Feuille Verte N°237 Décembre 2020
Feuille Verte N°237 Décembre 2020
Feuille Verte N°237 Décembre 2020
BESANÇON EN VERT
Michel Boutanquoi
CLFV
- Quoi !? De la pub dans La Feuille Verte !? Cette morales et financières des «élites» suisses, officielles ou
fois, ils sont tombés bien bas, les copains du Comité de non, ce recueil suggère des remèdes. »
lecture...
On peut passer commande (en souscription jusqu'à
- Mais non, pas d'affolement ! On voulait juste vous
la fin de l'année) auprès de eclectica@bluewin.ch, ou
signaler la parution d'un bouquin écrit par un fidèle (le plus
directement à l'auteur : ecrits.psantschi@gmail.com
fidèle ?) lecteur de notre journal (1), notre ami Pierre
Santschi, que certains connaissent de longue date, puisque
lors des premières Journées d'été organisées par les Francs Le CLFV
-Comtois à Lamoura, en août 1999 (2), c'est grâce à lui que
des contacts amicaux et fructueux se sont forgés entre
Verts de part et d'autre du Jura. (1) Et parfois même collaborateur.
Pierre est certes un scientifique, mais il se veut sur- (2) Et rebelote en 2001.
tout un « ingénieur admirateur de la nature, rimeur et mi- (3) Éditions Éclectica, coll. Délire-Délivre, 19,50
grant politique » et désormais hors parti après avoir été francs suisses.
député Vert au Grand Conseil vaudois.
Vous l'avez peut-être remarqué : La Feuille Verte Mais, puisque j'ai précisé au début que je ne
(qui, si elle existe toujours, fêtera l'année prochaine son m'exprimais pas
quart de siècle) n'a pas donné signe de vie depuis belle au nom du CL,
lurette. Elle est restée désespérément muette depuis juin mais seulement en
dernier ; et encore ce numéro 236 n'est-il paru que sous mon nom propre,
forme numérique, la dernière « vraie » parution, sur pa- venons-en à un
pier (n° 235), remontant à décembre 2019 – il y a un an, critère nettement
donc. On vous doit des explications, aussi bien quant aux plus personnel,
raisons de cette longue interruption qu'en ce qui concerne que je résumerai
l'avenir immédiat de notre journal. ainsi : j'en ai un
peu gros sur la
D'abord, il faut se rappeler (même si d'autres
patate.
événements ont tendu à en atténuer le souvenir) qu'il y a
eu au printemps dernier... des élections municipales, que Quand les Verts comtois ont lancé la FV (en no-
la pandémie de Covid-19 a, en quelque sorte, « fait du- vembre 1995), j'ai proposé d'en être le responsable (à
rer ». Évidemment, c'est à Besançon que, des mois durant, moins que ce ne soit « la Dom » qui m'y ait poussé) parce
elles ont le plus occupé les copains : parmi eux, Suzy, qui que ça m'intéressait d'y participer en tant que Vert (depuis
s'est vue du même coup contrainte de mettre de côté 1992), en tant que Secrétaire régional (pendant plus de
d'autres occupations « vertes », entre autres la fabrication huit ans) et en tant que « spécialiste » (c'est le seul savoir- 3
de La Feuille Verte (et en particulier le tirage papier), dont faire que je me reconnais... et qu'on me reconnaît généra-
elle se charge depuis bien des années. lement) de la langue française. Voilà donc 24 ans que je
continue à faire mon possible pour assurer à EÉLV une
Ensuite, il y a eu au sein du Comité de lecture
publication « de qualité », en tout cas d'une bonne qualité
des dissensions, des désaccords (allant jusqu'au retrait de
formelle ; si j'ai cessé d'y contribuer en tant qu'« auteur »,
Benoît). Pour faire bref, disons qu'à partir d'une divergence
j'y ai maintenu ma double casquette de réviseur et de di-
quant à la parution ou non d'un article déjà publié ailleurs,
recteur de la publication. (Vous savez ? celui à qui on porte
la discussion s'est élargie aux principes censés régenter
des oranges en prison en cas de dérapage sanctionné par
notre fonctionnement, aux rapports avec les contributeurs,
la loi...) Bon, ne vous méprenez pas : le Comité de lecture,
et même à l'intérêt de maintenir en vie la publication
sous les diverses formes qu'il a revêtues au cours de ces
d'EÉLV-FC.
années, a collectivement et efficacement contribué à cette
Il faut dire - et c'est là une troisième raison du recherche de la qualité maximale, et je ne voudrais pas me
silence de ces derniers mois – que ledit intérêt n'apparaît hausser du col sous prétexte que j'aurais plus que les
pas à tout le monde avec la même évidence. Si certains, au autres pinaillé sur telle virgule, tel néologisme ou... tel
sein du CL, se félicitent de l'audience de notre canard et inclusivisme saugrenu (pléonasme) ! Disons que j'ai été (et
des compliments qu'on lui fait (très majoritairement en suis encore) le dernier relecteur, le réviseur final, reconnu
dehors d'EÉLV), d'autres soulignent l'investissement plus et accepté comme tel, et non le « chef » qui donne l'impri-
que limité des militants régionaux et, tout spécialement, matur.
des « leaders », dont certains ont encore récemment re-
De cela, je ne demande pas (et les copains du CL
connu leur absence d'intérêt (ce qui est parfaitement leur
pas plus que moi) qu'on me voue une reconnaissance éter-
droit). D'ailleurs, sauf erreur de ma part, personne ne s'est
nelle. Mais j'aurais (nous aurions) quand même apprécié
étonné ni plaint outre mesure d'une si longue absence de
que, de temps en temps, on nous sache gré du travail
Feuille Verte...
fourni et, tout simplement, d'avoir fait vivre si longtemps
ce canard. Au lieu de cela, et à part les quelques-uns qui,
en leur temps, se marraient à mes Émois (1), je n'ai vu pas- - Si cette dernière poursuit son petit bon-
ser, en ce qui me concerne, que des critiques et des accusa- homme de chemin (et si possible sans renoncer totale-
tions. Critiques quant à la supposée sévérité élitiste avec ment à sa version sur papier), il sera hors de question
laquelle nous sélectionnerions les articles à publier, accusa- que mon nom et mon rôle (qui disparaîtront dans ce
tions - carrément ! - de censure quand, sur des critères bien cas de l'« ours ») soient d'une quelconque façon asso-
précis et plus d'une fois réitérés, nous retoquons un article ciés à des écrits que le CL aurait renoncé à rendre par-
ou en demandons une réécriture plus ou moins importante, faitement lisibles et clairs sous prétexte de compré-
soit pour en faciliter la lecture, soit pour le rendre plus pré- hension envers certains ego (2).
