L'Anemie Chimio-Induite - Chemotherapy-Induced Anemia

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2017-2018

Thèse

pour le

Diplôme d’État de Docteur en


Pharmacie/Médecine

L’ANEMIE CHIMIO-INDUITE
--
CHEMOTHERAPY-INDUCED
ANEMIA
Un exemple de prise en charge dans le cadre des
soins oncologiques de support

Favre Claire
Née le 26 octobre 1991 à St Jean de Braye (45)

Sous la direction de M. Clere Nicolas

Membres du jury
M. Duval Olivier | Président
M. Clere Nicolas | Directeur
M. Hubault Philippe | Membre

Soutenue publiquement le :
25 octobre 2018
LISTE DES ENSEIGNANTS de la Faculté de SANTÉ
D’ANGERS

Directeur de la Faculté de Santé : Pr Nicolas Lerolle


Directeur adjoint de la Faculté de Santé
et directeur du département pharmacie : Pr Frédéric Lagarce
Directeur du département médecine : Pr Cédric Annweiler

PROFESSEURS DES UNIVERSITÉS


ABRAHAM Pierre Physiologie Médecine
ANNWEILER Cédric Gériatrie et biologie du Médecine
vieillissement
ASFAR Pierre Réanimation Médecine
AUBE Christophe Radiologie et imagerie médicale Médecine
AUGUSTO Jean-François Néphrologie Médecine
AZZOUZI Abdel Rahmène Urologie Médecine
BARON-HAURY Céline Médecine générale Médecine
BAUFRETON Christophe Chirurgie thoracique et Médecine
cardiovasculaire
BENOIT Jean-Pierre Pharmacotechnie Pharmacie
BEYDON Laurent Anesthésiologie-réanimation Médecine
BIGOT Pierre Urologie Médecine
BONNEAU Dominique Génétique Médecine
BOUCHARA Jean-Philippe Parasitologie et mycologie Médecine
BOUVARD Béatrice Rhumatologie Médecine
BOURSIER Jérôme Gastroentérologie ; hépatologie Médecine
BRIET Marie Pharmacologie Médecine
CAILLIEZ Eric Médecine générale Médecine
CALES Paul Gastroentérologe ; hépatologie Médecine
CAMPONE Mario Cancérologie ; radiothérapie Médecine
CAROLI-BOSC François-Xavier Gastroentérologie ; hépatologie Médecine
CHAPPARD Daniel Cytologie, embryologie et Médecine
cytogénétique
CONNAN Laurent Médecine générale Médecine
COUTANT Régis Pédiatrie Médecine
COUTURIER Olivier Biophysique et médecine nucléaire Médecine
CUSTAUD Marc-Antoine Physiologie Médecine
DE BRUX Jean-Louis Chirurgie thoracique et Médecine
cardiovasculaire
DESCAMPS Philippe Gynécologie-obstétrique Médecine
DINOMAIS Mickaël Médecine physique et de Médecine
réadaptation
DIQUET Bertrand Pharmacologie Médecine
DUCANCELLE Alexandra Bactériologie-virologie ; hygiène Médecine
hospitalière
DUVAL Olivier Chimie thérapeutique Pharmacie
DUVERGER Philippe Pédopsychiatrie Médecine
EVEILLARD Mathieu Bactériologie-virologie Pharmacie
FANELLO Serge Épidémiologie ; économie de la Médecine
santé et prévention
FAURE Sébastien Pharmacologie physiologie Pharmacie
FOURNIER Henri-Dominique Anatomie Médecine
FURBER Alain Cardiologie Médecine
GAGNADOUX Frédéric Pneumologie Médecine
GARNIER François Médecine générale Médecine
GASCOIN Géraldine Pédiatrie Médecine
GOHIER Bénédicte Psychiatrie d'adultes Médecine
GRANRY Jean-Claude Anesthésiologie-réanimation Médecine
GUARDIOLA Philippe Hématologie ; transfusion Médecine
GUILET David Chimie analytique Pharmacie
HAMY Antoine Chirurgie générale Médecine
HUNAULT-BERGER Mathilde Hématologie ; transfusion Médecine
IFRAH Norbert Hématologie ; transfusion Médecine
JEANNIN Pascale Immunologie Médecine
KEMPF Marie Bactériologie-virologie ; hygiène Médecine
hospitalière
LACCOURREYE Laurent Oto-rhino-laryngologie Médecine
LAGARCE Frédéric Biopharmacie Pharmacie
LARCHER Gérald Biochimie et biologie moléculaires Pharmacie
LASOCKI Sigismond Anesthésiologie-réanimation Médecine
LEGRAND Erick Rhumatologie Médecine
LERMITE Emilie Chirurgie générale Médecine
LEROLLE Nicolas Réanimation Médecine
LUNEL-FABIANI Françoise Bactériologie-virologie ; hygiène Médecine
hospitalière
MARCHAIS Véronique Bactériologie-virologie Pharmacie
MARTIN Ludovic Dermato-vénéréologie Médecine
MENEI Philippe Neurochirurgie Médecine
MERCAT Alain Réanimation Médecine
MERCIER Philippe Anatomie Médecine
PAPON Nicolas Parasitologie mycologie Pharmacie
PASSIRANI Catherine Chimie générale Pharmacie
PELLIER Isabelle Pédiatrie Médecine
PICQUET Jean Chirurgie vasculaire ; médecine Médecine
vasculaire
PODEVIN Guillaume Chirurgie infantile Médecine
PROCACCIO Vincent Génétique Médecine
PRUNIER Fabrice Cardiologie Médecine
REYNIER Pascal Biochimie et biologie moléculaire Médecine
RICHARD Isabelle Médecine physique et de Médecine
réadaptation
RICHOMME Pascal Pharmacognosie Pharmacie
RODIEN Patrice Endocrinologie, diabète et maladies Médecine
métaboliques
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métaboliques
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ROUGE-MAILLART Clotilde Médecine légale et droit de la santé Médecine
ROUSSEAU Audrey Anatomie et cytologie Médecine
pathologiques
ROUSSEAU Pascal Chirurgie plastique, reconstructrice Médecine
et esthétique
ROUSSELET Marie-Christine Anatomie et cytologie Médecine
pathologiques
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SAINT-ANDRE Jean-Paul Anatomie et cytologie Médecine
pathologiques
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VAN BOGAERT Patrick Pédiatrie Médecine
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BASTIAT Guillaume Biophysique et biostatistique Pharmacie
BEAUVILLAIN Céline Immunologie Médecine
BELIZNA Cristina Médecine interne Médecine
BELLANGER William Médecine générale Médecine
BELONCLE François Réanimation Médecine
BENOIT Jacqueline Pharmacologie et pharmacocinétique Pharmacie
BIERE Loïc Cardiologie Médecine
BLANCHET Odile Hématologie ; transfusion Médecine
BOISARD Séverine Chimie analytique Pharmacie
CAPITAIN Olivier Cancérologie ; radiothérapie Médecine
CASSEREAU Julien Neurologie Médecine
CHEVAILLER Alain Immunologie Médecine
CHEVALIER Sylvie Biologie cellulaire Médecine
CLERE Nicolas Pharmacologie Pharmacie
COLIN Estelle Génétique Médecine
DE CASABIANCA Catherine Médecine générale Médecine
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LACOEUILLE Franck Biophysique et médecine nucléaire Médecine
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LEGEAY Samuel Pharmacologie Pharmacie
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Marie
LEPELTIER Elise Chimie générale Nanovectorisation Pharmacie
LETOURNEL Franck Biologie cellulaire Médecine
LIBOUBAN Hélène Histologie Médecine
MABILLEAU Guillaume Histologie, embryologie et Médecine
cytogénétique
MALLET Sabine Chimie Analytique et bromatologie Pharmacie
MAROT Agnès Parasitologie et mycologie médicale Pharmacie
MAY-PANLOUP Pascale Biologie et médecine du développement Médecine
et de la reproduction
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MOUILLIE Jean-Marc Philosophie Médecine
NAIL BILLAUD Sandrine Immunologie Pharmacie
PAPON Xavier Anatomie Médecine
PASCO-PAPON Anne Radiologie et imagerie médicale Médecine
PECH Brigitte Pharmacotechnie Pharmacie
PENCHAUD Anne-Laurence Sociologie Médecine
PETIT Audrey Médecine et santé au travail Médecine
PIHET Marc Parasitologie et mycologie Médecine
PRUNIER Delphine Biochimie et biologie moléculaire Médecine
RIOU Jérémie Biostatistique Pharmacie
ROGER Emilie Pharmacotechnie Pharmacie
SCHINKOWITZ Andréas Pharmacognosie Pharmacie
SIMARD Gilles Biochimie et biologie moléculaire Médecine
TANGUY-SCHMIDT Aline Hématologie ; transfusion Médecine
TRZEPIZUR Wojciech Pneumologie Médecine

AUTRES ENSEIGNANTS
AUTRET Erwan Anglais Médecine
BARBEROUSSE Michel Informatique Médecine
BRUNOIS-DEBU Isabelle Anglais Pharmacie
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FISBACH Martine Anglais Médecine

O’SULLIVAN Kayleigh Anglais Médecine

PAST
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MOAL Frédéric Pharmacie Clinique Pharmacie

ATER
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HARDONNIÈRE Kévin Pharmacologie - Toxicologie
WAKIM Jamal Biochimie et biomoléculaire Médecine

AHU
BRIS Céline Biochimie et biologie moléculaires Pharmacie
LEROUX Gaël Toxico Pharmacie
BRIOT Thomas Pharmacotechnie Pharmacie
CHAPPE Marion Pharmacotechnie Pharmacie

CONTRACTUEL
VIAULT Guillaume Chimie Pharmacie
ENGAGEMENT
DE NON PLAGIAT

Je, soussignée Claire Favre


déclare être pleinement consciente que le plagiat de documents ou d’une
partie d’un document publiée sur toutes formes de support, y compris l’internet,
constitue une violation des droits d’auteur ainsi qu’une fraude caractérisée.
En conséquence, je m’engage à citer toutes les sources que j’ai utilisées
pour écrire ce rapport ou mémoire.

Signé par l'étudiante le 20 / 09 / 2018


REMERCIEMENTS
A mon directeur de thèse, M. Clere,
Qu’il reçoive toute ma reconnaissance pour son enseignement, son
accompagnement et pour sa disponibilité dans le suivi à distance de ce travail.

A M. Duval,
Que je remercie de l’honneur qu’il me fait en acceptant de présider ma soutenance
de thèse.

A M. Hubault,
Qui m’a fait la gentillesse d’accepter de juger ce travail. Qu’il en soit très
respectueusement remercié.

A ma sœur, Anne-Laure,
Pour ton indéfectible soutien de tout instant. C’est infini entre nous et bien plus
fort que des mots !

A ma grand-mère angevine,
Ange gardien pendant ces nombreuses années, tu continues toujours tes
attentions délicieuses. Accepte mes excuses pour mes jours de mauvaises têtes
durant les études. J’ai une chance incroyable de t’avoir comme grand-mère.

A mes parents,
Je vous remercie de m’avoir permis d’accéder à l’éducation, aux études
supérieures et de me soutenir dans ma nouvelle orientation professionnelle. Ma
sérénité en l’avenir je vous la dois !

A Christine et Christian,
Pour m’avoir coachée, soignée, sauvée dans des moments critiques. Votre aide
m’est précieuse. Merci.

A Guillaume,
Pour ton calme pendant les moments de crise, tes conseils avisés, ton respect au
quotidien. J’ai vécu la rédaction de ma thèse de la meilleure des façons : à tes
côtés. Je t’aime.

A mes amis d’études supérieures,


Pour les moments forts que nous avons partagés. Continuons de nous retrouver !

A mes amis d’Orléans,


Pour notre amitié qui traverse les années. Vous avez toute mon affection.

A mes amies de master spécialisé,


Pour votre humour, pour notre rencontre annuelle de globe trotteuses. Je suis
heureuse de vous connaître.
SOMMAIRE

INTRODUCTION ......................................................................................................................................... 3

I. LES SOINS DE SUPPORT EN ONCO-HEMATOLOGIE ................................................................................ 5

I.1 DEFINITION ........................................................................................................................................... 5


I.2 L’ONCOLOGIE, SPECIALITE COMPLEXE ET EVOLUTIVE .......................................................................................... 7
I.2.1 LE CANCER, SON HISTOIRE .................................................................................................................................... 8
I.2.2 L’EMERGENCE DES SOINS DE SUPPORT ................................................................................................................. 21
I.2.3 ORGANISATION DES SOINS DE SUPPORT EN FRANCE ................................................................................................ 35

II. L’ANEMIE.......................................................................................................................................... 37

II.1 DEFINITION ........................................................................................................................................ 37


II.2 PHYSIOPATHOLOGIE.............................................................................................................................. 38
II.2.1 L’HEMATOPOÏESE ............................................................................................................................................ 38
II.2.2 L’ERYTHROPOÏESE............................................................................................................................................ 39
II.3 CAUSES ET MECANISMES DE L’ANEMIE ....................................................................................................... 49
II.3.1 ANEMIE CENTRALE........................................................................................................................................... 50
II.3.2 ANEMIE PERIPHERIQUE..................................................................................................................................... 50
II.4 SIGNES ET SYMPTOMES .......................................................................................................................... 51
II.5 EXPLORATION DE L’ANEMIE .................................................................................................................... 52
II.5.1 DIAGNOSTIC CLINIQUE...................................................................................................................................... 52
II.5.2 DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE ................................................................................................................................ 52

III. CAS PARTICULIER DE L’ANEMIE CHIMIO INDUITE EN ONCO-HEMATOLOGIE ...................................... 57

III.1 GENERALITES ..................................................................................................................................... 57


III.2 INCIDENCE DE L’ANEMIE CHIMIO INDUITE ................................................................................................... 58
III.2.1 INCIDENCE SELON LA TUMEUR ET LA THERAPIE ASSOCIEE ........................................................................................ 58
III.2.2 INCIDENCE ET INTENSITE DE LA CHIMIOTHERAPIE .................................................................................................. 66
III.3 CONSEQUENCES PHYSIOPATHOLOGIQUES DE L’ANEMIE CHIMIO INDUITE EN ONCO-HEMATOLOGIE ............................. 69
III.3.1 APPAREILS ET SYSTEMES DE L’ORGANISME IMPACTES PAR L’ANEMIE ........................................................................ 69
III.3.2 IMPACT DE L’ANEMIE SUR LA QUALITE DE VIE DES PATIENTS .................................................................................... 74

1
IV. PRISE EN CHARGE DE L’ANEMIE CHIMIO INDUITE EN ONCO-HEMATOLOGIE ..................................... 77

IV.1 OBJECTIF DOUBLE DE LA PRISE EN CHARGE.................................................................................................. 77


IV.1.1 RETABLIR UNE BONNE OXYGENATION DES TISSUS ................................................................................................. 77
IV.1.2 AMELIORER LA QUALITE DE VIE DU PATIENT......................................................................................................... 79
IV.2 OPTIONS THERAPEUTIQUES DISPONIBLES ................................................................................................... 81
IV.2.1 LES TRANSFUSIONS SANGUINES......................................................................................................................... 81
IV.2.2 AGENTS STIMULANTS L’ERYTHROPOÏESE ............................................................................................................. 85
IV.2.3 ALTERNATIVES AUX TRANSFUSIONS ET AUX AGENTS STIMULANTS L’ERYTHROPOÏESE.................................................. 104
IV.2.4 LA PRATIQUE MEDICALE................................................................................................................................. 104

TABLE DES ABREVIATIONS...................................................................................................................... 111

TABLE DES FIGURES................................................................................................................................ 113

TABLE DES TABLEAUX ............................................................................................................................ 114

TABLE DES ANNEXES .............................................................................................................................. 115

ANNEXES ............................................................................................................................................... 116

BIBLIOGRAPHIE ...................................................................................................................................... 121

2
INTRODUCTION

Le cancer, pathologie du siècle, est présent dans la vie de chaque individu vivant dans
les pays développés. De nombreuses pistes sont évoquées quant à l’origine de cette
maladie. Qu’elle soit due à des facteurs externes tels que la pollution, le tabac, l’alcool,
la surexposition au soleil, à des radiations ou à des facteurs internes comme des
prédispositions génétiques (mutations génétiques transmises entre générations) : le
constat est sans équivoque – on estime à environ 400 000 le nombre de nouveaux cas
pour l'année 2017 en France.
Au-delà du fait, que chacun d’entre nous entend parler quotidiennement de cette
maladie, la société est mobilisée pour comprendre la pathologie et traiter le patient.
L’implication scientifique et médicale est visible par le nombre d’études et de publications
scientifiques. Aujourd’hui on trouve 3.7 millions de résultats sur le site internet Pubmed,
moteur de recherche de données bibliographiques en biologie et médecine, en utilisant
le mot clé « cancer ». Cette mobilisation se traduit par la création d’associations de
patients, de nouvelles structures dédiées aux soins, et les changements notables dans
l’allocation des ressources pour la recherche dans le secteur privé avec une réorientation
globale vers l’oncologie.

Grâce à ces investissements, les avancées dans le domaine ont été extraordinaires. Une
hausse impressionnante du taux de survie à cinq ans des patients ayant un cancer de la
prostate confirme cette tendance générale positive : 72 % des hommes diagnostiqués
entre 1989 et 1993 étaient en vie cinq ans plus tard, pour les hommes diagnostiqués
entre 2005 et 2010, la proportion passe à 94%(1).
Deux éléments sont à considérer avant la lecture de ce travail pour avoir le tableau dans
son ensemble.
D’abord, l’élément de chronicité – la chronicisation de la maladie cancéreuse apparaît
suite aux progrès médicaux. Le patient vit plus longtemps, il a alors besoin d’une suite
dans les soins qui lui sont prodigués.
Le deuxième élément correspond à l’augmentation plus globale du niveau de vie et donc
de l’espérance de vie : la population est en augmentation et les Hommes vivent plus

3
longtemps. Ils ont donc un risque plus important de développer ce type de maladie (ils
sont plus longtemps au contact de facteurs de risque).
Ces réflexions posent la question de la « quantité de vie » versus la qualité de vie. Cette
problématique est posée par le concept de soins de support – par l’amélioration continue
de la prise en charge du patient atteint de cancer et plus précisément sur son
accompagnement au cours du traitement.
Les progrès médicaux offrant de nouvelles solutions thérapeutiques s’accompagnent du
problème de nouvelles toxicités qu’il faut apprendre à gérer.

Ce travail a pour objectif de discuter des soins de support mis en place lors d’une
pathologie cancéreuse. Pour aborder ce sujet, je traite le cas des anémies survenant lors
d’un traitement par chimiothérapie.

4
I. LES SOINS DE SUPPORT EN ONCO-HEMATOLOGIE

Dans l’expression « soins oncologiques de support » (SOS), le terme « oncologique »


renvoie à deux spécialités : l’oncologie (avec les traitements des tumeurs solides) et
l’hématologie (avec les traitements des tumeurs liquides). Dans ce travail, nous ne ferons
aucune différence vis à vis de ces deux spécialités.
Cette première partie, après avoir rappelée la définition du soin de support,
développera l’histoire de cette notion, les différents types de soins et les sociétés
savantes ayant un impact sur leurs développements.

I.1 Définition
Les soins de support en onco-hématologie ou « Supportive Care » en anglais sont
définis comme l’ensemble des soins apportés au patient tout au long de la pathologie
cancéreuse. La mise en place des soins oncologiques de support peut donc se faire à tout
moment lorsque le patient est atteint d’une maladie grave et ce, dès l’annonce du
diagnostic jusqu’à la guérison ou le décès du patient (Figure 1, Figure 2). Le soutien du
patient est au cœur de la notion des soins de support. Ces soins ont une visée de
prévention et de gestion des symptômes physiques, psychologiques de la maladie et des
effets indésirables des traitements anticancéreux éventuellement mis en place. Ils sont
à différencier des soins oncologiques spécifiques qui correspondent aux traitements de la
pathologie cancéreuse. Par exemple, une patiente atteinte de cancer du sein, peut avoir
un traitement de radiothérapie mis en place sur cinq semaines : il s’agit d’un soin
oncologique spécifique. Le soin oncologique de support associé serait la mise en place
d’une prescription de crème voire d’antidouleurs pour soulager un érythème lié à la
radiothérapie.

5
Figure 1 : Continuité et globalité des soins en curatif (d’après l’Association Francophone
des Soins Oncologiques de Support, AFSOS) (2)

Figure 2 : Continuité et globalité des soins en palliatif (d’après l’AFSOS) (2)

Les SOS s’inscrivent dans une équipe coordonnée possédant différentes compétences :
les professionnels de la lutte contre la douleur, les équipes de soins palliatifs (les soins
palliatifs correspondent à des soins actifs dispensés au patient dont le traitement curatif
n’a plus d’effet), les professionnels de psycho-oncologie, les professionnels formés à
l’accompagnement social des patients, les structures et les équipes de professionnels

6
formés dans les domaines de la nutrition et de la réadaptation fonctionnelle (Circulaire
n° 101 du 22 Février 2005 relative à l’organisation des soins en Cancérologie) (3–5). En
2003, le président Jacques Chirac a mis en place le Plan Cancer, programme visant à
mobiliser les professionnels de santé autour de la prévention, du dépistage, des soins,
de la recherche et de l'accompagnement du patient et de ses proches. Dans ce premier
Plan Cancer, des critères de qualité dans la prise en charge ont été définis pour autoriser
les établissements de santé à traiter des patients atteints de cancer (6). Cette
organisation des SOS a été une des priorités du plan Cancer 1 (2003-2007) auquel est
rattachée la circulaire mentionnée ci-dessus. Elle est également une des ambitions du
Plan Cancer 3 (2014-2019) : « Préserver la continuité et la qualité de vie, en proposant
une prise en charge globale de la personne pendant et après la maladie, tenant compte
de l'ensemble de ses besoins.”.
Les Plans Cancer sont des plans proposés par le gouvernement français avec pour
objectifs généraux la lutte contre le cancer et l’amélioration de la prise en charge du
malade. Ils se déclinent sous forme d’actions concrètes. L’Action 7.6 du Plan Cancer
2014-2019 rend compte de l’importance des SOS via l’introduction des exigences d’accès
et de continuité de ce type de soins. Les Agences Régionales de Santé (ARS) sont
également impliquées pour l’organisation territoriale de l’offre SOS (accès, visibilité et
coordination ville/hôpital) (7).

Cette notion de soins de support est désormais au cœur de la problématique relative à la


prise en charge du cancer en France. Son rayonnement est large et comprend de
nombreux acteurs de santé (spécialistes du cancer, médecins généralistes,
paramédicaux, pharmaciens, infirmiers...) mais également le gouvernement pour faciliter
la mise en place de procédures coordonnées hôpital/ville sur l’ensemble du territoire
national.

I.2 L’oncologie, spécialité complexe et évolutive


Dans les années 60-70, la médecine a fait d’énormes progrès face au cancer. Des
thérapies moléculaires plus performantes sont développées avec l’utilisation du
méthotrexate, la 6 mercaptopurine (6-MP) ou encore les alcaloïdes naturels.
L’amélioration de la technologie d’imagerie avec l’imagerie par résonnance magnétique

7
(IRM) et la tomographie par émission de positrons (TEP) permet le passage de la
radiothérapie conformationnelle tridimensionnelle (3D) à la radiothérapie
conformationnelle avec modulation d’intensité (RCMI) et la radiothérapie guidée par
l’image (IGRT). La zone à traiter est mieux contrôlée – et le traitement par radiothérapie
permet aux patients de vivre plus longtemps avec moins d’effets indésirables. Le cancer
devient traitable et dans certains cas curable. La qualité de vie prend alors toute son
importance (8). Pour comprendre la notion de soins de support, le mécanisme cancéreux
et l’histoire des traitements (principalement la chimiothérapie) de cette maladie sont
présentés.

I.2.1 Le cancer, son histoire


Il convient de mentionner l’histoire de cette maladie pour ensuite présenter les
différentes thérapies existantes et orienter l’approche sur les thérapies à l’origine d’effets
indésirables nécessitant un soin de support.

Les recherches sur cette pathologie ont débuté dès l’antiquité. Hippocrate, Celsus et
Galien ont étudié des tumeurs et les stades de la maladie pour traiter leurs patients en
conséquence (9). Les phases d’évolution de la maladie sont très vite observées par les
médecins de l’antiquité. La clinique sera pendant plusieurs centaines d’années la seule
forme de recherche dans le domaine.

I.2.1.1 Définition
Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, le cancer se définit comme « un grand
groupe de maladies qui peuvent toucher n'importe quelle partie de l'organisme. L'une de
ses caractéristiques est la prolifération rapide de cellules anormales qui peuvent essaimer
dans d'autres organes, formant ce qu'on appelle des métastases. » (10)
Trois étapes définissent le mécanisme du cancer. La première, l’initiation, correspond
à l’apparition d’une lésion au niveau des acides nucléiques (ADN) ou matériel génétique
de la cellule. Cette anomalie est induite par des agents mutagènes (agents
environnementaux comme des cancérogènes chimiques, des rayonnements, des virus)
ou des facteurs génétiques héréditaires (mutations germinales). La deuxième phase dite
de promotion conduit à la prolifération des cellules initiées. Enfin, dans la troisième étape,

8
la cellule cancéreuse se multiplie de façon anarchique et échappe à l’apoptose (mort
cellulaire programmée) : c’est la phase d’invasion. La progression est d’abord locale et
se poursuit via le sang et la lymphe pour envahir d’autres tissus : il s’agit de métastases.
Plusieurs anomalies consécutives génétiques (modifiant la séquence des gènes) et
épigénétiques (modifiant l’activité de la cellule) peuvent se dérouler sur une longue durée
dans le temps (parfois plusieurs dizaines d’années) et conduire à l’apparition de la
pathologie en elle-même que tardivement dans la vie du patient. Certains gènes
impliqués dans le bon fonctionnement de la cellule, sont clés dans la transformation
cancéreuse. Leurs altérations contribuent au processus tumoral :
• Les oncogènes impliqués dans la croissance des cellules ;
• Les gènes suppresseurs de tumeurs chargés de freiner la croissance cellulaire
et/ou d’induire l’apoptose ;
• Les gènes de réparation de l’ADN appartenant aux systèmes de surveillance de la
cellule. Leur inactivation entraînent l’accumulation d’erreurs génétiques;
• Les gènes de la télomérase – cette enzyme est normalement inactive dans
presque toutes les cellules. Son activation anormale dans les cellules cancéreuses
entraîne une multiplication infinie de la cellule.
Ainsi ces altérations consécutives sur la cellule vont entraîner la modification de son
comportement et lui conférer les caractéristiques suivantes :
• L’indépendance face aux signaux régulant sa croissance et sa division ;
• La capacité proliférative : elle peut se diviser indéfiniment (immortalisation) ;
• L’échappement au phénomène d’apoptose – mort cellulaire programmée (11).

I.2.1.2 Découvertes majeures


C’est au XXème siècle, que s’opère les plus grandes découvertes en cancérologie. Nous
nous intéressons ici aux découvertes propres aux traitements anti-cancéreux.
En 1903, après la découverte du radium par Marie Curie, a lieu la première utilisation
de la radiothérapie pour traiter le cancer. La technique alors utilisée consiste en
l’implantation de composés radioactifs à l’intérieur ou proche de la tumeur pour délivrer
des doses de rayonnements aux cellules cancéreuses. L’apparition de la chimiothérapie
date de 1946, suite à l’observation des effets du gaz moutarde sur la moelle osseuse des
soldats de la seconde guerre mondiale. La Food and Drug Administration (FDA, agence

9
nationale de sécurité du médicament et des produits de santé aux Etats-Unis), approuve
l’utilisation des moutardes azotées dans le traitement du lymphome de Hodgkin
(multiplication incontrôlée de lymphocytes B anormaux) en 1949 (12). Puis la recherche
des cytotoxiques (agents toxiques pour les cellules) se fait de façon plus rationnelle par
l’étude de composés issus des plantes tels que la vincristine et la vinblastine provenant
de la Pervenche de Madagascar. En 1958, des scientifiques du National Cancer Institute
(NCI) démontrent que l’utilisation combinée de cytotoxiques avec des mécanismes
d’action différents permet d’augmenter l’efficacité du traitement pour la leucémie aiguë
et de minimiser les effets indésirables. Il s’agit de la première étape vers les protocoles
que l’on utilise toujours aujourd’hui avec l’association de plusieurs médicaments.
La chirurgie devient plus précise et moins mutilante vers les années 70. Dans le cancer
du sein, les études démontrent que l’ablation de la tumeur en conservant le sein est aussi
efficace que la mastectomie. Cette découverte a permis de réduire significativement les
effets secondaires physiques et esthétiques et a ainsi aidé les patients atteints de cancer
du sein à retourner à une vie « normale ».
De plus la publication de recommandations sur la gestion de la douleur par l’OMS pour
sensibiliser les médecins à sa prise en charge chez les patients atteints de cancer en
1986, met en évidence la considération grandissante de la qualité de vie des patients.

