Rapport Investissements Agricoles 141013-2
Rapport Investissements Agricoles 141013-2
Rapport Investissements Agricoles 141013-2
SÉCURITÉ ALIMENTAIRE
OU FINANCIÈRE ?
Les nouvelles dynamiques d’investissements
agricoles portées dans le cadre de projets
de développement
Octobre 2013
Directrice de la publication : Catherine Gaudard
Coordination rédactionnelle : JM. Jorand, S. Pommeret
Ont participé à l’élaboration de ce dossier : JM. Jorand, S. Pommeret, C. Gaudard, M. Dupré,
A. Manganella, MA. Sangil, Z. Behalal
Conception graphique : Isabelle Cadet
Dépôt légal : octobre 2013
Ce rapport de plaidoyer s’inscrit dans la campagne « Investissements hors jeu » menée par
le CCFD-Terre Solidaire, pour que les investissements internationaux dans les pays du Sud
contribuent réellement au développement.
sommaire
Glossaire 4
Introduction 5
Méthodologie 6
partie 1
AGRICULTURE ET SÉCURITÉ
ALIMENTAIRE : UN REGAIN D’INTÉRÊT
AUX MOTIFS DIVERS 9
1. Agriculture au Sud : la fin de l’abandon par les États ? 9
3. Un embouteillage de règles 18
partie 2
partie 3
VISION ET RECOMMANDATIONS DU
CCFD-TERRE SOLIDAIRE 47
1. Principes pour des investissements responsables pour la souveraineté alimentaire 47
2. Recommandations du CCFD-Terre Solidaire 50
cette cohérence1 : « Notre défi est d’identifier et Car, que les investisseurs privés internationaux aient
de soutenir les investissements privés responsables d’autres priorités que la défense de l’intérêt général
qui bénéficient aux petits producteurs locaux et et la lutte contre la pauvreté n’a rien de surprenant.
participent à accroître la sécurité alimentaire. (...) Mais quand les États, en quête de croissance et
Nous devons nous assurer que les investissements de rayonnement économique, les soutiennent,
des entreprises ne nuisent pas aux communautés et d’autant plus lorsqu’ils agissent au nom du
locales où ces investissements sont réalisés. (...). développement, il leur revient d’être exemplaires, et
Notre première priorité doit être de renforcer les cohérents : soutenir tout et son contraire ne peut
exploitations familiales plutôt que les grandes être viable.
exploitations agricoles. Il est scientifiquement
prouvé que ce modèle représente le meilleur Ils ont la responsabilité d’encadrer fermement ces
potentiel de production et de créations d’emplois investissements privés à l’aune du respect des droits
et génère la majeure partie des richesses en milieu humains et de la contribution à une lutte durable
rural. (...) Dans bien des régions, l’investissement contre la faim et la pauvreté.
dans l’agriculture se fait au détriment des ressources La souveraineté alimentaire doit primer sur la
naturelles existantes. La déforestation des zones recherche du profit.
tropicales provoque une grande diminution de
la productivité des sols, et souvent une baisse de
l’emploi dans ces régions sur le long terme, tout en
contribuant au changement climatique ».
1 Déclaration M. Pascal Canfin, ministre du développement, New York le 23 septembre 2013. Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 26 septembre 2013
Investissements
Investissements
agricoles : sécurité
agricoles : sécurité
alimentaire ou financière
alimentaire
? ou
| financière ? | 7
PARTIE 1
2 Financial resource flows to agriculture – A review of data on government, official development assistance and foreign direct investment – ESA Working paper n°11-
19 – S.K.Lowder et B.Carisma
Agriculture
et sécurité
alimentaire : un
regain d’intérêt aux
motifs divers
1. Agriculture au Sud :
la fin de l’abandon par
les États ?
(toutes les régions sauf Europe et Asie Centrale). Les auteurs d’une étude sur les flux financiers dans
En moyenne elle est passée d’un peu moins de 7% l’agriculture notent le caractère particulièrement
en 1980 à 4% en 2007, les États ayant priorisé « décourageant » de l’évolution des dépenses dans
une augmentation des dépenses publiques dans l’agriculture par les pays d’Afrique Subsaharienne2.
d’autres secteurs comme les mines ou l’énergie. Sur ces dix dernières années, la part de l’agriculture
Même si comme le montre le graphique ci-dessous, dans le budget national de ces pays oscille entre 3 et
la tendance globale est la même dans toutes les 6%. Au début des années 2000, dans un contexte
régions, les effets se font particulièrement ressentir d’insécurité alimentaire croissante, les États africains
dans les pays dont le secteur agricole est primordial s’en sont eux-mêmes alarmés, et répondant aux
pour les économies locales comme en Amérique interpellations des sociétés civiles, se sont engagés à
Latine ou en Afrique Subsaharienne. Dans cette accroître leurs efforts pour l’agriculture (voir encadré),
dernière région, 70% de la population active avec cependant un succès limité.
travaille en milieu rural.
En 2003 au Mozambique, lors de l’Assemblée de l’Union Africaine, les chefs d’État ont signé
la déclaration de Maputo : reconnaissant l’importance de l’agriculture pour les économies
africaines, ils s’engageaient sur un Programme détaillé de développement de l’agriculture
africaine (le CAADP). Ce programme a deux objectifs spécifiques : augmenter la productivité
agricole (6% annuellement d’ici à 2015) et relever la part des dépenses publiques dédiées à
l’agriculture afin qu’elle atteigne 10% d’ici 20083. Soit le niveau d’investissement public moyen
dans les années 1980.
Un acte politique et diplomatique majeur qui a permis de remettre l’agriculture africaine dans
les priorités de développement du continent.
