Casanova-And-The-Freemasonry - Content File PDF
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Source: ÖT KONTINENS
Five Continents
Location: Hungary
Author(s): Ilona Kovács
Title: Casanova et la franc-maçonnerie
Casanova and the Freemasonry
Issue: 1/2013
Citation Ilona Kovács. "Casanova et la franc-maçonnerie". ÖT KONTINENS 1:35-44.
style:
https://www.ceeol.com/search/article-detail?id=425259
CEEOL copyright 2020 ÖT KONTINENS, az Új- és Jelenkori Egyetemes Történeti Tanszék tudományos közleményei, No 2013/1.
ELTE, BUDAPEST, 2014.
Ilona Kovács
Casanova et la franc-maçonnerie
Abstract
This study presents Casanova’s life in few words, his travels in Europe and in
the meantime the author analyzes his characters and his relations with the
freemason. At the end of the study we know the role of the alchemy and the
kabbala in the carreer of Casanova.
Keywords: freemason, Casanova, lodge, kabbala, alchemy.
35
Son appartenance aux loges devait être connue déjà à l'époque, d'autant plus
qu'il y renvoyait plus d'une fois avec des mots couverts et ses fréquentations
1
Ne' Amori, ne' Donne (1782), Venezia, le pamphlet ou Casanova a exprimé sa conviction
intérieure sur sa naissance et qui a scandalisé tout le monde et a contribué à sa décision de quitter de
son plein gré la ville.
2
V. les Dictionnaires de la franc-maçonnerie ou les entrées relatives à son appartenance traitent
comme évidence qu'il était membre des loges citées ci-dessus.
3
Le titre intégral de ce texte est l'Histoire de ma vie.
4
Ibid. 553.
36
5
Ibid.
6
Il s'agit probablement d'une des trois loges connues par les monographies traitant de ce sujet, à
cette époque à Lyon: La Grande Loge écossaise, Amitié, Amis choisis. Les Balletti comme danseurs et
comédiens adhéraient à la franc-maçonnerie.
7
Il existe une version des mémoires où il prétend que la loge parisienne était celle qui s'appelait La
Loge du duc de Clermont à Paris. (Clermont était le Grand Maître de toutes les loges régulières de France.)
8
HV I/117-118.
9
Terme employé par Alexandre STROIEV dans sa monographie sur la question portant le même
titre : Paris, PUV, 1997. Le meilleur résumé de la problématique : Suzanne ROTH, Les Aventuriers au
XVIIIe siècle, Éditions Galilée, Paris, 1980.
37
en fait que les membres de la société ne puissent être tentés de parler à des non-
initiés : «Les hommes qui ne se font recevoir franc-maçons que dans l'intention de
parvenir à connaître le secret de l'ordre, courent grand risque de vieillir sous la
truelle sans jamais atteindre leur but. Il y a cependant un secret, mais il est
tellement inviolable qu'il n'a jamais été dit ou confié à personne. Ceux qui
s'arrêtent à la superficie des choses pensent que le secret consiste en mots, signes
et attouchements, ou qu'enfin le grand mot est au dernier degré. Erreur. Celui qui
devine le secret de la franc-maçonnerie, car on ne le sait jamais qu'en le devinant,
ne parvient à cette connaissance qu'à force de fréquenter les loges, qu'à force de
réfléchir, de raisonner, de comparer et de déduire. Il ne le confie pas à son meilleur