En abordant l’histoire contemporaine du cancer du point de vue sociétal, on constate


une prise de conscience après la première guerre mondiale par les politiques au sujet de
la santé publique. La Ligue contre le Cancer est fondée en 1918 sous forme d’une
association par Justin Godart. Initialement Franco-Anglo-Américaine, elle devient la Ligue
Française contre le Cancer. Elle organise le maillage de centres de lutte contre le cancer
sur le territoire national et permet de soulever des fonds (13). A partir de 1937, la
recherche en cancérologie s’organise aux Etats-Unis avec la création du National Cancer
Institute (NCI), centre gouvernemental de recherche mis en place par le président
Roosevelt pour répondre aux besoins de recherche et de formation sur les causes, le
diagnostic et les traitements du cancer (14).
En France, plusieurs lois marquent le début d’une nouvelle ère pour la santé publique.
La loi Veil de 1976 et la loi Evin de 1991 initiées par le constat épidémiologique inquiétant
de 90% des cancers du poumon liés à la consommation de tabac, commencent la lutte

10
contre le tabagisme et l’alcoolisme. Elles ont un but de prévention vis à vis de ces facteurs
de risque. Ces lois sont ensuite soutenues par les plans Cancer décrits PARTIE 1.0 (page
5).

La fin du XXème siècle apporte donc de nombreuses solutions thérapeutiques face au


cancer. Certains de ces traitements sont encore utilisés aujourd’hui, comme le
méthotrexate, et sont à l’origine d’effets indésirables désormais mieux contrôlés. Des
centres de lutte régionaux se développent sur le territoire français, ces centres sont
conçus pour la prise en charge adaptée et globale du patient.

I.2.1.3 Principaux traitements anticancéreux


Dans ce paragraphe, nous présentons succinctement les principales thérapies
anticancéreuses. Pour comprendre l’apparition des soins de support, il convient de
redéfinir les techniques médicales utilisées actuellement pour traiter les pathologies. Ces
traitements peuvent être à l’origine d’effets secondaires qui vont eux aussi nécessiter un
traitement pour soulager le patient. Les protocoles intéressant particulièrement notre
problématique sont détaillés dans la deuxième partie de ce document (III.2.).

Les premiers traitements anti cancéreux avec des agents cytotoxiques consistent en
la dégradation de l’ADN, l’inhibition de la synthèse ou l’interférence dans le phénomène
de division cellulaire. Ces traitements ont été étudiés suite à la sélection de principes
actifs capables de tuer les cellules cancéreuses comme par exemple l’inhibiteur naturel
des microtubules : le paclitaxel. Les agents alkylants l’ADN, initialement représentés par
le sulfure et le gaz moutarde, ont été modifiés pour apporter un meilleur contrôle de leur
réactivité chimique et ont conduit aux molécules du cyclophosphamide et de
l’ifosphamide. Ce dernier exemple montre que la période du développement des
cytotoxiques ne prenait pas l’avantage des nouvelles connaissances dans le domaine de
la génétique et moléculaire et se basait uniquement sur la chimie.
Les recherches en cancérologie des dix dernières années dénotent d’un nouvel élan.
Elles s’orientent vers trois grands thèmes majeurs : le ciblage, les technologies et les
traitements. Une meilleure compréhension du génome et des voies responsables de
l’initiation et de la progression des tumeurs malignes, oriente la recherche vers la

11
problématique du ciblage efficace. Nous voyons donc apparaître des cibles biologiques
privilégiées pour contrecarrer le cancer, il s’agit des thérapies ciblées. D’autre part, les
nouvelles technologies pour le développement et le screening/criblage des molécules
(étapes de sélection des molécules à potentiel de développement) permettent d’aborder
la recherche d’une autre façon notamment avec la génomique. Aujourd’hui, les nouveaux
traitements arrivant sur le marché reflètent l’innovation thérapeutique en ciblant les voies
biomoléculaires causant le cancer et nous amènent progressivement vers la médecine
personnalisée (15).

I.2.1.3.1 La chirurgie

La chirurgie a pour but d’enlever la tumeur maligne. La connaissance des stades de la


maladie a été un point déterminant pour comprendre les limites de la chirurgie,
notamment avec la découverte des métastases dans les différents tissus. Les progrès en
imagerie médicale tels que l’Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM) ou encore la
Tomographie par Emission de Positrons (TEP scan), ont permis de remplacer la plupart
des opérations d’explorations et de réaliser des opérations moins invasives pour détruire
les tumeurs (16). La chirurgie peut avoir plusieurs objectifs : une visée diagnostique,
exploratrice, curative, palliative ou encore réparatrice. Ces objectifs peuvent être
combinés, par exemple une chirurgie à visée exploratrice sera aussi curative si pendant
l’intervention le chirurgien décide de retirer la tumeur (17).

I.2.1.3.2 La chimiothérapie

Comme nous l’avons vu ci-dessus (paragraphe I.2.1.2 de cette première partie), la


chimiothérapie a été découverte au milieu du XXème siècle. L’objectif de ce type de
traitement est d’avoir des agents suffisamment toxiques pour éradiquer les cellules
cancéreuses. On découvre ainsi plusieurs classes d’anticancéreux : les agents alkylants
(moutarde à l’azote, sels de platine, etc.), les antimétabolites (antifoliques, analogues de
purine/pyrimidine, etc.), les poisons du fuseau (vinca-alcaloïdes, taxanes, etc.) et les
modificateurs de l’ADN (anthracyclines, antimitotiques, inhibiteurs de topoisomérase I/II,
etc.).

12
Ces agents cytotoxiques, aussi qualifiés d’agents antinéoplasiques, agissent au niveau
de la mitose – le cycle de division cellulaire. Il convient de distinguer les agents cycle-
dépendants, phase-dépendants et cycle-indépendants. Ils se différencient par le moment
de leur action dans le cycle cellulaire. La figure 3 représente le schéma d’un cycle
cellulaire, c’est à dire le phénomène par lequel une cellule mère se divise et donne
naissance à deux cellules filles, il est composé de plusieurs phases :
- L’interphase
o La phase G0 ou la phase de « repos », la cellule n’a pas encore commencé
à se diviser. Lorsqu’elle reçoit un signal spécifique de division, elle entamera
la phase G1. Selon les organismes cette phase G0 peut durer de quelques
heures à quelques années.
o La phase G1 : la cellule fabrique d’avantage de protéines et grossit. C’est
l’entrée dans le cycle cellulaire grâce à l’activation des complexes
Cdk4(Cyclin-dependent kinase 4)/cycline D et Cdk6/cycline D par des
signaux extracellulaires. L’activation des Cdk conduit à la phosphorylation
de substrats. Ces derniers permettent l’expression de facteurs de
transcription, de cyclines de la phase S et d’enzymes impliqués dans la
duplication de l’ADN. Le complexe Cdk4/cycline D phosphoryle les protéines
de la famille Rb (pRb, p107 et 130). Ces protéines forment un complexe de
répression transcriptionnelle inhibant l’expression de gènes responsables de
la transition G1/S et de la progression en phase S. Les complexes
Cdk/cyclines en phosphorylant la pRb entraîne la libération des facteurs de
transcription E2F: il y a expression de gènes impliqués dans la progression
du cycle.
o La phase S ou phase de synthèse : le matériel génétique contenu dans les
chromosomes est répliqué de façon à avoir en double l’ADN pour les futures
cellules filles.
o La phase G2 : il y a vérification du matériel génétique et éventuellement
réparation des erreurs.
- La phase M ou mitose : les quatre phases de la mitose sont : la prophase, la
métaphase, l’anaphase et la télophase. Durant la mitose, la cellule sépare en deux

13
le matériel génétique nouvellement synthétisé pour avoir deux noyaux distincts et
divise son cytoplasme en deux pour former deux cellules filles (18).

Figure 3 : Cycle cellulaire et régulation moléculaire d’après (19)

La figure 4 présente les agents associés aux phases du cycle cellulaire sur lesquelles
ils agissent. La classe des alkylants a pour cible l’ADN, formant une liaison covalente avec
un acide nucléique, il y a inhibition de la réplication du matériel génétique. La
multiplication des cellules cancéreuses ne peut se faire. Les agents alkylants sont
essentiellement cycle dépendant mais ils ne sont pas spécifiques d’une phase du cycle.
Les triazènes, les moutardes azotées, les nitroso-urées et les organoplatines sont des
exemples d’agents alkylants mono ou bifonctionnels utilisés de nos jours pour créer des
ponts entre différents secteurs d’ADN.
Les antimétabolites agissent au niveau de la synthèse de l'ADN et de l’ARN en privant la
cellule de bases puriques et pyrimidiques, nécessaires au bon déroulement de cette
phase. On retrouve la famille des antifolates, les analogues des bases pyrimidiniques et
des bases puriques.

14
Les poisons du fuseau regroupent principalement les vinca alcaloïdes et les taxanes. Ces
deux classes sont des antimitotiques issus de plantes, comme la Pervenche de
Madagascar, Catharanthus roseus,
ou encore l’If, Taxus brevifolia. Leur action se porte sur les microtubules intervenant lors
de la séparation des chromosomes pendant la phase de mitose. Les alcaloïdes empêchent
la polymérisation de la tubuline et provoque la désorganisation du réseau microtubulaire
lors de la mitose. Les taxanes inhibent la dépolymérisation de la tubuline cytoplasmique.
Les microtubules sont rigides et polymérisés, conduisant à la mort de la cellule.
Les modificateurs de l’ADN sont représentés par les inhibiteurs des enzymes
topoisomerases I et II. Ces enzymes interviennent dans le phénomène de déroulement
de la molécule d’ADN au moment de la transcription ou de la réplication des brins. La
topoisomérase I est présente en plus grande quantité dans les cellules cancéreuses
(versus les cellules normales). Les inhibiteurs de cette enzyme agissent en empêchant la
reconnexion des deux extrêmités de l’ADN – un complexe est formé entre l’enzyme et
les brins d’ADN et l’inhibiteur. La division cellulaire est arrêtée en G2. Les représentants
de cette classe sont des dérivés de la camptothécine, molécule provenant d’une plante
cultivée en Chine, Camptotheca acuminata. On retrouve le même principe d’inhibition
pour les inhibiteurs de topoisomérase II : en s’intercalant entre les deux brins d’ADN, la
topoisomérase II ne peut plus avoir son action de ciseaux conduisant à la séparation des
brins – étape indispensable avant la transcription. Les anthracyclines appartiennent à ce
groupe d’agents intercalants et ont été historiquement isolées à partir de souches
bactériennes (20).

15
Figure 4 : Cibles des agents anticancéreux pendant le cycle cellulaire d’après (21)
Cycle nonspecific : agent non spécifique à une phase du cycle ; alkylating agents :
agents alkylants ; topoisomerase inhibitors : inhibiteurs de topoisomérase ; antitumor
antibiotics : antibiotiques antitumorales.

Certains anticancéreux sont actifs à un stade spécifique du cycle, d’autres le sont sur
plusieurs stades. Il apparaît alors que les cellules à fort taux de renouvellement, cellules
en phase de division cellulaire, sont plus sensibles à ces agents et en particulier lorsqu’il
y a association entre plusieurs molécules de mécanismes d’action différents. La stratégie
du protocole de traitement est de couvrir un maximum de stades du cycle de division des
cellules cancéreuses. L’absence de sélection entre les cellules normales et tumorales en
cours de division est à l’origine des toxicités. Les effets secondaires observés à la suite

16
d’un traitement de chimiothérapie peuvent être liés au degré de multiplication élevé de
certains tissus : le tissu hématopoïétique (dont la production journalière est de 200.109
cellules), la peau et le tissu digestif (l’intestin grêle a un renouvellement de 1 million
cellules par minute) en sont les exemples. Les conséquences sur l’organisme sont
majoritairement :
• Myélosuppression (insuffisance de la moelle osseuse);
• Troubles de la cicatrisation;
• Retard de croissance (chez les enfants);
• Stérilité;
• Teratogénicité (anomalies/deformations foetales);
• Alopécie (chute des cheveux);
• Atteinte des muqueuses des voies digestives.
Ces effets secondaires sont redoutés et marquants pour le patient. Les soins de
support comme le soutien psychologique et la gestion de la douleur sont particulièrement
proposés et discutés lors de la mise en place d’un protocole de chimiothérapie.

I.2.1.3.3 L’hormonothérapie

L’hormonothérapie est un traitement utilisé pour certains cancers du sein, de la


prostate, de l’utérus, du rein, du poumon ou des ovaires. L’hormonothérapie est l’option
thérapeutique choisie lorsque l’examen anatomopathologique révèle des récepteurs
hormonaux sur les cellules cancéreuses. Le cancer est qualifié d’hormonosensible ou
hormonodépendant. La stimulation de ces récepteurs aux hormones favorise la
croissance de la tumeur par des divisions cellulaires.
Le principe du traitement est donc de bloquer les récepteurs hormonaux des cellules
tumorales grâce à des antagonistes d’hormones qui se fixent sur ces récepteurs : il y a
arrêt de la croissance tumorale (22). Pour le cancer du sein, on distingue les anti-
oestrogènes (notamment le tamoxifène), les anti-aromatases (avec létrozole,
l'anastrozole et l'exémestane), et des analogues de la LH-RH (Luteinizing Hormone
Releasing Hormone) comme la goséréline et la leuproréline. Le mécanisme d’action des
anti-œstrogènes est de remplacer sur le récepteur de la cellule cancéreuse la place de
l’œstrogène physiologique. Pour les anti-aromatases, il y a inhibition de la synthèse

17
d’œstrogène (femme ménopausée). Enfin les analogues de la LH-RH exercent une
inhibition de la production des hormones ovariennes féminines.
Les effets secondaires observés pour ce type de traitement sont liés aux actions
agonistes des molécules sur certaines cibles dans l’organisme : une prise de poids
(traitement progestatif), des bouffées vasomotrices (anti-œstrogènes, anti-aromatases),
une diminution de la trophicité de la muqueuse vaginale (anti-aromatases), des douleurs
osseuses et articulaires (anti-aromatases).

Le cancer de la prostate localement avancé a pour traitement de référence une


hormonothérapie associée à de la radiothérapie. Ce traitement par hormones comprend
des analogues (leuprolide, goserelin, triptorelin, histrelin) ou des antagonistes de la LHRH
(degarelix). Le principe du traitement est identique à celui du cancer du sein : l’objectif
est de diminuer la production de testostérone pour ne pas stimuler la croissance maligne.
On retrouve également les anti-androgènes stéroïdiens (acétate de cuprotérone,
mégestrol) ou non stéroïdiens (nilutamide, flutamide). Ils agissent en diminuant le taux
de LH et testostérone et en bloquant le récepteur de la testostérone. Les effets
secondaires observés sont assez variables et correspondent à la privation des
androgènes : diminution du désir sexuel, bouffées de chaleur, signes d’ostéoporose (non
stéroïdiens) etc.
L'hormonothérapie est le plus souvent associée aux autres traitements du cancer,
notamment la chirurgie et la radiothérapie (23).

I.2.1.3.4 La radiothérapie

La radiothérapie est un traitement loco-régional comme la chirurgie. Elle agit sur l’ADN
ou l’Acide RiboNucléique (ARN) des cellules cancéreuses, entraîne des lésions
irréversibles puis la mort de ces cellules. Grâce à un transfert d’énergie (ionisation), les
molécules du noyau cellulaire sont déstabilisées et conduisent à la formation de radicaux
libres, espèces hautement réactives. Ces composés réactifs sont à l’origine de ruptures
au niveau de l’ADN. L’accumulation de lésions dans le matériel génétique aboutit à la
mort de la cellule.

18
On distingue trois grands types: la radiothérapie externe, la curiethérapie (source
radioactive placée à proximité immédiate de la zone à traiter), la radiothérapie
métabolique (source radioactive non scellée administrée au patient).
La thérapie anticancéreuse par irradiation est limitée par sa capacité à cibler les zones
cancéreuses et uniquement celles-ci. Elle est généralement associée à une autre thérapie
comme la chimiothérapie.

I.2.1.3.5 Les thérapies ciblées

La recherche en cancérologie se concentre aujourd’hui sur de nouvelles thérapies qui


ciblent non plus la tumeur en elle-même mais les éléments environnants le
développement tumoral. Les premières thérapies ciblées ont été les anticorps dirigés
contre les marqueurs de surface des cellules CD20 (cluster of differentiation), CD33 et
CD52, marqueurs présents sur les cellules lymphoïdes et leucémiques. Dans les tumeurs
solides, les cibles généralement visées sont le récepteur de facteur de croissance
épidermoïde (EGFR ou le HER1), le facteur de croissance vasculaire endothélial (VEGF)
et le récepteur de facteur de croissance HER2/neu.
Deux groupes de thérapies ciblées sont identifiées : les anticorps monoclonaux et les
petites molécules inhibitrices ou « small molecule inhibitors ». Les anticorps
monoclonaux ciblent les composés extracellulaires comme les ligands ou les domaines
de fixations sur les récepteurs. A l’inverse, les petites molécules inhibitrices entrent dans
les cellules, bloquent les récepteurs des voies de signalisation et interfèrent avec des
molécules intracellulaires intervenant dans l’activation des récepteurs.
Plusieurs mécanismes d’action sont identifiés pour les anticorps monoclonaux. Ils
agissent par :
- Activation de la voie classique du complément en se fixant à la cellule d’intérêt
(site moléculaire). On parle de cytotoxicité complément-dépendante (Complement
Dependent Cytotoxicity, CDC). La cellule est détruite par lyse osmotique grâce à
une attaque de la membrane.
- Attraction de cellules tueuses de type lymphocytes NK (Natural Killer). L’anticorps
forme un pont entre la cellule cible et le lymphocyte (porteur de récepteurs pour
le fragment constant, Fc), ce dernier libère des substances cytotoxiques
(perforines) à l’origine de pores dans la membrane de la cible. La voie des capsases

19
est activée par des granzymes entrant dans la cellule par les pores et qui conduit
à l’apoptose de la cellule. On parle de cytotoxité cellulaire dépendant des anticorps
(Antibody Dependent Cell-mediated Cytotoxicity, ADCC).
- Phagocytose. Les cellules phagocytaires (monocytes, macrophages,
polynucléaires) ont aussi des récepteurs pour le Fc des immunoglobulines
(anticorps monoclonaux). Ils interviennent en englobant et digérant la cellule cible.
L’intérêt du mécanisme phagocytaire est l’expression des épitopes (initialement
des cellules anormales) en surface des phagocytes. Cela conduit à la stimulation
de la réponse immunitaire contre ces déterminants antigéniques et à l’activation
des lymphocytes T antitumoraux.
- Interaction directe avec l’antigène cible. La simple interaction de l’anticorps avec
la cellule cible peut avoir une influence directe sur la physiologie de la cellule
tumorale : en induisant l’apoptose, en augmentant la sensibilité à la chimiothérapie
ou en inhibant la croissance cellulaire (24).

Ces traitements sont également classés selon leurs cibles. En premier, le groupe
intervenant au niveau des protéines kinases. On distingue la tyrosine et sérine/thréonine
kinases. C’est grâce à la présence de certains signaux induits par l’activation de ces
kinases (par phosphorylation) que se déroule la prolifération cellulaire tumorale. Ces
kinases sont impliquées dans la régulation de protéines intervenant dans la prolifération,
survie cellulaire, le processus de migration et d’invasion, et dans l’angiogenèse.
Le deuxième groupe intervient au niveau des récepteurs membranaires (sus mentionnés
avec les anticorps monoclonaux) et de récepteurs de facteurs de croissance tel que le
facteur de croissance épidermoïde (Epidermal Growth factor, EGF-R) – ces derniers sont
bloqués par des anticorps monoclonaux ou par des petites molécules agissant sur
certaines voies de signalisation contrôlant la prolifération cellulaire. Les agents
antiangiogéniques bloquent les récepteurs du facteur de croissance vasculaire endothélial
(Vascular Endothelial Growth Factor, VEGF). Le troisième groupe correspond aux
inhibiteurs du système du protéasome. Ce système est l’un des deux mécanismes par
lesquels les protéines intracellulaires sont détruites. Dérivés de l’acide boronique, ces
agents inhibent l’activité chymotrypsine ce qui conduit au blocage de l’activité thréonine
protéase : la dégradation des protéines régulant le cycle cellulaire est diminuée (IκBα,

20
cycline E, p53 ou p27). La prolifération cellulaire tumorale est amoindrie et il y a
induction de l’apoptose (25,26).

Les thérapies ciblées ont élargi le concept de traitement anticancéreux individualisé car
les molécules utilisées peuvent être effectives sur une cible moléculaire spécifique et ne
pas l’être en l’absence de cette cible. La réponse au traitement est donc dépendante de
multiples paramètres tels que le sexe du patient, son origine ethnique ou encore
l’histologie de la tumeur (27). Aujourd’hui, la recherche s’oriente d’avantage vers les
protocoles qui ciblent avec plus de précision le foyer cancéreux avec un objectif double :
avoir un meilleur impact sur le cancer et éviter au maximum les tissus sains environnants.
Les études sont basées sur différentes combinaisons de molécules, sur le développement
d’anticorps monoclonaux et liposomaux, stratégie pour mieux cibler les cellules
cancéreuses, sur l’utilisation d’agents chimioprotecteurs, sur la transplantation de
cellules souches hématopoïétiques et sur la recherche d’agents échappant au phénomène
de chimiorésistance (16).

I.2.2 L’émergence des Soins de Support


Les soins de support sont nés d’une demande des malades pour une prise en charge
globale et de la sensibilité grandissante des acteurs de la santé pour la qualité de vie des
patients. Le professeur Jean Klatersky s’est intéressé dès les années 80 à la survenue
des effets indésirables chez ses patients atteints de cancer. Initialement spécialisé en
infectiologie puis en cancérologie, ce professeur s’attache particulièrement à
l’amélioration du taux de survie du patient ayant son système immunitaire affaibli par la
chimiothérapie. Il est à l’origine du concept de soins de support et est le célèbre auteur
du livre « Supportive care in Cancer ». En 1992, les Dr Hans-Jorg Senn et Dr Richard
Gralla se joignent à lui autour de la question de l’importance égale des soins de « care »
aux patients avec le traitement curatif du cancer. La première définition du soin de
support est posée : « It was all the care you provide to cancer patients outside specific
anticancer therapy. It means you are preventing complications not only related to the
cancerous disease itself, but also related to the therapy. Supportive care starts with the
diagnosis of cancer, and goes through the whole evolution, encompassing psychological

21
support, end of life, pain, antiemetics, antibiotics and so on. Besides anti-cancer therapy,
everything is supportive care. »1 Commence alors la création d’associations sur cette
thématique de gestion des effets indésirables chez les patients (8). Au début du XXème
siècle, les malades se regroupent eux aussi sous forme d’associations et de réseaux pour
influencer les autorités et avoir un impact sur le plan cancer. La mesure 42 du Plan Cancer
en France prévoit le développement des soins de support et insiste sur le développement
de la prise en charge de la douleur et de la psycho-oncologie (7).
Des outils d’évaluation du bien être des patients et des symptômes associés à la
pathologie cancéreuse sont développés (8). Ils ont pour objectif d’évaluer par exemple
la fatigue, l’état psychologique, la douleur et les conséquences de ces symptômes sur la
qualité de vie du patient. Pour évaluer l’intensité de la douleur, l’équipe soignante soumet
au patient des schémas, échelles ou règles afin de faciliter l’expression de l’intensité de
la douleur et sa localisation. Pour la fatigue, le clinicien dispose d’outils de mesure tels
que le Rhoten Fatigue Scale (RFS), le Piper fatigue self-report scale ou encore le
Functional Assessment of Cancer Therapy avec la sous partie fatigue. Ces trois exemples
évaluent soit le niveau de la fatigue de façon générale, soit sont spécifiques à un certain
type de cancer ou à un type de traitement anticancéreux (28).
Ces soins de support reposent sur une collaboration multi professionnelle entre
médecins, infirmières, nutritionnistes, kinésithérapeutes, psychologues, diététiciennes,
assistantes sociales, bénévoles… Et aussi multidisciplinaire, car elle associe des
oncologues, anesthésistes, chirurgiens, radiothérapeutes, radiologues, psychiatres, etc.
« L'idée-force, c'est qu'il n'y a pas de raison de limiter cette prise en charge globale aux
situations palliatives avancées. Les malades complexes, pour lesquels il faut coordonner
de multiples intervenants, sont souvent des patients en soins palliatifs, qui ne vont pas
guérir. Mais ceux en phase curative ont aussi de gros besoins dont la prise en compte

1
Ce sont tous les soins que vous prodiguez aux patients cancéreux en dehors d'une
thérapie anticancéreuse spécifique. Cela signifie que vous prévenez non seulement les
complications liées à la maladie cancéreuse elle-même, mais également au traitement.
Les soins de support commencent par le diagnostic du cancer et suivent toute l’évolution
de la maladie, ils comprennent le soutien psychologique, la fin de vie, la douleur, les
antiémétiques, les antibiotiques, etc. Outre la thérapie anticancéreuse, tout est un
traitement de soutien.

22
influe sur l'efficacité des soins et le retour à la vie normale », insiste le Dr Laure Copel,
oncologue (Institut Curie, Paris).

I.2.2.1 Soins de support et soins palliatifs


Il est difficile de faire la différence dans la littérature (médicale et non médicale) entre
les soins de support et les soins palliatifs. Ces derniers sont prodigués avec un objectif
principal : le soulagement des symptômes. Ils sont applicables durant les deux phases
palliatives :
- en phase palliative « initiale » : le traitement spécifique est en cours avec pour but
une stabilisation de la pathologie, une réponse complète, partielle et/ou temporaire
et/ou une amélioration de la qualité de vie,
- en phase palliative « terminale » : il n’y pas ou plus de traitement spécifique.
C’est au cours de cette seconde phase que l’on retrouve les structures fixes ou mobiles
accompagnant le malade vers la fin de vie. C’est également à ce stade qu’il y a
intervention des équipes impliquées dans les soins de support, par exemple pour la
douleur, l’accompagnement psychologique de la personne et de son entourage, la
nutrition, etc. L’accent est donné au confort du patient et conduit à des choix médicaux
plus restrictifs.
Le concept de soins de support possède une dimension plus globale de
l’accompagnement du patient. Il n’y pas uniquement le soulagement du symptôme et
s’étend à tous les stades de la maladie. Les soins oncologiques de support sont donc du
ressort d’équipes multidisciplinaires (spécialistes, kinésithérapeutes, psychologues,
médecin généraliste, etc.).
Historiquement, les soins palliatifs sont apparus en premier dans l’organisation des
soins. Ils ont conservé une connotation de fin de vie. Les soins supportifs ont été
développé pour compléter les soins palliatifs. On note également une différence de
définition entre les soins de support et les soins palliatifs entre les pays anglophones et
la France. Les pays anglo-saxons ne définissent pas les soins de support tout au long de
la vie du patient et n’englobe pas la partie correspondante aux soins palliatifs. En France,
les soins palliatifs sont compris dans la notion des soins de support.

23
I.2.2.2 Les différents types de soins de support
Nous détaillons ici les principaux effets secondaires expérimentés par le patient, toute
pathologie cancéreuse confondue, et pour lesquels il est possible de mettre en place des
« soins de support ».

