Classification Botanique Et Nomenclature

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Classification

botanique et
nomenclature
une introduction —
Marc S.M. Sosef
Jérôme Degreef
Henry Engledow
Pierre Meerts
Classification
botanique et
nomenclature
une introduction —
Marc S.M. Sosef
Jérôme Degreef
Henry Engledow
Pierre Meerts
par Marc S.M. Sosef1, Jérôme Degreef1,2, Henry Engledow1 & Pierre Meerts3
1
Meise Botanic Garden, Nieuwelaan 38, B-1860 Meise, Belgique
2
Service Général de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scien-
tifique, Fédération Wallonie-Bruxelles, Rue A. Lavallée 1, B-1080 Bruxelles,
Belgique
3
Herbarium et bibliothèque de botanique africaine, Université Libre de
Bruxelles, Av. F.D. Roosevelt 50, CP 265, B-1050 Bruxelles, Belgique

Copyright © 2020, Jardin botanique de Meise , Nieuwelaan 38, 1860 Meise,


Belgique.
Imprimé en Belgique par Gewadrupo, Arendonk.

Cette publication est publiée et distribuée en libre accès sous la licence


Creative Commons Attribution 4.0 Internationale (CC-BY 4.0), qui permet
l'utilisation, la distribution et la reproduction sur tout support, à condition
que l'œuvre originale soit correctement citée. Un fichier PDF de cette pu-
blication peut être commandé gratuitement (envoyez un email à webshop@
plantentuinmeise.be), ou téléchargé à partir de la boutique en ligne du Jardin
botanique de Meise à http://shopbotanicgarden.weezbe.com.

DOI : 10.5281/zenodo.3706717

CIP Bibliothèque Royale Albert I, Bruxelles

Classification botanique et nomenclature : une introduction. Marc S.M.


Sosef, Jérôme Degreef, Henry Engledow & Pierre Meerts - Meise, Jardin
botanique de Meise, 2020. - 72 p. ; ill. ; 22 x 15 cm.

ISBN 9789492663214
Sujet : Botanique
D/2020/0325/003
Table des matières

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5

1. Histoire de la classification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1 De Théophraste au Moyen Âge . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.2 La Renaissance, période pré-Linnéenne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
1.3 Linné et les Linnéens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
1.4 La pensée évolutionniste fait son entrée dans
la théorie de la classification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
1.5 Méthodes phénétiques, cladistiques et phylogénétiques . . . . . . . . . 20
1.6 Groupes naturels, monophylie, paraphylie et polyphylie . . . . . . . . . . 23

2. Le concept d’espèce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.1 Qu’est-ce qu’une espèce ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
2.2 Spéciation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.3 Taxons infraspécifiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

3. Règles de nomenclature botanique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32


3.1 Le Code international de nomenclature botanique (CINB) . . . . . . 33
3.2 Du Règne à la sous-forme, catégories obligatoires . . . . . . . . . . . . . . 33
3.3 Le concept de type . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3.4 Publication valide et effective . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
3.5 Types . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
3.6 Noms d’auteurs, nouveaux taxons, nouvelles combinaisons . . . . . . 39
3.7 Noms acceptés et synonymes : la règle de priorité . . . . . . . . . . . . . 40
3.8 Hybrides . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3.9 Plantes cultivées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42

4. L’art de l’identification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
4.1 Clés d’identification . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
4.2 Clés multi-entrées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
4.3 Barcoding de l’ADN . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
4.4 Identification de spécimens d’herbier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
5. La préparation d’une révision taxonomique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
A. Inventaire des noms et révision de la littérature . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
B. Observations en herbier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
C. Création d’une base de données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60
D. Observations géographiques et écologiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
E. Décisions taxonomiques et nomenclaturales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
F. Préparation des descriptions taxonomiques, traitements,
illustrations et clés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
G. Production du manuscrit et publication . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

Références bibliographiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
Introduction

5
6
La biologie est la science qui explore le monde vivant qui nous entoure. Pour
ce faire, il est nécessaire que chaque organisme reçoive un nom. La diversité
des organismes vivants peut être ordonnée sous forme d’une structure hié-
rarchique où des noms sont utilisés pour désigner des organismes regrou-
pés à différents niveaux. Classer et nommer des organismes sont des outils
essentiels de la communication scientifique. Cette discipline, qui constitue le
fondement de la recherche en biologie, est appelée « Taxonomie ». Les taxo-
nomistes explorent, décrivent, nomment et classifient tous les organismes
vivant sur la Terre.

La classification et la dénomination correctes des organismes sont cruciales


pour de nombreux domaines de recherche. Elles sont essentielles également
pour aborder les questions de l’utilisation durable, de la gestion et de la
conservation de la biodiversité, et de leur contexte juridique. Le présent
ouvrage donne un aperçu des principes et des étapes les plus importants
de la classification et de la dénomination des plantes et des champignons,
une discipline appelée « Taxonomie botanique ». Nous commencerons par
un survol historique et, bien que nous n’abordions pas de façon exhaustive
les méthodes de reconstruction des voies de l’évolution (phylogénie), nous
fournirons un historique de son développement et mentionnerons certains
éléments qui influencent directement les décisions taxonomiques. L’objectif
de l’ouvrage est de fournir une introduction à ce domaine de recherche et
un guide pratique. A ce titre, il sera utile tant à ceux qui s’intéressent à la
classification et à la dénomination des plantes qu’à ceux qui enseignent cette
matière dans les établissements d’enseignement secondaire et supérieur.

Bien que les informations fournies soient générales, la plupart des exemples
sont tirés des plantes et des champignons d’Afrique tropicale. Chaque cha-
pitre est suivi d’un aperçu de la littérature scientifique et des ressources dis-
ponibles sur la toile en lien avec les sujets traités. Ici encore, les sources biblio-
graphiques ne sont en aucun cas exhaustives et se focalisent sur la taxonomie
des plantes et champignons africains.

Les auteurs espèrent que cette publication contribuera au développement 7


de l’expertise en taxonomie des plantes, notamment en Afrique centrale. La
brochure est produite en anglais et en français et est disponible gratuitement
(sous licence CC-BY) pour les écoles secondaires et les universités (ensei-
gnants et étudiants), grâce au soutien du Jardin botanique de Meise.
8
1.

Histoire de
la classification

9
Tout travail de recherche en biologie commence par la même question : « De
quel organisme s’agit-il ? ». Du gestionnaire d’une réserve naturelle qui a be-
soin de savoir quelles espèces poussent dans les limites de la zone protégée
pour établir un plan de gestion, au primatologue qui inventorie les aliments
consommés par les chimpanzés en passant par l’améliorateur qui étudie les
proches parents sauvages de la pomme de terre à la recherche d’un gène
de résistance à une maladie, tous doivent pouvoir identifier et nommer leur
matériel. Il est donc hautement souhaitable que les mêmes noms soient ac-
ceptés à travers le monde.

La nécessité de parvenir à un système uniforme de dénomination du monde


vivant était déjà reconnue des anciens Grecs et des Romains. Des noms
ont ainsi été donnés à des « entités », que nous appelons aujourd’hui des
espèces, qui avaient des caractères morphologiques et des usages spécifiques.
Certaines produisaient, par exemple, des fruits comestibles ou de la teinture
jaune, ou avaient des propriétés médicinales, ou encore étaient utilisées pour
fabriquer des instruments de musique, etc.

Dans ce chapitre (largement inspiré de Magnin-Gonze 2009 et Rouhan &


Gaudeul 2014), nous soulignerons les grandes étapes historiques du dévelop-
pement de la dénomination des plantes et de leur classification. Le nom de
cette discipline scientifique, la taxonomie (on écrit parfois taxinomie), a été
utilisé pour la première fois en 1813 par le botaniste suisse Augustin Pyrame
De Candolle (1778-1841) dans son livre « Théorie élémentaire de la Bota-
nique ». Il a créé le néologisme « taxonomie » en combinant les mots grecs
ταξις (ordre) et νόμος (loi, règle).

1.1 De Théophraste au Moyen Âge

Avant même l’invention de l’écriture, il y a environ 5600 ans, existait proba-


blement un système de classification orale des plantes. Au départ, les noms
et les organismes n’étaient pas placés dans un système hiérarchique puisque
les plantes étaient toutes nommées d’après leur utilisation en tant qu’aliment,
médicament, poison ou matériau (Raven 2004).

Les Grecs ne considéraient probablement pas les plantes seulement en


fonction de leur utilité, mais aussi pour leur aspect esthétique ; les peintures
murales de Knossos (1900 av. J.-C.) montrent non seulement de l’orge, des
figues et des olives, mais aussi des narcisses, des roses et des lis. Le Grec
Théophraste (372-287 av. J.-C. ; figure 1), disciple du grand philosophe Aris-
tote, est connu comme ayant été le premier véritable botaniste. Préoccupé
de nommer les plantes et de rechercher un ordre parmi la diversité végétale,
il est le premier à avoir abordé les plantes d’un point de vue philosophique. Il
a formulé certaines des questions importantes qui
définiront plus tard la taxonomie, à savoir «  De 11
 Figure 1. Statue de quelle plante s’agit-il ?» ou « Comment différen-
Théophraste au Jardin cions-nous ces choses ?  ». Il a aussi été le pre-
botanique de Palerme, mier à examiner les relations entre les espèces
Italie. végétales et à proposer des manières de les re-
 Figure 2.
Pline l’Ancien.

 Figure 3.
Dioscoride.

grouper. Théophraste a décrit environ 500 plantes - soit


probablement toutes celles connues à l’époque - et les a
classées en arbres, arbustes, sous-arbustes et herbes. Il a
également établi la distinction entre les plantes à fleurs et
les plantes sans fleurs, entre les arbres à feuilles caduques
et les arbres à feuilles persistantes, et entre les plantes
terrestres et les plantes aquatiques. Bien que 80 % des plantes traitées dans
ses travaux étaient des espèces cultivées, il s’est rendu compte que « la plu-
part des formes sauvages n’ont pas de nom, et peu de gens les connaissent »,
soulignant ainsi la nécessité de reconnaître, décrire et nommer les plantes qui
poussent dans la nature (Pavord 2005). Il a finalement abandonné son sys-
tème de classification en arbres, arbustes, sous-arbustes et herbes, en faveur
d’un système basé sur la morphologie florale, réalisant qu’elle était mieux
adaptée pour regrouper les plantes en groupes plus naturels. Théophraste
12 était très en avance sur son époque, à tel point que ses idées et concepts
botaniques sont tombés dans l’oubli pendant plusieurs siècles. Ses travaux
ont survécu en Perse et en Arabie, mais n’ont été traduits en grec et en latin
que lorsqu’ils ont été redécouverts en Europe au XVe siècle. Pendant cette
longue période sombre pour la botanique, comme pour toutes les autres
sciences naturelles en Europe, le Romain Pline l’Ancien (23-79 après J.-C. ;
figure 2) et le Grec Dioscoride (~40-90 après J.-C. ; figure 3) ont été deux
figures importantes. Bien qu’ils n’aient pas amélioré les connaissances et les
méthodes de description, de dénomination ou de classification des plantes, ils
ont compilé les savoirs disponibles, et leurs écrits étaient reconnus et large-
ment utilisés. Pendant plusieurs siècles, le Naturalis Historia de Pline et le De
Materia Medica de Dioscoride (figure 4) ont été les seules sources d’informa-
tion sur les plantes à travers l’Europe et ont été régulièrement recopiées. Les
« herboristes » tentaient ainsi, péniblement, de
 Figure 4. Page du rapprocher les plantes qu’ils trouvaient en France
Materia Medica de ou en Grande-Bretagne de celles décrites en Mé-
Dioscoride, illustrant diterranée par Pline et Dioscoride. Le Moyen Âge,
Cassia fistula. n’a apporté que peu de nouvelles connaissances à
ces travaux anciens.

13
14
1.2 La Renaissance, période pré-Linnéenne

La Renaissance (fin du XIVe au XVIIe siècle) a marqué une nouvelle ère pour
la science. Les Européens exploraient et découvraient l’Amérique, l’Afrique,
l’Asie et l’Australie, ramenant de nombreuses plantes inconnues jusqu’alors
en Europe. Celles-ci étaient cultivées dans des jardins, dont le nombre s’est
multiplié rapidement, le premier ayant été créé au début du XVIe siècle en
Italie. Au début, on les appelait des jardins médicinaux ; plus tard, lorsque l’inté-
rêt s’est porté sur l’étude des plantes pour elles-mêmes plutôt que pour leurs
usages, ils sont devenus les jardins botaniques que nous connaissons encore
aujourd’hui. Avec l’invention de l’imprimerie (1450-1455), l’information deve-
nait aussi plus facile à partager et à diffuser, ce qui a eu pour effet de stimuler
l’échange des connaissances et le débat d’idées. Les gens devinrent curieux du
monde qui les entourait. Vers 1530, au jardin botanique de Pise, l’Italien Luca
Ghini (1490-1556) invente une méthode révolutionnaire de conservation
des plantes par séchage et pressage, ce qui permettait de les étudier à tout
moment de l’année. Les échantillons de plantes étaient conservés dans des
livres connus sous le nom de « hortus siccus » (jardin séché), avant que le
mot « herbier » ne soit adopté. Ces collections de spécimens constituaient
des biens précieux que seuls les riches pouvaient posséder (Ghorbanie et al.
2018 ; figure 5).

Vient ensuite l’époque des grands herbiers imprimés d’Europe occidentale,


c’est-à-dire des livres illustrés décrivant les plantes et leurs utilisations. Ces
travaux n’étaient plus produits uniquement en latin (la langue scientifique de
l’époque) mais également en allemand, anglais, néerlandais et français, ce qui
a rendu les connaissances sur les plantes accessibles à un public encore plus
large. De cette période, les herbiers imprimés de Dodoens (Cruydeboeck,
1554 ; figure 6), Fuchs (New Kreüterbuch, 1543) et Gerard (Herball, ou Generall
Historie of Plantes, 1597) sont les plus connus. Les progrès artistiques don-
nèrent lieu à la réalisation de nombreuses nouvelles illustrations d’une qualité
nettement supérieure à celles recopiées des livres de Dioscoride et de Pline
et dont on pouvait souvent à peine reconnaître l’espèce.

Andrea Cesalpino (1519-1603), un élève de Ghini, est le premier, depuis la


Grèce antique, à discuter des travaux de Théophraste. Il souligne que les
plantes devaient être classées de manière plus naturelle et rationnelle. Son
De Plantis Libri XVI (1583) décrit 1500 plantes qu’il organise en 32 groupes,
dont les Ombellifères et les Composées. La science de la dénomination des
plantes se développe alors rapidement. A l’époque, en général, le nom d’une
plante était formulé comme une phrase courte décrivant plusieurs caractères.
Par exemple, la passiflore (Passiflora edulis) était appelée Flos passionis major
(grande passiflore). Cependant, avec l’augmenta-
 Figure 5. Frontispice tion rapide du nombre d’espèces en provenance
de l’herbier Rauwolf du monde entier, il a fallu de plus en plus de ca-
(1573-1575) conservé ractères pour distinguer une espèce d’une autre, 15
au Naturalis Biodiversity ce qui a entraîné des noms de plus en plus longs.
Center, Leiden. Dans un premier catalogue du Hortus Botanicus
de Leiden (Pays-Bas) fondé en 1592, la même
passiflore portait le nom de Cucumis Flos Passionis
dictus triphyllos flore roseo clavato (concombre  Figure 6. Dodoens

ou fleur de la passion, trifoliée, à fleur rose et deux pages de son


clavée ; ce dernier caractère se rapportant célèbre herbier illustré
probablement à la forme des styles). Le nom (Cruydeboeck) imprimé
d’une plante servait donc aussi de description en 1554.
résumée. La science botanique s’est peu à peu
affranchie de la médecine pour s’élargir à l’étude de la diversité des plantes
introduites en Europe en provenance de tous les pays du monde. En 1623, le
Suisse Gaspard Bauhin publie son Pinax theatri botanici décrivant pas moins
de 5640 espèces de plantes sauvages mais aussi de nombreuses formes culti-
vées. Plus tard, le botaniste britannique John Ray fait paraître son Historia
plantarum species (1686, 1688, 1704) en 3 volumes traitant plus de 17.000
espèces (il y décrit également un très grand nombre de cultivars et autres
monstruosités végétales). Ce travail novateur est le premier à distinguer les
monocotylédones des dicotylédones et à utiliser des clés dichotomiques
pour classifier les plantes. En 1694, le Français Joseph Pitton de Tournefort a
développé le concept de genre, ce qui a amélioré considérablement la struc-
ture du système de classification des plantes.

16
1.3 Linné et les Linnéens

Durant la première moitié du XVIIIe siècle, le jeune et brillant botaniste sué-


dois Carl von Linné (figure 7), Linnaeus en latin, entreprend de mettre de
l’ordre dans le chaos nomenclatural qui existait alors. Aux Pays-Bas, il ren-
contre des professeurs célèbres comme Hermann Boerhaave, Adriaan van
Royen et Johannes Burmann avec qui il partage nombre de ses nouvelles
idées.

