Introduction Théorie Des Schémas PDF
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Antoine Ducros
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Table des matières
Introduction 5
0 Pré-requis et rappels 23
0.1 Anneaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
0.2 Modules . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
0.3 Le lemme de Zorn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2 Algèbre commutative 65
2.1 Localisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
2.2 Idéaux premiers et maximaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
2.3 Endomorphismes d’un module et lemme de Nakayama . . . . . . 76
2.4 Le produit tensoriel : cas de deux modules . . . . . . . . . . . . . 80
2.5 Produit tensoriel d’un module et d’une algèbre . . . . . . . . . . 90
2.6 Modules projectifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
2.7 Produit tensoriel de deux algèbres . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
2.8 Algèbres finies et algèbres entières . . . . . . . . . . . . . . . . . 110
2.9 Rappels et compléments sur les extensions de corps . . . . . . . . 117
2.10 Algèbres de type fini sur un corps : normalisation de Noether,
Nullstellensatz . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128
3
4
Ce livre est une version étoffée et remaniée d’un polycopié qui couvrait deux
cours de master 2 consécutifs dispensés par l’auteur à l’université Pierre-et-Marie
Curie (Paris 6) lors de l’année universitaire 2013-2014. Son but est de présenter
une introduction aussi auto-suffisante que possible à la théorie des schémas,
qui constitue le socle du gigantesque travail de refondation de la géométrie
algébrique accompli par Grothendieck et son école autour de 1960. Aussi allons-
nous commencer par une description brève et volontairement assez vague de
cette dernière discipline dans sa variante classique, c’est-à-dire pré-schématique.
que l’on appelle la variété algébrique affine (sur le corps k) définie par le système
d’équations E. Faisons tout de suite deux remarques.
• Si I désigne l’idéal engendré par E, alors V (E) = V (I) = V (F ) pour
n’importe quelle autre partie génératrice F de I.
• Comme k[Tλ ]λ∈Λ est noethérien, il existe un sous-ensemble fini E0 de E
qui engendre déjà I. Par la remarque précédente, V (E) = V (E0 ) : ainsi, toute
variété algébrique affine peut être définie par un nombre fini d’équations.
5
6 Introduction
de recollement des objets plus généraux qui sont simplement appelés variétés
algébriques, sans épithète ; nous allons maintenant en décrire quelques unes.
L’espace projectif de dimension n. Soit n un entier. On appelle espace
projectif de dimension n sur k, et l’on note Pn (k), le quotient de l’ensemble
des (n + 1)-uplets (x0 , . . . , xn ) d’éléments non tous nuls de k par la relation de
colinéarité. La classe d’un tel (n + 1)-uplet (x0 , . . . , xn ) sera notée [x0 : . . . : xn ].
Soit P ∈ k[T0 , . . . , Tn ]. Si [x0 : . . . : xn ] est un point de Pn (k), l’évaluation
de P en [x0 : . . . : xn ] est mal définie : en effet, P (x0 , . . . , xn ) dépend
en général de (x0 , . . . , xn ), et pas seulement de sa classe [x0 : . . . : xn ].
Toutefois, si le polynôme P est homogène d’un certain degré d, la validité de
l’égalité P (x0 , . . . , xn ) = 0 ne dépend que de [x0 : . . . : xn ] : cela vient du fait
que P (λx0 , . . . , λxn ) est égal à λd P (x0 , . . . , xn ) pour tout λ ∈ k. Il est dès lors
licite de parler dans ce cas de l’ensemble des points de Pn (k) en lesquels P
s’annule (ou ne s’annule pas).
Ainsi, choisissons i entre 0 et n, et notons Λi l’ensemble des entiers compris
entre 0 et n et différents de i. Le polynôme Ti étant homogène (de degré 1), le
sous-ensemble Ui de Pn (k) formé des points en lesquels Ti ne s’annule pas est
bien défini ; il est immédiat que Ui est exactement l’ensemble des points de la
forme [x0 : . . . : xn ] avec xi 6= 0, et que
décrit donc sans ambiguı̈té une application de Pn (k) vers Pm (k), qui est
polynomiale par construction.
2. Nous ne rappellerons pas dans cette introduction les différentes définitions des groupes
ou espaces vectoriels de cohomologie d’un espace topologique, car nous n’en aurons pas besoin
dans le cours. Indiquons simplement que ceux-ci codent algébriquement un certain nombre
d’informations sur la forme de l’espace étudié, comme par exemple la présence de trous.
Nous renvoyons le lecteur intéressé à un ouvrage de topologie algébrique.
10 Introduction
Les multiplicités
La seconde raison justifiant de ne pas oublier S est la nécessité de prendre
en compte, d’une façon ou d’une autre, la notion de multiplicité. Pour expliquer
grossièrement de quoi il retourne, supposons que S est un singleton {f }, où f
n’est pas constant, et posons S 0 = {f 2 }. Pour toute extension L de k, les
systèmes S et S 0 ont évidemment même ensemble de solutions à coordonnées
dans L.
Il est pourtant préférable, pour certaines questions, de penser que les variétés
algébriques respectivement décrites par les équations f = 0 et f 2 = 0 diffèrent, la
seconde étant une variante avec multiplicité, ou si l’on préfère infinitésimalement
épaissie, de la première.
Deux exemples
Fixons une clôture algébrique k̄ de k. Nous allons illustrer ce qui précède à
travers deux théorèmes simples et élégants qui nécessitent à la fois la prise
en compte des points à coordonnées dans k̄ et celle des multiplicités ; le
second montrera de surcroı̂t l’intérêt de travailler en géométrie projective plutôt
qu’affine.
Ainsi, supposons k = R, k̄ = C et f = T 4 − 2T 3 + 2T − 1. On a
Le théorème de Bezout
Son unique solution est à coordonnées réelles, et elle est simple (pour
une raison évidente : aucun exposant n’apparaı̂t dans les équations
lorsqu’on applique la méthode du pivot).
Ainsi, X consiste en un point simple réel, situé à distance finie.
1c) Supposons que (a, b) et (α, β) soient proportionnels. Les droites
affines d’équations aτ0 + bτ1 = −c et ατ0 + βτ1 = −γ sont alors
parallèles, et non confondues puisque (a, b, c) et (α, β, γ) ne sont pas
proportionnels. Par conséquent, X ∩ U = ∅. Il résulte par ailleurs
de 1a) que l’intersection X ∩ ∆ consiste en exactement un point, à
savoir [−b : a : 0] = [−β : α : 0] (ce point correspond simplement à la
direction commune aux deux droites parallèles en jeu). Il est simple
pour le même type de raison qu’en 1b) : on peut en effet le calculer
dans la carte D(T0 ) (si b 6= 0) ou dans la carte D(T1 ) (si a 6= 0) par
application de la méthode du pivot à un système linéaire, qui ne fait
pas apparaı̂tre d’exposants.
Ainsi, en géométrie projective, deux droites parallèles à équations
réelles se rencontrent à l’infini, en un point simple réel.
2) Nous allons maintenant nous intéresser à l’intersection d’une droite et
d’une conique projectives à équations réelles. On suppose que
où a, b et c sont des réels tous non nuls, et où α, β et γ sont des
réels non tous nuls. Notons C et D les variétés projectives d’équations
respectives f = 0 et g = 0.
Remarquons que C ∩ U est la conique affine d’équation aτ02 + bτ12 + c = 0,
et que D ∩ U a pour équation ατ0 + βτ1 + γ = 0, et que c’est donc ou
bien une droite affine (si (α, β) 6= (0, 0)) ou bien l’ensemble vide.
Le théorème de Bezout affirme que C ∩ D doit être constituée de deux
points comptés avec multiplicité. Nous allons regarder ce qu’il en est pour
certaines valeurs particulières des paramètres.
2a) On suppose que a = b = 1, que c = (−1), que α = γ = 0 et que β = 1.
Commençons par étudier ∆ ∩ C ∩ D. Cette intersection est définie par
le système d’équations
T2 = 0
T02 + T12 − T22 = 0 ,
T1 = 0
τ1 = 0 et (τ0 − 1)(τ0 + 1) = 0,
τ1 = 1 et τ02 = 0
et admet une solution, à savoir (0, 1), qui est double en raison de
l’exposant 2 qui figure dans l’équation τ02 = 0. L’intersection D ∩ C
consiste donc ici en un point réel à distance finie qui est double.
Cette duplicité traduit le fait que D est tangente à C, ce qui rend
moralement leur unique point de contact un peu plus épais qu’un
point usuel.
2d) On suppose que a = 1, que b = c = (−1), que α = 1 et que β = −1 ;
nous allons décrire la situation en fonction de γ.
Intéressons-nous pour commencer à C∩D∩U . Cette variété algébrique
est décrite par le système d’équations
2
τ0 − τ12 = 1
τ0 − τ1 = γ
qui équivaut à
T2 = 0 et T0 = T1 ,
qui possède une unique solution, à savoir [1 : 1 : 0].
En conséquence, l’intersection D ∩ C possède toujours un point à
l’infini, à savoir [1 : 1 : 0] (qui ne dépend pas de γ ; notons que ce
point correspond à la direction de l’asymptote d’équation τ0 −τ1 = 0) ;
et si γ est non nul, elle possède de surcroı̂t un point à distance finie,
2
1−γ 2
de coordonnées ( 1+γ 2γ , 2γ ).
Ce système équivaut à
(1 + γ 2 )σ22 + 2γσ2 =
0
,
σ1 = 1 + γσ2
soit encore
σ2 ((1 + γ 2 )σ2 + 2γ) =
0
.
σ1 = 1 + γσ2
−2γ
Si γ 6= 0 la première ligne a deux racines simples, à savoir 0 et 1+γ 2 ,
et le système a donc deux solutions simples qui sont
1 − γ 2 −2γ
(1, 0) et , .
1 + γ2 1 + γ2
La réponse classique
En géométrie algébrique classique, on répond à cette requête de manière
simple quoique imparfaite en travaillant le plus souvent possible sur un corps
algébriquement clos. On dispose en effet sur un tel corps k d’un théorème
d’algèbre commutative, le Nullstellensatz, qui assure qu’une variété algébrique V
contient beaucoup d’information sur le système S utilisé pour la définir. Par
exemple, si l’on se donne une extension L de k, l’ensemble des solutions de S à
coordonnées dans L ne dépend que de V et pas du choix de S, et peut donc être
noté sans ambiguı̈té V (L). Mais notez bien qu’il n’y a aucun espoir que V
permette de reconstituer intégralement le système S, ou disons simplement
l’idéal qu’il engendre ; on ne pourra en effet jamais détecter les multiplicités
de S à partir de V (pour f donnée, les équations f = 0 et f 2 = 0 ont même lieu
des zéros alors que les idéaux (f ) et (f 2 ) diffèrent sauf exceptions).
La géométrie algébrique classique manipule donc le plus souvent des variétés
algébriques (affines, projectives ou générales) au sens de la section précédente
sur un corps de base k algébriquement clos, quitte à fixer un sous-corps k0 de k
et à se demander à l’occasion si certaines variétés ou certains morphismes sont
définis sur k0 , c’est-à-dire susceptibles d’être décrits par des équations ou des
sont pas dans le cadre classique partie intégrante de la définition d’une variété
algébrique.
La conjecture de Weil
La motivation essentielle qui a présidé à la refondation de toute la géométrie
algébrique sous l’égide de Grothendieck était d’arriver à prouver une conjecture
de Weil, ce qui advint finalement, la pierre finale à l’édifice ayant été apportée par
Pierre Deligne en 1974 – cela lui valut la médaille Fields. Expliquons maintenant
en quoi elle consiste, dans un langage classique – sans théorie des schémas.
Soit N un entier et soit S un système d’équations polynomiales homogènes
en n + 1 variables à coefficients dans Z. Soit p un nombre premier. Pour tout
entier non nul n, il existe une extension Fpn de Fp de degré n, unique à
isomorphisme près (non canonique si n > 1), et l’on note xp,n le cardinal du sous-
ensemble de PN (Fpn ) défini par la réduction modulo p du système d’équations S.
On pose
X xp,n T n
Zp = exp ∈ Q((T )).
n
n>1
où Ri,p est pour tout i un polynôme unitaire à coefficients dans Z de degré hi
dont toutes les racines complexes ont pour module pi/2 .
On met ainsi au jour un lien fascinant entre le nombre de solutions de S dans
les extensions de Fp pour p grand et la topologie de l’ensemble de ses solutions
complexes.
À propos de ce livre
La théorie des schémas a un immense avantage : elle fournit un cadre de
travail d’une souplesse et d’une généralité absolument exceptionnelles, qui rend
20 Introduction
Pré-requis et rappels
0.1 Anneaux
(ab = 0) ⇒ (a = 0 ou b = 0).
23
24 Algèbre commutative
(0.1.4) On dit qu’un anneau A est un corps s’il est non nul et si tout
élément non nul de A est inversible ; il revient au même de demander que A
ait exactement deux idéaux, à savoir {0} et A. Si A est un corps, il est intègre
et A× = A \ {0}.
(0.1.5) Soit f un morphisme d’un corps K vers un anneau non nul A. Comme A
est non nul, 1 ∈/ Ker f ; puisque les seuls idéaux de K sont {0} et K, il
vient Ker f = {0} et f est injectif.
En particulier, tout morphisme de corps est injectif.
(0.1.6) Soit A un anneau. Une A-algèbre est un anneau B muni d’un
morphisme f : A → B. Bien que f fasse partie des données, il sera très souvent
omis (on dira simplement soit B une A-algèbre). Il arrivera même que l’on
écrive abusivement a au lieu de f (a) pour a ∈ A ; mais cette entorse à la rigueur
peut être dangereuse, surtout lorsque f n’est pas injective : si on la commet, il
faut en avoir conscience et y mettre fin lorsque la situation l’exige.
(0.1.7) Soit A un anneau. Un élément a de A est dit nilpotent s’il existe n > 0
tel que an = 0.
(0.1.7.1) L’ensemble des éléments nilpotents de A est un idéal de A. Il est
en effet immédiat qu’il contient 0 et est stable par multiplication externe, et
il reste à vérifier sa stabilité par addition. Soient donc a et b deux éléments
nilpotents de A, et soient n et m deux entiers tels que an = 0 et bm = 0. En
développant (a + b)n+m on obtient une somme de monômes de la forme ai bj
avec i + j = n + m ; or dans un tel monôme, on a ou bien i > n ou bien j > m,
et il est donc toujours nul. En conséquence, (a+b)n+m = 0 et a+b est nilpotent.
(0.1.7.2) On dit que A est réduit si son nilradical est nul, c’est-à-dire encore
si A n’a pas d’élément nilpotent non trivial.
(0.1.8) Pré-requis plus avancés.
(0.1.8.1) Nous supposerons que le lecteur est à l’aise avec les notions d’anneau
principal et d’anneau factoriel, ainsi qu’avec les propriétés arithmétiques
élémentaires de ces derniers que nous utiliserons librement.
Rappelons simplement ici que si A est un anneau factoriel, l’anneau A[T ]
est encore factoriel. On connaı̂t ses éléments irréductibles : ce sont d’une part
les éléments irréductibles de A, d’autre part les polynômes P dont le contenu,
c’est-à-dire le PGCD des coefficients, est égal à 1, et qui sont irréductibles dans
l’anneau principal (Frac A)[T ]. Il en découle notamment par une récurrence
immédiate que pour tout entier n et tout corps k les anneaux k[T1 , . . . , Tn ]
et Z[T1 , . . . , Tn ] sont factoriels.
(0.1.8.2) Nous supposerons également connue la notion d’anneau noethérien.
Rappelons que si A est un tel anneau, alors A[T ] est noethérien ; il s’ensuit
par récurrence que A[T1 , . . . , Tn ] est noethérien pour tout n, puis que toute A-
algèbre de type fini est noethérienne. En particulier, une algèbre de type fini sur
un corps ou sur Z est noethérienne.
0.2 Modules
(0.2.1) Nous supposerons l’algèbre linéaire parfaitement connue.
Modules 25
Il est dit de présentation finie s’il existe une telle surjection possédant un
noyau de type fini.
(0.2.5.1) Tout A-module de type fini est de présentation finie. La réciproque
est vraie si A est noethérien, car on démontre que dans ce cas tout sous-module
d’un A-module de type fini est de type fini ; elle est fausse en général (pour un
contre-exemple, cf. 2.6.9.2 infra).
(0.2.5.2) Si M est un A-module libre et de type fini, il possède une base finie.
Pour le voir, on choisit une base (ei )i∈I de M . Comme M est de type fini, il
est engendré par une famille finie de vecteurs, et chacun d’eux est combinaison
linéaire d’un nombre fini de ei . Il existe donc un ensemble fini d’indices J ⊂ I
tel que (ei )i∈J soit génératrice, et donc soit une base de M . Remarquez que
si A 6= {0} on a nécessairement I = J, car un élément ei avec i ∈ / J est
forcément non nul et ne peut donc être combinaison linéaire des ei avec i ∈ J ;
on a donc montré que dans ce cas toutes les bases de M sont finies. Mais notez
que si A = {0} l’ensemble I peut contenir strictement J, et être infini cf. 0.2.4.2).
(0.2.6) Sommes directes externes et internes. Soit A un anneau.
(0.2.6.1) La somme directe interne. Soit M un A-module et soit (Mi ) une
famille de sous-modules de M . La somme P des Mi est le sous-module de M
constitué
P des éléments de la forme m i où mi ∈ Mi pour tout i ; on le
note Mi .
P L
On dit que la sommeP des Mi est directe,P et l’on écrit Mi = Mi , si pour
tout élément m de Mi l’écriture m = P mi est unique. Il suffit de le vérifier
pour m = 0, c’est-à-dire de s’assurer que ( mi = 0) ⇒ (∀i mi = 0).
(0.2.6.2) La somme directe externe. Soit (Mi )i∈I une famille de A-modules,
quiQ ne sont pas a priori plongés dans un même A-module. Soit N le sous-module
de Mi formé des familles (mi ) telles que mi = 0 pour presque tout i. Pour
tout i ∈ I, on dispose d’une injection naturelle hi : Mi ,→ N qui envoie un
élément mLsur la famille (mj ) avec mj = 0 si j 6= i et mi = m. Il est immédiat
que N = hi (Mi ). On a ainsi construit un module qui contient une copie de
chacun des Mi , et est égal à la somme directe desdites L
copies. On dit que N est
la somme directe externe des Mi , et on le note encore Mi .
(0.2.6.3) Liens entre les sommes directes interne et externe. Soit M un A-
module et soit (Mi ) une famille de sous-modules de M . On dispose pour tout i
de l’inclusion ui : Mi ,→ M . La famille des ui définit une application linéaire
X
u : (mi ) 7→ ui (mi )
i
L
de la somme directe externe Mi vers M . On vérifie aussitôt que les Mi sont
en somme directe
L dans M au sens de 0.2.6.1 si et seulement si u est injective,
et que M = Mi au sens de 0.2.6.1 si et seulement si u est bijectif.
ci-dessus – nous n’en avons donné que les premières étapes sans expliquer ce
qui se passait ensuite ; c’est possible au moyen de la théorie des récurrences
transfinies, qui repose elle-même sur la notion d’ordinal.
(0.3.2.2) Seconde difficulté. Cet algorithme requiert par ailleurs de choisir à
chaque étape un majorant strict d’un élément, ou un majorant d’une chaı̂ne qui
n’a pas de plus grand élément ; ce n’est possible que si l’on dispose de l’axiome
du choix (pas seulement parce qu’on ne voit pas comment faire autrement : on
peut démontrer que le lemme de Zorn est équivalent à l’axiome du choix).
28 Algèbre commutative
Première partie
29
Chapitre 1
31
32 Le langage des catégories
• La catégorie Ens : ses objets sont les ensembles, et ses morphismes les
applications.
• La catégorie Gp : ses objets sont les groupes, et ses morphismes les
morphismes de groupes.
• La catégorie Ab : ses objets sont les groupes abéliens, et ses morphismes
les morphismes de groupes.
• La catégorie Ann : ses objets sont les anneaux, et ses morphismes les
morphismes d’anneaux.
• La catégorie A-Mod, où A est un anneau : ses objets sont les A-modules,
et ses morphismes les applications A-linéaires.
• La catégorie Top : ses objets sont les espaces topologiques, et ses
morphismes sont les applications continues.
(1.1.3.2) Partant d’une catégorie, on peut en définir d’autres par un certain
nombre de procédés standard.
• Commençons par un exemple abstrait. Soit C une catégorie et soit S un
objet de C. On note C/S la catégorie définie comme suit.
Ses objets sont les couples (X, f ) où X est un objet de C est où f :
X → S est un morphisme.
Un morphisme de (X, f ) vers (Y, g) est un morphisme ϕ : X → Y te
que le diagramme
X
ϕ
/Y
g
f
S
commute.
• La construction duale existe : on peut définir S\C comme la catégorie
dont les objets sont les couples (X, f ) où X est un objet de C est où f :
S → X est un morphisme, et dont les flèches sont définies comme le
lecteur imagine (ou devrait imaginer).
• Donnons deux exemples explicites de catégories de la forme S\C.
Si C = Ann et si A ∈ Ob C alors A\C n’est autre que la catégorie
A-Alg des A-algèbres.
Si C = Top et si S = {∗} la catégorie S\C est appelée catégorie des
espaces topologiques pointés et sera notée TopPt. Comme se donner
une application continue de {∗} dans un espace topologique X revient
à choisir un point de X, la catégorie TopPt peut se décrire comme
suit :
- ses objets sont les couples (X, x) où X est un espace topologique
et où x ∈ X (d’où son nom) ;
Définitions, exemples 33
1.2 Foncteurs
(1.2.1) Définition. Soient C et D deux catégories. Un foncteur F de C vers D
est la donnée :
• pour tout X ∈ Ob C, d’un objet F (X) de D ;
• pour tout morphisme f : X → Y de C, d’un morphisme
F (f ) : F (X) → F (Y )
de D.
On impose de plus les propriétés suivantes :
• F (IdX ) = IdF (X) pour tout X ∈ Ob C ;
• F (f ◦ g) = F (f ) ◦ F (g) pour tout couple (f, g) de flèches composables de C.
(1.2.2) Commentaires.
(1.2.2.1) Soit F un foncteur de C vers D et soit f : X → Y un isomorphisme
entre objets de C. On a f ◦ f −1 = IdY et f −1 ◦ f = IdX ; il vient
G ◦ F : C → E.
Foncteurs 35
et
F (g ◦ f ) = F (g) ◦ F (f ) = F (f )−1 ◦ F (f ) = IdF (X) .
Par fidélité de F il vient
f ◦ g = IdY et g ◦ f = IdX ,
ϕ(X)
F (X) / G(X)
F (f ) G(f )
ϕ(Y )
F (Y ) / G(Y )
Morphismes de foncteurs 37
commute.
(1.3.1.1) On résume parfois ces conditions en disant simplement qu’un
morphisme de F vers G est la donnée pour tout X d’un morphisme de F (X)
dans G(X) qui est fonctoriel en X.
(1.3.1.2) L’identité IdF du foncteur F est le morphisme de F dans lui-même
induit par la collections des IdF (X) où X parcourt Ob C ; les morphismes de
foncteurs se composent de façon évidente. Attention toutefois : on ne peut pas
dire que les foncteurs de C vers D constituent eux-mêmes une catégorie, car rien
n’indique a priori que les morphismes entre deux tels foncteurs (qui mettent en
jeu une collection de données paramétrée par Ob C) forment un ensemble.
(1.3.2) Exemples.
(1.3.2.1) Soit A un anneau commutatif unitaire. Pour tout A-module M , on
dispose d’une application naturelle ι(M ) : M → M ∨∨ définie par la formule
m 7→ (ϕ 7→ ϕ(m)).
F (f )
F (X) / F (Y )
ι(X) ι(Y )
G(f )
G(X) / G(Y )
F (G(Y ))
g
/ F (G(Z))
ι(Y ) ι(Z)
Y
f
/Z
(à savoir ι(Z)−1 ◦ f ◦ ι(Y )). Puisque F est pleinement fidèle, il existe un unique
morphisme h de G(Y ) vers G(Z) tel que F (h) = g ; on pose alors G(f ) = h.
On vérifie immédiatement que les formules
Y 7→ G(Y ) et f 7→ G(f )
Par pleine fidélité de F , il existe un unique morphisme υ(X) de G(F (X)) vers X
tel que F (υ(X)) = ιF (X) , et υ(X) est un isomorphisme d’après 1.2.5.
Nous laissons au lecteur le soin de s’assurer que la collection des υ(X) définit,
pour X variable, un isomorphisme G◦F ' IdX . Par conséquent, G est un quasi-
inverse de F , comme annoncé.
Pour le voir, on peut utiliser le critère fourni par le lemme 1.3.11. Le foncteur
considéré est en effet essentiellement surjectif car tout espace vectoriel admet
une base, et il est pleinement fidèle en vertu de la description matricielle des
applications linéaires de k n vers k m .
f −1 (U )
' / EU × U
.
y
U
Y /Z
~
X
commute.
Si Y est un revêtement de X, sa fibre Yx en x hérite d’une action naturelle
de π1 (X, x) à droite (un lacet ` et un point y de Yx étant donnés, on relève ` en
partant de y ; à l’arrivée, on ne retombe pas nécessairement sur ses pieds : on
atteint un antécédent z de x qui en général diffère de y, et l’on pose y.` = z).
Le lien entre lacets et revêtements peut alors s’exprimer ainsi : le
foncteur Y 7→ Yx établit une équivalence entre la catégorie des revêtements
de X et celle des π1 (X, x)-ensembles.
Description d’un quasi-inverse. On choisit un revêtement universel X̃ de X
(c’est-à-dire un revêtement de X connexe, non vide et simplement connexe). Le
foncteur qui envoie un π1 (X, x)-ensemble E sur le produit contracté
hX (Y ) = Hom(X, Y ) → F (Y ), f 7→ F (f )(ξ)
hX (f )
hX (X) / hX (Y )
ψ(X) ψ(Y )
F (f )
F (X) / F (Y )
Foncteurs représentables 45
hX
ψ
/ hY
ϕξ ' ϕη ' ,
F
ρ
/G
à savoir ϕ−1
η ◦ ρ ◦ ϕξ ; comme ϕη
−1
et ϕξ sont des isomorphismes, ψ est un
isomorphisme si et seulement si ρ est un isomorphisme.
46 Le langage des catégories
λ∗ / hY
hX
ϕξ ' ϕη '
F
ρ
/G
hX × hY := T 7→ hX (T ) × hY (T ) = Hom(T, X) × Hom(T, Y )
T
µ
π
#
X ×S Y
q
/& Y
λ
p g
X /S
f
50 Le langage des catégories
(1.5.3.4) Notons que le produit fibré X ×S Y est muni d’un morphisme naturel
vers S, à savoir f ◦ p = g ◦ q.
(1.5.4) Quelques exemples de catégories dans lesquelles les produits
fibrés existent.
(1.5.4.1) Dans la catégorie des ensembles, le produit fibré de deux ensembles
au-dessus d’un troisième est leur produit fibré ensembliste.
(1.5.4.2) Dans la catégorie des espaces topologiques, le produit fibré de deux
espaces topologiques au-dessus d’un troisième est leur produit fibré ensembliste
muni de la topologie induite par la topologie produit.
(1.5.4.3) Dans la catégorie des groupes (resp. des anneaux, resp. des modules
sur un anneau A), le produit fibré de deux objets au-dessus d’un troisième est
leur produit fibré ensembliste, la ou les opérations étant définies coordonnée par
coordonnée.
Quelques tautologies
(X → S) × (Y → S) = X ×S Y
(ce dernier est vu comme objet de C/S via son morphisme naturel vers S, cf. la
fin de 1.5.3).
À l’aide de 1.5.5.1 et 1.5.5.2 on en déduit les faits suivants, sous l’hypothèse
que les produits fibrés existent dans C.
3. En toute rigueur, il faudrait préciser quels sont les morphismes X → S et Y → S que
l’on considère ; mais comme S est final, il n’y a pas le choix.
Produits cartésiens et sommes amalgamées 51
(X ×Z Y ) ×Y T ' X ×Z T,
c’est-à-dire encore qu’il existe, pour tout objet S de C, une bijection fonctorielle
en S
et
X ×Z T = {(x, t), f (x) = λ(t) = g(h(t))}.
La bijection cherchée est alors ((x, y), t) 7→ (x, t), sa réciproque étant égale
à (x, t) 7→ ((x, h(t)), t) ; la fonctorialité en les données est évidente.
4. On trouve quelque part dans les SGA l’expression procédé ensembliste breveté à
(1.5.9) Soit C une catégorie dans laquelle les produits fibrés existent.
Soient X → S, Y → S et T → S trois morphismes de C. On déduit de 1.5.8
et 1.5.7.1 l’existence d’isomorphismes naturels
de G `∗ H est une suite finie x1 . . . xn où chaque xi est un élément non trivial
de G H, et telle qu’éléments de G et éléments de H alternent (une telle suite
est souvent appelée un mot, dont les xi sont les lettres.) On fait le produit
de deux mots en les concaténant, puis en contractant le résultat obtenu selon
l’algorithme suivant.
• Si le mot contient une séquence de la forme xy avec x et y appartenant
tous deux à G (resp. H), et si l’on note z le produit xy calculé dans G
(resp. H) alors :
si z 6= e on remplace la séquence xy par la lettre z ;
si z = e on supprime la séquence xy.
• On recommence l’opération jusqu’à ce que le mot ne contienne plus de
séquence de la forme xy avec x et y appartenant tous deux à G ou tous
deux à H.
TU lc
µ
σ
Y o
` j
X YO
λ OS
i g
Xo S
f
`
(1.5.12.4) Notons que S est muni d’un morphisme naturel vers X S Y , à
savoir i ◦ f = j ◦ g.
(1.5.13) Quelques exemples de catégories dans lesquelles les sommes
amalgamées existent.
(1.5.13.1) Dans la catégorie des ensembles, la somme amalgamée de deux
ensembles le long d’un troisième est leur somme amalgamée ensembliste.
