Livre de Philo Tle A
Livre de Philo Tle A
Livre de Philo Tle A
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Mon cours de
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Philosophie
A2
Tles
A1
&
1
M. PEP Kisito Etienne & M. MBA ASSEKO Thomas Derrick
Enseignants de philosophie
Tles
A1 & A2
24 Fiches de cours
Propriétaire du livre
260 citations NOM :
………………………………………………………
54 textes essentiels ……………………………………………………….
Prénoms :
………………………………………………………
………………………………………………………
………………………………………………………
2
La réalisation de ce document paraît répondre à un besoin réel et aux désirs
exprimés par nos élèves tant dans les questions qu’ils posent que dans les
demandes qui nous ont été spontanément adressées. Notre ambition se veut
modeste. Elle consiste à simplifier au maximum le processus d’acquisition d’une
certaine culture philosophique.
Les fiches de cours que nous entendons proposer aux élèves peuvent les
aider à accroître progressivement leurs aptitudes à trouver facilement les outils
requis pour faire face à la dissertation ainsi qu’au commentaire de texte
philosophique.
Il ne nous reste plus qu’à souhaiter que ce modeste travail puisse être
exploité à bon escient pour que triomphe l’activité philosophique…
Les auteurs
3
Sommaire
Fiche 7 La tradition 35
LA RAISON ET LE REEL
Fiche 8 Logique et mathématiques 40
Fiche 9 Les sciences : sciences du vivant – sciences de l’homme- sciences de la 44
matière
Fiche 10 La vérité
48
INDIVIDU ET COMMUNAUTE
Fiche 1 1 Autrui 52
Fiche 12 L’ethnie 57
Fiche 13 La société et la nation 60
Fiche 14 Le sujet ; conscience et l’inconscient
POLITIQUE ET MORALE
Fiche20 Le bonheur 90
RELATIF ET ABSOLU
Fiche 21 L’existence 93
Fiche 22 La mort 96
Fiche 23 Le temps-La mémoire 100-103
4
Introduction générale
Préalable
5
Raison d’être de la philosophie dans le monde actuel : pour une
Afrique en quête de développement
Dans une Afrique qui est résolument engagée à lutter contre le sous-
développement, le rôle de la philosophie est de nous éloigner des idées arrêtées
telles que la supériorité de l’homme sur la femme ; le pouvoir des fétiches au détriment
des efforts ; autant de préjugés qui freinent les efforts vers le développement. L’intérêt
de la philosophie est de nous libérer des préjugés en nous empêchant de rester
prisonnier de ceux-ci. On comprend pourquoi Descartes reconnait que « C’est
proprement avoir les yeux fermés, sans tâcher jamais de les ouvrir, que de vivre sans
philosopher. » Principes de la philosophie (1644).
Avoir l’esprit critique revient à être capable de remettre en cause tout ce qui ne
tient pas du point de vue de la raison. L’esprit critique manifeste une prise de
distance, un recul nécessaire qui nous préserve de l’acceptation aveugle. De ce fait,
l’esprit critique nous préserve contre le dogmatisme (acceptation aveugle des
croyances et des principes définis).
Pour les africains que nous sommes, l’esprit critique nous permettrait de remettre
en cause les modèles économiques inopérants ; les comportements contraires au
développement comme le tribalisme, le népotisme, le favoritisme, le système des
passe-droits qui sont à l’origine de notre précarité actuelle. En même temps, la
6
philosophie nous aidera à reconstruire les modèles de développement
appropriés pour notre continent.
Dans l’antiquité grecque l’existence des arènes publiques, perçues comme espace
de discussion (Agora), a posé les jalons des débats contradictoires qui ont cours dans le
développement de la pensée philosophique. Ainsi, l’habitude des débats nous fait
découvrir l’existence des points de vue différents du nôtre. Ce qui a pour avantage de
nous approprier le principe d’opposition, non pas comme une attaque contre
notre personne, mais plutôt comme l’affirmation d’une pensée autre que la nôtre.
7
Préjugés défavorables à l’encontre de la philosophie
Depuis son avènement, force est de constater que l’activité philosophique est restée
très spéculative, donnant ainsi l’impression de ne pas impacter sur la réalité. Ce
reproche est porté par Karl Marx dans ses Thèses sur Feuerbach (1932 posthume) « Les
philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde. Ce qui importe, c’est de le
transformer. »
8
FICHES DE COURS
9
LE LANGAGE
INTRODUCTION
- Le signe : image ou geste véhiculant
Approche définitionnelle
intentionnellement un massage.
(conceptualisation)
- Le geste : tout mouvement corporel
Le langage est un élément fondamental
utilisé pour communiquer avec les
dans la structuration de la communication
autres.
entre les hommes. Ainsi, depuis le début du XXe
siècle, les sciences humaines (linguistique,
- Le silence : attitude qui consiste à se
philosophie du langage, etc.) ont été amenées à
taire ou à ne rien dire. Absence de
dissocier les différents sens du mot langage,
paroles.
que l’opinion commune confond le plus
souvent.
- La langue : ensemble de paroles
codifiées et permettant aux membres
Au sens large, le langage se constitue
d’une communauté d’échanger.
comme un système ou un ensemble (de signes,
de gestes, de signaux, de cris, de paroles et de
langues) permettant l’échange ou encore la
Objectif : Nous voulons comprendre quel est
communication.
le véritable statut du langage.
Au sens strict, le langage est une institution
Problématiques :
universelle spécifique à l’humanité ; c’est une
faculté permettant aux hommes de se
N°1 : Le langage est-il le propre de l’homme ?
transmettre mutuellement les messages, les
pensées ainsi que les états intérieurs.
N°2 : Le langage est- il nécessaire ou limité ?
Notons qu’il existe plusieurs formes de
N°3 : Peut-on communiquer à travers le silence ?
langages :
N°4 : Le dialogue est-il un atout ou une menace
- La parole : mot ayant un sens et
dans les rapports interpersonnels ?
permettant à l’homme non seulement de
dévoiler sa pensée, mais aussi de
désigner le réel.
10
Emile Benveniste, Problèmes de linguistique générale,
Problématique n°1 : (1966) « Le mode de communication employé par les
animaux n’est pas un langage. C’est un code de
signaux. »
Le langage est-il le propre de l’homme ?
B) - La pluralité des modes de
communication animale
I.LA NATURE DU LANGAGE HUMAIN
Les modes de communication des animaux
A) - L’homme construit le signe linguistique varient selon les espèces, les catégories et les
circonstances : le chat miaule ; le chien aboie ;
L’homme instaure le signe linguistique qui le hibou hulule : la vache beugle ; le cheval
lui permet de communiquer à partir d’une hennit, etc.
langue conventionnelle.
Il crée des signes, des symboles ou une
langue (ensemble des paroles codifiées) à Problématique n°2 :
travers lesquels il échange avec ses semblables.
Ceci fait de la langue une invention humaine. Le langage est- il nécessaire ou limité ?
Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale,
(1916) « La langue est un ensemble de conventions
I. LA NECESSITE DU LANGAGE
nécessaires adoptées par le corps social. »
A) - Le langage permet d’exprimer la pensée
B) - Le langage humain s’appuie sur la
parole Le langage est un moyen d’extériorisation et
d’expression de la pensée. L’homme s’efforce
De par sa nature, l’homme possède la capacité d’exprimer ce qu’il conçoit au niveau de sa
de s’exprimer ou tout au moins de pensée. Toutes les formes de langage sont ainsi
communiquer ses idées à travers la parole qui ordonnées à l’expression de nos pensées.
fait de lui un être parlant.
Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques, (1817) «
c’est dans le mot que nous pensons. »
Descartes, Lettre au marquis de Newcastle, (1646) « La
parole ne convient qu’à l’homme seul. » Hegel, Phénoménologie de l’esprit, (1807) « La parole
donne à la pensée son existence la plus haute et la
plus vraie. »
Cette idée est aussi partagée par Aristote qui
voit en l’homme un animal doué de parole Nicolas Boileau, Art poétique, (1674) « Ce qui se
(zoon λoУon). conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le
dire arrivent aisément. »
11
C)- Le langage (la parole) a le pouvoir B) - Langage (la parole) et déformation de la
d’accomplir des actions (énoncés pensée
performatifs)
La parole peut également être suspectée de
La parole en tant que forme de langage réalise dénaturer la pensée ou, tout au moins, de la
parfois ce qu’elle énonce. C’est pourquoi on trahir, de lui enlever sa substance.
peut accomplir des actions concrètes à travers
la parole. Ceci donne à la parole (ou au mot) un Bergson, Sur les données immédiates de la conscience,
pouvoir redoutable. Car elle constitue en elle- « Le langage sclérose la pensée. »
même un acte et produit des effets immédiats.
C)-Les conflits d’interprétations engendrés
Wittgenstein, Tractatus logico-philosophicus, (1921) par le langage
« Le langage est performatif. »
L’un des dangers que comporte l’utilisation
John Austin, Quand dire c’est faire (1962) « Dire c’est des images, des signes, des gestes et même des
faire. » mots c’est qu’ils peuvent être différemment
interprétés par les personnes de la même
D)- Le langage a le pouvoir de manipulation
communauté linguistique.
et de domination
Le caractère polysémique des mots suscite des
Le langage peut devenir un instrument subtil
polémiques. C’est pourquoi on peut parler la
qui permet à celui qui s’en sert d’amener les
même langue sans pour autant se comprendre.
autres à agir en fonction de ses intérêts. Le
langage est ainsi un moyen de domination, de Jürgen Habermas, Théorie de l’agir communicationnel,
contrôle et d’imposition des visions du monde (1981) « Le non-respect des conditions de possibilité
(le pouvoir des médias.) de toute entente entre interlocuteurs est une
entrave à la communication. »
Marx et Engels, Manifeste du parti communiste, (1848)
« Le langage a un pouvoir de manipulation et de D)- Le langage : instrument de
domination des masses populaires. » déstabilisation
12
- La désapprobation ; Le mépris ; le Problématique n°4 :
dégoût :
Le dialogue est-il un atout ou une menace
Pierre Reverdy, Le livre mon bord, (1948), dans les rapports interpersonnels ?
« Le silence est la forme la plus haineuse ou la
plus modeste de la critique. » Le dialogue s’entend comme un échange de
propos, de paroles ; une conversation entre
- La tristesse ; l’affliction ; la plusieurs personnes.
consternation
Sénèque, Lettre à Lucilus, (vers l’an 64), I. LE DIALOGUE COMME UN ATOUT DANS LES
« Les malheurs de la vie enseignent l’art du RAPPORTS ENTRE LES PERSONNES
silence. »
A) -Le silence comme objet d’interprétation Dans les échanges interpersonnels, les
subjective hommes parviennent à trouver un consensus,
Le silence est une forme de langage limitée. un terrain d’entente capable de leur permettre
Car il est difficile de lui donner une signification de vivre en bonne intelligence ou du moins de
objective. s’accorder entre eux.
Chacun peut interpréter le silence comme il
l’entend. Martin Bubber, Le Je et le Tu, (1923)
« Le rôle du dialogue est de faciliter les échanges
Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, en vue d’amener les hommes à se comprendre »
(1916) « Le silence ne signifie rien de précis. Le
silence peut indiquer un échec du langage. »
B) - Le dialogue permet d’éviter la violence
13
II. LES INSUFFISANCES CONSTATEES DANS LE biens. D’où la prise en compte de toutes les
DIALOGUE formes de langage et de la complémentarité
que nous devrions établir entre ces formes de
A) -Les conflits d’interprétations langage
L’un des dangers que comporte le dialogue
c’est que les mots utilisés par les interlocuteurs
peuvent être différemment interprétés par ces
derniers.
C) – Le langage : instrument de
déstabilisation
CONCLUSION
14
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 1
Quelle est la fonction primitive du langage ? C’est d’établir une communication en vue
d’une coopération. Le langage transmet des ordres ou des avertissements. Il prescrit ou
décrit. Dans le premier cas, c’est l’appel à l’action immédiate ; dans le second, c’est le
signalement de la chose ou de quelqu’une de ses propriétés, en vue de l’action future.
Mais, dans un cas comme dans l’autre, la fonction du langage est industrielle,
commerciale, militaire, toujours sociale. Les choses que le langage décrit ont été
découpées dans le réel par la perception humaine en vue du travail humain.les propriétés
qu’il signale sont des appels de la chose à une activité humaine. Le mot sera donc le
même, comme nous le disions, quand la démarche suggérée sera la même, et notre esprit
attribuera à des choses diverses la même propriété, se les représentera de la même
manière, les groupera enfin sous la même idée, partout où la suggestion du même parti à
tirer, de la même action à faire, suscitera le même mot. Telles sont les origines du mot et
de l’idée. L’un et l’autre ont sans doute évolué. Ils ne sont plus aussi grossièrement
utilitaires cependant.
Bergson
TEXTE 2
TEXTE 3
Martin Bubber
15
LE TRAVAIL
Cette photo présente un phare construit Le tracteur est un engin que les hommes
par les hommes aux abords d’un rocher utilisent généralement pour réaliser
donnant sur la mer. C’est le résultat de la facilement et avec efficacité certaines
domestication de la nature par le travail activités. C’est donc un outil de travail.
de l’homme.
INTRODUCTION
Problématique n°1 :
Approche définitionnelle
(conceptualisation) Le travail est-il une activité spécifique à l’homme ?
Sur le plan étymologique, le mot travail vient Le travail de l’homme se distingue foncièrement de
du latin tripalium qui renvoie à une machine l’activité animale. Car l’homme dévoile son intelligence
et sa capacité à penser dans le travail. Il pense d’abord
de torture que l’on utilisait dans l’antiquité son travail avant de le réaliser.
pour ferrer les animaux.
Karl Marx, Le capital, (1867) « Ce qui distingue le
Le travail désigne une activité physique et plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte,
intellectuelle permettant à l’homme de c’est qu’il a conçu la cellule dans sa tête avant de la
construire dans la ruche. »
transformer la nature en vue de satisfaire ses
besoins. B) - L’homme crée des outils pour accomplir son
travail
16
Henri Bergson, L’évolution créatrice, (1907) « L’instinct est
une disposition de la nature qui détermine le
D)- Le travail nous préserve de l’oisiveté
comportement. »
L’oisiveté renvoie au fait d’être sans
Problématique n°2 : Peut-on accorder de la occupation. Dans ce cas, l’homme s’ennuie.
valeur au travail ou considérer qu’il a un C’est pourquoi le travail nous libère de cette
impact négatif sur l’homme et sur situation peu confortable.
l’environnement ?
Voltaire, Candide, (1759) « Le travail éloigne de nous
trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin. »
I. LA VALEUR DU TRAVAIL
E) - Le travail est socialement utile
A) - Le travail comme source
d’épanouissement Le travail favorise l’instauration d’une chaîne
de solidarité et d’entraide dans la société. Ainsi,
Le travail amène l’homme à être heureux, c’est- si nous travaillons c’est pour le bien de nos
à-dire à se sentir à l’aise et à vivre dans le bien- contemporains ainsi que celui de nos
être physique et psychologique. descendants.
Alain, Propos (1911) « C’est dans le travail que Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes, (1939)
l’homme peut être comblé de bonheur. » « Grâce au travail nous sommes les héritiers de ceux
qui sont morts, les associés de ceux qui vivent et la
providence de ceux qui naîtront. »
B) - Le travail : activité de transformation
Descartes, Discours de la méthode, (1637) souhaite que Dans le système capitaliste, le travailleur ne se
l’homme devienne « Maître et possesseur de la reconnaît plus dans son travail, tellement il est
nature. »
dépersonnalisé. Il devient une marchandise.
Exploité par son employeur, les revenus qu’il
De même, lorsque l’homme travaille, il se possède ne lui permettent pas de couvrir ses
transforme lui-même en devenant plus habile. besoins. D’où l’aliénation économique.
Il s’humanise et développe ses qualités
humaines. Karl Marx, Manuscrits, (1844)
« Le travail est source d’aliénation économique.»
Kant, Propos de pédagogie, (1803)
« Le travail favorise l’humanisation. » B) - Le travail est une contrainte de la
nature
C)- Le travail met l’homme à l’abri du besoin
Le travail se présente comme une malédiction
Celui qui travaille est capable de satisfaire ses divine et l’homme est contraint de travailler
besoins et de faire face à ses obligations. En ce pour pouvoir tirer subsistance. Ses besoins le
sens, le travail sécurise l’homme. poussent à travailler.
Nietzsche, Aurore, (1881) Kant, Propos de pédagogie, (1803)
« Le travail est la meilleure des polices. » « L’homme est le seul animal qui doit travailler. »
17
C)-Le travail implique la souffrance (aliénation A) – La mise en place de
physique) meilleures conditions d’emplois
Spinoza, Traité théologico-politique, (1670) « Travailler Il est donc nécessaire de mettre l’homme dans
c’est souffrir.» les meilleures conditions de travail pour qu’il
puisse se sentir responsable du devenir de la
D)- Le travail fait de l’homme un esclave société.