cis, plus convaincant. Soyons clairs : il n'y a jamais eu de - Avant de réviser un texte proposé à la FV, il
censure ni de censeurs au sein du CL, et il faut une sacrée devra être demandé à son auteur s'il accepte une révi-
dose de mauvaise foi pour prétendre le contraire, quoi sion, et si oui laquelle. En cas de refus, mention sera
qu'en pensent certains ego boursouflés qui, si on déplace faite de cette non-révision au bas dudit texte.
une virgule dans leur texte forcément génial, hurlent aussi- - Dans les cas où le CL acceptera de publier des
tôt aux ciseaux d'Anastasie. Quant à la crainte d'être textes déjà parus ailleurs, je ne participerai pas à leur
« censuré » qui expliquerait, selon certains, le faible révision puisqu'ils seront censés avoir été déjà révi-
nombre de contributeurs, qu'on me permette d'y voir plu- sés ; mention sera faite de cette non-révision au bas
tôt un bon prétexte pour ne pas, justement, contribuer – desdits textes.
par manque d'intérêt, par flemme, par procrastination ré- - Il va de soi que toute occurrence dans la FV de
pétée, etc. On a suffisamment répété qu'il n'était pas né- l'écriture prétendument « inclusive » se fera « à l'insu
cessaire d'être Hugo ou Voltaire pour s'exprimer dans La de mon plein gré ».
Feuille Verte et que le rôle du CL était justement, outre de
s'assurer qu'on ne défendait pas des points de vue incom- Je vous souhaite une bonne lecture (3). Et mer-
patibles avec l'éthique Verte (ça s'est vu !), d'aider à amé- ci aux contributeurs exceptionnellement nombreux de
liorer les articles avec le maximum de diplomatie, d'indul- ce numéro : l'abondance de leurs articles vient heu-
gence, de bienveillance (pour utiliser un mot à la mode) – reusement contrebalancer le pessimisme dont j'ai fait
toutes qualités dont certains nous accusent d'être dépour- preuve dans ces lignes.
vus...
4
J'ai déjà été assez long et ne détaillerai pas
Gérard Roy
plus. Simplement, ces histoires de pseudo-censure (pour
certains, on est la Pravda !) ayant joué un rôle certain dans
les désaccords dont j'ai parlé plus haut, et aussi parce que
ce genre de reproches gratuits me gonfle énormément, il
me paraît nécessaire de fixer de nouvelles règles venant
(1) Sans oublier le réabonnement systématique
compléter celles qui régissent déjà notre Feuille franc-
et les commentaires d'un lecteur... Lausannois
comtoise.
(Cf p 2) !
(2) Vous avez naturellement le droit de trouver
ça très con, mais c'est ainsi.
(3) Tout ce qui précède, évidemment, n'a de
pertinence que si EÉLV-FC confirme autrement qu'en
belles paroles l'intérêt de l'existence de La Feuille
Verte...
Jean Siron
SALUT, L'AMI !
Notre ami Jean Siron est décédé brutalement dans la soirée du samedi 24 octobre, à 64 ans, d'une rupture de l'aorte. Il
venait de prendre sa retraite, mais son activité militante restait intense. L'après-midi, il avait encore participé, à Belfort, à la
manifestation de soutien aux travailleurs de General Electric. Militant écologiste de longue date, Jean était membre du Con-
seil national statutaire d'EÉLV, instance qui veille à la conformité des décisions prises avec les règles de fonctionnement du
mouvement.
Nous exprimons nos condoléances attristées et nous manifestons notre solidarité à Guillaume, Nicolas, Bernadette,
Dominique et à toute sa famille. Nous publions ci-dessous l'hommage que lui a rendu Alain Fousseret à la cérémonie
d'adieu.
Le CLFV
Jean, ou plutôt Mon Jeannot Un autre événement que nous n’avons jamais ou-
blié fut le combat pour un ami, Philippe, qui, dans le
Il est des « vieux compagnons » que l’on n'oubliera
cadre de son service militaire, avait contribué à créer un
jamais et avec qui on comptait bien poursuivre le livre de
comité de soldats et s’était évidemment fait arrêter par
nos vies et de nos complicités.
les autorités militaires et mettre au cachot.
Aujourd’hui, nous sommes nombreux, nous tes
Immédiatement nous avions fait un tract pour de-
amis, à pleurer ton départ brutal, que nous étions inca-
mander sa libération, et avions commencé tous les deux
pables d’imaginer encore samedi dernier. Et là, tu nous
à le distribuer un vendredi soir aux jeunes soldats permis-
laisses, chacun avec nos souvenirs.
sionnaires devant la caserne de Besançon. Très rapide
Tu as toujours été un homme de convictions et d’en-
ment, la police militaire était venue pour
gagement. Notre militantisme a été
marqué depuis notre jeunesse de mille
nous évacuer, ce que nous avions refusé 5
sous prétexte que nous n’étions pas à leurs
histoires et petites anecdotes que l’on se
ordres. Et mon Jean, en belle technique
rappelait régulièrement tous les deux,
non violente, s’était couché sur le trottoir,
goguenards, un peu comme des anciens
refusant de se faire traîner au sol, et moi
combattants - que nous avions d’ailleurs
de gesticuler devant eux. Nous leur rappe-
refusé d’être par notre objection de
lions qu’étant des civils sur un trottoir pu-
conscience.
blic, nous n’avions pas à leur obéir. Cette
Toi l’insoumis, qui avais refusé
police militaire, pas très sûre de son droit,
de faire ton service d’objecteur à
avait finalement battu en retraite.
l’ONF parce que tu en étais déjà cadre
Bon, quelques minutes plus tard, ce fu-
salarié, tu avais choisi de faire tes 2 ans
rent les gendarmes qui nous interpellè-
au MAN (Mouvement pour une Alterna-
rent et prirent nos tracts en nous disant,
tive Non violente). Ce choix t’a coûté ton
« Évitez de les énerver, allez les distribuer plus loin »,
poste de cadre à l’ONF. Mais peu t’importait, tu as rebondi
nous avions donc fini à la gare de Besançon après bien
et tu as fait une autre carrière où tu as su à nouveau t’en-
d’autres péripéties ; mais là je dois faire court.
gager.
