ConferenceDroitEtCommerce 04022019

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Revue de Jurisprudence Commerciale

Ancien journal des agréés


Direction scientifique Bâtonnier Jean-Marie Leloup

LA SITUATION DES BANQUES ET LES NOUVEAUX DÉFIS


DES BANQUES FACE À LA CONCURRENCE
CONFÉRENCE ASSOCIATION DROIT & COMMERCE
TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS – 4 FEVRIER 2019

PAR ARLETTE MARTIN-SERF*

3
Les banques n’ont pas bonne presse dans de la planète . Moins médiatisé mais tout aussi
l’ensemble.*Vues comme des prédateurs obsédés choquant, le scandale du LIBOR a discrédité de
par le profit et la rentabilité, des racketteurs nombreuses grandes banques qui se sont con-
méthodiques à grands coups de frais et d’agios certées pendant plusieurs années pour en
4
démesurés, elles alimentent trop de discours manipuler le taux .
1
politiques et médiatiques dénonçant le monde
Le secteur bancaire est un marché hyper-
bancaire, et le monde de la finance, comme des
concurrentiel et en voie de saturation. La guerre
ennemis de l’économie dite réelle et des instiga-
2 des prix, l’arrivée soudaine de concurrents pu-
teurs, auteurs et complices de fraude fiscale . Ce
gnaces font que le secteur économique du
genre de discours est plutôt bien accueilli par le
paiement et du crédit, longtemps à l’abri des
grand public. La crise des subprimes n’a rien
secousses, se trouve aujourd’hui très chahuté.
arrangé et a encore dégradé un peu plus l’image
Ce marché est envahi par des offres émanant
des établissements de crédit, cette fois à l’échelle
d’autres opérateurs économiques profitant de la
quasi-disparition du monopole bancaire et de
l’émergence d’un « droit au crédit » toujours
* Arlette Martin-Serf est professeur émérite de
l’Université de Bourgogne. plus pressant, envahissant car encouragé par le
1 - BNP Paribas a été la cible d’un documentaire de
législateur. Les experts en marketing se sont
France Télévisions en octobre 2018 qui n’avait pas fait saisis de ces opportunités.
dans la dentelle, accusant même la banque d’avoir « trans-
féré » aux contribuables son risque sur la dette grecque.
Je cite juste pour mémoire, car elles ne po-
Dans un tout autre registre, de nombreuses agences ban- sent pas de problèmes particuliers, les
caires parisiennes ont été saccagées ou incendiées à structures bancaires créées depuis longtemps au
l’occasion des grandes manifestations initiées par les sein de grosses entreprises comme les groupes
« gilets jaunes ». 5
de constructeurs automobiles ou de la grande
2 - Le procès d’UBS aux États-Unis a révélé l’année
dernière une des plus colossales fraudes fiscales du monde,
et un ancien directeur de cette banque a déclaré que « le
système bancaire suisse, c’est le diable » : B. Birkenfeld, Le 3 - Elle a aussi révélé l’existence d’un principe « too big
Banquier de Lucifer, éd. Max Milo, 2018. En France, le to fail » et « too big to jail ».
parquet national financier a poursuivi UBS AG pour avoir
démarché illégalement des résidents fiscaux français et 4 - Le London Interbank Offered Rate (LIBOR) est le
dissimulé des milliers de comptes non déclarés ; le tribunal taux d’intérêt de référence du marché monétaire interban-
correctionnel de Paris l’a condamnée, le 20 février 2019, à caire à Londres. Le scandale, qui a duré de 2011 à 2013, a
une amende de 3,7 milliards d’euros, et a condamné à une révélé qu’UBS et de nombreuses autres banques se sont
amende de 15 millions d’euros sa filiale française poursui- concertées pendant trois ans, de 2006 à 2009, pour orien-
vie pour complicité. L’affaire des « Panama Papers » – 11,5 ter le taux LIBOR.
millions de fichiers confidentiels issus du cabinet d’avocats 5 - Les « captives financières » des constructeurs auto-
panaméen Mossack Fonseca – rattrape également de mobiles contribuent à hauteur de 20% à 1/3 des résultats
grandes banques européennes : après la Société Générale, de leurs sociétés mères par leurs activités de financement
perquisitionnée dès avril 2016 à la demande de la justice (crédit, location avec option d’achat, location longue
française, le siège de la Deutsche Bank, première banque durée, soutien au développement des réseaux, etc…).
privée d’Allemagne, a été perquisitionné le 29 novembre Parmi les plus connues figure la DIAC, captive financière
2018. de Renault-Nissan.

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distribution : leurs filiales surnommées des banques est compréhensible face aux at-
« banques maison » ou « banques captives » teintes multiples au monopole bancaire et aux
sont de véritables établissements de crédit, réformes successives ouvrant chaque fois un
même si elles ne financent que les activités peu plus le secteur à la concurrence, tout en
auprès de leurs cocontractants : concession- renforçant parallèlement les contraintes impo-
naires, acheteurs. En revanche, les géants du sées aux banques.
numérique, Facebook, Google et surtout Ama-
zon, des opérateurs téléphoniques comme
6
Orange lancent des offensives contre les I - Déclin inexorable du monopole
banques sur toute une série d’activités de base bancaire
pour les clients dont les besoins bancaires sont
limités, comme les jeunes, ou comme complé- A - Contenu du monopole bancaire et
ment d’un établissement traditionnel, qui ont sanctions de sa violation
entraîné la fermeture de centaines d’agences et
des milliers de suppressions d’emplois dans les 1 - Définition du monopole bancaire
réseaux des banques de détail.
Le monopole bancaire, inscrit à l’article
Plus profondément, les métiers de banque de L. 511-5 du code monétaire et financier, a pour
dépôt, de banque d’investissement, de gestion objet de réserver aux seuls établissements de
d’actif, de gestion de trésorerie, sont tous enga- crédit, dûment agréés par la BCE,
gés dans des transformations radicales, dans l’accomplissement à titre habituel des opéra-
l’une des plus violentes mutations de leur his- tions de banque. Les racines du monopole
7
toire . Il ne s’agit pas seulement de l’arrivée de bancaire sont très anciennes : nécessité de pro-
nouveaux outils technologiques ou de téger les déposants, contrôle du crédit, statut
l’évolution naturelle des pratiques comme ce fut réglementé des établissements de crédit. Tradi-
le cas à maintes reprises par le passé. Entravées tionnellement, les établissements de crédit
par de lourds réseaux d’agences, les banques de bénéficiaient du seul monopole bancaire portant
détail traditionnelles subissent des surcoûts de sur les opérations de banque, à savoir la récep-
production considérables par rapport aux tion des fonds du public, la distribution du
banques en ligne beaucoup plus économes en crédit et l’ensemble des activités liées aux
quantités de personnel et de moyens de fonc- moyens de paiement. En 2013, sont entrées
tionnement. Ce ne sont pourtant pas deux dans le monopole des activités liées à la mon-
mondes à part dans la mesure où les banques en 9
naie électronique . Le monopole se présente
ligne, si ce n’est les pure players, sont des filiales actuellement sous forme d’une série
de ces groupes bancaires traditionnels. d’interdictions définies aux articles L. 511-5 et
Nous assistons actuellement à une totale re- suivants du code monétaire et financier.
mise en question, une déstabilisation
fondamentale des cadres établis, où même les 2 - Sanctions encourues en cas de violation
anciennes terminologies figées depuis des du monopole
siècles ne suffisent plus à qualifier et classer les
8
nouveaux venus sur ce marché . L’inquiétude a - Sanctions pénales du délit d’exercice il-
légal de la profession de banquier

6 - Orange Bank a lancé son offre au mois de novembre Elles sont encourues lorsque les agissements
2017, avec une licence bancaire obtenue grâce au rachat en du prêteur peuvent être qualifiés d’habituels.
2016 de 65% de Groupama Banque ; ce rachat a malheu- L’auteur des faits encourt 3 ans d’emprison-
reusement transmis aussi à Orange Bank l’héritage nement et 375 000 euros d’amende, s’il est une
encombrant du scandale financier né de « l’affaire Ma-
doff », vaste escroquerie – une chaîne de Ponzi – datant de
2008. La filiale de l’opérateur téléphonique mise tout sur H. Manceron, Fintech- Les banques contre-attaquent, Du-
son application mobile, avec succès puisqu’elle a été élue nod, 2018. – R. Bouyala, « La révolution FinTech :
meilleure numérisation des parcours et des offres bancaires acte 2 », Revue Banque, 2018 : pour cet auteur, les Fin-
selon l’agence de notation D-Rating (juillet 2018). La Tech sont parfois un bélier dans « le mur de la banque »,
souscription est entièrement dématérialisée même si un avec comme perspective la compétition des GAFA et autres
accompagnement humain est possible en agence ou à l’aide acteurs technologiques ou bien l’émergence de l’Open
de téléconseillers. Banking, sur fond de prospection du nouvel or noir qu’est
7 - Le Cercle Turgot, J.-B. Mateu, Les banques face à leur le Big Data. – S. Tandeau de Marsac, « Comment réguler
avenir proche. Les banques, miroirs d’un nouveau monde, les FinTechs ? » : Banque et Droit, sept.-oct. 2018, p. 12.
Éditions Eyrolles, 2018. 9 - Ajoutons pour être complet le monopole financier
8 - En témoigne notamment l’acronyme « fintech » qui bénéficie aux prestataires de services d’investissement,
désignant les technologies financières. – Y. Eonnet et et donc aux établissements de crédit.