I.2.2.2.1 Gestion de la douleur chez les patients atteints de cancers

La prévalence de la douleur chez les patients atteints de cancers après un traitement


curatif est de 30 à 60% (29). Les patients atteints d’hémopathies malignes telles que le
lymphome ou la leucémie ne souffrent pas seulement dans les derniers mois de vie mais
dès le diagnostic et pendant toute la durée du traitement de leur maladie (30). La douleur
en oncologie est complexe : elle a souvent plusieurs étiologies et mécanismes, d’où la
nécessité de la ré évaluer sans cesse. Elle résulte en général de l’association de la douleur
causée par la tumeur et à son évolution ainsi que la douleur iatrogène causée par le
traitement. La douleur s’accompagne de stress psychologique et interfère dans la vie
quotidienne du patient sur le plan nutritionnel, sur le sommeil et sur les interactions
sociales. La douleur associée à la pathologie cancéreuse peut être aiguë ou chronique.
Les problèmes de douleurs chroniques sont pour 15 à 25% d’origine secondaire au
traitement du cancer (31).
L’évaluation du niveau de douleur ressentie par le patient est essentielle pour une
bonne prise en charge. L’intensité, la qualité, la durée, la localisation et les autres
symptômes associés sont des éléments pris en compte lors de l’établissement d’une
thérapeutique. Trois échelles sont utilisées pour mesurer objectivement et de façon
reproductible l’intensité de la douleur expérimentée par le patient. L’échelle visuelle
analogique (EVA) consiste en une réglette à deux faces avec curseur mobile pour le
patient. L’échelle numérique (EN) utilise simplement une graduation à 11 chiffres, le
patient annonce le score qu’il estime ressentir. Enfin, l’échelle verbale simple (EVS)
permet de qualifier avec des mots l’intensité de la douleur.
Les douleurs neuropathiques proviennent d’une lésion du nerf ou d’un
dysfonctionnement du système nerveux. Un traitement spécifique est mis en place avec :
- Des anticonvulsivants (Gabapentine, prégabaline, lamotrigine, valproate de
sodium),

24
- Et/ou antidépresseurs (Tricycliques et inhibiteurs sélectifs de la sérotonine,
noradrénaline, venlafaxine et duloxetine),
- Le traitement peut être également complété avec des antalgiques voire selon la
décision en unité de douleur : avec de la capsaïcine à 8% (patch à placer en
hospitalisation), des perfusions d’anesthésiques ou de kétamine, une
neurostimulation épidurale, médullaire ou cérébrale.
L’arbre décisionnel pour soulager la douleur neuropathique commence par un choix entre
une thérapie médicamenteuse ou non médicamenteuse (neurostimulation transcutanée,
acupuncture,..). Si l’option médicamenteuse est faite, on met en place des topiques
locaux. En cas d’inefficacité, des anticonvulsivants ou antidépresseurs prennent le relai.
Les morphiniques sont utilisés ensuite lorsque les thérapies précédentes ne soulagent
plus. Puis, on traite au centre de la douleur par des anti récepteurs NMDA/Ketamine en
intraveineuse (IV) ou des antiarythmiques/xylocaine en intraveineux. En dernier recours,
le traitement chirurgical est envisagé (5).

Pour les douleurs nociceptives, il s’agit d’un excès de stimulation d’un nocicepteur,
l’échelle des trois paliers de l’OMS (détaillée ci-dessous) est utilisée. L’organisation
mondiale de la santé (OMS) propose un schéma de prise en charge basé sur
« l’administration du bon médicament à la bonne dose et au bon moment » (Figure
5) (32). Dans une première étape de prise en charge de la douleur, le professionnel de
santé met en place un traitement initial à base de molécules non opioïdes lorsque la
douleur est jugée peu importante. Si la douleur persiste ou si le patient ressent une
augmentation de la douleur (mesure via les échelles d’intensité), il y a mise en place
d’une thérapie à base d’opioïdes en association ou non avec d’autres molécules
antalgiques. Enfin si la douleur persiste, le traitement se compose de morphiniques en
association ou non. Cette échelle de soulagement de la douleur permet ainsi une escalade
progressive des thérapies antalgiques et évite la sur médication dès le début de
l’apparition de la douleur.

25
Etape 3
Opioïdes pour
douleur modérée à
sévère (morphine)
Persistance ou +/- médicament non
augmenta on opioïde
de la douleur +/- adjuvant
Etape 2
Opioïdes pour
douleur faible à
modérée (codéine)
Persistance ou
+/- médicament
augmenta on
de la douleur non opioïde
+/- adjuvant
Etape 1
Médicament non
opioïde
(aspirine, paracétamol,
an -inflammatoires
non stéroïdiens) +/- Douleur
adjuvant contrôlée

Figure 5 : Échelle soulagement de la douleur (d’après l’OMS)

Les répercussions de la douleur sont de trois ordres :


- Physiques, avec la diminution des capacités physiques, fonte musculaire, escarres,
insomnie, constipation ;
- Psychologiques : anxiété, changement d’humeur, détresse psychologique,
dépression ;
- Sociales : altération de la capacité à travailler, à avoir une vie sociale « normale »,
à participer aux activités quotidiennes.

I.2.2.2.2 Nausées et vomissements

Deux types de nausées et vomissements sont à distinguer :


- Nausées et vomissements induits par la chimiothérapie ;
- Nausées et vomissements chroniques : ils correspondent à la présence de nausées
plus d’une fois par semaine en l’absence de causes identifiées. Il s’agit souvent
d’une anomalie multifactorielle qui doit être traitée sur le long terme.

26
Les mécanismes de nausées et vomissements sont contrôlés par le système nerveux
central. La nausée est due au système nerveux autonome. Le vomissement est un réflexe
complexe résultant d’une convergence de stimulations afférentes depuis : la zone
chémosensible (CTZ, chemoreceptor trigger zone), le cortex cérébral et le système
limbique (stimuli sensoriels, psychologiques), le système vestibulaire de l’oreille interne,
des stimuli périphériques (nerfs sympathiques des organes viscéraux et de l’appareil
vasculaire) – ces stimuli sont dus à des substances endogènes ou exogènes s’accumulant
lors d’inflammation, ischémie, ou d’irritation.
Le centre du vomissement (bulbaire), les cellules entérochromaffines du tractus
gastrointestinal et les neurotransmetteurs (sérotonine, substance P, dopamine,
histamine) déchargent des impulsions efférentes transmises à la musculature
abdominale, aux centres de salivation et de la respiration. Il en résulte l’expulsion du
contenu de l’estomac, du duodénum, du jéjunum à travers la cavité buccale.
Les nausées et vomissements sont les symptômes les plus redoutés des patients prenant
un traitement anticancéreux. Environ 80% des patients traités par chimiothérapie ont eu
des nausées et vomissements. Le déclenchement, la sévérité et la durée des nausées et
vomissements varient selon les facteurs tels que la localisation de la tumeur, les
protocoles et les agents de chimiothérapies utilisés.
Les nausées et vomissements sont classés comme suit :
- Aiguës : lorsqu’ils surviennent dans les 24 heures après la chimiothérapie ;
- Retardés : lorsqu’ils surviennent plus de 24 heures après la chimiothérapie ;
- Anticipés : ils surviennent avant un nouveau cycle de chimiothérapie, en général
après 3 ou 4 cycles ;
- Réfractaires : les nausées et vomissements ne répondent pas au traitement anti
émétiques ;
- Chroniques chez les patients avec cancer au stade avancé : différentes étiologies
sont en cause pour ce type de nausées et vomissements , elles ne sont pas bien
connues (potentiellement une combinaison de facteurs métaboliques, gastro-
intestinaux, iatrogènes, de toxicités dues à radio ou chimiothérapie) (33)(34).

La société américaine d’oncologie clinique (ASCO) donne les risques émétisants des
agents utilisés en chimiothérapie (35).

27
Tableau 1 : Molécules à risque émétique d’après l’Observatoire des Médicaments
Dispositifs Médicaux Innovations Thérapeutiques du Centre (36)
POTENTIEL
HAUTEMENT
ÉMÉTISANT
POTENTIEL MOYENNEMENT ÉMÉTISANT GROUPE III :
GROUPE IV :
fréquence vomissements 30 à 90%
fréquence
vomissements >
90%
Altrétamine Aldesleukine ≥ Cytarabine > 500 Lomustine
Carmustine ≥ 250 12-15 MUb/m2 mg/m2 Melphalan i.v. ≥ 50
mg/m2 Cisplatine ≥ Amifostine > 300 Dactinomycine mg/m2
70 mg/m2 mg Amsacrine Daunorubicine Méthotrexate 250-1
Cyclophosphamide ≥ Azacitidine Doxorubicine 000 mg/m2
1,5 g/m2 Bendamustine Épirubicine Mitoguazone
Dacarbazine Busulfan > 4 mg/j Étoposide per os Oxaliplatine ≥ 75
Méchloréthamine Carboplatine Fotemustine mg/m2
Melphalan haute dose Carmustine < 250 Idarubicine i.v. et Pentostatine
Procarbazine mg/m2 per os Ifosfamide Raltitrexed
Streptozocine Cisplatine < 70 Imatinib Témozolomide
Trabectedine mg/m2 Irinotécan Trétinoïne
Cyclophosphamide Trioxyde d’arsenic
< 1,5 g/m2 Vinorelbine per os
Cyclophosphamide
per os
POTENTIEL ÉMÉTISANT FAIBLE POTENTIEL ÉMÉTISANT TRÈS FAIBLE
GROUPE II : fréquence vomissements GROUPE I : fréquence vomissements
10 à 30% < 10%
5-fluorouracile Fludarabine per os Alemtuzumab Melphalan per os
Aflibercept Gemcitabine Asparaginase Méthotrexate < 50

28
Amifostine ≤ 300 Ixabépilone Axitinib mg/m2
mg/m2 Bexarotène Mercaptopurine Bévacizumab Nélarabine
Cabazitaxel Méthotrexate 50- Bléomycine Ofatumumab
Capécitabine 250 mg/m2 Bortézomib Panitumumab
Catumoxamab Mitomycine C Bozutinib Pegaspargase
Clofarabine Mitoxantrone Brentuximab Peginterféron
Cytarabine < 500 Nilotinib Busulfan < 4 mg/j Pembrolizumab
mg/m2 Dasatinib Oxaliplatine < 75 Catumaxomab Pentostatine
Dexrazoxane mg/m2 Cétuximab Pertuzumab
Docétaxel Paclitaxel Chlorambucil Pomalidomide
Doxorubicine Paclitaxel Cladribine Ponatinib
liposomale albumine Crizotinib Ramucirumab
Estramustine Panitumumab Cytarabine < 100 Rituximab
Éribuline Pemétrexed mg/m2 Sorafenib
Étoposide i.v. Pralatrexate Décitabine Sunitinib
Étoposide Phosphate Romidepsin Denileukin diftitox Thalidomide
Floxuridine Tamoxifène Erlotinib Thioguanine
Temsirolimus Fludarabine i.v. Trastuzumab
Trastuzumab Gefitinib Valrubicine
emtansine Gemtuzumab Vandetanib
Thiotepa Hydroxyurée Vemurafenib
Topotécan i.v. et Ozogamycine Vinblastine
per os Interféron alpha Vincristine
Vindesine Ipilimumab Vinflunine
Vorinostat Lapatinib Vinorelbine i.v.
Lénalidomide Vismodegib

Le développement de nouveaux antiémétiques a permis de diminuer l’incidence et


la sévérité de ces effets indésirables. Ils ont pour but de cibler le centre de contrôle du
vomissement. La CTZ et les neurorécepteurs périphériques possèdent des récepteurs à
la sérotonine, l’histamine, la dopamine, l’acétylcholine, les opioïdes, et autres substances
endogènes. Le mécanisme des anti émétiques est de bloquer ces récepteurs et

29
d’empêcher la stimulation des nerfs périphériques de la CTZ (37).
Les médicaments avec une activité antiémétique sont listés ci-dessous :
• Antagonistes compétitifs des récepteurs dopaminergiques (sous type D 2) au
niveau de l’area postrema: les phénothiazines (38), les butyrophénones
(halopéridol) (39), les substituts de benzamides (metoclopramide). Ils bloquent
les récepteurs dopaminergiques périphériques et/ou centraux, il y a inhibition de
l’effet émétique de la dopamine.
• Antagonistes compétitifs des récepteurs sérotoninergiques (5-hydroxytryptamine-
3 ou sous type 5-HT3). La sérotonine a une action émétogène massive lors de la
chimiothérapie (relarguage rapide par les cellules entérochromaffines
intestinales). Cette action est inhibée par les sétrons qui occupent les récepteurs
5-HT3 des terminations vagales.
• Antagonistes de substance P (antagoniste du récepteur de type 1 à la neurokinine,
anti NK-1). Le récepteur de la neurokinine 1 a pour ligand naturel la substance P
(neuropeptide de la famille des tachykinines). De nombreuses cellules ayant des
récepteurs NK1 sont situées à la base du cerveau et au niveau du complexe vagal.
La substance P en interagissant avec les R NK1 induit des vomissements.
L’antagoniste de la substance P se fixe sur le R NK1 et ainsi contribue à réduire la
survenue de vomissements. L’aprépitant est un exemple de molécule ayant une
action prolongée, il agit sur les vomissements aigus et les vomissements retardés.
• Corticostéroïdes (Dexaméthasone o Méthylprednisolone). Le mécanisme d’action
de cette classe est peu décrit, malgré un intérêt certain dans une chimiothérapie
faiblement émétisante ou en association pour faire face à un traitement
hautement émétisant.
• Benzodiazépines (lorazépam). Elles sont faiblement antiémétiques mais utiles par
leur potentialisation de l’action d’antiémétiques puissants (metoclopramide).
Les antagonistes des récepteurs de type 3 à la sérotonine (anti-5HT3 ou sétrons)
et les antagonistes des récepteurs de type 1 aux neurokinines (anti-NK1) sont les
traitements les plus connus et utilisés dans la prophylaxie des nausées et vomissements.
Les corticoïdes sont également associés pour leur effet de potentialisation des autres
antiémétiques (40).
La principale conséquence de ces effets secondaires à la chimiothérapie est la

30
dégradation de la qualité de vie du patient et du risque de non observance voire de l’arrêt
du traitement (41).

I.2.2.2.3 Neutropénies

La neutropénie est une complication majeure de la morbidité du traitement


anticancéreux. Elle se définit par une chute des polynucléaires neutrophiles inférieurs à
1 500/mm3 de sang. Comme nous l’avons précédemment expliqué (Partie I.2.1.3), les
agents utilisés en chimiothérapie peuvent cibler les cellules à fort taux de division, ce
mécanisme d’action entraine l’atteinte des cellules de la moëlle osseuse à l’origine des
neutrophiles.
Quatre grades permettent de qualifier la sévérité de la neutropénie : elle est légère quand
le taux de neutrophiles est compris entre 1 000 à 1 500/mm3 de sang, elle est modérée
pour un taux entre 500 à 1 000 neutros/mm3 de sang. La neutropénie est sévère (grade
4) lorsque le taux est inférieur à 500/mm 3 ou inférieur à 1 000/ mm3 avec une chute à
500 dans les 48 heures. On parle d’agranulocytose pour moins de 100/mm 3 de sang. La
neutropénie fébrile correspond au taux diminué de neutrophiles associé à une fièvre de
38.3°C.
On note ces protocoles de chimiothérapie à haut risque de neutropénies fébriles:
• > 20%: topotecan intraveineux; carboplatine-docetaxel ; cisplatine – etoposide
• 10-20%: carboplatine-etoposide; cyclophosphamide-doxorubicine-vincristine
(CAV) ; cisplatine-paclitaxel ; cisplatine-docetaxel ; cisplatine – vinorelbine
• < 10%: docetaxel ; carboplatine-paclitaxel (Bevacizumab) ; cisplatine-
gemcitabine
Un traitement prophylactique est possible pour contrecarrer l’apparition de la
neutropénie. Les recommandations de l’European Organisation for Research and
Treatment of Cancer (EORTC) citent des facteurs de croissance comme solutions
préventives pour la survenue de neutropénie fébrile. Le Granulocyte Colony-Stimulating
Factor (G-CSF) et le Granulocyte Macrophage-Colony Stimulating Factor (GM-CSF)
agissent sur les progéniteurs des polynucléaires neutrophiles en accélérant leur
formation.

31
Plus spécifiquement, le G-CSF a une activité sur les progéniteurs différenciés en
améliorant la survie, l’activité phagocytaire, antimicrobienne et la cytotoxicité anticorps-
dépendante (42).

L’efficacité du traitement anticancéreux peut être compromise du fait de retard ou


de diminution de dose de la chimiothérapie (changement de dose pour faciliter la
récupération du patient). Pour une bonne prise en charge de la neutropénie, il faut
reconnaître rapidement et agir en conséquence si il y a une infection. Le patient doit être
sensibilisé au point d’appel tel que la température corporelle (43).
Le traitement de la neutropénie fébrile est fonction de la présence de signes de
sévérité. En cas de choc septique, il y a mise en place dans l’heure d’une antibiothérapie
avec des béta lactamines antipyocyaniques, des aminosides et glycopeptides. Sans
signes de sévérité immédiate et si la neutropénie conserve un risque élevé (présence de
comorbidité, état clinique instable, etc), il est mis en place une monothérapie de type
imipénème ou céfépime. Si le risque est bas, l’association amoxicilline-acide clavulanique
et ciprofloxacine est choisie. L’instauration de l’antibiothérapie a pour objectif d’éliminer
l’infection bactérienne existante.
Les recommandations actuelles sont de traiter en prophylaxie avec un facteur de
croissance myéloïde les patients sous chimiothérapie et ayant un risque de 20% ou plus
d’avoir une neutropénie fébrile (44).
La neutropénie fébrile peut entraîner des conséquences graves comme
l’augmentation du risque de mortalité. Cette complication est considérée comme une
urgence oncologique. Les infections les plus graves (à bactéries gram négatif) sont
potentiellement mortelles. Celles provoquées par les bactéries à gram positif, les
infections fongiques et virales, restent également à haut risque pour la personne
immunodéprimée. Sans fièvre, la neutropénie peut toutefois conduire à des délais
augmentés pour l’administration de la chimiothérapie, et parfois des modifications de
doses. Ces changements peuvent également avoir un impact sur l’évolution du cancer,
un délai dans la thérapie augmentant le risque d’apparition de métastases.
L’hospitalisation du patient est envisagée dans les cas sévères de neutropénie : la
réorganisation personnelle de la personne entraine alors un impact sur le moral.

32
I.2.2.2.4 Support nutritionnel

Le support nutritionnel fait partie des soins oncologiques de support dans cette
démarche de personnalisation du soin en fonction des besoins du patient. Il a pour but
de maintenir ou rétablir un état nutritionnel satisfaisant. Il doit être mis en place avant
même l’initiation du traitement et se poursuit après le traitement. Le conseil diététique
personnalisé, les Compléments Nutritionnels Oraux (CNO) et la nutrition artificielle
(entérale et parentérale) font partie des supports nutritionnels. Le conseil diététique
personnalisé se compose d’entretiens avec un expert diététique qui évaluera l’état
nutritionnel du patient et prodiguera des conseils adaptés aux besoins du malade tout au
long de la maladie.
Le support nutritionnel s’adapte au patient en fonction du trouble/symptôme
présenté :
• Nausées, dégoûts : les conseils associés visent à fractionner la prise
alimentaire, limiter les aliments trop chauds ou trop épicés et à odeur forte.
• Perte du goût : la stratégie consiste à restimuler les papilles en renforçant
la saveur des aliments grâce au sel, sucre, citron ou épices.
• Inflammation des muqueuses de la bouche et de l’œsophage : il convient
de consommer des aliments onctueux, liquides et semi-liquides. A contrario, on conseille
d’éviter les aliments difficiles à avaler (durs, acides ou piquants).
• Diarrhée : les mesures diététiques classiques sont l’éviction des fibres
(légumes et les fruits crus), des laitages et de la nourriture grasse. Certains aliments
sont privilégiés pour soulager une diarrhée comme les carottes cuites, le riz, les pâtes,
les bananes. Une hydratation importante est également indispensable.
• Constipation : à l’inverse de la diarrhée, les fibres végétales sont à
privilégier, de même que l’hydratation.
Lorsqu’ils sont insuffisants, ces conseils pratiques sont complétés par des solutions types
CNO, préparations alimentaires apportant calories, protéines, vitamines et minéraux. Si
la nutrition orale ne permet pas de soutenir un état nutritionnel satisfaisant et de façon
à prévenir la dénutrition (pour éviter des complications majeures impactant la prise en
charge du cancer), on met en place une solution médicale : la nutrition artificielle. On
distingue la nutrition entérale et parentérale. Elle a vocation de compléter la nutrition
orale (autant que possible).

33
La pharmaconutrition est utilisée dans certaines situations pré ou post opératoires
(chirurgie à risque), lors d’une radiothérapie ou radiochimiothérapie à visée curative pour
réduire les toxicités (mucites) et dans des cas particuliers d’allo/autogreffes de moelle.
Elle correspond à l’utilisation des pharmaconutriments. Ce sont les substrats nutritionnels
capables de moduler les fonctions immunitaires de l’organisme. L’objectif est de diminuer
la morbidité chez le patient ayant subi une chirurgie et de permettre la réalisation
complète du traitement pour le patient traité par chimiothérapie (2). La perte de poids
par rapport au poids antérieur altère le pronostic chez le patient atteint de cancer. Selon
le référentiel de l’Association Française en Soins Oncologiques de Support (AFSOS), une
perte de poids de plus de 10% en chirurgie et de plus de 5% en oncologie médicale
augmente le risque de survenue de complications post-opératoires, de toxicités de la
chimiothérapie et de la radiothérapie, diminue la survie et altère la qualité de vie.
Les effets directs et indirects du cancer conduisent à des problèmes de
malnutrition tels que les changements de goûts, la dysphagie, la douleur, les obstructions
gastro-intestinales et la diminution de la sensation de faim. Diverses tumeurs malignes
altèrent le métabolisme des nutriments provoquant ainsi des pertes majeures de poids
total et de masse maigre sur le long terme (45). Les patients atteints de cancer sont
amaigris pour 30 à 50% des cas et parfois dénutris avant l’initiation du traitement,
particulièrement avec les tumeurs des voies aérodigestives supérieures, de l’estomac, du
poumon, du pancréas, des ovaires et en hématologie lourde. La prévalence des patients
dénutris atteints de cancer est d’environ 40%. Cet état nutritionnel conduit à un
affaiblissement général de l’organisme, à une augmentation de la toxicité du traitement
et donc à une mortalité plus importante versus un patient non dénutri (46).

I.2.2.2.5 Support hématologique

Les complications hématologiques survenant pendant la maladie - thrombopénie,


neutropénie, troubles de l’hémostase, anémie – sont d’origine multiple. Elles sont liées à
l’évolution de la maladie (envahissement médullaire, déficit de production ou excès de
dégradation des lignées sanguines) et au traitement cytotoxique.
La thrombopénie (< 150 G/L de plaquettes), accroît le risque de saignement. On note
principalement deux causes à cette diminution : soit une destruction trop importante (qui
peut être la cause d’agents thrombogènes comme le tamoxifène ou le bévacizumab), soit

34
une diminution de la production. Cette diminution peut provenir d’un déficit de la vitamine
B12 suite à une radiothérapie. La prise en charge de la thrombopénie survenant au cours
d’un cancer implique un traitement par héparine de bas poids moléculaire (énoxaparine,
daltéparine, tinzaparine) pendant 3 à 6 mois selon la tolérance du patient. Lorsque la
thrombopénie survient pendant un traitement par chimiothérapie avec un taux de
plaquettes inférieur à 50 G/L, on arrête le traitement par héparines de bas poids
moléculaire. Il est repris quand les plaquettes dépassent la concentration de 50G/L. En
fonction de la balance bénéfice/risque, les antivitamines K sont également utilisés (état
général, interactions médicamenteuses, chimiothérapie, procédure invasive).
La neutropénie, décrite précédemment dans le paragraphe 2.4.3, est responsable de
retard et/ou de réductions des doses dans le traitement anticancéreux.
Le sujet de l’anémie et les SOS associés est abordé en deuxième partie de ce document.

I.2.3 Organisation des soins de support en France


Mentionnée précédemment dans le paragraphe I.2.1, la circulaire de 2005 sert de
structure pour l’organisation des Soins Oncologiques de Support. Sont inclus dans les
Soins de Support en France : les équipes douleur, les soins palliatifs, le soutien
psychologique, le soutien social, la diététique, la rééducation fonctionnelle, la socio-
esthétique et l’art thérapie.
L’organisation des soins de support a pour but d’assurer une bonne coordination, de
faciliter les échanges et de renforcer les compétences des équipes soignantes pour
améliorer le bénéfice du patient.
Cette organisation se traduit par :
- Une évaluation régulière des besoins du patient par les équipes référentes dès le
diagnostic- l’annonce de la pathologie puis tout au long de la maladie. On note
notamment l’intérêt d’avoir des outils d’évaluation commun entre les différents
services (hôpital) et au domicile ainsi que l’importance d’une traçabilité de ces
évaluations ;
- Une coordination à la fois dans les établissements et au domicile. Elle prend la
forme de réunions pluridisciplinaires et de dossier patient commun de cancérologie
(avec une partie dédiée aux SOS) pour transmettre et analyser les situations
cliniques entre les équipes référentes et celles de SOS. Ces rencontres permettent

35
une anticipation des situations, une mise en place de traitements adaptés et une
réponse homogène/commune entre les professionnels impliqués auprès du
malade. Les demandes sont centralisées, analysées et le meilleur interlocuteur de
SOS est identifié. On retrouve une structure similaire au domicile : les réseaux
territoriaux coordonnent les SS et les soignants libéraux conduisent les
évaluations régulières ;
- L’aménagement de temps d’information pour chaque changement de lieu de
soins pour faciliter la compréhension et l’adhésion du patient (identification des
acteurs, protocoles, point sur les besoins) (47,48).
L’Association Francophone des Soins Oncologiques de Support (AFSOS) a conduit en
2013 une étude sur les réalités des pratiques et la connaissance des SOS en recueillant
les informations sur l’ensemble du territoire national auprès de 711 médecins-oncologues
et 1562 patients. L’enquête fait un état des lieux de l’organisation nationale, des
pratiques (consultations, traitements proposés) et de l’information communiquée au
patient. Les résultats montrent que les SOS ne sont pas encore connus des patients, 34%
des répondants en ont entendu parler (49).
Après avoir expliqué le concept des soins de support, retracé les mécanismes du cancer
et détaillé les traitements possibles, il convient de développer une conséquence
susceptible de survenir pendant la thérapie anticancéreuse. Nous nous intéressons dans
la prochaine partie à l’anémie chimio induite, complication hématologique plus ou moins
fréquente selon les protocoles choisis.

36
II. L’ANEMIE

II.1 Définition
L’étymologie du mot anémie vient du grec αἰμα, αἰματος : le sang avec le « a »
privatif signifiant le manque ou l’insuffisance de sang. Selon l’Organisation Mondiale de
la Santé (OMS), l’anémie est caractérisée par un nombre de globules rouges ou une
capacité de transport d’oxygène insuffisant pour répondre aux besoins physiologiques qui
varient avec l’âge, le sexe, l’altitude, le tabagisme et la grossesse (50). Elle se caractérise
également par la diminution d’hémoglobine (Hb) par unité de sang. Pour un taux
d’hémoglobine inférieur à 13 g par dL de sang chez l’homme, un taux inférieur à 12 g
chez la femme et inférieur à 11 g chez la femme enceinte, on parle d’anémie. Les origines
physiopathologiques de l’anémie sont regroupées dans trois catégories : la diminution de
production de globules rouges (GR) fonctionnels, l’augmentation de la destruction des
GR et la perte de sang.
L’échelle de l’Institut National du Cancer (NCI) propose une classification de
l’anémie par degré selon la sévérité de celle-ci (51): elle varie entre les grade 1 et 5, le
grade 1 correspond à une anémie « légère », le taux d’hémoglobine est compris entre 10
g/dl et le seuil du taux normal selon l’individu. Le grade 4 correspond à l’engagement du
pronostic vital avec un taux d’Hb compris entre 8 g (non inclus) et 6,5 g/dl. Au delà, le
décès est classé comme grade 5.