Dans les sociétés contemporaines, la situation Durkheim, De la division du travail social, (1893)
de l’homme est tellement précaire qu’il est « Ce qui fait la valeur morale de la division du
obligé de travailler pendant longtemps pour travail, c’est que par cette division, l’individu
pouvoir s’en sortir. Il passe donc le gros de son reprend conscience de son état de dépendance vis-à-
vis de la société. »
travail à travailler. Le travail devient l’activité
que l’homme exerce le plus dans une journée,
et ceci au détriment du repos. B) – le refus de l’entière aliénation de
l’homme par la machine
Nietzsche, L’humain trop humain, (1878)
« Celui qui n’a pas les deux-tiers de sa journée pour
lui-même est un esclave. » Certes, l’homme se trouve obligé de recourir à
la machine dans son travail. Mais, il est
De plus, l’utilisation de la machine ou des nécessaire de donner à la machine le statut
outils perfectionnés dans le travail rend d’un simple instrument de facilitation du
l’homme de plus en plus dépendant des travail afin qu’elle ne prenne pas le dessus sur
machines. Tellement il est assujetti à la l’homme, son inventeur.
machine qu’il devient un partisan du moindre
effort. Henry Miller, Le monde du sexe, (1940), « Chaque
fois qu’une machine remplace l’homme, j’ai
Karl Marx, Manuscrits, (1844) l’impression que c’est un peu d’humanité qui se
« L’ouvrier met sa vie dans l’objet, sa vie appartient à perd. »
l’objet. »
18
B) – La réduction des effets néfastes de
l’activité industrielle sur l’environnement
CONCLUSION
19
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 4
L’homme est le seul animal qui soit voué au travail (…). La question de savoir si le ciel
ne se serait pas montré beaucoup plus bienveillant à notre égard, en nous offrant toutes
choses déjà préparées, de telle sorte que nous n’aurions plus besoin de travailler, cette
question doit certainement être résolue négativement, car il faut à l’homme des
occupations, même de celles qui supposent une certaine contrainte. Il est tout aussi faux
de s’imaginer que, si Adam et Eve étaient restés dans le paradis, ils n’eussent fait autre
chose que demeurer aussi ensemble, chanter les chants pastoraux et, contempler la
beauté de la nature. L’oisiveté eût fait leur tourment tout aussi bien que celui des autres
hommes. Il faut que l’homme soit occupé de telle sorte que, tout rempli du but qu’il a
devant les yeux, il ne se sente pas lui-même, et le meilleur repos pour lui est celui qui suit
le travail.
Kant
TEXTE 5
En quoi consiste l’aliénation du travail ? D’abord dans le fait que travail est extérieur à
l’ouvrier, c’est-à-dire qu’il n’appartient pas à son essence, donc que dans son travail celui-
ci ne s’affirme pas, mais se nie ; ne se sent pas à l’aise, mais malheureux. Il ne déploie pas
une libre activité physique et intellectuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit. En
conséquence, l’ouvrier n’a le sentiment d’être auprès de lui-même qu’en dehors du travail
et, comme chez lui quand il ne travaille pas. Et quand il travaille il ne se sent pas chez lui.
Enfin, le caractère extérieur à l’ouvrier qui travaille apparait dans le fait que le travail
n’est pas son bien propre, mais celui d’un autre. De même dans le travail l’ouvrier ne
s’appartient pas lui-même, il appartient à un autre. L’activité de l’ouvrier n’est pas son
activité propre. Elle est la perte de soi – même.
Karl Marx
20
LES ECHANGES
L’homme ne peut subvenir seul à l’ensemble Simone Weil, La pesanteur et la grâce, (1947)
de ses besoins. C’est ce qui va l’amener à se « L’argent est le monstre de la civilisation
tourner vers ses semblables pour obtenir ce actuelle. »
qu’il n’a pas, et en retour, leur donner ce qu’il a.
Les échanges seraient donc fondés sur la B) - Les choses qu’on ne peut acheter
réciprocité.
Il y a des choses qu’on ne peut échanger contre
Adam Smith, Recherches sur la nature et les d’autres. Car elles sont inestimables sur le plan
causes de la richesse des nations, (1776) moral. En ce sens, la dignité humaine et la liberté
« Donnez-moi ce dont j’ai besoin et vous ne peuvent être échangés contre de l’argent.
aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-
même. » Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs,
(1785) « La dignité c’est ce qui est supérieur à
B) - Les échanges renforcent le lien social entre tout prix, ce qui par suite n’admet pas
les groupes. d’équivalent. »
Les hommes ont un penchant qui les porte à trafiquer, à faire des trocs et des
échanges d’une chose pour une autre. Il est commun à tous les hommes, et on ne
l’aperçoit dans aucune autre espèce d’animaux, pour lesquels ce genre de contrat est
aussi inconnu que tous les autres. On n’a jamais vu de chien faire de façon délibérée
l’échange d’un os avec un chien. On n’a jamais vu d’animal chercher à faire entendre à un
autre par sa voix ou ses gestes : ceci est à moi, cela est à toi ; je te donnerai l’un pour
l’autre. (…) mais l’homme a presque continuellement besoin du secours de ses
semblables, et c’est en vain qu’il l’attendrait de leur seule bienveillance. Il sera bien plus
sûr de réussir, s’il s’adresse à leur intérêt personnel et s’il les persuade que leur propre
avantage leur commande de faire ce qu’il souhaite d’eux. C’est ce que fait celui qui
propose à un autre un marché quelconque ; le sens de sa proposition est ceci : donnez-
moi ce dont j’ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-mêmes ; et la
plus grande partie de ces bons offices qui nous sont nécessaires s’obtiennent de cette
façon. Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger
que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous
ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur égoïsme ; et ce n’est jamais de nos
besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur avantage.
Adam Smith
TEXTE 7
Ce que je peux m’approprier par l’argent, ce que je peux payer, autrement dit ce que
l’argent peut acheter, je le suis moi-même moi le possesseur de l’argent. Les qualités de
l’argent sont mes qualités et mes forces essentielles moi le possesseur de l’argent. Ce que
je suis et ce que je puis, ce n’est nullement mon individualité qui en décide. Je suis laid,
mais je puis m’acheter la femme la plus belle. Je ne suis pas laid car l’effet de la laideur, sa
force repoussante est annulée par l’argent. Personnellement, je suis paralytique, mais
l’argent me procure vingt-quatre pattes ; je ne suis donc pas paralytique. Je suis méchant,
malhonnête, dépourvu de scrupule, sans esprit, mais l’argent est vénéré, aussi le suis-je
moi-même, moi son possesseur. L’argent est le bien suprême, donc son possesseur est
bon. Je n’ai pas d’esprit, mais, l’argent étant l’esprit réel de toute chose, comment son
possesseur manquerait-il d’esprit ? Il peut en outre s’acheter des gens d’esprit, et celui qui
est le maître des gens d’esprit n’est-il pas plus spirituel que l’homme d’esprit ? Moi qui
puisse avoir grâce à l’argent, tout ce que désire un cœur humain, ne suis – je pas en
possession de toutes les facultés humaines ? Mon argent ne transforme –t-il pas toutes
mes impuissances en leur contraire ?
Karl Marx
22
L’ART ET LA QUESTION DU BEAU
Sur le plan étymologique, le mot art vient du latin L’artiste s’élève parfois dans un monde
ars qui renvoie à un savoir-faire. L’art implique donc supérieur dans lequel il contemple les êtres
une maîtrise technique. véritables et, par une dialectique ascendante, Il
revient dans le monde sensible par une
Dans sa dimension esthétique, l’art désigne toute dialectique descendante pour reproduire ce
production de la beauté par les œuvres d’un être qu’il a vécu dans le monde supérieur. Dans ce
conscient (beaux-arts).
cas, l’art se contente de copier les Êtres
L’esthétique c’est le domaine de production de la intelligibles.
beauté artificielle.
Platon, La République, (IVe siècle av. J.C)
« L’art est une mimesis. »
Objectif : Nous voulons comprendre quelle
est la nature de l’art.
C)- L’art suppose une certaine habileté
Problématiques :
Dans son élan de reproduction du réel,
l’artiste utilise des compétences techniques, c’est-à-
N°1 : L’art est-il imitation de la nature ; création des
œuvres de l’esprit ou matérialisation d’une
dire qu’il fait preuve de dextérité et en un mot de
inspiration ? savoir-faire. Il montre ainsi qu’il possède du talent
dans la reproduction artistique de ce qui existe.
N°2 : L’art est-il source d’illusion ?
° Kant, Critique de la faculté de juger, (1790)
N°3 : L’art vise –t- il seulement la production de la « L’art ce n’est pas la représentation d’une belle
beauté ? chose, mais la belle reproduction d’une chose. »
23
parlante c’est l’environnement socio-
A) – Le génie permet de créer ce qui économique qui motive un écrivain à avoir une
n’existait pas auparavant plume dénonciatrice et à se constituer comme
un artiste - écrivain engagé.
Le génie est un don naturel inné en l’homme.
Lorsque ce dernier travaille, il réussit à produire des Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, (1939)
œuvres d’art avec une certaine originalité. Ce qui « Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont
montre que le génie créateur donne à une œuvre point de bouche. »
d’art son authenticité.
Problématique n°2 :
Kant, Critique de la faculté de juger, (1790) « Le génie
créateur est une disposition de l’esprit à travers L’art est-il source d’illusion ?
laquelle la nature donne à l’art ses règles. »
I. L’ART EST PORTEUR D’ILLUSION
B) – Le génie amène l’homme à prendre A) - L’artiste prétend perfectionner le monde
conscience de sa capacité inventive
Dans la production des œuvres d’arts,
Pour éprouver une vraie satisfaction, l’artiste doit
l’artiste est animé par la ferme volonté de
créer quelque chose qui vient de lui-même, de son propre
esprit. L’art est ainsi un moyen pour l’homme de prendre parfaire le monde et de le rendre meilleur. Or,
conscience de lui-même ; du pouvoir qu’il a, par cette volonté ne suffit pas pour transformer le
l’intermédiaire d’une réalité sensible. monde. L’artiste prend ses rêves pour la réalité.
Stanislas Leszczynski (ou Leczinski), Le philosophe
Bienfaisant (1764), « L’homme de génie ne raisonne Paul Klee, Credo du créateur, (1920)
que d’après lui-même. » « L’art veut transcender l’image du réel tel qu’il se
- Stanislas Leszczynski est un philosophe présente pour l’envisager autrement. »
polonais du 18ème siècle.
B) - L’artiste a tendance à se projeter vers un
III. L’ART PROCEDE DE L’INSPIRATION monde imaginaire
L’inspiration est une influence qui conditionne l’artiste
et l’oriente dans ce qu’il doit faire. C’est aussi L’art est un domaine dans lequel l’artiste
l’enthousiasme créateur de l’artiste. a tendance à s’évader et à se projeter dans un
univers utopique, complètement coupé du réel
A) L’artiste est inspiré par la nature et proche de la fiction.
Dans son travail, l’artiste peut tirer les ressources
Paul Klee, Credo du créateur, (1920)
nécessaires qui lui permettent de créer une œuvre de
« L’art ne reproduit pas le visible, il rend visible
l’esprit de son milieu de vie ; de son environnement.
l’invisible. »
Aristote, Physique, (IVe siècle av. J.C)
« L’art imite la nature physique. » II. L’ART S’APPUIE AUSSI SUR LA REALITE
B) - L’artiste est inspiré par les dieux A) - L’art comme reproduction du réel
Il fait l’effort de s’ouvrir à une dimension spirituelle
et mystique. A ce niveau, il reçoit une intuition lui
L’art se donne d’abord comme le
permettant de réaliser des œuvres d’art. domaine de la reproduction, c’est-à-dire de la
reprise textuelle de ce qui existe
Platon, La République, (IVe siècle av. J.C) « L’artiste doit matériellement. L’artiste se focalise sur ce qu’il
être, à un moment donné, inspiré par un esprit divin perçoit ou encore ce qui est livré à son
pour composer son œuvre. »
expérience sensible.
C)- L’artiste est influencé par d’autres Aristote, Physique, (IVe siècle av. J.C)
facteurs « L’art imite la nature physique. »
Il y a des situations de vie qui peuvent
influencer un artiste dans la création de ses B) -L’art est le reflet de la nature
œuvres d’art : ses expériences individuelles
(sa biographie) ; ses fréquentations ;
l’entourage immédiat. L’illustration la plus
24
Dans son travail, l’artiste peut tirer les
ressources nécessaires qui lui permettent de
II. L’ART VISE AUTRE CHOSE QUE LA BEAUTE
créer un œuvre de l’esprit de la nature.
A) - L’art entend provoquer des émotions
Braque, Pensées sur l’art, (1963)
« L’artiste est le photographe du réel. » L’art moderne et contemporain nous met en présence
d’œuvres déconcertantes, souvent en rupture avec le
public. Ces œuvres modernes marquent une rupture avec
Problématique n°3 : l’art lui-même, semblant privilégier la laideur, parfois la
vulgarité.
L’art vise –t- il seulement la production de la
beauté ? Braque, Pensées sur l’art, (1963)
« L’art est fait pour troubler ou pour éveiller des
émotions. »
I. L’ART VISE LA CREATION DE LA BEAUTE
B) - L’art suscite la réflexion
A) - Le beau est le but ultime de la création artistique
Toute œuvre d’art invite à une certaine réflexion et
Toute œuvre d’art a pour finalité la ne laisse point l’homme indifférent. Ce dernier se
production du beau que Kant, dans Critique de penche sur la production artistique pour en faire un
la faculté de juger, (1790) considère comme : « Ce objet de pensée.
qui plaît universellement sans concepts. »
Marcel Duchamp, La Fontaine, (1997) « Dans l’art
moderne, l’art se prend lui-même comme objet de
Ce qui revient à dire que l’idée de beau réflexion et s’interroge sur les critères de la beauté. »
est universelle. Mais, le sentiment qui amène
une personne à apprécier la beauté d’une chose C) - L’art est un moyen de purification
est subjectif (individuel). C’est ce qu’on appelle
le jugement esthétique. De nombreux artistes prétendent que l’art est un
moyen d’élévation et de libération de l’âme se détachant
progressivement du corps. C’est donc un moyen de
B) - Le beau dévoile la véritable essence des purgation et d’évacuation des affects.
choses L’artiste se dispose à être vertueux et invite les
spectateurs à mener une vie sans reproche.
L’essence dans la philosophie de Platon
Aristote, Physique, (IVe siècle av. J.C)
renvoie à la réalité intelligible. Le beau se « L’art est une catharsis. »
rapproche donc de l’essence. Ainsi, dire que le
beau dévoile la véritable essence des choses, [Catharsis : mot grec désignant une purification produite
c’est considérer que la beauté d’une œuvre d’art chez les spectateurs par une représentation dramatique.]
montre sa véritable nature. Elle réussit donc à
plaire.
Platon, La République, (IVe siècle av. J.C) CONCLUSION
« L’art est une mimesis. »
La complexité de l’art lui donne un statut
spécial dans l’organisation des activités ayant pour
C) – En produisant une chose laide, l’artiste finalité de dévoiler les véritables piliers qui
réussit à séduire participent à donner à une civilisation ses lettres de
noblesse. Finalement, que l’artiste soit un imitateur
La présentation des horreurs, la reproduction ou un créateur ; qu’il veuille intentionnellement
artistique des choses qui nous semblent parfois créer le beau ou provoquer des émotions ; il est
repoussantes visent en premier lieu à susciter toujours à l’écoute de son temps. Ce qui fait de l’art
l’admiration de l’auditoire. D’où la conversion du un mode d’expression et de structuration du
jugement esthétique qui trouve que certaines choses sont rapport que nous avons avec le monde.
belles même quand leur beauté fait l’objet d’une remise
en cause.
25
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 8
« L’art doit embellir la vie, donc nous rendre nous-même tolérables aux autres et
agréable si possible : ayant cette tâche en vue, il modère et nous tient en bride, crée des
formes de civilité, lie ceux dont l’éducation n’est pas faite à des lois de convenance, de
propreté, de politesse, leur apprend à parler et à se taire au bon moment. De plus, l’art
doit dissimuler ou réinterpréter tout ce qui est laid, ces choses pénibles, épouvantables et
dégoutantes qui malgré tous les efforts, à cause des origines de la nature humaine,
viendront toujours de nouveau à la surface : il doit agir ainsi surtout pour ce qui est des
passions, des douleurs de l’âme et des craintes, et faire transparaitre, dans la laideur
inévitable ou insurmontable, son côté significatif. Après cette tâche dont la grandeur va
jusqu’à l’énormité, l’art que l’on appelle véritable, l’art des œuvres d’art n’est
qu’accessoires. L’homme qui sent en lui un excédent de ses forces qui embellissent,
cachent, transforment, finira par chercher à s’alléger de cet excédent par l’œuvre d’art ;
des circonstances, c’est tout un peuple qui agira ainsi. Mais on a l’habitude aujourd’hui, de
commencer l’art par la fin ; on suspend à sa queue, avec l’idée que l’art des œuvres d’art
est le principal et que c’est en partant de cet art que la vie doit être améliorée et
transformée. »
Nietzsche
TEXTE 9
Les artistes ont quelque intérêts à ce que l’on croie à leurs intuitions subites,
à leurs inspirations ; comme si l’idée de l’œuvre d’art, du poème, la pensée
fondamentale d’une philosophie tombait du ciel telle un rayon de la grâce divine.
En vérité, l’imagination du bon artiste ou penseur, ne cesse pas de produire du bon,
du médiocre et du mauvais, mais son jugement extrêmement aiguisé et exercé,
rejette, choisi, combine ; quant à celui qui est moins sévère dans son choix et s’en
remet volontiers à sa mémoire reproductrice, il pourra le cas échéant devenir un
grand improvisateur ; mais c’est un bas niveau que celui de l’improvisation
artistique au regard de l’idée choisie avec peine et sérieux pour une œuvre. Tous
les grands hommes étaient de grands travailleurs, infatigables quand il s’agissait
d’inventer mais aussi de rejeter, de trier, de remanier, d’arranger.
Nietzsche
26
LA TECHNIQUE - LE DEVELOPPEMENT – LE PROGRES
INTRODUCTION
N°2 : Le progrès technique inspire-t-il confiance ou
est- il source d’inquiétude ?
Approche définitionnelle
(conceptualisation) N°3 : La technique a-t-elle un impact sur le
développement des sociétés ?
Sur le plan étymologique, le mot technique
vient du grec technê qui renvoie à un savoir- Problématique n°1 :
faire.
La technique repose-t-elle sur l’intelligence ou sur
l’efficacité ?
Dans sa dimension philosophique, la
technique désigne l’ensemble des moyens
utilisés pour développer les performances de I. LA TECHNIQUE DEVOILE L’INTELLIGENCE
nos fonctions corporelles ou mentales afin
d’améliorer nos conditions d’existence.
A) -L’homme utilise son intelligence pour fabriquer
les outils
La technique est aussi l’application des
connaissances scientifiques.
Il y a un rapport étroit entre l’intelligence de
Le progrès désigne l’amélioration, la l’homme et la fabrication des outils pour
transformation qualitative de quelque chose ou transformer la matière à son profit. Les
d’une personne. Il est souvent synonyme de spécialistes de la préhistoire font de l’aptitude
développement. technique un critère essentiel d’humanité.