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personne physique et 1 875 000 euros d’amende entraîner la nullité des contrats de crédit qu’il a
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s’il est une personne morale . Se pose alors la conclus .
question de la constitution de partie civile, pour
laquelle un préjudice personnel et direct est B - Multiplication des dérogations lé-
requis par l’article 2 du code de procédure pé- gales au monopole bancaire
nale. Un arrêt de la chambre criminelle de la
Cour de cassation du 11 février 2009 a posé
11 Les dérogations légales au monopole ban-
comme principe que « l’infraction à l’interdiction caire ont pris beaucoup d’ampleur, et elles sont
d’effectuer à titre habituel des opérations de jugées réjouissantes ou inquiétantes selon les
banque ne porte atteinte qu’à l’intérêt général et à points de vue évidemment ! Ce phénomène
celui de la profession de banquier ». Seule l’ACPR emprunte plusieurs directions : le législateur a
devrait pouvoir se constituer partie civile en déjà ouvert le monopole à de nouveaux bénéfi-
matière d’exerce illégal de la profession de ban- ciaires du monopole et, parallèlement, la
quier, dans la mesure où, selon l’article L. 612- fourniture de services de paiement et de crédit a
16,II, du code monétaire et financier, cette auto- porté des coups très rudes, mais pas encore
rité « peut se constituer partie civile à tous les mortels, au monopole bancaire.
stades de la procédure pénale pour l’application
des chapitres Ier à III du titre VII du livre V du 1 - Élargissement du cercle des bénéficiaires
présent code et des dispositions pénales du code des du monopole
assurances, du code de la mutualité et du code de
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la sécurité sociale » . a - Sociétés de financement
Elles entrent dans le cercle en 2013, mais
b - Sanction administrative
uniquement en ce qui concerne les opérations
Le non-respect du monopole bancaire peut de crédit à titre habituel. L’ordonnance n°2013-
donner lieu à intervention de l’ACPR selon 544 du 27 juin 2013 leur a notamment permis
l’article L. 613-24 du code monétaire et finan- d’être cessionnaires de créances professionnelles
cier. Celle-ci peut nommer un liquidateur dans le cadre des bordereaux Dailly.
auquel sont transférés tous les pouvoirs
d’administration, de direction et de représenta- b - Compagnies d’assurance ou de réassu-
tion de la personne morale. Le contenu de cette rance
13
sanction administrative est discuté : la nomina- Beaucoup de sociétés d’assurances se sont
tion du liquidateur ne prononce-t-elle pas
lancées dans la bancassurance ou l’assurbanque,
implicitement la liquidation ? Ou alors, cette l’assurfinance : ces trois néologismes désignent
nomination ne serait envisageable que si le juge la commercialisation de produits d’assurance
pénal a prononcé, à titre de peine complémen- par les réseaux bancaires et la commercialisa-
taire, la dissolution de la personne morale ayant
tion de produits bancaires par certaines
accompli de façon habituelle des opérations de compagnies d’assurances, et témoignent de
banque alors qu’elle n’était pas agréée. l’interpénétration de ces deux secteurs très lu-
cratifs et complémentaires, dont les acteurs
c - Sanctions civiles
redoublent d’offres concurrentielles. Le phéno-
En l’absence de texte sur ce point, la juris- mène s’est développé en France dans les années
prudence a donné quelques réponses. La seule 1990 pour les produits d’assurance dommages
méconnaissance par un établissement de crédit
de l’exigence d’agrément n’est pas de nature à
14 - Cass. ass. plén., 4 mars 2005, n° 03-11725 : Bull.
civ., n° 2 ; JurisData n° 2005-027413 ; JCP G 2005, II,
10062, avis R. de Gouttes ; JCP E 2005, 690, note
T. Bonneau ; D.2005, p. 836, obs. X. Delpech, et p. 785,
obs. B. Sousi ; RTDciv. 2005, p. 388, obs. J. Mestre et
B. Fages ; RTDcom. 2005, p. 400, obs. D. Legeais. –
J. Stoufflet, Le défaut d’agrément bancaire n’entraîne pas la
10 - CMF, art. L. 571-3 et CP, art. 131-38. nullité des contrats conclus : RD banc. fin. mai-juin 2005,
11 - N° 08-83870 : Gaz.Pal.17 oct.2009, p. 9, note étude n° 48. – Rappr. Cass. ass. plén., 21 déc.2006, n° 05-
J. Lasserre Capdeville. 11966 : Bull.civ., n° 14 ; JurisData n° 2006-036605 ; JCP G
2007, II, 10016, note H. Guyader. – Cass.1re civ.,
12 - V. en ce sens J. Lasserre Capdeville, « Les sanctions 16 janv.2013, n° 05-12.081 : D.2013, p. 890, note
civiles de la violation du monopole bancaire : état des lieux J. Lasserre Capdeville. – Cass. com., 9 fév.2013,
et propositions » : Banque et Droit juill.-août 2017, p. 15. n° 11-27.124 : LEDB avril 2013, p. 7, obs. J. Lasserre
13 - V. sur ce débat J. Lasserre Capdeville, art.préc. Capdeville.

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(habitation, automobile…), car l’assurance vie constitutionnel, saisi d’une QPC par le Conseil
et les assurances crédits sont des produits qui d’État, qui a écarté les arguments de la Fédéra-
faisaient déjà par nature partie de l’offre de tion bancaire française qui invoquait l’article 16
produits bancaires. Il se traduit maintenant de de la Déclaration des droits de l’homme et du
plus en plus par la création de filiales, ou la citoyen de 1789 sur la garantie des droits et
prise de contrôle de sociétés d’assurances par l’article 4 sur la limitation de la liberté par la loi,
des groupes bancaires, et en sens inverse par et jugé le droit de résiliation annuel conforme à
l’offre par la plupart des assureurs de services la Constitution.
bancaires (tenue de compte et crédit notam-
ment). Du point de vue légal, institutionnel, c - Organismes de financement
fonctionnel et prudentiel, les deux secteurs
étant soumis à des règles distinctes, exercer les La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 re-
deux métiers signifie gérer une double série de lative à la transparence et à la lutte contre la
contraintes. En revanche et heureusement, les corruption et à la modernisation de la vie éco-
autorités de surveillance ont été fusionnées au nomique, dite « loi Sapin 2 », a encore un peu
sein de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de plus ouvert les vannes du monopole bancaire,
Résolution (ACPR). Pendant longtemps, les pour en faire profiter des fonds créés par le
compagnies d’assurances se sont senties plutôt législateur, afin de renforcer la diversification
perdantes dans cette évolution, faute de réseau des sources de financement des PME et des ETI
équivalent aux réseaux bancaires. Mais très vite, par des prêts directement consentis, sans inter-
Internet a multiplié les possibilités de banque à médiation bancaire, par des fonds profession-
distance et cela leur est maintenant possible. nels spécialisés, des fonds professionnels de
capital investissement et des organismes de
La libéralisation du marché très juteux de titrisation, qui peuvent octroyer des crédits aux
15
l’assurance emprunteur a donné lieu à une entreprises dans les conditions précisées aux
véritable guerre, déclenchée par la loi du 21 articles L. 214-154, L. 214-160 et L. 214-169 du
février 2017 qui a introduit à l’article L. 313-30 17
code monétaire et financier . C’est une consé-
du code de la consommation une possibilité de quence du règlement européen n°2015/760 du
résiliation annuelle par application du droit 29 avril 2015 relatif aux fonds européens
commun de l’article L. 113-12 du code des assu- d’investissement à long terme (ELTIF en an-
rances. Le banquier doit néanmoins accepter le 18
glais) . Ces nouveautés pallient l’impossibilité
contrat substitué conformément à l’article pour les OPCVM et les fonds d’investissement à
L. 313-31 du code de la consommation. Le vocation générale de consentir des prêts .
19

changement d’assurance emprunteur est pos- L’ordonnance n°2017-1432 du 4 octobre 2017


er
sible, depuis le 1 janvier 2018, tout au long de portant modernisation du cadre juridique de la
la durée du prêt immobilier et non plus seule- gestion d’actifs et du financement par la dette,
ment dans les 12 mois qui suivent la prise en application de l’article 117 de la loi du
souscription : la concurrence risque de faire 9 décembre 2016, a introduit dans le code mo-
mal, et de profiter aux consommateurs, car les nétaire et financier la catégorie nouvelle
assurances bancaires sont plus chères. d’organismes de financement, composée d’une
L’application aux contrats déjà souscrits boule- part des organismes de titrisation et d’autre part
verse l’équilibre économique global des crédits
immobiliers. La bataille a été perdue par les
16
banques le 12 janvier 2018 devant le Conseil
au grand nombre des emprunteurs ayant déjà conclu un
contrat d’assurance collectif. Il a ainsi poursuivi un objectif
15 - Les banques qui dominaient largement, avec 85% de d’intérêt général ».
parts de marché, ont réalisé en 2017 un chiffre d’affaires de
8,8 milliards d’euros sur ce produit, en réalisant une marge 17 - Un décret n° 2016-1587 du 24 novembre 2016
moyenne de 40%. Les banques françaises accordent des précise les conditions dans lesquelles certains fonds
crédits à des taux très bas et se rattrapent sur ce produit d’investissement alternatifs peuvent octroyer des prêts aux
d’assurance. entreprises.
16 - D.2018, pan. p. 1289, obs. L. Grynbaum, et p. 1299, 18 - B. Henry et P. Molinelli, « Le régime des ELTIF en
note S. Bros ; JCP 2018, 242, note L. Grynbaum ; JCP droit français », Bull.Joly Bourse, mai 2016, p. 221. –
2018, 367, n° 13, obs. Ph. Delebecque. Selon cette déci- I. Riassetto, « Fonds européens d’investissement à long
sion, « le législateur a entendu renforcer la protection des terme », Banque et Droit, mai-juin 2015, p. 72. –
consommateurs en assurant un meilleur équilibre contractuel T. Jézéquel, « Les fonds européens ELTIF. Un nouvel outil
entre l’assuré emprunteur et les établissements bancaires et pour financer les investissements à long terme », Banque et
leurs partenaires assureurs. En appliquant ce droit de résilia- Droit, mai-juin 2016, p. 11.
tion aux contrats en cours, il a voulu, compte tenu de la 19 - M. Storck, « Les modifications apportées à la gestion
longue durée de ces contrats, que cette réforme puisse profiter collective par la loi Sapin 2 », RTDcom.2017, p. 131.