Malheureusement, dix ans après, tous ne semblent pas avoir atteint l’objectif. Entre 2004 et
2010, sur 45 pays pour lesquels les informations sont accessibles, seulement 10 pays4, ont
atteint l’objectif de 10% et 3 l’ont atteint sur toute la période. Pire, 1/3 des pays ont même
connu un recul de leurs dépenses publiques dans l’agriculture sur la période5.
Au-delà des aspects statistiques, l’accord de Maputo n’a pas permis de traiter la question de
l’efficacité de l’investissement, ni de prioriser des secteurs ou des acteurs. Les organisations
paysannes du continent plaident aujourd’hui pour une transparence des budgets agricoles et
l’allocation d’un pourcentage spécifique aux agricultures familiales et pêcheries artisanales.
La situation en Afrique Subsaharienne est donc 125,6 milliards de dollars de l’APD globale8. On est
aujourd’hui très inquiétante : l’indice d’orientation encore loin des sommets des années 1980…
agricole élaboré par la FAO6 souligne que pour
12 pays étudiés dans la zone on note une priorité Certains effets d’annonce peuvent même
moindre donnée à l’agriculture en comparaison à tromper quant au regain d’intérêt réel des États
d’autres gouvernements d’autres régions. Depuis et institutions publiques pour l’agriculture et la
2005, la part de l’agriculture dans le budget global sécurité alimentaire9 : suite aux émeutes de la faim
des États de la région est en baisse, bien loin de la en 2008, notamment, on a observé un sursaut de
mise en œuvre des accords de Maputo… la mobilisation internationale, avec en particulier,
La baisse des investissements publics dans l’annonce en 2009, par les États membres du G8,
l’agriculture a également été observée dans d’un investissement de 20 milliards de dollars dans
l’aide publique au développement (APD), dès le secteur en Afrique pour la période 2009-2012
les années 1980. L’APD agricole est ainsi passée (voir encadré).
de 20% de l’APD globale dans les années 1980 Des annonces malheureusement pas toujours suivies
à 4% au milieu des années 2000, soit de 15 d’effets : ce type d’initiative exige d’être suivie sur le
milliards d’euros à 2,3 milliards d’euros7, les long terme afin de vérifier les décaissements réels et
secteurs et priorités d’intervention des opérateurs leur dimension réellement additionnelle. Entre 2002
s’étant diversifiés (santé, éducation, énergie, et 2009, les décalages ont pu atteindre 1 milliard de
ressources naturelles, infrastructures…). dollars par an sur l’ensemble de l’APD agricole10. Et
Depuis 2005, la tendance semble doucement l’Initiative du G8 n’échappe pas à la règle.
s’inverser, l’agriculture représentant désormais 6%
de l’ensemble des dépenses de l’APD, soit pour
2012 un peu plus de 7 milliards de dollars (sur les
G8 - Initiative de l’Aquila pour la Sécurité Alimentaire : les yeux plus gros que
le ventre ?
Les États membres du G8 s’étaient engagés à débourser plus de 20 milliards d’euros entre
2009 et 2012 pour lutter contre l’insécurité alimentaire en Afrique (Initiative de l’Aquila pour
la Sécurité Alimentaire - AFSI). Un an après la fin d’exercice de cette initiative, les engagements
financiers n’ont pas été concrétisés par l’ensemble des donneurs. Par exemple, La France n’a
réellement déboursé que 54% des sommes promises, le reste restant dans la catégorie « en
cours de décaissement »11.
Les pays du G8 aiment annoncer des montants d’aide importants (20 milliards de dollars) pour
une mise en œuvre sur un temps court (3 ans). Mais cela oblige les États à des décaissements
élevés et rapides, ce qui les amène à inclure dans l’initiative des projets de tous formats déjà
prévus. On est loin d’une planification nouvelle basée sur la mise en place d’une stratégie
commune entre les États membres du G8 et les États africains… Et donc, loin de ce qu’exigerait
la réponse à l’enjeu du moment : la crise alimentaire en Afrique.
Encadré 3
21%
26% 42%
39%
10% 24%
Source : document PROPARCO, « Classement des projets en fonction de leur niveau de risque environnemental et social »
Des mesures spécifiques découlent du niveau • Les agences locales effectuent tous les
de classement choisi pour chaque projet : mois un reporting auprès de la Division du
réalisation d'études d'impact ou de notice contrôle de la conformité du groupe AFD.
environnementale et sociale, mise en place sur tout ce qui se rapporte à un risque projet,
de plans de gestion environnementaux et de quelque nature qu’il soit et jusqu’à un
sociaux, mesures d’atténuation des impacts risque d’image.
qui seraient constatés, etc. L’AFD doit ensuite
• Un rapport annuel du maître d'ouvrage
s’assurer du bon déroulement du projet :
est transmis à l'AFD. Le cas échéant, un
audit peut être commandé.
En juillet 2013, à l’occasion du Comité Inter- familiale de jouer pleinement son rôle :
ministériel de la Coopération internationale adoption de politiques agricoles, renforcement
et du Développement (CICID), qui réunit sous de l’intégration régionale, structuration des
l’égide du Premier Ministre, les 15 ministres marchés agricoles, développement de filières,
« concourant à la politique française de déve- appui aux organisations paysannes, recherche
loppement »21, le gouvernement français a de de l’accès équitable à l’eau, sécurisation du
nouveau affirmé que la lutte contre l’insécu- foncier et lutte contre la dégradation des terres.
rité alimentaire et le soutien aux agricultures Le Gouvernement approuve les orientations
familiales était une priorité de la France. adoptées par l’AFD en ce sens.