27
B) - L’intelligence humaine est dynamique 2)-Accroître la productivité et le rendement
dans le travail.
Dans la fabrication des outils, l’homme crée
des instruments de plus en plus performants et Marx, Le capital, (1867)
en fonction des difficultés qu’il rencontre. « L’utilisation de la machine rend le travail plus
L’outil n’est donc pas figé et donné une fois performant. »
pour toutes.
B) - Le progrès technique a un double
Bergson, L’évolution créatrice, (1907) « L’intelligence pouvoir
est la faculté de fabriquer des objets artificiels et d’en
varier indéfiniment la fabrication. » 1. Le pouvoir de connaitre les lois de la nature :
28
B) - Le progrès technique instrumentalise l’homme A) – La technique permet aux sociétés de s’ouvrir à la
cybernétique
Le développement de la technique fait de
l’homme un cobaye, un sujet d’expérimentation, L’ère de la cybernétique se manifeste
un simple objet dont se servent les scientifiques par un développement fulgurant des
pour atteindre leurs objectifs. infrastructures de toutes sortes dans les
sociétés dites modernes :
Simone Veil, Oppression et liberté, (1955) - Télémédecine ;
« Plus la technique est élevée, plus ses avantages - Vidéosurveillance ;
diminuent par rapport à ses inconvénients. » - Internet et les multiples applications de la
télévision numérique ;
- Transactions bancaires et financières par voie
C)- Le progrès technique a des effets néfastes sur électronique ;
l’environnement - Véhicules électriques avec biocarburant ;
29
l’idéologie de la destruction que dans
l’utilisation des machines numériques nocives :
bombes et explosifs commandés par téléphone,
etc.
CONCLUSION
30
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 10
Horkheimer
TEXTE 11
Descartes
31
LA RELIGION- FOI ET RAISON
Ces édifices ne sont que des lieux de célébrations des cultes et d’organisation des cérémonies religieuses. Ils
ne se confondent pas à la religion, mais permettent d’identifier la matérialité des institutions religieuses.
Objectif : Nous voulons savoir quelle est la La religion propose des réponses aux questions
raison d’être de la religion. existentielles. C’est donc dans la religion qu’on
trouve des explications sur l’origine du monde, sur
Problématiques : l’existence du destin, sur le sens de l’existence ou
sur la vie après la mort.
N°1 : Faut-il voir en la religion une dimension
essentielle pour l’homme et pour la société ou alors Heidegger, Lettre sur l’humanisme, (1929) « la religion
un obstacle au bien- être de l’homme et au meilleur propose, sous forme de dogmes, les réponses aux
fonctionnement de la société ? questions non résolues par la science. »
N°2 : La raison s’oppose-t-elle à la foi ? 3)- La religion révèle à l’homme la Vérité absolue
32
considèrent avoir reçu la révélation de la vérité Dans la religion, le croyant a tendance à se faire
absolue. On parle ainsi de religions révélées : une fausse représentation de la divinité. En effet, de
Christianisme, Judaïsme et Islam. nombreux croyants s’imaginent Dieu comme un
magicien capable de résoudre sur le champ tous les
Rudolph Carnap, La construction logique du monde, problèmes qu’on lui présente. Dans ce cas, le
(1951) « L’homme fait l’expérience du numineux croyant ne cherche pas à savoir si ce qu’il désire
qui se révèle à lui. » cadre avec la volonté de Dieu.
2) - La religion est un refuge pour les laissés pour [Il faut comprendre l’opium dans sa connotation
compte négative. C’est-à-dire une drogue qui neutralise
l’homme et le prive de sa capacité d’action.]
La religion se présente comme une
institution qui accueille des personnes
désespérées, des personnes en détresses, des C)- La religion comme source de division
personnes qui ont besoin d’assistance et de
réconfort. La religion sépare parfois plus qu’elle ne
rassemble. Ce qui divise les hommes ce sont les
Karl Marx, Le capital, (1867) croyances différentes, des pratiques particulières,
« La religion est un asile sûr pour les personnes ayant des conflits d’interprétations des textes, des
perdu l’espoir. » incompatibilités d’intérêts entre les leaders
religieux.
3)-La religion participe à la formation des Le fanatisme et l’intolérance sont aussi à l’origine
consciences de la séparation ainsi que de l’exclusion parmi les
hommes.
L’une des missions dévolues à la religion c’est
de travailler à l’éveil des consciences. De ce Rousseau, Lettre à d’Alembert, (1764)
point de vue, elle inculque aux membres de la « Le fanatisme est une fureur aveugle et stupide
société le sens des valeurs et de l’éthique : le que la raison ne retient jamais. »
bien, la justice, la vérité, etc.
D)- La religion est un instrument de domination
Kant, La religion dans les limites de la simple raison,
(1793) « La religion sans conscience morale n’est
qu’un culte superstitieux. » La religion peut servir à des fins
stratégiques et ceux qui s’en servent veulent
maintenir les croyants captifs des systèmes
d’oppression et silencieux devant les injustices
II. CRITIQUE DE LA RELIGION dont ils sont victimes.
A) - La religion est porteuse d’illusion
33
Strindberg, Petit catéchisme à l’usage de la classe II. OPPOSITION ENTRE FOI ET RAISON
inferieure, (1886),
« La religion est un besoin dont la classe A) - La raison remet systématiquement en cause les
supérieure s’est servie pour tenir la classe dogmes
inférieure sous sa domination. »
Il semble que la religion mette l’accent sur la foi
et l’acceptation dogmatique des croyances. Une telle
Problématique n°2 : approche s’oppose à la raison qui est, par principe,
capacité de remise en cause de ce qui est sacré.
La raison s’oppose-t-elle à la foi ?
Pierre Joseph Proudhon, De la création de l’ordre
I. LA RAISON ET LA FOI SONT COMPATIBLES dans l’humanité, (1843)
« Douter ou philosopher, aux yeux de la religion,
La foi est une attitude qui consiste pour c’est se placer dans la disposition de ne plus croire. »
l’homme à adhérer en toute confiance à la révélation
divine.
B) - Les principes de la raison sont opposés à la foi
La raison est une faculté qui permet à l’homme
de distinguer le bien du mal, le vrai du faux et de La raison exige de la logique, de la
rechercher la vérité. cohérence ; un esprit de vérification et de
démonstration. Or la foi, ne se soucie point de la
preuve. Ce qui est contraire aux exigences de la
A) - La raison permet à l’homme de comprendre sa rationalité
croyance
Diderot, Addition aux pensées philosophiques, (1762)
La raison est compatible avec la foi quand « Si la raison est un don du ciel, et que l’on puisse en
elle permet à l’homme de comprendre sa croyance. dire autant de la foi, le ciel nous a fait deux présents
Il devient donc capable de cerner le véritable incompatibles et contradictoires. »
contenu des dogmes auxquels il s’attachait
C)- La foi n’a pas besoin de preuve
aveuglement. La raison l’éclaire donc sur sa foi.
* Saint Augustin, Les confessions, (vers 400) La foi écarte le doute et toute tentative de
« Crois et tu comprendras, la foi précède, la raison démonstration. Elle est acceptation aveugle et sans
suit » justifications. Elle ne semble donc pas ouverte à la
distance critique qu’impose la raison.
B) -La raison pousse l’homme à expliquer
rationnellement sa foi Blaise Pascal, Pensées, (1670. Posth) « C’est le cœur
qui sent Dieu et non la raison… Le cœur a ses
La raison est un outil de clarification et le croyant raisons que la raison ne connaît point. »
qui s’en sert devient apte à tenir un discours
rationnel sur son expérience de croyant. C’est qui
semble justifier la raison d’être de la théologie qui se
veut un discours rationnel sur le phénomène et la
pratique religieuse. CONCLUSION
Paul Valadier, Le philosophe peut-il croire ? (2005), La religion demeure un lieu d’émancipation et de
« Toute démarche tendant à porter un discours de développement spirituel. Son rôle peut
sens sur les phénomènes religieux, reste recevable. » favorablement renforcer les liens entre les
personnes dans une communauté. Mais elle devient
C)- La raison et la foi participent à l’équilibre de parfois le lieu d’affrontement d’intérêts et
l’homme d’idéologies de nature à perturber le meilleur
fonctionnement d’une société. Il est donc
L’homme a besoin de croire pour satisfaire des souhaitable de donner à la religion une place de
besoins d’ordre spirituel. En même temps, il a choix dans la construction des bases qui fondent une
besoin de réfléchir sur le comment des choses. société.
Croire et réfléchir sont des postures
complémentaires dans la vie de l’homme.
34
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 12
Cicéron
TEXTE 13
Heidegger
35
LA TRADITION
1- Groupe de danse traditionnelle africaine en tenue d’apparat. 2- La cithare, est instrument de musique
traditionnel. 3- La voile est un bateau de voyage traditionnellement utilisé en Alsace depuis plusieurs siècles et
permettant aux alsaciens de se déplacer d’un lieu à un autre.
36
B) - La tradition emprisonne l’homme dans le passé
Njoh Mouelle, De la médiocrité à l’excellence, (1970)
« Il serait désastreux pour un peuple comme pour Il arrive parfois que certaines personnes
une personne de vivre strictement dans le plus deviennent prisonnières de leurs traditions
complet oubli du passé. »
ancestrales. En ce sens, elles sont assujetties
C)-La tradition a une valeur pédagogique aux pratiques et coutumes qui ne favorisent pas
leur épanouissement social, moral et
La vocation première de toute tradition consiste psychologique. La tradition peut donc nous
à: empêcher de vivre librement et pleinement
notre vie.
1)-Eduquer ou simplement travailler à la
Simone Veil, Oppression et liberté, (1955)
transmission des valeurs ancestrales.
« La tradition est négatrice de notre liberté et de
notre capacité à choisir. »
2)-Diffuser des savoir-faire et des connaissances
propres à une civilisation (instruction). Problématique n°2 :
3)- Transmettre des compétences nous Y a-t-il un rapport entre tradition et modernité ?
disposant à exercer une profession ou un
I.COMPATIBILITE ENTRE TRADITION ET MODERNITE
métier (formation).
Amadou Hampaté Bâ, recueils de contes initiatiques A) - La tradition peut devenir un vecteur de progrès
peuls, (1966)
« La tradition est le berceau de l’humanisation
progressive des individus. » Lorsque la tradition n’est pas un dépôt figé,
mais plutôt un cadre dynamique appelé à se
renouveler sans cesse dans le temps et dans
l’espace, elle devient un élément d’ouverture
II. LES DANGERS DE LE TRADITION
vers le progrès, voire vers le développement.
A) - La tradition peut être un obstacle pour le Ainsi, si le progrès apparaît comme « une loi
développement inscrite dans l’ordre de la nature et de la vie »
comme l’indique Auguste Comte, (Cours de
La tradition empêche l’évolution d’une société philosophie positives (1830) alors la tradition
quand elle est figée ou statique. Dans ce cas, elle peut favoriser ou encourager le progrès.
propose des attitudes ou des visions du monde
incompatibles avec l’évolution d’une société.
B) - La tradition est porteuse de valeurs ouvrant à la
modernité
Il en va ainsi de la conception traditionnelle du
pouvoir dans les sociétés africaines où le chef Il y a dans la tradition des indices qui
est le détenteur absolu du pouvoir pendant qu’il favorisent une certaine ouverture vers des
est en vie. idéaux modernes comme la maîtrise technique
Après son décès, la dévolution du pouvoir est du monde par l’homme ; le désenchantement du
essentiellement familiale. Cette vision ne cadre monde (l’homme démystifie le monde).
pas avec la conception et la dévolution du
pouvoir dans les sociétés africaines ouvertes à Max Weber, Economie et société (1956)
la démocratie. « L’homme moderne vide le monde de son mystère. »
37
II. OPPOSITION ENTRE TRADITION ET MODERNITE
CONCLUSION
38
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 14
Il serait désastreux pour un peuple comme pour une personne individuelle de vivre
strictement dans le plus complet oubli du passé. Il y a une valeur dans la tradition en tant
que telle ; c’est la sauvegarde de l’unité de caractère sans laquelle le peuple tout comme
l’individu n’aurait pas de personnalité identifiable. La tradition parle au nom de la
continuité et contre la discontinuité. Et, par-delà les considérations particulières, il y a la
tradition universelle d’humanité. D’une étape à une autre de l’existence d’un peuple, on
doit pouvoir retrouver véhiculée la même attention, la même préoccupation pour
l’humain. Ce qui, dans la tradition, devrait être transmis du passé au présent c’est un
certain sens de l’humain par lequel l’humanité se conserverait sinon en tant que fait, du
moins en tant qu’idéal. La tradition est un appel au souvenir de soi sous peine de vivre
une existence décousue et somnambulique ; il faut se souvenir du devoir- être qui est
placé tout aussi bien derrière que devant nous.
Njoh Mouelle
TEXTE 15
Hegel
39
LOGIQUE ET MATHEMATIQUES
Syllogisme
déduction
έ induction analogie
Ad hominem
Concession
INTRODUCTION
démonstration nous garantit d’atteindre une
connaissance certaine.
Approche définitionnelle
(conceptualisation). Aristote, Seconds analytiques, (IVe siècle av. JC)
« Savoir c’est connaître par le moyen de la
démonstration. »
La logique désigne la science qui étudie le
raisonnement sous toutes ses formes.
B)- La tendance à bien penser ou à construire des
raisonnements logiques :
La logique mathématique renvoie à la
théorie scientifique des raisonnements. Celui qui fait les mathématiques est
généralement cohérent dans sa démarche. Les
Les mathématiques représentent la propositions qu’il énonce s’enchaînent et
science qui étudie les nombres, les figures et les respectent les trois grands principes de la
espaces. Les mathématiques sont ainsi un logique : l’identité, la non contradiction et le
assemblage de domaines : l’algèbre, la tiers - exclu.
géométrie, la physique spatiale, l’astronomie.
C’est ce qui explique l’utilisation d’un Arnaud et Nicole, La logique ou l’art de bien penser,
déterminant pluriel (les). (1662) « La logique consiste à bien conduire sa
raison dans la connaissance des choses. »
Objectif : Nous voulons comprendre s’il y a un
rapport entre la logique et les mathématiques. C)- Les mathématiques permettent de connaître les
lois de l’univers
Problématique :
De nombreux philosophes montrent que
l’univers (cosmos) est composé d’un ensemble
N°1 : Les mathématiques sont–elles indispensables ?
de lois. Ces lois sont codifiées dans un langage
N°2 : Peut-on séparer logique et mathématiques ? mathématique. Par conséquent, seules les
mathématiques permettent de découvrir ou de
décrypter les lois du cosmos.
Problématique n°1
Galilée, Saggiatore, (1623) « Le livre de l’univers
Les mathématiques sont –elles est écrit dans la langue mathématique […] sans les
indispensables ? mathématiques, il est humainement impossible d’en
comprendre un seul mot. »
I – LES MATHEMATIQUES SONT INDISPENSABLES
A)- Elles nous permettent de faire des II – LES CRITIQUES EMISES CONTRE LES
démonstrations de manière rigoureuse et précise MATHEMATIQUES
40
Selon un préjugé défavorable, les A) - Similitudes entre logique et mathématiques
opérations mathématiques semblent difficiles à
ceux qui ne font pas un effort de se rendre La logique et les mathématiques ont des
capable de manipuler les abstractions : l’étude points communs :
des mathématiques amène l’homme à se
familiariser avec les nombres et les chiffres. - Ce sont des sciences pures (qui portent
Cela lui permet d’opérer un travail d’élévation sur des objets de nature abstraite et ne
vers le monde intelligible ; le monde de ce que nécessitent pas le recours à l’expérience).
Platon appelle « les idéalités pures » ou encore des
êtres intelligibles. - Elles procèdent par la même méthode : la
méthode qui consiste à partir d’une
B) -Les mathématiques semblent réservées à une hypothèse abstraite pour déduire une
élite conclusion toute aussi abstraite.
Or, de nombreuses personnes pensent que Auguste Comte, Cours de philosophie positive,
leur incapacité à réussir les situations (1830) « les sciences pures opèrent à partir d’une
géométriques et les opérations algébriques est méthode hypothético- déductive. »
due à la difficulté des mathématiques. Ceci les
B) - Complémentarité entre logique et
amène à croire que cette discipline est réservée mathématiques
à une élite intellectuelle. Ces personnes utilisent
d’ailleurs comme prétexte les propos de Platon. La logique et les mathématiques se complètent
mutuellement.
- Platona fait écrire sur le fronton de son
académie cette inscription :" Nul n’entre ici s’il - Car la logique permet aux mathématiques
n’est géomètre." d’avoir la cohérence nécessaire et de savoir
enchaîner les propositions mathématiques
C) -Les mathématiques ne peuvent pas tout
démontrer
pour qu’elles tiennent du point de vue de la
raison. On parle ainsi de la validité logique
Les mathématiques déduisent des vérités des propositions mathématiques.
à partir de la démonstration. Mais cette
prétention peut nous amener à poser l’existence - Les mathématiques, quant à elles, prêtent
des réalités dont on ne peut faire l’expérience. à la logique le langage nécessaire dont elle a
Notamment l’existence de Dieu et celle de l’âme. besoin pour formuler ses propositions. La
logique s’exprime alors dans un langage
D’après Hume, la déduction mathématique.
mathématique ne vaut que pour les objets
Russell, Introduction à la logique mathématique,
mathématiques, lesquels n’ont pas d’existence (1952) « La logique est la jeunesse des mathématiques
réelle, puisque ce sont les produits de l’esprit. et les mathématiques sont la virilité de la logique. »
La déduction ne nous certifie donc pas que les
choses existent puisque c’est l’expérience qui II. DISTINCTION ENTRE LOGIQUE ET
est capable de nous garantir l’existence réelle MATHEMATIQUES
de quelque chose. A) - La logique et les mathématiques ont des objets
d’étude différents
- Hume, Enquête sur l’entendement humain, (1748)
« Si nous raisonnons a priori, n’importe quoi peut Même si la logique et les mathématiques
paraître capable de produire n’importe quoi. »
semblent pratiquement indissociables, il ne faut
Problématique n°2
pas les confondre : ce sont des domaines
distincts avec des objets d’études différents.
