Pavot À Opium

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Pharmacognosie Pavot à opium

1. Généralités :

Les Pavots appartiennent à la famille des Papavéraceae et au genre Papaver, le plus important en
thérapeutique est le Papaver somniferum.

Le Pavot est très anciennement connu et son origine remonte à la plus haute antiquité. Provenant
probablement d’Asie, sa culture s’est répandue en Iran et en Turquie.

Ses propriétés médicinales ont surtout été mises en valeur en Europe à partir du 17ème siècle. Premier
alcaloïde connu et isolé, la morphine a été découverte au début du 19ème siècle. La morphine s’est révélée
être un analgésique majeur, mais son administration répétée a engendré une toxicomanie.

Cette espèce fournit à la matière médicale ses feuilles, ses capsules employées en nature et surtout pour
l’extraction des alcaloïdes. Par incision des capsules de variétés cultivées en climat chaud, on obtient
l’opium (latex desséché) officinal, dont le principal alcaloïde est la morphine déjà cité mais la codéine et les
dérivés hémisynthétiques de la morphine sont plus utilisés. Enfin, les graines servent à l’extraction de
l’huile d’œillette officinale et utilisées pour la confection des pains et de pâtisseries.

Actuellement, la culture du Pavot pour l’usage médicinal (principalement comme source de codéine) est
strictement contrôlée mais il subsiste encore un trafic illicite international important pour la production de
l’héroïne par hémisynthèse à partir de la morphine ou bien l’opium est consommé directement, il peut être
avalé, injecté et il peut être fumé.

2. Etude botanique :
2.1. Description :

Le Pavot est une plante annuelle à tige principale dressée de 1m à 1,5m, portant quelques ramifications.

Les feuilles sont alternes, oblongues, les inférieures pennatiséquées à segments aigus, les supérieures
seulement dentées, de 10cm de longueur environ, d’un vert glauque.

Les fleurs sont terminales, solitaires, de couleur allant du blanc rose au violet et au rouge.

Le fruit est une capsule sphérique ou ovoïde, porté sur un pédoncule renflé à la jonction. Elle renferme des
graines très petites et très nombreuses (25 à 30.000), de coloration variable. Un latex blanc s’écoule par
incision des différentes parties de la plante.

2.2. Culture :

Très anciennement cultivé, le Papaver somniferum comprend de nombreuses variétés et races, différant par
la couleur des fleurs, des graines, la forme et les dimensions de la capsule, la pilosité des feuilles.
Classiquement, on distingue les variétés suivantes :

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 La variété album : elle possède des fleurs blanches, des capsules ovoïdes indéhiscentes et des graines de
couleur blanc jaunâtre. C’est la variété traditionnellement cultivée en Inde, Turquie, Iran pour la
production d’opium.

 La variété glabrum : à fleurs rouge pourpre, à capsules globuleuses, déhiscentes, à graines noir violacé,
elle est cultivée en Turquie.

 La variété nigrum ou « Pavot-œillette », à capsules subglobuleuses s’ouvrant par des pores situés sous les
bords du plateau stigmatique et renfermant des graines de couleur gris ardoisé, elle est cultivée en Europe
pour la production d’huile et d’alcaloïdes.

 La variété setigerum, à fleurs violettes, les pédoncules floraux et les feuilles sont couverts de poils rudes, à
l’état semi-sauvage en Europe méridionale.

2.3. Pays producteurs :

De nos jours la culture licite du Pavot permet d’en extraire la morphine à partir de l’opium et de plus en
plus à partir de la paille de pavot.

 Pour la production d’opium licite, en climat chaud, elle est strictement réglementée et prise en charge
par les états unis par l’intermédiaire de l’organe international de contrôle des stupéfiants. L’Inde, la
Turquie, l’Iran, Ex. Urss et Ex. Yougoslavie étaient, dans cet ordre, les plus importants producteurs licites
d’opium.
Depuis quelques années, à la suite de l’arrêt de la production d’opium en Iran, en Turquie, en Ex. Urss et en
Ex. Yougoslavie, l’Inde est devenu pratiquement l’unique fournisseur licite d’opium.

 L’idée d’obtenir les alcaloïdes du Pavot sans passer par l’opium est réalisée par la culture en climat
tempéré froid.
Il s’agit de l’extraction de la morphine à partir de la « paille » du Pavot constituée par la capsule et le tiers
supérieur de la tige séchée.
Bien que la production et les stocks de paille de Pavot ne soient pas soumis à déclaration, on sait que les
producteurs sont localisés essentiellement en Europe orientale (Hongrie, Ex. Urss….) et occidentale
(Hollande, Espagne, France….).

