De L'avion Plus Électrique À L'avion Tout Électrique

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J3eA, Journal sur l’enseignement des sciences et technologies de l’information et des systèmes,

Volume 4, Hors-Série 1, 1 (2005)


DOI : http://dx.doi.org/10.1051/bib-j3ea:2005601
© EDP Sciences, 2005

De l’avion plus électrique à l’avion tout électrique :


état de l’art et prospective sur les réseaux de bord
O. Langlois 1 , E. Foch 1 , X. Roboam 2 et H. Piquet 2
1
Airbus France
Engineering Electrical Systems Department
316 route de Bayonne
PO BOX M0131/5
F-31060 Toulouse CEDEX 03, France
2
Laboratoire d’Électrotechnique et d’Électronique Industrielle
Unité mixte de Recherche INPT-ENSEEIHT / CNRS
BP 7122
2 rue Camichel
F-31071 Toulouse CEDEX 7, France
Journées 2004 de la section électrotechnique du club EEA, 18 -19 mars 2004, Cergy-Pontoise

De l’avion plus électrique à l’avion tout électrique :


état de l’art et prospective sur les réseaux de bord
O. Langlois, E. Foch
Airbus France, Engineering Electrical Systems Department
316 route de Bayonne - PO BOX M0131/5 - 31060 TOULOUSE Cedex 03 - France

X. Roboam, H. Piquet
Laboratoire d’Electrotechnique et d’Electronique industrielle
Unité mixte de Recherche INPT-ENSEEIHT / CNRS
BP 7122 - 2 rue Camichel - 31071 TOULOUSE Cedex 7 - France

est donc indispensable.


Résumé—Depuis le début de l’histoire de l’aéronautique, les Ensuite, il y a l’alimentation de tous les équipements
avions deviennent toujours plus électriques. Des progrès ont été électroniques nécessaires à la navigation, et les instruments de
obtenus petit à petit, notamment à travers les étapes suivantes : contrôle.
Changement de tension du 28 V DC au 115 V AC pour les
Enfin, les charges commerciales telles que l’éclairage et les
fortes puissances (dans les années 50).
Commandes de vol électriques sur A320 (années 80).
appareils de cuisson requièrent une énergie conséquente.
Actionneurs à puissance électrique et remplacement d’un Tous ces systèmes embarqués imposent le recours à
circuit hydraulique sur A380 (années 2000). différentes natures de sources d’énergie. L’énergie utilisée se
Les programmes de recherche et développement présente sous forme hydraulique, électrique et pneumatique.
aéronautiques récents mettent en évidence l’intérêt de systèmes Les moteurs de l’avion alimentent divers équipements
plus électriques mais quelques questions restent posées : permettant de générer ces différentes sources d’énergie,
Comment répondre à une demande en énergie électrique comme indiqué Fig. 1.
toujours croissante ?
Comment permettre le passage en électrique de quelques Air
utilisateurs particuliers tels que train d’atterrissage, Moteur
démarrage réacteurs, dégivrage ou conditionnement d’air ?
Quelle sera la structure des réseaux de bord d’un « avion Besoins moteur
tout électrique » ? Sera-t-elle identique aux avions actuels,
avec un simple remplacement des équipements présents par
Pompes à carburant et à huile
des éléments électriques, ou les systèmes devront-ils être
entièrement repensés (réseau continu, nouvelles Entraînement mécanique Générateur électrique
technologies de production et stockage de l’énergie,
Pompe hydraulique
nouvelle gestion des ressources de puissance) ?
Après un état de l’art sur les réseaux de bord électriques Fig. 1. Différentes sources d’énergie mises en œuvre dans un avion à réaction.
passés et présents, voici des questions que nous aborderons dans
ce papier en tentant de projeter les répercussions des évolutions
Dans le cas des moteurs à réaction actuels, le
scientifiques et technologiques pressenties sur la sphère EEA.
conditionnement d’air est en partie obtenu par prélèvement
Mots clés—Avion plus électrique, architecture électrique, d’air sur les étages compresseurs basse et haute pression des
technologies des équipements, vision prospective. réacteurs. Il permet principalement la pressurisation et la
climatisation du cockpit et de la cabine.
L’énergie hydraulique est obtenue par une pompe entraînée
I. INTRODUCTION mécaniquement par le moteur. Elle est utilisée pour actionner