(1.5.13.2) Dans la catégorie des espaces topologiques, le somme amalgamée
de deux espaces topologiques X et Y le long d’un troisième espace S est
leur somme `
amalgamée ensembliste, munie de la topologie quotient (la somme
disjointe X Y étant munie quant à elle de sa topologie décrite plus haut).
(1.5.13.3) Dans la catégorie des groupes, la somme amalgamée de deux
groupes G et H le long d’un groupe K muni de deux morphismes g : K → G
et h : K → H existe, et est notée G ∗K H. On peut par exemple la construire
comme le quotient du produit libre G ∗ H par son plus petit sous-groupe
distingué D contenant les éléments de la forme g(k)h(k)−1 pour k ∈ K.
Cette présentation a l’avantage de rendre triviale la vérification de la propriété
universelle, mais l’inconvénient de ne pas être très maniable en pratique : elle
ne dit pas comment décider si deux mots de G ∗ H ont même classe modulo D.
Toutefois, si g et h sont injectives, on peut décrire G ∗K H d’une façon
plus tangible (cela revient peu ou prou à exhiber un système de représentants
explicite de représentants de la congruence modulo D), que nous allons
maintenant détailler. Pour alléger les notations, nous utilisons les injections g
et h pour identifier K à un sous-groupe de G aussi bien que de H.
On fixe un système de représentants S des classes non triviales de G
modulo K, et un système de représentants T des classes non triviales de H
modulo K. Un élément de ∗K H est alors un mot x1 . . . xn où chaque xi est
` G`
un élément de (K \ {e}) S T et où :
- l’ensemble des indices i tels que xi ∈ K \ {e} est vide ou égal à {1} ;
- pour tout indice i 6 n − 1, on a xi+1 ∈ T si xi ∈ S, et xi+1 ∈ S si xi ∈ T .
On fait le produit de deux mots en les concaténant, puis en transformant le
mot obtenu par l’algorithme suivant.
• Si le mot contient une séquence de la forme kk 0 où k et k 0 appartiennent
à K, et si z désigne le produit kk 0 calculé dans K, alors :
Adjonction 55
si z = e on supprime la séquence kk 0 ;
si z 6= e on remplace la séquence kk 0 par la lettre z.
• Si le mot contient une séquence de la forme sy avec s ∈ S et y ∈ K \ {e}
ou y ∈ S on pose z = sy ∈ G ; puis on écrit z = ks0 avec k ∈ K
et s0 ∈ S ∪ {e}, et l’on procède comme suit :
si k = e et s0 = e on supprime la séquence sy ;
si k = e et s0 6= e on remplace la séquence sy par la lettre s0 ;
si k 6= e et s0 = e on remplace la séquence sy par la lettre k ;
si k 6= e et s0 6= e on remplace la séquence sy par la séquence ks0 .
• Si le mot contient une séquence de la forme ty avec t ∈ T et y ∈ K \ {e}
ou y ∈ T on pose z = ty ∈ H ; puis on écrit z = kt0 avec k ∈ K
et t0 ∈ T ∪ {e}, et l’on procède comme suit :
si k = e et t0 = e on supprime la séquence ty ;
si k = e et t0 6= e on remplace la séquence ty par la lettre t0 ;
si k 6= e et t0 = e on remplace la séquence ty par la lettre k ;
si k 6= e et t0 6= e on remplace la séquence ty par la séquence kt0 .
• On recommence jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de séquence de l’une des
trois formes évoquées ; le mot est alors sous la forme requise.
L’élément neutre de G ∗K H est le mot vide.
(1.5.13.4) Dans la catégorie des anneaux commutatifs unitaires, la somme
amalgamée de deux anneaux B et C le long d’un troisième anneau A existe,
c’est le produit tensoriel B ⊗A C, que nous verrons un peu plus loin.
J’invite le lecteur à écrire lui-même à propos des sommes disjointes
et amalgamées, les quelques tautologies duales de celles vues plus
haut sur les produits cartésiens et produits fibrés.
1.6 Adjonction
(1.6.1) Définition. Soient C et D deux catégories, et soient F : C → D et G :
D → C deux foncteurs covariants. On dit que F est un adjoint à gauche de G,
ou que G est un adjoint à droite de F , ou que (F, G) est un couple de foncteurs
adjoints, s’il existe une collection d’isomorphismes
HomD (F (A0 ), B)
' / HomC (A0 , G(B))
ι(A0 ,B)
◦F (u) ◦u
HomD (F (A), B)
' / HomC (A, G(B))
ι(A,B)
v◦ G(v)◦
HomD (F (A), B 0 )
' / HomC (A, G(B 0 ))
ι(A,B 0 )
56 Le langage des catégories
commute.
(1.6.1.2) Exercice. Décrire la donnée des ι(A,B) comme un morphisme de
foncteurs.
(1.6.2) Soient C et D deux catégories, et soit G : D → C un foncteur covariant.
(1.6.2.1) Supposons que G admet un adjoint à gauche F , et fixons un objet A
de C. Le foncteur covariant
X Y
`
(deux objets, pas de morphismes) existe si et seulement si X Y existe, et si
c’est le cas les deux coı̈ncident.
(1.7.5.3) Les deux exemples précédents se généralisent comme suit : soit
D = (Xi )i∈I un diagramme constitué d’une famille d’objets, Qsans morphismes.
Dire que lim D existe revient à dire que le foncteur Y 7→ HomC (Xi , Y ) est
−→ `
représentable ; si c’est le cas la limite est notée X`
i et est appelée la somme
disjointe des Xi . Se donner un morphisme depuis Xi , c’est se donner un
morphisme depuis chacun des Xi .
(1.7.5.4) Soient S → X et S → Y deux morphismes de C. La limite inductive
du diagramme
X_ ?Y
S
`
existe si et seulement si X S Y existe, et si c’est le cas les deux coı̈ncident.
60 Le langage des catégories
X Y
S
existe si et seulement si X ×S Y existe, et si c’est le cas les deux coı̈ncident.
(1.7.7) Soit C une catégorie, et soit D = ((Xi ), (Eij ) un diagramme dans C.
Supposons que pour tout objet Y de C et tout i, l’ensemble Hom(Xi , Y ) soit
ou bien vide, ou bien un singleton ; c’est par exemple le cas si C est la catégorie
des algèbres sur un anneau A et si Xi est pour tout i un quotient de A.
Dans ce cas, pour tout objet Y de C, l’ensemble HomC (D, Y ) est vide s’il
existe i tel que HomC (Xi , Y ) soit vide, et est un singleton sinon. En effet, il
est clair que s’il existe i tel que Hom‘C (Xi , Y ) = ∅ alors HomC (D, Y ) = ∅.
Dans le cas contraire, HomC (Xi , Y ) est pour tout i un singleton {fi }, et le seul
élément éventuel de HomC (D, Y ) est donc la famille (fi ) ; mais celle-ci appartient
effectivement à HomC (D, Y ) : comme fi est le seul élément de HomC (Xi , Y ) pour
tout i, les conditions du type fj ◦ f = fi sont automatiquement vérifiées.
On voit donc que HomC (D, Y ) ne dépend que de (Xi ), et pas de la famille
de morphismes (Eij ) ; il en va dès lors de même de l’existence de lim D, et de
−→
sa valeur le cas échéant.
Nous laissons le lecteur énoncer les assertions duales à propos des limites
projectives.
(1.7.8.5) Supposons que C = Gp. Nous allons nous contenter d’indiquer ici
succinctement la construction de lim D (nous ne nous en servirons pas). On
−→
commence par construire le produit libre ?i Xi (qui sera la somme disjointe
des Xi dans la catégorie des groupes) : c’est l’ensemble des mots dont les lettres
sont des éléments non triviaux des Xi , deux lettre consécutives n’appartenant
jamais au même Xi . Pour tout j, soit ιj le morphisme canonique Xj ,→ ?i Xi . La
limite inductive de D est alors le quotient de ?i Xi par son plus petit sous-groupe
distingué contenant ιi (x)ιj (f (x))−1 pour tout couple (i, j), tout x appartenant
à Xi et toute f ∈ Eij . Pour tout j, la flèche structurale νj : Xj → lim D est la
−→
composée de ιj et du morphisme quotient ; on remarque que lim D est engendré
−→
par les νi (Xi ).
Algèbre commutative
2.1 Localisation
(2.1.1) Soit A un anneau. Lorsqu’on se donne un sous-ensemble P de A,
on sait construire un anneau défini à partir de A, en décrétant que les
éléments de P sont nuls, et en n’imposant aucune autre contrainte que celle-
ci, et ses conséquences découlant de la théorie générale des anneaux : c’est le
quotient A/(P ). Celui-ci est caractérisé par sa propriété universelle, c’est-à-dire
encore par le foncteur (ici, covariant) qu’il représente.
C’est en fait une illustration d’un phénomène assez général : à chaque
fois lorsqu’on veut intuitivement imposer une contrainte, et seulement cette
contrainte, la construction rigoureuse qui répond à ce caprice s’exprime en
termes de propriété universelle, ou encore de foncteur à représenter.
(2.1.2) Nous allons en voir un nouvel exemple avec ce qu’on appelle la
localisation. Soit A un anneau, et soit S un sous-ensemble de A. Le but intuitif
est de construire un objet à partir de A en imposant aux éléments de S d’être
inversibles – et rien d’autre. Techniquement, on s’intéresse au foncteur covariant
et nous allons montrer de deux façons différentes qu’il est représentable, c’est-
à-dire qu’il existe un anneau C et un morphisme g : A → C tels que :
• g(S) ⊂ C × ;
• pour tout f : A → B tel que f (S) ⊂ B × , il existe un unique h : C → B
faisant commuter le diagramme
A
f
/B
?
g .
h
C
65
66 Le langage des catégories
et g = a 7→ a.
(2.1.3.1) Soit f : A → B un morphisme tel que f (S) ⊂ B × ; nous allons
montrer l’existence d’un unique h : C → B tel que f = h ◦ g. Voyant B
et C comme des A-algèbres via f et g respectivement, cela revient à montrer
l’existence d’un unique morphisme h de A-algèbres de C vers B.
Unicité. Soit h un tel morphisme. On a alors pour tout s ∈ S les égalités
((a, s); (b, t)) 7→ (at + bs, st) et ((a, s); (b, t)) 7→ (ab, st)
a
Si (a, s) ∈ A × S, on écrira s au lieu de (a, s). Cette notation permet de
disposer des formules naturelles
a b at + bs a b as
+ = et · = ,
s t st s t bt
et l’on a
a b
= ⇐⇒ ∃r ∈ S, r(at − bs) = 0.
s t
a −1
L’application a → 7 1 est un morphisme d’anneaux de A dans S A, et
s 1
si s ∈ S alors 1 est inversible, d’inverse s .
Le couple (S −1 A, a 7→ a1 ) représente le foncteur F . En effet, soit f : A → B
un morphisme tel que f (S) ⊂ B × ; nous allons montrer qu’il existe un unique
morphisme h de S −1 A dans B tel que h( a1 ) = f (a) pour tout a ∈ A.
Unicité. Soit h un tel morphisme. On a alors pour tout (a, s) ∈ A × S les
égalités
a a s −1
a 1
h =h · =h h = f (a)f (s)−1 ,
s 1 s 1 1
d’où l’unicité.
Existence. On vérifie immédiatement que l’application
A /K
;
Frac A
a f (a)
7→ .
s f (s)
a
des Si , il existe i tel que s ∈ Si , et α est dès lors égal à l’image de l’élément s
de Si−1 A.
(2.1.8.2) Soit (i, j) ∈ I 2 , soit α ∈ Si−1 A et soit β ∈ Sj−1 A. Supposons que α
et β ont même image dans Σ−1 A ; il existe alors un majorant k de {i, j} tel
que α et β aient déjà même image dans Sk−1 A. Pour le voir, on écrit α = as
et β = bt avec (a, b) ∈ A2 , s ∈ Si et t ∈ Sj . Comme α et β ont même image
dans Σ−1 A, il existe σ ∈ Σ tel que σ(at−bs) = 0. Puisque Σ est la réunion des Si ,
il existe ` tel que σ ∈ S` . Choisissons un majorant k de {i, j, `}. Comme k 6 `,
l’élément σ est inversible dans Sk−1 A, et l’égalité σ(at − bs) = 0 implique donc
que at − bs = 0 dans Sk−1 A, et partant que as = bt dans Sk−1 A, ce qui termine la
preuve.
(2.1.8.3) Remarque. Comme la limite inductive de D dans la catégorie des A-
algèbres est aussi sa limite inductive dans la catégorie des anneaux ainsi que
dans celle des A-modules (cela découle de 1.7.9.3), il résulte de ce qui précède
que Σ−1 A s’identifie également à la limite inductive de D dans la catégorie des
anneaux et dans celle des A-modules.
(2.1.9) Localisation et limite inductive : le cas général. Nous allons
donner dans ce qui suit une preuve plus conceptuelle du fait que le morphisme
de A-algèbres lim D → Σ−1 A de 2.1.8 est un isomorphisme ; cette nouvelle
−→
démonstration a l’avantage de marcher sous des hypothèses nettement plus
faibles que nous allons maintenant énoncer.
On conserve les notations A et Σ de 2.1.8. On désigne par contre maintenant
par I un ensemble quelconque, et l’on se donne pour tout i ∈ I une partie
multiplicative Si de A contenue dans Σ ; nous supposons simplement que les Si
engendrent multiplicativement Σ.
On se donne un diagramme D dans la catégorie des A-algèbres dont la famille
d’objets est (Si−1 A)i ; on n’impose rien à la famille des flèches de D.
(2.1.9.1) Soit (B, f : A → B) une A-algèbre ; pour toute partie multiplicative S
de A, l’ensemble HomA-Alg (S −1 A, B) est un singleton si f (S) ⊂ B × , et est
vide sinon. Il s’ensuit en vertu de 1.7.7 que HomA-Alg (D, B) est un singleton
si f (Si ) ⊂ B × pour tout i, et est vide sinon, et ce quelles que soient les flèches
de D.
Comme les Si engendrent multiplicativement Σ, on a f (Si ) ⊂ B × pour
tout i si et seulement si f (Σ) ⊂ B × . En conséquence, on dispose d’un
isomorphisme fonctoriel en B entre HomA-Alg (D, B) et HomA-Alg (Σ−1 A, B), qui
montre que Σ−1 A s’identifie à la limite inductive du diagramme D.
(2.1.9.2) Commentaires. Insistons à nouveau sur le fait que ce qui précède vaut
pour tout diagramme D dont la famille d’objets est (Si−1 A)i . C’est par exemple
le cas du diagramme sans flèches : la A-algèbre Σ−1 A est ainsi en particulier la
somme disjointe des Si−1 A.
On prendra garde qu’ici, contrairement à ce qui valait plus haut, (cf. 2.1.8.3),
l’identification entre Σ−1 A et lim D n’est avérée a priori que dans la catégorie
−→
des A-algèbres, mais pas dans celle des anneaux ou des A-modules ; en effet,
la coı̈ncidence des limites inductives dans les différentes catégories est une
spécificité du cas filtrant, prise en défaut en général.
Idéaux premiers et maximaux 71
Ainsi, on déduit de ce qui précède que Z[1/6] est la somme disjointe de Z[1/2]
et Z[1/3] dans la catégorie des Z-algèbres, c’est-à-dire des
L anneaux ; mais leur
somme disjointe comme Z-modules est égale à Z[1/2] Z[1/3], et la flèche
naturelle M
Z[1/2] Z[1/3] → Z[1/6]
n’est pas injective (l’élément (1, −1) appartenant par exemple à son noyau).
7 >K .
A /F
'
L
A → Frac(A/p) ,→ K,
Anneaux locaux
Supposons maintenant que ii) est vraie, et soit m l’ensemble des éléments
non inversibles de A. Comme 1 est inversible, il n’appartient pas à m, qui est
donc un idéal strict. Par ailleurs, si I est un idéal strict de A, il ne contient
aucun élément inversible et est donc contenu dans m. Il s’ensuit aussitôt que ce
dernier est l’unique idéal maximal de A.
(2.2.10) Exemple trivial. Tout corps est un anneau local, dont (0) est
l’unique idéal maximal.
(2.2.11) Exemple géométrique. Nous allons donner un exemple qui illustre
la pertinence de l’épithète local. Soit X un espace topologique et soit x un
point de X. Soit V l’ensemble des voisinages ouverts de x, qui est filtrant pour
l’ordre opposé à l’inclusion. Soit D le diagramme commutatif filtrant
• Ker g = { as }a∈Ker f ;
• Ker f = {a t.q. a1 ∈ Ker g}.
(2.2.15) Idéaux premiers de S −1 A. Se donner un morphisme de S −1 A vers
un corps K revient à se donner un morphisme de A vers K qui envoie chaque
élément de S sur un élément inversible de K, c’est-à-dire sur un élément non
nul de K ; cela revient donc à se donner un morphisme de A vers K dont le
noyau ne rencontre pas S.
Compte-tenu de la description des idéaux premiers en termes de morphismes
vers un corps, et de la description explicite des noyaux donnée au 2.2.14 ci-
dessus, on en déduit que
na o n a o
p 7→ pS −1 A = , a ∈ p, s ∈ S et q 7→ a t.q. ∈ q
s 1
établissent une bijection (visiblement croissante) entre l’ensemble des idéaux
premiers de A ne rencontrant pas S et l’ensemble des idéaux premiers de S −1 A.
On peut également formuler cette dernière assertion comme suit :
l’application Spec S −1 A → Spec A induite par A → S −1 A (cf. 2.2.8) est
injective, et a pour image l’ensemble des idéaux premiers de A qui ne rencontrent
pas S.
(2.2.16) Lemme. Soit A un anneau et soit f ∈ A. Les assertions suivantes
sont équivalentes :
i) f est nilpotent ;
ii) pour tout corps K et tout morphisme ϕ : A → K on a ϕ(f ) = 0 ;
iii) f appartient à tous les idéaux premiers de A.
En d’autres termes, le nilradical de A est l’intersection de tous les idéaux
premiers de A.
Démonstration. L’équivalence de ii) et iii) résulte de la caractérisation
des idéaux premiers comme noyaux de morphismes vers un corps.
L’implication i)⇒ii) est évidente. Supposons maintenant que iii) est vraie, et
montrons i).
L’ensemble des idéaux premiers de Af est d’après 2.2.15 en bijection avec
l’ensemble des idéaux premiers de A qui ne rencontrent pas {f n }n∈N , c’est-à-dire
avec l’ensemble des idéaux premiers de A qui ne contiennent pas f . Puisqu’on
est sous l’hypothèse iii), cet ensemble est vide.
En conséquence, Af n’a aucun idéal premier, ce qui signifie qu’il est nul. Il
s’ensuit en vertu 2.1.5.2 que f est nilpotent.
(2.2.17) Localisé d’un anneau en un idéal premier. Soit A un anneau, et
soit p un idéal premier de A. Le sous-ensemble S = A \ p de A en est une partie
multiplicative, et le localisé S −1 A est le plus souvent noté Ap . On l’appelle le
localisé de A en l’idéal p.
(2.2.17.1) En vertu de 2.2.15, l’ensemble des idéaux premiers de Ap est en
bijection croissante avec l’ensemble des idéaux premiers de A ne rencontrant
pas S, c’est-à-dire contenus dans p. Or cet ensemble admet un plus grand
élément, à savoir p. On en déduit que Ap possède un et un seul idéal maximal :
celui qui correspond à p. D’après la description explicite de la bijection évoquée
(voir loc. cit.), cet idéal est pAp = { as , a ∈ p, s ∈
/ p} ⊂ Ap .
76 Algèbre commutative
existe alors une famille (a1 , . . . , an ) telle que aj appartienne à I j pour tout j,
et telle que
un + a1 un−1 + . . . + a1 u + an Id = 0.
Par récurrence, on en déduit P que l’onP a pour tout entier r et pour tout
(λ1 , . . . , λn ) ∈ An l’égalité ur ( λi ei ) = νi ei avec
ν1 λ1
. .
. = Xr · . .
. .
νn λn
pour (αij ).
78 Algèbre commutative
ii) M = IM .
Démonstration. Supposons que i) soit vraie, écrivons a = 1+b avec b ∈ I. On
a pour tout m ∈ M l’égalité (1 + b)m = 0, et donc m = −bm. Ainsi, M = IM .
Supposons que ii) soit vraie, et appliquons la proposition 2.3.1 avec u =
IdM (c’est possible puisque M est de type fini). Elle assure l’existence d’une
famille (aj ) avec aj ∈ I j pour tout j telle que
IdnM + a1 Idn−1
M + . . . + a0 IdM = 0.
M/f (N ) = mM/f (N ).
Comme il est de type fini puisque c’est déjà le cas de M , il est nul d’après le
corollaire 2.3.3 ci-dessus. Ainsi, f (N ) = M et f est surjective.
(2.3.4.2) Soit (ei )i∈i une famille d’éléments de M . Elle engendre le module M
si et seulement si les ei engendrent le A/m-espace vectoriel M/mM .
C’est en effet une simple application du 2.3.4.1 ci-dessus, au cas où N est
I
le module A(I) formé des familles (ai )i∈I de P A dont presque tous les éléments
sont nuls, et où f est l’application (ai ) 7→ ai ei .
Nous allons maintenant donner une application astucieuse et très frappante
du lemme de Nakayama.
(2.3.5) Corollaire. Soit A un anneau, soit M un A-module de type fini et
soit u un endomorphisme surjectif de M . L’endomorphisme u est alors bijectif
et u−1 est un polynôme en u.
Lemme de Nakayama 79
(M ⊗A N, (m, n) 7→ m ⊗ n).
sur les éléments de L0 ; elle induit donc par passage au quotient une application
linéaire λ : M ⊗A N → P , et l’on a pour tout (m, n) ∈ M × N les égalités
cela vient du fait que le produit tensoriel est engendré par un tenseur pur, et
qu’un tenseur pur dont l’un des deux facteurs est nul est lui-même nul.
(2.4.4.2) Symétrie du produit tensoriel. Soient M et N deux A-modules.
L’application de M × N dans N ⊗A M qui envoie (m, n) sur n ⊗ m est bilinéaire,
et induit donc une application A-linéaire M ⊗A N → N ⊗A M qui envoie m ⊗ n
sur n ⊗ m pour tout (n, m).
On a de même une application A-linéaire v : N ⊗A M → M ⊗A N qui envoie
n ⊗ m sur m ⊗ n. Il est immédiat que u ◦ v = IdN ⊗A M et v ◦ u = IdM ⊗A N (le
vérifier sur les tenseurs purs). Ainsi, u et v sont deux isomorphismes réciproques
l’un de l’autre.
82 Algèbre commutative
(Z/2Z) ⊗Z Z/3Z = 0.
Pour cela, il suffit de montrer que a⊗b = 0 pour tout a ∈ Z/2Z et tout b ∈ Z/3Z.
Donnons-nous donc un tel couple (a, b). On a
a ⊗ b = (3 − 2)a ⊗ b = 3a ⊗ b − 2a ⊗ b = a ⊗ 3b − 2a ⊗ b = 0,
puisque 2a = 0 et 3b = 0.
Plus généralement,(Z/pZ) ⊗Z Z/qZ = 0 dès que p et q sont premiers entre
eux : on raisonne comme ci-dessus, en remplaçant l’égalité 3 − 2 = 1 par une
relation de Bezout entre p et q.
(2.4.5) Produit tensoriel par un module libre de rang 1. Soit N un A-
module, et soit M un A-module libre de rang 1. Soit e une base de M .
(2.4.5.1) Soit ϕ l’application linéaire de N vers M ⊗A N donnée par la
formule n 7→ e ⊗ n. Nous allons montrer que c’est un isomorphisme en exhibant
réciproque.
Soit b l’application de M × N dans M qui envoie un couple (ae, n) sur an
(elle est bien définie car e est une base de M ) ; elle est bilinéaire, donc induit
une application A-linéaire ψ de M ⊗A N vers N qui envoie ae ⊗ n sur an pour
tout (a, n).
On vérifie immédiatement par leur effet sur les tenseurs purs que ϕ et ψ sont
réciproques l’une de l’autre.
(2.4.5.2) Un cas particulier important. On déduit de ce qui précède
que pour tout A-module N , l’application linéaire n 7→ 1 ⊗ n induit un
isomorphisme N ' A ⊗A N .
(2.4.5.3) Construction fonctorielle de ϕ. Soit P un A-module.
L’application
b 7→ [n 7→ b(e, n)]
définit une bijection fonctorielle en P entre BilA (M × N, P ) et HomA (N, P ), de
réciproque
λ 7→ [(ae, n) 7→ aλ(n)].
Par le lemme de Yoneda, cette collection de bijections est induite par une
application A-linéaire de N vers N ⊗A M , dont on vérifie qu’elle n’est autre
que ϕ.
Produit tensoriel de deux modules 83
b 7→ b(e, f )
p 7→ [(ae, bf ) 7→ abp].
b 7→ (b|M ×Ni )i
L
Q bijection fonctorielle en P de BilA (M × (
définit une Ni ), P ) vers le
produit BilA (M × Ni , P ), de réciproque
h X i
(bi ) 7→ (m, (ni )i ) 7→ bi (m, ni ) .
Propriétés d’exactitude
S = . . . → Mi → Mi+1 → Mi+2 → . . .
M0
f
/M g
/ M 00 /0
Le lecteur est invité à vérifier que cela peut se reformuler en termes plus
catégoriques de la façon suivante : le triplet
(g: M → M 00 , 0: {0} → M 00 , g ◦ f : M 0 → M 00 )
D = {0}
0
!
=M
f
M0
0 / M0 f
/M g
/ M 00
(f : M 0 → M, 0: M 0 → {0}, g ◦ f : M 0 → M 00 )
D = {0}
0
!
00
M
<
g
0 / M0 f
/M g
/ M 00 /0
de groupes (à titre d’exercice, vous pouvez vérifier que cela entraı̂ne la
commutation de F aux sommes directes finies) ;
• pour toute suite exacte S de la forme
0 → K → M 0 → P → 0, 0 → P → M → Q → 0 et 0 → Q → M 00 → R → 0
est exacte. Nous allons commencer par une preuve conceptuelle extrêmement
concise mais peu explicite, puis donner une démonstration directe à la main.
(2.4.15.1) La preuve conceptuelle. Le produit tensoriel commutant aux limites
inductives (2.4.8), l’assertion requise découle aussitôt de la caractérisation
catégorique de l’exactitude à droite d’une suite (2.4.13.1).
(2.4.15.2) Preuve à la main de la surjectivité de IdM ⊗ g. Soit (m, p)
appartenant à M ×P . Comme g est surjective, l’élément p de P a un antécédent `
dans L par g.
On a alors (IdM ⊗ g)(m ⊗ `) = m ⊗ g(`) = m ⊗ p. Ainsi, l’image de IdM ⊗ g
contient tous les tenseurs purs ; en conséquence, elle est égale à M ⊗A P tout
entier.
(2.4.15.3) Preuve à la main de l’égalité Ker(IdM ⊗ g) = Im(IdM ⊗ f ).
On a g ◦ f = 0 ; il s’ensuit que (IdM ⊗ g) ◦ (IdM ⊗ f ) = 0 ; autrement dit,
Im(IdM ⊗ f ) ⊂ Ker(IdM ⊗ g). L’application IdM ⊗ g induit donc une surjection
88 Algèbre commutative
M ⊗A L/(Im(IdM ⊗ f )) → M ⊗A P.
Pour montrer que Im(IdM ⊗ f ) est égale à Ker(IdM ⊗ g), il suffit de montrer
que cette surjection est un isomorphisme ; nous allons pour ce faire exhiber sa
réciproque.
Soit m ∈ M , soit p ∈ P et soit ` un antécédent de p par g. La classe de m ⊗ `
modulo Im(IdM ⊗ f ) ne dépend alors pas du choix de `. En effet, si `0 est
un (autre) antécédent de p alors ` − `0 ∈ Ker g = Im f . En conséquence, il
existe n ∈ N tel que ` − `0 = f (n), et l’on a donc
m ⊗ ` − m ⊗ `0 = m ⊗ (` − `0 ) = m ⊗ f (n) = (IdM ⊗ f )(m ⊗ n),
d’où l’assertion.
L’application de M × P vers M ⊗A L/(Im(IdM ⊗ f )) qui envoie (m, p) sur
la classe de m ⊗ ` pour n’importe quel antécédent ` de p est donc bien définie.
On voit immédiatement qu’elle est bilinéaire ; elle induit donc une application
A-linéaire σ : M ⊗A P → M ⊗A L/(Im(IdM ⊗ f )). On vérifie sur les tenseurs
purs que σ est bien un inverse à gauche et à droite de la surjection
M ⊗A L/(Im(IdM ⊗ f )) → M ⊗A P
induite par IdM ⊗ g, ce qui achève la démonstration.
(2.4.16) Remarque. Le foncteur N 7→ M ⊗A N n’est pas exact à gauche en
général (c’est-à-dire qu’en général, il ne préserve pas l’injectivité des flèches),
comme le montre le contre-exemple suivant.
On se place dans le cas où A = Z. Soit f : Z → Z la multiplication
par 2 ; c’est une application Z-linéaire injective. Pour tout Z-module M ,
l’endomorphisme IdM ⊗ f de M ⊗Z Z ' M est la multiplication par 2.
Lorsque M = Z/2Z, celle-ci coı̈ncide avec l’application nulle, et n’est en
particulier pas injective.
(2.4.17) On dit qu’un A-module M est plat si le foncteur N 7→ M ⊗A N est
exact, c’est-à-dire s’il transforme les injections en injections.
(2.4.17.1) La platitude n’apparaı̂tra guère dans ce cours, et c’est
essentiellement à titre culturel que nous la mentionnons. Mais il s’agit d’une
notion absolument cruciale en théorie des schémas, qui en dépit de sa définition
purement algébrique un peu sèche a un sens géométrique profond, et joue de
surcroı̂t un rôle technique majeur.
(2.4.17.2) Soit M un A-module libre ; il est alors plat. En effet, choisissons
une base (ei ) de M , et donnons-nous une injection A-linéaire N ,→ N 0 .
L
On a M = A · ei . En conséquence, on dispose d’après 2.4.9
d’isomorphismes canoniques
M M
M ⊗A N ' (A · ei ) ⊗A N, et M ⊗A N 0 ' (A · ei ) ⊗A N 0 .