Peut-on séparer logique et mathématiques ?
- Le raisonnement qui intéresse la logique
n’est pas à confondre avec les figures ou les
I. LOGIQUE ET MATHEMATIQUES SONT
INSEPARABLES
nombres qui relèvent du domaine des
mathématiques.
41
Russell, Introduction à la logique mathématique,
(1952) « Les mathématiques et la logique diffèrent
comme un enfant diffère d’un homme. »
Conclusion
42
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 16
Les hommes peuvent avoir des démonstrations rigoureuses sur le papier, et en ont
sans doute une infinité. Mais sans se souvenir d’avoir usé d’une parfaite rigueur, on ne
saurait avoir cette certitude dans l’esprit. Et cette rigueur consiste dans un règlement
dont l’observation sur chaque partie soit une assurance à l’égard du tout ; comme dans
l’examen de la chaine par anneaux, où, visitant chacun pour voir s’il est ferme, et prenant
des mesures avec la main pour n’en sauter aucun, on est assuré de la bonté de la chaîne.
Et par ce moment on a toute la certitude dont les choses humaines sont capables. Mais je
ne demeure point d’accord qu’en mathématiques les démonstrations particulières sur la
figure qu’on trace fournissent cette certitude générale. Car il faut savoir que ce ne sont
pas les figures qui donnent la preuve chez les géomètres. La force de la démonstration est
indépendante de la figure tracée, qui n’est que pour faciliter l’intelligence de ce qu’on veut
dire et fixer l’attention ; ce sont les propositions universelles, c’est-à-dire les définitions,
les axiomes, et les théorèmes déjà démontré qui font le raisonnement et le soutiendraient
quand la figure n’y serait pas.
Leibniz
TEXTE 17
Spinoza
43
LES SCIENCES : SCIENCES DU VIVANT –SCIENCES DE L’HOMME- SCIENCES DE LA MATIERE
INTRODUCTION
A) - Le vitalisme comme approche de
Approche définitionnelle compréhension du vivant
(conceptualisation).
Les êtres vivants sont
La science procède d’un effort de caractérisés par des fonctions propres :
l’homme pour comprendre les phénomènes l’assimilation (nutrition), la croissance et la
naturels. reproduction. Les vitalistes définissent la vie
comme « l’ensemble des fonctions qui
Elle désigne l’ensemble des connaissances résistent à la mort ». Ils considèrent qu’il y a
rationnelles acquises à partir des méthodes un principe vital, un souffle de vie qui anime
rigoureuses. les organismes vivants. Ce principe c’est
l’âme.
Il existe ainsi plusieurs types de sciences :
les sciences naturelles (sciences du vivant et Aristote, Physique, (Ive siècle av. J.C) « l’âme : ce
principe de vie qui anime le vivant. »
sciences de la matière) ; les sciences humaines ou
sociales ; les sciences formelles. B) - Le mécanisme tente de comprendre le
vivant
- Les sciences du vivant ce sont les sciences
qui interrogent ce qui anime les êtres Le vivant est comparé à une
vivants et les caractérise en tant que tels. machine qui se ramène au corps, pur
assemblage de parties reliées les unes aux
- Les sciences de la matière ce sont les autres sans intention ni finalité, uniquement
sciences qui étudient les choses étendues animé par le mouvement de ses parties. En
dans l’espace ; les choses perceptibles. étudiant le vivant, on interroge les différents
rouages d’un corps, chercher ce qui les relie
- Les sciences de l’homme ce sont les et expliquer leurs mouvements, leurs
sciences qui se proposent de comprendre pressions, leurs chaleurs.
l’activité humaine ou sociale par
l’interprétation des phénomènes humains François Jacob, La logique du vivant, (1970)
ou sociaux. « La biologie moderne a l’ambition d’interpréter
les propriétés de l’organisme par la structure des
molécules qui le constituent. »
Objectif : Nous voulons comprendre quelle
est la raison d’être de la science dans ses
multiples variantes. C)- Le matérialisme : une autre démarche
dans la saisie du vivant
Problématiques :
Le matérialisme considère que
N°1 : Les sciences du vivant peuvent-elles cerner ce la matière vivante est une matière comme
qui constitue l’essentiel de l’être vivant ? une autre. Elle est simplement plus complexe.
N°2 : Les sciences humaines sont-elles capables de
Les physiologistes insistent sur la nécessité
comprendre l’homme et tous les phénomènes de réduire les causes du
humains ? Vivant à des échanges physico-chimiques.
L’expérimentation consiste alors à suivre les
Problématique n°1 : étapes d’une fonction jusqu’à en découvrir
l’organe (par exemple, la fonction
Les sciences du vivant peuvent-elles cerner ce qui productrice du glucose par le foie humain.)
constitue l’essentiel de l’être vivant ?
Claude Bernard, Introduction à l’étude de la médecine
I. LES SCIENCES TENTENT DE COMPRENDRE expérimentale, (1865) « Toutes les propriétés de la
L’ETRE VIVANT matière vivante sont, au fond, des propriétés
physico-chimiques. »
44
Elles ont pour objet des phénomènes dont
II.LES SCIENCES DU VIVANT RESTENT LIMITEES l’homme est le sujet, l’auteur et le lieu ; et veulent
DANS LA TENTATIVE DE COMPREHENSION DE comprendre les motifs qui poussent les hommes à
L’ETRE VIVAN agir comme ils le font (sociologie, psychologie,
linguistiques, l’anthropologie, etc.).
A) - La vie demeure un mystère
Max Weber, Economie et société (1956) « La
Le biologiste Jacques Monod compare la vie à un sociologie c’est la science qui se propose de
numéro sorti du loto et qui nous ferait gagner un comprendre par l’interprétation l’activité
milliard. Ceci pour indiquer que nous sommes toujours sociale et, par-là, d’expliquer causalement son
confrontés, malgré nos connaissances, à la question de déroulement et ses effets. »
savoir comment le hasard a rendu possible la vie et
comment l’évolution de celle-ci a rendu possible B) - Les sciences humaines étudient les
l’homme. phénomènes sociaux
La science ne saurait donc pas dire avec L’homme est un être qui vit en compagnie
certitude ce qu’est véritablement la vie même si elle de ses semblables dans un cadre organisé. Il évolue
s’efforce de cerner les mécanismes de fonctionnement donc dans une organisation sociale dont les
du vivant. sciences humaines se proposent de décrire les
interactions et les mécanismes de fonctionnement.
B) - Les limites de l’expérimentation scientifique On parle ainsi des phénomènes sociaux.
Si les sciences du vivant procèdent à des La saisie des phénomènes sociaux se
expérimentations pour constituer la connaissance des rapporte implicitement à la compréhension des
organismes vivants, cette expérimentation n’est pas modalités d’organisation instituées par l’homme. Ce
toujours fiable. Car elle s’appuie essentiellement sur dernier est le créateur de l’organisation sociale et
des paramètres matériels. l’acteur du fait social.
Par conséquent, on arrive à des Durkheim, Les règles de la méthode sociologique,
connaissances à caractère conventionnelles qui ne (1895) « La première règle et la plus
nous garantissent pas une connaissance certaine de ce fondamentale est de considérer les faits sociaux
qu’est la vie. Connaître les mécanismes de comme des choses. »
fonctionnement du vivant, ce n’est donc pas connaître
la vie. Celle-ci va au-delà de la simple dimension I. LES PROBLEMES QUE POSENT LES
expérimentale. SCIENCES DE L’HOMME
Claude Bernard, Introduction à l’étude de la médecine A) - Le problème de l’objectivité dans les
expérimentale, (1865) « Quand nous qualifions un sciences humaines
phénomène de vital, cela équivaut à dire que c’est
un phénomène dont nous ignorons la cause L’objectivité scientifique suppose que le
prochaine ou les conditions. » regard de l’observateur n’influe pas sur la réalité
qu’il observe. Ce qui paraît être le cas dans les
Problématique n°2 : sciences exactes comme la physique et la chimie.
Les sciences humaines sont-elles capables de Mais quand un individu étudie le
comprendre l’homme et tous les phénomènes comportement de ses semblables, il peut être
humains ? influencé par des opinions, des préjugés, des
intentions qui risquent de fausser l’interprétation
II. LE RÔLE DES SCIENCES DE L’HOMME des phénomènes observés. Les sciences humaines,
en tant que sciences de l’interprétation, sont parfois
A) - Les sciences humaines ont comme entachées par la subjectivité de ceux qui les font.
objet d’étude l’homme
Lucien Goldman, Sciences humaines et philosophie,
Les sciences humaines regroupent un (1952) « Dans les sciences humaines, le
ensemble de disciplines ayant pour objet l’homme et chercheur aborde souvent les faits avec des
ses comportements individuels et collectifs, passés ou catégories et des prénotions qui lui ferment
présents. Les sciences humaines entendent découvrir d’avance le chemin d’une compréhension
le sens de la réalité humaine ainsi que la portée des objective. »
phénomènes et manifestations humaines.
45
B) - La complexité de l’homme pose problème Parmi les obstacles épistémologiques, il y a les
dans les sciences humaines préjugés (idées préconçues) ; la précipitation ;
les sens ; l’observation spontanée ; etc.
La philosophie de Montaigne
nous enseigne que l’homme est un être Bachelard, La formation de l’esprit scientifique, (1938)
divers et ondoyant. Or, la science « La science se construit par obstacles
présuppose la fixité de son objet. L’homme épistémologiques surmontés »
est un concept qui englobe une multiplicité D)- L’impact positif de la science dans la vie de
d’individualités contradictoires. C’est donc l’homme
en réalité un objet indéterminé.
- Elle permet à l’homme de démystifier les
Michel Foucault, Les mots et les choses, (1966) « La lois de la nature
mort de l’homme" dans les sciences humaines,
désigne la disparition d’un concept qu’on croyait Descartes, Discours de la méthode, (1637)
au centre de certaines sciences […] Il n’y a pas de souhaite que l’homme devienne « Maître et
science de l’homme, mais les sciences des possesseur de la nature. »
phénomènes humains. »
- Elle contribue grandement à la lutte
contre les maladies les plus incurables,
prolongeant ainsi l’espérance de vie
Quelques idées supplémentaires sur la
science Simone Weil, Oppression et liberté, (1955)
« L’acharnement technique est favorable à
l’amélioration des conditions de santé de l’homme. »
Les caractéristiques fondamentales
de la science
E) - L’impact négatif de la science
A) - La falsifiabilité
- La science instrumentalise l’homme et
C’est un principe qui veut qu’en fait de lui le sujet des expérimentations
science, une théorie ne soit valide que si elle scientifiques. Ce qui montre qu’elle est
peut être infirmée par l’expérience. Si on ne parfois dépourvue d’une éthique.
peut vérifier une d’une proposition
scientifique c’est qu’elle soit soumise à Edgar Morin, Le paradigme perdu : la nature
l’alternative du vrai ou du faux. humaine, (1973), reprenant Rabelais,
« Science sans conscience n’est que ruine de
KARL Popper, Conjectures et réfutations, (1963) « Le l’âme. »
critère de la scientificité d’une théorie réside
dans la possibilité de l’invalider, de la réfuter ou - Les progrès scientifiques constituent une
encore de la tester. » menace à la préservation de la
B) - La rupture avec l’opinion biodiversité. Car plusieurs espèces
humaines sont exposées à la disparition
L’opinion désigne la à cause de l’acharnement des
connaissance commune. Elle est scientifiques.
vraisemblable. Ceci veut dire qu’elle peut
être vraie ou fausse. La science, en revanche, Conclusion
est la connaissance du nécessaire, c’est-à- La science reste le domaine par excellence de
dire de ce qui ne peut être autrement qu’il la construction de la connaissance aussi bien
n’est. Seule la science peut donc prétendre à des phénomènes naturels que des phénomènes
la vérité. humains. Elle ne cesse de se perfectionner au
fur et à mesure que s’améliorent les
Bachelard, La formation de l’esprit scientifique, potentialités de l’intelligence humaine. Elle est
(1938) « La science, dans son besoin donc utile pour la démystification de l’univers.
d’achèvement comme dans son principe, s’oppose Mais, comme toute œuvre humaine, elle reste
absolument à l’opinion. » perfectible et a surtout besoin d’être éclairée
C)- Le dépassement des obstacles par des repères éthiques et moraux.
épistémologiques
46
On entend par obstale épistémologique
tout ce qui empêche le scientifique
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 18
Robert Blanché
TEXTE 19
TEXTE 20
Nous sommes cultivés au plus haut degré par l’art et par la science. Nous sommes
civilisés, jusqu'à en être accablés, par la politesse et les bienséances sociales de toute
sorte. Mais nous sommes encore loin de pouvoir nous tenir pour déjà moralisés. Si en
effet l’idée de moralité appartient bien à la culture, la mise en pratique de cette idée qui
n’aboutit qu’à une apparence de moralité dans l’amour de l’honneur et la bienséance
extérieure, constitue simplement la civilisation. Or tant que les Etats jettent toutes leurs
forces dans leurs projets d’extension vains et violents, tant qu’ils entravent ainsi sans
cesse le lent effort de formation intérieure du mode de penser de leurs citoyens et qu’ils
leur retirent ainsi toute aide en vue de cette fin, une fin semblable ne peut être atteinte,
car sa réalisation exige que, par un long travail intérieur, chaque communauté forme ses
citoyens. Or, tout bien qui n'est pas greffé sur une intention moralement bonne n’est
qu’apparence criante et brillante misère. C’est dans cet état que l’espèce humaine restera
jusqu’à ce qu’elle s’arrache par son travail (…) à l’état chaotique de ses relations
internationales.
Kant
47
LA VERITE
2- L’encyclopédie est une somme de connaissances relevant de tous les domaines de la science. Elle contient généralement des
vérités scientifiques.
3- Le microscope est un instrument de laboratoire qui participe à la découverte d’une vérité de fait.
- La correspondance
Objectif : Nous voulons comprendre quels sont les
moyens et les difficultés que suppose la recherche de
Pour le sens commun, est vrai ce qui est
la vérité. exact, juste ou encore ce qui est conforme à la
nature des choses. Chez la plupart des
Problématiques : philosophes, la vérité consiste dans une
ressemblance entre le discours et les faits qu’il
N°1 : Est-il possible pour l’homme d’atteindre la exprime ; entre l’idée et la réalité ; entre le
vérité ? jugement et la chose.
Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique, (1274)
« On définit la vérité comme la conformité de
l’intellect et du réel. »
48
- La cohérence
La vérité consiste dans l’accord des idées Cela signifie que l’homme est obligé de
entre elles ; dans la non contradiction des supposer l’existence de certaines réalités avant
jugements. d’en parler.
Problématique n°3 :
C- Elle peut causer le traumatisme chez
Une personne.
Quelle posture l’homme peut-il adopter dans ses
rapports avec les autres : le devoir de vérité ; le choix Benjamin Constant, Réactions politiques, (1797)
de se taire quand on connaît la vérité ou le recours au « Nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui. »
mensonge ?
D- La révélation d’une vérité peut susciter la
I. LE DEVOIR DE VERITE
rancœur, le sentiment de haine et le désir
de vengeance.
La vérité mérite d’être dite ou dévoilée dans les
relations humaines. E- Elle peut devenir un prétexte pour
imposer aux faibles notre logique
Sur le plan moral, les hommes sont tenus de (prétexte hégémonique.)
dire la vérité. Ceci pour plusieurs raisons :
III.LE RECOURS AU MENSONGE
- La vérité est fondatrice de relations
durables, solides et favorise l’instauration Le mensonge consiste à affirmer
de la confiance entre les personnes. volontairement le contraire de ce que l’on pense
être vrai.
Nietzsche, Par-delà le bien et le mal, (1886) A. Le mensonge peut servir à sauver des
« L’homme exige la vérité et la réalise dans le vies
commerce moral avec les autres hommes. » Benjamin Constant, Réactions politiques, (1797)
« Dire la vérité ne doit pas être un devoir absolu... la
- La vérité est une valeur et un idéal à vie est plus précieuse que la vérité. »
rechercher en permanence.
B. Le mensonge peut prévenir les
Aristote, Ethique à Nicomaque, (IVe siècle av. J.C)
conflits
« C’est pour nous un devoir sacré d’accorder la Marcel Aymé, Les quatre vérités, (1954), « Un
préférence à la vérité. » mensonge bien fais vaut mieux qu’une méchante
vérité. »
- La vérité libère et soulage la conscience
d’une personne.
CONCLUSION
- La vérité est comparable à une lumière
La vérité est une question extrêmement
qui éclaire les zones d’ombres
complexe dont le traitement est variable selon
la logique dans laquelle on se trouve. Elle reste
Antoine Claude Gabriel Jaubert, Le trésor de
pensées, (1852), « La vérité est le soleil de
primordiale tant dans le champ de la morale
l’intelligence » que dans celui de la recherche scientifique.
L’important serait alors de savoir donner à la
vérité la primauté suffisante pour qu’elle
II. LE SILENCE COMME STRATEGIE DE CONSERVATION continue à être un idéal auquel les hommes
D’UNE VERITE NUISIBLE pourraient parvenir malgré les multiples
tâtonnements.
50
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 21
L’homme exige la vérité et la réalise dans le commerce moral avec les hommes ;
c’est là-dessus que repose toute vie en commun. On anticipe les suites malignes des
mensonges réciproques. C’est là que naît le devoir de vérité. On permet au mensonge au
narrateur épique parce qu’ici aucun effet pernicieux n’est à craindre. Donc là où le
mensonge a une valeur agréable il est permis : la beauté et l’agrément du mensonge, à
supposer qu’il ne nuise pas. C’est ainsi que le prêtre imagine les mythes de ses dieux : le
mensonge justifie leur grandeur. Il est extraordinairement difficile de se rendre à
nouveau vivant le sentiment mythique du mensonge libre. (…) Là où l’on ne peut rien
savoir de vrai, le mensonge est permis. Tout homme se laisse continuellement tromper
dans le rêve. La tendance à la vérité est une acquisition beaucoup infiniment plus lente de
l’humanité.
