la différence
entre lui et nous? » Toutefois ’Ârif, m’ayant adressé un
signe de la main, me dit : « Avance-toi, regarde au moins
si ceci est du vin ou autre chose. » Je me levai et m’appro-
chai avec de grandes marques de politesse; je vis que dans
la coupe amicale il y avait quelque chose de liquide, comme
du miel passé au feu, mais réduitau tiers et épais. « Goules-
en, me dit-il. n J’y plongeai un doigt; je vis que c’était un
vin aigre ’ pur, comme l’a dit le poète :
du» a.
16-43de. Qara-tjiçâr-i Çàhib, appelée communément Afyoun
l. C’est la. Ville
Qara-ljiçàr.
2. Bommârj; ms. tu Khammdç (sic).
344 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
les assistants se découvrirent la tète, et devinrent serviteurs
et disciples; ils demandèrent pardon d’avoir eu cette idée
fallacieuse. . a
680. Le même a encore raconté ceci : «Une autre nuit, ils
étaient occupés à une partie de plaisir; l’échanson ayant rem- ’
pli la coupe, la remit aux mains bénies du Tchélébî. «Nous
sommes très dégoûtés, dit celui-ci, de cette misérable eau,
tandis que vous vous imaginez que nous sommes ivres de a
vin, ou que notre ivresse dépend du jus de la treille; au con-
traire, ce sont les vins qui sont enivrés du rayon de notre âme,
et donnent l’ivresse aux hommes a. (Puis il ajouta :
« Le vin est ivre de nous, non nous de lui : le moule nous doit -
son existence, mais la nôtre ne dépend pas de lui 1 ».
Alors il versa la cou pe. de vin sur sa tète bénie ; nous tous,
debout, attendions de voir ce qui allait arriver. On eût dit
que dans cette coupe il n’y avait pas une goutte d’eau, car la
totalité avait été absorbée par sa tète à tel point qu’on n’en
voyait plus de trace. Aucune bulle n’avait dégoutté ni sur le
sol ni sur ses vêtements. Cela est un étrange miracle.’
681. C’est encore le même personnage quiaraconté-ceci.
Unjour, au service du Tchélébî, nous nous livrions au plaisir,
avec les enfants du Cahib, dans la forteresse construite Sur
le sommet [de la montagne] de Qara-Hiçâr-i Daulè, dans le
palais du Sultan ’Alâ-ed-dîn Kaï-Qobâd (miséricorde de Dieu
sur lui !); le tiers de la nuit était extrêmement trouble et
obscur; tout à coup le Tchélébî se leva et sortit ; il ordonna
que personne ne le suivît et ne permit pas qu’on prît
de flambeau, ni que personne sortît pour l’aider. Nous atten-
dîmes une heure sidérale; il ne revint pas; nous étions
déprimés à force d’attendre; hors de moi, un flambeau à. la
main, je m’élançai dehors pour le chercher. Je parcourus
tous les kiosques et les corps de garde; je ne pus pas com-
sance, et font marcher son affaire, afin que ses désirs spiri-
tuels et temporels soient réalisés,
vorg- n et qu’ils deviennent pour
lui, au jour de la rétribution, un intercesseur compatissant ».
C’est ainsi que leapoète
aux.) l wa dit :
KQlJTVL’H’T I’ r." ’
Y
derrière un nuage. - l
a Un empire qui ne dure pas éternellement, toi dont le cœur
est endormi, sache que ce n’est qu’un songe.
« Conquiers les royaumes de l’Orienvt et de. l’Occident; du
AMIE ARIF 347
moment que ton pouvoir ne durera pas, considère-le comme un
éclair n.
Et il ajouta :
« Le destin est une douleur sans remède; le roi et le ministre
sont soumis a ses ordres.
« Ce roi qui dévore le royaume du Kirman, aujourd’hui ce sont
les vers (kirmân) qui le dévorent ».
place. ’ *
« Si nous enlevons le voile qui couvre notre face, nous ravis-
sons l’esprit, le cœur et la raison. n ’
Tout en dansant et en procédant au rite du tournoiement,
il récita le quatrain suivant:
a L’essence de l’amour est dans le monde des esprits ; la nour-
rice de l’amour est un vent subtil dans l’éternité.
, « Semblable au soleil, il devient tout entier vie, celui sur la
tête de qui est tombée l’ombre de l’amour. -»
l. C’est-à-dire d’llghin.
2. ZaTardn el-Igadîd, la rouille de fer. Cf. lbn-Baitâr, trad. Leclerc, t. l1,
p. 210. Notre ms. a djodda et le ms. au djadid.
3. Sorte d’opération magique destinée à produire l’apparition de fantômes.
Cf. Matla’ el-’Oloûm, p. 316.
.4"
I”
.350 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
’une très grande tente à la lisière du désert, et que le Tchéo
lébî y était assis; cette plaine était remplie d’oiseaux très
jolis. Je vis tout à coup un vent étrange souffler, et ces
oiseaux disparurent tout d’un coup. De nouveau d’antres
oiseaux, plus grands et plus jolis que les premiers, remplirent
la campagne et se mirent à gazouiller des mélodies agréables.
Je demandai à quelqu’un : Ces premiers oiseaux, qui
étaient-ils? Ce groupe, répondit-il, ce sont les compagnons
de Sultan Wéled, et les autres sont les disciples d”Ârif. Je ’
me réveillai là-dessus et racontai mon rêve à Fakhr-ed-dîn.
Tous deux, nous étant préparés, allâmes avec un plaisir par-
fait à Aq-chéhir, à la recherche du Tchélébî. Quand nous
entrâmes par la porte de la zâwiya, celui-ci dit: Ces ânes
voient aussi des rêves, et ils n’y croient pas encore. Pous-
sant des cris et pleurant, nous crûmes et nous inclinâmes;
renouvelant notre engagement, nous devînmes de nouveau
ses disciples. I
686.Le serviteur étudiant, auteur du présent livre de bio-
graphies, Ahmed Aflâkî (que Dieu lui accorde un bon traite-
ment !) raconte ceci : Lorsque, accompagné du Tchélébî (que
Dieu sanctifie sa grâce l), nous arrivâmes à la ville de Tébrîz,
et que les grands de la ville se mirent à son service comme
il convenait, ils nous donnèrent des séances de concert:
Akhî Ahmed-Chah, marchand de soie, un des notables de la
localité, tint une assemblée considérable et emmena les com-
pagnons à sa maison; ce jour-là, tous les grands de Tébrîz,
savants et derviches, furent présents. Le Tchélébî manifesta
des troubles intenses; attirant Akhî Ahmed-Chah dans la
danse, il lui plaça sur la tète son propre bonnet, et prononça
ce vers z ’
« On ne refuse pas les âmes; est-ce le lieu du bonnet et de la
tête? Cherche le mystère chez les chefs, incline-toi, et prends
le regard. »
1. La veille de la fête.
AMIR ARIF 353
vers Aflâkî, le Tchélébî prononça ces mots : « Raconte cette
histoire aux compagnons, afin qu’ils aient connaissance d’une
parcelle de notre pauvreté. » Lorsque j’eus mis par écrit le
récit des miracles tels qu’ils s’étaient passés, et que la date
de ce moment fut montrée, les amis tous ensemble poussè-
rent des cris et se livrèrent à des démonstrations de joie;
venant du monde de l’au-delà. un sentiment de bien-être
infini apparut dans leurs cœurs. Ensuite il dit: Par l’âme
sanctifiée de notre Maître, jejure que je n’aime absolument
pas cette manière de se mettre en avant; la manifestation
de miracles ne me plaît pas; mais les petites choses qui arri-
vent par moments, c’est pour exciter les amis vers la con-
naissance du monde mystérieux; notre chéïkh Aflâkî [au
contraire] aime constamment nos miracles et les écrit dans
.certains endroits; ces sortes de miracles, les cheikhs de la
découverte [des mystères] les appellent assimilation et
dépouillement ’, et il y en a plusieurs espèces.
« L’extase du mystique, c’est cela, même sans sommeil; Dieu
a dit : a Ils sont endormis ’-’ n; ne t’en préoccupe pas.
a Nuit etjour, il dort par rapport aux situations du monde;
il est, comme une plume, ballote dans les mains du Seigneur.
«Celui qui, étant éveillé, voit un songe, est un mystique;
mets sur les yeux la poussière qu’il soulève [car c’est un saint].
a Il a des rêves tout éveillé, et en même temps il ouvre des
portes dans le ciel ».
Lorsqu’il arriva heureusement à Qouya, le chéîkh Mah-
1"" w. vav- m] I.v.vyv -w--
moùd. fils de Nedjdjâr. mon maître Nizhâm-ed-din Erzin-
djânî (que Dieu ait pitié d’eux Z],et Kérimé-Khâtoùn,fille du
Chéïkh Mohammed Khâdem (que Dieu soit satisfait d’elle l)
ont porté témoignage en Ces termes : u Lejour d”Arafa. nous
avons vu le Tchélébî au bas [du mausolée] de Béhâ-ed-din
Wéled, nous avons entendu
01ja. son cri immense n.
689. La Khadidja de l’époque,la dame de l’univers.Chéref-
1. Témélhlhol 0è insilâkh.
2. Qor., XVlll, 17.
Tome Il. 23
ses .1 vos: mm am. - a n ww-
354 - LES SAINTS pas DERVICHES TOURNEURS
Khâtoûn, fille de Sultan Wéled et mère d’Ahmed-pacha
(que Dieu soit satisfait d’elle l), par un ’elTet de la compas-
sion et de la faveur parfaites qu’elle réservait à ce serviteur
sincère jauteur du présent livre], voulait qu’on fit connaître
à l’esprit de ce pauvre derviche, quelque chose de la gran-
deur du Tchélébî, que par ce moyen il pût contribuera l’édi-
ficationet enseigner les coutumes des directeurs spirituels,
afinlque la lumière de la croyance devînt plus grande, et
qu’il dépassât les autres dans la sincérité loyale. Elle raconta.
un jour ceci, a Aq-Chéhir de Qouya : Ma mère Girâgâ, ma
sœur Motahharé-Khâtoûn, ainsi que les grandes dames de la
aville, étions assises en présence de mon père (que Dieu
magnifie sa mention l) ; celui-ci s’était échauffé dans l’exposi- ’
tion des vérités brillantes et des idées brûlantes; tout-à-coup
le Tchélébî eÂrif entra par la porte et s’assit un instant
devant mon père; p’uis il se leva et sortit. «Louange à
Dieu, dit mon père, le très haut, le tout puissant, le victo-
rieux! J’ai pu entrer au service de tant d’hommes puissants
auprès de Dieu et le connaissant; j’ai puisé auprès d’eux des
connaissances illimitées et des idées sans analogues ; j’ai été
témoin de tant de miracles et de merveilles de leur part
qu’on ne saurait en rédiger le récit; c’étaient des hommes
tels que notre Maître Chems-ed-dîn ’Tébrîzî, mon maître le
Séyyid Borhân-ed-dîn Mohaqqiq, le chéïkh Çalâlyed-dîn,
le lieutenant de Dieu Hosâm-ed-dîn, et tant d’autres chéïkhs;
je me suis plongé dans la mer des mystères de chacun
d’eux, je m’y suis procuré les perles des vérités. et les plus
belles minuties; que de faveurs ils m’ont accordées! C’est
ainsi que le poète a dit :
« Du moment quej’ai vu de tels rois, comment resterais-je privé
de tout don? Du moment que j’ai entendu leur secret, comment
resterais-je privé de tout don?». a
u Louange à Dieu! autant que possible, pris de cha-
cun une odeur, car j’ai connu leur haut essor et leurs stades,
mais a l’égard del’extase de ce mystique, je suis stupéfait,
AMIR ARIF
Û
355
.car je me dis: Quelle espèce d’oiseau est-ce là, avec son
essOr immense? Le fait est que quand je l’e vois, ma situa-
-tion devient tout autre ;je jure par l’âme pure de mon père,
ce qui est un serment formidable et pour moi le grand nom
[par excellence], je ne m’imagine pas qu’un homme tel que
lui ait jamais posé le pied dans le monde.
a: Depuis qne le Créateur a créé l’univers, un cavalier tel que
’Àrif ne s’est jamais montré ».
vu, 4-»;
356 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
fils? Il est le serviteur véridique du Maître. » 0 Béhâ-ed-dîn,
reprit-il, le fils chéri et véridique est celui qui est serviteur
et disciple, non pas le descendant d’un chéïkh. Il est à espé-
rer que, dans la perfection de la sainteté, il demandera la
cause de votre excuse; car notre ’Ârif est fils de l’extase,
et une mer de regards; il aura au comble la science de la
vérité, il est le souverain des abdâl, il marchera toujours
de perfection en perfection. » Puis il récita ce vers :
« Ce chemin-la n’est parcouru que par des personnes qui, lors-
qu’elles y posent le pied, renoncent a leur tête.
«Dans la voie de la spéculation, la parole ne saurait être
contenue; celui qui recherche cette spéculation ne prononce
aucune parole ».
décrire. ,
690. Le cher ami, le chéïkh Kérîm-ed-dîn de la citadelle (mi-
séricorde de Dieu sur lui!),qui était un des familiers de l’émir
Nedjm-ed-dîn Dizdâr, nous a raconté ceci : Une année,
l’émir chjm-ed-dîn avait fait planter un beau jardin, et il
l’avait arrangé à nouveau. Tout-à-coup le Tchélébî ’Ârif nous
fit l’honneur de Visiter ce jardin; l’émir Nedjm-ed-dîn et les
autres émirs coururent en bas de la forteresse de Kawâla;
ayant reçu le Tchélébî, ils s’inclinèrent ; après une conver-
sation générale, il dit z O KérÎm-ed-dîn, apporte-nous, en
guise de bénédiction, quelques concombres de ce nouveau
verger. O notre souverain, répliquai-je, je veux bien vous
servir au prix de mes yeux, mais on ne les a plantés qu’hier:
peut-être, au bout3.2.0..
. sukuW. d’un mois, des concombres apparaîtront
comme primeurs. Ne parle pas trop, dit-il, va et apportecles.
Je sortis tranquillement etj’entrai dans le verger; je vis que
V’.’
5»:
4;
AMIE ARIF 357
sur un seul plant se trouvaient quatre concombres délicats et
plaisants; immédiatement, je m’inclinai, coupai les quatre
légumes et les apportai au Tchélébî. Les grands assistants
furent stupéfaits d’étonnement. «Ces petits concombres, dit
le ’l’chélébî,ne sont pas tant de choses; apporte-moi de ces
concombres jaunis remplis de graines, car j’ai affaire avec
ces graines». De nouveau je sortis, et je cherchai dans les
planches du jardin; je trouvai deux concombres énormes
remplis de graines et les apportai au Tchélébî; celui-ci son-
rit et dit : Ces concombres ont poussé grâce à la bénédic-
tion de notre Kérîm-ed-dîn; sinon, comment en aurait-
on trouvé? En effet, Dieu le très haut peut produire,
du monde de l’au-delà et du néant, des centaines de milliers
de grenades et de concombres pour ses serviteurs excellents;
mais la coutume divine est qu’ils les demandpnt, montrent
une attention complète. et présentent avec supplications
leurrequète à sa cour qui ignore le refus, afin que l’objet
recherché et demandé soit réalisé. u C’est ainsi que le poète
a dit :
a Ce fut la supplication et la douleur de Marie, qu’un tel enfant
Jésus] commençât à parler [dans son berceau] n.
W12.