Il résulte par ailleurs de 2.4.5 que l’on a pour tout indice i des isomorphismes
naturels (A · ei ) ⊗A N ' N , et (A · ei ) ⊗A N 0 ' N 0 . Il s’ensuit que (A · ei ) ⊗A N
s’injecte dans (A·ei )⊗A N 0 pour tout i, puis que M ⊗A N s’injecte dans M ⊗A N 0 .
(2.4.17.3) Notons un cas particulier important de ce qui précède : tout espace
vectoriel sur un corps est plat.
Produit tensoriel de deux modules 89
(ϕ, n) 7→ [m 7→ ϕ(m)n]
M ∨ ⊗A M
ϕ
/ EndA (M )
'
λ
τ
w
A
90 Algèbre commutative
Ceci valant pour tout (i, j), la forme linéaire τ coı̈ncide avec la trace, dont on
a ainsi donné une définition intrinsèque (ne faisant pas intervenir un choix de
base).
(B ⊗A M, m 7→ 1 ⊗ m)
surjective ; soit (f` )`∈Λ une famille génératrice de son noyau. On dispose d’une
suite exacte
P P
(a` )7→ a` f` (ai )7→ ai ei
A (Λ) / A (I) /M /0,
c’est-à-dire encore d’un isomorphisme [A(I) /(f` )` ] ' M envoyant θi sur ei pour
tout i.
Par exactitude à droite du produit tensoriel et en vertu du 2.5.5.2 ci-dessus,
cette suite induit via la tensorisation avec B une suite exacte
P P
(b` )7→ b` f` (bi )7→ bi (1⊗ei )
B (Λ) / B (I) / B ⊗A M /0,
C ⊗B (B ⊗A M ) ' C ⊗A M.
On peut le voir de deux façons différentes.
(2.5.6.1) Première méthode. Soit c ∈ C. L’application de B × M dans C ⊗A M
qui envoie (b, m) sur cb ⊗ m est bilinéaire, et induit donc une application A-
linéaire mc de B ⊗A M vers C ⊗A M .
Produit tensoriel d’un module et d’une algèbre 93
ϕ : C ⊗B (B ⊗A M ) → C ⊗A M.
ψ : C ⊗A M → C ⊗B (B ⊗A M ).
' HomC (C ⊗A M, P )
qui sont fonctoriels en P et M . Par composition on obtient un isomorphisme
naturel HomC (C ⊗B (B ⊗A M ), P ) ' HomC (C ⊗A M, P ) fonctoriel en P et M .
Le lemme de Yoneda assure qu’il provient d’une bijection C-linéaire de C ⊗A M
vers C ⊗B (B ⊗A M ), dont on vérifie qu’elle coı̈ncide avec ψ.
((m, s), (n, t)) 7→ (tm + sn, st) et ((a, s), (m, t)) 7→ (am, st)
S −1 A ⊗A M ' S −1 M
(2.6.1) Soit (Si )i∈I une famille de parties multiplicatives de A. Nous dirons
que la famille (Si ) est couvrante si pour tout idéal premier p de A, il existe i tel
que p ne rencontre pas Si .
(2.6.1.1) Il revient au même de demander que pour tout idéal premier p de A,
il existe i tel que Si s’envoie dans les éléments inversibles de Ap , c’est-à-dire
encore tel qu’il existe un morphisme de A-algèbres de Si−1 A dans Ap .
(2.6.1.2) Les deux exemples fondamentaux de famille couvrante à avoir en tête
sont les suivants.
a) La famille (A \ p)p∈Spec A est couvrante par définition.
b) Soit (fi )i∈I une famille d’éléments de A telle que l’idéal engendré par
les fi soit égal à A. La famille ({fin }n∈N )i est alors couvrante. En effet, si p est
un idéal premier de A, il ne peut contenir toutes les fi puisqu’elles engendrent A,
/ p alors p ne rencontre pas {fin }n∈N .
et si l’on choisit i tel que fi ∈
(2.6.2) On fixe une famille couvrante (Si ) de parties multiplicatives de A. Le
but de ce qui suit est de montrer que certaines propriétés (d’un module, d’un
morphisme...) sont vraies si et seulement si elles sont vraies après localisation
par chacune des Si .
(2.6.2.1) Lemme. Soit M un A module. La flèche naturelle M → i Si−1 M
Q
est injective.
−1
Démonstration. Soit m un élément tel que m1 = 0 dans Si M pour tout i
et soit J l’idéal annulateur de M . Fixons i ; par hypothèse, il existe si ∈ Si
tel que si m = 0 ; en conséquence, J rencontre tous les Si . Il n’est dès lors
96 Algèbre commutative
contenu dans aucun idéal premier de A, ce qui veut dire qu’il est égal à A ; il
vient m = 1 · m = 0.
(2.6.2.2) Corollaire. Le module M est nul si et seulement si tous les Si−1 M
sont nuls.
(2.6.2.3) Corollaire. L’anneau A est réduit si et seulement si Si−1 A est réduit
pour tout i.
Démonstration. Supposons A réduit, et soit i ∈ I. Soient a ∈ A et s ∈ Si
n
tels que l’élément as de Si−1 A soit nilpotent. Il existe n > 1 tel que asn = 0
dans Si−1 A, ce qui veut dire qu’il existe t ∈ Si tel que tan = 0. On a a fortiori
(ta)n = 0, et comme A est réduit ta = 0, ce qui entraı̂ne que as = 0 dans Si−1 A.
Ainsi, ce dernier est réduit.
Réciproquement, supposons Si−1 A réduit pour tout i, et soit a un élément
nilpotent de A. Son image dans chacun des Si−1 A est nilpotente, donc nulle et
le lemme 2.6.2.1 assure alors que a = 0.
(2.6.2.4) Lemme. Soit
D = M0
u /M v / M 00
Si−1 u Si−1 v
Si−1 D := Si−1 M 0 / S −1 M / S −1 M 00
i i
est exacte ; cela signifie que Si−1 P s’identifie au conoyau de Si−1 u, et l’exactitude
de Si−1 D entraı̂ne alors l’injectivité de Si−1 P → Si−1 M 00 .
Soit maintenant p ∈ P un élément dont l’image dans M 00 est nulle.
Puisque Si−1 P Q
→ Si−1 M 00 est injective pour tout i, l’élément p appartient au
noyau de P → Si−1 P , et est dès lors nul d’après le lemme 2.6.2.1.
(2.6.3) Nous allons maintenant énoncer un résultat de la même veine que les
précédents, mais qui requiert que la famille des Si soit finie (il ne pourra donc
pas s’utiliser en général avec la famille (A \ p)p∈Spec A ).
(2.6.3.1) Lemme. Supposons que l’ensemble d’indice I est fini, et soit M
un A-module. Il est de type fini si et seulement si Si−1 M est un Si−1 A-module
de type fini pour tout i.
Modules projectifs 97
(2.6.4) Soit
0 / M0 i /M p
/ M 00 /0
6 MO
i p
/ M0 ( 00 /0
0 ' θ 6M
(
M 0 ⊕ M 00
commute.
98 Algèbre commutative
est scindée.
(2.6.4.3) À titre d’exercice, montrez que
0 / M0 i /M p
/ M 00 /0
0 /Z ×2
/Z / Z/2Z /0
n’est pas scindée, par exemple parce qu’il n’existe aucun isomorphisme entre Z
et Z ⊕ Z/2Z, puisque Z n’admet pas d’élément de 2-torsion non trivial.
(2.6.5) Soit P un A-module. Nous laissons le lecteur vérifier que le foncteur
covariant M 7→ Hom(P, M ) est exact à gauche. Nous dirons que P est projectif
si ce foncteur est exact, c’est-à-dire encore si pour toute surjection p: M → N ,
la flèche u 7→ p ◦ u de Hom(P, M ) vers Hom(P, N ) est surjective ; en termes plus
imagés, cela signifie que toute application linéaire de P vers N se relève à M .
(2.6.5.1) Si le module P est libre, il est projectif. En effet, supposons
que P admette une base (ei )i∈I , et soit p: M → N une surjection linéaire.
Donnons-nous une application linéaire u: P → N . Choisissons 2 pour tout i
un antécédent mi de u(ei ) dans N . Soit v l’unique application A-linéaire
de P dans M envoyant ei sur mi pour tout i. On a alors pour tout i les
égalités p(v(ei )) = p(mi ) = u(ei ) ; comme une application linéaire de source P
est connue dès qu’on connaı̂t son effet sur une base, il vient p ◦ v = u, et P est
donc bien projectif.
2. Si I est infini, cela requiert l’axiome du choix.
Modules projectifs 99
0 /L i /M p
/P /0.
0→N →M →P →0
est sicndée ;
iii) la suite exacte
0 / K /L π /P /0
est scindée ;
iv) Il existe un isomorphisme L ' P ⊕ K ;
100 Algèbre commutative
v) P est facteur direct d’un module libre, c’est-à-dire qu’il existe un module Λ
tel que Λ ⊕ P soit libre.
Démonstration. L’implication i)⇒ii) a été vue au 2.6.5.3. Les implica-
tion ii)⇒iii), iii)⇒iv) et iv)⇒v) sont évidentes.
Supposons maintenant que v) soit vraie. Soit π: M → N une surjection
linéaire, et soit u: P → N une application linéaire. Comme Λ ⊕ P est libre, il
est projectif (2.6.5.1), et l’application 0 ⊕ u de Λ ⊕ P vers N se relève donc
en une application linéaire v: Λ → M ; par construction, v|P relève u et P est
projectif.
(2.6.7.1) Corollaire. Soit M un A-module projectif et soit B une A-algèbre.
Le B-module B ⊗A M est projectif.
Démonstration. Le théorème ci-dessus assure qu’il existe un A-module Λ tel
que M ⊕ Λ soit libre. Le B-moodule B ⊗A (M ⊕ Λ) = B ⊗A M ⊕ B ⊗A Λ est alors
libre, et B ⊗A M est donc projectif, là encore par me théorème ci-dessus.
(2.6.7.2) Corollaire. Soit A un anneau principal et soit M un A-module
projectif de type fini. Le module M est libre (de rang fini, cf. 0.2.5.2).
Démonstration. Le théorème ci-dessus assure qu’il existe un A-module Λ tel
que M ⊕ Λ soit libre. Cela assure en particulier que M est sans torsion ; la
théorie générale des modules sur les anneaux principaux garantit alors que M
est libre.
Am ⊕ An
t⊕Id
/ An
π⊕s q
L
p
/M
Modules projectifs 101
est alors commutatif, et les flèches π ⊕s et t⊕Id sont surjectives. Soit K 0 l’image
réciproque de K par la surjection π ⊕ s ; le module K 0 se surjecte sur K, et il
suffit dès lors de prouver que K 0 est de type fini. On déduit du diagramme
commutatif
K0 / Am ⊕ An t⊕Id
/ An
π⊕s q
K /L p
/M
induite par p est exacte par platitude de Si−1 A. Comme Si−1 M est
de présentation finie par hypothèse, Si−1 K est de type fini d’après la
proposition 2.6.9.1. Ceci vaut pour tout i ; en appliquant une fois encore le
lemme 2.6.3.1, on voit que K est de type fini, et donc que M est de présentation
finie.
102 Algèbre commutative
Le foncteur B ⊗• commute aux produits finis (qui sont des sommes directes),
et à la formation du noyau car B est plat. Il s’ensuit que
et
(2.6.11) Lemme. Soit M un A-module et soit (Si )i∈I une famille couvrante et
finie de parties multiplicatives de A. Les assertions suivantes sont équivalentes :
i) le A-module M est projectif de type fini ;
ii) pour tout i, le Si−1 -module Si−1 M est projectif de type fini.
Démonstration. L’implication i⇒ii) provient du fait que le caractère projectif
et le fait d’être de type fini sont préservés par extension des scalaires.
Supposons maintenant que ii) soit vraie ; on déduit de 2.6.8 que Si−1 M
est pour tout i un Si−1 A-module de présentation finie, et le lemme 2.6.3.1
assure alors que M est de présentation finie. Choisissons une famille
Pgénératrice
finie (mi )i∈I de M et soit p la surjection AI → M, (ai ) 7→ ai mi ; elle
induit une application HomA (M, AI ) → HomA (M, M ), d’où pour tout i une
application
Si−1 HomA (M, AI ) → Si−1 HomA (M, M )
qui s’identifie d’après la proposition 2.6.10.1 (et le fait que M est de présentation
finie) à la flèche
par un nombre fini de fractions ; soit α un multiple commun non nul de leurs
dénominateurs. Le sous A-module αM de K est isomorphe à M , et contenu
dans A ; c’est donc un idéal de A, nécessairement non nul puisque K ⊗A M est
non nul, d’où iii).
Montrons maintenant iii)⇒i). On peut supposer que M est un idéal non
nul de A ; il est donc de présentation finie par noethérianité de A. Soit p
un idéal premier de A. L’injection M ,→ A induit par platitude de Ap une
injection Mp ,→ Ap , et Mp est par ailleurs non nul puisque M est non nul et
s’injecte dans Mp (étant contenu dans l’anneau intègre A, le module M est sans
torsion).
En conséquence Mp s’identifie pour tout p à un idéal non nul de l’anneau Ap ,
lequel est principal (c’est évident si p = {0}, et c’est dû au fait que A est un
anneau de Dedekind sinon). Il s’ensuit que le Ap -module Mp est libre de rang 1.
On en déduit alors i) grâce au théorème 2.6.12 dont la condition ii) est ici
vérifiée.
Il reste à justifier la dernière assertion. Si M est un idéal principal de A
il est engendré par un élément a et est donc libre, de rang 0 si a = 0 et de
rang 1 sinon. Réciproquement, supposons que M soit un idéal de A, et qu’il
soit libre comme A-module. Si a et b sont deux éléments non nuls de M , on a
l’égalité b · a − a · b = 0, ce qui exclut qu’ils puissent figurer tous deux dans une
même famille libre. En conséquence, le rang de M est égal à zéro (auquel cas M
est nul) ou à un (auquel cas M est engendré par un élément non nul de A).
Dans tous les cas, M est principal.
(b ⊗ c) · (β ⊗ γ) = (bβ) ⊗ (cγ)
pour tout (b, β, c, γ) ∈ B × C 2 .
2
(2.7.1.1) Unicité. Elle résulte du fait que les tenseurs purs engendrent B ⊗A C
comme groupe abélien.
(2.7.1.2) Existence. Soit (b, c) ∈ B × C. L’application de B × C vers B ⊗A C
qui envoie (β, γ) sur bβ ⊗ cγ est bilinéaire. Elle induit donc une application A-
linéaire mb,c de B ⊗A C dans lui-même. On vérifie aussitôt que (b, c) 7→ mb,c est
elle-même A-bilinéaire. Elle induit donc une application A-linéaire χ de B ⊗A C
dans EndA (B ⊗A C).
On définit une loi interne sur B⊗A C par la formule (v, w) 7→ v·w := χ(v)(w).
Il découle de sa construction qu’elle est bi-A-linéaire et satisfait les égalités
(b ⊗ c) · (β ⊗ γ) = bβ ⊗ cγ
106 Algèbre commutative
B
f
#
4* / D
h
B ; ⊗A C
C
commute (ou encore un unique morphisme d’anneaux de B ⊗A C dans D qui
soit à la fois un morphisme de B-algèbres et de C-algèbres).
Unicité. Si h existe, on a nécessairement pour tout (b, c) ∈ B × C les égalités
induit un morphisme ϕ de B ⊗A A[Ti ]i∈I vers B[Ti ]i∈I , qui est à la fois un
morphisme de B-algèbres et un morphisme de A[Ti ]i∈I -algèbres.
La propriété universelle de la B-algèbre B[Ti ]i∈I assure par ailleurs
l’existence d’un unique morphisme de B-algèbres ψ: B[Ti ]i∈I → B ⊗A A[Ti ]i∈I
qui envoie Ti sur 1 ⊗ Ti pour tout i. On vérifie aussitôt que ϕ et ψ sont inverses
l’un de l’autre.
On a donc construit un isomorphisme
compatible aux structures de B-algèbres et de A[Ti ]i∈I -algèbres sur ses source
et but.
(2.7.6.2) Donnons une autre construction de ces isomorphismes. Le A-
Q e(i)
module A[Ti ]i∈I est libre de base ( i∈I Ti )e , où e parcourt l’ensemble des
applications de I dans N s’annulant presque partout.
Q e(i)
Le B-module B ⊗A A[Ti ]i∈I est donc libre de base (1⊗ i∈I Ti )e . Compte-
tenu de la définition de la loi d’anneau sur B ⊗A A[Ti ]i∈I , on a par ailleurs
e(i)
= i∈I (1 ⊗ Ti )e(i) pour tout e. Ainsi, B ⊗A A[Ti ]i∈I est une
Q Q
1 ⊗ i∈I Ti
algèbre de polynômes en les 1 ⊗ Ti : on retrouve donc l’isomorphisme du 2.7.6.1.
(2.7.6.3) En particulier A[S] ⊗A A[T ] ' (A[S])[T ] = A[S, T ] = (A[T ])[S]. On
voit bien sur cet exemple les différentes façons dont on peut penser au produit
tensoriel : la première écriture est à A[S] ce que A[T ] est à A, la seconde est
symétrique en les facteurs, la troisième est à A[T ] ce que A[S] est à A.
(2.7.7) Certains isomorphismes de modules exhibés lors de l’étude du produit
tensoriel d’un module par une algèbre se trouvent en fait, lorsque le module en
jeu est lui-même une algèbre, être des isomorphismes d’algèbres – on le vérifie
immédiatement à l’aide des formules explicites qui les décrivent. Donnons deux
exemples.
(2.7.7.1) Soit I un idéal de A et soit B une A-algèbre. L’isomorphisme
108 Algèbre commutative
S −1 A ⊗A B ' S −1 B
D ⊗B (B ⊗A C) ' D ⊗A C
(cf. 2.5.6) est alors un isomorphisme de D-algèbres et de C-algèbres.
(2.7.7.4) En vertu de 2.7.7.1 et 2.7.7.3, il existe pour toute A-algèbre B,
toute A-algèbre C, et tout idéal I de C des isomorphismes naturels
À titre d’exercice, vérifiez que l’isomorphisme C⊗R C ' C×C ainsi construit
envoie b ⊗ β sur (bβ, bβ).
On voit à travers cet exemple qu’un produit tensoriel de deux corps au-
dessus d’un troisième n’est pas nécessairement un corps, ni même un anneau
intègre. Nous allons voir qu’il peut même arriver qu’un tel produit tensoriel ne
soit pas réduit.
(2.7.8.3) Soit k un corps de caractéristique p > 0 non parfait, et soit a un
élément de k qui n’est pas une puissance p-ième. On démontre (nous laissons
la vérification au lecteur à titre d’exercice) que X p − a est alors un polynôme
irréductible. Soit L le corps k[X]/(X p − a) et soit α la classe de X dans L.
On a
L⊗k L = L⊗k k[X]/(X p −a) ' L[X]/(X p −a) = L[X]/(X p −αp ) = L[X]/(X−α)p
(2.7.9) Soit (Ai )i∈I une famille de A-algèbres. On vérifie facilement, par un
raisonnement analogue à celui tenu auxN2.7.1 et sq., qu’il existe une unique
structure de A-algèbre sur le A-module i∈I Ai (2.4.12) telle que
(⊗i xi ) · (⊗i yi ) = ⊗i xi yi
Q
pour tout couple ((xi ), (yi )) d’éléments de Ai .
110 Algèbre commutative
(2.7.9.1) Il est facile de voir que cette construction fournit la somme disjointe
des A-algèbres Ai lorsque I est fini (moralement, la raison de cette restriction
est qu’on ne sait pas quel sens donner à un produit infini d’éléments dans un
anneau, sauf s’ils sont presque tous égaux à 1).
(B ⊗Z A ⊗Z C)/(a ⊗ 1 ⊗ 1 − 1 ⊗ a ⊗ 1, 1 ⊗ a ⊗ 1 − 1 ⊗ 1 ⊗ a)a∈A .
(2.8.1) Définition. Soit B une A-algèbre. On dit que B est finie si B est de
type fini comme A-module.
(2.8.2) Exemples et premières propriétés.
(2.8.2.1) Si I est un idéal de A alors A/I est engendré par 1̄ comme A-module.
C’est donc une A-algèbre finie.
(2.8.2.2) Une A-algèbre finie est de type fini comme A-module ; elle l’est a
fortiori comme A-algèbre.
(2.8.2.3) Soit B une A-algèbre finie et soit C une B-algèbre finie. La A-
algèbre C est alors finie ; nous laissons au lecteur le soin de rédiger la preuve, qui
repose essentiellement sur un principe de la famille génératrice télescopique.
(2.8.3) Proposition-définition. Soit B une A-algèbre et soit x ∈ B. Les
assertions suivantes sont équivalentes.
i) L’élément x annule un polynôme unitaire appartenant à A[X].
ii) La A-algèbre A[x] est finie.
iii) Il existe une sous-A-algèbre finie C de B contenant x.
Lorsqu’elles sont satisfaites, on dit que x est entier sur A. Si tout élément
de B est entier sur A, on dit que B est entière sur A.
Démonstration. Supposons que i) soit vraie ; il existe alors n > 0
et a0 , . . . , an−1 ∈ A tels que
xn + an−1 xn−1 + . . . + a0 = 0.
et donc
1
= −an−1 − an−2 x − . . . − a0 xn−1 ,
x
qui appartient à A. Ainsi, x est inversible dans A et A est un corps.
(2.8.14) Pour tout entier j et toute famille finie (a1 , . . . , an ) d’éléments d’un
anneau A, on pose
X Y
Σj (a1 , . . . , an ) = ai
I⊂{1,...,n},card I=j i∈I
SA[T ]/P (Q) = (A[T ]/P )[S2 , . . . , Sn ]/((−1)n−j Σn−j (S2 , . . . , Sn ) − αj )16j6n−1 .
A[T ]/P
O
A
(la flèche de A[T ]/P vers B est en effet uniquement déterminée par les autres
flèches et la commutativité du diagramme). En dévissant ce diagramme en ses
deux triangles, on voit que cela revient à effectuer deux choix successifs.
• Première étape (le triangle inférieur). On choisit un morphisme de A-
algèbres de A[T ]/P dans B, c’est-à-dire un élément b1 de B tel
que P (b1 ) = 0 (l’image de T ) ; notons que ce morphisme fait de B
une A[T ]/P -algèbre.
• Seconde étape (le triangle supérieur). On choisit un morphisme
de A[T ]/P -algèbres de SA[T ]/P (Q) dans B, c’est-à-dire un scin-
dage (b2 , . . . , bn ) de Q dans B (l’image de (S2 , . . . , Sn )).
Mais par définition, un scindage de Q dans B est la même chose qu’un
scindage de Q e dans B, où Q e désigne l’image de Q dans B[X] ; et l’on déduit par
ailleurs de l’égalité (X − T )Q = P que (X − b1 )Q e = P dans B[X], ou encore
que Q = P/(X − b1 ).
e
On a donc finalement montré que ϕ 7→ (ϕ(T ), ϕ(S2 ), . . . , ϕ(Sn )) établit une
bijection entre HomA (SA[T ]/P (Q), B) et l’ensemble des éléments (b1 , . . . , bn )
de B n tels que P (b1 ) = 0 et tels que (b2 , . . . , bn ) soit un scindage de P/(X − b1 ),
ensemble qui n’est autre que celui des scindages de P dans B ; et cette bijection
est clairement fonctorielle en B. Il résulte alors du lemme de Yoneda qu’il existe
un (unique) isomorphisme de A-algèbres de SA (P ) sur SA[T ]/P (Q) qui envoie T1
sur T et Ti sur Si pour i > 2.
(2.8.15.4) Corollaire. Le A-module SA (P ) est libre de rang n! .
Démonstration. On raisonne par récurrence sur n. Si n = 0 alors P = 1
et SA (P ) = A, et l’assertion est vraie. Supposons maintenant n > 0 et
l’assertion démontrée au rang n−1, et reprenons les notations du lemme 2.8.15.3
ci-dessus. On a SA (P ) ' SA[T ]/P (Q). L’algèbre A[T ]/P est libre de rang n
comme A-module (une base étant donnée par 1, . . . , T n−1 ). Le polynôme Q
étant unitaire de degré n − 1, l’hypothèse de récurrence assure que SA[T ]/P (Q)
est libre de rang (n − 1)! sur A[T ]/P . Par le principe de la base télescopique,
le A-module SA (P ) est libre de rang n·(n−1)! = n!, ce qu’il fallait démontrer.
(2.8.16) Soit maintenant P = (Pi )i∈I une famille de polynômes unitaires à
coefficients dans A ; pour tout i, on écrit
Pi = X ni + ai,ni −1 X ni −1 + . . . + ai,0 .
Si B est une A-algèbre, on appellera scindage de P dans B toute
famille (bij )i∈I,16j6ni d’éléments de B telle que (bi,j )16j6ni soit pour tout i ∈ I
un scindage de Pi .
Algèbres finies et entières 117
(2.9.1) Nous allons établir ci-dessous quelques résultats classiques sur les
extensions algébriques de corps. Vous les avez sans doute déjà rencontrés, mais
probablement avec des preuves différentes de celles que nous allons donner ici,
qui exploitent deux constructions introduites plus haut : le produit tensoriel et
les algèbres de scindage universelles.
(2.9.2) Soit k ,→ L une extension de corps. L’ensemble des éléments de L
algébriques sur k est une k-algèbre d’après le corollaire 2.8.6, qui est intègre et
entière sur k ; c’est donc un corps en vertu du lemme 2.8.12 (on retrouve ainsi un
résultat classique, que vous connaissiez certainement). On l’appelle la fermeture
algébrique de k dans L.
(2.9.3) Lemme. Soit k un corps. Les assertions suivantes sont équivalentes :
118 Algèbre commutative
k >K
L
commute.
Démonstration. Les k-espaces vectoriels F et L sont non nuls, puisque ce sont
des corps. Comme ils sont libres sur k (c’est le cas de tout espace vectoriel), leur
produit tensoriel est non nul. La k-algèbre F ⊗k L étant non nulle, elle possède
un idéal maximal. Si l’on note K le corps quotient correspondant, les flèches
composées F → F ⊗k L → K et L → F ⊗k L → K satisfont les conditions
requises.
(2.9.7) Théorème. Soit k un corps et soit P = (Pi ) une famille de polynômes
non nuls à coefficients dans k. Il existe un corps de décomposition de P sur k,
et deux tels corps sont isomorphes comme extensions de k.
Démonstration. Nous allons prouver séparément l’existence et l’unicité à
isomorphisme près.
(2.9.7.1) Existence d’un corps de décomposition. Quitte à diviser chacun
des Pi par son coefficient dominant (ce qui ne change pas la notion de corps
de décomposition de P), on peut supposer qu’ils sont tous unitaires. Soit R
la k-algèbre Sk (P) (2.8.16). Les propriétés de R que nous allons utiliser ici
sont les suivantes : c’est une k-algèbre non nulle (2.8.16.4), engendrée par une
familleQ (rij )i∈I,16ri 6deg Pi qui est un scindage de P, ce qui signifie que Pi est
égal à 16j6deg Pi (X − rij ) pour tout i.
Puisque R est non nulle, elle possède un idéal maximal ; en d’autres termes,
il existe une surjection de R vers un corps K, que nous voyons comme une
extension de k via la flèche composée k → R → K. Pour tout (i, j), on note sij
l’image de rij dans K ;Q par construction, les sij engendrent K comme extension
de k, et l’on a Pi = 16j6deg Pi (X − sij ) pour tout i. Ainsi, P est scindée
120 Algèbre commutative
(2.9.9) Commentaires.
Degré de transcendance
(2.9.11) Soit k un corps, soit A une k-algèbre, et soit (xi ) une famille d’éléments
de A. On dit que les xi sont algébriquement indépendants sur k, ou que la
famille (xi ) est algébriquement indépendante sur k, si le morphisme
k[Xi ]i → k[xi ]i
qui envoie Xi sur xi pour tout i est bijectif. Il est toujours surjectif ; par
conséquent, les xi sont algébriquement indépendants si et seulement si il est
injectif, c’est-à-dire si et seulement si les xi n’annulent aucun polynôme non
trivial à coefficients dans k. Dans ce cas xi 6= xj dès que i 6= j, et toute sous-
famille de (xi )i∈I est encore algébriquement indépendante.
Si A est non nulle il existe toujours au moins une famille d’éléments
de A algébriquement indépendants sur k : la famille vide. Notons par contre
que si A = {0} elle ne possède aucune famille d’éléments algébriquement
indépendants puisque k ne s’injecte pas dans {0}.
(2.9.12) Soit L une extension de k.
(2.9.12.1) Si x ∈ L, la famille singleton {x} est algébriquement indépendante
sur k si et seulement si x n’est pas algébrique sur k. On dit alors que x est
transcendant sur k.
(2.9.12.2) Soit (xi ) une famille d’éléments de L algébriquement indépendants
sur k. Le corps k(xi )i∈I engendré par k et les xi s’identifie au corps de fractions
rationnelles k(Xi )i∈I en les indéterminées Xi .
Il résulte immédiatement des définitions que si x est un élément de L, les
assertions suivantes sont équivalentes :
i) x est transcendant sur k(xi )i∈I ;
ii) la famille obtenue en concaténant (xi )i∈I et {x} est algébriquement
indépendante.
(2.9.12.3) On appelle base de transcendance de L sur k une famille d’éléments
de L algébriquement indépendants sur k et maximale pour cette propriété.
Il découle de 2.9.12.2 qu’une famille (xi ) d’éléments de L est une base de
transcendance de L sur k si et seulement si les deux conditions suivantes sont
satisfaites :
i) les xi sont algébriquement indépendants sur k ;
ii) L est algébrique sur k(xi )i∈I .
(2.9.13) Proposition. Soit k un corps et soit L une extension de k.
Soit (xi )i∈I et (yj )j∈J deux familles d’éléments de L. On suppose que les xi
sont algébriquement indépendants sur k et que L est algébrique sur k(yj )j∈J .
1) Il existe un sous-ensemble J0 de J tel que la concaténation de (xi )i∈I
et (yj )j∈J0 soit une base de transcendance de L sur k.