Tableau 2 : Seuil d’hémoglobine en fonction du grade de l’anémie d’après le NCI


Grades Seuils (taux d’Hémoglobine en g/dl)
1 (léger) 10 – limite inférieure normale
2 (modéré) 8 < 10
3 (sévère) 6,5 < 8
4 (menace vitale) Menace vitale
5 (décès) Décès

37
II.2 Physiopathologie
II.2.1 L’hématopoïèse
L’hématopoïèse est le mécanisme de production continue et régulée des cellules
sanguines à partir d’une cellule souche pluripotente. La production de cellules sanguines
chez l’adulte sain est de 1011 à 1012 par jour, ces cellules nouvellement formées
remplacent les cellules sénescentes : la numération des cellules sanguines reste ainsi
constante. Cette production de cellules a lieu dans la moelle osseuse rouge, au niveau
des os plats et des épiphyses des os longs chez l’adulte. Pendant le développement intra-
utérin du foetus, elle se déroule dans les îlots sanguins de la vésicule vitelline puis dans
le foie, la rate et les ganglions lymphatiques.
La cellule souche pluripotente se divise et se différencie en deux types de cellules
souches qui sont à l’origine de la lignée cellulaire myéloïde ou de la lignée cellulaire
lymphoïde. La lignée cellulaire myéloïde donne naissance aux macrophages, plaquettes,
érythrocytes, neutrophiles, éosinophiles et basophiles (cellules matures). Tandis que la
lignée lymphoïde conduit aux lymphocytes. La Figure 6 représente le développement des
cellules souches hématopoïétiques en cellules matures. On note le CFU-S (Colony
Forming Unit Spleen) correspondant à la cellule souche multipotente, indifférenciée et les
deux progéniteurs précoces des lignées lymphoïdes et myéloïdes – respectivement
nommés CFU-L (lymphoid) et CFU-GEMMk (Granulocytes, Érythrocytes, Monocytes et
Mégacaryocytes) (52).

38
Cellules souches
to potentes Progéniteurs Précurseurs Cellules matures

Pre-LT Lymphocyte T

CFU-L Pre-LB Lymphocyte B

Globule rouge
EPO
BFU-E
CFU-E Plaque e
EPO
CFU-S CFU-Mk
Monocyte Macrophage
CFU-M

CFU- CFU-GM Polynucléaire


GEMMk CFU-G
neutrophile

Polynucléaire
éosinophile
CFU-Eo
Polynucléaire
basoophile

CFU-B

MOELLE OSSEUSE SANG

Figure 6 : Schéma de l’hématopoïèse d’après Rang et Dale (53)

II.2.2 L’érythropoïèse
L’érythropoïèse correspond à la différenciation et à la maturation des cellules de
la lignée myléoïde à partir des cellules progénitrices. Les progéniteurs sont les cellules
engagées dans une lignée cellulaire, qui vont ensuite sous l’influence de facteurs de
croissance se différencier en précurseurs. L’érythropoïèse a pour progéniteurs les Burst
Forming Unit Erythroid (BFU-E) et les Colony Forming Unit Erythroid (CFU-E) qui se
différencient en précurseurs : les érythroblastes.
La cellule mature circulant dans le sang issue de l’érythropoïèse est l’érythrocyte ou
globule rouge.
Dans la première partie de la figure 7 intitulée « lignée cellulaire myéloïde », on distingue
la cellule souche hématopoïétique qui se différencie en progéniteur myéloïde commun
également nommé CFU-GEMM (Colony Forming Unit - Granulocytaire, Erythroblastique,

39
Monocytaire et Mégacaryocytaire) puis en progéniteur commun Erythroblastique et
Mégacaryocytaire (MEP). Ce dernier donne naissance aux deux progéniteurs spécialisés
BFU-MK ou E. L’un se différencie en mégacaryocyte puis en plaquette. L’autre devient
successivement le progéniteur CFU-E, le proérythroblaste, l’érythroblaste, le réticulocyte
puis le globule rouge.

II.2.2.1 Les facteurs de croissance


Ces étapes de différenciations et maturations cellulaires sont possibles sous l’influence
de facteurs de transcription et de croissance. On note l’expression de facteurs de
transcription comme le facteur GATA-1 à l’origine de l’activation de gènes de
différenciation érythroïdes et responsable de l’engagement des progéniteurs multipotents
dans la voie érythroïde. Ces facteurs régulent positivement l’expression de promoteurs
de gènes érythroïdes (glycophorine A, promoteur de globine, récepteur à
l’érythropoïétine). Le GATA-1 est indispensable pour les phases tardives de
l’érythropoïèse et participe à la régulation du gène antiapoptotique Bcl-xL.
L’antigène CD34 et le récepteur au Stem Cell Factor (SCF), C-kit sont exprimés au niveau
des progéniteurs les plus précoces. Progressivement, le récepteur à l’EPO est exprimé (à
partir du stade BFU-E), pour atteindre son maximum d’expression au niveau des CFU-E.
C’est également au niveau des CFU-E que s’expriment les antigènes spécifiques des
groupes sanguins ou encore la glycophorine A.
Les marqueurs non spécifiques (récepteur à la transferrine, antigène CD36) exprimés à
partir des BFU-E, sont utilisés pour identifier les progéniteurs de l’érythropoïèse.
Le SCF et l’EPO sont les deux facteurs de croissance indispensables pour donner
naissance aux globules rouges. Le SCF agit sur les phases précoces tandis que l’EPO
intervient à partir des BFU-E tardifs jusqu’aux érythroblastes. Nous développons en
II.2.2.2 (ci-dessous) les spécificités de l’érythropoïétine.
Le SCF interagit avec son récepteur, c-kit, possédant une activité tyrosine kinase. Il induit
des messages de survie et de prolifération pour les progéniteurs. Son rôle dans la
prolifération est renforcé avec le GM-CSF et l’interleukine 3 (IL 3). Il cible les progéniteurs
immatures avec des potentiels prolifératifs importants et permet leur expansion en
ralentissant le phénomène de différenciation.

40
Figure 7 : L’érythropoïèse et facteurs de croissance (54)
Proebl : proérythroblaste ; Baso : érythroblaste basophile ; Poly : érythroblaste
polychromatophile ; Acido : érythroblaste acidophile ; Ret : réticulocyte ; GR : globule
rouge.

II.2.2.2 L’érythropoïétine physiologique


Comme discuté précédemment, au cours du phénomène de l’hématopoïèse et plus
particulièrement de l’érythropoïèse, de nombreux facteurs de croissance vont influencer
le développement des cellules. Ces lignées sont régulées positivement et négativement
par des cytokines (petites protéines impliquées dans les voies de signalisation
cellulaires).
L’érythropoïétine (EPO), protéine appartenant à cette famille a été identifiée dès le début
du XXème siècle. L’EPO a une fonction stimulatrice de la production des globules rouges
et son action se concentre donc au niveau de la moelle osseuse et aussi dans le sang
périphérique.

41
Les principaux sites de production de l’EPO sont principalement le rein (au niveau
des cellules interstitielles péritubulaires) et le foie (au niveau des hépatocytes autour des
veines centro-lobulaires et des cellules de Ito). La production hépatique de l’EPO est
majoritaire chez le fœtus et devient rénale environ 40 jours après la naissance.
Cependant, en cas d’hypoxie sévère chez l’organisme adulte, le foie peut produire jusqu’à
30 % d’érythropoïétine.
La régulation de la production d’EPO est quant à elle liée à la quantité d’oxygène délivrée
aux tissus et au nombre d’érythrocytes circulants. Ainsi, la diminution du nombre de
globules rouges (exemple de l’anémie), l’augmentation des besoins en oxygène des tissus
ou encore la baisse de pression partielle en oxygène (exemple d’un séjour en altitude),
aboutissent à une sécrétion plus importante d’EPO.
L’EPO en stimulant la production de globules rouges permet l’apport d’oxygène dans les
cellules rénales, ces dernières diminuent alors leur synthèse d’EPO, ce qui entraîne
ensuite la diminution de production d’érythrocytes. Physiologiquement, il existe une
corrélation parfaite entre le taux d’EPO et le taux d’hémoglobine.
Chez l’adulte sain, le taux sérique normal d’EPO se situe entre 5 et 30 mU/mL (56) et
l’érythropoïèse dure cinq jours en moyenne et est réduite à deux jours sous l’influence
de l’EPO.
Cette production peut être altérée lors de pathologies ou de traitements cytotoxiques
conduisant à l’anémie (54,57).

II.2.2.3 Structure de l’érythropoïétine


Les facteurs de croissance hématopoïétiques possèdent une structure
tridimensionnelle relativement similaire se composant de quatre hélices alpha (α)
antiparallèles avec des séquences en acides aminés différentes. L’érythropoïétine est un
glycopeptide de poids moléculaire de 30kDa (kiloDalton) avec 165 acides aminés. Elle
possède une structure secondaire semblable à de nombreuses cytokines de la sous
famille de type IL-2 (interleukine de type 2) avec quatre motifs glucidiques (les quatre
hélices α sus-mentionnées). Ils sont stabilisés par un pont disulfure liant les atomes de
soufres des résidus cystéines : l’hélice A est connectée à l’hélice D via la Cys7 et Cys161,
tandis que l’hélice B et A sont liées par Cys29 et Cys33.

42
Ces motifs correspondent pour trois d’entre eux à de la N-glycosylation (Asn 24,
38 et 83) avec des parties glucidiques importantes et le quatrième site est un site de O-
glycosylation (Ser 126) et dont la partie glucidique est plus petite. Ces chaînes
glucidiques portent un nombre variable de branches, qui se terminent toutes par un
résidu d’acide sialique.
La partie protéique constante de l’EPO représente environ 60% de la molécule et
la partie glucidique variable 40%.

L’EPO endogène et l’EPO de synthèse sont semblables au niveau de la séquence


nucléotidique (leur enchaînement d’acide aminés est identique) mais elles se différencient
par la glycosylation. En effet, la glycosylation est une modification co- ou post-
traductionnelle et n’est pas codée par le gène humain que l’on utilise dans la biosynthèse
de l’EPO. On retrouve donc des différences de structure entre l’EPO endogène et celle
synthétisée – EPO recombinante selon le type cellulaire choisi pour la produire (58).

Figure 8 : Structure primaire de l’EPO endogène (59)

II.2.2.3.1 Récepteur de l’EPO et rôle (60,61)

43
Dans le paragraphe II.2.2.1 , nous avons vu que l’EPO exerce sa fonction de
facteur de croissance en agissant sur certaines cellules : elle se lie avec son récepteur
(EPO-R) présent en surface de cellules spécifiques, induit une cascade de réactions
intracellulaires et conduit à la production d’érythroblastes matures. Ces cellules cibles
sont principalement les progéniteurs érythroïdes : les récepteurs de l’EPO sont présents
sur les cellules BFU-E matures jusqu’aux érythroblastes, leur maximum d’expression
étant sur les CFU-E et les proérythroblastes.
Le récepteur de l’EPO (EPO-R) a une structure similaire aux autres récepteurs des
cytokines de types 1 et 2 : il s’agit d’un dimère avec un domaine d’activation de la voie
de signalisation JAK/STAT sur chaque monomère. Il est composé de 484 acides aminés
et pèse 52.6 kDa. La figure 9 représente le récepteur avec au niveau du domaine
extracellulaire deux domaines fibronectine de type III. Le domaine transmembranaire
correspond à une hélice alpha. Quant au domaine cytoplasmique, il se compose de deux
régions (box 1 et 2) : la boîte 1 (riche en prolines) avec les résidus 257-264, la boîte 2
avec les résidus 303-313, et la boîte variable (variable box) (entre boîte 1 et boîte 2). Le
site de liaison de la kinase JAK2 se situe au niveau des résidus 259-284.

44
Figure 9 : Schéma du récepteur de l’érythropoïétine d’après (62)

Pour rappel, les protéines STAT (signal transducers and activators of transcription)
sont des transmetteurs du signal et activateurs de transcription. Elles sont phosphorylées
par les tyrosine-kinases JAK (Janus Kinases) lorsque la cytokine interagit avec son
récepteur au niveau de la membrane plasmique de la cellule cible. Les STATs se
regroupent alors en dimères dans le cytoplasme et migrent vers le noyau pour stimuler
la transcription de gènes cibles (63).
Le modèle d’activation du récepteur de l’EPO semble se rapprocher de celui du récepteur
de l’hormone de croissance. En se fixant à deux sous unités d’un monomère, l’EPO
entraîne la dimérisation du récepteur. Cette dernière conduit à l’autophosphorylation des
kinases intracellulaires associées au récepteur, les kinases JAK2. Elles sont responsables

45
de la phosphorylation du récepteur lui-même. Les protéines STAT (STAT 5A et 5B) se
fixent au niveau du récepteur puis sont phosphorylées par JAK. Après dimérisation, STAT
migrent vers le noyau pour agir sur la transcription (et notamment sur le gène Bcl-xL
codant pour la protéine antiapoptotique). Il y a également activation intracellulaire de la
voie Ras/mitogen-activated kinase qui est impliquée dans la prolifération cellulaire de
facteurs de transcription (62).

II.2.2.4 Régulation de l’érythropoïèse


Nous avons évoqué en II.2.2.1 l’implication du facteur GATA-1 dans l’activation
de gènes de différenciation érythroïde. La production de ce facteur et celle de la protéine
antiapoptotique Bcl-xL sont finement régulées selon le taux d’apoptose des progéniteurs
et des précurseurs érythroïdes. L’enzyme caspase-3 est responsable de l’apoptose et est
également impliquée dans les modifications morphologiques réalisées lors de la
différenciation érythroïde terminale. Son activation au cours du processus de
différenciation ne conduit pas au clivage du facteur GATA-1 ni à l’apoptose cellulaire. En
effet, le GATA-1 est protégé par une protéine chaperonne : Hsp70 (Heat shock protein
70).
Avec le facteur GATA-1 intervient une protéine qui participe à l’augmentation de
l’expression de Bcl-xL : la protéine STAT5. Elle augmente ainsi la survie cellulaire.
La régulation positive de l’érythropoïèse est expliquée par une variation de
sensibilité entre les progéniteurs. Certains BFU-E ont une sensibilité à l’EPO très forte et
ont donc une survie importante malgré un taux faible d’EPO circulante. En plus de ce
premier mécanisme, le SCF renforce l’action simulante de l’EPO : le SCF active une PI 3-
kinase (phosphoinositide 3-kinase), cette dernière phosphoryle l’AKT (protéine kinase B)
qui elle-même phosphoryle des protéines comme la BAD (protéine de la famille des BCL-
2 – inductrice d’apoptose, BCL2-antagonist of cell death) et conduit à la libération de Bcl-
xL ; tandis que l’EPO active les STAT5 via la stimulation de son récepteur et comme
annoncé ci-dessus, les STAT5 augment l’expression de Bcl-xL. L’apoptose des
progéniteurs et des précurseurs érythroïdes est inhibée via la modulation de la protéine
Bcl-xL.

46
Figure 10 : Synergie entre Epo et SCF pour la survie cellulaire d’après (64).

La régulation négative de l’érythropoïèse est opérée principalement par la


diminution du taux d’EPO circulante. Un autre modèle de régulation négative implique les
récepteurs de mort type Fas. Il y a intéraction des Fas-ligand exprimés sur des
érythroblastes en fin de différenciation avec le récepteur Fas présents sur les
progéniteurs et précurseurs érythroblastiques précoces. La fixation du Fas ligand sur son
récepteur Fas entraîne l’activation de caspases et notamment la caspase-8 qui est
responsable de l’activation de la caspase-3. Cette dernière induit le clivage de protéines
utiles à la structure et à l’intégrité du noyau. La caspase 8 induit également le clivage
d’une protéine, Bid, impliquée dans la dépolarisation de la membrane mitochondriale. Le
cytochrome C est alors libéré dans le cytoplasme : il y a formation d’un apoptosome avec
une pro-caspase-9 et le facteur APAF-1 (Apoptotic peptidase activating factor 1). Cette
structure apoptosomique active la caspase-9 : elle clive la caspase-3 et conduit à
l’apoptose (voie mitochondriale). Des taux élevés de protéines Bcl-xL inhibent cette voie
apoptotique. Ce mécanisme induit l’arrêt de la maturation et l’apoptose des cellules
cibles.

47
En résumé, les progéniteurs érythroïdes matures qui expriment le Fas-L induisent
l’apoptose des progéniteurs immatures qui expriment Fas. De plus, en présence de faibles
concentrations d’EPO, l’érythropoïèse est régulée négativement par l’apoptose des
progéniteurs érythroïdes moins sensibles à l’EPO.

Figure 11 : Mécanismes d’activation des caspases (64)

II.2.2.5 Fonction et structure du globule rouge


Nous l’avons expliqué : la cellule mature issue de l’érythropoïèse est l’érythrocyte,
l’hématie ou encore nommée communément le globule rouge (GR). Pour comprendre les
conséquences de l’anémie sur l’organisme, nous développons ici les caractéristiques
structurelles et fonctionnelles du GR dans un contexte non pathologique.

48
La structure du GR se compose d’une membrane déformable, d’un cytoplasme
riche en hémoglobine (pigment rouge) et de divers constituants indispensables pour un
métabolisme cellulaire à durée limitée – principalement des enzymes de la glycolyse. La
molécule d’hémoglobine contient du fer et permet la fixation des molécules d’oxygène et
celle du dioxyde de carbone. La particularité du GR est de ne pas avoir de noyau et par
conséquence de ne pas pouvoir synthétiser de protéines nécessaires au métabolisme
cellulaire. Sa durée de vie dans le sang périphérique est d’environ 120 jours. En fin de
vie, le globule rouge ayant épuisé ses ressources énergétiques (enzymes de la glycolyse),
est détruit par le système macrophage.
On retrouve le GR dans le sang périphérique après sa maturation au niveau de la moelle
osseuse. La fonction première de l’érythrocyte est de transporter le dioxygène depuis le
poumon jusqu’aux organes et tissus.
Les GR jouent un rôle dans la réponse immunitaire : lors de leurs lyses par des
pathogènes, ils entraînent la libération de radicaux libres via l’hémoglobine, qui attaquent
la membrane cellulaire du pathogène. De plus, les hématies sont impliquées dans le
transport de complexes immuns grâce à une molécule de surface : le CD20 (Cluster of
Differenciation).
Les érythrocytes sont également impliqués dans la circulation sanguine et plus
particulièrement dans la relaxation des vaisseaux sanguins. Lors de la constriction des
vaisseaux, les érythrocytes subissent un stress qui provoque la libération d’Adénosine Tri
Phosphate (ATP). Cette substance est à l’origine de la relaxation vasculaire, et permet le
rétablissement du flux sanguin normal. En plus de ce premier mécanisme conduisant à
la relaxation des vaisseaux, les globules rouges libèrent du S-nitrosothiols quand leurs
molécules d’hémoglobine sont désoxygénées. La dilatation vasculaire consécutive permet
ainsi l’apport du sang dans les zones de l’organisme appauvris en oxygène.

II.3 Causes et mécanismes de l’anémie


Nous avons vu précédemment la physiologie de l’hématopoïèse et de
l’érythropoïèse : la production et maturation du globule rouge se déroulent dans la moelle
osseuse. Il sort de ce compartiment pour exercer sa fonction dans le sang périphérique.

49
Deux grands mécanismes sont identifiés pour expliquer le phénomène d’anémie. On
distingue les anémies dites centrales et les anémies périphériques selon qu’il s’agisse
d’une insuffisance de production médullaire ou si les globules rouges ont une durée de
vie raccourcie.

II.3.1 Anémie centrale


Le volume globulaire moyen, ou VGM, est un paramètre mesuré lorsque le
biologiste réalise un hémogramme après avoir prélevé du sang sur le patient. L’intérêt
de l’hémogramme dans l’exploration de l’anémie est détaillé dans le paragraphe II.5.2
Diagnostic biologique.
Cette mesure de volume rend compte de la taille des globules rouges. Il permet
d’identifier le caractère micro-, normo- ou macrocytaire d’une anémie et ainsi de
renseigner sur l’étiologie de l’anémie. Il se calcule par le rapport entre l’hématocrite et le
nombre de globules rouges par litre de sang (nommé également la numération
globulaire). L’hématocrite étant le volume des globules rouges circulants par rapport au
volume total du sang. Le VGM est généralement exprimé en femtolitres (10-15 L). Ses
valeurs usuelles chez l’adulte sont comprises entre 76 et 96 fL pour la femme et 78 et
98 pour l’homme.

II.3.2 Anémie périphérique


L’anémie périphérique n’implique pas d’atteinte médullaire. On distingue les hémorragies
(pertes sanguines aigues), les régénérations après une anémie centrale et les hémolyses
pathologiques.
L’hémolyse (destruction des hématies) est soit d’origine extra-corpusculaire, la cause est
extérieure à l’hématie ; soit d’origine corpusculaire : une anomalie au sein même de la
cellule provoque sa destruction (par exemple les anomalies constitutionnelles comme un
défaut membranaire, un défaut du système enzymatique ou un défaut de l’hémoglobine).
Les anémies périphériques avec un nombre de réticulocytes supérieur à 150.10 9/L de
sang sont dites régénératives.

50
II.4 Signes et symptômes
Les signes et symptômes de l’anémie sont variables d’un individu à l’autre et selon
la gravité de l’anémie (importance de la diminution du taux d’hémoglobine) : la vitesse
à laquelle elle apparaît, le niveau de compensation du système cardiovasculaire et la
maladie sous-jacente.
Les signes cliniques du syndrome anémique sont conséquents à l’anoxie, c’est à
dire la diminution de la distribution de l’oxygène dans les tissus. La pâleur est le signe
caractéristique de l’anémie, principalement au niveau cutané et des muqueuses. Les
autres signes révélateurs de l’anémie (variables d’un patient à l’autre) sont : l’asthénie,
la dyspnée d’effort puis au repos, les vertiges, les céphalées, la tachycardie, un souffle
cardiaque et l’aggravation d’une maladie déjà existante.
Les signes biologiques sont décrits dans le paragraphe ci-dessous sur l’exploration
de l’anémie (II.5.2) et les fonctions affectées sont détaillées dans la troisième partie
(III.3).

Chez le patient atteint de cancer, la fatigue et l’essoufflement sont les deux symptômes
les plus ressentis. La poursuite des activités quotidiennes devient alors plus ou moins
difficile et le niveau d’énergie n’est plus le même.

51
II.5 Exploration de l’anémie
Afin de diagnostiquer l’anémie et d’en identifier la cause, plusieurs étapes d’analyse
sont nécessaires :
- L’interrogatoire du patient ;
- L’examen clinique ;
- La lecture de l’hémogramme ou numération formule sanguine (NFS).

II.5.1 Diagnostic clinique


Pour rappel, les signes cliniques associés à l’anémie sont différents selon la vitesse
d’installation de la baisse d’hémoglobine, la capacité de compensation du système
cardiovasculaire et la maladie sous-jacente.
Comme annoncé dans le II.4, sur le plan clinique, les signes comme l’asthénie, la pâleur,
la polypnée avec tachycardie à l’effort, les céphalées, les vertiges, les œdèmes et un
souffle systolique peuvent être associés à cette anomalie (65).
Lors de l’évaluation clinique du patient, il est précisé le mode d’installation de l’anémie.
Il peut être aigu ou insidieux. Les antécédents sont aussi précisés : quels sont les
examens déjà réalisés, s’il y a la présence d’un ictère, de calculs biliaires, d’une
cholécystectomie, d’une splénectomie, quels médicaments sont pris (anti-inflammatoires
non stéroïdiens, laxatifs antifoliniques), les grossesses chez la femme, les voyages, les
habitudes alimentaires et les intoxications éventuelles.
Lors de l’interrogatoire, les selles sont étudiées : leurs fréquences, consistances,
la présence d’hémorragies externes, d’hémorroïdes, la coloration des urines et le volume
des saignements menstruels. La présence d’une fièvre, d’ecchymoses, de pétéchies,
d’adénopathies ou d’une splénomégalie sont des éléments également recherchés.
Grâce à l’anamnèse et à l’examen clinique, la cause de l’anémie est généralement
identifiée.

II.5.2 Diagnostic biologique


L’anémie est constatée lorsque l’hémoglobinémie est inférieure au seuil de
référence pour le sexe et l’âge du patient. Les valeurs seuils sont respectivement de 13

52
g/L chez l’homme, de 12 g/L chez la femme, de 110 g/L chez l’enfant d’un an et de 140
g/L chez le nouveau-né.
Dans la pratique médicale, des examens de biologie sont réalisés pour déterminer
les caractéristiques et l’étiologie de l’anémie suspectée.
Les anémies sont classées selon différents modèles. Ils utilisent généralement le volume
globulaire moyen des globules rouges (VGM), l’existence ou non d’une réticulocytose et
la concentration corpusculaire moyenne en hémoglobine (CCMH). L’arbre diagnostique
ci-dessous (Figure 12 : Arbre décisionnel de classification des anémies d’après
Szymanowicz (65)) détermine en premier si l’anémie à un caractère régénératif ou non.
Il y a donc numération des réticulocytes. Ce comptage est réalisé dans le cadre d’une
numération sanguine. L’anémie est dite régénérative lorsque le nombre de réticulocytes
est supérieur à 100 Giga/ L et non régénérative si ce nombre est inférieur à 50 Giga/L.
Le deuxième paramètre pris en compte dans la démarche diagnostique est le VGM. Il est
également possible d’investiguer d’abord l’origine de l’anémie : elle peut être centrale
par carence vitaminique ou insuffisance médullaire, périphérique (hémorragie,
hémolyse).

Figure 12 : Arbre décisionnel de classification des anémies d’après Szymanowicz (65)

53
Quelques examens biologiques sont à identifier pour comprendre la démarche
diagnostique de l’anémie :
- L’hémogramme : il sera utilisé en première intention pour fournir des informations
sur l’hémoglobine, les globules rouges et l’hématocrite (Ht, il s’agit du rapport du
volume des hématies / volume de sang total centrifugé). D’autres indices
érythrocytaires tels que le VGM, la TCMH (teneur moyenne corpusculaire moyenne
en hémoglobine) et CCMH, sont utiles pour caractériser l’anémie.
- Le frottis sanguin : l’appréciation qualitative du frottis sanguin permet d’identifier
par exemple une hypersegmentation des neutrophiles et orientent le diagnostic
vers une carence en vitamine B12 et/ou en folates.
- La numération leucocytaire et plaquettaire : une cytopénie chez un patient anémié
peut indiquer une atteinte centrale (myélodysplasie, carence, infiltration
médullaire) mais aussi périphérique (avec des cytopénies d’origine auto-immune,
virale…).
- Le diagnostic de carence en fer : il est posé en s’appuyant sur le dosage de
marqueurs tels que la transferrine, fer et coefficient de saturation de la
transferrine (CST), ferritine, récepteurs solubles de la transferrine (RsTf).
- La vitamine B12 : elle apparaît faussement diminuée lors d’une carence en acide
folique, durant la grossesse, avec la prise de contraceptifs oraux et avec un
myélome multiple.
- Le bilan d’hémolyse : il est réalisé en cas de suspicion de destruction de globules
rouges. On dose la bilirubine totale, la bilirubine conjuguée et la bilirubine
indirecte. De plus, le test de Coombs aide à différencier si il s’agit d’un mécanisme
de destruction corpusculaire (le test est négatif) ou si le mécanisme est auto-
immun (le test est positif).

Au cours d’un cancer, l’exploration de l’anémie comprend le plus fréquemment : une


numération formule sanguine avec lecture sur lame, taux de réticulocytes, dosage du fer
sérique, vitamine B12 et folates, taux de LDH, bilirubine, libre et conjuguée, clairance à
la créatinine.

54
L’anémie peut être également définie selon le VGM :
• L’anémie est microcytaire si le VGM a une valeur inférieure à 80 fL.
Il convient alors de doser le fer sérique pour poursuivre l’exploration.

Figure 13 : Démarche diagnostique pour l’anémie microcytaire

• L’anémie est macrocytaire si le VGM a une valeur supérieure à 100 fL.


Si elle est non régénérative, le dosage des vitamines B12 et folates est réalisé.
L’anémie chimio-induite peut être macrocytaire arégénérative par carence en vitamines
B9 ou B12 (chimiothérapie antimitotique..).

