1-Critéres Done
1-Critéres Done
1-Critéres Done
esthétiques
en céramique
Allégorie de la forme
Intégration biologique, couleur et forme
Quel est le critère le plus important dans
nos restaurations céramiques ?
JF. LASSERRE, H. LAFARGUE
RéSUMé SUME
L’intégration biologique, la couleur et la forme constituent le trépied de la
réussite esthétique en prothèse fixée. Cependant, l’intégration biologique
repose avant tout sur la bonne gestion du profil d’émergence et du contour
axial qui sont des problématiques morphologiques. Dans le domaine de la
couleur, c’est la dimension « luminosité » qui est la plus importante, or elle
rejoint le modelé, le clair-obscur et la perspective qui sont aussi, finalement,
de l’ordre de la forme. La forme apparaît donc comme la clef de voûte de l’in-
tégration esthétique de nos restaurations : elle intervient depuis le plus petit
détail de microgéographie jusqu’à la vision globale de la dent restaurée dans
la composition du sourire ou au-delà dans l’équilibre facial. L’apprentissage
dans ce domaine commence par l’observation de la nature.
IMPLICATION CLINIQUE
La progression dans la maîtrise des restaurations céramiques antérieures
passe avant tout par l’entraînement à la sculpture et à l’observation des détails
morphologiques naturels.
D
Jean-François LASSERRE1
DCD, MCU, PH
1 2
L’INTÉGRATION BIOLOGIQUE
Sous l’éclairage de la parodontologie clinique, « c’est la
santé gingivale qui témoigne du succès de l’intégration
esthétique d’une restauration de prothèse fixée ». Cette
phrase de Glickman (1) qui date de plus de 50 ans est
toujours d’actualité. Mais l’intégration biologique dépasse
largement le cadre de la santé de la gencive marginale
qui est en rapport avec la finesse d’adaptation de la pièce
prothétique et la réalisation d’un profil d’émergence cor-
rect. L’intégration biologique résulte en premier lieu de la
biocompatibilité des matériaux prothétiques : l’absence de
toxicité cellulaire, de pouvoir mutagène ou de potentiels
électrogalvaniques élevés, doit être garantie. La mise en
œuvre de ces matériaux doit également permettre une
grande qualité d’ajustage aux tissus sains restant, garante
d’un continuum dentoprothétique biomécanique et esthé-
3 tique. Cette notion a largement été développée par Mar-
tignoni (2) à la grande époque des coulées artisanales
Fig. 1 - Facteurs d’intégration biologique. d’alliages d’or où les joints d’ajustages dentoprothétiques
pouvaient déjà être inférieurs à 30 microns.
Fig. 2 - L’espace biologique selon Gargiulo (1961). Toutefois, l’ajustage seul ne suffit pas et Martignoni ajoutait
Fig. 3 - Après élévation d’un lambeau d’épaisseur totale, un défaut que « si le résultat esthétique est directement dépendant
d’ajustage du joint dentoprothétique est visible sur la couronne céramo- de la résistance des artifices prothétiques, la résistance
métallique de la 14 dont la limite cervicale est située au ras de l’attache est directement dépendante de la fonction ». La bonne
épithéliale. intégration dans la fonction de mastication, de déglutition,
et de phonation assure la stabilité des tissus profonds à
long terme. L’absence de trauma occlusal par interféren-
ces, prématurités en surguidage dans le cycle masticatoire
les facteurs de la réussite esthétique. L’évaluation clini- contribue à la santé du parodonte profond. La figure 1 pré-
que peut plus simplement reposer sur les trois volets d’un sente ces trois grandes orientations (biocompatibilité/ajus-
triptyque que sont l’intégration biologique, la couleur et la tage/fonction) pour l’intégration biologique, ainsi que sept
forme. L’éclairage de cet article est de démontrer la prio- cofacteurs essentiels dans la réalisation des prothèses.
rité de la forme sur les deux autres facteurs. Le praticien
doit développer son sens de l’observation de la nature pour L’espace biologique
reproduire toute la finesse des détails morphologiques Défini pour la première fois par Gargiulo en 1961 (3) l’espace
observés dans la réalisation des prothèses céramiques. Il biologique est une zone tissulaire située entre le fond du sul-
doit aussi interpréter les formes dans leurs interrelations cus gingival et le rebord crestal osseux. Elle est constituée
complexes avec l’intégration biologique et la couleur. Cette par l’attache épithéliale et l’attache conjonctive du parodonte
démarche demande un sens artistique réel. superficiel à la dent ; la hauteur de cet espace est d’environ
Fig. 5 -
a) Couronne céramocéramique
sur chape Lava® en place sur
la préparation de 11 (visible
en figure 4), on note la qualité
tissulaire parfaite de la gencive
marginale vestibulaire et des
papilles proximales.
b) À droite, la radiographie
montre la situation des marges de
zircone qui ont respecté l’attache
épithéliale et l’attache conjonctive
à environ 2 mm des septa osseux.
5a 5b
6 7 8
12 13
16 17
Fig. 16 - Macrogéographie d’une incisive centrale avec plusieurs fossettes reflétant son élaboration trilobée et un profil d’émergence bombé.
Fig. 17 - Microgéographie tourmentée avec état de surface brillant d’une incisive centrale jeune vue en très fort grossissement. On remarque
les périchématies régulières dans le tiers cervical et des formes en relief ou en fossettes sur le reste de la dent qui sont toutes douces et
émoussées.
