Taux de Change Fixe/taux de Change Flottant
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Policy Brief
Septembre 2019, PB-19/29
Résumé
En pleine transition ordonnée de son régime de change, sous l'autorité bienveillante du Fonds monétaire
international (FMI), le Royaume du Maroc est un exemple très concret des avantages et des inconvénients des
deux régimes de change dominants ces dernières décennies/change fixe et change flottant /. L’objet de cette
note est de rappeler, tout d'abord, les fondamentaux économiques des deux systèmes et leur environnement
historique (I). Ensuite, à la lumière de ces fondamentaux, préciser les différents régimes de change qu'a connus
le Dirham marocain entre sa création, le 17 octobre 1957, et janvier 2018, date de la mise en place de son dernier
régime de change. (II) Enfin, nous analyserons les raisons qui ont poussé les autorités marocaines à privilégier un
régime de change plus flexible, précisant ce qui le différencie de ceux utilisés au cours des décennies précédentes,
répondant, ainsi, aux recommandations répétées, depuis une dizaine d'années, du FMI. Ce qui nous permettra,
également, de faire un premier bilan de ce nouveau régime de change, un an après son entrée en vigueur (III).
Depuis un peu plus d’un an, le Royaume du Maroc I. Change fixe et change flottant :
connait un nouveau régime de change, suite à celui qui
l’a précédé dit « change administré » avec une faible
les fondamentaux économiques
tolérance de fluctuation, de plus ou moins 0,3%. Avant et leur environnement historique
d’analyser en (III), ce nouveau régime de change, de
rappeler les raisons politiques et économiques qui ont Un régime de change désigne l’ensemble des règles par
conduit à ce changement, d’en faire un premier bilan, un lesquelles un pays, ou un ensemble de pays, organisent
an après sa mise en place, il nous a semblé nécessaire de la détermination de leur taux de change, c’est-à-dire
rappeler les fondamentaux économiques des différents le cours auquel va s’échanger une monnaie contre une
régimes de change dans leur environnement historique autre. S’il existe une grande variété possible de régimes
(I), et utile de préciser les différents régimes de change de change, tous se retrouvent plus ou moins dans les
qu’a connus le Dirham marocain depuis sa mise en place, deux régimes, que sont le régime des taux de change fixe
en octobre 1957 (II). et le régime des taux de change flottant. Avant de voir
les fondamentaux, les avantages de l’un et de l’autre, il
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nous faut préciser que la convertibilité d’une monnaie ne pays, l’Euro par exemple, où la Banque centrale établit
se confond pas avec son régime de change. des taux de change fixes et irrévocables avec l’Euro, pour
les monnaies nationales des pays l’ayant choisi.
La convertibilité d’une monnaie, c’est la possibilité
d’être échangée librement contre une autre monnaie. Et Certains rappels historiques montrent bien les avantages
la libre convertibilité n’est pas, pour autant, synonyme et les inconvénients de ce système. Suite à la conférence
de « régime de change flottant ». Si la majeure partie des de Bretton Woods, en 1944, le Dollar, seule monnaie
pays les plus développés, Etats-Unis, Canada, Grande- alors convertible directement en or, devient la monnaie
Bretagne, zone Euro, Japon etc… ont des monnaies étalon des pays ayant signé les accords, le cours de
librement convertibles, d’autres continuent d’avoir une leur monnaie est désormais rattaché dans le cadre d’un
politique monétaire visant à maitriser la quantité de régime de change fixe, avec une bande de fluctuation
leur monnaie nationale convertible. Il en est, ainsi, de la de plus ou moins 1%. Dans le cadre de ces accords, il
Roupie indienne et du Real brésilien qui ont vu leurs pays est possible de réviser le taux pivot, en procédant à une
respectifs opter pour un régime de change flottant, tout dévaluation ou à une réévaluation, après accord du FMI,
en limitant, via leur banque centrale, la convertibilité de en charge de la gestion de ce système. Les accords de
leur monnaie, gardant le contrôle sur la masse monétaire Bretton Woods prennent fin en 1971.
des devises en circulation. C’est la raison pour laquelle
on ne peut, par exemple, en France, acheter du Real ou Autre exemple, celui de la Livre sterling en 1992, alors
de la Roupie avant de se rendre dans ce pays, le seul en régime de change fixe où, à l’initiative de Georges
moyen de les obtenir étant d’être présent physiquement Soros, considérant le cours de la Livre sterling surévalué,
sur place, au Brésil et en Inde. des ventes massives de la devise anglaise ont lieu sur
le marché des changes, conduisant la Banque centrale
Le choix d’un régime de change relève de la politique à intervenir massivement pour soutenir son cours pivot,
monétaire décidée par le pays et de ses capacités à la sans pouvoir finalement éviter sa dévaluation.