E N aviation, comme dans tout type de véhicule, le besoin les commandes de vol ; elle délivre la puissance nécessaire
énergétique auxiliaire est important. Les énergies dites de pour diriger l’avion. Elle permet également la sortie et la
servitudes sont indispensables car elles permettent rentrée du train d’atterrissage, ainsi que le freinage.
d’assurer les performances, la sécurité et le confort. La génération électrique est également obtenue par
Tout d’abord, il faut actionner les commandes de vol entraînement mécanique. Un générateur produit l’électricité
nécessaires pour diriger l’avion (ailerons, gouvernes…). Pour alimentant de nombreux équipements : calculateurs,
les avions de taille importante, la seule force de l’homme ne instruments de navigation, commandes d’actionneurs,
suffit pas pour réaliser ces actions ; une autre source d’énergie éclairages et diverses charges commerciales. Ainsi,
l’électricité est utilisée non seulement pour les systèmes de Comme source de secours, on trouve une éolienne (RAT -
l’avion, mais aussi pour le confort et le divertissement des Ram Air Turbine) se déployant en cas de besoin. Cette
passagers. La demande en électricité est en constante éolienne entraîne une pompe hydraulique permettant de
augmentation, et la tendance est à son utilisation dans les pressuriser un des trois circuits. La puissance disponible est
systèmes de puissance tels que les servocommandes par certes moindre qu’en fonctionnement normal, mais les
exemple. fonctions vitales sont assurées.
D’une manière générale, le système de freinage du train
A. Pourquoi un avion de plus en plus électrique ?
d’atterrissage possède son propre accumulateur hydraulique
L’électricité offre des avantages certains par rapport à local. Ainsi, le freinage est garanti en cas de perte des deux
l’hydraulique. La génération, la distribution et l’utilisation de hydrauliques l’alimentant en temps normal.
l’énergie électrique sont plus aisées, car elle est plus Le schéma Fig. 2 montre l’architecture du réseau
facilement maîtrisable que l’énergie hydraulique ou hydraulique et électrique d’un avion actuel. Trois circuits
pneumatique. De plus, les progrès en électronique de hydrauliques se chargent de fournir la puissance aux
puissance permettent des conversions d’énergie électriques actionneurs ; l’architecture est dite 3H.
très fiables et très performantes. Les actionneurs électriques
actuels associés à leur électronique de puissance offrent une Engine 1 Engine 2

grande souplesse de contrôle. Pump RAT Pump

Outre la simplification de mise en œuvre obtenue par des


systèmes électriques, l’objectif principal reste la réduction de IDG 1
Pump Pump
IDG 2

la masse globale de l’avion. La masse est un critère


Accu Accu
déterminant dans le choix des technologies avionables. EXT
Accu
APU
CSM/G
GEN
B. Contenu de l’article Blue Green Yellow

H1 H2 H3
Cet article présente tout d’abord un état de l’art des
technologies actuellement employées sur les avions AC BUS 1 AC BUS 2
commerciaux1 (avions « à puissance hydraulique » et « plus
électrique »). Il sera ensuite exposé certaines technologies et AC ESS BUS

