Habitat Traditionnel Dans Les Aures PDF
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Fruit d'une symbiose ancestrale entre un site aux caprices nombreux et une
profonde identité culturelle, le mode d'habiter dans les dechra aurassiennes est
un des derniers témoignages, encore vécu, d'une organisation spatiale ancestrale.
Toute la symbolique de la relation homme· lieu de vie demeure encore présente
dans toute sa diversité et son originalité. Cependant se heurtant aux exigences
d'une ouverture récente sur le reste du pays. cette stucturation spatiale conna it
aujourd'hui un déclin. La facilité d'échange a e ngendré un affaiblissement du
pouvoir traditionnel, une destabilisation, voire une rupture au sein de la société
aurassienne. L'espace de la civilisation occidentale vient se greffer sur une
société à la recherche de modèle. Prise entre le désir de changement et la
résistance aux mutations. la société aurassienne s'adapte. L'habitat est un des
lieux particulièrement intéressants de cette évolution,
Vieille citadelle berbère, l'Aurês a l'originalité d'une position de transit,
formant une barrière naturelle entre les hauts plateaux constantinois et le
Sahara, sur laquelle viennent buter tous les nuages qui arrivent du nord. " Ce
massif imposant surgi entre le Sahara et les Sbakhs, les voyageurs le découvrent
de loin, le considè re nt toujours avec une religieuse curiosité, comme le mur
derrière lequel il se passe quelque chose Il (2). Longtemps préservé des agres·
sions externes, il renfe rme d'innombrables agglomérations qui" sont tellement
rapprochées qu'elles semblent faire la chaîne: c'est une gu irlande de villages.
lesquels avec leur position et leur tour de mosquée, font penser aux acropoles
de Grêce et de Sicile" (3). Dans cet ensemble on peut distingue r plusieurs types
et modèles d'habitat selon l'utilisation qui est faite des ressources et des
caractéristiques physiques du milieu dans lequel il s'inscrit:
• Un habitat dispersé, avec une profusion de mechta, habitat" aéré» qui
s'inscrit dans les immenses étendues des hautes plaines constantinoises et
recouvre tout le piémont nord de l'Aurés.
• Un habitat groupé, plus structuré et plus dense, situé souvent sur des
crêtes ou en fond de vallée; ce sont les dechra du massif de l'Aurès
• Un habitat qui donne les prémisses d'une typologie saharienne sans en
subir les contraintes, l'habitat du piémont sud. 11 se définit par un groupement
272 S. ADJALI
Un habitat intëgré.
En franchissant le col de Guerza (1 700 ml, le visiteur venu du dehors, a
l'impression de franchir un seuil, on cntre dans "l'intimité» des ChaouÎ.
habitants séculaires de ces montagnes. L'habitation chaoui est une organisation
totalement montagnarde qui se structu re en déroulant une suite de dechra
intarcalées parfois d'un habitat troglodyœ semi-enterré, le tout parfaiteme nt
intégré à la topographie. Les dechra de la Vallée de l'Oued Abdi semblent sortir
de la roche pour faire corps avec elle. Un même aménagement confère un air
de parenté à toute la vallée. Les zones habitées sont essentiellement implantées
sur la rive gauche de l'Oued, toujours en position dominante par rapport aux
terrasses de cultures.
Ces dechra sont organisées par une société agraire qui, installée et adaptée
au site depuis une longue période, a acquis une sorte d'équilibre, une form e dl~
pérennité. L'unité que l'on retrouve dans l'habitat est engendrée par l'unité. sur
un même fond culturel, d'économies montagnardes longtemps autarciques, qui
contraignaient à une exploitation intégrale de toute la vallée, aussi bien du sol
que de la végétation (céréales et vergers),
Présentes partout. les terrasses sont réguliêrement entretenues par les
familles. Une même sélection arborée se retrouve à travers toute la vallée. avec
des différe nces liées à des contraintes climatiques ponctuelles: c'est le cas de
Menaa, ve rger de moyenne vallée pour lequel l'essentiel de l'exploitation est la
culture de l'abricot. Le noyer est présent dans la haute vallée, La basse vallée,
de climat déjà sub·saharien . intègre le palmier·dattier. Les te rres sont irriguées,
par simple gravitation et à travers un réseau de seguia, à partir de résurgences
de nappes phréatiques (ou de puits) et plus rarement de l'oued.
Dans cette vallée isolée. les techniques sont peu développées et la
domination de l'homme sur son environnement limitée. Le climat reste un agent
déterminant des forces génératrices de formes. Les agglomérations utilisent les
pitons et les crêtes, répondant ainsi à l'ancestral besoin de protection du groupe.
La composition du tissu est essentiellement minérale. Les dechra très denses et
très structu rées forment un ensemble homogène. La circulation y est orga nisée
comme dans une entité semi·privée. L'enceinte qui entoure les dechra. comme
c'est le cas à Menaa. sert de filtre entre l'espace public et l'espace introverti des
habitants. Le tissu n'est pas centralisé. Le lieu du culte est situé au plus haut
point de la dechra. Quant à la djemaa, elle prend place à l'extérieur du tissu.
La densité de ce tissu est Iiêe au besoin de réajustement des variations
successives des températures. Le découpage du groupe et le découpage social se
moulent sur les unités de relief. Les dechra elles· mêmes correspondent souvent
à un groupe précis.