faire appliquer, la Banque centrale ayant la responsabilité
de sa mise en place et de sa gestion. Enfin, dernier exemple plus récent, celui de la Banque
nationale Suisse, dans les années 2010, retentant
A - L e régime de change fixe, régime dominant l’expérience d’un régime de change fixe entre l’Euro
entre 1945 et 1971 et le Franc suisse, avec une bande de fluctuation très
large, le taux plancher étant de 1,20, et ce afin d’éviter,
Dans un régime de change fixe, le cours d’une devise est cette fois, une trop forte appréciation du Franc suisse,
fixé par rapport à une monnaie étalon ou par rapport à un pénalisant ses exportations. Cela va coûter des dizaines
panier de monnaies, par la banque centrale qui l’émet. Ce de milliards à la BSN et s’arrêter en janvier 2015. Suite,
cours est appelé cours pivot ou, encore, parité fixe. C’est alors, aux achats massifs de Franc suisse qui vont suivre
le taux de change de référence qui peut être autorisé à sur les marchés financiers, on va constater, en quelques
fluctuer de plus ou moins quelques pourcentages. C’est minutes, un effondrement de la parité Euro /Franc
ce qu’on appelle la marge de fluctuation. L’autorité suisse, passant de 1,20 -son taux plancher- à 0,80 -son
monétaire du pays est alors tenue de défendre le cours taux plafond-, pour se stabiliser, ensuite, autour de 1,05.
pivot à l’intérieur de cette marge autorisée, en vendant Depuis, le régime de change de la Suisse est le régime de
ou en achetant sa propre monnaie, selon qu’elle s’est change flottant.
trop appréciée ou, au contraire, trop dépréciée. Il est
toujours possible de modifier le cours pivot, à la hausse Ces différents exemples montrent bien les avantages
/réévaluation, à la baisse /dévaluation/. Cela peut être et les limites de ce système. Son avantage indéniable
fait unilatéralement, c’est le cas de la Chine, ou sous est qu’il évite, pour ceux qui le pratiquent, le risque
certaines conditions comme celles définies dans le cadre de change. Encore faut-il que l’on ne procède pas
des accords de Bretton Woods. à des révisions du taux pivot, ce qui est toujours
possible sous certaines conditions. Les limites
Il existe différentes formes de régimes de change fixe, tiennent à ce que ce régime suppose implicitement
outre celui donnant lieu à des marges de fluctuations que les économies, par exemple de deux monnaies,
différentes selon la devise concernée. On mentionnera, n’évoluent pas de façon divergente, en particulier
ici, le cas d’une monnaie unique et commune à plusieurs dans le domaine de l’inflation, sous peine de voir
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tiennent à la logique de ce régime de change. Parmi eux, serait un signal positif envoyé aux investisseurs
on rappellera plus particulièrement ceux qui tiennent à étrangers, autorisant une plus grande et une meilleure
la perte de compétitivité des exportations et ceux qui circulation des capitaux. Signal positif, donc, mais
s’inscrivent dans le cadre de la mondialisation et de la aussi signal de confiance en la solidité de l’économie
libéralisation des échanges. marocaine, le retour à plus de flexibilité c’est, aussi,
faciliter la résilience de l’économie marocaine aux chocs
• Perte de compétitivité liée à une stabilité qui est externes. Enfin, en suivant la recommandation du FMI,
également synonyme d’appréciation du Dirham, le Royaume pouvait espérer son soutien, dans le cadre,
notamment vis-à-vis de la devise de concurrents par exemple, d’une nouvelle ligne de précaution et de
directs, comme la Tunisie et l’Egypte. Faute de liquidité lui permettant, en cas de besoin, d’économiser
gains de productivité suffisants, la compétitivité des ses réserves de change. Ce qui sera le cas en 2018.
exportateurs marocains s’en est trouvée affaiblie,
ralentissant la croissance des exportations du Concernant les contre-arguments en défaveur de la
Royaume, avec les conséquences que l’on peut flexibilité, les plus pertinents concernent ceux qui :
imaginer.
• Dénoncent l’insistance du FMI, mettant en avant
•
Dans un environnement international de
son ingérence dans la politique économique du
libéralisation des échanges, marqué du sceau de la
pays. Pour ses détracteurs, la recette FMI est
mondialisation, le FMI, dans ses recommandations
adaptée aux devises fortes, convertibles, qu’on ne
annuelles, n’a cessé, depuis 2011, de prôner une
saurait appliquer à tous les pays sans prendre en
évolution du régime de change marocain vers plus
considération leur spécificité et le fait que certains
de flexibilité qui permettrait, selon lui, de booster
d’entre eux, comme le Maroc, ont des monnaies non
l’économie du Royaume, à partir de ses exportations,
convertibles.
tirant ainsi bénéfice de la libéralisation des échanges
mondiaux. C’est chose faite depuis 2018. Mais, avant • Anticipent une dévaluation du Dirham qui pourrait
de tirer un premier bilan d’une de ces expériences avoir des effets contraires à ceux attendus par le
(B), nous verrons que cette décision a suscité débat FMI sur la balance commerciale du pays, rendant les
en interne dans le pays, et que la décision prise produits importés indispensables à la croissance du
concernant la flexibilité de la monnaie est, pour pays, comme le pétrole, plus chers.
l’instant encore, une décision à minima(A).