2) Pour tout i0 ∈ I il existe j ∈ J tel que la famille obtenue en
concaténant (xi )i∈I,i6=i0 et {yj } soit algébriquement indépendante sur k.
Démonstration. On démontre les deux assertions séparément.
122 Algèbre commutative
est encore algébriquement indépendante sur k, ce qui force les yj` à être deux à
deux distincts ; à permutation près, F est donc la concaténation de (y1 , . . . , yn )
et (xi )i∈I 0 . Mais (yj )16j6n est une base de transcendance de L sur k, c’est-à-dire
une famille algébriquement indépendante sur k maximale pour cette propriété ;
en conséquence, I 0 = ∅, ce qu’on souhaitait établir.
Ainsi, toute famille d’éléments de L algébriquement indépendants sur k est
finie, de cardinal majoré par n. En particulier, toute base de transcendance
de L sur k a un cardinal majoré par n, et partant égal à n par minimalité de ce
dernier.
(2.9.14.2) Second cas : on suppose que toutes les bases de transcendance de L
sur k sont infinies. Pour le traiter, nous allons avoir recours à quelques rudiments
de la théorie des cardinaux infinis ; le lecteur que cela mettrait mal à l’aise peut
admettre la proposition dans ce cas – d’autant qu’il ne nous servira pas dans la
suite : nous ne l’avons inclus que par souci d’exhaustivité.
Soient donc (xi )i∈I et (yj )j∈J deux bases de transcendance de L sur k,
supposées infinies.
Soit j ∈ J. Comme (xi )i∈I est une base de transcendance de L sur k,
l’élément yj est algébrique sur k(xi )i∈I ; les coefficients de son polynôme minimal
sur ce corps ne font effectivement intervenir qu’un ensemble fini de xi , ce qui
veut dire qu’il existe un sous-ensemble fini Ij de I tel que yj soit algébrique
sur k(xi )i∈Ij .
Posons I 0 = j Ij . Chacun des yj est algébrique sur k(xi )i∈I 0 , et L est
S
algébrique sur k(yj )j∈J . Il s’ensuit que L est algébrique sur (xi )i∈I 0 . Si I 0 était
différent de I il existerait un élément i0 ∈ I \ I 0 , et xi0 serait (comme tout
élément de L) algébrique sur k(xi )i∈I 0 , contredisant le caractère algébriquement
indépendant de (xi )i∈I .
Par conséquent I 0 = I, et I est donc réunion d’une famille d’ensembles finis
indexée par J. Il vient card I 6 card J, puis card J 6 card I par symétrie et
finalement card I = card J.
(2.9.15) Quelques conséquences. Soit k un corps et soit L une extension
de k ; soit n le degré de transcendance de L/k.
(2.9.15.1) Soit (xi )i∈I une famille d’éléments de L algébriquement
indépendants sur k. L’assertion 1) de la proposition 2.9.13, appliquée en
prenant (yj )j∈J égale à la famille de tous les éléments de L (arbitrairement
indexés), assure que (xi )i∈I est contenue dans une base de transcendance de L
sur k. Il s’ensuit que card I 6 n, et que si n est fini alors (xi )i∈I est une base
de transcendance si et seulement si card I = n.
(2.9.15.2) Soit (yj )j∈J une famille d’éléments de L tels que L soit algébrique
sur k(yj )j∈J . L’assertion 1) de la proposition 2.9.13, appliquée en prenant (xi )i∈I
égale à la famille vide, assure que (yj )j∈J contient une base de transcendance
de L sur k. Il s’ensuit que card J > n, et que si n est fini alors (yj )j∈J est une
base de transcendance si et seulement si card J = n.
(2.9.16) Vous aurez sans doute remarqué qu’il y a une analogie très poussée
entre la théorie de l’indépendance algébrique et celle de l’indépendance linéaire,
aux termes de laquelle :
124 Algèbre commutative
.
Spec A/I / Spec A
La flèche Spec A/I → Spec A induit une bijection entre Spec A/I et l’ensemble
des idéaux premiers de A contenant I, et la flèche Spec B/J → Spec B
induit une bijection entre Spec B/J et l’ensemble des idéaux premiers de A
contenant J ; on peut donc, quitte à remplacer A par A/I et B par B/J, se
ramener au cas où I et J sont nuls et où f est injective
126 Algèbre commutative
p0 ( p1 ( . . . ( pn
où les pi sont des idéaux premiers de A (attention : notez bien que la
numérotation commence à 0).
(2.9.20.1) Remarque. L’ensemble E peut être vide. C’est le cas si et
seulement si A n’a pas d’idéaux premiers, c’est-à-dire si et seulement si A = {0} ;
il y a alors une ambiguı̈té dans la définition de la dimension de Krull 3 , qu’on
lève en posant par convention dimKrull {0} = −∞.
Lorsque A est non nul, l’ensemble non vide E peut être fini, auquel cas la
dimension de Krull appartient à N, ou infini – cela signifie qu’il existe des chaı̂nes
strictement croissantes arbitrairement longues d’idéaux premiers de A, et l’on a
alors dimKrull A = +∞.
(2.9.20.2) Commentaire sur la terminologie. Nous verrons lors du cours
sur les schémas que le terme dimension est bien choisi : la dimension de Krull
d’un anneau peut en effet s’interpréter comme la dimension du schéma qui lui
est associé.
(2.9.20.3) Anneaux de dimension nulle. Un anneau A est de dimension
de Krull nulle si et seulement si il possède un et un seul idéal premier. C’est
notamment le cas lorsque A est un corps.
(2.9.20.4) Anneaux intègres de dimension 1. Un anneau intègre A est de
dimension 1 si et seulement si les deux conditions suivantes sont satisfaites :
• A possède un idéal premier non nul ;
• tout idéal premier non nul de A est maximal.
C’est notamment le cas lorsque A est un anneau de Dedekind qui n’est pas
un corps. En particulier, tout anneau principal qui n’est pas un corps est de
dimension de Krull égale à 1.
(2.9.20.5) Un anneau de dimension de Krull infinie. Soit A
l’anneau k[Xi ]16i . Pour tout j ∈ N, l’idéal pj := (Xi )16i6j de A est premier : en
effet, le quotient A/pj s’identifie naturellement à l’anneau intègre k[Xi ]i>j . Pour
3. En effet, nous invitons le lecteur à vérifier que la borne supérieure de la partie vide est
par définition le plus petit élément de l’ensemble ordonné dans lequel on travaille (s’il existe).
Il faut donc préciser ici quel est l’ensemble en question ; les conventions adoptées reviennent
à décider qu’on travaille dans R ∪ {−∞, +∞}.
Algèbres finies et entières 127
(0) ( p1 ( p2 ( . . . ( pn .
sur k[y1 , . . . , yd ]. Nous avons opté pour l’épithète entière car ce que notre
preuve du lemme de normalisation de Noether montre effectivement, c’est bien
le caractère entier de A sur k[y1 , . . . , yd ].
(2.10.4.2) Supposons A intègre. Dans ce cas, son corps des fractions est
engendré par des éléments algébriques sur k(y1 , . . . , yd ) et est donc lui-même
algébrique sur k(y1 , . . . , yd ). En conséquence, (y1 , . . . , yd ) est une base de
transcendance de Frac A sur k, et l’entier d est dès lors nécessairement égal
au degré de transcendance de Frac A sur k.
Le Nullstellensatz
(0) = p0 ( p1 ( . . . ( pd
(que les inclusions soient strictes résulte du fait évident que yi ∈ / pi−1 pour
tout i > 1). Par conséquent, la dimension de Krull de k[y1 , . . . , yd ] est au moins
égale à d.
Nous allons montrer maintenant qu’elle vaut au plus d. Soit
q0 ( q1 ( . . . ( qm
Préfaisceaux
rU →V : F (U ) → F (V )
135
136 Théorie des faisceaux
(3.1.3.2) On peut définir un préfaisceau de façon plus concise, qui vous paraı̂tra
peut-être un peu pédante (mais a l’avantage de se généraliser à bien d’autres
cadres que celui de la topologie). Soit OuvX la catégorie dont les objets sont
les ouverts de X et les flèches les inclusions ; un préfaisceau sur X est alors
simplement un foncteur contravariant de OuvX vers C.
rU →V rU →V
F (V ) / G (V )
ϕ(V )
U 7→ Im ϕ(U )
U 7→ Ker ϕ(U )
138 Théorie des faisceaux
pour tout ouvert U de X. On dit que Ker ϕ est le noyau de ϕ ; c’est un sous-
préfaisceau de F , et ϕ est injectif si et seulement si son noyau est le préfaisceau
trivial.
(3.1.6.6) Soit D un diagramme dans Pref X ; pour tout ouvert U de X, on
note D(U ) le diagramme dans C déduit de D par évaluation en U de ses
constituants. Il est immédiat que
U 7→ G (f −1 (U ))
fonctoriels en F et G .
Soient donc F un faisceau sur X et G un faisceau sur Y . On note E
l’ensemble des couples (U, V ) où U est un ouvert de X et où V est un ouvert
de Y tel que f (V ) ⊂ U . On munit E de la relation d’ordre partiel pour laquelle
on a (U 0 , V 0 ) 6 (U, V ) si U 0 ⊂ U et V 0 ⊂ V .
Si V est un ouvert de Y on note EV l’ensemble des ouverts U de X tels
que (U, V ) ∈ E (cette notation est compatible avec celle introduite au 3.1.7.2).
(3.1.10.1) Définition de H(F , G ). On définit H(F , G ) comme l’ensemble des
familles (h(U,V ) )(U,V )∈E telles que :
• hU,V est pour tout (U, V ) ∈ E un élément de Hom(F (U ), G (V )) ;
• pour tout (U, V ) ∈ E et pour tout (U 0 , V 0 ) ∈ E tel que (U 0 , V 0 ) 6 (U, V )
le diagramme
hU,V
F (U ) / G (V )
rU →U 0 rV →V 0
F (U 0 ) / G (V 0 )
hU 0 ,V 0
commute.
(3.1.10.2) Construction d’un isomorphisme H(F , G ) → Hom(f −1 F , G ).
Soit (hU,V ) un élément de H(F , G ). Les faits suivants découlent de la
définition de H(F , G ) :
• pour tout ouvert V de Y , la famille (hU,V )U ∈EV est un morphisme du
diagramme D V défini en 3.1.7.2 vers G (V ) et induit donc un morphisme ϕ(V )
de f −1 F (V ) dans G (V ) ;
• lorsque V parcourt l’ensemble des ouverts de Y , la famille des ϕ(V ) se
comporte bien vis-à-vis des restrictions, et définit dès lors un morphisme ϕ
de f −1 F vers G .
En envoyant (hU,V ) sur ϕ, on définit une application a de H(F , G )
vers Hom(f −1 (F ), G ) qui est manifestement fonctorielle en F et G .
Réciproquement soit ϕ un morphisme de f −1 F vers G , et soit (U, V ) ∈ E.
On dispose par définition de f −1 F d’une flèche naturelle F (U ) → f −1 F (V ) ;
sa composée avec ϕ(V ) est un morphisme hU,V de F (U ) vers G (V ). On vérifie
140 Théorie des faisceaux
sans difficulté que (hU,V ) ∈ H(F , G ). En envoyant ϕ sur (hU,V ) on définit une
application b de Hom(f −1 (F ), G ) vers H(F , G ), fonctorielle en F et G .
Nous laissons le lecteur s’assurer que a et b sont inverses l’une de l’autre.
(3.1.10.3) Construction d’un isomorphisme H(F , G ) → Hom(F , f∗ G ).
Soit (hU,V ) un élément de H(F , G ). Pour tout ouvert U de X, on
pose ψ(U ) = hU,f −1 (U ) . C’est par définition un morphisme de F (U )
dans G (f −1 (U )) = f∗ G (U ). Lorsque U parcourt l’ensemble des ouverts de X,
la famille des ψ(U ) se comporte bien vis-à-vis des restrictions, et définit dès lors
un morphisme ψ de F vers f∗ G .
En envoyant (hU,V ) sur ψ, on définit une application α de H(F , G )
vers Hom(F , f∗ G ) qui est manifestement fonctorielle en F et G .
Réciproquement soit ψ un morphisme de F vers f∗ G , et soit (U, V ) ∈ E.
Par définition, ψ(U ) est une flèche de F (U ) vers f∗ G (U ) = G (f −1 (U )) ;
sa composition avec la restriction G (f −1 (U )) → G (V ) est un morphisme
hU,V de F (U ) vers G (V ). On vérifie sans difficulté que (hU,V ) ∈ H(F , G ).
En envoyant ψ sur (hU,V ) on définit une application β de Hom(F , f∗ G )
vers H(F , G ), fonctorielle en F et G .
Nous laissons le lecteur s’assurer que α et β sont inverses l’une de l’autre.
Faisceaux
par la famille (sx )x∈X de ses germes. On en déduit qu’un morphisme d’un
préfaisceau F sur X vers un faisceau G sur X est entièrement déterminé par la
famille (Fx → Gx )x∈X de morphismes induits au niveau des fibres.
(3.1.14) Exemples.
(3.1.14.1) Si X est un espace topologique, U 7→ C 0 (U, R) est un faisceau
de R-algèbres sur X.
(3.1.14.2) Si X est une variété différentielle, U 7→ C ∞ (U, R) est un faisceau
de R-algèbres sur X.
(3.1.14.3) Si X est une variété analytique complexe, U 7→ H (U, C) est
un faisceau de C-algèbres sur X, où H (U, C) désigne l’anneau des fonctions
holomorphes sur U .
(3.1.14.4) Si X est un espace topologique et {∗} un singleton, le préfaisceau
constant U 7→ {∗} est un faisceau d’ensembles (et aussi d’ailleurs de groupes,
anneaux, A-modules ou A-algèbres si l’on y tient).
(3.1.14.5) Si ϕ : F → G est un morphisme de faisceau de groupes sur un
espace topologique X, le préfaisceau noyau Ker ϕ (défini au 3.1.6.4) est un
faisceau.
(3.1.14.6) Soit X un espace topologique. Pour tout faisceau F sur X, et tout
ouvert U de X, la restriction de F à U est un faisceau sur U .
(3.1.15) Contre-exemples.
(3.1.15.1) Soit X un espace topologique. Si X admet un recouvrement (Ui )
par des ouverts stricts 1 , le préfaisceau de groupes
Z si U = X
U 7→
{0} sinon
n’est pas un faisceau : les sections globales 1 et 0 sont distinctes, mais ont toutes
deux mêmes restrictions à chacun des Ui .
(3.1.15.2) Soit X un espace topologique et soit E un ensemble non singleton.
Le préfaisceau d’ensembles constant associé à E envoie en particulier ∅ sur E
et n’est donc pas un faisceau en vertu de 3.1.11.2.
(3.1.16) Autour des images préfaisceautiques. Soit X un espace
topologique et soit F un faisceau sur X. On vérifie immédiatement qu’un sous-
préfaisceau F 0 de F est un faisceau si et seulement si l’appartenance à F 0
est une propriété locale, i.e. si pour tout ouvert U de X et tout recouvrement
ouvert (Ui ) de U , une section s de F sur U appartient à F 0 (U ) dès que s|Ui
appartient à F 0 (Ui ) pour tout i.
(3.1.16.1) Soit ϕ : F → G un morphisme de faisceaux, et soit s une section
de G sur un ouvert U de X ; soit (Ui ) un recouvrement ouvert de U tel que
s|Ui appartiennent à Im ϕ pour tout i. Choisissons pour tout i un antécédent ti
de s|Ui dans F (Ui ).
1. Il existe des espaces topologiques naturels du point de vue de la géométrie algébrique qui
sont non vides et pour lesquels cette condition n’est pas vérifiée : par exemple l’espace {a, b}
dont les ouverts sont ∅, {a} et {a, b}. Notons toutefois que si X est de cardinal au moins 2 et
si tous ses points sont fermés, X est bien recouvert par des ouverts stricts.
142 Théorie des faisceaux
Supposons que ϕ est injective (il n’y a alors qu’un choix possible pour les ti ).
Dans ce cas, ti |Ui ∩Uj et tj |Ui ∩Uj coı̈ncident pour tout (i, j), puisque ce sont deux
antécédents de s|Ui ∩Uj par une flèche injective. Il s’ensuit que les ti se recollent
en une section t de F sur U , qui satisfait par construction l’égalité ϕ(t) = s.
Ainsi, Im ϕ est un sous-faisceau de G .
On ne suppose plus ϕ injective. Dans ce cas, rien ne garantit a priori que le
système (ti ) d’antécédents puisse être choisi de sorte que les ti se recollent, et
le contre-exemple ci-dessous montre que Im ϕ n’est pas un faisceau en général.
(3.1.16.2) Soit H le faisceau des fonctions holomorphes sur C, et soit d
la dérivation f 7→ f 0 , qui est un endomorphisme du faisceau de C-espaces
vectoriels H . La fonction z 7→ 1/z appartient à H (C× ). Comme n’importe
quelle fonction holomorphe, elle admet localement des primitives et appartient
donc localement à Im d. Par contre, elle n’admet pas de primitive sur C× (il
n’existe pas de logarithme complexe continu sur C× ) ; elle n’appartient donc pas
à Im d(C× ). En conséquence, Im d n’est pas un faisceau.
(3.1.17) On observe là un cas particulier d’un phénomène général : lorsqu’on
applique aux faisceaux des constructions naı̈ves (c’est-à-dire définies ouvert
par ouvert), on obtient des préfaisceaux qui n’ont en général aucune raison
d’être des faisceaux. Qu’à cela ne tienne : on y remédie grâce au procédé de
faisceautisation, que nous allons maintenant décrire. Il consiste grosso modo à
modifier un préfaisceau donné pour en faire un faisceau, sans l’altérer davantage
que ne le requiert cet objectif ; cela va se traduire rigoureusement en terme de
foncteur à représenter.
La faisceautisation
F
ϕ
/G
?
π .
ψ
F
c
Il est immédiat que F c est un faisceau (de fonctions à valeurs dans G). On
note π le morphisme de préfaisceaux de F vers F c qui pour tout ouvert U de X
associe à un élément s de F (U ) l’élément (x 7→ sx ) de F
c(U ).
fonctorielle en F et G . En conséquence, F 7→ F
c est l’adjoint à gauche du
foncteur d’inclusion de Pref X dans FaiscX .
(3.1.22) Exemples.
(3.1.22.1) Si F est un faisceau sur un espace topologique X alors F c = F ; on
le déduit ou bien de la construction de F , ou bien du fait que (F , IdF ) satisfait
c
visiblement la propriété universelle requise.
(3.1.22.2) Soit E un ensemble et soit X un espace topologique. Pour tout x
appartenant à X, la fibre en x du préfaisceau d’ensembles constant U 7→ E
est égale à E. Son faisceautisé s’identifie donc, d’après notre construction, au
faisceau des applications localement constantes sur X à valeurs dans E. On
l’appelle le faisceau constant associé à E, et on le note E.
Notez que si X est localement connexe, le faisceau E envoie un ouvert U
de X sur E π0 (U ) , où π0 (U ) est l’ensemble des composantes connexes de U . Mais
en général la description de E est un peu plus compliquée : se donner une section
de E sur un ouvert U revient à se donner une partition de U en ouverts fermés,
et à assigner à chacun d’eux un élément de E.
(3.1.22.3) Soit F un faisceau, et soit G un sous-préfaisceau de F .
L’inclusion G ,→ F induit un morphisme Gb → F .
La flèche Gb → F est injective. En effet, soit U un ouvert de X et soient s
et t deux sections de Gb sur U dont les images dans F (U ) coı̈ncident. Soit x ∈ U .
Préfaisceaux et faisceaux 145
(3.1.25.1) Insistons sur le fait qu’on n’a par contre pas modifié la définition de
l’injectivité, ni celle du noyau pour un morphisme de faisceaux de groupes : elles
restent définies ouvert par ouvert comme pour les morphismes de préfaisceaux.
(3.1.25.2) Rappelons que ϕ est un isomorphisme si et seulement si la
flèche F (U ) → G (U ) est bijective pour tout ouvert U de X (3.1.6.1). Il s’ensuit,
en vertu de 3.1.24.1, que ϕ est un isomorphisme si et seulement si il est à la fois
injectif et surjectif.
(3.1.25.3) Exercice. Soit B une base d’ouverts de X. Montrez que pour que ϕ
soit un isomorphisme, il suffit que F (U ) → G (U ) soit un isomorphisme pour
tout U ∈ B.
(3.1.25.4) Le lemme suivant a l’avantage de remettre injectivité et surjectivité
sur le même plan, alors qu’on pouvait avoir l’impression d’une certaine
dissymétrie entre elles – l’injectivité étant définie de manière naı̈ve quand la
surjectivité ne se teste qu’après faisceautisation de l’image.
(3.1.26) Lemme. Soit X un espace topologique et soit ϕ: F → G un
morphisme de faisceaux sur X. Le morphisme ϕ est injectif (resp. surjectif,
resp. bijectif) si et seulement si ϕx : Fx → Gx est injectif (resp. surjectif, resp.
bijectif) pour tout x ∈ X.
Démonstration. Nous allons démontrer séparément les assertions relative à
l’injectivité et à la surjectivité – dont la conjonction entraı̂ne l’assertion relative
à la bijectivité.
(3.1.26.1) Le cas de l’injectivité. Supposons ϕ injectif et soit x ∈ X. Soient α
et β deux éléments de Fx ayant même image dans Gx . Choisissons un voisinage
ouvert U de x tel que α et β soient les germes respectifs de deux sections s et t
de F sur U . On a alors
et l’on peut dès lors restreindre U de sorte que ϕ(s) = ϕ(t) ; comme ϕ est injectif
il vient s = t, puis α = β ; ainsi, ϕx est injectif.
Réciproquement, supposons que ϕx soit injectif pour tout x. Soit U un ouvert
de X et soient s et t deux sections de F sur U telles que ϕ(s) = ϕ(t). On a
alors pour tout x ∈ U les égalités
S = . . . → Fi → Fi+1 → Fi+2 → . . .
une suite de morphismes de faisceaux de groupes sur X, où i parcourt
l’ensemble I des entiers relatifs compris entre A et B.
Soit i un élément de I tel que i − 1 et i + 1 appartiennent à I. On dit
que la suite S est exacte en Fi si le noyau de Fi → Fi+1 est égal à l’image
de Fi−1 → Fi . On dit que S est exacte si elle est exacte en Fi pour tout i
tel que i − 1 et i + 1 appartiennent à I (les indices extrêmes, s’ils existent, ne
comptent donc pas).
Il résulte de la définition que dans une suite exacte, la composée de deux
flèches successives est toujours nulle.
(3.1.28.1) On déduit de 3.1.27 et sq. que l’exactitude d’une suite de faisceaux
de groupes en l’un de ses termes se teste sur les fibres.
(3.1.28.2) La suite
F0
f
/F g
/ F 00 /0
148 Théorie des faisceaux
0 / F0 f
/F g
/ F 00
0 / F0 f
/F g
/ F 00 /0
0 /C /H d /H /0.
Décrivons la suite exacte qui lui correspond au niveau des fibres. Soit x un
point de C. Le développement en série entière en la variable u = z − x fournit
un isomorphisme de C-algèbres entre Hx et l’anneau C{u} des séries entières
de rayon > 0. La fibre en x de la suite exacte précédente est la suite exacte
de C-espaces vectoriels
∂/∂u
0 /C / C{u} / C{u} /0.
0 / 2iπZ /H exp
/H× /1.
Décrivons la suite exacte qui lui correspond au niveau des fibres. Soit x un
point de C. Le développement en série entière en la variable u = z − x fournit
un isomorphisme de C-algèbres entre Hx et l’anneau C{u} des séries entières
de rayon > 0. La fibre en x de la suite exacte précédente est la suite exacte de
groupes abéliens
1 / F0 u /F v / F 00
1 → H → G → G /H → 1
est exacte ; et qu’inversement, si
1 → H → G → G0 → 1
150 Théorie des faisceaux
(3.1.32.2) Construction de la limite inductive. Elle est un tout petit peu moins
simple : le préfaisceau U 7→ lim D(U ) n’est pas un faisceau en général, mais son
−→
faisceautisé s’identifie à lim D (combiner la propriété universelle de la limite
−→
inductive préfaisceautique U 7→ lim D(U ) et celle du faisceautisé).
−→
ϕ∗
OX (U ) / OY (V )
ϕ∗
OX (U 0 ) / OY (V 0 )
commute.
(3.2.3.1) On prendra garde que si (U, V ) est comme au c) l’application ϕ va
de V vers U , mais l’application ϕ∗ entre anneaux de sections va dans l’autre
sens, à savoir de OX (U ) vers OY (V ).
(3.2.3.2) Les espaces annelés constituent ainsi une catégorie notée EspAnn –
la définition des identités et de la composition des morphismes est laissée au
lecteur.
(3.2.4) Exemples.
(3.2.4.1) Soient Y et X deux espaces topologique, respectivement munis de
leurs faisceaux de fonctions continues à valeurs réelles, et soit ϕ une application
continue de Y vers X. Elle induit naturellement un morphisme d’espaces annelés
entre Y et X : pour tout ouvert U de X, tout ouvert V de Y tel que ϕ(U ) ⊂ V
et toute fonction continue f : U → R, on pose ϕ∗ f = f ◦ ϕ.
(3.2.4.2) Soient Y et X deux variétés différentielles, respectivement munies
de leurs faisceaux de fonctions continues à valeurs réelles, et soit ϕ une
application C ∞ de Y vers X. Elle induit naturellement un morphisme d’espaces
annelés entre Y et X : pour tout ouvert U de X, tout ouvert V de Y tel
que ϕ(U ) ⊂ V et toute fonction C ∞ f : U → R, on pose ϕ∗ f = f ◦ ϕ.
Espaces annelés 153
et
ιjk ◦ ιij = ιik ,
les deux membres étant vus comme des isomorphismes de Xij ∩Xik sur Xki ∩Xkj .
Espaces annelés 155
Soit D le diagramme dont les objets sont les Xi et les Xij , et dont les flèches
sont les isomorphismes ιij et les immersions ouvertes Xij ,→ Xi .
Nous laissons le lecteur vérifier ce qui suit.
Soit R la relation sur
`
Xi telle que pour tout couple (i, j), tout x ∈ Xi
et tout y ∈ Xj , on ait xRy si i = j et x = y ou si i ` 6= j, x ∈ Xij , y ∈ Xji
et y = ιij (x). C’est une relation d’équivalence ; on munit Xi /R de la topologie
quotient. ` ` `
Soit U un ouvert de Xi /R ; son image réciproque sur Xi s’écrit Ui ,
où chaque Ui est un ouvert de Xi et où ιij (UiQ ∩ Xij ) ⊂ Uj ∩ Xji pour tout (i, j)
avec i 6= j. Notons O(U ) le sous-anneau de OXi (Ui ) formé des familles (si )
telles que pour tout couple (i, j) avec i 6= j on ait
et
λi |Xij = λj |Xji ◦ ιij et λj |Xji = λi |Xij ◦ ιji .
On dit que lim D est l’espace annelé obtenu en recollant les Xi le long des ιij .
−→
Les OX -modules
(f s)|V = (f |V )(s|V ).
U 7→ Hom(F |U , G |U )
définit un morphisme de OU -modules de OUn vers F |U , que l’on dira induit par
les ei . Réciproquement, tout morphisme ϕ de OU -modules de OUn vers F |U est
de cette forme : prendre ei = ϕ( 0, . . . , 1, . . . , 0 ).
| {z }
le 1 est à la place i
) (U ) ⊗OX (U ) OX
n ∨
(OX m
(U ) → Hom(OUn , OUm )
(OX ) ⊗OX OX
n ∨ m n
→ Hom(OX , OX
m
)
est un isomorphisme.
(3.2.14) Exercice. Soit F un OX -module. Montrez que H 7→ Hom(F , H )
est adjoint à droite à G 7→ G ⊗OX F .
OX (U ) → OX,x → κ(x)
OY,y / κ(y)
O O
OX,ϕ(y) / κ(ϕ(y))
r : x 7→ dimκ(x) κ(x) ⊗x F
r(y) = 0 si y 6= x et r(x) = 1.
L ⊗OX L ∨ ' OX .
Il découle immédiatement des définitions des différentes flèches en jeu que cet
isomorphisme est simplement donné par la formule
s ⊗ ϕ 7→ ϕ(s).
OX ⊗OX OX → OX , f ⊗ g 7→ f g
⊗: L × L0 → L ⊗k L0 .
Il y a bien entendu un lien entre nos deux constructions d’un produit : si v est
une base de L et v 0 une base de L0 alors v ⊗ v 0 est une base de L ⊗k L0 ; chacune
de ces bases identifie l’espace vectoriel correspondant à k, et le diagramme
(λ,µ)7→λ⊗µ
L ×O L0 / L ⊗k L0
O
(a,b)7→(av,bv 0 ) ' ' a7→av⊗v 0
k×k /k
(a,b)7→ab
commute.
Vous avez déjà maintes fois rencontré, probablement de façon implicite, ce
genre de considérations en... physique. La mesure d’une grandeur y est en effet
le plus souvent non un scalaire bien déterminé, mais un élément d’un R-espace
vectoriel réel de dimension 1 (celui des temps, celui des longueurs...), dont le
choix d’une base revient à celui d’une unité de référence. Une phrase courante
comme lorsqu’on multiplie deux longueurs, on obtient une aire évoque une
opération qui, conceptuellement, ne consiste pas à multiplier deux nombres réels
170 Espaces localement annelés
(même si en pratique, c’est évidemment ce que l’on fait, une fois choisi un
système d’unités), mais à appliquer le produit tensoriel L × L → L⊗2 , où L est
l’espace vectoriel des longueurs (et L⊗2 celui des aires). Si l’on note m la base
de L correspondant au choix du mètre comme unité de longueur, la base m ⊗ m
de L⊗2 est celle qui correspond au mètre carré comme unité d’aire.