55
Figure 14 : Démarche diagnostique pour l’anémie macrocytaire

• L’anémie est normocytaire si le VGM a une valeur entre 80 et 100 fL.


Si elle est non régénérative, il convient d’éliminer les différentes causes générales de
l’anémie : maladies inflammatoires, insuffisance rénale chronique, insuffisances
endocriniennes, insuffisance hépatique.
L’anémie normocytaire régénérative peut être hémolytique. Il y a une destruction
excessive de globules rouges liée à un mécanisme externe au globule rouge lui-même.
L’hémolyse chronique peut être le signe caractéristique d’un traitement toxique. En
oncologie, les traitements anti-cancéreux sont qualifiés de chimiotoxiques. La répétition
des cures de chimio- ou radiothérapies a pour conséquence l’installation d’une anémie
chez le patient.

L'anémie chimio-induite peut donc être normocytaire ou macrocytaire


régénérative par régénération médullaire ou par hyper hémolyse (si la chimiothérapie est
toxique et entraîne une hémolyse extra corpusculaire).
L’anémie normocytaire arégénérative est aussi l’exemple de l’anémie retrouvée chez le
patient atteint de cancer. La moelle est envahie et il y a atteinte des lignées.

La documentation de l’anémie se fait simplement sur la base de l’hémoglobinémie.


L’étiologie de ce signe est déterminée grâce à une analyse clinique approfondie et des
examens biologiques pertinents. Le paramètre indispensable est la numération formule
sanguine. Il est complété par la ferritine, le dosage de la vitamine B12 et le bilan
d’hémolyse. On note aussi l’examen cytologique du myélogramme pour diagnostiquer
des pathologies graves avec insuffisance de production des globules rouges).

56
III. CAS PARTICULIER DE L’ANEMIE CHIMIO INDUITE EN
ONCO-HEMATOLOGIE

III.1 Généralités
En onco-hématologie, les étiologies de l’anémie sont nombreuses et
multifactorielles. Trois principaux éléments sont fréquemment impliqués dans l’étiologie
de l’anémie : la pathologie cancéreuse elle-même, les thérapies anticancéreuses et l’état
général du patient (déficit nutritionnel par exemple)(2). Un patient peut souffrir d’une
anémie de différentes origines simultanément et il n’est pas facile en pratique de les
distinguer. Néanmoins, même si un taux d’hémoglobine bas entraîne des conséquences
physiologiques similaires quelle que soit la cause, la prise en charge diffère selon l’origine.
Dans ce travail, nous nous intéressons aux étiologies liées au traitement du cancer
et plus spécifiquement au traitement par chimiothérapie. Les traitements anticancéreux
sont par nature cytotoxiques – l’objectif de leur administration dans l’organisme est de
détruire les cellules cancéreuses à l’origine des désordres sur l’organisme. Nous l’avons
vu, du fait de leur ciblage plus ou moins précis des tumeurs, ces traitements conduisent
à des effets indésirables lorsqu’il y a atteinte des tissus sains. On distingue les toxicités
aiguës et les toxicités chroniques. Les premières apparaissent en quelques heures à
quelques jours après l’administration de la chimiothérapie. Tandis que les secondes
voient leurs effets se manifester parfois plusieurs mois voire plusieurs années après
l’arrêt du traitement. Elles sont liées à l’amélioration considérable du pronostic vital du
patient souffrant de cancer sur ces dernières décennies.
La toxicité hématologique s’inscrit dans le groupe des toxicités aiguës. Elle peut toucher
toutes les lignées hématopoïétiques et comprend les leucopénies, anémies et
thrombopénies (66).
Les agents cytotoxiques sont dotés d’effets myélosuppresseurs directs, notamment les
agents de dernière génération de type taxanes, vinorelbine ou dérivés de la
camptothécine. Ils induisent une réduction de la production des globules rouges par la
moelle osseuse. D’autres agents exercent une action toxique sur les tubules rénaux. La
production d’érythropoïétine est diminuée et par conséquent celle des globules rouges

57
également (exemple des sels de platine). Cette néphrotoxicité peut entrainer une
persistance de l’anémie chimio induite.

III.2 Incidence de l’anémie chimio induite


L’anémie est rencontrée fréquemment chez les patients atteints de cancer, elle touche
plus de 50% des malades.
L’ECAS - The European Cancer Anemia Survey, publiée en 2004, est une étude
épidémiologique ayant pour objectif l’évaluation de la prévalence, de l’incidence et du
traitement de l’anémie chez les patients atteints de cancer en Europe. Pour ce travail,
elle présente un intérêt particulier pour nous amener à comprendre l’impact de la
chimiothérapie sur le patient, son organisme et sa qualité de vie, grâce à l’analyse du
score OMS (Perfomance Status – PS).

Dans une étude plus récente, datant de 2014 et conduite sur plus de 4000 patients
traités par chimiothérapie pour une tumeur solide, l’anémie est survenue chez 89% des
patients avec une répartition des grades de sévérité comme suit : 58% des patients ont
présenté une anémie de grade 1 (légère) au cours du traitement, 34% une anémie de
grade 2 (modérée), 8% une anémie de grade 3 (sévère) et moins de 1% pour une anémie
de grade 4 (risque vital) (67).
Dans la revue d’essais cliniques de Groopman et Itri publiée en 1999, l’incidence de
l’anémie chimio induite pouvait atteindre jusqu’à 100% pour les grades 1 à 2 et jusqu’à
80% pour les anémies de grades 3 et 4 (68). Ces résultats confirment une présence
fréquente et lourde de l’anémie pour le patient au cours de l’expérience de la pathologie
cancéreuse déjà considérablement éprouvante tant physiquement que
psychologiquement.

III.2.1 Incidence selon la tumeur et la thérapie associée


Le schéma du protocole de chimiothérapie, c’est à dire le type d’agents
cytotoxiques, le rythme d’administration et le dosage, est un facteur direct influençant la
sévérité et la fréquence d’apparition de l’anémie chez le patient atteint de cancer.

58
L’enquête ECAS montre une incidence plus importante chez les patients traités par
chimiothérapie, à hauteur de 62.7% en comparaison avec la radiothérapie seule
atteignant 19.5% des patients inclus dans l’étude.

L’étude de H.Xu conduite entre 2010 et 2013 sur le risque de survenue d’anémie
au cours d’un traitement par chimiothérapie met en évidence des fréquences variables
d’anémie en fonction du protocole et de la localisation de la tumeur. L’incidence de
l’anémie de grade 2 varie de 18.2% chez les patients avec un cancer du sein et traités
par docetaxel (Taxotere ®) à 59.7% chez les patients avec un cancer ovarien traités par
l’association carboplatin + paclitaxel. Pour les anémies de grade 3, l’incidence est
moindre, la plus faible proportion correspond aux patients atteints de cancer du sein avec
2% (traités par docetaxel) et la proportion la plus importante concerne les cancers
ovariens et le protocole carboplatine-paclitaxel avec 17%.
Parmi tous les cancers confondus, l’analyse montre une incidence qui augmente
quel que soit le grade de l’anémie, de 59% pour le cycle 1 à 83% pour le cycle 5 (69).
Quelques résultats de l’étude sont synthétisés dans les paragraphes et tableaux ci-
dessous. Ils présentent l’incidence de l’anémie chez des patients présentant des tumeurs
solides.

III.2.1.1 Cancer du sein


Nous l’avons vu dans la première partie de ce travail : le cancer du sein peut
associer différentes thérapies comme la chirurgie, la radiothérapie, l’hormonothérapie et
de la chimiothérapie.
Dans l’étude de l’ECAS, les patients atteints de cancer du sein présentent pour 62%
d’entre eux une anémie. Le pourcentage le plus élevé est représenté par les patients
traités par chimiothérapie (71%) et plus faible pour ceux traités par radiothérapie (35%).
Si il y a association de chimio et radiothérapie, la survenue d’anémie est plus importante
lors d’une administration consécutive (67.5%) versus une administration concomitante
des thérapies (55.2%). L’une des explications de ce phénomène peut être liée au temps
de récupération du patient suite à la chimiothérapie qui est raccourcie en cas de
succession de cycles de chimio et radiothérapies. D’autre part, la radiothérapie est

59
connue pour avoir un impact moindre sur l’apparition d’anémie en comparaison aux
agents cytotoxiques utilisés en chimiothérapie.

Dans le tableau synthétique ci-dessous, l’incidence de l’anémie selon les


protocoles de chimiothérapie est présentée. De manière générale, la majorité des
anémies quelque soit la combinaison d’agents utilisée concerne les anémies de grades 1-
2 (environ 90%). Le protocole associant le docetaxel, le carboplatine et le trastuzumab,
indique ici une incidence de 11% pour les grades 3-4. Cela dénote d’un effet anémiant
important probablement dû à l’utilisation du sel de platine ; le tratuzumab ayant comme
toxicité plus fréquente la neutropénie.

Tableau 3 : Incidence de l’anémie chez des patients atteints de cancer du sein et


recevant une chimiothérapie (69)
Chimiothérapie (N=2,348) Grades de l’anémie
Grades 1-2 (%) Grades 3-4 (%)
Doxorubicine – Cyclophosphamide 91.9 8.1
Docetaxel + doxorubicine + 96.5 3.5
cyclophosphamide
Doxorubicine + cyclophosphamide suivi de 95.2 4.8
paclitaxel ou docetaxel
Docetaxel + cyclophosphamide 96.9 3.1
Docetaxel + carboplatine + trastuzumab 89.0 11.0

III.2.1.2 Cancer colorectal


L’anémie dans le cancer colorectal est généralement due à un déficit en fer. Les
cytokines inflammatoires conduisent à une érythropoïèse restreinte en fer, qui entraîne
une disponibilité décroissante du fer et ensuite à l’impossibilité totale de son utilisation.
D’autre part, l’anémie est en elle-même une manifestation extra-intestinale très
fréquente du cancer colorectal. Elle est retrouvée chez 30 à 75% des patients
diagnostiqués.

60
Différentes analyses multivariées ont montré que l’âge, le site de la tumeur (côlon droit)
et la taille de la tumeur (tumeur de grande taille), sont des facteurs significatifs et
contributeurs à la survenue d’anémie. En revanche le stade de la tumeur et le type
histologique n’ont pas été retenus comme facteurs contributeurs (70).
Dans le tableau 4, l’incidence de l’anémie de grades 3-4 est comprise entre 3 et 5%,
pourcentages plus faibles que ceux du cancer du sein. Ce type de cancer ayant un tableau
anémique caractéristique, on peut imaginer une correction pré-chimiothérapie de
l’anémie dans un but préventif.

Tableau 4 : Incidence de l’anémie chez des patients atteints de cancer colo- rectal et
recevant une chimiothérapie (69)
Chimiothérapie Grades de l’anémie
Grades 1-2 (%) Grades 3-4 (%)
Capecitabine + oxaliplatine 77.1 2.9
Leucovorine calcium + 5-fluorouracil + 95.4 4.6
oxaliplatine

III.2.1.3 Cancer du poumon


Dans un contexte de cancer pulmonaire, l’anémie est fréquente. Elle constitue un
élément majeur dans l’altération de la qualité de vie du malade. Plusieurs origines sont
possibles : l’envahissement de la moelle par les métastases ou l’état inflammatoire
continue des bronches. La chimiothérapie reste une des seules solutions thérapeutiques
efficaces face à cette situation pathologique. Néanmoins, la chimiothérapie est un facteur
aggravant du fait de son action myélosuppressive ou de son action néphrotoxique.
Le schéma classique des protocoles de chimiothérapie pour le cancer du poumon
inclut généralement des sels de Platine. Ces agents possèdent une toxicité myéloïde et
néphrologique importante. Ils diffusent dans les tissus et ont comme voie d’élimination
la voie rénale essentiellement. Un lien a été établi entre la dose de cisplatine utilisée dans
le traitement du cancer pulmonaire et le taux d’hémoglobine (68).
Dans le tableau ci-dessous, on identifie clairement l’association paclitaxel-carboplatine
comme la chimiothérapie la plus génératrice d’anémie avec environ 90% des patients

61
présentant une anémie légère à modérée (grades 1-2) et environ 10% présentent une
anémie de grades 3-4 (69).

Tableau 5 : Incidence de l’anémie chez des patients atteints de cancer pulmonaire et


recevant une chimiothérapie
Chimiothérapie Grades de l’anémie
Grades 1-2 (%) Grades 3-4 (%)
Carboplatine + paclitaxel 90.8 9.2
Carboplatine + etoposide 84.4 15.6
Cisplatine (ou carboplatine) + 85.0 15.0
permetrexed

III.2.1.4 Cancer de l’ovaire


Pour traiter le cancer ovarien, l’association de deux types de médicaments est
courante : celle d’un sel de platine et celle d’un taxane (traitement de première
intention).

Tableau 6 : Incidence de l’anémie chez des patients atteints de cancer de l’ovaire et


recevant une chimiothérapie
Chimiothérapie Grades de l’anémie
Grades 1-2 (%) Grades 3-4 (%)
Carboplatine + paclitaxel 81.6 18.4

III.2.1.5 Hémopathies malignes


Les hémopathies malignes et l’incidence de l’anémie au cours d’une chimiothérapie
n’ont pas été étudiées dans l’étude de H.XU (2010-2013). Les données d’incidence
d’anémie des hémopathies malignes citées dans les points suivants proviennent du
registre ECAS précédemment mentionné.

III.2.1.5.1 Lymphomes Non Hodgkiniens

Les lymphomes non Hodgkiniens sont représentés par différentes catégories

62
anatomo-cliniques. On retient principalement le lymphome B diffus à grandes cellules
de fréquence estimée de 35-45% et les lymphomes folliculaires de fréquence estimée
de 20-25%.

La fréquence de l’anémie a été rapporté à 77.9% au cours du suivi de l’étude.

On note dans le tableau 7 que les traitements utilisés pour le lymphome non hodgkinien
sont très anémiants et induisent des anémies de sévérité plus élevée que les
traitements anticancéreux utilisés pour les tumeurs solides notamment le R-ACVBP et le
O-DHAP.

Tableau 7 : Exemple d’incidence de l’anémie dans les différents protocoles utilisés dans
les lymphomes non hodgkiniens (71)

Protocole Grades 1-2 Grades 3-4

R-CHOP (rituximab- 49 % 17 %
cyclophosphamide,
hydroxyadriamycine,
vincristine, prednisone) (51)

R-ACVBP (Rituximab, / 59 %
doxorubicine,
cyclophosphamide,
vindesine, bleomycine,
prednisone) (72)

O-ICE (Ofatumumab- / 26 %
ifosfamide, carboplatine,
etoposide) (73)

O-DHAP (Ofatumumab- / 50 %
dexamethasone, cytarabine,
and cisplatine) (73)

63
III.2.1.5.2 Lymphome de Hodgkin

Avec le protocole ABVD intensifié (doxorubicine, bléomycine, vinblastine et


dacarbazine), 13% des anémies sont de grades 3-4 (74). Pour le protocole BEACCOPP
comportant la bléomycine, étoposide, doxorubicine, cyclophosphamide, vincristine,
procarbazine, prednisone ; la fréquence de l’anémie de grade 3 varie entre 16 et 51%
selon que les doses soient standards ou intensifiées. Tandis que le grade 4 varie entre 1
et 15% respectivement (75).
Le DHAP « time-intensified » (dexaméthasone, cytarabine, cisplatine) présente des
anémies de grades 3-4 dans 16,5% des cycles (76).

III.2.1.5.3 Myélome Multiple

Fréquente dans le myélome multiple, l’anémie peut représenter jusqu’à 60% des
patients traités. Elle fait partie de la classification de Durie-Salmon en tant que facteur
de risque pour une hémoglobine inférieure à 8.5g/dL.
A l’inclusion dans l’étude ECAS, l’incidence de l’anémie chez les patients atteints de
myélomes multiples est de presque 70%. Au cours du suivi, la fréquence augmente
jusqu’à 85.3%. Certains protocoles sont identifiés avec un risque aggravant sur le statut
anémique du patient :
- le bortezomib dans le protocole MPV (Melphalan, Prednisone, Velcade®) avec
19% d’anémie de grades 3-4 (77).
- Le thalidomide dans le protocole MPT (Melphalan, Prednisone, Thalidomide) avec
13.7% d’anémie de grades 3-4 (78)
- Le lénalidomide en association avec la dexaméthasone : 10.8% d’anémie de
grades supérieurs ou égaux à 3 (79).
- La bendamustine en association avec la prednisone donnant à 24% d’anémie de
grades 3-4 (80).

III.2.1.5.4 Leucémie Lymphoïde Chronique (LLC)

L’anémie est un des facteurs de mauvais pronostic dans la classification de Binet


(81). Pour une hémoglobinémie en deçà de 10 g/dl, la survie médiane des patients
atteints de leucémie lymphoïde de ce stade C est d’environ de 1,5 ans (82). Dans le
registre de l’ECAS, la fréquence de l’anémie est de 67.7%.

64
Deux molécules sont principalement à l’origine de perturbations hématologiques dans les
protocoles de traitement pour la LLC :
- Les traitements à base de fludarabine :
o Fludarabine seule : 11.6% d’anémie ;
o Fludarabine cyclophosphamide : 8.1% d’anémie (83) ;
o FCR (fludarabine, cyclophosphamide, rituximab) : 4% d’anémie (84) ;
- Les traitements à base de bendamustine :
o Bendamustine seule : 2.5% d’anémie de grades 3-4 (85) ;
o Bendamustine associée au rituximab entraine des anémies de grades 3-4
pour 4.5% des cas (86).
La fréquence de l’anémie du registre ECAS de 67,7% apparaît bien plus importante que
celles citées ensuite avec les différentes molécules. En effet, les patients étaient pour la
plupart déjà anémiés à l’inclusion de l’étude.

III.2.1.5.5 Syndromes Myélodysplasiques (MDS)

Les syndromes myélodysplasiques sont un groupe de tumeurs malignes myéloïdes


caractérisées par des cytopénies du sang périphérique et un risque accru pour le patient
de développer une anémie secondaire. Le taux d'incidence de ces affections est d'environ
5 cas pour 100 000 personnes par an dans la population générale, mais augmente de 20
à 50 cas pour 100 000 personnes par an après 60 ans. Au diagnostic, environ 90% des
patients souffrant de MDS présentent une anémie. Dans les cas de MDS de faible risque,
l’anémie est souvent la seule ou principale complication clinique et peut augmenter
significativement la morbidité (87).

L’anémie est une réalité forte et fréquente en onco-hématologie. Elle peut


subvenir à tout moment de la maladie. Elle est l’un des facteurs pronostiques dans
certaines hémopathies malignes (LNH, LH, MM et LLC). Certains protocoles de traitement
sont à l’origine de cette complication (88).

L’étude French Anemia Cancer Treatment (F-ACT) confirme une prévalence élevée
chez les patients atteints de tumeurs hématologiques : 54% de patients atteints de
tumeurs solides sont anémiés versus 57% de patients anémiés et atteints d’hémopathies

65
malignes. Dans l’étude ECAS, 66% des patients atteints d’hémopathies malignes ont été
anémiés, versus 46% pour les tumeurs solides. Une légère différence s’expliquant par
l’amélioration de la prise en charge de l’anémie chez le patient atteint de cancer en 2007.
Les études ECAS et F-ACT ont permis de mettre en évidence le caractère prédominant
de l’anémie dans les pathologies cancéreuses hématologiques. Cependant, ces études ne
différencient pas les causes de l’anémie et ne donnent qu’un pourcentage sans
explications spécifiques sur l’étiologie : l’anémie détectée est due à la fois à la tumeur et
au traitement.
Différentes études sont utilisées dans ce paragraphe pour présenter l’incidence de
l’anémie chez le patient atteint de cancer. Il convient de souligner les variations
significatives entre les résultats des études. Elles s’expliquent par la variabilité des
caractéristiques patients, des pathologies et du traitement, de même que des différences
dans les méthodes des études et la définition de l’anémie.

III.2.2 Incidence et intensité de la chimiothérapie


Selon les protocoles de chimiothérapie mis en place, l’incidence de l’anémie varie.
Un autre facteur joue un rôle déterminant sur l’incidence de l’anémie : le nombre de
cures.
Selon l’étude de H.Xu, analysant les données d’environ 4000 patients, l’incidence de
l’anémie augmente de 59% pour le cycle 1 jusqu’à 83% pour le cycle 5. L’autre
observation est l’augmentation de l’incidence des anémies de grades 2 et 3 associée à
un plus grand nombre de cycles.
Ci-dessous un exemple de l’évolution de l’incidence de l’anémie chez les patients ayant
un cancer du sein et traités par un protocole associant doxorubicine (Adriamycine®),
cyclophosphamide (Cytoxan®) suivi de paclitaxel (Taxol®) ou de docetaxel (Taxotere®).
L’anémie de grade 2 passe d’environ 5% à 25% entre le cycle 1 et le cycle 5. De même
pour le grade 1, qui a une incidence augmentée d’environ 20%. En outre, une légère
diminution de l’incidence après le cycle 5 quelque soit le cancer et le protocole utilisé.

66
Figure 15 : Incidence de l’anémie chez les patients atteints de cancer du sein d’après
l’étude de H.Xu (69)

Dans l’étude de l’ECAS, on note également la corrélation sus-mentionnée entre le


nombre croissant de cycles de chimiothérapie et l’incidence de l’anémie. L’anémie a été
reporté chez 19.5% des patients au premier cycle de chimiothérapie, puis chez 46.7%
des patients dans le cinquième cycle (71).
La durée de la chimiothérapie semble aussi avoir un impact sur la probabilité de
développer une anémie modérée ou sévère : après 8 mois de traitement, environ 43%
des patients présentent au moins un épisode d’anémie modérée à sévère (89).

67
Figure 16 : Incidence de l’anémie modérée à sévère chez les patients traités par
chimiothérapie d’après (89)

En conclusion, l’anémie chimio induite semble être fréquente chez les patients atteints
de cancers pulmonaires ou avec des tumeurs gynécologiques. Ceci est dû en partie à des
protocoles comportant en général des sels de platine. L’effet myélosuppressif des agents
cytotoxiques se révèle être cumulatif au cours de la chimiothérapie. L’incidence de
l’anémie augmente à chaque nouveau cycle de chimiothérapie suivi. Les facteurs de
risque de l’ACI incluent le taux faible d’hémoglobine, l’antécédent d’une transfusion dans
les six derniers mois, une radiothérapie antérieure (>20% du squelette), une autre
chimiothérapie myélosuppressive ou encore d’autres comorbidités comme des maladies
inflammatoires chroniques.

68
III.3 Conséquences physiopathologiques de l’anémie
chimio induite en onco-hématologie
Nous l’avons vu précédemment le globule rouge est responsable du transport de
l’oxygène dans le sang grâce à la structure de l’hémoglobine avec ses chaînes de globine,
ses quatre molécules d’hème et le fer. Différents éléments influent sur l’affinité de
l’oxygène pour l’hème : le pH, le taux de métabolite intermédiaire 2-3-
diphosphoglycérate, le taux d’adénosine triphosphate, la pression partielle d’oxygène, la
pression partielle de dioxyde de carbone et de la température.
Dans un contexte d’anémie, le taux d’hémoglobine bas diminue la pression partielle
d’oxygène. L’organisme compense cette situation par plusieurs mécanismes.

Durant une anémie, la voie principale de glycolyse est diminuée et la production


de 2-3-diphosphoglycérate est augmentée. Ceci entraîne une diminution de l’affinité de
l’oxygène pour l’hème de l’hémoglobine, et ainsi provoque une libération de l’oxygène
dans les tissus. Ce système de compensation peut subvenir jusqu’à environ la moitié des
besoins en oxygène des organes prioritaires (cœur, cerveau, reins). Le déficit
périphérique se manifeste par l’augmentation du débit cardiaque, la fréquence
respiratoire améliore ensuite l’oxygénation sanguine et l’hyperproduction
d’érythropoïétine accroît le volume des hématies.
Ces mécanismes de compensation sont donc à l’origine de certains des symptômes
de l’anémie : la pâleur cutanée, la dyspnée et les palpitations. Ces processus étant limités
dans le temps, le manque d’oxygène conduit à d’autres symptômes sur les différentes
fonctions de l’organisme.

III.3.1 Appareils et systèmes de l’organisme impactés par


l’anémie
Les fonctions affectées sont identiques quelle que soit l’étiologie de l’anémie.
Cependant, l’expression des symptômes diffère d’un patient à l’autre, selon la pathologie,
les comorbidités, les autres maladies associées, la sévérité de l’anémie, sa vitesse
d’installation et les mécanismes de compensation en jeu.

69
III.3.1.1 Système nerveux central
L’anémie et l’hypoxie consécutive conduisent à des céphalées, vertiges,
acouphènes et étourdissements. Plusieurs études ont analysé les relations possibles entre
l’anémie et la diminution des fonctions cognitives. Les résultats concernent
principalement les individus âgés (au-delà de 60 ans) et montrent une relation entre
l’anémie et une détérioration des fonctions cognitives ainsi qu’un risque accru de
démence (90). Certains résultats supportent la corrélation entre des baisses importantes
de taux d’hémoglobine lors d’administrations répétées de chimiothérapies et la
diminution plus importante des performance cognitives (91).
D’autres lésions rétiniennes dues à une anémie sévère sont également retrouvées
(92).

III.3.1.2 Système cardiorespiratoire


La baisse du nombre de globules rouges circulants entraînent une diminution de
la viscosité du sang et une hypoxie des tissus périphériques. L’accumulation de
substances vasodilatatrices dans le sang et la diminution des résistances périphériques
conduisent à une hyperstimulation cardiaque : le cœur est en hyperactivité pour
compenser l’anémie. Cette compensation cardiaque est fonction de la sévérité de
l’anémie, des antécédents ou de la présence de pathologies associées (pulmonaires,
cardiaques ou vasculaires).

Dans une situation d’anémie légère, les symptômes sont généralement


transitoires lors d’un exercice physique et ce stabilise au repos. Si l’anémie évolue à un
degré plus sévère, le rythme cardiaque est anormal au repos comme au cours d’une
activité physique. Cela se manifeste chez le patient par des palpitations, un pouls rapide
et l’exacerbation des états cardiovasculaires préexistants éventuels comme par exemple
l’angor, la claudication intermittente ou l’ischémie cérébrale.
Dans le cas de l’anémie sévère, si le débit sanguin coronaire augmente jusqu’à son
maximum, il peut y avoir décompensation cardiaque avec insuffisance cardiaque
congestive. Cette situation est particulièrement grave si le patient souffre déjà d’une
maladie cardiaque. L’ajout de stress lors de transfusions sanguines risque de provoquer

70
une insuffisance cardiaque fatale. Des anomalies du rythme cardiaque comme la
fibrillation auriculaire sont également observés durant un phénomène d’hypoxie (92).

L’organisme met en place un autre système de compensation pour améliorer


l’oxygénation sanguine en augmentant la fréquence respiratoire. Le patient expérimente
une dyspnée à l’effort, c’est l’illustration de la compensation par une fréquence
respiratoire plus élevée. Les muscles reçoivent alors l’oxygène qui leur est nécessaire
pour créer le mouvement du corps.
De même que pour les palpitations, en cas d’anémie sévère, l’individu est susceptible
d’avoir une dyspnée au repos. Les paramètres respiratoires augmentés sont la ventilation
par minute et l’air résiduel. Tandis que le volume expiratoire forcé est diminué. Une trop
forte augmentation de charge de travail cardiaque conduit à une pathologie cardiaque
congestive – c’est à ce stade que la pression sanguine pulmonaire augmente et il y a un
risque d’œdème pulmonaire. La dyspnée sévère consécutive met en jeu le pronostic vital
du patient.

A l’examen cardiaque, il peut y avoir la présence d’un souffle fonctionnel qui


correspond au flux sanguin devenu turbulent. En effet, comme cité précédemment : le
nombre de globules rouges circulant diminué entraine une baisse de viscosité du sang.
C’est ainsi que le flux sanguin normalement laminaire devient turbulent se traduit par le
souffle cardiaque. Ce dernier est réversible lorsque l’anémie est corrigée.

Le patient a sa capacité d’activité physique diminuée. L’anémie impacte tout le


système cardiovasculaire et les tissus périphériques dont les muscles squelettiques. Le
temps de récupération post-exercice physique est allongé.
Nous abordons dans la sous partie suivante (III.3.2) les différents aspects de la qualité
de vie du patient souffrant d’une anémie chimio-induite. Le paramètre de capacité à
l’effort y est détaillé.