Ath l
358, ’ LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
sauvé. ’
695. On rapporte que le Tchélébî ’Ârif, continuellement,
depuis son bas âge jusqu’à l’approche de la vieillesse, ouvrait
de la bière de notre maître ” et donnait (les signes provenant
du monde,dépourvu de signes, de ce souverain : toujours, le
faucon de’son âme, prenant son essor, volait au pinacle de
cette grandeur. Mais Sultan Wéled, par jalousie, fut attristé
et dépité de ces rapports, de cette croissance, de cette gloriole;
-nl*- ;m;.’;
. Allusion 5100:2, Il, 32; XVII, 63; XX,115.
. Qor.. Il, 32.calo»
. lbidem.
Il. Foqqâ’ è: hantai-i Mauldnâ gochâd; le sens de cette expression m’est
inconnu.
Lié-.1 ’
.
Av.
parfum de notre Maître qui vient d”Ârif : car, si Dieu (qu’il
mevâw*A*-wriw-s wvwwww
soit exalté!) enlève de sa Tr-vn-v-v-vv,.-vv.w v fluv-
face le voile de la jalousie, un v 1 z
il con-
duira d’une extrémité du monde à l’autre les lumières de son
âme, et en illuminera l’univers n. Il faut, en effet, une âme
extrêmement claire et un œil illuminé pour comprendre la
lumière d”Ârîf, et en avoir la perception.
696. Lorsque Fakhr-ed-dîn Lalâi (queDieu ait pitié de lui 3’),
t. On appelle lâld un domestique qui joue le rôle de bonne d’enfants.
364 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
après avoir pris sur son épaule le Tchélébî, l’emportait fré-
quemment chez IIIosâm-ed-dîn, celui-ci se levait à sa ren-
contre, prenait l’enfant des mains du Lâlû, le plaçait sur sa
nuque, l’emmenait dans l’intérieur de la maison, l’embrassait
sur la tête et les joues, et lui baisait la main. Le Tchélébi
’Ârîf en faisait autant pour I;Iosâm-ed-dîn, qui lui donnait
des sorbets, des sucreries et des mets. Toutes les fois qu’il
sortait, il prenait la peine de le revêtir de Vêtements précieux
de toute espèce et de turbans égyptiens; il disait : « Plût à
Dieu que Sultan Wéled m’eût confié ’Ârif; j’aurais été bonne
liw’ -
366 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
appels. Il descendit tranquillement et partit. Le cheikh
Naçih-ed-dîn, pris d’un grand trouble, s’écria : a O grands
de la religion, c’est nous qui avons enseigné cet acte à ce
chien; c’est un dressage ». Tous furent couverts de confu-
sion. Alors le cheikh du couvent, le séyyid Nâçir-ed-dîn,
offrit ses excuses en pleurant, crut à la réalité de la mani-
festation de notre Maître, et admit le concert et la réunion
des amis; jusqu’a la fin de sa vie, il les aida et. les appuya;
tous devinrent amis et disciples, amateurs de conCert et
d’auditions, et en profitèrent.
699: Séyyidî Ahmed Koûtchek Rifâ’î, crème des abdâl et
des gens libres, était venu rendre visite au Tchélébî dans la
ville d’Amasia; après qu’ils eurent échangé des paroles ’
plaisantes et pleines de mysticisme, une troupe d’adeptes de
cet Ahmed entra, manifesta des troubles et des actes de
folie. ’Séyyidî Ahmed, pour les excuser, dit : « Osouverain
des mystiques, la plupart de ces fous dansent au son de la
courge ». -- « C’est très bien, répliqua le Tchélébî, et les
actes des derviches sont chose aimée ; toutefois, il y a la une
situation bien étonnante; vos amis dansent au son d’une
courge vide, tandis que les nôtres frappent une courge pleine
de mélodie; il y a une énorme différence entre l’une et
l’autre ». Séyyidî Ahmed fit alors présent d’un beau cheval
et d’un vêtement d’Égyple, et tit montre de bonne volonté;
le Tchélébî également revêtit son interlocuteur des vêtements
qu’il portait; ils devinrent amis et frères, il y eut entre eux
des démonstrations étonnantes d’amitié mystique.
700. A Erzcroum, la tille de Gurdjî-Khatoûn, reine du monde,
cAïn-el-hayât (que Dieu illumine sa preuve l) qui était une
amie des derviches, avait invité unjour le Tchélébî a venir
Ag’,I
JIM’*ÛË 4.; . a
AMIE. .ARlF 367
apprend le Maulawî, dit eAïn-el-hayât, est exact. et même
cent fois autant; mais ce jeune homme n’a pas une langue
[assez exercée] pour parler; je veuxentcndre ces paroles de la
bouche du Maître n. -- a Les mystiques, répondit aussitôt le
Tchélébî, parlent dans la cabine d’isolement; il est à espérer
que cela pourra avoir lieu ». ’Aïn-el-hayat sentit, à cette
idée, un bouillonnement dans son cœur; le feu de l’amour
mystique s’enflamma; de tout cœur, elle fut ravie par la
passion que causait le Tchélébî; pendant des années elle
nourrit cette ambition. Elle disait :
a L’amour est agréable. dans la tète du fou, a la condition que
cet amour soit pour toi n.
Elle rendit tant de services qu’on ne pourrait les énumérer.
701. Les noble’s compagnons ont encore raconté ceci : Le
Tchélébî ’Ârif (que Dieu magnifie sa mention!) était tombé
excessivement malade dans la ville d”Alàya: sa maladie se
prolongeait, et les amisavaient désespéré de sa vie; nuit et
jour, ils demandaient au Seigneur, en gémissant, le rétablis-
sement de sa santé. Un jour. tout a coup, un cavalier turc
passait au galop en face du Tchélébî; celui-ci s’écria : 0 ’
maladie! c’est assez, voici le moment de partir en voyage ;
va-t-en et enveloppe ce cavalier. Immédiatement le cavalier
tomba de cheval; on le mit dans un tapis grossier et on le
porta à sa maison. Au bout du troisième jour, ce musulman
trépassa, et la santé revint au Tchélébî. qui partit dans la
direction d’Adalia, louant Dieu et se confiant en lui.
fig la, ’15. çà .A- fzaWT
702. Le Tchélébî, dit-on, était tombé excessivent malade
dans le mausolée sacré; il resta alité pendant plusieurs mois.
Les médecins étaient impuissants à traiter ce cas, et tous les
amis en étaient profondément
37(1) fbfv’ atlligés. Sultan Wéled. qui
venait constammentJ. le voir, en paraissait très agité et trou-
blé; il n’avait plus de tranquilité. Le roi des compagnons.
Tchélébî Djémâl-ed-dîn,
3.. (tu et: fils du Sipehsâlâr, vint un jour voir
le malade avec sa suite. «Je meurs de cette maladie, lui dit
le Tchélébî ; j’en suis très affecté ; je voudrais que l’un des
368 LES SAINTS DES D’ERVICHÎÈS TOURNEURS
S... r
mm ARIF 369
de derviche es-tu pour étendre tes pieds et dormir d’un som-
meil insouciant? C’est, répondit-il, parce que j’ai raccourci
mes mains pour ne pas toucher à des choses qui ne me.
regardent pas, et que je me suis débarrassé dela présomption
de ce monde trompeur; j’ai renoncé aux passions. Il ajouta:
d’elle et dit: ’
« Ne reste pas insouciant, car ce temps est précieux; tout
souffle que tu expires est une vie chère.
« Une vie qui est venue et qui partira, ne la laisse pas perdre,
car c’est un hôte qui t’est cher. » ’
Il ajouta ce quatrain:
a Déchiré ce monde, car il est une lice bien étroite; c’est le
modèle du présent et de l’impossible. ’.
« Il n’est pas possible qu’on y soit éveille; comprends que le
monde est un songe imaginaire. » . a
705. La sainte de Dieu sur la terre, Kérîmé-Khâtoûn,fille du
chéïkh Mohammed le serviteur (que Dieu ait pitié d’eux l),
nous a raconté qu’un individu, nommé Akhî Poûlâd, était
venu du district des Oûrlj visiter le mausolée; il voulait,
après avoir reçu le flambeau et le diplôme de licence, S’éta-
blir dans la province du fils d’Aïdin’ et y instituer le rite du
concert. Un jour, il se montra impudent au service de ’Ârif
et proféra des paroles impolies. Le Tchélébî, fâché contre lui,
ne dit rien. Cependant cet individu entra le matin dans le
mausolée’béni. « J’étais assise en observation,dit Kérîmé,
dans le parterre du Tchélébî IEIosâm-ed-dîn ; je vis ce dervi-
che faire la tournée rituelle autour du tombeau, mais il
n’avait plus de tête. Cependant il sortit et se dirigea du côté
de la ville) A ce moment le préfet de police le rencontra à
la porte’du marché aux chevaux; on le mit à mort inconti-
nent. Je vis ensuite le Tchélébî entrer dans le ’mausolée;
il me dit: «Cet individu que tu as vu ce matin sans tète,vient
en effet de la perdre à l’instant ». Il était encore occupé à
me parler lorsque la nouvelle arriva que les gens de la
t. Province d’Aïdin-Guzèl-Hiçâr.
AMIR ARIF
dynastie de Qaramân avaient mis à mort Akhî Poûlàd.
371
« O mon fils, sois poli en présence des hommes ; ne pose pas
ton pied avec audace ; sinon ta tête s’en ira.
Il fit un signe, et on l’enlerra.
706. L’humble serviteur [auteur de ces pages, Atlàkî] se
tenait debout, avec un groupe de compagnons, au service du
Tchélébî, à la porte du mausolée sacré; tout à coup survint un
derviche, aux apparences de çoùfî, qui venait visiter le noble
édifice. a D’où es-tu et d’où viens-tu? n lui demanda le
Tchélébî. u Je viens de Syrie, répondit-il; je suis arrivé en
Asie-Mineure poussé par l’amour de notre Maître. afin de me
prosterner la face contre terre devant son tombeau. Pendant
bien des années j’ai habité Jérusalem. je me suis mis au ser-
vice de l’ami du Miséricordieuxt ». Il dit des paroles abon-
dantes sur la grandeur de ces contrées et le désir qu’on a
de les visiter. Cette nuit-la, on conduisit ce derviche dans
le lieu de réunion et on y lui donna l’hospitalité. L’imagi-
nation du site d’el-Khalil (Hébreu) ne se forma pas réellement
dans mon’eSprit. et le désir de le voir fut tellement prépon-
dérant qu’on peut à peine le dire. Cette même nuit, je vis en
songe qu’on frappait à la porte de l’enclos du mausolée et
qu’on demandait à entrer ;avec une politesse parfaite, j’ouvris
la porte et j’aperçus quatre jeunes gens qui entraient, por-
tant une grande civière surleurs épaules; après avoir ouvert
la porte donnant sur le musa 1, ils placèrent cette civière sur
l’extrémité de l’escalier; l’un des quatre jeunes gens s’avança
pour accomplir les fonctions d’imam dans la prière des funé-
railles. Je leur demandai : A qui est cette civière? Ils me
répondirent : C’est celle d’Âbraham, l’ami de Dieu. Alors
.”t1*5’.W"ÎWMW*’WWv’-g’" n
Abraham lit un signe. qui voulait dire : Enterrez-moi dans cet
enclos. Lorsque la prière fut achevée, on l’enterra sous le
pupitre3 du Methnéwî, et les quatre jeunes gens sortirent. Je
î. Abraham, enterré dans la ville d’Hébron, qui sa pris de lui son nom
actuel de Khalîtser-Rahman.
2. Parterre.
3. Ralgl, pupitre pliant pour la lecture du Qoràn et des livres sacrés.
Avant-1,1
372 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
m’éveillai à la suite de la terreur causée par ce songe; je
poussai des cris et manifestai des troubles; après avoir
accompli tl’ablution, je m’occupai de prier en présence du
mausolée. Une fois la prière du matin achevée, ainsi que la
récitation du Methnéwî spirituel, je sortis pour avoir
l’honneur d’être admis au baise-mains et à la prosternation
mystique devant le Tchélébî. Celui-ci me cria de loin ’:
« Holà! Khâdjé (Attâl’i, tu as. vu où on a déposé Abraham
l’ami de Dieu; c’est afin que tu saches que toutes les âmes
pures ne manquent pas de rendre visite au Tchélébî, et que
les allées et venues des habitants de l’au-delà sont ininter-
rompues. » C’est ainsi que le poète a dit : i
(( Tous mes jours sonttdes vendredis; mon prône est perpétuel,
ma chaire est élevée, et mon but, c’est l’humanité!
« Lorsque les marches de cette chaire seront vides d’hommes,
les esprits et les anges m’apporteront des cadeaux-de l’au-delà. »’
fur. ;v
374 I LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
le Tchélébî, nos regards sont dirigés vers la volonté de
Dieu, pour voir qui il préfère et à qui il confie le gOuver-
nement de son empire; nous sommes de son côté, et c’est
lui que nous cherchons.
« Du moment que l’arrêt de Dieu entraîne l’acquiescement de
son serviteur, celui-ci admet sa décision. n
a Actuellement, Dieu ne veut pas de vous; il est pour
l’armée mongole ; il a enlevé l’empire aux Seldjouqides pour
le confier aux descendants de Tchinggiz-Khan; «’ Dieu
donne ses possessions à qui il veut i n. Nous voulons ce que
Dieu veut. n Cependant les fils de Qaramân, bien qu’amis
sincères et disciples de cet ordre religieux, étaient fâchés et
se tenaient sur leurs gardes par rapport au Tchélébî. A cette
époque, ils avaient confié la citadelle de Qouya à la garde
d’un borgne nommé Qilidji’ Béhâdour; ils avaient fait de ce
pendard un gouverneur de place 2, qui avait sous ses ordres
une garnison de cent cavaliers turcs éhontés. Le hasard fit
,qu’un’jour le Tchélébî, suivi de ses compagnons, passait
par la’porte de la citadelle dite porte du Sultan; ce Béhâ-
dour prit peur; il ordonna de molester les amis et de
frapper a coups de fouet la croupe du cheval que montait
le Tchélébî. Celui-ci rentra au mausolée béni, vexé et
attristé autant qu’on peut le dire. .Au bout d’une heure, une
colique saisit ce Béhâdour à la hauteur du nombril; il se,
roulait par terre et poussait des cris; on eut beau lui donner
des électuaires et de la thériaque, les douleurs ne s’apaise--
rent pas. Après letroisième jour, au milieu de ces brûlures,
il se montra une tumeur dans son misérable corps, qui
enfla. Poussant des cris et gémissant, il demanda aide et
secours au Tchélébî; rien n’y fit. Alors on mit sur un cha-
riot ce vil animal et on l’emporta vers Larenda; au milieu
de la route, il poussa un soupir, laitumeur creva, et il rendit
son âme sans foi à l’enfer. De ce groupe, aucun ne vécut.