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des organismes de financement spécialisés . Les les banques. Les établissements de paiement
organismes de financement sont des « non- sont soumis à des contraintes (fonds propres,
banques », mais ne sont pas des shadow bankers. capital initial minimum, etc.) inférieures à celles
S’ils ne sont pas agréés ni régulés en qualité de des établissements de crédit. En 2010, les pre-
banques, ils sont soumis à des règles rigou- miers établissements de paiement ont été agréés
reuses car ils sont habilités à effectuer à titre par l’ACPR.
principal des opérations de banque, telles que la
21 Ils ne peuvent ouvrir que des « comptes de
collecte de fonds, les opérations de crédit , la
22 paiement » (comptes de dépôt ou comptes cou-
constitution de garanties . Ils bénéficient d’un 25 26
rants) , mais pas de comptes d’épargne .
régime dérogatoire au droit des procédures
23 Arrivent sur ce marché libéralisé des acteurs a
collectives .
priori très éloignés de la sphère financière.
2 - Fourniture de services de paiement ver- Le terme de néobanque ou de banque digi-
sus monopole bancaire tale est apparu pour désigner ces opérateurs.
Une néobanque ou banque mobile n’a pas le
Pour s’adapter aux attentes de nombreux droit de proposer tous les produits qu’un éta-
publics pour qui les offres bancaires tradition- blissement bancaire commercialise. Chez elle,
nelles sont trop étoffées ou onéreuses par tout le monde est bienvenu, même les interdits
rapport à leurs besoins réels ou qui sont en 27
bancaires .
marge du système, sont apparues plusieurs
alternatives aux moyens de paiement classiques. La deuxième directive concernant les ser-
vices de paiement dans le marché intérieur
a - Établissements de paiement n° 2015/2366 du 25 novembre 2015, dite
« DSP 2 », a été transposée par l’ordonnance
La directive 2007/64/CE du 13 novembre n° 2017-1252 du 9 août 2017, et la loi de ratifi-
2007 « concernant les services de paiement
dans le marché intérieur » a mis fin au mono-
pole des banques sur les services de paiement,
en instituant un nouveau statut d’établissements 25 - V. Dir.2014/92/UE du 23 juill.2014 sur la compara-
de paiement. Elle a été transposée en France par bilité des frais liés aux comptes de paiement, le
24 changement de compte de paiement et l’accès à un compte
l’ordonnance n° 2009-266 du 15 juillet 2009 . de paiement assorti de prestations de base. - CMF, art.
L’objectif était de mettre en place un marché L. 522-4,I : « Les comptes ouverts par les établissements de
européen des services de paiement – énumérés à paiement sont des comptes de paiement qui sont exclusivement
l’article L. 314-1 du code monétaire et financier utilisés pour des opérations de paiement. Cette destination
(virement, prélèvement, retrait et dépôt de exclusive doit être expressément prévue dans le contrat-cadre
de services de paiement qui régit le compte ». – Cf.
fonds, paiement par carte, à l’exception des M. Roussille, « La notion de compte de paiement »,
chèques) – et de développer la concurrence avec Banque et Droit nov.-déc.2016, hors-série « Nouveaux
comptes et intérêts négatifs », p. 12. – G. Goffinet, « Le
régime des comptes de paiement vu par le régulateur »,
ibid., p. 22.
20 - CMF, art. L. 214-166-1 et s. ; D.n°2018-1004 et D. 26 - Le premier arrêt de la CJUE rendu à propos de la
n° 2018-1008 du 19 nov.2018 portant modernisation du notion de compte de paiement, répondant à une question
cadre juridique de la gestion d’actifs et du financement par préjudicielle, affirme que « l’article 4,14, de la DSP1 doit
la dette. être interprété en ce sens que ne relève pas de la notion de
21 - Ils bénéficient des mécanismes simplifiés de cession « compte de paiement » un compte d’épargne qui permet de
de créances professionnelles et non professionnelles par disposer de sommes déposées à vue et à partir duquel les
bordereaux inspirés de la loi Dailly (CMF, art. L. 313-23 et opérations de versement et de retrait ne peuvent être effectuées
s.), et pourront céder des créances non échues à caractère que par l’intermédiaire d’un compte courant » (CJUE, 4
professionnel à des entités régulées relevant d’un droit oct.2018, aff.C-191/17, Bundeskammer für Arbeiter und
étranger, par dérogation au monopole bancaire, pour Angestellte c/ ING-DibBa Direktbank Austria Niederlas-
améliorer le marché secondaire de ces créances. sung des ING-DibBa AG). – Cf. le commentaire critique de
P.Storrer, « Le rendez-vous manqué entre la CJUE et le
22 - M. Storck, « La régulation de l’activité bancaire des compte de paiement », Banque et Droit, nov.-déc.2018,
FIA : la finance de marché sort de l’ombre », p. 50.
RTDcom.2017, p. 939.
27 - Ainsi Compte-Nickel qui puise son originalité dans
23 - CMF, art.L. 214-169. son réseau de distribution : les buralistes partenaires. Pour
24 - CMF, art.L. 522-1 et s. - P. Bouteiller, « La transposi- ouvrir leur compte Nickel à 20 € par an, son million de
tion en droit français des dispositions européennes clients s’est rendu dans un des 3500 points de vente. La
régissant la fourniture de services de paiement et portant souscription s’effectue par le biais d’une borne interactive
création des établissements de paiement » : JCP E 2009, en 5 minutes à peine. Le client n’a plus qu’à activer sa carte
1897. – G. Notté, « Fourniture de services de paiement et bancaire et profiter d’un RIB. N26 comme Revolut avoisi-
création des établissements de paiement » (Ord.n° 2009- nent les 300.000 utilisateurs, c’est autant que la banque en
266, 15 juill.2009) : JCP E 2009, 358. ligne Hello bank! Et trois fois plus qu’Orange Bank !