évolutions prospectives au niveau système (avions « de plus TR 1 TR 2 APU TR


en plus électrique » voire « tout électrique »). ESS TR
STAT INV

DC ESS BUS
II. AVION « A PUISSANCE HYDRAULIQUE » DC BUS 1 DC BUS 2 APU
START
Tous les avions construits jusqu’à présent utilisent l’énergie BAT 1 BAT 2
hydraulique pour actionner les commandes de vol. Depuis les
années 80, les avions de la gamme Airbus sont dits « à Fig. 2. Architecture type d’un biréacteur actuel 3H, constituée de trois circuits
commande électrique », c’est à dire qu’il n’y a plus de liaisons hydrauliques ainsi que d’un réseau électrique AC et DC. (Basé sur un Airbus
A330.)
mécaniques entre les leviers de commande du pilote et les
servocommandes. Les actionneurs des commandes de vol sont
à puissance hydraulique, mais commandés électriquement. B. Circuits électriques
Le réseau électrique de ces avions est constitué d’une partie
A. Circuits hydrauliques
alternative (triphasé 115/200 V – 400 Hz) et continue (28 V).
La plupart des avions commerciaux disposent de trois Comme c’est généralement le cas pour les avions moyens et
circuits de puissance hydrauliques pour actionner les longs courriers, le réseau primaire est alternatif, et le sous
gouvernes, les becs et volets, les freins et les trains réseau continu. Les gros consommateurs sont alimentés en AC
d’atterrissage. De cette manière, l’alimentation des tandis que les petits le sont en DC. La puissance installée
actionneurs se répartit sur les trois circuits hydrauliques, disponible sur un gros porteur tel qu’un A330 ou A340 est de
permettant de conserver partiellement les commandes de vol l’ordre de 300 kVA.
en cas de problème sur un ou deux circuits, et d’assurer un Sur chaque réacteur est couplé un IDG (Integrated Drive
« safe flight and landing ». Generator) permettant la génération électrique normale
La génération hydraulique est obtenue par des pompes (115/200 V AC). L’IDG est entraîné en rotation par le
(Pump) entraînées par le compresseur haute pression des compresseur haute pression, tout comme la pompe
réacteurs. Un accumulateur (Accu) est également disposé sur hydraulique. Chaque générateur alimente un des bus
chaque circuit pour éviter les variations de pression lors du alternatifs principaux (AC BUS). Pour un bimoteur, il y a
fonctionnement d’actionneurs puissants. deux réseaux fonctionnant totalement indépendamment l’un
de l’autre (cf. Fig. 2). Cependant, un générateur prend en
1
Les descriptions concernent principalement les avions de la gamme charge l’alimentation d’un autre bus pour lequel l’IDG associé
Airbus.
aurait été perdu suite à une défaillance. à puissance électrique. Certains vérins hydrauliques
Le réseau continu (28 V DC) est obtenu à partir du réseau deviennent alors des EHA (Electro-Hydrostatic Actuator) (cf.
alternatif, à l’aide de plusieurs blocs transformateurs- Fig. 5), et certains moteurs hydrauliques deviennent des EMA
redresseurs (TR). (Elecro-Mechanical Actuator). D’autres actionneurs offrent la
possibilité d’utiliser l’électricité uniquement en back-up et
Plusieurs sources auxiliaires sont embarquées sur l’avion : fonctionnent normalement avec l’hydraulique avion ; ce sont
Des batteries : elles peuvent être utilisées pour la mise les EBHA (Electro Back-up Hydraulic Actuator). Chaque
sous tension de l’avion. Dans les situations d’urgence, surface de commande de vol est généralement activée par
elles assurent la continuité de l’électricité pendant deux actionneurs différents. La répartition des actionneurs par
certaines périodes, et ce jusqu’à l’atterrissage. A elles voie d’alimentation (hydraulique ou électrique) est effectuée
seules, ces batteries initialement chargées peuvent judicieusement de manière à garder le contrôle de l’avion en
maintenir un niveau de tension suffisant pendant cas de perte d’un ou plusieurs circuits.
plusieurs minutes.
Un CSM/G (Constant Speed Motor / Generator) : c’est le Engine 1 Engine 2

générateur électrique de secours. Il permet de générer de


l’électricité en 115/200 V – 400 Hz, à partir d’un circuit VFG 1 Pump RAT Pump VFG 2
hydraulique. De faible puissance, il alimente la partie
EXT
vitale du réseau électrique en cas de perte des Accu
H1
APU
GEN H2 Accu

générateurs principaux. Il est alimenté par la RAT ou par Green Yellow


l’hydraulique moteur suivant l’avion et suivant le type de E1 E2
panne. Sa puissance est de l’ordre de quelques kVA à 10
AC BUS 1 AC BUS 2
kVA.
Un APU (Auxiliary Power Unit) : c’est un groupe AC ESS BUS
fonctionnant au kérosène. La turbine entraîne un
alternateur triphasé 115/200 V – 400 Hz. L’APU est BCRU 1
BCRU ESS
BCRU 2 APU TR

