Alain Badiou - Le Siecle PDF
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ALAIN BADIOU
Le Siècle
ÉDITIONS DU SEUIL
27 rue Jacob, Paris vr
L'ORDRE PHILOSOPHIQUE
COLLECTION DIRIGÉE PAR ALAIN BADIOU
ET BARBARA CASSIN
ISBN 978-2-02-057930-8
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www.editionsduseuil.fr
Dédicace
1. Questions de méthode
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QUESTIONS DE MÉTHODE
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QUESTIONS DE MÉTHODE
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QUESTIONS DE MÉTHODE
1. Pour ce qui est des informations transmises aux Alliés sur le proces-
sus d'extermination et les chambres à gaz, on peut en particulier se référer
au livre capital de Rudolf Vrba et Alan Bestic Je me suis évadé d'Aus-
clzwitz, traduit de l'anglais par Jenny Plocki et Lily Slyper (Ramsay, 1988).
On complétera cette lecture par l'article de Cécile Winter « Ce qui a
fait que le mot juif est devenu imprononçable ». Cet article, entre autres
choses, commente la façon dont le montage du film Shoah, de Claude Lanz-
mann, fait coupure dans le témoignage de Rudolf Vrba.
Le livre fondamental sur les étapes de l'entreprise génocidaire reste
celui de Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe (Fayard, 1988).
Pour une vue d'ensemble des problèmes que pose à la pensée le bilan
de la politique nazie, et aussi le révisionnisme bâti sur la négation de
l'existence des chambres à gaz, on se référera au volume collectif dirigé
par Natacha Michel: Paroles à la bouche du présent. Le négatiollnisme :
histoire Olt politique? (Marseille, AI Dante, 1997).
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2. La Bête
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textes, sans s'empresser de dire que Mandelstam avait raison et Eluard tort,
ce qui, à certains égards évidents, ne produit néanmoins aucun effet de
pensée. Il est plus intéressant de considérer sans détour la vérité de
l'énoncé de l'ex-surréaliste Eluard, à savoir que le nom « Staline» dési-
gnait effectivement, pour des millions de prolétaires et d'intellectuels, le
pouvoir de vivre « sans connaître d'automne », et surtout celui de produire
la vie sans avoir à douter.
1. Les Mémoires de la femme de Mandelstam, Nadejda - Contre tout es-
poir, 3 volumes, traduction du russe de Maya Minoustchine (Gallimard,
1975) --, sont un document tout à fait intéressant sur la vie de l'intelligentsia
sous le pouvoir soviétique, et sur les étapes qui mènent de l'activisme des an-
nées 20 aux craintes, aux silences et aux « disparitions» des années 30. On y
apprend par exemple que Jejov, le grand organisateur de la Terreur de 1937,
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où les gens furent fusillés par dizaines de milliers et déportés par centaines
de milliers, était justement un intellectuel raftïné, bien connu dans le
milieu des poètes et des écrivains. De façon générale, la passion d'être
confronté au «noyau dur» de l'action portait nombre de membres de
l'intelligentsia vers les fonctions policières ou les services secrets. C'est ce
qu'on verra aussi en Angleterre, où le« communisme» des intellectuels de
Cambridge se manifestera principalement par leur aptitude à l'espionnage
et à l'infiltration. On peut tenir ces trajets pour des variantes perverses de
la passion du réel.
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sait fort bien que c'est pour y être arrêté et exécuté. Il sait,
très tôt, que Staline, qui n'aime pas que les gens expéri-
mentent quoi que ce soit hors de son contrôle, a entrepris
de liquider pratiquenlent tous les anciens d'Espagne. Va-
t-il fuir, se défendre, regimber? Pas du tout. Les délégués
qui sont dans ce cas se soûlent la nuit et rentrent le matin à
Moscou. Va-t-on nous dire que c'est l'effet des illusions,
des promesses et des matins qui chantent? Non, c'est
que pour eux le réel comporte cette dimension-là. Que
l'horreur n'en est jamais qu'un aspect, et que la mort en
fait partie.