 Maintenant pour la production illicite du Pavot, elle se situe principalement dans le « croissant d’or »
(Pakistan, Afghanistan et Iran) et dans le « triangle d’or » (Thaïlande, Laos et Birmanie), mais aussi en Inde,
elle permet notamment de produire l’héroïne par hémisynthèse à partir de la morphine.

2.4. Récolte :

Selon la culture en climat chaud ou en climat tempéré froid donc on a soit l’opium ou la paille, pour cela on
a deux types de récolte :

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 Pour l’obtention de l’opium, la récolte peut être faite dix jours après la chute des pétales.
L’incision des capsules est réalisée par scarification au moyen d’instruments spéciaux constitués
généralement de sortes de couteaux à une ou plusieurs lames. Les parois de la capsule ainsi incisées
permettent l’écoulement du latex blanc. A l’air ce dernier brunit et durcit, plus ou moins rapidement, se
transformant en petites masses brun foncé.

 Pour l’obtention de la paille de Pavot, il existe deux procédés de récolte différents selon la période de
coupe, on distingue :
- La récolte en vert : elle a lieu trois semaines environ après la pleine floraison, on coupe mécaniquement
au 1/3 supérieur de la plante, on broie et on sèche immédiatement (déshydrateur à luzerne). C’est le
procédé le plus récent, qui, bien conduit, devrait donner les meilleurs rendements en alcaloïdes.
- La récolte en sec : elle s’effectue dés que les tiges et les feuilles sont desséchées sur la plante et que la
capsule se brise facilement dans la main (Pavot mûr). On coupe à la machine environ le tiers supérieur de la
plante, et on sépare les graines des capsules.

Le produit obtenu dans les deux cas est un « concentré » de paille de Pavot que l’on transporte jusqu’à
l’usine d’extraction sous forme de granulés.

2.5. Caractères des drogues :

La capsule est de forme sphérique ou oblongue, elle est surmontée de plateau stigmatique à divisions
rayonnantes, elle est déhiscente ou non et renferme de très nombreuses petites graines réniformes, de
coloration variable, blanc jaunâtre, gris ardoise ou noir violacé.
La coupe transversale d’une capsule montre des lamelles placentaires non réunies sur lesquelles se trouvent
les graines. Dans les parois des capsules, on remarque la présence de très nombreux laticifères, anastomosés
en réseau.

L’Opium officinal (Tableau B) ou Opium de l’Inde est défini comme le latex épaissi obtenu par incision des
capsules de diverses variétés de Papaver somniferum.
Il est constitué par une pâte plus ou moins molle, brillante, homogène, de couleur brun noirâtre, l’odeur est
caractéristique (rappelant un peu celle du chocolat), la saveur âcre et amère.

3. Composition chimique :

Parmi les substances banales, il faut noter la présence des acides organiques en quantités importantes, dont
le principal est l’acide méconique (de Mékoné, ville du Pavot) ou acide hydroxy --pyrone dicarboxylique.

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Les principes actifs sont des alcaloïdes dont la teneur moyenne varie de 10 à 20, on peut les classer en
trois groupes principaux :
 groupe à noyau morphinane ou groupe de la morphine : à noyau phénanthrénique (morphine, codéine,
thébaine).

R1 R2 Nom alcaloïde
OH OH Morphine 8-15
OCH3 OH Codéine 1-3
OCH3 OCH3 Thébaine 0,2-1

 Morphine : sa teneur dans l’opium varie de 8 à 15, elle est constituée par un noyau isoquinoléique
hydrogéné et noyau phénanthrénique. C’est une base tertiaire susceptible de donner des sels ; elle possède
un pont oxydique, une fonction alcool, une fonction phénol, cette dernière lui confère des propriétés
particulières :
- formation, en milieu alcalin fort, de phénates solubles dans l’eau (propriétés mises à profit pour
l’extraction de la morphine).
- propriétés réductrices vis-à-vis notamment du nitrate d’argent ammoniacal.
- formation d’éthers (méthylmorphine ou codéine).
Sous forme de base, la morphine est insoluble dans l’éther éthylique, cette propriété étant mise à profit
pour l’extraction et le dosage.

 Codéine (de Kôdé, tête de Pavot) : sa teneur varie selon l’origine (1 à 3) ; alcaloïde très voisin de la
morphine, c’est l’éther méthylique de la morphine.

 Thébaine : sa teneur est faible (0,2-1).

 Groupe des alcaloïdes dérivés de l’isoquinoléine :

 Groupe de la papavérine (alcaloïdes dérivés du noyau benzyl-isoquinoléine) : ce groupe comprend la


papavérine elle-même accompagnée d’alcaloïdes voisins mineurs (landanine, landanosine). La teneur de
l’opium en papavérine est de 0,5 à 1 ; cet alcaloïde, intéressant en thérapeutique est actuellement presque
exclusivement préparé par synthèse.