normalement utilisé au sol. Il permet la génération d’air STAT INV

pour le démarrage des moteurs en autonome et le


conditionnement de la cabine. Il intervient pour la DC ESS BUS

plupart des démarrages dans les aéroports. La puissance DC BUS 1 DC BUS 2 APU
START
de son générateur électrique est du même ordre de BAT ESS

grandeur que celle d’un IDG. BAT 1 BAT 2


Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’APU n’est
pas un élément de secours. En effet, l’avion est prévu Fig. 3. Architecture type d’un biréacteur « plus électrique » 2H+2E,
pour décoller et fonctionner normalement sans lui. En constituée de deux circuits hydrauliques ainsi que d’un réseau électrique AC
et DC. (Inspiré d’un Airbus A380.)
outre, sa disponibilité est contestable, car le démarrage
de la turbine n’est pas assuré dans tout le domaine de vol
(en particulier à altitude élevée). A. Circuits hydrauliques
Sur l’A380, le troisième circuit de puissance hydraulique a
été remplacé par un circuit de puissance électrique.
III. AVION « PLUS ELECTRIQUE »
La génération hydraulique est traditionnellement obtenue
Depuis plusieurs années, le gros porteur A380 est à l’étude par des pompes entraînées par les réacteurs. Les deux circuits
au sein d’Airbus. Cet avion marque de nombreuses avancées sont totalement ségrégués, et les pompes d’un même circuit
technologiques par rapport aux avions actuels. Dans une sont placées du même côté de l’avion : vert à gauche et jaune
philosophie d’avion « plus électrique », il utilise davantage à droite (cf. Fig. 3).
l’électricité que ses prédécesseurs, en particulier pour les
commandes de vol, où des servocommandes à puissance B. Circuits électriques
électrique font leur apparition en complément des vérins 1) Réseau AC
hydrauliques. Une différence fondamentale intervient avec les avions
Les principales avancées sont les suivantes : précédents d’Airbus ; le réseau alternatif est maintenant à
commandes de vol actionnées par puissance électrique, fréquence variable, comprise entre 360 et 800 Hz. La
secours totalement électrique, génération normale est assurée par quatre VFG (Variable
fréquence variable sur le réseau à courant alternatif, Frequency Generator) et non plus par des IDG. La génératrice
disjoncteurs électroniques. est directement accouplée à l’étage haute pression du réacteur,
L’architecture de l’avion est dite 2H+2E du fait des deux ce qui à l’avantage de réduire considérablement les
circuits hydrauliques et des deux réseaux électriques dimensions et la masse des générateurs, car le système de
indépendants (cf. Fig. 3). régulation mécanique de vitesse est supprimé (cf. Fig. 4). Par
Approximativement un tiers des actionneurs sont désormais contre, la technologie utilisée pour la génératrice n’a pas
évoluée. Il s’agit d’une génératrice à trois étages : le PMG couplage permanent des batteries aux barres DC. Les TR
(Permanent Magnet Generator), l’Exciter et le Main (Transformer-Rectifier) utilisés dans les précédents avions
(alternateur principal). Le PMG fournit l’électricité au sont remplacés par des BCRU (Battery Charger Rectifier
système de commande de l’excitation de l’Exciter. Cette Unit), lesquels permettent d’alimenter les barres DC et de
excitation est ajustée de manière à obtenir une tension efficace gérer la charge des batteries (cf. Fig. 6).
de sortie régulée à 115/200 V AC. L’Exciter transmet la
puissance pour l’excitation de la machine principale (Main) TR BCRU

directement par les rotors. On a ainsi une machine autonome


n’ayant pas besoin de source externe pour fonctionner.

