Le Juge Et L'intangibilté

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Dissertation 

: « Le juge et l’intangibilité du contrat ».


La matière de droit des contrats révèle de nombreuses difficultés aussi bien à l’égard des
contractants qu’à l’égard du juge. Cependant, trois grandes normes sous-tendent la matière et
s’appliquent à tous : l’intangibilité du contrat (art 1134 du Code civil), l’irrévocabilité du contrat et la
loyauté contractuelle. S’agissant de
Le principe d'intangibilité du contrat est un principe fondamental qui traverse le temps et les âges
puisque la plupart des systèmes juridiques étrangers l'affirment. Mais alors qu'il constitue un des
piliers du droit des obligations, il a pu être l'objet de controverses.

Le principe de la force obligatoire du contrat est affirmé à l'article 1134 du Code civil qui dispose que
: « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Dès lors
qu'elles sont légalement formées, c'est-à-dire qu'elles ne sont pas contraires à l'ordre public ou aux
bonnes mœurs, les conventions sont la loi des parties. Ce principe souligne l'intangibilité du contrat
qui ne peut être modifié que par les parties, par consentement mutuel, sauf cas prévus par la loi. Le
juge paraît exclu de la relation contractuelle. Les parties sont seule juges de leurs intérêts.
Dès la formation du contrat, les parties sont liées par leur engagement : ni l'une ni l'autre ne peuvent
y échapper. Les parties ne peuvent revenir sur leur consentement par leur seule volonté. Ce que le
consentement mutuel a fait, seul ce même consentement mutuel peut le défaire. Cependant, le droit
des obligations admet qu'un contrat peut être révoqué unilatéralement dans certains cas.

Il faut savoir que le langage reste une manière très vulgaire d'exprimer ce que l'on pense, ainsi il
n'est pas rare que les parties au contrat, ne maitrisant que médiocrement le langage du droit, laisse
paraître certaines imperfections dans le contrat. Ainsi, il est fréquent que les parties n'aient pas
envisagé et résolu la totalité des difficultés que le contrat est susceptible de soulever. Ainsi, la
rédaction dudit contrat pourrait apparaître maladroite ou incomplète. Dans ce cas, il conviendra d'en
élucider le sens et d'en combler les lacunes s'il cela est nécessaire.
Il convient de rappeler que l'intangibilité du contrat est un principe acquis du droit des obligations,
mais qu'il existe cependant des causes pour lesquelles la loi autorise l'interprétation du contrat par le
juge.

La question qui découle de cette ambiguïté est donc de savoir si le contrat consenti entre les parties
peut être modifié par le juge malgré son caractère intangible?
Ainsi, lorsqu'un problème d'interprétation surgit, il peut se résoudre par l'accord des parties. Une
convention interprétative précisera la signification ou la portée du contrat, c'est l'application du
principe d'intangibilité du contrat qu'il convient d'étudier (I) avant de se pencher plus en détail sur
les limites de ce principe d'intangibilité (II) par l'intervention du juge.

I. L’application du principe d’intangibilité du contrat par les juges

L'application du principe d'intangibilité du contrat par les juges est tout d'abord nécessaire lorsque
des conflits naissent dans l'interprétation du contrat (A), ainsi il conviendra par la suite de se
pencher sur l'interdiction pour le juge de réviser le contrat pour imprévision (B).

A) L’interprétation du contrat

A suivre le courant autonomiste, le juge n'aurait que le devoir d'assurer l'exécution du contrat. Or
cette question soulève une difficulté : celle de savoir ce à quoi les parties sont tenues par le contrat
et donc ce qu'elles ont voulu dans le contrat. Il arrive que les parties soient en désaccord sur la
signification du contrat. Il revient dans ce cas au juge de l'interpréter pour en dégager le sens et
permettre son exécution.
Deux méthodes antagonistes sont en présence, l'une subjective l'autre objective. La méthode
subjective consiste à se demander quelle est la volonté réelle, interne des parties tandis que la
méthode objective consiste à étudier le contenu précis du contrat en tenant compte des exigences
sociales. Le Code civil a choisi la méthode subjective. En effet, l’article 1156 dispose qu’ « on doit
dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt
que de s’arrêter au sens littéral des termes ».
La jurisprudence consacre la méthode subjective. Or, très souvent également, les tribunaux font état
de la commune intention des parties alors même que l’interprétation du contrat n’est pas en cause.