Toi qui avais caché un jeune soldat, qui était déser- Après cette jeunesse bisontine bien détermi-
teur et perdu car incapable d’accepter la logique militaire. née, nous nous sommes retrouvés à Belfort des années
On se souvenait de lui avoir expliqué qu’être déserteur, ce plus tard. Là aussi, tu as engagé tes convictions écolo-
n’était pas une vie, et nous l’avions tous accompagné, avec gistes et non violentes dans bien des combats, qu’ils
Huguette Bouchardeau, dans une gendarmerie de soient associatifs ou politiques, sans oublier ton désir
Besançon, pour qu’il se constitue prisonnier. Il en était d’aller à la rencontre des autres peuples avec ton sens du
ressorti quelques minutes plus tard, et nous étions tous voyage.
morts de rire : le chef gendarme étant absent, le planton
de service lui avait demandé de revenir le lundi suivant.
Ton engagement écologiste n’était pas des Tous saluent une belle personne et regretteront
moindres. Et tu as soutenu bien des combats, de Malville tes qualités de sérénité, de calme, de bon sens au mo-
à Flamanville, de Notre-Dame-des-Landes à Bure, sans ment de prendre des décisions.
oublier le Grand Canal. Encore des souvenirs d’anciens
Jean, nous n’avons jamais trop cru au ciel, toi et
combattants.
moi, ni au Paradis. Mais va savoir, si quelque chose existe
Mais à chaque fois que tu as occupé des responsabi- quand même, nul doute que l'on peut t’imaginer aujour-
lités, d’adjoint au maire à président du Syndicat des trans- d'hui au côté de notre vieil ami Louis Teknayan (notre
ports, tu as aussi montré que, lorsqu’un écologiste se re- prêtre ouvrier écolo parti il y a quelques mois en plein
trouve en fonction, il sait construire, dialoguer et con- Covid). On peut alors vous imaginer assis tous les deux
vaincre. Tu as ainsi œuvré avec intelligence et écoute pour sur un nuage et toi en train de le convertir à la dégusta-
changer ce monde, monde que tu viens de quitter si bru- tion d'un bon whisky irlandais : ce ne serait pas le pre-
talement. Tu peux être satisfait de toi et tes fils, Nicolas et mier que tu convertirais, d’ailleurs. Tout cela au milieu de
Guillaume, peuvent être fiers de leur père. vos bons gros rires tonitruants, mais en portant égale-
ment un regard tendre et bien inquiet sur la folie crois-
Depuis une semaine, le monde
sante du monde que vous venez de quitter.
de l’écologie est perdu et déraille un
peu car on sait que l’on vient de
perdre un grand compagnon.
LIENS UTILES
assez curieux pour taper au clavier un lien qui peut être
Pourquoi pas, dans La Feuille Verte, une rubrique
bien long.
« Liens utiles » , alimentée par les lecteurs au fur et à me-
sure de leurs trouvailles ? On attend vos idées. En attendant, donnons donc
l'exemple, avec un dossier d'une soixantaine de pages du
Gros avantage : cela permettrait à des gens qui
CESER (Conseil économique, social et environnemental
n'ont pas envie ou, à tort ou à raison, ne se sentent pas
régional) de Bourgogne-Franche-Comté, Comment accom-
capables d'écrire un « vrai » article, de contribuer malgré
pagner la transition vers une alimentation locale, bio et
tout à notre canard. Pas besoin de rédiger du texte, vu
durable en restauration collective : principaux enjeux, cons-
que dans le lien figurent un certain nombre d’indices qui
tats, descriptions des expériences de Lons et de Mouans-
disent de quoi il est question. Il faudrait présenter chaque
Sartoux, préconisations.
fois le sujet en quelques lignes, en essayant de http://www.ceser.bourgognefranchecomte.fr/sites/default/files/
« standardiser » un peu la présentation. Il est vrai que cela media/2020-10/Accompagner%20la%20transition%20vers%
est surtout valable pour une version électronique de La 20une%20%20alimentation%20locale%2C%20bio%20et%
20durable%20en%20restauration%20collective%20(rapport).pdf
Feuille Verte, tout le monde ne se sentant peut-être pas
Michel Chapuis
En temps de pandémie...
Pierre Pécriaux
rue : …………………………………………………………………………………………………………………….
Urbanisme écologique
À BESANÇON ET AILLEURS
11
Imaginez une ville réconciliée avec le monde végétal, accueillante pour le vivant et s'inspirant du modèle de la
forêt. Aujourd’hui, les enjeux liés au changement climatique, à l’érosion de la biodiversité et aux questions de santé
croisent la redécouverte de solutions proposées par la nature, et en particulier par l’écosystème forestier. Permettre
la réconciliation de l’homme avec la nature sera sans doute une des solutions aux maux de nos sociétés urbaines.
SPÉCIAL VACCINS
« Estimer correctement son degré d'ignorance est une étape saine et nécessaire. »
Hubert Reeves
En cet automne 2020, le débat est lancé sur la vac- Vaccins sous unités :
cination contre le coronavirus. Elle est présentée par la Ils sont basés sur une partie de la protéine seule-
plupart des dirigeants politiques comme un grand espoir ment.
pour venir à bout d'une pandémie qui malmène l'écono- Exemple : vaccin contre l'hépatite B.
mie et bouleverse la vie de l'ensemble des habitants de la Dans le cas du coronavirus, le système immuni-
planète. Mais elle est aussi l'objet d'hésitations, de réti- taire réagit à la protéine S, située sur l'enveloppe du
cences, voire de rejet de la part d'un grand nombre de virus. Cette protéine de surface est produite dans un
citoyens. Si l'on en croit certains sondages, plus de 50 % laboratoire et purifiée. Pour être active, c'est-à-dire pro-
des Français n'ont pas l'intention de se faire vacciner voquer la fabrication des bons anticorps, la protéine doit
contre la Covid-19. L'hebdomadaire Le 1 daté du être associée à un adjuvant. Sans adjuvant, la protéine
7 octobre 2020 a choisi ce thème d'actualité : « Vaccins, n'est pas reconnue par l'organisme comme agresseur.
c'est quoi le problème ? » pour essayer de faire le tour de Exemple de ce type contre le SARS-CoV-2 : celui
cette question controversée (1). En voici quelques élé- de la société américaine Novavax.
ments.