Il crée tout d’abord un système très clair de classification des plantes basé
sur le nombre d’étamines et de styles de la fleur, qu’il appelle son « système
sexuel » (figure 8). Il reconnait cinq niveaux taxonomiques : la variété, l’es-
pèce, le genre, l’ordre (qui correspond à peu près à la famille actuelle) et la
classe. Ce système simple, malgré quelques défauts, a contribué à structurer
la taxonomie.

Il suggère ensuite de dissocier le nom d’une plante de sa description. Dans


son célèbre Species Plantarum, publié en 1753, il écrit ce qu’il appelle des
« noms triviaux » constitués d’un seul mot, dans la marge du traitement de
chaque espèce (figure 9). Précédé par le nom du genre, il formait ainsi un
nom d’espèce composé seulement de deux mots. C’est le début de la no-
menclature binomiale (en deux mots) que nous utilisons encore aujourd’hui,
un système où le nom d’une espèce est composé du nom du genre suivi d’un
mot indiquant l’espèce, appelé épithète. Très vite, d’autres botanistes ont re-
connu la simplicité et le génie du nouveau système de dénomination et l’ont
adopté dans leurs propres travaux. Peu après le succès de son Species planta-
rum, Linné, également passionné de zoologie, introduit le même système pour
les animaux dans son célèbre Systema naturae (1758).

Linné se rend en Angleterre pour rencontrer Sir


 Figure 7. Hans Sloane et Johann Jacob Dillenius, d’abord
Carl von Linné. sceptiques à l’égard de ses nouvelles idées de
 Figure 8. Système sexuel
dénomination et de classification mais qui y ad-
de classification des héreront quelques années plus tard. A Paris, il ren-
plantes de Linné. contre Bernard de Jussieu qui publiera avec son

17
neveu, Antoine Laurent de Jussieu, l’ouvrage  Figure 9. Page

Genera plantarum. Dans ce travail, ils déclarent du célèbre Species


qu’une espèce, un genre ou tout autre niveau plantarum de Linné, avec
de la classification hiérarchique (ce que nous les « noms triviaux »
appelons actuellement un taxon) devrait re- apparaissant dans la
grouper des plantes présentant des caractères marge.
constants, par opposition aux caractères va-
riables qui sont observés entre les taxons. Étant donné que tous les carac-
tères ne sont pas utiles au même niveau de la classification, leur principe de
subordination a conduit à une hiérarchisation des caractères : dans la classifi-
cation des plantes, les caractères présentant une grande variabilité devraient
avoir moins d’importance que ceux qui sont les plus conservés.

A cette époque, la classification et l’étude de la nature avaient des implica-


18 tions religieuses. Les biologistes étaient considérés comme des scientifiques
étudiant les êtres vivants que Dieu avait créés et mis sur Terre. Linné, dans l’in-
troduction de son Species Plantarum, écrit d’ailleurs : « Dans son omniscience
omnipotente, Dieu a créé le théâtre de tous les êtres vivants de la terre, et
il est de notre devoir divin d’explorer cette grande création, qui nous est
servie comme une offrande, indignes que nous sommes, et d’y reconnaître Sa
main » [traduit librement du latin.] Dans ce contexte, on comprend aisément
que l’introduction par Darwin de l’idée nouvelle que les espèces n’ont pas
été créées par Dieu Tout-Puissant, mais qu’elles ont évolué à partir d’autres
espèces sur une très longue période, ait eu un impact énorme sur la société.

1.4La pensée évolutionniste fait son entrée dans la théorie de la


classification

A l’aube du XIXe siècle, de nouvelles questions émergèrent dans l’esprit des


taxonomistes. Ils se préoccupaient non seulement de nommer, décrire et
classer les organismes, mais aussi de comprendre l’origine de la diversité qu’ils
observaient. En 1809, dans sa Philosophie zoologique, le zoologiste Jean-Bap-
tiste de Lamarck propose une théorie selon laquelle les espèces peuvent
évoluer et se modifier au fil du temps.

Il a fallu encore 50 ans avant que Charles Darwin (1809-1882 ; figure 10)
publie sa célèbre théorie de l’évolution et de la survie des plus aptes dans On
the Origin of Species (1859). Indépendamment, Alfred Russel Wallace (1823-
1913) était arrivé à la même conclusion en travaillant en Asie. [En fait, la théo-
rie avait déjà été publiée en 1858, dans un article rédigé par Darwin et Wal-
lace dans le Journal of the Proceedings of the Linnean Society : Zoology.] Darwin
introduisit le concept central de descendance avec modification qui reçut plus
tard un large soutien et qui est encore accepté aujourd’hui. Le concept d’évo-
lution a eu un impact majeur sur le développement de la théorie sous-ten-
dant la classification de la nature et, par conséquent, sur la taxonomie. Les
biologistes ont compris que, puisque l’histoire de la vie est unique, la seule
classification qui soit naturelle est celle qui reflète cet arbre unique de la vie, la
phylogénie. Ce dernier terme n’a pas été inventé par Darwin mais par Ernst
Haeckel (1834-1919) en 1866 dans Generelle Morphologie der Organismen.
Darwin avait prédit que « nos classifications deviendront, dans la mesure du
possible, des généalogies » (Darwin 1859, p.  486). Cette nou-
velle théorie impliquait également que les caractères utiles à la
taxonomie étaient ceux hérités d’un ancêtre commun. Néan-
moins, Darwin n’ a pas proposé de nouvelles méthodes per-
mettant de reconstruire l’arbre phylogénétique d’un groupe de
taxons ou pouvant orienter le travail des taxonomistes.

Figure 10.
Charles Darwin.
19
Méthodes phénétiques, cladistiques et
1.5  Figure 11. Exemple
phylogénétiques de phénogramme, avec
une mesure de similarité
Au début des années 1960, apparait une nou- (Distance de Manhattan)
velle technique appelée «  taxonomie numé- le long de l’axe des x
rique » qui permet de produire un arbre, ou (repris de Pometti et al.
phénogramme (figure 11), sur lequel pouvait 2007).
se baser une classification. Ce sont notamment
les travaux de Sokal & Sneath (1963, et éditions ultérieures), Principles of nu-
merical taxonomy, qui en ont jeté les bases. La technique, également appelée
phénétique, est basée sur une analyse quantitative des similitudes existant
entre taxons, à l’aide d’une matrice de données de caractères par taxons -
combinant des caractères binaires (par exemple : stipules présentes, oui/non),
des caractères multi-états (par exemple  : couleur des fleurs, avec les états
1=blanc, 2=jaune, 3=bleu), ou des caractères continus (par exemple  : lon-
gueur du calice en mm). Le résultat prend la forme d’une matrice de distances
entre toutes les paires d’individus ou de taxons, appelés UTO (unités taxono-
miques opérationnelles). On s’est cependant vite rendu compte qu’une res-
semblance générale n’indique pas nécessairement une relation évolutive. Par
exemple, des espèces peuvent avoir développé des caractéristiques similaires
parce qu’elles se sont adaptées à la même contrainte environnementale.
Comme cette méthode n’était pas basée sur la théorie de l’évolution, elle ne
permettait pas d’interpréter, sous l’angle de l’évolution, la variation observée
par rapport aux ancêtres et aux descendants, ni les modifications des états
de caractères. Bien que cette méthode produise des phénogrammes qui ont
la structure d’arbres, ceux-ci ne représentent pas une classification naturelle
et évolutive. Cette théorie a néanmoins prospéré pendant un certain temps,
20 bénéficiant grandement des progrès rapides de l’informatique.

C’est le zoologiste allemand Willi Hennig (1913-1976 ; figure 12) qui a fonda-


mentalement changé la façon dont les biologistes allaient reconstruire l’évo-
lution d’un groupe taxonomique. En 1960, il publie sa théorie cladistique dans
Grundzüge einer Theorie der Phylogenetischen Systematik qui demeura confi-
dentielle jusqu’à sa traduction en anglais (Phylogenetic Systematics) publiée
en 1966. Le principe fondamental n’est pas d’utiliser la similitude générale
entre les taxons pour reconstruire la phylogénie mais de distinguer les états
de caractère primitifs de ceux qui en sont dérivés. Seuls les états de carac-
tères dérivés, qualifiés d’apomorphies, partagés
par plusieurs taxons indiquent une ascendance
commune, à l’inverse des états primitifs, appe-
lés plésiomorphies. Un groupe dérivé d’un seul
ancêtre commun est appelé un clade et la théo-
rie qui le sous-tend est la cladistique. Le résul-
tat d’une analyse cladistique est un arbre appelé
cladogramme (figure 13) où les branches repré-
sentent un ou plusieurs changements d’états de
caractères. Lorsque, par exemple, dans un groupe
de plantes à fleurs rouges, un changement évo-
lutif a donné naissance à des fleurs bleues, le
« bleu » est considéré comme l’état dérivé du
 Figure 12.
caractère « couleur de la fleur » et toutes les es-
Willi Hennig.
pèces présentant cet état sont susceptibles d’avoir
 Figure 13. Exemple de évolué à partir du même ancêtre commun. Par
cladogramme, montrant conséquent, le fait d’avoir une fleur rouge n’in-
des caractères numérotés dique pas l’existence d’un ancêtre commun et ne
où on peut reconnaître peut pas servir de critère sur lequel fonder un
des apomorphies (points groupe taxonomique. Si, plus tard dans l’histoire
noirs), des paralléllismes évolutive, on découvre qu’une fleur de couleur
(points ouverts) et des ré- rouge dérive de fleurs blanches, le rouge peut
versions évolutives (points alors être considéré comme un état de caractère
hachurés) ainsi que les dérivé mais à un niveau différent dans la phylogé-
changements d’états de nie. Passer du blanc au bleu nécessite alors deux
caractères (indiqués sous étapes dans l’évolution, plutôt qu’une. Quand un
chaque point). état dérivé évolue à nouveau vers l’état primitif,

21
on parle de réversion évolutive ; l’évolution indépendante du même état de
caractère dans deux ou plusieurs branches différentes de l’arbre est appelée
un parallélisme.

Par ailleurs, Hennig a soutenu que chaque décision taxonomique, de la défini-


tion d’une espèce à l’établissement d’un système de classification supérieure,
devait être traitée comme une hypothèse provisoire à tester à l’aide de
nouvelles données ou en appliquant d’autres méthodes. Divers algorithmes
ont été développés pour construire un cladogramme à partir d’une matrice
d’états de caractères d’un ensemble de taxons (voir aussi figure 18) et la
méthode a bénéficié de l’augmentation rapide de la capacité de calcul des
ordinateurs et du développement de la bio-informatique. De nouveaux do-
maines de recherche comme la cytologie et la chimio-taxonomie ont aus-
si fourni des jeux de caractères supplémentaires. Les algorithmes visaient à
trouver le cladogramme qui nécessitait le plus petit nombre de changements
évolutifs (ou étapes), l’argument étant que plus le nombre de changements
(ou d’hypothèses) était petit, plus la phylogénie était probable. Cette idée
du « moindre coût » porte le nom de principe de parcimonie. Le plus petit
arbre est par conséquent le plus parcimonieux.

Dans ce contexte, on a estimé qu’une nouvelle définition de ce champ de


recherche en biologie était indispensable et le terme de « biologie systé-
matique » ou simplement « systématique » a été inventé (Michener et al.
1970). Il couvrait la description, la dénomination, la classification, l’étude des
modèles de distribution (biogéographie), les relations évolutives, l’évolution
des caractères et les adaptations. Le terme « taxonomie » se limitait alors à
décrire, nommer et classer. Certains considèrent cependant les termes « sys-
tématique » et « taxonomie » comme synonymes.

La découverte de la structure en double hélice de la molécule d’ADN en


1953, par James Watson et Francis Crick, a grandement amélioré notre com-
préhension des processus évolutifs. Mais ce n’est que lorsqu’il est devenu
possible de cibler des fragments spécifiques du génome (ADN nucléaire,
mitochondrial ou chloroplastique) en amplifiant sélectivement l’ADN par la
réaction de polymérisation en chaîne (PCR) (Karry Mullis 1986) que l’ADN
a commencé à avoir un impact spectaculaire sur la taxonomie et la classifica-
tion. L’introduction des données de séquences d’ADN (Meier 2008) a donné
accès à de nombreux nouveaux caractères et permis de nouvelles approches
statistiques. Ainsi, au tournant du XXIe siècle, l’utilisation de données molécu-
laires et de nouveaux algorithmes de construction d’arbres tels que l’estima-
teur du maximum de vraisemblance (Maximum Likelihood) et les statistiques
bayésiennes ont permis une nette amélioration de nos capacités à formuler
des hypothèses phylogénétiques. La « robustesse » ou la fiabilité de chaque
branche d’un cladogramme peut être évaluée à l’aide d’autres techniques
comme le bootstrapping (ou rééchantillonnage statistique ; Holmes 2003)
et, à nouveau, grâce aux statistiques bayésiennes. Tous ces développements
22 ont permis de mieux comprendre la délimitation des ordres et des familles
de plantes à fleurs (Angiosperm Phylogeny Group 2016) et d’améliorer leur
classification sur base de relations évolutives
1.6 Groupes naturels, monophylie, paraphylie et polyphylie

La classification des organismes vivants en espèces, genres et rangs supérieurs


s’est ainsi logiquement transformée en une quête de la meilleure hypothèse
sur la structure de l’arbre évolutif, dans le but de pouvoir y distinguer des
groupes naturels. Autrement dit, le cladogramme qui est produit par l’une des
diverses analyses doit pouvoir être divisé en entités naturelles. Il existe cepen-
dant de nombreuses manières d’y arriver et, pour ce faire, il est impératif de
procéder à des choix judicieux.

Tout d’abord, il faut comprendre qu’un cladogramme n’est pas un arbre phy-
logénétique mais une représentation schématique des données, montrant
sur ses branches les changements d’états de caractères (morphologique,
chimique ou génétique) (figure 13). Comme, en systématique, on ne vise
pas à classer des caractères mais des espèces (ou des taxons), il faut trans-
former ce cladogramme en un véritable arbre phylogénétique représentant
les relations ancêtres-descendants entre individus, populations ou espèces.
Les branches constituent les relations évolutives entre les unités impliquées
dans le processus évolutif (voir figure 14) et l’arbre phylogénétique peut donc
effectivement être utilisé pour déduire une classification.

Dans notre système de nomenclature,


les règles imposent aussi que certaines
catégories soient obligatoires. Toutes les
espèces doivent appartenir à un genre,
et chaque genre doit appartenir à une
famille. Lorsqu’on crée un sous-genre
pour accueillir certaines des espèces d’un
genre, on est obligé de créer un ou plu-
sieurs autres sous-genres pour accueillir
les espèces restantes (voir aussi le cha-
pitre 3). Il faut garder ceci à l’esprit lors-
qu’on applique des règles pour diviser un
arbre phylogénétique en groupes taxo-
nomiques formalisés.

La majorité des taxonomistes consi-


dèrent qu’une classification ne peut être
naturelle que si elle est composée exclu-

 Figure 14. Nature des


branches d’un arbre
phylogénétique, avec
les relations ancêtre-
descendant entre 23
organismes individuels.
sivement d’unités monophylétiques, c’est-à-  Figure 15. Arbre

dire de groupes d’espèces qui comprennent phylogénétique illustrant


une espèce ancestrale, également appelée les notions de monophylie,
ancêtre commun le plus récent (ACPR), et de paraphylie et polyphylie
tous les membres qui en sont dérivés (figure (pour plus d’explications,
15). [Note : une espèce peut représenter un voir texte).
« groupe » qui ne comprend alors qu’un seul
élément.] Lorsqu’un groupe comprend l’ancêtre commun le plus récent, et
une partie seulement des espèces dérivées, ce groupe est dit paraphylétique
(figure 15). Le problème est que si, mathématiquement, un cladogramme
dont les taxons ne sont présents qu’aux extrémités (voir figure 13), peut
être entièrement découpé en unités monophylétiques (les nœuds du clado-
gramme représentent la distribution des caractères des ancêtres potentiels),
cela est impossible lorsqu’on utilise un arbre phylogénétique. Chaque fois
qu’une nouvelle espèce se sépare de son ancêtre, elle peut initier un nou-
veau groupe monophylétique mais laissera toujours derrière elle un groupe
résiduel paraphylétique (Brummitt 2002, Sosef 1997, Horandl 2006, Podani
2010). Beaucoup préfèrent ne distinguer que les groupes monophylétiques
«  les plus beaux  », mais peu semblent réaliser qu’ils font ainsi inconsciem-
ment le choix de baser leur classification sur un cladogramme plutôt que sur
un arbre phylogénétique. Par conséquent, une classification monophylétique
stricte est non seulement moins naturelle que celle qui autorise les groupes
paraphylétiques, mais il est également impossible d’y intégrer de manière sa-
tisfaisante les espèces ancestrales encore existantes, les fossiles, et les espèces
récemment éteintes. Un exemple est le tigre à dents de sabre ou le mam-
mouth qui représentent le résidu paraphylétique d’espèces existantes et qui
conduisent donc inévitablement à la non-monophylie. Une même espèce
peut ainsi être monophylétique (lorsqu’elle contient tous les descendants
d’un même ancêtre) ou paraphylétique (lorsqu’elle a donné naissance à une
nouvelle espèce) et il est mathématiquement impossible de construire une
classification strictement monophylétique avec de tels composants. Certains
24 ont tenté de contourner cette situation en proposant de considérer toutes
les espèces comme étant monophylétiques par définition, ce qui est claire-
ment une ineptie théorique. C’est alors qu’un nouveau concept révolution-
naire d’attribution de noms, appelé le PhyloCode (de Queiroz 2006), s’est
développé. A l’exception de l’espèce, cet auteur propose de rejeter l’obli-
gation de recourir à des rangs taxonomiques comme le genre ou la famille.
Cela signifie que certaines espèces pouvaient appartenir à un genre, mais
que d’autres, par exemple, n’appartenaient qu’à une famille. En théorie, il
s’agit probablement d’un meilleur système de nomenclature car il permet une
classification monophylétique stricte, mais les systématiciens pragmatiques ne
veulent toujours pas jeter le système binomial linnéen et adopter ce nouveau
système rigoureux.