Le pouvoir d’interprétation du juge ne concerne que les clauses obscures ou douteuses, mais non
des clauses claires et précises, à moins que ces dernières ne semblent abusives, mais dans ce cas là, il
faut préciser en quoi ; ou contraires au but poursuivi par les contractants ou si elles risquent, par leur
caractère illicite, d’entraîner la nullité du contrat.

La qualification consiste à déterminer la nature juridique d’une chose ou d’un rapport de droit, afin
d’opérer leur classement dans l’une des catégories existantes et d’en déduire le régime juridique
applicable.
Un projet de réforme a pallié le silence du Code civil concernant la qualification en donnant des
pistes que le juge doit suivre. L’article 1143 dispose que « l’acte nul faute de répondre aux conditions
de la validité correspondant à la qualification choisie par les parties subsiste, réduit, s’il répond aux
conditions de validité d’un autre acte dont le résultat est conforme à leur volonté ».
Dans un arrêt du 26 juin 1973, la troisième chambre civile de la Cour de cassation estime que « les
juges du fond ont le devoir de restituer aux conventions litigieuses leur véritable caractère juridique,
sans être liés par la qualification donnée par les parties ».
Cet arrêt est donc une bonne illustration des éléments pouvant conduire le juge à déterminer la
nature d'une convention, mais également de son pouvoir de requalification, tout à la fois souverain
et limité par la volonté des parties.

B) L’interdiction du juge de réviser le contrat pour imprévision

La révision est un procédé de technique juridique par lequel un acte est modifié dans sa forme ou
plus fréquemment dans son contenu. En principe, la révision ne peut intervenir que dans les formes
qui ont été nécessaires pour son établissement. C’est ainsi qu’une convention ne peut être révisée
que par l’accord des parties. Exceptionnellement, le juge a le pouvoir de réviser les contrats sur
demande unilatérale.
Les parties sont tenues par les termes du contrat qu’elles ont accepté et ne peuvent s’en défaire, le
juge ne pouvant venir modifier cet équilibre contractuel. Ce principe a été dégagé dans un arrêt du 6
mars 1876, Canal de Craponne.
Il s'agissait d'un contrat conclu en 1515 entre l'exploitant du canal et les propriétaires des terres
voisines, permettant la fourniture d'eau moyennant une redevance. En 1876, cette redevance s'est
révélée dérisoire au regard des coûts d'entretien du canal et de la main d'œuvre. Une demande de
révision a été formulée au juge.
La Cour de Cassation censure la décision rendue par les juges du fond au motif qu'aucune
considération de temps ou d'équité ne peut permettre au juge de modifier la convention des parties
car l'article 1134 s'y oppose. Cette décision a suscité de nombreuses critiques de la part de la
doctrine. Elle se justifie néanmoins par le souci d’éviter que l’un des cocontractants ne demande la
révision dès que l’exécution de ses obligations devient plus difficile.

La théorie de l’imprévision est une théorie en vertu de laquelle le juge doit établir l’équilibre d’un
contrat dont les conditions d’exécution ont été gravement modifiées au détriment de l’une des
parties, à la suite d’évènements raisonnablement imprévisibles lors de la conclusion de la
convention. Elle est en principe admise par la jurisprudence administrative, mais rejetée par les
tribunaux judiciaires sauf si un texte permet cette révision.
Le problème de la révision se pose essentiellement dans les contrats à exécution successive ou
échelonnée. En effet, l’équilibre entre les intérêts respectifs des parties tel qu’il a été défini à l’origine
a pu disparaître du fait de l’évolution des circonstances, c’est-à-dire l’évolution économique, sociale
ou politique.
Généralement, lorsque les circonstances qui accompagnent l’exécution du contrat ont changé par
rapport à celles qui existaient au moment de sa conclusion et qu’elles rendent plus difficile
l’exécution du contrat par l’une des parties, la jurisprudence refuse de modifier le contrat mais le
législateur l’a parfois autorisé.

