Livre Blanc - Chaire IOT - Design 2019
Livre Blanc - Chaire IOT - Design 2019
Livre Blanc - Chaire IOT - Design 2019
Pillage des données, intrusion : la présence de l’objet connecté dans Pour répondre à ces cinq questions, nous avons interrogé des chercheurs,
notre intimité inquiète. Discret, nous l’accusons de se faire oublier des professionnels du design mais aussi des enseignants ainsi que
pour capter le maximum d’informations. Visible, nous éprouvons les étudiants de la Chaire, qui partagent avec nous le carnet de
des difficultés à percevoir la machine, futuriste et minimaliste, tendances qu’ils ont réalisé à l’issue de leur voyage d’étude au
comme vecteur d’une relation intime et chaleureuse entre le service CES chinois.
proposé par l’entreprise et nous. Dans une décennie dominée par
le souci de l’optimisation du parcours client et de la User Experience, Nous remercions chaleureusement les intervenants de la conférence
comment le design des objets connectés peut-il leur permettre organisée par la Chaire IoT de ESCP Europe le 29 mars 2018,
d’exprimer toute leur valeur afin de favoriser l’adoption et conférence consacrée au design de l’IoT et dont les présentations ont
l’attachement ? nourri cet ouvrage, ainsi que les professionnels et les académiques
qui ont accepté de témoigner dans ce livre.
Dans ce livre blanc, nous abordons les 5 questions suivantes :
Bonne lecture.
• En quoi le design peut-il favoriser l’adoption de l’IoT par l’usager ?
En quoi le design
peut-il favoriser
l’adoption de l’IoT
par l’usager ?
Proposition d’un modèle conceptuel
Comment le design peut-il favoriser l’adoption à des croyances, et une réponse affective, positive ou négative.
En fonction de ces deux réponses, le client décide ou pas d’adopter le
des objets connectés ? produit.
Pour répondre à cette question, nous proposons Néanmoins, compte tenu des singularités de l’objet connecté, nous
un modèle conceptuel inspiré de Bloch (1995) pensons que ce modèle doit être adapté afin de prendre en compte les
afin de mieux comprendre les relations défis soulevés par la forte connectivité de l’objet (cf. question 2).
entre design et adoption dans un contexte très Le modèle présenté dans la figure 1, adapté des travaux de Bloch (1995),
décrit les relations entre design et adoption dans le cadre spécifique de
spécifique, celui de l’objet connecté. l’objet connecté. Commentons chacune des étapes.
1
Design : objectifs &
contraintes 5
Facteurs situationnels
4
Réponses
2 6 Réponses
Objet Réponse cognitive comportementales
Interface Rejet
conversationnelle Réponse affective Adoption partielle
Adoption complète
3
Caractéristiques
individuelles
• # 2 - Intégrer les usagers dans le processus de design pour – entre Contrairement aux autres “Le design comme dessin
autres - créer de nouveaux usages et intégrer l’écosystème de l’usager. objets, l’IoT se distingue
du fait de sa forte
associé à un dessein”
• #3 - Penser le design de l’objet connecté sur toutes ses dimensions : connectivité, qui en fait un
Le design ne doit pas se limiter à la forme de l’objet mais à tout le processus objet de relations. Comme le souligne Benoît Heilbrunn, cette connexion
allant de la collecte de données, à leur stocjage et leur exploitation jusqu’à ne consiste pas uniquement à connecter des données mais également
leur restitution. Cela pose la question de la matérialisation de l’invisible,
à relier les individus, comme l’atteste la démultiplication des agents
en prêtant notamment attention à la matérialisation de l’invisible,
impliqués dans son utilisation :
que ce soit dans la collecte, le stockage et l’exploitation des données.
Par exemple, les designers de caméras de surveillance d’intérieur ont • L’écosystème de l’usager, à travers un objet qui va devoir parler à
pensé à matérialiser la déconnexion (pourtant invisible) en permettant
l’ensemble des objets de l’usager.
à l’usager de faire pivoter l’objectif de la caméra face au mur ou, dans le
cadre d’un produit destiné à la surveillance des nourissons, en plaçant • Les autres usagers, au travers des externalités de réseaux qui vont
la caméra dans une boîte à musique refermable lorsque les parents ne donner de la valeur au service comme les recommandations de Waze,
souhaitaient plus que des images soient captées. La tendance est à
dont la valeur est créée par les informations remontées par les membres.
créer des boutons « Arrêt » visibles afin de rassurer l’usager.
• L’objet lui-même, avec les liens invisibles qu’il crée au moyen des
données collectées et des dispositifs d’analyse qui le composent.
10
11
L’IoT est-il
un produit à
designer comme
les autres ?
Entretiens et témoignages
12
La forte connectivité des objets connectés se client peut-il désactiver facilement la captation des données ? Comment
matérialiser le Cloud et la sécurisation des données ? ...
traduit par des enjeux de design spécifiques :
focus sur ces enjeux au travers des 6 dimensions
DIMENSION 2 • LES ALGORITHMES ET L’INTELLIGENCE
de la connectivité de l’objet connecté. ARTIFICIELLE QUI INTERPRÈTENT LES DONNÉES RECUEILLIES
ET PRODUISENT DE LA CONNAISSANCE :
Comme détaillé dans le livre blanc de la Chaire ESCP Europe « Éthique
et IoT : Internet of things ou Internet of Trust ? » paru en janvier 2018, Comment matérialiser la valeur ajoutée de cette étape ? Comment donner
l’objet connecté s’illustre par sa grande connectivité, dont chacune des forme aux actions engagées par les algorithmes ? Quelle représentation
dimensions détaillées ci-dessous (voir figure 2) posent les questions de donner de la transparence souhaitée par le consommateur sur le
design associées : traitement de ces données ?...
13
DIMENSION 6 • LA SOCIÉTÉ :
14
Pour mieux comprendre les défis que pose le Awards, 7 Red Dot, 11 étoiles de l’Observeur, 17 CES Design Awards,