115/200 V AC

115/200 V AC
28 V DC

28 V DC
270 V DC
ATRU Buck
4500…9000 tr/min
IDG VFG
4500…9000 tr/min

PMG Exciter Main PMG Exciter Main


N

N
S

S
CSD

12000…24000

Fig. 6. Schémas simplifiés d’un TR (à gauche) et d’un BCRU (à droite). Le


24000 tr/min

tr/min

TR possède un transformateur avec deux secondaires suivi d’un redressement


dodécaphasé permettant d’obtenir une très faible ondulation résiduelle. Le
BCRU possède un ATRU (Auto-Transformer-Rectifier Unit) réalisant un
Fig. 4. Schéma de principe d’un IDG (à gauche) et d’un VFG (à droite). La redressement dodécaphasé en haute tension, suivi d’un hacheur abaisseur
vitesse à l’entrée est variable dans un rapport d’environ 2. Dans l’IDG, le CSD (Buck) permettant un contrôle fin de la tension et du courant de sortie.
(Constant Speed Drive) régule la vitesse de manière à entraîner le générateur à
une vitesse constante. La machine étant bipolaire, la fréquence électrique de
sortie vaut 400 Hz. Dans le VFG, la régulation de vitesse est supprimée, la
3) Protection des lignes
machine tétrapolaire produit des tensions ayant des fréquences comprises Jusqu’à présent, les protections couramment utilisées sont
entre 400 et 800 Hz environ. des disjoncteurs thermiques. Ceux-ci sont : soit à commande
manuelle par boutons poussoirs, soit à commande électrique
En contrepartie du gain de masse apporté par les VFG, les grâce à l’adjonction d’un contacteur de puissance. Cette
équipements doivent supporter des variations de fréquence dernière technologie n’est employée que sur les Airbus A330
importantes. Ceci est rendu possible grâce à l’évolution de et A340, et pour les calibres de quelques dizaines d’ampères.
l’électronique de puissance, en utilisant notamment des Sur l’A380, des disjoncteurs statiques font leur apparition
moteurs synchrones auto-pilotés alimentés via un étage pour les lignes de faible puissance, les calibres étant inférieurs
continu (cf. Fig. 5). ou égaux à 15 A. Les progrès de la technologie permettent
d’envisager dans le futur une utilisation plus généralisée de
Redresseur EHA
270 V DC
Onduleur EHA Moteur EHA Pompe EHA ces disjoncteurs.
M P
élec. hyd.
IV. VERS L’AVION « TOUT ELECTRIQUE »
115/200 V AC