II. les limites du principe d’intangibilité

La notion d'intangibilité du contrat a cependant certaines limites. En effet, les tempéraments


de la révision du contrat par le juge (A) viennent contrecarrer ce principe. Ainsi, après avoir étudié
cette notion, il conviendra de se pencher sur le contrôle des juges du fond par la Cour de cassation
(B).

A) les tempéraments de la révision du contrat par le juge

Il arrive qu’une convention claire devienne défectueuse. La jurisprudence admet parfois que le juge
peut modifier le contrat. Par exemple, il peut substituer un indice d’indexation à celui choisi par les
parties parce que celui-ci est illicite ou inexistant.
Le juge peut également se fonder sur la bonne foi, en vertu de l’article 1134, de l’équité (1135) ou
bien encore sur l’intention présumée des parties pour compléter le contrat. Ainsi, la jurisprudence a
découvert l’obligation de sécurité dans le contrat de transport qui réside dans « l’obligation de
conduire le voyageur sain et sauf à destination ».
Les contractants sont aujourd’hui habitués aux changements des circonstances économiques : ils
prévoient dès la conclusion du contrat des procédures spéciales permettant de modifier le contrat
pour l’adapter aux circonstances nouvelles. Ainsi, les parties au contrat envisagent que l’objet des
obligations variera en fonction d’une références choisie d’un commun accord et prévue par le
contrat.

Dans un arrêt du 24 novembre 1998, la chambre commerciale de la Cour de cassation a admis qu’il
pouvait être dans les obligations d’une partie de renégocier le contrat. On ne peut pas imposer de
nouvelles stipulations contractuelles, en revanche, on peut imposer une obligation de bonne foi et
une obligation de loyauté sanctionnée par d’éventuels dommages et intérêts. Dans un arrêt de 16
mars 2004, la première chambre civile de la Cour de cassation a admis qu’il peut y avoir une
obligation de loyauté et de bonne foi mais seulement si ce déséquilibre apparaît pendant l’exécution
du contrat et non dès l’origine du contrat. En l’espèce, l’absence de révision du contrat aurait conduit
le cocontractant à la ruine. Il s’agit plus ici de sanctionner une faute contractuelle que de reconnaître
la possibilité d’une révision mais la jurisprudence a fait, sans aucun doute, preuve d’une certaine
souplesse. Parallèlement, un mouvement jurisprudentiel tend à affirmer l’existence d’une obligation
de renégocier le contrat lorsque celui-ci devient profondément déséquilibré, notamment en cas de
modification imprévue des circonstances économiques.

Le juge peut également supprimer ou modifier des stipulations contractuelles excessives ou abusives.

B) le contrôle des juges du fond par la Cour de cassation

La dénaturation du contrat est le non-respect, par un juge du fond, de son rôle d’interprétation du
sens du contrat. Seul ce qui est ambigu doit faire l’objet d’interprétation. Lorsque le juge est
confronté à un contrat clair, il ne peut pas l’interpréter en lui donnant un autre sens et le dénaturer,
sous peine d’être censuré par la Cour de cassation. Dans un arrêt du 15 avril 1872, la chambre civile
de la Cour de cassation pose ici un critère pour tempérer le pouvoir des juges du fond. Lorsque les
termes d’une clause d’un contrat sont clairs et précis, le juge du fond n’est plus souverain et peut
avoir à subir le contrôle de dénaturation exercée désormais par la Haute Cour.
Juge du droit, et non du fait, la Cour de cassation ne se reconnaît pas le pouvoir de contrôler
l’interprétation que les juges du fond donnent des contrats. Cependant, il existe des tempéraments.

La cour contrôle la qualification donnée aux contrats par les juges du fond.
Ainsi, si les obligations d’information ou de sécurité ont pu se développer, c’est parce que la Cour de
cassation l’a admis. Elle intervient également pour qualifier les obligations de moyen ou de résultat
selon les contrats considérés.
La cour de cassation n’interprète pas les contrats standardisés c’est-à-dire ceux qui sont reproduits à
de multiples exemplaires et qui s’appliquent à de nombreuses personnes. Seuls quelques arrêts
isolés ont laissé penser que la Cour de cassation souhaitait contrôler ces contrats pour en assurer
l’uniformité mais elle s’est finalement clairement prononcée en sens contraire.

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