3 Janus de l’industrie, 2 German Design Awards.
design de l’objet connecté aux agences de design,
nous avons interrogé 4 experts qui ont accepté de
partager leur vision sur la question. • Giuseppe Attoma, CEO d’Attoma
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Les regards de… Jean-Baptiste Joatton, Pierre Pierre Garner : La singularité de l’IoT, c’est le fait de passer d’un
écosystème fermé à un écosystème ouvert. Sur un produit non connecté,
Garner et Giuseppe Attoma les points de contact sont limités, l’intégralité des fonctions est sur
l’objet et la relation à l’objet existe dans un périmètre défini, ce qui n’est
pas le cas pour l’IoT. Cela soulève des problématiques spécifiques. Par
Est-ce que les objets connectés invitent à une pratique exemple, le fait que la fonctionnalité soit déportée sur une application
spécifique du design ? mobile pose la question de savoir comment exprimer cette fonctionnalité
(et les actions permises par l’intelligence artificielle) sur l’objet. Autre
Jean-Baptiste Joatton : les objets connectés sont au point de départ
exemple, le fait que la relation avec l’objet connecté change dans le
de la création du diplôme à Villefontaine. C’est effectivement une
temps et dans l’espace pose la question de savoir comment embarquer
classe d’objets assez particulière, que les futurs designers produits
le caractère évolutif des fonctionnalités de l’IoT dans un objet physique
n’abordaient pas ou peu dans leur formation. La réalité était la même
qui n’évolue pas. Autre point : du fait que l’objet connecté se situe dans
du côté du monde numérique, où les apprentissages portaient avant
tout sur les écrans. Le pari de la formation est de dire que si on met ces l’intimité de l’usager avec une dimension d’échange très fort, comment
deux types de designers ensemble, en équipe, cela permet d’aborder la l’objet physique peut-il rassurer voire créer un lien affectif avec l’usager
complexité des objets connectés. Et, on constate que c’est un pari qui ? J’insiste sur le fait que le design est particulièrement nécessaire dans
fonctionne bien. Avec un peu de recul, on se rend bien compte qu’il y a l’IoT parce que c’est un formidable moyen de se différencier au moyen
une complexité inhérente à ces objets qui tient à leur positionnement à la de l’objet physique dans un monde où la différenciation par les
croisée de cultures différentes. En forçant le trait, on peut dire que interfaces est quasiment impossible, les marques utilisant les même
les designers produits ont un peu de mal sur le terrain de l’abstraction frames, les mêmes interactions,
les mêmes univers graphiques…
relative à la donnée, et ceux qui viennent de la culture numérique ont “Ce qui est spécifique ? Faire
plus de mal pour acquérir la sensibilité des volumes et des matériaux. C’est grâce au design que nous
Un grand enjeu en termes de méthode est donc d’apprendre à parler pourrons créer des expériences
travailler ensemble des
quotidiennement des langues différentes, traiter de bases de données uniques et spécifiques autour de designers produits et des
et d’API le matin, d’injection l’après-midi. l’IoT. designers numériques”
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Giuseppe Attoma : ce qui est spécifique dans l’IoT, c’est qu’il s’agit de Les enseignements des systèmes de substitution sensorielle
designer une relation entre l’objet, l’information et l’usage. C’est un nouveau
territoire de design. La spécificité de cet objet vient de son exploitation des À cet égard, un enseignement peut être tiré des systèmes de
données. La data doit être utile et exploitable par l’usager. On distingue substitution sensorielle, développés dès les années soixante par le
deux types d’usage. Le premier, issu des théories de l’information, c’est psychologue Paul Bach-y-Rita. Le système le plus connu a été conçu pour
de transmettre de l’information utile quand il y a un changement d’état des utilisateurs aveugles. Il permet d’enregistrer à l’aide d’une caméra
(par exemple quand la machine doit être en maintenance). La deuxième fixée au niveau de la tête des informations visuelles qui sont ensuite
relève des actions liées à des tâches documentées (ex : détecter des traduites en expériences tactiles, par l’entremise d’une grille placée sur
anomalies, faire des tâches préventives etc.). On a des vrais sujets sur le dos. Ce système illustre parfaitement l’un des thèmes de prédilection
l’exploitation des données : par exemple, les smart panneaux électriques de Paul Bach-y-Rita, à savoir la plasticité du cerveau, puisque quelques
de Schneider remontent des masses gigantesques de données, mais heures d’entraînement suffisent à l’utilisateur pour passer d’une
qu’en fait-on ? expérience tactile chaotique à une expérience quasi-visuelle cohérente
d’objets perçus à distance. Grâce aux mouvements répétés de la tête et
Propos recueillis par Olivier Wathelet et Violette Bouveret, juin 2018.
du corps tout entier pendant la phase d’apprentissage, le cerveau est
parvenu à extraire les invariants correspondant à la présence distale
d’objets dans l’environnement.
Le regard de… Jérôme Dokic
En dépit de la réussite fonctionnelle incontestable du système
de Bach-y-Rita, et de l’évolution technologique qui a permis sa
Aborder l’IoT sous l’angle des qualia
miniaturisation, son succès auprès de la population concernée
Abordons la question de l’IoT sous un angle encore peu étudié, qui concerne est étonnament faible. L’utilisateur aveugle a la possibilité d’étendre
les « qualia » associés à l’utilisation compétente des objets connectés. Dans le champ de sa perception,
le jargon philosophique, le terme « qualia » renvoie à la qualité subjective mais hésite à porter
quotidiennement le système.
“Un succès étonnament
de l’expérience consciente. Nous pouvons ainsi parler des qualia qui
résultent de l’interaction avec un objet connecté et nous demander quelle Bach-y-Rita lui-même notait faible lié au manque de qualia
est leur contribution à l’ergonomie cognitive du dispositif concerné. déjà la « profonde déception » positifs”
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des sujets entraînés quand ils explorent le visage de leur proche et les possibilités d’interaction avec eux. La motivation spontanée à
constatent que « l’image n’a pas de contenu émotionnel ». Ce sont donc utiliser un objet connecté, en dépit de son intérêt fonctionnel, peut être
bien les qualia positifs qui font défaut ici, et dont les utilisateurs également entravée par un sentiment diffus d’inquiétante étrangeté,
déplorent l’absence. en lieu et place des qualia positifs qui auraient permis son appropriation
subjective. L’avenir d’un objet connecté dépend donc de la possibilité
de neutraliser les qualia négatifs liés à son utilisation.
Il est bien entendu possible que l’absence de qualia positifs soit liée
aux limitations fonctionnelles du système : sa basse résolution, ou
simplement l’absence de restitution chromatique. En réalité, nous savons
par d’autres études que l’immersion subjective dans un monde virtuel,
déplacé ou augmenté, ne dépend guère de la résolution. Au contraire,
une résolution trop élevée augmente les attentes de l’utilisateur,
qui risque d’être déçu si les possibilités d’interaction sont comparativement
faibles. C’est précisément ce qui mine le système de Bach-y-Rita. Les
utilisateurs mis en face de leur proche s’attendent à éprouver un sentiment
de familiarité, mais leur attente n’est pas remplie. Le décalage entre
l’expérience attendue et
l’expérience constatée “L’avenir des objets connectés
suscite un sentiment d’
« inquiétante étrangeté »
dépend de la possibilité de
bien décrit par Freud dans neutraliser les qualia négatifs
son essai éponyme. liés à son utilisation”
La situation des objets
connectés pourrait bien être inverse, mais conduire au même résultat.
Ces objets sont souvent issus du répertoire familier de l’utilisateur,
pour ce qui concerne leur usage ordinaire limité (aspirer, éclairer,
chauffer, etc.). À ce titre, ils créent des attentes trop basses sur
19
Qu’apportent
les approches
centrées usager
au processus de
design de l’IoT ?
La contribution méthodologique
d’Olivier Wathelet
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On entend souvent dire que l’Internet des objets, dans ce domaine. L’étude menée par Bergman & Johansson en 2017 montre
d’ailleurs que les entreprises engagées activement dans cette direction
plus que les autres produits et services, rend privilégient les approches agiles et le design thinking. Les entreprises de
nécessaire l’intégration des usagers dans les l’IoT tendent à prototyper davantage (de Haan 2015) et plus rapidement
processus de conception. Voici cinq raisons – (Krantz & al. 2010) que dans les autres secteurs. Les prototypes ne sont
plus seulement des maquettes à manipuler, mais sont des objets qui «
au moins – pour lesquelles il est effectivement font des choses » et s’adaptent à des situations très variables. Les objets
nécessaire d’associer l’usager à la conception des connectés présentent en effet une relative « agentivité » – c’est-à-dire
programmes d’IoT. que du point de vue de l’expérience de l’usager, ils montrent une certaine
autonomie et peuvent s’adapter au contexte –, ce qui conduit à une
démultiplication des interactions à tester.
1 • Exploiter la richesse des imaginaires Pourtant, trop souvent encore, la conception est prioritairement
abordée du point de vue technique (ex. codage et interopérabilité des
pour créer de nouveaux usages données) (Carlson & al. 2015). Or, les objets connectés relèvent des «
technologies radicales » décrites par Adam Greefield (2017) : ils augmentent
Du fait de la relative nouveauté de ces biens connectés, il est important de manières inédites, et difficilement appréhendables à ce jour, la capacité
de prendre en compte les imaginaires des usagers pour créer de de contrôle et de mise en relation des individus entre eux. Cette grande
nouveaux usages. Les techniques du « design thinking » sont souvent incertitude face à ce que font, réellement, les objets connectés, invite à
citées comme une clef du succès par les agences et entreprises œuvrant renforcer la connaissance des usages.
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2 • Intégrer les « situata » des usagers à la doutes des consommateurs au regard de l’obsolescence programmée.