(Extrait du relevé de décision du CICID) Mais l’APD française ne passe pas uniquement par
Décision n°6 . Le gouvernement réaffirme que son opérateur de développement, l’AFD. Sur les
le soutien aux agriculteurs dans les pays du quasi 8 milliards d’euros engagés en 2008, au titre
Sud est un levier essentiel de la lutte contre de l’APD totale de la France, 60% ont transité par
l’insécurité alimentaire et la pauvreté. le canal bilatéral et 40% par le canal multilatéral
1. Le Gouvernement décide de promouvoir (part qui a doublé au cours des vingt dernières
une agriculture familiale, productrice de années22). La France est donc en première ligne
richesse et d’emplois et respectueuse d’initiatives politiques internationales (notamment
des écosystèmes. La France soutiendra dans le cadre du Comité sur la Sécurité Alimentaire
des initiatives permettant à l’agriculture Mondiale). Mais elle est également un bailleur
21 Relevé de décisions du CICID, 31 juillet 2013 – Pour rappel, le CICID, dont s’était la première réunion depuis quatre ans, est chargé de définir les principes et les
priorités de l’effort de solidarité internationale de la France
22 L’aide publique au développement française : analyse des contributions multilatérales, réflexions et propositions pour une plus grande efficacité, Henriette Martinez
et Secrétariat d’État à la coopération et à la francophonie, Juillet 2009
2. La libération du pouvoir
du secteur privé 23
’agriculture a pendant longtemps été le des investisseurs publics (cf. chapitre précédent),
23 Selon l’expression de David Cameron en juin 2012 à propos de la Nouvelle Alliance – David Cameron (2012), A G8 meeting that goes back to first principles, http://
www.euobserver.com/opinion/118265
24 Rapport sur l’investissement dans le monde – CNUCED - 2009
25 Spéculation sur les matières premières agricoles, La complicité des banques belges dans la spéculation sur l’alimentation, CNCD 11.11.11, 11.11.11, SOS Faim,
Oxfam-Solidarité, RFA (Réseau Financement Alternatif), FAIRFIN – juin 2013 - http://www.cncd.be/IMG/pdf/2013-06_rapport_speculation_alimentation.pdf
26 Glencore sees opportunities in US drought, Reuters, août 2012 - http://www.reuters.com/article/2012/08/21/us-grains-glencore-idUSBRE87K0OY20120821
27 Spéculation sur les matières premières agricoles, La complicité des banques belges dans la spéculation sur l’alimentation, CNCD 11.11.11, 11.11.11, SOS Faim,
Oxfam-Solidarité, RFA (Réseau Financement Alternatif), FAIRFIN – juin 2013 - http://www.cncd.be/IMG/pdf/2013-06_rapport_speculation_alimentation.pdf
Encadré 6
TEXTE Directives Volon- Principes d’inves- Principes pour des Initiative sur la Trans- Principes d’inves-
taires pour la gou- tissements investissements parence foncière tissements
vernance respon- responsables dans responsables dans responsables dans
sable du foncier (DV) l’agriculture l’agriculture respec- l’agriculture
tueux
des droits, des
moyens de sub-
sistance et des
ressources
PORTÉE Basé sur textes Ces principes visent Basé sur l’enga- Centré sur les Ce groupe souhaite
nations unies droits à poursuivre les gement volontaire questions foncières, faire une synthèse
humains et directives travaux engagés des entreprises de cette initiative vise des travaux existants
spécifiques droit lors des DV sur la mettre en place à mettre en place
à l’alimentation. thématique des des démarches RSE plus de transparence
Une majeure partie investissements. Il ne s’inscrivant pas dans les transactions
du texte s’adresse vise, en considé- dans une démarche foncières
aux États mais rant le contexte de régulation,
s’adressent aux économique, social d’encadrement et de
investisseurs de et culturel, à édicter contrôle par les États
manière plus large des principes pour
dans le chapitre tout type d’inves-
investissement (sec- tissement dans le
tion 12) secteur agricole afin
d’assurer son impact
positif sur la sécurité
alimentaire
STATUT Adoptées en mai Elaboration en cours Finalisés – Texte Déclaration des États Travaux doivent
2012 - processus – Adoption prévue critiqué par plusieurs membres du G8 Juin débuter fin 2013.
de mise en œuvre en octobre 2014 acteurs - projets 2013 Finalisation prévue
engagée dans plu- pilotes lancés par la pour 2015
sieurs pays Banque Mondiale et
le Japon
41 Voir notamment : Investissements et accaparements des terres et des ressources :prévenir les violations des droits humains, CCFD-Terre Solidaire, juin 2012 et Human
Rights Due Diligence – CIDSE - septembre 2013 et Le cadre des Nations unies « Protéger, respecter, réparer » et ses Principes directeurs : Moteurs du changement
? – CIDSE – mars 2013 (www.cidse.org)
L’agenda de plusieurs pays africains sur les et devra alors mettre en œuvre différentes
questions foncières va être chargé cette dispositions législatives destinées à faciliter
année ! Le Sénégal a depuis le début de ces investissements. La Nouvelle Alliance au
l’année 2013 relancé son processus de Sénégal sera coordonnée par l’Allemagne.
réforme foncière. Un groupe de travail La même situation se profile en Côte d’Ivoire
réunissant officiels, parlementaires et plus qui d’ores-et-déjà met en œuvre des projets
récemment la société civile a été mis en de la Nouvelle Alliance alors que doivent
place. Dans le même temps, en juin 2013, débuter des discussions sur le code foncier,
les États membres du G8 ont annoncé des au cœur des tensions que connait le pays
programmes de mise en œuvre des directives depuis plus d’une dizaine d’années. Le pays
volontaires sur le foncier, dans lesquels est par ailleurs engagé depuis 2010 dans un
la France est associée au Sénégal. Enfin, plan national d’investissement agricole prévu
ce pays va intégrer en 2013 la Nouvelle jusqu’en 2015.