Enfin, un groupe polyphylétique est un ensemble d’espèces dont l’ancêtre


commun le plus récent appartient à un groupe différent ou dont les membres
proviennent de plus d’un ACPR (voir figure 15). Lorsque, par le passé, de tels
groupes ont été reconnus comme des entités taxonomiques, c’était proba-
blement en raison de l’existence d’espèces qui partageaient un ou plusieurs
caractères plésiomorphes, une ou plusieurs caractéristiques non héritées d’un
ancêtre commun. Par exemple, des espèces non apparentées vivant dans
un désert peuvent développer indépendamment des poils écailleux pour
se protéger de la déshydratation. De tels résultats d’évolution parallèle ou
convergente sont appelés homoplasies. Un caractère homoplasique a ainsi
la même apparence mais a une origine évolutive différente. Tous s’accordent
à dire que de tels groupes ne sont pas naturels et devraient être éliminés de
toute classification.

Après avoir décidé quelles règles on veut suivre pour découper un arbre phy-
logénétique (ou un cladogramme) en taxons, il reste de nombreux choix à
faire qui rendent le processus de classification et de dénomination des taxons
en partie subjectif. « Quelle partie de l’arbre vais-je considérer comme un
genre ? », « Ou bien serait-il préférable de l’appeler un sous-genre ? » etc.  :
autant de questions auxquelles il faut répondre. Privilégier les décisions qui
perturberont le moins possible la classification existante est une bonne ligne
de conduite qui privilégie la stabilité des noms.

Références générales sur la systématique

• Spichiger R-E., Figeat M., Jeanmonod D. (2016) Botanique systématique


avec une introduction aux grands groupes de champignons. 4ème édi-
tion. Lausanne, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes.
ISBN 978.2889151349

• Stace C.A. (1991) Plant Taxonomy and Biosystematics, 2nd ed.. London,
Edward Arnold. ISBN 071.3129557

• Stuessy T.F. (2002) Plant taxonomy, the systematic evaluation of compa-


rative data. M/s Bishen Singh Mahendra Pal Singh.
ISBN 978-8121102841 25

• Stuessy T.F., Crawford D.J., Soltis D.E., Soltis P.L. (2015) Plant Syste-
matics. The Origin, Interpretation, and Ordering of Plant Biodiversity.
ISBN 978-3874294522
2.

Le concept
d'espèce
2.1 Qu’est-ce qu’une espèce?

Les biologistes s’accordent généralement à dire que l’espèce est une unité
naturelle fondamentale. Paradoxalement, il est très difficile de définir ce qu’est
exactement une espèce ! La controverse se situe plutôt au niveau théorique
que pratique et est connue comme étant le « problème de l’espèce ».

L’un des aspects les plus fondamentaux de ce problème est la variation. La


plupart, sinon toutes, les espèces animales et végétales présentent des va-
riations, chaque individu apparaissant souvent comme unique. Au sein d’une
population, la variation peut être continue (par exemple : la taille ou le poids)
ou discontinue (par exemple : le sexe, les lobes de la corolle en spirale vers
la droite ou vers la gauche), d’origine environnementale (par exemple  : la
couleur des fleurs influencée par la composition du sol) ou génétique (par
exemple : le groupe sanguin). La variation peut également se manifester dans
l’espace entre les populations (variation géographique). Même lorsque deux
individus partagent exactement le même ADN (clones ou vrais jumeaux),
ils peuvent développer des différences morphologiques sous l’influence de
facteurs environnementaux ; c’est ce qu’on appelle la plasticité phénotypique.
Le « problème de l’espèce » résulte de la manière dont les biologistes ont
essayé de traiter la variation. On peut se représenter l’espèce comme une
unité naturelle. Le point de vue opposé le plus extrême est que seuls les in-
dividus existent dans la nature. Selon cette vision, les groupes taxonomiques,
y compris les espèces, sont considérés comme des abstractions créées par
l’homme pour des raisons pratiques. Peu de scientifiques acceptent cette ap-
proche « nominaliste » des espèces mais beaucoup pensent qu’elle s’applique
aux taxons de rangs supérieurs (Centre mondial de surveillance continue de
la conservation de la nature 1992).

De nombreuses définitions et concepts d’espèce ont été proposés et re-


flètent généralement la discipline de leur auteur : le concept d’espèce taxo-
nomique, le concept d’espèce évolutive, le concept d’espèce écologique, le
concept d’espèce historique, et bien d’autres. Les concepts d’espèce peuvent
être divisés en deux groupes principaux, ceux qui se focalisent sur les pro-
cessus (évolution, croisement) et ceux qui donnent la priorité aux patrons
de variation observés (morphologie, préférences écologiques). Les trois plus
connus sont les suivants :

Le concept d’espèce biologique. Ce concept définit les espèces en termes


d’échanges de gènes. Son plus grand défenseur a été sans aucun doute Ernst
Mayr, un ornithologue. Il a défini les espèces comme « des groupes de popu-
lations naturelles interfertiles et isolées des autres groupes sur le plan de la
reproduction ». Plus tard, le concept d’espèce biologique a été précisé pour
devenir « une population ou un groupe de populations dont les membres
peuvent se croiser dans la nature et produire une descendance viable et
fertile, mais qui ne produisent pas de descendance viable et fertile avec des 27
membres d’autres groupes ». Il s’agit encore aujourd’hui du concept d’es-
pèce le plus largement accepté. Il explique pourquoi les individus d’une es-
pèce se ressemblent et diffèrent de ceux des autres espèces. Ces individus
échangent du matériel génétique et le transmettent à leur descendance, mais
pas aux autres espèces. Le processus évolutif est alimenté par des mutations
aléatoires à l’intérieur d’un pool génétique qui a acquis une certaine forme
d’isolement. Avec le temps, ces changements commencent à différencier ces
populations d’autres pools génétiques similaires (ou populations). Finalement,
ces différences peuvent conduire à un isolement reproductif où les pools
génétiques isolés commenceront à fonctionner comme des espèces.

Les zoologistes adoptent généralement ce concept d’espèce mais il pose


quelques problèmes pour les plantes. Si les hybrides sont rares chez les ani-
maux, on sait au contraire que de nombreuses espèces végétales s’hybrident
et produisent une descendance fertile (Grant 1981, Stace et al. 2015). Ce
n’est que si de tels événements sont rares et que si leur descendance est
moins viable, que les espèces parentes peuvent conserver leur identité gé-
nétique unique et ainsi être reconnues comme des espèces distinctes. Le
concept d’espèce biologique ne s’applique cependant pas aux organismes
asexués ni ne permet de définir une espèce en cas d’apomixie chez les
plantes, par exemple.

Le concept d’espèce morphologique. Ce concept caractérise une espèce par


ses particularités morphologiques et s’applique tant aux organismes asexués
que sexués. Il peut s’appliquer même lorsque l’information sur le flux génique
est inconnue, par exemple quand on ne dispose que de spécimens d’herbiers.
Les chercheurs peuvent ne pas s’accorder sur les caractères à utiliser pour
différencier les espèces, ce qui conduit à de la subjectivité.

Le concept d’espèce évolutive. Ce concept souligne l’importance de l’espèce


en tant qu’unité évolutive. Il la définit comme « une lignée d’organismes in-
terfertiles, isolée des autres lignées sur le plan de la reproduction, et qui a un
début, une fin, une trajectoire évolutive et une histoire distinctes » (Wiley
1978). C’est certainement le concept le moins pratique, mais il considère le
temps comme un élément essentiel.

Quel que soit le concept utilisé pour distinguer une espèce, la délimitation
de l’espèce telle qu’un taxonomiste la propose, représente en fait une hy-
pothèse de travail concernant les relations existant entre les individus qui la
composent. Une telle hypothèse peut être testée à l’aide de preuves mor-
phologiques, génétiques, comportementales, …

2.2 Spéciation

Dans un contexte évolutif, basé sur un changement progressif, les espèces


sont variables dans l’espace et changent au cours du temps. Ces changements
peuvent finalement entraîner la formation d’une ou de plusieurs nouvelles
espèces. Ce processus comporte généralement deux étapes : l’isolement, où
28 un ou plusieurs individus d’une espèce existante ne sont plus capables de se
croiser et donc d’échanger de matériel génétique avec les autres individus de
la même espèce, ce qui entraîne une divergence. Cette dernière résulte de
l’accumulation, graduelle ou instantanée, de mutations aléatoires. L’acquisition
de nouvelles caractéristiques peut faire que deux entités isolées deviennent
suffisamment différentes que pour être considérées comme des espèces dis-
tinctes. Ces deux processus peuvent s’influencer mutuellement. L’isolement
partiel où, en de rares occasions, du matériel génétique est encore échangé,
peut réduire la vitesse à laquelle deux entités peuvent diverger. De même, la
divergence elle-même peut accroître l’isolement d’une population.

La figure 16 montre trois processus possibles menant à la spéciation. Le plus


simple à comprendre est la « spéciation cladogénétique » où une partie
d’une espèce existante (parfois un seul individu) est séparée puis isolée. Pen-
sez à une graine qui est transportée par le vent au-dessus d’un océan jusqu’à
une île lointaine. A son arrivée, elle fondera une nouvelle population qui fera
progressivement l’objet de mutations aléatoires et qui, par conséquent, diver-
gera des populations ancestrales présentes sur le continent. Notons qu’un
tel processus, aussi appelé « bourgeonnement », ne modifie pas la nature de
l’espèce parentale, qui peut continuer d’exister alors que la nouvelle espèce
s’est différenciée. Le deuxième processus est la « spéciation anagénétique »,
dans lequel une espèce accumule lentement des mutations aléatoires au fil du
temps et devient suffisamment différente de ses populations ancestrales pour
être considérée comme une espèce différente. Dans ce cas, l’ « isolement »
se fait par une séparation temporelle. Les paléontologues notamment, qui
travaillent avec des fossiles de différentes époques, définissent de tels groupes
d’individus comme des espèces différentes. Enfin, des espèces peuvent appa-
raître instantanément par hybridation, en particulier quand celle-ci est suivie
d’une duplication du génome avec pour résultat des organismes polyploïdes
incapables de se croiser avec les membres des populations parentales. Ce
mécanisme de spéciation est rare chez les animaux mais très courant chez
les plantes (Grant 1981, Soltis & Soltis 2009).

 Figure 16. Processus


de spéciation (pour plus
d’explications, voir texte).

29
Le processus de spéciation est étroitement lié à la présence de mécanismes
d’isolement reproductif qui empêchent les croisements. Voici un aperçu de
ces mécanismes, divisés en deux groupes : les mécanismes d’isolement pré-re-
producteur (c’est-à-dire avant la pollinisation chez les plantes) et post-repro-
ducteur (après la pollinisation chez les plantes).

1) Mécanismes d’isolement pré-reproducteur (chez les plantes) :


a) Isolement géographique. Les individus sont présents dans différentes
zones géographiques séparées par une barrière qui ne peut être franchie
par le pollen, les graines ou les spores.
b) Isolement temporel. Les individus des différentes espèces n’échangent
pas de pollen parce qu’ils fleurissent à des moments différents de la jour-
née ou à des saisons différentes.
c) Isolement écologique. Les individus occupent des habitats différents et,
par conséquent, le pollen n’est pas transféré à d’autres espèces ayant
d’autres préférences écologiques.
d) Isolement comportemental. Les espèces apparentées peuvent attirer des
animaux pollinisateurs différents.
e) Isolement mécanique. La non-correspondance physique des parties de
la fleur empêche le transfert du pollen au style, comme dans les fleurs
hétérostyles

2) Mécanismes d’isolement post-reproducteur (chez les plantes) :


a) Incompatibilité gamétique. Le pollen atteint le style mais ne germe pas,
ou le tube pollinique n’atteint pas les ovules.
b) Mortalité zygotique. Le gamète mâle rencontre l’oosphère mais le zy-
gote ne se développe pas.
c) Non-viabilité des hybrides. Un embryon hybride ou une plante hybride
se forme mais sa viabilité est réduite.
d) Stérilité des hybrides. La plante hybride est viable mais elle est stérile et
ne produit pas de graines.
e) Dégénérescence des hybrides. Les hybrides de première génération (F1)
sont viables et fertiles mais les générations d’hybrides suivantes (F2 et
rétrocroisements) peuvent être moins viables ou stériles.

2.3 Taxons infraspécifiques

L’évolution est généralement un processus assez lent (à l’exception de


quelques cas particuliers de spéciation par hybridation). Il peut ainsi s’écouler
des milliers d’années avant qu’une population qui s’est isolée ne devienne
30 une espèce distincte. Certaines mutations de l’ADN peuvent apparaître, puis
disparaître à nouveau, tandis que d’autres subsistent sans nécessairement en-
traîner de différenciation phénotypique. Par conséquent, lorsqu’on observe
le monde vivant, on constate des variations à de nombreux niveaux et qui
résultent de divers processus. Nous pouvons très bien être les témoins d’un
épisode du processus de spéciation et observer une espèce en devenir. Dans
certains cas, lorsque le schéma est discontinu, nous pouvons saisir cette va-
riation au sein de taxons infraspécifiques distincts. Bien que les zoologistes ne
reconnaissent comme niveau infraspécifique que les sous-espèces, pour les
plantes et les champignons on accepte aussi les variétés et les formes.

Une sous-espèce est définie comme une fraction d’une espèce (une ou plu-
sieurs populations) qui est morphologiquement ou génétiquement distincte
et qui occupe généralement une région géographique distincte.

Une variété est définie comme une fraction d’une espèce (une ou plusieurs
populations) qui est morphologiquement ou génétiquement distincte mais
qui se trouve généralement dans l’aire de répartition générale de l’espèce
dans son ensemble. Elle occupe souvent un habitat différent et est donc
écologiquement distincte.

Une forme est définie comme une fraction d’une espèce qui est morpholo-
giquement ou génétiquement distincte mais qui est le résultat d’une mutation
qui s’est produite sporadiquement au sein d’une population.

Concept d'espèce

• Mayr E. (1982) The Growth of Biological Thought. Cambridge (MA),


Harvard University Press. ISBN 978-0-674-36445-5.
• Pavlinov I., editor (2013) The Species Problem. Ongoing Issues. DOI :
10.5772/3313. ISBN 978-953-51-0957-0. https://www.intechopen.com/
books/the-species-problem-ongoing-issues
• Reydon T.A.C., Kunz W. (2019) Species as natural entities, instrumental
units and ranked taxa: new perspectives on the grouping and ranking
31
problems. Biological Journal of the Linnean Society 126 : 623–636.
https://doi.org/10.1093/biolinnean/blz013
• Rieseberg L.H., Wood T.E., Baack E.J. (2006) The nature of plant species.
Nature 440: 524–527. doi:10.1038/nature04402.
3.

Règles de
nomenclature botanique

32
Une fois que la variation des caractères au sein d’un groupe a été étudiée et
que des conclusions ont été tirées concernant les entités ou taxons à distin-
guer, la question se pose de savoir quels sont les noms corrects de ces taxons.
C’est ici que l’on entre dans le domaine de la nomenclature botanique.

3.1 Le Code international de nomenclature botanique (CINB)

Après 1753, lorsque Linné eut introduit son système binomial, seules
quelques règles élémentaires pour nommer les plantes ont été formulées.
En 1813, Augustin de Candolle, dans sa Théorie élémentaire de la Botanique,
publie un ensemble détaillé de règles concernant la nomenclature des plantes.
Avec le temps, il devenait cependant évident qu’un système et des règles
de dénomination des plantes reconnus et acceptés au niveau international
étaient nécessaires. C’est Alphonse de Candolle, fils d’Augustin de Candolle,
qui convoque une assemblée de botanistes de plusieurs pays pour mettre au
point un nouvel ensemble de règles de nomenclature. En 1867, il organise
à Paris le premier Congrès international de botanique (CIB) qui aboutit à
la publication du Code de Paris. Les réunions suivantes du CIB ont eu lieu
en 1892 (Code de Rochester), 1905 (Code de Vienne), 1907 (Code améri-
cain) et 1912 (Code de Bruxelles). Un accord général concernant des règles
universelles pour la nomenclature des plantes n’a toutefois été conclu qu’en
1930 lors du congrès de Cambridge. Pour la première fois dans l’histoire
de la botanique, un code de nomenclature à la fois international dans sa
fonction et dans son nom a vu le jour : le Code international de nomencla-
ture botanique (CINB). Il est constitué aujourd’hui de principes, règles et
recommandations énoncés dans 61 articles, ainsi que de dispositions relatives
à la gouvernance du Code. Il ressemble beaucoup à un ouvrage juridique.
Depuis 1930, de nombreuses mises à jour du CINB ont été réalisées. En
2011, son nom a été modifié en « Code international de nomenclature des
algues, champignons et plantes (CIN) ». Il couvre également les fossiles de
ces groupes (voir Turland et al. 2018).