L’IoT déplace le curseur vers une autre problématique : la responsabilité
définition de la valeur d’usage des marques vis-à-vis de la connaissance intime des usagers qu’elles sont
capables de développer. Certains ont pu affirmer que « IoT facilitates the
La deuxième raison évoquée tient “Les acteurs de l’IoT primary goal of UX – don’t make people think ! » (Luke Kelly 1). Il semble
à l’importance du contexte aujourd’hui que se soit, au contraire, une des principales faiblesses :
dans le fonctionnement de doivent créer de nouveaux la relation de confiance des usagers aux objets connectés est entachée
l’IoT. Les objets connectés usages” par la crainte d’une exploitation malhonnête des données, et de nouvelles
disposent d’informations sur modalités de contractualisation sont nécessaires. Concrètement,
leur environnement et y réagissent. Il faut donc caractériser le contexte cela pose des questions telles que : comment faire pour que l’appareil ne
avec le même soin que celui apporté pour décrire les usagers (Rowland & se déclenche pas à notre insu (Krantz & al. 2010) ? Comment gérer les
al., 2015). Au même titre qu’on travaillera sur base de persona, on pourrait données qui sont produites par les capteurs et les différentes formes
avoir besoin de se doter de « situata » ; des représentations réalistes de communications invisibles ? Comment en faire un bon usage, être
de situations spécifiques et contrastées, qui interrogent de manière très transparent dans leur exploitation ? Ou encore, comment s’assurer que
différente la valeur de l’usage d’un objet connecté afin de rester vigilant l’engagement de l’utilisateur ne soit pas excessif, à l’instar des débats
sur cette diversité tout au long du processus de conception. relatifs à l’économie de l’attention ? En effet, l’autonomie relative des
objets peut conduire à des situations surprenantes, pour lesquelles les
usagers sont amenés à interpréter des échanges de signaux entre deux objets
qui communiquent entre eux (Fauquex & al., 2016).
3 • Identifer des leviers de réassurance pour Une sémiotique spécifique reste encore à consolider. On peut dès lors
se demander s’il n’est pas nécessaire de disposer d’indicateurs relatifs
favoriser l’usage à la qualité de l’expérience
“De nouvelles modalités pour intégrer ces soucis qui
Ensuite, on constate la nécessité d’identifier les éléments qui ne sont pas strictement des
favorisent une relation de confiance entre les marques et les clients. de contractualisation sont problématiques de « coolness » ou
Dans le cas du design des produits, la durée de vie et la responsabilité nécessaires” de « facilité d’usage », comme
écologique sont des thèmes majeurs, qu’illustrent parfaitement les cela est le cas dans une
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démarche UX classique (Shin “Le design fiction et l’usage est de regarder comment des objets sont sollicités successivement ou
2017). Une piste de conception conjointement dans des parcours d’usage, des parcours d’expérience
consiste à considérer l’objet des objets speculatifs d’objet, en quelque sorte. Ou encore, s’inspirer des objets auxquels nous
comme un partenaire à part comme outils de tests” déléguons déjà des tâches en notre absence ou hors de notre surveillance
entière ; on attend de lui qu’il (dans des cas prévus par les concepteurs : système d’alarme, réveil,
communique ce qu’il fait, comme dans le cas d’un échange avec un cafetière, lave-linge et autres appareils programmables, etc. ou non prévus,
humain. On a par exemple constaté que les interactions automatiques comme le four ou la plaque de cuisson qu’on laisse allumés lors d’une
génèrent moins de confiance que celles qui sont liées à la situation (Hossain course rapide hors domicile). Plus prosaïquement, cela signifie prendre
& al. 2013) : un échange contextuel sur l’état du système est une première soin de décrire et projeter la circulation de l’information entre les objets
piste pour créer cette confiance. Dans ce domaine, le « design fiction » entre eux, dans une analyse en mode « service blue print ».
et l’usage des objets spéculatifs sont pertinents pour tester les limites de
plusieurs propositions de contractualisation de la confiance.
5 • Co-construire l’offre avec l’usager
4 • Intégrer l’écosystème de l’usager pour Enfin, on constate qu’il y a co-création de valeur entre les usagers.
Pour fonctionner, les services associés aux objets connectés ont besoin
une meilleure expérience de recruter un grand nombre d’usagers qui vont créer une partie de la
valeur. C’est par exemple le cas des activités de géolocalisation enrichies
Ensuite, le caractère systémique de l’IoT nécessite la prise en compte par les utilisateurs. Ces « externalités du réseau » (Hsu & Lin, 2016) sont
de l’ensemble de l’écosystème de l’usager. D’une part, les capteurs apportées par l’écosystème des usagers et non par une fonctionnalité
démultiplient le potentiel d’interactions (McEwen & Cassimally 2013). supérieure de l’objet lui-même. Pour en bénéficier, il faut donc prendre
D’autre part, une recommandation bien établie est de développer des en compte ce que nous proposons d’appeler la circularité des valeurs.
outils numériques spécifiques et non généralistes (Kranz & al. 2010). C’est-à-dire, se demander comment créer des transferts de valeur de
Ces deux aspects de l’IoT vont dans le sens d’une démultiplication l’usager à l’écosystème, et de
drastique des objets et des sollicitations. “Il faut prendre en compte l’écosystème à l’usager ; mais
aussi, vers le concepteur et
Comment, dans ce contexte, garantir, voire générer, l’interopérabilité
entre les objets ? Pour y répondre en phase de conception, une proposition la circularité des valeurs” les fournisseurs en back-office
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24
Les objets connectés invitent les concepteurs à valeur et méthodes de tests d’usabilité en situations plus contrôlées
pour faire évoluer les interfaces vers plus de fluidité. Mais, sur cette base
combiner les démarches de design de produit et « canonique », on constate l’existence de plusieurs aménagements liés
celles issues du design de services. En théorie, aux spécificités de l’IoT. 3 pièges en particulier sont à éviter.
concevoir des objets s’appuie de plus en plus sur
l’idée de les considérer tels que des services.
Mais dans les faits, cette transition est parfois Piège #1 • Se limiter à des phases de test en
plus une ambition qu’une réalité pratique.
mode A/B
L’accès quasi généralisé à Internet favorise en effet cette approche
L’IoT force à relier ces deux visions : il s’agit de concevoir des objets par test comparatif (Olson & Bosch, 2014). Rien de nouveau dans ce
ergonomiques, esthétiques et à un prix adéquat (design de produit) qui contexte, si ce n’est que dans le cas de l’loT, les phases de test sont de
s’insèrent dans des expériences quotidiennes cohérentes tout au long des plus en plus nombreuses et larges, et elles peuvent avoir lieu une fois la
différents points de contact entretenus avec les usagers, impliquant un mise sur le marché réalisée. Elles tirent parti de cette capacité propre
écosystème d’acteurs en « front » et en « back » (design d’expérience). aux concepteurs de logiciels de créer rapidement un marché sur la base
Concrètement, cela signifie que la prise en compte des usagers bénéficie d’une version partiellement finalisée, puis de les faire évoluer en fonction
des démarches actuelles de la conception centrée utilisateur ; immersion de retours d’expérience. Le but est d’éviter le « freezing point » qui est
et compréhension empathique des usages, traduction des besoins en classique dans le design de produit, c’est-à-dire lorsqu’il n’est plus du
persona et parcours utilisateur, conception rapide de tests en situation tout possible de faire évoluer le produit. Au risque toutefois de créer des
réelle sur base de maquettes dégradées pour préciser la proposition de objets trop rapidement obsolètes, dès lors que cette plasticité ne s’avère
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pas infinie. Cette approche est donc recommandée dans le cas de On quitte une logique d’inter- “Le magicien d’Oz est une
« consommables », le cas de la mode et des « wearable » étant un face « lue » à une interface
exemple souvent cité. On peut également pousser cette propriété à son « entendue » et avec laquelle, méthode UX promise à un
paroxysme et valoriser le caractère reconfigurable des objets connectés, pour réagir, il faut un environne- bel avenir”
en impliquant l’usager dans ce rôle de gestionnaire des fonctions. Cela ment relativement silencieux et
signifie d’introduire, même très sommairement, un rapport de « maker » non plus « lumineux ». De ce fait, une méthode UX qui semble promise à un
à l’objet. Ce n’est pas nécessairement l’attitude prédominante au regard bel avenir – et dont Google se fait fréquemment l’écho – est le « magicien
des objets du quotidien pour les générations de consommateurs pré-IoT. d’Oz ». Elle consiste à mimer un service à l’aide d’une personne réelle qui –
à l’instar du magicien du film éponyme, caché derrière un rideau, agit dans
l’ombre. Ici, une personne prétend intervenir à la place d’un algorithme –
par la voix, par une manipulation d’objets et d’écrans –, permettant dans
ce cas de tester la valeur d’une interaction parfois très riche (comme celle
Piège #2 • Se limiter aux méthodes de test d’un assistant vocal) avec un coût de conception très faible.