’. )v.
www à» " v
376 LES SAINTS pas DERVICHES TOURNEURS
un coup et tomba malade; tous les grands et les compagnons
s’étaient réunis pour visiter le prédicateur, afin (le comprendre
la cause de sa maladie et de le soigner après avoir diagnos-
tiqué le malaise. Il leur dit : Lorsque je suis arrivé à Nigi-
sâr et queje montai, le premier vendredi, en chaire, je m’étais
échauffé dans mon sermon lorsqu’un tumulte s’éleva (181’an
sistance; je vis le Tchélébî ’Ârif, monté sur un cheval bai,
une lance à la main, entrer par la porte de la mosquée, s’avan-
cerjusque devant la chaire, etme frapper d’un seul coup de
lance au côté gauche, puis disparaître. Le souffle mefut
coupé; blessé comme je l’étais, je tombai en bas de la chaire
et m’évaneuis. Cependant un groupe de personnes. me prit
et m’emmena à ma demeure. L’esprit frappé par cette ter-
. reur, je m’alitai et dans toute circonstance qui se présenta,je
me jetai au service des amis. Dorénavant, soyez tous témoins
que moi, l’infortuné,je suis devenu le serviteur sincère et le
disciple purdu Tchélébî, et que je crois en lui; j’espère que
par la faveur de ce souverain,je m’en irai plein de foi et mour-
rai en vrai croyant. En mêmetemps, je prends la disposition
testamentaire suivante : lorsque le Tchélébî arrivera àToqat,
racontez-lui la manière dont a eu lieu la conversion du
pauvre étranger; peut-être sera-t-il miséricordieux. Après
le troisième jour, il se rendità proximité de Dieu’ ; le qua-
rantième, le Tchélébî arriva de Sîwâs à Toqat et dit: « Notre
pauvre Nâçir-ed-dîn, le prédicateur, est parti d’une manière
étrange ». Je m’inclinai, continua Khoch-Liqâ, et pleurai
très fort en lui demandant : Comment est la situation de cet
infortuné?Je l’ai délivré de son doute, répondit le Tchélébî;
louange à Dieu! il repose sur la chaire, et a été plongé
dans la miséricorde de Dieu; il a échappé au feu de la
géhenne. Les amis s’inclinèrent et dirent des actions de
grâces. Au matin, le Tchélébî, avec un groupe de compa-
gnons, se rendit au tombeau de ce grand personnage pour
le visiter, et y renouvela safaveur.
I. Anadolou qafâ a tête d’Anatotie n est une injure encore courante aujour-
d’hui dans le turc de Constantinople.
380 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
dans ces contrées grâce a la bénédiction de ce souverain
[le Tchélébî]. v
i. Tigilè-ï ’drifî.
l. Qor., 1V, t. v
2. Qor., lll, 128.
AMIE une 383
indélicatesse. Pourquoi as-tu agi ainsi, et as-tu commis ce
crime ? pourquoi une telle trahison émane-t-elle de toi? Tu
t’es laissé vaincre par la maltieureusepassion. Une personne
qui étend ainsi la main sur notre bol, que pense-t-elle au
sujet de notre bourse? J’aime les gens fidèles; les souverains
du monde extérieur et ceux du monde spirituel choisissent
des hommes fidèles pour être les gardiens de leur trésor; le
guide de notre religion est Mohammed, l’agent fidèle ; celui
qui lui a apporté la révélation, c’est encore Gabriel, l’ar-
change fidèle; n’as tu pas lu le vers où le poète a dit:
a Ferme la bouche et sois fidèle en conservant les paroles, car
le roi donne a l’homme fidèle la clef de son trésor. s
buvaient]. ’ .
7l9.*n raconte encore que quand les grands de la ville de
Lâdîq, pleins de bonne volonté, devinrent les disciples du
Tchélébî ’Ârif, le fils de l’inspecteur se montra orgueilleux,
refusa de se joindre a eux, et restreignit sa bonne volonté.
C’était un fils (l’émir considéré et plein de discernement.
Lorsque les ramis unanimes entreprirent ledit personnage,
il leur répondit : «Je deviendrai disciple à la condition qu’il
me donne un enfant mâle; aucun miracle ne saurait être
meilleur pour moi que celui-là. n Le Tchélébî Mohammed-
beg, lnandj-beg, Toghan-pacha et autres insistèrent
(( Tout ce que tu désireras et demanderas au Tchélébî, tu
l’obliendras. n On décida qu’à une occasion on l’amènerait I
en présence du Maître. Le Tchélébî, étant sorti au matin de
sa zrth’ya, marchait solitairement. Par hasard. ce jour-là, il
tombait une neige intense; c’était l’hiver. Il vint jusqu’à la
porte du bain du Khâdjè ’Omar, et s’y arrêta; il vit qu’on
t. Tchdcht-i solgdnî.
une ARIF 385
n’avait pas encore ouvert la porte du bain; or le fils de l’ins-
pecteur, ayant senti le besoin de prendre un bain, s’était levé
et se hâtait de s’y rendre; il aperçut, dans l’obscurité, une
personne qui se tenait debout à la porte; il s’avança, et
reconnut le Tchélébî ’Ârit’; il le salua, et lui baisa la main;
il lui passa dans l’esprit cette pensée: « Peut-être le Tchélébî
s’est-il livré à la boisson matinale, et poussé par l’ivresse,
est sorti seul. » - a Non,non, dit le Tchélébî [répondant
ainsi a l’idée non exprimée en paroles], ce n’est pas comme
tu te t’imagines; mais je suis venu pour convertir ton âme à
l’islamisme. » Il lui mit entre les mains un bouquet de roses
en disant: a Bénie soit l’arrivée d’un fils t n Le pauvre fils de
l’inspecteur fut interloqué par ce regard incomparable; il
tomba ets’évanouit.
t
386 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
a En présence de la sincère croyance des gens religieux, quicon-
que nie l’existence du saint est infidèle. »
720. Un çoûfî était entré un jour dans une grande controverse n
avec le chéïkh Nâçih-ed-dîn, lieutenant de la Ville de Nigdé
(que Dieu ait pitié de luit); il lui disait : Pourquoi t’attaches-
tu tellement à ce chien qui s’appelle Qitmîr ’? et il énu-
’mérait les défauts du chien. Je l’aime, répondit "l’interpellé,
parce qu’il est un saint, qu’il sait distinguer l’ami de l’en-
nemi, celui qui aime de celui qui nie. Je ne l’admets pas!
s’écria le çoûfî; c’est une chose impossible. C’est le même
chien, répliqua Nâçih-ed-dîn, que celui des Compagnons de
la caverne; il est de la même race que lui; il était exacte-
ment de la même couleur. *
« Si le chien ne possédait pas la veine de l’amour, comment
celui des Sept Dormants rechercherait-il un cœur ? ’
« Le lion, le loup, l’ours savent ce qu’est l’amour; celui qui
est vide d’amour; est moins qu’un chien. n
t
à,
« O celui dont les lions sont les esclaves de ses chiens! Il dit :
Ce n’est pas possible; tais-toi, et adieu!
On raconte, d’après le ebéïkh Nâçih-ed-din, que le Tché-
lébî accepta [en cadeau] Qitmîr et partit en faisant à ce chien
un signe qui voulait dire : « Viens avec nous ». Quand l’ani-
mal eut fait quelques pas, il se retourna et regarda Nâçih-
ed-dîn, qui lui dit : Qu’as-tu à me regarder? Plut à Dieu
que je fusse à ta place, et que je devinsse le chien de garde
de ce palais ! Cependant, il se mit à se rouler, fit des ;oüzoû
et s’élança en courant. Au moment où le concert spirituel
avait lieu dans la ville de Ladiq, il entra dans le cercle des
amis et se mit à danser en rond avec les nobles compagnons.
Un autre miracle, c’est que soit en campagne, soit à la
ville, aucun autre chien ne l’attaquait ni n’aboyait après lui;
lorsqu’ils le sentaient, ils formaient cercle autour de lui et
s’accroupissaient. Quand le Tchélébî envoyait un messager
en quelque endroit, il lui adjoignait Qitmîr; car, que ce fût
à la distance de dix jours ou d’un mois de route, le chien
l’accompagnait à son but et s’en retournait. Pour guérir la
fièvre, on brûlait de son poil, et l’accès disparaissait. Dans
rur- -v--
tout endroit où il voyait un négateur, sans faire d’erreur il
urinait sur lui; il n’acceptait jamais de nourriture de la
main des négateurs de la famille [de Béha-ed-din], et si, en
secret, on avait mélangé cette nourriture avec celle des amis
et qu’on la lui donnât, il la flairait et ne la mangeait pas.
u Les tètes des lions du inonde ont été toutes humiliées, du
moment qu’ils donnent la main au chien des Sept-Dormants.
« Ce chien qui se trouve dans sa rue, comment pourrais-je
donner aux lions un seul de ses poils? n
Le Tchélébî le nourrissait toujours de ses propres mains,
son a w a et Inn me; nia-10’ nave-W "www. in" v "w.- r"
et le caressait; il disait :
« Du moment que l’on attribue une telle faveur aux chiens, que
de bonheurs on donne aux hommes t n
388 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
t. Nom donné par notre auteur à Oumour-beg, prince d’Aïdin, sur lequel
on peut voir Hammer, Histoire de l’empire ottoman, t. l, p. m et suiv.,
179 et suiv.; il périt d’un coup de flèche devant Smyrne qu’il essayait
d’enlever aux Latins, id. op., p. 189.
mua ARlF 393
sur l’eau, prenait entre ses mains la proue du navire et le
sauvait de ce tourbillon et de cette noyade. A plusieurs
reprises également il vit le Tchélébî ’Ârif, au milieu du
combat avec les infidèles, y prendre part et les mettre en
déroute. S’appuyant sur sa croyance, il s’efforçait toujours
de lutter dans les incursions jusqu’à ce que, son dernier jour
étant arrivé, il tomba martyr de la foi et devint du nombre
des élus. On dit qu’il vit une nuit le Tchélébî en songe lui
répéter ce vers :
l. Oiseau fabuleux .
AMIE ARIF 395
dit : «Il faut que le Tchélébî ’Ârif installe sur le tapis de
prière et à la place d’honneur le chéîkh Bébâ-ed-dîn, car il
est le véritable fils du souverain [des mystiques], et le mys-
tère de l’âme du successeur de l’Envoyé de Dieu. » Le Tchélébî,
suivant sa coutume, s’était retiré dans un coin. Lorsqu’on
introduisit le cheikh Bébâ-ed-dîn, avant qu’il eut baisé la
main du Tchélébî, on lui donna la préséance, on l’installa à
la place d’honneur, et l’on poussa l’exclamation : a Dieu est
le plus grand! » Ce chéîkh. se montrant insouciant, s’occupa.
de prononcer un discours mystique. Quand les lecteurs
eurent récité le Qorân, et que les récitants commencèrent
les mystères des ghaze’ls, aucun de ces cheikhs ne bougea,
les uns de terreur, les autres par orgueil et dénégation.
Aussitôt le Tchélébî poussa un cri, se leva et commença
la danse rituelle en disant ce vers :
a On a battu la timbale des incursions; à cet instant se pro-
duit le mouvement d’un bat sur le dos du cheval arabe ».
Ayant soulevé un ou deux grands çoûfis, il les jeta par
terre. Le fils du chéîkh de Toqat et quelques autres s’en-
fuirent jusqu’à l’étuve; le cheikh Béhâ-ed-dîn, comme un
désespéré, s’inclina et pleura en disant : a Par Dieu, je n’en
savais rien, cela ne provient pas de moi ; le pardon est pré-
férable ». - « L’ordre est irrévocable, dit le Tchélébî;
prépare-toi au voyage ».- Ce grand personnage poussa un
soupir et s’évanouit. Le Tchélébî dit" alors ce quatrain :
H
4
innombrable! »
Il me donna alors, à moi qui étais [à moitié] mort, une
grenade, puis il dit : a Lis le Methnéwî, et occupe-toi du
concert spirituel n. A ce même moment, je sentis la maladie
tellement cesser en moi qu’on eût dit que je n’en avais
jamais été victime, et que j’étais de nouveau un être vivant
et s’agitent.
t
direz quelque chose pour que je l”entende et en sente la l
gaieté ». Ce soir là, en présence de Sultan Wéled, il y eut l
A
honneurs. ,
731.Un jour,des mystiques s’étant donné de la peine dans
la ville d’Aq-Chéhir,tinrent une grande réunion en .v-qçy
l’honneur
du Tchélébî; après qu’il en fut sorti, il se rendit à la zdwiya
des Maulawîs. Le roi des lieutenants, Akhî Moûsà (miséri-
corde de Dieu sur lui l),s’inclina et posa la question suivante :
Ces derviches, quelle espèce de gens est-ce? Quelle est leur
situation? Il répondit : Ce sont des gens agréables et dis-
tingués, et d’extérieur convenable; mais ils tiennent leurs
séances sans Dieu; celui qui est ignorant du lin fond de son
propre mystère, est également ignorant de Dieu ; il est privé
de la vérité qui a été formulée en ces termes : « Il est avec
1. 00:2, Lvn, 4.
.91.
’l
a»»..,»,....w.-..,., .
SA
une ARIF . V401
« Ces idées sont destinées à répondre à l’imagination de ce
groupe qui s’est jugé arrivé au pinacle de l’amour sans
avoir obtenu la véritable jonction, et n’a pas goûté la com-
pagnie [de Dieu] puisée à la source pure; ils paraissent
imprégnés d’eau alors qu’ils ont extrêmement soif; les dis-
ciples imitateurs, séduits par eux, restent privés de la
situation et de la proximité des véritables saints; il est à
espérer qu’à notre époque ils seront l’objet de la miséricorde
divine, et n’arriveront pas à être lapidés par suite du mauvais
effet de leur négation, car notre famille est la source de la
miséricorde et la mine de la générosité : l’apparition de la
lumière de cette Majesté est pour donner de la capacité aux
incapables, mais non pour qu’ils recherchent la place réservée
aux seuls capables.
a Au contraire, la condition de la capacité, c’est sajustice; celle-
ci est la moëlle, tandis que la capacité n’est que la coque.
« Mon ancêtre, Béhà-cd-dîn’ Wéled, s’était un jour enivré
et, plongé dans les lumières de la proximité, il dit:
a Les réprouvés sont blessés, les pardonnés ont sauté ; nous
sommes venus pour la miséricorde d’un peuple maudit n.
« Le prophète (sur lui bénédiction et salut!) a dit : « Mon
intercession sera pour les grands pécheurs de ma commu-
nauté». Tous les amis s’inclinèrent et manifestèrent de la
joie.
a
Tome Il, 26
402 LES’SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
, grâce. Qu’y’aurait-il en outre? n - « Tu revêtiras, dit le
Maître, toute espèce de vêtements, tu boiras des boissons de
prix, et tu mèneras une vie agréable a. -- « Et après cela? n
dit-elle. Il répondit: Chaquejourles vrais croyants et les der-
, viches iront visiter les prophètes, les saints, les bienheureux
et les. martyrs; ils jouiront des délices inscrites dans le texte
sacré z « Il ya la ce que les âmes désirent et ce qui cause la
joie des yeuxl » ; montant dans les pavillons de lumière,.i’ls
s’y. livreront à la contemplation. « Qu’y aurai-il déplus? n
demandala pauvresse. En tin de compte, il y aura la Con-L
templation de la vue de Dieu, comme on la trouve dans le
vin pur dont parle le Qorân : « Dieu le [très haut a un vin
qu’il a préparé pour ses saints n; ils seront ivres pendant
des années sans fin, et dans ce plaisir éternel, ils seront hors
d’eux-mêmes. « Qu’y aura-t-il encore? »ïdemanda la femme.
Ils éprouveront tellement de plaisir, de délices et de joies
grandioses qu’on ne saurait les décrire 3; en vertu du texte
quidit z a Auprès de nous estune augmentation 3 », ils seront
heureux et tranquilles; que peut-il y avoir de plus? n Cette
pauvre femme s’inclina en toute sincérité; elle donna tous
ses vêtements aux récitants et partit en manifestant sa joie.