71
III.3.1.3 Système cutané
L’apparence de la peau chez le patient anémié est pâle et froide au toucher. La
mauvaise distribution du sang, due à une réorganisation du volume sanguin vers les
tissus vitaux, entraîne ce symptôme de vasoconstriction cutanée.
La pâleur cutanée n’est pas la caractéristique absolue de l’anémie. Elle peut être masquée
par d’autres éléments cliniques tels que la pigmentation originale de la peau, un ictère
ou une cyanose.
En revanche, la décoloration des muqueuses (en particulier la pâleur des conjonctives)
est plus caractéristique de l’anémie. La peau peut également perdre en élasticité et les
ongles deviennent plus fragiles voire cassants chez le patient anémique (92).

III.3.1.4 Système rénal


L’anémie peut être à la fois une conséquence d’un dysfonctionnement rénal et
également à l’origine de complications rénales. Nous admettons ici que l’anémie apparaît
dans un contexte de cancer et de chimiothérapie. Lors de la mise en place des
mécanismes de compensation de l’anémie, nous l’avons vu l’appareil rénal est épargné
et privilégié grâce à une redistribution du sang. Dans le cas de la chronicisation de
l’anémie, ce mécanisme de compensation n’a plus lieu et le flux sanguin diminue au
niveau des reins. Silverberg parle de syndrome cardiorénal comme d’un cercle vicieux ou
l’anémie survient lorsque la fonction rénale est atteinte et provoque une diminution de
production d’érythropoïétine (93).
Une anémie sévère conduit aussi à une hypertrophie compensatrice du ventricule
gauche. Elle peut entrainer à sont tour une insuffisance cardiaque congestive. Cela
diminue la perfusion sanguine au niveau des reins et provoque d’avantage de lésions
rénales (94).
L’œdème des membres inférieurs est un signe commun à l’insuffisance rénale et
cardiaque (92).

III.3.1.5 Appareil digestif


La redistribution compensatrice du volume sanguin a un impact au niveau de la
perfusion des muqueuses intestinales. Elle conduit à des nausées, anorexie et problèmes
d’absorption des nutriments. La malabsorption est un point de vigilance important chez

72
le patient atteint de cancer et peut provoquer un déclin rapide de l’état nutritionnel, voire
impacter le cours de la thérapie anticancéreuse.
D’autres perturbations de type indigestions sont aussi fréquentes chez le patient anémié
(92).

III.3.1.6 Appareils génitaux


La sécrétion des hormones sexuelles semble être impactée par l’anémie. Les
conséquences les plus fréquentes de l’anémie sur l’appareil génital féminin sont les
ménorragies, des aménorrhées et des cycles menstruels irréguliers.
Pour les deux sexes, l’anémie entraine des modifications au niveau des hormones
sexuelles ce qui impacte la libido des individus et leur qualité de vie. En corrigeant
l’anémie, les symptômes sont significativement améliorés (92).

III.3.1.7 Système immunitaire


La dénutrition (mauvaise balance énergétique et apports protéiques faibles) est
connue pour être associée à une détérioration de l’immunité à médiation cellulaire, de la
fonction phagocytaire, du système du complément, de la concentration en
immunoglobuline A et de la production de cytokines. Le déficit de nutriments tels que le
zinc, le sélénium, le fer, le cuivre, les vitamines A, C, E et B6, et l’acide folique, a un
impact important sur la réponse immunitaire globale de l’organisme.
Dans le cadre d’une pathologie cancéreuse, la dénutrition apparaît comme un effet
indésirable et secondaire. Elle a des origines multiples et notamment la maladie elle-
même et son traitement.
Certains cancers comme ceux de la tête, du cou et du système gastro intestinal,
favorisent la dénutrition par leur impact sur l’absorption des nutriments et la douleur qu’il
provoque lors de la prise alimentaire.
Cette dénutrition joue donc un rôle majeur dans l’apparition d’anémies ferriprives. Le
patient ne s’alimentant plus correctement, il se carence et n’a plus suffisamment d’apport
en fer, nutriment essentiel pour un taux d’hémoglobine normal.
Ainsi, l’immunité humorale, l’immunité à médiation cellulaire, non spécifique et
l’activité des cytokines sont influencées par la présence d’une anémie ferriprive (95).

73
La cascade de conséquences de l’anémie sur le système immunitaire se conclut
par une dégradation globale de l’état du malade, l’organisme résiste difficilement aux
infections, les hospitalisations sont plus fréquentes et longues et la récupération
incomplète.

III.3.1.8 Impact sur la pathologie cancéreuse


L’anémie agit également au niveau du comportement de la tumeur. La
transcription du facteur « inductible d’hypoxie » (HIF)-1α joue un rôle majeur dans la
réponse à l’hypoxie. En effet, des études montrent que les patients avec des cancers de
tête et cou et des cancers du col de l’utérus et qui ont une augmentation significative de
facteur tumoral HIF-1α, ont un temps de survie inférieur à ceux présentant des tumeurs
non hypoxiques. L’hypoxie n’est pas seulement responsable de changements dans
l’expression de gènes promoteurs d’angiogenèse mais elle est également à l’origine de
phénotype plus agressif en sélectionnant des mutations pour le gène p53. Cela permet
aux cellules d’échapper à l’arrêt du cycle cellulaire et leur confère une instabilité
génétique: la tumeur devient plus agressive et le pronostic devient critique (96).

III.3.2 Impact de l’anémie sur la qualité de vie des patients


La fatigue est l’élément impactant le plus fréquemment le patient : elle est
rencontrée par 70% des patients atteints de cancer pendant leurs traitements par
chimiothérapie et radiothérapie. Pour 83% des patients souffrant d’une anémie chimio-
induite, c’est le symptôme le plus important. La majorité d’entre eux rapportent la fatigue
comme le symptôme qui a le plus d’impact sur leur vie quotidienne.
La fatigue engendre de nombreuses difficultés chez les patients atteints de
cancers : difficulté dans les soins d’hygiène de base, difficulté pour parler à d’autres
personnes, troubles de la mémoire, sentiment de dépression.

Les symptômes associés à l’anémie chimio-induite incluent également :

74
- La diminution des fonctions cognitives : entre 1/4 et 1/3 des patients témoignent
d’une diminution de leurs capacités cognitives quand le taux d’hémoglobine est
en dessous de 12 g/dl ;
- La dyspnée : elle est reportée par le clinicien comme un des symptômes majeurs
de l’anémie quel que soit son degré de sévérité ;
- La détresse psychologique : les scores d’anxiété et de dépression sont supérieurs
chez les patients atteints de cancer et anémiés par rapport aux patients non
anémiés ;
- L’ischémie cardiaque et les douleurs thoraciques.
L’anémie impacte négativement la qualité de vie des patients (97,98). En plus de cet
impact négatif individuel, parmi les patients sous chimiothérapie, les patients anémiés
ont plus d’arrêts de travail et des coûts de prise en charge plus élevés que les patients
non anémiés (99,100).

Les patients se sentent limités dans leurs activités quotidiennes et rapportent des
difficultés au niveau de l’humeur et des émotions, sociales/relationnelles, pour le travail
et les capacités intellectuelles. Ils déclarent que ces symptômes sont dus à la fatigue et
le manque total d’énergie pour accomplir les tâches d’une journée classique(98).

Des outils d’évaluation de qualité de vie sont utilisés pour mesurer en pratique la
fatigue et l’impact de l’anémie sur la vie du patient. Deux échelles principalement sont
spécifiques pour les patients atteints de cancer : l’échelle d’évaluation fonctionnelle pour
les thérapies du cancer – Anémie (Functional Assessment of Cancer Therapy – Anemia ou
FACT-An) et l’échelle d’évaluation fonctionnelle pour les thérapies du cancer – Fatigue
(FACT-F). Ces deux échelles, FACT-F et FACT-An comprennent le questionnaire original
de FACT-G (Général), qui mesure la qualité de vie du patient de façon globale, 20
questions complètent cette base de mesure. La sous échelle fatigue est constituée de 13
items supplémentaires spécifiques. FACT-An comprend FACT-F et 7 autres items
concernant l’anémie et non relatifs à la fatigue. Les questions de cette échelle sont
disponibles à la fin de ce travail en Annexe 1.
L’échelle d’évaluation linéaire analogique (LAS, linear analog scale assessments)
et l’échelle d’évaluation de vie et de satisfaction (CLAS, Contentment with Life

75
Assessment Scale) sont aussi utilisées et comprennent trois sections : évaluation du
niveau d’énergie, les activités quotidiennes et la qualité de vie globale. D’autres
questionnaires comme l’échelle de l’EORTC QLC-30 (Annexe 2) et EuroQol 5D sont
également des outils pour évaluer l’énergie, les capacités dans la vie de tous les jours
(état physique, social et émotionnel) des patients atteints de cancer.

L’anémie impacte négativement le pronostic de survie et accentue la fatigue chez


les patients atteints de cancer. La pathologie cancéreuse favorise la production de
cytokines inflammatoires, ce qui supprime le phénomène d’érythropoïèse et par voie de
conséquence la production d’érythropoïétine.

Les traitements par chimiothérapie provoquent, pour la plupart des protocoles au


long cours, des anémies. Elles sont identifiées comme normocytaires ou macrocytaires
(en général avec les sels de platine). La correction de l’anémie, si elle est symptomatique,
nécessite la mise en place de traitements par transfusions ou agents stimulants
l’érythropoïèse.

76
IV. Prise en charge de l’anémie chimio induite en onco-
hématologie

Les patients souffrant de cancer ont comme symptôme le plus handicapant la


fatigue. Cité précédemment, l’incidence de la fatigue est d’environ 70% lorsque le patient
suit une chimiothérapie. La grande variabilité de la prévalence de la fatigue dans la
littérature s’explique par les différences de méthodes d’évaluation et selon les populations
de patients étudiées.
C’est principalement en corrigeant l’anémie chimio induite que le professionnel de santé
peut soulager le symptôme de fatigue. Ce soulagement est généralement partiel car
l’anémie a une étiologie multiple. La pathologie cancéreuse est elle même responsable
de cette condition physique diminuée. Des thérapies efficaces existent pour corriger ce
type d’anémie particulier : les transfusions sanguines et les agents stimulants
l’érythropoïèse (ASE) (101).
En 2012, une étude monocentrique conduite en France montre que 58% des
patients n’ont pas reçu de traitement spécifique pour leur anémie chimio-induite. Il existe
pourtant des recommandations de prise en charge de l’anémie chimio induite qui sont
détaillées après les traitements dans cette partie (102).

IV.1 Objectif double de la prise en charge


La prise en charge de l’anémie chimio induite est double : réduire le risque
d’influence sur le pronostic vital du patient et améliorer sa qualité de vie. En corrigeant
les paramètres hématologiques, le clinicien veut limiter les complications liées au taux
diminué d’hémoglobine et ainsi maintenir l’efficacité du traitement anticancéreux tout en
améliorant le confort de vie du patient.

IV.1.1 Rétablir une bonne oxygénation des tissus


Les zones d’hypoxie dans les tumeurs solides sont caractéristiques. Ce phénomène
résulte d’un déséquilibre entre l’apport et la consommation d’oxygène. La plupart des
mécanismes pathogéniques à l’origine de l’hypoxie tumorale sont soit des anormalités
structurelles et fonctionnelles dans la micro vascularisation, soit l’augmentation des

77
distances de diffusion, soit les anémies induites par le cancer ou la thérapie ce qui conduit
à une diminution de la capacité de transport d’oxygène.
Dans le dernier cas, certaines études expérimentales montrent que l’apport d’oxygène à
la tumeur est fortement diminué et que l’hypoxie est augmentée pour des taux
d’hémoglobine inférieur à 10-12 g/dl (Figure 17 : F) (103).

Ainsi, l’hypoxie tumorale est accrue chez les patients anémiés. Elle pose un
problème thérapeutique majeur en rendant les tumeurs résistantes à certaines
chimiothérapies et aux rayonnements ionisants. Parmi les agents cytotoxiques dont
l’efficacité est diminuée par l’hypoxie tumorale, on retrouve notamment
cyclophosphamide, carboplatin (Paraplatin®; Bristol-Myers Squibb; Princeton, NJ),
carmustine (BiCNU®; Bristol-Myers Squibb), and melphalan (Alkeran®; Celgene
Corporation; Warren, NJ) (104).
L’hypoxie est aussi responsable de modulations dans la prolifération et dans le stade des
cellules tumorales dans le cycle cellulaire, ce qui influe sur la quantité de cellules détruites
après la cure anticancéreuse.

La progression et l’agressivité tumorales semblent être augmentées par l’hypoxie.


Ces changements résultent de la perte de différentiation, du phénomène d’apoptose,
d’une angiogenèse chaotique, de la propagation locorégionale plus importante, et de la
diffusion de métastases. Tous ces éléments vont concourir à la résistance aux thérapies
anticancéreuses et par conséquent affectés le pronostic à long terme. Ainsi l’anémie
influence le pronostic en majorant l’hypoxie tumorale. Cette dernière joue un rôle dans
la promotion de la progression tumorale et dans la diminution de l’efficacité thérapeutique
(103).

En conclusion, les cellules tumorales répondent au stress hypoxique par des


changements génomiques. Ces mécanismes permettent aux cellules cancéreuses de
résister au manque de nutriments ou d’échapper à cet environnement hostile par
prolifération, invasion et propagation des métastases.
Il existe un lien entre les taux bas d’hémoglobine et la diminution de l’oxygénation
tumorale. Il est donc primordial de prévenir ou corriger la pathologie et les anémies

78
chimio induites pour réduire l’hypoxie tumorale et de cette façon améliorer la réponse
thérapeutique.

Figure 17 : Fraction tissulaire hypoxique (pO2 <1 mmHg) en fonction du


taux d'hémoglobine et du flux sanguin tumoral (TBF) d’après (103).

IV.1.2 Améliorer la qualité de vie du patient


De nombreuses études utilisent l’échelle d’évaluation fonctionnelle de qualité de
vie (Functional Assessment of Cancer Therapy-Fatigue, FACT-F) pour mesurer la fatigue
et la qualité de vie des patients traités par chimiothérapie. Ces études montrent une
relation entre l’anémie chimio-induite et la qualité de vie.

Dans l’étude de Cella et al., conduite sur cinq essais randomisés incluant des
patients avec ou sans chimiothérapies, les scores reportés dans la sous partie « fatigue »
de l’échelle d’évaluation de qualité de vie FACT, sont significativement associés à une
amélioration du taux d’hémoglobine.
De plus, les patients avec un taux d’hémoglobine augmenté de 2g/dl, annoncent de
meilleurs scores dans l’échelle FACT-F que ceux n’ayant pas ce niveau d’amélioration
d’hémoglobine.

79
Pour les patients atteints de tumeurs solides ou lymphoprolifératives et recevant un
traitement par chimiothérapie, les scores sont de 3.8 (P = 0.0001) et 3.6 (P = 0.0030)
points de plus lorsque le patient a un taux d’hémoglobine augmenté de 2 g/dl.
L’amélioration du taux d’hémoglobine est associée avec des améliorations
significatives de la fatigue du patient, qui est elle-même associée à une meilleure
condition physique, à une amélioration fonctionnelle, émotionnelle et du bien être en
général (105).

Une autre étude de Cella, utilisant une échelle d’évaluation de la qualité de vie,
auprès de patients atteints de cancer, met en évidence que les scores aux questionnaires
de la FACT-G, et ceux pour les items concernant ou non la fatigue, les items de bien être
physique/fonctionnel sont significativement meilleurs pour les patients avec des taux
d’hémoglobine de 12 g/dl ou plus que pour les patients avec des taux plus faibles. Ces
résultats confirment la corrélation citée dans le paragraphe précédent : pour les patients
anémiés traités par chimiothérapie et par des agents stimulants l’érythropoïèse,
l’amélioration des paramètres de qualité de vie est corrélée avec aux niveaux
d’hémoglobine et ceci indépendamment de la réponse à la chimiothérapie (106).
D’autre part, certaines données suggèrent que l’amélioration la plus importante
de la qualité de vie s’opère pour un taux d’hémoglobine compris entre 11 et 13 g/dl
(107).

En corrigeant l’anémie chimio induite, les études montrent que le taux


d’hémoglobine augmente, les scores de FACT-F et FACT-G s’améliorent et il en est de
même pour la qualité de vie. Le patient ressent une meilleure condition physique,
émotionnelle et une amélioration globale de son bien-être.

80
IV.2 Options thérapeutiques disponibles
Avant tout traitement, il convient de prendre en charge toute cause curable
d’anémie, les étiologies et/ou les facteurs concourants à la survenue des anémies en
onco-hématologie. En onco-hématologie, on recherche un saignement chronique
justifiant éventuellement un acte local (une chirurgie, une radiothérapie à visée
hémostatique ou une embolisation sous contrôle radiologique). D’autre part, la
vérification d’un besoin de supplémentation en fer est effectuée. Enfin, le traitement
spécifique de la pathologie cancéreuse, même si elle est impliquée dans l’anémie elle
même, va pouvoir à l’inverse, participer à sa correction en limitant le syndrome
inflammatoire due à l’activité tumorale ou à l’envahissement médullaire.
La compréhension du contexte global de l’anémie conditionne la mise en place
d’un traitement adapté et permet ainsi d’avoir une correction optimale de l’anémie. En
plus des traitements étiologiques de l’anémie, deux solutions thérapeutiques sont
disponibles pour corriger l’anémie chimio induite.

IV.2.1 Les transfusions sanguines


IV.2.1.1 Généralités
Les recommandations internationales pour corriger l’anémie indiquent généralement un
taux d’hémoglobine seuil inférieur à 8 g/dl. Le Tableau 8 regroupe les derniers seuils
recommandés par les sociétés savantes et autres organisations scientifiques.
Dans la pratique médicale, la prescription de transfusion sanguine selon un seuil de taux
d’hémoglobine défini n’est pas absolue. En effet, les comorbités de chaque patient sont
à évaluer, de même que la tolérance clinique, notamment au niveau cardiaque.

81
Tableau 8 : Recommandations des organisations de santé internationales sur le taux
d’hémoglobine seuil pour instaurer une transfusion sanguine

Organisations Année de Valeur seuil pour initier une


publication transfusion sanguine
Agence Nationale de 2014 8 g/dl
Sécurité du Médicament
(ANSM) et Haute Autorité
de Santé (HAS)
Organisation Européenne 2007 9 g/dl
pour la Recherche et le
Traitement du Cancer
(EORTC)
Société Européenne 2018 7-8 g/dl et/ou symptômes associés à
d’Oncologie Médicale l’anémie sévère (même si le taux d’Hb est
(ESMO) plus élevé), et en cas de besoin immédiat
d’Hb et/ou d’améliorer les symptômes
Association Française des 2016 8 g/dl – seuil critique (Commission
Soins Oncologiques de d’Evaluation du Collège Français
Support (AFSOS) d’hématologie-

L’objectif de la transfusion sanguine est d’augmenter le transport artériel de


l’oxygène. Elle est principalement utilisée pour son avantage de correction rapide du taux
d’hémoglobine et de l’hématocrite. Cité dans le tableau 8, le seuil critique pour lequel le
collège Français d’Hématologie recommande une transfusion à partir de 8 g/dl.

IV.2.1.1.1 Efficacité des transfusions sanguines et impact sur le patient

Les transfusions sont utilisées depuis des décennies et ont été le premier
traitement disponible pour corriger l’anémie chimio induite. La transfusion d’une unité de
sang (450 mL) permet une augmentation du taux d’hémoglobine de 1 g/dl chez un adulte
de taille normale.

82
Malgré une efficacité immédiate sur le taux d’hémoglobine du patient, ce dernier
vit parfois la transfusion sanguine comme un événement avec un fort impact négatif sur
sa vie quotidienne.
En effet, la perte de temps liée aux visites du centre de soin pour la transfusion implique
des modifications d’emploi du temps professionnel et personnel. D’autres activités
personnelles comme des vacances, la gestion du foyer et de la famille, les sorties sociales
peuvent être décalées. Dans une étude analysant les durées des visites médicales pour
les transfusions, 99% des patients reportent qu’au moins une de leurs activités a du être
modifiée pour la consultation. Toutes ces visites affectent la vie quotidienne du patient
que ce soit au niveau du temps réduit pour les activités ou au niveau du coût associé à
cette perte de temps (travail).

IV.2.1.1.2 Risques liés à la transfusion sanguine

Cette efficacité rapide de la transfusion est reconnue mais est limitée. En effet,
certains facteurs de risques sont à considérer pour la transfusion de produits sanguins,
notamment la disponibilité limitée des culots sanguins, les risques viraux,
bactériologiques et immunitaires.

Disponibilité de produits sanguins de bonne qualité

Selon l’organisation mondiale de la santé, pour couvrir les besoins de sang au


niveau d’un pays, il faut que 1 à 3% de la population soit donneur. En Europe, la
fourchette de donneurs varie entre 2.4 et 54.1 par 1000 habitants et le nombre de
transfusions sanguines varie entre 3.0 et 57.4 pour 1000 habitants. Ces chiffres posent
le problème de traiter l’anémie par transfusion sanguine.
Lors d’une donation de sang, les unités sont réfrigérées et stockées pour 42 jours
maximum. La qualité des dons diminue au cours de cette période. Les dégradations dues
au stockage consistent en des changements dans le métabolisme, la forme et la
rhéologie ; la perte de glucides membranaires, de lipides et de protéines ; et des
anomalies de sécrétion, de transport d’oxygène et d’adhésion.

83
Infections virales et bactériennes

Pour éviter les infections bactériennes, des mesures sont prises concernant
l’éligibilité du donneur et la préparation de la peau, les processus de gestion, de stockage
et d’utilisation du produit, les méthodes de détection bactérienne et de divers
pathogènes. La transmission virale du sida, du virus lymphotropes à lymphocytes T
humains, du virus de l’hépatite C et B est limitée grâce à des tests systématiques des
produits sanguins. Ces mesures de sécurité ont conduit à des incidences d’un cas sur 38
500 unités pour les infections bactériennes, un cas sur 5.5 millions d’unités pour les
infections par le virus du sida, un cas sur 4.4 millions d’unités pour les infections à
l’hépatite C, et un cas sur 1.1 million d’unités pour l’hépatite B en Europe.

Risques immunologiques

Les réactions post-transfusionnelles de types immunologiques sont des


complications relativement fréquentes malgré la diminution des transmissions
d’infections. La plupart de ces réactions ont lieu directement après la transfusion et en
général se produisent après plusieurs transfusions et un nombre réduit d’unités
transfusées. Les principales complications immunologiques sont les réactions fébriles non
hémolytiques, l’allo-immunisation dans le cas de transfusions chroniques, la maladie du
greffon contre l’hôte (lymphocytes immunocompétents du donneur attaquant les tissus
de l’hôte immunodéprimé) ou encore les réactions de type allergiques (urticaire, choc
anaphylactique) (108).

Les transfusions sanguines sont également associées à un risque plus élevé de


développer une infection post opératoire et à des durées d’hospitalisation plus longue.
De plus, les transfusions ont été reliées à des ventilations mécaniques plus longues, à
des incidences augmentées de défaillance multiple d’organes et une augmentation
globale des coûts de prise en charge.
Il y a quelques années, certains doutes ont été émis quant aux potentiels effets négatifs
des transfusions sur le cancer – à savoir qu’elles pourraient exacerber la tumeur – aucun
consensus n’est identifié pour cette question (109).

84
IV.2.2 Agents stimulants l’érythropoïèse
C’est en 1957 qu’a été mis en évidence la synthèse rénale de l’érythropoïétine
(EPO). En 1985, le gène correspondant est identifié et l’industrialisation de la synthèse
conduit à l’utilisation médicale de l’EPO à partir de 1989. Le traitement par EPO est
initialement indiqué pour des patients insuffisants rénaux puis le devient pour les anémies
en onco-hématologie.
Les agents stimulants l’érythropoïèse ont été établi comme des options de qualité
pour corriger le taux d’hémoglobine. L’impact du traitement par EPO sur la qualité de vie
du patient a été étudié dans de multiples essais randomisés en utilisant les différentes
molécules de synthèse. Les trois types d’érythropoïétine (alpha, béta et darbepoétine
alpha) font preuve d’efficacité sur tous les paramètres hématologiques (110). D’autre
part, ces options thérapeutiques limitent le besoin de recourir aux transfusions sanguines
hétérologues (111).

Les indications de prescription des agents stimulant l’érythropoïèse sont décrites


et discutées dans des référentiels européens ou américains : EORTC (European
Organisation for Research and Treatment of Cancer), ESMO (European Society for
Medical Oncology), ASCO/ASH (American Society of Clinical Oncology), NCCN (National
Comprehensive Cancer Network).
A titre d’exemple, les recommandations de l’EORTC sont visibles dans le schéma ci-
dessous.

85
Corriger les causes de l’anémie en dehors de celles liées au cancer

Taux d’Hb Anémie symptoma que Anémie Hb < 9 g/dL


normal Hb entre 9-11 g/dL asymptoma que
Hb ≤ 11,9 g/dL

Traitement Ini er Considérer un Evaluer le


prophylac que traitement par traitement par ASE en besoin en
non ASE tenant compte des transfusion et
recommandé facteurs individuels considérer un
traitement
par ASE en
tenant
compte des
Traiter pour a eindre une facteurs
Hb d’environ 12 g/dL individuels

Individualiser le traitement pour maintenir le taux cible


avec un minimum de traitement

Figure 18 : Recommandations de prise en charge de l’anémie chimio-induite selon


l’AFSOS et l’EORTC (112)

Malgré quelques variations, en particulier sur le taux recommandé d’initiation du


traitement par ASE (10 ou 11 g/dl), ces référentiels présentent un schéma général
similaire. Ils s’accordent à discuter la mise en place du traitement par ASE pour les
patients en cours de chimiothérapie quand l’hémoglobinémie chute sous la valeur seuil
de 10 à 11 g/dl. Si les valeurs descendent en dessous de 9 g/dl, la transfusion sanguine
est à envisager. De plus, ce traitement par ASE ne doit pas être proposé si le patient ne
suit pas de chimiothérapie et il doit être arrêté lorsque le taux d’hémoglobine est
supérieur à 12-13 g/dl. Dans le cas d’une élévation rapide de l’hémoglobinémie,
supérieure à 2 g/dl en moins de 4 semaines, le traitement est suspendu.

86
IV.2.2.1 Les érythropoïétines recombinantes
Les agents stimulant l’érythropoïèse font partie des produits les plus performants
issus de la technologie de l’ADN recombinante. A titre d’exemple, pendant des essais
cliniques de phase III, l’EPO recombinante humaine soulage l’anémie et évite la
transfusion sanguine dans 97% des patients anémiques avec une maladie rénale en
phase terminale (96).

IV.2.2.1.1 Les érythropoïétines de première génération

L’érythropoïétine recombinante humaine est issue de la transfection du gène de


l’EPO dans les cellules de hamster chinois. Elle est semblable à l’érythropoïétine humaine
au niveau de sa glycosylation. Les érythropoïétines recombinantes disponibles sur le
marché sont les formes alpha et béta. L’époétine est la dénomination internationale de
ces molécules. Aucune différence n’a été démontrée au niveau pharmacologique entre
l’époétine alpha et beta.
L’époétine alpha est représentée par l’Eprex® du laboratoire Janssen Cilag.
L’époétine beta est commercialisée sous Neorecormon® du laboratoire Roche.

IV.2.2.1.1.1 Structure

La structure de l’érythropoïétine endogène est décrite en II.2.2.3 ). Les différences


retrouvées entre la molécule endogène et l’EPO recombinée sont dues principalement à
la variabilité de la partie glucidique. Les résidus d’acide sialique diffèrent en fonction de
la molécule d’EPO et influencent les isoformes de la molécule.
Les deux époétines commercialisées varient au niveau de leurs N-glycosylations.

