La Responsabilité Civile de L

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La responsabilité civile de l’avocat La responsabilité civile550 de l’avocat naît du non-respect d’une

obligation envers son client. Il existe deux types d’obligation : obligation de moyens et obligation de
résultat. Aussi, il y a deux types de responsabilité : la responsabilité civile résultant d’un contrat, c’est
la responsabilité contractuelle et celle résultant de fait et gestes ou omissions, c’est la responsabilité
extra-contractuelle. Ces deux régimes sont fondés sur la notion de faute, soit un manquement,
intentionnel ou non, à une obligation qui incombe sur l’avocat. Si la responsabilité est extra-
contractuelle, c’est le client qui doit prouver que son avocat n’a pas fait tout ce qui était dans le
possible pour atteindre le résultat souhaité. C’est un mécanisme défini par les dispositions des
articles 77 et 78 du code des obligations et des contrats marocain551. Donc, il reste au client de
prouver que la négligence ou l’imprudence de son avocat à lui causer le préjudice. Peu importe la
nature du préjudice (matériel, immatériel voire moral et même perte de chance) dès lors qu’il est
direct, actuel et certain, ce qui exclut le préjudice éventuel mais n’écarte pas le préjudice futur et
certain comme la perte d’une indemnité certaine. Il est admis par la jurisprudence qu’une faute
contractuelle peut également constituer un manquement à une obligation générale de prudence,
sécurité et diligences et par conséquent constituer une faute extra-contractuelle. Si la responsabilité
est contractuelle, le client est exonéré de prouver la faute de son client, c’est l’avocat qui doit
prouver que l’inexécution ou de l’exécution défectueuse ou tardive de son obligation, quelle qu’en
soit la source, envers son client est due à une cause étrangère. L’objectif axial de la classification des
obligations dans le cadre de la détermination de la responsabilité de l’avocat réside dans la fixation
des contours de la preuve. L’avocat, tenu d’une obligation de moyens est exonéré de prouver
l’exécution de cette obligation. C’est au client qu’incombe cette responsabilité. Ceci étant, une
distinction s’avère nécessaire à opérer entre les conditions et les effets qui résultent de la
responsabilité extra-contractuelle de l’avocat. La détermination du régime juridique de la
responsabilité de l’avocat a une influence sur la détermination du délai de la prescription à appliquer,
sur la désignation du tribunal compétent et éventuellement sur la détermination du texte applicable
en cas de changement législatif ou de conflit de lois. En revanche, la responsabilité extra-
contractuelle n’est engagée que si les trois conditions cumulatives sont réunies, à savoir une faute
commise par l’avocat, un dommage subi par la victime, et enfin un lien de causalité entre la faute
commise et le préjudice subi. Ce préjudice doit être certain, direct et susceptible d'évaluation
immédiate. Le préjudice futur est aussi réparable dans des conditions fermes. La disparition actuelle
et certaine d'une éventualité favorable doit être évaluée par le juge. La réunion de ces trois
conditions produit des effets juridiques à la charge de l’avocat qui a commis la faute, qu’il doit
réparer intégralement. Et lorsque l’avocat accepte de défendre un client, un contrat se crée
automatiquement entre eux, produisant des obligations mutuelles à la charge des deux parties. Ainsi,
l’avocat doit exécuter ses obligations prédéterminées par ce contrat, et il doit faire tout ce qui est
dans l’intérêt du client, selon la nature de l’affaire. L’inexécution par l’avocat de ses obligations
donne le droit au client à des dommages-intérêts qui résultent de l’inexécution, du retard ou de la
mauvaise exécution de ces obligations. La responsabilité née du manquement à une obligation
contractuelle est une responsabilité contractuelle. L’avocat est tenu envers son client, dans certaines
prestations comme dans la rédaction des actes, d’une obligation de résultat, dans d’autres
prestations judiciaires, l’avocat est tenu d’une obligation de moyens. Il n’est pas censé de gagner le
procès, mais il faut déployer les moyens qu’il dispose pour défendre son client. Les obligations
contractuelles peuvent être de résultat ou de moyens. Pour les obligations de résultat, l’unique cause
de la responsabilité est l’inexécution de l’obligation. Une fois établie, c’est l’avocat de se décharger
de sa responsabilité en prouvant une cause étrangère. Dans le cas d’une obligation qui n’est pas de
résultat, le client doit, en revanche, prouver un comportement fautif de son avocat. 162 Mazeaud
affirme que ramener le problème de la responsabilité à deux séries d’obligations, les unes
contractuelles, les autres extra-contractuelles, n’a de valeur que pour connaître les sources, mais
n’est d’aucune utilité pour analyser le lien de droit qui en découle : pour cela, il faut approfondir son
contenu. La théorie des obligations de moyens et des obligations de résultat permettrait seule de
clarifier la difficulté. Mazeaud est catégorique. Les différences qui existent entre la responsabilité
contractuelle et la responsabilité extra-contractuelle ne sont pas qu’accessoires ; celles qui seraient
importantes sont fausses552. Les concepts d’obligations de moyens et d’obligations de résultat ont
surtout été utilisés sur le terrain de la responsabilité contractuelle. H. Mazeaud affirme que la théorie
s’appliquerait aussi bien au domaine délictuel qu’au domaine contractuel. Il a pu écrire : « désormais
toutes les obligations contractuelles ou extra-contractuelles sont réparties en deux groupes,
obligations déterminées et obligations générales de prudence et diligence ». Tunc reprend
approximativement la formule de Mazeaud553, mais il est nuancé dans ses termes. Parlant de la
théorie de Demogue, il l’insère dans le domaine de la responsabilité extra-contractuelle où l’on
trouverait une situation comparable, ou même très comparable554 ; entre les deux ordres de
responsabilité, il n’existerait pas de régimes identiques mais simplement une similitude
fondamentale. La prudence de ces auteurs est justifiée par le poids de la tradition n’est pas favorable
à une application de la distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat aux
obligations extra-contractuelles555. M. Van Ryn a fait une distinction : « dans la responsabilité
contractuelle, la plupart des obligations seraient de résultat, alors qu’elles seraient de moyens dans
la responsabilité délictuelle »556. Demogue estimait que les obligations délictuelles étaient de
moyens557. Mais, les deux catégories ont un champ d’application propre, tant dans le domaine
extra-contractuelle que dans le domaine contractuel.

Subséquemment, la théorie des obligations de moyens et des obligations de résultat est normale
dans le domaine contractuel, mais elle serait anormale dans le domaine délictuel. Si l’unité de la
responsabilité prend forme dans l’idée de violation d’une obligation, il existe des particularités
techniques propres à la responsabilité extracontractuelle dont le juge doit tenir compte. Il n’est pas
indifférent que l’obligation soit voulue ou créée par les parties en vue d’obtenir telle ou telle
satisfaction, ou qu’elle préexiste à tout rapport juridique, obligeant directement l’individu envers
l’ensemble des hommes composant la société ou une partie seulement d’entre eux. Le terme
obligation, selon qu’il signifie engagement consenti ou contrainte directe, paraît avoir un contenu
variable. Certes, aucun raisonnement juridique précis ne permet d’exclure la responsabilité extra-
contractuelle du champ d’application de la théorie des obligations de moyens et des obligations de
résultat ; mais, du fait que depuis des siècles on oppose les deux responsabilités, est né le sentiment
que le contenu de l’obligation extra-contractuelle ne pouvait être analysé comme les devoirs
conventionnels558. M. Frossard considère que ce reflexe de ségrégation n’a cependant pas de
portée et la théorie des obligations de moyens et des obligations de résultat conserve une utilité
fructueuse en matière délictuelle559. Toutefois, on ne peut pas rapprocher la théorie des obligations
de moyens et des obligations de résultat de la responsabilité extra-contractuelle. Parce que cette
théorie ne peut être figurée qu’en matière contractuelle. En conséquence, introduire cette théorie
dans le champ de la responsabilité extra-contractuelle procède d’une confusion entre les ordres de
responsabilités, leurs logiques propres et leurs régimes juridiques. Il ne faut pas oublier que
Demogue a élaboré sa théorie en vue d’une application pratique concernant l’existence de la faute
ou sa présomption. C’est là une question de pure technique. La distinction des obligations de moyens
et des obligations de résultat n’a d’utilité que dans la recherche de la nécessité de la culpa comme
élément de responsabilité560.

On peut même parler d’obligations de résultat atténués et d’obligations de résultat renforcées. En


effet, les obligations de résultat renforcées ou de garanties sont des obligations pourvues de tout
aléa y compris en cas de force majeure, puisque le cas de force majeure n’est qu’un moyen de
prouver l’absence de faute561. C’est l’avocat qui supporte donc le risque d’un événement imprévu,
sauf en cas de la faute volontaire du client, c’est similaire à une obligation de garantie. Par contre, les
obligations de résultat relatives sont des obligations de présomption simple de faute, renversées par
la preuve de l’absence de faute. Il s’agit des obligations de résultat atténuées au lieu d’obligations de
moyens, où la responsabilité de l’avocat est dégagée. Il précise que la preuve exigée de lui est plus
aisée que celle de la force majeure562. Au lieu des obligations de résultat, il propose des obligations
de garanties où la responsabilité est automatique, y compris en cas de force majeure563. L’obligation
de résultat est une obligation en vertu de laquelle l’avocat est tenu à un résultat précis. La charge de
la preuve de la faute en cas d’inexécution de cette obligation présumée revient à l’avocat ; le client
étant exonéré de démontrer la faute de son avocat. Il lui suffit que le résultat promis n’ait pas été
obtenu. L’avocat est alors en faute, lorsqu’il n’exécute pas la prestation qu’il doit fournir à son client.
La Cour de cassation française réaffirme régulièrement que l’inexécution d’une obligation de résultat
fait à la fois présumer la faute et le lien de causalité564. La condition d’obtention des dommages et
intérêts par le client est le résultat de l’inexécution de l’obligation contractuelle par l’avocat ou le
retard dans l’exécution, sauf s’il a prouvé que l’inexécution de son obligation contractuelle provient
d’une cause étrangère qui ne lui est pas imputable, il s’exonère alors de toute responsabilité envers
son client.

L’article 228 du code des obligations et des contrats marocain565 dispose que « les obligations
n’engagent que ceux qui ont été parties à l’acte ; elles ne nuisent point aux tiers et elles ne leur
profitent que dans les cas exprimés par la loi ». Cet article pose le principe de la relativité des
conventions, en vertu duquel celles-ci ne peuvent ni nuire aux tiers, ni leur profiter, ce principe
n’empêche pas que le contrat s’impose aux tiers en tant que fait juridique, qu’il doivent respecter, et
que les tiers soient en droit de l’invoquer, s’ils subissent un dommage du fait de sa violation566. Mais
dans quelles conditions l’inexécution d’un contrat peut entraîner la responsabilité de la partie
défaillante vis-à-vis d’un tiers, et, plus précisément, de déterminer si ce dernier est en droit
d’invoquer le manquement contractuel à l’origine de dommage ou s’il doit, de surcroît, apporter la
preuve que le manquement contractuel constitue également une faute délictuelle. Pour la clarté des
développements, il convient d’opposer la responsabilité contractuelle à la responsabilité extra-
contractuelle de l’avocat.

La responsabilité extra-contractuelle de l'avocat La responsabilité extra-contractuelle de l’avocat née


du manquement aux obligations générales de sources différentes que le contrat. C’est une
responsabilité d’ordre public qui dispose d’un régime spécifique, nécessite des conditions spécifiques
et qui produit des effets de la même nature. Section I : La nature extra-contractuelle de la
responsabilité de l’avocat Le professionnel est appelé à remplir les obligations générales du droit
commun. Il est appelé aussi à remplir les obligations spéciales que son métier lui impose567. «
L’influence de sa mission conduit à définir sa responsabilité568 d’une façon qui n’est pas commune.
Avec l’influence de la déontologie, les activités particulières de l’avocat donneraient un caractère
forcé et vain à toute intégration dans le droit commun de la responsabilité civile »569. La nouvelle loi
du 20 octobre 2008570 qui organise la profession de l’avocat au Maroc, ne comporte aucune
disposition concernant la responsabilité des avocats, le législateur marocain se référant aux
dispositions du droit commun. De même, le législateur français, inspirateur traditionnel de notre
législateur, précise clairement que « les instances en responsabilité civile contre les avocats, suivent
les règles ordinaires de la procédure »571. La responsabilité civile572 de l’avocat se manifeste
lorsque celui-ci enfreint ses obligations juridiques et déontologiques qui caractérisent sa profession.
Il « est civilement responsable des actes professionnels accomplis pour son compte par son ou ses
collaborateurs »573. L’objet de cette responsabilité est l’indemnisation du client lésé par la faute de
l’avocat qui a manqué à ses obligations. Les juges, depuis quelques années, se montrent plus sévères
avec les hommes de loi qui manquent à leurs obligations, leur infligeant des sanctions même pour
des fautes légères. « Certes, le changement des mœurs, l’absence de résignation chez les victimes,
l’accessibilité plus grande à la justice, la réaction en chaîne qu’exercent l’un sur l’autre, le progrès de
la responsabilité et le progrès des assurances, ont certainement des facteurs déterminants de
l’extension de la responsabilité de l’avocat »574. Aussi, l’évolution incessante des sociétés modernes
a, en effet, eu d’importantes répercussions sur la profession d’avocat, accentuant les difficultés
traditionnelles de l’exercice de cette profession mais provoquant également une extension inévitable
de son rôle575. Ceci étant, il semble opportun d’examiner la nature juridique de la responsabilité de
l’avocat, pour savoir si elle est une responsabilité extracontractuelle (section I), ou est-ce une
responsabilité spéciale, à savoir une responsabilité professionnelle (section II). Sous-section I : Le
contenu de la responsabilité extra-contractuelle de l’avocat La nature juridique des obligations de
l’avocat rend difficile la détermination de la nature juridique de sa responsabilité, parce que le
régime de responsabilité civile est, lui aussi, dominé par une dualité : celle qui existe entre la
responsabilité extracontractuelle576 et la responsabilité contractuelle.

§1. La distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité extra-contractuelle

La distinction des responsabilités contractuelle et extra-contractuelle semble présupposer l’existence


d’une responsabilité contractuelle. La responsabilité contractuelle a pour élément de fondement un
contrat. C’est à la suite de la violation des obligations prises par l’avocat que cette responsabilité
peut être mise en œuvre. A l’inverse, en l’absence de contrat, c’est le régime de responsabilité extra-
contractuelle qui tend à s’appliquer577. La Cour de cassation décide que le tiers à un contrat est en
droit d’invoquer, sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle, un manquement
contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage578.

La distinction entre responsabilité contractuelle et responsabilité extracontractuelle a une influence


sur leurs domaines d’application respectifs, notamment la difficulté de déterminer la nature de
l’obligation, ce qui conduit à des conclusions différentes sur leurs effets. Peu importe, donc il n’y ait
pas en réalité deux responsabilités mais deux régimes de responsabilité579. Cette différence de
régime aura une influence sur les conditions et les effets des deux responsabilités580. Ainsi, la nature
juridique de la responsabilité de l’avocat, née d’un manquement à une obligation d’ordre public,
peut être une responsabilité contractuelle comme elle peut être extra-contractuelle. « L’existence
d’un contrat valable n’implique pas nécessairement une responsabilité contractuelle dans tous les
cas »581. Quelle que soit la nature de la responsabilité, le mécanisme qui la met en œuvre est
identique. La distinction entre les deux ordres de responsabilité, contractuelle et extracontractuelle,
emporte un certain nombre de conséquences. On ne peut cumuler les deux responsabilités, un
principe essentiel domine la distinction, celui du nonconcours des deux responsabilités. La
responsabilité extra-contractuelle ne peut régir les rapports contractuels, même si le client y aurait
intérêt582. C’est d’ailleurs précisément la différence des régimes applicables à ces deux ordres de
responsabilité qui révèle l’intérêt de leur distinction. Les deux ordres de responsabilité sont conçus
comme des institutions ayant des domaines propres et qui ne peuvent être en concours583. C’est
d’ailleurs précisément la différence des régimes applicables à ces deux ordres de responsabilité qui
révèle l’intérêt de leur distinction. Les deux ordres de responsabilité sont conçus comme des
institutions ayant des domaines propres et qui ne peuvent être en concours584. Cette distinction
entre les responsabilités extra-contractuelle et contractuelle est nécessaire pour préciser leurs
domaines respectifs. La responsabilité délictuelle ayant vocation à régir la réparation de tous les
dommages, elle représente le principe, la responsabilité contractuelle fait figure de régime
dérogatoire. §2. La dualité de la responsabilité civile De la dualité de la responsabilité devait naître la
distinction des obligations de moyens et des obligations de résultat. Cette conclusion tirée par M.
Frossard n’a pas aboutit à une unanimité des auteurs585. La responsabilité de l’avocat est engagée
lorsqu’il commet une erreur qui touche indirectement un tiers ou s’il a mal rempli une obligation
d’ordre public dont il est tenu envers son client. L’article 228 du code des obligations et des contrats
marocain586 dispose que « les obligations n’engagent que ceux qui ont été parties à l’acte ; elles ne
nuisent point aux tiers et elles ne leur profitent que dans les cas exprimés par la loi ». Cet article pose
le principe de l’effet relatif des conventions, en vertu duquel celles-ci ne peuvent ni nuire aux tiers, ni
leur profiter, ce principe n’empêche pas que le contrat s’impose aux tiers en tant que fait juridique,
qu’il doivent respecter, et que les tiers soient en droit de l’invoquer, s’ils subissent un dommage du
fait de sa violation587. Mais dans quelles conditions l’inexécution d’un contrat peut entraîner la
responsabilité de la partie défaillante vis-à-vis d’un tiers, et, plus précisément, de déterminer si ce
dernier est en droit d’invoquer le manquement contractuel à l’origine de dommage ou s’il doit, de
surcroît, apporter la preuve que le manquement contractuel constitue également une faute
délictuelle. « Si l’effet relatif des contrats n’interdit pas aux tiers d’invoquer la situation de fait créée
par les conventions auxquelles ils n’ont pas été parties, dès lors que cette situation de fait leur cause
un préjudice de nature à fonder une action en responsabilité délictuelle, encore faut-il que le tiers
établisse l’existence d’une faute délictuelle envisagée en elle-même indépendamment de tout point
de vue contractuel »588. Il est donc appelé à exercer son métier avec prudence et diligence comme
un bon professionnel. L’avocat met donc au service de son client tous les moyens juridiques qui
existent en droit589 et fait de son mieux pour le satisfaire. Même s’il n’est pas tenu envers son client
par un résultat précis, il s’engage à essayer de l’atteindre en y mettant tout son savoir faire. « Il ne
s’engage pas envers son client à gagner un procès, mais seulement à déployer tous ses efforts pour le
conseiller d’une façon pertinente sur son dossier et à accomplir les divers actes de procédure qui
s’imposent »590. Le client lésé agit directement contre l’avocat qui a manqué à ses obligations ou à
ses actes de procédure et non contre le corps représentatif de la profession en raison de la qualité
que représente cette institution.

La question qui se pose dès lors est : la responsabilité de l’avocat peut-elle être qualifiée comme une
responsabilité professionnelle, c'est-à-dire une responsabilité spécifique à la profession d’avocat ?
Sous-section II : La responsabilité professionnelle de l’avocat La responsabilité professionnelle de
l’avocat ne cadre pas avec la division des deux ordres de responsabilité591. C’est une responsabilité
spécifique qui revêt des caractéristiques très particulières. En effet, « la situation actuelle de la
responsabilité professionnelle écartelée entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité
délictuelle, est pour le moins confuse et surtout elle ne rend pas compte de l’unité de cette
responsabilité »592. Certains auteurs considèrent que la responsabilité professionnelle de l’avocat
est de nature contractuelle593. De même la jurisprudence ne cherche pas si la nature de cette
responsabilité est contractuelle ou extra-contractuelle, et n’indique pas sur quel fondement la
condamnation est déterminée. Mais force est de constater que si elle veut qualifier cette
responsabilité, c’est généralement la nature contractuelle qu’elle retient. Dans la mesure où, dès que
les conditions de la responsabilité contractuelle sont réunies, la voie de la responsabilité extra-
contractuelle est fermée. Une jurisprudence bien assise n’envisage que sous un angle délictuel la
responsabilité du professionnel pour manquement à leur obligation de conseil envers leurs clients.
L’explication serait à chercher dans la mission de service public exercée ainsi que dans le statut légal
d’ordre public auxquels il est soumis. Sa responsabilité ne redevient contractuelle que lorsqu’il a
souscrit envers ses clients des obligations contractuelles distinctes de celles que lui impose son
statut594. En l’espèce la Cour de cassation française a retenu que « si les obligations du notaire, qui
ne tendent qu’à assurer l’efficacité d’un acte instrumenté par lui et qui ne constituent que le
prolongement de sa mission de rédacteur d’acte, relèvent de sa responsabilité délictuelle, il en va
différemment lorsque celui-ci a souscrit une obligation contractuelle à l’égard de son client, tel qu’en
l’espèce, l’engagement de procéder lui-même à une substitution de garantie »595. La nature
délictuelle de la responsabilité pourrait plutôt s’expliquer par les doutes sur le caractère réellement
contractuel des obligations professionnelles. L’idée d’un régime statutaire attaché à l’exercice de la
profession et s’ajoutant au contrat se fait jour pour justifier la mise à écart des règles contractuelles
lorsque le dommage résulte de la violation des règles du statut professionnel. On peut d’ailleurs
admettre qu’à côté des obligations strictement contractuelles dépendant étroitement de la volonté
des parties, il existe un corps de règles déontologiques impératives dont la portée excède la sphère
contractuelle. Et il serait logique qu’une même responsabilité pèse sur les professionnels pour les
dommages causés par un manquement à ces règles, quelles que soient les victimes et
indépendamment de l’existence ou de l’absence de contrat conclu avec elles. Mais le droit français
n’a pas encore franchi ce pas et s’en tient pour le moment à la qualification contractuelle de leur
responsabilité fût-ce au prix parfois d’une étroite réglementation légale596. M. Ph. Le Tourneau
affirme que la responsabilité extra-contractuelle est subsidiaire par rapport à la responsabilité
contractuelle597. En principe, la mise en œuvre d’une responsabilité contractuelle est exclue entre
contractant et tiers, même si le préjudice résulte de l’inexécution d’une obligation contractuelle.
C’est le principe de l’effet relatif du contrat qui le justifie : le contrat n’ayant d’effet qu’entre parties
contractantes, une inexécution ne peut être invoquée par un tiers ni être reprochée par une partie à
un tiers598. Mais, les deux régimes peuvent remplir efficacement l’autonomie de la responsabilité
professionnelle de l’avocat qui est tenu des obligations spéciales. La qualité de l’avocat comme
professionnel §1. Les obligations spéciales de l’avocat Le législateur, en général, impose à l’avocat
des obligations spéciales, envers ses clients599 en toute rigueur, qu’il doit honorer. En contrepartie,
il bénéficie d’une assurance juridique pour accomplir ses tâches sans craindre l’épée du juge, parce
que l’objectif de la responsabilité de l’avocat n’est pas la punition mais la réparation du préjudice
causé à certains clients. L’avocat est tenu des obligations générales découlent du contrat qui le lie à
son client, ainsi s’ajoute d’autres obligations spéciales découlent ipso facto du contrat, de deux
façons : soit comme exigence de la bonne foi instaurée par l’article 231 du code des obligations et
des contrats marocain600 ; soit comme une des dérivés du contrat, au sens du même article
cidessus601. On peut regrouper les obligations spéciales imposées au professionnel dans trois
catégories : elles se rattachent tantôt à l’exigence de loyauté, tantôt à celle de l’efficacité, tantôt
enfin à la sécurité. Leur inobservation met en jeu la responsabilité contractuelle de l’avocat602.
L’avocat, dans l’exercice quotidien de son activité, remplit deux missions : le conseil et la défense. Il
est astreint de respecter ses obligations légales et déontologiques, dont la violation est susceptible
de sanctions d’ordre civil, pénal ou disciplinaire. Ce qui importe au client, c’est les moyens de
défense que va déployer ou mettre en œuvre son avocat pour défendre sa cause. L’échec de son
avocat est l’échec de ces moyens. Pourtant, le législateur français et le législateur marocain n’ont pas
doté les avocats d’un régime de responsabilité spéciale. Le premier dispose cependant dans l’article
26 de la loi du 31 décembre 1971 que : « les instances en responsabilité civile contre les avocats
suivent les règles ordinaires de procédure ». §2. Une responsabilité professionnelle autonome En
droit commun, deux sources donnent naissance à une action en responsabilité civile. La première est
l’inexécution d’un contrat, qui peut lier un avocat à son client. La seconde est la violation de la loi en
général, qui cadre l’exercice de l’avocat. L’un et l’autre sont des faits illicites causant un dommage au
client ; ils font naître à la charge de son avocat l’obligation de réparer le préjudice.

Une responsabilité professionnelle permettrait d’abord de prendre en considération le lien très


particulier qui unit le professionnel à son client, ce qui laisse dire que cette responsabilité a ses
propres caractères qui diffèrent de celle de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle. «
Retenir une responsabilité professionnelle autonome permettrait d’éviter ces distorsions selon que
l’on se trouve en responsabilité contractuelle ou en responsabilité délictuelle »603. Une
responsabilité professionnelle autonome, indépendante à la fois de la responsabilité contractuelle et
de la responsabilité délictuelle, aurait donc l’avantage de ne pas faire varier le régime de la
responsabilité du professionnel selon l’origine de l’obligation professionnelle violée604. Elle
permettrait de prendre en considération la particularité de l’activité professionnelle de l’avocat605.
En effet, l’avocat a des obligations spéciales, quelles soient de moyens ou de résultats, à remplir à
l’égard de son client. De ce fait, il participe positivement au développement de la justice et il
représente un facteur incontournable pour le succès de l’opération. L’avocat ne peut donc être
poursuivi que pour des fautes graves et lourdes qui peuvent nuire au fonctionnement du métier et
qui donnent une mauvaise image de la profession. Il n’est responsable de son fait que si la mauvaise
foi est avérée prouvant que cet avocat avait l’intention de nuire par des erreurs judicaires ou
juridiques fatales ou des faits dolosifs volontairement606, donc une faute véritablement
caractérisée607.

D’après la jurisprudence, il faut une ignorance grave des principes de droit, une imprudence
coupable, une faute lourde commise par l’avocat lors de son exercice, une négligence grave d’un
délai ou une prescription extinctive ou acquisitive, pour engager la responsabilité de l’avocat.
L’article 77 du code des obligations et des contrats marocain dispose que «tout fait quelconque de
l’homme qui, sans l’autorité de la loi, cause sciemment et volontairement à autrui un dommage
matériel ou moral, oblige son auteur à réparer le dit dommage… »608. Cet article, qui régit la
responsabilité civile en général ne définit pas la gravité du préjudice609 et son importance comme
condition sine qua non qui établit la responsabilité civile de la personne. Mais, il suffit que le
préjudice soit produit pour que la personne soit responsable dudit préjudice. Section II : La mise en
œuvre de la responsabilité extracontractuelle de l’avocat La responsabilité civile de l’avocat est
gouvernée par les règles de droit commun du code des obligations et des contrats en matière de
responsabilité, laquelle responsabilité est gouvernée en France par les dispositions du code civil. Le
code des obligations et des contrats marocain, à l’instar du droit français, dispose dans l’article 78,
première alinéa, que « chacun est responsable du dommage moral ou matériel qu’il a causé, non
seulement par son fait, mais par sa faute lorsqu’il est établi que cette faute en est la cause directe
»610. Il convient de rapporter la preuve de la faute de l’avocat dans l’exécution de l’une de ses
obligations, ainsi que la preuve d’un préjudice et d’un lien de causalité entre l’inexécution de
l’obligation et le préjudice subi611

Il importe de signaler d’abord qu’il y a ici, à propos du fardeau de la preuve, une grande différence
entre la responsabilité qui naît d’une obligation de moyens et celle qui naît d’une obligation de
résultat. En effet, en droit civil français l’article 1137 indique que la charge de la preuve de la faute
incombe au créancier, alors que l’article 1147 du même code dispose, que la charge de la preuve
incombe au débiteur. Ainsi, si l’avocat est tenu d’une obligation de résultat, c’est à lui qu’incombe le
fardeau de la preuve, mais s’il est tenu d’une obligation de moyens c’est du client d’établir la faute
commise par son avocat. En général, lorsque l’avocat est tenu d’une obligation de moyens, il doit
prouver l’absence de faute. Et lorsqu’il est tenu d’une obligation de résultat, il doit prouver que la
cause lui est étrangère qui a empêché la réalisation du résultat contracté. Au cours de la procédure
introduite par le client à l’encontre de son avocat, qui a failli à une obligation de moyens, le client
doit prouver et démontrer la faute de son avocat. Par ailleurs, le client est exonéré de la prouver
lorsque l’avocat est tenu d’une obligation de résultat. Ainsi, la faute est présumée dans les
obligations de résultat et elle doit être prouvée dans les obligations de moyens. Sous-section I : Les
conditions de la responsabilité extracontractuelle de l’avocat L’avocat s’oblige à utiliser tous les
moyens possibles en vue d’atteindre un résultat déterminé, sans promettre d’y parvenir. Le client ne
peut engager la responsabilité de l’avocat qu’en démontrant que celui-ci n’a pas usé de tous les
moyens possibles ou qu’il n’a pas fait tout son possible pour défendre ses intérêts612. Le client
supporte la charge de prouver la faute de son avocat ; il ne peut mettre en jeu la responsabilité de
l’avocat que s’il prouve que celui-ci a commis une faute ou n’a pas mis en œuvre tous les moyens
juridiques appropriés pour défendre ses intérêts. Alors, nous examinerons ici, les conditions de la
responsabilité de l’avocat née d’un manquement à une obligation d’ordre public tel : l’inexécution
d’une obligation d’ordre public, le préjudice613 causé au client, et le lien de causalité entre
l’inexécution de l’obligation et le préjudice.

§- 1 : L’inexécution d’une obligation d’ordre public Cette première condition obéit à un principe qui
gouverne le droit commun de la responsabilité civile et qui a été affirmé tout particulièrement dans
le domaine des responsabilités professionnelles : toute faute614, aussi petite soit-elle, engage la
responsabilité de son auteur615. « Il doit observer les règles de prudence et de diligence qu'inspire la
sauvegarde des intérêts qui lui sont confiés par ses clients »616. L’inexécution de l’obligation d’ordre
public, qui ne résulte pas d’une convention, est une faute de l’avocat qui a ainsi causé préjudice au
client. En effet, la faute consiste, soit à omettre ce qu’on était tenu de faire, soit à faire ce qu’on
n’était pas censé faire même s’il n’y a pas l’intention de causer un dommage617. . Planiol a défini la
faute comme une violation d’une obligation préexistante618. Lalou l’a définie comme « un acte fait
sans droit contre le droit d’autrui. Or, ce droit d’autrui peut résulter soit d’un contrat, soit en dehors
d’un contrat, de la loi ou des principes de justice. Dans le premier cas, l’acte contraire au droit
d’autrui est une faute contractuelle ; dans le second, c’est une faute délictuelle ou quasi
délictuelle»619. On peut distinguer dans l’exercice de la profession, une faute simple d’une faute
professionnelle. La faute simple est celle que le professionnel peut commettre en exerçant sa
profession, sans que celle-ci ait une relation avec les règles de l’exercice de sa profession. Par
ailleurs, la faute professionnelle doit avoir une relation directe avec ces mêmes règles. Ainsi, le
professionnel ne peut être responsable que d’une faute professionnelle grave ; ceci lui permet
d’exercer sa profession avec quiétude et liberté620. L’avocat peut commettre des fautes qui
consistent en l’inexécution d’une obligation d’ordre public, lors de son exercice devant les tribunaux
ou lors de son activité comme rédacteur d’actes ou de conseil. Cependant, Messieurs Mazeaud et
Chabas, affirment souvent que la faute professionnelle621 obéit à des règles particulières. En effet,
seule une faute lourde engagerait la responsabilité professionnelle622. Ainsi, la faute commise par
l’avocat doit être prouvée par le client, en ayant recours à tous les moyens juridiques possibles. Le
fardeau de la preuve pèse donc sur le client ; il doit établir la preuve d’une négligence ou d’une
imprudence de l’avocat623. Lorsque le client prétend user du régime de la responsabilité, il devra
fonder son action sur l’erreur la plus grave. Lorsque l’erreur d’une méconnaissance grave des règles
professionnelles ne se manifeste pas et que la question juridique tranchée est délicate, il n’y aura pas
de responsabilité624.