Les propositions d’amendement du Code sont publiées dans la revue Taxon.


Tous les 6 ans, au début du Congrès international de botanique, lors de la
« Session Nomenclaturale » qui peut durer une semaine entière, les taxono-
mistes du monde entier se réunissent pour discuter de toutes les proposi-
tions publiées depuis leur dernière conférence. Chaque institut dispose d’un
certain nombre de voix qui est fonction du nombre de ses chercheurs. Les
modifications apportées aux règles de nomenclature botanique suivent ainsi
un processus démocratique.

Les règles de nomenclature les plus importantes sont décrites ci-dessous.


Pour plus de détails ou dans des cas plus complexes, il convient de consulter
la dernière édition du Code. Bien qu’elle ait été traduite dans plusieurs autres
langues, la version anglaise constitue la seule version officielle du Code.
33

3.2 Du Règne à la sous-forme, catégories obligatoires

Tout groupe taxonomique, qu’il s’agisse d’une famille, d’une espèce ou d’une
variété, est appelé un «  taxon  ». Les noms de taxons supérieurs au rang
d’espèce sont composés d’un seul mot ; les noms de sous-tribus et de rang
supérieur ont une terminaison spécifique. Seuls certains rangs taxonomiques
sont obligatoires. On trouvera ci-dessous une liste des taxons les plus cou-
ramment utilisés chez les plantes, les algues et les champignons avec leur
terminaison. Les rangs obligatoires sont indiqués en gras.

Rang Plantes Algues Champignons

Règne/Regnum -tae
Division/Phylum -phyta -mycota
Sous-division/Sous-phylum -phytina -mycotina
Classe -opsida -phyceae -mycetes
Sous-classe -idae -phycidae -mycetidae
Super-ordre -anae
Ordre -ales
Sous-ordre -ineae
Super-famille -acea
Famille -aceae
Sous-famille -oideae
Tribu -eae
Sous-tribu -inae

Les noms de taxons de rang inférieur à la sous-tribu n’ont pas de terminaison


particulière. Les plus importants sont (en gras, les rangs obligatoires) :

Super-genre
Genre
Sous-genre
Section
Espèce
Sous-espèce
Variété
Sous-variété
Forme
Sous-forme
34

Les noms de taxons non obligatoires sont composés d’un seul mot placé
à la suite du nom obligatoire de rang juste supérieur. Le nom d’une espèce
est composé du nom du genre suivi de l’indication de l’espèce, sous forme
d’un deuxième mot appelé l’épithète. Le nom d’un rang infraspécifique est
également composé d’un seul mot. L’épithète de l’espèce et tous les noms
infraspécifiques commencent toujours par une lettre minuscule, ceux des
rangs au-dessus de l’espèce débutent par une lettre majuscule. Quelques
exemples :

Amanita sous-gen. Amanitopsis


Begonia sect. Scutobegonia
Poaceae tribu Andropogoneae
Monotes rubriglans sous-esp. upembensis
Chlorophytum gallabatense var. micranthum

3.3 Le concept de type

Les noms des taxons de rang supérieur à la famille peuvent être déterminés
par le nom d’un genre qui leur appartient (p. ex. l’Ordre des Asparagales est
dérivé du nom générique Asparagus) ou peuvent être des noms descrip-
tifs (comme la Division Spermatophyta). L’application des noms de taxons
au rang de la famille ou à un rang inférieur est réglée au moyen de types
nomenclaturaux. Un type nomenclatural est l’élément auquel un nom est
attaché de façon permanente, peu importe que celui-ci soit le nom accepté
ou un synonyme d’un autre nom.

Le type d’un nom d’espèce ou de taxon infraspécifique est soit un spécimen


unique conservé dans un herbier, soit une illustration. Le type d’un nom de
genre (ou de toute subdivision d’un genre) est le spécimen-type (ou l’illustra-
tion) du nom de l’espèce-type (la première espèce décrite dans le genre ou
désignée comme telle par l’auteur du genre). Le type d’un nom de famille (ou
de toute subdivision d’une famille) est le même que celui du nom générique à
partir duquel il est formé. Notons que le type nomenclatural n’est pas néces-
sairement l’élément le plus typique ou le plus représentatif d’un taxon. Pour
en savoir plus sur les types, voir le paragraphe 3.5 ci-dessous.

3.4 Publication valide et effective

La publication originale (la première) d’un nom s’appelle le protologue. En


vertu des règles du Code, le protologue doit remplir plusieurs conditions
pour que le nom soit officiellement accepté. Si ce n’est pas le cas, le nom n’est
pas accepté par le CIN et est rejeté. La condition la plus importante est que
le nouveau nom soit effectivement et valablement publié.

Pour être effectivement publié, le nom doit être publié et mis à disposition 35
dans (au moins) deux endroits accessibles au public (par exemple : des biblio-
thèques) (Art. 29). Depuis le 1er janvier 2012, une publication sous format
électronique (PDF) est également acceptée lorsqu’elle est assortie d’un nu-
méro ISSN ou ISBN.
Pour être valablement publié, un nouveau nom (au rang de genre ou infé-
rieur) doit être :

- effectivement publié ;

- associé au rang taxonomique qu’il représente (Art. 37), à partir du 1er


janvier 1953 ;

- accompagné d’une description ou d’une diagnose indiquant en quoi il


diffère des taxons apparentés. Entre le 1er janvier 1935 et le 31 dé-
cembre 2011, les descriptions ou diagnoses devaient obligatoirement
être écrites en latin ; depuis le 1er janvier 2012, l’anglais est également
accepté (Art. 39) ;

- accompagné de l’indication du spécimen-type, à partir du 1er janvier


1958 (Art. 40.1). Pour les noms publiés après le 1er janvier 1990, l’Her-
bier où le spécimen-type a été déposé doit également être indiqué
(Art. 40.7). Les Herbiers sont généralement cités par leurs acronymes
standardisés publiés par Thiers (mis à jour continuellement).

En botanique, le nom de l’épithète spécifique ne peut pas être le même que


le nom du genre alors qu’en zoologie, ceci est autorisé (par ex. Bufo bufo
pour le crapaud commun, ou Giraffa giraffa pour la girafe du Sud). Un tel
nom est appelé un tautonyme et est invalide selon le Code de nomenclature
botanique.

Il arrive parfois qu’un taxonomiste publie un nom qui est exactement le même
qu’un autre nom déjà publié. Les deux noms sont alors appelés homonymes
et le plus récent est illégitime selon le Code botanique.

3.5 Types

Il est essentiel pour la nomenclature des plantes (et des animaux) d’associer
à chaque nom le spécimen-type correct. Des règles ont été mises en place
pour traiter les situations où le type est ambigu.

En botanique, une collecte d’un spécimen de plante est généralement réfé-


rencée en citant le nom du collecteur suivi de son numéro de collecte unique,
par exemple Lebrun 1234. [Quand un code-barre est associé au spécimen,
il peut aussi être cité.] Sur le terrain, un collecteur prélève souvent plusieurs
échantillons ou spécimens d’une même plante ou d’une même population
auxquels est attribué le même numéro de collecte (Lebrun 1234). Une même
collecte peut ainsi être constituée de plusieurs doubles qui sont souvent
envoyés à différents Herbiers dans le cadre d’un échange de matériel. Cepen-
dant, le type du nom d’une plante ne peut être qu’un seul spécimen, indiqué
36 comme holotype. Tous les doubles existants de l’holotype sont appelés des
isotypes. Bien que les isotypes puissent être très utiles pour la recherche, lors-
qu’il s’agit d’appliquer les règles nomenclaturales, seul l’holotype est pris en
compte. Une plante ou un champignon séché, mais également une illustration,
peuvent servir d’holotype.
Lorsque le protologue ne mentionne pas explicitement l’existence d’un ou
de plusieurs doubles, le spécimen présent dans l’herbier où l’auteur a travaillé
ou auquel il a eu accès de façon certaine lors de la préparation de la descrip-
tion du nouveau taxon, peut être considéré comme l’holotype.

Toutes les autres collectes citées dans le protologue, mais ne faisant pas par-
tie de la collecte type, sont appelées paratypes.

Avant 1958, il n’était pas obligatoire d’indiquer le spécimen-type d’un nouveau


nom. Par conséquent, les publications antérieures à cette date présentent
souvent des protologues qui ne mentionnent pas de type mais qui citent
plusieurs collectes étudiées par l’auteur pour décrire le nouveau taxon.Toutes
celles-ci sont dès lors considérées comme le « matériel original » et sont ap-
pelées syntypes. Comme un nom ne peut avoir qu’un seul type, il faut choisir
ce type parmi le matériel original (les collectes citées et tous leurs doubles).
Ce type choisi est appelé lectotype. Les doubles du lectotype sont appelés
isolectotypes. Lorsqu’on publie une lectotypification, il est obligatoire d’ajou-
ter la mention « désigné ici ». Une fois qu’une collecte type est attribuée au
nom, les syntypes restants deviennent automatiquement des paratypes.

Dans le cas où tout le matériel original, y compris toutes les illustrations


pertinentes, a été perdu, on est autorisé (après avoir apporté la preuve
d’une recherche exhaustive) à sélectionner un nouveau type qui est appelé
le néotype. Les doubles du néotype deviennent alors des isonéotypes. Lors
de la désignation d’un néotype, on essaie de sélectionner du matériel qui a
été récolté dans la même localité que le type original ou à proximité, mais ce
n’est pas obligatoire. En général, on essaie de sélectionner un néotype dont la
stabilité nomenclaturale est garantie, ce qui ne nécessite pas de changements
de nom.

Enfin, le matériel holotype peut parfois être trop fragmentaire pour pouvoir
établir la diagnose adéquate d’un taxon (le type pouvant aussi être une illus-
tration où certains détails n’apparaissent pas). Dans ce cas, il est permis de sé-
lectionner un « type supplétif » appelé épitype, de manière à ne laisser aucun
doute sur l’identité du taxon concerné. Là encore, il est important de choisir
l’épitype avec discernement afin de garantir la stabilité de la nomenclature.

Soulignons que le Code définit un « spécimen » comme étant une collecte


d’une seule espèce (ou d’un taxon infraspécifique) mais qui peut comprendre
un seul organisme, des parties d’un ou de plusieurs organismes ou de mul-
tiples petits organismes. Un spécimen est généralement fixé sur une seule
planche d’herbier ou rangé dans une boîte, un paquet, un bocal ou encore
monté sur une lame microscopique.

37
Exemples concernant les types

Citation de l’holotype et des isotypes :


Solanum aculeastrum Dunal (1852 : 366). – Type : Afrique du Sud, Cape
of Good Hope, eastern part near Morleg, 1500 ft, 1838, Drège s.n.
(holo- : G-DC ; iso- : AD, BM, K, P).
Explication : le protologue du nom d’espèce Solanum aculeastrum a
été publié par Dunal en 1852. Le protologue mentionne que Dunal a
vu un seul spécimen collecté par Drège, sans numéro de collecte (s.n.
= sine numero), et précise qu’il l’a vu dans l’herbier de De Candolle
conservé à Genève. Par conséquent, ce spécimen (à G-DC) doit être
considéré comme l’holotype. Plus tard, des doubles de cette collecte
ont été identifiés dans les herbiers d’Adelaïde State Herbarium, du Bri-
tish Museum (BM), des Royal Botanic Gardens, Kew (K) et du Muséum
national d’Histoire naturelle, Paris (P).
Désignation d’un lectotype :
Anthephora elegans Schreb. var. africana Pilg. (Pilger 1901 : 119). – Type :
D.R. Congo, Stanley-Pool, Juin 1899, Schlechter 12508 (lectotype : B
[B 10 0168252], désigné ici ; isolectotypes : B [B 10 0168251], BR
[BR0000013591571], K [K000281098], P).
Explication : le protologue de Antephora elegans var. africana cite quatre
spécimens, Buchholz 1875, Dinklage 464, Dewèvre 120 et Schlechter
12508 qui sont considérés comme des syntypes et constituent le maté-
riel original. Vu que l’auteur travaillait à Berlin (B), le lectotype devait de
préférence y être localisé. Mis à part le spécimen de Schlechter, aucun
n’est présent à B et ils ont probablement été détruits dans l’incendie de
1943. A Berlin étaient conservées deux planches de Schlechter 12508 :
une sans épillets, l’autre avec quelques épillets dans une enveloppe col-
lée sur la planche d’herbier. Cette dernière est choisie comme lectotype,
avec des doubles au Jardin botanique de Meise, Belgique (BR), aux Royal
Botanic Gardens, Kew (K) et au Muséum national d’Histoire naturelle,
Paris (P). Les codes-barres disponibles sont ajoutés aux spécimens.

Désignation d’un néotype (représenté par une illustration, aussi


indiquée comme iconotype, figure 17) :
Dracaena sanderiana Sander ex Mast. (Masters 1892 : 731). — Neo-
type (désigné ici) : Gard. Chron., ser. 3, 13 : 445 (1893), f. 65 (icono-
type).
Explication : Dracaena sanderiana a d’abord été présenté par l’hor-
ticulteur Sander à l’exposition internationale de Earl’s Court (1892),
et publié la même année par Masters avec une description mais sans
illustration. Le matériel original de la plante exposée n’a pas pu être
retrouvé et n’a probablement pas été conservé. Un an plus tard, D.
38 sanderiana était présenté par Sander à Gand et une illustration publiée
dans Gard. Chron., ser. 3, vol. 13 (1893). Cette illustration représente
plus que probablement la même plante que celle présentée en 1892
et est donc choisie ici comme le néotype.
Noms d’auteurs, nouveaux noms de taxons,
3.6
nouvelles combinaisons

La personne qui publie un nouveau nom de taxon est l’au-


teur de ce nom et figure formellement après le nom du
taxon concerné. Le nom de l’auteur est souvent abrégé.
Des abréviations standards ont été publiées par Brummitt &
Powell (1992) et une base de données en ligne est désor-
mais tenue à jour par l’IPNI (http://www.ipni.org).

Il arrive qu’un auteur publie un nom de taxon dans le cadre


de la publication d’un autre auteur (soit sous forme de cha-
pitre d’un livre, soit simplement d’une partie d’un article
dont ils sont coauteurs). Dans ce cas, on peut citer les deux  Figure 17. Néotype
auteurs en utilisant le terme « in ». Par exemple, Verrucaria (iconotype) de Dracaena
aethiobola Wahlenb. in Acharius, Methodus, Suppl.: 17. 1803. sanderiana Sander ex
Le CIN considère que la mention venant après Wahlenb. Mast. in Gard. Chron., ser.
constitue une référence bibliographique et ne fait donc pas 3, 13 : 445 (1893), f. 65.
partie du nom.

Dans d’autres situations, un auteur peut publier valablement un nom de taxon


mais l’attribuer à une autre personne, par exemple lorsque cette dernière a
suggéré le nom (sur une étiquette d’herbier ou même oralement) mais ne
l’a pas publié. Dans ce cas, le nom de cette personne est indiqué mais est
suivi de « ex » et du nom de l’auteur qui l’a valablement publié, par exemple
Acalypha racemosa Wall. ex Baill. Dans ce cas, Baillon a publié valablement le
nom Acalypha racemosa mais celui-ci avait déjà été proposé pour cette es-
pèce par Wallich. Il est aussi accepté d’omettre le nom du premier auteur et
de citer simplement cette espèce comme Acalypha racemosa Baill.

Le fait qu’un auteur publie un nouveau nom de taxon est souvent indiqué en
ajoutant l’abréviation spec. nov. ou genus nov. ou subsp. nov., etc. à la suite
du nom.

Lorsqu’un auteur déplace une espèce d’un genre à un autre, l’épithète est
transférée au nouveau genre tandis que l’auteur original est placé à la suite
entre parenthèses, suivi de l’auteur à l’origine du transfert, par exemple
Cenchrus purpureus (Schumach.) Morrone. Cette espèce a été appelée à l’ori-
gine Pennisetum purpureum par Schumacher (1827) et transférée au genre
Cenchrus par Morrone (2010). Notons le changement de genre de l’épithète
en accord avec la grammaire latine. Le nom Cenchrus purpureus (Schumach.) 39
Morrone est appelé une combinaison nouvelle (souvent abrégée comb.
nov.) car il combine l’épithète originale (d’après le protologue) avec le nom
d’un autre genre. Le nom qui a fourni l’épithète de la nouvelle combinaison
est appelé le basionyme, dans ce cas-ci Pennisetum purpureum Schumach.
La même situation se présente lorsqu’un auteur remet en question le rang
taxonomique d’un nom. Par exemple, dans Cenchrus polystachios (L.) Morrone
subsp. atrichus (Stapf & C.E.Hubb.) Morrone, le nom Pennisetum atrichum
Stapf & C.E.Hubb., basionyme, a été transféré à une sous-espèce de Cenchrus
polystachios par Morrone. Le nom Cenchrus polystachios (L.) Morrone subsp.
atrichus (Stapf & C.E.Hubb.) Morrone est non seulement une nouvelle com-
binaison (comb. nov., car le basionyme a été transféré à un autre genre) mais
a aussi donné au taxon un nouveau statut taxonomique ou rang, souvent
indiqué en faisant suivre le nouveau nom de stat. nov.