Lacan a très bien vu que l'expérience du réel est tou-
jours en partie expérience de l'horreur. La vraie question
n'est nullement celle de l'imaginaire, mais celle de savoir
ce qui, dans ces expérimentations radicales, faisait office
de réel. Certainement pas, en tout cas, la promesse de jours
meilleurs. Au reste, je suis persuadé que les ressorts sub-
jectifs de l'action, du courage, voire de la résignation, sont
toujours au présent. Qui a jamais fait quoi que ce soit au
nom d'un futur indéterminé?
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b) HEIDEGGER
Je donne un extrait de « L'homme habite en poète », in
Essais et conférences (1951), dans la traduction d'André
Préau.
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3. L' irréconcilié
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la fin des années 30. Après tout, avec ces procès, il s'agit
purement et simplernent de tuer des gens, de liquider une
partie importante de l'establishment communiste. Nous
sornrnes dans la pure violence réelle. La «vieille garde
bolchevique », COITlme dit Trotski, qui en est l'emblème, et
qui sera lui-même assassiné, doit être anéantie.
Quelle nécessité y a-t-il à monter des procès où on va
faire raconter à des victimes désignées, et le plus souvent
résignées, des choses tout à fait invraisemblables? Que des
gens comme Zinoviev ou Boukharine ont été toute leur vie
des espions japonais, des créatures d'Hitler, des stipendiés
de la contre-révolution, et ainsi de suite, qui peut le croire,
et quelle est la finalité de ce semblant énorme? On peut
faire des hypothèses rationnelles sur la nécessité, aux yeux
de Staline, de liquider tous ces gens. On peut tenter de
reconstruire la scène politique des grandes purges l . Il est
beaucoup plus difficile d'établir la nécessité des procès, et
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1. Un excellent petit livre sur cette question est celui de P. Broué, Les
Procès de Moscou (Julliard, 1964), dans la très remarquable (et défunte)
collection « Archives », dont provient du reste aussi le livre de Lilly Mar-
cou mentionné dans la note précédente. Lire tous les volumes parus de
cette collection c'est apprendre de la meilleure façon qui soit de considé-
rables fragments de l'histoire universelle.
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7. Crise de sexe
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8. Anabase
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Là-bas.
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Môles
de syllabes, couleur
mer, loin
dans le non-navigué.
Puis:
espalier de bouées,
bouées-chagrin,
avec,
beaux comme secondes, bondissants,
les reflets du souffle -- : sons
de la cloche lumineuse (dum-
dun-, UlZ-
unde suspirat
cor),
répétés, rédimés,
nôtres.
Du visible, de l'audible, le
mot-tente
qui se libère:
Ensemble.
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9. Sept variations
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Variation 1, philosophique
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Variation 2, idéologique
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Variation 3, critique
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Variation 4, temporelle
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Variation 5, formelle
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Variation 7, anti-dialectique
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10. Cruautés
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Ah ! Être tout dans les crimes! Être tous les éléments qui
constituent
Les assauts des navires, les massacres et les viols!
Être tout ce qui s'est passé sur le lieu des pillages!
Être tout ce qui a vécu ou péri à l'emplacement des tragé-
dies de sang !
Être le pirate-résumé de toute la piraterie à son apogée,
Et la victime-synthèse, mais en chair et en os, de tous les
pirates du monde!
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dont les Portugais ont été les initiateurs. Pour Brecht, sous
le nom de « les agitateurs », il s'agit du Parti communiste,
de ce que le Parti exige, de ce dont il est capable en fait de
cruauté, et de justification rationnelle de la cruauté. Car ce
que les agitateurs décident, c'est de liquider le «jeune
camarade» qui n'est pas d'accord, qui veut se séparer du
Parti, mais qui en sait trop pour qu'on le laisse aux mains
de l'ennemi.