Alliance du G8 pour la sécurité alimentaire,
Aujourd’hui, les différents plans et programmes se et plan nationaux pour la sécurité alimentaire
réfèrent tous les uns aux autres, ce qui demande et/ou pour les investissements dans les 10 pays
un véritable exercice de lecture croisée sans savoir d’accueil.
quel texte ni quels principes doivent primer sur
l’autre. La Nouvelle Alliance pour la Sécurité
Alimentaire et la nutrition en arrive ainsi à devoir
se conformer à quatre textes internationaux45
de portée différente, et au moins 12 textes
45 Directives volontaiires pour la gouvernance responsable du foncier, principes d’investissements responsables (CSA ET Banque Mondiale, CNUCED, FAO, FIDA) et
transparence foncière du G8
Encadré 8
Les sociétés civiles au Nord mais également au politiques publiques de qualité, nécessaires au
Sud interpellent pourtant de plus en plus leurs développement du pays.
États pour qu’ils exigent une contribution
fiscale juste des entreprises : contribution qui
doit permettre à l’État de mettre en place des
48 Jean-Marc Bikoko ou vingt ans de combats syndicaux, septembre 2011, Faim et Développement Magazine, http://ccfd-terresolidaire.org/projets/afrique/
cameroun/jean-marc-bikoko-ou
49 Loi n°2013/004 du 18 avril 2013 fixant les incitations à l’investissement privé en République du Cameroun, http://www.ambyaounde.esteri.it/NR/
rdonlyres/91577196-0BE1-43FB-BE7C-649FA090BEF3/67245/Loi18avril2013CMRInvest.pdf
50 Voir notamment Cameroun : De nouvelles facilités pour l’Investissement privé, Jocelyne Ndouyou-Mouliom, Cameroon Tribune, avril 2013 ; Une nouvelle loi stimule
les investissements privés au Cameroun, Mimouna Hafidh, avril 2013 - http://www.legriot.info/8610-une-nouvelle-loi-stimule-les-investissements-prives-au-
cameroun/; 12 raisons pour investir au Camroun, Agence de promotion des investissements du Cameroun, http://investincameroon.net/?p=129
51 TJN-A, en collaboration avec le Centre Régional Africain pour le Développement Endogène et Communautaire (CRADEC), Atelier de Présentation de l’Etude sur la
Fiscalité au Cameroun : Identification des problèmes clés liés à la Justice fiscale au Cameroun, Yaoundé, 3 juillet 2013, p. 13
a sécurité alimentaire, notamment dans les pays Le débat aujourd’hui est ouvert dans certaines
Encadré 10
La SOCAPALM
SOCAPALM a été créée en 1968 sous plantations sont localisées dans les provinces
l’impulsion du gouvernement camerounais, du Littoral, du Sud et du Centre. En 2001,
avec l’aide de la communauté internationale. la SOCAPALM a acquis la « SPFS » afin de
À l’origine, la société possédait six propriétés développer son activité.
et quatre complexes agricoles sur lesquels En 2000, l’État Camerounais lance une
elle exploitait des palmiers à huile et quelques vague de privatisation afin de favoriser la
cocotiers dans la région littorale du Cameroun. compétitivité des entreprises, réduire les
Les plantations de Mbongo et d’Edéa ont coûts de production», mobiliser le secteur
démarré en 1969, celle d’Eséka en 1970, privé « et surtout développer un actionnariat
celles de Mbambou et de Dibombari en national dynamique ». L’État camerounais
1974 et celle de Kienké enfin, en 1978. Ces vend ainsi une grande partie de ses actions
Source : Extrait de la Note d’information pour l’augmentation de capital de SOCAPALM par appel public. SGBC. 2009
66 Note d’information émise à l’occasion de l’introduction en bourse de la SOCAPALM. Société générale des banques au Cameroun (SGBC). 2009. http://www.douala-
stock-exchange.com/Docs/Documents/1285771127-Note_d’information_de_SOCAPALM.pdf
67 Chiffres exposés dans le rapport « Circonstance spécifique visant les groupes de sociétés Bolloré (France), Financière du champ de Mars (Belgique), SOCFINAL
(Luxembourg) et Intercultures (Luxembourg) pour violation des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales en raison des activités
de la SOCAPALM (Société Camerounaise de palmeraies) au Cameroun ». Document rédigé par les ONG Misereor (Allemagne) , Sherpa (France), Centre pour le
Développement (CED, Cameroun), Fondation Camerounaise d’Actions Rationalisées et de Formation sur l’Environnement (Focarfe, Cameroun). Texte présenté devant
les Points de contact nationaux en France, Belgique et Luxembourg.
68 Note d’information émise à l’occasion de l’introduction en bourse de la SOCAPALM. p 36 .Passage extrait de la Circonstance spécifique précédemment citée, p. 6
69 Rapport financier 2007 p. 22, PROPARCO.
Selon ce document (qui reprend stricto censu les Objectif affiché : à l’horizon 2020, la SOCAPALM
éléments de présentation des objectifs tels que doit produire plus de 100 000 tonnes d’huile
décrits dans la note d’information publiée par brute et sa filiale, la SOCIETE DES PALMERAIES DE
La Société Générale de Banques au Cameroun), LA FERME SUISSE PALM’OR SPFS, apportant une
SOCAPALM souhaitait réaliser cette augmentation production additionnelle de 17 000 tonnes. L’Hévéa
de capital afin d’obtenir des ressources financières déjà planté sera mature dès 2013, et la production
(…) pour financer son programme d’investissements, de caoutchouc doit, elle, débuter en 2013 et
essentiellement industriels, d’environ 30 Mrds F CFA progressivement augmenter pour atteindre 3 000
sur la période 2009 / 2014, et réduire partiellement tonnes en 2020.