3.7 Noms acceptés et synonymes : la règle de priorité

La taxonomie est une discipline dynamique et les changements sont souvent


la conséquence d’une amélioration de la connaissance, vers une classification
plus naturelle. Cela signifie qu’une publication peut fournir de nouvelles don-
nées qui étayent une nouvelle vision de la variation existant au sein d’une
espèce ou qui précisent la délimitation des genres, des familles, etc. Il est
important de comprendre qu’une telle vision représente une nouvelle hypo-
thèse, une nouvelle opinion, supportée par des arguments logiques. A travers
ce processus, la classification ou le cadre taxonomique doit s’améliorer et
évoluer vers une situation stable. Toutefois, certains auteurs peuvent exploi-
ter les mêmes données pour appuyer d’autres hypothèses en faveur d’une
classification différente. Il est alors difficile de dire laquelle est « correcte » car
nous ne pourrons jamais reconstruire complètement les voies de l’évolution.

En étudiant un groupe de taxons, un auteur peut considérer que deux (ou plu-
sieurs) noms représentent la même unité taxonomique. Selon le concept de
type, cela signifie que l’auteur en question considère que les spécimens-types
de ces deux noms appartiennent au même taxon. Par exemple, Clayton &
Renvoize (1982) ont considéré que les noms d’espèces suivants, dans l’ordre
alphabétique, représentaient une seule et même espèce de graminée :

Pennisetum angolense Rendle (Rendle 1899 : 189).


Pennisetum giganteum A.Rich. (Richard 1850 : 382).
Pennisetum macrourum Trin. (Trinius 1826 : 64).
Pennisetum scaettae Robyns (Robyns 1934 : 3).
Pennisetum stenorrhachis Stapf & C.E.Hubb. (Stapf & Hubbard 1933 : 270).

Ceci implique que ces cinq noms sont tous des synonymes, mais les règles de
nomenclature stipulent aussi qu’un seul d’entre eux peut être le nom accepté.
Alors, lequel choisir ? Il faut ici appliquer la règle de priorité (principe III du
Code), qui impose que le synonyme le plus ancien a priorité sur les autres.
Dans ce cas, le nom correct et accepté pour cette espèce est Pennisetum
40 macrourum Trin. puisqu’il a été publié en 1826.

La règle de priorité s’applique à tous les niveaux taxonomiques. En 2010,


par exemple, Morrone a publié un article dans lequel il a fusionné le genre
Pennisetum Rich. (Richard in Persoon 1805 : 72) avec Cenchrus L. (Linnaeus
1753 : 1049). La règle de priorité indique que le nom de genre Cenchrus est
prioritaire sur le nom de genre Pennisetum. Dans sa nouvelle circonscription,
le genre devrait donc être appelé Cenchrus.

Si nous suivons l’avis de Morrone (2010), le nom accepté pour l’espèce Pen-
nisetum macrourum Trin. devient donc Cenchrus macrourus (Trin.) Morrone.
Notons que si un autre auteur réfutait cette hypothèse et préconisait le main-
tien du genre Pennisetum, deux noms acceptés coexisteraient pour la même
espèce selon le point de vue scientifique défendu.

Il faut souligner que la règle de priorité ne s’applique qu’aux noms de


même rang taxonomique ! Dans l’exemple précédent, si le nom Pennisetum
polystachion (L.) Schult. var. africana Thunb. (Thunberg 1794 : 101) avait été
synonyme des cinq autres noms de Pennisetum mentionnés, il aurait été le
plus ancien nom disponible. Cependant, s’agissant d’un nom correspondant
à un rang de variété, il n’a pas priorité sur les noms au rang d’espèce. Si l’au-
teur Xxx voulait élever cette variété au rang d’espèce (comme Pennisetum
africanum (Thunb.) Xxx), la date de publication de ce nom serait la date de
publication de la nouvelle combinaison. En toute logique, si le taxon Ixora
aneimenodesma K.Schum. subsp. kizuensis De Block n’a pas de synonyme et
qu’un auteur Xxx veut l’élever au rang d’espèce, il a deux options : 1) pu-
blier le nom Ixora kizuensis (De Block) Xxx ; ou 2) publier un nouveau nom
d’espèce (par exemple Ixora congoensis Xxx), avec le nom de la sous-espèce
comme synonyme. L’option 2 n’est pas considérée comme « élégante » car
elle fait disparaître l’auteur original du nouveau nom. Cependant, si le nom
Ixora kizuensis a déjà été attribué à une autre espèce, il n’est plus permis de
l’utiliser à nouveau ; le nom est déjà ‘occupé’. Dans ce cas, on est forcé de
choisir un nouveau nom, comme par exemple Ixora deblockiae Xxx pour ho-
norer l’auteur original. La nécessité de créer un nouveau nom pour un taxon
décrit précédemment est souvent indiquée par le suffixe nom. nov.

Il y a deux exceptions à la règle de priorité. Premièrement, il existe huit fa-


milles et une sous-famille pour lesquelles deux noms sont autorisés (CIN Art.
18.5, 19.8). Ces noms sont appelés nomina alternativa (ou nom. alt.). Une
liste de ces noms de familles et sous-famille alternatifs est présentée ci-des-
sous. Dans une même publication, il est conseillé, le cas échéant, d’utiliser les
noms figurant dans une même colonne.

Apiaceae Umbelliferae
Arecaceae Palmae
Asteraceae Compositae
Brassicaceae Cruciferae
Clusiaceae Guttiferae
Fabaceae Leguminosae 41
incl. subfam. Faboideae incl. subfam. Papilionoideae
Lamiaceae Labiatae
Poaceae Gramineae
La seconde exception est que l’application stricte des règles établies dans le
CIN peut entraîner des changements « indésirables » et, donc, une grande
instabilité de la nomenclature au sein d’un groupe taxonomique. Dans ce cas,
on peut proposer de conserver ou de rejeter un nom particulier. En cas d’am-
biguïté concernant le spécimen-type, une proposition similaire de conserva-
tion d’un type peut être formulée. Pareilles propositions doivent être publiées
dans la revue Taxon et sont ensuite votées lors du Congrès international de
botanique suivant. Les noms ou les types conservés ou rejetés sont généra-
lement suivis de nom. cons., nom. rej. ou type cons.

3.8 Hybrides

Dans le Code, les noms des taxons hybrides sont traités dans un chapitre dis-
tinct. Ils peuvent être reconnus par l’utilisation du signe de multiplication × ou
par le préfixe « notho- » ajouté au rang du taxon. Un nom de nothoespèce,
composé d’un nom de genre (ou d’un nom de nothogenre, voir ci-dessous)
et d’une épithète, indique un hybride entre deux individus d’espèces diffé-
rentes. Le nom d’un nothogenre est un mot unique utilisé lorsqu’un hybride
est issu d’individus d’espèces appartenant à des genres différents. Il est sou-
vent composé de parties des noms des deux genres concernés.
Par exemple, l’hybride entre Oenothera biennis L. et Oenothera villosa Thunb.
peut être désigné par la formule hybride Oenothera biennis L. × Oenothera
villosa Thunb., ou par la nothoespèce Oenothera ×drawertii Renner ex Ros-
tański.
Le nothogenre ×Festulolium Asch. & Graebn. rassemble des individus issus
d’une hybridation entre des espèces du genre Festuca L. et du genre Lolium
L. La nothoespèce ×Festulolium loliaceum (Huds.) P.Fourn. désigne l’hybride
entre Festuca pratensis Huds. et Lolium perenne L., qui peut également être
indiqué par la formule hybride Festuca pratensis Huds. × Lolium perenne L.

3.9 Plantes cultivées

Les noms de plantes cultivées ne sont pas réglementés par le CIN mais par
le Code international pour la nomenclature des plantes cultivées (CINPC).
Les formes cultivées ne peuvent être attachées qu’à trois catégories, le Cultivar,
le Groupe ou Groupe de cultivars et le grex. Ce dernier n’est utilisé que dans
la culture des orchidées et indique la descendance hybride combinée de tout
croisement entre deux mêmes entités (taxons ou cultivars). Un cultivar, en
abrégé cv., est une forme très spécifique issue de n’importe quel type de sé-
lection ou qui peut avoir été prélevée directement dans la nature. Il s’agit d’un
42 nom non latin ajouté à la suite du nom du taxon dont il est issu, par exemple
Solanum tuberosum L. cv. Gogu valley, également écrit Solanum tuberosum ‘Gogu
valley’. Lorsque l’espèce à laquelle appartient un cultivar n’est pas claire, le nom
du cultivar peut suivre directement le genre, par exemple Rosa cv. Penelope.
Un nouveau nom de cultivar ne peut être officiellement enregistré que par
une Autorité internationale approuvée par le Comité pour la nomenclature et
l’enregistrement des cultivars de la Société internationale de la Science horti-
cole (SISH). A chaque Autorité est attribué un groupe taxonomique particulier.
Une fois que l’Autorité a officiellement approuvé l’enregistrement d’un nou-
veau nom de cultivar, la personne qui a fourni les informations « possède » les
droits sur ce nom et peut alors commercialiser le nom et les plantes, ce qui
s’apparente à un brevet. Un groupe de cultivars, en abrégé cv. gr., comprend des
cultivars ayant une caractéristique commune. On pourrait, par exemple, créer
un groupe de cultivars pour toutes les roses jaunes. Il est dès lors évident que
les noms des plantes cultivées ne témoignent pas d’une classification naturelle
puisqu’ils n’ont pas besoin d’indiquer ou de refléter d’ascendance commune.
Dans la littérature sur les plantes cultivées, on peut régulièrement rencontrer
des « variétés » ou des « formes ». Dans la mesure du possible, l’utilisation de
ces termes devrait être réservée à des descriptions informelles de la variation
observée chez les plantes cultivées, mais sans créer de nouveaux noms de
taxons conformes au CIN.

Code International de Nomenclature pour les algues, les


champignons et les plantes

Version anglaise (seule version officielle) :

International Code of Nomenclature for algae, fungi, and plants (Shenzen


Code). Regnum Vegetabile 159. Koeltz Scientic Books. http://www.iapt-
taxon.org/nomen/main.php?page=title

Version française  :

Code International de Nomenclature pour les algues, les champignons


et les plantes (Code de Shenzen). Traduction française de Pierre-André
Loizeau, Anouchka Maeder & Michelle J. Price. Conservatoire et Jardin bo-
taniques de la Ville de Genève. https://doi.org/10.5281/zenodo.2558315

Noms scientifiques et types

• International Plant Name Index : https://www.ipni.org


• Tropicos : http://www.tropicos.org
• World Flora Online : http://www.worldfloraonline.org
• African Plant Database : http://www.ville-ge.ch/musinfo/bd/cjb/africa/
index.php 43

• Linnaean Typification Project : http://www.nhm.ac.uk/our-science/data/


linnaean-typification
• Global Plants : https://plants.jstor.org
4.

L'art de
l'identification

44
Dans les chapitres précédents, nous avons mentionné que la science taxono-
mique avait pour objectif d’organiser, en entités distinctes, l’immense diversité
des organismes vivants. A ce titre, elle fournit les outils indispensables à la
communication scientifique sous forme de noms et d’une classification. Pour
pouvoir conduire une recherche, protéger la nature, utiliser les plantes à des
fins médicinales, il est essentiel d’avoir accès à toute l’information disponible.
Les ressources en ligne connaissent une croissance exponentielle. Cependant,
avant de pouvoir exploiter les informations disponibles, par exemple sur une
espèce ou un genre, il est nécessaire de connaître le nom du taxon concerné.
Rares sont les spécialistes qui peuvent identifier de mémoire les organismes
vivants, surtout en région tropicale où la diversité est élevée. Les taxono-
mistes ont donc mis au point des outils pour pouvoir identifier le matériel de
manière fiable.

4.1 Clés de détermination

Une clé de détermination est un outil pratique utilisé par des spécialistes
et des non-spécialistes pour identifier les plantes, les champignons ou les
animaux, au niveau de la famille, de la tribu, du genre, de l’espèce, … Elle est
souvent la partie la plus utilisée d’une publication taxonomique et mérite
donc la plus grande attention de la part du chercheur qui la construit !

Pour pouvoir utiliser une clé d’identification, il faut au moins disposer de


connaissances de base sur la morphologie et la terminologie des plantes ou
des champignons. L’utilisation d’un glossaire botanique de qualité peut s’avé-
rer utile (voir l’encadré à la fin de ce chapitre).

Comment utiliser une clé ?

Une clé d’identification est une sorte de « jeu » de questions-réponses où


l’utilisateur est invité à observer (attentivement !) des caractères spécifiques.
Par exemple (voir ci-dessous), une clé d’identification peut utiliser le caractère
« couleur de la fleur ». L’utilisateur est invité à choisir entre les états « jaune »
ou « blanc ». Si la fleur est jaune, il poursuit avec la question numéro 2, si elle
est blanche, il passera à la question numéro 10. La première partie de la clé
d’identification se présente alors comme suit :

1. - Fleurs jaunes ........................................................................................... 2


- Fleurs blanches ................................................................................... 10
2. - …
- …

Dans l’exemple ci-dessus, chaque question, appelée un couplet de la clé, pré-


sente deux propositions. Il est évident que les deux options doivent s’exclure 45
mutuellement, sans montrer de chevauchement. Après avoir répondu correc-
tement à une série de questions, l’utilisateur est informé du nom de la plante
(ou du champignon, ou de l’animal).
L’utilisateur a généralement le choix entre deux options et, dans ce cas, la clé
est dite dichotomique. Certaines clés donnent le choix entre trois proposi-
tions, voire davantage (dans l’exemple ci-dessus, on pourrait ajouter « Fleurs
bleues » et « Fleurs rouges » pour arriver à quatre propositions). De telles
clés sont appelées polytomiques. Une telle structure est jugée moins pra-
tique et plus sujette à des erreurs d’identification. On peut facilement éviter
leur usage en combinant plusieurs états en une seule option, comme par
exemple.

1. - Fleurs jaunes, bleues ou rouges ................................................... 2


- Fleurs blanches ................................................................................... 10
2. - Fleurs jaunes ........................................................................................... 3
- Fleurs bleues ou rouges ................................................................... 6
3. - Rameaux épineux ................................................... Rosa banksiae
- Rameaux sans épines.......................................................................... 4

6(2) - Etamines ….
- …

10(1) - Feuilles ….
- …

Notons que la question 3 fournit le nom de la plante et que les questions


6 et 10 indiquent, entre parenthèses, quelles questions y ont mené. Cette
information aide simplement l’utilisateur à garder un fil conducteur et n’est
généralement utilisée que lorsque l’on a fait un « saut » relativement impor-
tant dans la clé.

Il n’existe que deux formes de clés dichotomiques. La forme illustrée ci-dessus,


où les deux options se suivent directement, est appelée une clé à créneaux.
La seconde forme, dans laquelle les deux options sont séparées, est appelée
une clé indentée. Voici un exemple de clé indentée (adapté d’une clé des
espèces de Solanum en Afrique, Vorontsova & Knapp 2016) :

1. Fleurs à étamines de différentes longueurs


2. Feuilles orbiculaires à réniformes, 1,2-2,5 cm de long, plus larges que
longues. Pétioles plus longs que les feuilles. Rare dans le nord-est de la
Somalie ......................................................................................................S. cymbalariifolium
2. Feuilles ovales à elliptiques ou lancéolées, 2-14 cm de long, plus longues
que larges. Pétioles plus courts que les feuilles. Zones arides de l’est et
du nord-est de l’Afrique
3. Epines des tiges denses, aciculaires, de moins de 0,5 mm de large à la
base, jaune pâle. Fruit entièrement caché par le calice accrescent ........
46
............................................................................................................................. S. coagulans
3. Epines des tiges absentes ou rares, ou, quand elles sont présentes,
larges de plus de 1 mm à la base, jaunes à orange ou brunes. Fruit au
moins partiellement visible ..................................................... S. melastomoides
1. Fleurs à étamines toutes de même longueur. Plante répandue.
4. Une seule fleur par inflorescence,  pédoncule et rachis absents. Corolle
pentagonale, lobée sur ¼-⅓ de sa longueur, de 0,9-1,3 cm de diamètre.
Plante d’Afrique australe ............................................................................... S. supinum
4. Généralement plus d’une fleur par inflorescence, pédoncule et/ou rachis
présent(s) dans au moins quelques inflorescences. Corolle habituelle-
ment en étoile, lobée soit sur plus de ⅓ de sa longueur, soit sur ¼-⅓ de
sa longueur mais alors corolle des fleurs longistylées de plus de 1,3 cm
de diamètre. Plante répandue. ................................................................S. tuberosum

Si la première option du couplet 1 correspond à la plante à identifier, il faut


passer à la question suivante formulée immédiatement en dessous (numéro
2). Si c’est la deuxième option du couplet 1 qui est correcte, on passe à la
question suivante, qui porte le numéro 4. Comme on peut le voir, il n’y a pas
de numéro à droite de la clé pointant vers la question suivante. L’avantage
d’une clé indentée est que l’utilisateur peut, à partir de la structure de la clé,
visualiser facilement la manière dont les espèces sont regroupées. Un incon-
vénient est qu’il faut chercher la deuxième option de la question/couplet
concerné. Elle peut être située assez bas dans le cas de grands groupes et,
dans les clés plus longues, beaucoup d’espace sera inutilisé sur le côté gauche
de la page, ce qui aura pour conséquence que la clé occupera davantage de
place.