Condensateur de Ballast Vérin hydraulique


filtrage dissipatif
A. Impact sur le réseau
L’augmentation des consommateurs électriques n’est pas
EHA
Commande de vol sans influence sur le réseau. L’utilisation généralisée
Fig. 5. Représentation schématique d’un EHA, actionneur principalement d’équipements possédant une électronique de puissance en
utilisé pour déplacer les surfaces des commandes de vol. tête introduit des perturbations harmoniques déformant les
tensions du réseau électrique. D’autre part, les actionneurs tels
En ce qui concerne la structure du réseau, chaque réacteur que les EHA absorbent un courant très important pendant leur
entraîne un VFG qui alimente sa propre barre bus principale démarrage. Ils sont donc générateurs de perturbations pouvant
AC. L’alimentation de chaque barre principale peut également entraîner des creux de tension sur le réseau à chaque
être réalisée par le générateur APU. Les actionneurs déplacement d’une gouverne. L’inconvénient de l’électricité
électriques de commande de vol sont alimentés par deux par rapport à l’hydraulique est la difficulté à accumuler de
barres dédiées. l’énergie électrique pour pallier les variations brutales de
La source de secours est désormais électrique ; la RAT ne puissance.
fournit plus une puissance hydraulique. En secours, la RAT Pour ces raisons, il convient d’être prudent quant au respect
électrique vient alimenter le bus AC essentiel de manière à de la qualité réseau. Sur l’A380, les équipements ont été
conserver les fonctions essentielles, dont la fourniture de conçus de manière à assurer une qualité et une stabilité du
puissance aux commandes de vol à travers les EHA. réseau satisfaisantes. Pour des avions utilisant davantage
2) Réseau DC l’électricité, il pourrait être nécessaire d’ajouter des
Le réseau continu de l’A380 comprend une fonction NBPT convertisseurs statiques fonctionnant en conditionneur de
(No Break Power Transfer), qui permet d’éviter les coupures réseau. De toute manière, l’avion « plus électrique » entraînera
de courant sur ce réseau. Cette fonction est obtenue par un indéniablement des questions relatives à la qualité et la
stabilité du réseau. déterminer.
B. Servocommandes électriques E. Démarrage électrique des réacteurs
L’adoption de quelques servocommandes à puissance Actuellement, les réacteurs sont démarrés via le « bleed »
électrique telles que les EHA dans les avions ne semble pas grâce à l’air fourni par le groupe auxiliaire (APU) ou par un
une solution arrêtée. Vraisemblablement, les futures groupe d’air au sol. En imaginant la suppression du
générations d’avion intègrerons davantage d’actionneurs de ce prélèvement d’air pour le conditionnement cabine et cockpit,
type, en abandonnant peu à peu l’hydraulique. et ainsi la suppression du « bleed », le démarrage ne serait
En effet, la suppression d’un seul circuit de puissance plus possible de cette manière.
hydraulique sur l’A380 permet un bilan intéressant en terme Des solutions sont imaginées de manière à démarrer les
de masse. Néanmoins, le bilan est bien inférieur à ce qu’il réacteurs électriquement à l’aide du générateur APU, via les
serait en imaginant un avion tout électrique, dans lequel tous générateurs principaux. Ces derniers fonctionneraient en
les circuits hydrauliques auraient été supprimés, éliminant moteur pendant la phase de démarrage, puis en générateur une
ainsi les pompes hydrauliques et les tuyaux associés, lourds et fois les réacteurs en service.
contraignants en terme de maintenance.
F. Dégivrage électrique
C. Remplacement du groupe auxiliaire Le dégivrage des bords d’attaque des ailes et des lèvres
L’APU est un groupe auxiliaire sur la base d’une turbine d’entrée d’air des réacteurs est actuellement réalisé par l’air
entraînant un générateur électrique, et fournissant de l’air pour chaud des réacteurs, grâce au « bleed ». Dans l’hypothèse
le démarrage des réacteurs et le conditionnement d’air au sol. d’une suppression de celui-ci, il est nécessaire de réaliser
Ce groupe est très utile au sol dans les aéroports lorsque les l’ensemble des fonctions de dégivrage électriquement. Des
réacteurs sont à l’arrêt, mais il est source de nuisance sonore solutions sont actuellement envisagées ; elles sont à base de
et de pollution importante. résistances chauffantes collées en surface, ou de films
Le remplacement de l’APU par une autre source d’énergie carbonne. Il existe aussi des méthodes de dégivrage par
est difficile. Une solution pourrait être la pile à combustible vibration des surfaces.
alimentée par du kérosène via un système de reformage.
G. Freins électriques
Cependant, la maturité des technologies de piles pour réaliser
cette fonction n’est pas acquise. Un pas intermédiaire pour Sur l’A380, le système de freinage est hydraulique, mais
l’utilisation d’une pile à combustible embarquée pourrait être possède un back-up électrique (EBHA). Lorsque
le remplacement de la source de secours, car la puissance mise l’alimentation primaire (hydraulique) est indisponible, c’est
en jeu est bien inférieure à celle d’un APU (rapport de l’ordre une électropompe qui se charge de pressuriser localement le
de 10) (cf. §H). système de freinage hydraulique. La tendance pour l’avenir
En imaginant un remplacement de l’APU par une source est là encore de réaliser un freinage entièrement électrique à
uniquement électrique, il serait nécessaire de réaliser le base d’EMA. Les principaux problèmes se posant sont la
conditionnement d’air ainsi que le démarrage des réacteurs masse importante du système et les pointes de puissance très
électriquement. élevées requises pendant le freinage, en particulier avec anti-
skid.
D. Conditionnement d’air électrique
H. Evolution du réseau de secours électrique
Les Airbus existants utilisent un prélèvement d’air sur les
réacteurs2. Ce prélèvement d’air est couramment dénommé La philosophie actuelle est l’utilisation de l’électricité pour
« bleed ». Cet air est utilisé pour la pressurisation de la cabine l’ensemble des charges dites essentielles, nécessaires en
et du cockpit via un système de conditionnement : le « pack ». secours. Sur l’A380, la seule source de secours est la RAT,
L’inconvénient du « bleed » est la surconsommation des qui fournit de l’électricité grâce à son générateur triphasé. Le
réacteurs qu’il engendre, ainsi que les conduits d’air principal problème de cette éolienne est son encombrement, et
encombrants qui doivent être posés des réacteurs au fuselage. plus particulièrement sa difficulté d’intégration dans l’avion.
Un conditionnement d’air électrique met en œuvre un C’est pourquoi différentes solutions sont envisagées pour la
compresseur électrique alimentant directement le « pack » en faire évoluer, voir, la remplacer.
air haute pression, en éliminant les longues canalisations qui Afin de réduire l’encombrement et la masse du système de
introduisent actuellement d’énormes pertes. La puissance secours, il faut diminuer la puissance de la source primaire, à
demandée aux réacteurs serait donc diminuée. Cela dit, le savoir, la RAT. La difficulté est de conserver la capacité à
compresseur demande une puissance électrique élevée fournir des pointes de puissances pour les actionneurs. Elle
(quelques centaines de kW), il est donc contraignant en terme pourrait être dimensionnée de façon plus juste, suivant la
de perturbations réseau. De plus, sa masse est importante, consommation moyenne du réseau de secours ; les pointes de
mais le bilan global sur la consommation des réacteurs est à puissances seraient prises en charge par un système de
stockage à définir (cf. Fig. 7).
2
En réalité, une partie de l’air est obtenu directement par prélèvement
extérieur à l’avion. Une recyclage de l’air cabine est également réalisé.
Éolienne Redresseur éolienne Onduleur réseau Filtre réseau Réseau