733. Arrivé aLarenda, le Tchélébî vit tous les grands de la
ville et les fils ,d’émirs faire montre de bonne volonté et
s’empresser a ses leçons. Akhî Mohammed-beg, fils de
Qilidjî, était alors un jeune homme qui portait des vête-
ments rares et montait seul à cheval t; il était très éloigné
’du monde des saints; les amis vénérés, qui étaient plus
avancés que lui, étaient devenus vieux et faibles. Il courait
de tous côtés au milieu des compagnons, montrait de l’agilité
et rendait des services avec chaleur. Le Tchélébî l’ayant
fait venir auprès de lui, lui dit : « Je vois une foule consi-
dérable autour de toi; tu dois dorénavant ceindre la cein-
3. Qor., L, 34. v
4. Yelc-qabdyî wè yelc-sowdrè. Le sens n’est pas sur.
une. ARIF 403
ture de la sincérité, devenir le chef de ce’cercle et rendre
des services. Va, construis une :âwiya; occupe-toi d’amour
.mystique et de concert. a S’inclinant aussitôt, il devint dis-
ciple, revêtit le férédjé ; il couvrit de honte et de confusion,
par la puissance et la faveur de son maître, les négateurs de
cette contrée ; il fut un des agréés de cette Majesté.
a Tout élève que j’ai nourri d’amour mystique sera délivré
des traits du ciel et de la lance de Mars n.
734.Lorsque le chéikh Noûr-ed-dîn Bîmâristânî, maître du
coùfisme et savant pratiquant, arriva àQonya, les grands de
la ville apprécièrent sa présence; mais, dans son orgueil, il
ne vint pas voir Sultan Wéled et n’estima pas sa société.
a Il vientvde Bîmâristân [c’est-à-dire de l’hôpital]. dit le
Maître; il faut que le médecin aille voir le malade». Il se
leva et se rendit chez l’étranger avec tous les amis ; mais
celui-ci, confus, s’était caché. Au matin, il vint visiter le
mausolée sacré et commença à dire : « Il n’est pas permis v, vvfi rtyrvvvvmyv-
guise de chaton. i
a En présence du clairvoyant. le silence le sera utile; c’est
pour cela qu’a été révélé le mot : a Taisez-vous t ? »
a Parler en présence des clairvoyants, c’est une faute; c’est la
preuve de notre insouciance et de notre insuffisance ».
Le chéîkh Noûr-ed-dîn Bîmâristânî, le cœur malade, l’es-
prit brisé, sortit et partit en voyage.
i. Qor., XLVI, 28.
404 LES SAINTS DES DERVICI-IES TOURNEURS
735. Quand le chéïkhNoûr-ed-dîn, nous a raconté Çalâb-ed- i
din Adîb, ne trouva pas et ne vit pas Sultan Wéled, et que
celui-ci, pris de compassion, alla le voir et ne le rencontra pas
parce qu’il avait quitté la ville, le Maître demanda à. son fils le
Tchélébî ’Ârif : « Comment est-il, et quelle espèceld’homme
est-ce? n -- « Il ne recherche pas, répondit-il, etn’est pas
recherché ; car s’il recherchait Dieu, où y a-t-il un être aimé
et recherché plus’que vous? Et s’il était de’ceux que l’on
recherche, il n’y a pas dans le monde de personne qui, plus
que vous, recherche l’amoureux mystique ». Sultan Wéled
approuva cette réponse; il l’embrassa sur les deux yeux,
montra une joie intense, et commença à réciter ce glzazèl :
« 0 mon. fils, tu es un trésor de science, une mine d’amour, ’
une lumière qui éclaire notre pauvreté! Dans ton corps, sem-
blable a l’écale de l’huître, tu es une mer de grâce remplie de”
perles t ».’ Etc.
et je regardais. .A
le u-jardin
.r4.
entendu de belles voix; je me suis vu assis sous une arcade,
.I-xx-.par
-4 .l les fenêtres de cette construc-
tion;un jardin tel que le passage où il est dit : « Ce qu’au-
cun œil n’a vu, ce qu’aucune oreille n’a entendu » en est la
description exacte; le paradis d’en-haut serait jaloux de ce
parterre. Toutes les espèces d’arbres, toutes les sortes de
fruits, d’herbes odoriférantes et de fleurs avaient crû sur les
l
bords des ruisseaux qui l’arrosaient; les feuilles des arbres .1
a,
aux mur . ’ 405
étaient tellement denses que les rayons du soleil ne tom-
baient pas sur le sol de ces parterres; à leur ombre profonde,
d’illustres êtres spirituels, de belles houris se promenaient.
Cependant, sur le bord du ruisseau de cette roseraie, j’aper-
çois le Maître qui contemple notre œuvre; moi, saisi par la
grâce de cette extase, je restai stupéfait, en me demandant
ce que faisait notre Maître en cet endroit. Je le vis faire un
signe vers moi de sa main bénie, en disant : « ’Ârif, que fais-
tu ici? Cependant le délai du séjour est arrivé à terme; tu
vois, ces régions où je’me trouve, quels mondes cela est; que
de beautés spirituelles tu contemples! n. Moi, par le plaisir
extrême que me causait cet appel et la contemplation de la
grâce de ce jardin, je me plaignais et gémissais. Mainte-
nant, Ie moment est venu de diriger nos bagages vers les
cieux, et de goûter à la coupe saine et illustre. » Il dit alors
ces vers :
a: Le moment est venu de me mettre à nu, d’abandonner mon
corps et de devenir tout entier une âme.
a Cette forme extérieure du corps, dis-lui de partir; moi, qui
étais-je? La peinture ne diminuera pas, puisque je suis éternel. n
Le secondjour. il partit pour Qouya. Arrivé dans cette
ville, un léger changement se produisit dans son tempéra-
ment béni, mais ce malaise s’accroissait de jour en jour. Un
matin, étant sorti de sa maison et se tenant debout dans le
mausolée béni, il ne dit rien de quelque temps; tous les
compagnons s’étaient rangés en ligne vis-à-vis de lui. Ce
jour-là, par hasard, était l’[avant-]dernier vendredi du mois
de dhoh’l-qa’dè de l’année 719 (Æjanvier 1320); tout à coup le
grand luminaire [le soleil] se leva à son orient ’ et se mit a
rouler, comme une balle d’or lancée par la raquette de la toute
puissance divine dans la lice du ciel ; il s’éleva de la hanteur
d’une lance. ’Ârif dit ce vers:
spectacle? ’ I *
a Nous avons été dans le ciel, nous avons été les amis des
anges; allons-y tous de nouveau, car c’est notre patrie. »
Il récita ce ghazèljusqu’a la lin, et il regarda. Les. amis
qui se tenaient prêts à le servir et contemplaient sa grandeur l
se mirent tous ensemble à pousser des gémissements et à
pleurer. « On ne peut échappera la mort, leur dit-il; cepen-
dant je suis toujours vivant, puisqueje vois desspectacles. et
fais des voyages, à la fois dans le monde extérieur et dans
monintérieur; car les esprits inoccupés se trouvent dans le
monde des formes pour y contempler les merveilles des
contrées et les étrangetés des âmes, l’acquisition de la gnose,
le concours de la certitude; dans cette situation, par la
pesanteur de ce corps,je suis resté impuissant a me mouvoir
.!4 le voyage «le la vie
etne puis faire le voyage; au moins faisons
future; il ne m’est resté dans ce monde, ni un ami, ni com-
pagnon, ni personne prenant part à ma douleur: mes con-
solateurs ont été notre Maître et mon père; moi, dans
leur absence, jusqu’à quand resterai-je occupé de choses
--’ .i..
4.
agréables dans ce monde désagréable d’épreuves? Cepen-
dant j’ai le vif désir de voir la face du Seigneur; assu-
rément, je vais le trouver. n A ce moment il poussa un cri
en faisant -1des
krak . MAIARLA’ T
manières ; il entra dans sa maison et se mit
à Cependant,
se plaindre tout doucement. w
quel que fût son état. il partit pour assister à
la prière du vendredi, il honora de sa visite le mausolée
»..-L -
-’9
.
une Azur V 407
noble et sacré; il fut revêtu de la faveur des lumières des
mystères de cette Majesté; il honora de sa présence le concert
spirituel. Ce jour-là, avec une magnificence parfaite, il y eut
des troubles tels qu’on ne saurait les mettre par écrit. Peu-
dant le concert spirituel, il dit ce quatrain:
a Il faut arriver au bout de la rue où demeure cette qui est le
repos de mon cœur; il faut sortir de ma pr0pre existence.
a Il neconvient pas de se rendre audacieusement auprès de
cette lune; on doity venir avec un visage pale et des yeux
humides. n
Il sortit du concert spirituel, il s’étendit en long sur l’empla-
cement d’un tombeau où il s’était reposé; puis il dit : a Le
mausolée de l’individu est l’endroit où il doit être enterré;
ensevelissez le trésor de mon corps dans cet endroit. n On
eût dit que ce jour-là était le frère jumeau de celui de la
résurrection; un tapage s’éleva, et les habitants du monde
supérieur et de l’intérieur segmirent à pousser des lamen-
tations lugubres. Le samedi, les traces de cette maladie
s’étant montrées sur la face bénie du Tchélébî, il commença
à. offrir de la résistance; la santé corporelle revint lui tenir
compagnie; les souffrances furent près de s’apaiser; cela
dura vingt-cinq jours. La nuit qui précéda le 22 dhou’l-
hidjdjé, il y eut un fort tremblement de la terre, qui fut
agitée de secousses successives, tellement que beaucoup de
murs furent démolis, la cheminée de la maison s’écroula;
ce tremblement dura trois jours. Cependant l’abdâl de la
ville de Qouya, qui était le successeur du Khâdjé Faqîh
Ahmed (c’était un de ses amis qui, pendant quarante ans
entiers était resté assis par terre sans jamais bouger de sa
place, été comme hiver, et qu’on avait surnommé Danich-
mend, parce qu’il avait commencé par être étudiant; il était
bien connu par ses prédictions des événements terrestres),
annonça en poussant d’es cris: « Hélas! on emporte le flam-
beau de Qouya! Le monde sera en désordre; moi aussi, je
vais partir sur les traces de ce souverain! » Lorsque le
408 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
tremblement de terre continuait. le Tchélébî s’écria: « C’est
le moment du départ; ne voyez-vous pas comme la terre .
elle-même sursaute dans l’espoir de dévorer mon exis-
tence comme une bouchée? Elle veut une bouchée grasse. »
Il récita alors ce vers:
a Lorsque la terre durtombeau dévorera mon corps comme une
bouchée, mon âme s’envolera au haut des cieux, car je ne suis ’
pas un corps. mais une lumière. »
Il ajouta: « Gloire à Dieu t Que de merveilleux oiseaux se ’
sont montrés! » Ayant fermé un instant ses yeux bénis, il
fut occupé à contempler ces oiseaux des âmes l; a chaque
instant il semblait s’envoler et se livrait a des mouvements.
et à des gestes étonnants. Cependant les amis, tous ensemble,
sous l’effet de la détresse et du chagrin, poussèrent de grands
cris et gémirent; petits etgrands, hommes et femmes furent
troublés. « Ne vous chagrinez pas, dit le Tchélébî ;de même
que notre descente dans ce monde avait. pourbut votre avan-
tage, que notre existence était en vue de vous améliorer, en.
toute circonstance nous sommes avec vous, nous ne sommes
pas sans vous; nous serons aussi avec vous dans cet autre k ,
monde; dans celui-ci, on ne peut échapper à la séparation; ’x à
c’est dans l’autre que l’on trouvera la réunion sans séparation, ’
la cohésion sans dissolution ; laissez-moi partir en tout plaisir; .
quoique ce départ soit extérieurement une absence apparente,
cependant en réalité je ne suis pas absent; ce n’est pas une
[réelle] absence. Un sabre, tant qu’il est au fourreau, ne
coupe pas; quand il sera dégainé, alors vous verrez. A
partir de ce. jour, je donnerai des coups de poing derrière,
le voile du mystère, de sorte que les amis en entendront le
fracas. n
Il était encore occupé de prononcer ces paroles lorsque,
son cher et illustre fils, le descendant des saints, l’héritier
cœur ». ’
739. Par hasard, à cette époque, le noble fils de Noyan, Té-
murtach, fils de Tchoban 1 (que Dieu ait pitié d’eux deux!) con-
quit la ville de Qouya et en expulsa la dynastie de Qaraman,
en 720 (4320); il s’empara également des dépendances de
cette ville, et s’efforça de mettre la main sur les grands et
les tyrans; il émit la prétention suivante: a .le suis le maître
de la conjonction heureuse; bien plus, je suis le Mehdî du
temps ». En même temps il prodiguait
mais.an .142.-. A l’argent, et au point
de vue de la justice, il était un second Anôchè-Rawân s’; en
vérité, c’était un jeune homme religieux et probe; tous les
si
l. Témur-tach était le second fils de Tchoban, et gouvernait l’Asie-Miaeure; . al
il se réfugia ensuite en Égypte et y fut exécuté le 4 chawwàl 728 (22 août
1328). Cf. Mtrkhond, Bauzet eç-Çafd, t. V, p. 156; d’0bsson, op. laud., t. 1V,
p. 658 et suiv., 686, 698.
2. Surnom de Chosroès l".
’ AMlR ABlD 415
grands personnages de l’Asie-Mineure, savants, cheikhs,
émirs, notables, chefs des troupes et autres, lui obéissaient
et lui avaient prêté serment d’allégeance. En groupe de
grands personnages de l’époque, tels que Nedjm-ed-dîn
Tachtî, Chéikh-zâdè de Toqat, feu Zhaliîr-ed-dîn le prédi-
cateur de Césarée, le cheikh Nâçir Çoûfi, Amîr Hasau le
médecin, le cadi Chihâb Nekîdi, le cadi de l’armée ainsi que
rd’autres cadis et savants de chaque ville l’avaient pris pour
modèle et affectaient de se montrer ses amis; ils exagé-
raient les louanges de ce prince pour servir leurs intérêts
et se procurer les honneurs accidentels de ce monde: ils
4 excitaient d’ailleurs les autres à le suivre.Témur-lach. dans
un amour parfait, voulait faire rentrer le Tchélébî ’Âbid
et tous les enfants de cette famille dans le cercle de cette
réunion; il désirait qu’ils lui tinssent compagnie en toute
circonstance heureuse ou malheureuse, en campagne ou à
la ville; mais il ignorait la tranquillité d’esprit et les extases
profondes des mystiques.
a Oui, mon idole, puisqu’il n’y a pas de douleur dans ton cœur,
tu compteras comme un jeu la douleur qui règne dans les cœurs
. des autres v.
Des médisants envieux et de haineux opiniâtres lui repré-
sentèrent que ces derviches se révoltaient contre lui, ne
marchaient pas d’accord avec lui, et ne le désiraient pas.
Le Tchélébî ’Âbid, tout en manifestant de loin de l’amitié,
fréquentait peu leurs réunions ; quant au gouverneur,
naturellement il en était fâché et pâlissait.
7&0. Unjour, ayant fait signe au roi des émirs, l’Émir Bret-
na-beg(miséricorde de Dieu sur lui !), il jugea à propos d’en-
voyer le Tchélébî, à titre d’ambassadeur, aux émirs des Oiidj,
afin qu’il ne restât pas à Qouya, et qu’il employât ses efforts
à inviter et convier les émirs des Oûdj à lui obéir, car, s’ils
se montraient obéissants, il serait fait quelque chose en sa
faveur; sinon, il s’installerait dans cette province. Malgré
les refus opposés à cette proposition par le Tchélébî ’Âbid,
416 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
il ne put s’y soustraire; cependant il demanda qu’on envoyât
[à sa place] le signataire de ces pages au service d’Eretna-
beg, et qu’on le laissât en repos; il donna à ce sujet des
excuses explicites, mais elles ne furent pas agréées. Enfin,
mû par l’idée de la confiance et de la compassion amicale,
ainsi qu’en considération des résultats, il jugea utile de
s’absenter, afin de ne pas voir augmenter la défiance et le
dédain.