Des informations géographiques peuvent être utilisées dans la clé. Bien


qu’elles ne soient pas de nature morphologique, ces données peuvent être
utiles. On peut aussi ajouter des informations écologiques ou phénologiques
(période de floraison/fructification). Il est toutefois conseillé de n’utiliser ce
type de caractères qu’en complément à la morphologie.

Comment construire une clé ?

On commence par choisir quel type de clé on souhaite construire (voir


ci-dessus). Puis, on identifie plusieurs sous-groupes clairs au sein du groupe
étudié. Ensuite, on sélectionne des groupes qui peuvent être définis par des
états de caractères bien distincts et facilement observables à l’œil nu ou avec
une loupe 10×. Si la première question d’une clé porte sur les grains de
pollen, par exemple, beaucoup d’utilisateurs seront immédiatement bloqués
et ne pourront plus poursuivre l’identification. Il est également important
que tout caractère mentionné dans l’une des propositions d’un couplet, soit
également présente dans l’autre ou dans les autres propositions ! Un couplet
comme ci-dessous n’est donc pas recommandé :

1. - Fleurs jaunes ; feuilles de plus de 10 cm de longueur .... 2


47
- Fleurs blanches ................................................................................... 10

Un utilisateur en possession d’une plante qui porte des fleurs blanches mais
qui a aussi des feuilles de plus de 10 cm de long se demandera quelle option
 Figure 18. Exemple choisir. Cela nous amène à une autre question
d’une matrice espèce / pratique. Lorsqu’on construit une clé, il faut tou-
caractères (taxons fictifs). jours essayer d’imaginer quel type de matériel un
utilisateur peut avoir sous la main ! Comme il s’agit
souvent d’une seule plante, la clé doit fournir des informations précises. Si un
couplet indique « Fleurs grandes » ou « Fleurs petites », ce concept est relatif
et l’utilisateur n’est pas en mesure de juger s’il doit considérer des fleurs de 1
cm comme « grandes » ou « petites ».

Un même taxon peut apparaître plusieurs fois dans la clé. Cela se produit
lorsqu’un caractère d’un taxon montre de la variabilité. Par exemple, une
espèce peut avoir des fleurs blanches et occasionnellement jaunes, alors que
la couleur des fleurs est constante pour la plupart des espèces.

La construction d’une clé pour un groupe d’espèces (ou taxons) plus impor-
tant est grandement facilitée par la préparation d’une matrice de données
combinant les taxons et les caractères (voir également la figure 18). Cette
matrice est facile à assembler sous la forme d’un tableau Excel. Cela permet
souvent d’obtenir une meilleure vue d’ensemble de la répartition des carac-
tères et de leurs corrélations. (Voir aussi le paragraphe suivant).

Enfin, quelques conseils pour la construction des clés :

1. Soyez pratique ! Utilisez un langage clair. Evitez les caractères qui né-
cessitent beaucoup d’explications ou qui sont difficiles à comprendre ou
à observer.

2. Dans une clé entièrement dichotomique où chaque taxon ne sort


qu’une seule fois, le nombre de couplets sera toujours égal au nombre
de taxons moins 1 et, par conséquent, on ne pourra pas influencer le
nombre de couplets. Cependant, on pourra adapter le nombre de ques-
tions auxquelles il faut répondre avant d’aboutir au nom d’une espèce. La
meilleure stratégie consiste à s’efforcer de poser des questions / couplets
48 qui divisent le groupe de taxons restant en parties plus ou moins égales.

3. Si les espèces d’un groupe n’ont généralement pas de fleurs et de fruits


à la même période, il peut être judicieux de présenter deux clés diffé-
rentes, une pour le matériel en fleur et une autre pour le matériel en fruit
4.2 Clés multi-entrées

Les clés dont il est question ci-dessus, même lorsqu’elles sont préparées avec
le plus grand soin, présentent un grave défaut. L’utilisateur ne peut pas choisir
l’ordre dans lequel les caractères sont observés. Il se peut que le fait d’avoir
des fruits rouges réduise déjà considérablement le nombre d’espèces poten-
tielles, mais que la question concernant la couleur des fruits ne soit posée que
loin dans la clé. Il devrait donc y avoir des manières plus simples d’identifier
une plante !

Lorsqu’il utilise une matrice de données de taxons / caractères pour un


groupe d’espèces (voir exemple, figure 18), l’utilisateur peut choisir au hasard
un caractère dans la liste et compléter l’état de caractère qu’il observe sur
le spécimen à identifier. Ensuite, ce processus peut être répété jusqu’à ce
que la combinaison spécifique d’états de caractères corresponde à une seule
espèce.

Avant l’ère informatique, les taxonomistes avaient déjà essayé de créer des
clés à entrées multiples basées sur des matrices de caractères. On travaillait
avec un grand nombre de cartes numérotées, où chaque carte représen-
tait soit un état de caractère, soit un taxon. Un exemple de clés à cartes
perforées est présenté à la figure 19.

 Figure 19. Exemple


d’une carte perforée 49
montrant les caractères
(perforations le long du
bord) pour une espèce
d’Eucalyptus.
De nos jours, une telle matrice taxons / caractères avec sa clé multi-en-
trées peut être traitée par différents logiciels conviviaux, par exemple Xper3
(http://www.xper3.fr/), DELTA-IntKey (https://www.delta-intkey.com) et Lin-
naeus NG (http://linnaeus.naturalis.nl/). Les progiciels Xper3 et DELTA-IntKey
permettent même de créer une clé dichotomique à partir d’une matrice de
données, qui pourra être utilisée dans une publication. Certains comprennent
un logiciel statistique qui aide à choisir le(s) caractère(s) à utiliser afin de
rendre le processus d’identification le plus efficace possible.

Un autre type de clé multi-entrées est la clé diagnostique (aussi appelée


clé synoptique). Elle comprend une liste de caractères diagnostiques ou
identifiables (c’est-à-dire des caractères typiques, ou particulièrement remar-
quables) d’un groupe de taxons. Chaque caractère est suivi d’une liste de tous
les taxons qui possèdent ce caractère. Voici un exemple d’une partie de clé
diagnostique des taxons de Rubiaceae en Afrique centrale. Notons que les
taxons indiqués sont principalement des genres, mais aussi des tribus voire
des espèces.

Exemple d’une (partie de) clé diagnostique

- Feuille
limbe linéaire : Amphiasma, Anthospermum usambarense, Cordylostig-
ma, Galium, Knoxia, Kohautia, Manostachya, Oldenlandia, Spermacoce
limbe cordiforme ou réniforme : Geophila, Hymenocoleus, Pentanisia
renifolia, Rubia

- Fleur
unisexuée : Anthospermum
hétérostyle : Colletoecema, Craterispermum, Gaertnera, Knoxieae,
Lasianthus, Morinda, Mussaendeae, Pauridiantha, Psychotrieae,
Sabicea, Schizocolea, Spermacoceae, Tricalysia

4-mère : Anthospermum, Corynanthe, Eumachia, Galium, Heinsia, Ixora,


Keetia, Knoxia, Lasianthus, Nauclea, Otiophora, Paraknoxia, Pavetta,
Polysphaeria, Pouchetia, Psychotria, Rutidea, Spermacoceae, Tricalysia

pléiomère (avec plus d’éléments que la norme) : Coffeeae, Gardenia,


Rothmannia octomera, Schumanniophyton

tube calicinal long (> 1 cm) : Adenorandia, Gardenia, Rothmannia,


Schumanniophyton hirsutum
tube calicinal fendu latéralement : Calycosiphonia, Gardenia,
Polysphaeria, Rothmannia, Sericanthe, Tricalysia
50
calice asymétrique, à lobes très inégaux, ou à 1 seul lobe latéral :
Knoxieae
4.3 Barcoding de l’ADN

La méthode d’identification la plus moderne est l’utilisation d’un profil ADN


unique pour chaque taxon. L’idée est que lorsque cette séquence d’ADN
unique, plus communément appelée « code-barre ADN », sera connue pour
toutes les espèces et que nous serons en présence de la séquence d’un or-
ganisme inconnu, nous pourrons la comparer à une base de données pour
déterminer le nom de l’espèce. Simple en théorie, beaucoup plus compli-
qué en pratique ! Tout d’abord, nous avons besoin d’une base de données
pour toutes les espèces de plantes (environ 400.000), d’animaux (environ
10.000.000), de champignons (environ 5.000.000), etc. De plus, comme le
séquençage (obtention de la séquence des paires de bases) de tout le conte-
nu de l’ADN d’un organisme est encore très long et coûteux, il faut trou-
ver un morceau du génome, une partie spécifique de l’ADN, qui présente
une variation suffisante au niveau souhaité (souvent au niveau de l’espèce).
Dans de nombreux groupes d’animaux, on utilise le gène de la cytochrome
c oxydase I (CO1 ou COX1) qui comprend environ 1500 paires de bases.
Pour les plantes, c’est beaucoup plus difficile. La combinaison de deux gènes
chloroplastiques, rbcL et matK, a été proposée. L’ajout de la région ITS2 non
codante a aussi été suggéré pour améliorer la « résolution ». Pour les cham-
pignons, la région ITS1 serait la plus appropriée. D’autres options, peut-être
meilleures, sont encore débattues par les spécialistes. Par ailleurs, il n’est pas
rare que ces marqueurs standards présentent des variations au sein d’une
même espèce. Cela signifie qu’un seul échantillon est insuffisant pour repré-
senter une espèce dans la base de données des codes-barres ADN car la
variation au sein de l’espèce doit d’abord être explorée avant de pouvoir
procéder à une identification fiable. On ne peut pas, par exemple, se conten-
ter d’affirmer que : « Vu que mon échantillon diffère d’un autre par 2 paires
de bases, il représente une espèce différente », avant que la variation des
données de séquençage soit connue pour les deux espèces. Par conséquent,
pour chaque espèce, plusieurs échantillons (minimum 10, de préférence plus)
sont nécessaires pour construire une base de données de codes-barres qui
soit fiable. Chaque échantillon doit être accompagné d’un spécimen de réfé-
rence, qui sera conservé afin de pouvoir vérifier son identité en cas de doute.
La base de données devra aussi être régulièrement mise à jour pour tenir
compte des changements de concepts taxonomiques.

La base de données des codes-barres ADN doit s’appuyer sur un cadre


taxonomique solide et stable de genres et d’espèces. Même pour un groupe
relativement bien connu comme les plantes, ce cadre présente encore de
nombreuses zones d’ombre. Les résultats du barcoding de l’ADN pourraient
bien à leur tour aider à prendre de meilleures décisions taxonomiques et, par
conséquent, renforcer ce cadre.

Malgré ces difficultés, des efforts importants sont déployés actuellement pour
créer une base de données mondiale de codes-barres ADN. Les activités 51
sont coordonnées par l’International Barcode of Life Consortium (iBOL) en
collaboration avec de nombreux centres régionaux. Actuellement, l’obtention
d’une séquence d’ADN à partir d’un organisme nécessite souvent plusieurs
jours de travail en laboratoire. Il faut donc être patient lorsqu’on utilise cette
méthode d’identification. De nouveaux procédés évoluent rapidement, no-
tamment avec le développement de nanotechnologies toujours plus sophisti-
quées qui permettent de fabriquer des mini-laboratoires portables utilisables
sur le terrain.

4.4 Identification des spécimens d’herbiers

Il peut être difficile d’identifier les plantes vivantes sur le terrain mais l’exer-
cice l’est encore davantage avec des spécimens séchés et aplatis en herbiers.
Les caractères nécessaires ne sont pas tous directement visibles, même à
l’aide d’une bonne loupe 10× ou d’une loupe stéréoscopique binoculaire.
La simple question de savoir si les fleurs sont blanches ou jaunes peut rester
sans réponse si le collecteur n’a pas noté cette information sur le terrain. De
même, on peut se demander si un rameau avec peu de feuilles et portant
de belles fleurs ou de jolis fruits provient d’un grand arbre, d’une liane, d’un
arbuste ou même d’une herbe vivace. La forme (notamment des fleurs et des
fruits) peut être importante, mais est impossible à reconstituer, tout comme
les caractères liés aux tubercules, aux rhizomes, à l’odeur, au goût, etc. Ce
genre d’information doit être noté sur le terrain par le collecteur afin que l’in-
formation puisse être retranscrite sur l’étiquette accompagnant le spécimen.
Diverses publications (Fish 1999, Victor et al. 2004, Bridson & Forman 2010)
fournissent des conseils très utiles sur la façon de collecter les plantes et de
préparer correctement les spécimens d’herbier.

Lorsqu’un spécimen d’herbier a été identifié, que ce soit au niveau de la


famille, du genre, de l’espèce, … le nom du taxon est écrit sur une étiquette
d’identification ou étiquette de détermination. Cette étiquette reprend éga-
lement le nom du chercheur (et, si possible, son affiliation) et la date à laquelle
il a examiné l’échantillon. Elle est collée sur la planche d’Herbier (en utilisant
la colle spéciale fournie par le curateur de l’herbier), de préférence dans le
coin inférieur droit et toujours au-dessus des étiquettes d’identification pré-
cédentes. Il faut s’assurer que seule une petite partie de l’étiquette est collée,
de sorte que la partie libre puisse être soulevée pour examiner le matériel
ou le texte qu’elle pourrait recouvrir. Certaines collections d’herbiers ne per-
mettent que l’utilisation d’aiguilles pour fixer les étiquettes aux planches.

Un doute quant à l’exactitude de l’identification peut également être indiqué.


On utilise de préférence les abréviations cf. ou aff. La première est l’abrévia-
tion du mot latin « confer », c’est-à-dire « comparer avec », et est utilisée
lorsqu’un spécimen est très proche d’un autre, voire le même. La seconde est
l’abréviation du mot latin « affinis » signifiant « semblable à » et est utilisée
lorsqu’un spécimen est semblable à un autre mais est probablement différent.

52
Glossaires

• Beentje H. (2015) The Kew plant glossary. 2nd edition. Richmond, Royal
Botanic Gardens, Kew. EAN : 9781842466049
• Josserand M. (1983). La description des champignons supérieurs.
2e éd. Paris, Lechevalier.
• Jouy A., Foucault B. de (2016) Dictionnaire illustré de botanique. Mèze,
Biotope.
• Missouri Botanical Garden Glossary : http://www.mobot.org/mobot/
glossary
• Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Glossaire_de_botanique]

DNA barcoding

• IBOL (International Barcode Of Life) : https://ibol.org


53
• Hebert P.D.N., Cywinska A., Ball S.L., deWaard J.R. (2003) Biological
identifications through DNA barcodes. Proceedings of the Royal So-
ciety of London. Series B : Biological Sciences 270 (1512) : 313–321.
doi:10.1098/rspb.2002.2218.
5.

L'art de préparer une


révision taxonomique

54
Nous prendrons comme exemple une révision taxonomique basée sur du
matériel d’herbier. Pour étudier la taxonomie d’un groupe de plantes ou de
champignons pour lequel les observations de terrain sont difficiles à obtenir,
comme par exemple des espèces tropicales ou pour des régions difficiles
d’accès, les spécimens conservés en collection sont souvent la seule source
d’information disponible. Compléter ces spécimens par des observations ori-
ginales sur du matériel frais est toujours très utile, sans être une nécessité.

Imaginons qu’on décide d’entreprendre la révision taxonomique d’un groupe


particulier. Cette décision découle souvent d’un constat de connaissance in-
suffisante du groupe, ou de difficultés d’identification dues à l’absence d’une
bonne clé de détermination, ou encore en présence d’espèces dont la dé-
limitation n’est pas claire et/ou controversée, ou enfin de problèmes no-
menclaturaux. Une partie des difficultés rencontrées peut aussi résulter de
l’existence, au sein du groupe, d’un certain nombre d’espèces qui n’ont pas
encore été décrites. Ainsi, chaque année, ce ne sont pas moins de 2000 es-
pèces de plantes vasculaires nouvelles pour la science qui sont décrites, ainsi
que 75 à 100 nouveaux genres ! Ces chiffres n’ont montré aucune tendance
à la réduction au cours des 15 dernières années, et sont même en légère
augmentation au cours des quatre dernières années ! Beaucoup d’espèces
restent donc à découvrir…

Une révision taxonomique est souvent réalisée à l’échelle d’un genre, et les
exemples qui suivent illustrent ce cas particulier. Pour un genre à très large
distribution géographique, la révision pourra se limiter à un pays, un territoire
phytogéographique ou un continent.