Nietzsche
TEXTE 22
Pour le menteur, le trompé est un objet manié, non son égal. Il est à peine
nécessaire d’ajouter que le mensonge n’est pas limité au discours : non seulement
l’expression, le geste, le silence peuvent mentir, des actes qui directement n’expriment
aucune opinion peuvent y servir, il n’y a rien d’humain qui ne puisse tromper l’homme,
tout peut être mis au service de la ruse, à tel point que la vérité même non seulement peut
tromper, mais remplir, selon l’intention de celui qui ainsi dit « la vérité », les fonctions du
mensonge dans des milieux civilisés, c’est la forme parfaite de la tromperie, et l’histoire
est remplie de vérités dites dans des conditions et avec des formules telles que,
paraissant incroyables et interprétées comme vantardise ou contre-vérité, elles ont rendu
à leurs auteurs plus de service que n’aurait fait le déguisement le plus habile d’une pensée
et d’intentions que, par un habile calcul, on a exprimées avec une franchise brutale, assez
brutale pour être considérée comme mensonge
Éric Weil
51
AUTRUIUI
Trois personnes collaborent dans un Un orateur en pleine Trois enfants sont pris en photo préméditée.
orchestre. Chacune d’elles joue un opération de séduction d’un Chacun d’eux essaye de se laisser filmer dans son
instrument distinct. Ensemble, elles auditoire. L’autre s’adresse plus bel aspect. Ils ont l’air naturel. Mais ils
produisent une symphonie pluri sonore. à nous pour nous séduire, sourient parce qu’on leur a fait croire que c’est
Ceci montre qu’on peut collaborer avec nous manipuler, nous normal de sourire quand on est pris en photo.
l’autre. persuader. L’autre peut jouer un personnage.
Objectif : Nous voulons comprendre comment se B)- L’amitié : c’est un moyen de connaissance des
manifeste notre rapport ou notre relation avec autres.
l’autre.
Problématiques : Kant, Doctrine de la vertu, (1797)
« L’amitié est l’union de deux personnes liées par un
amour et un respect égaux et réciproques. »
N°1 : Est-il possible de connaître autrui ?
C)- Le conflit comme moyen de découvrir l’autre
N°2 : L’autre est-il nécessaire à la connaissance
de soi ? Le conflit avec l’autre nous donne
l’occasion de découvrir de quoi il est capable
N°3: L’autre est- il indispensable pour nous ou
pour se faire reconnaître.
alors un obstacle à notre épanouissement ?
52
Hegel, Phénoménologie de l’esprit, (1807)
« Toute conscience se pose en s’opposant aux autres B)- Le jugement d’autrui nous révèle notre
consciences. » personnalité
D)- L’adversité nous dévoile le visage de l’autre L’autre nous permet de nous voir tel qu’il
nous perçoit. C’est pourquoi à travers un acte
Dans les situations difficiles ou encore les honteux, le regard d’autrui nous nous
moments d’infortune de la vie, on peut arrachons à nous-même et nous nous voyons
véritablement jauger la sincérité et l’intégrité tel que nous apparaissons à autrui.
des autres.
Jean-Paul Sartre, L’être et le néant, (1943)
Descartes, Les passions de l’âme, (1649) « Autrui est le médiateur indispensable entre moi et
« La pitié est une espèce de tristesse mêlée d’amour moi-même. »
envers ceux à qui nous voyons souffrir quelque mal
duquel nous les estimons indignes. » II.L’AUTRE PEUT DEVENIR UN OBSTACLE A LA
CONNAISSANCE DE SOI
II.LE CÔTÉ INSAISISSABLE DE L’AUTRE A)- L’autre nous donne une fausse image de nous
Même s’il est possible de cerner quelques On n’arrive pas toujours à découvrir ce que
aspects de la personnalité de l’autre. Il nous est nous sommes en se fiant aux autres. Car ils
pratiquement impossible de le connaître peuvent nous donner une fausse image de nous
totalement. Ceci se justifie par plusieurs et nous amener à mal nous connaître.
raisons :
B)- L’autre manque de sincérité
A)- L’autre ne cesse de nous échapper
La flatterie, la complaisance, l’hypocrisie et le
Gilles Deleuze, Logique du sens, (1969) souci de plaire l’empêche de nous dire ce que
« L’autre est un mystère inépuisable… que nous nous sommes vraiment.
n’aurons jamais fini de connaître. »
Blaise Pascal, Pensées, (1670.posth.) « Si tous les
B)- L’autre est changeant et peut nous donner une hommes savaient ce qu’ils disent les uns des autres,
image de façade. il n’y aurait pas quatre amis sur terre. »
Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Gabriel Marcel, Journal métaphysique, (1927) « Le ciel
(1946) c’est les autres. »
« L’autre est indispensable à mon existence, aussi
bien d’ailleurs à la connaissance que j’ai de moi. »
53
B) -L’autre est nécessaire à la prise de conscience de
soi.
Problématique n°4 :
L’autre travaille parfois à nous rendre la vie Plutôt que de le rejeter pour sa différence, il
difficile quand il s’oppose à nos intérêts. Des est souhaitable de le considérer comme « ce
fois, il ternit notre image ; trahit notre moi qui n’est pas moi » ainsi que nous le
confiance ; nous donne des mauvais conseils ; montre Sartre son ouvrage l’Etre et le néant
nous induit en erreur, etc. (1943)
Jean-Paul Sartre, l’Etre et le néant, (1943) « Ma chute C)- Autrui est source d’exigence morale
originelle c’est l’existence de l’autre. »
Nous considérons parfois l’autre comme
C)- La violence et l’agressivité de l’autre portant en lui la marque de la transcendance.
Nous voyons en lui une personne faite à l’image
L’autre est essentiellement violent et cette et à la ressemblance de Dieu. C’est pourquoi en
violence est souvent orientée sur nous. C’est sa présence, nous nous interdisons de lui faire
sur nous qu’il exprime son agressivité. Nous du mal.
sommes le champ d’expression de ses pulsions
violentes. Emmanuel Levinas, Totalité et Infini, (1961)
« L’autre est celui dont le visage est porteur de
Thomas Hobbes, Léviathan, (1651) « L’homme est un l’interdiction suivante : "tu ne tueras point." »
loup pour l’homme. »
54
II. LA DECONSIDERATION DES AUTRES
A) – Le refus de la différence
B) – La négation de l’autre
CONCLUSION
55
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 23
Apprendre à se connaître est très difficile et un très grand plaisir en même temps.
Quel plaisir de se connaître ! Mais nous ne pouvons pas nous contempler nous-mêmes à
partir de nous –mêmes : ce qui le prouvent ce sont les reproches que nous adressons à
d’autres, sans nous rendre compte que nous commettons les mêmes erreurs, aveuglés
que nous sommes, pour beaucoup d’entre nous, par l’indulgence et la passion qui nous
empêchent de juger correctement. Par conséquent, à la façon dont nous regardons dans
un miroir, quand nous voulons voir notre visage, quand nous voulons apprendre à nous
connaître, c’est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrions nous
découvrir, puisqu’un ami est un autre soi-même. Concluons : la connaissance de soi est un
plaisir est un plaisir qui n’est pas possible sans la présence de quelqu’un qui soit notre
ami, l’homme qui se suffit à soi-même aurait donc besoin d’amitié pour apprendre à se
connaître soi-même.
Aristote
TEXTE 24
La compassion est une impression maladive produite par la vue des misères
d’autrui ou encore un chagrin causé par les maux d’autrui, que nous trouvons immérités ;
or le sage n’est sujet à aucune maladie morale ; son esprit est serein et nul évènement au
monde n’est capable de l’assombrir. En outre, rien ne sied à l’homme autant que la
grandeur des sentiments : or ceux qui ne peuvent être à la fois grands et tristes ; le
chagrin brise l’âme, l’abat, la resserre. C’est ce qui n’arrivera point au sage même à
l’occasion de ses malheurs ; tous les traits de la fortune acharnée contre lui feront
ricochet et se briseront à ses pieds ; il gardera toujours le même visage, calme, impassible,
ce qui ne lui serait pas possible si le chagrin avait accès en lui. Ajoute que le sage sait
prévoir les choses et qu’il a dans son esprit des ressources toujours prêtes : or jamais une
idée claire et pure ne vient d’un fond agité. Le chagrin sait mal discerner la vérité,
imaginer des mesures utiles, éviter des dangers, apprécier équitablement les dommages ;
donc le sage n’a point de commisération, puisque ce sentiment ne peut exister sans
misère morale. Tout ce que j’aime voir faire aux personnes compatissantes, il le fera
volontiers et d’une âme haute ; il viendra au secours de ceux qui pleurent, mais sans
pleurer avec eux ; il tiendra la main au naufragé, donnera l’hospitalité au banni, l’aumône
à l’indigent, non pas cette aumône humiliante que jette la plupart de ceux qui veulent
passer pour compatissants, mais il donnera comme un homme qui fait part à un autre
homme des biens communs à tous.
Sénèque
56
L’ETHNIE
L’ethnie est- elle indispensable au sein d’une Il y a donc dans les groupes ethniques, le
organisation sociale ou alors une menace à l’unité développement d’une chaîne de solidarité à partir de
d’une société ? laquelle les personnes de la même ethnie
s’entraident, se soutiennent et se sentent
solidaires.
57
fond d’affinité ethnique. Ce qui donne lieu à de
fortes concentrations des populations de la Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme,
même ethnie dans certains quartiers. (1951) « Le repli identitaire est un indice qui
déclenche un cycle de violence dans une
communauté. »
Max Weber, Economie et société, (1956)
« Le phénomène ethnique entraîne l’ethnicité ou B) - L’instrumentalisation de l’ethnie est porteuse de
le sentiment de partager une ascendance haine et de rejet
commune. »
L’ethnie peut être instrumentalisée par des
C)- La diversité ethnique dévoile la richesse investisseurs politiques qui travaillent à la mise en place
culturelle d’une société des mécanismes capables de déstabiliser l’équilibre et la
tranquillité d’une société.
Les sociétés multiethniques ont généralement
une culture hétérogène composée de plusieurs L’ethnie devient donc un facteur de sous-
horizons. On parle ainsi des sociétés arc – en-ciel développement lorsqu’elle encourage le refus de la
en raison de la diversité des composantes. Une collaboration inter-ethnique, la destruction des valeurs
telle diversité reflète l’immense richesse culturelle fondatrices de l’unité sociale et l’intolérance de la
d’une société. différence ethnique.
58
SUPPORT TEXTUEL
TEXTE 25
Eboussi Boulaga
59
LA SOCIETE ET LA NATION
INTRODUCTION
N°2 : Qu’apporte exactement aux hommes le fait
Approche définitionnelle de vivre en société ?
(conceptualisation).
Ainsi, le mot société vient du latin socius qui signifie I. LA SOCIETE / LA NATION COMME UNE DONNEE
associé, compagnon. NATURELLE
60
B) - l’homme est aussi un être sociable *- Thomas Hobbes, Léviathan, (1651) « La société est
une nécessité pour sortir de cet état invivable dans
La sociabilité désigne le fait d’entretenir lequel aucun individu n’est assuré de sa sécurité. »
des bonnes relations avec les autres. En ce
sens, dire que l’homme est naturellement
sociable c’est reconnaître qu’il est capable de
vivre en harmonie avec les autres.
En tant « qu’être parlant », il utilise la parole B) - De l’état de nature à l’état de société chez
Jean-Jacques Rousseau
pour échanger avec les autres dans une
communauté. L’expression des valeurs morales Contrairement à Hobbes, Jean-Jacques
est donc un moyen mis par la nature au service Rousseau considère qu’à l’état de nature,
de la finalité sociale de l’homme. l’homme est un être bon, tranquille, mais
solitaire.
Aristote, La politique, (IVe siècle av. JC) « L’homme est
naturellement doué de parole, et tout dans la nature
de l’homme est en vue de la cité. »
L’état de nature est régi par deux
sentiments : l’amour de soi (le souci de se
II. LA SOCIETE/ LA NATION COMME EMANATION conserver) ; et la pitié (la répugnance à voir
D’UN ACCORD ENTRE LES HOMMES souffrir autrui).
Les partisans des théories contractualistes Cet état de nature aurait pu se maintenir
(Jean-Jacques Rousseau et Thomas Hobbes) puisque sa transformation n’était pas
considèrent que la société procède d’une entente ou
nécessaire.
du hasard ayant provoqué un rapprochement forcé
entre les hommes. A ce titre, avant l’avènement de
la société, il y avait d’abord un état de nature. Seul le hasard des circonstances est donc
responsable de la naissance de la société et de
A) - De l’état de nature à l’état de société chez l’invention de la propriété.
Thomas Hobbes
Mais l’avènement de la société engendre
Selon Hobbes,l’état de nature se manifeste des conflits et des désordres qui changent la
par une insécurité permanente. C’est une sorte nature de l’homme.
de jungle caractérisée par la loi du plus fort et
la violence. C’est une situation de guerre Rousseau, Du Contrat social, (1762)
permanente où chaque homme veut détruire « L’homme naît bon et c’est la société qui le
les autres. corrompt. »
61
(insociabilité). Emmanuel Kant parle alors de «
L’insociable sociabilité des hommes. »
62
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 26
TEXTE 27
Il n’est pas douteux que la force n’ait été à l’origine de la division des anciennes
sociétés en classes subordonnées les unes les autres. Mais une subordination habituelle
finit par sembler naturelle, et elle se cherche à elle –même une explication : si la classe
inférieure a accepté sa situation assez longtemps, elle pourra y consentir encore quand
elle sera devenue virtuellement la plus forte, parce qu’elle attribuera aux dirigeants une
supériorité de valeur. Cette supériorité sera d’ailleurs réelle s’ils ont profité des facilités
qu’ils se trouvaient avoir pour se perfectionner intellectuellement et moralement ; mais
elle pourra aussi bien n’être qu’une apparence soigneusement entretenue. Quoi qu’il en
soit, réelle ou apparente, elle n’aura qu’à durer pour paraître congénitale : il faut bien
qu’il y ait supériorité innée, se dit-on, puisqu’il y a privilège héréditaire. La nature, qui a
voulu des sociétés disciplinées, a prédisposé l’homme à cette illusion.
Bergson
TEXTE 28
Il est manifeste que la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme est par
nature un animal politique, et que celui qui est hors cité, naturellement bien sûr et non
par le hasard, est soit un être dégradé soit un être surhumain. Car un tel homme est du
même coup naturellement passionné de guerre, étant comme un pion isolé au jeu de tic-
tac. C’est pourquoi il est évident que l’homme est un animal politique plus que n’importe
quelle abeille et que n’importe quel animal grégaire. Car nous le disons, la nature ne fait
rien en vain. Seul parmi les animaux l’homme a un langage. Ce dernier existe pour
manifester l’avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l’injuste. Il n’y a en effet
qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux animaux : le fait que, seuls, ils
aient la perception du bien, du mal, du juste, de l’injuste et des autres notions de ce genre.
Or, avoir de telles notions en commun c’est ce qui fait une famille et une cité.
Aristote 63
LE SUJET : LA CONSCIENCE ET L’INCONSCIENT
LA CONSCIENCE
Le sujet est une personne douée de conscience Problématique : La conscience humaine a-t-elle
et de liberté. une valeur ? Cependant, ne peut-on pas déceler en
elle quelques défaillances ?
La conscience désigne la pleine connaissance
que l’homme a de lui-même, de ses pensées, de ses
I. LA VALEUR DE LA CONSCIENCE
sentiments et de ses actes.
A) - La conscience comme miroir de la pensée
On distingue généralement plusieurs niveaux
de conscience : La conscience est ce qui rend possible le
fait de se penser soi-même et donc de se
- La conscience immédiate ou spontanée : contempler intérieurement en se mettant à
qui renvoie à la simple présence de distance de soi-même, comme face à un miroir.
l’homme à lui-même au moment où il pense, Elle donne à l’homme l’occasion de se
sent ou agit. découvrir comme un être pensant.
64
Sartre, L’imagination, (1936) « La seule façon F) - Conscience et responsabilité
d’exister pour la conscience c’est d’avoir
conscience qu’elle existe. » La conscience suppose la connaissance de soi
et, par la suite, la parfaite maîtrise de la
C)- La conscience comme ouverture au monde
situation. C’est pourquoi l’homme conscient
choisit en connaissance de cause
La conscience permet à l’homme de se
projeter sur le monde, c’est-à-dire de s’ouvrir Bergson, L’énergie spirituelle, (1919)
sur les réalités de son environnement « Être conscient c’est choisir »
extérieur. Dans ce cas on parle du monde
comme objet de la conscience. Il devient donc logique qu’il s’assume tel
qu’il se découvre ; et assume ce qu’il fait. Il doit
Etre conscient signifie aussi connaître le répondre de lui-même. C’est à cette condition
monde en tant qu’objet visé par la conscience. qu’il devient un sujet moral (c’est-à-dire un
La conscience se définit donc par son rapport être conscient et libre).
au monde.
Kant, Critique de la raison pure, (1781)
La conscience vise des objets extérieurs à elle, « L’homme responsable c’est celui à qui il
dans un mouvement actif de sélection, de choix, incombe de prendre en charge ses pensées, ses
d’intention. C’est cela "l’intentionnalité". sentiments, ses actions, ses paroles. »
65
de laquelle il pose des actes dont il ignore de sa vie. Il y a certains éléments qui lui
les contours. échappent.
L’INCONSCI
► Freud, Introduction à la psychanalyse, (1917)
« Le moi n’est pas maître dans sa propre maison. »
MOI ÇA
SURMOI
Approche définitionnelle
Leibniz, Nouveaux essais sur l’entendement
humain, (1765 Posth) « Il y a une infinité de
Le terme inconscient peut avoir deux sens : perceptions en nous dont nous ne nous
apercevons pas. »
- Négativement, l’inconscient désigne ce
Dans la perspective de Freud, l’inconscient est une
qui est dépourvu de conscience.
réalité avérée au regard des actes que l’homme pose. A
ce titre, si le Moi (sujet conscient et pensant) ne
Positivement, l’inconscient est une maîtrise pas toujours ses actes, c’est parce qu’il y a des
structure fondamentale du psychisme et se choses qui lui échappent.
constitue comme le siège des pulsions
sexuelles et des désirs refoulés. (Ce sens est L’inconscient permet ainsi de comprendre
inauguré par la pensée de Freud) tout ce qui échappe à l’homme. C’est la clé de
justification de l’oubli, du rêve et du lapsus.