La division d’une longueur par un temps (non nul) pour obtenir une vitesse
est un tout petit peu plus délicate à décrire en termes intrinsèques : si T désigne
l’espace des temps, elle consiste à associer à un couple (`, t) de L × (T \ {0})
l’élément l ⊗ t−1 de l’espace des vitesses L ⊗R T ∨ , où t−1 est la forme linéaire
τ 7→ τ /t sur l’espace vectoriel T (si l’on préfère, on peut décrire t−1 comme la
base duale de t). Si s désigne la base de T correspondant au choix de la seconde
comme unité de temps, la base m ⊗ s−1 de L ⊗R T ∨ est celle qui correspond au
mètre par seconde comme unité de vitesse.
Cocycles
(3.4.8) Nous allons maintenant définir des objets (qui sont des cas particuliers
de constructions cohomologiques très générales) dont nous nous servirons pour
fabriquer des OX -modules localement libres de rang 1 par recollement.
(3.4.8.1) Soit (Ui )i∈I un recouvrement ouvert de X. Un cocycle subordonné
au recouvrement (Ui ) est la donnée, pour tout couple (i, j) d’indices, d’un
élément fij ∈ OX (Ui ∩ Uj )× , satisfaisant les conditions suivantes (on pourrait
déduire ii) de i) et iii), mais nous avons préféré la faire figurer explicitement) :
i) fii = 1 pour tout i ;
−1
ii) fij = fji pour tout (i, j) ;
iii) fij · fjk = fik pour tout (i, j, k) là où cette égalité a un sens, c’est-à-dire
sur Ui ∩ Uj ∩ Uk .
L’ensemble Z(Ui ) des cocycles subordonnés à (Ui ) hérite d’une structure
naturelle de groupe, induite par la multiplication des fonctions.
(3.4.8.2) Un premier exemple : les cobords. Donnons-nous pour tout i un
élément ai ∈ OX (Ui )× . Pour tout (i, j), on note fij l’élément inversible (ai /aj )
de OX (Ui ∩ Uj )× . La famille (fij ) est alors un cocycle subordonné à (Ui ).
Les cocycles de cette forme sont appelés cobords ; l’ensemble B(Ui ) des cobords
subordonnés à (Ui ) est un sous-groupe de Z(Ui ) .
(3.4.9) Cocyles et OX -modules localement libres de rang 1. On fixe
un OX -module L0 , localement libre de rang 1. Soit (Ui ) un recouvrement
ouvert de X. Le but de ce qui suit est de construire une bijection entre le
groupe Z(Ui ) /B(Ui ) et l’ensemble G(Ui ),L0 ⊂ Pic X des classes d’isomorphie
de OX -modules L localement libres de rang 1 et tels que L |Ui ' L0 |Ui pour
tout i ; nous dirons plus simplement qu’un tel L est L0 -trivialisé par (Ui ).
Notons qu’un OX -module localement libre de rang 1 est OX -trivialisé par (Ui )
si et seulement si il est trivialisé par (Ui ) au sens de 3.4.1.1.
(3.4.9.1) Soit donc L un OX -module localement libre de rang 1 qui est L0 -
trivialisé par (Ui ) ; nous allons expliquer comment lui associer un élément
de Z(Ui ) /B(Ui ) .
Faisceaux localement libres de rang 1 171
173
Chapitre 4
0
7 >K
.
A /K
175
176 Le spectre comme espace topologique
(4.1.2.2) L’objet que l’on souhaite associer à A peut donc être défini comme
le quotient de {A → K}K corps par la relation qu’engendrent les identifications
mentionnées ci-dessus.
Ce n’est certes pas une définition très tangible. Mais il résulte de 2.2 que ce
quotient est en bijection naturelle avec l’ensemble Spec A des idéaux premiers
de A, de la façon suivante :
• à la classe d’un morphisme A → K on associe le noyau de A → K ;
• à un idéal premier p on fait correspondre la classe de la flèche
composée A → A/p ,→ Frac A/p.
De plus, d’après loc. cit., A → Frac A/p est le plus petit morphisme de
sa classe : tout morphisme A → K appartenant à celle-ci admet une unique
factorisation A → Frac A/p ,→ K.
(4.1.3) L’objet de base associé à un anneau A par la théorie des schémas
est donc l’ensemble Spec A de ses idéaux premiers. Toutefois, pour favoriser
l’intuition géométrique, il est préférable de penser aux éléments de Spec A
comme à des points, et de se rappeler qu’à tout point x de Spec A correspond,
selon les besoins :
• un idéal premier p de A ;
• une classe de morphismes A → K, où K est un corps, qui admet un plus
petit élément A → κ(x) que l’on note suggestivement f 7→ f (x).
Le lien entre les deux se déduit de 4.1.2.2 : on a
p = {f ∈ A, f (x) = 0},
le corps κ(x) est égal à Frac A/p et A → κ(x) est la flèche canonique de A
vers Frac A/p, composée de la flèche quotient A → A/p et de l’injection de A/p
dans son corps des fractions. On dit que κ(x) est le corps résiduel du point x.
(4.1.4) Ainsi, A apparaı̂t comme une sorte d’anneaux de fonctions sur Spec A,
au moins dans le sens où l’on dispose pour tout x ∈ Spec A d’un morphisme
d’évaluation f 7→ f (x), à valeurs dans le corps κ(x) qui dépend a priori de x.
(4.1.4.1) Inversibilité : tout se passe bien. Soit f ∈ A. L’élément f appartient
à A× si et seulement si il n’appartient à aucun idéal premier de A ; autrement
dit, f est inversible si et seulement si f (x) 6= 0 pour tout x ∈ Spec A : en ce
qui concerne l’inversibilité, A se comporte effectivement comme un anneau de
fonctions classiques sur Spec A.
(4.1.4.2) Annulation en tout point : les limites du point de vue fonctionnel.
Soit f ∈ A. On a f (x) = 0 pour tout x ∈ Spec A si et seulement si f appartient
à tous les idéaux premiers d A, c’est-à-dire si et seulement si f est nilpotent
(lemme 2.2.16).
Ainsi, lorsque A n’est pas réduit, f peut s’annuler en tout point sans être
elle-même nulle, et il est donc abusif de qualifier les éléments de A de fonctions ;
on le fait tout de même parfois en pratique, soit parce qu’on travaille avec des
anneaux réduits, soit pour le confort de l’analogie – mais il faut garder en tête
le problème des nilpotents !
Le spectre d’un anneau 177
La topologie de Zariski
Nous allons maintenant définir une topologie sur Spec A, et établir ses
propriétés de base, avant d’en venir aux premiers exemples de spectres.
(4.1.5) Soit E une partie de A. On note V (E) l’ensemble des points x de Spec A
tels que f (x) = 0 pour tout f ∈ E.
(4.1.6) Si (Ei )i∈IT est une famille S de sous-ensembles de A, on voit
immédiatement que V (Ei ) = V ( Ei ). Supposons maintenantQ que I est fini,
et soit F l’ensemble des éléments de A de la forme S i∈I fi où fi ∈ Ei pour
tout i ; on vérifie là encore sans problèmes que V (F ) = V (Ei ).
(4.1.7) Soit E ∈ A. Les faits suivants découlent sans difficulté des définitions.
(4.1.7.1) Si I désigne l’idéal engendré par E alors V (E) = V (I).
(4.1.7.2) Soit x ∈ Spec A et soit p l’idéal premier correspondant. Le point x
appartient à V (E) si et seulement si E ⊂ p.
(4.1.8) Il résulte de 4.1.6 que les parties de la forme V (E) pour E ⊂ A sont les
fermés d’une topologie sur Spec A, dite de Zariski. Par construction, les ouverts
de Spec A sont les parties qui sont réunion de sous-ensembles de la forme
D(f ) := {x ∈ A, f (x) 6= 0}
où f ∈ A. Notons que D(f g) = D(f ) ∩ D(g) pour tout (f, g) ∈ A2 , et que si x
est un point de Spec A correspondant à un idéal premier p alors x ∈ D(f ) si et
seulement si f ∈
/ p.
(4.1.9) La topologie de Zariski ne ressemble guère aux topologies usuelles. Par
exemple, en général les points de Spec A ne sont pas tous fermés (et Spec A
n’est a fortiori pas séparé).
Plus précisément, soit x ∈ Spec A et soit p l’idéal premier correspondant.
Il découle tautologiquement de la définition de la topologie de Zariski que {x}
est l’ensemble des points y tels que f (y) = 0 pour toute f ∈ A s’annulant en x.
Autrement dit, {x} = V (p). Cela signifie que si y est un point de Spec A
correspondant à un idéal premier q, le point y appartient à {x} si et seulement
si p ⊂ q. En particulier, le point x est fermé si et seulement si p est maximal
(et on a alors {x} = V (p)).
(4.1.10) Définition. On dit qu’un espace topologique X est quasi-compact si
de tout recouvrement ouvert de X on peut extraire un sous-recouvrement fini.
Attention : la différence entre quasi-compact et compact est que l’on
ne requiert pas qu’un espace quasi-compact soit séparé.
(4.1.11) Lemme. Soit (fi )i∈I une famille d’éléments de A. Les ouverts D(fi )
recouvrent Spec A si et seulement si l’idéal engendré par les fi est égal à A.
S
Démonstration. On a Spec A = D(fi ) si et seulement si pour tout x
appartenant à Spec A, il existe i tel que fi (x) 6= 0. En termes d’idéaux premiers,
cela se traduit comme suit : pour tout idéal premier p de A, il existe i tel
que fi ∈/ p. Cela revient à demander que l’idéal (fi ) ne soit contenu dans aucun
idéal premier de A, c’est-à-dire encore que l’idéal (fi ) soit égal à A.
(4.1.12) Corollaire. L’espace topologique Spec A est quasi-compact.
178 Le spectre comme espace topologique
Premiers exemples
(4.1.14) Si A est un anneau Spec A = ∅ si et seulement si A n’a pas d’idéal
premier, c’est-à-dire si et seulement si A = {0}. Dans le cas contraire, A admet
un idéal maximal, et Spec A possède donc au moins un point fermé (4.1.9).
(4.1.15) Soit k un corps. Il possède un unique idéal premier, à savoir {0}. Son
spectre est donc un singleton {x}, et κ(x) = Frac (k/{0}) = k ; l’évaluation en x
est bien entendu l’identité de k.
(4.1.16) Description de Spec Z. Donnons la liste des idéaux premiers de Z.
(4.1.16.1) Les idéaux maximaux. Ils sont de la forme (p) avec p premier. À
tout nombre premier p est donc associé un point fermé xp de Spec Z, qui vérifié
l’égalité V (p) = {xp } : c’est donc l’unique point d’annulation de p vu comme
fonction sur Spec Z.
On a κ(xp ) = Fp , et f 7→ f (xp ) est simplement la réduction modulo p.
(4.1.16.2) L’idéal (0). Soit η le point correspondant de Spec Z. On a
Le point η est donc dense dans Spec Z ; on dit aussi qu’il est générique.
On a κ(η) = Q, et f 7→ f (η) est simplement l’injection canonique Z ,→ Q.
(4.1.17) Les fermés de Spec Z. Soit F un fermé de Spec Z. Il est de la
forme V (I) pour un certain idéal I, que l’on peut écrire (a) avec a ∈ N (puisque Z
est principal) ; on a F = V (a).
(4.1.17.1) Si a = 0 alors F = Spec Z.
Q ni
(4.1.17.2) Si a > 1, on peut écrire a = pi où les pi sont des nombres
premiers deux à deux distincts et les ni des entiers strictement positifs. On a
alors F = {xp1 , . . . , xpn }.
(4.1.17.3) En conclusion les fermés de Spec Z sont d’une part Spec Z lui-même,
d’autre part les ensembles finis de points fermés.
(4.1.18) Description de Spec k[T ]. Soit k un corps. Nous allons maintenant
décrire le spectre de k[T ], qui est l’avatar schématique d’une variété algébrique
Le spectre d’un anneau 179
Le point η est donc dense dans Spec k[T ] ; on dit aussi qu’il est générique.
On a κ(η) = k(T ), et f 7→ f (η) est l’injection canonique k[T ] ,→ k(T ).
(4.1.18.3) Les points classiques. Soit λ un élément de k. L’unique point
d’annulation de T −λ sur Spec k[T ] est xT −λ , et l’on dispose d’un isomorphisme
(4.1.19) Les fermés de Spec k[T ]. Soit F un fermé de Spec k[T ]. Il est de la
forme V (I) pour un certain idéal I, que l’on peut écrire (Q) où Q est un élément
de k[T ] nul ou unitaire (puisque k[T ] est principal) ; on a F = V (Q).
(4.1.19.1) Si Q = 0 alors F = Spec k[T ].
Qn ni
(4.1.19.2) Si Q 6= 0, on peut écrire Q = i=1 Pi où les Pi sont des
polynômes irréductibles unitaire deux à deux distincts et où les ni sont des
entiers strictement positifs. On a alors F = {xP1 , . . . , xPn }.
(4.1.19.3) En conclusion les fermés de Spec k[T ] sont d’une part Spec k[T ]
lui-même, d’autre part les ensembles finis de points fermés.
(4.1.20) Un exemple de point fermé non naı̈f. Le polynôme T 2 +1 de R[T ]
étant irréductible, il définit un point fermé xT 2 +1 de Spec R[T ], qui est l’unique
point en lequel T 2 + 1 s’annule. Son corps résiduel R[T ]/(T 2 + 1) est isomorphe
à C (comme extension de R) de deux manières différentes : on peut envoyer T
sur i ou (−i) ; le morphisme d’évaluation f 7→ f (xT 2 +1 ) s’identifie à l’évaluation
classique f 7→ f (i) dans le premier cas, et à f 7→ f (−i) dans le second cas.
On voit que les points classiques i et (−i) de la droite affine complexe
induisent le même point fermé de Spec R[T ] : cela traduit le fait que i et (−i)
sont en quelque sorte R-indiscernables.
180 Le spectre comme espace topologique
ϕ 7→ (ϕ(T1 ), . . . , ϕ(Tn ))
et
(x1 , . . . , xn ) 7→ [f 7→ f (x1 , . . . , xn )]
établissent une bijection entre X(L) et le sous-ensemble de Ln formé des
solutions du système S. Selon les circonstances, nous verrons donc les éléments
de X(L) comme des morphisme aussi bien que comme des n-uplets d’éléments
de L.
(4.1.21.4) Soit L une extension de k et soit A → L un élément de X(L). Le
morphisme d’anneaux A → L induit un point x de X et A → L admet une
factorisation canonique sous la forme A → κ(x) ,→ L (cf. 4.1.2.2 et 4.1.3) ; il est
immédiat que κ(x) ,→ L est un k-morphisme.
Si x ∈ X, il est induit d’après 4.1.2.2 et 4.1.3 par un morphisme A → L pour
un certain corps L ; ce morphisme fait de L une k-extension et appartient dès
lors à Homk (A, L) = X(L) (4.1.21.1).
On a ainsi défini pour tout extension L de k une application X(L) vers X,
et montré que tout point de X appartient à l’image de X(L) → X pour une
certaine L.
En un sens, X est donc constitué des solutions de S à valeurs dans toutes les
extensions de k. Mais attention : X(L) → X n’est pas injective en général ; la
définition de X met en effet en jeu certaines relations d’identifications, décrites
en toute généralité en 4.1.2.1. Nous allons voir plus précisément ce qu’il en est
lorsque L = k et lorsque L est une clôture algébrique de k.
Le spectre d’un anneau 181
(4.1.21.5) Nous allons démontrer que la flèche X(k) → X est injective, et que
son image est exactement l’ensemble des points x tels que κ(x) = k.
Preuve de l’injectivité. Soit (x1 , . . . , xn ) ∈ X(k) et soit x son image sur X.
Pour tout i, le scalaire xi est le seul élément λ ∈ k tel que (Ti − λ)(x) = 0 ; ceci
montre que (x1 , . . . , xn ) peut se reconstituer à partir de x, et X(k) → X est
donc injective.
Description de l’image de X(k). Soit ϕ: A → k un élément de X(k) et soit x
son image sur X. Le corps κ(x) est alors une extension de k qui se plonge dans k,
d’où l’égalité κ(x) = k.
Réciproquement, si x ∈ X est tel que κ(x) = k, l’évaluation f 7→ f (x) est
un k-morphisme de A dans k qui induit x ; ainsi, l’image de X(k) dans X est
exactement l’ensemble des points de X de corps résiduel k.
(4.1.21.6) L’ensemble X(k), qui n’est autre que la variété algébrique sur k
(au sens naı̈f) définie par le système S, s’identifie donc canoniquement au sous-
ensemble de X0 constitué des points de corps résiduel k ; ce sont les points de X
que l’on peut considérer comme classiques. Notons qu’ils sont fermés : on
peut pour le voir ou bien invoquer 4.1.21.2, ou bien remarquer directement que
si x est un point de X tel que κ(x) = k l’évaluation f 7→ f (x) est surjective
(grâce aux constantes).
Dans la suite de ce livre nous ne distinguerons plus sauf exception un
élément (x1 , . . . , xn ) ∈ X(k) du point fermé x correspondant sur X, cet abus
n’induisant le plus souvent aucune confusion : l’évaluation en x n’est en effet
autre que la surjection f 7→ f (x1 , . . . , xn ) ; et l’on vérifie aisément que son
noyau est l’idéal maximal (Ti − xi )i (se ramener par une translation au cas
où les xi sont tous nuls, dans lequel l’assertion est évidente), ce qui montre
que {x} = V (T1 − x1 , . . . , Tn − xn ).
(4.1.21.7) Fixons une clôture algébrique k̄ de k ; soit G le groupe de Galois
de k̄/k, c’est-à-dire le groupe des k-automorphismes de k̄. Soit x ∈ X0 .
Comme κ(x) est une extension finie de k, il admet un k-plongement dans k̄
(lemme 2.9.10). La composée A → κ(x) ,→ k̄ est un élément de X(k̄) dont
l’image sur X est par construction égale à x.
Réciproquement, donnons-nous un k-morphisme A → k̄. Comme A est de
type fini, son image est engendrée par un nombre fini d’éléments, et est donc
une extension finie L de k. Le morphisme A → k̄ se factorisant par la flèche
surjective A → L, son image x sur X appartient à X0 et vérifie κ(x) = L.
Ainsi, la flèche canonique X(k̄) → X a pour image X0 .
(4.1.21.8) Le but est maintenant de décrire le noyau de cette flèche, ou plus
précisément son défaut d’injectivité.
Pour commencer, remarquons qu’il y a une action naturelle de G sur X(k̄),
donnée par la formule g.ϕ = g ◦ϕ lorsqu’on voit X(k̄) comme égal à Homk (A, k̄),
et par g.(x1 , . . . , xn ) = (g(x1 ), . . . , g(xn )) lorsqu’on le voit comme l’ensemble
des solutions de S dans k̄ n (si (x1 , . . . , xn ) est solution de S le n-uplet
(g(x1 ), . . . , g(xn )) l’est encore car S est constitué de polynômes à coefficients
dans k).
Nous allons maintenant démontrer que X(k̄) → X0 identifie X0 au
quotient X(k̄)/G. On retrouve le phénomène entrevu au 4.1.20 : deux points
182 Le spectre comme espace topologique
A
ϕ
/ k̄
Deux éléments de X(k̄) qui ont même image sur X0 sont conjugués sous
l’action de G. En effet, donnons-nous deux k-morphismes ϕ et ψ de A vers k̄
qui ont même image x sur X. Cela signifie que ϕ et ψ se factorisent tous deux
par la surjection canonique A → κ(x) ; autrement dit, ϕ est induit par un k-
plongement ϕ0 : κ(x) ,→ k̄, et ψ par un k-plongement ψ 0 : κ(x) ,→ k̄. Chacun
de ces deux plongements fait de k̄ une clôture algébrique de κ(x). Comme
deux telles clôtures algébriques sont isomorphes (corollaire 2.9.10), il existe un
automorphisme g de k̄ tel que g ◦ ϕ0 = ψ 0 ; un tel g est automatiquement un k-
morphisme (car ϕ0 et ψ 0 sont des k-morphismes), ce qui veut dire qu’il appartient
à G. On a par construction ψ = g ◦ ϕ, ce qui achève la démonstration.
Fonctorialité du spectre
g7→g(y)
BO / κ(y)
O
ϕ
?
A / κ(x)
f 7→f (x)
commute, c’est-à-dire encore modulo lequel ϕ(f )(y) = f (x) pour tout f ∈ A.
En particulier, on a pour tout f ∈ A l’équivalence
b(y) = 0
⇐⇒ (ϕ(a)/ϕ(s))(y) = 0
⇐⇒ ϕ(a)(y) = 0
⇐⇒ a(x) = 0.
On en déduit que le noyau de b 7→ b(y), qui caractérise entièrement le point y,
ne dépend que de x ; autrement dit, y est le seul antécédent de x sur Spec B,
et ψ est injective.
Par ailleurs, la chaı̂ne d’équivalence ci-dessus entraı̂ne que y ∈ D(b) si et
seulement si x ∈ D(a). En conséquence, ψ(D(b)) = D(a) ∩ ψ(Spec B), et
l’injection continue Spec B → ψ(Spec B) induite par ψ est dès lors ouverte ;
c’est donc un homéomorphisme, ce qu’il fallait démontrer.
(4.1.25.3) Soit y ∈ Spec B et soit x son image sur Spec A. Si a est un élément
de I on a a(x) = ϕ(a)(y) = 0 puisque I ⊂ Ker ϕ ; et si s est un élément de S
on a s(x) = ϕ(s)(y) 6= 0 ; ainsi, x ∈ V (I), et x ∈ D(s) pour tout s ∈ S.
Réciproquement, soit x un point de Spec A situé sur V (I) et sur D(s) pour
tout s ∈ S. Le morphisme d’évaluation A → κ(x) envoie alors tout élément de I
sur 0, et tout élément de S sur un élément non nul et donc inversible de κ(x).
Il en résulte d’après la propriété universelle énoncée au 4.1.25.1 que A → κ(x)
admet une factorisation A → B → κ(x). Le morphisme B → κ(x) induit un
point y sur Spec B et une factorisation B → κ(y) ,→ κ(x).
On a par construction ψ(y) = x ; de plus, la flèche A → κ(x) étant égale à
la composée A → B → κ(x), elle se factorise par la composée A → B → κ(y).
Comme A → κ(x) est le plus petit élément de la classe de morphismes de
source A et de but un corps qui correspond à x, il vient κ(y) = κ(x).
(4.1.26) Exemples. Nous allons décliner 4.1.25 dans un certain nombre de
cas particuliers importants. Soit A un anneau.
(4.1.26.1) Soit I un idéal de A. En appliquant 4.1.25 avec S = {1}, on voit
que le morphisme quotient A → A/I induit un homéomorphisme préservant les
corps résiduels de Spec A/I sur le fermé V (I) de Spec A.
Notons qu’on T peut avoir V (I) = Spec A sans que l’idéal I soit nul :
comme V (I) = f ∈I V (f ), le fermé V (I) est plus précisément égal à Spec A si
et seulement si V (f ) = Spec A pour tout f ∈ I, c’est-à-dire si et seulement si I
est constitué d’éléments nilpotents (4.1.4.2).
Dans ce cas, la flèche A → A/I induit en vertu de ce qui précède un
homéomorphisme Spec A/I ' Spec A.
(4.1.26.2) Soit f un élément de A. Si x ∈ Spec A, on a f (x) 6= 0 si et seulement
si f n (x) 6= 0 pour tout n. En appliquant 4.1.25 avec S = {f n }n et I = {0},
on voit que le morphisme de localisation A → Af induit un homéomorphisme
préservant les corps résiduels de Spec Af sur l’ouvert D(f ) de Spec A.
(4.1.26.3) Soit p un idéal premier de A et soit x le point correspondant
de Spec A. En appliquant 4.1.25 avec S = A \ p et I = {0}, on voit que le
Le spectre d’un anneau 185
{y ∈ Spec A, f (y) 6= 0 ∀f ∈
/ p}.
{y ∈ Spec A, f (y) 6= 0 ∀f ∈
/ p et f (y) = 0 ∀f ∈ p},
qui n’est autre que l’ensemble des points y tels que le noyau de l’évaluation en y
soit exactement p ; c’est donc le singleton {x}.
On retrouve ainsi l’exemple 4.1.23 dans le cas particulier du morphisme
canonique A → κ(x).
(4.1.27) Fibres d’une application entre spectres. Soit ϕ: A → B un
morphisme d’anneaux et soit ψ: Spec B → Spec A l’application continue induite.
Soit x ∈ Spec A, et soit p l’idéal premier correspondant. On se propose de donner
une description de la fibre ψ −1 (x).
Posons S = A \ p. Le point x peut se décrire comme
{y ∈ Spec A, f (y) 6= 0 ∀f ∈
/ p et f (y) = 0 ∀f ∈ p},
C[T ] ⊗R[T ] R(T ) = R[T ][U ]/(U 2 + 1) ⊗R[T ] R(T ) = R(T )[U ]/(U 2 + 1) = C(T ).
La fibre ψ −1 (η) contient donc un unique point ξ dont le corps résiduel est C(T ),
et le morphisme d’évaluation f 7→ f (ξ) n’est autre que l’inclusion C[T ] ,→ C(T ) ;
en conséquence, ξ est le point générique de Spec C[T ].
(4.1.29.2) La fibre en un point classique. Soit a ∈ R. On peut le voir comme
un point de Spec R[T ] de corps résiduel R qui vérifie l’égalité V (T − a) = {a}
(4.1.18.3, 4.1.21.6).
La fibre ψ −1 (a) est alors le lieu d’annulation de T − a sur Spec C[T ],
qui contient un unique élément, à savoir le point aC de corps résiduel C qui
correspond à a vu comme élément de C.
Spec Z[T ] et Spec k[S, T ] 187
Z[T ] → Fp [T ] ,→ Fp (T ).
Z[T ] → Fp [T ] → Fp [T ]/P,
qui est surjective puisque composée de deux surjections, et le point yp,P est
fermé (ce qui était d’ailleurs évident a priori, puisqu’il est fermé dans une fibre
fermée).
L’idéal maximal correspondant à yp,P est le noyau de f 7→ f (yp,P ). On vérifie
aussitôt que si P ] désigne un relevé quelconque de P dans Z[T ], ledit noyau est
engendré par p et P ] ; on a en conséquence V (p, P ] ) = {yp,P }.
Par exemple, considérons le cas où p = 7, où P = T − 3 (et où l’on
peut prendre P ] = T − 3). Lorsqu’on considère y7,T −3 comme appartenant
à ψ −1 (x7 ) ' Spec F7 [T ], c’est l’unique point d’annulation de T − 3 ; c’est
donc simplement l’élément 3 de F7 , vu comme point de Spec F7 [T ] de corps
résiduel F7 .
Lorsqu’on voit y7,T −3 comme appartenant à Spec Z[T ] son corps résiduel
est F7 , l’évaluation en y7,T −3 envoie un polynôme P ∈ Z[T ] sur la classe
modulo 7 de P (3), et l’on a {y7,T −3 } = V (7, T − 3).
fermés de Spec Z[T ] sont exactement les points fermés de ses fibres fermées
au-dessus de Spec Z, ou encore ses points à corps résiduel fini.
(4.2.5) Étude de {yη,P } : deux exemples explicites.
(4.2.5.1) Le cas où P = T 2 + 1. Dans ce cas P0 = T 2 + 1 aussi. Soit p un
nombre premier. Nous allons décrire l’intersection de {yη,T 2 +1 } = V (T 2 + 1)
avec ψ −1 (xp ) ' Spec Fp [T ]. Elle s’identifie à V (T 2 + 1) ⊂ Spec Fp [T ]. On
distingue trois cas.
• Supposons que p = 1 mod 4. Le polynôme T 2 + 1 est alors irréductible
dans Fp [T ]. En conséquence, {yη,T 2 +1 } ∩ ψ −1 (xp ) consiste en un point fermé
dont le corps résiduel est Fp [T ]/(T 2 + 1) (qui compte p2 éléments).
• Supposons que p = −1 mod 4. Le polynôme T 2 + 1 de Fp [T ] s’écrit
alors (T −a)(T +a) pour un certain a ∈ F× p . En conséquence, {yη,T 2 +1 }∩ψ
−1
(xp )
est le sous-ensemble V (T − a) ∪ V (T + a) de Spec Fp [T ], qui est égal à {a, −a} ;
ses deux points ont pour corps résiduel Fp .
• Supposons que p = 2. Dans l’anneau F2 [T ] on a T 2 + 1 = (T − 1)2 . En
conséquence, {yη,T 2 +1 } ∩ ψ −1 (x2 ) est le sous-ensemble V (T − 1) de Spec F2 [T ] ;
c’est donc le singleton {1}, dont l’unique point est de corps résiduel F2 .
(4.2.5.2) Le cas où P = T − (1/2). Le point yη,P est alors simplement
l’élément 1/2 de Q, vu comme point de Spec Q[T ] de corps résiduel Q ; et
le polynôme P0 est égal à 2T − 1.
Soit p un nombre premier. Nous allons décrire l’intersection du
fermé {yη,T −(1/2) } = V (2T − 1) avec la fibre ψ −1 (xp ) ' Spec Fp [T ]. Cette
intersection s’identifie à V (2T − 1) ⊂ Spec Fp [T ]. On distingue deux cas.
• Supposons que p est impair. Dans ce cas (1/2) existe dans Fp .
En conséquence, {yη,T −(1/2) } ∩ ψ −1 (xp ) est le sous-ensemble V (T − (1/2))
de Spec Fp [T ], qui n’est autre que le singleton {(1/2)}, dont l’unique point
est de corps résiduel Fp .
• Supposons que p = 2. Le polynôme 2T − 1 de F2 [T ] est alors égal à 1. En
conséquence, {yη,T −(1/2)) } ∩ ψ −1 (x2 ) est le sous-ensemble V (1) de Spec F2 [T ],
qui est vide.
Le spectre de k[S, T ]
(4.2.6.2) Rappelons quelques faits vus en 4.1.21 et sq. (cf. notamment 4.1.21.5).
Tout point (λ, µ) de k 2 peut être identifié à un point fermé de Spec k[S, T ] dont
le corps résiduel est k ; le morphisme d’évaluation correspondant est simplement
la surjection f 7→ f (λ, µ) ; et l’idéal maximal associé, c’est-à-dire le noyau de
cette surjection, est (S − µ, T − λ).