ami en maçonnerie, car il sait que, s'il ne l'a pas deviné comme lui, il n'aura pas le
talent d'en tirer parti dès qu'il le lui aura dit à l'oreille. Il se tait, et ce secret est
toujours secret. Tout ce qui se fait en loge doit être secret; mais ceux qui, par une
indiscrétion malhonnête, ne se sont pas fait un scrupule de révéler ce qu'on y fait,
n'ont point révélé l'essentiel: ils ne le savaient pas; et s'ils l'avaient su, certes ils
10
n'auraient pas révélé les cérémonies. »
A force de vouloir insister sur l'impossibilité de percevoir l'essentiel, il tombe
dans des répétitions et des pléonasmes qui alourdissent le texte, mais montrent
combien il essaye de mettre en relief cette exigence. C'est d'autant plus
surprenant que lui, en sa qualité d'aventurier, colportait des idées et des nouvelles
qui lui servaient d'amuser son public et de vivre bien sans fortune personnelle. Il
révélait ou inventait des secrets d’alcôve tout aussi bien que des rumeurs
politiques et diplomatiques. Dans la citation suivante, il est difficile de faire la part
d'une vérité apprise par d'autres et celle de son expérience personnelle : « Ceux
qui ne se déterminent à se faire recevoir maçons que pour parvenir à savoir le
secret peuvent se tromper, car il leur peut arriver de vivre cinquante ans maître
11
maçon sans jamais parvenir à pénétrer le secret de cette confrérie. »
Il ne se contente pas de décrire le fonctionnement des loges, mais il passe
brièvement en revue l'histoire du mouvement en remontant jusqu’à l'antiquité en
commentant les mystères d'Éleusis : « La sensation qu'éprouvent aujourd'hui les
profanes, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas maçons, est de la même nature que
celles qu'éprouvaient jadis ceux qui n'étaient pas admis aux mystères qu'on
12
célébrait à Éleusis en l'honneur de Cérès. [. . .] » Il évoque plus particulièrement
l'estime qui entourait dans toute la Grèce ces mystères et l'ambition des plus
grands dignitaires du pays pour être initiés. Il compare même les deux mondes
dans ce domaine et l'antiquité sera favorisée au détriment de l'époque moderne
avec des jugements moraux assez surprenants de sa part : « Cette initiation était
d'une importance beaucoup plus grande que celle de la franc-maçonnerie
moderne, ou l'on trouve des polissons et des rebuts de l’espèce humaine. On garde
longtemps sous un silence impénétrable tout ce qui se passait dans les mystères
10
Ibid. 554.
11
Ibid. 553-554.
12
Ibid.
38
13
Ibid.
14
Ibid. 555.
15
554-555.
16
Ibid. 555.
17
Ibid.
18
V. La Préface de l'HV.
19
Cf. mon étude Les mission secrètes de Casanova, in Öt kontinens, Új- és Jelenkori Egyetemes
Történeti Tanszék közleményei No 2010. ELTE BTK, Budapest, 2011. 41-54. et les chapitres traitant de ce
sujet des grandes biographies de Casanova (Rives Childs, Chaussant Nougaret, etc.).
39
20
HV II/60-67.
21
Ibid. 511-512.
22
Étant un partisan fervent de l'Ancien Régime, il était plutôt réfractaire à l'idée de l’égalité, mais
quand cela le servait et le réconfortait, il en usait sans scrupule comme l'anecdote rapportée ci-dessus
le démontre.
23
HV II/727.
24
HV I/553.