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Groupe de la noscapine (=narcotine) (alcaloïdes dérivés du noyau tétrahydroisoquinoléine)

La noscapine (« qui ne donne pas d’accoutumance ») est le chef de file de ce groupe. Sa teneur varie de 3 à
8, elle est élevée dans l’opium de l’Inde. Les sels naturels de noscapine sont insolubles dans l’eau froide, ce
qui permet d’extraire cet alcaloïde ou de l’éliminer de certaines préparations galéniques.
La noscapine est accompagnée de petites quantités de narcéine et de narcotoline.

Composition chimique des autres drogues :


leur composition chimique, graines exceptées, qualitativement identique à celle de l’opium, est très variable
quantitativement, mais la teneur en alcaloïdes totaux est toujours beaucoup plus faible.
– drogues officinales :
Capsules : elles contiennent 0,20 à 0,30 d’alcaloïdes totaux (tableau A).
Feuilles : les alcaloïdes y sont en très faible quantité (0,05).
Graines : elles ne contiennent pas d’alcaloïdes mais renferment 40 à 45 d’huile d’œillette.
– paille de pavot :
la teneur en alcaloïdes totaux est de 0,3 en moyenne.

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4. Extraction :

La méthode utilisée pour l’extraction des alcaloïdes de l’opium est celle de Robertson-Grégory :

OPIUM

Solution d’alcaloïdes sels marc Noscapine

(Lactates, sulfates, méconates)

Lactate et Méconate Solution de chlorhydrates d’alcaloïdes

de Ca, résine, etc.….. Concentration douce

Solution

=mélange de chlorhydrate Excès d’ammoniaque

De morphine et de codéine Solution Papavérine

=Sel de Gregory (Narcéine) +Thébaine

(Séparation par addition

+H2O d’acétate basique de plomb)

+NH4OH

ou NH4cl

Solution

+KOH

Morphine Codéine

Cette méthode est basée sur l’extraction aqueuse, la défécation par le chlorure de calcium et la
cristallisation par concentration du filtrat, d’un mélange de chlorhydrates de morphine et de codéine
(sel de Grégory). Dans les eaux-mères, l’addition d’un excès d’ammoniaque précipite la thébaine et la

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papavérine. Dans la solution aqueuse chaude du sel de Gregory, la morphine est ensuite précipitée par
addition lente d’ammoniaque.

5. Action physiologique :
- Action de la morphine :
 Sur le SNC : L’action principale de la morphine est une action analgésique qui se manifeste même à dose
faible. Il se produit une dépression de la perception douloureuse ; l’action est particulièrement efficace sur
les douleurs permanentes de grande intensité. Parallèlement, se développe une sédation souvent
accompagnée d’euphorie, qui se transforme progressivement en sommeil, le réveil du sujet étant
particulièrement désagréable : C’est donc un bon analgésique mais un mauvais hypnotique.
L’euphorie et la sensation de bien-être procurées par l’administration de morphine sont recherchées par les
toxicomanes tandis que s’installent la tolérance et la dépendance ; la morphine est un stupéfiant, elle est
inscrite au tableau B.
 Sur la respiration : la morphine entraine une dépression respiratoire d’autant plus intense que la dose
administrée est élevée.
 La morphine et ses dérivés exercent, à faible dose, une action antitussive.
 Au niveau du cœur, la morphine est bradycardisante.
 Au niveau de l’appareil digestif, la morphine provoque des nausées et vomissement=émétique
et diminue le péristaltisme intestinal (action antidiarrhéique).
- Action des autres alcaloïdes :
 Codéine : C’est aujourd’hui l’alcaloïde le plus utilisé en thérapeutique, il est inscrit au tableau B. C’est un
excellent antitussif (sédatif de la toux).
 Papavérine : C’est un spasmolytique, elle agit sur les muscles lisses.
 Thébaine : C’est un alcaloïde sans action thérapeutique propre, il est toxique, convulsivant à forte dose.
 Noscapine : Sédatif de la toux et non toxicomanogène.
- Action de l’opium :
L’opium possède une activité physiologique qui est la résultante de celle de tous les alcaloïdes et également
de substances non alcaloïdiques qui peuvent intervenir en potentialisant l’action des alcaloïdes (tanins,
acides organiques…)
L’action est hypnoanalgésique, antitussive et antidiarrhéique.
6. Essais :
6.1. Botanique :
on vérifie les caractères particuliers des différentes drogues : caractères macroscopiques et caractères
microscopiques en vérifiant la présence de laticifères.
6.2. Physicochimique :
 qualitatif :
 Caractérisation de l’opium par mise en évidence de l’acide méconique :
après extraction par l’éther en milieu chlorhydrique, celui-ci est caractérisé par la coloration rouge-grenat
qu’il donne en présence d’une solution diluée de chlorure ferrique.