Donc, bon gré mal gré, il sortit de-Qonya, rendit visite au
mausolée sacré de ses pères et de ses ancêtres, et se confiant
à Dieu et à la faveur de ses saints il partit en se plaignant
et en gémissant; il disait les vers suivants qu’il avait
composés : r , «-
a Les saints sont les enfants de Dieu, ô mon fils! absents ou
présents ils sont informés. v
« S’ils sont absents, ne pense pas que ce soit pour leur insuf- r
fisance; ou la vengeance les attire-t-elle, pour leur âme?
a J’ai un gardien dont le pouvoir convient; il sait un vent qui
l . Sildrè-î yémânî.
2. Oor., mais
3. Nommé Ghiyâth;ed-din par d’Ohsson, op. laud., t. 1V, p. 700.
Tome Il, 27.
.7.
wrr-Wv. www." a
’420 LES SAINTS DES DERVICIiES TOURNEURS
regarde!) 5 ’ ’
« Celui qui est aimé, c’est celui qui estsimple; il est ton com:
mencementet
a Lorsque tu le trouveras, tuta fin. pas
ne resteras . ta l’attendre:
. x il
est a la fois évident et mystérieux. v Ï
a Il est le maître des situations, et n’en dépend pas; le Compte
des mois et des ans est le serviteur de cette lune [de beauté].
a Lorsqu’il parle, il donne des ordres aux conjonctures; lors- ,
qu’il le veut, il transforme les corps en âmes.
« Partout où il le veut, il envoie des condoléances ; partout ou
il le veut, il distribue des félicitations. . I ’ 0 v ’
« Il est infini car itest stable; il attend la circonstance favo-
rable. I ’ l
« Sa main est la pierre philosophale des circonstances ;s’il
l’agite, le cuivre devient ivre de lui.
« S’il le veut, la mort même devient douce; l’épine et la lancette z
tances. ’ . »
« Les années dépendent de sa résolution et de son avis; elles
sont vivantes par son souffle aussi puissant que celui du Messie.
a Celui qui est tantôt parfait, tantôt imparfait, n’est pas digne n
d’un culte, comme Abraham le disait de l’astre qui décline à.
l’horizon. 1
’« Celui qui disparaît, et est tantôt celui-ci et tantôt celui- h!
la, ne peut être l’objet aimé :« Je n’aime pas les êtres qui
déclinent’ ».
conjonctures. .
a Il est plongé dans une lumière caractérisée par ces mots :
a Il n’est pas engendréi n ; ne pas engendrer, ne pas l’étre,c’est le
propre de Dieu.
a Si tu es vivant, va et cherche un tel amour; si tu ne l’es
pas, tu es l’esclave des difi’érentes circonstances. n
r,
I
422 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
hmm-il;
AMIE ABID . 423
mer de l’hypocrisie, ne possédait aucunement l’honneur de
la foi, et par suite de sa dissimulation et de son arrogance il
ne saluait pas les compagnons; il se donnait un mal de tète
fou pour nier le concert spirituel; dans les réunions où il
assistait, il ne touchait pas à la nourriture offerte aux autres
hommes. Un groupe de gens du peuple, qui sont au degré
des animaux inférieurs, se mirent à le suivre, de sorte qu’il
avait séduit des imitateurs sans intelligence. Dans un espace
de soixante jours, il ne mangeait qu’un kile’ de farine d’orge;
il montrait du froment; et par suite de l’avidité qu’il avait,
il se promenait toujours amer et aigri; parti pour des prome-
nades imaginaires, il n’avait aucune part au plaisir exprimé
par ce texte : a La foi est tout entière désir et plaisir n ; loin
de participer à l’expansion de l’âme qui règne chez les amou-
Î.
I. Chayydd.
426 LES SAINTS DESDERVICHES TOURNEURS
« Celui qui apprOprie son pied au tapis, tire ses bagages du côté
de Moïse ’.
saints
Toujours les(sur
fruits deseux
miracles le salut!)
qui croîtront, jusqu’à’
la
fin du monde,,sur ce! arbre béni qui est leur existence, seront
La AMI... Av’ (A-
I
AMIR. ABID
sage où le Qorân s’exprime ainsi : « Sa racine est ferme, ses
427
branches s’étendent dans les cieux; à chaque instant on peut
en manger les fruits ’ ». Si l’on commençait à mentionner les
vertus et les degrés de chacun séparément. le commentaire
n’en finirait pas et ne saurait être inscrit dans les registres.
a Il me faudrait des vies aussi longues que cette de Noé, pour
dire le commentaire de cette victoire et de ces révélations ».
746. Lorsque le Tchélébî ’Âbid (que Dieu rafraîchisse son
âme!) mourut, le jeudi 5 moharrem 739 (23 juillet I338) et
choisit sa patrie dans le paradis du séjour de la splendeur, le
roi des chéïkhs et des mystiques, Hosâm-ed-dîn Amîr W’âdjid,
remplit les fonctions de chéïkh par la faveur de l’Être glorieux;
il s’occnpa du service du mausolée sanctifié (grand Dieu!
sanctifie-nous par son mystèret); il vécut encore quelque
temps et alla s’installer dans le voisinage des èlres pieux de
l’empyrée à la lin du mois de cha’bân de l’année 742 (début
de février I342). La dévolution du pouvoir souverain et la
tiare de l’empire spirituel furentdéférées à son héritier, des-
cendant des saints, successeur des purs, perle de la mer de
la gnose, notre maître Béhà-ed-din Châhzâdè (que Dieu
magnifie sa dignité!); mais comme celui-ci était parti pour
de lointains voyages, et avait brûlé pendant des années du
feu des chagrins de l’absence, en s’efforçant d’arriver à la
proximité [de Dieu]. le pouvoir fut transféré à son frère ger-
main, Amîr ’Âdil (que Dieu étende son ombre !), qui s’assit
sur le trône béni, et. donna un nouveau lustre aux choses
d’en bas et d’en haut z a Dieu donne son empire à qui il
veut ’ ».
vwrwv-ww.vv . . . ,. 1.,
428 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
’ (c Celui qui, un seul instant, choisit de servir ta cour, jusqu’au
jour de la résurrection, le ciel se prosternera devant lui comme un Î
esclave ». v
hm z..-
CÉAPITRE x
t. En grec moderne.
430 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
ed-dîn Amîr ’Ârif, et deux filles, dont l’aînée s’appellait
Motahharè-Khâtoûn et la cadette Chéref-Khâtoûn; l’une
d’elles fut surnommé ’Âbidè « l’adoratrice » par notrev
Maître, et l’autre ’Arife’ « la mystique ». Toutes deux possé-
daient le don des miracles et la sainteté; la plupart des
dames de l’Asie-Mineure se tournèrent vers elles et. devin-
rent leurs disciples. En outre, Sultan Wéled avait deux con-
cubines; ayant vu un mystère dans leur nembril, il les avait
introduites dans les liens du concubinat, de même que
Abraham pour Agar, le prophète pour Marie la Copie : or
Ismaël (salut sur lui!) était né d’Agar; quant au prophète
(bénédiction de Dieu sur lui l), il prescrivait d’élever de belles.
servantes dans la maison, ainsi qu’il’l’aÏ dit lui-même: « Pre- I
nez des esclaves, car elles sont bénies, attendu qu’Ismaël est
né d’Agar, qui était uneservante n. Le prophète de. Dieu a h
’ dit vrai I ’ -
De ces concubines, il naquit trois enfants heureux et for-
tunés, car la concubine est la monture des purs : l’un était le
Tchélébî Chems-ed-dîn Amîr ’Âbid, né de Nouçrèt-Khâtoûn;
les deux autres étaient le T chélébî Çalâh-ed-dîn Amîr Zâhid,
et Hoslâml-ed-dîn Amîr Wâdjid, nés de Sunbulé-Khâtoûn.’
Le Tchélébî Djélâl-ed--dîn Amîr ’Ârif eut deux fils et une
fille de son mariage avec Daulet-Khâtoûn, fille de l’Emir
Qaïçar de Tébrîz; le nom du fils aîné était Châh-Zâdé, qui
portait le surnom «l’Amîr ’Âlim, et celui du cadet était Amîr
’Âdil; celui de la fille était Méléké-Khâtoûn, appelée-com-
munément Despina l (Dieu rafraîchisse son-âme, ainsi que
celle des trépassés, et fasse durer la vie des présents l).
Le Tchélébî ’Âbid eut quatre enfants d’uneimeme femme, x
trois fils et une fille : Tchélébî Mohammed, Tchélébî (Amîr
’Âlim, Tchélébî Châh-Mélek (que Dieu leur accorde son con-
cours en tant qu’il le voudra et en sera satisfait l). Du temps
du Tchélébî ’Âbid, son frère Çalâh-ed-dîn Amîr Zâhid, des-
cendant des saints, mourut dans le mois de cha’bân de
61
145. -
l, p. 201, 361; Il, p.5 89.
ACHAD-ED-DÎN de Khoï (Chéïkh), l, p. BEDR-ED-DÎN Ma’dénî, l, p. 211. a
,1
276; Il, p. 70. BEDR-BD-DÎN (Chéïkh) Maulaw1,le char-
AUIIAD-ED-DÎN Kirmânl, I, p. 345, 346; pentier, l, p. 218.
Il, p. 117, 118. Bans-30mm (Chéïkh) de Téniz, archi-
AUBAD-Eh-DÎN de Samsoun (Tchélébî), tecte et alchimiste, l, p. 117, 148.
Il, p. 107. BEDR-BD-DÎN Gauher-Tach (Emlr) sur-
AVÉHIYA (La. fille (1’), Il, p. 369. nommé Diz-dâr, l, p. 34, 268.
Aucuns, l, p. 303; Il, p. 23. BBDR-ED-DIN lbrâhlm-beg, de la dynas-
AYÎNÉ-DAR (Hosâm-ed-dln lbn-), de tie de Ont-aman, Il, p. .359.
Slwâs, I, p. 109. BEDR-ED-DîN Tébrlzl, architecte du
INDEX ALPHABÉTIQUE 437
mausolée de Qouya, I, p. 109, 110, Bam-Cnàîu (Porte des), aujourdlhui
- 303 et suiv.; Il, p. 189. r Bâb-es-Sélâm, à la mosquée de la
Barman-Mx Yahyâ (Emlr), I, p. 61, Mecque, I, p. 177.
285; Il, p. 99. ’ Ban-Oust) (Chems-edodln), Il, p. 330.
Bson-so-ntu Yawàch, surnommé Naq- En" (Nuit du), I, p. 223.
qâch, l. p. 59, 219. Danse (Cheikh), Il, p. 321.
But (Cheikh), Il, p. 397, 398. Bssnu, ville de Perse, Il, p. 15.
BtaA-zn-otn Tabart, juge de Qouya, Bn-Cusnnl, ville d’Asie-Mineure, Il,
I, p. 21, 25. p. 373, 377, 389.
, Ben-1943144 Wéled, père de DjélàI-ed- Biens (Tribu de), Il. p. 156.
din Rohart, I, p. n, 62, 69, 75, 196, Brun. l’Ahyssin, Il, p. 218.
197, 321, 328, 311; Il. p. 18, 113, Blumsus, Il, p. 103.
111,118, 122,190, 173, 217, 211, 217. Btnmsnst (Chéîkh Noùr-ed-dtn), Il,
. 275, 277, 330, 352. 353, 387, 101, p. 103, 101.
118, 121, 129, 132. BIYAIAKIK, ville du Khorasan, I, p. 17-
Ben-sirota Wéled, fils de Djélâl-ed- BOIBARA, ville de l’Asie Centrale, I,
dln 1100m1, I, p. n. 1 et suiv" 11 et p. 45, 239, 240, 244. 338.
suiv., 98, 115. 127, 131, 110, 116, B0340, monture du prophète, Il,
176, 188, 189, 195, 207, 208, 211, 215, p. 313, 311.
.225, 233, 236, 210, 211, 260. 265, Bonn-smala Elyâs-pacha, petit-fils
268, 272, 276,, 281, 301, 326, 312. de Snlgân Wéled, Il, p. 383, 381, 131.
353, 368, 373, 371; Il, p. 5, 92, 129, Bonuu-so-nln Mohaqqiq Tirmidhl, l,
132, 139, 111, 173, 220, 232, 235, p. I, 26, 38. 15 et suiv., 60, 61, 68.
215, 216, 261 et suiv., 292, 291. 295, 97, 211; Il, p. 191, 195. 263, 298,
297, 298, 302, 301, 355, 356, 129. - 351. 132.
Date de sa mort, Il, p. 293. -- Voir Boum-Fut. (Mosquée de), à Qouya,
Sultan Wéled. Il, p. 195.
Ruban-nm, surnom d’Amlr ’Alim, BOUL-UASA! (Pont de). près dlllghln,
Il, p. 310. Il, p. 109.
Btus-sn-ntn (Cheikh) le tailleur, Il, Bonn, ville dIEgypte, Il, p. 101 et n. 2.
p. .380. Bonnet, ville, Il, p. 391.
’BÉIIA-lD-Dlfl Bahrl (le marin), secré-
taire particulier du mattre, imam
du mausolée, I, p. 113, 191, 201. ÇAssAon (Nâçih-ed-dîn), Il, p. 365, 366.
285, 318, 359 ; Il, p. 2, 12, 77, 78, ÇAon-snmln (Cheikh), I, p. 76, 77. 91,
101. 127,4 113, 172, 173, 181, 183, 197,
Bûns-nn-oln Châhzàdè, Il, p. 127. 200, 219, 270, 281, 291, 307. 327,
BûnA-sn-nln Chèng, l’astrologue, Il. 330, 336. 315, 372 : Il, p. 22. 65, 86,
p. 310. p 88. 97, 98, 101.
BÉIM-BD-Dl! Djendl, savant de Toqat, ÇAnn-no-otn (Chéïkh-el-lslam), Il,
Il, p. 391, 395. p. 111, 291.
BÉnA-BD-DÎN Oumour-pacha, Il, p. 392. ÇADR-ED-Dlfl (Khàdjèl. I, p. 133.
Btns-nn-ntx Qâni’l, prince des poètes, Cana-supin (Le (1841i), fils de Kémâl-
I. p?202; Il, p. 99. ed-dln Kàbl, I, p. 137.
BÊHADOUR, slempare de Malatiya, I, Garm-2mois de Mérend, astrologue,
p. 266. Il. p. 12.
Bsxncn (Hâdjt) Khorasânl, l, p. 296, ÇADR-EL-MILLÈ wim-niu (Le Chéïkh-el-
404. .
ÇALAH-ED-DÎN Amîr Zâhicl, fils de
Suliân Wéled, Il, p. 430.
ÇALAH-ED-DÎN, . fils de Béhâ-ed-dln
Bahrl, Il, p. 78.
ÇALAH-ED-DÎN Malali, I, p. 182, 209;
CHEMS-ED-DÎN, le droguiste, l, p. 169 ;
Il, p. 81.
CHEMSdID-DÎN (Tchélébî), fils du mu-
,derris (professeur), l, p. 123, 142,
143, 198, 199, 200,211, 295, 318, 323,
Il, p. 13, 77, 305. .
ÇALIHIYYÉ, faubourg des Damas, Il,
324.4341 ; Il, p. 37, 50,165, 76, 80,
.131, 299.3
p. 184., CHEMS-ED-DÎN le volant. surnom de
CANOPUS, étoile, Il, p. 417. Chems ed-dln Tébrizi, I, p. 69.
ÇARÇAR, vent destructeur, l, p. 195. .CHEMS-ED-Dîw Ahmed Aflâkï, l, p. x.