son endettement. Les ressources collectées devaient
notamment permettre à la SOCAPALM d’augmenter
sa capacité d’usinage dès 2010 en investissant dans
une huilerie, d’accélérer le rajeunissement des
palmeraies, de se déployer dans la culture de l’Hévéa
70 Cette opération a été décrite dans la Note d’information pour l’augmentation de capital de SOCAPALM par appel public à l’épargne émise à l’occasion
71 La SGBC est une filiale à 58,1% du Groupe Société Générale
72 Idem. Soit 1, 5 milliard de FCFA, Le montant de l’appel à l’épargne portait sur un peu de 15 milliards de Francs CFA
73 IFiche projet SOCPALM - http://www.PROPARCO.fr/Accueil_PROPARCO/Activite/Projets_PROPARCO/Tous-les-projets/Cameroun-2009-Financement-
SOCAPALM
74 Idem
75 http://www.PROPARCO.fr/Accueil_PROPARCO/Activite/Projets_PROPARCO/Tous-les-projets/Cameroun-2009-Financement-SOCAPALM
76 Rapport annuel 2006 de PROPARCO, p. 15
77 Julien François Gerber, « Les communautés bulu contre la plantation industrielle HEVECAM au Cameroun ». Direction : Professeur Joan Martínez-Alier. Voisine
d’Hevecam, Socaplam est largement citée et les impacts de ses activités sur les communautés sont bien décrits. Institut des Sciences et Technologie Environnementales
(ICTA) Programme doctoral en sciences environnementales (Option Économie écologique Septembre 2007 et gestion environnementale) Université Autonome de
Barcelone (UAB), 2007
78 De ce mémoire, découlera notamment un article : Gerber, J. F. 2008. Résistances contre deux géants industriels en forêt tropicale: populations locales versus
plantations commerciales d’hévéas et de palmiers à huile dans le Sud Cameroun. Montevideo: World Rainforest Movement. http://www.snis.ch/content/julien-
fran%C3%A7ois-gerber
79 Entre autres : « Les Camerounais exploités des palmeraies de Bolloré », 11 mars 2008, Libération (Fr), « Cameroun, l’empire noir de Vincent Bolloré », France Inter, 29
mars 2009, « L’exaspération des riverains des « plantations Bolloré », 6 juin 2011, Billets d’Afrique (Fr), « Cameroun, Edéa : les bureaux de la SOCAPALM saccagés.
Bilan, un mort et un militaire blessé. », Camer.be, jeudi 29 mars 2012
80 The man who sold the world : subdue. Ce sujet a été réalisé en février et mars 2009 par Isabelle Alexandra Ricq
81 Extrait de la procédure d’audience, Jugement du 06 mai 2010
82 Le PCN est une instance d’État sensée veiller au respect par les entreprises françaises des des Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des multinationales. Il peut
être saisi afin de statuer si, dans une situation spécifique, une entreprise a violé les dits principes
83 Circonstance spécifique visant les groupes de sociétés Bolloré (France), Financière du champ de Mars (Belgique), SOCFINAL (Luxembourg) et Intercultures
(Luxembourg) pour violation des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales en raison des activités de la SOCAPALM (Société
Camerounaise de palmeraies) au Cameroun. SHERPA, MISEREOR, CED, FOCARFE. Décembre 2010
84 Circonstance spécifique visant les groupes de sociétés Bolloré (France), Financière du champ de Mars (Belgique), SOCFINAL (Luxembourg) et Intercultures
(Luxembourg) pour violation des principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales en raison des activités de la SOCAPALM (Société
Camerounaise de palmeraies) au Cameroun. SHERPA, MISEREOR, CED, FOCARFE. Décembre 2010
85 Une société sous-traitante alors en charge du gardiennage des plantations
86 Contenu de la circonstance spécifique déposée en décembre 2010, p. 7
Le rapport final du PCN88 souligne que : « les D’autre part, le PCN a souligné que « le
activités de la SOCAPALM ont contrevenu Groupe BOLLORE assume désormais les
à certains principes directeurs relevant responsabilités définies par les Principes
des chapitres sur les principes généraux, directeurs découlant de sa position
l’emploi et les relations professionnelles et d’administrateur et d’actionnaire vis-à-
l’environnement » et identifie des défaillances vis de la SOCAPALM »90.
« en matière de publication d’informations »89.
Le PCN constate notamment « que l’activité Par ce rendu, le PCN de l’OCDE contribue
de la SOCAPALM (…) ne contribue pas de manière intéressante à la connaissance
suffisamment au développement durable de la structure de la SOCAPALM, de ses
des communautés riveraines du fait de la activités et, plus largement, clarifie ses
diminution de certains de leurs moyens responsabilités.
de subsistance et de leur espace vital sans
compensation réelle et du fait d’un recours En effet, les principes directeurs de l’OCDE
insuffisant à l’emploi local ». Il souligne préconisent que l’entreprise doit « S’efforcer
aussi que le développement des activités d’empêcher ou d’atténuer une incidence
de la SOCAPALM « n’a pas suffisamment négative, dans le cas où elles n’y ont pas
pris en considération le respect des droits contribué mais où cette incidence est
des populations locales riveraines définis néanmoins directement liée à leurs activités,
par les conventions de l’ONU, en particulier à leurs produits ou à leurs services en vertu
des populations autochtones pygmées ». La d’une relation d’affaires. »
SOCAPALM n’a pas non plus « suffisamment En ce sens, ils précisent que « Si une
encouragé la création de capacités locales entreprise s’aperçoit qu’elle risque de
et n’a pas coopéré étroitement avec les contribuer à une incidence négative, elle
populations riveraines ». Le PCN estime aussi devrait alors prendre les mesures nécessaires
que les besoins des communautés riveraines pour interrompre ou pour empêcher cette
n’ a pas assez été pris en compte et que contribution et user de son influence
l’entreprise « n’a pas appliqué les meilleures pour atténuer les incidences résiduelles
pratiques de gouvernement d’entreprise dans dans toute la mesure du possible ».