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cation a été adoptée le 3 août 2018 . Elle pré- - Après le porte-monnaie virtuel, prennent
voit un nouveau dispositif en matière de retrait de l’ampleur les monnaies virtuelles ou crypto-
d’espèces de nature à agacer les banques : la loi monnaies – les plus connues étant le Bitcoin et
française autorise désormais le cash back connu l’Ether – permettant des transactions anonymes,
chez nos voisins (Allemagne, Espagne, Belgique donc intraçables, sur un réseau décentralisé. Les
et Royaume-Uni), qui permet à un commerçant crypto- monnaies sont nées avec la blockchain,
d’offrir un service de retrait d’espèces à ses une base de données dont elles permettent le
33 e
clients, à l’occasion de leurs achats de biens ou fonctionnement . La 4 directive antiblanchi-
34
de services payés par carte bancaire pour un ment bis (UE) 2018/843 du 30 mai 2018 les
montant plus élevé que le montant dû, afin que définit comme « des représentations numériques
des espèces soient rendues pour combler la d’une valeur qui ne sont émises ou garanties ni par
29
différence . une banque centrale ni par une autorité publique,
qui ne sont pas nécessairement liées non plus à une
b - Produits de la révolution technologique monnaie établie légalement et qui ne possèdent pas
dans le monde de la finance : porte - le statut juridique de monnaie ou d’argent, mais
monnaies électroniques ou virtuels, qui sont acceptées comme moyen d’échange par des
crypto-actifs personnes physiques ou morales et qui peuvent être
transférées, stockées et échangées par voie électro-
- Les porte -monnaies électroniques ou vir- nique ».
tuels (wallets en anglais) utilisés pour le
paiement mobile, représentent déjà 25% des - Puis sont apparus les tokens, ces jetons aux
30
achats à distance . Le porte-monnaie électro- fonctions variables, objets juridiques non identi-
35
nique, également dit portefeuille électronique fiés et source de grandes incertitudes . Ce sont
(e-wallet en anglais), couvre deux réalités diffé- eux qui sont créés lors des ICOs (Initial coin
rentes : soit un dispositif qui peut stocker de la offering), des levées de fonds en cryptomonnaies
monnaie sans avoir besoin d'un compte ban- qui peuvent faire craindre le pire pour des in-
caire et d'effectuer directement des paiements vestisseurs novices. Le droit français veut se
31
sur des terminaux de paiement , soit un dispo- mettre à l’heure de cette « finance de substitu-
sitif sécurisé installé sur des appareils tion » par la loi PACTE qui tend à distinguer les
électroniques portables (téléphones mobiles bonnes et les mauvaises ICOs : seules les pre-
principalement) permettant d'initier un vire-
ment de son compte vers celui d'un fournisseur,
via un terminal de paiement installé en magasin.
Dans ce cas, il s'agit d'un substitut à la carte
bancaire traditionnelle et le mot de portefeuille
électronique peut être contesté, l'appareil ne
contenant pas de monnaie mais permettant 33 - L’article L. 223-12 du CMF issu de l’ordonnance
n° 2016-520 du 28 avril 2016 qualifie la blockchain de
simplement d’accéder à son compte bancaire de « dispositif d’enregistrement électronique partagé permet-
32
façon sûre . tant l’authentification d’opérations ». – S. Drillon, « La
révolution Blockchain. La redéfinition des tiers de con-
fiance », RTDcom.2016, p. 893. – N. Devillier, « Jouer
dans le « bac à sable » réglementaire pour réguler
l’innovation disruptive : le cas de la technologie de la
chaîne de blocs », RTDcom.2017, p. 1037.
28 - L. n° 2018-700 du 3 août 2018. - M. Roussille, 34 - Modifiant la directive (UE) 2015/849 du 20 mai
« Ratification de l’ordonnance DSP 2 : entre soulagement 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système
et agacement », Banque et Droit, sept.-oct.2018, p. 44. financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du
29 - CMF, art. L. 112-14. – D. n° 2018-1224 du financement du terrorisme.
24 déc.2018 relatif à la fourniture d’espèces dans le cadre 35 - Le nouvel article L. 552-1 du code monétaire et
d’une opération de paiement, déterminant le montant financier définit le jeton comme « tout bien incorporel
minimal de l’opération de paiement (dès un euro d’achat) représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits
et le montant maximal en numéraire pouvant être décaissé pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen
dans ce cadre (60 euros). Bercy place de grands espoirs d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permet-
dans l’expansion du cash back pour compenser la désertifi- tant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire
cation bancaire des campagnes et la disparition des dudit bien », c’est-à-dire d’une blockchain. – Th. Bonneau,
distributeurs de billets. « « Tokens », titres financiers ou biens divers ? » :
30 - Citons, entre autres, Kwixo, Buyster, Paylib, Silkpay, RDbanc. fin. 2018, Repère 1. – L. Soleranski, « Réflexions
Amazon Pay. sur la nature juridique des tokens », Bull. Joly Bourse, mai
2018, p. 191. – I.M. Barsan, « Comment réguler l’émission
31 - Sous forme de carte bancaire prépayée avec ou sans de cryptojetons ? », Rev. Banque Supplément, 1er juin
puce. Exemples : Veritas, Skrill, Moneo. 2018, p. 61. – D. Legeais, « Développement et potentialités
32 - Exemples : Google Wallet, Paypal. des cryptomonnaies », JCP E 2018, 583.

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Juillet /Août 2019 – Numéro 4
Étude

mières, respectant des critères de protection des doivent alors se tourner vers d’autres finance-
36
investisseurs, recevraient un visa de l’AMF . ments, tels les emprunts obligataires – procédé
qui n’est pas à la portée de tout le monde – , ou
3 - Droit au crédit versus monopole bancaire utiliser les multiples dérogations au monopole
des établissements de crédit.
Le Conseil de Stabilité Financière (CSB) con-
sidère que le financement non bancaire, la Dans cette approche, ces activités de finan-
diversification des sources de financement par cement non bancaire se fondent dans la
dette des PME et des entreprises de taille inter- nébuleuse du shadow banking, qualifiée aussi de
39
médiaire (ETI) est une saine concurrence pour « finance parallèle » .
les banques : il définit le système de finance- a - Microcrédit
ment non bancaire comme « un système
d’intermédiation de crédit impliquant des entités et Le microcrédit est un prêt de faible valeur
des activités en dehors du système bancaire tradi- accordé par des acteurs non bancaires aux per-
tionnel, susceptibles de poser des risques sonnes exclues du système bancaire classique,
systémiques et/ou de recourir à des arbitrages faute de garanties réelles ou d’apport personnel
37
réglementaires » . Selon les critères proposés suffisant. Le concept a été popularisé grâce au
par le CSB et repris par la Commission euro- professeur d’économie Muhammed Yunus, prix
38
péenne , les activités de financement non Nobel de la paix 2006 et à sa célèbre Grameen
bancaire présentent une des caractéristiques Bank créée au Bangladesh en 198340. Le micro-
suivantes : crédit professionnel est arrivé en France en
1988 pour stimuler la création d’une très petite
− avoir recours à la collecte de capitaux pré- entreprise en finançant un bien ou un service
sentant des caractéristiques similaires à celles (une machine, du matériel informatique, un
des dépôts ; stock de marchandises, un véhicule, passer le
− réaliser des opérations de transformation de permis de conduire), utile à un projet écono-
maturité ou de liquidité ; mique cohérent dont la légitimité est étudiée au
cas par cas avec le conseiller social de
− réaliser des opérations de transfert du risque 41
l’association . Le microcrédit personnel, apparu
de crédit ;
en 2005, est consenti aux personnes en situa-
− avoir recours au levier financier, c’est-à-dire tion d’exclusion et qui bénéficient d’un
à l’endettement afin d’accroître la rentabilité accompagnement social qualifié (chômeurs,
d’une opération d’investissement. allocataires de minima sociaux). Il n’existe pas
Le même constat fonde le recours de plus en de cadre juridique harmonisé en Europe. En
plus massif à des modes de financement alterna- France, le décret n°2012-471 du 11 avril
42
tifs : insuffisance de crédits bancaires, lenteurs, 2012 oblige les associations et fondations de ce
et exigences systématiques de garanties pour secteur à obtenir une habilitation de l’ACPR, et
43
obtenir des prêts bancaires. Certes, les banques le décret n°2018-950 du 31 octobre 2018 mo-
sont responsables en cas de crédit excessif, difie les conditions d’octroi de microcrédits
limitées par les contraintes prudentielles et le professionnels par les associations et fondations
respect des ratios de solvabilité. Les entreprises
39 - H. Boucheta, « Shadow banking : menace ou oppor-
tunité ? » : Bull. Joly Bourse avril 2016, p. 171. – F. Marc,
36 - CMF, art. L. 552-4 à L. 552-6 nouveaux. Sénat, Rapport d’information sur l’amélioration de la
P.-C. Pradier, « ICO : qu’es aco ? », Rev. Banque 2017, transparence et de la régulation du système financier
n°813, p.58. – D. Legeais, « Regards sur une opération parallèle, n° 607, session 2015-2016, 12 mai 2016, p. 25.
juridique non identifiée : les ICOs », Dalloz IP/IT fév.2018,
p. 113. – H. de Vauplane, « Pourquoi faut-il réguler les 40 - Il avait constaté que des femmes pauvres ne pou-
ICO ? », RTDF 2018, n°1, p. 68. – X. Vamparys, « Projet vaient obtenir des banques locales du crédit pour leur petit
de loi PACTE : la France à l’avant-garde sur les offres de commerce, faute de solvabilité suffisante. Sur ses propres
crypto–actifs », Banque et Droit, juill.-août 2018, p. 4. – fonds, il leur prêta de petites sommes qui furent rapide-
A. Aranda Vasquez, « Le projet de loi PACTE et les initial ment remboursées.
coin offerings », LPA 27 août 2018, p. 7. – S. Bénézant, 41 - Citons par exemple l’ADIE Bourgogne Franche-
« ICO : un nouveau mode de financement en voie Comté et son réseau de partenaires comme Pôle Emploi,
d’encadrement », Journ. sociétés avril 2018, p. 6. – les missions locales, BGE, les chambres consulaires, ou le
F. Drummond, « ICO. Le législateur introduit des jetons Crédit Agricole et la Banque Populaire auprès desquels elle
dans le code monétaire et financier », JCP 2018, 1395. emprunte des millions d’euros qu’elle redistribue en mi-
37 - Global Shadow Banking Monitoring Report 2016, crocrédit à des microentreprises.
CSB, mai 2017, p. 5. 42 - CMF, art. R. 518-58 mod. L. n° 2013-672 du 26 juill.
38 - Commission européenne, Livre vert sur le système 2013.
bancaire parallèle, 19 mars 2012. 43 - CMF, art. R. 518-57 à R. 518-62 modifiés.

