La Loi de Wiedemann-Franz

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A2020 – PHYSIQUE II MP

ÉCOLE DES PONTS PARISTECH,


ISAE-SUPAERO, ENSTA PARIS,
TÉLÉCOM PARIS, MINES PARISTECH,
MINES SAINT-ÉTIENNE, MINES NANCY,
IMT ATLANTIQUE, ENSAE PARIS, CHIMIE PARISTECH.

Concours Centrale-Supélec (Cycle International),


Concours Mines-Télécom, Concours Commun TPE/EIVP.

CONCOURS 2020

DEUXIÈME ÉPREUVE DE PHYSIQUE

Durée de l’épreuve : 3 heures


L’usage de la calculatrice et de tout dispositif électronique est interdit.

Les candidats sont priés de mentionner de façon apparente


sur la première page de la copie :

PHYSIQUE II - MP

L’énoncé de cette épreuve comporte 7 pages de texte.

Si, au cours de l’épreuve, un candidat repère ce qui lui semble être une erreur d’énoncé, il le
signale sur sa copie et poursuit sa composition en expliquant les raisons des initiatives qu’il est
amené à prendre.

Les sujets sont la propriété du GIP CCMP. Ils sont publiés les termes de la licence
Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Pas de Modification 3.0 France.
Tout autre usage est soumis à une autorisation préalable du Concours commun Mines Ponts.
Physique II, année 2020 — filière MP

La loi de Wiedemann-Franz

En 1853 les physiciens allemands Gustav Wiedemann et Rudolf Franz remarquèrent


expérimentalement que le rapport de la conductivité thermique d’un métal par sa conductivité
électrique semblait constant pour tous les métaux.
Une vingtaine d’années plus tard, en 1872, le physicien danois Ludvig Lorenz découvrit qu’en
fait ce rapport dépendait linéairement de la température selon la relation

= T .

Cette relation est désormais connue sous le nom de loi de Wiedemann-Franz et la constante
, appelée coefficient de Lorenz, est indépendante du métal considéré.

Après sa découverte expérimentale, cette relation est restée pendant longtemps un grand
mystère pour les physiciens et questionnait sur le problème du transport de l’électricité et
de la chaleur dans les métaux. Elle résista à la modélisation pendant un demi-siècle.

Avec la découverte de l’électron et de ses propriétés en 1897 par le physicien anglais Joseph
Thompson des modèles furent envisageables. L’un des tout premiers est établi par le physicien
allemand Paul Drude en 1900, il permet d’interpréter le transport des électrons dans les
métaux dans le cadre d’un modèle classique.

Ce modèle permet de justifer certains traits de la loi de Wiedemann-Franz mais n’apporte


pas toute satisfaction.

Il sera repris une trentaine d’années plus tard dans un contexte quantique par les physiciens
allemands Arnold Sommerfeld et Hans Bethe. L’analyse microscopique fine des solides
devenait possible : elle fut à l’origine de très grandes avancées technologiques qui jalonnèrent
le xxe siècle et reste encore tout à fait d’actualité.

Nous proposons dans ce sujet de commencer (Partie I) par étudier un protocle expérimental per-
mettant de déterminer la conductivité électrique d’un métal (le cuivre). La loi de Wiedemann-
Franz sera alors démontrée dans un modèle statistique simple (Partie II), puis elle sera testée
expérimentalement pour le cuivre (Partie III). Ces trois parties sont très largement indépen-
dantes.

Sauf mention contraire, on limitera les applications numériques à des estimations ne comportant
au plus que deux chi↵res significatifs. Les données numériques utiles pour réaliser les applica-
tions numériques ainsi qu’un formulaire sont rassemblés en fin d’énoncé. Les vecteurs unitaires
sont surmontés d’un chapeau : kûx k = 1.

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Physique II, année 2020 — filière MP

I. — Détermination expérimentale de la conductivité élec-


trique du cuivre
Dans cette partie, on cherche à mettre en place un protocole expérimental permettant de
déterminer la conductivité électrique du cuivre et à exploiter un résultat de mesure.
Pour ce faire, on dispose d’un fil de cuivre de longueur 10,0 mètres, de section circulaire de
diamètre 2,0 mm, recouvert d’une résine isolante, que l’on enroule grossièrement pour réduire
l’encombrement (on néglige toute déformation due à l’enroulement). Ce fil est plongé dans un
bain thermostaté, muni d’un agitateur, pour maintenir sa température au voisinage de 20 C.
On commence par connecter le fil aux bornes d’un ohmmètre dont un extrait de la notice est
fourni dans la table 1.
On se place sur le calibre le mieux adapté. L’ohmmètre affiche 0,1 ⌦.
1 — Quel calibre est le mieux adapté pour cette mesure (on justifiera ce choix) ? Quelle
incertitude doit-on associer à la valeur affichée ? Commenter.