Dans cette perspective, si le client ne rapporte pas la preuve de la négligence ou de l’imprudence de


l’avocat, son action sera ipso facto irrecevable. Il doit prouver que son avocat n’a pas déployé tous
les moyens juridiques que le droit a mis à sa disposition pour exécuter correctement son obligation.
La communication de la preuve est souvent fort difficile à faire, étant donné qu’elle porte sur un fait
d’appréciation subjective625. Bien que l’avocat n’ait pas fait honneur à son obligation, et bien qu’il
ait manifesté une carence totale dans l’exercice de sa profession, il faut que le client démontre sa
faute. Il doit prouver l’inexécution pour obtenir des dommages et intérêts. Il devra établir qu’il n’a
pas obtenu satisfaction ou qu’il a subi un dommage résultant d’une fausse qualification de son
procès judiciaire. L’avocat présumé fautif peut se libérer en prouvant son intervention normale.
Aussi, la responsabilité professionnelle de l’avocat est recherchée par la partie adverse qui réclame
sa condamnation aux frais, notamment d’expertise, qu’elle a dû exposer dans une instance introduite
contre elle au nom d’une société qui finalement n’avait aucune existence légale. L’article 3 de la loi
du 31 décembre 1971, qui organise la profession d’avocat en France, définit l’avocat comme
auxiliaire de justice et c’est sur ce visa que l’avocat se trouve condamné. Il doit s’assurer de l’identité
de l’existence de son mandant. Il est donc responsable « même envers la partie adverse, de toute
carence préjudiciable »626. H. Mazeaud démontre comment, logiquement, se présente le problème
de la nécessité de la faute : toute inexécution d’une obligation qui n’est pas due à une cause
étrangère constitue une faute. Le débiteur, en cas d’inexécution, ne peut se libérer que par la preuve
de la cause étrangère, et cela quelle que soit l’obligation assumée : obligation déterminée, ou
obligation générale de prudence et diligence. Ainsi s’explique la règle posée pour toutes les
obligations contractuelles par l’article 1147 du code civil. Mais, pour que cette identité entre
l’absence de faute et la cause étrangère soit établie, le débiteur doit prouver l’existence de la cause
étrangère. Cette impossibilité pour l’avocat de s’affranchir, en prouvant qu’il a agit avec prudence et
diligence, prouve nécessairement qu’il y a eu inexécution627. Il s’ensuit qu’en cas d’obligation de
résultat, le client n’a qu’à démontrer l’inobservation de ce résultat pour engager la responsabilité de
son avocat. Ce dernier pouvant ensuite s’exonérer uniquement par la démonstration de la survenue
d’une cause étrangère qui doit être surement imprévisible et irrésistible. Dans ces deux conditions,
l’avocat n’est pas en faute de ne pas avoir exécuté ses obligations envers son client. Dans la mesure
où la non obtention du résultat n’est pas due à la faute de l’avocat, elle est due à une cause
étrangère où l’avocat était obligé de s’incliner. La responsabilité de l’avocat ne sera engagée que si le
client montre qu’il n’a pas déployé toute la diligence requise dans l’exécution de son obligation.
Auquel cas, la faute de l’avocat n’est pas présumée. Cependant, la Cour de cassation française628
impose l’obligation d’apporter la preuve d’exécution des prestations fournies par l’avocat. En
l’espèce, un avocat, chargé de la défense des intérêts d’une cliente, a été déclaré responsable des
conséquences subies par celle-ci des suites d’un appel formé à l’encontre d’un jugement ayant déjà
fait l’objet d’un désistement de la part de la cliente ; l’arrêt attaqué a déclaré qu’il appartenait à
l’avocat, qui avait engagé la procédure, vouée à l’échec et manifestement contraire aux intérêts de
sa cliente, de justifier avoir averti cette dernière des risques éminemment prévisibles auxquels elle
s’exposait. A défaut, il lui appartenait de solliciter de celle-ci une décharge de responsabilité ou, à
tout le moins, une reconnaissance de sa part d’avoir été informée des dangers qu’elle encourait en
exerçant un recours contre une décision, constatant son désistement. L’avocat est tenu d’une
obligation particulière d’information et de conseil vis-à-vis de son client et il lui incombe de prouver
qu’il a exécuté cette obligation. La Cour en condamnant l’avocat, a réparé le préjudice subi par la
cliente résultant de sa faute certaine, et a légalement justifié sa décision rendue. Dans un autre arrêt,
datant du 14 mai 2009, la première chambre civile de la Cour de cassation a affirmé, après avoir visé
l’article 1147 du Code civil, qu’un avocat n’engage pas sa responsabilité professionnelle en ne
soulevant pas un moyen de défense inopérant. Elle précise ensuite que « toutefois, tenu d’accomplir,
dans le respect des règles déontologiques, toutes les diligences utiles à la défense des intérêts de son
client et investi d’un devoir de compétence, l’avocat, sans qu’il puisse lui être imputé la faute de ne
pas avoir anticipé une évolution imprévisible du droit positif, se doit de faire valoir une évolution
jurisprudentielle acquise dont la transposition ou l’extension à la cause dont il a la charge, a des
chances sérieuses de la faire prospérer ». En conséquence, lorsque l’avocat omet d’invoquer un
principe dégagé un an auparavant par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation, il fait perdre une
chance à son client et engage sa responsabilité. « L’arrêt retient que, si par un arrêt du 23 janvier
2001 de la chambre criminelle de la Cour de cassation le principe invoqué a été reconnu pertinent
même pour les instances pénales, l’avocat ayant, en l’espèce, plaidé devant la chambre des appels
correctionnels le 15 février 2001, c’est-à-dire à une date à laquelle il ne pouvait être matériellement
en possession dudit arrêt, en égard au délai nécessaire de publication, il ne saurait lui être fait grief
de ne pas s’en être prévalu dans ses moyens de défense, comme il ne peut lui être fait obligation de
prévoir ou de tenir compte d’une évolution jurisprudentielle dès lors que son obligation n’est que de
moyen et que sa faute n’est donc pas établie »629. L’avocat commence son parcours professionnel
en véritable généraliste, mais il peut toujours se spécialiser dans une matière de droit. Les recherches
juridiques qui sont nécessaires pour défendre les intérêts de ses clients, se multiplient et se
compliquent sans cesse. « Le droit est secoué par un vent de réformes »630 et la jurisprudence ne
cesse de connaître des revirements ; il faut acquérir des connaissances nouvelles et renouveler les
anciennes pour bien éclairer le client631. Une étude de la jurisprudence permet de découvrir qu’il y a
deux qualités primordiales qui sont toujours exigées d’un avocat à peine de responsabilité : ce sont la
compétence et la prudence. En effet, l’avocat doit être « omniscient, à la culture juridique sans
lacune, à la vigilance jamais en défaut, devant connaître toutes les difficultés juridiques et devant
déceler les pièges de tous ordres qui peuvent se dissimuler dans la moindre affaire. Ce n’est donc pas
une compétence moyenne qui est exigée mais une aptitude juridique approfondie et complète »632.
L’avocat qui ne présente pas ces qualités peut commettre des fautes dans l’exercice de l’activité
judicaire, notamment à l’occasion de la rédaction d’actes ou lorsqu’il exerce le conseil.