Vaccins basés sur des navettes de vecteurs vi-
1. Les quatre grandes familles de vaccins raux :
(Résumé de l'article de Vincent Bordenave, journaliste) On prend un virus non-pathogène, inoffensif, au-
quel on greffe un gène du virus qu'on souhaite com-
Un vaccin ne soigne pas une maladie, il entraîne
notre système immunitaire à y faire face. Quand nous
battre. Ce gène va induire la fabrication de la protéine S 13
par les cellules. Et la protéine S va provoquer la fabrica-
contractons une maladie microbienne, notre organisme
tion d'anticorps spécifiques anti-Covid. On produit alors
développe une réponse pour essayer d'en venir à bout,
une grande quantité du virus inoffensif modifié qui sert
en particulier il produit des anticorps pour neutraliser les
de vaccin.
microbes. Cette réponse est plus ou moins efficace selon
Exemples de ce type contre le SARS-CoV-2 : le
les individus et reste plus ou moins longtemps en mé-
vaccin du laboratoire AstraZeneca, réalisé à partir d'un
moire. Un vaccin imite ce processus en préparant l'orga-
virus de chimpanzé non-pathogène chez l'homme, et
nisme à une réponse efficace sans avoir été confronté à la
celui de l'institut Pasteur, réalisé à partir du vaccin de la
maladie. Il existe 4 stratégies différentes (on parle aussi
rougeole auquel on ajoute l'information génétique né-
de 4 plates-formes) pour obtenir cette réponse immuni-
cessaire à la production de la protéine S.
taire, et donc 4 types de vaccins :
Vaccins à ARN ou à ADN :
Vaccins basés sur un virus atténué ou inactivé :
C'est la plate-forme la plus classique, celle qui a Dans ce type de vaccin, on injecte directement
été développée par Pasteur dès 1885. Le virus est cultivé l'information génétique pour lancer la fabrication de la
dans des cellules, puis récolté. Il est ensuite malmené par protéine S par l'organisme. L'ARN produit en laboratoire
des produits chimiques pour le rendre inoffensif. Le vac- par fermentation va entraîner la production de la pro-
cin est une sorte de « soupe » de protéines issues du vi- téine S et celle-ci va provoquer la réaction immunitaire
rus, destinée à faire réagir l'organisme qui produit alors comme pour les autres vaccins. Comme l'ARN est une
des anticorps spécifiques, et à l'entraîner à neutraliser le copie de l'ADN, on peut aussi utiliser de l'ADN corres-
vrai virus. pondant, qui est un peu plus stable que l'ARN.
Cette technique nouvelle, utilisée pour la pre-
Exemples : vaccins contre la rougeole ou contre la
mière fois chez l'homme, est portée par l'entreprise
grippe.
américaine Moderna Therapeutics et deux entreprises
Trois candidats vaccins de ce type contre le SARS-
allemandes, BioNTec et CureVac.
CoV-2 sont développés par les sociétés chinoises : Wuhan
Institute, Beijing Institute et Sinovac.
2. Enjeu économique ou enjeu politique ? populations ont confiance en leurs gouvernants, il y a
(Résumé de l'article de Nathalie Coutinet, économiste) très peu de rejet. Parfois, ce n'est pas le vaccin propre-
ment dit qui fait peur mais son adjuvant, comme l'alumi-
nium, substance destinée à stimuler son action et dont
l'utilisation est controversée, surtout en France. Lors de
la vaccination contre la grippe H1N1, il y a eu des cas de
narcolepsie, qu'on a d'abord attribués à l'adjuvant avant
de s'apercevoir que c'était le mode de production du
vaccin qui était en cause.
Une autre raison de la méfiance à l'égard de la
vaccination contre le coronavirus est la rapidité de la
mise sur le marché du vaccin : un an contre au moins
trois ans, voire beaucoup plus, jusqu'à maintenant.
Les vaccins représentent entre 2 et 3 % du
D'abord, les laboratoires ont bénéficié des recherches
chiffre d'affaire du secteur du médicament. Globale-
sur les autres coronavirus. Ensuite, les différentes
ment, c'est un poids limité, sauf pour certains gros pro-
phases de tests ont été menées simultanément dès lors
ducteurs comme Sanofi ou AstraZeneca. La production
qu'il n'y avait pas de problèmes majeurs d'effets secon-
de médicaments est une activité très concurrentielle,
daires. Néanmoins, il reste des incertitudes sur deux
notamment parce que de nombreux pays souhaitent
questions : la durée de la protection immunitaire et l'ab-
conserver une industrie nationale. L'Europe, qui produit
sence de recul sur les effets secondaires – rares –, qui ne
70 à 80 % des vaccins, est un des leaders du marché,
se produisent pas immédiatement.
mais la tendance s'érode avec l'arrivée d'acteurs indiens
Jusqu'à maintenant, les études réalisées sur
et chinois et le « réveil » des Américains. La financiarisa-
l'efficacité des vaccins l'ont été sur 15 000 à 20 000 per-
tion de l'économie a conduit aussi à des délocalisations.
sonnes. Elles annoncent une efficacité de 90 à 95 %, ce
Il y a des enjeux financiers pour les grands labo- qui est très satisfaisant. Les vaccinations pourraient
ratoires. Mais les enjeux politiques semblent encore commencer en début d'année 2021 pour les soignants
plus importants. D'où un haut niveau de collaboration et les personnes âgées, en même temps que des études
14 internationale entre chercheurs, la mutualisation de complémentaires se poursuivraient. Mais la nécessité
certaines tâches et l'accès à des financements essentiel- d'avoir un peu plus de recul sur les effets secondaires
lement publics. La France, l'Allemagne, l'Italie et les rares devrait amener les autorités à demander une pé-
Pays-Bas ont passé des précommandes à des labora- riode supplémentaire de 2 ou 3 mois avant de prescrire
toires européens mais aussi américains. le vaccin à des centaines de millions de personnes.