CÉSARÉE de Cappadoce, ville d’Asie- CIIEMS-ED-DÎN Amîr ’Abid, fils de
Mineure, I, p. 48, 49, 50. 54, 55, 66, Sulçân Wéled, 1’, p. n; Il, p. 413 et
68, 315, 370 ; Il, p. 10,11, 193, 268, suiv., 430.
319, 377. - (Collège du .Perwânè à), CHEMS-ED-DÎN Amîr Mohammed, fils de
Il, p. 283. . .
CIIABDÎZ, cheval noir de Khosrau
Parwîz, Il, p. 298.
Rachid-ed-din, Il, p. 417.
CHEMS-ED2DÎN Ber-Ostâd, Il, p. 330.
CHEMS-ED-DÎN Hindi, roi de Chirâz, l,
CHACH (Etofiies de), I, p. 230; Il,
p. 265, 280, 321, 369. p. 238, 239. «
CHEMS-ED-DÎN Içfahâni, ministre des
CHAn’î (L’imam), l, p. 321. Seldjouqides de Roùm, I, p. 49 et
CHAR (Amîr), fils de Chéref-Khâtoûn, suiv., 55, 57, 58; Il, p. 195, 196,197.
l u, p.431. CHEMS-ED-DÎN Khânl, I, p. 5.
CHAB-MÉLEK (Tchélébî), fils de ’Abid, Cassis-20-012; Khoi, cadi de Damas,
.II, p. 430.
CHAH-ZADÉ (Amîr ’Alim), fils aîné Il, p. 156. 3 .
CHEMS-ED DÎN Malaç’i, l, p. 81. 84, 97,
d’Amir ’Arîf, Il, p. 430. 1-4.4- 110, 120, 136, 329, 361 ; Il, p. 104;
(:HAH-ZADÈ (Béhâ-ed-dîn), Il, p. CHEMS-ED-DÎN Mârdînl, I, p. 116, 136,
427.’
163, 164, 183, 191, 192, 193, 243,
CHANAAN, Il, p. 48. 255, 270, 302, 332: Il, p. 74, 75.
INDEX ALPHABÉTIQUE 439
Cans-so-nlanébrizI, I, p. u, 32, 38, Calme-suois Sohrawerdi, surnommé
66, 69, 71, 72, 73. 81, 82, 95, 97, Maqtoûl, l, p. 11, 12. 35 ; Il, p. 167.
177, 178, 195, 253, 261, 273, 274, Cnl’îrzs, Il. p. 322.
277 et suiv., 369 ; Il, p. 23. 49, 94, Cam, conquise par Oumour-pachn, Il,
us et suiv.,i193, 198, 199, 210, 225,
247, 259, 260, 263, 273, 277, 298, 354,
368. 429. - Date de sa seconde ar-
p. 393. -
CHIRAZ, ville de Perse, l, p. 238, 331.
- (Carpettes de), Il. p. 214.
rivée à Qouya, I, p. 68. - Date de Calais, amante de Khosrau Parwiz, I.
sa mort, I, p. 72 ; Il, p. 177. 4 Sa p. 259: Il, p. 298. ,
biographie, I, p. 68 et suiv; ; Il, Cuoom’ no-oix, l, p. 98, 263.
p. 112 et suiv. Cnoou’ zo-nîs El yins-beg, commandant
GIBUS-31.411400, surnom de Chems-ed de la forteresse de Tawâs, Il, p. 331.
dtn Tébrtzt, Il. p. 138. CnooJA’ no-oix Hannâqi, Il, p. 352.
Guise (Behà-ed-dlu) I’astrologue, Il 9
Cuonu’sn-oix Inaudj-beg, gouverneur
p. 310. de Lsdiq, Il, p. 327.
CMBAp-SALAR (La fille du), Il, p. 348. Cuoon’ BD-DÎK Orkhân, fils de Mas’oûd-
CHÉREP ’Aq1l1, I, p. 4. beg, Il, p. 317.
Catin? Lehâwari. I, p. 279. Cliosnoàsül Parwiz). I. p. 259.-(Les),
CBÊBBr-ID-Dlfl (Séyyid), l, p. 93. 94’ Il, p. 298.
99, 172, 173, 183, 197 ;ll, p. 9. Cnovsrss. Il, p. 88. A
(Julian-louis, trésorier du Sultan, I, Çiooto, surnom d’Ahou-Bekr, Il,
p. 185. p. 306.
Cuànsr-sn-ois de Césarée, I, p. 140- Çmnio (Akhî), père d’Akhl Moçtafà,
181. Il, p. 306.
CHÉRIP-ED-DIN Hériwè, I, p.93, 370. Clan iPontI. l, p. 29.
CHÉIBF-BD-Dîx Hindi, négociant, I. COII’AGNOSS de la Caverne, Il, p. 365,
p. 74. 386. - Leur chien, I, p. 120 et n. 2.
CnÉnanD-Dln, fils de Khatlr, Il, p. 60. - Voir Qilmir.
Guéant-30min Lâlà de Samarqand. CossnxïixorLs. I, p. 105, 106, 184, 261;
père de Gauher-Khâtoùn, Il, p. 429. Il, p. 69,196.
Coeur-50411:9 de Mossoul (Cheikh). l, Communs (Collège des), à Qouya, I.
p. 229. p. 69.
Canut-sirota Nékidi, l, p. 351. Connu" de Platon, l, p. 261 : Il.
Cufinsrcxo-oiu ’Othman le récitant, I, p. 67.
p. 158;", p. 11,13.
Cntnsr-so-oin Qaîçart, l, p. 140, 181.
Cnânsr-so-oix Samarqandi, I, p. 159; D4145, ville de Syrie, l, p. 16, 65, 66,
Il, p. 173. 69, 79, 94. 176, 266, 289, 335, 344,
CaÉnsr-Knnrom, fille de Sultân Wé- 362: Il, p. 37, 118, 136, 137, 141,
led, Il, p. 297, 353, 430, 431. 145, 165, 167, 169, 173, 174, 183,
Garni, l, p. 281 ; Il, p. 152, 432. 184, 185, 187, 188, 201, 202, 240.
Canna Nektdi (Le cadi), Il, p. 415. 263, 291.
Cmnn-sn-niu le récitant, I, p. 9l, DANICHIBND (Province des), Il, 312. -
203. Dânichmendides, dynastie d’Asie-
CHIEAB-ED-DÎS (Khâdjè), gendre de Djé- Mineure. l, p. 136. 255.
lâl-ed-din Rofimi, I, p. 161. 359. DÂovo Tilt. Il, p. 432.
Came-30min Maqboùli de Qir-Ché- BAR-son-Dluxmix (Collège de), I,
hir, répétiteur à Tébrîz, Il, p. 379.
p. 196. .
440 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
DAULBT-KHATOUN, fille de liémir Qaï- DJÉLAL-ED-DIN Mohammed Boûmt, l,
çar de Tébrîz, épouse de eÂrîf, Il, p. 1, n. 10, 17, 27, 30, 33, 38,41, 45,
p. 430. 7- 59 et suiv., 77, 79, 183, 188, 212,
DAVID, I, p. 109, 193, 221, 377; Il, 267,349; 11, p. 27,30, 180, 184, 298, .
p. 54, 400. 314, 380, 419, 429, 432. -L Date de
Davis (Nedjm-ed-din), commentateur sa mort, Il, p. 99.
du Qorân, Il, p. 379. DJÉLAL-ED-DÎN Qaççâb, le boucher, l,
Baumes (Hosâm-ed-din), I, p. 334, p. 75, 291, 292.
335. DJÉLAL-ED-DÎN Qaratâï (L’émir), ,1,
DESPINA, surnom de Méléké-Khâtoûn, p. 94, 199, 208, 209. - Son.collège,
fille de ’Ârif, Il, p. 430. I, p. 192; Il, p. 38, 203, 204.
Dnou’L-FAQAR, I, p. 335; Il, p. 424. DJÉLAL-EDl-DÎN, surnommé -Ibn-Isfeh-
Dnolun-Nouu Miçrî, I, p. 201. salâr, Ist’ehsalârî, l, p. 315, 337,
DIABLE (Le), Il, p. 103,127, 241.-- 357; Il, p. 367,368. i
Voir Satan. a
DIV-DÉST (Fakhr-ed-dîn), I, p. 371; Il,
DJÉMAL-ED-DÎN, fils du Sipehsalâr, voir
l’article précédent.
p. 33, 47, 76. DJÉMÀL-BD-DÎN Haçtrt, I, p. 5, 26.
DÎWANÈ (Akhî Mohammed), Il, p. 166. DJÉMAL-ED-DÎN lshaq Mérendt, Il.
DlYA-ED-DIN (Caravansérail du mi- 315, 316.
nistre), I, p. 185. - Voir Ziyâ-ed- DJÉMAL-ED-DÎN Qamari, I, 1p. 349; Il,
din.
Dira-aubin Nékîdî, I, p. 351.
p. 219, 261. ’
Dmncnîo, roi mythique de Perse, Il,
DIZ-DAR, surnom de l’émir Bedr-ed- p. 347.
din Gauher-Tâch, I, p. 34, 268. DJEND, ville de l’Asie Centrale, ll,p.3.
DJA’rAa ÇADIQ (l’imam), I, p. 182. Dumas, habitant un quartier de Qo-
DJAoHArAï,fils de Toulouïkhan,I,p. 15. uya, l, p. 75.
DJAÏHOUN (I’Oxus), I, p. 296. Dioxoî (Cheikh Medjd ed-dtn), I,p. 330.
DJANÎK, province d’Asie-Mineure, I, DJONÉÏD, célèbre mystique, l, p. 10,
183, 201, 304- Il, p. 152,210,250,
p. 261. .
DJÉHAN-MÉLEK, fille de Wâdjid, Il,
p. 431. .
294, 432.
..r.- J - .A
INDEX ALPHABÉTIQUE 441
Enfin-nm Mikâ’ll, Il, p. 259, 260. FAIRE-20.0111 de Slwâs, l, p. 166, 216,
Enta Ann!) (Akhi) de Baîbourt, I, 217, 274.
p. 305 et suiv. FAnm-Im-NISA, l, p. 256, 257, 338;
filin-i ’ALu, dignitaire de la cour Il, p. 104. - (Quartier de) à Qouya,
du sultan ’lzz-ed-din Kai-Kâoùs Il,
l, p. 228, 282..
Euh MOCSA, gouverneur de Larenda
Il, p. 309. i
11.40111 Ahmed (Rhàdjé), I, p. 324, 328.
329; Il, p.131, 407.
pour le sultan ’Alii-ed-din Kai- FARQADAN (Étoilesë, Il, p. 271, 406.
Qobâd I", l, p. 19 et suiv. Fumn-Knnocx, fille du Cheikh Çalâh-
Enfin-ne (Emir), Il, p. 415, 416. ed-dln-Zerkoüh, épouse de Sullàu
Em-nn-Rocn (Emroum), Il, p. 310. Wéled et mère du Tchélébî Amîr
Saumon, ville d’Asie-Mineure, l, un", 1, p. 5s, 303, au, 364; n,
p. 38, 39; l1, p. 182, 318, 320, 323, p. 188, 206, 207, 214, 217. 288, 295,
346, 347, 366. 296. 297. 300. 129. .
Elzl’INAS, ville d’Asie-Mineure, I, FnuA-Knnocx, fille de Béhâ-ed-dîn
p. 17 et suiv., 285, 287. Wéled, sœur de Djélâl-ed-din
lisons, l, p. 9.1. Roùml, Il. p. 429.
Ennunîrou, Khan mongol de Perse, Il. FÉRÉDJÉ, vêlement de dessus. l, p. 72.
p. 322, 324. FÉnIn-xn-nlx ’Aglâr, poète persan, l,
limans, Il, p. 92. p. 201, 353, 361; Il, p. 89, 225.
Rumen, Il, p. 185. FÉRÎDOCN, roi mythique de la Perse,
Bonne-mu, roi du Qiptchaq, Il. Il. p. 286.
p. 378. FÉnînomc (Çalâh-ed-dln) surnommé
ÉYANGILB, Il, p. 68, 96.
Zer-Koùb, l, p. n. - Voir Cala!)-
En, Il, p. 207. cri-din.
Ffinînocx (Djélâl-ed-dln), surnommé
Amîr ’Ârif, l, p. 180, 286, 287; Il,
FAçlll-BD-DÎN, professeur de Qouya, l, p. 298. - Voir ’Àrif.
p. 366; Il, p. 48. Pains (Village de; dans la région de
FAIBR-lb-DIN (Çâhih), gouverneur du
Qouya, Il, p. 125.
littoral, l, p. 103. Fumeur) (Campagne de), près de
Fuma-30mm Adib, l, p. 251. Qouya. l, p. 30, 132. - (Kiosque
l’une-m4111! dlAboi Garm, Il, p. 349,
de), Il. p. 196.
350. FILS (Les) du Pêcheur, Il, p. 30.
Funa-no-nIx ’Ali ben el-ljoséîn sur-
nommé ÇâhthAçâ, ministre d”lzz- Fumes. l, p. 102 - (Pays des), l,
p. 101, 261. - ;Pays des) occiden-
ed-dln Rai-Kâoûs ll, I, p. 100; Il,
p. 32, sa, 343. taux. l. p. 78.
Pains de la pureté. Il, p. 102, 103
Pullman-ois Behrâm-Chàh, prince
mengoudjékide diErzindjàn, l, p. 18,
19. GAIIRIBL (L’archmge), I, p. 59, 88,
annn-no-nlu D1v-dest, l, p. 371; Il, 116,193. 210, 221, 229; Il, p. 19, 25,
p. 33, 47, 76,106, 107, 283, 286. 35, 52, 103, 127, 143, :65, 178, 383.
FAtnn-xn-nm ’lràql, l, p. 183, 312, GAÎKIIATOU, Khan mongol de Perse,
313; Il, p. 98. I, p. 167. 168; Il, p. 112, us, 114,
Furia-lopin Lâlà, Il, p. 363, 364. 314, 346.
FAmn-nn-nix R511, l, p. 5, 6; Il, GAunnn-Kmrocx, épouse de Djélâl-
p. 169. ed-dîn Roùmi, Il, p. 429.
442- LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
Gauunn-Tacn (Émîr Bedr-ed-din) sur- HAïnAni (Hadji Mobârek), l, p. 196,
nommé Dizdàr, l, p. 34, 268.
GÉonam (Carpettes de), Il, p. 214. 369; Il, p. 252, 253. 1
HAïnAN Amirdjî, Il, p. 324, 325.
GÉRAMANA, nourrice de Sultân Wéled, 1111111111 813211.17, poète persan, I, p. 325,
Il, p. 291. 341 ; Il, p. 57, 225.
GHACHIYÉ, couverture de cheval, I, HALAwwn (Collège) à Alep, I, p. 62,
p. 72. 377.
GHAZALÎ (Ahmed), frère du théolo- 11.111.191 (Hoséïn ben Mançoûr el-). I,
gien, l, p. 200; Il, p. 432. * p.111, n. 1, 254, 368,11, p. 89,159, i
GHAZALÎ (Mohammed), célèbre théo-
logien, I’, p. 200.
GHAzAn, Khan mongol de Perse, Il,
167, 210. ’
HALQA-BÉ-GOUCH (Porte de), à Qouya,
I, p. 231;", p. 127. l .
p. 289, 310, 343. - Date de sa HAMÎD-ED-DÎN (Chéïkh) de Damas, Il,
mort, Il, p. 322. - (Coupole de) à
Tébrîz, Il, p. 379.
GHIYATH-El)-DÎN Kai-Khosrau,fils d”A-
lâ-ed-din Kai-Qobânl I", I, p. 50.
p. 202. 1
11.111211, oncle du prophète, devenu
personnage légendaire, Il, p. 55, 392.