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Juillet /Août 2019 – Numéro 4 7
Étude

habilitées. Les trois acteurs majeurs qui occu- sont soumis à aucun contrôle, et si aucune ré-
pent ce terrain sont l’Adie (Association pour le glementation n’encadre les professionnels qui
droit à l’initiative économique), pionnière du contribuent au financement des projets et re-
microcrédit en France, France Active (garantie) commandent aux particuliers de participer aux
et France Initiative (prêt d’honneur à 0%). opérations de crowdfunding. Le nerf de la guerre
reste la détection du risque. La question de la
Le microcrédit est surtout présent dans les
régulation se pose dans de nombreux pays.
pays en développement où il est particulière-
46
ment adapté pour créer ou développer de Aux États-Unis, le JOBS Act du 5 avril 2012
l’agriculture, de l’artisanat, de l’élevage, de encadre tant l’activité que les plates-formes, des
l’économie sociale. Le microcrédit connaît mal- limites étant apportées au montant du projet
heureusement des dérives, en se déplaçant de financé et au montant du financement apporté
plus en plus vers les marchés financiers et en par les particuliers, et des obligations en matière
basculant dans le camp des banques commer- d’informations étant imposées pour assurer la
ciales dont la finalité est de faire des bénéfices. protection des investisseurs. En France,
La société de gestion Tikehau IM a émis en mai l’ordonnance n°2014-559 du 30 mai 2014 rela-
2011 la première obligation de microfinance tive au financement participatif est venue
er
cotée en Bourse, sur Alternet, le 1 juillet 2011. ajouter une nouvelle exception au monopole
Cette émission internationale, pilotée par la bancaire dans l’article L. 511-6 du code moné-
société Microfis, d’un montant de 20 millions de taire et financier et créer un encadrement
dollars, était destinée à financer Prasac, la plus juridique complété par le décret n°2014-1053
importante institution de microcrédit du Cam- du 16 septembre 2014. L’interdiction relative
bodge. Le mexicain Banco Compartamos et aux opérations de crédit ne s’applique plus aux
l’indien SKS se sont introduits en Bourse pour personnes physiques qui, agissant à des fins non
financer leurs prêts, et la fameuse Grameen professionnelles ou commerciales, consentent
Bank elle-même est devenue un énorme con- des prêts dans le cadre du financement partici-
44
glomérat , ce que déplore le gouvernement du patif (crowdfunding), dans certaines
47
Bangladesh pour qui cette expansion est en conditions . Les plates-formes de financement
inadéquation avec les règles originelles. Les taux participatif par souscription de titres financiers
d’intérêt sont également sur la sellette, accusés doivent être agréées en tant que prestataires de
d’être de plus en plus élevés au fur et à mesure services d’investissement (PSI), ou être imma-
48
que les établissements se développent. Une triculées sur le registre de l’ORIAS en tant que
seconde génération de prêteurs est en face d’une conseillers en investissements participatifs
seconde génération d’emprunteurs plus instruits (CIP) après examen de leur dossier
49
et portant des projets plus ambitieux : la pre- d’immatriculation par l’AMF . Cette dernière
mière prêtait 30 ou 40 dollars, maintenant le est chargée de surveiller lesdits sites avec la
microcrédit représente des centaines de millions Direction générale de la concurrence, de la
de dollars par mois avec des prêts de centaines consommation et de la répression des fraudes
de dollars chacun.

b - Finance participative, nouveau visage


46 - Jumpstart our business startups Act.
du capital-risque
47 - G. Leclair, « « Crowdfunding » : peut-on raisonna-
Né dans les années 2000 aux États-Unis, le blement être associé avec…. la foule ? » : JCP E 2013,
crowdfunding s’est mis en place sur la toile en 1709. – J. Lasserre Capdeville, « Les incidences sur le
monopole bancaire et le monopole des prestataires de
jouant sur des valeurs de solidarité et de par- services de paiement de l’ordonnance sur le financement
tage, reposant sur l’appel à un grand nombre de participatif » : Gaz. Pal. 18 sept.2014, p. 5. – D. Dumont,
personnes pour financer un projet par un prêt, « La foule au secours du financement » : Dr. et patr. avril
un don ou un investissement (« private equi- 2014, p. 6. – « Un cadre juridique pour le financement
45 participatif » : Dossier ss la direction scientifique de
ty » ), par dérogation au monopole bancaire. T. Granier : Bull. Joly Sociétés déc.2014, p. 740 s. – « Le
La protection des investisseurs est mise à mal crowdfunding ou financement participatif » : Dossier, Dr.
et patr. juin 2017, p. 32 s.
si les plates-formes et leurs gestionnaires ne
48 - Organisme pour le registre des intermédiaires en
assurance.
49 - Th. Bonneau, « La régulation du crowdfunding dans
44 - L’une de ses nombreuses filiales travaille avec Da- le monde » : RISF 2014/2, p.3. – AMF et ACPR, Guide du
none au sein de la Grameen Danone Food. financement participatif (crowdfunding) à destination des
45 - Dans l’investissement au capital de PME-TPE, la plates-formes et des porteurs de projets, 2013. – ACPR et
prise de risque est maximale et la liquidité quasi nulle, AMF, « Un nouveau cadre pour faciliter le développement
aucun marché secondaire des parts n’étant organisé. du financement participatif », 30 septembre 2013.

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Juillet /Août 2019 – Numéro 4
Étude

(DGCCRF) et l’Autorité de Contrôle Prudentiel rerie avec des sociétés ayant avec elle, directement
et de Résolution (ACPR). ou indirectement, des liens de capital conférant à
l’une des entreprises liées un pouvoir de contrôle
c - Crédit interentreprises effectif sur les autres ». Le texte, à vrai dire, n’est
pas très clair : il ne parle ni de filiale ni de parti-
C’est le mode de financement extra -bancaire cipation et n’indique pas l’importance du lien de
le plus prometteur et qui est expressément prô- 54
capital . Il s’agit donc là d’une question de fait.
né et encouragé par le législateur.
- La loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la
Toutefois, évacuons tout de suite le crédit croissance, l’activité et l’égalité des chances
gratuit et le plus souvent forcé prenant la forme économiques, dite « loi Macron », est venue
de délais de paiement, crédit client ou crédit compléter l’article L. 511-6 du code monétaire
50
fournisseur sur lequel je ne m’attarderai pas, et financier d’un alinéa 3 bis prévoyant la possi-
car il est considéré comme un des principaux bilité, pour certaines sociétés, de prêter de
maux de notre économie, et spécialement pour l’argent aux entreprises avec lesquelles elles ont
la trésorerie des petites entreprises : le législa- 55
des liens économiques . Néanmoins, la mise en
teur lutte constamment pour réduire ces délais, œuvre de cette nouvelle exception au monopole
au titre des pratiques prohibées, malgré l’article bancaire implique la réunion cumulative d’un
L. 511-7-1° du code monétaire et financier qui 56
grand nombre de conditions . Ce prêt à court
51
en admet la validité . Les délais de paiement terme interentreprises permet de réaliser entre
ont également attiré l’attention des autorités des entreprises partenaires des opérations de
52
européennes . financement à titre accessoire à leur activité
- Les bons de caisse existent depuis 1937 principale. Une entreprise ayant une trésorerie
mais personne n’en parle. Leur dernière version excédentaire est autorisée à prêter à un fournis-
résulte de l’ordonnance n°2016-520 du 28 avril seur ou à un sous-traitant, ou à une entreprise
2016. Ce sont des titres nominatifs et non négo- membre du même groupement d’intérêt écono-
ciables comportant engagement par un mique, ou co-attributaire de marchés publics ou
commerçant de payer à une échéance inférieure privés, etc., sans passer par les circuits ban-
à cinq ans, délivrés en contrepartie d’un prêt. caires. Et pour éviter toute spéculation, les
Peuvent en émettre, outre les établissements de créances détenues par le prêteur ne peuvent, à
crédit, les personnes physiques et sociétés qui peine de nullité, être acquises par un organisme
exercent en qualité de commerçant et ont établi de titrisation ou un fonds professionnel spéciali-
53
le bilan de leur troisième exercice commercial . sé ou faire l’objet de contrats constituant des
instruments financiers à terme ou transférant
- Les opérations de trésorerie intra-groupe
constituent le crédit intra-groupe autorisé par
l’article L. 511-7,I, 3°, du code monétaire et
financier : une entreprise, quelle que soit sa
nature, peut « procéder à des opérations de tréso- 54 - J. Lasserre Capdeville, « Le crédit intragroupe : une
exception au monopole bancaire aux contours controver-
sés » : AJCA, concurrence, distribution, oct.2017, p. 418. –
Le contrôle assuré par une personne physique sur deux
sociétés sœurs répond à la condition de contrôle effectif
50 - Ce type de crédit interentreprises a pu être défini posée par le texte : Cass. com., 10 déc.2003 : Bull. Joly
comme « une source de financement à court terme, non 2004, § 96, p. 503, note Moulin.
gagée, accordée par une entreprise non financière et liée à
l’achat de biens ou services » : R. Trégouët, Rapport sur le 55 - H. de Vauplane, « La loi Macron et le crédit interen-
projet de loi relatif aux délais de paiement entre les entre- treprises : une nouvelle brèche dans le monopole
prises, Sénat, n°275, 3e session extraordinaire de 1991- bancaire » : Les Echos, 15 fév.2015. - D. Legeais, « Le
1992, spéc.p. 7-8. crédit interentreprises réactivé » : RD banc.fin.2015, n° 5,
repère 5. – J. Lasserre Capdeville, « La limitation du mo-
51 - L’article L. 443-1 du code de commerce fixe un délai nopole bancaire par la reconnaissance du prêt
de paiement maximum pour certaines opérations. – V. interentreprises » : RD banc. fin. 2016, n° 1, Focus n° 1,
également l’article L. 441-6 du code de commerce. p. 3. – N. Auclair, « La possibilité de prêts interentreprises
52 - Directive 2011/7/UE du Parlement européen et du au sein de la loi Macron ; une occasion manquée. À propos
Conseil du 16 février 2011 concernant la lutte contre le de l’article L.511-6 du Code monétaire et financier issu de
retard de paiement dans les transactions commerciales : la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 » : Gaz. Pal. 24 mai
JOUE n° L 48/1 du 23 février 2011. – G. Lardeux, « La 2016, p. 58.
lutte contre le retard de paiement dans les transactions 56 - Précisées par le décret n° 2016-501 du 22 avril
commerciales » (Position commune du Conseil n°36/1999 2016 : CMF, art. R. 518-57 à R. 518-64. – V. B. Dondero et
du 29 juillet 1999 en vue de l’adoption d’une directive C. Tabourot-Hyest, « Le crédit interentreprises est désor-
concernant la lutte contre le retard de paiement dans les mais opérationnel » : JCP E 2016, 443. – T. Bonneau, Le
transactions commerciales) : JCP E 2000, p. 1318. régime du prêt interentreprises issu du décret du 22 avril
53 - CMF, art. L. 223-1 s. 2016 : Bull. Joly Sociétés 2016, p. 311.