Deux conceptions s'affrontent. En Europe, on en
est resté à la conception de bien public. AstraZeneca a
décidé que le vaccin serait vendu au prix coûtant et
Sanofi vient d'annoncer un prix compris entre 5 et 15 €
la dose. Au contraire, les Américains considèrent que la
santé est une marchandise et qu'il n'est pas honteux de
faire des profits dans ce domaine : Pfizer a fixé la barre
entre 50 et 60 € la dose. En Europe, la pression de l'opi-
nion publique a conduit les laboratoires à se soucier de
l'accès au vaccin pour le plus grand nombre, et l'UE a
annoncé qu'il y aurait des doses réservées aux pays du 4. Besoin de transparence (Résumé de l'ar-
sud. Mais si la production de vaccins ne suit pas la de- ticle de Lise Barnéoud, journaliste)
mande, on peut s'inquiéter de savoir si des pays comme Lise Barnéoud écrit : « Au pays de Pasteur, on
la Côte d'Ivoire ou la Thaïlande auront accès au vaccin… parle des vaccins avec dévotion ou avec haine. D'un côté,
3. Hésitation vaccinale (Résumé de l'interview on évoque des vaccins 100 % sûrs et efficaces et on dis-
de Marie-Paule Quieny, virologue, par Patrice Trapier) crédite ceux qui osent remettre en question cette belle
image en les présentant comme anti-science. De l'autre,
La vaccination est vue comme partie prenante
on affirme que ces injections nous affaiblissent, voire
du « système ». L'hésitation vaccinale augmente avec le
nous rendent malades, et on décrédibilise les experts et
rejet des gouvernants. Ainsi, au nord de l'Europe, où les
les chercheurs en les accusant de conflits d'intérêts.
Des deux côtés, on s'arrange avec la réalité, on simplifie C'est un médecin de campagne anglais, Edward
les discours et on s'enferme dans ses propres croyances. » Jenner, qui mit fin à cette pratique controversée en in-
Au lieu de mettre sous le tapis certaines contro- ventant la vaccination contre la variole. Jenner s'était
verses comme celle de l'aluminium comme adjuvant, rendu compte que certains paysans étaient résistants à
pourrait-on regarder ce que la science nous dit ? Et me- la variole et que cette protection était due au fait qu'ils
ner un dialogue sur les faits, même s'ils ne concernent avaient contracté antérieurement une maladie bénigne
qu'un très faible pourcentage de la population ? La vacci- des vaches appelée « vaccine » (du latin vacca, vache).
nation est victime d'un manque d'informations, et parfois En 1796, Jenner eut l'idée de prélever du pus sur une
de cachotteries. Nous avons besoin de pouvoir accéder à pustule de vaccine et de l'injecter à un jeune enfant, qui
l'ensemble des données. Et Lise Barnéoud conclut : «La eut alors quelques boutons. Deux mois plus tard, Jenner
transparence sur les essais cliniques, mais aussi sur les « variolisa » l'enfant, chez qui la maladie ne se déclara
contrats passés entre les industriels et les États, ou encore pas. Jenner avait ainsi montré que la maladie des vaches
sur le coût de ces vaccins, est indispensable. » protégeait bien de la variole : il avait inventé la
« vaccination », et vacciner veut donc dire au départ
RÉFLEXIONS À PARTIR DE L'HISTOIRE
« donner la vaccine ».
Il y a moins de deux siècles, l'humanité connaissait Mais la vaccination contre la variole comportait
encore de grandes épidémies, qui faisaient de véritables des risques bien réels : en France, on a compté 30 morts
hécatombes dans la population. Ainsi en était-il de la liés aux complications de cette vaccination entre 1968 et
peste et de la variole. Mais une des dernières grandes 1977. Cela représentait 6 décès par million de vaccinés
épidémies fut celle de la grippe espagnole,, qui fit envi- alors qu'il n'y avait plus aucun mort de la variole. La
ron 50 millions de morts, juste après la guerre de 14-18. crainte s'inversa. Autrement dit, le risque lié à la vaccina-
C'est en 1980 qu'a été annoncée officiellement l'éradica- tion devint supérieur au risque d'attraper la maladie.
tion de la variole. Mais je me souviens de la dernière épi- Dans cette question de la vaccination, nous sommes
démie de cette maladie, en Bretagne, de décembre 1954 toujours confrontés à la balance bénéfices / risques.
à mai 1955. Elle causa la mort de 20 personnes sur 98 Même si les vaccins sont devenus beaucoup plus sûrs –
cas. Etant gamin, je me rappelle aussi avoir eu peur de on ne compte aujourd'hui que quelques cas de complica-
contracter la poliomyélite parce que plusieurs enfants de tions graves sur 100 000 vaccinations –, le risque n'est
mon entourage étaient paralysés après en avoir été pas totalement nul, même s'il n'a plus rien à voir avec le 15
atteints. Autre exemple : en 1935, un frère de ma mère risque pris pour la variolisation. Ceux qui refusent de se
est mort, à l'âge de 20 ans, de la tuberculose. Il y a eu de faire vacciner pour éviter tout effet secondaire en faisant
tels progrès en matière de santé en un siècle, que nous valoir leur liberté individuelle acceptent le risque d'attra-
avons un peu oublié tout ça. per la maladie. Le problème, c'est que les non vaccinés
Une épidémie de variole causait une véritable pa- facilitent aussi la propagation de la maladie dans l'en-
nique parce que la mortalité atteignait parfois 30 %. En semble de la population.
1716, Mary Wortley Montagu (2), une aristocrate an- En conclusion, réfléchir à l'opportunité d'une
glaise qui accompagnait son mari diplomate à Constanti- vaccination, c'est prendre en compte la balance béné-
nople, découvre un étrange moyen de lutter contre la fices / risques, mais c'est aussi se confronter au conflit
variole : la variolisation. On introduit dans une petite entre bénéfice individuel et bénéfice collectif. Cette ré-
blessure du pus de varioleux atteint d'une forme moins flexion nécessite une totale transparence sur toutes les
grave de variole et cela déclenche une forme atténuée de données, aussi bien sur les avantages de la vaccination
la maladie. Quand ils résistent à cette opération, les en- en matière de santé publique que sur les effets secon-
fants « variolisés » deviennent résistants à l'infection, daires éventuels.
mais il y a tout de même 1 à 5 morts sur 250
« variolisés ». Miss Montagu fit varioliser ses deux en-
fants en bravant les médecins, et aussi l'Église qui consi- Gérard Mamet
dérait que c'était une entrave à la Providence. Les deux
survécurent. Le choix était cornélien puisqu'il s'agissait
de prendre ou non un risque élevé pour ses enfants en
vue de les protéger contre un risque plus grand encore,
mais pas immédiat. Grâce à Miss Montagu, la variolisa- 1) Le 1, n° 317, mercredi 7 octobre 2020.
tion se développa aussi en Europe. 2) Lise Barnéoud, Immunisés ? Un nouveau re-
gard sur les vaccins, Premier Parallèle, juillet 2017.
Les voyages forment la jeunesse
À QUATRE-VINGT-CINQ ANS,
CAP SUR LES ANTIPODES
SACRÉ LÉON !