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 Caractérisation des alcaloïdes. Elle s’effectue :
- Par des réactions colorées : ex. l’addition de réactif sulfoformolé au résidu d’extraction d’alcaloïdes bases
donne une coloration rouge en présence de morphine.
- Par chromatographie sur couche mince en présence de témoins après révélation par l’iodobismuthite de
potassium.

 Quantitatif :
Le dosage en CLHP a remplacé le dosage acidimétrique décris par les anciennes éditions de la pharmacopée
française. Cette technique met à profit le caractère basique et phénolique de la morphine et l’insolubilité de
la morphine base dans l’éther.
 D’autres méthodes ont été proposées pour pallier les inconvénients du dosage de la pharmacopée
française, ex :
- Méthode gravimétrique (précipitation de la morphine à l’état d’éther dinitrophénylique).
- Méthode colorimétrique (coloration jaune obtenue par formation de nitrosomorphine.
6.3. Physiologique :
Les méthodes d’essais physiologiques sont surtout réservées à la détermination du pouvoir analgésique
(mesure de l’intensité de la douleur chez la souris, le rat, le chat, etc.…), une dose de 0,1mg de morphine
provoque le redressement de la queue des animaux en S.

7. Emploi :

Drogues en nature :
 L’opium : Ingéré ou fumé, l’opium peut être utilisé comme médicament de la douleur. Cette pratique a
été progressivement abandonnée dans les pays industrialisés.
 Graines : elles ne contiennent pas d’alcaloïdes et peuvent être utilisées en alimentation en boulangerie
(pain aux graines de pavot, farine de pavot, biscuits) et pour l’extraction et la fabrication de l’huile
d’œillette officinale.

Drogues utilisées pour la préparation de formes galéniques : opium officinal. A partir de l’opium, on
prépare :
 La poudre d’opium (tableau B) contenant 10 de morphine servant à préparer :
- La teinture d’opium benzoïque ou élixir parégorique antidiarrhéique (Tableau C) actuellement additionné
de sirop de sucre pour éviter l’utilisation en injection.
- La teinture d’opium safranée ou Laudanum de Sydenham (Tableau B) analgésique.
- La poudre de Dover ou poudre d’ipécacuanha composée (Tableau C) expectorant, antitussif.
 L’extrait d’opium (Tableau B) : C’est un extrait aqueux renfermant 20 de morphine (dépourvu de
Noscapine) ; il sert à fabriquer la teinture d’opium (Tableau B) titrant 1 de morphine. Ces deux formes
galéniques sont largement utilisées dans des spécialités.

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Drogues servant à l’extraction des alcaloïdes :
Actuellement, la production des alcaloïdes provient par moitié de l’opium et par moitié de la paille de
pavot. Les alcaloïdes extraits sont :
La morphine : C’est un antalgique non spécifique utilisé dans la prise en charge de la douleur persistante
intense, en particulier les douleurs d’origine cancéreuse, on l’utilise lorsque les autres antalgiques
deviennent insuffisants pour calmer la douleur. On privilégie actuellement la voie orale.
La morphine (SC, IM) est également indiquée en cas de douleurs post-traumatiques, douleurs
postopératoires, de coliques néphrétiques et hépatiques.
Cette substance, contre-indiquée chez les enfants et les vieillards, est peu employée comme
hypnoanalgésique aujourd’hui, la majorité de la morphine extraite est transformée en produits antitussifs :
codéine (surtout), codéthyline, pholcodineND, c’est également une matière première d’hémisynthèse de la
nalorphine (antagoniste de la morphine) et de l’apomorphine à propriétés émétiques (Tableau A). Elle sert
d’autre part à la préparation de l’héroïne, analgésique puissant induisant une forte tolérance et une
dépendance, c’est un produit très dangereux retiré de la thérapeutique.
La codéine (Tableau B) : est le principal alcaloïde utilisé comme sédatif, antitussif et antidiarrhéique. La
codéine est administrée par voie orale sous forme de spécialités. Ex : NéocodionND.
La noscapine (Tableau A) : peu utilisée aujourd’hui comme antitussif.
La papavérine (Tableau A) est utilisée pour ses propriétés antispasmodiques, elle est préparée par synthèse
totale.
La thébaine (Tableau B) : c’est un alcaloïde non utilisé tel quel mais intéressant pour la préparation de la
codéine et de l’oxycodone analgésique et antitussif.

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