HABITAT TRADITIONNEL DANS LES AuMs 273
La m aison s u r le site.
La maison aurassierme, intègrant la topographie du site, est implantée
perpendiculairement aux courbes de niveaux, Les irrégularités du terrain, les
bancs rocheux sont harmonieusement utilisés comme soubassement.
HABITAT TRADITIONNEL DANS LES AURts 275
posent le fumier et entassent le bois» (M. Caudry). On élève alors des murets
pour isoler les différentes fonctions. Les maisons avec grande cour sont des cas
particuliers, compensant par là l'absence d'autres espaces spécifiques (bergerie,
terrasse accessible, tasquift). La fréquence des cours dépend en fait du lieu
d'implantation des villages.
Centre symbolique et fonctionnel de la maison, ghorfat fi 'ilma est par
excellence l'espace de l"homme Salle commune présente dans d'autres archi·
tectures vernaculaires, ghorfat n'ilma par sa composition et sa structuration de
l'espace organise l'ensemble de la maison. Lieu principal de vie sociale et
économique, cet espace se définit comme le plus grand volume de la maison.
toujours isolé et limité verticalement par les réserves. La polyvalence du lieu
s'exprime par une projection au sol de toutes les activités quotidiennes; en effet,
la division en espaces fonctionnels ne s'obtient pas par un cloisonnement vertical
(mur) mais par un aménagement du sol à l'aide de simples surélévations (de 15
à 25 cm) et de banquettes construites. A chaque aménagement correspond une
fonction, toutes les pratiques journalières de réunion, de cuisson, de tissage sont
représentées. La seule qui n'est pas systématiquement définie est celle du
sommeil. La literie, composée de nattes, de tapis et de couvertures tissées par
la famille , est rangée contre un mur ou sur le seul lit de la pièce qui peut être
construit (sedda) ou suspendu.
Le coeur de ghorfot n'ilma est le coin du feu . Il rythme les étapes de la
journée par le rassemblement périodique de la famille autour du foyer et le temps
que passent les femmes pour la cuisson des galettes et des repas. L'emplacement
du métier à tisser est marqué par une banquette construite le long d'un mur, face
à la porte en général. Un coin. souvent le plus obscur de la pièce, est attribué
aux réserves journalières mais aucun élément architectural ne matérialise cet
espace. Des outres d'cau (guerba) et de lait sont suspendues, entre les poteries
et les autres ustensiles, L'aménagement des murs est le complément de l'amè·
nagement du sol. pu isque niches, décrochements, morceaux de bois fixés entrt~
deux briques de terre ou deux pierres complètement, à la verticale, l'utilisation
du plan horizontal. Le centre de la piêce joue un rôle de centre sociaL La famille
se réunit et reçoit dans cet espace.
nous trouvons dans la situation où un lien naturel et évident semble exister entre
le « style ») et la « signification )), la « forme » et le « contenu ).
Le style n'est pas ici fruit d'un effort pour créer une signification, comme
c'est le cas pour les contructions actuelles, il est l'outil pour fixer la signification.
Les formes ne sont pas idéologiques, définies par un langage préfabriqué. Elles
apparaissent comme interprètes d'une symbolique. La mise en oeuvre a permis
de fixer sur le sol la signification. Elle concrétise ainsi un langage formel riche.
L'acte de bâtir n'est pas restreint il un acte technique, il est la mise en forme
d'une fonctionnalité.
A travers l'Aurès les matériaux de construction utilisés sont tous des
matériau)\: locaux. La zone d'extraction est toujours à proximité. Ce sont, dans
des proportions variables, terre, pierre et bois. Ils se répartissent suivant trois
aires correspondant il une hiérarchie verticale des vallées. En amont et il travers
la haute vallée. la pierre sèche est le matériau qui domine. Les structures sont
en bois; cèdre pour les pièces maîtresses de l"ossature et genévrier pour les
poutrelles. La moyenne vallée voit un chevauchement des deux matériaux. Les
soubassements des murs et les jonctions avec le sol sont en pierres non-taillées:
ce sont de gros blocs joints par un mortier et sur lesquelles viennent se poser
des briques de terre et des joints horizontaux de bois, alternativement tous les
quatre ou cinq rangs pour une distribution équilibrée des charges. La basse
vallée reprend les modes de construction sahariens: les structures sont en bois
de palmier et les murs en brique de terre séchée. louba.
Comme toute société primitive. la société au rassienne vit en autarcie, donc
dans une économie sévère de pénurie. Il semble alors justifié que les matériaux
locaux soient ceux utilisés en majorité. Le choix technique est contraignant pour
les formes, mais non déterminant dans l'organisation spatiale.
Le système d'ossature et de reprise de charge par une floraison de piliers
permet d'obtenir de grands volumes et de construire sur plusieurs niveaux. Les
ouvertures sont petites et triangulaires. Dans ce pays chaud et sec la réverbé·
ration est très intense: la position d'une rangée d'ouvertures en haut des murs
a plus ici un rôle de ventilation qu'un rôle" d'ouverture vers l'extérieur ».
Pour la construction d'une habitation, l'intervention d'un artisan est un
fait rare. La touisa, ou construction collective, est l'apanage de ces sociétés. " Les
maisons sont construites après les moissons par les propriétaires» (Th. Rivière).
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