(11111211, flûtiste, I, p. 211. 5 p v
GIRAGA, épouse de Sultân Wéled, Il, 111111111101 (Chodjà ’ed-din), Il, p. 352.
p. 297, 310, 322, 334, 335, 336, 348, IIIARÎRÎ (Cheikh ’Ali), Il, p. 136, 170. Il
354. llanoun-en-Racnîo, Khalife abbasside,
6011111111 (L’émir), I, p. 289. 1, p. 272.
GRECS,.1, p. 303; Il, p. 208. - (Ter- 111151111, petit-fils du prophète, Il,
ritoire des), l, p. 190.
GURDJI-KHATOUN (La Sultane), I, p. 75,
110, 235, 294, 333, 334, 339, 362; Il,
p. 302. ’
HASAN (Amîr) le médecin, Il, p. 415.
(1.151111 Baçri, 11, p.432.
p. 14, 45, 208, 213, 237, 267, 11151111 Méïmendî, ministre du sultan 4.
I 366. Mahmoûd le Ghaznewide, I, p. 226; »
(1.15.111 Ténmr-tach (Cheikh), ll,p. 424. 1
11.111111 le Tayyite, Il, p. 413.
Huis ’Adjémî, Il, p. 432. 11131111011 (el-Khalîl), Il, p. 371.
HABîB Faqih d’Aq-Chéhir, I, p. 329, IlémvvÉ-Kn.1rou11, fille de ÇaIàh-ed-
HACHICH (Interdiction du), lI, p. 130. din Zerkoûb, Il, p. 206, 213, 214.
1111191111 (DjémàI-ed-dîn), I, p. 5. UEDJAZ, province d’Arabie, I, p. 171,
11110111111111 Nessâdj (Cheikh), compa- 235.
gnon de Béhà-ed-dîn Wéled, l, 11131111112 (Chéref-ed-dîn), I, p. 93, 370.
377, 378; Il, p. 2, 96, 153, 172, 202, dim, majordome de l’assemblée,
207, 233,268, 383. -- Son portrait, l, p. 335, 335; Il, p. 98. .
Il, p. 69. KÉRÎM (Hadji), compagnon d’Akhl
Josuuu (Vallée de), l, p. 339. Moçtafâ, Il, p. 306.
JOSEPH, l, p. 17, 87’. Il, p. 82,117, KÉRÎM-ED-DÎN, fils de Bek-timour, I,
121, 202, 207, 224, 302, 381.
1021.1.5, Il, p. 411.
JOUVENCE (Fontaine de), Il, p. 182.
. p. 136. A . .
KÉHlM-ED-DÎN (Chéïkh) de la citadelle,
Il, p. 356, 357.
Jours, l, p. 149, 279. KEnînEKnATOUN, fille du. Cheikh.
Mohammed Khâdem, le serviteur,
,A - ;A-L .1... .-
Mf. .- .-
INDEX ALPHABÉTIQUE
445
hmm, Il, p. 59. K00", ville près de l’Euphrate, I,
Knîcnswxsm (’Alâ-ed-din de Qîr- p. 16.
Chéhir), Il, p. 364. KOUIADJ-KBATOUN de Toqat, épouse
11111011, KIIZB, personnage mythique, du sultan Rokn-ed-dîn, l, p. 137,
I, p. 109, 168, 169, 176, 177, 178, 170; Il, p. 208, 318.
237, 272, 273; Il, p. 39, 160. 170, Ron. 11811111., surnom de Kémâl-ed-
178, 188. din le nomenclateur, l, p. 359.
Kawa-nous, petit-fils de Sultân Wé- R111") Qonùwx (Le qâuli), l, p. 373, 371.
led, Il, p. 431. Kunnu, ville d’Asie-Mineure, Il,
[noua-L101, dame de Toqat, Il , p. 331, p. 359, 391, 396.
375, 376.
Knomwxsoon, maître, l, p. 59. Lanio, ville d’AsieuIIineure, Il, p. 327,
111100111110, ville de l’Asie-Centrale, I,
331. 352, 381, 381, 387, 389, 396, 125.
p. 108; Il, p. 3. 1.11.11 (Chérel’oed-din) de Samarqand,
111101111115, province de Perse, I, p. 2,
père de Gauher-Khâtoûn, Il, p. 129.
3, 5, 9,10, 11, 45, 47, 93, 118, 190; 1.11.11 (Collège et couvent du), à Qo-
Il, p. 131, 280. 118.
111101105 (Tâdj-ed-din), le professeur, uya, I, p. 186:". p. 211.
1,111.11 (Fakhr-ed-dln), ll,p. 363, 361.
Il. p. 38.
Kuoaosxî (Cheikh Abou’Hjasan), l, Lunes (Qaramân), ville dlAsie-Mi-
heure, l, p. 19, 16, 268; Il, p. 359,
p. 226; Il, p. 174. 371, 102, 101.
Kamis" (Kémâl), l, p. 281, 282.
KHADJBGÎ Rehwàrégèr, compagnon de
Lnirè-Knnovs. mère de Çalâh-ed-
Behâ-ed-dîn Wéled, I. p. 18, 38.
din Zerkoùb, Il. p. 205, 206.
LuirèoKnAroux, mère de Giràgà, Il,
11110911111; Parwiz, Il, p. 298. p.297.
Rien (lIe de), Il, p. 29. LÉIIAWARI (Chérel), l, p. 279.
KÎIIYA-KIIATOUN. épouse de Chems-
LÉÎLA, amante de Medjuoün, I, p. 296.
ed-dîn Tébrizi, Il, p. 131, 137.
KIRA-ANA-KIIATOUN, l, p. 158. Loonx, I, p. 109.
KIBA°KHATOUN,, épouse de Djélâl-ed-
1.0111, l, p. 59.
din Roùml. l. p. 73, 71. 75, 98, 156,
171, 225, 235, 310, 354-, Il. p. 89, 11111111000 (Sultan) le Ghaznéwide, l
"11,110,111, 121, 173, 205, 205, 236.
251, 255, 257, 261. 12s.
limans-11111101111, épouse de Sultân
p. 226. ’
51.1111101311 (Cheikh), surnommé Çàhib«
Qiràn, l, p. 27, 82, 197, 236, 291,
Wéled (la même que Fàtima-Khâ- 326; Il, p. 32, 70.110. .
toûn), I, p.- 317; Il, p. 219. 51.1111101111 (Cheikh), le serviteur, 1,
p K101i (La grande), mère de Djélâl-ed- p. 161, 172; n, p. 1o.
dtnwkoûmî, I, p.328; Il, p. 173, 267, 1111111110110 ’Arabl (Cheikh), l, p. 225.
363. 111.1011000 Khéîrànî, saint d’Aq-Chéhir,
323. 1
MALATIYA, ville de Syrie, l, p. 16,18,
266.
MANÇOUR (Ijoséïn ben) el-Ilallâdj, l,
p. 111, 117, 201, 254, 308 ; Il, p 89,
p. 67.
MEDJD-ED-DÎN, fils de Tchâghà, de
Qîr-Chéhîr, I, p. 298.
MEnJo-En-DÎN, frère du Cheikh Amîrè-
beg d’Ab-i Garm, Il, p; 349.
167, 210. MEDJD-ED-DIN llâfizh, frère du prédi-
511111115, fondateur de religion et pein- cateur de Siwâs, Il. p. 378.
tre célèbre,,l, p. 333. MEDJNOUN, poète fou de llArabie
MANGO-BIRTI. Voir Djélâl-ed-din Khâ: enté-islamique, I, p. 280, 296 ; Il,
rezm-Chdh. .
MAQBOULi (Chihâb-ed-dîn) de Qir-Ché- p. 108. - -
Muni (Le), Il, p. 414.
hir, répétiteur à Tébriz, Il, p. 379. MEÏDAN, faubourg de Damas, l, p. 66;
MAQTOUL, surnom de Chihâbæd-dîn
Sohrawerdî. Il, p. 167, n. 1. Il, p. 118. ’
MÉÏDAN de Qouya, Il, p. 5.
MARCHÉ AUX CHEVAUX (Porte du), à MÉLÉKÉ°KHATOIIN, tille de Djélàl-ed- l
Qouya, I, p. 244. °
01.111111, mère de leus, I, p. 59, 204,
.din Boùmi, l, p. 161, 318 ; Il, p. 88,
111, 132, 255, 129.
«303, 304, note; 11, p. 121, 357, 358. MÉLÉKÉ-KIIATOUN, fille de. ’Arif, Il,
- Son portrait, Il, p. 69. p. 363, 430.
MARIE la Copte, Il, p. 430. MÉLIK (El-) el-Achraf, prince éyyou-
M.1’ROUF Karkhî, Il. p. 432.
bite de Damas, I, p. 16, 17.
MARS, planète, Il, p. 426. -. (Safran MENTÉCIIÉ (Mas’oûd-beg, fils de), Il,
de), rouille de fer", Il, p. 349. p. 316J
Mas’ouo-BEG, fils de Mentéché, Il,
MER VERTE, Il, p. 331. .
p.316, 317. . 011111111, Village près de Qouya, I,
MATOURIDI (Cheikh), I,p. 311. p. 107; Il, p. 134, -- (Mosquée de),
MAULA EL-KABÎ(ClIéÏklI). l, p. 255. I, p. 111, 172, 289, 291, 369 ; Il,
MAUI.AWÎ (Derviches), l, p. 1, 162, p. 201, 275.
204; Il, p. 25, 327. - Sorte de MERCURE, planète, I, p. 7l, 83.
bottes, l, p. 72. MÈREND, ville de Perse, Il, p. 314, 316.
01.1201311115, I, p. 193. MERVEILLE de la mer, nom du Sei-
MECQUE (La), 1, p. 8; Il, p. 28, 131, gneur des eaux, Il, p. 29.
125. ME11w11, à la Mecque, 1, p. 130.
01131111111, I, p. 8, 119 ; 11, p. 24,28, MESSIE (Le), l, p.91, 261; Il, p. 124,299,
240.
MEDJD-ED-DÎN (Atabek), gendre du
Perwânè M0°in-ed-din, l, p. 92, 93,
103, 137, 270, 283.
MEDJD-ED-DÎN Atabéki le Maulawî, Il,
420. l
METIINÉWI, Il, p. 19, 225 et suiv., 242,
244, 248, 249, 255,337, 338, 339, 371,
372, 396. 420.-- Nombre de ses vers,
Il, p. 126.
p. 313, 314. METIINÉWI de Sultan Wéled, Il, p. 280.
MEDJD-En-nîN (Cheikh) d’Aq-Séraï, Il, MIRA ’11. (AmIn-ed-diu), Il, p. 14 259,
p. 310.
MEDJD-ED-DIN Djondî (Cheikh), I,
p. 330.
MEDJn-Eo-DÎN (Khàdjè), négociant, Il,
260. ’
MiR’ALAM-ED-uix Qaïçar, fondateur
du mausolée de Qouya, l, p. 303. -
Voir ’Alam-ed-dîn. A
p. 10, 11. Mo’AvrAD-Eo-DIR, l, p. 184.
1.1.13..-
INDEX ALPHABÉTIQUE 447
l
MOBARBK Ilaidari (Ilàdji), l, p 196, Moussu-am (Mobàriz-ed-din), fils
369; Il. p. 252, 253. dIAchraf, Il, p. 373, 393.
MOBAIISE (Sa’d-ed-din), gendre du fils Mouunxn-nno (Mobàriz-ed-din), . fils
d’Aîdin, Il p. 390. d’Aîdin, Il, p. 39L 392.
MOBARIZ-SD-DÎN Mobaulmo-d-beg, fils Mouuusn-aso, fils du Khàdjè Çadr-ed-
d’Achmf, Il. p. 373, 391, 392. din Balifidhoùui, usurpateur à Qo-
Magna (Akhî), Il, p. 306, 307, 308. uya, Il, p. 290, 291. n
MOIIAIIBD, le prophèle, l. p. 70, 121v blonavnn-szo, chef de la tribu des
123, 179, 183, 19I, 192, 201. 213, 001ch, Il, p. 10, 11.
211, 215. 254, 269, 302; Il, p. 31, Moussu-nm (Akhî), fils de Q.Ii-
102, 103, 115. 118, 130, 132, 169, de, Il, p. .102.
218, 383, 118, 131, 432. Moussu-axa (Tchélébi;, Il, p.
MOBAIISD, nom de DjêlaiI-eaI-din 381.
Roûml, Il, p. 27. Moussu-nm. fils de Toronlâî, com-
Monnuo (Chvîkh). le serviteur, l. mandant militaire de Qouya, Il,
p. 95, "-2, 151,343; Il, p. 169, nu. p. 337.
- Sa fille Kérimè-Khàloùn, Il, MOHAQQIQ (Séyyid Borhziu-ed-dlu), l,
p. 353. p. 61 ; Il, p. 191,195, 263, 132.
MOHAIISD (Cheikh), nom de llàdji LIoHYIID Dis, Il. p. 38L
blobârek llaîdari. Il, p. 253. MU’lN-BD-DÎN Soléîmàn (le Perwànè).
Moussu: ech-Chéîbàni, Il. p. 32. I, p. 80, SI, 86, 92, 95, 103,122, 126,
Montant: UAIâ-ed-din), frère aîné de 127, 133, 139. us, ne, 198, 199,
DjélàI-edvdln Roùmi, l, p. 10. 225, 225, 227, 259, 260, 265, 283,
MOIIAIIED (’AIà-ed-din, Khàrezui- 313. 325, 327, 330, 339. 315, 351,
Chah, I, p. I, 5 et suiv . 15. 358; Il. p. 20, 60, 71, 8l, 219, 250,
MOBAIIBD (Akhî) Diwânè. le (ou, Il, 283 et suiv., 291.
p. 166, 319. 320. Moïse, I, p. 109, 168, 189. 219, 222,
MOBAIISD Ghazàli, le théolugien, I, 261, 377, 378; Il, p. 15, I7, 2l, 63,
p. 200. 96, HI, 153, 160,161, 170, 178, 214,
Moussu; (Akhî) Séyyid-Abùdi. Il, 266. 268, 278, 300, 329. 312, 118, 426.
p. 61. - (Bâton de) l. p. 157.
Moulinet) (Akhî) séyyicl-Wâri.«ll, Mo’lzz Khoraszini (TâIIj-ed-dln), l î
p. 238. p. 81.
MOHAIIED (Chems-ed-dîn Amîr), fils Mona Sèxali. l, p. 160. - Voir Sénd’i
de Rachid-cd-din. Il, p. 517. et llakîm Senâ’i.
Humus!) Ibn-’Arabi, Il, p. 169. MoscoLs, I, p. 9,15, 17, 79, au, 151,
Moussu!) (Cheikh) Sclmàsi, Il, 153, 230, 232,336: Il, p. 61, 98,
p. 285, 286. 209, 314, 373.
Moussu!) Sokkardji (Emirïï . I, Mnxin (Khâdjè), son COUVcIll à Toqat,
p. 167. Il, p. 394.
MOIIAIIIBD Sokourdji, courtisan de Maman et Naklr, anges du tombeau,
Gaïkhatou, Il. p. 314. 3l5. l, p. 133, 151,162; Il. p. 206.
MOHAIIED ben ehYamàni, Il, p. 56. MooAnnunh (bollège), à Damas, I
Moussu) Zedjdjàdj, Il, p. 432.
Moulin!) (llàdji), fils de [111de Mo-
p. se, 176, 239. ’
Mosusçmun ,Ecole), à Bagdad. l,
bârek Baîdari. I, p. 369. p. 12, 17.
Mouunm (Tchèlébl), fils de ’Abid, Musnun, dame musulmane, Il,
Il, p. 430. p. 348.