la gestion de l’extension de ses plantations De leur côté, les Principes directeurs relatifs
à l’intérieur de la concession octroyée par aux entreprises et aux droits de l’Homme,
l’État en sorte d’éviter qu’elle n’affecte les adoptés à l’unanimité par le Conseil des
communautés riveraines ».De plus, elle droits de l’Homme des Nations unies en
n’ a pas su mettre en place un « climat de 2011 vont encore plus loin : « Si l’entreprise
confiance avec les communautés locales ». a le pouvoir de prévenir ou d’atténuer
l’incidence négative, elle doit l’exercer. Et
Le PCN a aussi constaté que la SOCAPALM si elle ne l’a pas, il peut y avoir des moyens
« a d’abord procédé à la modernisation de pour elle de l’accroître. [….] Il existe des
son outil industriel et au développement des situations dans lesquelles l’entreprise n’a
Les « remous » autour des activités de la environnementaux. Cependant, cela fait longtemps
SOCAPALM sont donc de notoriété publique que le groupe AFD et PROPARCO déclarent prendre
depuis longtemps et pouvaient difficilement en compte les risques inhérents aux projets, sachant
être ignorés. que PROPARCO ayant des modes opératoires
distincts, se dote de règles spécifiques. À la lecture
PROPARCO et la SOCAPALM : chronique d’un des rapports institutionnels de PROPARCO
suivi déficient et de travaux de recherche traitant du sujet,
PROPARCO connait bien la SOCAPALM. En tout cas on constate ainsi que dès le début le soutien
depuis sa privatisation. L’institution a apporté son à la SOCAPALM aurait pu faire l’objet d’une
concours à deux reprises à l’entreprise (au début des diligence particulière.
années 2000 et en 2009) et, de plus, PROPARCO
a été actionnaire du groupe Intercultures jusqu’à Ainsi dans le rapport annuel 2002 du groupe AFD
200791. On imagine alors mal qu’un bailleur il est écrit que « l’AFD dispose d’outil de suivi de
institutionnel, partenaire financier historique du la qualité et des résultats de ses opérations »92.
développement de la SOCAPALM, et a fortiori, Si la référence à des critères environnementaux
acteur du développement, ait pu rester passif devant et sociaux n’est pas explicite, on peut cependant
une telle situation. On peut donc se demander espérer que ces dimensions n’échappaient alors
qu’est-ce que PROPARCO a fait pour identifier, pas au groupe. En 2003, le groupe AFD parle de
prévenir et finalement atténuer les impacts renforcer les « diligences environnementales et
des activités de l’entreprise sur les droits sociales », une question qui concerne à la fois « la
des populations ? Comment ses services ont-ils
maitrise des risques et la qualité des projets »93.
interagi pour rendre le suivi efficient en termes de
L’agence souhaitait alors se doter dès 2004
maitrise des risques sociaux et environnementaux ?
d’une méthodologie similaire à celle des grands
Comment les cadres existants ont-ils été mis en
bailleurs de fonds applicable dès 2005. Selon
place ?
l’AFD-PROPARCO, se pose déjà la question de la
délimitation de la responsabilité entre bailleur et
Malheureusement la réponse est décevante.
maitrise d’ouvrage… vaste programme.
Aujourd’hui, au vu des informations dont dispose
le CCFD-Terre solidaire, on peut dire que le suivi sur
En 2004, le groupe AFD a élaboré deux chartes
cette dimension a été inexistant.
des valeurs et principes d’actions défendus par le
groupe en interne et sur le terrain que sont :
Un cadre de maitrise des risques en évolution.
Certes entre le moment où PROPARCO s’est engagé
le respect des personnes, de leur dignité, de leur
dans la SOCAPALM et aujourd’hui, ses cadres de
maîtrise des risques sociaux et environnementaux santé ;
ont évolué, de même que ceux du groupe AFD. • le souci d’impartialité dans les jugements et dans
La perception de ces risques est elle aussi devenue les choix professionnels ;
plus prégnante depuis quelques années. D’abord
• l’exigence de transparence ;
cantonnée au domaine financier, la notion de risque
a évolué pour embrasser les champs sociaux et • l’affirmation d’un esprit d’ouverture ;
91 Sur leur site, seuls les rapports d’activité depuis 2004 sont disponibles. La participation au sein d’Intercultures y apparait à hauteur de 3, 46 %. Lors d’un rendez-vous
avec les équipes de PROPARCO, il nous a été confirmé que la participation couvrait la période 2001-2007. Pour sa part, le CCFD-Terre solidaire l’affirme sur la base
des rapports institutionnels disponibles pour la période 2004-2007
92 Rapport annuel AFD, p. 15. 2002
93 Rapport annuel AFD, p. 20. 2003
Recommandations du CCFD-Terre
Solidaire à PROPARCO
• Que le groupe AFD, dans le cadre de sa de suivi diligentées dans le cadre des projets
politique d’évaluation, diligente en collaboration soutenus
avec des chercheurs indépendants, un audit
• Que les moyens de PROPARCO soient
de la filière huile de palme au Cameroun afin
augmentés afin de permettre un suivi effectif
d’évaluer globalement l’impact de ce projet
des projets par les équipes locales et par les
en termes de sécurité alimentaire mais aussi
équipes du siège
d’impacts négatifs pour les populations locales.