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Juillet /Août 2019 – Numéro 4 9
Étude

des risques d’assurance à ces mêmes organismes recours à la dette pour le financement des inves-
ou fonds. tissements des établissements de crédit, dans le
57
règlement 575/2013/UE du 26 juin 2013 . Six
groupes bancaires français ont fait l’objet de six
II - Distorsions de concurrence pré- arrêts du Tribunal de l’Union européenne du
judiciables au secteur bancaire 58
13 juillet 2018 , car ils n’avaient pas obtenu de
la BCE la dérogation qu’ils sollicitaient concer-
Le tableau des contraintes qui enserrent les
nant le calcul du montant de l’exposition totale
structures et les activités du secteur bancaire
des sommes correspondant à des produits
révèle un accroissement continu des exigences
d’épargne réglementée, sommes qu’ils sont te-
quantitatives et qualitatives, qu’elles soient
nus de transférer à la Caisse de Dépôts et
d’origine légale, prudentielle ou prétorienne.
Consignations. L’issue est heureuse car le Tri-
Toutefois et heureusement, après quelques
bunal a annulé les décisions de la BCE.
hésitations et quelques lenteurs, la contre-
attaque des banques s’organise.
c - Ratios de liquidité
A - Exigences prudentielles quantitatives Ils établissent un rapport entre le montant
des avoirs liquides et mobilisables d’un établis-
1 - Respect des ratios du Comité de Bâle sement de crédit et le montant de ses
engagements à court terme.
a - Ratio international de solvabilité (ratio
« Cooke ») L’accord « Bâle III » prévoit le ratio de cou-
verture des besoins de liquidité à court terme
59
Introduit par l’accord de « Bâle I », c’est le (LCR) et le ratio de financement stable net
rapport entre le montant des fonds propres d’un (NSFR), destinés à assurer la capacité d’une
établissement de crédit et le niveau des risques banque à faire face à des retraits massifs en cas
encourus, intégré dans le droit de l’Union euro- de crise.
péenne par la directive n°89/647/CEE du 18
décembre 1989 relative au ratio de solvabilité d - Ratio de division des risques
des établissements de crédit. L’accord de « Bâle
C’est le rapport entre le montant des crédits
II » l’a rendu plus exigeant, lui-même modifié
accordés à un même client et le montant des
en 2009, dans le contexte de la crise financière,
fonds propres de l’établissement de crédit.
afin de renforcer la surveillance des risques de
marché et de prendre en compte les opérations
de retitrisation. L’accord de « Bâle III », dont la 2 - Dispositions prudentielles françaises
mise en œuvre doit s’étendre de 2013 à 2019, Selon l’article L. 511-41 du code monétaire
vise à renforcer la résilience des établissements 60
et financier , « les établissements de crédit et les
et systèmes bancaires, prévoyant principalement sociétés de financement sont tenus de respecter des
le renforcement du niveau et de la qualité des normes de gestion destinées à garantir leur liquidi-
fonds propres. Il a été traduit en droit de té et leur solvabilité à l’égard des déposants et, plus
l’Union européenne par la directive « CDR 4 » généralement, des tiers, ainsi que l’équilibre de
et le règlement « CRR » adoptés le 26 juin 2013. leur structure financière. Ils doivent en particulier
La directive a été transposée en France par respecter des ratios de couverture et de division de
l’ordonnance n°2014-158 du 20 février 2014 risques ». L’article L. 511-41-1-A du code moné-
portant diverses dispositions d’adaptation de la taire et financier pose pour les établissements de
législation au droit de l’Union européenne en crédit et les sociétés de financement des obliga-
matière financière, complétée par deux décrets
du 3 novembre 2014.
57 - Aux termes de son article 429-2, 1er alinéa, « le ratio
b - Ratio de levier de levier est calculé comme étant égal au montant des fonds
propres de l’établissement divisé par le montant de l’exposition
L’une des conséquences de la crise financière totale de l’établissement et est exprimé en pourcentage ».
de 2008 a été l’alourdissement des contraintes 58 - Trib. UE, 13 juill.2018, aff. T-733/16, T-745/16, T-
d’ordre prudentiel. Un nouveau ratio fut insti- 757/16, T-758/16, T-768/16 : D.2018, pan. p. 2107, obs.
tué, le ratio de levier. Le législateur européen, H. Synvet : BNP Paribas, Crédit agricole, Société générale,
BPCE, Crédit mutuel et Banque postale.
dans le sillon des travaux du Comité de Bâle –
59 - V .en dernier lieu D. n° 2018-774 du 5 sept.2018 :
l’accord de « Bâle III » – a choisi de limiter le JO 7 sept. 2018 ; Arr. 5 sept. 2018 : JO 7 sept. 2018 ; JCP
2018, 953.
60 - Mod. par Ord. n° 2017-1107 du 22 juin 2017.

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Juillet /Août 2019 – Numéro 4
10
Étude

tions de fonds propres supplémentaires : quatre « population en situation de fragilité finan-


« coussins » de fonds propres visent à prendre cière », c’est-à-dire repérée par les banques
en compte le cycle économique ainsi que le comme susceptible de faire l’objet à court terme
64
risque macroéconomique ou systémique. d’une procédure de surendettement .

B - Obligations imposées aux banques en 3 - Obligations d’information de la clientèle


faveur des clients vulnérables et plafonnement des frais bancaires
Un nombre important d’obligations a été mis Les frais et agios sont la bête noire des asso-
à la charge des banquiers, surtout ces dernières ciations d’usagers des banques. Le législateur a
années, pour venir en aide à leurs clients en écouté leurs plaintes. Les frais de rejet de
61
situation difficile ou vulnérables . chèque et de saisie sur compte bancaire sont
plafonnés.
1 - Droit au compte 65
Les établissements de crédit sont tenus de
Instauré par la loi « bancaire » n°84-46 du porter à la connaissance de leur clientèle et du
24 janvier 1984, au bénéfice des personnes public leurs conditions générales de banque et
physiques ou morales dépourvues de tout un tableau très détaillé des frais bancaires et
compte de dépôt et confrontées à un refus, le cotisations afférents à chaque opération ban-
66
droit au compte pèse sur les seuls établisse- caire . En septembre 2018, les banques
ments de crédit car il tend précisément à éviter françaises se sont engagées volontairement, par
l’exclusion bancaire qui entraîne des exclusions l’intermédiaire de la Fédération bancaire fran-
en chaîne, dans la mesure où depuis longtemps çaise (FBF), à limiter les frais d’incidents de
le passage par une banque est obligatoire pour paiement et d’irrégularités de fonctionnement
certains actes de la vie courante : le code du de compte.
travail oblige l’employeur à payer par chèque ou
virement bancaire les salaires au-delà de 4 - Devoirs de conseil et de mise en garde
1500 € , et le code monétaire et financier inter-
62
Une longue construction jurisprudentielle a
dit les paiements en espèces au-delà de 1000 € .
63
établi et affiné progressivement la responsabilité
La loi PACTE du 22 mai 2019 a complété l'ar- des établissements de crédit pour manquement
ticle L. 312-23 du code monétaire et financier, à leur devoir de conseil puis de mise en garde,
afin d'attacher au visa de l'AMF, prévu à l'article les deux pouvant d’ailleurs se cumuler.
L. 552-4 du même code, accordé à certaines
levées de fonds par ICO, un droit au compte Le devoir de mise en garde oblige le banquier
opposable aux banques ; ces dernières répu- dispensateur de crédit à alerter le cocontractant
gnent aujourd'hui à prendre le risque d'ouvrir sur les risques d’endettement de l’opération
même un compte de dépôt à ces émetteurs de envisagée. Certes, la Cour de cassation réserve
jetons qui leur inspirent la plus grande mé- le devoir de conseil à des dispositions légales ou
67
fiance. contractuelles le prévoyant , et à des circons-
tances particulières, par exemple si c’est la
2 - Offre spécifique de produits et de services banque qui prend l’initiative du montage de
68
à une tarification attractive crédit ou si elle donne un conseil inadapté à la

Cette offre, portant sur des services basiques


et de nature à limiter les frais supportés en cas
d’incident, est imposée par l’article L. 312-1-3
du code monétaire et financier issu de la loi 64 - Cette offre n’est pas rentable aux dires des banques,
même si les services inclus restent limités : une carte de
n°2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et paiement à autorisation systématique, quatre virements,
de régulation des activités bancaires, pour une des prélèvements illimités et deux chèques de banque par
mois.
65 - Et les établissements de paiement, seulement depuis
61 - L’Observatoire de l’inclusion bancaire (OIB), créé le décret n° 2018-774 du 5 sept. 2018 modifiant l’art.
par la loi du 26 juillet 2013, publie un rapport annuel D. 312-1-1 du CMF.
dressant un bilan statistique de l’inclusion bancaire en 66 - CMF, art. R. 312-1 à R. 312-1-2.
France et propose des actions destinées aux populations 67 - Un devoir de conseil est prévu aux articles L. 313-13
financièrement les plus fragiles. – J. Lasserre Capdeville et à L. 313-15 du code de la consommation en matière de
N. Théry, « La banque a-t-elle en 2018 des fonctions crédit immobilier, depuis l’ordonnance n° 2016-351 du
sociales ? »: JCP G 2018, 193. 25 mars 2016.
62 - C.trav., art. L. 3241-1. 68 - Cass.com., 7 fév.2018, n° 16-12808 : RTDcom. 2018,
63 - CMF, art. L. 112-6 et D. 112-3. p. 175, obs. D. Legeais.