En fonction des objectifs et de l’ampleur du travail, on peut distinguer quatre


types de révision :

- Révision synoptique ou synopsis : une courte mise au point de la taxono-


mie d’un groupe, comprenant généralement une clé de détermination,
une liste des espèces acceptées et de leurs synonymes et, parfois, une
brève description des espèces et de leur distribution ;
- Révision taxonomique : une mise au point plus complète, comprenant une
clé, une liste exhaustive de synonymes, information sur les types, des don-
nées de répartition et, généralement, la citation des spécimens étudiés ;
- Monographie ou révision monographique : une révision approfondie, ex-
haustive, de la taxonomie de tout un groupe, comprenant généralement
des données anatomiques, moléculaires, écologiques, et ethnobota-
niques. 
- Flore : par définition, l’étude d’un groupe à l’échelle régionale, basée sur
la compilation de travaux déjà publiés. En général, seules les questions
les plus simples sont abordées, tandis que les problèmes complexes sont
laissés pour des travaux plus approfondis. L’objectif premier d’une Flore
est de fournir des outils pratiques d’identification (clés, descriptions, illus- 55
trations, etc.) aux utilisateurs souhaitant déterminer une plante.

Pour chacune de ces quatre catégories, la démarche peut être divisée en sept
étapes (A-G, voir ci-dessous) que nous allons examiner dans les paragraphes
qui suivent. Dans un souci de simplicité, nous utiliserons l’expression « révi-
sion taxonomique » au sens large, couvrant les quatre catégories mention-
nées ci-dessus.

Les sept étapes d’une révision taxonomique

A. Inventaire des noms et révision de la littérature


B. Etude du matériel d’herbier
C. Etablissement d’une base de données
D. Collecte des données géographiques et écologiques
E. Décisions taxonomiques et nomenclaturales
F. Préparation du traitement des taxons, des descriptions, des illustrations et
des clés
G. Assemblage du manuscrit et publication

A. Inventaire des noms et révision de la littérature

Un travail scientifique commence toujours par la recherche de données et


d’informations. Pour une révision taxonomique, il est indispensable de com-
mencer par rassembler les protologues (c’est-à-dire les publications origi-
nales) de tous les noms concernés par la révision. C’est une étape cruciale,
spécialement en vue de la phase E du travail, au cours de laquelle les spé-
cimens-types devront être identifiés et sélectionnés. Les bases de données
en ligne IPNI (International Plant Name Index ; http://www.ipni.org) pour les
plantes vasculaires et Index Fungorum (http://www.indexfungorum.org) pour
les champignons fournissent une liste de tous les noms existant au sein du
genre étudié, bien qu’une sélection supplémentaire soit nécessaire pour les
études régionales. Relevons toutefois que IPNI ne comprend pas de taxons
infraspécifiques pour les noms antérieurs à 1971. Pour ceux-ci, une recherche
approfondie sera nécessaire (sur la toile et en bibliothèque).

A partir de l’information fournie par les protologues, on recherchera les pu-


blications de la manière suivante :

- soit dans une bonne bibliothèque spécialisée ;

- soit en consultant les revues scientifiques anciennes numérisées et dis-


ponibles en ligne, telles que Botanicus (http://www.botanicus.org), ou la
Biodiversity Heritage Library (https://www.biodiversitylibrary.org) ;

- soit en ayant recours à des bases de données en ligne qui relient


les noms à leur protologue  ; l’une des plus utiles est Tropicos (http://
56 www.tropicos.org) maintenue par le Missouri Botanical Garden, mais
IPNI (voir ci-dessus) fournit également cette information pour certains
noms. Pour certaines familles, il existe des sites internet spécialisés (par
exemple : http://solanaceaesource.org, http://www.palmweb.org ou en-
core http://caryophyllales.org).
Les informations trouvées peuvent être digitalisées, ou téléchargées, et archi-
vées. Il est essentiel de noter la référence bibliographique complète de toutes
les informations retrouvées.

Ensuite, on rassemblera tous les articles et ouvrages qui concernent la systé-


matique du groupe concerné. Il est aussi très utile d’y ajouter les références
concernant l’écologie, la biogéographie, la phylogénie, etc. Celles-ci seront
particulièrement précieuses en ce qui concerne la discussion des relations
évolutives entre les taxons et la valeur taxonomique des caractères. Pour re-
trouver les articles pertinents, on utilisera les moteurs de recherche en ligne
et les bases de données bibliographiques, en introduisant le nom du taxon
concerné, associé à un ou plusieurs des mots-clés suivants : « systématique »,
« taxonomie », « révision » et leurs équivalents en anglais ‘taxonomy’, ‘revi-
sion’, ‘systematics’. On n’oubliera pas de consulter toutes les flores couvrant la
région concernée par l’étude.

L’examen de la littérature donnera une bonne idée de la position du genre


dans la famille, et des genres apparentés, ainsi que des caractères générale-
ment utilisés pour discriminer les espèces. En particulier, l’analyse des clés de
détermination déjà publiées peut s’avérer très utile. Néanmoins, il est tou-
jours important de se forger une vision personnelle sur la variation du groupe
étudié.

Un certain nombre de termes techniques nouveaux seront certainement


rencontrés au cours de cette phase du travail. Acquérir une maîtrise du voca-
bulaire organographique propre au groupe étudié est essentiel. On consulte-
ra pour ce faire un glossaire botanique (pour une sélection de bons glossaires,
voir l’encadré à la fin du chapitre précédent).

On prendra soin de constituer une liste bibliographique de toutes les réfé-


rences, au fur et à mesure qu’on les consulte.

Les trois types de références le plus souvent rencontrées sont les suivants :

1. Article d’un périodique :


Soreng R.J., Peterson P.M., Davidse G., Zuloaga F.O., Judziewicz E.J., Filguei-
ras T.S., Davis J.I., Morrone O. (2015) A worldwide phylogenetic classifi-
cation of the Poaceae (Gramineae). Journal of Systematics and Evolution
53(2) : 117--137. http://dx.doi.org/10.1111/jse.12150
2. Livre :
Patil J.V. (2016) Millets and Sorghum: Biology and Genetic Improvement.
Chichester, John Wiley & Sons Ltd. 504 pp.
3. Chapitre de livre ou de série :
Clayton W.D. (1989) Gramineae. XXIV. Paniceae. In  : Launert E., Pope
G.V. (eds) Flora Zambesiaca 10(3)  : 1--192. London, Flora Zambesiaca
Managing Committee. 57

Finalement, on constituera une base de données rassemblant, pour chaque


nom, la référence du protologue et les spécimen(s)-type(s). Pour identifier
le(s) type(s), on ne se fiera pas uniquement aux indications des auteurs pré-
cédents. Le protologue donne généralement les informations nécessaires,
mais cependant pas dans tous les cas. La recherche des spécimens-types
peut s’avérer longue et fastidieuse ! C’est particulièrement vrai pour la littéra-
ture ancienne, lorsque la mention du type n’était pas obligatoire. La majorité
des grandes Herbiers ont digitalisé leurs spécimens-types. Ces images sont
généralement disponibles sur le portail JSTOR Global Plants : https://plants.
jstor.org, et, généralement aussi, directement sur le site internet des Herbiers
eux-mêmes. Notons toutefois que bon nombre de spécimens-types n’ont
pas encore été identifiés comme tels par les taxonomistes. Au cours d’une
révision, il est fréquent de rencontrer des spécimens-types qui étaient passés
inaperçus auparavant.

B. Etude du matériel d’herbier

Soulignons d’emblée que les spécimens-types sont des échantillons particu-


lièrement précieux et irremplaçables, qu’il convient de manipuler avec le plus
grand soin. On s’informera toujours auprès du curateur de la collection des
précautions à prendre pour manipuler ces échantillons.

Quelques conseils pour l’étude morphologique du


matériel d’herbier

L’étude des caractères morphologiques du matériel d’herbier peut


être réalisée avec une simple loupe (10×) ou, de préférence, avec une
loupe stéréoscopique binoculaire sous un grossissement de 20(–50)×.
Le matériel fragile et cassant peut être ramolli quelques instants dans
l’eau bouillante. Selon l’épaisseur de l’échantillon, 20 secondes à 3 mi-
nutes d’ébullition suffiront. [On demandera toujours l’autorisation du
curateur de la collection avant de détacher des morceaux d’un spé-
cimen d’herbier pour examen !] Pour des échantillons plus durs, on
pourra ajouter une goutte de détergent de vaisselle pour faciliter le
ramollissement. Une plaque chauffante électrique de laboratoire est
idéale (voir figure 20), mais une plaque chauffante électrique de cuisine
de bonne qualité et un petit pot en acier feront aussi bien l’affaire. Pour
l’examen sous la loupe binoculaire, le matériel sera placé dans le fond
d’une boîte de Petri et manipulé à l’aide d’aiguilles, et d’une ou deux
pinces fines. La dissection sous la loupe binoculaire permettra d’obser-
ver l’intérieur des fleurs, la coupe transversale de l’ovaire et les détails
de l’anatomie des feuilles et même du bois.

Après examen, le matériel détaché (y compris les fragments disséqués)


58 devrait être récupéré (après séchage des fragments à l’aide d’un pa-
pier absorbant) et placé dans une petite enveloppe qui sera collée ou
épinglée sur la planche d’herbier (selon les instructions du curateur).
Lorsque des fragments d’échantillons doivent être prélevés pour un
examen destructif (pollen, extraction d’ADN), il convient d’apposer
sur la planche d’herbier une étiquette mentionnant la date, l’auteur du
prélèvement, et les objectifs poursuivis. On consultera bien entendu le
curateur avant tout prélèvement de ce type.

Les observations et mesures réalisées sur chaque spécimen devront


être consignées dans un tableau (un tableau Excel convient bien, voir
plus loin). A ce stade du travail, il est prématuré de synthétiser les don-
nées par taxon, étant donné que l’identification de chaque spécimen
est encore susceptible de changer.

La préparation des spécimens de champignons pour l’observation au


microscope à transmission est très particulière  ; pour plus de détails,
on consultera Eyi et al. (2011).

Il est nécessaire de développer une stratégie concernant la consultation ou


l’obtention en prêt du matériel d’herbier à étudier. La première phase du tra-
vail a permis d’acquérir une bonne connaissance de la distribution du genre
et de son centre de diversité. Sur cette base, il est possible de déterminer
quels Herbiers conservent la plus grande partie des échantillons ; on pourra
se faire conseiller par un collègue plus expérimenté pour localiser les collec-
tions. On pourra soit se rendre dans ces institutions ou bien demander des
spécimens en prêt. L’adresse des Herbiers et les personnes de contact se
trouvent sur le site web de l’Index Herbariorum (http://sweetgum.nybg.org/
science/ih). Obtenir un prêt peut prendre plusieurs mois. Les Herbiers ne
prêtent généralement pas plus de quelques centaines d’échantillons à la fois,
et n’acceptent pas de prêt à destination de tous les pays. Une alternative est
de se rendre sur place.

Il est essentiel d’envoyer la demande de prêt de matériel aussi tôt que pos-
sible. Dans certains cas (par exemple lorsqu’on a déjà acquis une assez bonne
connaissance du groupe concerné), il peut être utile de demander le maté-
riel avant même le début
du travail. Pour les col-
lections qui détiennent
beaucoup d’échantillons,

 Figure 20.
Exemple d’une plaque
chauffante de laboratoire
utilisée pour faire bouillir
59
de l’eau dans un petit
récipient.
une visite sur place est souvent indispensable, même si elle peut s’avérer coû-
teuse. La visite sera souvent plus fructueuse si elle est réalisée au moment où
on a déjà acquis une bonne connaissance du groupe. Bien planifier le travail
est donc essentiel.

De plus en plus d’institutions ont mis en ligne une base de données de leurs
collections. Les indications figurant sur les étiquettes sont alors consultables,
ainsi que des images à haute résolution (voir encadré à la fin de ce chapitre).
Ces images en ligne sont extrêmement utiles, mais l’expérience montre qu’un
certain nombre d’échantillons devront néanmoins être empruntés pour une
étude plus approfondie.

C. Base de données

Pour les révisions taxonomiques qui concernent plusieurs centaines de spé-


cimens ou davantage, il est recommandé d’encoder toutes les données re-
latives à chaque spécimen étudié sous forme d’une base de données. Un
tableau Excel peut convenir, de même qu’un logiciel de base de données
comme Access. Toutefois, beaucoup d’institutions ont développé leur propre
système. Ces systèmes de gestion des collections comprennent beaucoup
de champs qui ne sont pas utiles à une révision. On pourra se contenter des
données suivantes :

- Numéro de code-barre
- Collecteur (on dit aussi récolteur) principal (de préférence le nom de
famille et les initiales des prénoms dans des champs différents)
- Autres collecteurs
- Préfixe (certains collecteurs ajoutent un code ou un nombre avant le
numéro de récolte proprement dit, qui fait référence à une mission de
recherche, à l’année de récolte, ou désigne un projet par son acronyme)
- Numéro de récolte
- Suffixe (un code qui suit le numéro de récolte, voir préfixe)
- Date de récolte
- Pays
- Localité
- Latitude
- Longitude
- Habitat
- Altitude
- Usages (tels que mentionnés par le collecteur)
- Noms vernaculaires
- Famille
- Genre
60 - Espèce
- Auteur(s)
- Taxon infraspécifique (sous-espèce, variété, forme)
- Nom infraspécifique
- Auteur(s) du nom infraspécifique
- Déterminateur
- Date d’identification
- Acronyme de l’Herbier
- Type de
- Notes

Souvent, les herbiers dont les collections ont été numérisées ou qui disposent
d’une base de données de leurs collections, acceptent de fournir un extrait
de leur base de données qu’il suffit alors d’incorporer à la vôtre.

D. Observations géographiques et écologiques

L’étendue de l’aire de distribution d’une espèce est extrêmement variable, se-


lon que l’espèce présente des exigences écologiques plus ou moins étroites.
Une espèce restreinte à une région particulière est dite endémique de cette
région. Une espèce peut être endémique d’une montagne, d’un parc national,
d’une province, d’un pays, d’un continent (et, bien entendu, toutes les espèces
sont endémiques de la planète Terre !). Ainsi, l’adjectif « endémique » n’a de
sens que si on précise à quel territoire il s’applique.

D.1 Cartographie

Comme nous l’avons vu au Chapitre 2 (paragraphe consacré à la spéciation),


des informations géographiques et/ou écologiques peuvent être très utiles
pour prendre des décisions taxonomiques. Comparer la distribution géogra-
phique de deux taxons voisins, en cartographiant les localités de récolte des
spécimens en collection, est une étape essentielle du travail.

Pour pouvoir cartographier les spécimens, il est nécessaire de disposer des


coordonnées géographiques des localités de récolte. Si celles-ci ne figurent
pas sur l’étiquette de récolte, on pourra avoir recours à des outils en ligne
(voir encadré à la fin de ce chapitre), ou à des cartes topographiques, ou
même aux itinéraires des expéditions de récolte. Ce processus est appelé
géoréférencement. Actuellement, la plupart des collecteurs utilisent un GPS
sur le terrain (Global Positioning System), tandis que d’autres obtiennent les
coordonnées géographiques à partir d’une carte topographique. Il est im-
portant d’estimer la précision des données de localisation. Par exemple, si un
collecteur indique « 15 km à l’ouest de Nairobi », sachant que la ville a un dia-
mètre d’environ 15 km, on peut se demander si la distance a été comptée à
partir du centre de la ville ou de sa périphérie, et s’il s’agit d’une distance à vol
d’oiseau ou en suivant le réseau routier ; quand on sait que la ville s’est for-
tement agrandie au cours du siècle dernier, on comprend que l’indication du
collecteur est assez vague… La précision d’une coordonnée géographique
peut varier de quelques mètres à plusieurs kilomètres ou davantage.
61
Soulignons l’existence de différents systèmes de coordonnées, selon la « pro-
jection » qui a été utilisée. Il existe aussi différents formats d’expression des
coordonnées. Le plus répandu en taxonomie est Degrés, Minutes et Secondes
(DMS), mais, dans certaines régions, on lui préfère le système UTM (Universal
Transverse Mercator). Le système DMS lui-même peut se décliner en une
version « normale » (ex. : 15°12’55”N 30°21’32”E), une version DD (Degrés
décimaux, ex.  : 1.247°N 25.873°E) et une version DM (Minutes décimales,
ex.  : 11°34.75’N 25°21.30’E). Divers outils en ligne permettent de convertir
aisément ces différents systèmes de coordonnées (par exemple : http://www.
synnatschke.de/geo-tools/coordinate-converter.php).

Les coordonnées mentionnées sur les étiquettes d’herbier doivent être véri-
fiées. Elles sont souvent transcrites de manière approximative, dans un format
non précisé ou incorrect (par exemple avec des degrés et minutes supérieurs
à 60). Une erreur fréquente est l’inversion des points cardinaux Nord/Sud et
Est/Ouest.

Google Earth est un outil utile pour trouver la localité de récolte, bien que
beaucoup de noms de localités anciennes peuvent avoir changé. Pour cer-
taines régions, il existe un index des localités de récolte, et certains sites sur
la toile fournissent des cartes anciennes (voir encadré à la fin de ce chapitre).
Les bibliothèques des institutions de recherche en botanique conservent
souvent des cartes anciennes, des répertoires des localités de récoltes des
principaux collecteurs ou des «  Gazetteers  » (livres répertoriant tous les
toponymes connus pour un territoire donné, avec leurs coordonnées géo-
graphiques). Des Gazetteers en ligne comme GeoNames (voir encadré à la
fin de ce chapitre) peuvent se révéler très utiles, car ils comprennent souvent
d’anciens noms de localités, et permettent des recherches sur base de noms
approximatifs ou mal retranscrits. Un collecteur a souvent collecté plusieurs
spécimens dans la même localité, de sorte que cette localité a peut-être déjà
été géoréférencée ; on consultera les portails en ligne qui fournissent ce type
de données, spécialement ceux des institutions qui conservent des doubles
des spécimens du collecteur concerné. Certaines bases de données en ligne
offrent même la possibilité de créer un itinéraire pour une série de numéros
de récolte du même collecteur.