en UX
Se limiter aux méthodes de test en UX qui, étant conçues pour des
logiciels ne prennent pas en compte toutes les spécificités de l’IoT Piège #3 • Ne considérer l’usage que dans le
(Nazari Shirehjini & Semsar, 2017). Prenons deux exemples : contexte de la connexion
Le premier est celui de la démultiplication des agents (usagers,
objets, écosystèmes). Il reste encore à inventer des représentations pour C’est la difficulté de gérer les problèmes d’identité, un enjeu bien
rendre compte de la complexité de l’écosystème et de la problématique connu du design de marque. Comment garantir l’homogénéité d’un
de la circularité des valeurs exposée plus haut, c’est-à-dire intégrer écosystème de produits ? Ce qui pouvait se réduire chez certains à du
conjointement plusieurs parcours d’usagers, montrer la circulation des graphisme et à une ligne formelle homogène, devient dans le cas de
données, etc. l’IoT une problématique plus complexe. Comment, par exemple, créer
Notre second exemple est le développement d’interfaces non visuelles, des objets qui ont le même degré de lisibilité lorsqu’ils sont connectés
tel que l’usage de la voix qui prend une place de plus en plus grande. et non connectés, tout en démontrant la plus-value de la connexion ?
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Au-delà de spécificités équivalentes à celles Faut-il en conclure que l’usager est un « mal nécessaire », et qu’en
définitive on gagne à faire l’économie de les rencontrer ? Il est vrai que ces
que nous venons de rappeler, le principal défi de démarches représentent un coût, plus souvent culturel et organisationnel
la conception de l’IoT reste de rendre crédible, que proprement financier. Dans notre activité d’accompagnement à
acceptable et réaliste une proposition de valeur l’innovation au sein de Users Matter, nous sommes souvent confrontés à
deux types de demandes des industriels, qui démontrent que l’intégration
cohérente. Focus sur 3 facteurs clé de succès. des usagers – sans devoir prendre la forme de longues et parfois très
lourdes études de fond
“Accompagner les primo – peut constituer un
Un débat de fond traverse la conception d’une manière générale : avantage décisif. Focus
a-t-on besoin des usagers pour parvenir à ces différents objectifs ?
adoptants permet de redéfinir sur 3 facteurs clés de
Comme l’a montré Nicolas Nova et ses collègues du Head-Genève dans des contextes d’usage réalistes” succès.
le domaine du design (Nova & al., 2015), l’usage est devenu une composante
normale de la conception. Toutefois, différentes attitudes coexistent,
entre ceux qui prennent en compte les usagers pour s’inspirer, n’hésitant Facteur clé de succès #1 • Accompagner
pas à détourner ce qu’ils ont observé, ceux qui s’attachent à décrire
systématiquement leurs problèmes pour les résoudre, et ceux qui
quelques primo adoptants dans leur usage
modulent leur approche au cas par cas, oscillant entre ces deux pôles.
Le premier facteur clé de succès porte sur les conditions de l’adoption
De même, plusieurs travaux convergent pour montrer que s’il est fréquent
de technologies inventées « en chambre ». Bien que conçues pour les
de tester avec des usagers pour s’assurer de la cohérence des propositions,
plus rares sont les démarches qui s’inspirent de l’usage en amont de la usagers, racontées en mode « elevator pitch » pour résoudre un problème
conception voire s’engagent dans des approches collaboratives. décisif du futur client, elles peinent à trouver leur public. Peu ou prou,
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l’équipe de conception a recréé une situation d’usage idéale qui n’existe Manchester. Celui-ci repose sur la mise en place in situ des prototypes
pas vraiment, et sa conviction s’avère dès lors fragile. d’objets connectés, permettant de générer des interactions avec les
citoyens dans des circonstances très hétérogènes. Et d’identifier ainsi
Accompagner quelques primo adoptants dans leur usage et s’entretenir les freins et opportunités de ces propositions, à l’échelle de l’écosystème,
avec des réfractaires suffit bien souvent à identifier des freins majeurs. Ils et non plus seulement du point de vue des expériences.
sont rarement de l’ordre de la qualité de l’interface ou de l’ergonomie à
proprement parler, mais portent plutôt sur des modifications de rôle (ex.
mon manager va maintenant pouvoir me surveiller grâce à ce nouvel outil)
ou sur des tâches masquées (ex. pour que la prise de vue soit efficace et Facteur clé de succès #2 • Faire consensus
permette un traitement rapide des informations, il faut que je classe et au sein des organisations
range préalablement tout un ensemble de produits). L’intégration de ces
quelques contraintes permet de redéfinir un contexte d’usage réaliste,
socle de la poursuite du développement des projets. La seconde demande que nous avons rencontrée est d’aider à trier
les bonnes idées et à faire consensus au sein des organisations.
Pour cela, il faut pouvoir tester autant l’usage que le non-usage. Un projet aussi complexe que la réalisation d’un objet connecté implique
Pour le dire autrement, l’enjeu est de suivre ce qui se passe avec un un grand nombre de collaborateurs ; chaque service ayant, pour des
objet connecté, même lorsque les futurs usagers ne sont pas en train de bonnes raisons, à cœur de pousser telle fonction ou de mettre en avant
manipuler l’objet. telle contrainte. Dans cette perspective, l’épreuve de l’usage s’avère
À ce titre, les Living Lab apparaissent comme des structures tout à fait souvent bénéfique car elle permet d’arbitrer sur la valeur de chaque
appropriées pour permettre des formes d’expérimentation originales : proposition. Deux critères permettent de faire de cet exercice une étape
elles permettent d’implémenter à l’échelle d’un territoire (une métropole réellement efficace.
par exemple), un prototype à taille réelle où des acteurs très différents Le premier concerne le caractère expérientiel du test : le déclaratif
seront amenés à « jouer » ensemble de nouveaux usages, bien au-delà ou la réaction à un visuel racontant le fonctionnement et l’usage sont
de l’expérience de manipulation. Plutôt que de travailler l’ergonomie de rarement « impliquants » et, sauf dans le cas d’experts qui savent
l’interface, à ce stade c’est la coordination et la capacité de créer de la prendre du recul sur le fonctionnement d’un écosystème, elles s’avèrent
valeur entre les acteurs qui est testée. peu projectives. Les réponses obtenues lors de tests tendent dès lors à
Ces approches s’accompagnent parfois de démarches participatives, tel être convenues. A l’inverse, la manipulation d’un artefact fonctionnel
que l’outil d’ « open prototyping » développé dans le projet CityVerve, à en apparence – la technique du magicien d’Oz exposée plus haut – en
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situation ! – permet rapidement de mettre en avant le potentiel bénéfice factices à destination de clients, de manière à tester des propositions
de l’usage, mais aussi ses tâches masquées et implications. radicales de contractualisation. Par exemple, en monnayant un droit à
Le deuxième critère relève du choix des testeurs. Pour gagner du la déconnexion. Le résultat de cette démarche a été autant d’identifier
temps, communautés de fans ou collègues sont les deux « réservoirs » les critères de confiance des usagers dans ce secteur particulier, que
privilégiés par les entreprises. Ils ont le grand défaut d’être souvent très d’interroger les dispositifs de traitement des informations en interne à
au courant de la marque et ses valeurs, voire d’être en grande sympathie l’entreprise. Car, dans le cadre de l’Internet
avec elle. Cet excès de bienveillance nuit considérablement à l’exercice. “Les réfractaires des objets, les changements attendus
portent autant sur la façon d’adresser les
Les « anciens usagers », des « réfractaires » et des « empêchés » sont au sont d’excellents usagers que sur la manière de travailler et de
contraire d’excellents garde-fous dont les retours d’expérience aident,
une fois interprétés, à l’arbitrage au sein des équipes. garde-fous” penser au sein des organisations.