A- Fautes commises dans l'exercice de l'activité judiciaire L’avocat peut commettre des fautes à
l’occasion de l’activité judiciaire entamée pour le compte de son client. Il peut en effet, sans
le vouloir, faire ou omettre de faire une chose qui par ailleurs aurait constitué un
manquement à son devoir de diligence. Par ailleurs, l’avocat n’est pas responsable dans le
cas d’un jugement défavorable à son client, sauf s’il a commis une erreur ou s’il a mal orienté
la procédure. En effet, s’il introduit une procédure auprès d’un tribunal incompétent et par
conséquent cause à son client une perte de chance, de dépenses ou du temps, il engage sa
responsabilité envers ce client. Il est aussi responsable du retard de l’introduction d’une
action en laissant écouler le délai imparti, il cause à son client des dommages. Dans ce cas il
est redevable d’indemnité à ce client. La perte de chance résultant de l’inaction de l’avocat
doit être indemnisée, quand bien même cette perte de chance ne serait que faible633.
L’avocat doit prendre toutes les précautions nécessaires notamment bien étudier le dossier
et chercher les moyens susceptibles pour défendre les intérêts de son client. S’il juge que
l’affaire dépasse ses connaissances juridiques, s’il ne se sent pas en mesure d’assurer le bon
déroulement du dossier, il lui est loisible de consulter un spécialiste et d’assurer ainsi
l’exécution de ses obligations634. En revanche, il est difficile pour l’avocat de conseiller ses
clients sur le fondement d’une jurisprudence précise, parce que celle-ci n’est pas figée mais
en constante évolution. Des décisions étaient prises en tenant compte de la position de la
Cour de cassation et finalement, quelques années plus tard, la Cour a opéré un revirement
qui peut avoir de graves conséquences sur les droits des justiciables635.
B- B- Faute commise en qualité de rédacteur d'actes ou de conseil La rédaction des actes ou des
consultations effectuées par l’avocat peuvent produire des problèmes juridiques. L’avocat
conseille son client au vu des règles de droit en vigueur, en appuyant ses conseils par la
jurisprudence récente afin de trouver une solution convenable à la question de droit qui lui
est soumise. Et l’omission ou la non-conformité de l’acte à certaines formalités de la loi ou
les usages, engage sa responsabilité. En effet, l’avocat chargé de la rédaction d’un acte ou
d’une consultation, est tenu d’un devoir de diligence et de conseil636. Ainsi, s’il omet
d’introduire au contrat, rédigé par ses soins, une clause ou des clauses qui assurent
l’efficacité du contrat et par la suite la protection des intérêts de son client, il engage sa
responsabilité et répond au préjudice subi par son client. En effet, l’avocat, observer la
diligence à de se renseigner sur les éléments de droit et de fait qui commandent les actes
qu’il rédige et informer son client sur les conséquences juridiques de ces dits actes.
L’invalidité ou l’inefficacité de l’acte engage de ce fait, sa responsabilité637. L’omission ou
l’absence de vérification d’une clause dont dépend la validité ou l’efficacité de l’acte,
constitue ainsi un manquement au devoir de diligence. Il doit apporter aux actes qu’il rédige
une certaine efficacité et sûreté. Ainsi en tant que rédacteur d’un projet de cession d’un
fonds de commerce, s’il prive cet acte d’efficacité en omettant de prévoir l’hypothèse où une
clause du bail, qui pourrait apportée des restrictions en cas de cession du fonds638, il met sa
responsabilité en cause. Aussi, il doit vérifier que les reconnaissances de dettes, dont il avait
été chargé de la rédaction, comportent l’ensemble des mentions manuscrites indispensables
à leur pleine efficacité639. Il lui appartient de prendre toutes les mesures pour assurer
l’efficacité des actes640. La Cour de cassation française décide que l’avocat « chargé
d’assister son client, à l’occasion de la conclusion d’un acte de vente, de veiller à
l’accomplissement par le notaire des formalités nécessaires à l’efficacité de cet acte et de
s’assurer, notamment, de la radiation du privilège grevant le bien vendu »641. Entre donc
dans la mission d’un avocat de surveiller l’accomplissement, par un notaire, officier public,
des actes relevant des attributions de ce dernier. De même, l’article 83 du code des
obligations et des contrats marocain dispose que « un simple conseil ou une
recommandation n’engage pas la responsabilité de son auteur, si ce n’est dans les cas
suivants : 1- S’il a donné ce conseil dans le but de tromper l’autre partie ; 2- Lorsque étant
intervenu dans l’affaire, à raison de ses fonctions, il a commis une faute lourde, c’est-à-dire
une faute qu’une personne dans sa position n’aurait pas dû commettre, et qu’il en résulte un
dommage pour l’autre ; 3- Lorsqu’il a garanti les résultats de l’affaire ». L’avocat qui fournit
une fausse consultation ou un mauvais conseil dans les conditions de l’article ci-dessus,
répond aussi du préjudice que peut subir son client. Ainsi, par exemple, s’il omet d’informer
son client sur les conséquences fiscales d’une cession de parts sociales d’une société à
responsabilité limitée642, il engage sa responsabilité envers ce client. En revanche, l’avocat
qui prend les garanties habituellement pratiquées en la matière, ne commet aucune
faute643. §- 2 : L’existence d'un préjudice La responsabilité civile professionnelle de l'avocat
a pour but de réparer le préjudice, encore appelé dommage, causé par celui-ci dans
l'exercice de sa profession. Si l’inexécution de l’obligation, la mauvaise exécution ou le retard
dans l’exécution assumée par l’avocat n’entraîne pas de préjudice pour le client, il n’y aura
pas de responsabilité644, c’est-à-dire pas de préjudice, par conséquent aucune
responsabilité engagée.
En effet, le dommage est le résultat de la violation d’une obligation dont est tenu par
l’avocat. Il importe donc que le demandeur ait subi un préjudice réparable certain, direct et
actuel645. « Le dommage certain est un dommage dont on sait qu’il s’est d’ores et déjà
réalisé ou qu’il se réalisera à coup sûr. On l’oppose au dommage purement éventuel dont la
réalisation est hypothétique »646. Selon l’article 264 du code des obligations et des contrats
marocain « les dommages sont la perte effective que le créancier a éprouvée et le gain dont
il a été privé, et qui sont la conséquence directe de l’inexécution de l’obligation… ». L’avocat
assume donc sa responsabilité en application du contrat passé avec son client. Le préjudice
subi par le client se caractérise par l’échec ou la privation de la prestation promis par
l’avocat, à cause de son imprudence, de sa négligence, d’une défense défectueuse ou de sa
malveillance et parfois même à cause de son incompétence. Il s’apprécie en principe en
comparant l’activité du professionnel avec les règles et usages de la profession647. Le juge
qui va apprécier la faute commise par l’avocat et ses conséquences sur les intérêts du client,
devra le faire à la lumière de la chance perdue ou de la faute commise qui est d’ailleurs
irréparable. « Ainsi, ce n’est pas parce qu’un avocat a, par une faute ou négligence, entraîné
la perte d’un procès en première instance, ou l’inefficacité d’un acte qu’il avait mission de
rédiger, qu’il devra nécessairement en assumer les conséquences sinon à hauteur des frais
irrécupérable qu’il aura de ce chef entraînés pour la victime, l’avocat ne peut être sanctionné
que lorsque sa faute ou sa négligence aura entraîné l’impossibilité définitive pour la victime
de faire valoir ses droits »648.
§-3 : L’existence d'un lien de causalité
Les conditions de la responsabilité seront remplies, si un lien de cause à effet entre la faute
et le dommage causé est démontré. Par conséquent, il n’y a pas lieu d’établir de
responsabilité civile sans établir un lien de cause à effet entre la nonexécution de l’obligation
et le préjudice subi par le client. Il en est ainsi aussi bien pour une obligation de moyens que
pour une obligation de résultat. Le client doit établir l’existence d’une imprudence ou d’une
négligence, et l’avocat doit prouver qu’il a bien mis en œuvre tous les moyens pour exécuter
son obligation649. Il faut que le préjudice invoqué par le client soit bien la conséquence
directe de la méconnaissance de l’obligation650. Cependant un préjudice hypothétique ou
éventuel ne peut engager la responsabilité de l’avocat651. Donc c’est au client, qui veut
obtenir réparation du dommage subi, de prouver la réunion de ces conditions qui
s’établissent par tous moyens, même par présomptions à condition que celles-ci soient
graves, précises et concordantes, suivant la formule de l’article 1353 du code civil français. Le
souci est de savoir si la perte de chance652 est aussi un préjudice qui nécessite une
réparation par l’avocat. Il est extrêmement fréquent qu’un acte susceptible d’engendrer la
responsabilité de son auteur fasse perdre à autrui une chance de réaliser un profit ou
d’éviter une perte653. Ainsi, l’avocat qui a mal orienté l’action ou qui a laissé le délai imparti
s’écouler sans interjeter appel654, par exemple contre un jugement de première instance qui
prive son client d’être indemnisé suite à un préjudice subi, ou qui a laissé passer un délai de
prescription sans introduire une action pour demander une indemnisation suite à un
accident ou lors de la rédaction d’un acte ou bien qui a omis d’introduire une clause qui
protège le propriétaire d’un fonds de commerce contre lesabus d’un locataire de ce fonds de
commerce fait perdre à son client une chance de gagner. La perte d’une chance est donc un
dommage qui se manifeste dans l’exercice judiciaire et extra-judiciaire de l’avocat. Mais sur
quels fondements ce dommage doit-il être réparé par cet avocat ? Quels dommages et
intérêts doivent êtres attribués au client lésé? On peut dans ce cas prétendre que le
dommage subi par le client est un dommage futur, c’est-à-dire qu’il n’aura de conséquences
directes sur le client qu’après un certain temps et que selon les principes de la responsabilité
civile, la réparation des dommages ne peut se faire que pour des dommages existant. De
plus, ce dommage est aléatoire puisque, par définition, une chance ne se réalise pas
toujours. Il est encore difficile d’évaluer l’indemnité destinée à compenser un tel
préjudice655. La jurisprudence est ferme sur ce point et considère que la perte de chance
doit être caractérisée par des critères sûrs qui donnent lieu à une décision différente656. Elle
doit être sérieuse et constituer un préjudice réel qui doit être réparé. Ce caractère réel et
sérieux doit s’apprécier au regard de la probabilité de succès de l’action perdue. Il faut dire
que la réparation ne peut être qu’en fonction du degré de satisfaction de la chance perdue, à
cause de l’incertitude de se réaliser. Pour le Conseil d’Etat français, les conséquences
résultant de la perte d’une chance sérieuse d’obtenir satisfaction devant la juridiction
administrative en raison de la faute professionnelle d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour
de cassation, doivent être indemnisées dans leur totalité comme un préjudice suffisamment
certain657. « L’élément de préjudice constitué par la perte d’une chance présente un
caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition…de la probabilité d’un
événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d’une chance ne soit jamais
certaine »658
En cas de perte de chance pour un client, le juge qui statue sur le cas, doit rechercher la
probabilité de succès que le client aurait pu obtenir sans la faute commise par l’avocat.
Ensuite il doit évaluer le montant du préjudice résultant de cette perte de chance. Il doit
donc apprécier l’espoir déçu par le fait générateur de la responsabilité. Ainsi, la Cour de
cassation française avait cassé un arrêt d’une cour d’appel qui n’avait pas recherché les
chances de succès de cette action et avait ordonné la réparation intégrale du préjudice subi
par le client659. Pour procéder à l’évaluation du préjudice, les juges du fond doivent
reconstituer le procès qui n’a pu avoir lieu pour déterminer les chances de succès de l’action
qui n’a pas été exercée, soit faire un procès dans le procès660. Seule constitue une perte de
chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable 661. Les
juges du fond évaluent souverainement la probabilité de la chance perdue sans être
contrôlés par la Cour de cassation662. Mais ils doivent préciser que l’indemnisation accordée
correspond effectivement à une perte de chance. Ainsi, l’avocat qui a omis d’exécuter son
obligation ou qui l’a retardée, en faisant perdre à son client une chance de gagner son procès
à cause de cette inexécution ou de ce retard d’exécution, doit réparer le préjudice subi par le
client, sauf si le retard ou l’inexécution de l’obligation proviennent d’une cause étrangère qui
ne peut lui être imputée. M. Harichaux–Remu souligne que « il n’y a sans doute pas de
question plus confuse et controversée que celle de la perte de chance, puisque la mise en
œuvre de la responsabilité suppose la certitude du préjudice et du lien de causalité entre la
faute et ce préjudice ; et qu’en la matière, ces deux notions sont empreintes d’incertitude
»663. En effet, la perte de chance est un dommage réparable et qui répond à cette exigence
fondamentale, être un préjudice certain. Une faute commise par l’avocat et qui a empêché
un résultat de se produire, qui aurait pu être favorable au client, mais dont on ne saura
jamais en quel sens il se serait réalisé. Il faut nécessairement estimer, car le lien de causalité
et le résultat escompté demeurent hypothétiques. Toutefois, un lien avec le préjudice final
peut être retenu en l’absence de lien de causalité entre le fait générateur et le dommage. La
faute a causé la perte. Pour illustrer cela, citons le cas de cet avocat au conseil d’Etat français
chargé par un client de présenter un pourvoi en cassation tendant à l’annulation d’un arrêt
de cour administrative d’appel, et qui a omis de le présenter. Il a ainsi commis une faute de
nature à engager sa responsabilité, parce qu’il a failli à une obligation de résultat qui exonère
le client de toute preuve puisque cette diligence est dépourvue de tout aléa. Le client avait
assigné l’avocat en demandant réparation du préjudice subi du fait de cette faute, dans la
mesure où celle-ci a entraîné pour lui la perte d’une chance sérieuse d’obtenir la cassation de
l’arrêt qu’il entendait attaquer. Le conseil d’Etat après qu’il ait constaté la chance sérieuse du
client d’obtenir la cassation de l’arrêt qui rejeté son appel a évalué la perte et a accordé au
client une indemnisation suite aux pertes de revenus qu’il aurait subies du fait de la faute
commise par l’avocat664. Au Maroc, la jurisprudence a vécu une période de controverse
avant d’adopter une position constante sur la question. Au début, la cour d’appel de Rabat
avait refusé la réparation du dommage subi par un client au fondement que le dommage
n’est que simplement éventuel, et que rien ne détermine le gain ou la perte du procès. « Le
demandeur, qui perd la chance de gagner un procès à cause de la négligence de son avocat
qui n’a pas intenté le recours dans les délais impartis, n’est pas recevable à intenter une
action en réparation contre cet avocat, sauf s’il prouve que cette action, qui avait été
intentée dans les délais légaux lui aurait permis de percevoir une indemnisation
supplémentaire »665. Actuellement la tendance des juges a changé puisqu’ils admettent
désormais la négligence de l’avocat comme fondement de l’indemnisation. Ainsi, la cour
d’appel de Casablanca s’était prononcée sur la responsabilité de l’avocat qui a négligé de
respecter les règles de formes qui figurent dans l’article 142 de la procédure civile marocaine
en avançant que « la négligence d’une condition de forme dans la requête d’appel par
l’avocat est considérée comme une violation des règles de procédurecivile et notamment
l’article 142 qui inventorie de manière précise les mentions devant figurer dans la requête
d’appel est alors une faute professionnelle engageant sa responsabilité conformément aux
dispositions de l’article 78 du code des obligations et des contrats »666. La perte d’une
chance est un préjudice incontestable et donne lieu à une réparation, en droit marocain
comme en droit français. Si les conditions invoquées ci-dessus sont réunies, elles produisent
les effets de la responsabilité qui naissent d’un manquement à une obligation de moyens.
Sous-section II : Les effets de la responsabilité extra-contractuelle de l'avocat Aux termes de
l’article 263 du code des obligations et des contrats marocain, l’avocat est condamné à
réparer le préjudice subi par le client et lui payer les dommages et intérêts, « soit à raison de
l’inexécution de l’obligations, soit à raison du retard dans l’exécution, et encore qu’il n’y ait
aucune mauvaise foi de la part du débiteur». L’évaluation des dommages et intérêts
comprend la perte subie et le gain manqué suite à l’inexécution de l’obligation ou le retard
dans l’exécution. Le client a le droit d’engager une action en responsabilité contractuelle. Le
principe de la réparation du préjudice repose, en droit marocain comme en droit français, sur
le fait qu’un préjudice a été subi par le client du fait de l’inexécution de l’obligation de
moyens. C’est alors pour obtenir la réparation pécuniaire de son préjudice que le client
entame une action en dommages et intérêts lorsque les conditions de la responsabilité sont
réunies, tout en respectant les règles de la procédure civile. Le juge qui statue sur l’affaire,
après s’être assuré que les conditions de la responsabilité sont réunies, reconstitue le procès
qui n’a pu avoir lieu pour déterminer les chances de succès de l’action qui n’a pas été
exercée ou bien ordonnée, par un jugement avant de dire droit, si nécessaire, la désignation
d’un expert pour évaluer le préjudice causé par l’avocat tenant compte de la perte que le
client a subie ou du gain dont il a été privé. En tenant compte aussi des qualifications de
l’avocat et des connaissances qu’il a ou doit avoir. Le juge du fond dispose d’un pouvoir
souverain pour rechercher si la défaillance présente une gravité suffisante pour attribuer au
client des dommages et intérêts. Le montant des dommages et intérêts alloués par le juge
doit couvrir l’intégralité du préjudice réparable, qu’il soit moral, matériel, futur ou actuel
compensant le profit manqué. Il doit être mesuré à la chance perdue et ne peut être égal à
l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. L’article 264 du code des
obligations et des contrats marocain dispose « …l’appréciation des circonstances spéciales de
chaque espèce est remise à la prudence du tribunal : il doit évaluer différemment la mesure
des dommagesintérêts, selon qu’il s’agit de la faute du débiteur ou de son dol. ». « En
matière de responsabilité professionnelle, l’évaluation du dommage se fait généralement
après l’intervention d’un expert possédant les connaissances techniques et professionnelles
que les tribunaux ne sauraient détenir qu’incomplètement. »667. Toutefois, le tribunal
détient le pouvoir d’appréciation pour réduire le montant des dommages-intérêts définis par
l’expert désigné, s’il est excessif ou augmenter sa valeur s’il est minoré668, comme il peut
ordonner une seconde expertise contradictoire. Il doit aussi, chercher les circonstances dans
lesquelles l’avocat a commis la faute et se référer à ce qu’aurait dû être, dans les mêmes
circonstances, le comportement d’un bon professionnel669.
Sous-section III : La responsabilité de l’avocat des actes accomplis pour son compte
Lorsqu’une personne s’adresse à un avocat, elle conclut avec lui un contrat de mandat
intuitus personae670 portant sur un ou plusieurs actes juridiques qu’elle souhaite que cet
avocat accomplisse en son nom et pour son compte. Mais l’avocat peut s’adresser à d’autres
professionnels dans le but d’accomplir parfaitement la mission confiée par son client. Ces
professionnels ont le savoir faire de certaines activités sur lesquelles l’avocat ne peut
empiéter. Ainsi, les huissiers de justice ont le monopole de la signification des actes de
procédure ou l’exécution des titres exécutoires, et l’avocat est fréquemment obligé d’avoir
recours à leurs services671. Il peut ainsi avoir à établir des relations juridiques avec des
huissiers, des notaires, des experts ou d’autres professionnels en fonction de la tâche qu’il
doit effectuer672. C’est là la chaîne juridique pour l’exécution de l’acte procédural. Le
principe qui édicte que « nul n’est responsable que de son propre fait » déroge de cette
théorie. Selon la théorie du risque673, celui qui profite de la chose doit en subir les risques.
L’avocat qui tire les bénéfices d’une affaire, devrait aussi en subir les risques. Il devrait être
tenu responsable dans tous ces cas. Le seul fait qu'une faute ait été commise par un
collaborateur démontre la négligence de l’avocat qui doit éclairer, orienter et surveiller son
ou ses collaborateurs. Aux termes de l’article 1384, alinéa 1, du code civil français et l’article
85, alinéa 1, du code des obligations et des contrats marocain « on est responsable non
seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est
causé par le fait des personnes dont on doit répondre ». Aux termes de l’article 77 du décret
n° 72-468 du 9 juin 1972 organisant la profession d’avocat en France : « l’avocat est
civilement responsable des actes professionnels accomplis pour son compte par son ou ses
collaborateurs ». Le législateur marocain, par contre, n’a pas mentionné la responsabilité de
l’avocat des actes professionnels accomplis pour son compte par son ou ses collaborateurs
dans la loi du 20 octobre 2008 qui organise la profession d’avocat, et il a soumis son
traitement aux dispositions du droit commun674. L’avocat, aussi, au cours de l’exercice de
son métier a besoin pour l’exécution de certains actes d’un autre substitut pour accomplir sa
mission. Il peut faire appel à un autre collègue qui est spécialiste en la matière, à un expert
pour établir un rapport sur une situation juridique, ou à un huissier de justice pour les
significations des actes de procédure675. Ainsi encore, l’avocat qui charge un tiers
d’accomplir une tâche qui ne fait pas partie de sa propre mission676, par exemple un huissier
de justice pour la notification et l’exécution d’un jugement, n’est pas responsable devant son
client, mais peut évoquer la responsabilité de ses substituts au cas où le client évoque la
responsabilité de son avocat, ce dernier n’ayant pas bien transmis les informations
nécessaires pour l’accomplissent de la mission. La loi oblige l’avocat677 à contracter une
assurance678 garantissant sa responsabilité professionnelle contre les conséquences
pécuniaires qu'il peut encourir dans le cadre de l'exercice normal de ses fonctions d'avocat,
en raison de son fait, de sa faute ou de sa négligence679. Elle a pour but de garantir l’avocat
contre les recours exercés à son encontre par ses clients ou par les tiers en raison du
préjudice qu’il pourrait leur causer et dont ils lui imputent la responsabilité680. Pour illustrer
cette obligation, on doit d’abord définir les éléments du contrat d’assurance et les clauses
d’irresponsabilité, ensuite tracer son champ d’application, la durée et son extinction. La
compagnie d’assurance garantit l’avocat « …contre les conséquences pécuniaires de la
responsabilité civile pouvant lui incomber par application des lois et règlement en vigueur,
par suite des erreurs professionnelles de fait ou de droit et des omissions, négligences ou
inexactitudes commises soit par lui-même, soit par ses collaborateurs notamment les
avocats, les avocats stagiaires, secrétaires et autres préposés à l’occasion des procédures,
des formalités des actes et consultations auxquels donnent lieu l’exercice de sa profession
»681. Elle s’engage à garantir les avocats, lors de l’exercice de la profession, dans leur
responsabilité civile lorsqu’ils : « donnent des conseils et des consultations en matières
juridique ; assistent, défendent ou représentent les parties tant en justice qu’auprès de
l’administration publique ; poursuivent l’exécution des décisions de justice ; remplissent
toutes missions et fonctions qui peuvent leur être dévolues dans le cadre de leurs activités
professionnelles ; rédigent des actes sous-seing privés et généralement tous actes dans le
cadre de l’exercice de leur profession682. Cette garantie s’applique également, en cas de
perte ou destruction involontaire de titres, minutes, pièces, document et valeurs
quelconques confiés à l’avocat en raison de ses fonctions683 ».
Ce contrat d’assurance doit être souscrit pour le compte du client éventuellement lésé, soit
individuellement par l’avocat, soit collectivement par le canal du Barreau, soit à la fois par le
Barreau et les avocats684. L’avocat doit obligatoirement être couvert par une assurance,
reconnue par l’Etat, garantissant sa responsabilité professionnelle. Toutefois, si l’avocat
n’agit pas dans l’exercice normal de ses fonctions, l’assureur ne doit pas lui accorder sa
garantie. En l’espèce, un avocat est chargé par son client pour lui placer une somme d’argent
dans une banque à titre d’investissement, cependant, cette activité ne relève pas de
l'exercice normal de la profession d'avocat. L’avocat est un acteur essentiel de la pratique
universelle du droit. Il peut fournir à ses clients, dans l'exercice normal de ses fonctions,
toute prestation de conseil et d'assistance ayant pour objet, à titre principal ou accessoire, la
mise en œuvre des règles ou principes juridiques, la rédaction d'actes, la négociation et le
suivi des relations contractuelles. « L’assureur, ne devait pas sa garantie à un avocat, qui
avait commis une faute dans le concours qu'il avait apporté, en sa qualité d'avocat, dans le
cadre d’une opération incompatible avec sa profession, donc l’avocat n’a pas agi dans
l'exercice normal de ses fonctions »685. D’après cet arrêt, l’avocat, s’il agit hors l’exercice
normal de sa profession en commettant une faute, il ne pourra pas être garanti par son
assureur. La haute cour a considéré que l'avocat a « agi comme un porteur d'affaire, un
intermédiaire, en mettant en contact son client, par l'intermédiaire d'une personne qu'il
connaissait, avec une banque en vue d'un placement de son capital ». L’opération réalisée
par cet avocat est une opération purement commerciale, elle ne relevait pas de l'exercice
normal de la profession d'avocat. Or l'article 111 du décret du 29 novembre 1991 interdit aux
avocats d'exercer « toutes les activités à caractère commercial qu'elles soient exercées
directement ou par personne interposée ». L'avocat ne peut pas s'exonérer de ses fautes
commises, ni à l’occasion du déroulement des procédures, ni à l’occasion des rédactions
d’actes, par une clause d’irresponsabilité686. Cette clause vise à s’opposer à une action en
réparation des dommages tentée par le client pour la réparation du préjudice subi687. Aussi
il ne peut atténuer ou limiter sa responsabilité envers son client par une clause
d’irresponsabilité insérée dans une convention de défense. La jurisprudence française
comme marocaine, en général, annule les clauses limitatives de responsabilité prévoyant
d’exonérer le débiteur de sa responsabilité envers le créancier en supposant que ce dernier
n’avait pas bien saisi la portée de son engagement688. Par conséquent, autoriser l’avocat à
imposer que sa responsabilité ne soit pas engagée s’il n’exécute pas son obligation, pourrait
indirectement l’encourager à ne pas exécuter son obligation et donc de ne pas se sentir
engagé par le contrat qui le lie à son client689. La doctrine considère également sans effet
aucun la clause qui dispenserait une partie d’exécuter ses obligations fondamentales envers
l’autre partie, en la privant de son droit à la réparation en cas d’inexécution de ces
obligations690. Dans cette perspective, la clause d’irresponsabilité est donc détournée du
principe général de l’article 230 du code des obligations et des contrats et l’article 1134 du
code civil français qui disposent que les clauses légalement établies dans un contrat «
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que par leur
consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise ». Le contrat d’assurance qui
assure la responsabilité de l’avocat dans ces clauses qui déterminent le domaine de son
application, ne couvre pas les fautes commises par l’avocat dans des activités incompatibles
avec l’exercice normal de sa profession. Un arrêt de la Cour de cassation française a écarté la
garantie d’une assurance qui couvre les manquements des avocats à leurs obligations
professionnelles, en raison du fait que l’activité de courtier n’entre pas dans le champ de la
garantie professionnelle collective couvrant la responsabilité de l’avocat691. Un autre arrêt
de la Cour d’appel de Bordeaux692 juge que l’avocat a commis une faute pour avoir omis de
saisir la commission d’indemnisation des victimesd’infraction dans les délais, suite à un
homicide commis par un mineur. L’auteur du crime, ainsi que ses parents furent condamnés
à verser une certaine somme aux héritiers de la victime en réparation du préjudice subi. Les
héritiers assignèrent l’avocat qui les représentant en responsabilité. L’assurance de
responsabilité de l’avocat des héritiers prétendait se retourner contre l’auteur de l’infraction
et ses parents en invoquant la subrogation légale de l’article L 121-12 du code des
assurances693. La Cour décide que la faute de l’avocat n’a été source de préjudice pour les
héritiers de la victime que dans la mesure où ces derniers avaient subi un préjudice du fait de
la faute initiale de l’auteur de l’infraction, et de l’absence de réparation de cette faute par lui-
même et par ses parents. Dans cette mesure, l’article L 121-12 a pour conséquence que
l’assureur est en fait subroger dans les droits de la victime, même s’il ne s’agit pas de son
assuré, à l’encontre des tiers responsables. Les parties sont, en principe, libres de fixer,
comme elles le veulent, la durée du contrat d’assurance : aucun seuil n’est fixé par la loi.
C’est en vertu de l’article 230 du code des obligations et des contrats marocain que les
parties peuvent habiller leur contrat selon leur choix et objectifs. Le contrat peut être
souscrit, au gré des parties, pour une courte ou longue durée. Elle prend fin
automatiquement à l’arrivée du terme fixé par les contractants, à défaut d’une stipulation
contraire. Les parties peuvent toujours convenir, soit de mettre fin au contrat par
anticipation694, soit de le proroger lorsqu’il est près d’expirer pour une nouvelle durée
librement fixée. Il est fréquemment stipulé, dans le contrat d’assurance, que, à son
expiration, il se renouvellera par tacite reconduction si l’une ou l’autre partie ne manifeste
pas, dans un certain délai, son intention de s’opposer à ce renouvellement695. Sous-section
IV : La prescription de l’action en responsabilité La prescription a pour effet d'éteindre toutes
les obligations de l’avocat vis-àvis de ses clients et des tiers. En effet, la responsabilité de
l’avocat s’est souvent trouvée engagée sur le fondement de la prescription décennale.
L’article 2277-1 du code civil français dispose que « l’action dirigée contre les personnes
légalement habilitées à représenter ou à assister les parties en justice à raison de la
responsabilité qu’elles encourent de ce fait, se prescrit par dix ans à compter de la fin de leur
mission »696. La nature de la responsabilité de l’avocat n’a aucune incidence sur le délai de
la prescription de l’action contre lui. Si sa responsabilité est qualifiée contractuelle ou extra-
contractuelle, le délai de prescription est de cinq ans selon l’article 2225 du code civil
français.
Un avocat était chargé par son client de le représenter pour obtenir réparation des
préjudices subis à l'occasion d'un accident de la circulation. Par assignation du 24 juillet 2001,
il engage une action de responsabilité contre son avocat, sachant bien celui-ci avait
définitivement cessé ses activités le 1er avril 1991, sans en avertir son client. Selon l'article
2225 du code civil français, l'action dirigée contre un avocat à raison de la responsabilité qu'il
encourt de ce fait, se prescrit par 5 ans697, à compter de la fin de sa mission. En l'espèce, la
cour d'appel de Bordeaux avait toutefois déclaré recevable l'action du client, considérant que
« si la prescription applicable était de dix ans à compter de la fin de la mission de l'avocat, la
cessation d'activité ne pouvait être retenue comme point de départ de ce délai, faute pour
l'avocat d'en avoir informé son client ». Privilégiant une interprétation stricte de l'article
2277-1 du Code civil, la Cour régulatrice casse cette décision au motif que « la cessation
définitive des fonctions de l'avocat met fin à la mission de celui-ci, sans notification préalable
»698. Par conséquent, le point de départ du délai de la prescription de la responsabilité de
l’avocat est la cessation définitive de sa mission sans aucune notification préalable à son
client. Le contrat qui lie l’avocat à son client produit des obligations professionnelles qui
doivent être honorées par l’avocat. Le manquement à ces obligations fait naître la
responsabilité contractuelle de l’avocat CHAPITRE II La responsabilité contractuelle de
l’avocat La responsabilité contractuelle699 de l’avocat naît du contrat qui lie ce dernier à son
client et qui produit des obligations qui incombent sur l’avocat. Le manquement à ces
obligations déclenche la responsabilité contractuelle de l’avocat. Le client se réfère alors à ce
contrat pour prouver la déchéance de son avocat. Ce mécanisme n’est pas toujours
systématique car il se peut que le préjudice causé n’ait aucun rapport avec le contrat et les
obligations en naissent. Il faut toujours démontrer que le préjudice résulte d’un
manquement à une obligation née du contrat. Section I : Le régime de la responsabilité
contractuelle de l’avocat La responsabilité de l’avocat est une responsabilité contractuelle
selon les conditions prévues par les articles 261 et 263 du code des obligations et des
contrats marocain700. En France, ces conditions sont organisées par les articles 1142 et 1147
du code civil. En effet, l’avocat qui manque à ses obligations, engage sa responsabilité
contractuelle et doit répondre aux dommages qui résultent de la violation de cette
obligation, « L’obligation de faire se résout en dommages-intérêts en cas d’inexécution ». «
Ces dommages-intérêts sont dus, soit à raison de l’inexécution del’obligation, soit à raison du
retard dans l’inexécution, et encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de la part du débiteur
»701. Lorsqu’on est en présence d’une obligation de résultat, les règles de prouver la faute
restent présumées. L’intéressé ne peut que démontrer que le résultat promis n’est pas
accompli par le professionnel, sauf dans le cas de force majeure ou l’existence d’une faute du
créancier. Pour l’obligation de moyens, l’intéressé est appelé à faire la preuve de
l’inexécution de l’obligation. Demogue considère que l’avocat engage sa responsabilité
contractuelle même lorsqu’il viole une obligation de moyens702. Fosse ajoute que, « la
responsabilité contractuelle ne peut naître que de l’inexécution pure et simple de la
convention »703. Le Procureur Général Sarrut déclarait qu’il existait des hypothèses dans
lesquelles une personne peut-être déclarée responsable en dehors de toute négligence de sa
part704. De ce fait, on doit définir la responsabilité contractuelle de l’avocat fondée sur le
manquement à ses obligations. Sous-section I : La nature contractuelle de la responsabilité
de l’avocat La responsabilité contractuelle est invoquée par le client dans le cas de
l’inexécution totale ou partielle d’une obligation contractuelle par l’avocat. En France, ce
régime est conditionné par les articles 1147705 à 1148706 du code civil, qui prévoient une
condamnation pécuniaire à l’égard l’avocat ayant manqué à ses obligations. Au Maroc,
l’article 261 du code des obligations et des contrats dispose que « l’obligation de faire se
résout en dommages-intérêts en cas d’inexécution ». De même l’article 263 du même code
dispose que « les dommages-intérêts sont dus, soit à raison de l’inexécution de l’obligation,
soit à raison du retard dans l’exécution, et encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de la part
du débiteur ». Ainsi, une lecture exégétique de ces deux articles permet de constater que
l’inexécution ou le simple retard dans l’exécution du contrat suffit à engager la responsabilité
contractuelle de l’avocat sauf en cas de force majeure ou dans le cas fortuit. C’est, en effet,
l’inexécution du contrat qui lie l’avocat à son client, qui déclenche l’obligation de lui verser
au client des dommages-intérêts, et non le contrat lui-même qui comporte simplement
l’obligation définie707. Demogue voyait que la responsabilité contractuelle supposait
toujours la preuve d’une faute, mais que cette preuve était plus ou moins facile selon que
l’obligation violée était de moyens ou de résultat708. Dans la mesure où dans certains cas
l’avocat est tenu, envers son client, d’une obligation de résultat, il engage sa responsabilité
s’il manque à cette obligation contractée. Le fardeau de la preuve lui incombe, et pour
s’exonérer de sa faute il doit démontrer que l’inexécution de l’obligation ou le retard dans
l’exécution est dû à une cause étrangère. Certains auteurs disent qu’il faudrait retrancher de
l’arsenal juridique ce faux concept de responsabilité contractuelle, en fondant cette position
sur le fait que « le contrat est un instrument d’échange de biens et de services. Il est fait pour
assurer la circulation des richesses, et non pour permettre la réparation des dommages. Son
utilisation à cette fin incite d’ailleurs à le forcer et à y ajouter des obligations que les parties
n’ont pas réellement voulues. La responsabilité contractuelle installe donc le désordre au
cœur du contrat »709. M. Remy, dans un article remarquable, après une étude historique sur
l’origine du concept de la responsabilité contractuelle et la présentation des différentes
opinions des auteurs, constate que « le droit de la responsabilité ne retrouvera sa cohérence
que débarrassé de la fausse « responsabilité contractuelle », et que le droit de l’inexécution
contractuelle ne retrouvera sa simplicité que déchargé de sa fausse fonction de réparation
»710. Il faut dire que, malgré les appels de ces éminents auteurs, le « faux concept » persiste
toujours, et son utilisation figure encore dans les doctrines modernes. La doctrine et la
jurisprudence711, en France et au Maroc712, considèrent que la responsabilité de l’avocat
est une responsabilité contractuelle713 ; son fondement est le manquement d’une
obligation contractuelle714 dont l’origine peut être un contrat de mandat, un contrat
d’entreprise, un contrat de travail, un contrat de louage de service ou bien un contrat
innommé. Il obéit aux règles générales et aux règles spécifiques de la législation
professionnelle. J. Grandmoulin affirmait que la responsabilité contractuelle est une
application particulière du principe général de l’article 1382 du code civil715. C’est ainsi que,
M. Decorps a bien illustré le caractère contractuel de la responsabilité du notaire similaire à
celle de l’avocat : les quatre conditions de validité d’un contrat exigées par l’article 1108 du
code civil716 paraissent, en effet, réunies : deux parties, le client et son avocat, sont en
présence. Le client demande le service du ministère d’un avocat qui consent à exécuter. Le
contrat est passé par deux parties capables, il a un objet : représenter le client et défendre
ses intérêts, et percevoir des honoraires pour l’avocat717. L’existence d’un contrat entre
l’avocat et son client est également affirmée par Pauly lorsqu’il remarque « voici deux
individus qui ne se connaissaient pas, qui n’étaient donc tenus l’un envers l’autre que d’une
obligation générale de prudence et de diligence : l’un promet ses services à l’autre en
échange d’une rémunération. D’où proviennent ces nouvelles obligations (prestations de
service-paiement de rémunérations) sinon d’un contrat ?... »718. Ceci étant, la relation
établie entre l’avocat et son client est, donc une relation contractuelle qui établit, pour
l’avocat comme son client, des droits et des obligations. Si l’avocat manque à ses obligations
envers son client, il met sa responsabilité contractuelle en jeu719. Ce qui engage la
responsabilité contractuelle de l’avocat, est l’inexécution d’une obligation contractuelle. En
effet, dès lors qu’il y a eu inexécution d’une obligation contractuelle, la responsabilité
contractuelle est engagée, peu importe la faute. A l’occasion d’un litige l’opposant à son
assureur, un client a donné mandat à un avocat afin de l’assister. Or, l’avocat désigné a failli à
son obligation de conseil, par conséquent, la Cour d’appel avait limité le montant de son
préjudice professionnel. A la suite de ce résultat insatisfaisant, le client décide donc
d’assigner son avocat, et ce afin d’obtenir une réparation pour le préjudice qu’il a subi. La
Cour a constaté que l’avocat avait commis une faute en n’attirant pas l’attention de son
client sur l’argument soulevé en défense tiré de l’absence de communication des
déclarations de revenus de ce client. L’avocat n’a pas satisfait son obligation de conseil en
mettant en garde son client sur la non-communication de ses déclarations de revenus. Il
s’agit d’une faute contractuelle nécessitant une réparation du préjudice causé au client. En
principe, l’avocat est tenu de prendre l’initiative de recueillir auprès de son client les
renseignements, précisions et pièces utiles propres à lui permettre d’assurer, au mieux, la
défense des intérêts de celui-ci. Il convient de préciser que la charge de la preuve de
l’exécution de l’obligation d’information et de conseil pèse sur l’avocat, il s’agit bel et bien
d’une obligation de résultat qui décharge le client de l’obligation d’apporter la preuve que
son avocat n’a pas accomplie sa mission dans les règles de l’art. Conformément au droit
commun de la responsabilité civile, le client doit prouver que le préjudice est actuel, certain,
et a été une conséquence directe de la faute commise. Ainsi, il est tenu de démontrer que la
faute engendre une perte de chance d’obtenir une décision plus favorable720. En
conséquence, la responsabilité de l’avocat vis-à-vis de son client est une responsabilité
contractuelle qui nécessite une faute, un préjudice et un lien de causalité entre la faute et le
préjudice. Ainsi, il paraît judicieux d’étudier les conditions et les effets de cette responsabilité
contractuelle. Sous-section II : La mise en œuvre de la responsabilité contractuelle de
l’avocat L’avocat, au cours de l’exercice de son métier, peut commettre des fautes
intentionnelles, soit lors de l’interprétation d’un texte législatif soit par manque de
connaissance d’une jurisprudence de principe. Il est responsable envers son client lorsqu’il
utilise des recours judiciaires de façon négligente, abusive ou dilatoire, lorsqu’il le conseille
de façon inexacte ou encore lorsqu’il lui conseille d’intenter un recours manifestement mal
fondé et sans chance de succès mais également lorsqu’il néglige d’assister celui-ci. Il est aussi
responsable s’il omet de faire valoir un moyen de défense primordial et s’il se désiste de
manière téméraire et négligente721. Il « se doit de faire valoir une évolution jurisprudentielle
acquise dont la transposition ou l’extension à la cause dont il a la charge a des chance
sérieuses de prospérer »722.
Ces fautes commises, en rapport avec des obligations de résultats, étant présumées, l’avocat
supporte le fardeau de la preuve en justifiant que l’inexécution de cette obligation de
résultat provient d’un facteur étranger723 ou à cause de la faute du client. La responsabilité
contractuelle se rattache donc nécessairement à un manquement à une obligation
contractuelle qui incombe sur l’avocat. Le terme « manquement » équivaut à celui de « faute
contractuelle » ou « inexécution de l’obligation », selon toutes les formes de ses dérivés724.
Colin et Capitant disaient que « la faute contractuelle consiste dans le fait, de la part d’un
débiteur, de n’avoir pas exécuté l’obligation à laquelle il était astreint par le contrat le liant à
son créancier »725. La responsabilité contractuelle de l’avocat suppose la démonstration
d’une faute, et d’un préjudice en relation de causalité avec celle-ci. D’où, la nécessité
d’étudier de prime abord, les conditions de la responsabilité de l’avocat, l’inexécution d’une
obligation contractuelle et le préjudice qui résulte de cette inexécution, puis les
conséquences qui dérivent de cette responsabilité, l’évaluation par le juge des dommages-
intérêts accordés au client et le délai accordé au client pour saisir le tribunal compétent en
vue d’une demande de réparation du dommage subi. §- 1 : Les conditions de la
responsabilité contractuelle de l’avocat Pour que l’avocat soit tenu responsable envers son
client, il faut d’abord qu’on constate l’inexécution d’une obligation qui a causé un
préjudice726 pour ce dernier727, sans avoir à démontrer l’existence d’une faute commise
par l’avocat si l’obligation est de résultat. Il doit exister un lien de causalité entre
l’inexécution de l’obligation et le préjudice subi. En effet, l’avocat qui a promis à son client «
un résultat précis et le seul fait de ne pas l’avoir obtenu le constitue en faute
indépendamment des efforts qu’il a pu fournir pour le procurer »728. Il s’agit là d’une
présomption de responsabilité dont l’avocat ne peut alors se libérer qu’en établissant que
l’inexécution de son obligation est due à une cause étrangère qui ne lui est pas imputable,
c’est-à-dire soit la force majeure, soit le fait d’un tiers ou celui du client lui-même. La
présomption de responsabilité pèse sur l’avocat qui ne peut la nier que devant la preuve de
la cause étrangère. En revanche, s’agissant d’une obligation de moyens, la preuve de la faute
de l’avocat devra être apportée par le client. Il ressort de l’interprétation de l’article 1147 du
code civil français, que l’avocat est responsable de l’inexécution dans le cas d’une cause
étrangère. A- L’inexécution d’une obligation contractuelle ou le retard dans son exécution
L’inexécution d’une obligation contractuelle ou le retard dans l’exécution assimilé à une
inexécution par l’avocat, constitue une faute susceptible d’engager sa responsabilité envers
son client. Il ne peut être exonéré de sa responsabilité que s’il justifie que « l’inexécution
provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune
mauvaise foi de sa part »729. La mauvaise foi du client exonère l’avocat de toute
responsabilité730. La faute contractuelle au sens de l’inexécution d’une obligation
contractuelle issue du contrat qui lie l’avocat à son client est le seul fait générateur de sa
responsabilité contractuelle. L’article 1147 du code civil français pose le principe de la
responsabilité contractuelle de celui qui n’exécute pas l’obligation à laquelle il est tenu du
fait d’un contrat. Il pose aussi une présomption de faute à l’encontre du débiteur.
L’inexécution de cette obligation par l’avocat étant un fait juridique, sa preuve est libre.
Toutes les preuves doivent être utilisées dès lors qu’elles ont été loyalement obtenues731.
L’avocat est donc tenu à l’égard de son client d’exécuter les obligations qui sont exonérées
de tous les aléas, c’est-à-dire des obligations contractuelles. Il engage par conséquent sa
responsabilité contractuelle dans une seule hypothèse, celle de l’inexécution d’une
obligation contractuelle732. La simple négligence ou imprudence peut être qualifiée de
faute. Il s’engage à procurer à son client un résultat déterminé, lorsque le résultat contracté
n’est pas atteint, l’avocat engage sa responsabilité envers son client. Ce dernier n’a pas
besoin de démontrer la faute caractérisée par l’inexécution de l’obligation déterminée733
sauf, toujours, aux cas d’exonérations citées dans l’article 1147 du code civil français où
l’avocat doit prouver la cause étrangère pour éviter la condamnation à des dommages et
intérêts. « La constatation de la faute contractuelle au sens de l’inexécution d’une obligation
peut parfois nécessiter la preuve d’une faute au sens délictuel du terme, c’est-à-dire la
preuve d’une erreur de conduite, d’une négligence ou d’une imprudence commise par le
débiteur. On est ainsi en présence d’une obligation de moyens. La responsabilité
contractuelle est dite alors subjective, par opposition à la responsabilité objective découlant
de la violation d’une obligation de résultat »734. Le droit français dispose selon les articles
1146 et 1155 du code civil, que l’inexécution fautive du contrat oblige le débiteur à réparer le
préjudice qu’il a ainsi causé au créancier. En effet, l’inexécution d’une obligation
contractuelle ou le retard dans l’exécution constitue l’une des conditions fondamentales de
la responsabilité de l’avocat. Certes, il n’y pas de responsabilité sans l’établissement de
l’existence d’une faute ; mais en matière de responsabilité contractuelle, un avocat qui
n’exécute pas son obligation contractuelle ou tarde dans son exécution est fautif. Le client
quant à lui, n’a pas besoin de démontrer la faute de l’avocat, il lui suffit de prouver
l’inexécution, le retard ou la mauvaise exécution d’une obligation de résultat735. L’avocat lui
aussi doit démontrer, en vertu de l’article 1147 du code civil français que l’inexécution de
l’obligation « provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée,… », c’est-à-dire,
selon l’interprétation jurisprudentielle et doctrinale courante, d’un événement imprévisible
et irrésistible. Le juge, pour déclarer la responsabilité de l’avocat, doit constater, « in
concreto », l’inexécution de l’obligation et les circonstances réelles dans lesquelles l’avocat,
tenu de cette obligation, s’est trouvé. « Le législateur et la jurisprudence ont souvent
employé des formules et des expressions qui sont en elles-mêmes assez sibyllines et
artificielles et par suite susceptibles d’interprétation diverses si on omet de chercher avec
soin les réalités qu’elles recouvrent, en vérité, si on s’attache à la lettre en négligeant l’esprit
»736. Dans cette perspective, les termes : force majeure et cas fortuit sont-il des termes
synonymes ou antonymes ? Demolombe a affirmé que « force majeure ou cas fortuit sont
souvent employés séparément l’un pour l’autre ou même cumulativement comme
synonyme, et expriment en effet également l’idée d’une cause étrangère qui ne peut être
imputée au débiteur »737 . Il considère que la force majeure est une cause qui provient d’un
accident de la nature et le cas fortuit celui qui vient du fait de l’homme738. Les deux termes
ont la même portée juridique qui est de mettre le débiteur à l’abri de toute responsabilité
lors de l’inexécution de son obligation envers son créancier. Un cas de force majeure est
traditionnellement défini comme un événement remplissant trois caractères739 : il doit être
imprévisible, irrésistible et extérieur. Cette définition présente cependant quelques
particularités selon la nature de l’obligation par laquelle l’avocat est tenu. En effet, s’il est
tenu d’une obligation de résultat renforcée, c'est-à-dire de garantie, l’avocat doit assumer
l’inexécution due à un cas de force majeure sauf en cas la faute du client, si celle-ci a
contribué à l’inexécution constatée, ou encore par la faute d’un tiers. S’il est tenu d’une
obligation de moyens, il doit prévoir le risque : dès lors, l’avocat ne sera exonéré des
conséquences de son inexécution que s’il n’a pas pu prévoir le risque ou que si, ayant pu le
prévoir, il n’a rien pu faire pour l’empêcher. Le Doyen Carbonnier disait que : « il n’y a
d’obligation juridique qu’autant que le devoir est possible. Une maxime du droit dit qu’à
l’impossible nul n’est tenu ( impossibilium nulla obligation)… L’inexécution de l’obligation
impossible ne constituera pas une faute, et ne donnera lieu à aucune responsabilité »740.
Mais le Doyen Carbonnier posait des critères qui excluent l’obligation, d’abord «
l’impossibilité doit être insurmontable. L’extrême difficulté d’exécuter l’obligation ne
dispense pas le débiteur ; elle n’est pas contradictoire à l’essence de l’obligation d’être
lourde, onéreuse, écrasante, tant qu’elle n’est pas radicalement impossible ». Ensuite, «
l’impossibilité doit être objective. Une obligation qui est en soi possible ne cesse pas de l’être
parce qu’elle se trouve dépasser les force de l’individu obligé. Chacun supporte le risque
d’être faible »741. Donc dans ces deux conditions, l’avocat peut-être tenu d’une obligation
de résultat renforcée, car celui qui exerce une activité doit en assumer les risques. A plus
forte raison quand cette activité est source de profits, la réparation des dommages qu’elle
cause sera la contrepartie du profit qu’elle procure, ubi emolumentum, ibi onus742. Un cas
fortuit est un événement qu’on ne saurait prévoir, soit un événement imprévisible. Planiol
estime que l’expression « cas fortuit » désigne l’origine externe de l’obstacle étranger au
débiteur, tandis que la force majeure, c’est la vis major desromains, la force irrésistible,
indique sa nature insurmontable743. Le même fait devant être en même temps cas fortuit
par son origine et force majeure par son résultat. Selon Ripert, le cas fortuit désigne
l’événement dû au hasard, la force majeure est la force supérieure à l’activité de
l’homme744. La jurisprudence n’établit pas la distinction entre les deux notions de cas fortuit
et de force majeure745. Lorsqu’un client charge un avocat de le défendre devant un tribunal
pénal, il n’exige pas de lui de gagner le procès et de l’acquitter ; il lui demande de déployer
tous les efforts et capacités juridiques voire rhétoriques en espérant aboutir au résultat
souhaité. Mais si le tribunal décide autrement, le client ne pourra pas actionner son avocat
sur le fondement du manquement à ces obligations ; parce que l’avocat est dans une
position dépendante de la décision des juges, et que par conséquent à l’impossible nul n’est
tenu. Mais si le client demande à un avocat de le défendre devant une cour civile ou autre,
en relevant un appel d’un jugement jugé contre ses intérêts, et si l’avocat a tardé d’interjeter
appel de ce jugement en laissant le délai s’écouler et a fait perdre au client la chance d’avoir
changé sa situation juridique, dans ce cas là il n’est pas exempt de faute. C’est une pure mise
en jeu entre l’obligation de moyens où l’avocat est censé de déployer les moyens juridiques
appropriés pour défendre son client, et l’obligation de résultat où il contracte avec son client
en vue d’un résultat précis. En effet, en vertu de l’article 1137 du code civil français, l’avocat
est seulement tenu à la diligence d’un bon professionnel. Il est donc exempt de faute dès
qu’il a eu cette diligence, et si la faute est le fondement de la responsabilité, il doit être
exonéré. En revanche, en vertu de l’article 1147 du même code, l’avocat est tenu d’un
résultat déterminé de la prestation fournie au client, sauf s’il s’est heurté à un événement
imprévisible et irrésistible, et même dans ce cas le client peut se contracter avec son avocat à
un résultat absolu exonéré de tout aléa. Il garantit le résultat dont il accepte d’assurer les
risques de la prestation, et il est tenu pour envers son client, nonobstant l’intervention
aléatoire d’une cause étrangère invincible746. Il en résulte que, si un événement de force
majeure empêche l’avocat d’atteindre le résultat souhaité pour lequel il avait promis
d’œuvrer, et s’il a exécuté son obligation et que le client n’a rien à lui reprocher, alors il a eu
une attitude conforme à celle qui lui était imposée par la loi ou par le contrat. Il ne suffit pas
à l’avocat de penser à l’acquittement de son client pour prétendre exercer son art, il doit
mettre en œuvre ses ressources intellectuelles. Il doit, essentiellement, agir selon ses
compétences juridiques, ou conformément à l’attitude d’un bon professionnel. La Cour de
cassation française n’hésite pas à affirmer que « l’obligation de résultat emporte à la fois
présomption de faute et présomption de causalité entre la prestation fournie et le dommage
invoqué »747. Il est vrai qu’il ne s’agit que d’une simple présomption, l’avocat peut établir
que sa faute n’a pas d’incidence directe sur le préjudice subi par son client. Il peut encore
démontrer que l’inexécution de l’obligation est le résultat d’une cause étrangère absolument
insurmontable et imprévisible. Autrement, si le fait pouvait être prévu ou conjuré, il n’y
aurait pas un cas de force majeure. Par contre, si l’avocat est tenu d’une obligation de
moyens, la seule survenance du dommage ne suffit pas à présumer que ce dommage est dû à
l’inexécution de son obligation. La causalité entre le fait et le dommage doit alors être
clairement établie par le client748. La preuve de la violation des obligations de l’avocat
dépend de la nature de ces obligations, qu’elles soient de résultat ou de moyens. Dans le
premier cas, le seul fait de ne pas obtenir le résultat promis suffit à démontrer l’inexécution.
Dans le second, il sera, au contraire, nécessaire de démontrer que les moyens en vue
d’obtenir le résultat souhaité n’ont pas été pris749.
Un arrêt de la Cour de cassation marocaine750 a considéré que l’avocat, en défendant ses
clients, emploie son expérience et ses compétences juridiques. La faute751 professionnelle
est établie s’il n’a pas employé la prudence comme le ferait un bon professionnel en droit.
Ainsi sa responsabilité est établie s’il a omis d’introduire l’action ou le recours dans les délais
imposés par la loi, selon la forme de la procédure afin que l’action ou le recours soit
recevable ou s’il a omis de répondre sur un point qui met en cause la situation juridique de
son client. Le tribunal a bien appliqué la loi quand il a considéré que l’avocat est responsable
envers son client du préjudice qu’il a subi à cause de la non introduction du mémoire détaillé
dans le délai, et que cette omission a rendu le recours devant la Cour de cassation
irrecevable. L’avocat doit veiller au respect des délais de recours comme impliquerait une
obligation de résultat, parce qu’il ne produit pas un effort d’interprétation de la loi ou de la
jurisprudence. Il s’agit d’une diligence de forme qu’il doit appliquer avec prudence. Ainsi,
l’avocat doit être très attentif au respect des délais de recours à cause de leurs conséquences
sur les droits de ces clients. Un avocat spécialisé en matière immobilière n'aurait pas dû
laisser ses clients prendre possession de leur résidence secondaire dans laquelle, après la
réalisation d'une extension, existaient de nombreuses malfaçons. En effet, il aurait dû
envisager que cette prise de possession de la maison avait de très fortes chances d'être
considérée comme une réception tacite des lieux faisant courir le délai de prescription d'un
an pour mettre en œuvre la garantie du parfait achèvement. Il lui appartenait d'effectuer les
diligences que tout avocat prudent et avisé aurait faites, en considération du risque de voir
cette prise de possession assimilée à une réception tacite. L'avocat a ainsi laissé prescrire le
délai pour agir sur le fondement de la garantie de parfait achèvement. En omettant de
diligenter cette action, ce professionnel a commis une négligence fautive. Les premiers juges
lui ont donc, à juste titre, imputé une faute en sa qualité de professionnel du droit. Ils ont,
par ailleurs, relevé que le lien de causalité entre le dommage et cette négligence fautive
était bien caractérisé. C'est ainsi à bon droit qu'ils ont retenu la responsabilité de
l’avocat752. De même, dans un arrêt du 29 mars 1994, la chambre commerciale de la Cour
d’appel de Casablanca753 a considéré que l’omission d’une disposition de forme faite par
l’avocat, n’ayant pas cité les faits dans sa requête, est considérée comme une violation aux
dispositions de l’article 142 de la procédure civile marocain qui dispose, d’une façon précise
les informations qui doivent être incluses dans la requête d’appel. Il s’agit d’une faute
professionnelle qui engage la responsabilité de l’avocat selon les dispositions de l’article 78
du code des obligations et des contrats. Nonobstant que, le jugement mis en appel, et prévu
d’être confirmé, n’écarte pas la responsabilité de l’avocat, mais il limite le préjudice de la
perte d’une chance de défense des intérêts du client au cours de l’appel. Il s’ensuit que le
client a le droit de demander les dommages et intérêts du préjudice qu’il a subie à cause de
la dite faute. Encore c’est une obligation de résultat que l’avocat doit honorer dans ce cas
d’espèce. Il doit respecter les formalités de la requête d’appel comme elles sont
mentionnées dans l’article 142 du code de procédure civile marocain. Le respect de ces
formalités est un résultat dispensé de tout aléa. L’arrêt du 28 mai 2008 de la première
chambre civile de la Cour de cassation française, reproche à l’avocat d’avoir omis de
présenter tous les moyens juridiques utiles à la cause qu’il défend754. L’avocat engage alors
sa responsabilité civile envers son client. De même, l’avocat engage sa responsabilité envers
son client s’il commet une erreur dans la qualification juridique du litige, la détermination du
tribunal compétent, l’erreur dans l’argumentation et les fondements juridiques pour
défendre la cause de son client ; l’erreur dans l’appréciation des faits, l’erreur de mentionner
le montant précis de la créance dans le dispositif engagent également la responsabilité de
l’avocat. La Cour de cassation française a acquiescé à la décision de la cour d’appel qui a
retenu la responsabilité contractuelle de l’avocat, rédacteur de reconnaissance de dette, en
raison du défaut d’indication, conformément à l’article 1326 du code civil755, du taux
contractuel des intérêts dans la mention écrite, ce qui a fait perdre à son client le bénéfice
des intérêts conventionnels. Un avocat a rédigé pour deux clients une convention aux termes
de laquelle il était convenu que la somme prêtée serait remboursée dans un délai maximal
de deux ans par des fractions mensuelles, et porterait intérêts à un taux annuel fixé par les
deux parties. Il a également établi une reconnaissance de dette selon laquelle la partie
débitrice s’engageait à rembourser la somme prêtée sous les mêmes conditions et au bas de
laquelle figurait la mention manuscrite bon pour une reconnaissance de dette. Par un arrêt
du 25 avril 1990, passée en force de chose jugée après rejet du pourvoi en cassation, il a été
jugé que, faute pour la partie débitrice d’avoir inscrit de sa main la mention du taux d’intérêt,
son obligation se limitait au paiement de la somme mentionnée avec intérêts au taux légal à
compter de la date due, date de la mise en demeure. Le client a reproché à l’avocat d’avoir
commis une faute dans l’accomplissement de sa mission de rédacteur d’acte. Alors il l’a
assigné en réparation du dommage résultant pour lui de la perte des intérêts conventionnels.
La cour d’appel a condamné l’avocat à réparer le préjudice consistant dans la différence
entre les intérêts au taux conventionnel et les intérêts au taux légal756. L’avocat a donc
commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle de rédacteur d’acte
envers son client, en ignorant la formalité exigée par l’article 1326 en ce qui concerne la
mention du taux des intérêts au taux légal. Ainsi, il doit réparer le préjudice subi par son
client en payant la différence. C’est une obligation de résultat où le client n’a pas besoin de
démontrer la faute de son avocat puisqu’il suffit de constater que l’obligation de l’avocat à
été mal exécutée. De ce qui précède, on peut affirmer que le respect des délais, des
formalités de la procédure, du choix des moyens de défense, du choix de la procédure
adéquate et efficace, sont des habits procéduraux de l’affaire qu’ils sont des obligations de
résultat exonérées de tout aléa. La responsabilité de l'avocat pouvait donc être engagée s'il
s'était abstenu de présenter des moyens de droit susceptibles de faire pencher la balance
dans un sens favorable à son client757. Parfois, certaines Cours d’appel admettent la
responsabilité de l’avocat s’il a omis de présenter un moyen qui peut être insusceptible de
faire triompher la cause de son client. En outre, l’avocat qui reçoit des instructions écrites de
son client, doit les respecter. S’il « outrepasse ces instructions en prenant l’initiative d’un
acquiescement, d’un désistement, d’une transaction ou d’une voie de recours, il est
responsable du préjudice éventuellement causé à son client sans qu’il puisse arguer de ce
que ces initiatives allaient dans le sens des intérêts bien compris de ce dernier »758. Mais, il
peut, dans le but d’assurer une bonne exécution de la mission qui lui est confiée par son
client, où engager des instances parallèles, comme une saisiearrêt, une saisie-attribution,
réaliser une saisie sur un immobilier. Tant que l’avocat agit dans les limites légales de sa
mission, le client ne peut rien lui reprocher. Cependant, le législateur marocain ainsi que le
législateur français prévoient que les actes accomplis par l’avocat engagent son client, même
en cas de dépassement de ses pouvoirs légaux ou conventionnels. Il s’ensuit que l’avocat est
présumé en faute s’il ne respecte pas ces obligations ou les instructions fermes de son client.
La faute réside dans le fait de ne pas exécuter ou retarder d’exécuter l’obligation
déterminée. Ainsi, il suffit au client de prouver que le résultat promis par l’avocat n’a pas été
atteint, pour démontrer que ce dernier n’a pas exécuté son obligation. Pour s’en dégager,
l’avocat doit alors prouver que l’inexécution de la prestation provient d’une cause
étrangère759. Donc, lorsque l’obligation est de résultat, « la preuve de l’inexécution suffit.
Cette inexécution constitue en elle-même une faute, à condition que cette inexécution ne
soit pas le fruit immédiat ou tardif d’une cause étrangère. M. J.
Bellissent affirme sans hésitation que « l’inexécution de l’obligation contractuelle constitue la
faute contractuelle »760. La preuve de la faute est donc présumée dans les obligations de
résultat, il suffit que l’avocat n’exécute pas son obligation promise à son client pour qu’il y ait
préjudice. La présomption n’est pas, néanmoins, irréfragable. L’avocat pourra se libérer,
comme l’indique l’article 1147 du code civil français, en prouvant que l’inexécution provient
d’une cause étrangère qui ne lui est pas imputable ; alors que pour les obligations de
moyens, c’est le client doit démontrer et prouver la faute commise par son avocat. Le client
compare ce que l’avocat a introduit comme moyens de défense et le niveau de diligence
déployé avec ce qu’un autre avocat aurait pu faire. L’article 1137 du code civil français nous
souffle la formule de la comparaison suivante : l’avocat doit agir comme un bon
professionnel qui maîtrise les données acquises du Droit. C’est une appréciation in
abstracto761. Le client peut être aussi la cause directe du préjudice qu’il a subi : son fait, qu’il
constitue une action ou une abstention, a concouru à la production du préjudice, en privant
son avocat des documents qui sont décisifs dans un procès porté devant la justice. Ainsi, le
client perd la chance d’être bien défendu et de gagner sa cause. Ceci constitue une faute
étrangère qui ne peut être imputée à l’avocat. C’est une incidence directe sur la
responsabilité de l’avocat et un facteur de son exonération, si évidement la seule cause du
préjudice. De même, l’intervention d’un tiers peut exonérer entièrement l’avocat de toute
responsabilité. C’est le cas, par exemple, du greffier qui omet d’introduire au dossier une
note de réponse accompagnée des pièces, déposée au greffe ; lesquelles pièces désignent la
qualité du défendeur et l’appuie. Le juge qui a statué sur l’affaire dans ce cas, rejette la
demande pour cause d’insuffisance d’arguments. Donc, le préjudice subi par le client qui ne
peut être imputable à son avocat, puisqu’il est non provoqué. « Il repoussera l’action formée
contre lui en démontrant qu’il n’est pour rien dans la réalisation du préjudice sans avoir
besoin de prouver qu’il n’a pas commis faute, ni que son client ou un tiers en a commis une
»762. Et pour que la responsabilité contractuelle de l’avocat soit établie, elle doit réunir, en
plus de l’inexécution de l’obligation, deux autres conditions : le préjudice dérivé de cette
inexécution et le lien de causalité entre le préjudice et l’obligation. B- Le préjudice Le
préjudice ou le dommage763, dans la plupart des cas, se déduit de l’inexécution d’une
obligation de résultat qui constitue en elle-même une faute. Le préjudice subi par le client
consiste à perdre une chance de gagner sa cause. Cette défaillance peut être due à
l’inexécution de l’obligation ou à son exécution de façon insatisfaisante, ou encore avec
retard. Elle doit être certaine, prévisible et directe. Selon l’article 264 du code des obligations
et des contrats marocain « les dommages sont la perte effective que le créancier a éprouvé,
et le gain dont il a été privé, et qui sont la conséquence directe de l‘inexécution de
l’obligation ». L’article 1151 du code civil français dispose que « les dommages et intérêts ne
doivent comprendre …que ce qui est suite immédiate et directe de l’inexécution de la
convention ». L’avocat n’est tenu de réparer que les conséquences directes de l’inexécution
de son obligation, et non pas les conséquences indirectes car celles-ci auraient pu se
produire sans sa faute. Le client doit recevoir une compensation qui correspond à tous les
avantages qu’il pouvait raisonnablement tirer du contrat qui le lie à son avocat. Il faut
ainsiprendre en considération la situation du client avant et après l’inexécution de
l’obligation par l’avocat et les conséquences produites par cette inexécution764. Il peut donc
s’agir d’une faute relative à une prestation juridique ou judiciaire, ainsi que l’omission par
l’avocat de notifier la procédure de résiliation d’un bail commercial à un créancier inscrit765.
Le fait de saisir un tribunal incompétent entravant ainsi l’interruption d’un délai de
forclusion766. Il en est de même pour un avocat qui s’absente à l’audience, sans aucun motif
valable, et qui ne verse pas ses conclusions dans le dossier au nom de son client767. Il en est
de même lorsqu’il rédige un acte de vente de fonds de commerce sans respecter les
prescriptions légales768 ou encore quand il n’attire pas l’attention du vendeur, qui accorde
un crédit, sur les risques encourus en l’absence de garantie769. L’avocat manque, aussi, à ses
obligations contractuelles, dès lors que, chargé de déclarer la créance privilégiée de son
client au passif de la procédure collective d’un débiteur, il déclare cette créance à titre
chirographaire770. Cette faute est à l’origine du préjudice subi par son client, puisqu’il est
établi que la créance aurait été entièrement recouverte si elle avait été déclarée à titre
privilégié. L’avocat doit donc ipso facto indemniser son client à hauteur de la différence entre
ce qui a été perçu et ce qui aurait dû l’être771.
Ainsi, l'omission dans l'acte de vente d'un fonds de commerce des mentions exigées par la
loi, n'emporte la nullité de l'acte que si elle a vicié le consentement de l'acquéreur et lui a
causé un préjudice772. L'acte de vente ayant été établi par l’avocat de l'acquéreur, ce
dernier ne pouvait se prévaloir de l'omission d'une mention, sauf à établir qu'elle résultait
d'une complicité entre son avocat et le vendeur. Il lui restait également la possibilité de
mettre en cause la responsabilité de son avocat, action lui permettant d'obtenir le versement
de dommages-intérêts mais pas l'annulation de la vente773. La Cour de cassation française a
cassé un arrêt de la cour d’appel qui n’a pas fondé légalement sa décision d’avoir rejeté la
demande d'indemnisation dirigée par l'associé unique d'une entreprise unipersonnelle à
responsabilité limitée (EURL) contre l'avocat qu'il avait chargé de rédiger les statuts et
d'effectuer les démarches relatives à son immatriculation. Il retient que l'assiette globale des
impositions n'ayant pas été modifiée, l'associé n'a pas subi de préjudice, alors que le non
assujettissement de l'EURL à l'impôt sur les sociétés, faute pour l'avocat d'avoir effectué les
diligences nécessaires, faisait peser sur cet associé des impositions qui n'auraient, dans le cas
contraire, été dues que par l'EURL774. L'avocat n’a pas effectué les diligences dont il avait la
charge, notamment la notification de l'option fiscale à l'administration après enregistrement
des statuts et immatriculation de la société. Le préjudice subi par le client est caractérisé par
son support, en tant que contribuable direct de bénéfices industriels et commerciaux ; une
imposition qui aurait dû l'être par la société au titre de l'impôt sur les sociétés. Le client en
tant qu’associé n'étant alors taxé que sur les bénéfices distribués775. Ce sont des fautes
dépourvues de tout aléa, engageant automatiquement la responsabilité de l’avocat envers
ses clients, à cause de l’inobservation et l’imprudence qui ne dépend que du professionnel.
Débiteur d’une obligation de résultat, il doit, s’il veut se dégager de sa responsabilité, établir
la preuve du cas de force majeure ou la faute du client qui a causé l’inexécution de la
prestation promis.
La responsabilité professionnelle de l’avocat ne peut être engagée qu’à la condition qu’existe
un lien causal entre le manquement invoqué par le client et le préjudice allégué, ce qui n’est
pas toujours le cas. En l’espèce, un client d’une avocate met en cause la responsabilité
professionnelle de celui-ci, invoquant un manquement de sa part à son devoir de diligence,
du fait du dépassement du délai de dépôt des conclusions et du défaut de présentation à
l’audience à l’occasion d’un litige prud’homal résultant en la radiation de l’affaire, ainsi qu’un
manquement à son devoir d’information quant à l’obligation de demander l’autorisation au
juge aux affaires familiales avant de pouvoir suspendre la contribution alimentaire. Dans un
arrêt du 8 février 2012, la Cour d’appel d’Agen engage la responsabilité professionnelle de
l’avocat au motif d’une part que le fait de ne pas avoir précisé à son client que la suspension
de la contribution alimentaire, en dehors de toute autorisation judicaire, entraînerait la mise
en œuvre de la procédure de paiement direct constituait une faute de la part de l’avocat
résultant en un préjudice pour son client du fait de l’inaction de l’avocat, cette dernière avait
manqué à son devoir d’assistance et de conseil. L’avocate forme alors un pourvoi en
cassation contre cet arrêt prétendant qu’il n’y a pas de relation causal entre le préjudice de
son client et les manquements allégués, puisque son client n’avait pas suivi ses
recommandations concernant l’affaire sur la contribution alimentaire et que la radiation qui
lui était imputable dans l’affaire prud’homale était sans incidence sur la poursuite de
l’interruption de la prescription. La Cour de cassation casse le 10 avril 2013 l’arrêt de la cour
d’appel considérant que l’avocate n’était pas responsable des préjudices allègues, le client
ayant ignoré ses recommandations relatives à la contribution alimentaire et la perte de
chance de remporter le litige prud’homal résultant du comportement du client ayant laissé
périmer l’instance et non de radiation de l’affaire, qui n’entraîne pas la reprise du cours de la
prescription776. §- 2 : Les effets de la responsabilité contractuelle de l’avocat Les
conséquences produites par la responsabilité contractuelle de l’avocat se décline en deux
parties : les dommages-intérêts qui résultent du préjudice subi par le client ; et le délai de
prescription de l’action en responsabilité. Le juge qui statue sur la demande de la réparation
du préjudice, peut délibérément fixer un montant de dommage-intérêt comme il peut
désigner un expert compétent pour l’évaluation du dommages-intérêts. Mais avant qu’il ne
statue sur la demande du client, il doit d’abord vérifier et s’assurer que l’avocat est bien tenu
d’une obligation de résultat avant de prononcer une condamnation. Seule la preuve de la
survenance d’un événement de force majeure pourra être libératoire. Ainsi le contenu de
l’obligation détermine les pouvoirs du juge. A- L’évaluation judiciaire des dommages-intérêts
Le mécanisme de la responsabilité doit assurer que l’avocat, responsable du préjudice,
répare tout le préjudice subi par son client, afin de le replacer si possible dans la situation
antérieure à l’acte dommageable « statu quo ante »777. Sous cette réserve, on peut affirmer
que le client a le droit, en principe, à une réparation intégrale, même si l'évaluation du
préjudice est difficile en cette matière. Esmein dans une étude sur la question, a dit que
réparer n’est pas rétablir la situation antérieure, c’est établir une nouvelle situation aussi
semblable que possible778. Le client qui a subi le préjudice, peut directement actionner son
avocat devant le tribunal compétent, en demandant l’indemnisation de son préjudice779.
Selon l’article 1149 du code civil français, « les dommages et intérêts dus au créancier sont,
en général, de la perte qu’il a faite et du gain dont il a été privé, … ». Pour ce qui est de
l’appréciation du montant des dommages-intérêts dû au client relevant du pouvoir souverain
d’appréciation des juges du fond, la Cour de cassation française ne fournit pas de règles
précises gouvernant cette évaluation. En outre les juges n’ayant pas à motiver
particulièrement leur décision sur ce point, il est très difficile de savoir exactement ce qu’ils
prennent en considération pour fixer avec plus de précision le montant des peines qu’ils
prononcent780. Cela dit, le tribunal qui statue sur la demande peut fixer une indemnité qui
relève de sa conscience et de sa prudence ; ou ordonner par un jugement, avant dire droit, la
désignation d’un expert compétent. Il le nomme soit d’office, soit sur les propositions faites
par les parties781. En droit marocain, le juge détermine les points sur lesquels portera
l’expertise dans la forme des questions techniques à l’exclusion de tous points de droit782,
l’expert doit présenter une réponse claire et déterminée sur toute question technique et il lui
est interdit de répondre à une question qui ne rentre pas dans sa compétence technique et
qui a rapport avec le droit783. L’expert désigné doit aussi respecter les dispositions qui
figurent dans l’article 63 du code de la procédure civile marocain qui dispose que « l’expert
doit convoquer les parties et leurs conseils pour assister à l’expertise. La convocation doit
mentionner la date, le lieu et l’heure auxquels il sera procédé à l’expertise et ces cinq jours
au moins avant la date fixée. L’expert ne peut procéder à sa mission qu’en présence des
parties en litige et de leurs conseils ou qu’après s’être assuré qu’ils étaient dûment
convoqués ; sauf si le tribunal en décide autrement lorsqu’il a constaté qu’il y a urgence.
L’expert consigne dans un procès-verbal joint au rapport, les dires et observations des parties
; elles le signent avec lui en mentionnant obligatoirement celle qui refuse de signer. L’expert
procède à sa mission sous le contrôle du juge qui peut, s’il l’estime utile, assister aux
opérations ». Le tribunal, après le dépôt du rapport d’expertise relatif au dossier, statue sur
le montant des dommages-intérêts qui doit être alloué à la victime. Les juges doivent
préciser que l’indemnisation accordée correspond effectivement à une perte de chance. En
vertu de l’article 264 du code des obligations et des contrats marocain « les parties
contractantes peuvent convenir des dommages-intérêts dus au titre du préjudice que
subirait le créancier en raison de l’inexécution totale ou partielle de l’obligation initiale ou en
raison du retard apporté à son exécution. Le tribunal peut réduire le montant des
dommages-intérêts convenu, compte tenu du profit que le créancier en aurait retiré du fait
de l’exécution partielle de l’obligation ». Le client ne
peut demander aucun dommage-intérêts, lorsque l’avocat justifie que l’inexécution de
l’obligation est due à une force majeure784. En effet, l’avocat qui a failli à une obligation de
résultat, ne peut pas défendre sa responsabilité par la preuve d’une absence de faute, selon
la « présomption irréfragable de faute », sauf dans le cas de la force majeure ou la faute du
client. Selon l’article 268 du code des obligations et des contrats marocain « la force majeure
est tout fait que l’homme ne peut prévenir,…et qui rend impossible l’exécution de
l’obligation. N’est point considéré comme force majeure la cause qu’il était possible d’éviter,
si le débiteur ne justifie pas qu’il a déployé toute diligence pour s’en prémunir. N’est
également considéré comme force majeure la cause qui a été occasionnée par une faute
précédente du débiteur ». B- Le délai de la prescription particulière de l’action en
responsabilité contre un avocat La nature de la responsabilité de l’avocat a une incidence sur
le délai de la prescription de l’action contre lui. Le délai de la prescription court à compter du
moment de la réalisation du préjudice, tant pour la responsabilité contractuelle que extra-
contractuelle785. Elle se compte par jours et non par heures786. Elle est acquise lorsque le
dernier jour du terme est accompli787. Jusqu'à l’adoption de la loi du 17 juin 2008788, le
principe en matière contractuelle était la prescription trentenaire. Désormais, le nouvel
article 2225 du code civil français prévoit que « l’action en responsabilité dirigée contre les
personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice, y compris à raison de la perte ou
de la destruction des pièces qui leur ont été confiées, se prescrit par cinq ans à compter de la
fin de leur mission ». Les causes qui interrompent ou qui suspendent le cours de la
prescription sont régies par le droit commun. Le législateur marocain définit dans l’article
387 du code civil que « toutes les actions qui naissent d’une obligation sont prescrites par
quinze ans, sauf les exceptions et celles qui sont déterminées par la loi dans les cas
particuliers ». La Cour de cassation française rappelle, dans un arrêt rendu récemment, que
le point de départ du délai de prescription en matière de responsabilité d’un avocat est la
date de la fin de sa mission et non pas celle du jour où le dommage s’est révélé789. Il ne
définit pas, bien sûr, la nature de ces obligations qui se prescrivent par un délai de quinze
ans, mais il a choisi, comme théorie générale, la prescription de quinze ans pour toutes les
actions émanant d’une obligation. La jurisprudence marocaine précise aussi que lorsque la
responsabilité mise en cause est d’ordre contractuel, l’action en dommages-intérêts obéit à
la prescription de droit commun de l’article 387, visant toutes les actions naissant d’une
obligation790. Section II : La mise en œuvre de la responsabilité de l’avocat La responsabilité
de l’avocat repose en général sur les règles du droit commun, mais elle présente certaines
spécificités. En effet, la mission de l’avocat est de nature spéciale, régie par une loi spéciale
et par une déontologie professionnelle ; l’avocat n’est pas un justiciable comme les autres.
Cette spécificité donne un caractère particulier à sa responsabilité. Par conséquent, les règles
de la procédure ou l’issue de l’instance ne peuvent être assimilées sans examen, à la mise en
œuvre classique, de la responsabilité civile791.
Le statut propre de l’avocat, comme auxiliaire de justice, n’étant pas un justiciable ordinaire,
offre indéniablement des particularités qui côtoient les règles habituelles792. Selon un grand
principe juridique instauré en droit français, et adopté par le code des obligations et des
contrats marocain, chaque faute qui crée un préjudice peut entraîner la réparation du
dommage subi. L’article 77 du code des obligations et des contrats marocain dispose que «
tout fait quelconque de l’homme qui, sans l’autorité de la loi, cause sciemment et
volontairement à autrui un dommage matériel ou moral, oblige son auteur à réparer ledit
dommage, lorsqu’il est établi que ce fait en est la cause directe »793. Et l’article 78 du même
code dispose que « chacun est responsable du dommage moral ou matériel qu’il a causé, non
seulement par son fait, mais par sa faute, lorsqu’il est établi que cette faute en est la cause
directe ». L’avocat qui a donc commis un manquement à l’une de ses obligations
professionnelles, de moyens ou de résultat, doit répondre aux dommages causés à son client
et aux tiers. Ainsi, la mise en œuvre de la responsabilité de l’avocat, envers son client ou
envers les tiers, consiste à définir la procédure pour une demande de réparation du préjudice
et les effets de cette procédure. Sous-section I : Les conditions de forme et de fond de la
demande de réparation Avant que le client lésé ou son représentant intente un procès
devant la juridiction compétente, il peut essayer une transaction, qui n’est pas obligatoire
d’ailleurs, proposée par l’avocat auteur de la faute, prouvée ou présumée, ou par son
assureur puisqu’ils sont tenus in solidum à l’égard de la victime de réparer le préjudice.
L’assureur ne doit réparation à la victime que dans la limite de la garantie promise à l’avocat
par le contrat d’assurance de responsabilité professionnelle. Cette transaction a des
avantages pour les deux parties, puisqu’elle peut éviter à l’avocat une mauvaise publicité et
pour le client d’éviter les frais de justice etles lenteurs d’une instance. « Une transaction peut
être appréciée puisqu’elle met un terme à des préoccupations durables et sans doutes
onéreuses »794. En cas d’échec de la transaction, le client peut introduire immédiatement
une action, en respectant les conditions de forme et de fond, devant le tribunal compétent
afin de demander la réparation du préjudice subi. Le tribunal de première instance au Maroc
est compétent pour recevoir la demande de réparation issue d’un manquement à une
obligation par l’avocat et qui a produit un préjudice pour le client. Il statue sur ce préjudice
résultant de ce manquement et conclut du montant des dommages-intérêts qui doit être
alloué à la victime. Le client introduit la demande au moyen d’une requête écrite qui contient
l’exposé des faits et l’objet de la demande, par l’intermédiaire d’un avocat inscrit dans un
Barreau du Royaume ou d’un avocat inscrit dans un Barreau qui appartient à un Etat avec
lequel le Maroc est lié par une convention relative à l’assistance mutuelle et à la coopération
judiciaire comme la France. Cette demande doit être faite devant un tribunal de première
instance du ressort de la Cour d’appel où le Barreau auquel appartient l’avocat fautif réside,
dans le délai en respectant les conditions de sa recevabilité, à savoir l’intérêt d’agir contre un
avocat, la qualité du client et sa capacité. On se demande si le client lésé est contraint
d’exercer une action en responsabilité contractuelle et s’il choisit de fonder sa demande sur
l’article 78 du code des obligations et contrats marocain795 est-ce qu’il a le choix entre la
voie contractuelle et la voie extra-contractuelle? On est alors en présence d’une inexécution
d’une obligation contractuelle et non d’une violation d’une règle juridique prescrite par la loi.
De ce fait, le client ne peut recourir à l’article 78, son action est forcement contractuelle.
Parfois le tribunal ne peut statuer sur la demande au cas où elle serait liée à une instance
disciplinaire ou pénale.
Le demandeur peut bénéficier d’une décision pénale ou disciplinaire pour engager une
action en responsabilité qui sera une référence ou un fondement juridique d’une demande
d’indemnité. Cette décision doit revêtir l’autorité de la chose jugée selon les conditions de
l’article 451 du code des obligations et des contrats marocain qui dispose : « l’autorité de la
chose jugée ne s’attache qu’au dispositif du jugement et n’a lieu qu’à l’égard de ce qui en fait
l’objet ou de ce qui en est une conséquence nécessaire et directe. Il faut : 1- Que la chose
demandée soit la même ; 2- Que la demande soit fondée sur la même cause ; 3- Que la
demande soit entre les mêmes parties et formée par elles et contre elles en la même qualité
»796. Ainsi, le litige, selon les conditions ci-dessus, ne peut plus être soumis à une juridiction
de même degré. La chose jugée constitue une fin de non-recevoir qui fait obstacle à toute
nouvelle action. Si l’avocat est poursuivi par le procureur général pour cause d’escroquerie
ou d’abus de confiance ou autres, le client peut se constituer partie civile. Il le peut aussi par
une citation directe en se constituant partie civile devant la cour d’assises en saisissant le
juge d’instruction compétent selon l’article 92 et suivant du code de procédure pénale
marocain797. Mais, si la victime ne se constitue pas partie civile et en cas d’une
condamnation, le client peut porter son action devant les juridictions civiles en profitant du
principe de l’autorité de la chose jugée au pénal sur le civil selon des conditions bien précises
: la chose « certainement et nécessairement jugée » au pénal et l’identité entre la chose
jugée au pénal et la chose à juger au civil. Dans le cas où le client est assisté par plusieurs
avocats, celui-ci devra diligenter les procédures prévues pour la responsabilisation de chacun
d’eux. Mais lorsque les avocats exercent dans le cadre d’une association, ils sont
responsables solidairement vis-à-vis de leurs clients. L’avocat sera tenu responsable même
des fautes commises par ses collaborateurs et assistants798.
S’agissant des sociétés civiles professionnelles d’avocats, les avocats associés sont
responsables individuellement chacun de sa faute vis-à-vis de la société et des autres
associés. Les avocats associés ne sont responsables qu’a hauteur de leurs parts799. A la
différence de l’action pénale, l’action disciplinaire ne donne pas au client la possibilité de se
constituer partie civile pour demander la réparation du préjudice subi à cause de la
différence des caractères juridiques qui distinguent ces deux actions. En revanche, la décision
disciplinaire peut servir au client comme fondement d’une demande de réparation du
préjudice en portant cette demande de réparation devant le tribunal de première instance
qui statue sur cette demande sans l’obligation de se référer à la décision du conseil de
discipline ; et ce, parce que le juge civil n’est pas tenu de reprendre le fondement de la
décision disciplinaire. Cependant rien ne l’empêche d’asseoir son jugement sur cette
décision. La règle de compétence territoriale800, ratione loci, ici déroge à la règle générale
en matière du contentieux formé contre un avocat. L’article 42 du nouveau code de
procédure civile française dispose ainsi clairement que « la juridiction territorialement
compétente est, sauf dispositions contraires, celle du lieu où demeure le défendeur ». De
même, l’article 27 du code de procédure civile marocain dispose que « la compétence
territoriale appartient au tribunal du domicile réel ou élu du défendeur »801. Mais ce
principe ne concerne que les procès civils ; l’avocat ne pouvant bénéficier de cette possibilité
en matière pénale, il est tenu de comparaitre comme prévenu devant la juridiction pénale de
son domicile extérieur au ressort judiciaire dans lequel il exerce sa profession. Un arrêt de la
Cour d’appel de Toulouse a évoqué que « la faculté offerte par l’article 47 du nouveau code
de procédure civile à un auxiliaire de justice de demander le renvoi d’un litige, auquel il est
partie, devant une juridiction situéedevant un ressort limitrophe, s’impose au juge dès lors
qu’elle est demandée et que la qualité du demandeur au renvoi n’est pas discutée »802.
L’avocat au Maroc ne dispose pas de cette faculté, puisqu’il n’a pas le choix de demander au
juge le renvoi du dossier, dont il est partie, devant une juridiction située à l’extérieur du
territoire de la compétence de la cour d’appel où le Barreau dont il appartient. Cependant,
aucune disposition n’interdit l’avocat de bénéficier de ce choix puisque l’article 517 du code
de procédure civile marocain dispose que « par dérogation aux règles de compétence
prévues au présent code, lorsqu’un magistrat d’une cour d’appel ou d’un tribunal de
première instance ou son conjoint est partie dans un procès soit en qualité de demandeur,
ou en qualité de défendeur, le Premier président de la Cour de cassation, saisi par l’intéressé,
rend une ordonnance désignant la juridiction qui sera chargée de la procédure en dehors du
ressort de la cour d’appel où le magistrat exerce ses fonctions. Toute décision rendue en
l’absence de cette ordonnance est frappée de nullité ». Ce texte particulier peut-être aussi
appliqué aux avocats, qui peuvent présenter leur demande au premier président de la Cour
de cassation pour désigner le tribunal de première instance qui statuera sur la demande
portée par un client qui s’estime lésé. Il s’agit, bien évidement, d’une possibilité et non pas
d’un droit pour l’avocat tant que le législateur marocain n’a pas encore accordé à l’avocat ce
droit acquit pour le magistrat. Sous-section II : L’administration judiciaire de la preuve En
général, le contrat qui lie l’avocat à son client est un contrat verbal. Le client peut, lors d’un
litige, nier avoir demandé à un avocat de le représenter devant une telle juridiction ou de
l’avoir consulter sur un différend. L’avocat, dans ce cas, doit prouver le contrat et fournir au
juge les pièces qui justifie cette relation. Les moyens de preuve pour l’établir sont libres. Le
Code de procédure civile marocain, dans ses articles 55 à 102, détermine les dispositions qui
doivent être mises en œuvre pour l’administration de la preuve803 devant le tribunal de
première instance et devant la Cour d’appel. De même, le code des obligations et des
contrats contient une partie de la théorie de la preuve804. La jurisprudence a développé
également un droit de la preuve fondé sur des dispositions textuelles et des principes
juridiques anciens et modernes805. Au cours de l’exercice de sa fonction de conseil et
d’information, l’avocat peut être actionné par son client lui reprochant d’avoir failli à ses
obligations. Parfois, l’avocat, devant une telle situation, doit rapporter la preuve qu’il a bien
rempli ses obligations, selon que ces obligations soient des obligations de moyens ou des
obligations de résultat. Il a été jugé que « celui qui est légalement ou contractuellement tenu
d’une obligation particulière d’information doit rapporter la preuve de l’exécution de cette
obligation »806. Devant cet état de fait, l’avocat doit apporter la preuve d’avoir bien rempli
ses obligations, quelles que soient leur nature. La responsabilité civile de l’avocat est à la fois
une responsabilité contractuelle et extra-contractuelle. Elle est contractuelle lorsque l’avocat
contracte avec son client pour une prestation juridique précise. Au-delà du champ
d’application du contrat, si l’avocat manque à une obligation déterminée par la loi, elle
devient extracontractuelle. Les obligations de l’avocat comprises dans le contrat sont des
obligations de résultat, par contre celles qui naissent de la loi sont des obligations extra-
contractuelles. En faillant à ses obligations professionnelles, quelles soient de moyens ou de
résultat, l’avocat peut-être tenu responsable d’une infraction pénale. Et c’est le cas, quand il
y a eu violation du secret professionnel. Pour cette même obligation, l’avocat peut-être
traduit devant le Conseil disciplinaire du Barreau dont il relève