40
Parmi les liens personnels qui ont joué dans son admission dans les diverses
loges, en plus des Balletti (mentionnés comme ses amis intimes), on trouve
d'autres noms illustres dont celui de Da Ponte Vénitien comme lui. C'est ce dernier
qui a dû le présenter à Mozart aussi et on se pose la question à juste titre si
l’arrière-plan maçonnique de Vienne ne l'a pas aidé à collaborer au livret de Don
Giovanni... Ces noms sont connus de sources extérieures aux mémoires, donc on
peut dire, sans dresser une liste exhaustive, que si les liens maçonniques
personnels ne ressortent que par hasard dans le texte de l'Histoire de ma vie, c'est
que ce domaine constitue l'un des sujets qui ont subi assez conséquemment une
auto-censure. En possession d'un grand corpus de manuscrits actuellement, on
peut voir quels sont les tabous qu'il tente d'éviter et la franc-maçonnerie en fait
partie. Il y en a d'autres également comme sa nationalisation française, son
abandon par sa mère, la fin de l'affaire scandaleuse de son escroquerie face à la
marquise d'Urfé, etc. Si cette omission des liaisons maçonniques n'est pas
conséquente, c'est parce qu'il n'a pas systématiquement relu ses manuscrits ayant
renoncé à la publication de l'Histoire de ma vie de son vivant. Des inconséquences
sont restées, mais en règle générale, son attachement au mouvement franc-
maçonnique est occulté la plupart du temps. On ne trouve nulle part la description
des rites modernes non plus, comme il néglige de donner des dates par rapport à
ses visites. Quand on peut déterminer la date d'une rencontre, c'est le nom
complet qui manque, comme au cas de sa dernière rencontre avec Leonilda, l'une
de ses plus grandes amours. Il s'agit de sa visite rendue à cette jeune femme vivant
près de Naples, visite au cours de la quelle il a fait la connaissance du mari, un
25
vieux marquis qu'il désigne sous le nom du « marquis de la C... ». Quand il est
présenté, le marquis l'accueille dans un fauteuil, ne pouvant pas bouger à cause de
sa goutte. Ils échangent des baisers sur les joues selon la coutume, mais ce salut se
transforme en rite: « ...je fus surpris du troisième baiser qu'il m'offre à la bouche,
et que je lui rends en même temps avec une marque qui suffit pour nous
reconnaître pour frères. » Selon le mémorialiste, le marquis était au courant de
cette fraternité, mais le visiteur l'ignorait absolument. Il exprime son étonnement
devant la situation : « Un seigneur âgé de soixante et dix ans, qui put se vanter
26
d'avoir vu la lumière, était il y a trente ans un rare phénomène dans la monarchie
sicilienne. » A partir de ce moment, Casanova est bien vu dans la maison du grand
seigneur qui le comble des marques de son estime et de son affection : « Assis près
de lui, au renouvellement de la certitude de notre divine alliance, nos
27
embrassement s recommencent... » Donc, là où la date est approximativement
certaine, le nom est occulté témoignant de son attention de ne pas tout révéler.
En tous cas, quand il fait allusion à des rencontres dans des loges maçonniques ou
à des reconnaissances dues au hasard, c'est toujours à un détour de phrase et sous
forme passagère, sans développer les détails. Cette auto-surveillance, comme
25
L'identité du marquis n'a pas encore été établie.
26
Vers 1771.
27
HV III/837-838.
41
L'alchimie et la kabbale
Un grand casanoviste, Bernhard Marr avait revu les écrits et les calculs de
Casanova basés sur la kabbale et a abouti dans ce domaine à une conclusion
28
semblable à ma conception par laquelle j'essaye d'interpréter les entreprises de
Casanova dans le domaine de la diplomatie et de la franc-maçonnerie sous
plusieurs angles.
Marr a pris pour point de départ le brouillon d'une lettre de Casanova adressée
29
à Eva Frank où l'aventurier explique comment il utilise son calcul pyramidal
formé à l'époque où il vivait dans le palais du sénateur Bragadin. Il prétend détenir
le Kab-Eli, c’est-à-dire le secret de Dieu, mais qui n'est pas identique à la Cab-ala
qu'il juge être une façon de proposer « des interprétations toujours plus ou moins
30
obscures ». Il raconte sincèrement, avec une pointe de cynisme, qu'il code et
décode des questions et surtout des réponses établies d'avance: tout son calcul
réside en fait dans une disposition arbitraire en vue d'obtenir un résultat connu
d'avance. Un autre critique casanoviste, traducteur de l'étude de Marr, émet une
opinion pareille de la culture occulte de Casanova renforçant cette prise de
position : « Les connaissances techniques de Casanova en occultisme étaient assez
28
Étude publiée dans l'édition de la Sirene des Mémoires, t. III. IX-XXI, repris dans l'édition Laffont,
en traduction française (Grillot de Givry), II/1157-1177.Je suis les thèses principales de B. Marr dans
mon bref résumé.