Olivier Wathelet, septembre 2018
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Emmanuel Bavière, Global Head of Innovation Center, Société Générale Justin Lalieu
Titulaire d’un Master of Science in Distributed Information Systems, Ce créatif né en 1980 est un touche-à-tout obsessionnel. Designer
Emmanuel Bavière est un passionné de stratégie digitale. Fort d’une Industriel, graphiste, chargé de cours à ENSAV La Cambre, il est
expérience chez Apple et au Boston Consulting Group avant d’intégrer le passionné par la pop culture et la science fiction. Il développe des
Groupe Société Générale, il accompagne et impulse le changement pour concepts sur des objets connectés ou pas, se focalise sur le durable et
permettre aux entreprises de renforcer leur fonctionnement en interne et accompagne d’autres designers dans leur méthodologie.
d’innover à travers de nouvelles expériences utilisateur. En tant que Global
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“Nous utilisons
une approche
Les regards croisés de… Jean-Baptiste Joattan, multiples formes du design d’interaction pour d’intuitive
aider à leur conception.
Guiseppe Attoma et Pierre Garner design, nous ne
Pierre Garner : Nous travaillons beaucoup avec
des archétypes, des références à l’imaginaire
dissocions pas
Nos designers ont accepté de répondre à nos questions afin collectif, des références partagées pour le produit et
de nous aider à mieux comprendre en quoi l’IoT impose aux donner du sens. Il ne faut pas oublier que les l’interface”
designers des méthodes spécifiques. Retour d’expérience. objets connectés étant nouveaux, ils arrivent
sans références, ce qui peut être angoissant. Nous avons une approche
d’intuitive design, c’est-à-dire que nous ne dissocions pas le produit et
En quoi l’IoT exige-t-il des méthodes de design spécifiques ?
l’interface afin d’avoir une image globale de l’expérience proposée. Dès
Jean-Baptiste Joatton : Il y a une véritable explosion de processus au le départ avec le cahier des charges, on cherche la cohérence entre les
sein du design, ce qui est encore assez nouveau. Un bon exemple est le fonctions présentes sur le produit et sur l’interface. On va également
service blue print, qui est un superbe outil pour situer l’utilisateur. Mais ce beaucoup réfléchir à la manière dont on va utiliser le design pour favoriser
qui me semble tout aussi important, et spécifique aux objets connectés, l’acceptation, en exprimant de la séduction et de l’émotion en ligne avec
c’est aussi le fait de pouvoir représenter le point de vue système. ce que Norman appelle le design émotionnel. Par exemple, on va réfléchir
Je pense en particulier à la capacité de produire des diagrammes de au design de la gestion de commande : par la voix ? Par le mouvement ?
flux de données, ou de montrer les relations entre acteurs. Car si on Idem sur le design du consentement, qui est de plus en plus important
le prend dans un sens qui dépasse l’usage business du terme, un objet et dont la tendance est de donner la main au client. Hélas, les agences
connecté est un objet qui a une capacité de de design ne sont pas toujours consultées là-dessus donc on peut juste
communication avec un réseau de données “Ce qui est questionner les décisions déjà prises. Nous nous interrogeons aussi sur
et d’informations, qu’il reçoit et donne, et le design de la déconnexion, en mettant en avant les boutons d’arrêt qui
qu’il traite souvent en interne ou à l’aide spécifique, c’est sont très accessibles, en laissant la possibilité au client d’activer ou pas.
de serveurs. De ce point de vue très large, le fait de pouvoir On rend les boutons de contrôle voyants. Par exemple, dans la "Camera
on n’a pas attendu les objets connectés représenter le Home" de Withings, nous avons mis une bague que l’usager peut faire
pour connecter les objets. Il y a de belles pivoter pour ne pas être filmé. Enfin, on cherche à proposer un design qui
pratiques à reprendre du côté de l’histoire
point de vue reflète la bienveillance de l’objet connecté en veillant à ne pas être intrusif.
des techniques, des arts numériques et des système” Par exemple, lorsque nous avons designé le compteur ECOJOKO de
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Decaux, nous avons milité pour faire de l’analogique en proposant de « on peut le faire, donc on le fait », où la fascination et le « techno push »
un cadran avec une aiguille, moins intrusif qu’une série de données l’emportent sur la valeur. Or, celle-ci reste complexe à identifier. Elle est
numériques à la vue de tous, que les usagers peuvent retrouver sur d’autant plus difficile à connaître qu’elle repose souvent sur la donnée,
l’appli s’ils veulent plus d’informations. et donc sur la façon de la valoriser dans un contexte différent de l’usage
lui-même.
Comment utilisez-vous le design pour favoriser l’adoption ? Pierre Garner : La Keynote présentée par Google le 8 mai dernier est
Jean-Baptiste Joatton : Cela varie très fortement entre, par exemple, intéressante, car elle montre leur vision du monde concernant la place
les objets qui sont cachés et d’autres qui vont trôner dans le salon, des objets connectés dans un futur proche. A l’ENSCI, nous essayons
pour lesquels il y aura un effort important de création d’une relation de contrebalancer cette vision en invitant
avec l’usager. Se pose par contre dans le premier cas la question de la les étudiants à prendre en compte les
confiance. C’est un sujet que nos étudiants abordent de plus en plus, “On passe de la dimensions culturelle, technique et autres
notamment dans le cadre de leurs mémoires. Il est en partie lié à la notion d’usage afin d’avoir plus de perspective. On passe
problématique de l’autonomie qu’on laisse à un système, en particulier progressivement de la notion d’usage, très
quand il capte des données privées. On parle de plus en plus de la façon
à la notion utilitariste, à la notion d’expérience, plus
de créer le consentement, via des stratégies de « privacy by design », par d’expérience” riche.
le fait de montrer les données qui circulent, etc. On touche en effet ici à
une spécificité du design de l’IoT, pour laquelle l’intégration de l’usager Giuseppe Attoma : Je voudrais souligner
joue un poids très fort. Une piste de travail qui m’intéresse beaucoup en l’importance de la formation. Aujourd’hui, il y a peu de réflexion au
ce moment, porte notamment sur la façon dont on peut amener l’usager niveau des écoles de design, notamment sur la manière d’intégrer
à confirmer son consentement au cours du temps, une fois qu’il connaît les compétences qui sont transverses. Il y a beaucoup d’enjeux liés
mieux le système. De manière transparente et honnête. au cognitif, que les écoles de design n’intègrent pas par manque de
formation scientifique. Il y a aussi des dimensions sociologiques et
anthropologiques. L’adoption de l’innovation est aléatoire mais ce type
Quelles sont les principales directions d’amélioration des de compétences est important pour comprendre le phénomène.
pratiques actuelle du design de l’IoT ? Propos recueillis par Violette Bouveret et Olivier Wathelet
Jean-Baptiste Joatton : Trop souvent, les jeunes designers – mais on Mai 2018
le voit également en entreprise – conçoivent un objet sur le principe
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Les regards de… Antony Masson Enfin, dans notre secteur d’activité, nous cherchons à créer de l’adhésion
qui soit forte, et aussi très visible directement. Penser en termes de
« Minimum Viable Product » est une bonne stratégie pour y parvenir. Cela
Antony Masson, « creative lead chez Seb », a partagé avec nous
nous permet d’avancer crescendo, en étant ambitieux mais par étapes.
la manière dont l’IoT est designé dans son entreprise. Cela nous invite aussi – une autre nouveauté – à penser systématiquement
en termes de versions, avec une « roadmap » digitale très claire.