Un audit approfondi impliquerait aussi un • Que PROPARCO instaure une démarche de
examen de la place, du rôle et de l’influence de transparence, d’information et de participation
la SOCAPALM sur le secteur et sur les paysans des organisations de la société civile françaises
camerounais. Il nous apparait nécessaire que afin que celles-ci participent à l’élaboration
le groupe AFD réfléchisse également à des des cadres de maitrise des risques (sociaux,
alternatives possibles pour un renforcement environnementaux et financiers) et dans
effectif de la filière au-delà de la position déjà une moindre mesure émettent une opinion
dominante de la SOCAPALM. consultative sur les projets financés.
En parallèle des cadres et alliances portés par les environnemental, comme la table ronde sur l’huile
États et dédiés à l’investissement dans l’agriculture, de palme ou les biocarburants durables. Un label est
plusieurs initiatives « responsables » portées destiné généralement à différencier, à discriminer
directement par des acteurs privés se sont positivement un produit en lui attribuant des qualités
développées ces dernières années, soit via des particulières que n’ont pas les autres produits de
engagements unilatéraux d’entreprises, soit via des même type. L’idée séduit car elle oriente et facilite le
démarches « multi-parties prenantes » réunissant choix du consommateur et permet aux entreprises
plusieurs acteurs (entreprises, ONG, représentants d’obtenir plus facilement des financements publics.
des populations…), basées sur la négociation
d’engagements, ou encore via la certification et la Au-delà des problèmes, toujours non résolus,
labellisation99. relatifs à la vérification et aux audits indépendants,
la démarche de certification ou labellisation
Ces initiatives mettent en avant la volonté de soulève un grand nombre d’effets pervers,
concilier efficacité économique et financière, avec en créant des raccourcis : un produit certifié,
le respect de l’environnement, la gestion durable ou labélisé, ne signifie pas forcément que
des ressources et la garantie de conditions de travail l’entreprise qui le distribue ait toujours
décentes. Différentes démarches de certification un comportement responsable. Parfois, et
ou labellisation, majoritairement soutenus par notamment dans le domaine agricole, seul un petit
les entreprises elles-mêmes auprès des instances pourcentage de la production d’une entreprise est
de normalisation ou des gouvernements, se sont concerné. L’entreprise gagne en termes d’image,
multipliées ces dernières années afin de proposer alors qu’il est impossible de vérifier si, en dehors du
– au consommateur et au financeur public - des produit spécifique, elle adopte un comportement
produits « responsables » sur le plan social et responsable.
Encadré 14
es dernières années, les institutions financières de haut de bilan : apports en capital, comptes
103 Principes directeurs de l’OCDE à l’attention des multinationales, mai 2011 - http://www.oecd.org/fr/daf/inv/mne principesdirecteursdelocdealintentiond
esentreprisesmultinationales.htm
104 http://www.PROPARCO.fr/Jahia/site/PROPARCO/Participations
105 Idem
106
Source : Chiffres clés 2012 – PROPARCO
Un projet est qualifié de projet en intermédiation financier (en tant qu’entreprise) d’abord. À charge
financière lorsque le groupe AFD finance : pour celui-ci de s’assurer que les entreprises
qu’il finance mettent en œuvre eux-mêmes une
• en direct un intermédiaire financier ;
démarche d’évaluation environnementale et sociale.
• des projets / entreprises à travers le refinance- C’est à l’intermédiaire financier d’informer
ment d’un intermédiaire financier ou à travers la « régulièrement » le groupe AFD du résultat
prise de participation dans des fonds d’investis- de l’évaluation environnementale et sociale des
sement ; entreprises qu’il finance et, le cas échéant, de
• des collectivités locales à travers le refinance- l’avancement de sa mise à niveau environnementale
ment d’un intermédiaire financier. et sociale.
Il semble donc qu’il n’y ait aucun suivi spécifique
Cette modalité de financement, pour efficace du projet final destiné à être financé : tout repose
qu’elle soit en termes de levée de fonds, soulève sur les informations extra-financières fournies par
de nombreuses questions. L’une d’elles, et non les entreprises dans le cadre de leur communication
la moindre, touche en à la capacité du bailleur institutionnelle, ce qui est loin de suffire pour
institutionnel à assurer le suivi du projet final mesurer les impacts d’un projet.
financé, et son évaluation, en termes d’impacts Si le groupe AFD se défend de travailler avec des
sociaux et environnementaux et de contribution au intermédiaires financiers qui ne se baseraient pas
développement. sur les mêmes standards, l’intermédiation revient
En effet, les projets en intermédiation financière à sous-traiter la mise en œuvre de la démarche
sont destinés selon PROPARCO à soutenir les PME environnementale et sociale sans disposer de
locales via les banques nationales ou régionales. moyens de contrôle effectifs.
Ils suivent le même cycle de vie que les projets
en financement direct. Cependant, la démarche Au niveau international, le CAO107, mécanisme
d’évaluation environnementale et sociale de ces indépendant de recours pour les projets recevant
projets diffère de celle des projets en financement l’appui des deux institutions du Groupe de la
direct. Banque mondiale dédiées au secteur privé (la
Alors que des plans de gestion environnementaux Société financière internationale (SFI, ou IFC en
et sociaux peuvent être menés à bien directement anglais) et l’Agence multilatérale de garantie des
par le groupe AFD en cas de financement direct, investissements (MIGA en anglais) a récemment
la démarche d’évaluation environnementale et alerté sur cette perte de responsabilité des financeurs
sociale en cas d’intermédiation financière semble, appliquant les normes de la Société Financière
selon les informations que nous avons recueillies, se Internationale (ce qui est le cas de PROPARCO, dans
limiter à une analyse de la démarche d’évaluation des projets financés en intermédiation financière108).