Il résulte de 4.1.21.2, qui repose in fine sur le Nullstellensatz, que l’on obtient
ainsi tous les points fermés de Spec k[S, T ] ; mais l’étude ci-dessous permettra
de retrouver directement ce fait de manière plus élémentaire.
(4.2.7) La fibre générique. Soit η le point générique de Spec k[S]. La fibre
générique ψ −1 (η) s’identifie à Spec k(S)[T ] et possède donc deux types de points.
(4.2.7.1) Le point générique. Désignons par ξη le point générique
de Spec k(S)[T ] ' ψ −1 (η).
Lorsqu’on voit ξη comme point de Spec k(S)[T ], son corps résiduel
est k(S, T ), et le morphisme d’évaluation f 7→ f (ξη ) est simplement le
plongement k(S)[T ] ,→ k(S, T ).
En conséquence, lorsqu’on voit ξη comme appartenant à Spec k[S, T ], son
corps résiduel est k(S, T ), et l’évaluation f 7→ f (ξη ) est la flèche composée
k[S, T ] ,→ k(S)[T ] ,→ k(S, T ).
L’idéal premier correspondant à ξη est le noyau de cette dernière, c’est-à-
dire l’idéal nul. L’adhérence {ξη } est alors égale à V (0), qui n’est autre
que Spec k[S, T ] tout entier.
(4.2.7.2) Les points fermés. Soit P ∈ k(S)[T ] un polynôme irréductible
unitaire. Il définit un point fermé yη,P sur Spec k(S)[T ] ' ψ −1 (η).
Lorsqu’on voit yη,P comme un point de Spec k(S)[T ] c’est le lieu des zéros
de P , son corps résiduel est k(S)[T ]/P et l’évaluation en yη,P est la flèche
quotient k(S)[T ] → k(S)[T ]/P .
En conséquence, lorsqu’on voit yη,P comme appartenant à Spec k[S, T ], son
corps résiduel est k(S)[T ]/P , et l’évaluation f 7→ f (yη,P ) est la flèche composée
k[S, T ] ,→ k(S)[T ] → k(S)[T ]/P.
L’idéal premier correspondant à yη,P est le noyau de cette dernière flèche.
Un raisonnement fondé sur la factorialité de k[S] assure que ce noyau est
l’idéal (P0 ), où P0 est le produit de P par le plus petit multiple commun
des dénominateurs de ses coefficients (écrits sous forme irréductible) ; c’est un
polynôme appartenant à k[S][T ] dont le contenu (le plus grand diviseur commun
des coefficients) vaut 1.
L’adhérence {yη,P } est donc égale à V (P0 ) ; nous en dirons quelques mots
un peu plus loin.
(4.2.8) Les fibres fermées. Soit λ un élément de k, que nous voyons comme
un point fermé de Spec k[S] (4.2.6.1). Son corps résiduel est k – il est plus
précisément égal à k[S]/(S − λ) en tant que k[S]-algèbre. La fibre fermée ψ −1 (λ)
s’identifie dès lors au spectre de
k ⊗k[S] k[S, T ]
' / k[T ] .
S7→λ
192 Le spectre comme espace topologique
k[S, T ]
S7→λ / k[T ] / k(T ) .
T 7→µ
k[S, T ]
S7→λ / k[T ] /k,
qui n’est autre que f 7→ f (λ, µ). Ce point est donc simplement le point
fermé (λ, µ).
(4.2.9) Retour à l’étude de {yη,P }, où P est un polynôme irréductible
de k(S)[T ]. Nous reprenons les notations P et P0 du 4.2.7.2, et allons décrire
un peu plus précisément l’adhérence V (P0 ) de xP , en regardant sa trace sur
chacune des fibres.
Comme yη,P est fermé dans ψ −1 (η), on a V (P0 ) ∩ ψ −1 (η) = {yη,P }.
ai T i . Soit λ ∈ k. L’intersection
P
Écrivons P0 = de V (P0 ) avec la
−1
fibre ψ (λ) ' Spec k[T ] s’identifie au fermé V ( ai (λ)T i ) de Spec k[T ].
P
fermés de Spec k[S, T ] sont exactement les points de la forme (λ, µ) avec λ et µ
dans k ; on retrouve ainsi 4.1.21.7 dans ce cas particulier, comme annoncé plus
haut.
(4.2.10) Étude de {yη,P } : deux exemples explicites.
(4.2.10.1) Le cas où P = T 2 − S et où k est de caractéristique différente de 2.
Dans ce cas P0 = T 2 − S aussi. Soit λ ∈ k. Nous allons décrire l’intersection
de {yη,T 2 −S } = V (T 2 − S) avec la fibre ψ −1 (λ) ' Spec k[T ]. Cette intersection
s’identifie à V (T 2 − λ) ⊂ Spec k[T ]. On distingue deux cas.
• Supposons que λ 6= 0. Le polynôme T 2 −λ de k[T ] est alors scindé √ à racines
√
simples (car la caractéristique
√ de k est différente de 2) ; il s’écrit (T − λ)(T + λ)
où l’on désigne par λ l’une des deux racines √ carrées de λ.√En conséquence,
{yη,T 2 −S } ∩ ψ −1 (λ) est le sous-ensemble V (T √ − λ) ∪ V√(T + λ) de Spec k[T ],
qui consiste en deux points fermés, à√savoir λ et√ (− λ). Vus comme points
de Spec k[S, T ], ce sont les points (λ, λ) et (λ, − λ).
• Supposons que λ = 0. Dans ce cas, {yη,T 2 −S } ∩ ψ −1 (λ) est le sous-
ensemble V (T ) de Spec k[T ]. Il consiste en un seul point fermé, à savoir 0.
Vu comme point de Spec k[S, T ], c’est l’origine (0, 0).
(4.2.10.2) Le cas où P = T − (1/S). Dans ce cas P0 = ST − 1. Soit λ
appartenant à k. Nous allons décrire l’intersection de {yη,T −(1/S) } = V (ST − 1)
avec ψ −1 (λ) ' Spec k[T ], intersection qui s’identifie à V (λT − 1) ⊂ Spec k[T ].
On distingue deux cas.
• Supposons que λ 6= 0. Dans ce cas {yη,T −(1/S) } ∩ ψ −1 (λ) est le sous-
ensemble V (T − (1/λ)) de Spec k[T ]. Il consiste en un seul point fermé, à savoir
(1/λ). Vu comme point de Spec k[S, T ], c’est le point (λ, 1/λ).
• Supposons que λ = 0. Dans ce cas, {yη,T −(1/S) } ∩ ψ −1 (λ) est le sous-
ensemble V (1) de Spec k[T ], qui est vide.
(4.2.11) Récapitulation. On déduit de ce qui précède que Spec k[S, T ]
comprend trois types de points.
(4.2.11.1) Il y a tout d’abord les points classiques, qui sont exactement les
points fermés de Spec k[S, T ], ou encore ceux de corps résiduel k ; ils constituent
un ensemble en bijection naturelle avec k 2 .
(4.2.11.2) Il y a ensuite le point générique que nous avons noté ξη , dont
l’adhérence est Spec k[S, T ] tout entier, et dont le corps résiduel est k(S, T ).
L’idéal correspondant à ξη est l’idéal nul, et l’évaluation en ξη est le
plongement k[S, T ] ,→ k(S)[T ].
(4.2.11.3) Il y a enfin une famille de points intermédiaires : ceux que nous
avons notés ξλ où λ ∈ k et yη,P , où P est un polynôme irréductible de k(S)[T ].
Leur point commun est le suivant : l’idéal premier correspondant à chacun d’eux
est engendré par un polynôme irréductible de k[S, T ] (il s’agit de S − λ pour ξλ ,
et de celui que nous avons noté P0 pour yη,P – le lecteur vérifiera qu’on obtient
ainsi tous les polynômes irréductibles de k[S, T ]).
Si z est l’un de ces points et si Q désigne le polynôme irréductible de k[S, T ]
qui lui correspond, il résulte de 4.2.8.1, 4.2.9 et 4.2.9.1 que {z} = V (Q) ne
comprend, hormis le point z lui-même, que des points fermés ; on a donc
F 7→ I (F ) := {f ∈ A t.q. ∀x ∈ F f (x) = 0}
(4.3.6) Supposons maintenant que A est une algèbre de type fini sur un
corps algébriquement clos k, et choisissons un isomorphisme de k-algèbres
A ' k[T1 , . . . , Tn ]/(P1 , . . . , Pr ). On reprend les notations de 4.1.21 et sq. : on
pose X = Spec A, et l’on note X(k) l’ensemble Homk (A, k), qui coı̈ncide avec
l’ensemble X0 des points fermés de X. L’ensemble X(k) s’identifie par ailleurs
à celui des n-uplets (x1 , . . . , xn ) ∈ k n en lesquels les Pj s’annulent.
(4.3.7) On munit X(k) de la topologie induite par celle de X, qu’on appelle
encore topologie de Zariski ; ses fermés sont les parties de la forme V (E) ∩ X(k)
où E est une partie de A (on peut d’ailleurs se limiter aux idéaux de A) et une
base d’ouverts de X(k) est formée des parties de la forme D(f )∩X(k) où f ∈ A.
Si l’on voit X(k) comme un ensemble de n-uplets, alors pour tout E ⊂ A et
tout f ∈ A on a
et
D(f ) ∩ X(k) = {(x1 , . . . , xn ) ∈ X(k) t.q. f (x1 , . . . , xn ) 6= 0 }.
Dimension de Krull
X0 ( X1 ( . . . ( Xn
où les Xi sont des fermés irréductibles de X.
(4.3.24.1) Commentaires. L’ensemble d’entiers dont on prend la borne
supérieure dans la définition ci-dessus est vide si et seulement si X n’a pas
de fermés irréductibles, ce qui signifie que X = ∅ : dans le cas contraire, il
existe x ∈ X, et {x} est un fermé irréductible de X.
Si X = ∅, sa dimension de Krull est donc égale à −∞ (voir la note de
bas de page au paragraphe 2.9.20.1). Sinon, c’est un élément de N ∪ {+∞},
qui vaut +∞ si et seulement si X possède des chaı̂nes strictement croissantes
arbitrairement longues de fermés irréductibles.
(4.3.24.2) La dimension de Krull n’est pas une notion pertinente pour
comprendre les espaces topologiques usuels. Ainsi, comme les seuls fermés
irréductibles de Rn sont les points, la dimension de Krull de Rn est nulle quel
que soit n.
Elle est en revanche tout à fait adaptée aux espaces topologiques
rudimentaires qui interviennent en géométrie algébrique, et correspond alors
parfaitement à l’idée intuitive qu’on se fait de la dimension.
Par exemple, dire qu’un espace X est de dimension de Krull égal à 2
signifie que les chaı̂nes strictement croissantes de fermés irréductibles de X les
plus longues qu’on puisse trouver comportent trois éléments (la numérotation
commence à 0). Or c’est ce que l’on attend, indépendamment de la définition
précise donnée à ce terme, d’une surface algébrique, sur laquelle une telle chaı̂ne
Compléments sur la topologie de Spec A 203
doit être constituée d’un point, d’une courbe irréductible, et de la surface elle-
même.
(4.3.24.3) Signalons qu’il existe une notion bien plus fine de dimension en
topologie générale qui est pertinente pour tout ce qui est peu ou prou modelé
sur R ; par exemple, Rn est de dimension n. Mais nous n’en aurons pas besoin
dans le cadre de ce cours, et ne donnerons pas sa définition.
(4.3.25) Soit A un anneau. Il résulte des définitions et du dictionnaire entre
fermés irréductibles de Spec A et idéaux premiers de A que la dimension de
Krull de l’espace topologique Spec A est égale à la dimension de Krull de A.
Le théorème 2.10.11 implique alors que si A est une algèbre intègre et de
type fini sur un corps k, la dimension de Krull de Spec A est égale au degré de
transcendance de Frac A sur k.
204 Le spectre comme espace topologique
Chapitre 5
La notion de schéma
205
206 La notion de schéma
(fi fj )N (fj mi − fi mj ) = 0
dans Mf(Spec A) soit égale à σ peut se tester sur chacun des ouverts D(fi )
(puisque M
f est un faisceau). On en déduit, en considérant pour tout i le
diagramme commutatif
M /M
f(Spec A) ,
Mfi /M
f(D(fi ))
que pour que l’image de m dans M f(Spec A) soit égale à σ, il suffit que l’image
de m dans Mfi soit égale à mi /fi pour tout i.
Id=(g7→g(ξ))
OSpec K (ψ −1 (U )) = K / K = κ(ξ)
O O
ψ∗ λ
f 7→f (x) ?
OX (U ) / κ(x)
Mais cette généralité est en réalité illusoire : en effet, comme nous l’avons déjà
mentionné au 5.1.11.1, nous verrons plus bas que tout fermé d’un schéma possède
(au moins) une structure de schéma.
OX (X) / OX (U )
O 6 O
ρ
ϕ
A / Af
montrer qu’il est uniquement déterminé il suffit alors, en vertu du lemme 5.1.15,
de montrer qu’il est uniquement déterminé ensemblistement.
Soit x ∈ X et soit f ∈ A. L’image de f dans OX (X) est par hypothèse égale
à ϕ(f ). Comme ψ est un morphisme d’espaces localement annelés, on a
A
ϕ
/ OX (X) / OX (ψ −1 (U ))
A / Af
assure que l’image de g dans OX (ψ −1 (D(f ))) est égale à ϕ(a)/ϕ(f ). On a les
équivalences
(5.1.24) A priori, le fait d’être affine ne semble pas être une propriété facile à
vérifier pour un schéma donné X : cela signifie en effet qu’il existe un anneau A
et un isomorphisme X ' Spec A.
Mais le lemme ci-dessous assure qu’en réalité, cela peut s’exprimer de façon
directe, sans quantificateur existentiel toujours un peu désagréable.
(5.1.25) Lemme. Soit X un schéma. Il est affine si et seulement si le
morphisme canonique X → Spec OX (X) est un isomorphisme.
Démonstration. Si X → Spec OX (X) est un isomorphisme, X est affine par
définition. Supposons réciproquement que X soit affine, donc qu’il existe un
isomorphisme X ' Spec A. On dispose alors d’un diagramme commutatif
X / Spec OX (X)
' '
Spec A
Id / Spec A = Spec OSpec A (Spec A)
P
O (D(T1 )) = k[T1 , T2 ]T1 =
A2k , P ∈ k[T1 , T2 ], n ∈ N ⊂ k(T1 , T2 ),
T1n
P
O (D(T2 )) = k[T1 , T2 ]T2 =
A2k , P ∈ k[T1 , T2 ], n ∈ N ⊂ k(T1 , T2 )
T2n
Recollements, produits fibrés 217
et
OX (D(T1 ) ∩ D(T2 )) = OX (D(T1 T2 )) = k[T1 , T2 ]T1 T2
P
= , P ∈ k[T1 , T2 ], n ∈ N ⊂ k(T1 , T2 ).
T1n T2n
Se donner une section de OA2k sur U revient à se donner un couple (t1 , t2 )
formé d’une section t1 de OA2k sur D(T1 ) et d’une section t2 de OA2k
sur D(T2 ), telles que t1 |D(T1 T2 ) = t2 |D(T1 T2 ) . Par ce qui précède, cela revient
à se donner une fraction R ∈ K(T1 , T2 ) pouvant à la fois s’écrire sous la
forme P/T1n et sous la forme Q/T2m où P et Q appartiennent à k[T1 , T2 ]. Un
argument élémentaire d’arithmétique des anneaux factoriels assure qu’un tel R
appartient nécessairement à k[T1 , T2 ] = OA2k (A2k ). Autrement dit, la flèche de
restriction OA2k (A2k ) → OA2k (U ) est un isomorphisme.
et
ιjk ◦ ιij = ιik ,
les deux membres étant vus comme des isomorphismes de Xij ∩Xik sur Xki ∩Xkj .
Soit D le diagramme dont les objets sont les Xi et les Xij , et dont les flèches
sont les isomorphismes ιij et les immersions ouvertes Xij ,→ Xi .
Soit X la limite inductive de D dans la catégorie des espaces localement
annelés. Les faits suivants résultent de 3.2.6.2.
• Pour tout i, la flèche canonique λi : Xi → lim D est une immersion ouverte,
−→
et lim D est la réunion des λi (Xi ).
−→
Recollements, produits fibrés 219
et
λi |Xij = λj |Xji ◦ ιij et λj |Xji = λi |Xij ◦ ιji .
X
g
/ X0
f
~ f0
Y
commute (la catégorie Y -Sch des Y -schémas est donc simplement la catégorie
Sch/Y avec les notations de 1.1.3.2).
(5.2.3.1) Soit A un anneau. Nous parlerons par abus de A-schéma plutôt que
de Spec A-schéma ; la catégorie des A-schémas sera notée A-Sch.
(5.2.4) Soit k un corps. Nous allons travailler dans ce qui suit avec deux
copies X et Y de la droite affine A1k , vue comme un k-schéma de façon évidente.
Pour éviter de les confondre, nous écrirons X = Spec k[T ] et Y = Spec k[S]. On
note U l’ouvert D(T ) de X, et V l’ouvert D(S) de Y . On a U ' Spec k[T, T −1 ]
et V ' Spec k[S, S −1 ]. On note i l’immersion ouverte de U dans X, et j celle
de V dans Y .
(5.2.5) La droite projective. L’isomorphisme de k-algèbres
k[S, S −1 ] → k[T, T −1 ]
S 7→ T −1
−1
S 7→ T
Nous verrons plus loin qu’il existe une notion de k-schéma séparé, et que Dk
n’est justement pas séparé. Mais cette notion n’est pas purement topologique
(la topologie de Zariski n’est de toute façon presque jamais séparée).
(5.2.6.2) Déterminons maintenant la k-algèbre des sections globales de ODk .
Se donner un élément de ODk (Dk ) c’est se donner une fonction sur X 00 et une
fonction sur Y 00 dont les restrictions à X 00 ∩ Y 00 coı̈ncident. Autrement dit,
cela revient à se donner un polynôme P ∈ k[T ] et un polynôme Q ∈ k[S]
dont les images dans ODk (X 00 ∩ Y 00 ) = k[T, T ]−1 coı̈ncident. La restriction
de S à X 00 ∩ Y 00 étant égale à T , cette condition de coı̈ncidence signifie
simplement que le poyôme Q est égal à P (S). La restriction à X 00 induit donc
un isomorphisme ODk (Dk ) = k[T ] ; de même, la restriction à Y 00 induit un
isomorphisme ODk (Dk ) = k[S], l’isomorphisme entre k[T ] et k[S] induit par ces
deux identifications étant celui qui envoie T sur S.
(5.2.6.3) Soit P un polynôme appartenant à k[T ], vu comme fonction globale
sur Dk . Par définition, son évaluation en l’origine de X 00 (en laquelle T = 0) est
égale à P (0). Quant à son évaluation en l’origine de Y 00 (en laquelle S = 0), elle
s’obtient en substituant S à T , puis en faisant S = 0 ; c’est donc encore P (0).
Il s’ensuit que le morphisme canonique p : Dk → Spec ODk (Dk ) envoie les
deux origines sur le même point de Spec ODk (Dk ) ' Spec k[T ] = A1k , à savoir
l’origine de A1k . En particulier, p n’est pas un isomorphisme et Dk n’est dès lors
pas affine.
En fait, ce n’est même pas un ouvert d’un schéma affine : en effet, on sait
d’après le 5.1.21.1 que tout morphisme de Dk vers un schéma affine se factorise
par p, et envoie donc les deux origines sur le même point.
V ×U W → V ,→ Y et V ×U W → W ,→ Z ;
224 La notion de schéma
avec HomAnn (Z, OX (X)), lequel est un singleton. En conséquence, Spec Z est
l’objet final de la catégorie des schémas.
Il s’ensuit au vu de 5.2.8 et sq. que le produit cartésien de deux schémas Y
et Z existe toujours : c’est leur produit fibré au-dessus de Spec Z.
(5.2.9.2) L’une des difficultés techniques et psychologiques de la théorie des
schémas est que l’espace topologique sous-jacent à un produit fibré n’est pas,
en général, le produit fibré des espaces topologiques sous-jacents. Donnons un
contre-exemple très simple.
Le produit fibré Spec C ×Spec R Spec C est égal à Spec C ⊗R C. On a
Ici, c’est plutôt la seconde conception qui s’impose : A1L est à L ce que A1k est
à k ; ou encore, si l’on préfère, le L-schéma A1L se déduit du k-schéma A1k par
changement de base de k à L.
(5.2.9.4) Généralisation des exemples ci-dessus. Pour tout n, on note AnZ le
schéma Spec Z[T1 , . . . , Tn ]. Pour tout couple (n, m) d’entiers on a
AnZ ×Spec Z Am
Z = Spec Z[T1 , . . . , Tn ] ⊗Z Z[S1 , . . . , Sm ]
et
AnX ×X Am n m
X = AZ ×Spec Z X ×X (X ×Spec Z AZ )
n+m
= AnZ ×Spec Z Am
Z ×Spec Z X = AZ ×Spec Z X = An+m
X .
p
Y
ψ
/X
= (Y ×X Spec κ(x)) ×Spec κ(x) Spec κ(z) = ψ −1 (x) ×Spec κ(x) Spec κ(z).
π : |Y ×X Z| → |Y | ×|X| |Z|.
π −1 (y, z) ' Spec κ(y) ×Spec κ(x) Spec κ(z) = Spec (κ(y) ⊗κ(x) κ(z)).
Y ×X Z /Z
Y /X
en induit un
|Y ×X Z| / |Z|
|Y | / |X|
π : |Y ×X Z| → |Y | ×|X| |Z|.
Il résulte de 5.2.10.3 que q −1 (z) s’identifie à ψ −1 (x) ×Spec κ(x) Spec κ(z). En
réappliquant loc. cit. à la projection de ψ −1 (x) ×Spec κ(x) Spec κ(y) sur ψ −1 (x),
on voit que
π −1 (y, z) = p−1 (y) ∩ q −1 (z) ' Spec κ(y) ×Spec κ(x) Spec κ(z).
fx = Mp = Ap ⊗A M = OX,x ⊗A M.
M
w=v(X)
M /N
Mf / Nf
v(D(f ))
^ f(Y ) → ψ ∗ M
⊗A M → ψ ∗ M
u : B^ f
OY,y ⊗OX,x M
fx = OY,y ⊗O
X,x
(OX,x ⊗A M ) = OY,y ⊗A M.
En conséquence, la flèche u induit un isomorphisme au niveau des fibres, et est
de ce fait elle-même un isomorphisme.
(5.3.4.3) Remarque. Ce qu’on a vu plus haut au 5.3.1.4 est un cas particulier
de ce qui précède : celui où Y est un ouvert affine de X.
232 La notion de schéma
(5.3.5) Nous allons maintenant établir un résultat fondamental, qui n’a rien
d’évident au vu des définitions : le fait que la quasi-cohérence est une propriété
locale. Comme vous allez le voir, la preuve n’est pas triviale, même si elle ne
repose in fine que sur la sempiternelle condition d’égalité de deux fractions dans
un module localisé.
(5.3.6) Théorème. Soit A un anneau et soit X son spectre. Soit (Ui )i∈I
un recouvrement de X par des ouverts affines, et soit F un OX -module. Les
assertions suivantes sont équivalentes :
1) F est quasi-cohérent ;
2) F |Ui est quasi-cohérent pour tout i.
Démonstration. L’implication 1)⇒2) découle directement de 5.3.1.4.
Supposons maintenant que 2) soit vraie, et montrons 1). Toujours grâce à 5.3.1.4,
on peut raffiner le recouvrement (Ui ) sans altérer 2). Cela autorise à supposer
que Ui est de la forme D(fi ) pour tout i ; comme X est quasi-compact, on peut
également faire l’hypothèse que l’ensemble d’indices I est fini.
Pour montrer que F est quasi-cohérent, nous allons vérifier que le morphisme
naturel F^ (X) → F est un isomorphisme. Cela peut se tester localement ; il
suffit donc de s’assurer que F
^ (X)|U → F |U est un isomorphisme pour tout i.
i i
F
^ (X)(Ui ) = F (X)fi → F (Ui )
est un isomorphisme.
(5.3.6.1) Injectivité de F (X)fi → F (Ui ). Soit s/fir un élément de F (X)fi
dont l’image dans F (Ui ) est nulle. Comme fi est inversible sur Ui = D(fi ), la
restriction de s à Ui est nulle.
Soit j ∈ I (ce qui suit est trivial si j = i, mais on n’exclut pas ce
cas). La restriction de s à Ui ∩ Uj est a fortiori nulle, ce que l’on peut
récrire (s|Uj )|Ui ∩Uj = 0. Le faisceau F |Uj est quasi-cohérent, et Ui ∩ Uj est
l’ouvert D(fi ) du schéma affine Uj ; en conséquence, F (Ui ∩ Uj ) s’identifie
à F (Uj )fi . L’annulation de s|Uj sur Ui ∩ Uj signifie alors qu’il existe N tel
que fiN s|Uj = 0 ; comme l’ensemble I est fini, on peut choisir N de sorte que
cette égalité vale pour tout j. Puisque F est un faisceau, il vient fiN s = 0, et la
fraction s/fir ∈ F (X)fi est nulle, ce qui achève de montrer l’injectivité requise.
(5.3.6.2) Surjectivité de F (X)fi → F (Ui ). Soit σ ∈ F (Ui ). Il s’agit de
montrer qu’il existe un entier N tel que fiN σ se prolonge en une section globale
de F .
Soit j ∈ I (ce qui suit est trivial si j = i, mais on n’exclut pas ce cas).
Le faisceau F |Uj est quasi-cohérent, et Ui ∩ Uj est l’ouvert D(fi ) du schéma
Faisceaux quasi-cohérents 233
tout i. On déduit alors de 2.6.12 que M f est localement libre de rang fini si et
seulement si M est projectif et de type fini.
(5.3.10) Image directe d’un faisceau quasi-cohérent. La situation est
moins simple que pour l’image réciproque : comme nous allons le voir, l’image
directe d’un faisceau quasi-cohérent n’est pas quasi-cohérente en général. Nous
allons commencer par énoncer une condition de finitude suffisante – un peu
rébarbative – pour qu’elle le soit, puis nous donnerons un contre-exemple dans
un cas assez simple où cette condition n’est pas remplie.
(5.3.10.1) Soit A un anneau, soit X son spectre et soit ψ : Y → X un
morphisme de schémas. Soit F un faisceau quasi-cohérent sur Y . On suppose
que Y satisfait la propriété suivante :
(∗) il existe un recouvrement fini (Ui ) de Y par des ouverts affines tels
que Ui ∩ Uj soit pour tout (i, j) une réunion finie d’ouverts affines.
Nous allons démontrer que sous cette hypothèse, ψ∗ F est un OX -module
quasi-cohérent. Pour cela, on écrit chacun des Ui ∩ Uj comme réunion finie
d’ouverts affine Vij` . On écrit Ui = Spec Ai et Vij` = Spec Bij` pour tout i, j, `.
Comme F est un faisceau, on a une suite exacte
Fixons i, j et `. On a
ψ∗ OT (U ) = OT (ψ −1 (U )) = (OSpec Z (U ))N .
Ainsi, ψ∗ OT = OSpec
N
Z , dont on a vu au 5.3.3.5 qu’il n’est pas quasi-cohérent.
(5.3.10.3) Les résultats de 5.3.10.1 (qui concernait le cas d’un schéma de base
affine) peuvent se globaliser comme suit. Soit ψ : Y → X un morphisme de
schémas et soit F un OY -module quasi-cohérent. Supposons que tout point
de X admette un voisinage ouvert affine U tel que ψ −1 (U ) satisfasse (∗) ; en
vertu du caractère local de la quasi-cohérence, le OX -module ψ∗ F est alors
quasi-cohérent.
0 → I → OX → OX /I → 0
0 → Ix → OX,x → (OX /I )x → 0.
La fibre (OX /I )x s’identifie donc à OX,x /Ix . Elle est nulle si et seulement si
il existe un élément f ∈ Ix qui n’appartient pas à l’idéal maximal de OX,x ,
c’est-à-dire une section f de I définie au voisinage de x et telle que f (x) 6= 0.
Autrement dit,
(OX /I )x = {0} ⇐⇒ x ∈ / V (I ),
comme annoncé.
(5.3.11.4) Remarque. Notons j l’inclusion V (I ) ,→ X. Par ce qui précède,
(OX /I )|X\V (I ) est nul. Le lecteur est invité à démontrer que cela équivaut à
dire que l’homomorphisme canonique
OX /I → j∗ j −1 OX /I
est un isomorphisme.
(5.3.12) Nous nous proposons maintenant de démonter que réciproquement,
tout fermé d’un schéma X est de la forme V (I ) pour un certain faisceau
d’idéaux quasi-cohérent I sur X. Pour cela, il est nécessaire de faire une petite
digression et d’introduire la notion de schéma réduit.
(5.3.13) Lemme-définition. Soit X un schéma. Les assertions suivantes sont
équivalentes :
i) pour tout x ∈ X, l’anneau local OX,x est réduit ;
ii) pour tout ouvert U de X, l’anneau OX (U ) est réduit ;
iii) il existe un recouvrement (Ui ) de X par des ouverts affines tels
que OX (Ui ) soit réduit pour tout i.
Lorsqu’elles sont satisfaites, on dit que X est réduit.
Morphismes affines 237
U 7→ {f ∈ OX (U ), f (x) = 0 ∀x ∈ F ∩ U }.
A (V ) = OX (V ) ⊗OX (U ) A (U )
^
π∗ (Oπ−1 (U ) ) ' (A (U )) ' A |U .
π −1 (V ) / Spec OY (π −1 (V )) 7/ V _
_
α
*
Spec OY (π −1 (U )) ×U V
|
π −1 (U ) / Spec OY (π −1 (U )) /U
commutatif
π −1 (V ) / Spec π∗ OY ×X V / V .
_ _
π −1 (U ) / Spec π∗ OY ×X U /U
Y ' Spec A .