Comment une entreprise telle que SEB, orientée produit,
s’est-elle ouverte à l’IoT ? Les conséquences sont donc autant vers l’usager qu’en
C’est une transformation radicale qui demande du temps et qui est en interne ?
cours. Au niveau des méthodes de travail, le plus important est de mettre
En effet. Pour défendre et valoriser un projet en interne, il faut pouvoir
en avant le design de service, au sens large, comme cadre, plutôt que
le partager. Or, l’affordance d’un service est bien plus complexe à
de viser la performance produite, technique. Concrètement, nous avons
exprimer que celle d’un produit classique. Il est donc capital de constituer
dû apprendre à définir comment accompagner l’utilisateur en amont
et en aval du produit, et ainsi créer une relation véritablement long des équipes beaucoup plus larges, dotées d’expertises différentes,
terme. Comprendre cela a pris du temps, et, au final, a profondément mais capables de se comprendre et de se faire comprendre de manière
transformé la culture de conception du groupe. cohérente. Pour y répondre, nous avons créé une nouvelle fonction, le
Dans un modèle centré sur le produit, passé le lancement il ne se passe chef de projet système ou « product owner », dont le rôle est de garantir
presque plus rien. Avec l’IoT, c’est au contraire à cette étape que tout que la relation au client soit cohérente sur une longue période, bien au-delà
commence. Quantité de connaissances sur les usages deviennent dès de l’achat, mais aussi et de plus en plus entre les produits eux-mêmes.
lors importantes à intégrer, et nos utilisateurs sont en attente d’une
expérience vivante, évolutive. Une fois que l’objet connecté est mis Est-ce qu’on pourrait dire que le la connaissance stratégique
sur le marché, on verra comment il se comporte avec les utilisateurs, de l’usage s’est déplacée de l’amont à l’aval du lancement du
s’il fait sens, etc. Et avec la
“Il faut poursuivre l’effort de démultiplication des points produit ?
création et d’exploitation de contact potentiels, il y a En partie. Avec l’IoT, on reste plus que jamais dans un processus centré
des données très différentes utilisateur, en partant de l’observation ethnographique et à l’ergonomie,
des données d’usage” à suivre. et la réalisation de tests à l’aide de maquettes. Mais la grande évolution
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au niveau du processus, c’est que l’on va tirer parti de la capacité Les regards de… Emmanuel Bavière
des objets connectés à évoluer. Par conséquent, les phases aval de
« field tests » sont clés et deviennent de plus en plus conséquentes.
Les communautés en ligne offrent également de formidables possibilités
Emmanuel Bavière, responsable innovation, Groupe Société
dans ce domaine, avec des outils d’analysé dédiés qui permettent de Générale, partage son expérience du design de l’IoT dans le
tester des propositions. Enfin, il y a un vrai travail qui est réalisé pour secteur des services financiers.
se rapprocher des communautés réelles, pour continuer d’apprendre
des produits une fois lancés. Sur quels types d’objets connectés travaillez-vous ?
Nous ne sommes pas constructeurs d’objets, mais plutôt designers
Quels sont les enjeux à venir pour continuer d’améliorer de services associés à l’IoT qui couvrent des usages très différents.
la pertinence des démarches du groupe SEB avec le Nous avons lancé plusieurs expérimentations dans de nombreuses
développement de l’IoT ? activités du groupe : le leasing automobile (ex : l’IoT embarqué dans nos
véhicules permet de passer d’une facturation forfaitaire à une tarification
Prioritairement, il nous faut poursuivre l’effort de création et « pay-per-use »), la domotique (ex : le détecteur d’humidité pour réduire
d’exploitation des données d’usage ; en particulier depuis les produits la prime d’assurance), la santé (des capteurs pour un meilleur suivi
eux-mêmes, et non uniquement à partir des applications. Le contexte du patient), la « smart city » (ex : partage des données captées avec
d’usage reste l’élément le plus complexe à recueillir, il est pourtant clé la ville pour améliorer la sécurité des usagers), les agences bancaires
dans les offres IoT qui s’inscrivent encore plus profondément dans le (ex : Beacon pour améliorer l’expérience client) mais aussi le financement
quotidien de nos utilisateurs. C’est un enjeu majeur pour les chercheurs d’avions ou de pétroliers (ex : capteurs permettant de localiser l’actif afin
(« user research ») et les designers. d’adapter son financement) ou la maintenance d’équipements médicaux
coûteux (ex : adaptation de la maintenance en fonction de l’usage).
Enfin, on voit bien que la donnée occupe une place de plus en plus
grande dans ces projets : c’est dans cette direction que je vois de grands
changements. Ce qui nous force à être plus pertinents dans la création Pourquoi cet investissement dans l’IoT ?
d’une expérience marque client unique entre les marques. Pour la Société Générale, la donnée est un actif stratégique. Les données
constituent un formidable levier de création de valeur pour nos clients :
Propos recueilli par Olivier Wathelet
mieux connaître leurs usages nous permet de leur apporter un meilleur
Juin 2018
service, des solutions plus personnalisées. Or, une partie croissante des
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“Nous expérimentons un données provient des objets général en deux étapes. D’abord, il faut travailler sur la perception des
connectés. Par ailleurs, en usagers de l’objet et dans un second temps, on peut modifier la réalité
design à la logique Lego®” tant qu’acteur bancaire, nous tangible de l’objet. La numérisation d’un objet est donc progressive.
sommes le tiers de confiance de nos clients, garants de la protection
de leurs données. C’est un atout indéniable, basé sur notre expérience
de longue date dans la protection des données sensibles de nos Comment utilisez-vous le design en respectant la
clients et du secret bancaire. Un atout qui nous différencie des GAFA réglementation, notamment sur le traitement des données ?
notamment. Les nouvelles technologies sont une véritable opportunité La protection des données de ses clients est une priorité pour le Groupe
pour la Banque de renforcer la relation clientèle, à condition que Société Générale : cet engagement au-delà de la réglementation en
nous demeurions ce tiers de confiance reconnu par nos clients. cours et à venir nous oblige à tenir compte de ces obligations dans
la conception de toute nouvelle solution, tout nouveau projet. Dans le
Comment désignez-vous l’IoT, vous qui avez plutôt une domaine de l’IoT, nous expérimentons un design dans une logique à la
culture du service et de la dématérialisation ? lego®, qui permet à l’utilisateur de choisir le niveau de connectivité et
Nous n’avons pas vocation à créer des objets, ce n’est pas notre les différents services qu’il souhaite.
métier. Néanmoins, le design thinking prend une place croissante dans
l’élaboration de l’offre en lien avec l’IoT. Pour nos solutions mobiles, nous Quelles sont les tendances design de l’IoT que vous suivez
proposons par exemple une appli SG Lab qui permet aux usagers de notre de près ?
appli bancaire sur smartphone de tester de nouvelles fonctionnalités, et
de nous communiquer leurs retours pour améliorer le service proposé. Je m’intéresse plus particulièrement à deux grandes tendances : d’une
Nous conduisons des expérimentations, comme par exemple avec la part, les travaux sur la voix, et les capacités d’empathie. Je m’intéresse
tirelire connectée. Or celles-ci ont montré que les clients souhaitaient au design des capteurs vocaux qui seront de plus en plus présents.
que cette tirelire ressemble à une tirelire traditionnelle, d’où la nécessité D’autre part, je suis aussi les objets connectés proposant un retour
de conserver certains codes. d’information par l’image comme les Google Glass, les expérimentations
sur l’intégration d’écrans dans les lentilles, les marques de plongée ou
Quels enseignements tirez-vous de ces résultats ? de ski proposant des expériences visuelles augmentées… Pour moi, cet
ajout d’informations visuelles au moyen d’écrans intégrés préfigure la
Ce type d’expérimentation démontre que le design de l’IoT se fait en relation homme-machine de demain.