TITRE II Les responsabilités disciplinaire et pénale de l’avocat

Nous traitons ces deux axes de responsabilité sous un même titre, parce qu’elles présentent
certains aspects juridiques en commun. Parmi lesquels, la notion de peine qui unie ces deux formes
de responsabilités807 et leur caractère répressif808. En effet, ces deux aspects juridiques, le
caractère répressif et l’application d’une peine lient les deux responsabilités, disciplinaire et pénale.
Si la responsabilité pénale se prononce sur l’aspect personnel des fautes qui réfléchissent parfois sur
le sort professionnel de l’avocat poursuivi, la responsabilité disciplinaire se prononce sur l’aspect
professionnel des fautes. En revanche, « la responsabilité civile a une fonction essentiellement
indemnitaire. Elle tend à allouer à la victime une somme d’argent destinée à réparer le dommage
imputable au responsable »809. La responsabilité pénale a une fonction purement répressive,
puisqu’elle peut exister indépendamment d’un préjudice ; ainsi, une personne, ayant enfreint les
règles de la loi pénale, engage donc sa responsabilité pénale sans forcément causer préjudice à
autrui. La responsabilité disciplinaire tend à sauvegarder l’image et l’honneur de la profession devant
le public. Il y a une sorte de complémentarité entre les trois aspects de responsabilité, qui présentent
en même temps une certaine autonomie, que pouvant entrer en jeu simultanément sans aucune
incidence l’une sur l’autre. « En sorte que, si toute sanction disciplinaire n’entraîne pas
nécessairement le déclenchement d’une responsabilité civile ou pénale, tout manquement aux
obligations générales formulées par la loi pénale ou civile sera assorti, non seulement des sanctions
légales normales, mais, de poursuites disciplinaires dont l’avocat fautif se verra presque
inévitablement l’objet »810. Ainsi, nous examinerons successivement, dans ce titre, la responsabilité
disciplinaire et la responsabilité pénale de l’avocat.

CHAPITRE I La responsabilité disciplinaire de l’avocat La responsabilité disciplinaire de


l’avocat exerce une fonction que la responsabilité civile et pénale est inapte à exaucer. En effet, «
certains actes faits par un avocat, tout en étant parfaitement licites au regard de la loi pénale et de la
loi civile, peuvent constituer des manquements aux obligations professionnelles »811. La
responsabilité disciplinaire « procède de la volonté, clairement exprimée par le législateur, de donner
une sanction propre à des obligations de l’avocat qui ne peuvent être retenues par la responsabilité
civile ou la responsabilité pénale »812. Ainsi, l’avocat qui manque à ses obligations inhérentes à la
profession qu’il exerce et qui lui sont imposées soit par les lois, soit par le règlement intérieur du
Barreau dont il relève, soit par les usages et coutumes, commet une faute disciplinaire et engage sa
responsabilité disciplinaire, ce qui le rend évidemment passible d’une poursuite devant le Conseil de
l’Ordre. Il encourt alors les peines disciplinaires édictées par l’article 62 de la loi du 20 octobre 2008
qui fixe le statut de l’avocat au Maroc813. Ainsi, tout avocat qui a contrevenu aux dispositions de la
loi, aux règlements ou aux règles de la profession et de ses usages, ou qui a failli aux règles de la
probité ou de l'honneur, même lorsqu'il s'agit de faits commis en dehors du cadre professionnel, sera
puni d’une peine disciplinaire selon la loi en vigueur814. On remarque que même les faits
extraprofessionnels commis par un avocat peuvent engager sa responsabilité disciplinaire. L’irrespect
d’une règle déontologique qui cause un dommage, qu’il soit moral ou matériel, engage la
responsabilité de l’avocat. De ce fait, nous devons décliner les caractéristiques de cette
responsabilité et décrire la nature de l’action disciplinaire.

Section I : Les caractéristiques de la responsabilité disciplinaire La nature juridique de la


responsabilité disciplinaire est différente de celle de la responsabilité civile et entraîne une
indépendance totale de l’action civile et de l’action disciplinaire. Celles-ci peuvent par conséquent
être exercées soit successivement, soit parallèlement. Il y a une certaine autonomie entre les deux
actions. La décision civile ne tenant pas de la décision disciplinaire815 puisque l’action civile est
indépendante de l’action disciplinaire. Un comportement fautif au sens du droit civil n’est point en
soi constitutif d’un manquement à la discipline816. En revanche, la responsabilité disciplinaire et la
responsabilité pénale ont un caractère répressif. Pourtant, certains auteurs ont essayé d’accentuer
leurs divergences et de proclamer leurs autonomies817. Ils ont appuyé leur thèse sur les différences,
de fond et de forme, qui caractérisent ces deux responsabilités. S’agissant du fond, la différence
essentielle est relative au principe de la légalité des délits et des peines qui n’est pas toujours
observé en matière disciplinaire. Pour ces auteurs l’autorité investie du pouvoir disciplinaire n’est pas
liée par les incriminations légales ou réglementaires, puisqu’elle a la latitude d’infliger la sanction qui
lui paraît correspondre le mieux à la faute commise. La faute disciplinaire, elle-même, comporte
également pour eux, un élément moral ayant trait à l’honneur du métier plus important que la faute
pénale. Il peut s’agir ainsi d’un manquement à une règle professionnelle ou par un fait contraire à
l’honneur ou à la probité. De ce fait, la faute disciplinaire leur semble par conséquent être aussi
différente de la faute pénale que les sanctions disciplinaires le sont des sanctions pénales. Autre
différence dans le degré de sanction, est que dans le cas d’une faute disciplinaire elles n’atteignent
jamais la vie ou la liberté du coupable. Soit une raison de plus pour ces auteurs de ne pas placer la
responsabilité disciplinaire et la responsabilité pénale au même piédestal.

Au niveau de la forme, pour ces mêmes auteurs, les différences sont tout aussi sensibles.
D’après leur analyse, la décision disciplinaire peut ne pas émaner d’une véritable juridiction, de
même que les débats ne sont pas publics. Autre différence relevée est que l’action disciplinaire est
indépendante de l’action pénale. Ainsi, un même fait peut donc, là encore, donner lieu à deux
poursuites et le criminel ne tient pas le disciplinaire en état, pas plus que la chose jugée au pénal ne
fait autorité au disciplinaire. Le droit disciplinaire se présente, par conséquent, comme le droit
répressif spécial de la corporation…alors que le droit pénal constitue, en revanche, le droit commun
de la répression puisqu’il ne s’applique pas à une corporation particulière mais à l’ensemble de la
société. Cette différence de champ d’application est à l’origine des différences qui existent entre eux.
Ils interviennent en effet, l’un et l’autre, dans des domaines distincts et la dualité de l’action publique
et de l’action disciplinaire n’a pas d’autre explication : une poursuite disciplinaire peut être intentée
parallèlement à une action pénale parce que le fait incriminé est considéré dans une autre
perspective818. « L’intérêt du corps et l’honneur de la profession prennent la place de l’intérêt social
proprement dit »819. Section II : La nature de l’action disciplinaire L’action disciplinaire a des
caractères distincts de l’action civile et de l’action publique. En effet, « l’action publique ou pénale
est celle exercée au nom et dans l’intérêt de la société à l’effet d’assurer le maintien de l’ordre public
par la répression des infractions. Elle tend à l’application de peines, tandis que l’action civile, née
aussi des infractions, se propose la réparation du préjudice subi par les particuliers »820. Certains
auteurs appliquent à l’action disciplinaire les règles de la procédure civile, d’autres lui imposent la
procédure criminelle. Ainsi pour le premier courant doctrinal, l’action disciplinaire ne comporte pas
en principe d’action civile accessoire ; elle peut être intentée après l’action pénale selon le principe «
le criminel tient le civil en état ». Pour le second, au contraire, ’action disciplinaire peut être
accompagnée d’une demande en dommages-intérêts de la victime821. L’action civile appartient à
une personne lésée contre celui dont la faute lui a causé un préjudice822. Elle a pour objet de
remettre la personne lésée dans la situation où elle était avant le préjudice823. L’action civile
poursuit ainsi un but absolument distinct, exercé par les personnes lésées, elles-mêmes, en vue de la
réparation du préjudice subi. L’action disciplinaire, pour sa part, a pour fin une sanction qui peut
priver le professionnel de l’exercice à vie ou pour un certains temps, selon la gravité de l’erreur
commise, de l’avertir ou de le blâmer s’il ignore les principes déontologiques qui régissent la
profession. Le plaignant ne peut aucunement, dans ce cas, accompagner sa plainte d’une demande
de dommages-intérêts dans la mesure qu’il revient au juge étatique de les lui accorder ou pas, et non
pas au chef de la corporation, c’est-à-dire le Bâtonnier. L’action publique ou pénale est exercée par le
ministère public dans l’intérêt du public. La victime peut engager une action publique par une plainte
introduite auprès du procureur ou par une citation directe devant le juge compétent, tandis que
l’action disciplinaire ne peut être exercée que par le Bâtonnier dans l’intérêt du Barreau. Elle a pour
but principal de conserver l’honneur collectif au moyen d’une correction domestique infligée aux
membres qui les compromettent. L’action publique ne peut être mise en mouvement que suite à des
faits déterminés par la loi. Par contre, l’action disciplinaire peut s’étendre à tous les faits non
caractérisés par la loi, mais qui peuvent nuire au bon fonctionnement du corps de la profession824.
L’action disciplinaire est une action spécifique qui a ses propres règles. Le législateur l’a octroyée aux
conseils disciplinaires pour l’exercer à l’encontre de ses membres qui ont failli à leurs obligations
professionnelles selon des conditions précises. De même, l’avocat qui est mis en cause et acquitté
par la suite, reste passible de poursuite disciplinaire par le Barreau. Dans ce même sens, le procureur
général peut poursuivre un avocat qui est acquitté disciplinairement. Ainsi, même si le conseil de
discipline exerce son pouvoir, cela n’empêche pas le procureur général d’interjeter appel à l’égard de
cette décision en demandant une peine plus grave par la chambre de conseil près la cour d’appel.
Dès lors, l’exercice de l’action publique par le procureur général près la cour d’appel est indifférente
à celui de l’action disciplinaire déclenchée par le Bâtonnier, et l’exception de litispendance ne peut
être ici soulevée. Aussi, le plaignant peut intenter une action pénale, par citation directe, devant le
tribunal de première instance, comme il peut intenter une action civile pour demander les
dommages-intérêts suite au préjudice subi par un avocat devant le tribunal de première instance où
siège le Barreau dont relève l’avocat mis en cause. L’action disciplinaire, disait Morin, est une action
mixte, parce qu’elle participe à la fois à l’action pénale et à l’action civile auxquelles emprunte, à
l’autre quelquesunes de leurs règles différentes ainsi que leurs formes différemment réglées. Enfin
les condamnations provoquées par elle sont jusqu’à un certain point répressives dans leurs formes et
leurs effets, tout en conservant des formes et des effets qui tiennent plus au droit civil qu’au droit
criminel825. Nezard qui a fortement critiqué cette opinion, a précisé « qu’il faut renoncer à cette
qualification inexacte et dangereuse ». Dupin a considéré que l’action disciplinaire échappe aux
règles de l’action civile et de l’action criminelle. Elle diffère essentiellement de l’une et de l’autre :
c’est une action plus large, plus délicate qui repose sur une infinité de nuances que le législateur n’a
pas pu définir. Elle n’est ni civile ni criminelle, elle est sui généris826. Certes, comme disait Morin,
l’action disciplinaire est une action mixte parce qu’elle porte des ressemblances avec l’action civile et
l’action pénale, mais l’action disciplinaire a un but tout à fait différent de celui suivi par l’action
pénale et l’action civile. Elle est une action spéciale qui a des dispositions spéciales et une procédure
spéciale déclenchée par des instances spéciales. Ainsi, les avocats, par leur Conseil d’Ordre, exercent
la procédure disciplinaire à l’encontre des avocats qui manquent à leurs obligations827, sous le
contrôle du parquet. Son intervention se fait aussi au niveau de la poursuite et des voies de recours.
Cette procédure peut être déclenchée par le Conseil disciplinaire de l’Ordre des avocats comme elle
peut l’être par les tribunaux ou par le procureur général. Section III : Le pouvoir disciplinaire du
Conseil de l’Ordre La nouvelle loi du 20 octobre 2008 sur la profession d’avocat au Maroc a réservé
au Conseil de l’Ordre le soin de réprimer les fautes professionnelles commises par les hommes du
Barreau828, et toute atteinte aux principes dictés par la déontologie à savoir : probité,
désintéressement, modération, confraternité, honneur, intérêt collectif de la profession, exactitude
aux audiences, loyauté dans sa qualité d’auxiliaire de justice829. Il en va de même, pour les principes
tirés du serment prêté par les avocats : dignité, conscience, indépendance, humanité, abstention de
toute publication contraire aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs et à la paix publique830, «
dans l’hypothèse de la violation par l’avocat de ses principes, auxquels on ajoutera la délicatesse,
puisqu’elle figure dans l’article 106 du décret du 9 juin 1972, le conseil de l’ordre est compétent pour
intervenir »831. C’est le cas pour les manquements qui se rapportent à des faits extraprofessionnels.
L’infraction aux règles professionnelles est sanctionnée par le Conseil suivant le degré de la faute
commise par l’avocat. Le conseil de discipline à d’autres attributions ; il « établit le règlement
intérieur, fixe le nombre et la composition des formations et en élit le président. Il en informe le
procureur général dans un délai de huit jours »832.