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situation dont elle a connaissance , et réserve le Pour s’en tenir au domaine des paiements et
devoir de mise en garde aux seuls emprunteurs du crédit évoqués plus haut, les personnes con-
non avertis, c’est-à-dire insuffisamment con- cernées sont aujourd’hui les établissements de
70
naisseurs en la matière . Le préjudice né du paiement, les établissements de monnaie élec-
manquement de l’établissement de crédit à son tronique, les plates-formes de vente et d’échange
obligation de conseil ou de mise en garde lors de monnaie virtuelle, les plates-formes de finan-
de l’octroi d’un prêt s’analyse en la perte de la cement en crowdfunding, de même que les
chance de ne pas souscrire celui-ci. conseillers en investissement participatif et les
intermédiaires en financement, sous le contrôle
73
C - Lutte contre le blanchiment d’argent de l’ACPR et de l’AMF . Mais bien évidemment,
et le financement du terrorisme ce sont les banquiers les plus surveillés et les
74
plus lourdement sanctionnés sur ce terrain .
S’agissant des mesures d’intérêt public, plus
spécialement la lutte contre le blanchiment D - Contre-offensives des banques
d’argent et le financement du terrorisme (LCB-
FT), il faut souligner qu’y sont assujettis quanti- 1 - Tentatives de récupération du marché du
té d’opérateurs du secteur non financier, comme
financement
le prouve l’impressionnant article L. 561-2 du
code monétaire et financier qui cible pas moins
a - Offensives de communication sur les
de 17 catégories de professionnels allant des
dangers du financement non bancaire
commissaires aux comptes aux antiquaires en
passant par les opérateurs de jeux ou de paris. - Le financement non bancaire peut devenir
Progressivement, le dispositif anti- blanchiment une source de risque systémique, directement
s’intensifie au point de devenir un des piliers de ou par son interconnexion avec le système ban-
la régulation et la règle KYC (know your custo- 75
caire . Les entités de financement non bancaire
mer) et un des principes fondamentaux du droit sont en effet interdépendantes des établisse-
bancaire et financier contemporain. L’Europe ments bancaires, tant en raison de leur
étant en pointe en la matière, une directive structuration que des opérations menées : elles
n°2015/849/UE du 20 mai 2015 a été transposée peuvent être des filiales de banques ou de socié-
er
en France par l’ordonnance n°2016-1635 du 1 tés d’assurances, ou encore être indépendantes
décembre 2016 et son décret d’application structuralement mais liées à des banques tradi-
71
n°2018-284 du 18 avril 2018 : les obligations tionnelles pour leurs besoins de refinancement
de vigilance, de déclaration et d’information se ou de liquidités. Toutefois, les entités de finan-
multiplient, le rôle et les pouvoirs du Tracfin cement non bancaires ne peuvent se refinancer
sont renforcés et les contrôles accrus. Une nou- auprès des banques centrales, ce qui les prive de
velle directive n°2018/843/UE du 30 mai 2018 liquidités en cas d’urgence ou de crise.
renforce le cadre en comblant des lacunes qui
préoccupaient les autorités au regard du déve- Les monnaies virtuelles, comme alternatives
loppement des cryptomonnaies, de la aux monnaies publiques officielles, au système
corruption et de la nécessité d’une meilleure bancaire mondial et au rêve d’une monnaie
transparence des structures écran .
72 universelle, sont sous la surveillance d’un réseau

textes européens… Et quel impact pour les banques fran-


69 - Cass.com., 13 janv.2015, n° 13-25856 : D. 2015, çaises ? » : Banque et Droit nov.-déc.2018, p. 38.
p. 2151, obs. D.-R. Martin ; Gaz. Pal. 15 mars 2015, p. 24, 73 - D. Legeais, « Commentaire de l’ordonnance en date
obs. S. Moreil ; RTDcom. 2015, p. 340, obs. D. Legeais. du 1er décembre 2016 relative à la lutte contre le blanchi-
70 - Sur l’évolution de la jurisprudence, V. A. Perin- ment et le financement du terrorisme » : RTDcom. 2017,
Dureau, « Variations sur l’obligation de mise en garde au p. 146.
terme de 10 ans de décisions » : JCP E 2016, 1304. – V. en 74 - En témoignent l’amende de 10 millions d’euros
dernier lieu Cass. civ. 1re, 28 nov.2018, n°17-24.481 : le prononcée par l’ACPR contre la BNPP au titre de différents
prêt remboursable « par paliers » lié à un taux variable manquements relevés dans la mise en place de son système
peut se révéler dangereux pour l’emprunteur qui doit être interne LCB-FT (ACPR, déc.n° 2016-06 du 30 mai 2017 :
mis en garde par le banquier lorsque cette solution est JurisData n° 2017-011726 ; JCP 2017, 861, note M.-
envisagée. E. Boursier ; Gaz.Pal.27 fév. 2018, p. 73, note
71 - CMF, art.L. 561-1 à L. 561-50, R. 561-41 à M. Roussille), et l’amende de 50 millions d’euros infligée
R. 561-50-2 et D. 561-51 à D. 561-54. par l’ACPR à la Banque Postale pour les manquements
72 - Devant être transposée avant le 10 janvier 2020, elle commis dans le cadre du service de « mandats cash »
élargit notamment le dispositif de lutte contre le blanchi- (ACPR, déc. n° 2018-01 du 21 déc.2018 : Gaz.Pal. 19 fév.
ment aux prestataires de services d’échange entre 2019, p. 71, note J. Morel-Maroger).
monnaies virtuelles. – M. Roussille, « LCB-FT : florilège de 75 - V. M. Storck, art. préc., spéc. p. 940.

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Juillet /Août 2019 – Numéro 4
Étude

d’ordinateurs plutôt que sous celle des banques s’appliquer, sans être bridé par l’interdiction de
centrales. l’usure. La qualification de prêt usuraire ne
79
s’étend pas en dehors du secteur bancaire .
Les banques françaises refusent d’ouvrir des
comptes aux entreprises du secteur des crypto- Le droit des procédures collectives va égale-
monnaies par crainte d’application du dispositif ment s’inviter dans les crédits non bancaires
anti-blanchiment et de lutte contre le finance- consentis aux entreprises en difficulté, s’agissant
ment du terrorisme. de l’exonération de responsabilité de l’article
L. 650-1 du code de commerce, dans la mesure
Les régulateurs ont écarté le principe
où ses dispositions s’appliquent aux fournis-
d’égalité de traitement (level playing field) entre
seurs de crédit. Ce sont là quelques illustrations
les acteurs bancaires et ceux de la finance paral-
de la moindre protection de ceux qui recourent
lèle : transparence, protection des investisseurs,
76 à un financement non bancaire.
sécurité des données, etc. Les banques mettent
en avant la valeur ajoutée qu’elles apportent à Enfin, la supervision bancaire et la régulation
leurs prestations : la connaissance client et la bancaire ne s’appliquent pas, et les fonds collec-
sécurisation de leurs opérations. tés auprès du public ne sont pas assimilables à
des dépôts bancaires et donc pas couverts par le
- Insistance sur la nécessaire protection des
mécanisme d’assurance des dépôts.
emprunteurs et des déposants
Le droit bancaire et ses normes d’ordre pu- b - De la méfiance à l’alliance avec les ac-
blic protègent au maximum les emprunteurs. teurs du financement non bancaire
Un auteur a très justement évoqué, à propos du
prêt interentreprise, « les recours potentiels des Le développement du crowdfunding est une
emprunteurs à un droit quasi bancaire « amoin- des conséquences de l’alourdissement des con-
77
dri » » . Les publicités des banques font leur traintes imposées au système bancaire. Et
promotion en insistant sur la relation banque- pourtant, si le crowdfunding contourne le sys-
client, sur leur capacité à proposer le bon ser- tème bancaire, les banques ne contournent pas
vice au bon moment, à prédire les attentes et le crowdfunding, voulant tirer parti de ce mar-
besoins en se basant sur les comportements ché prometteur, faisant valoir leur rôle de tiers
historiques des clients et en recoupant de confiance et leur expertise en termes de
80
l’ensemble des données en leur possession. risque .
Les emprunteurs et leurs cautions vont être Les institutions de microfinance, elles aussi,
privés de la protection qui leur est offerte par la comme les banques, ont d’abord regardé les
78
loi et la jurisprudence . Les entreprises n’ont plates-formes de financement participatif avec
pas toujours l’expertise et les moyens circonspection avant de décider d’en faire des
d’information des établissements de crédit pour
apprécier le risque pris et contextualiser la si-
tuation de l’emprunteur, sur le plan national et
international.
Pour ceux qui empruntent en dehors du sec-
teur bancaire ultra sécurisé, qu’en sera-t-il par
79 - Selon l’article L. 314-6 du code de la consommation,
exemple de la responsabilité pour rupture des c’est un prêt conventionnel consenti à un taux effectif
pourparlers ou pour rupture de crédit ? La prin- global qui excède, au moment où il est consenti, de plus
cipale liberté laissée aux acteurs extra-bancaires du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du tri-
concerne l’intérêt et sa fixation. C’est le droit mestre précédent par les établissements de crédit et les
commun du prêt, de l’intérêt et du TEG qui va sociétés de financement pour des opérations de même
nature comportant des risques analogues. L’article L. 314-9
épargne expressément les « prêts accordés à une personne
physique agissant pour ses besoins professionnels ou à une
personne morale se livrant à une activité industrielle, com-
76 - Ch. Noyer, « Régulation financière et stabilité contre merciale, artisanale, agricole ou professionnelle non
uniformité. Le point sur les acteurs non bancaires » : commerciale ».
Conférence ACPR-Banque de France, 28 sept.2015. – V. au
contraire en faveur d’une duplication des contraintes entre 80 - La Société Générale et le Crédit Coopératif ont un
les deux secteurs : H. Boucheta, « Shadow banking : me- partenariat avec la plate-forme Spear, qui permet
nace ou opportunité ? » : Bull. Joly Bourse avril 2016, d’accorder des prêts à des porteurs de projets à intérêt
p. 171. social. KissKissBankBank est depuis juillet 2018 une filiale
de La Banque Postale. Fortuneo – banque en ligne filiale de
77 - N. Auclair, art. préc. CréditMutuel Arkéa – a un partenariat avec la plate-forme
78 - D. Legeais, « La fin annoncée du monopole ban- SmartAngels, et BNP Paribas incube des projets avec la
caire » : RD banc. fin. 2015, repère n° 2. plate-forme WiSeed.