Il est possible d’envisager un stockage individuel au plus


MS
près de chaque actionneur. Cela éviterait de grosses sections
de câbles, puisque les pointes de courant circuleraient
115/200 V
Convertisseur
400 Hz localement. Ce stockage décentralisé doit être étudié avec soin
Accumulation Restitution
d’énergie lorsque la
stockage
d’énergie lorsque la car il est a priori difficile d’évaluer le gain de masse par
demande est faible
sur le réseau Batteries, Éléments
demande est forte
sur le réseau
rapport à un stockage centralisé. Comme évoqué plus haut, les
Super-capacités, etc. de stockage convertisseurs devant être mis en œuvre pour utiliser des
Fig. 7. Exemple d’amélioration du réseau de la génération de secours actuelle. éléments de stockage peuvent être pénalisant du fait de l’écart
Une RAT électrique de faibles dimensions (dimensionnée en énergie) est important entre les tensions de stockage et réseau.
complétée par des éléments de stockage quelconques (dimensionnés en
puissance). 2) Secours en courant continu
On pourrait envisager un réseau de secours « tout continu »
D’autres sources de secours sont envisagées. Parmi elles, il (par exemple en 270 V DC) sans modifier le reste du réseau.
est possible de citer les piles à combustibles (avec ou sans Cela permettrait de supprimer l’étage redresseur en tête des
reformeur d’hydrogène), et comme moyen de stockage : les actionneurs et ainsi de gagner en masse. Par contre, cela
batteries lithium-ion, les super-capacités ou même des impliquerait d’utiliser des actionneurs spécifiques uniquement
accumulateurs cinétiques. Les batteries lithium-ion offrent un dans les cas de secours, les actionneurs actuels fonctionnant
rapport capacité / masse deux fois meilleur que les batteries normalement en 115/200 V alternatif.
cadmium-nickel actuellement utilisées. Quant aux super- Puisque les actionneurs à puissance électrique sont parfois
capacités, elles ont une excellente aptitude aux charges et utilisés en vol normal, il faut uniformiser leurs alimentations
décharges rapides, contrairement aux batteries. en fonctionnement « normal » et « secours ». Une double
La difficulté de mise en œuvre de ces éléments de stockage alimentation des EHA serait possible : 115/200 V AC en
réside en leur faible tension de service (quelques volts), tandis « normal » et 270 V DC en « secours » (cf. Fig. 8).
que le réseau est en haute tension (quelques centaines de Malheureusement, cela entraînerait de nombreux câbles et un
volts). Il est alors nécessaire d’utiliser un convertisseur sur-poids important.
statique relativement complexe pour interfacer les éléments de Pour utiliser un réseau secours en courant continu, il
stockage au réseau. pourrait donc s’avérer préférable que les EHA soient
1) Récupération d’énergie également alimentés en courant continu dans des conditions
Les actionneurs à puissance électrique actuels (EHA, EMA) normales de vol. Pour ce faire, deux solutions sont
ne sont pas réversibles en puissance à cause de leur pont envisageables :
redresseur à diodes en tête. En réalité, ils dissipent l’énergie réseau principal en courant alternatif, avec un redresseur
mécanique récupérée dans des résistances ballast. La centralisé commun à tous les EHA ;
réversibilité de ces actionneurs pourrait s’avérer intéressante, réseau principal en courant continu.
puisque l’on pourrait minimiser la puissance de la source I. Réseau principal en courant continu
primaire de secours (RAT par exemple). En effet, l’énergie
La généralisation des convertisseurs statiques associés aux
récupérée, sous forme d’impulsions, pourrait être stockée dans
actionneurs favorise l’utilisation du courant continu. C’est
des éléments de stockage, et ensuite restituée par ces mêmes
pour cela que le 270 V DC (ou même des tensions
éléments, sans passer par la source primaire (cf. Fig. 8). Une
supérieures) semble de mieux en mieux convenir et présente
telle solution prend tout son sens dans le cas d’un réseau
quelques avantages pratiques.
continu (cf. §I) dans lequel le système de stockage peut, avec
Avant tout, le courant continu permet de supprimer l’étage
des redresseurs réversibles, récupérer la puissance des
redresseur de tête dont dispose la plupart des charges
actionneurs en phase de freinage.
fortement consommatrices, d’où un gain de masse.
Redresseur Onduleur EHA Moteur EHA Pompe EHA
Générateur Redresseur Onduleur EHA Moteur EHA Pompe EHA
115/200 V
principal
Réseau