Par conséquent, nous allons définir les fondements du pouvoir disciplinaire ainsi que ses
instances. Sous-section I : Les fondements du pouvoir disciplinaire Le pouvoir disciplinaire est « un
pouvoir juridique ayant pour objet d’imposer aux membres du groupe, par des sanctions
déterminées, une règle de conduite, en vue de les contraindre à agir conformément au but d’intérêt
collectif qui est la raison d’être de ce groupe »833. Il consiste donc à rétablir, par des sanctions
appropriées, l’ordre du groupe quand un ou plusieurs membres manquent à leurs obligations dictées
soit par la loi soit par le règlement intérieur du groupe. La discipline peut être définie comme «
l’ensemble des règles qui régissent un groupement social, qui assujettissent chacun de ses membres
à des obligations spéciales distinctes, des obligations politiques de tout citoyen, afin de maintenir la
considération de ce corps et de lui assurer dans l’intérêt social de sa fonction, la confiance publique
»834. Les actes qui transgressent les lois du groupe et qui régissent les relations entre les membres
de ce groupe et les relations avec les tiers, sont des fautes disciplinaires835 qui ont pour effet le
pouvoir d’infliger des sanctions, reconnues aux Ordres professionnels organisés, aux membres qui
manquent à leurs obligations professionnelles ou à la déontologie qui règne dans l’Ordre836. En
effet, pour définir les fondements du pouvoir disciplinaire, la doctrine a fondé deux théories, la
théorie du contrat et celle de l’institution. La théorie du contrat consiste dans la relation
contractuelle qui lie l’adhérent à son Ordre et qui obéit aux règles déontologique régissant cette
relation. Mais, cette théorie n’a pas pu résister aux critiques de ses adversaires, qui ont démontré
son démérite837. Ils ont proposé la théorie de l’institution pour le fondement de ce pouvoir
disciplinaire. Hauriou a défini l’institution comme « une idée d’œuvre ou d’entreprise qui se réalise et
dure juridiquement, dans un milieu social. Pour la réalisation de cette idée, un pouvoir s’organise et
lui procure des organes. D’autre part, entre les membres du groupe social intéressé à la réalisation
de l’idée, il se produit des manifestations de communion dirigées par les organes du pouvoir et
réglées par des procédures »838. Dans le cadre de cette conception, l’Ordre professionnel est un
groupement social, entre des professionnels, qui a pour finalité la réalisation et le maintien de cet
ordre par un pouvoir disciplinaire, ayant pour fonction la répression aux manquements disciplinaires
de ses membres. Sous-section II : Les instances disciplinaires Les instances qui exercent le pouvoir
disciplinaire, le Bâtonnier et le Conseil de l’Ordre, statuent comme conseil de discipline. Le pouvoir
disciplinaire peut être exercé aussi par les tribunaux dans des cas précis. La profession d’avocat
présente ainsi une physionomie originale, soumise au régime corporatif. L’Ordre est une corporation,
et le Conseil de l’Ordre en est la jurande. § 1. L’Ordre des avocats Parmi les attributions accordées au
Conseil de l’Ordre, le traitement de toutes questions intéressant l’exercice de la profession et veillant
à l’observation des devoirs des avocats ainsi qu’à la protection de leurs droits839. Il dispose, alors,
d’une double fonction : réglementaire en définissant les règles déontologiques applicables à la
profession, et disciplinaire en jugeant les manquements à ces règles840. « L’exercice de cette
seconde fonction conduit le Conseil, le cas échéant, à prononcer des sanctions disciplinaires à
l’encontre des membres de la profession »841.

Ainsi, le Conseil de l’Ordre exerce le pouvoir disciplinaire. Il statue sur tout manquement aux
obligations déontologiques et professionnelles. Ce pouvoir disciplinaire permet de sanctionner toute
atteinte aux principes que l’avocat doit respecter et qui sont définis par la loi organisant l’exercice de
la profession ou le règlement intérieur du Barreau. Ce règlement précise les règles déontologiques
cadrant la relation de l’avocat avec soi-même, avec l’ordre et le Bâtonnier, avec les juridictions et les
juges, avec ses clients et avec les tiers. Faute d’exercice de ce contrôle, la responsabilité de l’Ordre
des avocats peut être retenue en raison des faits ou actes illégaux accomplis par l’un de ses
membres. C’est le cas, par exemple, lorsque, en dépit de divers incidents ayant affecté le
fonctionnement du sous-compte dont dispose un avocat auprès de la CARPA842, l’Ordre dont il
dépend, a gravement failli à sa mission de contrôle, lui permettant de continuer à se prévaloir de sa
qualité et d’utiliser ledit sous compte, garantissant ainsi sa probité aux yeux des tiers843. De même
dans un autre arrêt, rendu par la Cour de cassation française, un avocat est chargé par son client de
placer une grosse somme d’argent dans un établissement de crédit afin De la fructifier les intérêts de
ce capital. L’avocat a mis en contact son client, par l'intermédiaire d'une personne qu'il connaissait,
avec une banque en vue d'un placement de ce capital. Après l’emplacement, la société est mise en
faillite, ce qui a fait perdre au client la somme investie. « Une telle activité doit être considérée
comme ne relevant pas de l'exercice normal de la profession d'avocat. Par suite, le manquement du
professionnel à son obligation de conseil dans le cadre du placement financier ne doit donc pas être
pris en charge par l'assureur de celui-ci à la recherche d'un débiteur solvable. Le client a intenté une
action contre l'ordre qui avait commis une faute en manquant à son obligation de contrôle et de
surveillance ». Ruiné par ce malheureux placement, le client a assigné logiquement son avocat à la
réparation du préjudice subi pour avoir manqué à son obligation de conseil, et a appelé l'assurance
de ce dernier en garantie. Par un jugement en date du 6 mars 2003, le Tribunal de grande instance de
Nice reconnaît la responsabilité de l'avocat et le condamne à indemniser son client. En revanche, il
déboute les demandes dirigées par l’avocat contre l'assureur. Le client lésé fait alors appel à ce
jugement, considérant tout d'abord que son préjudice a été insuffisamment indemnisé, et ensuite
que l'assurance doit garantir l'avocat de sa dette de dommages-intérêts. La Cour d'appel d'Aix-en-
Provence, dans un arrêt rapporté du 29 janvier 2004 confirme, et retient la responsabilité pour faute
de l’avocat sans étendre l'indemnisation aux gains manqués, tout en rejetant les prétentions formées
par le client à l'égard de l'assureur. Cet arrêt sera confirmé par la Cour de cassation dans son arrêt du
2 juin 2005. Ainsi, la Cour de cassation a prononcé la responsabilité de l’avocat pour avoir exercé une
activité incompatible avec l’exercice de la profession et a rejeté la demande de la substitution de son
assurance sous le fondement de l’article 4 du contrat qui lie le Barreau avec l’assureur et qui
dispose : « cette assurance garantit l'assuré contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité
civile professionnelle qu'il peut encourir dans l'exercice normal de ses fonctions, en raison de son
fait, de sa faute ou de sa négligence » ; or l'avocat n'avait pas agi dans l'exercice normal de ses
fonctions d'avocat. Insatisfait du sort que lui a réservé la Cour de cassation, l’avocat étant dans
l’incapacité de couvrir la totalité du préjudice subi, le client lésé engage alors la responsabilité du
Barreau, dont relève l’avocat mis en cause, au motif que celui-ci avait failli à son rôle consistant à «
empêcher les dérives des avocats ». L'article 183 du décret du 29 novembre 1991 pose un principe
de sanction relativement vaste : « Toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux
règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse, même se
rapportant à des faits extraprofessionnels, expose l'avocat qui en est l'auteur aux sanctions
énumérées à l'article 184 ». L'Ordre sanctionne en première instance les éventuelles contraventions
à cette disposition par les avocats de son Barreau. En se plaçant en dehors de l'exercice normal de la
profession d'avocat, et en s'adonnant plus particulièrement à une activité confinant au commerce,
l’avocat a clairement enfreint l'article 111 du décret du 29 novembre 1991. Sauf à considérer que
c'est le caractère habituel d'une telle activité qui permet le déclenchement du mécanisme
disciplinaire, l’avocat pouvait êDès lors, l'Ordre s'est-il rendu coupable d'une faute civile en ne
sanctionnant pas un avocat du Barreau en temps et en heure, a fortiori si celui-ci était coutumier de
ce genre d'activité ? Dans une certaine mesure, le principe de « l'opportunité des poursuites »
disciplinaires pourrait dissuader de répondre de manière péremptoire par l'affirmative. Il ne fait
cependant aucun doute que l'Ordre peut engager sa responsabilité pour ne pas avoir sanctionné un
avocat du Barreau. Rejetant toute responsabilité de l'Ordre, le Bâtonnier a argué de la
méconnaissance des activités exactes de l’avocat mis en cause, lequel leur avait déclaré n'avoir fait «
que se renseigner sur une entreprise dans laquelle son client souhaitait investir ». La décision de la
Cour de cassation rapportée peut en outre contribuer à sa reconnaissance. Aux termes de cette
dernière, l'activité de l'avocat est en effet définitivement considérée comme ne faisant pas partie de
l'exercice normal de sa profession. Or c'est bien là le préalable indispensable à la reconnaissance
d'une éventuelle responsabilité du Barreau844. Le Conseil de l’Ordre dispose également du pouvoir
d’omettre du tableau un avocat qui ne s’est pas acquitter du paiement de cotisations
professionnelles annuelles envers la trésorerie de l’ordre. C’est le cas d’une avocate du Barreau de
Paris. Elle a été omise du tableau au motif qu’elle était débitrice, envers la trésorerie de l’ordre et du
conseil national, du paiement de cotisations professionnelles. L’avocate a formé un recours devant la
Cour d’appel de Paris, laquelle a rejeté son recours. Le pourvoi devant la Cour de cassation a été
également rejeté. Me Blanc a reproché à cet arrêt de la Cour de cassation, d’avoir rejeté le recours
formé par cette avocate contre la décision du Conseil de l’Ordre aux motifs que la défaillance d’un
avocat dans le paiement des cotisations professionnelles mises à sa charge pouvait être sanctionnée
par son omission du tableau. Me Blanc a fondé son recours, en faveur de sa cliente, devant la Cour
d’appel sur le fondement tre considéré comme éligible à une sanction.

Dès lors, l'Ordre s'est-il rendu coupable d'une faute civile en ne sanctionnant pas un avocat
du Barreau en temps et en heure, a fortiori si celui-ci était coutumier de ce genre d'activité ? Dans
une certaine mesure, le principe de « l'opportunité des poursuites » disciplinaires pourrait dissuader
de répondre de manière péremptoire par l'affirmative. Il ne fait cependant aucun doute que l'Ordre
peut engager sa responsabilité pour ne pas avoir sanctionné un avocat du Barreau. Rejetant toute
responsabilité de l'Ordre, le Bâtonnier a argué de la méconnaissance des activités exactes de l’avocat
mis en cause, lequel leur avait déclaré n'avoir fait « que se renseigner sur une entreprise dans
laquelle son client souhaitait investir ». La décision de la Cour de cassation rapportée peut en outre
contribuer à sa reconnaissance. Aux termes de cette dernière, l'activité de l'avocat est en effet
définitivement considérée comme ne faisant pas partie de l'exercice normal de sa profession. Or c'est
bien là le préalable indispensable à la reconnaissance d'une éventuelle responsabilité du Barreau844.
Le Conseil de l’Ordre dispose également du pouvoir d’omettre du tableau un avocat qui ne s’est pas
acquitter du paiement de cotisations professionnelles annuelles envers la trésorerie de l’ordre. C’est
le cas d’une avocate du Barreau de Paris. Elle a été omise du tableau au motif qu’elle était débitrice,
envers la trésorerie de l’ordre et du conseil national, du paiement de cotisations professionnelles.
L’avocate a formé un recours devant la Cour d’appel de Paris, laquelle a rejeté son recours. Le
pourvoi devant la Cour de cassation a été également rejeté. Me Blanc a reproché à cet arrêt de la
Cour de cassation, d’avoir rejeté le recours formé par cette avocate contre la décision du Conseil de
l’Ordre aux motifs que la défaillance d’un avocat dans le paiement des cotisations professionnelles
mises à sa charge pouvait être sanctionnée par son omission du tableau. Me Blanc a fondé son
recours, en faveur de sa cliente, devant la Cour d’appel sur le fondement que la Cour est
compétente pour apprécier la légalité du texte de nature réglementaire sur lequel sont fondées les
poursuites car l’omission financière constitue une sanction à caractère pénal qui frappe l’avocat
d’une véritable peine lui interdisant d’exercer la profession. La cour d’appel ne pouvait dès lors se
déclarer incompétente. A supposer que cette cour d’appel n’ait pas la compétence pour apprécier la
légalité du texte en cause, il lui appartenait de renvoyer par la voie d’une question préjudicielle,
l’appréciation au juge administratif dans la mesure où les moyens avancés par l’avocat étaient
sérieux. Le décret est contraire à la loi pour prévoir une omission financière constitutive d’une
sanction à caractère pénal non prévue par la loi. Compte tenu de la situation du débiteur et en
considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou
échelonner le paiement des sommes dues mêmes s’il s’agit des dettes de cotisations professionnelles
des avocats845. En France, les avocats au conseil d’Etat et à la Cour de cassation, sont d’avantage
protégés que les avocats au Maroc, du fait qu’ils sont habilités à exercer auprès de la Cour de
cassation ou le Conseil d’Etat. L’article 13 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 leur confère ainsi
un privilège de juridiction ; il prévoit, en effet, que, pour assigner l’un d’eux, le demandeur doit
porter sa plainte devant le conseil de l’ordre qui doit émettre un avis soumis à l’homologation du
Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation. Le Conseil de l’Ordre peut aussi surveiller l’attitude et le
comportement de l’avocat, s’ils rejaillissent sur l’honneur de la profession846. Ainsi, dans tous les cas
où il y a manquement grave à l’honneur et à la probité, même dans les affaires de la vie privée ou la
vie politique, le Conseil de l’Ordre peut infliger à l’avocat qui manque à ses obligations une peine
selon la gravité de la faute disciplinaire commis. « Il y a faute professionnelle dans tous les cas où il y
a eu manquement aux obligations professionnelles établies par les lois, les règlements et les usages
»847. Les décisions et délibérations du Conseil de l’Ordre peuvent être nulles si elles portent atteinte
à un droit ou si elles contiennent un excès de pouvoir. L’avocat objet d’une telle décision, peut
l’attaquer devant le premier président de la Cour d’appel, s’il estime qu’elle porte atteinte à ses
droits848. Le Conseil de l’Ordre traite aussi toute question intéressant les droits des avocats. Il peut
émettre des vœux au sujet de certaines dispositions qui pourraient paraître attentatoires aux droits
des avocats ou à la bonne marche de la justice, c’est le droit de remontrance849. Il a le droit à se
porter partie civile dans les procédures où un avocat est poursuivi, par exemple, pour avoir détourné
des fonds qui reviennent à ses clients. Il défend ainsi les intérêts moraux de la profession, il a pour
mission de veiller au maintien des principes de moralité, de probité et de dévouement indispensable
à l’exercice de la profession. « La responsabilité du Conseil de l’Ordre peut également être engagée
par la victime d’une faute commise par un avocat. Il existe une procédure spéciale pour mettre en
cause les actes du Bâtonnier ou du Conseil de l’Ordre. Cette procédure vient sanctionner les excès de
complaisance, car on s doit de ne pas perdre de vue les ordres professionnels ont pour mission de
protéger les membres de leur profession. Quoi qu’il en soit, c’est le procureur général du Roi près la
Cour d’appel qui est compétent pour connaître des recours contre les actes du Bâtonnier ou du
Conseil de l’Ordre. Celui-ci peut être saisi par la victime, qui peut même être un avocat850, comme il
peut se saisir d’office851. Cependant, il faut préciser que les recours contre les décisions du
Bâtonnier ou celles du Conseil de l’Ordre doivent être intentés dans un certain délai »852.
L’intervention du ministère public en matière disciplinaire constitue un gage de transparence dans la
procédure disciplinaire contre un avocat853. L’avocat répond de ses fautes disciplinaires devant le
Conseil de l’Ordre du Barreau dont il relève. Les délibérations du Conseil de l’Ordre sont susceptibles
de recours devant la Cour d’appel et éventuellement devant la Cour de cassation en suivant une
procédure très spéciale pour les avocats. Ainsi, la procédure disciplinaire est déclenchée à l’encontre
de l’avocat présumé fautif qui doit répondre de ses éventuelles fautes disciplinaires et ensuite user
de toutes les voies de recours susceptibles de rejeter les faits reprochés. A- La procédure disciplinaire
Toutes les plaintes de client à l’encontre de son avocat qui aurait manqué à ses obligations
déontologiques ou professionnelles doivent être transmises impérativement au Bâtonnier854. Aussi
bien celles déposées au secrétariat du Barreau que celles transmises au procureur général auprès de
la Cour d’appel. La citation directe n’existe pas devant le conseil de discipline. Le plaignant ne peut
déposer sa plainte directement que devant le Bâtonnier qui doit, après l’instruction de ladite plainte,
classer ou prononcer le renvoi devant le Conseil de l’Ordre, selon que la plainte lui semble sérieuse
ou pas. Il joue un rôle primordial dans l’appréciation des faits portés à sa connaissance. Il est chargé
de recevoir les plaintes des clients formulées contre les avocats et de veiller à ce que les interdictions
faites aux avocats et la déontologie de la profession soient respectées. Ilpeut prendre toutes les
mesures conservatoires qu’il juge utiles pour la constitution des preuves et pour sauvegarder les
intérêts des tiers. Il a également la possibilité de demander le blocage des comptes financiers. Le
Bâtonnier soit renvoie l’avocat devant le conseil de discipline, soit, s’il estime que la plainte est non-
recevable, non-fondée ou présente un caractère véniel, la classe sans suite. Il doit motiver sa décision
de rejet, et ce, dans un délai de trois mois ; le cas échéant, la plainte sera automatiquement
considérée comme rejetée. Le procureur général auprès de la Cour d’appel, peut, seul, formuler un
recours contre cette décision après qu’on le lui a notifié. Si la Cour d’appel infirme la décision du
Bâtonnier, elle renvoie le dossier au Conseil de l’Ordre pour procéder aux soins de la poursuite855.
Le Conseil est aussi autorisé à se saisir d’office856 puisque siégeant comme conseil de discipline, il «
poursuit et réprime les infractions et les fautes commises par un avocat ou un ancien avocat dès lors
qu’à l’époque où les faits ont été commis, il était inscrit au tableau, sur la liste du stage ou sur la liste
des avocats honoraires d’un Barreau »857. Cette attribution accordée à ce Conseil ne peut « être
dévolue à d’autres juridictions »858. Il est compétent à l’égard des avocats qui relèvent du même
Barreau. Dans le cas où l’avocat commet une faute dans le ressort d’un autre Barreau, le Bâtonnier
compétent doit informer son homologue afin que celui-ci traduise l’avocat mis en cause devant son
conseil de discipline. Le Bâtonnier a, par ailleurs, le pouvoir de saisir le procureur général près la cour
d’appel. Le Conseil procède à une enquête contradictoire, à la lumière de laquelle il qualifie les faits
et rend une ordonnance de citation qui contient un récapitulatif des faits, le fondement juridique et
déontologique de la poursuite, et mentionne le jour et l’heure de la séance du Conseil disciplinaire.
De ce fait, et à la différence de ce qui a lieu en matière pénale, l’organe chargé de la poursuite et
l’organe chargé de l’instruction se trouvent confondus en un seul : le Conseil de l’Ordre.

Celui-ci peut nommer soit un rapporteur, soit une commission, parmi les membres du conseil
et les charge de procéder à une enquête tout en précisant les pouvoirs qui leur sont conférés. Ce
rapporteur ayant pour mission de rassembler ou de vérifier les documents utiles à l’affaire, peut
entendre ou faire entendre l’avocat mis en cause comme il peut entendre le plaignant et, s’il y a lieu
les témoins. Cette enquête n’est pas soumise aux formalités prescrites par le code de la procédure
pénale ; notamment, les témoins ne sont pas tenus de prêter serment, mais rien n’empêche le
Conseil de l’Ordre de demander au témoin, sans contrainte, de prêter le serment légal de dire la
vérité. Après la clôture de l’enquête, le rapporteur renvoie son rapport au Conseil de l’Ordre qui
statue sur la plainte à la lumière des faits relevés par le rapporteur. Le conseil peut décider de toutes
mesures d’instruction complémentaires. Aussi, il peut émettre une décision de non lieu ou décider de
poursuivre l’avocat mis en cause. Si le conseil poursuit l’avocat qui a manqué à l’une de ses
obligations déontologiques ou professionnelles, il convoque l’avocat mis en cause à la date à laquelle
il a fixé son audience disciplinaire. L’audience n’est pas publique, mais rien dans la loi ni le règlement
n’interdisent au Conseil de porter l’audience en publique, ni les traditions, ni la nature du droit
disciplinaire ni même que le second degré de juridiction, la Cour d’appel statue en chambre du
conseil, pousse le conseil de ne pas laisser l’audience publique. La convocation est notifiée à l’avocat
mis en cause quinze jours au moins avant la séance du conseil disciplinaire en l’informant de la
possibilité de choisir un confrère pour l’assister ainsi de son droit, dans le délai cité ci-dessus à la
communication de toutes les pièces du dossier859. L’avocat est cité devant le conseil de l’Ordre
selon les modalités prescrites par les articles 37 et suivants du code de la procédure civile marocain ;
la citation est envoyée au domicile de l’avocat en cause860. Ce dernier comparaît en personne
devant le conseil de discipline, et peut être assisté par un confrère choisi ou plusieurs, puisque la loi
n’interdit pas d’être assisté par plus d’un confrère. L’avocat assisté de son confrère peut évoquer
tous les moyens de défense soit de forme, soit de fond qu’il juge appropriés : l’incompétence du
Conseil de l’Ordre, récusations, renvoi pour cause de suspicion légitime, … Lorsqu’il ne se présente
pas au conseil de discipline, ce dernier peut statuer sur la poursuite en prenant une décision réputée
contradictoire. Le Bâtonnier ne peut participer au vote pour la prise de la décision disciplinaire sauf
dans le cas où les votes sont égaux. Le Conseil prend alors sa décision dans un délai qui ne doit pas
dépasser six mois à partir de la transmission du dossier à ce conseil. Cette décision doit être notifiée
dans les quinze jours de son prononcé à l’avocat concerné, au procureur général et au plaignant. Le
cas échéant, la décision est considérée comme une décision de classement sans suite861 ou dans le
cas où le Conseil constate que l’avocat n’a commis aucune faute. La procédure est essentiellement
orale ; les conclusions ne peuvent être prises que comme le complément et l’accessoire de la défense
orale. Le conseil après les délibérations, peut statuer sur le dossier disciplinaire, « il peut former sa
conviction par tous les moyens »862. En France, lorsque la poursuite est déclenchée par le Bâtonnier,
ce qui est d’ailleurs souvent le cas, celui-ci ne peut siéger au Conseil de discipline, aussi pour le
rapporteur qui a instruit l’enquête863. Ainsi, doit y avoir séparation de l’organe de poursuite et de
jugement. Au Maroc, malheureusement, le Bâtonnier déclenche la procédure et l’orchestre
également. Il n’y a aucune disposition dans la loi du 20 octobre 2008 qui prévoit une telle séparation,
ce qui entraîne, parfois, une violation des droits de la défense. L’avocat poursuivi et le procureur
général auprès de la cour d’appel peuvent faire appel de la décision dans le délai de trente jours, à
compter de sa notification. Il n’y a aucune disposition figurant dans la loi du 20 octobre 2008 fixant le
délai d’appel, ce qui renvoie automatiquement aux dispositions du code de la procédure civile. Par
contre, le plaignant n’a pas qualité pour faire appel de la décision du Bâtonnier qui a pris la décision
de ne pas poursuivre. Le recours n’est possible dans ce cas, que pour le procureur général auprès de
la Cour d’appel864. En France, en vertu du principe d’impartialité prévu à l’article 6 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme, les rapporteurs qui ont enquêté sur les faits865 et
le Bâtonnier en ce qu’il est à l’origine de la poursuite, ne peuvent pas participer à la délibération du
Conseil866. Les poursuites contre le Bâtonnier en exercice doivent être introduites devant une cour
d’appel d’un autre ressort que celui dont il relève, et par le procureur général auprès de la Cour de
cassation, d’office ou sur une plainte reçue867. Les pouvoirs du Bâtonnier mis en cause sont confiés à
l’ancien Bâtonnier de l’ordre qui est un membre du conseil et qui représente, en l’absence du
Bâtonnier en exercice, l’Ordre des avocats. En revanche, le législateur marocain n’a pas donné un
privilège particulier à l’avocat auprès de la Cour de cassation comme l’a fait son homologue français
qui a accordé aux avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation une procédure spéciale prévue
par l’article 13 de l’ordonnance du 10 septembre 1817 relative, aux avocats aux Conseils et à la Cour
de cassation. Dans sa rédaction issue du décret du 21 août 1927, le Conseil de l'Ordre « se prononce
définitivement, lorsqu'il s'agit de police et de discipline intérieure ; il émet seulement un avis dans
tous les autres cas. Cet avis est soumis à l'homologation du Conseil d'Etat statuant au contentieux
quand les faits ont rapport aux fonctions d'avocat aux Conseils (...) » ; cet article prévoit, en effet, que
pour engager la responsabilité de l’un deux, le demandeur doit porter son action devant le Conseil de
l’ordre dont relève l’avocat mis en cause, lequel émet seulement un avis « soumis à l’homologation
du Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation ». C’est un privilège de juridiction. En l’occurrence, un
avocat aux Conseil a été chargé par son client d’introduire un pourvoi devant le Conseil d’Etat contre
la décision rendue par la cour d’appel administrative. Cet avocat, en introduisant tardivement le
pourvoi, commet incontestablement une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de
son client qui a subi un préjudice en perdant ainsi une chance sérieuse d’obtenir une cassation de
l’arrêt qu'il entendait attaquer et la décharge de tout ou partie des impositions laissées à sa charge
par l'arrêt. Le client n'est fondé à demander la réparation que s’il estime avoir subi ce préjudice. Le
Conseil d'Etat homologue l'avis du Conseil de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de
cassation selon lequel la perte par le contribuable d'une chance sérieuse d'obtenir la décharge des
impositions qu'il contestait n'était réelle que pour une partie de celles-ci868. Le Bâtonnier qui assure
aussi la direction morale du Barreau, délivre un avertissement paternel ou une admonestation869 en
cas de léger manquement aux règles professionnelles. Le Conseil de l’Ordre protège les droits des
avocats et veille au respect de leurs obligations ; il constitue incontestablement l’instance
disciplinaire de premier degré B- La faute disciplinaire La faute disciplinaire est définie comme la
violation ou le manquement aux obligations déontologiques ou aux obligations professionnelles. Elle
peut aussi être commise à l’encontre d’un autre avocat, ce qui est le cas à chaque fois que le
règlement intérieur du Barreau est violé. En effet, tous faits par lesquels les avocats s’écartent des
obligations de leur profession constituent des fautes disciplinaires. Selon l’article 183 du décret n°
91- 1197 du 27 novembre 1991 : « toute contravention aux lois et règlements, toute infraction aux
règles professionnelles, tout manquement à la probité, à l’honneur ou à la délicatesse, même se
rapportant à des faits extraprofessionnels, expose l’avocat qui en est l’auteur aux sanctions
disciplinaires …».

Ainsi, l’avocat s’expose à une sanction lorsqu’il est l’auteur d’une contravention aux lois et
aux règlements, d’une infraction aux obligations professionnelles ou d’un manquement à la probité,
à l’honneur ou à la délicatesse870. Il y a donc lieu de classer les fautes disciplinaires en deux
catégories : les fautes qui portent sur la violation de l’un des principes déontologiques dictés par le
règlement intérieur du Barreau et les usages et coutumes de la profession, et les fautes
professionnelles qui portent sur le manquement aux obligations professionnelles dictées par la loi et
le règlement intérieur du Barreau. Ainsi, l’avocat a l’obligation d’informer son confrère, déjà installé
dans un immeuble, de son intention de s’installer dans ce même immeuble, et de lui demander son
autorisation. S’il refuse, l’avocat peut s’adresser au Bâtonnier pour intervenir et concilier entre eux.
Le fait de s’installer sans aucune autorisation de son confrère ou du Bâtonnier est un manquement à
la délicatesse. De même que l’avocat qui use d’une qualité de professeur agrégé des Facultés de
droit, ou encore s’il ne paie ni ses collaborateurs ni ses secrétaires ou ne paie pas le loyer de son
cabinet commet un manquement à la délicatesse. La confiance du public ne sera acquise aux avocats
que s’il est sûr que les moindres fautes contre la probité et l’honnêteté sont sanctionnées. Un avocat
a ainsi été sanctionné pour avoir nié, à l’instigation de son client, l’existence d’une pièce dont il
disposait et qu’un hasard a fait découvrir par la suite. Un autre fut également sanctionné pour avoir
soutenu une accusation qu’il savait fausse871. Le fait d’avoir, par correspondance, usé de pressions
et de menaces en vue d’amener une personne à payer des sommes déjà payées, et d’avoir omis
pendant trois mois, de transmettre à ses clients des sommes reçues pour leur compte. De même que,
le fait d’avoir donné un faux motif par l’avocat pour une demande de renvoi de l’audience, constitue
un manquement à la probité.

La même sanction s’applique à l’avocat qui engage comme juriste salarié un ancien Bâtonnier
condamné pénalement pour des fautes graves commises dans l’exercice de ses fonctions872. Une
des fautes les plus graves contre la probité professionnelle, est celle de la violation du secret
professionnel auquel est tenu l’avocat envers son client. De même, la violation du secret de
l’instruction constitue une faute très grave envers les autorités judicaires et mérite une sanction très
sévère qui peut aller jusqu'à la réclusion criminelle de l’avocat ayant commis la faute. C’est le cas par
exemple de l’avocat qui aide un suspect à se soustraire aux pouvoirs judiciaires, en l’informant qu’il
est cité dans une instruction judiciaire. Un arrêt de la Cour de Cassation française casse un arrêt de la
cour d’appel qui a réformé la décision d’un Conseil de l’Ordre et a ordonné l’inscription d’un avocat
au tableau de l’Ordre, après avoir relevé qu’il avait fait l’objet d’une condamnation à une peine
d’emprisonnement avec sursis en 1990. La Cour de cassation a fondé sa décision sur le fait qu’au jour
de la demande de l’avocat, il avait donné des gages de réinscription sociale plus que suffisants et qu’il
remplissait les conditions d’honneur et de probité exigées pour exercer la profession d’avocat. La
Haute Cour a reproché à la Cour d’appel, d’avoir statué ainsi, sans rechercher si les faits, ayant donné
lieu à cette condamnation pénale, n’étaient pas contraires à l’honneur ou à la probité. La Haute Cour
décide alors que la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 11.4° de la loi
du 31 décembre 1971 organisant la profession d’avocat873. Il est interdit à l’avocat de communiquer
à son client une copie des pièces d’un dossier d’instruction au lieu de lui en communiquer seulement
la teneur, et ce en application de l’article 114 du Code de procédure pénale français874. Le cas
échéant l’avocat a manqué à son obligation professionnelle en violant le secret de l’instruction.