Notre conscience nous avertit que nous sommes des êtres libres. Avant d’accomplir
une action, quelle qu’elle soit, nous nous disons que nous pouvons nous en abstenir. Nous
concevons divers motifs et par conséquent diverses actions possibles, et après avoir agi,
nous nous disons encore que, si nous avions voulu, nous aurions pu autrement faire.
Sinon, comment s’expliquerait le regret d’une action accomplie ? Regrette –t-on ce qui ne
pouvait pas être autrement qu’il n’a été ? Ne nous disons-nous pas quelque fois : Si j’avais
su, j’aurai autrement agi ; j’ai eu tort. Le remords ne s’expliquerait pas plus que le regret
si nous n’étions pas libres ; car comment éprouver de la douleur pour une action
accomplie et qui ne pouvait pas ne pas s’accomplir ? Donc, un fait est indiscutable, c’est
que notre conscience témoigne de notre liberté.
Bergson
TEXTE 30
68
LES PASSIONS
INTRODUCTION
Approche définitionnelle
(conceptualisation).
Faut-il accorder de la valeur à la passion ou alors la La passion est un élément fondamental qui
redouter ? favorise l’accomplissement des évènements et
permet aux hommes de réaliser
quotidiennement leur histoire.
69
B) - La passion comme source de souffrance
Ainsi, la passion se manifeste à travers
l’histoire humaine : les inventions ; les La passion provoque une souffrance de
ruptures, les dépassements, les conflits, les type psychologique qui se manifeste par la
contradictions de l’histoire sont dues à la trop grande dépendance de l’homme vis-à-
passion. vis de l’objet de sa passion.
Hegel, La Raison dans l’histoire, (1837) « La passion Dès lors, l’homme devient prisonnier de
est le moteur de l’histoire. » sa passion. Tellement est aveuglé qu’il en
vient à perdre le sens du discernement. Son
jugement n’est plus objectif car il fortement
C)- La passion est une puissance d’affirmation de soi influencé par son obsession.
et une source de bonheur
Spinoza, Traité théologico-politique, (1670)
La passion donne à l’homme la possibilité de « Être captif de son plaisir c’est le pire esclavage. »
s’affirmer auprès des autres. Dans cette
affirmation, les autres parviennent à De plus le passionné n’est même plus
reconnaître nos mérites, notre talent et notre libre de choisir en connaissance de cause.
valeur. Sa passion l’empêche d’être libre et
d’exprimer son libre ou encore sa capacité
De même, la satisfaction des passions procure de choisir.
du bien-être à l’homme et lui permet ainsi de
vivre pleinement sa vie. Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique,
(1798)
Descartes, Traité des passions de l’âme, (1649) « La passion est un préjudice à la liberté
« Les passions sont toutes bonnes de leur nature humaine. »
et nous n’avons rien à éviter que leurs mauvais
usages ou leurs excès. »
C)- La passion est contraire à la raison
70
La passion trouve sa racine dans le désir qui
Spinoza, Traité théologico-politique, (1670) est tout à fait naturel en toute personne.
« La logique de la passion c’est d’être neutre. » Certains
Mais ilde nos aussi
arrive désirsque
deviennent
certaines parfois des
obsessions
obsessions
échappent dont nous
à notre avons conscience.
vigilance. Quoi qu’il en soit,
B) - Tout homme est habité par la passion les passions ne sauraient disparaître
complètement en l’homme.
CONCLUSION
71
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 31
Toutes les passions ont une période où elles sont seulement néfastes, où elles
rabaissent leur victime, de tout le poids de la bêtise, et plus tard, une autre, beaucoup plus
tardive, où elles se marient à l’esprit, « se spiritualisent ». Autrefois, à cause de la bêtise
de la passion, on faisait la guerre à la passion elle-même : on jurait sa perte, - tous les
monstres moraux anciens sont là-dessus d’accord : « il faut tuer les passions ». La plus
fameuse maxime de ce genre se trouve dans le nouveau testament, dans ce sermon sur la
montagne où, soit dit entre parenthèses, l’élévation de la vue fait totalement défaut. C’est
là qu’il est dit par exemple, avec application à la sexualité : « si ton œil entraîne ta chute,
arrache-le » ; par bonheur aucun chrétien ne suit ce précepte. Anéantir les passions (…) à
seule fin de prévenir leur bêtise et les conséquences désagréables de leur bêtise, voilà qui
ne nous paraît aujourd’hui qu’une forme aiguë de bêtise. Nous n’admirons plus les
dentistes qui arrachent les dents pour qu’elles cessent de faire mal (…). L’église combat la
passion par l’excision : sa pratique, « son traitement », c’est le castratisme1 (…). Jamais
elle ne demande : « comment spiritualiser, embellir, diviniser un désir ? » - de tout temps
elle a insisté, dans sa discipline, sur l’extirpation (…). Or attaquer les passions à la racine,
c’est attaquer la vie à la racine.
Nietzsche
TEXTE 32
Souvent la passion nous fait croire certaines choses beaucoup meilleures et plus
désirables qu’elles ne sont ; puis quand nous avons pris bien de la peine à les acquérir, et
perdu cependant l’occasion de posséder d’autres biens plus véritables, la jouissance nous
en fait connaître les défauts, et de là viennent les dédains, les regrets et les repentirs. C’est
pourquoi le vrai office de la raison est d’examiner la juste valeur de tous les biens dont
l’acquisition semble dépendre en quelque façon de notre conduite, afin que nous ne
manquions jamais d’employer tous nos soins à tâcher de nous procurer ceux qui sont, en
effet, les plus désirables ; en quoi si la fortune s’oppose à nos desseins et les empêche de
réussir, nous aurons au moins la satisfaction de n’avoir rien perdu par notre faute, et ne
laisserons pas de jouir de toute la béatitude naturelle dont l’acquisition aura été en notre
pouvoir.
Descartes
72
L’Etat
Approche définitionnelle
(conceptualisation). Objectif : Nous nous demandons quelle est la raison
d’être de l’Etat.
L’Etat ne désigne pas la société en elle-même
Problématique : L’Etat est-il nécessaire au point de
(le corps social), mais le pouvoir s’exerçant sur pouvoir garantir le mieux-être aux citoyens ?
les individus. C’est l’instance dirigeante des Cependant, n’est-il pas un danger pour ces derniers ?
citoyens. Lorsque cet instrument de pouvoir
n’existe pas, on parle de "société sans Etat". I. NATURE DE L’ETAT
73
l’ensemble des citoyens qui se
réclament d’un même Etat.
- La souveraineté :la souveraineté fait de Montesquieu, De l’esprit des lois (1748) « Il faut
l’Etat une entité indépendante à l’égard que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête
des autres. de pouvoir. »
Jean Godin, La République, (1958)
« La souveraineté est la puissance absolue et 6)- L’Etat veille à la sauvegarde des libertés
perpétuelle d’une république. » citoyennes.
1)- Assurer la sécurité des personnes et des L’Etat empêche parfois les citoyens de jouir de
biens. certaines libertés fondamentales : liberté
d’expression, liberté de circulation, liberté
Karl Marx, Question juive, (1844) « L’Etat existe syndicale et bien d’autres libertés.
pour garantir à chaque membre de la société la
conservation de sa personne, de ses droits et de sa Max Stirner, L’unique et sa propriété, (1845)
propriété. » « L’Etat ne poursuit jamais qu’un seul but : limiter,
enchaîner, assujettir l’individu. »
2)- Garantir aux citoyens un ensemble de droits B) -l’Etat comme instrument de domination
Déclaration Universelle des Droits de l’homme, (1946) Quand l’Etat devient totalitaire, il se
« Le gouvernement est institué pour favoriser à constitue comme le représentant de la "classe
l’homme la jouissance de ses droits naturels et
imprescriptibles.»
dominante." Dans ce cas, il semble privilégier
une minorité de riches au détriment des
3)- L’Etat veille au maintien de la paix pauvres. Il est au service d’une aristocratie
proche du pouvoir.
L’Etat est le garant de l’ordre et de la
stabilité de la société. Il impose une Adam Smith, La richesse des nations, (1776) « Le
organisation et des règles. On comprend gouvernement civil est subordonné à la protection
des riches contre les pauvres. »
pourquoi Spinoza considère l’Etat le vecteur de la
paix et de la concorde entre les citoyens.
C)- l’Etat comme bourreau du peuple
4)- L’Etat favorise les conditions de L’Etat prétend parler au nom du peuple,
prospérité et de bonheur des citoyens.
mais ses mesures les plus immédiates vont à
. Déclaration Universelle Des Droits de l’encontre des intérêts du peuple.
l’Homme et du Citoyen, « Le droit de propriété est
celui qui appartient à tout citoyen de jouir et de *Albert Einstein, Comment vois-je le monde ?, (1934)
disposer à son gré de ses biens, de ses revenus, du « L’Etat est notre serviteur, et nous n’avons pas à en 74
fruit de son travail et de son industrie. » être les esclaves. »
D)- L’Etat exerce de la violence destructrice
CONCLUSION
75
SUPPORTS TEXTUELS
TEXTE 33
« En vain dirait-on que tous les gouvernements sont, ou devraient être fondés
initialement sur le consentement populaire, dans la mesure où les nécessités des affaires
humaines le permettent. Car cela va entièrement dans mon sens. Je maintiens en effet que
les affaires humaines ne permettront jamais un tel consentement, et rarement son
apparence ; et que c’est la conquête ou l’usurpation pour parler clair, la force qui constitue
l’origine de presque tous les nouveaux régimes jamais établis dans le monde, parce que
c’est elle qui a ruiné ceux qui les précédaient. Je maintiens également que dans les rares
cas où un consentement peut paraître avoir joué ; ce fut ordinairement de façon si
irrégulière, si limitée ou si fort mêlée de fraude et de violence, que ce consentement ne
peut avoir eu grande autorité.
Mon intention n’est pas ici de nier que le consentement populaire soit une façon
légitime de fonder le gouvernement. Là où il a lieu, il est sûrement le fondement le meilleur
et le plus sacré de tous. Je prétends seulement qu’il n’a que fort rarement eu lieu, même
sous une forme partielle, et presque jamais dans sa pleine extension ; et qu’il faut bien, par
conséquent, reconnaître quelque autre fondement du gouvernement. »
David Hume
TEXTE 34
« Des fondements de l’Etat tels que nous les avons expliqués ci-dessus, il résulte avec la
dernière évidence que sa fin dernière n’est pas la domination ; ce n’est pas pour tenir
l’homme par la crainte et faire qu’il appartienne à un autre que l’Etat est institué ; au
contraire c’est pour libérer l’individu de la crainte, pour qu’il vive autant que possible en
sécurité, c’est-à-dire conserve, aussi bien qu’il se pourra, sans dommage pour autrui, son
droit naturel d’exister et d’agir. Non, je te répète, la fin de l’Etat n’est pas de faire passer les
hommes de la condition d’êtres raisonnables à celle de bêtes brutes ou d’automates, mais
au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s’acquittent en sûreté de toutes
leurs fonctions, pour qu’eux-mêmes usent d’une Raison libre, pour qu’ils ne luttent point
de haine, de colère ou de ruse, pour qu’ils se supportent sans malveillance les uns les
autres. La fin de l’Etat est donc en réalité la liberté. »
Spinoza
TEXTE 35
Il n’est pas douteux que la force n’ait été à l’origine de la division des anciennes
sociétés en classes subordonnées les unes les autres. Mais une subordination habituelle
finit par sembler naturelle, et elle se cherche à elle –même une explication : si la classe
inférieure a accepté sa situation assez longtemps, elle pourra y consentir encore quand elle
sera devenue virtuellement la plus forte, parce qu’elle attribuera aux dirigeants une
76
supériorité de valeur. Cette supériorité sera d’ailleurs réelle s’ils ont profité des facilités
LA
Cette image e
effet, la bal
rétribution é
principes du d
La justice désigne aussi une institution N°3 : Y a-t- il un rapport entre la justice le droit et le
judiciaire dont le rôle consiste à arbitrer des devoir ?
situations en disant le droit.
Problématique n°1 :
Le droit naît de la nécessité de régler ou de
rectifier les relations entre les personnes. Il se Le droit est-il toujours juste au point qu’on puisse le
constitue donc comme un arbitrage impartial légitimer ?
s’appliquant équitablement à tous.
I. LE DROIT EST LEGITIME ET IL REND JUSTICE
Le droit est aussi ce à quoi l’on peut prétendre Rousseau, Du contrat social, (1762)
en vertu de sa dignité de personne ou de son « La condition fondamentale de la légitimité du
mérite personnel (sens moral ou subjectif). Ici droit c’est sa conformité à la volonté générale. »
le droit s’oppose au devoir. B)- Les lois doivent être équitables et
impartiales.
Le devoir a une double acception :
Spinoza, Traité théologico-politique, (1670), « La
Le devoir est une obligation morale par justice est une disposition constante de l’âme à
laquelle l’homme se soumet volontairement à attribuer à chacun ce qui, d’après le droit civil,
ses propres principes. lui revient. »
Le devoir c’est aussi un acte volontaire qui C)- Les lois doivent se fonder sur le principe
d’égalité entre les hommes.
amène l’homme à se soumettre à la norme
établie dans une société
77
Aristote, Ethique à Nicomaque, (IVème siècle
avant Jésus Christ), « Le juste est ce qui est
conforme à la loi et ce qui respect l’égalité. »
78
dois" et par la mauvaise conscience, au cas où
cette voix ne serait pas entendue.
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs,
(1785) « L’impératif catégorique impose à l’homme
B) - Le devoir émane d’un sentiment naturel de faire telle action uniquement par devoir, sans
autre raison que celle de vouloir faire cette action. »
Le devoir découle spontanément d’une répulsion
à faire le mal. A l’état de nature valorisé par B) - Le devoir est en rapport avec la liberté
Rousseau, la paix vient de ce que les hommes sont
naturellement animés par une pitié qui les empêche Le devoir exprimerait alors pleinement la
de se nuire. liberté de ma volonté, capable de se
déterminer à agir par elle-même. On
De plus, les valeurs auxquelles adhèrent tous les s’imposerait le devoir de faire ceci ou cela, en
hommes sont fondées sur le respect : ainsi, faire son
toute autonomie. Bien loin de nous ôter la
devoir, revient à respecter autrui et à le respecter
comme une personne, ne pas lui nuire, ne pas liberté, l’action faite par devoir la fonderait
l’utiliser comme un moyen ni le priver de sa liberté pleinement.
fondamentale.
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs,
(1785)
Kant, Kant, Fondements de la métaphysique des
« L’obéissance à la loi qu’on s’est donnée soi-même
mœurs, (1785) « Jamais traiter l’autre comme un est liberté.
moyen, mais toujours comme une fin. »
C)- Le devoir est en rapport avec des valeurs
universelles
II- LE DEVOIR VIENT DE L’EDUCATION
Les valeurs morales sont fondées sur le
A) - Le devoir est acquis
respect. Ainsi, faire son devoir, ce serait
respecter autrui, le traiter comme une
La psychanalyse et la psychologie de l’enfant
personne, ne pas lui nuire, ne pas l’utiliser ou
montrent que le petit enfant reçoit ses valeurs
le priver de sa liberté fondamentale.
morales de l’éducation et notamment de ses
parents. Le devoir est donc intériorisé et quand
Du point de vue de l’organisation sociale, le
l’homme devient adulte, il ne se rend pas
devoir se constitue comme ce qui est exigé par
compte que les valeurs morales qu’il croit
les lois de l’Etat. Si les citoyens ont des droits,
venues de sa conscience, ont en fait été reçues.
ils sont aussi soumis à des devoirs qu’ils sont
Emile Durkheim, sociologie et philosophie, (1924) V « Le tenus de respecter
devoir n’est que l’intériorisation de la conscience
collective dans la conscience individuelle. » Problématique n°3 :
II. RAPPORT ENTRE LA JUSTICE ET LE DEVOIR Le droit est, par définition, impersonnel
c’est-à-dire qu’il s’applique à tous. Ce qui fait
A) Le devoir comme contrainte émanant de
que le droit ne se confine pas aux situations
l’institution judiciaire particulières.
La justice comprise comme institution est Ainsi, la tendance humaine qui pousse le
garante de la loi et en tant que tel, elle impose des droit à se particulariser sur des faits singuliers
devoirs aux citoyens selon les situations dans ne rend pas compte du principe impersonnel
lesquelles ils se trouvent. On parle ainsi des du droit.
devoirs des citoyens vis-à-vis de l’Etat ou des
devoirs d’un père à l’égard de ses enfants et A titre d’illustration, une femme dépourvue
inversement. qui voit mourir sa progéniture de faim, et
motivée par son élan maternel, peut commettre
Rousseau, Du contrat Social, (1762), « On n’est un vol chez
obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes. »
L’épicier de son quartier. Devant ce cas de délit,
B) - L’accomplissement par le citoyen de son devoir la justice va condamner cette femme en
participe à la justice sociale s’appuyant sur le droit établi.
Hegel
Texte 37
Il est ici question non pas de philanthropie1, mais du droit. Hospitalité signifie
donc ici le droit qu’a l’étranger, à son arrivée dans le territoire d’autrui, de ne pas y
être traité en ennemi. On peut ne pas le recevoir si cela n’entraîne pas sa ruine ; mais
on ne doit pas se montrer hostile envers lui aussi longtemps qu’il se tient paisiblement
à sa place. L’étranger ne peut invoquer un droit d’accueil, – car on exigerait alors un
contrat particulier de bienfaisance qui ferait de lui pour quelque temps un habitant de
la maison – mais un droit de visite, le droit qu’a tout homme de se proposer comme
membre de la société, en vertu du droit de commune possession de la surface de la
terre sur laquelle, en tant que sphérique, ils ne peuvent se disperser à l’infini, il faut
donc qu’ils se supportent les uns à côté des autres, personne n’ayant originairement le
droit de se trouver à un endroit de la terre plutôt qu’à un autre.