Le lecteur sera peut-être étonné qu’un résultat aussi fort ait une preuve
aussi courte et d’apparence très formelle. Mais lorsqu’on invoque le caractère
local de i), on invoque en particulier le caractère local de la quasi-cohérence ;
et ce dernier est lui-même fondé sur le théorème 5.3.6 dont la démonstration
met en jeu des arguments non triviaux, à base de calcul de fractions dans les
modules localisés. C’est donc là qu’il se passe vraiment quelque chose.
(5.4.7) On peut reformuler 5.4.2.3, 5.4.3.3 et 5.4.3.4 en disant que pout tout
schéma X, le foncteur A 7→ Spec A établit une anti-équivalence entre la
catégorie des OX -algèbres quasi-cohérentes et celle des X-schémas relativement
affines, dont (ϕ: Y → X) 7→ ϕ∗ OY est un quasi-inverse.
(5.4.8) Stabilité du caractère affine par composition et changement
de base.
(5.4.8.1) Soient ϕ: Z → Y et ψ: Y → X deux morphismes affines. La
composée ψ ◦ ϕ est alors affine : c’est immédiat en utilisant la condition
équivalente iii) de la proposition 5.4.5 ci-dessus.
(5.4.8.2) Soit X un schéma. Soit ϕ: Y → X un morphisme affine, et
soit ψ: Z → X un morphisme. La projection π: Y ×X Z → Z est alors affine. Plus
précisément si Y = Spec A pour une certaine OX -algèbre quasi-cohérente B,
le Z-schéma Y ×X Z s’identifie alors à Spec ψ ∗ B.
En effet, la question est locale sur Z, et a fortiori sur X. On peut donc
supposer tout d’abord X affine, puis Z affine ; comme ϕ est affine, Y est
affine. Soient A, B et C les anneaux correspondant respectivement aux schémas
affines X, Y et Z. On a alors B = B,e et
e = Spec ψ ∗ B.
⊗A C = Spec ψ ∗ B
Y ×X Z = Spec (B ⊗A C) = Spec B^
Z
ψ
χ
Y /' X
ϕ
signifie simplement que I ⊂ Ker (A → B), et le résultat voulu est une simple
reformulation du fait que A → B se factorise alors de manière unique par A/I.
(5.4.11.2) On peut résumer conceptuellement ce qui précède en disant
que (Y, ϕ) représente le foncteur
= k[T ](T ) [S]/(S 2 , ST ) = k[T ](T ) [S]/S = k[T ](T ) = OFred (D(T )).
| {z }
car T est inversible dans k[T ](T )
L’ouvert dense D(T ) de F2 est ainsi réduit : l’épaississement disparaı̂t dès qu’on
retire l’origine, c’est donc elle qui en un sens porte toute la multiplicité de la
situation. On dit que l’origine est une composante immergée du schéma F2 .
Remarque. Notez bien que la restriction de la fonction nilpotente non nulle S
à l’ouvert réduit D(T ) de F2 est nulle : contrairement à ce qu’on pourrait croire
naı̈vement, une fonction sur un schéma peut s’annuler en restriction à un ouvert
dense sans être nulle.
(5.4.18.4) Soit J 0 l’idéal (S 3 , S 2 T ). On a V (J 0 ) = F , et J 0 induit donc une
structure de schéma F3 sur F . La fonction S est alors nilpotente d’ordre 3 sur F3 .
Par ailleurs
OF3 (D(T )) = k[S, T ](T ) /(S 3 , S 2 T )
Morphismes affines 247
Morphismes finis
et b appartient donc à C.
(5.5.2) Remarque. La proposition ci-dessus affirme en particulier que si A est
un anneau et si U est un ouvert affine de Spec A alors OSpec A (U ) est une A-
algèbre de type fini. Cela n’avait rien d’évident a priori, sauf quand U est de la
forme D(f ) car alors OSpec A (U ) = Af = A[T ]/(f T − 1).
(5.5.3) Proposition. Soit ϕ: Y → X un morphisme de schémas.
A) Les assertions suivantes sont équivalentes :
i) pour tout ouvert affine U de X, le schéma ϕ−1 (U ) admet un
recouvrement ouvert fini par des spectres de OX (U )-algèbres de type
fini ;
ii) il existe un recouvrement (Ui ) de X par des ouverts affines tels que
ϕ−1 (Ui ) admette pour tout i un recouvrement ouvert fini par des
spectres de OX (Ui )-algèbres de type fini.
250 La notion de schéma
B) Si les assertions ci-dessus sont satisfaites alors pour tout ouvert affine U
de X et tout ouvert affine V de ϕ−1 (U ), la OX (U )-algèbre OY (V ) est de
type fini.
Démonstration. Commençons par montrer A). Il est clair que i)⇒ii).
Supposons que ii) est vraie, et montrons i). Soit U un ouvert affine de X.
Par quasi-compacité de U , il existe (f1 , . . . , fr ) ∈ OX (U ) tels que les D(fj )
recouvrent U et tels que pour tout j il existe i(j) vérifiant D(fj ) ⊂ Ui(j) ∩ U . Il
suffit pour conclure de démontrer que pour tout j le schéma ϕ−1 (D(fj )) admet
un recouvrement ouvert fini par des spectres de OX (U )-algèbres de type fini.
Fixons j, et écrivons f au lieu de fj et i au lieu de i(j). Le schéma ϕ−1 (Ui )
admet un recouvrement ouvert fini (Vα ) où chaque Vα est le spectre
d’une OX (Ui )-algèbre de type fini Aα .
Le schéma ϕ−1 (D(f )) = ϕ−1 (Ui ) ×Ui D(f ) est réunion de ses ouverts
Vα ×Ui D(f ) = Spec Aα ⊗OX (Ui ) OX (D(f )).
Pour tout α, la OX (D(f ))-algèbre Aα ⊗OX (Ui ) OX (D(f )) est de type fini ;
comme OX (D(f )) = OX (U )[T ]/(f T − 1), elle est également de type fini
sur OX (U ), ce qui achève la démonstration de A).
L’assertion B) découle quant à elle immédiatement de la proposition 5.5.1,
appliquée au schéma ϕ−1 (U ).
(5.5.4) Définition. On dit qu’un morphisme de schémas ϕ: Y → X est de
type fini s’il satisfait les conditions équivalentes i) et ii) de la proposition 5.5.3
ci-dessus. On dit parfois aussi que Y est de type fini sur X, ou bien est un
X-schéma de type fini.
(5.5.5) Exemples et premières propriétés.
(5.5.5.1) Il résulte immédiatement des définitions qu’un morphisme fini est de
type fini ; c’est en particulier le cas des immersions fermées.
(5.5.5.2) Si A est un anneau et B une A-algèbre alors Spec B → Spec A est
de type fini si et seulement si B est de type fini comme A-algèbre : la condition
est en effet suffisante par définition, et nécessaire en vertu de l’assertion B) de
la proposition 5.5.3.
(5.5.5.3) Pour tout entier n et tout schéma X, le schéma AnX est de type fini
sur X. En effet, la propriété est par définition locale sur X, ce qui permet de se
ramener au cas où celui-ci est affine, auquel cas c’est immédiat car AnA est égal
à Spec A[T1 , . . . , Tn ] pour tout anneau A.
(5.5.5.4) La composée de deux morphismes de type fini est de type fini :
on le déduit immédiatement de leur caractérisation via la propriété i) de la
proposition 5.5.1.
(5.5.5.5) Soit X un schéma, soit Y un X-schéma de type fini et soit Z un X-
schéma. Le Z-schéma Y ×X Z est alors de type fini. En effet, on peut raisonner
localement sur Z, et a fortiori sur X ; cela autorise à supposer X et Z affines.
Dans ce cas, Y possède un recouvrement ouvert affine fini (Vi ) tel que OY (Vi ) soit
une OX (X)-algèbre de type fini pour tout i. Le schéma Y ×X Z est alors réunion
de ses ouverts affines Vi ×X Z ; pour tout i, la OZ (Z)-algèbre OY ×X Z (Vi ×X Z)
est égale à OY (Vi ) ⊗OX (X) OZ (Z) et est donc de type fini, d’où notre assertion.
Morphismes de type fini 251
(5.5.9.2) Comme Xred ,→ X est une immersion fermée elle est de type fini,
et Xred est donc un k-schéma de type fini ; de plus, Xred ,→ X induit un
homéomorphisme entre les espaces topologiques sous-jacents. On peut donc
remplacer X par Xred et le supposer réduit.
Le schéma irréductible X possède un unique point générique ξ. Soit U un
ouvert affine non vide de X. Il est irréductible ; comme X est réduit, OX (U ) est
réduit, et donc intègre. C’est une k-algèbre de type fini, et la dimension de Krull
de U est égale au degré de transcendance de Frac OX (U ) sur k (th. 2.10.11).
Le point ξ est l’unique point générique de U , et l’on a
Frac(OX (U )) = OU,ξ = OX,ξ .
Le corps Frac(OX (U )) s’identifie donc à OX,ξ et ne dépend en particulier pas
de U . On l’appelle le corps des fonctions de X. Soit d son degré de transcendance
sur k ; nous allons montrer que la dimension de Krull de X est égale à d. Par
ce qui précède, nous avons déjà que d est la dimension de Krull de tout ouvert
affine non vide de X.
La dimension de Krull de X est majorée par d. En effet, soit
F0 ( F1 ( . . . ( Fn
une suite de fermés irréductibles de X. Comme F0 est irréductible, il est non
vide et rencontre donc un ouvert affine U de X ; celui-ci rencontre a fortiori
chacun des Fi .
Pour tout i, l’intersection Fi ∩ U est un ouvert non vide de l’espace
irréductible Fi , il est donc irréductible et dense dans Fi ; il vient Fi = U ∩ Fi .
On en déduit que les ensembles U ∩ Fi sont deux à deux distincts, puisque les Fi
le sont. La suite
U ∩ F0 ( U ∩ F1 ( . . . ( U ∩ Fn
est ainsi une chaı̂ne strictement croissante de fermés irréductibles de U ; comme
celui-ci est de dimension de Krull égale à d, on a n 6 d, et dimKrull X 6 d.
La dimension de Krull de X est minorée par d. Soit U un ouvert affine non
vide de X. Il est de dimension de Krull d ; en conséquence, il existe une chaı̂ne
strictement croissante
G0 ( G1 ( . . . ( Gd
de fermés irréductibles de U . Pour tout i, le fermé Gi de X est irréductible, et
son intersection avec U est égale à Gi . On en déduit que les fermés Gi sont deux
à deux distincts, puisque les Gi le sont. La suite
G0 ( G1 ( . . . ( Gd
est ainsi une chaı̂ne strictement croissante de fermés irréductibles de X ; on a
donc dimKrull X > d, ce qui termine la preuve.
(5.5.9.3) Remarque. Si U est un ouvert non vide quelconque de X on a
l’égalité OU,ξ = OX,ξ ; par ce qui précède, il s’ensuit que dimKrull U = d : la
dimension de Krull de tout ouvert non vide de X coı̈ncide avec celle de X.
Une fois encore, cette remarque n’est pas anodine. Pour le voir, considérons
le spectre S de k[[t]] que nous avons décrit au 5.5.6.5 ; soit s son point fermé et
soit η son point générique. Les seuls fermés irréductibles de S sont {s} et S, et
l’on a évidemment {s} ( S ; en conséquence, la dimension de Krull de S est 1,
mais celle de son ouvert dense {η} est égale à 0.
254 La notion de schéma
(5.6.1) Nous avons jusqu’à maintenant considéré les schémas comme des
espaces localement annelés. Cette approche offre l’avantage de décalquer, dans
une certaine mesure, l’intuition géométrique classique : elle permet de parler
d’ouverts et de fermés, d’évaluer les fonctions... Toutefois, elle présente en regard
des inconvénients assez lourds : on doit accepter que le corps résiduel varie avec
le point considéré, qu’une fonction puisse s’annuler ponctuellement partout sans
être pour autant nulle, que l’espace sous-jacent au produit fibré ne soit pas le
produit fibré des espaces sous-jacents, etc.
Mais on peut penser à un schéma autrement : comme n’importe quel objet
de n’importe quelle catégorie, il est en vertu du lemme de Yoneda entièrement
déterminé par le foncteur qu’il représente. Et si tautologique que soit ce
constat, nous allons voir sur plusieurs exemples qu’il peut parfois présenter
un côté rafraı̂chissant : il permet en effet dans un certain nombre de cas de
revenir en un sens à la définition première de la géométrie algébrique, à savoir
l’étude des ensembles de solutions d’équations polynomiales, et des applications
polynomiales entre iceux.
Premiers exemples
(5.6.2) Soit S un schéma ; dans ce qui suit, nous allons travailler dans la
catégorie S-Sch des S-schémas (qui est celle des schémas tout courts lorsque S
est égal à Spec Z). Soit X un S-schéma. Pour tout S-schéma T , nous
noterons X(T ) l’ensemble HomS (T, X), et nous écrirons souvent par abus X(A)
plutôt que X(Spec A) ; notons que ces conventions sont compatibles avec la
notation X(L) introduite plus haut (5.5.7) En d’autres termes, T 7→ X(T ) est
le foncteur contravariant de S-Sch dans Ens représenté par X. On dit parfois
que X(T ) est l’ensemble des T -points (ou des A-points si X = Spec A) du T -
schéma X.
(5.6.2.1) Le lemme de Yoneda assure que X est entièrement déterminé
par X 7→ X(T ), et que se donner un morphisme Y → X dans S-Sch revient
à se donner un morphisme entre les foncteurs T 7→ Y (T ) et T 7→ X(T ). Il
n’y a donc aucun inconvénient à identifier, si on le juge utile, un schéma X au
foncteur T 7→ X(T ), ce qui justifie a posteriori la notation X(T ).
(5.6.2.2) Soit X un S-schéma. Si T est un S-schéma il est recouvert par des
ouverts affines, et U 7→ HomS (U, X) est un faisceau sur X. Il s’ensuit que le
foncteur X est entièrement déterminé par sa restriction à la catégorie S-Aff
des S-schémas qui sont affines (dans l’absolu, pas relativement à S).
Pour la même raison, si Y est un X-schéma, tout morphisme entre les
foncteurs Y |S-Aff et X|S-Aff s’étend d’une unique manière en un morphisme de
foncteurs de Y vers X.
Il n’y a donc aucun inconvénient, si l’on préfère travailler avec des schémas
affines, à se contenter de voir un S-schéma X comme un foncteur contravariant
de S-Aff dans Ens.
Le foncteur des points d’un schéma 255
(à gauche, X est vu comme foncteur de S-Sch vers Ens ; à droite, X ×S S 0 est vu
comme foncteur de S 0 -Sch vers Ens). Remarquez qu’il s’agit simplement d’une
déclinaison de l’énoncé 1.5.7.2, dont nous vous avions déjà proposé la preuve en
exercice.
(5.6.3) Un exemple. Soit A un anneau et soit (Pj )j∈J une famille de
polynômes appartenant à A[U1 , . . . , Un ]. Posons
Soit T un A-schéma. L’ensemble X(T ) est égal à HomA (T, X), c’est-à-
dire à HomA (A[U1 , . . . , Un ]/(Pj )j , OT (T )). Or cet ensemble est lui-même en
bijection naturelle, via la flèche ϕ 7→ (ϕ(U1 , . . . , ϕ(Un )), avec l’ensemble des n-
uplets (t1 , . . . , tn ) de OT (T )n tels que Pj (t1 , . . . , tn ) = 0 pour tout j. On dispose
donc d’une bijection fonctorielle en T
Notez que tout est consistant : cette application ne dépend bien que des gi et
pas du choix des Gi (parce que le m-uplet (s1 , . . . , sm ) appartient à Y (T )),
et le n-uplet de droite appartient bien à X(T ) (parce que chaque Pj s’annule
en (g1 , . . . , gn )).
Ainsi, lorsqu’on considère un morphisme entre les A-schémas Y et X comme
un morphisme entre les foncteurs correspondants, on obtient une application
polynomiale : là encore, on retombe sur la géométrie algébrique naı̈ve ou
ensembliste.
(5.6.4) Bien que le but de la théorie des schémas soit de simplifier la vie
des géomètres algébristes, on peut avoir à première vue l’impression qu’elle la
complique singulièrement. Pour se convaincre qu’il n’en est rien, il est important
de bien comprendre que les énoncés naı̈fs se transposent aisément, et le plus
souvent de façon automatique, dans ce nouveau contexte. Nous allons illustrer
ce propos par un exemple.
(5.6.5) Soit k un corps algébriquement clos de caractéristique différente de 2.
Nous allons partir d’un énoncé de géométrie algébrique classique sur le corps k,
qui traduit le fait qu’on peut paramétrer le cercle sur k en faisant tourner une
droite non verticale de pente t autour de (−1, 0) et en considérant son deuxième
point d’intersection avec le cercle : les applications polynomiales
1 − t2
2t y
t 7→ 2
, 2
et (x, y) 7→
1+t 1+t x+1
{t ∈ k, 1 + t2 6= 0} et {(x, y) ∈ k 2 , x2 + y 2 = 1 et x + 1 6= 0}.
Le foncteur des points d’un schéma 257
Nous allons donner deux traductions de ce fait dans le langage des schémas, la
première en termes d’espaces annelés et la seconde en termes de foncteurs des
points, restreints aux schémas affines pour simplifier (5.6.2.2).
(5.6.5.1) La première traduction. Posons
1 − t2 2t
A → B, x 7→ , y 7→
1 + t2 1 + t2
et
y
B → A, t 7→
x+1
qui sont des bijections réciproques l’une de l’autre, et qui induisent donc deux
isomorphismes réciproques l’un de l’autre entre Spec B et Spec A.
(5.6.5.2) La seconde traduction. Les foncteurs
Y : R 7→ {t ∈ R, 1 + t2 ∈ R× }
et X: R 7→ {(x, y) ∈ R2 , x2 + y 2 = 1, (x + 1) ∈ R× }
de k-Alg dans Ens sont représentables par des k-schémas (affines), et les formules
1 − t2
2t y
t 7→ 2
, 2
et (x, y) 7→
1+t 1+t x+1
Schémas en groupes
(µ◦pr12 ,pr3 )
G×G×G / G×G µ
/G
258 La notion de schéma
et
(pr1 ,µ◦pr23 )
G×G×G / G×G µ
/G
coı̈ncident.
• Un morphisme e: f → G, où f est l’objet final de Ens (c’est-à-dire
le singleton) tel que les applications composées
(e◦π,IdG )
G / G×G µ
/G
et
(IdG ,e◦π)
G / G×G µ
/G,
où π est l’unique morphisme de G vers f, soient toutes deux égales à IdG .
• Un morphisme i: G → G tel que les applications composées
(i,IdG )
G / G×G µ
/G
et
(IdG ,i)
G / G×G µ
/G
soient toutes deux égales à e ◦ π.
(5.6.6.2) Première définition d’un objet en groupes. Soit maintenant C une
catégorie. On suppose que C a un objet final et que le produit cartésien de
deux objets existe toujours dans C (on peut de manière équivalente requérir que
les produits cartésiens de familles finies d’objets de C existent dans C, l’objet
final étant alors le produit vide). Soit f l’objet final de C. Un objet en groupes
dans la catégorie C est un objet G de C muni d’un morphisme µ: G × G → G,
d’un morphisme e: f → G, et d’un morphisme i: G → G tels que les axiomes
catégoriques du 5.6.6.1 soient satisfaits verbatim.
(5.6.6.3) Seconde définition d’un objet en groupes. Il résulte immédiatement
du lemme de Yoneda qu’un objet en groupes de C est la donnée d’un objet G
de C et, pour tout objet T de C, d’une structure de groupe fonctorielle en T
sur HomC (T, G) ; ou, si l’on préfère, d’un objet G de C et d’une factorisation
de T 7→ HomC (T, G) via le foncteur d’oubli de Gp dans Ens.
(5.6.6.4) Exercice. Montrez qu’un groupe en groupes est un groupe abélien.
(5.6.7) Soit S un schéma. Il y a d’après ce qui précède deux manières de se
donner une structure de S-schémas en groupes sur un S-schéma G : on peut ou
bien se donner pour tout S-schéma T une structure de groupe fonctorielle en T
sur G(T ), ou bien se donner trois morphismes de S-schémas
µ: G × G → G, e: S → G et i: G → G
λ: B → B ⊗A B, ε: A → B et j: B → B
Le foncteur des points d’un schéma 259
satisfaisant les axiomes duaux de ceux imposés à (µ, e, i), que nous vous
laissons expliciter ; on dit qu’un tel triplet (λ, ε, j) fait de B une A-algèbre de
Hopf.
(5.6.8) Exemple de schéma en groupes : le groupe multiplicatif sur Z.
Soit Gm le Z-schéma Spec Z[U, U −1 ]. Nous allons le munir d’une structure de Z-
schéma en groupes, que nous allons définir de deux façons différentes.
(5.6.8.1) Définition fonctorielle. Soit T un schéma (ou un Z-schéma, c’est
la même chose). On déduit de 5.6.3.2 que ψ 7→ ψ ∗ U établit une bijection
fonctorielle en T entre Gm (T ) et OT (T )× . On voit donc immédiatement
que Gm (T ) hérite d’une structure de groupe fonctorielle en T , qui fait de Gm
un Z-schéma en groupes appelé pour des raisons évidentes le groupe multiplicatif
(sur Spec Z).
(5.6.8.2) Définition par une structure d’algèbre de Hopf. Soit λ le morphisme
d’anneaux de Z[U, U ]−1 dans Z[V, V −1 ] ⊗Z Z[W, W −1 ] = Z[V, W, V −1 , W −1 ]
qui envoie U sur V W ; soit ε le morphisme d’anneaux de Z[U, U −1 ] vers Z qui
envoie U sur 1, et soit j le morphisme d’anneaux de Z[U, U −1 ] dans lui-même
qui échange U et U −1 .
Nous vous laissons vérifier que (λ, ε, j) satisfait les axiomes des algèbres de
Hopf, et que la structure de schéma en groupes que ce triplet induit dès lors
sur Gm est la même que celle définie supra.
(5.6.8.3) Vous observez donc sur cet exemple le phénomène que nous avions
annoncé : la définition d’une structure de schémas en groupes via le foncteur
des points est en général la plus naturelle.
260 La notion de schéma
Chapitre 6
Schémas projectifs
261
262 Schémas projectifs
(ab ∈ I) ⇒ a ∈ I ou b ∈ I
Construction de Proj B
D(f ) := {p ∈ Proj B, f ∈
/ p}
où f ∈ B hom .
hom
Soit (fi ) une famille d’éléments de B+ engendrant B+ . Si p ∈ Proj B il
ne contient
S pas B + , et ne saurait donc contenir tous les fi . Par conséquent,
Proj B = i D(fi ).
(6.1.5.3) Remarque. Par définition, Proj B est un sous-ensemble de Spec B.
Si f ∈ B hom , l’ouvert D(f ) de Proj B est simplement l’intersection de
l’ouvert D(f ) de Spec B avec Proj B. P
Soit maintenant g ∈ B ; écrivons g = n6N gn avec gn ∈ Bn pour tout n.
Soit p ∈ Proj B. En vertu de la caractérisation d’un idéal homogène par la
propriété iii) de 6.1.1.5, on a l’équivalence
g∈/ p ⇐⇒ ∃i gi ∈ / p.
S
En conséquence, D(g) ∩ Proj B est l’ouvert i6n D(gi ) de Proj B.
Il découle de ce qui précède que la topologie de Proj B coı̈ncide avec la
topologie induite par celle de Spec B.
(6.1.5.4) Le faisceau d’anneaux sur Proj B. Si U est un ouvert de Proj B,
on note S hom (U ) l’ensemble des éléments f de B hom tels que U ⊂ D(f ).
C’est une partie multiplicative de B constituée d’éléments homogènes ;
l’anneau S hom (U )−1 B hérite donc d’après 6.1.1.7 d’une graduation naturelle
et en particulier d’un sous-anneau (S hom (U )−1 B)0 .
La flèche U 7→ (S hom (B)−1 U )0 est un préfaisceau d’anneaux sur Proj B ; on
note OProj B le faisceau associé.
(6.1.6) Théorème. On conserve les notations de 6.1.4 et sq.
264 Schémas projectifs
qu’elle est nulle signifie qu’il existe un élément s ∈ S hom (U ) tel que sbf n = 0.
Soit ` tel que s ∈ B` et soit (d, δ) ∈ λ(`). Comme s appartient à S hom (U ), on
d d
a fs δ ∈ S(V ). L’égalité sbf n = 0 implique que l’élément fs δ · fbm de (Bf )0 est
−1
nul, et donc que l’élément fbm de S(V )−1 (Bf )0 est nul ; l’élément fan · fbm
de S(V )−1 (Bf )0 est a fortiori nul, ce qu’il fallait démontrer.
Preuve de la surjectivité. Soit n un entier, soit a ∈ Bn et soit s appartenant
d
à S hom (U )∩Bn . Soit (d, δ) ∈ λ(n) ; notons que fs δ ∈ S(V ) puisque s ∈ S hom (U ).
On a dans l’anneau (S hom (U )−1 B)0 les égalités
a asd−1 f δ asd−1
= d
= d · ,
s s s fδ
d −1 d−1
et a
s est donc l’image de l’élément fs δ as
fδ
de S(V )−1 (Bf )0 .
hom
Ainsi, Proj B est vide si et seulement si Bf est nul pour tout f ∈ B+ ,
hom
c’est-à-dire encore si et seulement si tout élément de B+ est nilpotent.
(6.1.7.2) Soit p ∈ Proj B, et soit Σ l’ensemble des éléments de B hom
n’appartenant pas à p. C’est une partie multiplicative de B, constituée par
définition d’éléments homogènes. Nous laissons le lecteur vérifier que l’anneau
local OProj B,p s’identifie à (Σ−1 B)0 .
(6.1.7.3) Supposons que B soit réduit. Dans ce cas, Bf est réduit pour tout f
hom
appartenant à B, et en particulier pour tout f ∈ B+ . Pour un tel f , le sous-
anneau (Bf )0 de Bf est alors lui aussi réduit, et le schéma D(f ) = Spec (Bf )0
hom
est donc réduit. Comme Proj B est la réunion des D(f ) pour f parcourant B+ ,
il est réduit.
hom
(6.1.7.4) Supposons que B soit intègre et que B+ 6= {0}. L’idéal
hom
homogène {0} de B est alors premier et ne contient pas B+ ; c’est donc un
point de Proj B, dont l’adhérence dans Proj B est égale à V (0), c’est-à-dire
à Proj B tout entier. En conséquence, Proj B est irréductible.
(6.1.7.5) Supposons que B soit une algèbre graduée sur un certain anneau A.
Le préfaisceau
U 7→ (S hom (U )−1 B)0
(avec les notations de 6.1.5.4 ) est alors de manière naturelle un préfaisceau
de A-algèbres, et il en va de même de son faisceau associé. Le schéma Proj B
hérite par ce biais d’une structure naturelle de A-schéma.
La flèche D(f¯) → D(f ) induite par ψ est donc l’immersion fermée associée
à l’idéal IBf ∩ (Bf )0 de (Bf )0 , idéal qui est simplement l’ensemble des éléments
de la forme far avec r ∈ N et a ∈ I ∩ Brn .
(6.1.11.2) Comme être une immersion fermée est une propriété locale sur le
but, on déduit de ce qui précède que le morphisme ψ: Proj B/I → Proj B est
une immersion fermée. Nous allons déterminer son image.
Soit q ∈ Proj B/I. Par définition, ψ(q) est l’image réciproque de q
hom
dans B, qui est un idéal premier homogène de B ne contenant pas B+ (c’est
précisément ce que signifie l’égalité Ω = Proj B/I).
270 Schémas projectifs
ϕ: B → C ⊗A B
Proj (C ⊗A B) / Spec C
ψ
Proj B / Spec A
D(f ) ' Spec (Bf )0 et ψ −1 (D(f )) = D(ϕ(f )) ' Spec ((C ⊗A B)ϕ(f ) )0 .
Par conséquent, ψ −1 (D(f )) ' D(f ) ×Spec A Spec C, d’où notre assertion.
On vérifie
immédiatement que le morphisme homogène de degré 1 naturel
de A T0 , . . . , Tn , Q 1T ei vers A T0 , . . . , Tn , Q1T est injectif ; nous nous
i i
1
permettrons donc de considérer implicitement A T0 , . . . , Tn , T ei comme une
Q
i
1
sous-algèbre graduée de A T0 , . . . , Tn , T . Pour alléger les notations, nous
Q
i
Q
posons θ = Ti .
(6.2.3.2) Soit i ∈ {0, . . . , n}. En vertu de l’assertion i) du théorème 6.1.6, on
dispose d’un A-isomorphisme canonique
1
Ui ' Spec A T0 , . . . , Tn , .
Ti 0
272 Schémas projectifs
h i
On montre aisément que A T0 , . . . , Tn , T1i est simplement l’algèbre de
h i 0
T`
polynômes en n-variables A Ti . On a donc
`6=i
T`
Ui ' Spec A ' AnA .
Ti `6=i
entre sous-anneaux de A T0 , . . . , Tn , θ1 .
(6.2.4) Les fonctions globales sur PnA . Il résulte de 6.2.3 et sq. que OPnA (PnA )
est le sous-anneau de A T0 , . . . , Tn , θ1 constitué des éléments qui peuvent
T
s’écrire pour tout i comme un polynôme en les variables Tji pour j 6= i.
1
En tant que A-module, A TQ 0 , . . . , Tn , θ est libre et admet pour base la
famille des monômes de la forme Tiei où les ei appartiennent à Z. Fixons i. Un
Le schéma PnA 273
Ts
et βj Tis appartient évidemment encore à l’idéal Ij . Il s’ensuit (comme il n’y a
j
qu’un nombre fini d’indices) qu’il existe r et, pour tout j, un élément βj ∈ Ij
Tr hj
tels que α = βj Tjr pour tout j. On peut écrire chacun des βj sous la forme Tjs
i
où s est un entier et hj un polynôme homogène de degré s (il est clair que s
peut être choisi indépendamment de j : au besoin, il n’y a qu’à multiplier le
numérateur et le dénominateur par une même puissance de Tj ).