Dans les deux cas, il y a établissement textuel d'un lieu
de cruauté. On est dans le moment où l'individu est en
quelque rnanière transcendé par quelque chose de plus
vaste que lui, la Piraterie comme emblème du lieu mari-
time dévorant, ou le Parti comme figure de l' Histoire.
Moment où la subjectivité personnelle éclate, se dissout,
ou se constitue autrement. La cruauté est au fond le
moment où doit être décidée la dissolution intégrale du
«je ». Il faut la cruauté, disent Alvaro de Campos et
Brecht, pour que le «nous» et l'idée ne fassent qu'un,
pour que rien ne vienne restreindre l'auto-affirmation du
« nous ». L'idée ne peut prendre corps que dans un
« nous », mais le «je» n'accède à sa dissolution qu'au ris-
que assumé, voire désiré, du supplice.
Dans les deux cas, il y a acceptation de la cruauté comme
figure du réel. Pour les deux écrivains, le rapport au réel
n'est jamais donné comme harmonie, il est contradiction,
brusquerie, coupure. Comme l'écrit Brecht, « seule la vio-
lence peut changer ce monde meurtrier ». Et comme l'écrit
Campos, ce qu'il faut intérioriser est le pur multiple, « dans
son tout de crimes, d'horreurs, de bateaux, de gens, de mer,
de ciel, de nuages, de brise, de latitude, de vacarme ». Le
réel finit toujours par s'offrir comme épreuve du corps.
C'est une idée terrible mais ancienne que le seul corps réel
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[A]
Je veux m'en aller avec vous, je veux m'en aller avec
vous,
En même temps avec vous tous
Partout où vous avez été!
Je veux affronter vos dangers face àface,
Sentir sur mon visage les vents qui ont ridé les vôtres,
Cracher de mes lèvres le sel des mers qu'ont baisées les
vôtres,
Avoir les bras dans votre besogne, partager vos
tourments,
Arriver comme vous, enfin, à des ports extraordinaires!
[. .. }
M'en aller avec vous, m'arracher -- oh ! fous-moi le
camp! -
Mon habit de civilisé, ma douceur d'action,
Ma crainte innée des prisons,
Ma vie pacifique,
Ma vie assise, statique, réglée et corrigée.
[B]
Ah ! Les pirates, les pirates!
La passion de l'illégal uni auféroce !
La passion des choses absolument cruelles et abominables,
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[Cl
Les voyages, les voyageurs il en est de tant
d'espèces!
Tant de nationalités dans le monde! Tant de professions!
Tant de gens!
Tant de destins divers qui se peuvent donner à la vie,
La vie, au bout du compte, au fond toujours, toujours la
même!
Tant de visages singuliers! Tous les visages sont
singuliers
Et rien ne donne autant le sens du religieux que de
beaucoup regarder les gens.
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LE JEUNE CAMARADE:
Mais le Parti, c'est qui ?
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peur. Or cette peur est ce qui fait que nous sommes incapa-
bles de vouloir le réel de l'Idée. Il en résulte que c'est une
question fondamentale que de savoir comment ne pas être
un lâche. Il y va en effet de la puissance de la pensée. Cette
question est traitée dans d'innombrables œuvres, entre
1920 et 1960, romanesques, et plus encore filmiques. C'est
peut -être la grande contribution de l'Amérique à la théma-
tique du siècle que d'avoir installé au cœur de son cinéma
la question de la généalogie du courage et de la lutte
intÎlne contre la lâcheté. C'est ce qui fait du western, où il
n'est guère question que de cette lutte, un genre solide,
moderne, et qui a autorisé un nombre exceptionnel de
chefs-d' œuvre.