IV.2.2.1.1.2 Mécanismes d’action potentiels

Correction de l’hypoxie tumorale

L’hypoxie est maintenant une caractéristique connue de résistance aux


traitements par radiothérapie ou chimiothérapie. Cette résistance consiste en la privation
d’oxygène moléculaire empêchant ainsi les agents anticancéreux d’exercer leurs effets
cytotoxiques. Ce mécanisme peut également se développer indirectement à cause
d’anomalies dans l’expression des gènes et au niveau du protéome des cellules
tumorales, ces altérations conduisent alors à des réponses améliorant la survie tumorale.

87
La relation potentielle entre l’anémie et l’hypoxie tumorale est étudiée dans de nombreux
essais expérimentaux et cliniques.
Cette relation est illustrée chez des patients atteints de cancer du col de l’utérus et de
tête et cou. La pression partielle en oxygène a été trouvée plus faible chez les patients
avec une anémie sévère (Hb ≤11.0 g/dl) versus les patients non anémiés (Hb>14 g/dl).
De même l’anémie modérée chez les patients avec un cancer du sein a été associée au
développement d’hypoxie ou d’anoxie. Ces éléments supportent le lien direct entre un
taux faible d’hémoglobine et un degré important d’hypoxie tissulaire.
Couplée à cette relation anémie-hypoxie, le rôle de l’hypoxie tumorale dans la
progression tumorale et l’augmentation de la résistance au traitement suggèrent que
l’administration d’érythropoïétine recombinante améliore les résultats thérapeutiques en
corrigeant l’anémie et donc diminue l’hypoxie tumorale.
Au niveau moléculaire, s’il y a diminution de l’hypoxie tumorale, le facteur
inductible par hypoxie, (hypoxia-inducible factor, HIF-1 α) est régulé négativement.
Lorsque l’organisme est en hypoxie, HIF-1 active la transcription de gènes responsables
de l’encodage de l’EPO, du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (vascular
endothelial growth factor, VEGF), et de nombreux facteurs impliqués dans la survie et la
croissance cellulaire, qui par conséquent agissent contre les effets néfastes liés au
manque d’oxygène.
La mise en situation d’hypoxie de cellules de mélanome humain entraine
l’augmentation du potentiel métastatique (augmentation de la sécrétion du VEGF,
augmentation de la stimulation de l’angiogenèse, etc.). En se basant sur ces
observations : la régulation positive du facteur HIF-1 dans les cellules tumorales, celle
du VEGF par l’HIF-1, et la promotion de croissance tumorale par le VEGF ; certaines
études in vitro et in vivo suggèrent l’hypothèse que l’arrêt de la voie du HIF-1 entrainerait
une diminution de l’angiogenèse et de la croissance tumorale.
Par conséquent, il est envisageable que la correction de l’anémie via le traitement
par EPO diminuerait l’accumulation de HIF-1 α et/ou jouerait un rôle sur sa régulation,
ce qui pourrait conduire à une diminution de la sécrétion du facteur VEGF et ainsi agir
sur la croissance et l’agressivité tumorale (113).

Amélioration de la sensibilité à la chimiothérapie

88
Plusieurs études précliniques et cliniques attribuent la correction de l’anémie par
EPO à une amélioration de la sensibilité de la tumeur aux radiations et à la
chimiothérapie. Dans un modèle associant tumeur et anémie induite par carboplatine, le
délai dans la croissance tumorale après administration de cyclophosphamide est plus
court dans le groupe de patients anémiés (8.6 jours) que pour le groupe contrôle traités
par EPO (13.3 jours). Ces résultats suggèrent que l’anémie chimio-induite réduit la
cytotoxicité du cyclophosphamide, alors que la correction de l’anémie par EPO augmente
la sensibilité à l’agent de chimiothérapie, probablement due à une meilleure oxygénation
du tissu tumoral (pourcentage d’hématocrite plus élevé)(114).
Du fait du mécanisme d’action oxygène-dépendant de certains agents de
chimiothérapie, l’érythropoïétine recombinante, en augmentant le taux intracellulaire
d’oxygène, va pouvoir augmenter la sensibilité des cellules cibles de la chimiothérapie ;
et ainsi améliorer les résultats thérapeutiques.

Amélioration de la qualité de vie

Dans la partie précédente, les conséquences de l’anémie chimio-induite ont été


décrites. L’impact sur la qualité de vie est l’un des éléments moteurs de la recherche
pour des solutions thérapeutiques (ou non thérapeutiques) ayant pour objectif le
soulagement des symptômes.
L’un des moyens par lequel l’EPO permet d’obtenir de meilleurs résultats thérapeutiques
est son effet positif sur l’état physique général du patient et sa qualité de vie.
Des études ouvertes, en double aveugle (versus placebo), communautaires à un seul
bras démontrent l’efficacité de l’époétine alpha dans l’augmentation du taux
d’hémoglobine et de l’hématocrite, et donc corrigeant l’anémie et réduisant les besoins
en transfusions.

Du point de vue clinique, l’efficacité du traitement anticancéreux peut être


compromis du fait des symptômes de l’anémie. D’une part parce qu’ils peuvent empêcher
le patient de suivre la totalité de la cure et ensuite parce qu’ils annulent les effets positifs
de la thérapie, à savoir une amélioration du temps de survie, en causant une dégradation
importante et prolongée des paramètres de qualité de vie.

89
En corrigeant l’anémie, le traitement par EPO va aussi améliorer les symptômes
associés, potentiellement augmenter la capacité du patient à supporter son traitement
anticancéreux et lui permettre de suivre la thérapie avec les bonnes doses et le bon
schéma d’administration.
Par ailleurs, l’EPO améliore la sensation de bien être via des effets directs comme
par exemple pour les problèmes cognitifs (à savoir la perte de mémoire, la diminution de
concentration, les troubles d’expression, etc.). Ils apparaissent fréquemment au cours
d’une chimiothérapie, et spécifiquement pour les patients qui ont reçu de fortes doses
pour traiter un cancer du sein. Les premiers résultats d’essais en cours suggèrent que
l’époétine alpha est un atout dans l’amélioration des dysfonctionnements cognitifs (115).
Le mécanisme investigué par lequel l’EPO a un effet protecteur des neurones vis à vis
d’événements ischémiques se base sur des études avec modèle animal. Ces résultats ont
orienté la recherche vers les potentiels effets positifs de l’époétine alpha sur les patients
ayant eu des accidents ischémiques. D’autres données évoquent l’action bénéfique de
l’EPO alpha sur les toxicités pulmonaires induites par la bléomycine (glycopeptide
antibiotique cytotoxique) qui ainsi améliore le fonctionnement des poumons.
L’érythropoïétine recombinante inhibe l’activation de la bléomycine par l’endothélium
capillaire et prévient la destruction de ce dernier. Cet effet s’additionnerait avec les effets
précédemment cités de l’EPO pour améliorer les paramètres de qualité de vie du patient.

L’érythropoïétine recombinante a donc un impact positif certain sur les résultats


du traitement anticancéreux et ceci grâce à divers mécanismes incluant la correction de
l’hypoxie tumorale, l’amélioration de la sensibilité des cellules malignes à la
chimiothérapie et l’amélioration de la qualité de vie. Les publications scientifiques sur ces
différentes activités de l’EPO sont de plus en plus nombreuses et suggèrent que cette
dernière possède en plus de ses propriétés sur les paramètres hématologiques connues
d’autres activités biologiques.

90
IV.2.2.1.1.3 Indications et efficacité des érythropoïétines recombinantes

Pour évaluer l’efficacité des traitements par EPO, les critères employés sont
l’augmentation de l’hémoglobinémie, le taux de réponse à l’EPO, le délai de réponse, la
diminution des besoins de transfusions sanguines et aussi les critères de qualité de vie.
Le taux de réponse au traitement par érythropoïétine est expliqué dans le paragraphe
IV.2.2.1.4

IV.2.2.1.1.4 Posologie et Administration

L’administration des époétines alpha et beta se fait habituellement par voie sous-
cutanée, trois fois par semaine, avec une dose variant de 150 à 300 U/Kg.
L’administration de 30 à 40 000 unités une fois par semaine est également
possible. D’autres dosages sont envisageables comme par exemple l’administration de
80 000 unités toutes les deux semaines et 120 000 unités toutes les trois semaines.

IV.2.2.1.2 L’érythropoïétine de deuxième génération : la darbépoétine alpha

La darbépoétine alpha a été développée dans le but de s’affranchir de la limite de


l’érythropoïétine recombinante de première génération : son schéma d’administration
d’une à trois fois par semaine. La darbépoétine alpha est commercialisée par le
laboratoire Amgen sous le nom d’Aranesp®.

IV.2.2.1.2.1 Structure

La darbépoétine alpha est obtenue par mutagénèse du gène de l’EPO. Il y a


création de deux nouveaux sites de N-glycosylation par substitution de cinq acides
aminés. Du fait de cette addition de chaînes glucidiques, le poids moléculaire de la
darbépoétine alpha est augmenté par rapport à celui de l’EPO recombinante. Chacune de
ces nouvelles chaînes N-glycosylées possède 4 résidus d’acide sialique et correspond à
environ 3,300 daltons. Au total, la darbépoétine possède cinq chaînes de N-glycosylation
et une chaîne de O-glycosylation, 165 acides aminés (dont cinq mutés) et 22 acides
sialiques. En comparaison avec l’érythropoïétine recombinante humaine, les deux chaînes
glucidiques supplémentaires augmentent de 22% le poids moléculaire (37,100 daltons)
et le nombre d’acide sialique passe de 14 à 22 (116).

91
Une relation directe existe entre le nombre élevé de résidus d’acides sialiques des
chaînes gycosylées et la durée de la demi vie de la molécule et son activité biologique,
avec une affinité de liaison au récepteur de l’EPO diminuée.
La demi-vie de la darbépoétine après injection chez l’homme est environ trois fois
plus longue que celle de l’époétine recombinante (25,2 heures versus 8,5 heures pour
l’époétine alpha) (52).

IV.2.2.1.2.2 Efficacité et indications

L’efficacité clinique de la darbépoétine alpha a été étudiée sous différents schémas


d’administration : une dose administrée une fois par semaine, une fois toutes les deux
ou trois semaines.
La dose de 2.25 μg/kg/semaine a été démontrée comme étant efficace chez les patients
avec des tumeurs solides et lymphoprolifératives, recevant une chimiothérapie.

La darbépoétine alpha est utilisée en Europe et aux Etats Unis pour le traitement
de l’anémie chez les patients souffrant de maladie rénale chronique et est également
indiquée dans le traitement de l’anémie chez les patients sous chimiothérapie. Dans
l’étude de phase III de Vansteenkiste (randomisée, en double aveugle versus placebo),
la sécurité et l’efficacité de la darbépoétine administrée une fois par semaine a été
analysée chez des patients anémiés avec un cancer pulmonaire et sous chimiothérapie
multicycles. Une diminution de plus de 50% de l’incidence des transfusions et du nombre
d’unités transfusées est constatée chez les patients recevant la darbépoétine versus
placebo. La fatigue diminue également dans le groupe de patients recevant la
darbépoétine.
L’effet de la réduction des besoins transfusionnels a été identifié dès les premières
semaines de traitement. Tandis que plusieurs études sur l’érythropoïétine humaine
recombinante ont démontré qu’un mois de délai est nécessaire pour avoir une efficacité
clinique. Certaines autres ne donnent pas de résultats significatifs sur l’efficacité clinique
versus placebo lorsqu’elles incluent les données du premier mois de thérapie. Ce délai
reflète l’influence des doses de l’EPO recombinante sur la cinétique de l’érythropoïèse, la
réponse au traitement n’est pas suffisamment rapide pour éviter un besoin potentiel de
transfusion sanguine pendant le premier mois de traitement. Ce qui n’est pas le cas pour

92
la darbépoétine alpha administrée à raison d’une fois par semaine avec un dosage de
2.25 μg/kg pendant 12 semaines.
Grâce à sa demi vie prolongée, la darbépoétine alpha permet des administrations
moins fréquentes, un nombre d’injection réduit et donc moins de temps passé en soin
pour le patient et une meilleure observance de ce dernier (117).

Les chimiothérapies pour les tumeurs solides s’inscrivent généralement dans un


cycle qui dure trois semaines. L’extension des intervalles d’administration du traitement
par EPO a donc été étudiée pour correspondre aux jours de présence du patient dans le
centre de soin. Du fait de sa demi vie allongée la darbépoétine alpha est identifiée comme
la meilleure option thérapeutique à investiguer.
Ce schéma d’administration toutes les trois semaines d’une dose fixe de 500 μg chez des
patients avec une chimiothérapie pour des pathologies malignes non myéloïdes, est
comparé avec celui d’une seule administration par semaine de 2.25 μg/kg. Les résultats
de cette comparaison démontrent une efficacité clinique similaire entre les deux groupes
de traitement. Il n’y a pas de changements concernant des survenues d’effets
secondaires chez les patients de poids faible ou de diminution d’efficacité dans les cas
d’anémies sévères versus le groupe traité une fois par semaine. Par conséquent,
l’administration d’une dose de darbépoétine toutes les trois semaines est une solution
qui permet de faire coïncider le traitement de l’anémie avec celui du cancer. La
synchronisation des traitements améliore la vie du patient et facilite son organisation. Il
existe potentiellement un bénéfice du point de vue de l’économie de la santé : les
ressources médicales sont sollicités une seule fois, le patient groupe ses visites au centre
de soin (118).

L’efficacité clinique (amélioration du taux d’hémoglobine et de la qualité de vie du


patient) a été également démontrée dans l’étude observationnelle de phase IV eAQUA
publiée en 2016. Elle a été conduite sur environ 1,200 patients atteints de tumeurs
solides, présentant des symptômes de l’anémie chimio induite traités majoritairement
par la darbépoétine alpha et par d’autres agents stimulants l’érythropoïèse en cas
d’absence d’autorisation de mise sur le marché dans le pays.

93
Le résultat principal est l’augmentation de plus de 1 g/dl du taux d’hémoglobine et
l’amélioration des paramètres de qualité de vie mesurés à la semaine 9 du traitement
par darbépoétine : 32% des patients rencontrent ces critères. Cette réponse du taux
d’hémoglobine de plus de 1 g/dl à la semaine 9 est significativement prédictif pour
l’amélioration consécutive de la qualité de vie. Ce point est supporté par les observations
de Vansteenkiste cité précédemment (101).

IV.2.2.1.2.3 Posologie et Administration

La darbépoétine alpha se présente sous forme de stylo pré-rempli pour une


administration sous cutanée. Le produit est administré chez le patient présentant une
anémie symptomatique, avec un taux d’hémoglobine qui peut être par exemple ≤ 10 g/dl
(6,2 mmol/l). Le taux cible d’hémoglobine est compris entre 10 et 12 g/dl (7,5 mmol/l).
La posologie initiale recommandée est de 2,25 µg/kg de poids corporel par
semaine ou de 500 µg (6,75 µg/kg) toutes les trois semaines. En cas de réponse clinique
insatisfaisante après 9 semaines de traitement, l’interruption de la thérapie est
envisagée.
Lorsque l’objectif thérapeutique est atteint, la dose est diminuée de 25 à 50% de façon
à maintenir le taux d’hémoglobine stable et gérer les symptômes de l’anémie. En cas de
taux d’hémoglobine supérieur à 12 g/dl, la dose de darbépoétine est réduite. De même,
lorsque le taux dépasse 13 g/dl, le traitement est stoppé temporairement et repris à une
dose diminuée de 25 à 50% lorsque le taux d’hémoglobine est redescendu à une valeur
inférieure à 12 g/dl. La dose est également réduite de 25 à 50% lorsqu’il y a
augmentation de plus de 2 g/dl du taux d’hémoglobine sur une période de quatre
semaines. Le traitement par Aranesp® est arrêté maximum quatre semaines après la fin
de la chimiothérapie (Résumé des Caractéristiques Produit, révision du 10/01/2018).

Les unités utilisées des doses d’EPO recombinantes et celles de la darbépoétine


alpha sont différentes. Le microgramme de la darbépoétine correspond à 200 UI d’EPO
recombinante humaine.

94
IV.2.2.1.2.4 Effets indésirables

La darbépoétine alpha est une molécule bien tolérée. Les effets indésirables
reportés dans les études cliniques, sont généralement associés aux pathologies
cancéreuses et aux effets toxiques de la chimiothérapie, aucune différence n’est faite
entre les groupes traités par darbépoétine ou recevant le placebo. Des effets indésirables
de type gastrointestinaux (nausées et vomissements) et des symptômes constitutionnels
(tels que la fatigue) sont les plus fréquemment reportés. Par ailleurs, aucune relation
effet-dose n’a été établie avec la survenue des effets indésirables (119).
Les risques évalués importants associés au traitement par Aranesp® sont l’hypertension,
les convulsions, et les réactions allergiques (Avis de la Commission de Transparence).

IV.2.2.1.3 Les biosimilaires

L’expiration du brevet de l’époétine alpha a conduit au développement et à la mise


sur le marché de plusieurs biosimilaires. Le médicament biosimilaire est défini par la
législation européenne comme un médicament avec des propriétés physico-chimiques et
biologiques, la substance pharmaceutique et la forme pharmaceutique semblables au
médicament de référence déjà autorisé sur le marché européen et dont le brevet est dans
le domaine public. De plus, l’efficacité et la sécurité doivent être similaires à la référence.
Par ailleurs, le principe de substitution entre produits de référence et produits
biosimilaires ne s’appliquent pas du fait de potentielles différences entre les processus
de fabrication.

Les biosimilaires approuvés en Europe par l’EMA (European Medicines Agency)


sont produits par deux sociétés. L’époétine Alpha Hexal®, Abseamed® et Binocrit® sont
des biosimilaires de l’époétine alpha, Eprex® et sont fabriqués par le laboratoire
Rentschler Biotechnologie GmbH. Les distributeurs de ces trois biosimilaires sont
différents.
Norbitex GmbH est le fabricant des deux autres biosimilaires de l’Eprex®,
Retacrit® et Silapo®, toutefois la dénomination commune internationale (DCI) de ces
produits est l’époétine zêta. Les substances actives de l’Eprex® et de l’époétine zêta sont
de structure protéique similaire. Il y a néanmoins des différences au niveau des

95
glycosylations. Les études d’efficacité et de sécurité de Retacrit® comparé à l’époétine
alpha, démontrent des résultats similaires pour l’indication du produit en oncologie.
En France, deux biosimilaires de l’EPO sont prescrits : Binocrit® et Retacrit® pour le
traitement de l’anémie chimio-induite (120).

L’étude ORHEO (place des biOsimilaiRes dans la prise en charge thérapeutique de


l’anémie chimio-induite en Hématologie et en Oncologie) a été conduite en France sur
2,310 patients pour vérifier l’efficacité et la tolérance des biosimilaires de l’époétine alpha
dans le traitement de l’anémie chimio-induite. Elle fournit des éléments supplémentaires
pour défendre l’innocuité des biosimilaires et ce, particulièrement dans la sous partie des
cancers du sein (121).
Les recommandations concernant la posologie des biosimilaires est identique à
celles des molécules de référence : le taux cible d’hémoglobine se situe entre 10 et 12
g/dl. Il est déconseillé de poursuivre le traitement sur une période prolongée si le taux
dépasse 12 g/dl. A l’initiation du traitement, la dose est de 150 UI/kg, trois fois par
semaine. Le produit est également administré une fois par semaine à raison de 450 UI/kg
par voie sous-cutanée.

IV.2.2.1.4 Réponse au traitement par EPO

La notion de réponse au traitement représente le pourcentage de patients pour


lequel le traitement provoque un effet thérapeutique. Le concept de réponse insuffisante
comprend l’aggravation de l’anémie, l’absence de réponse, la réponse partielle et la
mauvaise tolérance au traitement. Les paramètres influençant cette réponse sont
multiples et parfois non identifiés. Ils peuvent être intrinsèques à l’individu et
extrinsèques. La littérature relative à l’anémie chimio induite et au traitement par ASE,
mentionne un taux de réponse d’environ 50% : c’est à dire que environ 50% des patients
ne répondent pas au traitement par EPO. Par ailleurs, la conséquence grave d’un long
délai de réponse est le possible arrêt prématuré du traitement. En partant de ces
constats, plusieurs études tentent de définir des facteurs prédictifs de réponse au
traitement. Un des critères les plus importants est l’évolution de la concentration en
hémoglobine.

96
Dans le cas des hémopathies malignes, il est retrouvé comme facteur prédictif de
non réponse à l’EPO le taux pré-thérapeutique d’érythropoïétine sérique élevé (>100 ou
200 mU/mL). Ainsi en calculant des coefficients d’EPO observée/ EPO attendue, on révèle
une insuffisance de sécrétion plus ou moins importante (selon le grade de l’anémie). Le
rapport EPO observée/EPO attendue inférieur à 0.8 ou une valeur d’EPO mesurée
inférieure à 50 mU/mL démontre une diminution du taux d’EPO endogène. L’anémie peut
possiblement être corrigée par le traitement par ASE. Il convient donc d’identifier les
patients avec un déficit en EPO.
Est également noté, l’augmentation du nombre de réticulocytes comme facteur de
réponse précoce au traitement par EPO, à raison d’une augmentation de 40 000
réticulocytes à 4 semaines.
L’augmentation rapide du taux d’hémoglobine confirme la réponse au traitement
par EPO. Par exemple l’augmentation d’1g/dl à la semaine 4 du traitement permet de
prédire un taux de réponse à terme de 75%.
Les autres facteurs prédictifs de réponse sont l’augmentation du taux de la
protéine réceptrice de la transferrine, le score du performans status (échelle
d’autonomie), le contrôle de la pathologie cancéreuse et la dose d’EPO administrée (56).
Le dosage d’érythropoïétine endogène est donc un moyen intéressant pour
orienter la prescription d’EPO au patient anémique atteint de cancer lorsque ce dernier
présente un taux supérieur à 100 mU/mL. Ainsi, l’identification des patients susceptibles
d’avoir une réponse plus importante au traitement par EPO permet une optimisation de
la pratique médicale.

IV.2.2.1.5 Tolérance – bénéfices/risques

Nous l’avons vu dans chacun des paragraphes relatifs aux érythropoïétines


exogènes (érythropoïétines recombinantes humaines, darbépoétine alpha et les
biosimilaires), les agents stimulants l’érythropoïèse corrigent l’anémie chimio-induite en
rétablissant le taux d’hémoglobine à un niveau suffisant pour améliorer les symptômes
expérimentés par le patient et lui apportant ainsi une meilleure qualité de vie. Les
échelles d’évaluation des paramètres de qualité de vie (fonctions cognitives, activités
physiques et sociales, impact de la fatigue, etc.) permettent une mesure des
changements dans la vie quotidienne du patient traité par érythropoïétine de synthèse.

97
De plus, de nombreuses études ont identifié une diminution des besoins
transfusionnels lorsqu’un tel traitement est mis en place, évitant ainsi, les complications
et risques associés à cette solution thérapeutique. La méta analyse de Spivak confirme
les résultats de la précédente (Cochrane) : les patients recevant un agent stimulant
l’érythropoïèse pour traiter leur anémie chimio-induite, sont moins sujets à être
transfusés – le ratio est d’environ de 2 : 1. Dans cette méta-analyse Cochrane, la seconde
observation correspond à une meilleure survie des patients traités par rapport à ceux qui
ne le sont pas (intervalle de confiance de 95%) (122).

IV.2.2.1.6 Effets secondaires du traitement par ASE

IV.2.2.1.6.1 L’érythropoïétine et l’évolution du cancer

De nombreux essais cliniques ont été conduits en considérant la possibilité que les
ASE fournissent une amélioration pour la survie des patients anémiques. La plupart de
ces études ont commencé le traitement avec des ASE chez les patients avec un taux
normal d’hématocrite. Ces approches se sont révélées désavantageuses et en 2007,
l’autorité américaine de sécurité du médicament (FDA) communique sur les EPOs
recombinantes avec une mise en garde sur des événements cardiovasculaires et
thromboemboliques, des taux de mortalité augmentés et une progression tumorale.
En particulier, quatre études illustrent ces événements notifiés par la FDA. L’étude
ENHANCE montre un taux de mortalité plus élevé chez les patients traités par EPOs
recombinantes que chez les patients du groupe contrôle pour le cancer de la tête et du
cou. La même observation est faite pour l’étude BEST, conduite sur des patients atteints
de cancer du sein et traités par radio ou chimiothérapies et EPO, ainsi que chez les
patients anémiques atteints de cancer sans chimiothérapies dans l’étude EPO-CAN-20
pour le cancer du poumon non à petites cellules et dans l’étude Amgen 103 (122).
Trois éléments peuvent expliquer pourquoi les EPOs ont potentiellement ces effets
secondaires : la progression tumorale est le résultat de la stimulation des récepteurs à
l’EPO des cellules tumorales, le risque plus élevé d’événements thromboemboliques et la
durée de survie raccourcie s’expliquent par l’administration de l’EPO elle-même.
Néanmoins, ces explications sont controversées.
Dans certaines études rétrospectives, les conclusions démontrent que l’EPO
recombinante au contraire prolonge la survie pour des patients avec un syndrome

98
myélodysplasique et n’accélère pas la transformation leucémique (123). De plus, les
récepteurs à l’EPO sont plus nombreux sur les cellules érythroïdes que sur les cellules
non érythroïdes ou tumorales, et l’affinité récepteur-ligand sur les cellules autres que les
cellules érythroïdes est si faible que la compétition pour l’EPO est presque inexistante
pour les concentrations plasmatiques durant la chimiothérapie. Le postulat de
progression tumorale n’est donc pas encore vérifié.
Concernant le risque accru d’événements thromboemboliques, l’explication peut
venir de l’effet de l’EPO sur la masse des globules rouges et sur le volume plasmatique
dans un contexte d’hypercoagulation caractéristique du cancer. L’effet sur la masse des
globules rouges, son expansion, peut être à l’origine d’une hypertension systémique,
pulmonaire, d’une diminution du flux sanguin au niveau des reins et du cerveau, d’une
augmentation des interactions entre les plaquettes, les leucocytes et les cellules
endothéliales, etc.
Lorsqu’il y a expansion de la masse des globules rouges, le volume plasmatique se réduit.
L’organisme tend à maintenir un volume sanguin constant. C’est pourquoi
l’administration concomitante d’EPO et de transfusions augmente le risque de développer
une thrombose veineuse (96).

En situation physiologique d’hypoxie – altitude de 4,350 mètres, l’EPO plasmatique


augmente rapidement : le pic d’augmentation est atteint au tour du troisième jour.
Malgré la persistance de la situation d’hypoxie, le taux d’EPO va se réguler à la baisse
(entre le 5ème et 7ème jour d’exposition). L’administration d’EPO recombinante se fait
désormais une seule fois par semaine (versus trois fois par semaine au départ), la
situation d’hypoxie est alors totalement reproduite. Le taux d’EPO augmente rapidement
pour atteindre un pic et il est ensuite régulé à un taux plus faible. Le volume plasmatique
réduit résultant de l’hypoxie est probablement en partie responsable de l’augmentation
plasmatique de l’EPO. Avec une administration d’EPO une fois par semaine, le taux d’EPO
dépasse les capacités de liaisons aux récepteurs à l’EPO, ce qui entraine la production de
cytokines et la contraction du volume plasmatique. A contrario, l’administration d’EPO
trois fois par semaine, permet de ne pas dépasser les capacités de liaison EPO-récepteur
et évite les deux conséquences citées. Il apparaît alors que le schéma d’administration
d’EPO recombinante à raison de trois fois par semaine avec des doses plus faibles semble

99
plus sûr – ce constat est supporté par la méta analyse de Bohlius conduite sur presque
14,000 patients anémiques traités par ASE (122).
La « non-réponse » au traitement par EPO est associée à une diminution de la
durée de survie en comparaison avec les patients anémiques ayant une réponse au
traitement. La réponse au traitement par EPO est définie par un gain minimum de 2 g/dl
d’hémoglobine durant les 12 semaines de traitement(124).