Le tour du monde en solitaire de Léon Schaal, c’est le couronnement d’une vie cosmopolite partagée entre l’Alsace, la
Lorraine, la Franche-Comté… et la Centrafrique. C’est là qu’il avait débarqué à l'âge de vingt ans, en « devançant l’appel » pour
ne pas être obligé de faire la guerre en Algérie – prémices d'une vie de militant pour la non-violence. Par la suite, il est souvent
revenu vivre en Afrique, participant entre autres à la construction d'une école ou d'une maison pour la promotion des femmes.
À Besançon, dans les années 1975, c'est au PSU (la « deuxième gauche » de Rocard) que j'ai découvert Léon, aux débuts
de la lutte anticanal Rhin-Rhône. Nous avons cheminé de concert jusqu'à la création d'une liste écolo aux municipales de 1983,
avec Alain Fousseret et Dominique Voynet, avant de participer à la création des Verts… et de rester fidèles à EÉLV, 36 ans plus
tard.
Léon est très marqué par les bateaux : dès les années cinquante, paquebots pour l'Afrique ; plus tard, et encore dans son
tour du monde actuel, passager exceptionnel de cargos. Mais surtout, pendant plus de vingt ans, il y a sa péniche Nadia, qu'i l
est allé chercher – peur de rien ! – à Anvers, et qu'il a aménagée en outil d'insertion pour jeunes en difficulté. Habituée des ca-
naux à petit gabarit, elle a parfois abrité nos manifs… contre le Grand Canal.
Aujourd'hui, on a enterré le « projet dément », et Léon a vendu la Nadia à son fils (il a deux autres enfants, six petits-
enfants et tout juste une arrière-petite-fille). Mais l'aventure n'est pas finie ! C'est à vélo (!) que, début juillet 2019, il a entamé
vers le nord son grand périple, avant de rejoindre le Danube en bateau-stop. Après, il a fait le pari de visiter un maximum de
petites structures paysannes qui font de l'accueil (le réseau Accueil paysan lui est cher de longue date). Le tout, sans parler un
traître mot d'anglais.
16
Léon, s'il te plaît, continue à nous étonner !
Pierre Parreaux
La parole est à Léon vers l'est. J'avais pensé utiliser divers moyens de transport,
mais après avoir atteint ce pays bizarre qui s'appelle en
Dans deux mois, je serai du côté de ceux dont on français E.A.U., pour Émirats Arabes Unis, « on » m'a dit
ne s'occupe plus car ils ont dépassé la limite : 85 ans. Je qu'il fallait prendre l'avion, et toujours l'avion. J'ai dû faire
crois pourtant fermement à la possibilité d'une vie, dans avec et j'ai pris l'avion pour une dizaine d'étapes, la
la sérénité et sans ambiguïté, au delà de cette ligne. Mais dixième étant l'arrivée à Tahiti… la veille de mon départ de
j'ai compris qu'il fallait que je parte avant d'atteindre cet Nouvelle-Calédonie. Pour ceux qui s'en étonneraient, c'est
âge fatidique, sinon il serait trop tard. Et je n'ai pas re- la magie des fuseaux horaires qui m'a permis, une fois dans
gretté ce départ, effectivement précipité, sans la moindre ma vie, d'arriver la veille de mon départ…
préparation, pour un tour du monde à l'envers, toujours
Six jours avec l'équipage d'un cargo attaché des deux côtés par des cordages d'une longueur
de quelque 100 mètres. Je n'ai pas quitté le bateau, car
Comme je n'ai pas trop envie d'évoquer ce qui
j'ai voulu assister aux opérations de déchargement et
s'est passé avant, venons-en à ma grande tournée dans
rechargement, y compris des barges qui font la liaison
l'Océan Pacifique, à partir de Tahiti et en passant par plu-
avec le petit quai, et ça m'a passionné.
sieurs îles, dont Ua Pou, dans l'archipel des Marquises
(1). Après un premier confinement à Tahiti, de mars à Chez le grand Jacques
juillet 2020, une « ouverture » s'est présentée pour re-
J'ai débarqué sur l'île de Ua Pou le 13 août, et
prendre la route : la possibilité de prendre un cargo mixte
j'ai fini par trouver un super endroit à flanc de colline,
de 128 m de long et 22 m de large, l'Aranui 5, et j'ai em-
chez un couple mixte franco-marquisien, Michel et Ju-
barqué pour l'île de Ua Pou le 8 août. Au cours de ce
liette. Ils hébergeaient aussi un autre couple, Moni et
voyage de six jours, en tant que passager « local », j'étais
Irène, sorte de mélange local. Ce fut une chance fabu-
logé au troisième étage, les autres niveaux étant totale-
leuse de séjourner avec eux dans ce chalet en cours de
ment hors de portée de mon budget. Le plus luxueux des
finition, avec une vue imprenable sur la chaîne de mon-
niveaux était occupé par le Haut Commissaire, qui nous a
tagnes qui entoure la Baie de Hakahau, là où se trouve le
octroyé, tout au début du voyage, un sermon officiel
port où j'ai accosté. Encore un grand merci à eux, chez
Covid.
qui j'ai habité du 13 août au 21 septembre, comme dans
un cocon.
À suivre.
18
Léon Schaal
LA PRÉFECTURE DE BESANÇON,
INSENSIBLE AUX QUESTIONS HUMANITAIRES
Pierre Couchot est membre et militant du CDDLE (Collectif de Défense des Droits et des Libertés des Étrangers) de
Besançon. Dans une lettre ouverte au Préfet, en évoquant deux cas dramatiques, l'un récent, l'autre un peu plus ancien, il
s'insurge contre des comportements inhumains du représentant de l'Etat. Dans les deux cas, non seulement le Préfet n'a
fait preuve d'aucune compassion à l'égard d'une personne gravement malade et de sa famille, mais il n'a même pas res-
pecté la loi puisque sa décision a été cassée par le Tribunal Administratif. Face à de telles dérives, qui pourrait encore pré-
tendre que la France est la « patrie des Droits de l'Homme » ?
Le Comité de Lecture
Monsieur le Préfet
Depuis 20 ans, je suis militant du Collectif de Défense des Droits et des Libertés des Étrangers (CDDLE Besançon).
Depuis 20 ans, j’en ai vu, des situations d’étrangers à défendre, face à des lois et codes de plus en plus durs les uns que
les autres à mesure que le temps et les gouvernements passent.