Ce souci quant au lien entre courage et Idée a sans doute
aujourd'hui perdu beaucoup de sa vigueur. Fondamentale-
ment, pour le siècle achevé, être lâche c'est rester où l'on
est. Il n'y a pas d'autre contenu à la lâcheté ordinaire que le
conservatisme sécuritaire. C'est exactement ce que dit
Al varo de Campos: l'obstacle au devenir extatique du
« nous» furieux est la vie « pacifique », ou « assise ». Or,
c'est bien cette vie qu'on glorifie de nos jours. Rien ne
mérite qu'on s'arrache à la lâcheté ordinaire, et surtout pas
l'Idée, ou le « nous », dont on aura vite déclaré qu'il ne
s'agit que de « phantasmes totalitaires ». Alors, occupons-
nous de nos affaires, et amusons-nous. Comme disait Vol-
taire, un des plus considérables penseurs de la médiocrité
humanitaire, venirneux ennemi de Rousseau, l' homme du
courage: « Il faut cultiver notre jardin. »
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4. LA CITATION DE BRECHT
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Il. Avant-gardes
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12. L'infini
1. Analogies du matin
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cet aspect des choses ne va pas sans une grande fureur scis-
sionniste, d'incessantes diatribes contre tel ou tel et des
protocoles d' excl usion.
Il serait tout à fait intéressant d'étudier la question insti-
tutionnelle de l'exclusion, comme pratique fondamentale
de tous les groupes un peu inventifs dans le siècle, qu'ils
soient de vastes puissances étatiques, comme nombre de
partis communistes, ou qu'ils soient de tout petits regrou-
pen1ents esthétiques, comme les situationnistes. Il semble
que la conviction, somme toute grave, que l'on va toucher
au réel, entraîne une fébrilité subjective extrême, dont une
des manifestations est la désignation permanente d'héréti-
ques et de suspects. Cette épuration chronique n'a pas été
le monopole des staliniens, loin de là. Des personnalités
aussi diverses que Freud, André Breton, Trotski, Guy
Debord, Lacan ont conduit de durs procès en déviation,
stigmatisé, exclu ou dissout de nombreux hérétiques.
L'exclusion est certainement liée à la difficulté qu'il y a
à déterminer les critères de l'action légitiIne, quand sa
pierre de touche est la subversion réelle. Tout pousse alors
à cette identification négative dont j'ai déjà parlé:
l'essence du Un est dans le Deux, on n'est sûr de sa propre
unité que dans l'épreuve de la division. D'où la mise en
scène solennelle des scissions et des exclusions. Une des
grandes maximes du Parti communiste français dans sa
haute époque stalinienne - la seule, à vrai dire, où ce parti
médiocre a au moins signifié quelque chose - était qu'on
ne quittait pas le Parti, qu'on en était exclu. Vous ne pou-
vez librement en être quitte du réel si vous y avez touché.
C'est lui qui vous juge indigne de lui. Autre façon de dire,
comme nous avons vu que le faisait Brecht: « Ne te sépare
pas de nous. »
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fin dans des filrns qui soient des non-films (en réalité, ce ne
sont, ce qui est déjà considérable, que de belles méditations
nostalgiques. Mais c'est une autre histoire).
Cette discussion torturée et qui n'aboutit jamais vrai-
ment sur l'inutilité des œuvres et la mise en scène des actes
est à mon avis, en art comme ailleurs, un des avatars d'une
tâche que le siècle s'est fixée et qu'il n'a pas pu rnener à
son terme. Cette tâche consiste à trouver les moyens d'une
rupture décisive avec le romantisme.
Quel est le tourment du siècle? C'est qu'il entreprend
d'en finir avec le romantisme de l'Idéal, de se tenir dans
l'abrupt de l'effectivement-réel, mais qu'il le fait avec des
moyens subjectifs (l'enthousiasme sombre, le nihilisme
exalté, le culte de la guerre ... ) qui sont encore et toujours
romantiques.