La macrogéographie
La macrogéographie décrit le modelé et la structure de la tègre parfaitement dans les schémas fonctionnels, qui,
dent en rapport avec son élaboration lors de l’odontoge- concernant les dents antérieures sont ceux de l’incision
nèse. Elle correspond aux sillons, fosses et fossettes qui et de la fonction d’outil au travers de la préhension et de la
recèlent la structure trilobée des incisives (fig. 16). Elle section souvent négligées lors de l’analyse des fonctions
s’intéresse en particulier à la position des grands bom- buccales (fig. 18).
bés déflecteurs sur les faces axiales qui jouent un rôle Le réglage du bord à bord incisif constitue un élément clé
important dans la fonction, et aux variations morpholo- du contrôle. Les facettes d’usure des bords incisifs doi-
giques qui permettent d’orienter en mésial ou distal une vent être rodées et correctement orientées dans la dyna-
couronne. Dans ces formes, les variations individuelles mique occlusale. La morphologie des faces palatines des
sont infinies. incisives maxillaires est un exemple de morphologie fonc-
tionnelle adaptée à la prise en charge des mouvements
La microgéographie ou texture centrifuges de propulsion et des forces horizontales à
La microgéographie est l’appropriation de la forme à plus partir des contacts de l’OIM. Ces contacts ne sont pas
petite échelle. Elle rejoint la texture et l’état de surface de cingulaires mais principalement situés sur les crêtes mar-
la dent plus ou moins brillant, satiné ou mat, en particulier ginales des faces palatines. Dans l’analyse centripète des
suivant l’âge. Elle s’inscrit grâce aux stries de croissance mouvements mandibulaires la concavité palatine supra-
de l’émail appelées périchématies et très visibles sur les cingulaire doit libérer l’incision à partir du bout à bout et
dents jeunes ou peu fonctionnelles (fig. 17). Certaines les passages latéraux lors du cycle masticatoire (fig. 19).
particularités comme les puits et les perles de l’émail ou
les stries horizontales hypoplasiques sont du même regis- Forme et composition du sourire
tre. La réalisation de la texture au laboratoire demande un La forme unitaire d’une dent n’a de sens que dans les
grand savoir-faire et un long temps de travail après les relations harmonieuses qu’elle entretient avec les formes
différentes cuissons et glaçage de la dent céramique. voisines. Les études sur les mécanismes de perception
visuelle nous apprennent que nous devons raisonner en
La forme inséparable de la fonction terme de composition car lorsque nous observons un
La forme est inséparable de la fonction. Elle est issue de sourire nous avons une vision holistique, les détails nous
l’évolution des espèces, elle-même soumise aux lois de échappent le plus souvent. Ces mécanismes soutendent
sélection naturelle résultant en une plus grande effica- ce que Lombardi définit pour la première fois en 1973
cité, spécialisation ou adaptation fonctionnelle à l’environ- sous le nom d’« arc dentaire antérieur » (19). Cet arc est
nement. Il n’y a pas de morphologie gratuite : tout détail limité vers le haut par la ligne ou découpe gingivale et
morphologique est centré vers une fonction particulière. vers le bas par la ligne ou découpe incisale. Ces lignes
L’excellence esthétique ne sera atteinte que si elle s’in- ont un fort pouvoir expressif. La ligne incisale doit en par-
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ticulier être convexe et suivre la courbure de la lèvre infé-
rieure lors du sourire (fig. 20). La ligne gingivale quant à
elle ne supporte que très peu d’asymétrie par rapport au Fig. 18 - Fonction outil des incisives pour la section ici d’un fil de pêche.
plan sagittal médian, la symétrie des festons gingivaux
Fig. 19 - Morphologie fonctionnelle palatine des incisives centrales, en
des incisives centrales est un prérequis en prothèse fixée. bleu les marquages centripètes et en rouge les marquages centrifuges de
Dans un sourire harmonieux, la totalité de la hauteur des propulsion moins marqués.
incisives centrales est visible sans excès gingival et avec
un affleurement du bord incisif par la lèvre inférieure. Une Fig. 20 - Analyse de la composition harmonieuse de l’arc dentaire
tendance à la convergence mésiale des axes corono- antérieur : ligne incisive convexe (rouge), ligne gingivale symétrique
(jaune), Zénith distalé des festons gingivaux sur les incisives centrales
radiculaires, des centrales dominantes bien positionnées
(points jaunes), ascension distale des points de contact proximaux,
dans le visage, des incisives latérales légèrement asymé-
convergence mésiale des axes coronoradiculaires, légère asymétrie droite/
triques et des variations de hauteur des pointes canines,
gauche de l’ensemble.
sont autant d’éléments inspirés de l’observation du natu-
rel et qui vont donner vie au sourire restauré.
CONCLUSION
Un très grand nombre de facteurs contribuent à la réussite
de l’intégration esthétique d’une restauration céramique.
Cependant la maîtrise de la forme prédomine par rapport Mots clés
aux autres facteurs évoqués. Ce travail de la forme doit Esthétique, forme, couleur, intégration
s’envisager du plus petit détail de microgéographie à la biologique
vision globale de la dent restaurée dans la composition
du sourire et au-delà dans l’équilibre facial. Seuls l’obser- Key words
vation minutieuse de la nature, l’entraînement à la mor- Aesthetics, shape, shade, periodontal
phologie par la sculpture de pièces de montre, et le travail health
personnel de développement du sens artistique, permet-
tront au praticien de fuir la réalisation de dents stéréoty-
Réalités Cliniques 2010. Vol. 21, n°4 : pp. 9
Restaurations esthétiques en céramique