• Rappellent que la logique d’un marché des changes
flottant suppose qu’il y ait un marché des devises
A - L a flexibilité du Dirham, un débat loin de concernées. C’est le cas de l’Euro, du Dollar, du Yen,
faire l’unanimité, une flexibilité à minima de la Livre sterling. Ce n’est pas le cas, pour l’instant,
du Dirham, dont le seul marché est celui qui existe à
1 - Arguments et contre-arguments en faveur de la l’intérieur du Royaume.
flexibilité du Dirham • se posent une question de bon sens : pourquoi
changer un régime de change qui a montré son
Parmi les arguments en faveur de la flexibilité qui efficacité durant la crise monétaire internationale
revenaient régulièrement, le dominant concerne de 2007-2008 ?
essentiellement ceux développés par le FMI, à savoir :
les fondamentaux macroéconomiques de l’économie 2 - Une flexibilité à minima
marocaine le permettent, particulièrement ceux
concernant une inflation maitrisée et une croissance qui Tout régime de change a ses avantages et ses
repart et pourrait dépasser largement 4% en 2020. Les inconvénients. Nous avons essayé d’en faire la synthèse.
seuls indicateurs macroéconomiques restant fragiles, Le passage à un régime de change totalement flexible
concernent l’emploi et la balance commerciale. Or, pour conduira la banque centrale à ne plus décider du taux de
le FMI, la flexibilité du Dirham permettrait de donner change qui sera alors fixé en fonction de l’offre et de la
un nouvel élan aux exportations marocaines, avec des demande, sans la moindre marge de sécurité, ne serait-
effets positifs sur la croissance, donc sur l’emploi et ce que celle des 0,3%. Mais, avant d’atteindre ce stade
sur la balance commerciale. De plus, cette flexibilité ultime, et afin d’éviter de donner raison aux détracteurs
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de la flexibilité, une phase transitoire, qui pourrait En conclusion, pour le Maroc, c’est le temps du choix
atteindre une quinzaine d’années selon les autorités entre taux de change fixe et taux de change flottant. Avec
marocaines, s’engage à partir de janvier 2018. Elle se une flexibilité de + ou – 2,5%, on ne satisfait ni ceux
traduit par une bande de fluctuation élargie à 5% (+ou- qui sont favorables aux parités fixes, ni ceux qui sont
2,5%). Désormais, le cours du Dirham n’est plus fixé tous favorables aux parités flottantes.
les jours par « Bank Al Maghrib », mais est le résultat
du rapport offre/demande dans la bande de fluctuation. •
Pour les premiers, favorables aux parités fixes,
Cette flexibilité est, donc, pour nous une flexibilité à la bonne tenue du Dirham au lendemain de
minima pour deux raisons majeures. La première, tient l’élargissement de la bande de fluctuation à + ou
à la faible bande de fluctuation, 5%. C’est sensiblement – 2,5%, laisse penser qu’on aurait pu se contenter
la même que celle des accords de Bretton Woods, de cet élargissement, sans s’inscrire, pour autant,
accords n’étant pas ceux les plus représentatifs des à long et moyen termes, dans la logique d’une
changes flottants, bien au contraire. La seconde, est la flexibilité totale ;
conséquence d’un horizon à 15 ans pour que la flexibilité
soit totale. C’est un horizon fort lointain qui nous laisse • Pour les seconds, qui s’inscrivent, à l’inverse, dans
penser que rien n’est définitivement acquis, beaucoup cette logique, on ne saurait se contenter de cet
d’événements pouvant se passer d’ici là, permettant, élargissement, à + ou – 2,5%, qui était celui de la
certes, de confirmer la tendance actuelle, mais pouvant bande de fluctuation des accords de Bretton Woods,
aussi l’infirmer. accords connus comme étant ceux des…parités
fixes !
B-U
n an de recul : un premier test de la Une chose est certaine, le temps est venu pour choisir
flexibilité du Dirham réussi entre ces deux logiques. Le statut actuel ne pourra que
donner raison à ceux qui dénoncent cette flexibilité, sans
Sur la seule année 2018, les extrêmes enregistrés pour autant satisfaire ceux qui l’appellent de leurs vœux,
en termes de fluctuation du cours du Dirham sont réclament un élargissement de la bande de fluctuation
respectivement à la hausse + 0,38% et à la baisse – 1,51 %. allant bien au-delà des 5%.
Soit très loin des limites de la bande de fluctuation de
-2,5% et 2,5% . Rappelons que la monnaie de référence
choisie par la Banque centrale marocaine étant le Dollar,
cela signifie qu’une dépréciation du Dirham à l’intérieur
de la bande de fluctuation indique son renforcement face
au Dollar, son appréciation indiquant, au contraire, sa
dépréciation.
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