Kant
81
LA VIOLENCE
INTRODUCTION
tendance naturelle à user de la force envers les
Approche définitionnelle autres ou encore vis-à-vis de la nature. Il
(conceptualisation). semble que pour Hobbes l’homme à l’état de
nature se caractérise par des pulsions
Les rapports entre les personnes, les violentes.
groupes et les sociétés sont parfois conflictuels
et suscitent des tensions de nature à engendrer Thomas Hobbes, le Léviathan, (1651) « L’état de
la violence. nature est un état de guerre de chacun contre
tous… Un état où l’homme est loup pour
l’homme. »
Le mot violence a une double étymologie :
violentia qui signifie abus de force ; et violare B) - L’homme possède une certaine agressivité
qui signifie agir contre.
La violence chez l’homme est en rapport
La violence désigne ainsi l’usage de la force avec son agressivité et sa capacité naturelle à
physique, psychologique et morale sur une agir avec brutalité, avec fureur et avec férocité.
personne ou sur un groupe.
La violence humaine s’exprime ainsi à
Objectif : Ce chapitre s’organise autour de la travers l’agression physique (violence
préoccupation de savoir quelle est la nature de la physique) ainsi que par le harcèlement
violence.
(violence psychologique). Elle va même
jusqu’au conditionnement forcé ou
Problématiques :
contraignant de nos passions et de notre
N°1 : La violence est-elle innée en l’homme ?
inconscient.
Cependant, n’est-elle pas d’origine sociale ?
Freud, Malaise de la civilisation, (1929) « L’homme
N°2 : Faut-il condamner la violence ou la légitimer ? n’est point cet être débonnaire au cœur assoiffé
d’amour dont on dit qu’il se défend quand il est
N°3 : Est-il possible de lutter contre la violence ? attaqué. Au contraire, il porte au compte de ses
données instinctives une bonne dose
d’agressivité. »
Problématique n° 1 :
II. L’ORIGINE SOCIALE DE LA VIOLENCE
La violence est-elle innée en l’homme ?
Cependant, n’est-elle pas d’origine sociale ?
A) - La société comme cadre qui déclenche la
violence de l’homme
I. LA VIOLENCE SEMBLE NATURELLE ET PRESENTE
EN TOUT HOMME
La société est le vecteur pouvant
A) - La violence humaine a une dimension instinctive déclencher la violence qui sommeille en tout
homme. En effet, dans leurs rapports
La violence se présente comme une quotidiens, dans leurs affrontements, dans
disposition naturelle chez l’homme. C’est une leurs compétitions, dans la lutte des intérêts,
82
on se rend compte que les hommes font preuve
d’une violence destructrice. II. LEGITIMATION DE LA VIOLENCE
Rousseau, Du Contrat social, (1762) « L’homme Certaines formes de violences peuvent être
naît bon et c’est la société qui le corrompt. » constructives et légitimes. Ce qui signifie qu’il
est possible de tolérer l’usage ou le recours à la
B) - Organisation sociale et violence
violence.
Lorsqu’une organisation sociale repose sur A)- La violence institutionnelle : celle qui
l’injustice, sur l’exploitation sur la domination incombe aux appareils de l’Etat et aux lois de la
des plus forts et des plus riches, elle exprime la société (Police, tribunaux, écoles, etc.)
force des puissants.
Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, (1964)
« L’Etat a le monopole de l’usage d’une violence
Mais cela peut donner lieu à des réactions légitime pour garantir l’ordre public. »
violentes des plus démunis qui organisent des
révolutions en vue de renverser l’ordre B)- La violence révolutionnaire : c’est une
existant de la société. C’est le rapport de force violence féconde qui favorise la transformation
entre la classe dominante et la classe dominée. positive d’une société.
83
II- LA LUTTE CONTRE LA VIOLENCE D’ORIGINE
SOCIALE
CONCLUSION
84
SUPPORTS TEXTUELS
Texte 38
Hegel
Texte 39
S’il était facile de commander aux esprits qu’aux langues, tout souverain
règnerait sans danger et aucun pouvoir politique n’aurait besoin de violence : chacun
vivrait selon le bon plaisir des gouvernants et jugerait selon leur seul décret de ce qui
est vrai ou faux, bien ou mal, juste ou injuste. Mais il ne peut bien entendu se faire que
l’esprit soit entièrement dépendant d’un autre ; en effet, personne ne peut de gré ou de
force, transférer à un autre son droit naturel, c’est-à-dire sa faculté de raisonner
librement et de juger de toutes choses. On peut donc tenir pour violent ce
gouvernement qui domine les esprits, et affirmer qu’une majesté souveraine commet à
l’égard de ses sujets une injustice, et usurpe leur droit, lorsqu’elle veut prescrire à
Hegel
chacun ce qu’il faut admettre comme vrai ou rejeter comme faux, et aussi qu’elles
opinions doivent pousser chacun à la dévotion envers Dieu. Car ces croyances sont du
droit chacun, un droit dont personne, le voulût-il, ne peut se dessaisir.
Spinoza
Kant 85
LA LIBERTE
Je suis Charlie !
Le 07 Janvier 2015, les locaux d’un journal satirique français (Charlie Hebdo) sont assiégés par un groupe d’islamistes armés qui
parviennent à tuer plusieurs journalistes de cet organe d’information. La France et le monde entier sont indignés par ces tueries et tous ont
considéré cela comme une atteinte à la liberté d’expression et d’opinion. « Je suis Charlie » est une phrase qui symbolise la défense de la
liberté de la presse et de toutes les autres formes de libertés citoyennes.
INTRODUCTION
Problématique n° 1 :
Approche définitionnelle
(conceptualisation). En quoi consiste véritablement la liberté : obéir aux
lois ; être capable de choisir ; faire ce l’on veut ?
La liberté est une aspiration universelle et
semble se définir par opposition à la contrainte
I- LA LIBERTE NATURELLE CONSISTE A FAIRE CE
et à la servitude. QU’ON VEUT
Le mot liberté vient du latin liber qui La liberté naturelle peut être appréhendée
signifie celui qui n’est pas esclave. sous deux angles différents :
N°1 : En quoi consiste véritablement la liberté : obéir Spinoza, Lettre à Schuller, (1674)
aux lois ; être capable de choisir ; faire ce que l’on « J’appelle libre une personne qui est et qui agit par
veut ? la seule nécessité de la nature. »
86
II- LA LIBERTE CIVILE EST DEFINIE PAR LES LOIS B) - Les facteurs qui conditionnent la liberté
► Montesquieu, L’esprit des lois, (1748) « La liberté est Kant, Anthropologie du point de vue pragmatique,
le droit de faire tout ce que les lois permettent. » (1798) « La passion est un préjudice à la liberté
de l’homme. »
III- LA LIBERTE MORALE CONSISTE A RESPECTER SES
PROPRES PRINCIPES 3)- Autrui : l’autre est celui qui limite fondamentalement
notre liberté.
C’est une obligation qui amène l’homme à se
- Sartre, L’être et le néant, (1943) « Ma liberté
donner des principes et à s’y soumettre s’arrête là où commence celle de l’autre. »
volontairement.
4)- La loi : c’est une contrainte sociale qui conditionne
C’est donc une sorte d’indépendance intérieure les actes que nous posons et nous dispose à agir de telle
et la capacité morale de se déterminer en suivant ou de telle manière.
les seuls conseils de la raison et de l’intelligence.
Rousseau, Du contrat social, (1762) « L’homme est
né libre, mais il est partout dans les fers. »
Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs,
(1785) « La liberté est obéissance à la loi qu’on
s’est donnée soi-même. » Voltaire, Lettres philosophiques, (1755) « La liberté
consiste à ne dépendre que des lois. »
Problématique n° 2 :
II. LA QUESTION DU LIBRE ARBITRE ET DE LA
La liberté n’est-elle pas une illusion ? RESPONSABILITE
87
Sartre, L’existentialisme est un humanisme (1946),
« L’homme est condamné à être libre… libre
parce qu’une fois jeté dans le monde, il est
responsable de tout ce qu’il fait. »
CONCLUSION
88
SUPPORTS TEXTUELS
Texte 40
J’appelle libre, quant à moi, une chose qui est et agit par la seule nécessité de sa
nature ; contrainte, celle qui est déterminée par une autre à exister et à agir d’une
certaine façon déterminée. Pour rendre cela intelligible et clair, concevons une chose
très simple : une pierre, par exemple, reçoit d’une cause extérieure qui la pousse, une
certaine quantité de mouvement et, l’impulsion d’une cause extérieure. La liberté
humaine que tous se vantent de posséder consiste en ce que tous les hommes ont
conscience de leurs appétits et ignorent les causes qui les déterminent. Un enfant croit
librement appéter le lait, un jeune garçon irrité à vouloir se venger et, s’il est poltron,
vouloir fuir. Un ivrogne croit dire par un libre décret de son âme ce qu’ensuite, revenu
à la sobriété, il aurait voulu taire. De même, un délirant, un bavard, et bien d’autres de
même farine, croient agir par un libre décret de leur âme et non se laisser contraindre.
Spinoza
Texte 41
L’homme est capable de délibération, et, en vertu de cette faculté, il a, entre divers
actes possibles, un choix beaucoup plus étendu que l’animal. Il y a déjà pour lui une
liberté relative, car il devient indépendant de la contrainte immédiate des objets
présents, à l’action desquels la volonté de l’animal est absolument soumise. L’homme,
au contraire se détermine indépendamment des objets présents, d’après des idées, qui
sont ses motifs à lui. Cette liberté relative n’est pas autre chose que le libre arbitre tel
que se l’entendent des personnes instruites, mais, peu habituées à aller au fond des
choses : elles reconnaissent avec raison dans cette faculté un privilège exclusif de
l’homme sur les animaux. Mais cette liberté n’est pourtant que relative, parce qu’elle
nous soustrait à la contrainte des objets présents, et comparative, en ce qu’elle nous
rend supérieurs aux animaux. Elle ne fait que modifier la manière dont s’exerce la
motivation, mais la nécessité de l’action des motifs n’est nullement suspendue, ni
même diminuée.
Schopenhauer
Texte 42
Kant
La liberté naturelle de l’homme, c’est d’être exempt de toute sujétion envers un
pouvoir supérieur sur la terre, et de ne pas être soumis à l’autorité législative de
l’homme, mais de n’avoir pour règle que la loi de nature. La liberté de l’homme dans la
société c’est de n’être soumis à aucun autre pouvoir législatif que celui qui a été établi
dans la République par consentement ; de n’être assujetti à aucune domination, à
aucune volonté, à aucune loi hormis celle qu’édicte le pouvoir législatif, conformément
à la mission qui lui a été confiée. La liberté n’est donc pas une liberté pour tout un
chacun de faire ce qui lui plaît, de vivre comme il l’entend, et de n’être lié par aucune
loi. Mais la liberté des hommes soumis à un gouvernement, c’est d’avoir une règle
stable à laquelle se conformer, qui soit commune à tous les membres de cette société,
et créée par le pouvoir législatif qui y a été établi ; une liberté de suivre ma propre
volonté dans toutes les choses où la règle ne prescrit rien ; de n’être pas assujetti à la
volonté inconstante, incertaine et arbitraire d’un autre homme. Tout comme la liberté
de nature consiste à n’être soumis à aucune autre contrainte que celle de la loi de
nature.
Locke
89
LE BONHEUR
INTRODUCTION
Un homme raisonnable c’est donc aussi celui
Approche définitionnelle qui recherche pleinement et consciemment les
(conceptualisation). voies et moyens qui le conduisent au bonheur.
La notion de bonheur dans son étymologie Platon, GORGIAS, (IVe siècle av. JC) « Le bonheur
suggère l’idée de chance ou de hasard. consiste à remplir tous ses désirs à mesure qu’ils
éclosent sans les réprimer. »
Le bonheur se présente comme une Kant, Critique de la raison pratique, (1788) « La morale
somme de plaisirs et prend une valeur est une doctrine qui nous apprend comment nous
quantitative. A ce propos, notre raison nous devons nous rendre dignes du bonheur. »
éclaire sur ce qu’est le bonheur et nous incline
Pour d’autres encore, l’homme doit adopter
vers la recherche de cet état.
des attitudes qui contribuent à son bonheur.
90
- Epictète, Entretiens, (vers 130 ap JC) « Il n’y a
qu’une route vers le bonheur, c’est de renoncer
aux choses qui ne dépendent pas de notre
volonté. »
CONCLUSION
91
SUPPORTS TEXTUELS
Texte 43
Ce que l’on n’a point assez dit, c’est que c’est un devoir aussi envers les autres que
d’être heureux. On dit bien qu’il n’ya d’aimé que celui qui est heureux ; mais on oublie
que cette récompense est juste et méritée ; car le malheur, l’ennui et le désespoir sont
dans l’air que nous respirons tous ; aussi nous devons reconnaissance et couronne
d’athlète à ceux qui digèrent les miasmes, et purifient en quelque sorte la commune
vie par leur énergique exemple. Aussi n’a-t-il rien de plus profond dans l’amour que le
serment d’être heureux. Quoi de plus difficile à surmonter que l’ennui, la tristesse ou le
malheur de ceux que l’on aime Tout homme et toute femme devraient penser
continuellement à ceci que le bonheur, j’entends celui que l’on conquiert pour soi, est
l’offrande la plus belle et la plus généreuse. J’irais même jusqu’à proposer quelque
couronne civique pour récompenser les hommes qui auraient pris le parti d’être
heureux. Car, selon mon opinion, tous ces cadavres, et toutes ces ruines, et ces folles
dépenses, et ces offensives de précaution, sont l’œuvre d’hommes qui n’ont jamais su
être heureux et qui ne peuvent supporter ceux qui essaient de l’être.
Alain
Texte 44
Dire que le bonheur résulte de beaucoup d’années et de beaucoup d’actions, c’est
le composer d’être qui ne sont plus, d’évènements passés et de l’instant présent qui est
unique. C’est pourquoi nous avions posé ainsi la question : le bonheur étant dans
chaque instant présent, est-ce être plus heureux qu’être heureux plus longtemps ? La
question est maintenant de savoir si la longue durée du bonheur, en permettant des
actions plus nombreuses, ne rend pas aussi le bonheur plus grand. D’abord, on peut
être heureux sans agir, et non pas moins heureux mais plus heureux qu’en agissant.
Ensuite, l’action ne produit aucun bien par elle-même ; ce sont nos dispositions
intérieures qui rendent nos actions honnêtes ; le sage, quand il agit, recueille le fruit
non pas de ses actions elles-mêmes ni des évènements, mais de ce qu’il possède en
propre. Le salut de la patrie peut venir d’un méchant ; et si un autre en est l’auteur, le
résultat est tout aussi agréable pour qui en profite. Cet évènement ne produit donc pas
le plaisir particulier à l’homme heureux ; c’est la disposition de l’âme qui crée le
bonheur et le plaisir qui en dérive. Mettre le bonheur dans l’action, c’est le mettre en
une chose étrangère à la vertu et à l’âme ; l’acte propre de l’âme consiste à être sage ;
c’est un acte intérieur à elle- même, et c’est là le bonheur.
Plotin
92
L’EXISTENCE
INTRODUCTION
La dimension insensée de l’existence
Approche définitionnelle dépend grandement de son caractère
(conceptualisation). incompréhensible. Ainsi, devant la mort brutale
d’un jeune homme promis à une carrière
La notion d’existence est une notion brillante ou devant la situation d’une femme
complexe qui renvoie à l’être non pas en tant stérile qui, le jour où elle obtient un enfant, est
qu’essence, mais à l’être en tant qu’il s’oppose attristée par le degré de malformation de ce
au néant. dernier, on est perplexe.
L’existence pour l’homme c’est le fait de Franz Kafka, dans son Journal intime, (1963)
exprime l’angoisse humaine devant l’absurdité
prendre conscience de son être et rechercher à de l’existence.
en saisir le sens.
93
l’indique cette formule des essentialistes :"
L’essence précède l’existence." - Il est un projet et se réalise chaque jour
dans ses choix. Il n’est donc rien d’autre que
- C’est Dieu qui a prévu tout ce qui nous l’ensemble de ses actes.
arrive au cours de notre vie. Par conséquent,
rien n’arrive au hasard. Tout ce qui nous arrive Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un
devait nécessairement arriver. humanisme, (1946)
« Rien ne définit l’homme, sinon cette existence
toujours capable de se projeter vers autre
Le providentialisme considère à cet effet que chose. »
Dieu a un dessein pour l’humanité et assigne une
fin à la vie et à l’’histoire des hommes.
- L’homme est un être libre qui n’est rien au
départ, mais dont les actes et les choix
entendent donner un sens à son existence.
- En créant l’homme, Dieu prévoit une
direction qu’il est appelé à suivre
aveuglement. C’est ce que semble résumer Sartre, L’existentialisme est un humanisme, (1946)
le mot destin (enchaînement fixé à l’avance « L’existence précède l’essence. » c’est- à- dire
du cours des évènements de l’existence c’est par son existence que l’homme
humaine.) D’ailleurs, le destin semble s’affirme et se définit.
irréversible.
C’est ainsi que notre entourage décide de la Kierkegaard, Traité du désespoir, (1849)
direction que doit prendre notre vie, parfois « L’homme doit avoir le courage de mener une
même à notre insu et sans notre consentement. existence individuelle conduite par la foi et nourrie
d’incertitudes. »
Max Weber, Economie et société, (1956)
94
SUPPORT TEXTUEL
Texte 46
Qu’est-ce que signifie ici que l’existence précède l’essence ? Cela signifie que
l’homme existe d’abord, se rencontre, surgit dans le monde et qu’il se définit après.
L’homme tel que le conçoit l’existentialisme, s’il n’est pas définissable, c’est qu’il n’est
d’abord rien. Il ne sera qu’ensuite et il sera tel qu’il se sera fait. Ainsi il n’y a pas de
nature humaine puisqu’il n’y a pas de Dieu pour la concevoir (…) L’homme n’est rien
d’autre que ce qu’il se fait. Tel est le premier principe de l’existentialisme. L’homme est
d’abord ce qui se jette vers un avenir, et ce qui est conscient de se projeter dans
l’avenir. Mais si vraiment l’existence précède l’essence, l’homme est responsable de ce
qu’il est. Ainsi la première démarche de l’existentialisme est de mettre tout homme en
possession de ce qu’il est et de faire reposer sur lui la responsabilité totale de son
existence. Et quand nous disons que l’homme est responsable de lui-même, nous ne
voulons pas dire que l’homme est responsable de sa stricte individualité, mais qu’il est
responsable de tous les hommes.