Courant de
Calibres Précision Résolution
Mesure
500 ⌦ 1 mA 0,1 ⌦
5 k⌦ 0,3% L + 3 UR 125 µA 1⌦
50 k⌦ 12,5 µA 10 ⌦
500 k⌦ 1,25 µA 100 ⌦
5 M⌦ 0,5% L + 3 UR 125 nA 1 k⌦
50 M⌦ 1% L + 3 UR 30 nA 10 k⌦

Table 1 – Tableau extrait de la notice de l’ohmmètre utilisé.

On cherche à déterminer la résistance électrique du fil à l’aide d’un autre montage, exploitant la
loi d’Ohm, un générateur de courant continu pouvant délivrer quelques ampères sous quelques
volts, un voltmètre et un ampèremètre, dont les notices indiquent :

Chute de
Calibres Précision Résolution
tension maximale

50 mA dc 0,3% L + 2 UR < 800 mV 100 µA dc


500 mA dc 0,3% L + 3 UR < 800 mV 100 µA dc
10 A dc 1% L + 3 UR < 700 mV 10 mA dc

Table 2 – Tableau extrait de la notice de l’ampèremètre.

Calibres Précision Impédance d’entrée Résolution

500 mV dc 11 M⌦ 0,1 mV dc
5 V dc 11 M⌦ 1 mV dc
50 V dc 0,3% L + 2 UR 10 mV dc
500 V dc 10 M⌦ 100 mV dc
600 V dc 1 V dc

Table 3 – Tableau extrait de la notice du voltmètre.

Pour mesurer une résistance à l’aide d’un voltmètre et d’un ampèremètre, deux montages sont
possibles et représentés sur la figure 1.

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#1 #2
V V
"1 "2
A ! A !
Montage 1 Montage 2

Figure 1 – Mesure d’une résistance

2 — En notant respectivement RA et RV les résistances internes de l’ampèremètre et du


|Ri R| Ui
voltmètre, évaluer pour chacun de ces montages l’erreur systématique "i = où Ri =
R Ii
représente la résistance mesurée dans chacun des montages i = 1 ou i = 2. Représenter sur un
même graphe les variations de cette erreur relative en fonction de R. Justifier que, dans cette
expérience, seul l’un des deux montages est pertinent.

Avec le montage adapté, pour une intensité lue à l’ampèremètre de 5,23 A, le voltmètre affiche
287,5 mV (à chaque fois, on se place sur le calibre le mieux adapté).
3 — Estimer (avec un chi↵re significatif) la résistance électrique du fil. Comparer (de
manière chi↵rée) la précision de cette seconde méthode de mesure à celle de la question 1.
Comment procéder pour améliorer encore la qualité de cette seconde mesure ?

4 — Déduire de la question précédente une estimation de la conductivité électrique du


cuivre.

II. — Relation entre conductivités thermique et électrique


dans un métal
Dans cette partie, on se propose d’établir la loi de Wiedemann-Franz. Pour ce faire, on
considère un fil de cuivre rectiligne d’axe Ox, homogène et comportant n électrons de conduc-
tion par unité de volume. Lorsqu’un champ électrique uniforme et permanent E ~ est appliqué
à ce matériau, chaque électron de vitesse ~v et de masse m est soumis à la force de Cou-
m
lomb f~C imposée par ce champ et à une force de frottement fluide f~D = ~v qui modélise

macroscopiquement l’interaction de l’électron avec le matériau.
5 — En écrivant le principe fondamental de la dynamique à cet électron, déterminer sa vi-
tesse limite dans ce modèle. En déduire l’expression de la conductivité électrique du matériau.

On peut s’interroger sur le sens physique de la durée ⌧ . On adopte pour cela le modèle suivant :
Soit un ensemble de N électrons de conduction. On désigne par ~vi (t) la vitesse, à l’instant t, du
i–ème électron de cet ensemble. On note p~(t) la quantité de mouvement à l’instant t moyennée
sur l’ensemble des porteurs de charge, soit
N
1 X
p~(t) = m~vi (t)
N i=1

+
Lors de son déplacement, un électron subit diverses collisions ; on note p~i,0 la quantité de
mouvement du i–ème après l’une de ces collisions. Un électron pris au hasard subit une collision

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entre les instants t et t+dt avec une probabilité dt/✓ où ✓ est une constante positive. On rappelle
qu’en l’absence de collision il est uniquement soumis à f~C .
✓ ◆
dt + dt
6 — Justifier la relation p~i (t + dt) = p~i,0 + 1 p~i (t) + f~C dt
✓ ✓
d~p(t)
7 — Déduire de l’équation précédente une relation entre , p~(t), f~C et ✓ dans la limite
dt
dt ! 0. Commenter l’expression obtenue et relier ✓ à la durée ⌧ .