Mais depuis quelque temps, des lignes rouges sont parfois franchies par la Préfecture du Doubs, pratiques qui sont in-
supportables et inacceptables. Se taire et ne pas réagir signifierait pour moi une forme de résignation et même de démission.
Car ce qui est insupportable aujourd’hui devient supportable demain. Se taire est un encouragement à franchir ces lignes de
plus en plus souvent.
Vous traitez trop souvent les étrangers comme des dossiers, dans lesquels ils sont enfermés, sans prendre en compte que ces
étrangers sont avant tout des êtres humains. 19
« On reste par-dessus tout des êtres humains », m’a écrit récemment un de vos collaborateurs. Le terme « on » englobait cer-
tainement dans sa pensée : nous tous, français et étrangers, quel que soit leur statut.
Betina et Ardita Jakupi, deux sœurs, jeunes femmes de nationalité́ kosovare, sont venues en France en 2016.
Elles ont été́ très vite déboutées du droit d’asile. C’est à ce moment-là̀ que je les ai suivies dans leur parcours.
Subitement, la santé de Betina se dégrade. Suivie au CHU de Besançon, une greffe du cœur est envisagée, greffe qui
doit être faite au CHU de Dijon. Betina a alors obtenu un droit au séjour au titre de la maladie.
Dans l’attente de la greffe, Betina est appareillée d’une pompe de circulation de sang externe, système qui nécessite une sur-
veillance et un suivi 24 h sur 24. L’appareil peut tomber en panne et il faut alors prévenir immédiatement le CHU.
Ardita effectuait ce travail de surveillance et s’occupait de sa sœur - à l’autonomie très réduite - dans tous les actes de la vie
courante. Mais Ardita faisait plus que cela : aider moralement Betina en échangeant dans sa langue, la soutenir avec toute
l’affection qu’on peut donner à sa sœur dans cette perspective d’une greffe de cœur, épreuve très difficile à traverser. Ainsi
Betina ne se sentait pas seule. Aucun personnel soignant ne pouvait remplir pleinement ce rôle. Dans les batailles juridiques,
le droit derrière lequel vous vous retranchez (et que parfois vous outrepassez) est trop souvent aveugle à ce genre d’argu-
ment.
Vous étiez au courant de cette situation et vous n’avez pas hésité́ à faire exécuter un premier arrêté́ d’expulsion émis par vous
à l’encontre d’Ardita : le 7 janvier 2019, la police est venue la chercher pour l’expulser vers le Kosovo. Intervention devant
Betina, qui est restée traumatisée pour le restant de sa vie par cet évènement.
Emmenée au Centre de Rétention Administrative de Metz, Ardita devait être expulsée par avion le lendemain matin.
Un incident a retardé cette expulsion. Le juge des Libertés, qu’on a eu le temps d’alerter et d’informer de la situation, ordonne
la libération immédiate d’Ardita. Cette jeune femme de 25 ans, seule et sans argent, est relâchée à 22 h du Centre de Réten-
tion, situé dans une banlieue de Metz qu’elle ne connaissait pas. Des bonnes volontés de Besançon sont venues la chercher à
Metz au cours de la nuit. Ces pratiques sont, il est vrai, maintenant monnaie courante. Voyez, on s’habitue à tout.
Ardita a demandé par la suite auprès de vous un réexamen de sa situation, dans le cadre de circonstances exception-
nelles et humanitaires. Vous aviez le pouvoir de la régulariser ou à tout le moins de lui fournir une Autorisation Provisoire de
Séjour, ce qui la plaçait en situation régulière. Et là, en toute connaissance du contexte, vous remettez le couvert : nouvel arrê-
té́ d’expulsion en date du 9 juillet 2019.
Depuis ce jour là, Ardita et Betina ont vécu dans la peur permanente d’une nouvelle descente de police dans leur appar-
tement.
En mars 2020, Betina est admise au CHU de Dijon pour la greffe du cœur. Des complications pulmonaires, rénales
et gastriques ont suivi cette opération. Depuis le mois de mai, Ardita allait voir Betina deux à trois fois par semaine à Dijon, en
prenant le train, avec la peur au ventre de se faire contrôler par la police tout au cours du trajet. Betina vivait aussi du fond de
son lit d’hôpital cette hantise : « Si tu es prise par la police, je n’aurai plus personne » , disait-elle.
Betina n’arrive pas à remonter la pente et décède le 30 octobre. Ardita, dans son chagrin, s’occupe du rapatriement de
sa dépouille au Kosovo. Elle dit qu’elle n’a plus aucune raison de rester en France, et veut accompagner Betina dans son der-
nier voyage. Sans papiers, elle va chercher elle même le lundi 2 novembre au Consulat du Kosovo de Strasbourg un « laisser
passer consulaire » qui lui permet de franchir les frontières. Ce papier que, d’ordinaire, vous vous procurez auprès des ambas-
sades et consulats avant d’expulser une personne dans son pays d’origine.
Ardita s’est envolée le mercredi 4 novembre de Bâle-Mulhouse à destination de Pristina, accompagnant la dépouille de
sa sœur dans la soute de l’avion.
Ardita Jakupi est une jeune femme très courageuse, qui n’a pas hésité à sacrifier 4 années de sa jeunesse pour sa sœur
Betina. Elle remercie toutes les personnes, médecins et personnels hospitaliers qui se sont occupés d’elle sans compter. Elle
remercie aussi toutes ces personnes qui les ont accompagnées du mieux qu’elles pouvaient tout au long de ce séjour en
France. Grâce à ces personnes, elle gardera malgré́ tout une bonne image de notre pays. Malgré́ tout, c’est à dire malheureu-
sement malgré́ vous et vos décisions à son égard, dénuées de toute humanité́.
Cette histoire m'en rappelle une autre, plus ancienne, qui témoigne également du traitement « administratif »
que vous faites parfois subir aux étrangers, sans aucune humanité́.
20 C’était il y a trois ou quatre ans. Vous n’étiez pas Préfet du Doubs, mais M. Jean-Philippe Setbon, à qui votre prédéces-
seur et vous-même avez délégué́ une partie de vos pouvoirs, était déjà̀ en poste, agissait et agit toujours au nom du Préfet.
M. Khachatur Nikoghosyan et son épouse venaient d’arriver d’Arménie avec un visa italien, pour demander l’asile pour
les mêmes raisons que leurs deux enfants - résidant à Besançon sous le statut de refugiés - qui les hébergent. Naturellement,
avec ce visa italien, lui et son épouse sont placés sous procédure Dublin à destination de l’Italie, pays où ils doivent être expul-
sés pour y demander l’asile.