Sartre
95
La Mort
INTRODUCTION
Marc Aurèle, Pensées pour moi- même, (IIe siècle
AP. JC) « Accueille la mort comme étant une des
Approche définitionnelle choses voulues par la nature. »
(conceptualisation).
Heidegger, Être et temps, (1927) « Quand l’homme
La mort est un phénomène complexe que vient à la vie il est déjà assez vieux pour
notre intelligence n’arrive pas à cerner mourir. »
totalement. Ainsi, la notion de mort a plusieurs
significations : B) - La mort est aussi phénomène culturel
- C’est la cessation de la vie ; la fin de La mort est différemment vécue selon les
l’existence, marquée par la séparation cultures et les civilisations. C’est pourquoi
radicale de l’âme et du corps. chaque peuple organise des rituels spécifiques
ou encore des cérémonies précises en fonction
- Sur le plan clinique, la mort est déclarée de son univers culturel.
lorsqu’il y a arrêt complet de l’activité
cérébrale (arrêt du cerveau). Claude Lévi-Strauss, Tristes tropiques, (1955)
« Chaque peuple, chaque civilisation a sa
conception et partant, sa manière de célébrer la
Objectif : Nous voulons comprendre quelle est mort. »
l’attitude de l’homme face à l’idée de la mort.
C)- La mort est phénomène symbolique
Problématique :
La mort symbolique renvoie à tout
La mort nous inspire-t- elle la crainte, renoncement, à toute conversion. C’est un
l’indifférence ou la sérénité ? changement radical de situation. Ainsi, dans la
perspective religieuse, le croyant meurt dans le
I.LE PHENOMENE DE LA MORT
péché pour renaître à une vie nouvelle.
A) - La mort est un phénomène naturel
De même, dans le domaine de la recherche
La mort se présente à première vue de la connaissance, l’homme quitte le stade de
comme un phénomène naturel puisqu’elle est l’ignorance (symbolisé par la mort) pour
inscrite dans la nature des choses. Ainsi, tout accéder à celui de la connaissance.
ce qui vit est appelé à mourir un jour. La mort
est donc génétiquement programmée dans
toute cellule vivante.
96
Platon, Phédon, (IVe siècle av. JC) « En s’occupant de C)- La sérénité face à l’idée de la mort
philosophie comme il convient, on ne fait pas autre
chose que de rechercher la mort et l’état qui la suit. » Dans une perspective religieuse, la mort
n’est pas vécue comme la fin de tout. Au
II.LES SENTIMENTS DE L’HOMME FACE A L’IDEE DE
LA MORT
contraire, elle est davantage un passage
obligatoire vers la vie éternelle.
A) - Le sentiment de peur devant la mort
Saint Thomas d’Aquin, Somme théologique,
(1274)
La prise de conscience de sa mort prochaine « Pour atteindre la béatitude nous devons
suscite en l’homme une certaine crainte. La accepter la mort comme un tremplin. »
mort est ainsi source d’angoisse.
Les croyants de la religion chrétienne
La peur de la mort peut se justifier par sont aussi portés par l’espérance en la
plusieurs raisons : résurrection. Ce qui les amène à relativiser le
côté effrayant de la mort et à l’accueillir avec
- La peur de l’inconnu : l’homme ne sait pas une certaine tranquillité.
avec précision ce qui pourrait lui arriver
outre-tombe. Il est dans l’incertitude du Saint Anselme, Monologion, (1096)
« Mourir pour le chrétien en état de grâce,
sort qui pourrait lui être réservé.
c’est emprunter la voie qui conduit à la gloire
éternelle. »
Hegel, Phénoménologie de l’esprit, (1807) « La mort
est la chose la plus redoutable. »
Conclusion
- La peur de perdre ce qu’on possède :
l’homme est attaché à ce qu’il possède : sa
La mort reste un phénomène qui est
vie, ses biens, ses amis ses parents et autres.
inscrit dans la nature profonde de tout être
Il perçoit ainsi la mort comme la perte de
vivant. Elle engendre de nombreuses
tout. Ce qui explique la crainte qui l’habite.
attitudes et cela ne lui enlève pas pour autant
Epictète, Manuel, (vers 130 ap JC) « Ce qui trouble son statut de mystère. Si elle est
les hommes, c’est l’opinion tranchée selon religieusement prise, elle devient un élément
laquelle la mort est effrayante. » dont l’horizon semble mettre en perspective
la vie éternelle.
97
SUPPORTS TEXTUELS
Texte 47
Maintenant, habitue-toi à la pensée que la mort n’est rien pour nous puisqu’il n’y
a de bien et de mal que dans la sensation et que la mort est absence de sensation. Par
conséquent, si l’on considère avec justesse que la mort n’est rien pour nous, l’on
pourra joui de sa vie mortelle. On cessera de l’augmenter d’un temps fini et l’on
supprimera le regret de n’être pas éternel. Car il ne reste plus rien d’affreux dans la vie
quand on a parfaitement compris que la mort n’a rien d’effrayant. Il faut donc être sot
pour dire avoir peur de la mort, non parce qu’on souffrira lorsqu’elle arrivera, mais
parce qu’on souffre de ce qu’elle doit arriver. Car si une chose ne nous cause aucune
douleur par sa présence, l’inquiétude qui est attachée à son attente est sans
fondement.
Epicure
Texte 48
Leibniz
98
LE TEMPS
INTRODUCTION Problématique n° 1 :
99
B) - L’homme ne peut pas se soustraire au temps
B) - L’homme tente de maîtriser le temps
Par nature, le temps est vécu comme une
contrainte que subit l’homme. Ce dernier ne En tant que sujet pensant doué
saurait se soustraire au temps. Car toute son d’intelligence, l’homme semble donner au
existence se déroule dans le temps et est temps des bornes et un contenu. Il parvient
conditionnée par le temps : l’homme naît, ainsi à instaurer des instruments de comptage
grandit et meurt inéluctablement sous l’effet du ou encore de saisie du temps. Ces instruments
temps. Il ne peut donc pas échapper à la sont les résultats de conventions élaborées par
domination du temps. les hommes.
L’homme est donc soumis aux caprices du Parmi ces instruments, nous avons entre
temps sans pouvoir changer cet état de choses. autres : la montre, le calendrier, le chronomètre
et bien d’autres outils.
Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, (IIe siècle ap. JC)
« L’homme est un être temporel. » Paul Ricœur, Temps et récit, (1985) « Les instruments
de comptage du temps font croire à l’homme qu’il
C)- L’homme est impuissant face au temps domine le temps. »
Si l’homme est condamné à vivre sous B) -Le temps hors de nous est un temps corruptible
l’emprise du temps, il s’efforce de rechercher
une certaine immortalité dans son travail. Ce qui Le temps de la science est corruptible car il
lui donne l’impression que même après la mort, n’est pas appréhendé de la même manière
son travail résiste au temps. partout et par tous. En guise d’illustration, le
temps des fuseaux horaires varie d’une région à
Wittgenstein, Tratacus logico-philosophicus, (1921) l’autre.
« Si l’on entend par éternité, non pas une durée
temporelle infinie, mais l’intemporalité, alors celui
qui vit dans le présent vit éternellement. »
100
II. LE TEMPS EN NOUS B) - Le temps est une forme pure de la sensibilité
101
SUPPORTS TEXTUELS
Texte 49
Saint Augustin
Texte 50
Nous ne tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent
à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé pour l’arrêter
comme trop prompt : si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont pas
nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient ; et si vains que nous songeons
à ceux qui ne sont plus rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C’est que
le présent d’ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu’il nous
afflige ; et s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de
le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre
puissance, pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver.
Blaise Pascal
Pascal
102
LA MEMOIRE
103
contenus dans la mémoire. Dans une situation B) - L’oubli (conscient) peut être salutaire
d’oubli, l’homme n’arrive pas à se rappeler de
certaines informations indispensables à son Généralement, il n’y a pas d’oubli
existence. On parle alors de l’amnésie (perte des conscient. Mais, si on parle de la conscience
données conservées dans la mémoire). dans l’oubli c’est pour indiquer que l’homme
choisit volontairement de ne plus tenir compte
L’amnésie peut être complète ou passagère d’une situation qui l’empêche de vivre
selon que l’homme a vécu un traumatisme convenablement et d’avancer.
crânien ou qu’il est victime d’une maladie
(Alzheimer ; parkinson ; etc.) Il peut décider de dépasser un
traumatisme passé qui constituait un obstacle
Pierre Janet, La médecine psychologique, (1923) pour son épanouissement. Donc, pour
« L’oubli peut être perçu comme une déficience de la retrouver la sérénité, il s’engage à tirer un trait
mémoire chez le patient. » sur les souvenirs douloureux. Non pas qu’il ne
B) - La saturation de la mémoire entraîne des
s’en souvienne plus, mais qu’il fait l’effort de
confusions transcender.
Nietzsche, La généalogie de la morale, (1887) » Nul
En comparaison à la mémoire artificielle bonheur, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant
des machines, la mémoire de l’homme peut présent ne pourraient exister sans faculté d’oubli. »
être victime de surcharge. Ce qui l’amène à
confondre les informations et à les utiliser
négativement. II. CRITIQUES DE L’OUBLI
104
quand nous sommes victimes de la maladie
d’Alzheimer, etc.
CONCLUSION
105
SUPPORTS TEXTUELS
Texte 51
J’étudie une leçon, et pour l’apprendre par cœur je la lis d’abord en scandant
chaque vers ; je la répète en suite un certain nombre de fois. A chaque lecture nouvelle,
un progrès s’accomplit ; les mots se lient de mieux en mieux, et finissent par
s’organiser ensemble. A ce moment précis je sais ma leçon par cœur ; on dit qu’elle est
devenu souvenir, qu’elle s’est imprimé dans ma mémoire. Je cherche maintenant
comment la leçon a été apprise, et je me représente les phrases par lesquelles j’ai
passé tour à tour. Chacune des lectures successives me revient alors à l’esprit avec son
individualité propre ; je la revois avec les circonstances qui l’accompagne et qui
l’encadre encore ; elle se distingue de celles qui précèdent et de celles qui suivent par
la place même qu’elle a occupée dans le même temps ; bref chacune de ses lectures
repasse devant moi comme un évènement déterminé de mon histoire. On dira encore
que ses images sont des souvenirs, qu’elles se sont imprimées dans ma mémoire. On
emploi les mêmes mots dans les deux cas. Le souvenir de la leçon a les caractères
d’une habitude.
Bergson
Texte 52
L’oubli n’est pas seulement une forme d’inertie comme le croit les esprits
superficiels ; c’est bien plutôt un pouvoir actif, une faculté d’enrayement dans le vrai
sens du mot, faculté à quoi il faut attribuer le fait que tout ce qui nous arrive dans la
vie, tout ce que nous absorbons se présente tout aussi peu à notre conscience pendant
« l’écart de digestion » ; que le processus multiple qui se passe dans notre corps
pendant que nous assimilons notre nourriture ; fermer de temps en temps les portes
et les fenêtres de la conscience ; demeurer insensible au bruit et à la lutte que le
monde souterrain des organes à notre service livre pour s’entraider ou s’entre-
détruire ; faire silence, un peu, faire table rase dans notre conscience pour qu’il y ait de
Pascal
nouveau de la place pour les choses nouvelles, et en particulier pour les fonctions et
les fonctionnaires plus noble, pour gouverner, prévoir, pour pressentir. Voilà, je le
répète, le rôle de la faculté active d’oubli, une sorte de gardienne, de surveillante
chargée de maintenir l’ordre psychique, la tranquillité, l’étiquette. On en conclura
immédiatement que nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle
jouissance de l’instant présent ne pourrait exister sans faculté d’oubli.
Nietzsche
106
L’HISTOIRE
La bibliothèque est très souvent considérée comme un « temple du savoir » dans lequel nous trouvons des
connaissances s’appliquant à l’ensemble des domaines de recherche. Ainsi, les sources documentaires qui
reconstituent le vécu passé des hommes se trouvent aussi dans les bibliothèques. L’historien consigne donc ses
travaux dans un livre qui peut être conservé dans une bibliothèque pour une longue durée.
INTRODUCTION Problématique n° 1 :
L’histoire est le domaine qui entend L’histoire se donne d’abord comme un récit
restituer le vécu passé des hommes et lui qui relate les faits et les évènements se
permettre d’être connu. En ce sens, le mot rapportant au vécu concret des hommes dans le
histoire dérive du mot grec historia qui passé. Elle n’est donc pas un récit fictif ou
signifie enquête. imaginaire qui raconte des légendes. Elle
présente des expériences qui ont marqué le passé
L’histoire désigne le récit qui relate les de l’homme.
faits et les évènements ayant marqué
l’existence de l’homme dans le temps. Paul Ricœur, Histoire et vérité, (1955)
« L’histoire que nous écrivons est rendue possible par
l’histoire qui s’est faite. »
L’histoire est aussi une discipline
scientifique qui a pour objet d’étude le passé II- L’HISTOIRE COMME SCIENCE
humain (c’est l’étude scientifique du passé
humain). L’homme est le seul être qui a conscience
d’exister dans le temps. Car sa mémoire lui permet de
souvenir de son passé.
Objectif : nous voulons comprendre quel est le
statut de l’histoire. C’est pourquoi il cherche à reconstruire les
évènements qui ont marqué son passé, sans doute
Problématiques : pour se comprendre et se situer dans sa vie présente
et future. La question qu’on se pose est de savoir si
N° 1 : L’histoire peut-elle prétendre au rang de
cette reconstruction du passé est vraiment
science ?
scientifique.
N°2 : L’histoire est-elle objective ou exposée à la
subjectivité ? L’histoire n’est pas une science naturelle avec un objet
concret comme c’est le cas des sciences exactes.
N°3 : L’histoire a-t-elle un sens ?
- Elle entend comprendre et faire comprendre le sens du
N°4 : Peut-on tirer des leçons de l’histoire ? vécu de l’homme.
107
II- LE TYPE D’OBJECTIVITE EXIGE EN HISTOIRE
- Elle dispose notre être dans le présent
afin de mieux préparer l’avenir.
L’histoire, comme toute science digne de
Paul Ricœur, Histoire et vérité (1955) ce nom exige de l’objectivité dans la mesure
« L’histoire est, comme toute science où :
humaine, une science herméneutique, c’est-
à- dire une science de l’interprétation. » - L’historien doit rechercher l’impartialité et
la neutralité en présentant les faits tels qu’ils
Problématique n° 2 : se sont déroulés.
108
B) - Les philosophies de l’histoire Le déroulement de l’histoire s’explique par le
rapport entre les forces productives (le niveau
Le questionnement sur le sens de l’histoire technique d’une société) et les rapports de
donne lieu au développement des philosophies de production (l’organisation sociale divisée en
l’histoire. classes).
Kant pense que l’histoire manifeste un dessein - Elles donnent l’impression qu’il y a un
caché (projet) de la nature qui est de réaliser processus orienté vers une fin déterminée.
l’unité morale et politique de l’espèce humaine. Ce processus est incompatible avec la liberté
humaine.
Kant, L’idée d’une histoire universelle d’un
point de vue cosmopolitique, (1784) - Cela implique aussi que l’ensemble de
« L’histoire a donc pour finalité l’humanité ait une même histoire, allant
l’accomplissement progressif et régulier dans le même sens.
des capacités humaines. »
- L’idée d’un progrès de l’humanité paraît
contredite par les tragédies telles que les
3. La logique de Hegel (idéalisme historique) génocides, les guerres, les dégâts de la
bombe atomique, etc.
Il considère que l’homme est le maître de son
histoire et c’est lui qui donne un sens à cette
histoire. Le déroulement de l’histoire s’explique Problématique n°4 :
par le rapport entre les forces productives (le
niveau technique d’une société) et les rapports Peut-on tirer des leçons de l’histoire ?
de production (l’organisation sociale divisée en
classes). I- LES HOMMES PEUVENT TIRER DES LEÇONS DE
L’HISTOIRE
Pour lui, c’est la Raison, comprise comme un
principe spirituel suprême, qui gouverne le - Car elle leur fournit un répertoire
monde. L’histoire est donc la manifestation de la d’exemples à suivre ou d’erreurs à
Raison absolue. Ainsi, la marche du monde est un
éviter.
progrès vers la réalisation finale de l’Absolu.
109
- Elle a donc une valeur éducative ou
pédagogique.
Conclusion
110
SUPPORTS TEXTUELS
Texte 53
Il s’en faut bien que les faits décrits dans l’histoire ne soient la peinture exacte
des mêmes faits tels qu’ils sont arrivés : ils changent de forme dans la tête de
l’historien, ils se moulent sur ses intérêts, ils prennent la teinte de ses préjugés. Qui
est-ce qui sait mettre exactement le lecteur au lieu de la scène pour voir un évènement
tel qu’il s’est passé ? L’ignorance ou la partialité déguise tout. Sans altérer même un
trait historique, en étendant ou en resserrant des circonstances qui s’y rapportent, que
de faces différentes on peut lui donner ! Mettez un même objet à divers points de vue,
à peine paraîtra-t-il le même, et pourtant rien n’aura changé que l’œil du spectateur.
Suffit-il pour l’honneur de la vérité, de me dire un fait véritable en me le faisant voir
autrement qu’il n’est arrivé ? Combien de fois un arbre de plus ou de moins, un rocher
à droite ou à gauche, un tourbillon de poussière élevé par le vent ont décidé de
l’évènement d’un combat sans que personne ne s’en soit aperçu ! Cela empêche–t-il
que l’historien ne vous dise la cause de la défaite ou de la victoire avec autant
d’assurance que s’il eût été partout ? Or que m’importent les faits en eux-mêmes,
quand la raison m’en reste inconnue ? Et quelles leçons puis-je tirer d’un évènement
dont j’ignore la vraie cause ?
Rousseau
Texte 54
Cournot
111
112