29
Ibid. 1157.
30
Ibid.
42
31
Ibid. 1171.
32
Ibid. I/452-498. V. toute l'histoire en traduction hongroise: Casanova emlékiratai I, Atlantisz,
Budapest, 1998. le chapitre: Kincskeresők, 101-119.
33
Ibid. I/452.
34
Abbé de Villars abbé, Le comte de Gabalis ou Entretiens sur les sciences secrètes.
43
les deux éléments ont dû être fondus ensemble par Casanova. Il a inventé plus tard
un autre nom cabalistique Paralysée Galtinarde qui se compose de syllabes pareilles,
mais dont la sonorité s'approche plus du français.
Paralis est né en vue d'amuser son père adoptif et ses amis à travers une autre
invention originale, le jeu pyramidal. Toute la mystification était basée sur
l'exceptionnelle rapidité du jeune homme en calculs et en cryptages et
décryptages de toutes sortes. Il jouait bien la comédie de trouver des réponses aux
questions des trois amis en dessinant une pyramide codée en chiffres d'abord pour
les problèmes et décodée après pour donner des réponses qu'il finissait par
traduire en langage compréhensible. Il ne communique pas le secret de son
système dans les mémoires, mais fait des commentaires sur sa méthode. Il
prétend avoir voulu suivre les Sybille de l'antiquité dans l’ambiguïté et l'obscurité
des prédictions. Cet art développé dans la liberté des interprétations posait
toutefois problème dans les cas où on lui demandait des avis précis sur des affaires
concrètes comme l'épisode d'Amsterdam (avec pour protagoniste une belle jeune
35
fille encore, Esther d'O). Il avoue avoir été très embarrassé par la demande de ce
commerçant d'Amsterdam (père d'Esther) qui voulait savoir s'il devait investir de
grosses sommes dans une entreprise navale. La chance n'abandonnait pas
l'aventurier qui a conseillé de se lancer dans l'opération qui a bien réussi
(indépendamment de ses conseils). Le scandale le plus célèbre de l'escroc est
l'affaire avec la marquise d'Urfé dont il a entrepris la régénération (sa renaissance
en jeune garçon) en lui tirant des bijoux précieux et des sommes énormes. Dans
cette mystification qui a duré plusieurs années, il a bien utilisé ses connaissances
acquises dans les sciences occultes. Dans certains cas, il a réussi vraiment à guérir
des maladies comme celle de la duchesse de Chartres en prétendant s'appuyer sur
36 37
la kabbale, celle du prince de La Tour d’Auvergne, et on pourrait multiplier
encore les exemples. Devant cette série de guérisons réussies et des pratiques
aussi sophistiquées, on reste perplexe.
Sans vouloir conclure devant une problématique aussi difficile à voir dans son
ensemble qu'à résoudre, je voudrais citer l'avis de M.-F. Luna qui s'étonne de
constater que Casanova ne se soit pas plus intéressé aux illuministes et qu'il ne se
soit pas occupé plus profondément des idées des franc-maçonnerie et des Rose-
38
Croix. Je me contenterai donc de constater que, selon nos connaissances
actuelles, Casanova est resté superficiel dans la magie tout aussi bien que dans ses
pratiques maçonniques, mais il savait tirer profit de son savoir et de ses relations
sociales grâce à ses connaissances relatives à ces domaines.
35
Fille du commerçant Hoot ou Hope (D.O.), II/108 et sqq.
36
Cf. HV I/627-634. ou les extraits traduits en hongrois in Casanova emlékiratai, Atlantisz, Budapest,
1998. 169-175.
37
Cf. HV II/ 86, 92. és 97.
38
LUNA, Marie-Françoise, Casanova mémorialiste, Champion, Paris, 1998. 237. Voir plus
amplement sur ce sujet le chapitre intitulé Le mage, ibid. 231-253.
44