Le manquement à la discipline est également passible de sanction lorsqu’il se rapporte à des


faits extra-professionnels de nature à porter atteinte à la dignité de la profession875. L’avocat doit en
effet avoir une conduite exemplaire dans sa vie professionnelle comme dans sa vie privée. De ce fait,
tout agissement incorrect de la part de l’avocat, même s’il intervient dans le cadre de sa vie privée,
peut porter atteinte à la dignité de ce dernier et pourrait se traduire par une perte de toute
confiance en lui. Ainsi tout acte grave commis dans le cadre privé peut déteindre sur la notoriété de
l’avocat si jamais il est connu du public. Il y a une osmose entre la vie professionnelle et la vie privée
de l’avocat. § 2. Les tribunaux Les fautes commises par un avocat lors de l’audience sont toujours,
selon la loi marocaine, sanctionnées par le tribunal. En effet, le président, en cas de trouble ou
scandale, peut ordonner l’expulsion de l’avocat qui représente ou assiste son client. Dans le cas où
l’avocat prononce des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, le juge demande au greffier
de dresser un procès-verbal qu’il transmet au Bâtonnier de l’Ordre. L’avocat est donc soumis au
contrôle immédiat et direct du juge devant lequel il exerçait sa mission. Le serment préalablement
prêté par l’avocat, l’engage à respecter les tribunaux. L’article 433-5 du code pénal français, prévoit
que : « l’outrage est constitué par les paroles, les gestes, les menaces, les écrits ou images de toute
nature (...) adressés à une personne chargée d’une mission de service public, dans l'exercice ou à
l'occasion de l'exercice de sa mission, et de nature à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la
fonction dont elle est investie ». L’avocat doit mesurer son intervention devant le tribunal, il doit
contrôler ses gestes, employer des expressions respectueuses. En cas de malentendu, il doit en aviser
aussitôt informer son Bâtonnier pour intervenir et concilier entre les deux parties. La procédure
disciplinaire déclenchée par les tribunaux peut être ordinaire ou spéciale en cas de faute commise à
l'audience. Elle n’est pas soumise à la règle générale qui dispose que « nul ne peut être condamné
pour un fait qui n’est pas expressément prévu comme infraction par la loi… »876. Les peines
disciplinaires ont pour objectif la réformation d’un comportement professionnelle précis et imposent
le respect des règles déontologiques, pour la protection de la profession877. Les peines qui sont
infligées à l’avocat ne touchent ni son patrimoine ni sa liberté. Selon Louis Crémieu l’action
disciplinaire aurait un caractère très familial878. De même, l’infraction disciplinaire est indépendante
d’une poursuite pénale ou civile dont peut être sujet l’avocat879. A- La procédure ordinaire C’est le
Bâtonnier qui déclenche la procédure en transmettant au conseil de l’ordre toutes les plaintes
adressées par le procureur général ou par un plaignant quelconque contre un avocat dans un délai
de quinzaine de sa réception880. Le Conseil881 de l’ordre réuni en tant que conseil de discipline est
présidé par le Bâtonnier qui désigne un rapporteur parmi les membres du conseil et le charge, s’il y a
lieu, de procéder à une enquête. Il peut entendre ou faire entendre l’avocat mis en cause et, s’il y a
lieu, le plaignant et rédige un rapport, qu’il présente au conseil afin qu’il prenne la décision adéquate
dans un délai de deux mois, soit le non lieu ou la poursuite de l’avocat concerné882. La décision prise
doit être notifiée à l’avocat, au procureur général et au plaignant883. Le Procureur général peut
présenter un recours contre la décision de classement devant la Cour d’appel dans un délai de quinze
jours après la notification884. Mais parfois, même si la décision du conseil n’est pas notifiée ou
quand le conseil n’a pas encore pris de décision, le procureur général présume que la plainte est
classée après sa notification au conseil de l’ordre, et il la porte devant la chambre du conseil auprès
de la cour d’appel où le Barreau siège. Toutefois, la Cour de cassation considère que cette procédure
n’a aucun fondement juridique et rejette et annule cette hérésie juridique885. Lorsque le Conseil de
l’Ordre statuant en matière disciplinaire décide la poursuite, il articule les faits qui sont énoncés dans
la citation et rend une ordonnance de citation à cet avocat pour qu’il comparaisse devant le conseil
disciplinaire886 , et ce quinze jours au moins avant la séance887. Au cas où l’avocat ne répondrait
pas à cette citation, le conseil statuerait sur la poursuite et prendrait la décision adéquate aux faits
reprochés à l’avocat. Cette décision est réputée contradictoire et est notifiée dans les quinze jours de
sa prononciation à cet avocat, au procureur général et au plaignant888. Les décisions disciplinaires
prises par les Conseils de l’Ordre sont susceptibles d’être portées devant la Cour d’appel par
l’intéressé et éventuellement devant la Cour de cassation.

C- La procédure spéciale Il est rare, en matière disciplinaire, de trouver un avocat poursuivi