environnementale et sociale de l’intermédiaire Le CAO note ainsi qu’il est impossible à la SFI
106 http://www.PROPARCO.fr/webdav/site/PROPARCO/shared/ELEMENTS_COMMUNS/PDF/Chiffres%20Clefs/Chiffres%20cl%C3%A9s%202012.pdf
107 Le CAO est un mécanisme indépendant qui sert de recours pour les problèmes que peuvent soulever des projets recevant l’appui des deux institutions du Groupe
de la Banque mondiale spécialisées dans le secteur privé, à savoir la Société financière internationale (IFC) et l’Agence multilatérale de garantie des investissements
(MIGA). L’IFC et la MIGA contribuent à la réduction de la pauvreté en soutenant le développement du secteur privé dans les pays du monde entier. Si des gens
pensent qu’un de leurs projets peut avoir sur eux des effets négatifs, ils peuvent demander l’aide du CAO pour faire part de leurs problèmes. Le CAO travaille avec
l’ensemble des principales parties concernées par les projets considérés pour trouver de véritables solutions propres à améliorer sur le terrain les résultats d’ordre
environnemental et social de ces projets. – plus d’informations : http://www.cao-ombudsman.org
108 CAO Compliance Audit of IFC’s Financial Sector Investments, http://www.cao-ombudsman.org/newsroom/
Encadré 15
109 Extrait d’un rapport “management discussion and analysis” 2013 : “Feronia currently operates oil palm plantations in the DRC, having acquired 76.17% of the
shares of Plantations et Huileries du Congo S.c.A.R.L (“PHC”), a company incorporated under the laws of the DRC, from subsidiaries of Unilever plc on September
3, 2009”
110 http://feronia.com/About/Vision/default.aspx, consulté le 26 septembre 2013
111 http://feronia.com/files/doc_presentations/FRN%20Presentation%20March%202013%20FINAL_v001_c61811.pdf Document de présentation de
l’entreprise, consulté en ligne le 26 septembre 2013
112 http://www.agenceecofin.com/?option=com_k2&view=item&id=8044:rd-congo-le-fonds-aaf-entre-au-capital-de-feronia&Itemid=264&tmpl=compon
ent&print=1, consulté le 26 septembre 2013
113 Article de Faim et Développement magazine, Jean Merckaert, Ile Maurice – l’autre paradis, février 2010, http://ccfd-terresolidaire.org/fdm/2010/245-246-
janvier-fevrier-2010/revoir-les-regles-du/fdm_2128
114 Voir http://www.joyandet.fr/tag/cooperation/page/5/, dernière consultation le 02/10/2013
115 http://survie.org/billets-d-afrique/2013/220-janvier-2013/article/afd-agence-francaise-du, Billets d’Afrique, consulté le 26 septembre
Encadré 16
122 Le Classement des pays selon l’indice Doing Business est élaboré chaque année par la Banque Mondiale. Les pays y sont classés en fonction de la facilité d’y faire
des affaires, de 1 à 185, la première place indiquant le plus haut niveau de facilité. Un classement élevé sur l’indice de facilité de faire des affaires signale un
environnement réglementaire propice aux opérations commerciales: simplicité des procédures de création d’entreprise ou de transfert de titre de propriété, impôts
faibles, etc. Cet instrument participe à la mise en concurrence des législations et à la course internationale vers le moins disant. La Banque Mondiale est par ailleurs
actuellement entrain développer un indice doing business spécifique à l’agriculture.
1 Un investissement responsable
doit mettre en œuvre les plus
hauts standards internationaux en
matière de droits humains.
La multiplication des textes traitant des en pratique les recommandations formulées dans
investissements dans l’agriculture ou pour la sécurité les textes suivant :
alimentaire ne permet pas aujourd’hui d’avoir un
• Les principes directeurs relatifs aux entreprises et
cadre lisible des responsabilités qui incombent aux
aux droits de l’Homme, adoptés en juin 2011 par
investisseurs.
le Conseil des droits de l’Homme des Nations unies
Un investissement responsable devrait favoriser
la mise en œuvre des plus hauts standards • Les principes directeurs de l’Organisation pour la
internationaux en matière de droits humains, et Coopération et le Développement Economique
plus précisément pour les projets agricoles en (OCDE) à l’intention des multinationales,
matière de droit à l’alimentation, en traduisant révisés en 2011
e nombreuses voix s’élèvent ces dernières pas dans ces priorités. Un fléchage spécifique des
La France ne doit plus engager de financements Comme les différents exemples de ce rapport l’ont
publics dans des initiatives portées par le montré, les bailleurs engagés au titre des initiatives
secteur privé et pour lesquelles les conditions de de développement sont multiples, et plusieurs
responsabilité ne sont pas assurées. Elle doit donc bailleurs publics peuvent ainsi devenir co-financeurs
d’ores et déjà : d’un même projet. Il est crucial aujourd’hui d’assurer
une uniformité des cadres d’évaluation et de suivi
• transposer le devoir de vigilance dans le
entre les différentes institutions de développement
droit national pour le rendre effectif afin
afin de permettre une lecture transversale de leurs
que les bailleurs institutionnels finançant des
actions.
investissements :
Il est par ailleurs déterminant que les indicateurs
• veillent à ce qu’une consultation préalable d’évaluation correspondent à l’objectif poursuivi
et effective des populations soit menée, pour par un projet. Les agences doivent donc développer
s’assurer du respect de leurs droits ; des indicateurs destinés à évaluer spécifiquement
• mènent des études d’impact social, les impacts d’un projet sur la sécurité alimentaire,
environnemental et fiscal indépendantes, d’autant plus que la majorité des données sont
dans la phase de conception du projet et avant aujourd’hui disponibles. Ces indicateurs devraient
tout démarrage, intégrant l’empreinte sur le comprendre à minima, afin de répondre aux 4
foncier et sur les ressources et les mécanismes piliers de la sécurité alimentaire que sont l’accès,
adéquats de révision voir d’annulation du la disponibilité, la régularité et la qualité de
projet ; l’alimentation :