M P
AC

élec. hyd. 270 V M P


MS DC élec. hyd.
secours
Réseau

270 V
DC

EHA
Système de génération EHA sans redresseur en tête

Convertisseur Fig. 9. Illustration d’une chaîne de conversion d’énergie avec distribution en


stockage
courant continu (depuis la génération jusqu’à une charge de puissance,
représentée ici par un EHA).
Éléments Batteries,
de stockage Super-capacités, etc. Système de stockage
De plus, le retour du courant se fait normalement par la
Fig. 8. Exemple de stockage localisé permettant d’exploiter la réversibilité
d’un EHA. Le redresseur interne étant non réversible en puissance, la structure métallique de l’avion ; il y a donc un seul conducteur
connexion s’effectue au niveau du bus continu. Le système de stockage d’alimentation. Cela diminue la masse des câbles
permet de limiter la puissance fluctuante transitant sur le réseau. comparativement au triphasé. Malheureusement, l’utilisation
de plus en plus courante de matériaux composites risque de
compromettre cet avantage.

V. CONCLUSION
La tendance actuelle est clairement de s’orienter vers un
avion « plus électrique ». Comme mentionné dans cet article,
le chemin à promouvoir vers l’avion « tout électrique »
demandera de faire des choix, en particulier de tension, dont
les conséquences sur les équipements avions et les servitudes
associées sont significatives. Néanmoins, l’aéronautique
n’échappera pas à cette tendance qui touche tous les secteurs
de l’industrie, comme les transports terrestres par exemple.

REFERENCES
[1] P. Pradere, G. Bisson, Les Réseaux électriques de bord des avions
commerciaux, probatoire CNAM (au LEEI), avril 2003.
[2] J. Tozzi, 020 – Connaissance Aéronefs-Electricité JAR-FCL ATPL, Jean
Mermoz Formation PN, version 1, 1998
[3] E.H.J. Pallet, Aircraft Electrical Systems, Longman Scientific & Technical,
3rd edition, 1987
[4] Publications colloque IEE, Electrical Machines and Systems for the More
Electric Aircraft, 11 septembre 1999, London

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