On a finalement pour tout j l’égalité
g hj Tjr
= · ,
Tiδ Tjs Tir
et donc
gTir hj Tiδ
= ∈ Ij ,
Tjδ+r Tjs+δ
ce qui montre que gTir ∈ I. On conclut en remarquant que
g gTir
α= δ
= δ+r .
Ti Ti
276 Schémas projectifs
(f0 ,...,fn )
S /V Ψ / Pn
A
[f0 :...:fn ]
(f0 ,...,fn ) !
S / Vi Ψ / Ui
f` o T
`
Tj o Tj
Ti Ti
gj o Tj
Ti
montre l’effet des différents morphismes de schémas en jeu sur les fonctions. On
en déduit immédiatement que gj = fj /fi pour tout j 6= i. Autrement dit, modulo
l’identification de Ui (S) avec OS (S){0,...,n}\{i} , l’application naturelle de Vi (S)
dans Ui (S) envoie [f0 : . . . : fn ] sur (fj /fi )6=j . Ce fait a deux conséquences
importantes.
• L’application (f0 , . . . , fn ) 7→ [f0 : f1 : . . . : fn ] de Vi (S) dans Ui (S) est
surjective. En effet, tout élément (gj )j6=i de Ui (S) est par qui précède égal à
[g0 : . . . : gi−1 : 1 : gi+1 : . . . : gn ].
• Si (f0 , . . . , fn ) et (g0 , . . . , gn ) sont deux éléments de Vi (S) alors
[f0 : f1 : . . . : fn ] = [g0 : g1 : . . . : gn ]
par définition de V (S). Pour cette même raison il suffit, pour montrer que les
éléments [f0 : . . . fn ] et [g0 : . . . : gn ] de PnA (S) coı̈ncident, de prouver que c’est
le cas des éléments [f0 |Si : . . . : fn |Si ] et [g0 |Si : . . . : gn |Si ] de PnA (Si ) pour
tout i, où l’on a posé Si = D(fi ) = D(gi ).
Fixons donc i. Les fonctions fi et gi sont inversibles sur Si , et les Si -points
(f0 |Si , . . . , fn |Si ) et (g0 |Si , . . . , gn |Si ) appartiennent en conséquence à Vi (Si ). En
vertu de 6.3.4.3, l’existence de la fonction λ entraı̂ne l’égalité
implique en vertu de 6.3.4.3 qu’il existe une fonction inversible λi sur Si telle
que fj |Si = λi gj |Si pour tout j. L’assertion d’unicité déjà établie entraı̂ne
que λi |Si ∩Sj = λj |Si ∩Sj pour tout (i, j), et les λi se recollent ainsi en une
fonction inversible λ qui possède la propriété requise.
(6.3.5) Récapitulons : le morphisme Ψ: V → PnA induit pour tout A-schéma S
une application (f0 , . . . , fn ) 7→ [f0 : . . . : fn ] de V (S) vers PnA (S) dont on a décrit
au 6.3.4.4 le noyau, c’est-à-dire les conditions sous lesquelles deux éléments
ont même image : il faut et il suffit qu’ils satisfassent la relation de colinéarité
inversible.
Il est par contre difficile en général de décrire son image que nous
noterons Pn,]
A (S). Indiquons tout de même quelques faits à son sujet.
Quelques exemples
(6.3.7) On suppose pour ce paragraphe que l’anneau A est un corps, que
nous préférons noter k. Soit x ∈ Pnk (k) (on peut voir x aussi bien comme un
morphisme de Spec k vers Pnk que comme un point schématique de Pnk de corps
résiduel k, cf. 5.5.7.1 ; dans ce qui suit, nous utiliserons implicitement ces deux
interprétations). D’après 6.3.6.1, il existe un (n+1)-uplet (a0 , . . . , an ) d’éléments
non tous nuls de k tel que x = [a0 : . . . : an ]. Pour tout i, on a x ∈ Ui (k) si et
seulement si ai 6= 0 (6.3.4.2).
Le foncteur des points de PnA 281
(6.3.7.1) Soit i tel que aih 6= i0, c’est-à-dire encore tel que x ∈ Ui (k). On a un
T
isomorphisme Ui ' Spec k Tji qui permet d’identifier Ui (k) à l’ensemble des
j6=i
n-uplets (bj )06j6n,j6=i d’éléments de k. D’après 6.3.4.3, le n-uplet qui correspond
à x est (aj /ai )j6=i .
(6.3.7.2) Déclinons ces faits dans le cas particulier où n = 1. La droite
projective P1k est alors réunion de deux cartes affines U0 et U1 , respectivement
munies des fonctions coordonnées τ1 := T1 /T0 et τ0 := T0 /T1 ; on a τ0 = 1/τ1
sur l’intersection U0 ∩ U1 . Le point x s’écrit [a0 : a1 ], où (a0 , a1 ) ∈ k 2 \ {(0, 0)}.
Si a0 6= 0 alors x ∈ U0 (k) ; c’est le k-point de la carte U0 . en lequel τ1 = a1 /a0 .
Si a1 6= 0 alors x ∈ U1 (k) ; c’est le k-point de la carte U1 en lequel τ0 = a0 /a1 .
Si a0 = 0 alors x ∈ / U0 (k). C’est le k-point de la carte U1 en lequel τ0 = 0
ou, si l’on préfère, le point à l’infini relativement à la coordonnée τ1 .
Si a1 = 0 alors x ∈ / U1 (k). C’est le k-point de la carte U0 en lequel τ1 = 0
ou, si l’on préfère, le point à l’infini relativement à la coordonnée τ0 .
Notons que le point fermé x de P1k est égal à V (a1 T0 − a0 T1 ) : il suffit en
effet de vérifier que {x} ∩ U0 = V (a1 − a0 τ1 ) et {x} ∩ U1 = V (a1 τ0 − a0 ), et cela
découle aussitôt de ce qui précède.
(6.3.8) On ne suppose plus que A est un corps. Le A-schéma P1A est
réunion de deux cartes affines U0 et U1 , respectivement munies des fonctions
coordonnées τ1 := T1 /T0 et τ0 := T0 /T1 .
(6.3.8.1) Soit s ∈ P1,] A (A). Par définition, s est une section du morphisme
structural P1A → Spec A, section qui est de la forme [a0 : a1 ] où a0 et a1 sont
deux éléments de A tels que Spec A = D(a0 ) ∪ D(a1 ), c’est-à-dire encore tels
que l’idéal (a0 , a1 ) de A soit égal à A.
Soit x ∈ Spec A. L’image s(x) est alors (par fonctorialité de toutes
les constructions) le κ(x)-point [a0 (x), a1 (x)] de la fibre P1κ(x) de P1A en x
(comme Spec A = D(a0 ) ∪ D(a1 ) on a bien a0 (x) 6= 0 ou a1 (x) 6= 0). On a
donc
quelle application continue – on peut aussi si l’on préfère remarquer qu’il existe
un homéomorphisme naturel
(6.3.9) Si k est une A-algèbre qui est un corps, on a vu que PnA (k) possède une
description agréable : c’est le quotient de k n+1 \ {(0, . . . , 0)} par la relation de
colinéarité inversible.
(6.3.9.1) Malheureusement, cette description ne se généralise pas telle quelle
aux A-schémas quelconques. On a certes construit, pour tout A-schéma S, un
sous-ensemble naturel Pn,] n
A (S) de PA (S) qui s’identifie au quotient de
[
V (S) = {(f0 , . . . , fn ) ∈ OS (S)n+1 , D(fi ) = S}
vers S hom (U )−1 A[T0 , . . . , Tn ]d1 +d2 , d’où par passage au produit tensoriel et
faisceautisation un morphisme
Nous allons montrer qu’il s’agit d’un isomorphisme. Pour cela, il suffit de
raisonner localement ; on peut donc fixer i ∈ {0, . . . , n} et établir l’assertion
Le foncteur des points de PnA 285
requise sur la carte Ui . On déduit de 6.3.10.2 que Tid1 (resp. Tid2 ) est une section
inversible de O(d1 )|Ui (resp. de O(d2 )|Ui ). En conséquence, Tid1 ⊗ Tid2 est une
section inversible de (O(d1 ) ⊗OPn O(d2 ))|Ui .
A
Le morphisme ci-dessus envoie Tid1 ⊗ Tid2 sur Tid1 +d2 qui est elle-même
d’après loc. cit. une section inversible de O(d1 + d2 )|Ui . L’assertion requise
s’ensuit aussitôt.
et
(L , (si )) 7→ [s0 : . . . : sn ]
établissent une bijection fonctorielle en S entre PnA (S) et l’ensemble des classes
d’isomorphie d’objets de LS .
Démonstration. Les flèches de l’énoncé constituent clairement deux
applications fonctorielles en S. Il reste à s’assurer qu’elles sont réciproques l’une
de l’autre.
(6.3.15.1) Soit χ un A-morphisme de S vers PnA . Nous allons montrer que
le morphisme [χ∗ T0 , . . . , χ∗ Tn ] coı̈ncide avec χ. C’est une propriété qu’il suffit
de vérifier localement ; nous allons donc nous assurer qu’elle est vraie sur
l’ouvert Si = χ−1 (Ui ) = D(χ∗ Ti ) pour tout i, ce qui permettra de conclure.
Soit i ∈ {0, . . . , n}. Par définition, la restriction de [χ∗ T0 , . . . , χ∗ Tn ] à Si est
l’élément
de Ui (Si ).
On sait par ailleurs d’après 6.3.4.3 que θ 7→ (θ∗ (Tj /Ti ))j6=i établit une
bijection entre Ui (Si ) et l’ensemble des n-uplets (gj )j6=i de fonctions sur Si ;
et que modulo cette bijection, [χ∗ (T0 /Ti ) : . . . : χ∗ (Tn /Ti )] correspond au n-
uplet (χ∗ (Tj /Ti )/χ∗ (Ti /Ti ))j = (χ∗ (Tj /Ti ))j . Il en résulte immédiatement
que [χ∗ (T0 /Ti ) : . . . : χ∗ (Tn /Ti )] = χ|Si , comme annoncé.
(6.3.15.2) Soit (L , (si )) un objet de LS . Posons
χ = [s0 : . . . : sn ].
Nous allons montrer que (χ∗ O(1), (χ∗ Ti )) est isomorphe à (L , (si )).
Fixons i. On sait que χ−1 (Ui ) = D(si ) (6.3.12). Sur cet ouvert, si est une
section inversible de L , et χ∗ Ti est une section inversible de O(1). Il existe
Le foncteur des points de PnA 287
`i (sj ) = `i ((sj /si )si ) = (sj /si )`i (si ) = (sj /si )χ∗ Ti = χ∗ (Tj /Ti )χ∗ Ti = χ∗ Tj
• Le cas où S est le spectre d’un anneau local (c’est dû au lemme 6.3.6.2).
• Le cas où S est le spectre d’un anneau principal (c’est une conséquence
de 5.3.9 et du corollaire 2.6.7.2).
On déduit notamment de ce dernier exemple que PnZ (Z) = Pn,]
Z (Z).
[p∗ s0 : . . . : p∗ sn ]: SB → PnB
pour toutes ; ce ne sera pas le cas dans cette section, et il est donc préférable
de le faire figurer explicitement dans les notations). Nous désignerons par |LnS |
l’ensemble des classes d’isomorphie d’objets de LnS . Si n et m sont deux entiers,
tout morphisme de foncteurs de LnS vers Lm S induit une application de |LS |
n
m
vers |LS |.
Pour tout n ∈ N et tout A-schéma S, le théorème 6.3.15 fournit une bijection
fonctorielle en S.
(6.4.2.2) Interprétation tensorielle d’un polynôme homogène. Soient n et d
deux entiers et soit P un polynôme P homogène
Q ei de degré d appartenant
à A[T0 , . . . , Tn ]. Écrivons P = (ei ) a(ei ) i Ti , où (ei ) parcourt la famille
des (n + 1)-uplets d’entiers de somme égale à d, et où les a(ei ) sont des scalaires
(évidemment presque tous nuls).
Soit S un A-schéma, soit L un OS -module localement libre de rang 1 et
soit (si )06i6n une famille de sections globales de L . On pose alors
X O
P (s0 , . . . , sn ) = a(ei ) si⊗ei ∈ L ⊗d (S).
(ei ) i
[s0 : . . . : sn ]: S → PnA .
D’après le théorème 6.3.15, (L , (si )) est isomorphe à (χ∗ O(1), (χ∗ Ti )). Il
vient
290 Schémas projectifs
[ [
D(g` (χ∗ T0 , . . . , χ∗ Tn )) = χ−1 (Ω).
D(g` (s0 , . . . , sn )) =
S
On en déduit que χ ∈ Ω(S) si et seulement si S = D(g` (s0 , . . . , sn )).
(6.4.3.2) Il résulte de 6.4.3.1 que le sous-ensemble Ω(S) de |LnS | est constitué
des classes d’objets (L , (si )) tels que la section g` (s0 , . . . , sn ) de L ⊗d` soit
inversible pour tout `.
(6.4.4) Immersions fermées. Soit n un entier et soit I un idéal
homogène de A[T0 , . . . , Tn ]. Donnons-nous une famille génératrice (g` ) de I,
où chaque g` est homogène d’un certain degré d` . Soit Z le sous-schéma
fermé Proj A[T0 , . . . , Tn ]/I de PnA .
(6.4.4.1) Soit S un A-schéma. L’ensemble Z(S) est de manière naturelle un
sous-ensemble de PnA (S), à savoir celui des morphismes ψ qui se factorisent
par Z, c’est-à-dire encore qui sont tels que ψ ∗ a = 0 pour toute section a du
faisceau quasi-cohérent d’idéaux définissant Z.
Modulo l’identification canonique de PnA (S) à |LnS |, l’ensemble Z(S) apparaı̂t
dès lors comme un sous-ensemble de |LnS |. Le but du lemme qui suit est d’en
donner une description, aussi proche que possible de l’intuition ensembliste qui
fait de Z le lieu des zéros des g` .
(6.4.4.2) Lemme. Le sous-ensemble Z(S) de |LnS | est constitué des classes
d’objets (L , (si )) tels que g` (s0 , . . . , sn ) = 0 pour tout `.
Démonstration. Soit ψ: S → PnA un morphisme. L’élément de |LnS | auquel il
correspond est la classe de (ψ ∗ O(1), (ψ ∗ Ti )). Pour tout entier i entre 0 et n,
posons si = ψ ∗ Ti , Ui = D(Ti ) et Si = ψ −1 (Ui ) = D(si ). Le morphisme ψ
se factorise par Z si et seulement et seulement si ψ|Si : Si → Ui se factorise
par Zi := Z ×PnA Ui pour tout i.
h i
T
Fixons i. Le sous-schéma fermé Zi de Ui est défini par l’idéal Ii de A Tji
j6=i
g`
engendré par les d . En conséquence, ψ|Si se factorise par Zi si et seulement
Ti `
si ψ ∗ g`
d = 0 pour tout `. Or l’élément ψ ∗ g`
d de OSi (Si ) est égal pour tout `
Ti ` Ti `
à g` (s0 , . . . , sn )/(s⊗d
i
`
), et il est donc nul si et seulement si g` (s0 , . . . , sn )|Si = 0.
En conséquence, ψ se factorise par Z si et seulement si on a pour
tout ` et tout i l’égalité g` (s0 , . . . , sn )|Si = 0, ce qui revient à demander
que g` (s0 , . . . , sn ) = 0 pour tout `.
(6.4.5) Morphisme donné par une famille de polynômes homogènes.
Soient n, m et d trois entiers, avec d > 0. Soit (P0 , . . . , Pn ) une famille de
polynômes homogènes de degré d en les variables (S0 , . . . , Sm ).
(6.4.5.1) Soit ϕ l’unique morphisme de A-algèbres de A[T0 , . . . , Tn ]
dans A[S0 , . . . , Sm ] qui envoie Ti sur Pi pour tout d. Il est homogène de degré d,
et induit donc en S vertu de 6.1.8 et sq. un morphisme de A-schémas ψ: Ω → PnA
où Ω est l’ouvert D(Pi ) de Pm A.
(cf. 6.4.5.2).
(6.4.6.2) Seconde définition, via les foncteurs de points. Soit S un A-schéma,
et soit (L , (s0 , s1 )) un objet de L1S . On vérifie sans difficulté que
ΦS (L , (s0 , s1 )) := (L ⊗2 , (s⊗2 ⊗2
0 , s0 ⊗ s1 , s1 ))
dans le second. On a bien ainsi démontré que Φk induit une bijection P1A (k) ' Dk
et décrit sa réciproque par des formules explicites.
Quelques morphismes 293
tels que `0 (s0 ) = σ0 et `1 (s1 ) = σ1 (chacun d’eux est caractérisé par l’égalité
correspondante).
Modulo l’identification L ⊗2 |D(s0 ) ' N |D(s0 ) , on a au-dessus de
l’ouvert D(s0 ) les égalités :
s1 s1 s1
`0 (s1 ) = `0 (s0 ) = σ0 = s⊗2 = s0 ⊗ s1 = σ1 .
s0 s0 s0 0
t1 t1 t1 ⊗2
`0 (t1 ) = `0 (t0 ) = s⊗2
0 = t = t0 ⊗ t1 = s0 ⊗ s1
t0 t0 t0 0
et
t2 t2 t2 ⊗2
`0 (t2 ) = `0 (t0 ) = s⊗2
0 = t = t0 ⊗ t2 = t⊗2 ⊗2
1 = s1 .
t0 t0 t0 0
Quelques morphismes 295
nm+n+m
suffit de démontrer que l’application ΦS : |LnS | × |Lm
S | → |LS | induit une
bijection |LS | × |LS | ' DS . Il est immédiat que ΦS (|LS | × |Lm
n m n
S |) ⊂ D S.
(6.4.10.1) Soit (N , (σij )) un objet de Lnm+n+m S tel que σij ⊗ σi0 j 0 = σij 0 ⊗ σi0 j
pour tout (i, i0 , j, j 0 ). Pour tout (i, j) on pose Sij = D(σij ). Remarquez qu’en
vertu des équations satisfaites par les σij , on a Sij ∩ Si0 j 0 = Sij 0 ∩ Si0 j pour
tout (i, i0 , j, j 0 ) ; nous utiliserons implicitement ce fait dans tout ce qui suit.
Soient i et i0 deux éléments de n et soient j et j 0 deux éléments de m. On
pose
fiji0 j 0 = σij /σij 0 = σi0 j /σi0 j 0
et
giji0 j 0 = σij /σi0 j = σij 0 /σi0 j 0
ce sont des fonctions inversibles sur Sij ∩Si0 j 0 . Un calcul immédiat (qui utilise les
équations satisfaites par les σij ) montre que (fiji0 j 0 ) et (giji0 j 0 ) sont deux cocycles
subordonnés au recouvrement (Sij ). On note L (resp. M ) le OS -module
localement libre de rang 1 obtenu en tordant N au moyen du cocycle (fiji0 j 0 )
(resp. (giji0 j 0 )).
Soit a ∈ n. Pour tout (i, j) ∈ n × m, posons λaij = σaj |Sij . On vérifie
immédiatement que
σi0 j
σaj = σaj 0
σ i0 j 0
sur Sij ∩ Si0 j 0 pour tout (i, i0 , j, j 0 ), ce qui entraı̂ne que les λaij se recollent,
pour (i, j) variables, en une section globale sa de L .
Soit b ∈ m. Pour tout (i, j) ∈ n × m, posons µbij = σib |Sij . On vérifie
immédiatement que
σij 0
σib = σi0 b
σ i0 j 0
sur Sij ∩ Si0 j 0 pour tout (i, i0 , j, j 0 ), ce qui entraı̂ne que les µbij se recollent,
pour (i, j) variable, en une section globale tb de M .
Par construction, Sij ⊂ D(si ) et Sij ⊂ D(tj ) pour tout (i, j). Il s’ensuit
que (L , (si )) est un objet de LnS , et que (M , (tj )) est un objet de Lm
S ; la classe
d’isomorphie du couple
Il s’agit de prouver que (E , (ξi )) ' (L , (si )) et que (F , (ηj )) ' (M , (tj )). Pour
tout (i, j) on pose Sij = D(si ⊗ tj ) = D(si ) ∩ D(tj ). Les faits suivants résultent
de la définition de Θ.
Quelques morphismes 297
Il s’agit de montrer que (N , (σij )) ' (L ⊗ M , si ⊗ tj ). Pour tout (i, j), on note
Sij l’ouvert D(σij ). Les faits suivants résultent de la définition de Θ.
• Pour tout (i, j) l’on dispose d’une identification naturelle
2
(6.4.12) Proposition. Le morphisme de Veronese χ: PnA → PnA +2n s’identifie
à l’immersion fermée
2
Proj A[Σij ]/[(Σij Σi0 j 0 − Σij 0 Σi0 j )i6=i0 ,j6=j 0 , (Σij − Σji )i6=j ] ,→ Pn +2n
.
Pour ce qui nous intéresse ici, la définition ii) est meilleure : comme nous le
verrons, elle se décalque très naturellement en géométrie algébrique et fournit
la bonne notion de séparation dans ce contexte – alors qu’à notre connaissance,
il n’existe pas de façon pertinente de schématiser la définition i).
(6.5.2) Définition. Soit ϕ: Y → X un morphisme de schémas. On dit que ϕ
est une immersion s’il existe un ouvert Ω de X tel que ϕ induise une immersion
fermée Y ,→ Ω.
(6.5.2.1) Exemples. Il résulte immédiatement de la définition que les
immersions ouvertes et les immersions fermées sont des cas particuliers
d’immersions (la terminologie choisie est donc cohérente). Il n’est pas difficile
de construire des immersions qui ne soient ni ouvertes ni fermées. Donnons-
nous par exemple un corps k, soit Ω l’ouvert D(S) de A2k = Spec k[S, T ] et
soit Y le sous-schéma fermé de Ω défini par l’idéal (T ). Par définition, la flèche
composée Y ,→ Ω ,→ A2k est une immersion, mais elle n’est ni ouverte ni fermée,
car son image est égale à D(S) ∩ V (T ) et n’est ni ouverte ni fermée.
(6.5.2.2) Soit ϕ: Y → X un morphisme de schémas. Si ϕ est une immersion
alors Y ×X Y ' Y . En effet, il existe par hypothèse un ouvert Ω de Y tel que ϕ
se factorise par une immersion fermée Y ,→ Ω. On sait que Y ×X Y est alors
égal à Y ×Ω Y , et ce dernier s’identifie à Y en vertu de 5.4.12.2.
(6.5.2.3) On vérifie sans peine que la composée de deux immersions est une
immersion, et que le fait d’être une immersion est stable par changement de
base.
(6.5.2.4) Lemme. Soit ϕ: Y → X un morphisme de schémas. On suppose
que ϕ est une immersion. Pour que ϕ soit une immersion fermée, il faut et il
suffit que ϕ(Y ) soit un fermé de X.
Démonstration. Si ϕ est une immersion fermée, ϕ(Y ) est un fermé de X.
Réciproquement, supposons que ϕ(Y ) soit un fermé de X et soit U son ouvert
complémentaire. Comme ϕ est une immersion, il existe un ouvert Ω de X tel
que ϕ induise une immersion fermée Y ,→ Ω. En conséquence,
Y ×X Ω → Ω = ϕ−1 (Ω) → Ω = Y → Ω
Y ×X U → U = ϕ−1 (U ) → U = ∅ → U
(Y ×X Y ) ×X X 0 ' Y 0 ×X 0 Y,
Y
Id
δ
#
Y ×X Y /& Y
Id
Y /X
entraı̂ne celle de
Y0
Id
δ0
$
Y 0 ×X 0 Y 0 /' Y 0
Id
Y0 / X0
δ0 / Y 0 ×X 0 Y 0
Y0
Y
δ / Y ×X Y
δ −1 (V ×U W ) = V ∩ W.
δ −1 (V ×U V ) → V ×U V
Y ×Y ×X Y (Z ×X Z) → Z ×X Z,
Z ×Y Z
q
/ Z ×X Z
p π
Y / Y ×X Y
δ
est cartésien. Face à ce genre de problème, le seul réflexe sain est d’invoquer
le lemme de Yoneda pour se ramener à l’assertion ensembliste correspondante
(pour un exemple de raisonnement détaillé de ce type, cf. 1.5.8.1).
On suppose donc pour un instant que le carré ci-dessus vit dans la catégorie
des ensembles, et nous allons montrer qu’il est cartésien. Appelons g la
flèche Z → Y , et f la flèche Y → X. Par définition, le produit Y ×X Y est
l’ensemble des couples (y, y 0 ) ∈ Y 2 tels que f (y) = f (y 0 ), le produit Z ×X Z
est l’ensemble des couples (z, z 0 ) ∈ Z 2 tels que f (g(z)) = f (g(z 0 )), et le
produit Z ×Y Z est l’ensemble des couples (z, z 0 ) ∈ Z 2 tels que g(z)) = g(z 0 ).
Les flèches du diagramme sont données par les formules suivantes :
• q(z, z 0 ) = (z, z 0 ) ;
• π(z, z 0 ) = (g(z), g(z 0 )) ;
• p(z, z 0 ) = g(z) = g(z 0 ) ;
• δ(y) = (y, y).
Il s’agit maintenant de s’assurer que pour tout triplet (y, z, z 0 ) ∈ Y ×(Z×X Z)
tel que δ(y) = π(z, z 0 ) il existe un unique élément de Z ×Y Z dont l’image par p
est égale à y et l’image par q à (z, z 0 ). L’unicité est claire : étant donnée la
formule qui définit q, si un tel élément existe, ce ne peut être que (z, z 0 ). Il
reste à s’assurer que celui-ci convient. Mais l’égalité δ(y) = π(z, z 0 ) signifie
que g(z) = y et g(z 0 ) = y, ce qui signifie précisément que (z, z 0 ) ∈ Z ×Y Z et
que p(z, z 0 ) = y ; on a de plus q(z, z 0 ) = (z, z 0 ), ce qui termine la démonstration.
(6.5.6) Exemples et contre-exemples.
(6.5.6.1) Nous avons déjà vu que les morphismes affines sont séparés (6.5.5.5).
En particulier, pour tout schéma X et tout entier n, le schéma AnX est séparé
sur X.
304 Schémas projectifs
Dk / Dk ×k Dk
en un carré cartésien
/ (X
` `
∆ Y ) ×k (X Y)
Dk / Dk ×k Dk
dont la flèche horizontale supérieure est une immersion, et une immersion fermée
si Dk est séparée.
Moralement, on peut penser à ∆ comme au graphe ` de la relation
d’équivalence qui a permis de définir Dk à partir de X Y , mais nous allons
maintenant en donner une description rigoureuse. Commençons par observer
que nous sommes dans la même situation formelle qu’au 6.5.5.6 ; il s’ensuit que
l’immersion a a
∆ ,→ X Y ×k X Y
s’identifie à
a a a a
X Y ×D k X Y → X Y ×k X Y .
Séparation et propreté 305
est induit par le morphisme d’algèbres qui envoie T sur S −1 (et non pas S).
Supposons que l’on cherche, dans ce nouveau contexte, à décrire l’immersion
a a
∆ ,→ X Y ×k X Y .
306 Schémas projectifs
Tout se passe comme ci-dessus jusqu’au point b) inclus, mais une différence
fondamentale apparaı̂t au point c) : l’immersion X ×P1k Y → X ×k Y est
alors donnée par le morphisme d’algèbres de k[S, T ] vers k[S, S −1 ] qui envoie T
sur S −1 et qui est surjectif, de noyau (T S −1) ; c’est donc une immersion fermée,
d’image l’hyperbole V (ST − 1) (et qui induit la structure réduite sur celle-ci,
d’anneau associé k[S, S −1 ]).
(6.5.7) Nous allons terminer ces considérations sur la séparation par un lemme
facile qui a son intérêt, même si nous ne nous en servirons pas dans la suite.
(6.5.8) Lemme. Soit A un anneau et soit X un A-schéma séparé ; soient U
et V deux ouverts affines de X. L’intersection U ∩ V est affine.
Démonstration. Comme le schéma X est séparé sur A, le morphisme
diagonal δ: X ,→ X ×A X est une immersion fermée. Soient p et q les deux
projections de X×A X vers X. L’ouvert U ×A V de X×A X est affine puisque U, V
et Spec A le sont. En vertu de 6.5.3.2, δ −1 (U ×A V ) = U ∩ V , et δ induit donc
une immersion fermée U ∩V ,→ U ×A V . Comme U ×A V est affine, on en déduit
que U ∩ V est affine.
(6.5.9) Remarque. Esquissons un contre-exemple au lemme 6.5.8 ci-dessus
lorsque l’hypothèse de séparation n’est pas satisfaite. Soit k un corps. On peut
définir, par un procédé analogue à celui utilisé pour définir Dk que nous avons
rappelé au 6.5.6.5 ci-dessus, le plan affine avec origine dédoublée. C’est un k-
schéma qui n’est pas séparé. Il est réunion de deux ouverts ouverts affines X
et Y . Chacun d’eux est isomorphe à A2k , et leur intersection s’identifie, comme
ouvert de X aussi bien que de Y , à A2k \{(0, 0)} ; elle n’est donc pas affine (5.1.26
et sq.).
Morphismes propres
Y 0 = Y ×X X 0 et Z 0 = Z ×X X 0 = Z ×Y Y 0 .
(Id,ϕ)
Y / Y ×X Z /Z.
308 Schémas projectifs
(Id,ϕ)
Y / Y ×X Z
ϕ (ϕ◦p,q)
Z
δ / Z ×X Z
homéomorphisme Proj A[T0 , . . . , Tn ]/I ' V (I). Il suffit donc de vérifier que
l’image de Proj A[T0 , . . . , Tn ]/I sur Spec A est fermée ; nous allons plus
précisément prouver que son complémentaire U est ouvert.
(6.5.18.2) Soit x ∈ Spec A. Notons J(x) l’idéal de κ(x)[T1 , . . . , Tn ] engendré
par l’image de I. La fibre de Proj A[T0 , . . . , Tn ]/I en x s’identifie à
0 → Id → A[T0 , . . . , Tn ]d → Qd → 0.
(6.5.20) Nous nous proposons pour terminer ce cours d’établir une variante
algébrique du principe du maximum de la géométrie complexe. Nous aurons
besoin du lemme suivant.
310 Schémas projectifs