pour outrage ou diffamation à l’occasion de son activité professionnelle889. Il peut tout dire
mais, n’a pas le droit de le dire n’importe comment, et cela, résulte du concours mutuel
entre les magistrats et les avocats qui instaure certaines normes et principes qui règnent
dans les audiences. S’il y manque, il peut encourir des sanctions qui vont de l’avertissement
au blâme, du blâme à la suspension et à la radiation. De même, les traditions et les coutumes
instaurées entre les magistrats et les avocats empêchent les uns et les autres de déchirer le
drap qui les couvre tous. Il importe donc, de rappeler les grands principes qui font l’honneur
de cette profession. Le Bâtonnier Molierac, écrit dans son ouvrage « Initiation au Barreau »
que : « la discussion doit être libre pour être sincère ; le droit de la défense ne saurait se
borner à de timides réfutations » et il cite encore les paroles de Berryer : « la mission de
l’avocat est aussi un ministère public ». Les paroles du Bâtonnier Du Buit se joignent à celle
de Berryer et ce, en s’adressant au Procureur de la République en ses termes : « l’avocat de
la République ne peut pas exiger que ma déférence et mon respect s’étendent jusqu’à son
réquisitoire et ses arguments ; je ne leur dois ni respect, ni déférence, ni ménagement ; je
suis ici pour les combattre, pour les détruire, pour les anéantir, si je puis, à l’aide de tous les
moyens, et du nombre de tous ces moyens, je n’exclus certainement pas la vivacité si elle est
nécessaire pour assurer le triomphe de ma cause ». « Si le Barreau a toujours revendiqué
cette indépendance comme un droit sacré, c’est parce qu’elle n’est pas seulement la sienne,
mais celle de tous ; c’est parce que tous les droits de l’homme viennent se résumer dans les
droits de la défense ; toutes les libertés, tous les droits peuvent être attaqués ; ils peuvent
dés lors avoir besoin d’être défendus »890. « L’indépendance du Barreau est pour chaque
citoyen un rempart contre les colères et les atteintes du pouvoir, contre les violations de
droit, contre les persécutions injustes. Tout est à craindre si elle est mutilée, et rien n’est
désespéré, si elle se maintient et si elle est respectée »891. Le droit procédural
marocain892donne aux juges le pouvoir du maintien de l’ordre dans les audiences, par
contre le législateur français donne ce pouvoir au juge devant qui l’avocat n’a pas commis la
faute893. Ainsi, l’article 43 de la procédure civile marocaine dispose dans son troisième
paragraphe que « le président de l’audience a la police de celles-ci,…le président peut
toujours, en cas de trouble ou scandale, ordonner l’expulsion d’une partie ou du mandataire
la représentant, ainsi que de toute personne présente à l’audience. Si les personnes dont
l’expulsion est ainsi ordonnée résistent ou reviennent, le président peut procéder,
conformément aux prescriptions du code de procédure pénale. Dans le cas d’insultes ou
d’irrévérences graves envers le tribunal, le président de l’audience dresse procès-verbal,
immédiatement transmis au parquet pour être procédé comme en matière de flagrant délit
». Aussi, l’article 44 de la même procédure dispose que « dans le cas où des discours
injurieux, outrageants894 ou diffamatoires sont tenus par des mandataires qui ont, par
profession, le droit de représentation en justice, le président de l’audience dresse un procès-
verbal qu’il transmet au parquet, et s’il s’agit d’un avocat, au Bâtonnier de l’ordre ». Force
est de constater que le législateur marocain a voulu par ces dispositions, réprimer « ce délit
pour assurer le respect et l’autorité de la fonction dont la personne outragée est investie
»895. Mais il doit priver le juge outragé du pouvoir de poursuivre l’avocat qui lui a manqué
du respect pour avoir été dans un état de colère. Il faut rappeler que le juge ne doit jamais
statuer en état de colère de peur de ne pas rendre la justice. Ceux qui assisteront aux
audiences se tiendront découverts dans le respect et le silence ; tout ce que le Président
ordonnera pour le maintien de l’ordre, sera exécuté ponctuellement et à l’instant896. On
peut se demander alors ce qui se passera dans le cas où un avocat aurait causé des troubles
dans une audience tenante, alors qui assiste aux audiences doit se tenir découvert dans le
respect et le silence et tout ce que le Président ordonnera pour le maintien de l’ordre doit
être exécuté ponctuellement et à l’instant897. L’avocat auteur du trouble peut se voir infliger
d’une peine, outre l’emprisonnement de vingt quatre heures, et être suspendu de ses
fonctions pour une durée de trois mois, après information du Bâtonnier du Barreau où
exerce l’avocat mis en cause. Tout manquement de la part d’un avocat dans ses plaidoiries
ou dans ses écrits, aux obligations que lui impose le serment professionnel, sera sanctionné
par les dispositions en vigueur898. Les peines infligées à l’avocat, qui a failli aux principes
déontologiques régissant la profession, vont de l’avertissement jusqu'à la radiation du
tableau des avocats. « C’est là un pouvoir redoutable accordé aux tribunaux. Lorsque
l’avocat, devant eux, manque à son serment, en prononçant des discours, produisant ou
publiant des mémoires contraires aux lois, aux règlements, aux bonnes mœurs, à la sûreté de
l’Etat et à la paix publique, ou s’écartant du respect dû aux tribunaux et aux autorités
publiques, ils ont le pouvoir de réprimer ces écarts. Ce pouvoir va jusqu’à leur permettre
d’infliger à l’avocat la peine de radiation, ce qui paraît un peu excessif. Il convient d’ajouter
que les tribunaux dans la pratique usent de ce pouvoir avec une extrême discrétion »899.
Ainsi, l’article 434-24 du nouveau code pénal français dispose que « L'outrage par paroles,
gestes ou menaces, par écrit ou images de toute nature non rendus publics ou par l'envoi
d'objets quelconques adressés à un magistrat, un juré ou toute personne siégeant dans une
formation juridictionnelle dans l'exercice de ses fonctions ou à l'occasion de cet exercice et
tendant à porter atteinte à sa dignité ou au respect dû à la fonction dont il est investi, est
puni d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros d'amende. Si l'outrage a lieu à l'audience
d'une cour, d'un tribunal ou d'une formation juridictionnelle, la peine est portée à deux ans
d'emprisonnement et à 30000 euros d'amende ». Il peut être condamné à des dommages et
intérêts, lorsqu’il prononce des discours injurieux, outrageant ou diffamatoires900. « Ce droit
de police des juges n’exclut en rien la compétence disciplinaire de droit commun du Conseil
de l’Ordre pour apprécier toutes les fautes professionnelles des avocats afin de les réprimer
»901. Section IV : Les peines disciplinaires Toutes les peines édictées par la loi ou les
règlements intérieurs doivent respecter les principes fondamentaux posés par les textes
constitutionnels et les déclarations internationales de droit902. Elles ont pour but unique de
réformer la conduite des avocats ayant dérogé aux principes déontologiques régissant la
profession et qui de sauvegardent la dignité et l’honneur de la profession vis-à-vis du public.
L’article 184 du décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 dispose que « toute contravention
aux lois et règlements, toute infraction aux règles professionnelles, tout manquement à la
probité, à l’honneur ou à la délicatesse, même se rapportant à des faits extraprofessionnels,
expose l’avocat qui en est l’auteur aux sanctions disciplinaires… ». Les peines disciplinaires
sont des moyens institués, par le législateur, pour maintenir pour des raisons d’ordre et
d’intérêt public, l’autorité et le respect du corps auquel appartient l’avocat poursuivi
disciplinairement ; elles s’attachent moins aux faits eux-mêmes qu’aux conséquences de ces
faits sur la considération de l’avocat et sur la dignité du Barreau dont il est membre903. En
revanche, les peines disciplinaires, comme les sanctions pénales, supposent une violation des
règles déontologiques qui régissent la profession. « Ce sont des peines qui visent à la
répression et à l’exemplarité »904. Elles ne peuvent être prononcées sans que l’avocat
poursuivi ait été convoqué par le conseil disciplinaire et entendu par le membre rapporteur
dans le dossier, le cas échéant par le Conseil de l’Ordre. Il peut même être épaulé et assisté
par un de ses collègues. Ces peines sont toujours susceptibles d’opposition s’il y a eu défaut,
et les arrêts rendus par la Cour d’appel peuvent être aussi l’objet de recours en cassation.
Bonnard905 distingue trois sortes de répressions différentes : la répression civile, la
répression pénale et la répression disciplinaire, une classification qui se fonde sur les règles
de fond et de forme. Quant à la forme, la répression pénale est exercée dans les formes
juridictionnelles, tandis que la répression disciplinaire n’est pas exercée dans les formes
juridictionnelles. La répression pénale ne peut être exercée que pour un fait prévu par la loi
et qualifié d’infraction. Ainsi, dans la répression disciplinaire, une détermination du genre
n’existe pas pour la faute. Celui qui statue, si un tel fait est punissable, n’est pas lié par la loi.
Dans la répression pénale, la loi, non seulement contient une énumération limitative des
peines, mais elle fixe aussi pour chaque fait punissable la nature et la quotité de la peine.
Alors que dans la répressiondisciplinaire, cette détermination n’existe pas. Le conseil qui
statue est entièrement libre de la fixation de la peine selon la faute commise par la personne
mise en cause. Quant au fond, dans la répression disciplinaire, on constate que des mesures
peuvent aller jusqu'à l’exclusion de la personne du groupement auquel elle appartient. En
matière pénale, la peine consiste à la privation de liberté (réclusion ou détention criminelle
et emprisonnement) ou l’amende. Pour Duguit906, « la répression disciplinaire est une
répression pénale au point de vue de son fondement, mais c’est une répression pénale qui
s’exerce en tout ou en partie au moyen d’actes administratifs et non pas comme la
répression pénale au moyen d’actes juridictionnels…l’autorité disciplinaire peut apprécier
d’une manière absolument discrétionnaire les faits susceptibles d’entraîner à son avis cette
répression »907. L’objectif primordial de sanctionner l’avocat qui a commis une faute est de
le mettre dans l’impossibilité d’en commettre une nouvelle, ou du moins de l’écarter de
l’exercice de la profession pendant un certain temps afin qu’il se corrige. Ces sanctions sont
matérialisées par des peines principales et des peines accessoires. Sous-section I : Les peines
principales et les peines accessoires Les peines disciplinaires sont de deux catégories, il y a
les peines principales et les peines accessoires. Les peines principales sont des peines qui
sont prévues par la loi à titre principal pour sanctionner un comportement déterminé908.
Les peines accessoires, elles s’ajoutent automatiquement aux peines principales. L’avocat qui
n’observe pas les dispositions de la loi régissant la profession et le règlement intérieur de son
Barreau ainsi que tout manquement à la probité et toute infraction aux règles
déontologique, s’expose à des sanctions ou à des peines disciplinaires. Le Conseil de l’Ordre
peut prononcer des sanctions disciplinaires à l’encontre de l’avocat qui a failli à ses
obligations, allant de l’avertissement à la radiation du tableau selon le degré de gravité de
l’infraction commise909. Le point de départ de l’exécution de ces peines commence à la date
de leur signification ou de leur affichage sur le tableau des annonces tenues au tribunal de
première instance. L’avocat sanctionné doit s’abstenir, dés que la décision est devenue
exécutoire, d’exercer le métier sous aucune forme910. L’avertissement est une peine qui est
exécutée par la seule notification à l’intéressé, il n’a pas d’effet immédiat mais il est inscrit au
dossier de l’avocat. Par contre l’admonestation du Bâtonnier ne laisse aucune trace. Le
cumul des avertissements peut aboutir à une sanction plus sévère. Le blâme ou la
réprimande911 constitue un degré supplémentaire qui ne prive pas l’avocat d’exercer son
activité professionnelle, mais il sera enregistré dans son dossier disciplinaire en cas de
récidive. En France, les nouvelles règles régissant la profession d'avocat ont remplacé la
réprimande, peine qui suivait l'avertissement dans l'échelle des sanctions disciplinaires. Elle a
cessé de s'appeler ainsi pour prendre le nom de blâme. Cette modification est une
aggravation de la sanction, car le blâme, dans le langage courant comme dans le langage
juridique, apparaît comme une peine plus sévère que la réprimande912. L’acte blâmable
comprend toute contravention aux lois et aux règlements ainsi que tout manquement à la
probité et toute infraction aux règles professionnelles. Ces contraventions exposent l'avocat
qui en est l'auteur à des sanctions ou à des peines disciplinaires913. L’interdiction temporaire
d’exercer ne peut excéder trois années. L’avocat interdit doit s’abstenir de tout acte
professionnel, de la réception de la clientèle, du port de la robe, de l’assistance, de la
représentation, de la plaidoirie, dès le moment où la décision est passée en force de chose
jugée, le délai d’appel ainsi que l’appel étant suspensifs. Il ne peut, en aucune circonstance,
faire état de sa qualité d’avocat914. Le cabinet, pendant la durée de l’interdiction, est géré
par un administrateur provisoire désigné par le Bâtonnier915. Le Conseil disciplinaire du
Barreau de Casablanca a rendu une décision, le 16 novembre 2006, en condamnant d’une
peine de trois ans et de l’affichage d’un mois de la décision de cette peine dans les locaux du
Barreau, à l’encontre d’un avocat pour les fautes graves commises lors de son exercice de la
profession. La Cour de cassation a récemment rejetée un pourvoi d’un prévenu avocat ayant
commis de graves fautes à l’occasion de l’exercice de sa profession. La Cour d’appel a déclaré
que cet avocat est coupable de complicité de faux et usage de faux ainsi que l’exécution d’un
travail dissimulé et a prononcé à son encontre la peine complémentaire d’interdiction
d’exercer la profession d’avocat pendant une durée de cinq ans. Elle a considéré que « la
profession d’avocat est consubstantielle à l’Etat de droit et à toute organisation judiciaire, ce
qui implique de la part de celui-ci une probité parfaite, une pratique professionnelle
irréprochable et une vie privée empreinte de dignité »916. La radiation du tableau est la
sanction la plus grave sur le plan professionnel, « elle exclut l’avocat de l’ordre et le prive de
son état »917. L’avocat radié du tableau ne peut plus exercer aucune fonction réservée aux
avocats, perdant ainsi tous les attributs de cet état918. Il perd également le droit de plaider
ou de consulter. En effet, l’avocat qui commet une faute grave ne peut être toléré dans le
corps des avocats, et ne peut être inscrit ni au tableau ni au stage d’aucun autre Barreau919.
L’interdiction d’exercer une activité professionnelle se porte sur l’activité professionnelle
dans laquelle ou à l’occasion de laquelle l’infraction a été commise. Parmi les fautes graves,
telles qu’elles sont citées par la jurisprudence, citons le détournement des fonds consignés,
Toutefois, la radiation920 de l’avocat du tableau du Barreau ne dispense pas cet avocat de
prendre toutes les précautions nécessaires pour protéger les intérêts de son client sous le
contrôle du Bâtonnier et le Conseil de l’Ordre921. Le Bâtonnier désigne un avocat
administrateur pour liquider les dossiers déposés au cabinet de l’avocat radié922. Un avocat
a été poursuivi par le Conseil de l’Ordre de Casablanca pour avoir détourné des fonds et
refuser de les restituer, après avoir été avisé par le conseil disciplinaire du Barreau923.
L’avocat est traduit par le Bâtonnier au conseil disciplinaire, qui désigne un de ses membres
comme rapporteur afin de procéder à l’enquête sur les faits et les circonstances de ce
détournement. Le Conseil statue alors sur la poursuite et décide de radier l’avocat du tableau
des avocats à cause des faits qu’il qualifie de fautes très lourdes. Pour l’avocat honoraire, le
retrait de l’honorariat équivaut à la radiation. L’honorariat peut être retiré par une décision
du Conseil de l’Ordre qui l’a conféré924. Tout avocat faisant l’objet d’une poursuite pénale
ou disciplinaire peut être suspendu momentanément de ses fonctions. Cette suspension a
pour effet de l’interdire d’exercer provisoirement la profession. Elle ne doit pas excédée une
année, sauf dans le cas où l’intéressé est incarcéré. La suspension doit être justifiée par «
l’urgence et la protection de l’ordre public »925. Par cet effet elle ressemble à l’interdiction
temporaire, mais elle n’est pas une peine disciplinaire, juste une mesure de précaution. Une
décision rendue par la cour d’appel de Riom le 8 juillet 1980 a bien fondé la suspension
provisoire : « le fondement de l’interdiction provisoire d’un avocat ne doit pas être recherché
dans les seuls risques que la poursuite de ses activités ferait courir à ses clients, mais
essentiellement dans l’immoralité que les faits qui lui sont reprochés manifestent et qui font
perdre tout crédit de la part des tribunaux et portent atteinte à la dignité de la justice. Dans
la nécessité de faire cesser le trouble que causerait au sein des juridictions l’auxiliaire de
justice qui, faisant l’objet de l’abus de confiance, le faux en écriture, le détournement des
documents, l’escroquerie…
poursuites pour des actes apparemment illicites, ne continuerait pas à plaider, à postuler et à
consulter, notamment au siège de la juridiction où ces poursuites sont exercées »926. Le
cabinet de l’avocat suspendu de l’exercice de la profession, pendant la durée de
l’interdiction, est géré par un avocat administrateur désigné par le Conseil de l’Ordre dont
relève l’avocat suspendu qui conserve encore le titre et ne perd que temporairement le droit
d’exercer la profession. En effet, l’article 110 du décret du 9 juin 1972 dispose que « l’avocat
suspendu doit, dès le moment où la décision est devenue exécutoire, s’abstenir de tout acte
professionnel et notamment de revêtir le costume de la profession, de recevoir la clientèle,
de donner des consultations, d’assister ou de représenter les parties devant les juridictions. Il
ne peut, en aucune circonstance, faire état de sa qualité d’avocat. Il ne peut participer à
l’activité des organismes professionnels auxquels il appartient ». La peine de l’interdiction
temporaire peut être assortie du sursis. Elle n’est pas alors exécutée si une nouvelle sanction
n’intervient pas dans les cinq ans. Le Conseil de l’Ordre, d’office ou à la demande de
l’intéressé, peut relever la mesure de suspension provisoire, sauf si elle a été décidée par la
cour d’appel. Il cesse de plein droit si l’avocat est relaxé dès la fin de la poursuite par la
décision statuant sur l’action publique. Le conseil doit statuer sur la poursuite disciplinaire
après le jugement, qui est passé en chose jugée, dans un délai de quatre mois à partir de la
notification de ce jugement au conseil. Dans le cas échéant, la suspension provisoire est
relevée, automatiquement, par force de loi927. L’article 138, paragraphe 12, du code de
procédure pénale français donne au juge d’instruction, qui met une personne en examen, le
pouvoir de lui interdire de se livrer à certaines activités de nature professionnelle lorsque
l’infraction a été commise dans l’exercice ou à l’occasion de ces activités et lorsqu’on redoute
qu’une nouvelle infraction soit commise. La loi du 15 juin 2000 sur la présomption
d’innocence dispose que « le Conseil de l’Ordre, saisi par le juge d’instruction, a seul le
pouvoir de prononcer cette mesure à charge d’appel dans les conditions prévues aux articles
23 et 24 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971. Le Conseil de l’Ordre statue dans les
quinze jours »928. En France, le décret du 23 mai 2005 aligne la procédure de la suspension
provisoire sur celle de la procédure disciplinaire. Il précise que la décision de suspension
provisoire prise par le Conseil de l’Ordre est exécutoire nonobstant appel929. Les peines qui
sont infligées à l’avocat, peuvent aussi le priver de faire partie du Conseil de l’Ordre pendant
une durée n’excédant pas dix ans. De même, l’article 62 de la loi du 20 octobre 2008 ajoute
une autre peine accessoire, celle d’afficher dans les locaux de l’ordre la peine infligée à
l’avocat mis en cause. Il reste à signaler que les peines disciplinaires peuvent se cumuler avec
les peines prononcées par les juridictions civiles et pénales930. Le procureur général assure
et surveille l’exécution des peines disciplinaires. Il peut donc avertir les chefs de juridictions
du ressort de l’interdiction temporaire ou définitive de l’avocat, afin que celui-ci ne puisse ni
postuler ni plaider931. La décision prononçant l’avertissement, le blâme ou la suspension
peut comporter à titre de peine complémentaire932, l’affichage de son dispositif933 dans le
secrétariat de l’ordre pour une durée déterminée934.
De même, « le Conseil de l’Ordre peut ordonner l’exécution provisoire de la décision de
suspension temporaire ou de radiation en cas de violation grave des règles professionnelles
»935. L’intéressé, peut porter devant la cour d’appel un recours de cette décision en
demandant le sursis à exécution936. La décision rendue par le Conseil de discipline qui
prononce l’avertissement, le blâme ou la suspension, peut comporter, à titre de sanction
accessoire, l’affichage de son dispositif dans le secrétariat de l’Ordre pour une durée qui sera
déterminée par le Conseil suivant la gravité de l’infraction937. Et dans tous les cas, le Conseil
doit afficher le dispositif de la décision de radiation du tableau, qui est passée en force de
chose jugée, rendue par le conseil en cas de violation grave des règles professionnelles par
l’avocat938. L’avocat qui a été l’objet d’une décision disciplinaire définitive d’avertissement
ou de blâme, peut soumettre au Conseil de l’Ordre, à l’expiration d’un délai de trois ans, une
requête en réhabilitation. Si la décision disciplinaire concerne la suspension d’une durée
n’excédant pas une année, la demande ne peut être valable qu’a l’expiration d’un délai de
cinq ans et d’un délai de dix ans si la suspension excède une année. Le délai de ces deux
dernières sanctions s’écoule à partir de l’exécution de la sanction de la suspension939. Le
Conseil de l’Ordre statue sur la demande dans un délai d’un mois à compter de la date de sa
saisine940. Il peut ordonner l’exécution provisoire de la décision de suspension temporaire
ou de radiation en cas de violation grave des règles professionnelles. L’avocat concerné peut
demander le sursis à exécution devant la chambre du conseil de la cour d’appel du recours.
Par ailleurs, le Conseil de l’Ordre, en cas de nécessité absolue, peut prendre une décision
motivée de suspension provisoire contre tout avocat faisant l’objet de poursuites pénales
pour des faits se rapportant à l’exercice de la profession. Il prend cette décision soit d’office,
soit sur la demande du Bâtonnier ou du procureur général, à la majorité absolue de ses
membres. Cette décision est exécutoire malgré
le recours de l’intéressé. La suspension provisoire ne doit pas excéder une année sauf dans
le cas d’incarcération941. Le Conseil, d’office ou à la demande de l’avocat, dans les mêmes
conditions, peut relever la mesure de la suspension provisoire. Cette suspension provisoire
cesse de plein droit si l’avocat est relaxé dès la fin de la poursuite par la décision statuant sur
l’action publique942. Le Conseil de l’Ordre doit statuer sur la poursuite disciplinaire après le
jugement final dans un délai qui ne doit pas dépasser quatre mois à partir de la notification
du ce jugement à l’avocat. Si le Conseil ne statue pas dans le délai prescrit par l’article 66 de
la loi du 20 octobre 2008, la suspension prend fin de plein droit. Aussi, l’avocat peut être
omis du tableau s’il ne s’acquitte pas de sa contribution aux charges de l’ordre943 ; le
Barreau considère que l’avocat, qui ne s’acquitte pas de ses cotisations annuelles envers son
Ordre, commet une faute, et sera sanctionné par l’omission du tableau de celui-ci. L’omission
au tableau est prononcée par le Conseil de l’Ordre soit d’office, soit à la demande du
procureur général. Mais avant que le Conseil ne prenne la décision, il doit convoquer
l’intéressé quinze jours au moins avant la date de la réunion du Conseil. La décision prise sera
notifiée aussi, dans la quinzaine de sa prononciation, à l’intéressé et au procureur général.
L’avocat, dés que la décision lui est notifiée, est obligé de cesser d’exercer tout acte
professionnel944 « et notamment de revêtir le costume de la profession, de recevoir la
clientèle, de donner des consultations, d’assister ou de représenter les parties devant les
juridictions »945. Sous-section II : La décision disciplinaire et les voies de recours L’enquête
menée par le conseil de discipline à l’aide d’un rapporteur ou une commission nommée par
le Bâtonnier peut être clôturée soit par une décision de non lieu, soit par une décision de
renvoi. La décision est rendue après délibération et 941 Article 66 de la loi du 20 octobre
2008 vote. Le Bâtonnier ne peut participer au vote que si les voix des membres du Conseil de
discipline sont partagées946. « La sentence n’est point soumise à des formes spéciales, mais
elle doit contenir des indications suffisantes pour permettre le contrôle éventuel de la cour
d’appel ou la Cour de cassation »947. En effet, la rédaction de la décision rendue par le
conseil de discipline doit contenir les mentions nécessaires telles que l’exposé des faits et les
conclusions des parties. Les notifications et les expéditions des décisions sont réglées par la
procédure civile948. L’avocat suspendu ou radié est tenu, dès le moment où la décision est
passée en force de chose jugée, de s’abstenir de tout acte professionnel et d’arrêter de se
donner la qualité d’avocat. Il ne peut, dés lors, plus participer à l’activité des organismes
professionnels auxquels il appartient949. L’exécution des peines disciplinaires est assurée
par le Bâtonnier qui doit citer l’avocat condamné et l’avertir d’exécuter la décision rendue en
lui donnant un délai qui ne doit dépasser un mois. Le Bâtonnier informe le procureur général
auprès de la cour d’appel que l’avocat condamné, a exécuté la décision disciplinaire. En cas
de non obtempération à la décision disciplinaire, le Bâtonnier fixe une date pour le
déplacement au cabinet de l’avocat condamné et veille à l’exécution de la décision
disciplinaire. Il peut être épaulé par le ministère public950. Aussi, l’avocat qui refuse
d’exécuter la décision qui prononce la peine de sa radiation du tableau et continue de se
donner la qualité d’avocat, peut être poursuivi par le ministère public sous le fondement de
l’article 381 du code pénal marocain qui dispose que : « quiconque, sans remplir les
conditions exigées pour le porter, fait usage ou se réclame d’un titre attaché à une profession
légalement réglementée, d’un diplôme officiel ou d’une qualité dont les conditions
d’attribution sont fixées par l’autorité publique est puni, à moins que des peines plus sévères
ne soient prévues par un texte spécial, de l’emprisonnement de trois mois à deux ans et
d’une amende de 120 à 5000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement »
Les décisions disciplinaires rendues par le Conseil de l’Ordre des avocats sont considérées,
par certains auteurs, notamment Duguit, comme un acte administratif. D’autres, au
contraire, notamment Vizioz, Guillien et Braud, les considèrent les ont considérés comme un
acte juridictionnel951. Nous voyons aussi que la décision disciplinaire est un acte
juridictionnel. En effet, les caractères principaux de la procédure juridictionnelle sont :
l’instruction préalable, débat contradictoire et libre défense. Ces caractères se manifestent
dans la procédure disciplinaire qui s’aligne avec celles de la procédure juridictionnelle. Il y a
lieu d’examiner maintenant quels sont les recours possibles contre les décisions
disciplinaires. La décision disciplinaire, que l’on appelle un « arrêté disciplinaire », est un
jugement ayant autorité de la chose jugée, rendue par le tribunal ou par le Conseil d’Ordre,
elle est susceptible d’être revue par d’autres organismes judicaires dans les mêmes
conditions que les autres jugements. Elle est également passible d’un recours devant la cour
d’appel par le procureur général, le Bâtonnier et l’intéressé. En effet, le procureur général
auprès de la cour d’appel, le Bâtonnier ou l’avocat frappé d’une peine peuvent interjeter
appel dans le délai de trente jours francs à partir de la notification de la décision. L’appel est
fait par une requête déposée devant le premier président de la cour d’appel où siège le
Barreau dont relève l’avocat intéressé952. Dans le cas où la décision est rendue par défaut,
l’avocat intéressé peut former opposition dans le délai de dix jours à partir de la notification
de la décision. L’opposition est faite par lettre recommandée adressée au Bâtonnier en sa
qualité de président du Conseil qui a pris la décision. L’affaire est ramenée devant le conseil
qui a rendu la décision. L’opposition qui fait une seconde fois défaut, ne peut plus former
une nouvelle opposition953. La décision rendue, par défaut, par le Conseil de l’Ordre peut-
être attaquée par opposition par l’intéressé dans le délai de dix jours conformément à
l’article 130 du code de procédure civile marocaine ; puisque ne figure, dans la loi qui
détermine le statut des avocats au Maroc, aucune disposition interdisant le recours en
opposition contre les décisions du Conseil de l’Ordre rendues par défaut. Aussi le Conseil de
l’Ordre siégeant en conseil de discipline est admis comme une juridiction de premier degré. Il
en résulte que l’opposition est admise sans réserve contre une décision disciplinaire, rendue
par défaut, du Conseil de l’Ordre. L’opposition suspend les effets de la décision rendue par le
Conseil de discipline. Elle ne pourrait être renouvelée954. L’avocat condamné à une peine ou
à une interdiction provisoire par le Conseil de l’Ordre, pourrait interjeter appel devant le
premier président de la cour d’appel où siège le Barreau. Le procureur général peut aussi
saisir la cour d’appel pour le même motif s’il juge que la décision rendue par le Conseil de
l’Ordre est très indulgente ou trop sévère. De même, il peut interjeter appel à l’encontre de
la décision disciplinaire du Conseil qui ne respecte pas les conditions de formes. Le procureur
général auprès de la cour d’appel a le droit de former appel à l’encontre de toutes les
décisions disciplinaires du Conseil, quelles qu’elles soient : décisions de condamnation ou
décision d’acquittement. L’avocat a un droit moins étendu : il ne peut interjeter appel que
des décisions qui le frappent de radiation ou d’interdiction temporaire et de celles qui
aggravent un avertissement ou une réprimande de la privation du droit de faire partie du
Conseil de l’Ordre. Mais l’avertissement et la réprimande simple sont insusceptibles d’appel
de la part de l’avocat condamné. Par ailleurs, le plaignant n’a pas le droit d’interjeter appel
contre cette décision, cette prérogative relevant de la compétence du procureur général qui
le représente. En effet, c’est lui qui représente la société et c’est lui qui défend ces membres
contres toutes atteintes aux valeurs de la société. L’appel a un effet suspensif, cela signifie
que l’avocat suspendu ou radié n’a pas à subir sa peine avant que la Cour d’appel ne statue
sur son appel. Mais, le Conseil de l’Ordre peut ordonner l’exécution immédiate de la décision
de la suspension ou de la radiation dans le cas où l’avocat aurait gravement manqué aux
obligations professionnelles. L’avocat peut demander la suspension ou l’arrêt de l’exécution
de la décision devant la chambre des conseils à la cour d’appel où il a déposé son recours.
L’appel a également un effet dévolutif. En appliquant la maxime « tantum devolutum
quantum appellatum »955, l’appel interjeté, par l’avocat, ne peut jamais le nuire sauf en cas
d’appel du procureur général. La déclaration de l’appel doit être faite directement au greffe
de la cour d’appel par une requête écrite avec les pièces jointes dans un délai de trente jours
à partir du jour de la notification956. En général, on peut se pourvoir contre toutes les
décisions contentieuses de l’autorité judicaire rendues en dernier ressort. Le pourvoi en
cassation est le dernier recours dont dispose l’avocat condamné par le conseil de discipline.
La décision rendue par la cour d’appel à l’encontre d’un avocat, et qui confirme la décision
du conseil disciplinaire, est susceptible d’être attaquée devant la Cour de cassation957 par
cet avocat lui même et par le procureur général auprès de la cour d’appel. « Le Bâtonnier qui
préside la juridiction du premier degré, ne peut évidement pas former un pourvoi en
cassation »958. « Quant au procureur général auprès de la Cour de cassation, il lui est
possible de se pourvoir dans l’intérêt de la loi »959. Le pourvoi formulé par l’avocat
condamné ou son représentant repose alors, comme en droit commun sur l’incompétence,
l’excès de pouvoir, l’inobservation des formes, et la violation des règles de fond du droit. En
effet, il y a incompétencelorsque le Conseil a rendu une décision relative à un avocat
étranger à son Ordre ou lorsque la cour saisie était incompétente pour statuer sur la
demande d’appel. Il y a excès de pouvoir quand le Conseil condamne un avocat d’une peine
qui ne figurant pas dans la loi. Et, il y a violation des règles de forme quand le Conseil ou la
Cour d’appel ont enfreint des prescriptions imposées par les textes législatifs en vigueur à
peine de nullité ou touchant à l’ordre public. Aussi, il y a violation des règles de fond quand la
cour qualifie les faits reprochés à l’avocat mis en cause d’une manière inexacte. Le pourvoi
doit être signé par un avocat auprès de la Cour de cassation et déposé au greffe de la cour
d’appel qui a rendu l’arrêt avec consignation d’amende dans un délai de trente jours. Il ne
commence à courir qu’à dater de la notification de cette décision à l’intéressé. Ni le pourvoi,
ni le délai du pourvoi ne sont suspensifs. La procédure suivie est la même qu’en matière
civile. Lorsque le pourvoi est admis, la décision rendue par la chambre est cassée. La Cour de
cassation renvoie le dossier devant une autre cour d’appel ou à la même Cour d’appel mais
cette fois-ci devant une autre chambre formée autrement. Si cette chambre maintient la
décision rendue par la Cour de cassation, le dossier sera clôturé. Mais si elle ne s’incline pas,
sa décision pourra, à nouveau, se trouver frappé d’un second pourvoi. Celui-ci sera soumis à
l’assemblée plénière de la Cour de cassation qui pourra, dans ce cas, soit s’incliner devant la
décision rendue par la Cour d’appel et rejeter le pourvoi, soit, au contraire, maintenir sa
position et accueillir ce pourvoi. Dans ce cas là, une nouvelle cassation est prononcée : le
dossier est renvoyé devant une autre chambre pour y statuer conformément à la décision de
l’assemblé plénière. L’avocat dispose d’un autre recours, à savoir la tierce opposition qui est
une voie de recours extraordinaire, « ouverte à tous les tiers quand ils sont lésés ou même
simplement menacés d’un préjudice par l’effet d’un jugement auquel ils sont restés
étrangers »960. L’article 303 de la procédure civile marocaine dispose : « Toute personne
peut former opposition à une décision judiciaire qui porte préjudice à ses droits et lors de
laquelle ni elle ni ceux qu’elle représente, n’ont été appelés ».
La question qui se pose : peut-elle exister en matière disciplinaire ? La tierce opposition peut
être évoquée par les associés d’une société civile professionnelle d’avocats lorsque les
intérêts de ces associés sont touchés par la décision disciplinaire. La décision disciplinaire est
devenue irrévocable par l’expiration des délais de recours ou le rejet de ces recours. Le
législateur français a promulgué la loi n° 88-828 du 20 juillet 1988 qui porte sur l’amnistie des
sanctions disciplinaires ou professionnelles et de certaines mesures administratives. Par le
biais de cette loi, un avocat français, ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire, saisit la
cour d’appel par une requête tendant à l'application, en sa faveur, de cette loi, cette requête
a été rejetée aux motifs que la décision prononçant cette sanction disciplinaire a retenu à
l'encontre dudit avocat un « manquement grave à l'honneur et à la délicatesse au sens des
dispositions de l'article 106 du décret du 9 juin 1972 » et que l'autorité de la chose jugée
attachée à cette décision lui interdit de discuter la qualification ainsi donnée aux faits
reprochés à l'intéressé. L’avocat porte alors le litige devant la Cour de cassation qui admet les
mêmes motifs que la cour d’appel et rejette le pourvoi en justifiant sa décision d’avoir
constaté que l'article 14, alinéa 3961, de la loi précitée excepté de l'amnistie les faits
constituant des manquements à l'honneur962. Sous-section III : La prescription des
poursuites disciplinaires Les poursuites disciplinaires se prescrivent « par trois ans à compter
du jour où l’infraction a été commise ou par la prescription de l’action publique lorsque le
fait commis constitue une infraction pénale »963. Cette prescription est interrompue par
tout acte de poursuite ou d’instruction ordonné ou accompli par le conseil de discipline.
De plus, l’avocat poursuivi par le conseil de discipline, s’il dépose sa démission devant ce
conseil, n’aura aucun effet sur la procédure disciplinaire engagée à son encontre pour des
faits accomplis avant la radiation. En revanche, l’action disciplinaire est imprescriptible.
L’avocat qui était poursuivi par le conseil disciplinaire de son Ordre pour un manquement à
ses obligations professionnelles ou disciplinaires, ne peut y échapper en déposant sa
démission964. « L’acceptation de la démission n’empêche pas de poursuivre la procédure
disciplinaire engagée pour des faits accomplis avant la radiation »965. Il faut signaler que
l’avocat est responsable personnellement de son acte. L’Ordre des avocats décline toute
responsabilité devant les tiers à cause de son caractère représentatif. Auquel cas, il se peut
que la faute commise par l’avocat revête un caractère pénal. Le conseil disciplinaire suspend
souvent sa décision en attendant que le juge pénal rend sa décision, selon la théorie de la
chose jugée au pénal s’impose à la décision disciplinaire966. Ce qui impose au conseil
disciplinaire d’attendre le dénouement de l’action publique avant de rendre lui-même sa
décision disciplinaire. Mais rien n’oblige le conseil disciplinaire à statuer sur la poursuite
suivant le sort de l’action publique, parce que, parfois les poursuites au pénal peuvent ne pas
revêtir un caractère disciplinaire. C’est-à-dire, il n’y a des fautes qui sont commises par
l’avocat et qui revêtent un caractère disciplinaire nonobstant que lorsque l’avocat est
acquitté par le juge pénal. Donc l’autorité de la chose jugée au criminel n’est que relative,
c’est-à-dire qu’elle ne s’impose pas à la décision du conseil disciplinaire qui revêt un
caractère juridique particulier. On peut reprendre la formule exprimée par Stefani qui a
précisé que « l’intérêt de la justice civile commande que l’on fasse disparaître le caractère
obligatoire de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil et qu’à l’exemple de
certaines législations étrangères, on accorde aux constatations d’une décision pénale la
valeur d’une présomption susceptible de preuve contraire »967. Ainsi, l’avocat peut voir sa
responsabilité pénale engagée pour toutes les infractions liées à son exercice professionnel.
CHAPITRE II La responsabilité pénale de l’avocat La mise en œuvre de la responsabilité
pénale de l’avocat ne présente pas les mêmes difficultés que celle de la responsabilité civile.
Elle consiste à étudier son régime et les principales infractions que l’avocat peut commettre
lors de l’exercice de la profession et qui influencent ses responsabilités civile et disciplinaire.
Les deux responsabilités n’obéissent pas aux mêmes conditions et n’emportent pas les
mêmes effets. La responsabilité pénale ne peut être engagée qu’en présence de certaines
infractions commises par l’avocat et qui sont bien définies par le code pénal lors de l’exercice
de sa profession. En revanche, la responsabilité civile s’est affranchie de ce principe, puisque
le juge a le pouvoir d’appréciation pour qualifier de fautif tout acte ou omission, même non
spécialement prévu par un texte. La faute civile se distingue en outre de la faute pénale par
le fait qu’elle soit désormais dépouillée de son élément subjectif ou moral968. Aussi, la
responsabilité pénale de l’avocat, que nous allons traiter ici, concerne l’avocat en sa qualité
de professionnel. M. De Poulpiquet dans sa thèse sur la responsabilité des notaires a
souligné que « la commission d’une infraction pénale de droit commun s’apprécie en
fonction de la qualité et entraine d’importantes répercussions sur l’exercice professionnel
»969. Le Bâtonnier Y. Avril, a souligné que « la commission d’une infraction pénale de droit
commun s’apprécie en fonction de la qualité et entraîne d’importantes répercussions sur
l’exercice professionnel »970. Les infractions pénales commises par l’avocat peuvent nuire à
la société tout entière. Ainsi, s’il commit un acte réprimé par le code pénal971 en utilisant
des moyens immoraux pour s’enrichir, il engage sa responsabilité pénale. Le droit civil
permet au lésé d’obtenir réparation du préjudice, le droit pénal a pour objectif de protéger la
société de ce type d’acte par la persuasion et éventuellement la punition.
En droit français, l’action civile se prescrit en principe par trente ans en matière contractuelle
et par dix ans en matière délictuelle alors que l’action publique est soumise à des délais de
prescription plus courts, à savoir dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits et un an
pour les contraventions. En revanche, en droit marocain, l’action civile se prescrit en principe
en matière contractuelle par trente ans aussi comme en droit français. Mais pour l’action
publique, la prescription des crimes est soumise à vingt ans, pour les délits cinq ans, et deux
ans pour les contraventions972. Dans cette optique, nous étudions le régime de la
responsabilité pénale de l’avocat et l’influence des infractions pénales sur sa responsabilité.
Section I : Le régime de la responsabilité pénale de l'avocat L’avocat qui enfreint les
dispositions pénales doit répondre à ses actes973. Il est responsable pénalement de tout
acte commis à l’occasion de l’exercice de sa profession. « La responsabilité pénale est la clef
de voûte du droit pénal, dans la mesure où sa reconnaissance détermine l’application de la
loi pénale, et permet donc le prononcé d’une peine »974. « L’objet des règles relatives à la
responsabilité pénale est en effet la détermination des personnes pouvant être déclarées
responsables d’une violation de la loi pénale et donc passibles d’une peine »975. La qualité
de l’avocat, comme un professionnel, joue un rôle important dans la mise en œuvre de sa
responsabilité. Parce qu’il est un professionnel, il risque fort d’être rendu responsable du fait
de l’un de ses collaborateurs976. C’est une dérogation du principe général selon lequel « nul
n’est responsable que de son propre fait ». La qualité de l’avocat constitue un motif d’y
déroger parce que l’imprudence de l’avocat ne sera pas appréciée selon les mêmes critères
que celle du profane. L’imprudence de l’avocat est appréciée in abstracto, mais selon le
critère d’un homme du métier normalement prudent et avisé. Avant d’examiner les
fondements juridiques de la responsabilité pénale de l’avocat, nous devons faire une
distinction entre la responsabilité pénale et la responsabilité civile. Nous signalons qu’un
même fait peut donner naissance à la fois, à la responsabilité pénale et à la responsabilité
civile voire même disciplinaire. Les différences qui existent entre la responsabilité pénale et
la responsabilité civile se manifestent à travers les buts qui ne sont pas les mêmes pour les
deux ordres de responsabilité. Ainsi, la responsabilité pénale a pour but la répression des
actes illicites qui peuvent porter atteinte à l’ordre de la paix dans la société, alors que la
responsabilité civile a pour but la réparation des dommages causés par un particulier, qu’il
soit personne physique ou morale977. La responsabilité pénale exige, en ce qui concerne les
personnes physiques, la réunion de deux éléments : d’une part, un fait -positif ou négatif-
que l’on nomme l’élément matériel et un certain état d’esprit, que l’on nomme l’élément
psychologique. L’article 94 du code pénal marocain dispose que « Sous réserve des peines
applicables en matière d’escroquerie, quiconque est convaincu d’accomplir, de manière
habituelle, tout acte de procédure, sans y être légalement habilité, est puni de
l’emprisonnement d’un an à deux ans et d’une amende de dix mille à vingt mille dirhams.
Tout avocat convaincu de complicité est passible de la même peine sans préjudice, des
sanctions disciplinaires qu’il peut encourir ». Ainsi que l’article 96 du même code dispose que
« Tous faits de démarchage ou de racolage de clientèle sont punis de l’emprisonnement de
deux à quatre ans et d’une amende de vingt à quarante mille dirhams, sans préjudice des
peines disciplinaires pour l’avocat qui s’en est rendu coupable soit comme auteur principal
soit comme complice ».
Il s’ensuit que le législateur pénal a privilégié l’avocat par certaines dispositions en sa qualité
de professionnel. Section II : L’influence des infractions pénales sur la responsabilité de
l’avocat Le principe de la responsabilité pénale de l’avocat étant acquis, il conviendra sous
cette section d’étudier l’influence des infractions pénales, qui peuvent être le déclencheur
d’une poursuite judiciaire mettant en cause sa responsabilité. L’avocat, comme tout homme,
peut commettre toutes les infractions qui figurent dans le code pénal. Nous avons choisi, ici,
d’étudier les infractions qui ont un rapport direct avec l’exercice de la profession. De
coutume, le juge se montre plus exigeant à l’égard d’un professionnel qu’à l’égard d’un
profane, parce que le professionnel doit donner l’exemple pour les autres à raison qu’il
connaît parfaitement la règle juridique qui est censé être respectée et connue par lui. Ainsi,
nous allons étudier les principales infractions pénales qui engagent la responsabilité pénale
de l’avocat. Sous-section I : La violation du secret professionnel Le secret professionnel de
l'avocat constitue sans doute l'un des attributs les plus précieux de la profession. Il est
important que l'on sache bien, que tout être humain ayant besoin d'être défendu, peut
s'adresser à un avocat sans risquer d'être trahi978. Le secret professionnel est donc
personnel et ne peut être partagé avec quiconque. L’avocat s’engage à respecter l’obligation
au secret professionnel. § 1. Le fondement juridique du secret professionnel Le secret
professionnel est « une obligation morale qui est sanctionnée par une disposition légale
»979. Il « doit être absolu : il est d’ordre public et il est imposé sans condition ni réserve
»980. Il « s’applique aussi bien aux confidences reçues oralement ou surprises, qu’aux pièces
dont l’avocat est dépositaire et qui doivent être considérées comme des confidences écrites
»981. Tous les commentateurs sont d’avis que le législateur n'a pas seulement voulu la
protection des individus, de leur pudeur, de leur réputation, contre l'indiscrétion, mais à
considérer le secret de l'avocat comme d'intérêt public982. Sa violation ne touche pas
seulement l’intéressé mais, elle touche aussi la société entière. Le parquet et les Conseils des
Ordres peuvent poursuivre un avocat pour violation du secret professionnel, même si
l'intéressé ne porte pas plainte. La violation existe dès qu'il y a eu révélation de faits secrets
par nature connus à l'occasion de l'activité professionnelle, sans même qu'il y ait intention de
nuire. On attend de l'avocat une discrétion totale, par rapport à tout ce qu’il a pu savoir,
entendre ou même déduire dans l'exercice de sa profession. Tout doit être gardé secret.
L'obligation du secret ne porte que sur ce qui est connu dans l'exercice de sa profession, mais
on ne saurait trop recommander aux avocats une discrétion et une prudence constante,
même quant ils sont critiqués ou calomniés. L’avocat ne peut pas rendre publics les
renseignements qu'il possède. Et le client ne peut relever l'avocat du secret. Entre avocats, le
secret demeure, mais rien n'autorise un avocat à donner des renseignements sur ses clients à
un confrère ou à d'autres qui ne participent pas au procès. Ainsi, l'article 36 de la loi n°
1.08.101 du 20 octobre 2008, organisant l'exercice de la profession d'avocat au Maroc,
dispose que « l’avocat, en toute matière, ne doit commette aucune divulgation contrevenant
au secret professionnel… ». En effet, le règlement intérieur des Barreaux, inspiré de cette loi,
prévoit la protection du secret professionnel de leurs membres. Il dispose dans son article 31
que : « le secret professionnel est un droit pour l'avocat qui doit le respecter et le conserver.
Il ne peut donner les pièces de ses clients déposées dans le cabinet, ou être témoins en
faveur où contre son client. Ceci est général et absolu dans toutes ses activités
professionnelles sans aucune exception. Le secret de l'instruction oblige l'avocat à ne
divulguer aucune information tirée des dossiers ou publier les preuves ou les pièces ou les
lettres qui concernent l'enquête en cours ». Aussi, l'article 446 du code pénal marocain983 ,
qui est très proche de l’article 378 de l’ancien code pénal français, dispose que « Les
médecins, chirurgiens ou officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes ou
toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions permanentes
ou temporaires, des secrets qu'on leur confie, qui, hors le cas où la loi les obligerait ou les
autoriserait à se porter dénonciateurs, ont révélé ces secrets, sont punis de
l'emprisonnement d'un mois à six mois et d'une amende de mille dirhams». Cet article définit
les contours de l'infraction de violation du secret professionnel et prévoit l'existence de trois
éléments constitutifs de cette infraction, à savoir une information à caractère secret, une
personne dépositaire d'une telle information, une révélation de cette information, et les
dérogations. En effet, l’information qui à un caractère secret est une information qui doit
rester confidentielle et ne doit pas être dévoilée à un autre. L'article 446 du code pénal
marocain définit le champ du secret professionnel comme étant non seulement le secret
confié, mais aussi tout ce que l'avocat a entendu ou connu. Il reçoit de ses clients certains
secrets qu’il est obligé de garder confidentiels. La révélation de certaines informations
engage la responsable de l’avocat envers son client. L'article 446 du code pénal marocain
dispose que l'information qui est protégée doit avoir un caractère secret, et sa divulgation
par le professionnel, le met en cause.
La révélation du secret constitue l’élément essentiel de l’article 446 du code pénal marocain.
Ainsi, Merger, a écrit à propos de la révélation « c’est la divulgation d’un secret. Or dans tout
secret, il y a deux éléments à considérer :1- Le fait, objet de la confiance ; 2-Le rapport
existant entre ce même fait et une ou plusieurs personnes déterminées. La divulgation ne
sera consommée que par ces deux éléments »984. Les sanctions pénales prévues par cet
article, sembleraient applicables même en l’absence d’intention de nuire ou de préjudice. Il
prévoit néanmoins des dérogations, dans certains cas, pour exonérer le professionnel de la
responsabilité. Toutefois, dans les cas cités ci-dessous, les personnes ayant divulgué un
secret n'encourent pas les peines prévues à l'alinéa précédent « lorsqu'elles dénoncent aux
autorités judiciaires ou administratives compétentes les faits délictueux et les actes de
mauvais traitement ou de privations perpétrés contre des mineurs de moins de 18 ans ou par
l'un des époux contre l'autre ou contre une femme et dont elles ont eu connaissances à
l'occasion de l'exercice de leur profession ou de leurs fonctions citées en justice pour des
affaires relatives aux infractions visées ci-dessus, les dites personnes demeurent libres de
fournir ou non leur témoignage ». Le champ de l'application de l'article s'étend à tous les
auxiliaires de l'avocat : les collaborateurs, les secrétaires… . L'article 446 précité ne comporte
aucune exception quant à la qualité des personnes auxquelles il s'applique. L’avocat, ou l’un
de ses collaborateurs, n’ayant pas respecté le secret professionnel qui leur est imposé tant
par la loi qui organise la profession d’avocat au Maroc que par l’article 446 du code pénal
marocain, peut être l’objet d’une poursuite pénale par le procureur général. Ce dernier peut
transmettre le dossier au Bâtonnier pour traduire l’avocat qui a violé cette obligation au
conseil disciplinaire du Barreau. En France, le secret professionnel est régi par les dispositions
de l’article 226- 13 qui dispose « la révélation d'une information à caractère secret par une
personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction
ou d'une mission temporaire, est punit d'un an d'emprisonnement et de 15000 euros
d'amende ».
Les dispositions de cet article sont plus claires que celles de l’article 446 cidessus, cette
infraction ne pouvant être commise que par les personnes tenues à une obligation, légale ou
réglementaire, de secret professionnel, tels les avocats, les médecins, les notaires, experts-
comptables… Un avocat avait déposé une citation directe devant un tribunal auquel il a
révélé des informations revêtues secret et reproduit des extraits de pièces provenant de
perquisitions ordonnées par un juge d’instruction dans le cadre d’une autre procédure, dans
laquelle son client s’était constitué partie civile. La Cour d’appel a décidé de renvoyer
l’avocat devant le tribunal correctionnel du chef de violation du secret professionnel sur le
fondement de l’article 226-13 du code pénal français. § 2. Les limites du secret professionnel
Tout droit ayant des limites dans son exercice même le secret professionnel doit en avoir
aussi. Au fil du temps, depuis son instauration, le secret professionnel ne cesse de
s'émousser. En effet, le législateur a conservé la protection du secret professionnel, mais en
même temps a créé des exceptions pour limiter son étendue. L'avocat est lié par le secret
professionnel, à l'égard de quiconque et sans limite de temps, pour toutes les affaires qui lui
sont confiées dans l'exercice de sa profession. Il ne peut être obligé de révéler un secret s'il
l'estime nécessaire à la sauvegarde de l'intérêt du client985. Or, la révélation de ce secret est
autorisée986, et même rendue obligatoire sans le consentement de l’intéressé selon des
conditions bien déterminées987. « Cette pénétration de l’Etat ou de l’administration au cœur
des relations privilégiées entre l’avocat et son client trouve certainement une justification
irréfutable lorsque la protection est celle de l’intérêt public, de la recherche d’une solution
juridique et judiciaire. Mais cela crée inévitablement des pressions internes et des
polémiques constantes, indépendamment de l’abus de droit que l’on peut malheureusement
constater dans l’usage et l’exercice de certaines prérogatives »988. Dans un arrêt du 28
octobre 2008, la chambre criminelle revient sur les limites d'une révélation en cours
d'instruction par l'avocat « dans l'intérêt des droits de la défense ». Au cours d'une
instruction ouverte à la suite de pathologies contractées par des personnes vaccinées contre
l'hépatite B, une avocate a révélé à la presse le contenu d'un rapport d'expertise allant dans
le sens de ses clients, parties civiles. Poursuivie du chef de violation du secret professionnel,
elle a été déclarée coupable, tout en bénéficiant d'une dispense de peine assortie d'une
condamnation à réparation au laboratoire prétendument coupable dont le montant était fixé
à un euro. Pour confirmer la condamnation, la cour d'appel a relevé que les éléments
matériels et moraux de l'infraction étaient réunis, « en dépit du mobile noble dont elle se
prévaut ». Les juges du fond ont ajouté que ledit secret « n'est pas instauré au seul bénéfice
de ses clients qui n'ont pas le pouvoir de l'en affranchir, mais a pour vocation de protéger le
cours serein de la justice, l'efficacité des enquêtes et la réputation des personnes mises en
cause ». De surcroit, l'article 160 du décret n° 91- 1197 du 27 novembre 1991, alors
applicable, aussi bien que celui n° 2007-934 du 15 mai 2007, régissant désormais la matière,
n'autorisent pas la révélation de faits issus d'une instruction en dehors de l'exercice des
droits de la défense. La Cour de cassation, saisie à son tour, confirme en tous points la
position des juges d'appel. Elle décide ainsi que « en l'état de ces constatations et
énonciations, procédant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la
cause, dont il se déduit que la violation du secret professionnel n'était pas, en l'espèce,
rendue nécessaire par l'exercice des droits de la défense, la cour d'appel a caractérisé en
tous ces éléments le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable »989. Comme nous
venons de l’exposer, la question du secret professionnel est une des plus délicates,
auxquelles sont confrontés les professionnels et surtout les avocats. D'autant plus qu’elle se
situe à un moment où les termes de leur mission sont de plus en plus difficiles à cerner et à
tenir. A cet effet, la complexité de leurs missions est évidente : association avec d'autres
avocats, les collaborateurs, les secrétaires, l'administration fiscale… Tout ceci avec en toile de
fond une démarche d'informatisation et de connexion entre dispositifs informatisés à
outrance, facilitant le transfert des informations qui pourront tomber entre les mains
d'autres personnes étrangères. Mais, l’avocat reste seul responsable devant son client
lorsqu’il manque à son obligation et par conséquent lui fait subir un dommage. Le client a le
droit d’être indemnisé990. Toutefois, il existe des exceptions au secret professionnel des
avocats : au cas d’assistance à une personne en danger, la dénonciation de crimes ou de
délits, comme le délit de blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Ainsi l’avocat
peut divulguer le secret professionnel lorsque la loi l’y autorise. Ainsi, nous allons étudier,
successivement, ces cas exceptionnels où l’avocat est autorisé à divulguer le secret
professionnel. La rétention d’une information peut-être assimilée à une non-assistance à une
personne en danger. Les articles 430 et 431 du code pénal marocain991 disposent que «
quiconque pouvant, sans risque pour lui ou pour des tiers, empêcher par son action
immédiate, soit un fait qualifié de crime, soit un délit contre l’intégrité corporelle d’une
personne, et s’abstient volontairement de le faire, est puni de l’emprisonnement de trois
mois à cinq ans et d’une amende de 120 à 1000 dirhams ou de l’une de ces deux peines
seulement ». « Quiconque s’abstient volontairement de porter à une personne en péril
l’assistance, sans risque pour lui, ni pour les tiers, soit par son action personnelle, soit en
provoquant un secours, est puni de l’emprisonnement de trois mois à cinq ans et d’une
amende de 120 à 1000 dirhams ou de l’une de ces deux peines seulement ». De même,
l’article 112-7 du code pénal français dispose que « n’est pas pénalement responsable la
personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui la menace elle-même, autrui ou un
bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien sauf s’il y a
disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ». Cependant, pour que
cet article s’applique, il est obligatoire que le danger soit « actuel et imminent »992. Il
s’applique à tous, y compris aux avocats. L’avocat parfois reçoit de ses clients des révélations
qui peuvent nuire à autrui ; il est mis face un dilemme, entre l’obligation de la protection du
secret professionnel et l’obligation de prêter assistance à personne en péril, surtout si cette
personne court un risque pour sa vie ou si une menace sérieuse pèse sur elle. Certains
auteurs993 considèrent que le secret professionnel est absolu dans le temps et dans
l’espace. D’autres considèrent que le secret professionnel est limité994.
En droit marocain, rien n’oblige l’avocat de garder le secret professionnel devant une telle
situation. Il doit intervenir positivement, en dénonçant son client qui a décidé d’accomplir un
acte criminel. Et s’il n’intervient pas, il peut être poursuivi pénalement sur ce fondement,
surtout si l'action ne présente pas de danger pour la personne ni pour un tiers. Il est vrai que
la déontologie de l’avocat lui interdit, mais le droit l’oblige de se porter dénonciateur pour un
crime qui est sur le point de s’accomplir ou lorsque c’est une vie qui est en jeu, et qui doit
être protégée. C’est pourquoi l’article 122-7 du code pénal français dispose que « n'est pas
pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui la menace
elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne
ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».
« Le secret professionnel a un caractère relatif et doit s’effacer devant un intérêt social plus
important »995. La jurisprudence comparée récente considère de manière constante que «
le secret professionnel n’est pas absolu »996.
Un rapport établi par le député Benisti, publié en octobre 2004, sur la prévention de la
délinquance, a demandé la redéfinition de la notion de secret professionnel… « Qui est utilisé
souvent à mauvais escient, rapporte M. le député, et créer une culture du secret partagé…
favoriser l’échange d’information… »997. Mais selon des conditions bien précises en
respectant la déontologie qui domine l’exercice de la profession. Chaque affaire d’espèce
doit être transmise au Bâtonnier pour prendre la décision qu’il jugera nécessaire. En général,
l’intention de nuire reste l’élément déterminant du délit de violation du secret professionnel.
Parmi les nouveaux crimes998 qui sont répandus dans le monde, les crimes de natures
économiques, dits encore crimes intelligents, parce que leurs acteurs prétendent que ces
crimes ne laissent aucune trace flagrante999.
La lutte contre le blanchiment des capitaux1000 a poussé le législateur européen1001 à lever
les limites du secret professionnel. En effet, les avocats sont devenus des dénonciateurs de
leurs clients avec l’entrée en vigueur du Décret n° 2006-736 du 26 juin 2006 relatif à la lutte
contre le blanchiment des capitaux qui modifie le code monétaire et financier français1002.
Un avocat inscrit au barreau de Paris et membre du Conseil de l’Ordre introduisit une
requête devant le Conseil d’Etat, estimant que la décision rendue par le conseil national des
barreaux « portant adoption d’un règlement relatif aux procédures internes destinées à
mettre en œuvre les obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le
financement du terrorisme et dispositif de contrôle interne destiné à assurer le respect des
procédures » mettait en cause la liberté d’exercice de la profession d’avocat et les règles
essentielles qui la régissent et que requête qui fut rejetée. L’avocat se plaint du fait qu’à
raison de l’obligation de déclaration de soupçon pesant sur les avocats, il est tenu, dans
l’exercice de la profession d’avocat, sous peine de sanction disciplinaires, de dénoncer des
personnes venues entendre conseil, ce qu’il juge incompatible avec les principes de
protection des échanges entre l’avocat et son client et de respect du secret professionnel en
violation de l’article 8 de la Convention. La Cour adhère la position du Conseil d’Etat selon
laquelle la soumission des avocats à l’obligation de déclaration de soupçon ne porte pas
atteinte excessive au secret professionnel eu égard à l’intérêt général qui s’attache à la lutte
contre le blanchiment de capitaux1003. Il faut entendre par blanchiment de capitaux, « la
conversion ou le transfert de capitaux ou d’autre biens dans le but de dissimuler ou de
déguiser leur origine illicite ou d’aider toute personne qui est impliquée dans la réalisation de
l’infraction d’où proviennent ces capitaux ou ces biens, à échapper aux conséquences
juridiques de ses actes »1004. Ainsi, les avocats « sont tenus à la déclaration prévue par
l’article L.562-21005 lorsque, dans le cadre de leur activité professionnelle, ils réalisent au
nom et pour le compte de leur client toute transaction financière ou immobilière ou
lorsqu’ils participent en assistant leur client à la préparation ou à la réalisation des
transactions concernant : 1º L'achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de
commerce ; 2º La gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client ; 3º
L'ouverture de comptes bancaires, d'épargne ou de titres ; 4º L'organisation des apports
nécessaires à la création de sociétés ; 5º La constitution, la gestion ou la direction des
sociétés ; 6º La constitution, la gestion ou la direction de fiducies régies par les articles 2011 à
2031 du code civil ou par un droit étranger ou de toute autre structure similaire. Par
dérogation à l'article L. 562-2, l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, l'avocat ou
l'avoué près la cour d'appel communique la déclaration, selon le cas, au président de l'Ordre
des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, au Bâtonnier de l'Ordre auprès duquel
l'avocat est inscrit ou au président de la compagnie dont relève l'avoué. Ces autorités
transmettent, dans les délais et selon les modalités procédurales définies par décret en
Conseil d'Etat, la déclaration qui leur a été remise par l'avocat ou l'avoué au service institué à
l'article L. 562-4, sauf si elles considèrent qu'il n'existe pas de soupçon de blanchiment de
capitaux. Dans ce cas, le président de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de
cassation, le Bâtonnier de l'Ordre auprès duquel l'avocat est inscrit ou le président de la
compagnie dont relève l'avoué informe l'avocat ou l'avoué des raisons pour lesquelles il a
estimé ne pas devoir transmettre les informations qui lui avaient été communiquées par
celui-ci. Le Bâtonnier de l'Ordre ou le président de la compagnie destinataire d'une
déclaration qu'il n'a pas transmise au service institué à l'article L. 562-4 transmet les
informations contenues dans cette déclaration au président du Conseil national des Barreaux
ou au président de la Chambre nationale des avoués. Cette transmission ne contient pas
d'éléments relatifs à l'identification des personnes. Dans les mêmes conditions, le président
de l'Ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, le président du Conseil
national des Barreaux et le président de la Chambre nationale des avoués font rapport au
garde des sceaux, ministre de la justice, selon une périodicité définie par décret en Conseil
d'Etat, sur les situations n'ayant pas donné lieu à communication des déclarations. Le service
institué à l'article L. 562-4 est rendu destinataire de ces informations par le garde des sceaux,
ministre de la justice ». De même, le législateur marocain a promulgué une loi pour la lutte
contre le blanchiment de capitaux. Par le dahir n°1-07-79 du 17 avril 2007 portant
promulgation de la loi n° 43-05 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux1006, le
législateur marocain à l’instar des autres législateurs du monde, tend à lutter contre ce fléau
mondial. L’avocat au Maroc est assujetti aussi aux dispositions de cette loi qui lui interdit, au
cours de son exercice, d’assister ses clients « dans la préparation ou l’exécution d’opérations
relatives à l’achat et la vente de biens immeubles ou entreprises commerciales ; la
constitution, la gestion ou la direction de fiduciaires, des sociétés ou de structures similaires
»1007. Encore, l’avocat est tenu de « recueillir tous les éléments d’information permettant
l’identification de leur clientèle habituelle ou occasionnelle »1008, de même de « faire une
déclaration de soupçon »1009. L’avocat commet un acte de terrorisme portant atteinte aux
intérêts fondamentaux de la nation par « le fait de fournir, de réunir ou de gérer par
n’importe quel moyen que ce soit, directement ou indirectement, des fonds, des valeurs ou
des biens dans l’intention de les voir utilisé ou en sachant qu’ils seront utilisés, en tout ou en
partie ». Il est alors puni par les peines les plus sévères1010 qui figurent dans l’article 218-4
du code pénal marocain1011. L’article 421-2-2 du code pénal français dispose que «
constitue également un acte de terrorisme le fait de financer une entreprise terroriste en
fournissant, en réunissant ou en gérant des fonds, des valeurs ou des biens quelconques ou
en donnant des conseils à cette fin, dans l'intention de voir ces fonds, valeurs ou biens
utilisés ou en sachant qu'ils sont destinés à être utilisés, en tout ou partie, en vue de
commettre l'un des actes de terrorisme prévus au présent chapitre, indépendamment de la
survenance éventuelle d'un tel acte »1012. Ainsi, le secret professionnel est limité dans trois
circonstances qui permettent la levée du secret, à savoir le cas d’assistance à une personne
en danger, le cas de blanchiment de capitaux et le cas du financement du terrorisme. Mais
cela ne suffit pas à exclure l’application en la matière d’autres faits justificatifs. L’article 124
du code pénal marocain énonce : « il n’y ni crime, ni délit, ni contravention : 1- lorsque le fait
était ordonné par la loi et commandé par l’autorité légitime …». De même, le code pénal
français prévoit dans l’article 122-4, paragraphe 1, que « n'est pas pénalement responsable
la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou
réglementaires ».
§ 3. L'étendu du secret professionnel Les règles juridiques en vigueur établies par le
législateur relatives à la protection du secret professionnel imposent une responsabilité à
l’avocat relative à la protection de ce secret, lorsqu’il est partagé dans des conditions
définies. Il appartient au client, et à lui seul, de déterminer l'étendue exacte du secret
professionnel, et d'apprécier si les divulgations envisagées, à quelques personnes ou à
l'ensemble du public, lui seront ou non profitables. De ce fait, l’avocat avant de procéder à
une telle opération, doit s’assurer de l’identité des personnes concernées1013. § 4.
L’inviolabilité du cabinet de l’avocat La question de l’inviolabilité du cabinet de l’avocat se
rattache au droit de perquisition qui doit être effectué par un magistrat du parquet ou du
siège en présence du Bâtonnier ou de son délégué1014. « Si tout laisse à penser que
l’avocatrecèle chez lui des documents compromettants »1015. « Le magistrat et le Bâtonnier
ou son délégué ont seuls le droit de consulter ou de prendre connaissance des documents se
trouvant sur les lieux préalablement à leur éventuelle saisie. Le magistrat qui effectue la
perquisition veille, à ce que les investigations conduites ne portent pas atteinte au libre
exercice de la profession d’avocat »1016. En effet, pour une efficacité de la justice, le
législateur, dans le cas d’une violation du droit en général, a donné la possibilité aux
autorités judiciaires d’effectuer des investigations même au sein du cabinet de l’avocat. Ce
dernier reste responsable devant son Barreau, s’il détient des documents qui peuvent être
des éléments de preuve contre un suspect. Il doit se méfier et refuser de garder dans son
cabinet des documents que l’un de ses clients désirerait dissimuler et qui peuvent s’avérer
compromettant. § 5. Le pouvoir discrétionnaire du juge Le juge devra, avant d’indemniser le
client qui se constitue partie civile, rechercher l’intention de l’avocat poursuivi, la nature de
la confiance dont la révélation a motivé la poursuite ou sur laquelle on sollicite le témoignage
de cette intention, et devra fonder sa décision sur cette preuve ; ou au contraire, aucune
preuve ne sera rapportée1017. Le juge, dans ces limites, pourra facilement proportionner la
peine à la criminalité de la révélation, et l’intention de nuire deviendra pour lui un élément
d’appréciation de cette infraction1018. Sous-section II : L’abus de confiance et l’escroquerie
L’avocat est le dépôt des secrets de ses clients, ainsi que des documents qui ont une valeur
parfois indéterminable. Leur détournement ou leur dissipation au préjudice de ses clients
engage sa responsabilité, d’abord pénale pour un abus de confiance, ensuite disciplinaire
pour avoir trahi les principes déontologiques qui sont le fondement de l’exercice de la
profession, enfin civile pour un dédommagement du préjudice subi par le client. L’article 547
du code pénal marocain dispose que : « Quiconque de mauvaise foi détourne ou dissipe au
préjudice des propriétaires, possesseurs ou détenteurs, soit des effets, des deniers ou
marchandises, soit des billets, quittances, écrits de toute nature contenant ou opérant
obligations ou décharges et qui lui avait été remis à la condition de les rendre ou d’en faire
usage ou un emploi déterminé, est coupable d’abus de confiance1019. Le délit se commet
obligatoirement dans un cadre contractuel qui lie un avocat à son client. Pour que le délit soit
constitué, l'acte doit être frauduleux et volontaire. Cette volonté, que l'on appelle, l'élément
moral, est une condition indispensable pour constituer le délit1020.
Selon l’article 313-1 du code pénal français, l’escroquerie est définie d’une façon plus claire
que l’article 540 du code pénal marocain « L'escroquerie est le fait, soit par l'usage d'un faux
nom ou d'une fausse qualité, soit par l'abus d'une qualité vraie, soit par l'emploi de
manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer
ainsi, à son préjudice ou au préjudice d'un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien
quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge
»1021. Dans une affaire récente, un avocat et un notaire marocains ont été mis en examen
par le juge d’instruction de la quatrième chambre criminelle de la cour d’appel de
Casablanca, suspectés d’avoir escroqué un émir saoudien. Il s’agit d’une affaire douteuse
concernant la vente d’un lot de terrain. Or le propriétaire saoudien a nié avoir fait une
procuration à l’avocat suspecté de vendre ce lot de terrain. En effet, les protagonistes ont
joué sur la ressemblance du nom du véritable propriétaire saoudien avec celui de
l’escroc1022. De même l’avocat qui émet un chèque sur son compte professionnel sans
provision, peut être poursuivi par le ministère public pour escroquerie selon l’article 540 du
code pénal marocain ou l’article 316 du code de commerce marocain. La Cour d’appel
d’Agadir a annulé récemment une ordonnance du juge d’instruction pour avoir violé les
dispositions de l’article 59 de la loi du 20 octobre 2008, qui interdit d’incarcérer un avocat ou
de le placer en garde à vue sauf après que le Bâtonnier l’ait avisé. L’audition de l’avocat mis
en cause doit être en présence du Bâtonnier ou l’avocat qu’il a désigné. Le juge d’instruction,
en omettant d’aviser le Bâtonnier pour qu’il assiste son confrère ou désigner un avocat pour
cette mission, viole les dispositions ci-dessus ce qui rend son ordonnance nulle.
La Cour a annulé l’ordonnance, mais décide de mettre l’avocat mis en cause sous contrôle
judiciaire à cause des lourdes poursuites imputées à l’avocat, complice de l’escroquerie et de
l’abus de confiance1023. Sous-section III : Le détournement des documents et la
malversation L’article 554 du code pénal marocain dispose que « quiconque après avoir
produit dans une contestation administrative ou judiciaire, quelques pièces, titre ou
mémoire, le soustrait ou détourne, est puni de l’emprisonnement d’un à six mois et d’une
amende de 120 à 500 dirhams ». Ceci étant, l’avocat qui produit un document ou en retire un
sans l’autorisation du greffier ou du juge, commet une infraction et peut être le sujet d’une
poursuite judiciaire par le procureur général auprès de la cour d’appel. La malversation1024
est une infraction de police professionnelle, sa gravité est telle qu'elle est fréquemment
assortie d'une sanction pénale. L’article 432-15 du code pénal français dispose que « le fait,
par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service
public, un comptable public, un dépositaire public ou l'un de ses subordonnés, de détruire,
détourner ou soustraire un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces
ou titres en tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou
de sa mission, est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150000 euros d'amende… »1025.
Et puisque, l’avocat est chargé d’une mission de service public, s’il détruit, détourne ou
soustrait un acte ou un titre, ou des fonds publics ou privés, ou effets, pièces ou titres en
tenant lieu, ou tout autre objet qui lui a été remis en raison de ses fonctions ou de sa
mission, il sera sanctionné selon les dispositions de l’article cité ci-dessous. Le législateur
marocain n’a pas encore instauré ce délit dans le Code pénal, mais l’article 554 peut l’être
assimilé.
Sous-section IV : Le faux en écriture et la concussion Le Code pénal marocain a définit le faux
en écriture1026 c’est « l’altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice
et accomplie dans un écrit par un des moyens déterminés par la loi »1027. Par ailleurs, le
code pénal français l’a définit ainsi : « constitue un faux toute altération frauduleuse de la
vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un
écrit ou tout autre support d'expression de la pensée qui a pour objet ou qui peut avoir pour
effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques »1028. Le
législateur français était très clair en définissant le faux en écriture indépendamment de la
profession exercé. Par contre dans la législation marocaine, sa définition porte un certain
laconisme. Elle n’a pas réservé un article propre à l’avocat, comme elle l’a fait pour le juge, le
fonctionnaire public et le notaire. Mais on peut dire que l’avocat est chargé d’une mission de
service public, et en cette qualité, on peut déduire que, ce qui s’applique à un fonctionnaire
public s’applique aussi à lui1029. Demander des taxes judiciaires à un client pour entamer
une procédure ou pour payer des indemnités qu’on savait ne pas être due ou excéder ce qui
était dû, constitue un délit puni et réprimé par la loi pénale. En effet, l’article 243. (L. 15
janvier 2001) du code pénal français dispose que « toute personne … chargée d'une mission
de service public, sera rendu coupable de concussion, en ordonnant de percevoir, en
exigeant ou recevant ce qu'elle savait ne pas être dû ou excéder ce qui était dû pour droits,
taxes, impôts, contributions, deniers, revenus ou intérêts, pour salaires ou traitements, sera
punie d'un emprisonnement…et pourra être condamnée en outre, à l'interdiction du droit de
remplir des fonctions, emplois ou offices publics ».
Ainsi, l’article 243 du code pénal marocain peut être le fondement juridique d’une poursuite
judiciaire d’un avocat qui a commis une infraction de concussion. Il dispose : « est coupable
de concussion et puni d’un emprisonnement…d’une amende…tout magistrat ou
fonctionnaire public qui sollicite, reçoit, exige ou ordonne de percevoir ce qu’il sait ne pas
être dû, ou excéder ce qui est dû, soit à l’administration, soit aux parties pour le compte
desquelles il perçoit, soit à luimême». Après avoir étudié quelques infractions qui peuvent
être rencontrées au cours d’une vie d’avocat, on va voir l’influence de ces infractions sur sa
responsabilité civile et disciplinaire. Section III : L’influence de la chose jugé au pénal sur la
responsabilité civile et disciplinaire de l’avocat La règle selon laquelle « le criminel tient le
civil en état » ne joue que lorsqu’il s’agit d’une obligation de moyens, toujours pour le motif
que le juge n’a point, dans le cas d’inexécution d’une obligation de résultat, à se fonder sur
une infraction, puisqu’il n’a point à analyser ici la conduite du débiteur1030. Dès qu'un
jugement est prononcé, on dit qu'il a acquiert la qualité d'autorité de la chose jugée « non bis
in idem »1031. Il s'agit de l'« ensemble des effets attachés à la décision juridictionnelle, telle
la force de vérité légale »1032. En vertu du principe de l’autorité de la chose jugée du
criminel sur le civil, le juge civil ne pourra méconnaître ce qui a nécessairement et
certainement été décidé par le juge criminel sur l’existence du fait incriminé qui constitue le
fondement commun de l’action civile et l’action pénale. La jurisprudence française, soutenue
par certains auteurs, applique ce principe d’autorité selon des conditions bien précises. La
décision répressive n’a pas autorité sur le civil que s’il porte sur une décision pénale,
définitive, irrévocable, d’une juridiction du même ordre judicaire1033. En revanche, l’action
disciplinaire est indépendante dans son régime de l’action pénale. La règle selon laquelle le
criminel tient le civil en état ne s’applique pas en matière disciplinaire et ce, même si les faits
à l’origine des poursuites pénales s’identifient de façon précise au comportement qui est
reproché à l’auteur du recours sur le plan disciplinaire ; la juridiction disciplinaire a la faculté
de statuer sur le dossier sans attendre le sort de l’action pénale. Parce que les décisions
disciplinaires ne visent que les violations des règles déontologiques qui régissent les
corporations professionnelles, elles ne heurtent aucune règle pénale qui protège la société
dans son ensemble, c’est-à-dire elles ne touchent pas l’ordre public1034. Mais, la juridiction
disciplinaire, pour qu’elle ne contrarie pas la décision de la juridiction pénale, notamment en
ce qui concerne l’appréciation de la matérialité des faits, peut, dans un souci de bonne
justice, surseoir à statuer sur les poursuites disciplinaires jusqu’à ce que la juridiction pénale
ait pris sa décision1035. Il en résulte une certaine indépendance entre les poursuites
disciplinaires et les poursuites pénales, c’est-à-dire une indépendance entre le juge pénal et
le juge disciplinaire, et par la suite une indépendance entre la décision pénale et celle
disciplinaire. Or, « la juridiction disciplinaire, pour éviter une possible contrariété de décision
notamment en ce qui concerne l’appréciation de la matérialité des faits, peut dans un souci
de bonne justice, surseoir à statuer sur les poursuites disciplinaires jusqu'à ce que la
juridiction pénale ait pris sa décision »1036. « Dans ces conditions, il apparaît que, dans un
souci de bonne justice, il y a lieu d’ordonner le sursis à statuer sur les présentes poursuites
disciplinaires jusqu’à l’issue de la procédure pénale »1037. Le Bâtonnier d’un Barreau avait
altéré les résultats du scrutin pour le premier tour d’élection du Conseil de l’Ordre des
avocats de son Barreau ; le Conseil de discipline des Barreaux de la Cour d’appel de
Bordeaux, déclare ce Bâtonnier coupable sans attendre les résultats de l’action pénale
engagée par le même conseil contre son ancien Bâtonnier par voie de citation directe, et en
prononçant sa radiation du tableau de l’Ordre par application de l’article 184, alinéa 1er -4
du décret n°91-1197 du 27 novembre 19911038. Le procureur général auprès de la cour
d’appel de Bordeaux lors du jugement de ce Bâtonnier, a prétendu que « la faute qui est
reprochée à Me Y, ancien Bâtonnier, est l’altération du déroulement d’opérations, est
particulièrement grave, car elle ruine le crédit de l’institution dont elle est responsable, et
porte atteinte au rôle éminent joué dans la société civile par un Bâtonnier. Il en déduit que le
manquement aux principes de probité, de délicatesse et d’honneur imputable à Me Y lors du
scrutin…est extrêmement grave, car il porte également atteinte à ce bien très précieux qu’est
la confiance »1039. En raison de la gravité de ces faits, le procureur général a demandé à la
Cour d’appel de confirmer la décision de la cour de discipline. Telle n’a pas été la position de
la Cour d’appel qui a estimé qu’au contraire, « les circonstances de fait ne sont pas établies
en l’espèce de manière positive, mais de manière négative »1040.
Conclusion de la deuxième partie L’étude analytique de la nature des obligations de l’avocat,
obligations de moyens ou obligations de résultat et leur incidence sur la responsabilité de
l’avocat civil, disciplinaire et pénale nous a conduit à plusieurs conclusions particulières qu’il
convient de synthétiser. La responsabilité de l’avocat tenu d’une obligation de moyens,
incombe sur le client de démontrer le manquement de son avocat. En revanche, s’il est tenu
d’une obligation de résultat, sa responsabilité est présumée. En effet, il y a une incidence
directe de la nature des obligations, de moyens ou de résultat, sur le fardeau de la preuve.
Van Ryn a fait une distinction : « dans la responsabilité contractuelle, la plupart des
obligations seraient de résultat, alors qu’elles seraient de moyens dans la responsabilité
délictuelle »1041. Mais, les deux catégories ont un champ d’application propre, tant dans le
domaine extra-contractuelle que dans le domaine contractuel. Subséquemment, la théorie
des obligations de moyens et des obligations de résultat est normale dans le domaine
contractuel, mais il serait anormale dans le domaine délictuel. Si l’unité de la responsabilité
prend forme dans l’idée de violation d’une obligation, il existe des particularités techniques
propres à la responsabilité délictuelle dont le juge doit tenir compte. Il n’est pas indifférent
que l’obligation soit voulue ou créée par les parties en vue d’obtenir telle ou telle
satisfaction, ou qu’elle préexiste à tout rapport juridique, obligeant directement l’individu
envers l’ensemble des hommes composant la société ou une partie seulement d’entre eux.
Le terme obligation, selon qu’il signifie « engagement consenti » ou « contrainte directe »,
paraît avoir un contenu variable. Certes, aucun raisonnement juridique précis ne permet
d’exclure la responsabilité délictuelle du champ d’application de la théorie des obligations de
moyens et des obligations de résultat ; mais, du fait que depuis des siècles on oppose les
deux responsabilités, est né le sentiment que le contenu de l’obligation extra-contractuelle
ne pouvait être analysé comme les devoirs conventionnels1042. M. Frossard considère que
ce reflexe de ségrégation n’a cependant pas de portée et la théorie des obligations de
moyens et des obligations de résultat conserve une utilité fructueuse en matière
délictuelle1043. Toutefois, on ne peut pas rapprocher la théorie des obligations de moyens
et des obligations de résultat de la responsabilité extra-contractuelle. Parce que cette théorie
ne peut être figurée qu’en matière contractuelle. En conséquence, introduire cette théorie
dans le champ de la responsabilité extra-contractuelle procède d’une confusion entre les
ordres de responsabilités, leurs logiques propres et leurs régimes juridiques. Aussi, l’avocat
peut commettre des infractions pénales ou manquer à ses obligations déontologiques lors de
l’exercice de la profession. Ces infractions ou les manquements ont une répercussion sur sa
responsabilité. L’avocat est-il tenu d’une obligation de moyens ou de résultat ? Nous avons
répondu à travers cette étude que l’avocat est tenu d’une obligation de moyens quand il
représente son client devant les différentes juridictions comme son demandeur ou son
défenseur et aussi comme son assistant lors d’une instruction judicaire et pour les suites de
la procédure. Aussi il assiste ce client devant toutes les instances disciplinaires. De ce fait, il
est tenu d’une obligation de résultat pour toutes les diligences juridiques qui ne présentent
aucun aléa. De même l’avocat peut être tenu d’une double obligation, de moyens et de
résultat. On a évoqué aussi le fait que le client peut contracter avec son avocat une
obligation de résultat qui ne présente aucun aléa, même la cause étrangère ; le client
contracte pour un résultat déterminé dépourvu de tout aléa. L’avocat donc est tenu de
réparer le dommage subi par son client, même si le dommage résulte d’une cause étrangère.
C’est une garantie totale, dépourvue de toute hypothèse, que l’avocat doit assumer.
Aussi le client peut contracter avec son avocat une obligation de résultat relative par rapport
à une obligation de résultat. L’avocat dans cette catégorie d’obligation peut se libérer de sa
responsabilité, envers son client, en prouvant l’absence de faute lors de l’exécution de ses
obligations. Il y a ici une présomption de faute. Les fautes commises par l’avocat, pendant
l’exercice de sa profession, peuvent constituer des fautes disciplinaires voire pénales, et qui
peuvent avoir une répercussion sur son parcours et avenir professionnels.
Conclusion générale « Les membres des professions libérales ne sont pas maudits, ni les
parias de notre société. Ils doivent conserver le sentiment de leur dignité. De leur côté, les
magistrats doivent se garder de condamner trop facilement un professionnel sous le prétexte
qu’il est assuré »1044. G. Marty et P. Raynaud ont déjà exprimé que « le droit des
obligations…constitue un reflet de l’évolution générale des idées et des civilisations »1045.
Telle est la transformation des obligations de moyens en obligations de résultat dans
certaines prestations fournies par les avocats. La jurisprudence au fil des années a en effet
forcé les avocats à être plus vigilants dans les prestations fournies à leurs clients. Il s’agit
d’une transformation naturelle qui s’inscrit dans une société en perpétuelle évolution.
L’étude de la nature des obligations de l’avocat, obligations de moyens ou obligations de
résultat, et leur incidence sur sa responsabilité sous ses trois aspects, civil, disciplinaire et
pénale, comme ils sont étudiées, indépendamment l’une de l’autre, peuvent être réunies
dans une même poursuite1046. Nous avons essayé d’être fidèles à la problématique définie
dans notre introduction pour rechercher les réponses qui y sont relatives, et nous avons tiré
les conclusions suivantes.
L’avocat participe positivement au développement de la justice. Par cette qualité, il
représente un facteur incontournable pour le succès de l’opération de rétablissement du
Droit et de la justice. De ce fait, le législateur est appelé à redéfinir sa position envers cet
homme de loi, et lui prévoir un régime spécial pour sa responsabilité lors de l’exercice de son
métier. Il ne doit être poursuivi que pour des fautes graves et lourdes, qui peuvent nuire au
fonctionnement du métier et donner une mauvaise image, et qui ne peuvent pas être
commises par un bon professionnel. Il n’est responsable de son fait que s’il prétend la
mauvaise foi ou s’il a l’intention de nuire ou commettre des erreurs judicaires ou juridiques
fatales ou commettre des faits dolosifs1047, donc une faute véritablement caractérisée1048.
Pour qu’il y ait responsabilité de l’avocat, d’après la jurisprudence, il faut une ignorance
grave des principes de droit, une imprudence coupable, une faute lourde commise par
l’avocat en exercice, une négligence grave d’un délai ou une prescription extinctive ou
acquisitive, et une impéritie grossière de défendre les intérêts de ses clients. En revanche,
l’avocat exerce une mission de droit public, ainsi il ne peut être poursuivi que pour des
infractions ayant une importance particulière et portant atteinte à la profession. L’article 77
du code des obligations et des contrats marocain dispose que : « tout fait quelconque de
l’homme qui, sans l’autorité de la loi, cause sciemment et volontairement à autrui un
dommage matériel ou moral, oblige son auteur à réparer le dit dommage… »1049.
La remarque que nous pouvons tirer de cet article qui régit la responsabilité civile en général,
c’est qu’il ne définit nullement la gravité du préjudice1050 et son importance comme
condition « sine qua non » qui établit la responsabilité civile de la personne. Il suffit que le
préjudice soit produit pour que la personne qui le cause, soit responsable dudit préjudice.
Ceci dit, c’est parce que le législateur met à la charge de l’avocat des obligations spéciales
envers ses clients1051, qu’il doit honorer. En contrepartie, l’avocat bénéficie d’une assurance
juridique pour accomplir ses tâches sans craindre l’épée du juge. Ainsi, pour sa responsabilité
pénale, l’avocat est, comme tout le monde, responsable de ses actes intentionnels qui
causent à autrui un préjudice matériel ou moral1052. De même, l’objectif de la
responsabilité de l’avocat ce n’est pas la punition, mais la réforme du préjudice causé à un
certain client. Le législateur français, lui aussi, n’a pas privilégié les avocats d’un régime de
responsabilité spécial, il dispose dans l’article 26 de la loi du 31 décembre 1971 que « les
instances en responsabilité civile contre les avocats suivent les règles ordinaires de
procédure ». Hélas, si les avocats s’abstiennent de postuler pour des « mauvaises causes par
appât du gain et, s’ils en acceptent, ils ne doivent pas les poursuivre, ils ne doivent pas plus
encore favoriser par leurs écritures la passion injuste des parties, ils ne peuvent non plus
consulter pour les deux parties dans la même cause…; ils ne doivent point travailler les fêtes
et les dimanches par esprit d’avarice et sans prendre le temps de s’acquitter de ce qu’ils
doivent à Dieu ; ils ne doivent point être de ceux qui, en se raillant, disent qu’ils ont gagné
tant de mauvaises causes et tant perdu de bonnes qu’ils ne sauraient plus discerner celles
qui sont bonnes ou mauvaises dans l’esprit des juges ; ils ne doivent accepter qu’un nombre
limité de procès pour pouvoir les traiter avec diligence, ne doivent pas user de fraude pour
gagner un procès injuste ni suborner des témoins, ni alléguer faussement des lois, ni citer des
docteurs contre leur intention, ni produire quelques fausses pièces, ni prendre l’accessoire