La santé de M. Nikoghosyan se dégrade très vite : trois AVC consécutifs le font passer de l’état de personne valide à l’état de
grabataire à demi conscient dans un fauteuil roulant poussé par ses enfants et son épouse. La préfecture a été́ tenue au cou-
rant de son état de santé très dégradé́.
C’est dans cet état qu’on le présente au Commissariat de Besançon, accompagné de son épouse et de ses deux
enfants, pour répondre à une convocation de la Préfecture afin de lui notifier, ainsi qu’à son épouse, la décision d’expulsion en
Italie. J’ai pu assister à l’entretien qui a eu lieu dans une alcôve du hall du Commissariat. La personne représentant la préfec-
ture ne bronche pas et ne semble pas le moins du monde ébranlée quand elle voit l’état de M. Nikoghosyan. La procédure est
bâclée, avec un interprétariat téléphonique quasiment inexistant. M. et Mme Nikoghosyan ont eu 48 heures pour faire appel
en référé́ de cette décision au Tribunal Administratif.
Devant cette juridiction, le juge pose une seule question au représentant de la Préfecture : « Avez vous prévenu les
autorités italiennes de l’état de santé de M. Nikhogosyan, afin qu'il soit pris en charge à sa descente d’avion ? » La préfecture
ne peut présenter aucun document démontrant ces démarches.
Rien n’avait été́ prévu. Le juge casse la procédure Dublin. M. et Mme Nikogosyan ont pu demander l’asile en France. Quelques
mois après, M. Nikoghosyan décède des suites de sa maladie.
En toute politesse, Monsieur le Préfet, j’ai l’honneur de vous saluer, présentement sans autre formule de cordialité́ ni
respect.
Pierre Couchot
Portrait bisontin
Cet homme était motivé dans ses activités (1) En 1963, mouvement en faveur de la candida-
par le très grand souci d’assurer le respect de la dignité ture de Gaston Deferre à la présidence de la République.
Choqués aujourd'hui, et demain ?
CLEMENCEAU, REVIENS !
Citons M. Castex lors de son intervention au Journal Quant à la décolonisation, les peuples colonisés
de 20 heures de TF1, dimanche 1er novembre : ont dû se battre pour l'obtenir, à nouveau au prix du
"Je veux ici dénoncer toutes les compromissions qu'il sang versé, en Indochine, en Algérie, à Madagascar, au
y a eues pendant trop d'années, les justifications à cet isla- Kenya, au Congo belge et ailleurs. Nous n'avons même
misme radical : nous devrions nous auto-flageller, regretter pas été capables, au sortir de la Seconde Guerre mon-
la colonisation, je ne sais quoi encore. La première façon diale, de travailler avec eux, dans le dialogue pacifique,
de gagner une guerre, c’est que la communauté nationale afin de leur rendre leur liberté, afin de construire le
soit soudée, soit unie, soit fière. Fière de nos racines, de monde d'après l'horreur nazie, pour atteindre la pros-
notre identité, de notre République, de notre liberté. Il faut périté et la paix pour les peuples.
gagner le combat idéologique. "
Que M. Castex prononce ces paroles en tant que
citoyen français, ou militant de droite, c'est son droit : il
bénéficie comme nous tous de la liberté d'opinion et d'ex-
pression. Mais il est inacceptable, intolérable, qu'il le fasse
en tant que Premier Ministre de la République française.
Lors de cette intervention, il parlait au nom de la France,
ce n'était pas une intervention de l'individu Jean Castex, ni
du militant de droite.
Pascal Blain
Laissez-la vivre
30 ORTOGRAFE
Ah, oui ? Vous corrigez « o.r.t.h.o.g.r.a.p.h.e » et Nous sommes maintenant au XXIe siècle. Les
m’accusez d’avoir fait une « faute ». J’ai l’impression d’en- hussards noirs n’existent plus. Mai 68 nous a appris à
tendre mon beau-père, vieux hussard noir de la faire sauter les pavés pour retrouver le sable de la
République, prêt à prendre sa règle pour me taper sur les candeur originelle, l’intelligence de la réflexion. Notre
doigts. Mais n’avez-vous pas l’impression que votre graphie capacité de résilience doit nous permettre de faire
est, elle-même, une grossière erreur, colportée et ensei- face aux rigoristes, intégristes de l’ « orthographe ».
gnée depuis des décennies ? Non ? C’est bien dommage. Et primo, dans le sillage de Chantal Contant, Nina Ca-
Parce que votre graphie, c’est évident, devrait, en toute tach et d’autres, de suivre et faire connaître les rectifi-
logique, comporter le mot « graphie ». C’est donc une gra- cations orthographiques parues dans le J.O. du 6 dé-
phie erronée. cembre 1990.
Plusieurs milliers de mots ont été retouchés par
Ne parle-t-on pas de « graphie ancienne… graphie
le Conseil Supérieur de la langue française, rectifica-
phonétique… géographie…radiographie… télégraphie…
tions approuvées par l’Académie française. Ainsi ont
biographie… soûlographie… pornographie »,etc. ? Vous
disparu de nombreuses incohérences telles :
devriez donc écrire orthographie, du latin orthographia
- le « e » de assoir (comme j’assoir-ai, tu assoir-
(emprunté au grec), substantif qui donne – naturellement -
as, elle assoir-a, …)
le verbe orthographier. Pour la petite histoire, c’est en
- le « i » de ognon (inexistant à l’oral, et à l’écrit
1529 qu’un imprimeur écrit – le cuistre– « orthographe »,
au XIIIe siècle), le « ph » de nénufar (mot d’origine
tout comme « paragraphe », du grec paragraphos. Et des
arabe, ninufar, et non grecque)
cuistreries de ce type, la langue française en regorge, à
- et cetera. La langue orale –
l’écrit surtout. En effet, la langue est, avant tout, orale et
vivante - évolue, se transforme quoti-
l’orthograph(i)e n’est qu’un essai de transcription. C’est
diennement. Laissez-la vivre à l’écrit.
évident. Comment avoir une unité orthographique quand
Aussi...
les articulations sont aussi disparates de Lille à Marseille,
de Perpignan à Strasbourg ou de Genève à Montréal ?
Yves-Marie Maurice
Esprit critique vs conspirationnisme
33
Démarrage de la 5G
35
Les actus en photo !