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En conclusion, qu’est-ce que le design de l’IoT a modifié Interview Harold Grondel & Justin Lalieux
dans le Groupe ?
L’émergence des nouvelles technologies, et notamment l’explosion des Harold est fondateur de Productize, agence de conception
usages du smartphone, a révolutionné la relation que nous avons d’objets connectés.
avec nos clients. Aujourd’hui, la proportion des contacts que nous Justin est designer free-lance et collabore régulièrement avec
avons avec nos clients est décuplée via le digital. La transformation Produtize.
numérique du Groupe lancée il y plusieurs années s’accélère dans tous
les domaines. Pour exemple, l’appli Société Générale que nous avons
Quand on conseille et accompagne des entreprises dans
lancée dès 2010 s’enrichit régulièrement avec des fonctionnalités
telles que l’agrégateur de comptes, l’aide à la gestion du budget. la conception d’objets connectés, est-ce que les usagers
Crédit du Nord propose l’authentification par reconnaissance vocale. occupent une place particulière ?
Et la carte à code crypto-dynamique, innovation du Groupe Société Harold. Je suis arrivé dans l’univers des objets connectés avec une
Générale, a été plébiscitée par plus de 300 000 clients. Le Groupe casquette business et une première expérience qui aurait pu être un
dans son ensemble suit de très près l’évolution des technologies pour échec retentissant. Je travaillais alors pour une grande entreprise belge,
continuer de proposer des services innovants à ses clients. accompagnée de majors du conseil, qui avaient la ferme intention de
créer un objet connecté dans le domaine de la mobilité. L’approche était
Propos recueilli par Violette Bouveret extrêmement top-down et focalisée sur la technologie. En définitive, ils
Juin 2018 ont conçu un système de gestion de parc de voitures qui reposait sur
une connexion 3G…. sans couverture dans les parkings souterrains !
Intégrer l’usage, c’est donc se poser les questions qui évitent ce type
d’échec. Lorsque j’ai repris ce projet, j’ai choisi de me concentrer sur
la réalisation de prototypes très simples pour montrer une approche
alternative. En quelques minutes, j’ai pu convaincre la direction de
continuer dans cette direction. Et ce boitier est devenu un succès. Cela
constitue depuis lors le pilier de Productize, l’agence que j’ai créée :
jamais de techno push, se concentrer rapidement sur le business pour
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trouver comment équilibrer la valeur et le coût, qui peut être très élevé usages, nous ne sommes pas en situation de nous caller sur ce qui existe.
dès qu’on parle de hardware. Les boitiers que nous testons sont souvent très aboutis, fonctionnels.
Pour que les expériences soient réalistes.
Est-ce que ce genre de message s’entend facilement ?
Enfin, un troisième enjeu consiste à trouver les moyens de donner
En réalité, notre principal défi concerne la façon dont est organisé le client. la confiance. Il y a beaucoup de jugements à anticiper. Un bracelet
Sans véritablement parler de conduite du changement, nous consacrons connecté pour bébé crée du stress ; tandis qu’un objet qui dorlote un
un effort important à l’apprentissage et à garantir la cohérence du projet, nourrisson est accepté. Il faut donc concevoir pour ne pas connoter
notamment au travers d’un document de référence. Cela crée l’alignement, « objet connecté », éviter le cliché « high tech » et rassurer.
comme le recommande le fond d’investissement spécialisé Bolt.io.
Documenter les étapes, c’est aussi anticiper les risques et déterminer les
options possibles. Nous ne cherchons pas à créer des MVP, car souvent ce Comment équilibrer usage, business et technique ?
graal n’est pas atteignable malgré d’importants efforts, mais à définir le Harold : Nos temps de développement sont souvent courts ! Pour tenir
RAT, Riskiest Assumption Test, pour identifier les risques prioritaires et ces délais, nous cherchons toujours à simplifier le projet, par exemple
les lever en premier. Et ainsi réduire les investissements inutiles. en rationnalisant les capteurs. Un bon IoT est avant tout malin,
économe, à l’instar de Roost: ce capteur de fumée vendu à plusieurs
Sur ces outils très importants, est-ce que l’IoT se distingue millions d’exemplaires est en réalité… une pile rechargeable connectée.
du design d’objet en général ? Les fonctions sont optimisées, l’usage est simplifié. Nous avons adopté
la même démarche pour un projet récent, Cowboy, un vélo électrique
Justin : L’étape de documentation est très importante : scénarios connecté sans interface ni bouton on/ off ! C’est en intégrant l’usage
d’usage, personaes, etc. sont des outils qui ont beaucoup de valeur qu’on peut se permettre aller si loin.
pour crée une vision partagée, même si les 7 jours de travail que cela va
demander sont parfois difficiles à vendre à nos clients. Or, avec l’IoT, la Il faut toujours garder en tête que la simplification repose sur un
connaissance préalable de l’expérience est encore plus décisive, compte équilibre entre coût et bénéfices d’usage. Dans une maison, le wifi est un
tenu de la complexité et la multitude des intervenants. Ce matériau doit relais efficace, mais il nécessite une interface pour la connexion, ce qui
être très visuel, pour qu’il soit approprié facilement. n’est pas toujours possible. Le Bluetooth permet d’en faire l’économie,
mais il représente un coût de matériel et de développement élevé pour
Une deuxième spécificité est qu’il s’agit de tester vite et beaucoup. peut-être un usage unique, lors de la première connexion. C’est par
C’est d’autant plus important que avec l’IoT nous créons des nouveaux l’intégration de l’usage que nous pourrons trancher.
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Panorama des
tendances repérées
au CES Chinois par
les étudiants de la
Chaire IoT
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The 28 students of ESCP Europe’s IoT Chair went China’s reputation for nurturing hi-tech enterprises has skyrocketed
over the past decade, helping transform the country into a cradle of
to China to identify the latest trends of IoT design innovation and a hotbed of development for cutting-edge technology.
in Asia. Let’s read their travel stories to imagine the
future of IoT. Where did they go?
From 21 to 28 April, a 3-step trip was designed by Sandrine Macé to
Learning by travelling by Sandrine Macé explore the Chinese IoT world:
• Shanghai is of course on the roadmap!
“ESCP Europe, as a Business School, has a teaching vocation extending beyond • Wuxi, recognized as one of China’s smartest cities, is fastly becoming
the boundaries of the classroom. Learning expeditions are an amazingly the top choice for international tech giants and the IoT industry.
powerful learning booster... fostering awareness and broadening horizons. • Suzhou hosts the 10th International Internet of Things Exhibition 2018,
the largest and most comprehensive IoT expo in Asia.
Regarding the Internet of Things, issues, it sounds to me absolutely key
to help our young generations understand today’s and tomorrow’s IoT
challenges.” What did they do?
A dense programme encouraging multiple exchanges:
Why china?
• Conference with Lea Hindelang, Marketing Director & Christophe
China is a global leader in machine-to-machine (M2M) technology. Cermolacce, CEO, Noerden + Urban Planning Museum.
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• Wuxi Pingguan IoT Technology Co., Ltd / China Research & Development
Center for IoT / Infineon Wuxi Factory.
Main trends
Let’s read the travel stories of our students on smart homes, smart cities,
retail, wellness, transportation, back-office, security and agriculture.
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Trends in… Smart homes Revolutionizing security for companies & indivuals
thanks to smart door handles
Connected doorknobs are now available for your house!