IV.2.2.1.6.2 Événements thromboemboliques

Récemment, des évènements ont alerté les professionnels de santé sur le risque
de thromboembolisme chez les patients traités par ASE. Ces évènements ont été
regroupés dans une méta analyse conduite par Tonnelli et Bennett (125,126). L’étude
BRAVE d’Aapro est conduite sur des patients atteints de cancer du sein traités par
chimiothérapie et par époétine béta ou recevant d’autres soins de support. Les patients
traités avec des ASEs reportaient le plus d’évènements thromboemboliques que le groupe
contrôle : 13% versus 6% pour les non-traités par ASE.
Glaspy trouve également un risque thromboembolique plus élevé dans six études
cliniques utilisant la darbépoétine alpha et particulièrement chez les patients avec un
taux d’hémoglobine supérieur à 12 g/dl ou ceux ayant une augmentation du taux de plus
de 1 g/dl dans les 14 jours.
Une corrélation a été trouvée entre le risque thromboembolique et taux
d’hémoglobine cible du traitement par érythropoïétine. Quand la cible est de 13 g/dl, le
risque relatif pour une thrombo-embolie veineuse est de 0.7. Il augmente jusqu’à 1.7
pour un taux cible compris entre 13 et 14 g/dl. Dans des études visant des taux
supérieurs à 15 g/dl, le risque atteint 1.92. Toutefois, ces études sont potentiellement
biaisées du fait d’une utilisation hors AMM des molécules d’EPO de synthèse. Par exemple,
dans l’étude BEST de Bennet de 2008 les patients atteints de cancer qui ont reçu un
traitement par ASE ont un risque accru de thrombo-embolie veineuse (334 évènements
reportés parmi les 4,610 patients traités par agents stimulants l’érythropoïèse versus
173 évènements parmi les 3,562 patients du groupe contrôle) (125).

IV.2.2.1.6.3 Aplasie de la lignée érythrocytaire

L’aplasie pure des globules rouges (Pure Red Cell Aplasia, PRCA) est une
complication rare de l’anémie sévère, elle est caractérisée par un taux très bas de

100
réticulocytes : 10 000/µL (pourcentage réticulocytaire <1%) et par l’absence virtuelle
des précurseurs érythroïdes dans la moelle osseuse. Toutes les autres lignées cellulaires
sont présentes et elles apparaissent quantitativement et morphologiquement normales.
Les PRCA décrites chez les patients recevant un traitement d’érythropoïétine, consiste en
l’induction d’anticorps neutralisants qui ciblent particulièrement l’EPO.
Pendant les premières années d’utilisation de l’érythropoïétine recombinante, trois
cas d’aplasies pures de la lignée érythrocytaire ont été reportés. Dans les années 2000,
le nombre de cas signalés augmente – lorsque le produit est utilisé en sous-cutané et
dans l’indication pour les patients insuffisants rénaux. La majorité des cas comporte
l’Eprex® qui est alors le plus utilisé avant l’arrivée de l’époétine béta (Néorecormon®
obtient son autorisation de mise sur le marché en 1997).
Toutefois, aucun cas n’est rapporté chez des patients atteints de cancer et avec
une utilisation par voie intraveineuse. Par ailleurs, cette augmentation de cas d’aplasie
coïncide avec la législation européenne exigeant le retrait du sérum d’albumine humaine
dans la formulation de l’époétine alpha (Eprex®). La nouvelle formule apparemment
moins stable, entraîne la formation de microaggrégats et augmenterait la probabilité de
formation d’anticorps neutralisants anti érythropoïétine. Le traitement pour cette
anomalie passe par une thérapie immunosuppressive avec des glucocorticoïdes
(prednisone), traitement fonctionnant dans environ 70% des cas (127). L’incidence de
l’aplasie pure des globules rouges a diminué d’environ 90% en France après les mises en
garde des autorités compétentes et les mesures correctrices pour la formulation du
médicament : les joints des seringues pré-remplies sont recouverts d’un matériau
protecteur (128).

101
IV.2.2.1.7 Supplémentation en fer

Un déficit fonctionnel en fer est souvent constaté chez les patients traités par EPO.
Le fer étant l’un des éléments de l’hémoglobine, il est compréhensible qu’une carence en
fer puisse constituer un facteur limitant de l’érythropoïèse. Une surveillance de la
sidérémie est donc recommandée chez le patient anémié et traité par EPO.
Il a été montré qu’une baisse de plus de 20% de la saturation de la sidérophiline
est à l’origine d’une perte d’efficacité de l’EPO (avec des valeurs de ferritinémie élevées
ou normales). Au cours d’un syndrome inflammatoire, la supplémentation en fer est donc
recommandé (le fer est stocké et non mobilisable), en association avec un traitement par
EPO lorsque la sidérophiline diminue (129).
L’efficacité de la forme d’administration du fer a fait l’objet d’études scientifiques. La
supplémentation par voie intraveineuse ou par voie orale ont été comparées. Les
résultats dénotent un gain en hémoglobine plus élevé pour le groupe de patient avec une
supplémentation par voie intraveineuse que pour les groupes avec une supplémentation
par voie orale ou sans supplémentation. L’absorption du fer per os est variable et
incomplète et aucune différence n’a été montrée entre les patients recevant du fer par
voie orale ou ne recevant pas de fer (56,127,130).
Le référentiel inter régional en Soins Oncologiques de Support de l’AFSOS
présentant des recommandations pour l’anémie et le cancer, préconise le fer injectable
(hydroxyde ferrique) en association avec les ASE même en l’absence de carence martiale
objectivée. Les posologies préconisées sont de 100 mg/semaine jusqu’à la 6ème semaine
ou 100 mg toutes les deux semaines à partir de la 8 ème semaine. Lorsque la ferritinémie
dépasse 1000 µg/L, le traitement par fer doit être suspendu jusqu’à obtention d’une
valeur inférieure à 500 µg/L.

IV.2.2.1.8 Les ASE indiqués en prophylaxie de l’anémie chimio-induite

L’utilisation des agents stimulants l’érythropoïèse en prophylaxie pour les patients


à risque d’anémie chimio-induite est en cours d’étude. Le risque de développer une
anémie chimio induite est défini par le niveau initial d’hémoglobine (avant l’initiation de
la chimiothérapie), l’état général du patient et le taux de lymphocytes. A ce jour, aucune
recommandation n’est publiée pour cette indication particulière (131). En effet, la
littérature sur cette utilisation de l’EPO recombinante en prophylaxie de l’anémie est

102
encore peu fournie. Les études traitant du sujet incluent des patients atteints de cancers
du poumon et du sein. Les conclusions confirment une efficacité sur le taux
d’hémoglobine et les besoins transfusionnels. Bien évidemment, le taux d’hémoglobine à
l’inclusion étant plus élevé, les besoins en transfusions sont inférieurs dans les bras de
l’étude sans traitement par érythropoïétine recombinante et par conséquent la variation
absolue du gain érythrocytaire ou du taux de patients non transfusés est moindre.
Aucune publication ne fait état de l’impact sur la qualité de vie, sur l’efficacité
thérapeutique ou encore sur la survie. L’arrêt de l’étude de Leylandjones et coll. oriente
même vers des conclusions négatives à savoir l’absence d’amélioration suite à
l’administration d’EPO et de potentiels effets délétères (progression tumorale, accidents
thrombo-emboliques).
L’époétine bêta est la seule molécule utilisée dans la prévention de l’anémie des
adultes atteints de tumeurs solides et traités par chimiothérapie à base de platine
susceptible d’entraîner une anémie (pour un protocole incluant du cisplatine à 75 mg/m 2
par cycle et du carboplatine à 350 mg/m 2 par cycle) (132).

IV.2.2.1.9 Eporatio

L’Eporatio n’est pas un biosimilaire mais une époétine thêta, enregistrée auprès
de l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) comme un princeps (étude
Phase II). Ce produit est commercialisé par le laboratoire Teva.
L’efficacité de l’époétine thêta a été principalement évaluée dans des études
versus placebo chez le patient souffrant de cancer. Aucun effet négatif sur la survie n’a
été rapporté dans les études randomisées réalisées chez 586 patients traités pour leur
anémie. Les données relatives à la mortalité sont plus favorables dans le groupe de
patients traités par l’époétine thêta en comparaison avec le groupe placebo.
La posologie recommandée pour l’administration d’une dose par semaine est de
20 000 UI (sans prise en compte du poids corporel). Selon l’évolution du taux
d’hémoglobine après quatre semaines de traitement : augmentation d’au moins 1 g/dl,
pas d’augmentation d’au moins 1 g/dl ; la dose sera respectivement maintenue et
éventuellement doublée à 40 000 UI par semaine. Après 4 semaines supplémentaires de
traitement, si l’augmentation du taux d’hémoglobine est toujours insuffisante, la dose de

103
60 000 UI par semaine peut être envisagée. Elle correspond à la dose maximale à ne pas
dépasser (133).

IV.2.3 Alternatives aux transfusions et aux agents stimulants


l’érythropoïèse
L’expression du gène de l’EPO est sous contrôle de facteurs inhibiteurs de
transcription (GATA-2, NF‐κB) et de facteurs stimulants la transcription (HIF-2, HNF 4).
Le déficit en EPO est un facteur contributeur de l’apparition d’anémie chez les patients
atteints de cancer. Des petits composés actifs capables de stimuler la production
endogène d’EPO sont en cours d’étude préclinique et clinique. Il s’agit de stabilisateurs
de HIF qui se lient au facteur amplificateur de l’EPO et aux inhibiteurs GATA ce qui
prévient la suppression de l’expression du promoteur de l’EPO par les facteurs GATA. Ces
médicaments stabilisateurs de HIF (hypoxia inducible factors) ont également un effet
oncogène, ce qui oriente leur utilisation en seconde ligne malgré leurs avantages en
termes d’activité et de coût.
Les thérapies géniques de l’EPO sont étudiées au niveau animal et dans des essais
incluant des patients avec des maladies rénales chroniques. Le principal problème
rencontré est l’immunogénicité des cellules transfectées ex vivo et de la protéine
recombinante produite après le transfert d’ADN complémentaire (ADNc) ex vivo ou in
vivo de l’EPO (134).

IV.2.4 La pratique médicale


Les tendances des pratiques médicales varient selon les indications des
médicaments et les régions géographiques dans lesquelles ils sont utilisés. La fréquence
des dosages est associée aux visites médicales avec le professionnel de santé et avec la
durée d’action de l’agent stimulant l’érythropoïèse.
En onco-hématologie, les dosages sanguins sont réalisés deux à trois fois par
semaine du fait de la demi-vie courte de l’érythropoïétine recombinante. La fréquence de
dosage des différents ASE est liée à des facteurs variés comme les habitudes de pratiques
cliniques et la durée d’action de l’ASE utilisé. L’espacement des intervalles de dosage est
souvent possible, mais il faut considérer certains éléments cliniques et pharmaco-

104
économiques pour pouvoir se permettre cet espacement de dosage. Le maintien du taux
d’hémoglobine dans une fourchette cible de 11 à 12 g/dl reste une priorité clinique. De
même que la surveillance des besoins d’adaptations de doses (par exemple le besoin
d’augmenter la dose plus qu’une simple multiplication des intervalles de temps) de façon
à étendre la fréquence de dosage (135).

Les recommandations françaises pour la pratique clinique dans cette indication


d’anémie en cancérologie s’inscrivent dans le programme « Standards, Options et
Recommandations » (SOR), programme qui est initié par la Fédération Nationale des
Centres de Lutte Contre le Cancer (FNCLCC) en 1993. Il est réalisé avec le concours du
secteur public, du secteur privé, des fédérations professionnelles, de sociétés savantes
et avec l’Institut National du Cancer. Ce SOR inclut la définition de recommandations
pour la pratique clinique, leur actualisation et leur diffusion vers les professionnels de
santé concernés ainsi que l’évaluation de leur impact.
La réalisation des SOR pour l’utilisation de l’érythropoïétine recombinante dans la prise
en charge de l’anémie en cancérologie a pour objectif d’améliorer la qualité des soins
délivrés aux patients atteints de cancer. Les recommandations synthétisées ci-dessous
sont issues du SOR publié initialement en 1997 et mis à jour en 2007.

IV.2.4.1 Indication de l’ASE dans le traitement curatif de l’anémie chez


l’adulte en cancérologie
Le patient traité par chimiothérapie avec une hémoglobinémie comprise entre 80 et 100
g/L, ayant besoin d’une correction rapide de l’anémie, aura une transfusion sanguine.
Dans une situation moins urgente, le traitement par ASE est recommandé selon les
facteurs de risque thromboemboliques. S’il y a mise en place de traitement par ASE, la
limite supérieure du taux d’hémoglobine à ne pas dépasser est de 120 g/L.
Pour le cas d’un taux d’hémoglobine compris entre 100 et 120 g/L, le traitement par ASE
peut être instauré directement.

IV.2.4.2 Indication de l’ASE dans la prévention de l’anémie chez l’adulte en


cancérologie (Hb > 120 G/L)
Il n’y a pas d’informations disponibles sur la mise en place d’un traitement par ASE pour
la prévention de l’anémie en cancérologie. Il est recommandé de ne pas prescrire d’ASE

105
pour un taux d’hémoglobine > 120 g/L ou d’interrompre ce dernier si le taux dépasse
cette valeur.

IV.2.4.3 Indication de l’ASE en oncologie pédiatrique


Cette indication n’est envisagée qu’au cas par cas et est relative à la possibilité ou non
de transfuser le patient. Les ASE ne font pas partie d’une pratique de prescription
systématique dans le cadre de l’oncologie pédiatrique.

IV.2.4.4 Indication du fer en association avec l’ASE


Le statut en Fer du patient est évalué avant la mise en place éventuelle d’une
supplémentation par voie intraveineuse. Dans le cas d’un patient traité par
chimiothérapie et sans carence martiale, une supplémentation par Fer intraveineux peut
être réalisée, tout en surveillant l’apparition d’une surcharge martiale.

La prise en charge de l’anémie chimio induite dépend du grade de sévérité et des


symptômes associés. La transfusion sanguine reste une possibilité intéressante pour les
patients nécessitant une correction immédiate de l’anémie. Pour les patients n’ayant pas
cette urgence, les traitements possibles sont les transfusions sanguines et les agents
stimulants l’érythropoïèse.

106
CONCLUSION

L’anémie, très fréquente dans un contexte de pathologie cancéreuse, est nocive


pour le patient et pour sa qualité de vie. Elle doit être traitée pour éviter un effet négatif
sur les thérapies cancéreuses et leurs résultats, notamment lors de traitement par radio-
chimiothérapie concomitante. La prise en charge de l’anémie s’est améliorée durant les
dix dernières années. Environ 17% des patients cancéreux et anémiés ne reçoivent pas
de traitement pour l’anémie dans l’étude FACT de 2007.
Les publications scientifiques sur l’anémie chez les patients atteints de cancer démontrent
un intérêt certain à traiter l’anémie et les bénéfices en termes d’augmentation du taux
d’hémoglobine, de diminution des besoins transfusionnels et d’amélioration de la qualité
de vie du patient. Ces analyses apparaissent être valides pour n’importe quels types de
tumeurs, qu’elles soient solides ou hématologiques et quel que soit le type de
chimiothérapie envisagée (présence de sels de platine ou non). Le clinicien peut s’orienter
vers deux options thérapeutiques principales pour corriger l’anémie : l’administration de
l’érythropoïétine recombinante ou procéder à une transfusion sanguine. Son choix repose
entre autres sur le degré de sévérité de l’anémie, sa durée, l’état général du patient et
le stade de la pathologie néoplasique. Ces options de traitement comportent chacune des
avantages et des inconvénients qui orientent également la décision du praticien.

Traitement historique de l’anémie, la transfusion est une solution indispensable


lorsque le besoin de correction du taux d’hémoglobine est urgent et lorsque le traitement
par érythropoïétine n’entraîne pas de réponse thérapeutique. L’atout principal de la
transfusion est d’avoir un effet immédiat. En revanche, ses inconvénients peuvent être
nombreux : on note notamment le risque transfusionnel, le coût de l’hospitalisation, les
coûts associés en cas de complications, la déplétion immunitaire, l’impact sur le
psychique du patient, etc. Les mesures de précautions et la politique transfusionnelle
permettent d’éviter et de prévenir les risques associés à ce type de traitement, mais
restent partielles et contraignent le clinicien à une utilisation modérée de la transfusion.

L’alternative de la transfusion sanguine est l’érythropoïétine recombinante


humaine. Elle permet une correction complète de l’anémie et parfois même sa

107
prévention. Ce traitement présente l’avantage d’être ambulatoire et avec peu de
complications. Le coût de ce type de produit peut néanmoins limiter sa prescription. Il en
va de même pour son délai d’action parfois jugé trop long au vu de l’état général du
patient. Toutefois, un patient répondeur à l’EPO est susceptible de terminer un traitement
anticancéreux lourd en conservant une bonne forme. Des questions sont toujours en train
d’être étudiées pour optimiser cette option thérapeutique : à savoir le schéma du
traitement, les bénéfices apportés vis à vis de l’efficacité thérapeutique du traitement
anticancéreux et l’impact médico-économique.
Les conditions d’administration des EPO décrites dans les AMM proposent désormais une
alternative aux trois injections sous-cutanées par semaine, à savoir la possibilité
d’injecter une seule fois par semaine, à l’exception de la darbépoétine alpha qui peut être
elle injectée une fois par semaine voire une fois toutes les trois semaines. Ces nouvelles
modalités d’administration donnent un nouveau confort d’organisation pour le clinicien et
le patient.
Une meilleure connaissance des facteurs prédictifs de réponse à l’EPO permettrait
une optimisation de la pratique : il n’y aurait pas d’instauration de traitement ou
doublement des doses chez le patient non répondeur. Pour augmenter la sensibilité et la
spécificité, les facteurs prédictifs et précoces sont combinés entre eux. L’association la
plus spécifique et la plus simple pour la non réponse est : l’absence d’augmentation du
taux d’hémoglobine à deux semaines et un taux d’érythropoïétine pré-thérapeutique
supérieur à 100 mU/ml. Aucune recommandation ou consensus n’existent sur le dosage
de l’érythropoïétine endogène avant la mise en place d’un traitement ni sur l’utilisation
de facteurs prédictifs. La conduite d’études prospectives permettra de poursuivre la
recherche sur ces facteurs prédictifs et précoces et de valider leurs intérêts.

En plus de leur indication dans le traitement de l’anémie chez le patient adulte


atteint de cancer, les érythropoïétines recombinantes semblent intéressantes dans la
prévention. La littérature est peu développée sur le sujet mais son efficacité en termes
hématologiques est avérée (taux d’hémoglobine et transfusions). Cependant, le taux
d’hémoglobine pré traitement étant plus élevé, les besoins transfusionnels sont
logiquement inférieurs dans les bras sans EPO. La différence absolue de l’augmentation

108
en concentrés érythrocytaires ou le taux de patients non transfusés est donc moindre.
L’impact sur la qualité de vie, la survie ou l’efficacité thérapeutique n’a pas été étudié.

En oncologie pédiatrique, l’utilisation de l’EPO apparaît bénéfique pour réduire l’incidence


des transfusions chez l’enfant. Dans la pratique, lorsque l’EPO ne possède pas l’indication
en oncologie pédiatrique, les recommandations sont de limiter son utilisation dans le
cadre d’essais cliniques. Toutefois en situation de contrindication absolue de transfusion
sanguine, l’administration d’EPO peut être envisagée au cas par cas.

Malgré l’avantage certain de l’EPO sur la qualité de vie du patient, cette stratégie
thérapeutique tend à être challengée par les économistes de la santé – mettant en
question le bien-fondé de son utilisation. Autrefois uniquement disponibles à l’hôpital, les
EPO sont sorties de la réserve hospitalière en 2005. Les spécialités proposées sur le
marché français proposent des dosages multiples et ces derniers sont parfois au-dessus
des dosages recommandés (30 000 UI ou 150 µg par semaine). Lorsque les prix sont
fixés en fonction du dosage, on comprend qu’il va y avoir une dépense supplémentaire
par unité injectée. Pour 12 semaines de traitement, le prix varie entre 2 427.96 et 3
994.08 € (136). En plus du coût du médicament s’ajoute l’acte réalisé par une infirmière
et le coût de la surveillance biologique.
Pour les traitements par transfusion, en plus du coût d’acquisition des unités de
concentrés érythrocytaires auprès de l’établissement français du sang (120.01 €/unité,
prix au 1er janvier 2018), le coûts des tests spécifiques et celui du personnel soignant
s’ajoutent. Le patient traité par transfusion sanguine expose aux coûts liés aux effets
indésirables éventuels, aux frais d’administration des unités sanguines, d’hospitalisation,
de transport et à la perte de production du patient qui est immobilisé à l’hôpital. Des
analyses plus approfondies sont nécessaires dans ce domaine pour évaluer l’ensemble
des coûts. Notons cependant, que le traitement du patient anémié permet une
amélioration de son état général, il supporte mieux le traitement anticancéreux, il y a
donc par ailleurs une limitation voire une réduction de frais médicaux pour d’autres soins
annexes.
Au-delà de l’analyse économique de ces deux options thérapeutiques, leur emploi pour
traiter le patient anémié et atteint de cancer peut être complémentaire : la prévention et

109
le maintien d’un taux d’hémoglobine suffisant grâce aux érythropoïétines et une
correction rapide d’une anémie sévère ou la prise de relai en cas d’échec par traitement
par ASE avec la transfusion sanguine.

Depuis plusieurs années, la recherche dans le domaine de l’onco-hématologie s’oriente


vers de nouvelles thérapies de précision, elles sont ciblées et personnalisées à la tumeur
qui s’est développée chez le patient. La précision de ces traitements limite les dommages
causés aux cellules des tissus sains. Toutefois, ces thérapies ne sont pas exemptes de
toxicités. Des prises charges adaptées doivent être développées pour répondre à ces
effets indésirables et soulager le patient. Ces pratiques s’inscrivent également dans les
soins de support et sont spécifiques aux traitements d’immunothérapie spécifique et aux
thérapies ciblées. Le concept de soin de support est une pierre angulaire dans le domaine
de l’onco-hématologie tant au niveau de la qualité de vie du patient qu’au niveau des
problématiques médico- économiques. La réorganisation des soins et les pressions
croissantes sur les ressources de santé vont avoir un impact majeur sur l’évolution du
soin de support dans les années à venir. Le soin de support pertinent et organisé avec
une participation pluridisciplinaire a un rôle clé à jouer dans ces questions d’optimisation
de prise en charge et de gestion des ressources.

110
TABLE DES ABREVIATIONS

ADN Acide DésoxyriboNucléique


ARN Acide RiboNucléique
ATP Adénosine Tri Phosphate
ANSM Agence Nationale de Sécurité du Médicament
ARS Agence Régionale de Santé
ASE Agents Stimulant l'Erythropoïèse
ASCO American Society of Clinical Oncology
AFSOS Association Francophone pour les Soins Oncologiques de Support
BFU-E Burst Forming Unit Erythroid
CTZ Chemoreceptor Trigger Zone
CS Coefficient de saturation
CFU-E Colony Forming Unit Erythroid
CNO Compléments Nutritionnels Oraux
CCMH Concentration Corpusculaire Moyenne en Hémoglobine
CLAS Contentment with Life Assessment Scale
DCI Dénomination Commune Internationale
EN Échelle Numérique
EVS Échelle Verbale Simple
EVA Échelle Visuelle Analogique
EPO Erythropoïètine
FNCLCC Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer
F-ACT French Anemia Cancer Treatment
GR Globule Rouge
Groupe de Réflexion sur l’Accompagnement et les Soins Palliatifs en
GRASPHO
Hématologie et Oncologie
HAS Haute Autorité de Santé
Ht Hématocrite
Hb Hémoglobine

111
HIF Hypoxia Inductible Factor
IRM Imagerie par Résonnance Magnétique
IV Intraveineux
JAK Janus Kinase
LLC Leucémie Lymphoïde Chronique
LAS Linear Analog Scale
LH Lymphome de Hodgkin
LNH Lymphome Non Hodgkinien
MASCC Multinational Association of Supportive Care in Cancer
MM Myélome Multiple
NCI National Cancer Institute
OMS Organisation Mondiale de la Santé
PRCA Pure Red Cell Aplasia
RCMI Radiothérapie Conformationnelle avec Modulation d’Intensité
IGRT Radiothérapie Guidée par l’Image
EPO-R Récepteur à l'EPO
STAT Signal Transducers and Activators of Transcription
SOS Soins Oncologiques de Support
SOR Standards, Options et Recommandations
TCMH Teneur Corpusculaire Moyenne en Hémoglobine
ECAS The European Cancer Anemia Survey
EORTC The European Organisation for Research and Treatment of Cancer
TEP Tomographie par Emission de Positrons
VGM Volume Globulaire Moyen

112
TABLE DES FIGURES
Figure 1 : Continuité et globalité des soins en curatif (d’après l’Association Francophone
des Soins Oncologiques de Support, AFSOS) (2) _______________________________ 6
Figure 2 : Continuité et globalité des soins en palliatif (d’après l’AFSOS) (2) ________ 6
Figure 3 : Cycle cellulaire et régulation moléculaire d’après (19) _________________ 14
Figure 4 : Cibles des agents anticancéreux pendant le cycle cellulaire d’après (21) __ 16
Figure 5 : Échelle soulagement de la douleur (d’après l’OMS) ___________________ 26
Figure 6 : Schéma de l’hématopoïèse d’après Rang et Dale (53) _________________ 39
Figure 7 : L’érythropoïèse et facteurs de croissance (54) _______________________ 41
Figure 8 : Structure primaire de l’EPO endogène (59)__________________________ 43
Figure 9 : Schéma du récepteur de l’érythropoïétine d’après (62) ________________ 45
Figure 10 : Synergie entre Epo et SCF pour la survie cellulaire d’après (64). _______ 47
Figure 11 : Mécanismes d’activation des caspases (64) ________________________ 48
Figure 12 : Arbre décisionnel de classification des anémies d’après Szymanowicz (65) 53
Figure 13 : Démarche diagnostique pour l’anémie microcytaire __________________ 55
Figure 14 : Démarche diagnostique pour l’anémie macrocytaire _________________ 56
Figure 15 : Incidence de l’anémie chez les patients atteints de cancer du sein d’après
l’étude de H.Xu (69) ____________________________________________________ 67
Figure 16 : Incidence de l’anémie modérée à sévère chez les patients traités par
chimiothérapie d’après (89) ______________________________________________ 68
Figure 17 : Fraction tissulaire hypoxique (pO2 <1 mmHg) en fonction du _________ 79
Figure 18 : Recommandations de prise en charge de l’anémie chimio-induite selon
l’AFSOS et l’EORTC (112) ________________________________________________ 86

113
TABLE DES TABLEAUX
Tableau 1 : Molécules à risque émétique d’après l’Observatoire des Médicaments
Dispositifs Médicaux Innovations Thérapeutiques du Centre (36) ________________ 28
Tableau 2 : Seuil d’hémoglobine en fonction du grade de l’anémie d’après le NCI ___ 37
Tableau 3 : Incidence de l’anémie chez des patients atteints de cancer du sein et
recevant une chimiothérapie (69) __________________________________________ 60
Tableau 4 : Incidence de l’anémie chez des patients atteints de cancer colo- rectal et
recevant une chimiothérapie (69) __________________________________________ 61
Tableau 5 : Incidence de l’anémie chez des patients atteints de cancer pulmonaire et
recevant une chimiothérapie ______________________________________________ 62
Tableau 6 : Incidence de l’anémie chez des patients atteints de cancer de l’ovaire et
recevant une chimiothérapie ______________________________________________ 62
Tableau 7 : Exemple d’incidence de l’anémie dans les différents protocoles utilisés dans
les lymphomes non hodgkiniens (71) _______________________________________ 63
Tableau 8 : Recommandations des organisations de santé internationales sur le taux
d’hémoglobine seuil pour instaurer une transfusion sanguine ___________________ 82

114
TABLE DES ANNEXES
Annexe 1 : Echelle de qualité de vie des patients atteints de cancer : FACT-An
(Functional Assessment of Cancer Therapy – Anemia) ________________________ 116
Annexe 2 : Echelle d’évaluation QLQ-C30 de l’Organisation Européenne pour la
recherche et le traitement du cancer ______________________________________ 119

115
ANNEXES
Annexe 1 : Échelle de qualité de vie des patients atteints de cancer : FACT-An
(Functional Assessment of Cancer Therapy – Anemia)

116
117
118
Annexe 2 : Echelle d’évaluation QLQ-C30 de l’Organisation Européenne pour la
recherche et le traitement du cancer

119
120
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