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Étude

alliées, pour accroître l’effet de levier de leur clients d’utiliser SamsungPay, le Crédit mutuel-
81
financement . CIC est devenu actionnaire de Lyf Pay.
Quelques initiatives pluri-professionnelles A l’heure actuelle, les néobanques se concen-
peuvent être citées en exemple d’efforts particu- trent sur le compte bancaire, sans découvert et
liers en direction des TPE/PME. En juillet 2018, sans AGIOS, et elles doivent solliciter des li-
le dispositif « Crédit K€ » a été lancé à cences bancaires pour formuler des offres de
82
l’initiative de la Fédération bancaire française plus en plus complètes .
(FBF) et du Conseil supérieur de l’Ordre des
experts-comptables (CSOEC). Via une plate- b - Intégrer la FinTech
forme, il vise à simplifier l’accès au financement
des TPE/PME. La demande de financement, qui Pendant des années, les banques n’ont pas eu
la technologie comme priorité et en paient le
ne peut excéder 50.000€, peut être complétée
prix, dans la mesure où la technologie devient le
par un prêt de Bpifrance pour le financement 83
véritable avantage concurrentiel . Tant que les
des éléments immatériels.
moyens de paiement se limitaient au cash, au
chèque, au virement ou à la carte bancaire, les
2 - Riposte aux néobanques
banques étaient reines en ce royaume. Or elles
se sont laissé marginaliser au cœur même de
a - Relever le défi du low cost
leur métier. La révolution technologique conju-
Les banques se lancent dans la bataille du guée aux changements de comportement des
low cost pour tenter de séduire la clientèle consommateurs, l’explosion des modes de con-
jeune, la génération Y. C’est là où les banques sommation nomades et des smartphones
ont du mal, car elles n’ont pas eu la réactivité bousculent les frontières. La FinTech est deve-
nécessaire. Les Caisses d’épargne, troisième nue un acteur plein et entier de l’industrie
réseau bancaire français fort de 10 millions de bancaire et financière comme outil de compéti-
clients, ont lancé en septembre 2018 l’offre tion avec les GAFA et autres opérateurs
Enjoy : un compte bancaire en ligne (sans dé- technologiques, sur fond de prospection du
84
couvert), une carte de paiement internationale, nouvel or noir qu’est le Big Data . Les banques
tous les services en accès libre de leurs agences traditionnelles se réinventent au contact des
(dépôt de chèques ou DAB) et, en cas de besoin, fintechs et organisent leur riposte. La FinTech
un conseiller joignable par téléphone ou par est à la fois un aiguillon et un levier pour amé-
courriel, le tout pour deux euros par mois. liorer le service bancaire aux clients et optimiser
Étonnant, c’est pile le prix et, peu ou prou, les leurs méthodes de vente (blockchain, IA,
mêmes services que EKO, l’offre à bas coût cloud….), l’efficience des processus bancaires et
lancée en décembre 2017 par le Crédit agricole, leur sécurité. Le paradoxe est là : la blockchain,
leader du marché avec plus de 21 millions de conçue à l’origine comme un moyen de con-
clients. Le secteur des paiements est convoité tourner les institutions financières et les
par les grands acteurs de l’Internet, les opéra- banques centrales, est en voie d’appropriation
.
teurs télécoms, voire les distributeurs. En ligne par ces institutions. La bancarisation des acteurs
de mire pour ces acteurs non bancaires, l’accès
aux précieuses données des consommateurs.
Les banques ont laissé Paypal, conçu en 1998,
acquis par eBay en 2002 et redevenu une société 82 - Ainsi, en 2017, Compte-Nickel est racheté par BNP
indépendante en 2015, devenir la référence du Paribas tout en conservant son indépendance. En 2018,
paiement en ligne, sans chercher à lui barrer la Compte-Nickel devient Nickel et réaffirme ses valeurs, sa
route. Maintenant, elles contre-attaquent pour singularité et son ambition d’accompagner 2 000 000 de
reprendre la main sur le secteur des paiements. clients d'ici 2020.
Les grands émetteurs de cartes bancaires créent 83 - La France n’est pas le seul pays à accuser ce retard
leurs propres porte-monnaies virtuels : Visa du secteur bancaire. Le phénomène est déploré en Alle-
magne où la « fintech » allemande Wirecard a chassé en
Europe a créé V.me, Mastercard a créé Master- septembre 2018 Commerzbank – deuxième banque privée
Pass, le Créditmutuel-CIC a créé Bluemium. Les du pays - de l’indice DAX à Francfort. C’est Wirecard,
banques deviennent également partenaires de leader mondial des paiements électroniques, né en 1999 et
leurs concurrents : le groupe BPCE permet à ses ayant acquis sa propre licence bancaire en 2007, qui a
apporté à Orange la technologie de ses nouveaux services
financiers, Orange Bank, et le Crédit agricole lui a confié
son activité de paiements numériques.
81 - Ainsi le réseau Initiative France, dédié au finance- 84 - R. Bouyala, « La révolution FinTech : acte 2 » :
ment et à l’accompagnement d’entreprises françaises Revue Banque , 2018. – Y. Eonnet et H. Manceron, Fintech
fragiles, s’est associé à Kisskissbankbank. – Les banques contre-attaquent : Dunod, 2018.

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Étude

de la chaîne de valeur de la cryptomonnaie est


en marche.
L’essor des crypto-monnaies et les enjeux de
la blockchain doivent relever le défi de la con-
fiance : un auteur a pu parler d’un jeu de
« poker-menteur » auquel se livrent tous les
85
acteurs potentiels .

Conclusion
Que reste-t-il aux banques menacées
d’ubérisation ? La banque est-elle, dans le tissu
économique français, la nouvelle sidérurgie ?
Les activités de banque de détail étant dépecées,
quels sont les îlots de résistance ? Des segments
très spécifiques comme le crédit immobilier, où
il faut avoir une connaissance très fine du client
et de son projet, la banque d’affaires et la ges-
86
tion de fortune .
Il est permis de se demander si, s’agissant du
monopole bancaire, sans travail de réflexion
préalable élargie et rationnelle sur les nouveaux
impératifs économiques et les nouveaux besoins
de financement, le droit bancaire français ne
passe pas d’un excès à un autre. Le monopole a
pendant longtemps verrouillé beaucoup
d’activités, et les établissements bancaires sont
enserrés dans des normes très strictes à tous les
niveaux, qui ont tendance à les pénaliser. Mais
pour autant, convient-il d’encourager à ce point
les financements extra-bancaires ? Est-ce judi-
cieux d’encourager des systèmes exempts de
contraintes réglementaires, alors que la crise de
2008 a été favorisée par la titrisation qui a per-
mis aux intermédiaires financiers de satisfaire
plus facilement aux contraintes prudentielles
auxquelles ils sont soumis ?
À quoi bon avoir forgé des systèmes de haute
protection des prêteurs et des emprunteurs s’il
devient aussi facile de les contourner ? Cette
course effrénée vers « le crédit pour tous »
n’est-elle pas une bombe à retardement ?

85 - D. Legeais, « Blockchain et crypto- actifs : état des


lieux » : RTDcom. 2018, p. 754.
86 - Ainsi, la banque centenaire Barclays France est
devenue Milleis Banque en mai 2018: rachetée par le fonds
d’investissement AnaCap Financial Partners, l’ex-banque
de détail change de stratégie sous son nouveau nom pour
conquérir des clients « patrimoniaux » ayant entre 100
000 et 500 000€ d’avoirs disponibles. Dans cette catégorie,
la banque Lazard Frères Gestion, qui administre 23 mil-
liards d’euros en France, se place dans le palmarès établi
par Fundclass en première position sur le plan européen
pour ses performances en 2018 et pour la régularité de ses
performances sur sept ans.

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Juillet /Août 2019 – Numéro 4

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