pour le principal ; ils ne doivent pas perdre les écritures des clients, les brûler ou les déchirer
et ils ne doivent pas plus laisser perdre un procès par négligence ou faute d’étudier le droit ; …ils ne
peuvent conseiller une transaction au bénéfice de leur partie si elle n’y a pas droit »1053. Si tous les
avocats qui exercent la profession avec passion, conscience et amour suivent ces lignes directives
formulées par des grands déontologistes, ils participent à l’édification d’une profession plus noble et
ils lui rendent son rôle historique dans la société, celui de dénoncer les mauvais fonctionnements de
la justice. Et si les avocats ne se mobilisent pas et prennent l’initiative, ils perdront leur tradition, leur
dignité, leur probité, leur courage, leur liberté ; ils se transformeront en des coureurs de fortune sans
pitié. L’avocat est le symbole du désintéressement qui porte le flambeau de la liberté, le défendeur
des droits et le garant d’une justice équitable, c’est lui qui éclaire la voie pour les justiciables. Il est
utile pour l’épanouissement du droit et la confirmation de la jurisprudence. Bentham déclara, un
jour, que « la création juridique était, en fait, l’œuvre des « juges et Cie ». Ce qui signifiait, pour lui,
que par sa plaidoirie, l’avocat avait un grand rôle à jouer dans l’élaboration judiciaire du droit1054. Ils
ne sont pas de simples juristes. On leur demande partout de jouer les premiers rôles dans
l’élaboration des lois »1055. De même, les avocats sont détachés pour servir les membres de la
société et de leur rendre des services dont la compétence et l’efficacité ne sont assurés que par eux.
Ils sont « l’élément moteur de la société »1056, constamment les dirigeants des pays ; c’est le rôle le
plus important qui soit dévolu à l’avocat dans la société. Il faut dire que pour réaliser ces objectifs, les
avocats doivent se grouper pour mieux exercer la profession, et rompre avec les traditions
individualistes pour mener en équipe l’exercice d’une fonction qui se révèle de plus en plus difficile.
Les intérêtspurement électoralistes de certains membres des Barreaux pourraient grandement
affecter le niveau d’organisation du métier. Dans le même ordre d’idées, les Barreaux au Maroc
doivent aussi couper avec l’ancien mode d’organisation qui établit une forte division de la profession
d’avocat en dressant la muraille de chine entre les différents Barreaux. En France, non seulement les
avocats sont bien organisés et bien groupés mais aussi, et surtout, ils ont fusionnés avec d’autres
professions qui partagent avec eux presque les mêmes modalités d’exercices. En 1991, les avocats
ont fusionné avec les conseillers juridiques1057 et en 2011avec les avoués1058. Et ce n’est pas fini,
les notaires vont aussi bientôt intégrer le Barreau. Les avocats, en France, ont réussi à établir une
organisation nationale représentative, reconnue par l’ensemble des pouvoirs publics, qui facilite la
communication entre les avocats eux mêmes d’une part, et d’autre part entre les avocats et les
pouvoirs publics. Tous ces professionnels sont conscients maintenant que l’avenir de la profession
libérale, en général, est dans le regroupement afin de bien protéger les intérêts de leurs clients. Cela
pousse les avocats à affiner leurs connaissances à la lumière du bouleversement culturel profond de
la profession. « L’univers des avocats s’est peu à peu modifié, la profession s’est structurée, allant
jusqu’à la création de cabinets de taille parfois très importante. Leur organisation s’inspire très
largement du modèle de l’entreprise »1059. « L’environnement juridique est devenu tellement
complexe qu’il rend indispensable le recours aux professionnels du droit que sont les avocats. Audelà
du cadre judiciaire auquel ils étaient traditionnellement cantonnés, leur activité a vocation à
structurer des relations économiques qui reposent sur des règles de plus en plus difficiles à
appréhender pour l’ensemble des acteurs du marché »1060. Les avocats aussi, vu les attentes des
clients, doivent penser à se spécialiser dans certains domaines du droit, parce que la vie évolue
chaque jour et forcémentles outils juridiques qui organisent les composantes de cette vie, se
développent. « La complexité du droit n’a cessé de croître. Hier, le droit de principe s’est transformé
en droit de cas, défini par une législation tatillonne et parcellaire, timidement éclairé par une
jurisprudence de plus en plus incertaine et contradictoire…l’avocat ne peut plus désormais étreindre
la totalité du droit, il est contraint à se spécialiser ou à demeurer un généraliste ignorant des
branches importantes de la législation. Le juridique, c’est-à-dire le droit des contrats, des sociétés, de
la construction, s’est développé avec une telle complexité que nul ne peut plus l’embrasser
totalement »1061. « L’architecte doit construire un pont et non pas seulement un presque pont
»1062. Toutefois, ce développement doit être métamorphosé dans une sphère indépendante qui est
la justice. Parce que sans elle, l’avocat ne peut développer ses talents en croyant que même s’il
participe positivement dans la chaine judicaire afin d’aider le juge à atteindre la vérité et par la suite
rendre un jugement qui traduit les attentes du justiciable, son concours sera inutile devant les
tentations des corrupteurs ou les pressions implicites ou explicites du pouvoir exécutif. Ne dit-on pas
« l’acariâtre justice noie les meilleures volontés »1063, par ce que « si la justice manque à sa
vocation, ce sera donc le désordre, un désordre organisé, certes, mais régit par la loi du groupe
dominant »1064. « Summum jus summa injuria »1065. Malheureusement, dans notre pays la justice
est encore dominée par la protection du pouvoir exécutif. La nouvelle Constitution marocain1066
définie dans l’article 107 que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du
pouvoir exécutif ». Mais, cette disposition n’est pas encore concrétisée sur le plan réel. « Le pouvoir
judicaire est considérée comme partie intégrante du pouvoir exécutif, comme étant simplement une
branche de ce dernier »1067. C’est un simple service de l’Etat, une administration dominée par les
gouvernants. La Justice marocaine a toujours été contestée malgré les différentes tentatives de
réforme promise. Cela dit, rien de concret n’a été constaté dans la pratique. Les causes expliquant
cet état de fait sont multiples, puisque certaines sont d’ordre juridique, d’autres sont politiques ou
économiques. Mais toutes révèlent l’existence de graves dysfonctionnements du service public de la
Justice. La gravité de la crise de la Justice, les modalités d'organisation et les conditions de
fonctionnement de ses services nécessitent une mûre réflexion sur les mesures à prendre pour
mettre fin au grave déséquilibre institutionnel que tout le monde déplore. Nous pouvons résumer les
causes juridiques dans la complexité des procédures et la lenteur de l’appareil judiciaire pour rendre
un jugement définitif et exécutable. Comment peut-on respecter le fameux « nul n'est censé ignorer
la loi » alors qu'il existe des dizaines de textes juridiques, dont certains ne sont jamais appliqués ou
ne sont pas connus des professionnels eux-mêmes? Les lois sont aujourd’hui trop complexes. Cela se
traduit par le fait que les décisions rendues par la Justice sont souvent critiquées, ce qui porte
atteinte à sa crédibilité. Cependant les causes politiques et économiques conditionnées par la
volonté politique et par la situation sociale, économique et politique actuelle. Le degré de protection
des Droits de l’homme reflète la qualité de cette volonté. L’intervention massive de certains
dirigeants politiques dans le système judiciaire et la répression des opposants par ce même système
contribuent également au dysfonctionnement de la Justice. Le système politique qui règne produit
une Justice à sa mesure pour défendre ses intérêts, d’abord, et pour donner une image fausse sur sa
vérité. Voilà pourquoi il faut libérer le juge du politique. L’indépendance du juge à l’égard des
pouvoirs publics se manifeste par la privation d’une telle influence sur la résolution d’un litige en
particulier. Aucun pouvoir ne doit exercer de pression pour inciter un juge à statuer dans tel ou tel
sens puisque le vrai rôle de ce dernier est de rétablir la justice sociale, de protéger les enfants et leur
famille, de réconcilier les couples, de redresser les entreprises en difficulté… En général, il doit
exercer sa mission traditionnelle qui est celle d’appliquer le droit.

Le droit et le politique doivent être ainsi distingués pour que le juge pense et raisonne en
termes juridiques. Il n’est pas censé exprimer la volonté des politiciens, mais protéger les droits des
citoyens. Max Weber disait que le grand progrès de la société c’était de distinguer la politique et le
droit. Par ailleurs, plusieurs juges se montrent complaisants vis-à-vis des autorités publiques sans
aucune pression ou instruction écrite ou verbale. Ce sont des serviteurs de la sphère politique.
S’ajoutent à cela, la crise économique et la pauvreté budgétaire de l’institution juridictionnelle qui
impactent négativement la Justice. Les moyens financiers limités rendent difficile l’accès au droit et à
la Justice. Or, tous les citoyens ont besoin d’être assurés par le droit de pouvoir avoir facilement
accès à la Justice. Beaucoup de citoyens ont été lésés dans leurs droits ou ont souffert du retard
avant d’y accéder. Ce qui est en contradiction avec l’esprit même de la Justice qui veut que chacun
soit en droit d'obtenir dans un délai raisonnable un jugement qui sera effectivement exécuté. «Si l’on
admet qu’une loi qui confère un droit ne l’assortisse pas d’un recours effectif devant un juge, la
garantie des droits n’est plus assuré»1068. Une réforme de fond apparaît désormais indispensable
pour sortir la Justice de son marasme. Cette réforme doit concerner toutes les composantes de la
Justice, notamment les juges, les greffiers et les auxiliaires de Justice, notamment les avocats. Il faut
absolument simplifier les procédures comme la carte judiciaire et limiter la sphère d'action de la
Justice à la protection des valeurs essentielles. Il faut aussi respecter la séparation des pouvoirs et
donner aux juges une totale liberté pour conférer une transparence aux décisions de Justice. Les
citoyens marocains exigent de leur Justice qu’elle soit la meilleure possible, et par conséquent la plus
proche de la vérité et de l’équité, parce qu’en fin de compte ce sont eux qui en subissent les
conséquences. La Justice doit être au service du citoyen. Le ministère de la Justice doit constituer une
commission de réflexion sur cette situation alarmante que vit notre Justice et doit regrouper toutes
les composantes de la société : juges, avocats, experts, députés parlementaires et professeurs
universitaires pour proposer un plan urgent et concerté de la réforme dela Justice. Aussi,
l’indépendance des juges à l’égard des autorités publiques nécessite l’instauration d’un organe qui
doit être lui-même indépendant et ayant pour mission d’assurer et protéger cette indépendance.
Selon l’article 82 de la Constitution « le pouvoir judiciaire est indépendante du pouvoir législatif et du
pouvoir exécutif ». Elle doit être réellement indépendante. Elle est aussi assurée par l’article 108 de
la Constitution : « Les magistrats du siège sont inamovibles ». Ce principe d’inamovibilité signifie
qu’un magistrat du siège ne peut pas faire l’objet de la part du gouvernement d’une décision
arbitraire. Une mesure ne peut être prise à son encontre que dans les cas et selon les conditions
prévues par la loi1069. Mais sur le plan pratique rien n’est assuré. Aussi notre nouvelle constitution
doit se borner à instituer des mécanismes propres à garantir la séparation des pouvoirs, afin
d’assurer l’indépendance de la magistrature. Il est vrai que notre nouvelle constitution parle du
pouvoir judiciaire, mais il confie au chef de l’exécutif le soin de garantir son indépendance. Au plan
constitutionnel, il paraît tout de même un peu curieux de confier au chef du pouvoir exécutif la
mission de garantir cette indépendance. C’est impossible d’être un chef d’exécutif et en même temps
garant de l’indépendance judicaire.
Il faut également créer un organe indépendant qui reçoit les plaintes relatives au
fonctionnement de la Justice et de prévoir des sanctions ou réformer le Conseil Supérieur du pouvoir
judiciaire, en facilitant les modes de sa saisine par les particuliers. La Justice ne signifie pas seulement
l’institution, mais aussi la vertu qui rend à chacun sa part. Dans ce sens, nous avons besoin d’une
nouvelle déontologie, d’un nouveau juge, d’une nouvelle éthique, de nouveaux tribunaux… qui
soient fidèles à cet esprit de la vérité. A l’instar du législateur français, les rapports de l’inspection
générale des services judiciaires doivent être rendus publics pour que l’opinion publique constate le
dysfonctionnement ou le fonctionnement de la Justice qui doit garantir le respect de leurs droits. Et
ce pour restituer la confiance des justiciables déjà secoués et qui sont de plus en plus nombreux du
douter au fonctionnement de la Justice.

En 1998, la Charte européenne sur le statut des juges, élaborée dans le cadre du Conseil de
l’Europe reconnaît à chaque citoyen le droit d’ « avoir la possibilité de soumettre, sans formalisme
particulier, sa réclamation relative au dysfonctionnement de la Justice à un organisme indépendant.
Lequel a la faculté, si un examen prudent et attentif fait incontestablement apparaître un
manquement d’un juge, d’en saisir l’instance disciplinaire», et ce dans l’intérêt des justiciable et de la
Justice. Il faut repenser la place du juge dans notre société et définir exactement sa mission. La
dénaturation de sa mission provoque une déviation grave de l’objectif de la Justice induisant une
méfiance totale des citoyens vis-à-vis d’elle. Par ailleurs, il faut que nos juges se spécialisent dans une
matière pour être plus efficaces et plus rentables, et doivent opter une fois pour toute en faveur du
siège ou du parquet ; il faut aussi augmenter le nombre des magistrats pour pouvoir faire face à la
demande judiciaire de plus en plus abondante afin que notre système judiciaire soit un facteur
d’intégration et de stabilité sociale. Si il ne rempli pas son rôle, «les citoyens, confrontés à
l’impossibilité de faire valoir leurs droits devant l’institution judiciaire, finiront par se faire justice
eux-mêmes »1070. De ce fait la fonction de la défense est une fonction intégrante de l’appareil
judiciaire, il y a une certaine osmose entre ces deux principales composantes, l’une ne pouvant
décoller sans l’autre. « Une justice sans défense n’est qu’une parodie »1071.

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