Porter les données sur une carte peut être réalisé à l’aide de Google Earth,
mais, si on doit préparer une carte de bonne qualité pour une publication,
il conviendra d’utiliser un logiciel spécialisé (par exemple DivaGis, QGIS ou
ArcView).

D.2 Données écologiques

Les étiquettes des spécimens d’herbier mentionnent souvent des informa-


tions écologiques, ainsi que l’altitude du lieu de récolte. Toutefois, ces indi-
cations restent souvent assez sommaires. Ces données peuvent, tout au
plus, apporter des éléments de confirmation à une hypothèse taxonomique
formulée sur base d’autres éléments. La modélisation de niche écologique
(Ecological Niche Modelling) peut permettre de définir l’enveloppe de la
niche d’un taxon sur base de sa distribution géographique, et même de tes-
62 ter si celle-ci est significativement différente de celle d’un autre taxon. Ces
modélisations peuvent appuyer un traitement taxonomique, mais elles sont
complexes et nécessitent un savoir-faire spécialisé.
E. Décisions taxonomiques et nomenclaturales

Après avoir collecté l’ensemble des données morphologiques, géographiques,


écologiques et toute autre observation utile, le moment est venu de tenter
un premier regroupement des échantillons d’herbier en ensembles suffisam-
ment homogènes. Chaque paquet d’échantillons représente un taxon provi-
soire, qui diffère des autres sur base des données disponibles. Dans un se-
cond temps, il faudra assigner chaque paquet à une espèce, une sous-espèce,
une variété ou une forme, suivant les critères développés au Chapitre 2. La
liste des taxons ainsi obtenus représente l’hypothèse de travail sur laquelle
on base le traitement taxonomique du groupe qu’on étudie. Si le traite-
ment s’écarte des traitements publiés précédemment par d’autres auteurs, il
convient d’argumenter et de discuter son point de vue.

On dit souvent que cette manière de délimiter des taxons se base sur le
concept de morpho-espèce (voir Chapitre 2). Pourtant, en y réfléchissant
bien, ce que les taxonomistes modernes cherchent à faire s’apparente da-
vantage au concept d’espèce biologique. En effet, quand un ensemble de
spécimens possède plusieurs caractères morphologiques discriminants, on
peut supposer que ces différences ont une base génétique. Ces différences
génétiques ne peuvent se maintenir que s’il existe un isolement reproducteur.
De la même manière, les possibilités d’échanges de gènes entre deux taxons
occupant des aires géographiques ou des niches écologiques distinctes, sont
très vraisemblablement réduites. En conclusion, la taxonomie des plantes et
des champignons basée sur des spécimens d’herbier (mais aussi la taxonomie
animale basée sur des spécimens en collection) revient à appliquer le concept
d’espèce biologique sur base de données morphologiques, géographiques et
écologiques. L’isolement reproducteur des taxons ainsi délimités peut être
testé à l’aide de données moléculaires, mais ceci sort du cadre de ce chapitre.

Il arrive souvent qu’on rencontre des spécimens à caractères intermédiaires


entre différents taxons. De tels intermédiaires peuvent indiquer l’existence
d’un flux génique entre différents taxons. Chez les plantes, les hybrides ne
sont pas rares et ne doivent pas nécessairement remettre en cause un traite-
ment taxonomique. Néanmoins, quand ces intermédiaires sont très fréquents,
il se peut que le traitement taxonomique doive être reconsidéré. En tentant
d’interpréter la variation morphologique, n’oublions jamais que ce qu’on ob-
serve ne représente qu’un « arrêt sur image » d’un long processus évolutif.

Après avoir établi le cadre taxonomique général, l’étape suivante est de dé-
terminer le nom scientifique correct de chaque groupe d’échantillons. Il s’agit
donc de prendre des décisions nomenclaturales.

On part de l’ensemble des spécimens-types de tous les noms existants, et


on détermine auquel des groupes d’échantillons qu’on a constitués ils ap-
partiennent (même s’ils ne sont pas physiquement présents). Le(s) spéci- 63
men(s)-type(s) inclus dans un groupe d’échantillons détermine(nt) quel(s)
nom(s) peu(ven)t s’appliquer à ce taxon particulier. L’application des règles du
Code International de Nomenclature (voir Chapitre 3) permettra d’identifier
le nom qui doit être accepté pour ce groupe, et ses synonymes. Un groupe
d’échantillons auquel aucun spécimen-type ne peut être rapproché, repré-
sente un nouveau taxon qui devra être décrit.

F.Préparation du traitement des taxons, des descriptions, des illustrations


et des clés

Dans une révision taxonomique, le traitement d’un taxon commence par un


paragraphe nomenclatural. Celui-ci comprend le nom accepté, suivi par ses
synonymes homotypiques cités dans l’ordre chronologique, du plus ancien
au plus récent ; vient ensuite le basionyme et l’indication du spécimen-type.
Ensuite sont cités les synonymes hétérotypiques, dans l’ordre chronologique,
chacun avec son spécimen-type (voir exemple dans l’encadré).

Exemple de la partie nomenclaturale du traitement


d’un taxon

Urochloa dictyoneura (Fig. & De Not.) Veldkamp (Veldkamp 1996 :


418). -- Panicum dictyoneurum Fig. & De Not. (Figari & De Notaris
1854 : 329). -- Brachiaria dictyoneura (Fig. & De Not.) Stapf (Stapf
1919 : 512). -- Type: Soudan, Kordofan, Fazogl, Figari s.n. (holo- : FI).

Panicum golae Chiov. (Chiovenda 1914 : 43). -- Type : DRC, Catanga,


Kayoyo, 20-XII-1911, Bovone 87 (holo- : FI).

Panicum humidicola Rendle (Rendle 1899 : 169). -- Brachiaria


humidicola (Rendle) Schweick. (Hubbard & al. 1936 : 297). --
Urochloa humidicola (Rendle) Morrone & Zuloaga (Morrone &
Zuloaga 1992 : 80). -- Brachiaria dictyoneura (Fig. & De Not.) Stapf
subsp. humidicola (Rendle) Catasús (Catasús Guerra 2001 : 16). --
Type : Angola, Monino riv., Welwitsch 2678 (holo- : LISU, iso- : K).

Quand on décrit un taxon nouveau pour la science, il faut obligatoirement


suivre les règles imposées par le code international de nomenclature (voir
Chapitre 3).

La partie nomenclaturale est généralement suivie par la description mor-


phologique du taxon. Celle-ci doit être claire, précise et suffisamment dé-
taillée. Elle contient toutes les données sur lesquelles se fonde le traitement
taxonomique. La description suit généralement la même structure pour tous
les taxons traités, afin de faciliter les comparaisons. Ceci implique qu’un ca-
ractère mentionné pour un taxon doit également l’être pour tous les autres.
64 On s’assure aussi que tous les caractères utilisés dans la clé (voir ci-dessous)
soient mentionnés dans les descriptions. Il faut éviter les descriptions vagues
ou exprimées en termes relatifs (ex. : “assez densément pubescent”, “relati-
vement long”). Pour les formes à deux dimensions, on utilisera une termino-
logie standardisée, telle que celle proposée par le « Systematics Association
Consignes pour rédiger une bonne description

Port de la plante, hauteur, répartition des sexes, sécrétions, autres


caractéristiques communes à différentes parties, indument ; tronc
et branches : diamètre, forme et structure, indument, écorce ou
surface ; rameaux et/ou nœuds : comme pour le tronc et les
branches.
Stipules : présence/absence, position, forme, dimensions, base, som-
met, indument, couleur.
Feuilles : position, structure du limbe (simple/composé) ; gaine : po-
sition, forme, dimensions ; stipelles : cf.  stipules ; pétiole : forme,
longueur, indument ; pour une feuille composée : rachis : longueur,
articulations ; pétiolules : cf. pétiole ; folioles : sessiles ou non,
forme, dimensions ; limbe : forme, dimensions, base, sommet,
marge, indument, texture, couleur, face supérieure et inférieure ;
type de nervation ; nervure principale : imprimée ou saillante ;
nervures secondaires : nombre ; nervures tertiaires.
Inflorescence : position, structure, forme et/ou dimensions ; pédon-
cule : dimensions, indument ; axes : position, indument ; bractées :
position, forme, dimensions, indument ; nombre de fleurs, bi- ou
unisexuées.
Fleur : position, symétrie, odeur ; pour les fleurs unisexuées, décrire
d’abord les fleurs mâles, puis les femelles ; pédicelle : dimension,
indument ; bouton floral : forme, dimensions ; hypanthium : forme,
dimensions ; périanthe : nombre de verticilles ; sépales : nombre
(ou nombre de lobes pour un calice gamosépale), position, forme,
dimensions, couleur, texture, sommet, marge, indument ; pétales/
tépales : cf. sépales ; disque : nectaires ou glandes, position, forme,
dimensions, couleur ; androcée : type, position ; étamines : nombre,
position (insertion) ; filet : longueur, couleur, indument ; anthère :
insertion, déhiscence, forme, dimensions, couleur ; connectif :
forme, dimension ; staminodes : cf. étamines ; gynécée : position,
nombre, indument ; ovaire : nombre, position, forme, dimen-
sions, indument, nombre de loges, placentation ; ovule : insertion,
nombre ; style : position, nombre, forme, dimensions, couleur, indu-
ment ; stigmate : position, nombre, forme, dimension, couleur.
Infrutescence : cf. inflorescence.
Fruit : type, mode de déhiscence, forme, dimension, couleur, surface,
indument, nombre de graines ; péri-, exo-, endocarpe : structure,
dimension, couleur.
Graine : forme, dimensions, couleur, surface ; arille/testa : structure,
65
dimension, couleur ; albumen, cotylédons, embryon, radicule.
Les caractères qui ne varient pas au sein du genre ou de la famille ne
doivent pas être répétés dans la description de chaque espèce.
Committee for Descriptive Biological Terminology  » (1962). La description
est organisée selon un format standardisé, et les différents éléments sont
toujours cités dans le même ordre : plante entière, racine, tige, feuille, inflores-
cence, fleur, fruit, graine. Au sein de chacune de ces parties, on décrira dans
l’ordre : le nombre d’éléments, la position, la forme, les dimensions, la base, le
sommet et la marge, la texture, la couleur et l’aspect de la surface (lisse ou
rugueux), l’indument et/ou les appendices. Pour plus de détails, se reporter à
l’encadré ci-dessous.

Pour les champignons, des consignes analogues à celles fournies dans l’en-
cadré, ont été proposées par Eyi et al. (2011), et sont disponibles en ligne
à l’adresse suivante : http://www.abctaxa.be/volumes/volume-10-les-champi-
gnons-comestibles-de-l-afrique-centrale.

Dans un traitement taxonomique, la description est suivie par plusieurs pa-


ragraphes traitant de la distribution géographique, l’écologie, les noms ver-
naculaires, les usages, le mode de dissémination, etc. Les spécimens étudiés
peuvent également être cités dans un paragraphe à part, ou bien être regrou-
pés dans un tableau ou un appendice hors texte ou comme matériel supplé-
mentaire (fichier électronique). Le format de cette liste de spécimens varie en
fonction du journal (voir paragraphe suivant). Une carte de distribution peut
être jointe à la description.

Ensuite, des notes peuvent être ajoutées fournissant les arguments pour les
décisions taconomiques prises et / ou les choix faits liés à la typicication des
noms, etc.

Il est toujours utile de fournir des illustrations. Celles-ci constitueront une


aide appréciable pour l’identification et aideront l’utilisateur à mieux com-
prendre les caractères diagnostiques des taxons. Ces illustrations peuvent
être réalisées par l’auteur lui-même, mais il est souvent préférable de faire
appel aux services d’un illustrateur botanique expérimenté. Se former au
dessin botanique demande non seulement du talent mais aussi beaucoup de
temps. Il existe des cours spécialisés et des ouvrages consacrés au sujet. Dans
certains pays, les artistes illustrateurs professionnels ont créé des associations
auxquelles il est possible d’adhérer (ex.  : https://www.botanicalartandartists.
com pour la Grande-Bretagne, https://www.botanischkunstenaarsnederland.
nl pour les Pays-Bas et la Société Française d’Illustration Botanique, http://
www.sfib.fr pour la France).

G. Production du manuscrit et publication de la révision

Lorsque la partie taxonomique de l’étude (traitement du genre, clé et traite-


ment des espèces, cartes, illustrations, etc.) est terminée, il reste à préparer le
66 manuscrit afin de le publier. Si la révision est destinée à être insérée dans une
Flore, la partie taxonomique est souvent suffisante. Par contre, si on veut pu-
blier les résultats sous forme d’article dans une revue scientifique, d’autres pa-
ragraphes doivent y être ajoutés. En plus des paragraphes habituels (comme
par exemple, Introduction, Matériels et méthodes), on doit en rédiger d’autres
qui sont propres aux révisions taxonomiques et qui concernent, par exemple,
l’histoire du genre, c’est-à-dire un aperçu historique des études antérieures et
des contributions à sa connaissance taxonomique.

Les aspects importants à prendre en compte lors du choix d’une revue pour
la soumission du manuscrit sont les suivants : son facteur d’impact (IF), son
impact régional, si elle est ou pas en accès libre, et les frais de publication. Pour
les révisions taxonomiques, il est important de vérifier si la revue accepte
les citations de spécimens (et si oui, sous quel format). Comme les révisions
taxonomiques peuvent être assez longues, des limites du nombre de pages
peuvent être imposées à l’auteur.

Enfin, il est d’usage de remercier les Herbiers (et leurs conservateurs) qui ont
permis l’accès à leurs collections ou qui ont envoyé des spécimens en prêt. Ils
apprécient généralement aussi de recevoir une copie de la révision publiée.

Consignes pour la récolte

• Fish L. (2004) La préparation des échantillons d’herbier. Scripta Botani-


ca Belgica 31 : 92 p. ISBN 9072619633
• Bridson D., Forman L. (2000) The herbarium handbook, 3rd edition.
Richmond, Royal Botanic Gardens, Kew. EAN : 9781900347433

Littérature ancienne
(spécialement utile pour la recherche des protologues)

• Biodiversity Heritage Library : https://www.biodiversitylibrary.org


• Botanicus : http://www.botanicus.org
• Taxonomic Literature : http://www.sil.si.edu/DigitalCollections/tl-2
• B-P-H : Botanico-Periodicum-Huntianum (Journal titles and their
standard abbreviations): http://fmhibd.library.cmu.edu/fmi/iwp/cgi?-
db=BPH_2015&-loadframes

Index Herbariorum

• http://sweetgum.nybg.org/science/ih

67
Informations sur les usages des plantes

• Plant Resources of Tropical Africa : https://www.prota4u.org/database


• PlantUse : https://uses.plantnet-project.org/fr/Accueil
Herbiers numérisés et informations sur les spécimens

• Global Biodiversity Information Facility (GBIF) : https://www.gbif.org


• Meise Botanic Garden, Belgium (BR) :
http://www.botanicalcollections.be
• MNHN Paris herbarium (P) : https://science.mnhn.fr/institution/mnhn/
collection/p/item/search
• Naturalis herbarium, The Netherlands (L, U, WAG, AMS) : https://bio-
portal.naturalis.nl
• Tropicos, Missouri Botanical Garden, St. Louis (MO) : http://www.tro-
picos.org

Géoréférencement

• AFRITERRA (cartes historiques d'Afrique) : http://catalog.afriterra.org


• Cartesius (cartes historiques de Belgique et d'Afrique centrale) : http://
www.cartesius.be/CartesiusPortal
• GEOLocate (plateforme de géoréférencement de données de collec-
tions d'histoire naturelle) : https://www.geo-locate.org
• GeoNames (recherche de noms de localités, notamment historiques) :
https://www.geonames.org
• Google Earth (logiciel libre de visualisation du globe) : http://www.
google.co.uk/earth/download/gep/agree.html

68
Références
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69
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tic Biology 27(1) : 17–26.
World Conservation Monitoring Centre (1992) Global biodiversity : Status
71
of the earth’s living resources. London, Chapmann & Hall.
Crédits photos:

Figure 1. Statue de Théophraste au Jardin botanique de Palerme, Italie.


(photo par tato grasso – Oevre propre (oevre personnel), CC BY-SA 2.5,
https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3170845).
Figure 2. Pline l’Ancien (pris de https://www.britannica.com/biography/Pli-
ny-the-Elder/images-videos/media/1/464822/234312, accédé 16 août, 2019).
Figure 3. Dioscorides (de De Desconocido - http://huntbot.andrew.cmu.
edu, Dominio público, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?cu-
rid=3607187).
Figure 10. Charles Darwin (de http://www.charlesdarwin.net/biography.jsp,
accédé 16 août, 16th, 2019).
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