On note ⇧(t) la probabilité qu’un électron n’ait pas subi de collision entre un instant initial
t = 0 et l’instant t. L’instant initial est choisi tel que l’électron a subi sa dernière collision à
l’instant t = 0 , c’est-à-dire juste avant l’instant initial.
8 — Par une approche semblable à celle de la question 6, établir l’équation di↵érentielle
vérifiée par ⇧(t) pour t > 0. Intégrer cette équation pour obtenir l’expression de ⇧(t) en
fonction de ⌧ , puis calculer la moyenne temporelle de la durée entre deux collisions subies par
un électron. En déduire une interprétation physique de la durée ⌧ .
Pour obtenir l’expression de la conductivité thermique, on adopte un modèle unidimensionnel de
type gaz parfait. On note v la vitesse quadratique moyenne des électrons et on considère qu’ils
se déplacent de façon équiprobable selon +b bx à la vitesse v. Dans ce modèle, l’énergie
ux ou u
thermique est véhiculée globalement par les électrons le long de l’axe Ox, au grè des chocs. On
se place également en régime stationnaire. On note E T (x) l’énergie cinétique moyenne d’un
électron situé en x (à la température T (x)).
9 — À l’aide d’un bilan sur une section droite de métal située à l’abscisse x, montrer que
le flux thermique jq par unité de surface s’écrit :
1 h i
jq = nv E T (x v⌧ ) E T (x + v⌧ )
2
10 — En précisant les di↵érentes hypothèses de votre calcul, exprimer jq en fonction de v,
dT dE
⌧ , n, et de la chaleur spécifique d’un électron CV = . En retrouvant la loi de Fourier
dx dT
dans cette relation, déduire l’expression de la conductivité thermique du gaz d’électrons.
11 — Dans le cadre du modèle du gaz parfait classique monodimensionnel exprimer fina-
lement en fonction de n, T , kB , ⌧ et de la masse m de l’électron.

12 — Exprimer le rapport en fonction de e et kB dans le modèle classique monodimen-


T
sionnel étudié jusqu’à présent. Comment se généralise cette relation dans le cas tridimension-
nel ? On justifiera sa réponse. Cette relation donne le coefficient de Lorenz dans le modèle
classique de Drude.
En fait le gaz formé par les électrons libres contenus dans un métal ne peut absolument pas
être décrit dans un contexte classique même à température ambiante. Un modèle quantique
tridimensionnel proposé par Arnold Sommerfeld en 1926 donne les résultats suivants :
✓ ◆
⇡ 2 kB T 1
CV = kB avec ✏F = mvF2
2 ✏F 2
où ✏F et vF sont respectivement l’énergie de Fermi et la vitesse de Fermi du gaz d’électron.
Dans ce modèle quantique la vitesse des électrons est donnée par leur vitesse de Fermi.
On admet enfin que les expressions de la conductivité thermique obtenue à la question 10
révisée à la question 12 et celle de la conductivité électrique de la question 5 restent valides
dans un contexte quantique.

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13 — Exprimer le coefficient de Lorenz  en fonction de e et kB dans le modèle quantique


proposé par Sommerfeld. Cette relation constitue la loi de Wiedemann-Franz dans le
modèle de Drude-Sommerfeld.
14 — Comparer les valeurs du coefficient de Lorenz dans les cas classique et quantique.
Pour les métaux conducteurs l’énergie de Fermi des électrons est de l’ordre de l’électron-volt
1
et on rappelle qu’à température ambiante kB T ' 40 eV. Que peut-on dire du modèle classique ?