These handles are very diverse but the objective stays the same: enforcing
security for people not allowed to enter a room. The handles can be
unlocked via an app, via facial recognition, via fingerprint recognition,
via voice recognition... They smartly remember the time the door was
opened but also by whom. These handles can also be unlocked remotely,
enabling parents to open the door to children or to external members of
the family when needed.
They can be implemented to open room doors but also cupboards.
Even though it can prevent children from opening cupboards containing
dangerous products, the main interest is for companies. They can be
coupled with smart cupboards. Starting from the moment the door is
opened, the cupboard records all the files taken and by whom. It is a
way to ensure data security in companies, which is a major concern for
companies now.
Even if fewer and fewer documents are printed nowadays, it is sometimes
necessary to print some and smart cupboards can be the solution to
enforce security.
Isaure de Fougerolles
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We visited the offices and the facilities of Pinguan IOT Technology Co.
This company, totally owned by Thinkgo Technology Co, is specialized
in the RFID field, from the software and hardware (antennas and
readers) development and design, all the way to the manufacturing and
encoding of the tags and labels, including services and operations of
internet and cloud platforms based on RFID. Pinguan IOT, throughout
continuous innovation and a flexible approach, works in close synergy
with its clients, customizing the solutions offered according to their
specific needs in order to reach the highest value. This sector has been
exponentially growing in the last few years, as it can find many different
uses in almost every industry. The main solutions Pinguan presented
were for warehouse management, asset management and electric
power systems. In particular, we were able to appreciate the labels
production line, nearly fully automated, built on lean management
principles (signs with the 5 S pillars were hung on the walls), where
the work has been broken into the smallest and simplest tasks in order
to allow for the most efficient flows. We could also see the use of the
Kanban in action.
Matteo Gatti
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What inspired us a lot with the RFID implementation was our visit to
the warehouse of Trojan Arts. They provide solutions and services for
international art shipment, including the packing, shipping, exhibition,
storage, etc. Trojan Arts customizes RFID tags for each art piece they
receive. With the tags, you can not only track where the piece is, but
also check if the temperature, the humidity and other parameters
are suitable for the piece. And the RFID tags are even reusable for the
same art piece, if it’s been shipped by Trojan Arts before. The biggest
advantage of RFID technology for Trojan Arts so far, is the decreased
need for human labor. With the RFID tags and scanning gun, the job of
checking the whole inventory can be done with only one staff in less than
one hour. And the location of each art piece can be found very easily,
which improves the efficiency of management. The development of RFID
technology has brought about a lot of benefits, especially lowering the
cost. However, there’re also issues: security, confidentiality, integrity,
availability… The RFID system still has a lot to improve, regarding to the
source codes, the protocols, the back-end data base, etc.
Maurizio Bello
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Identify and record at the same time; multi-face identification; gender and
age identification; fake glasses identification.
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Embedded with RFID chips, this flexible battery is used for the tracking
of goods in logistics. The battery can withstand extreme hot and cold
temperature, which enables it to have a wide application in logistics. In
China, one of the main applications is in the transportation of medical
goods. Moreover, the battery has a 5-year lifetime and is very thin,
thus allowing it to be used durably and conveniently. This tracking
battery is changing the logistics field by improving real-time tracking.
Huyen Diep
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S’ouvrir à
de nouvelles
pratiques
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Pour susciter l’adoption et l’attachement des les choses dans l’autre sens en concevant “Comprendre le
un objet extrêmement fragile et précieux.
objets connectés, nous concluons ce livre sur 3 L’idée est brillante, puisque loin de rebuter fonctionnement de
idées pour s’ouvrir à de nouvelles pratiques. les consommateurs, elle les incite à l’objet technique
prendre soin de cet objet dont la valeur et pour ne plus en
la préciosité reflètent l’importance de ce
qu’il contient. Quid des objets connectés ? avoir peur”
Pratique 1 • Inciter l’usager à aimer l’objet
connecté, les apports de Simondon Pratique 2 • Matérialiser l’invisibilité/
La pléthore d’objets est proportionnelle à la pénurie émotionnelle de nos la déconnexion par des étapes artificielles
relations aux biens. L’enjeu est donc de réinventer notre relation avec
les objets dans une éthique bienveillante, dans laquelle le rapport entre Dans le chapitre 2 de cet ouvrage, nous avons abordé la question de
homme et machine serait équilibré et où l’homme, en développant une l’invisibilité, qui est cruciale car elle traite de la mise en valeur de ce qui
culture technique, pourrait se rapprocher de la machine et l’aimer, c’est- ne se voit pas, mais aussi de l’inquiétude suscitée par une captation
à-dire l’apprécier pour la manière dont elle s’intègre dans un réseau. de données à l’insu du consommateur. Sur ce deuxième point, plusieurs
En développant une forme de sensibilité, on pourra envisager un usage initiatives remarquables valent la peine d’être mentionnées. La
de ces objets connectés permettant l’intégration dans une culture où première concerne deux caméras. La première, dédiée à la surveillance
l’usager n’est plus un simple consommateur mais un individu sensible. des nouveaux nés, capte les images dans la chambre en l’absence
A ce titre, l’exemple du design de l’iPhone est parlant. Au moment de des parents dans la pièce. Les usagers voient la valeur ajoutée du
son lancement, les autres constructeurs designent leurs objets en dispositif mais s’inquiètent que la captation d’images leur échappe.
cherchant toujours plus de robustesse. Les designers d’Apple prennent En réponse à ces craintes, les designers ont designé la caméra comme
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une boite à musique (donc dans l’univers de l’enfance) qui, ouverte, ces robots empathiques pour la stimulation cognitive des personnes
capte les données et fermée, ne les capte plus. Dans la même veine, atteintes de la maladie d’Alzheimer : en réagissant comme un achat, le
une caméra de surveillance placée à l’intérieur de la maison suscitait robot peut inciter le malade à jouer avec lui et à le stimuler d’un point
des craintes analogues. Les designers ont donc designé un dispositif de vue émotionnel en créant un lien social. De même, des robots de ce
permettant à l’usager de mettre l’objectif de la caméra contre le mur type peuvent aider les personnes autistes à comprendre et exprimer les
afin de matérialiser fortement la fin de la captation de données. Cet émotions.
ajout d’étapes artificielles dans l’expérience usager n’est pas propre Néanmoins, ces travaux sont encore émergents. Ces objets apprennent
aux objets connectés. Par exemple, lors du rechargement du pass à simuler des émotions en travaillant sur la génération de gestes, la
Navigo, un écran apparait demandant à l’usager de patienter pendant synthèse émotionnelle de voix expressive ou encore la composition
le rechargement. Cette étape est artificielle (le rechargement se fait en d’expression faciale au moyen des unités faciales développées par Paul
temps réel) mais a pour objectif de rassurer les usagers qui craignaient Ekman. En revanche, apprendre aux robots à reconnaitre les émotions
que le rechargement n’ait pas fonctionné. de la personne est plus ardu tant ses expressions sont nombreuses,
variant d’un individu, d’une culture et d’un contexte à l’autre.
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La Chaire IoT de ESCP Europe, développée en partenariat avec Schneider Electric, Valeo et Société Générale
Insurance, a pour vocation de développer une meilleure compréhension des enjeux business et managériaux liés
à l’évolution digitale et au développement des objets connectés.
Maquette : CCI Paris IDF / PAO Cicero 4072-2019 - Photo crédits : Dan Tsantilis -
Ce livre blanc a été édité en octobre 2019 par la Chaire IoT (ESCP Europe), pour une diffusion numérique.
La Chaire IoT remercie chaleureusement tous les contributeurs, professionnels, étudiants, qui ont nourri ces réflexions.
Pour plus d’informations sur la Chaire IoT, RDV sur le site internet de ESCP Europe :
www.escpeurope.eu/fr/faculte-recherche/chaires-instituts/chaire-iot
Tierney-Olena-Maroke-Metamorworks/AdobeStock
COORDINATION ÉDITORIALE
Sandrine Macé
Violette Bouveret