Cela aide à comprendre les incertitudes du siècle, et
aussi sa férocité. Tout le monde dit: «Il faut cesser de
rêver, de chanter l'Idéal. À l'action! Sus au réel! La fin
justifie les moyens! », mais le rapport exact, dans cette
subjectivité tendue, entre la finitude des désirs et l'infini
des situations, reste marqué par une exagération romanti-
que. Dans l'anti-romantisme du siècle, on discerne, à rai-
son de la persistance de l'élément romantique, quelque
chose d'enragé, un acharnement de l'action contre elle-
même et de tous contre tous, qui va durer jusqu'à ce que
s'établisse, par fatigue et saturation, la prétendue paix
endolorie d'aujourd'hui.
Mais enfin, qu'est -ce que le romantisme? Deux choses,
finement articulées dans les œuvres et les proclamations.
a) L'art est la descente de l'infini de l'Idéal dans la fini-
tude de l'œuvre. L'artiste, soulevé par le génie, est le
médiateur sacrificiel de cette descente. Transposition du
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1. Disparu trop tôt, Jean Borreil avait établi son originalité dans la
prospection des grands archétypes issus, à la jointure des effets de société
et des créations littéraires, de ce qu'on pourrait appeler le discours des arts.
Son livre synthétique porte le titre de L'Artiste-roi.
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3. L'univocité
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Dédicace ............................................................................. 7
1. Questions de méthode ......... ,. ........ ............. ......... ... ....... 9
2. La Bête ............................................................. '" .... ...... 23
3. L'irréconcilié ................................................................ 45
4. Un monde nouveau, oui, mais quand? ......................... 63
5. Passion du réel et montage du semblant ....................... 75
6. Un se divise en deux ..................................................... 89
7. Crise de sexe ................................................................. 103
8. Anabase ........................................................................ 119
9. Sept variations ..... ............ ................ ............................. 141
10. Cruautés ................. .......... ................. ........ ......... ........... 159
Il. Avant-gardes................................................................. 185
12. L'infini .......................................................................... 209
13. Disparitions conjointes de l'Homme et de Dieu ........... 233
Du même auteur
PHILOSOPHIE
Le Concept de modèle
Maspero, 1969
Théorie du sujet
Seuil, «L'Ordre philosophique », 1982
L'Être et l'Événement
Seuil, «L'Ordre philosophique », 1988
Conditions
Seuil, «L'Ordre philosophique », 1992
L'Éthique
Hatier, 1993
Deleuze
Hachette, 1997
Abrégé de métapolitique
Seuil, «L'Ordre philosophique », 1998
Court Traité d'ontologie transitoire
Seuil, «L'Ordre philosophique », 1998
Saint Paul
La Fondation de l'universalisme
PUF, 2002
L'Éthique
Nous, 2003
L'Être et l'Événement
Volume 2: Logiques des mondes
Seuil, «L'Ordre philosophique », 2006
L'Antiphilosophie de Wittgenstein
Nous, 2009
Circonstances, vol. 5
L'Hypothèse communiste
Nouvelles éditions Lignes, 2009
ESSAIS CRITIQUES
Almagestes
prose
Seuil, 1964
Portulans
roman
Seuil, 1967
L'Écharpe rouge
roman opéra
Maspero,1979
Ahmed le subtil
farce
Actes Sud, 1994
Ahmed philosophe
suivi de Ahmed se fâche
théâtre
Actes Sud, 1995
Les Citrouilles
comédie
Actes Sud, 1996
ESSAIS POLITIQUES
Théorie de la contradiction
Maspero, 1975
De l'idéologie
en collaboration avec F. Balmès
Maspero, 1976
Le Noyau rationnel
de la dialectique hégélienne
en collaboration avec L. Mossot et J. Bellassen
Maspero, 1977
Amnistier l'apartheid.
Travaux de la Commission Vérité et Réconciliation,
sous la direction de Desmond Tutu.
(édition établie par Philippe-Joseph Salazar)