448 LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
Mosmurî (DjélâI-ed-dîn Mahmoùd), NAunouz (Jour du), I, p. 292.
Il, p. 79 et n. 2. NEDJM-ED-DIN Dâyè, commentateur du
MOTAHHARÈ-KHATOUN, fille de Sultân Qorân, Il, p. 379.,
Wéled, Il, p. 297, 354, 430. NEDJM-ED-DÎN (Emlr) Dizdâr, gouver-
Mo’TAzz (Tâdj-ed-din) al-Khorasânî, neur de Kawâla, Il, p. 356 et
I, p. 140, 299, 300; Il, p. 235. suiv.
MOTÉNEBBÎ, poète arabe, Il, p. 122, NEDJM-ED-DÎM Lâdîqî, le cadi, Il,
p. 328, 329. .
123. v
MOTTALIBÎ (L’imam), l, p. 201.
Mou’mN, un des noms de Dieu, Il,
p. 40, 41.
NEDJM-ED-DIN Qauçara, cadi de Lâqu,
Il, p. 381, 382.
NEDJM-ED-DÎN Tachtî (Cadi), Il, p. 100,
MOUQBIL (Fontaine (le), I, p. 194.
MOUSA (Emir), I, p. 2,68.
MOZHAFFAR-ED-DÎN, surnom d’AmIr
’Adil, Il, p. 310.
415. p 1
NÉFIS-ED-DÎN de Sîwâs, I, p. 149, 204,
227, 294; Il, p. 237, 238.
NÉKÎR, voir Monkar.
MOZIIAFFAR-ED-DÎN (Akhî), Il, p. 349. Nnunoo, Il, p. 87, 136, 342.
MOZHAFFAR-ED-DÎN Ahmed-pacha, fils NESSADJ (Abou-Bekr), Il, p. 432.
de Chéref Khâtoûn, Il, p. 431. NICIIAPOUR, ville du Khorasan, I,
MOZHAI’FAB-ED-DÎN Amîr ’Alim, troi- p. 350.
sième fils de Djélâl-ed»dîn Roûmî, NIGDÉ, ville d*Asie-Mineure, Il, p. 366,
386.
Il, p. 429. .
MOZHHIR-ED-DÎN, fils aîné du cheikh NIGISAR, ville d’Asie-Mineure, Il,
Séïf-ed-dîn Bâkharzî, l, p. 111, p. 375, 376.
240. Nu. (Le), Il, p. 21, 342.
NIZHAM-ED-DÎN le calligraphe, Il,
NAÇB-KHATOUN, nourrice de Béhâ»ed-
din Wéled, I, p. 10.
NAçÎH-ED-DÎN (Cheikh), lieutenant de
p. 213, à214.
.
,
lemm-ED-Din Erzindjâni, Il, p. 353,
N lZHAM-KHATOUN, élève de Djélâl-ed-dln
, . . . . , .
263, 270, 271, 275, 290, 306, 308,
311, 319 etu..nkh17.Afl.Jy
h... A»--4...MAAM
’ I" 1 I .
suiv., 325, 346, 348,
SA’n-nn-nin Mobârek, gendre du fils
. d’Aïdin, Il, p. 390.
« INDEX ALPHABÉTIQUE . v 451
51’151, poète. persan, I, p. 238, Tirniid, Il, p. 194, 195. - Voir
239. Borhdn-ed-din .
51’115, derviche, Il, p. 425. Sàvnn Chèref-ed-dln, I, p. 93.
1 81’111 Ferghân1(Chéîkh), I, p. 183. 81mm Mahmoûd Khéîrani, Il, p. 108
S1711 .(Khâdjè), chef de la garde-robe et note 1.
d’Euldjaitou, Il, p. 325. SirnmAnnl (Akhl Mohammed), Il,
SÀm-Esrnir, I, p. 201. p. 61.
31111111, province dlorigine des fau- Shunt Ahmed Koùtchek Rifâ’l, Il,
cons, lI, p. 311.
811011011, I, p. 109, 199, 221, 327, 378;
Il, p. 61, 189, 287. - (Sceau de),
p. 366. I
Simili-W161 (Akht Mohammed), Il,
p. 238,
SIBAWÉÎII, grammairien arabe, l,
. I. p. 154. -
5111111111111 (Le) du Qoran, Il, p. 241,
8111111011111, ville de I’Asie Centrale, l,
p. 209.
S1111’, concert spirituel, I, p. 72, n. 4.
p. 211; Il, p.173, 239; 240, :193, SINAÎ (Mont), l, p. 175, 176, 207, 208,
394. 429. 222; Il, p. 23, 219.
8111111, fondeur du Veau d’or, Il, Sun-1mois (Cheikh) d’Aq-Chéhir, le
p. 63. chapelier, l, p.- 65, 207; Il, p. 62,
8111111131 (Mosquée),à Qouya, I, p. 107, 108.
46. Sima-smala Nedjdjâr, I, p. 135.
181.111, Il, p. 121. SINOPI, port de la Mer Noire. Il,
Sunna, ville de Perse, Il, p. 432. p. 321, 417.
S1ss1nmss, Il, p. 363. Sirans11.111 (Jardin de Iloumâm-ed-
811111, l, p. 243; Il, p. 32, 35, 38, dln le), I, p. 48.
39,161, 162,191, 211, 258, 362. 81111014114713, récitateur du Methné-
Sueurs, planète, I, p. 83. IwI, I, p. 125, 126, 203, 244; Il, p.
Séisme-11111 (Yoûsouf), l. p. 133. . 90,101, 223, 225, 230, 236, 212, 211,
sein-smolts Bakhanl (Cheikh), I, 266, 299, 301, 339.
p. 239. - Son fils, l, p. 111. SIRADJ-lD-Dllt (Le qâdl), I, p. 93, 163.
SsIonun des eaux, poisson miracu- 172, 181, 270, 291, 366 ;Il, p.22, 77,
leux, Il, p. 29. - De Peau, Il. p. 110. - 98, 211, 245.
831.1110110 (Ahmed), fils de Wàdjid, Il, Sunna-nia Ormawt (Le qui), I, p.
p. 431. l 128, 245, 321, 322, 323. "
SaLwouoinss de Boum, I, p. 36, 303; SIRAN-ID-DIN Tatart, I, p. 145, 201,
Il, p. 113, 374. - Cause de la dis- 257,258, 287; Il, p. 91, 101, 124,
parition de leur dynastie, I, p. 113- 261, 296.
SlLLù-nr, le vannier, surnom du 8111111 Saqatl, Il, p. 432.
.chéîkh Ahou-Bekr de Tébrlz, Il, SIRYAB, chanteur, Il, p. 156.
p. 116. Sis, capitale de la PetitevArménie, l,
88111’1111ak1m), I, p. 160, 201, 202, p. 65, 261.
341, 361; Il, p. 57, 225. Slw1s, ville d’Asie-Mineure, I, p. 16,
8m 00111111115 (Les), Il, p. 386, 387. 274, 331 ; Il p. 166, 238, 303, 317,
841111) capitale du Qiptchaq. 11, p. 319, 320, 326, 376, 377, 37s.
378. Soeurs, I, p. 303.
sensuels (Ceylan), l, p. 74. 501mm eth-Thaurl, Il, p. 58, 59.
Sara, prophète, l, p. 37, 91; Il, 501111111 (Cheikh) le Maulawt, sa
p. 16, 17. :dwiya à. Sultaniyye, Il, p. 352.
Siam Borhan-ed-dln Mohaqqiq de Sonn1wann, ville de Perse, I, p. 35.
452 «LES SAINTS DES DERVICHES TOURNEURS
Soumwnnnî (Chéïkh Chihâb-ed-dln 336, 344; Il, p. 64, 127, 119, 187,
10mn), surnommé Maqtoûl, l, p. 189, 192, 371, 416.
13,35, 58; 11, p. 167. l
SOKKARDJÎ (Emir Mohammed), l, p. TABARISTAN, province de Perse, I, p. 24,
167. TADJ-ED-DÎN le ministre, I, p. 196, 325.
Soxounmî (Emir Mohammed), courti- TADJ-ED-DîMEmir), I, p. 301.
san de Gaïkhatou, Il, p. 314, .315. TADJ-ED-DÎN, fils, thbmed er-Rifâ’î, Il,
Sommî (Livre des vérités de), Il, p. p. 203.
306. TADJ-ED-DîN, lecteur du Méthnéwî, Il,
SOLÉÏMAN, nom du Perwânè Mo’in-ed-
346, 349, 350, 354, 359, 362 et suiv., TCHÉLÉBÎ Amîr ’Alim, Il, p. 7, 13, 236,
366, 367, 383, 389, 392, 397
.155. .1442etl .suiv., 265, 266.
403, 404, 429, 430. -- Voir Béhd ed- TCHÉLÉBÎ eArif, l, p. 54, 209, 365 ;ll,
dîn Wéled. p. 68, 95,107, 121, 188, 288, .293.-
SULTANIYYÉ, ville de Perse, Il, p. 322, Voir ’Arif. 1
324, 326, 352, 379. TCHÉLÉBÎ Aubad-ed-dîn de Samsoun,
SUNBULÉ-KHATOUN, mère d’Amir Zâhid Il, p. 107.
et de Sujtân Wâdjid, ll,p.288,430. TCHÉLÈBÎ Bedr-ed-dîn, fils du profes-
,Svms, I, rwin
1 ’ sp. 62, 65, 79, 101, 195, 236, seur, Il, p. 51, 299.
-4 ’
MLL-M
ï)?”
I.) . .
.
299. .
l’ennui Djélâloed-dîn, l, p. 283 ; Il,
p. 64, 127, 299.
Tenue! EmIr-i ’Alam, l, p. 282.
Tentesai Hosâm-ed-din, l, p. 10, 80,
Tunes, Il, p. 110, 208, 209, 418.
Tous (Akhî), Il, p. 238.
Tonxssux, I, p. 224, 338 ; Il, p. 417.
81,90, 170,171, 175, 205, 209,210,
285 ; Il, p. 19, 33,83, 88, 90, 92, Us-rsL-sn-nis, l, p. 212 ; Il, p. 45,
211, 259, 329.
95, 97, 98, 101,102, 105,125, 126,
127, 172, 187, 199, 205, 213, 223 et
suiv., 262, 263, 264, 268, 274, 279, Venus, planète, l, p. 190.
VÉRIDIQUB (Le grand), Abou-Bekr, Il,
298, 301; 303, 339, 370. - Voir
Hosdm-ed-dîn. p. 17, 26, 27, 28.
Rameau-Kan, empereur mongol,
l, p. 15,16; Il. p. 418, 422. -(Des- Wmnn (Bosâmced-din Amîr). Il, p.
cendant: de), Il, p. 374. 430.
Tenons, général mongol, Il, p. 325. WADJID (SuIQân), Il, p. 288, 431.
Tenons le masseur, 1, p. 353. Wuacn (Le qâdi de). l, p. 5. 26.
Tenons (Alun), fils d’AkhI Qaîçar, Wsean (Sulçân). Voir 814an Wéled.
WéLsn-i Faune-anoms Châhid,eour1i
Il, p. 71, 238. .
Tianiz, ville de Perse, l, p. 69, 764 san du sultan de Qouya, l, p. 30.
77, 78. 273, 331 ; Il, p. 130, 311,
312, 316, 350, 379, 417, 430. YAGHl-SIYAN de Qouya, père de
Ténaizi (Chems-ed-din), l, p. 66, 69, Çalâh-ed-dln Zerkoùb, Il, p. 193.
71, 73, 74, -- Date de sa seconde Yann (Bedr-ed-dln). roi des lettrés,
arrivée à Qouya, l, p. 68. - Sa bio- chargé de mission par le sultan’lzz-
graphie, l, p. 68 et suiv. - Date ed-dm Kai-Kâoûs Il, l. p. 64, 285.
de sa mort, l, p. 72. Yannem-Kmm, fils de Qaramàu, Il, p.
Tenon-T101, fils de Tchoban, Il, p. 307, 308.
373, 414, 415. YA’ooua-ase, Il, p. 391.
Tklun-Taca (Cheikh Hasanl, il, p. Yaoour (Khâdjé), gouverneur d’Erze-
424. roum, il, p. 323, 324.
Ténil, boucher arménien, I, p. 119. YASl-DJOUIÈN, localité d’Asie-Mineu-
Tesson», ancien peuple de l’Arabie, re, l, p. 17, 40.
r, p. 216, 233, 301. Yawaen (Cheikh Bedr-eddin), sur-
hammams (’Ala-ed-dîn), Greë con- nommé Naqqâch, l, p. 219.
verti à l’islamisme, l, p. 206, 245 YËIRN, l, p. 300, 369 ; Il, p. 26, 178,
et suiv., 325, 365. 286.
Tiens (Le),- fleuve, I, p. 17, 183, 372.
Trame, ville de Perse, I, p. 45, 46; ZACHABIB, Il. p. 217.
Il, p. 432. 21mm (Çalâig-ed-din Amîr), il, p. 288,
TOGIIAR-PACBA, frère d’Inandj-beg, 430, 431.
n, p. 327, 384. ,
To041, ville d’Asie-Mineure, I, p.
ZAKAIHYA de Toqat, l, p. 329.
ZSDJDJADJ (Mohammed), Il, p. 432.
313, 329, ; Il, p. 74, 208, 320. 334, ZÉîx Fézâri (Le qâdi), I, p. 5.
348, 361, 375, 376, 394. Zfiixssn-nin *Abd-el«Moulmin de Toqat,
To034, arbre du paradis, l, p. 188. Il, p. 74, 75, 76.
454 LES SAINTS DES; DERVJCHES»TOURNEURS
ZiîzïN-sn-nîn Râz1 (de Réï), maître des ZHAHÎR-ED -n1N,le (prédieçteur de, Césa-
instituteurs, I, p. 136, 193A. ’ I . rée, Il, pÇ;.415. , . i -1
ZÉxî le récitant, I, p. 158, 371. ZINÔJIRLI ,(Càraransérail de), .11)?-
ZENBîL-BAF, surnom du cheikh Abou-
Bekr de Tébriz, I, p. 69;
ansous, batteur d’or, i, surnom de
.185. . . . ..
Ztnws (Bain de), à Qouya, I,pip.
11,p.72,, ., ., .
Çalâh-ed-dîn Féridoûn, l, , p. 11, va4;25;518 (Convient de); a 11, p. I733
336 ;II, p. 193 et suiv. A 238, 241. -- Voir Diyd-ed-dîn..
ZHAHÎR-ED-DÎN, fils de Tâdj-Qizil, gou- 201111411, Il, p. 298. il . N ,- .. Ï,
verneur de Qouya, Il, p. 416, 201.8174118, épouse de Putiphar, I,p.
424.
185.. .1 I 4 I Â
TABLE DES CHAPITRES
v Pages.
Farines . . . .. ........................................................ I
1
CRAN-ras Il! (Suite). Biographie de Djélal-ed-dtn Roûmi ............
Section sur les avantages de la faim, écrite de la i
main même du Maître dans ses ouvrages ......... 56
Section sur le mystère du remerciement ............ 58
.60
Section des conseils ............................... .
* Cannes 1V. Biographie du sultan des pauvres. mystère de Dieu
parmi les hommes, parfait en situation et en parole,
notre Maure Chems-ed-dtn Mohammed ben ’Ali ben
Mélek-dad et-Tébrtzi ................................ 115
Dix sections consacrées aux discours prononcés par
Chems-cd-din .................................... 147
.,-,*. ".1
LE PUY-EN-VILAY. -- IMPRIMERIE PEYBILLBR, .ROUCIION ET GAIOI.