III. — Détermination expérimentale de la conductivité


thermique du cuivre
Pour déterminer expérimentalement la conductivité thermique du cuivre, il est utile de connaı̂tre
sa capacité thermique massique et sa masse volumique ⇢.
15 — Proposer une expérience permettant de déterminer la masse volumique ⇢ du cuivre,
puis une autre permettant de déterminer sa capacité thermique massique c.
Pour accéder expérimentalement à la conductivité thermique du cuivre, on se propose d’étudier
la méthode du ⌧ flash . Dans cette méthode, on utilise une plaque de cuivre d’épaisseur
constante L = 3,12 mm selon l’axe Ox et de dimensions grandes devant L suivant les axes Oy
et Oz — en sorte que la température dans la plaque est supposée ne dépendre que de x et t.
La plaque est située entre les abscisses x = 0 et x = L et on néglige les pertes latérales par
convection ou par rayonnement. Par linéarité de l’équation qui sera établie à la question 16, on
supposera (sans perte de généralité) que la température (exprimée en degrés Celsius) est nulle
partout dans la plaque pour t < 0. À l’instant t = 0, une lampe à infrarouge, positionnée du
côté x < 0, émet un flash lumineux puissant. Il en résulte, en t = 0, un profil de température
dans la plaque T (x,0), dont la forme sera détaillée plus loin.
16 — Établir l’équation di↵érentielle vérifiée par T (x,t) dans laquelle on fera apparaı̂tre le
coefficient de di↵usion thermique D que l’on exprimera en fonction des paramètres du problème.

On cherche des solutions sous la forme T (x,t) = f (x) ⇥ g(t).


17 — Déterminer deux équations di↵érentielles vérifiées par f (x) et g(t). En déduire la
forme générale de la fonction T (x,t).

Pour modéliser l’e↵et de la lampe flash, on utilise le profil de température initial suivant :
8
< L si 0  x 
T (x,0) =
:
0 sinon

où , et L sont trois constantes. L’évolution est suffisamment rapide pour que la plaque puisse
être supposée isolée, en première approximation, pour t > 0.
18 — Justifier qu’il faut chercher la solution du problème sous la forme :
1
X
T (x,t) = exp( ↵n t) [un cos (kn x) + wn sin (kn x)]
n=0

19 — Exprimer les coefficients wn , puis les coefficients kn et ↵n en fonction de n, L et D.

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20 — Établir l’expression des coefficients un et en déduire que :


" 1
#
X sin( n⇡L )
T (x,t) = 1+2 n⇡
exp( ↵n t) cos (kn x)
n=1 L

L’épaisseur est supposée très petite devant L. Un capteur optique permet de mesurer la
température T (L,t) de la face arrière de la plaque (située à l’abscisse x = L) en fonction du
temps t.
21 — Déduire de l’expression obtenue à la question précédente, que l’expression approchée
de T (L,t), pour t > 0, est :
" 1
#
X
T (L,t) ' ⇣(t) avec ⇣(t) = 1 + 2 ( 1)n exp( ↵n t)
n=1

La figure 2 représente la courbe ⇣(t) en fonction de ↵1 t.

0,8

0,6
!
0,4

0,2
"#$
1
0
1 2 3 4 5

Figure 2 – Graphe de la fonction ⇣ en fonction de la variable ↵1 t obtenu à l’aide d’une


simulation en Python.

On note t1/2 l’instant en lequel ⇣(t1/2 ) = 1/2.


22 — Exprimer une relation entre ↵1 et t1/2 .

La figure 3 représente la courbe expérimentale T (L,t) obtenue pour la plaque de cuivre étudiée.

"(#,!) [u.a.]

5
émission
du flash

0
! [ms]
16 32 48 64 80 96 112 128 144 160

Figure 3 – Graphe expérimental de la température (en unités arbitraires) de la face de la


plaque en x = L en fonction du temps.

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23 — Estimer la valeur de la conductivité thermique du cuivre.

24 — Les valeurs obtenues aux questions 4 et 23 (on prendra T ' 300 K) sont-elles
compatibles avec la loi de Wiedemann-Franz ?

Données numériques
19
• e = 1,6 ⇥ 10 C est la charge élémentaire
23 1
• kB = 1,4 ⇥ 10 J·K est la constante de Boltzmann
1
• c = 4,0 ⇥ 102 J · K 1
· kg est la capacité thermique massique du cuivre
• ⇢ = 9,0 ⇥ 103 kg · m 3
est la masse volumique du cuivre
31
• m = 9,1 ⇥ 10 kg est la masse d’un électron

Formulaire
Pour tout réel ↵ 6= 0 et pour tout couple (m,n) d’entiers positifs on a :
8 ↵
Z ↵ ⇣ ⇡mu ⌘ ⇣ ⇡nu ⌘ < si m = n 6= 0
cos cos du = 2
0 ↵ ↵ :
0 si m 6= n

FIN DE L’ÉPREUVE

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